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CHRONIQUES DE POURPRE - Page 54

  • CHRONIQUES DE POURPRE 507 : KR'TNT ! 507 : EDGAR JONES / LUKE HAINES / GORDON HASKELL / CRASHBIRDS / Mr PAUL ET LES SOLUTIONS / ORIGINAL ANIMALS/ ROCKAMBOLESQUES XXX

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 507

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    21 / 04 / 2021

     

    EDGAR JONES / LUKE HAINES / GORDON HASKELL

    CRASHBIRDS / Mr PAUL ET LES SOLUTIONS

    THE ( ORIGINAL ) ANIMALS

    ROCKAMBOLESQUE 30

     

    Gare à Edgar Jones

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    Liverpool 1986 : comme tous les gens bien nés, l’ado Edgar Jones écoute Captain Beefheart, Syd Barrett, Love et les Yardbirds. Puis il tombe sur des compiles qui vont sceller son destin : Nuggets et Pebbles. Il s’amourache de toute la bande des Seeds, des Standells et des Chocolate. Il a 16 ans lorsqu’il commence à composer des chansons. Il est tellement sûr de lui qu’il se prend pour Scott Walker. En 1990, Edgar et ses copains Gerald Ged Lynn et Paul Maguire montent les Stairs. Pour Paul Maguire, c’est facile : chez lui, on est batteur de père en fils. Pour Ged aussi : il n’a qu’une seule obsession : jouer de la guitare. C’est ça ou rien. Pour financer le projet, Edgar joue de la basse dans le touring band de Ian McCulloch.

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    Ged se montre très vite impressionné par les compos d’Edgar : «He’s a bit of a genius on the sly, that lad.» Les Stairs arrivent en Angleterre comme une bouffée d’air frais : ils dégagent une énergie peu commune et Edgar chante comme un dieu, avec ce gnarl and bite qui fait si cruellement défaut à la britpop de 1992. Le problème c’est que Ged doute de lui-même. Il devient vite ingérable. Il doute tellement de lui qu’il se barre à Frankfort au lieu d’entrer en studio le jour où démarrent les sessions d’enregistrement des Stairs. Il pense qu’Edgar joue mieux que lui - So I got myself out of the picture - Quand il revient, Edgar et Paul lui pardonnent. Les Stairs démarrent avec le mythique EP Weed Bus, un cut qu’on retrouve en ouverture de bal d’A sur le fameux Mexican R’n’B. «Weed Bus» ? Là, t’es en plein dedans. Les Stairs réinventent le British Beat yeah yeah yeah, la niaque en avant et les accords psyché en soutien, ça sonne à la liverpuldienne, Edgar ne se gare pas, il fonce dans le tas yeah yeah yeah au volant d’un weed bus digne du Magic Bus des Who, mais avec des chœurs de voyous. Mexican R’n’B figure parmi les grands classiques du rock anglais, ne serait-ce que par la présence de «Mary Joanna» : Edgar est en colère, il explose le pauvre garage au yeah yeah yeah. Il est encore plus violent que Van Morrison, comme si c’était possible. Il crache du feu et le solo ravage le camping, les accords pilonnent la plèbe, pas d’échappatoire, les Stairs sont en ville et battent tous les records de sauvagerie. Ils passent au psycho psyché avec «My Window Pane». Edgar y chante ses bas-fonds, ça tortille sec en bas de manche de basse et ils foutent une fois de plus la ville à sac. C’est du dirty garage psychotique, tout est claqué du beignet et accompagné d’awites d’une sauvagerie hallucinante. Edgar chante dans le fonds de commerce des Stairs, à la bonne éclate. Il n’en finit plus de croasser, sans doute en souvenir de François Villon. Quel fabuleux mélange de mix : punk + psyché sixties et c’est noyé d’écho à la con. Il chante la pop descendante de «Laughter In Their Eyes» avec le swagger d’un Droog d’Orange Mécanique. Il sublime la délinquance, il déchire sa chanson avec ses ongles. Ils tapent dans la Russie avec «Russian R’N’B», mais c’est avec «Right Back In Your Mind» qu’ils raflent la mise. C’est une stoogerie comme on en voit plus, c’est joué aux accords de «1969», voilà que les Stooges débarquent à Liverpool. Le truc des Stairs, c’est le dirty garage joué avec une ferveur dévastatrice. Ils vont loin dans le cloaque, wight in the back of yer meeend. Terrific ! C’est même les Stooges en pire, en plus gluant. Personne ne peut descendre aussi bas dans la déjection, même pas les déjecteurs. Edgar croasse sur son gibet et les redémarrages sont de la pure stoogerie. Autre bombe : «Woman Gone And Say Goodbye» : Edgar l’attaque à coups de dents de requin, yeah yeah yeah. Il y a du Proby et du Fog en lui. Il chante tout à l’excès.

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    Le petit conseil qu’on pourrait donner aux amateur de real deal serait de se procurer la red de Mexican R’n’B parue en 2019 sur Cherry Red. C’est un triple album qui rassemble TOUT ce qu’ont enregistré les Stairs, et notamment la fameux deuxième album jamais paru. À la suite de Mexican R’n’B s’entassent des bonus plus enragés les uns que les autres, comme ce «Flying Machine» assez teigneux, bardé de big guitars et d’appels du cor. Ils sont spectaculaires dans l’exercice du pouvoir. Edgar chante comme Roy Loney dans «When It All Goes Wrong» et il revient aux Them de 64 avec «You Don’t Love Me». Effusion maximaliste, you don’t care ! C’est violent et caverneux à la fois, ils explosent le concept du gaga à coups de descentes de bassmatic, il n’existe rien de plus hargneux qu’eux, sauf peut-être les Hammersmith Gorillas, mais là, Edgar Jones va encore plus loin. Il braille tout ce qu’il peut brailler. Voilà un «Russian Spy and I» cavalé ventre à erre, il exhorte l’ersatz à dégueuler l’excerpt. Ils tapent plus loin une reprise d’«I Can Only Give You Everything». Wow, quel bel hommage aux Them ! Full tempo, tout est là. La flamme et la hargne, il n’y a que ça de vrai. C’est l’une des meilleures covers jamais enregistrées, cause I try and I try, le solo brise les reins du cut et Edgar revient hurler dans la cave du beat, ô violence mère de tous les vices ! Il attaque encore «Fall Down The Rain» aux dents de la mer. Il est certainement le shouter le plus wild d’Angleterre. On ne trouve plus personne à ce niveau d’exaction, même pas les Shadows Of Knight, ni Roy Loney. Edgar Jones est un punk de Liverpool, un amateur de push push.

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    Le disk 2 s’ouvre sur «Last Time Around». Stupéfaction garantie. C’est du niveau des early Them avec quelque chose de Liverpool en plus. Il faut rappeler que ce hit des Del-Vetts fut popularisé par les Cynics. Quand on écoute «I Won’t Be Bad Again», on pense à un gang de sales branleurs qui préparent un coup fourré. Quelle délinquance dans le son ! Le pire c’est qu’Edgar n’en rajoute pas, il tape ça au swagger naturel. On trouve plus loin leur reprise du «No Escape» des Seeds. On retrouve aussi une démo de «Flying Machine». Edgar y écrase le champignon du punk system. Il chante à la pure expansion démographique, son refrain explose dans l’air humide, c’est un phénomène inconnu qui fait rêver tous les scientifiques, son punky strut éclate à la face d’un monde qui s’en fout royalement. Ils jouent «My Window Pane» à l’enfoncé du clou de beat fatal. C’est signé Paul Maguire. Power & beat, voilà les deux mamelles des Stairs. Ged cisaille à coups de guitare, les Stairs jouent à la vie à la mort. On le constate une fois encore avec «Right At The Back», il n’existe rien de plus stoogé du ciboulot que ce truc-là. Edgar fait son Iguane in the back of your mind sur les accords de «TV Eye», ça brûle tout seul, pas besoin d’aller craquer une allumette. Ils ramènent même un solo d’orgue dans la fournaise. Iggy n’aurait jamais imaginé un tel délire. C’est fulminant, ça se termine dans des tourbillons jusque là inconnus. Il faut aussi voir Edgar Jones ramener des descentes de gamme dans «Out In The Country». Il règne sur Liverpool - It’s alrite by me - On note aussi l’extraordinaire modernité de la pop d’«Happyland», bien incurvée par des poussées de bassmatic. Ils font un fin expiatoire. On croise ensuite une nouvelle version de «Weed Bus», monster on the loose éructé à l’ancienne, ils font carrément les Who à la mode de Liverpool. Voilà leur reprise du «Moonchild» de Captain Beefheart. Riff et harmo, une vraie imprimatur de British Beat. Ils sonnent encore mieux que les early Stones ! «Stop Messin’» vaut pour un heavy groove de Liverpool, mais avec Edgar, ça prend de drôles de proportions. Les Stairs ont le génie du power, c’est saturé de heavyness et chanté à gorge déployée. Ici tout est solide, extrêmement chanté et joué à outrance. Ils se fondent dans leur son comme d’autres se fondent dans l’ombre. Joli coup de freakout que ce «Snake Baker». C’est carillonné au sommet de l’art. Ils n’en finissent plus d’émerveiller la populace. Ils reviennent à deux reprises dans le flow du cut au diguili expérimental. Encore du power définitif avec «Custard Flys». Edgar Jones a décidé de nous en boucher en coin. On pense à tous les malheureux qui n’ont pu rapatrier ce coffret magique. Les Stairs sont trop puissants. On sort épuisé de ce disk 2, d’autant qu’ils bouclent avec un «Just A Little Sunshine» bien travaillé au corps. Les Stairs sont les spécialistes du wild ending.

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    Sur le disk 3 se niche le deuxième album inédit, celui que Viper a publié en 2008 sous le titre Who Is This Is. Pourquoi inédit ? Tout simplement parce que les Stairs n’intéressaient plus personne, pas même leur label de l’époque. Ça paraît difficile à croire et pourtant c’est la vérité. «Skin Up» ? Power & damnation ! Ils détiennent le pouvoir du rock antique, ils dégomment tout, y compris Blue Cheer et Motörhead. C’est le son des Stairs, battu à l’épisodique et chanté à la hargne du fauconnier. «It Was Alright» sonne comme une vieille crise de frappadingue. Ce démon d’Edgar Jones ne s’épargne aucune crise de transe. Il est aussi puissant qu’Eric Burdon. Il travaille son «Gotta Reason» au corps, il y a du shouter en lui et des enclaves mélodiques dans ses aspirations, il saigne son rock aux quatre veines, il taille à la serpe, il monte sa levure au levant, il manufacture à la liverpuldienne. Retour la heavyness avec ce «Stop Messin’» indescriptible de sauvagerie. C’est quasiment du Beefheart. On sent chez Egar Jones une profonde volonté d’annexion, il arrose sa heavyness de bassmatic et quand il descend dans les entrailles du son, ça devient apocalyptique. Tout chez eux est saturé de chant, de riffs, de bassmatic errant et de pompes dignes de la Rome antique. Ils n’en finissent plus de créer la sensation, comme le montre encore «Happyland». Ils défient l’entendement. Ils font toujours des cuts à rallonges émaillés de regains inespérés de violence sonique. Avec «Set Me Free», ils sonnent comme un ras-de-marée. Nouvelle merveille inexorable avec «Talking To You» et ils poussent la cavalcade insensée de «Teenage Head Cancer Blues» jusqu’à la nausée. Le guitar slinger joue en solo continu, Edgar bouffe son Cancer tout cru et après une fausse sortie, ils se remettent en route. Ils sont les grands spécialistes de la fausse sortie, ils reviennent juste pour démonter la gueule du cut. On entre avec «Cabbage Man» au royaume des bonus magiques. Edgar y monte sur ses grands chevaux et télescope une pop de wild beatlemania. Il la secoue de vagues psychotiques d’une rare violence. On a là un mélange terrible de hargne garage et de psychédélisme haletant, c’est blasté à l’Anglaise dans l’essence d’un spasme névrotique. Encore un final débilitant de génie fulminant. Ils basculent dans un enfer de mad psyché avec «Love Has Come Around And Gone Away». On peut même dire sans craindre la surenchère qu’ils expédient la mad psyché en enfer, droit dans la Rôtisserie de la Reine Pédauque. Comme l’indique son titre, «Driving Me Out Of My Mind» fait sauter tous les verrous. Edgar Jones connaît toutes les ficelles de caleçon du blast. Il nous plonge une fois de plus en pleine mad psyché d’excès mortel. Il n’existe rien de pire dans le genre. Il faut les voir sonner les cloches de la mad psyché. On n’avait encore jamais vu un truc pareil. Edgar refait son Burdon dans «I Saw Her Today». C’est dire s’il est bon. Il chante ça à la folie Méricourt. S’ensuit un «Do It To It» assez explosif, mais plus commun, même si rôdent dans le son les chœurs de Sympathy For The Devil. Comme il sait si bien le faire, Edgar allume le feu et crame toute la forêt. Ce psychopathe chante dans les flammes avec la voix d’une grenouille qu’on écrase lentement du talon. Fin de la rigolade avec «I’m Bored». Edgar Jones fait son cirque jusqu’au bout de la nuit des Bonus de cristal, il se meut dans un groove putride. Il est le roi du monde, mais personne ne le sait.

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    Paru sur Viper en 2006, Right In The Back Of Your Mind est une resucée de tout ce qui figure que le coffret magique pré-cité. Autant prévenir : cet album est encore une bombe. Ils sonnent comme les Beatles avec «Happyland», un énorme slab de pop orchestrée joué à ras des pâquerettes du Walrus, fabuleux retour sur investissement. On croise tous les cuts prédateurs, le stoogien «Right In The Back Of Your Mind» et «My Window Pane», chef-d’œuvre de punk psyché. Ils amènent «You Don’t Love Me» au pire garage de l’univers. Attention les gars, il s’agit des Stairs, avec ce boucher d’Edgar derrière le micro qui, en plus, descend ses gammes de basse. Il n’existe rien d’aussi sauvage en Angleterre. Ils battent tous les records, même ceux des Pretties. On comprend bien qu’avec «Fall Down The Rain», ils cherchent par tous les moyens à créer la sensation. Alors la voilà, la sensation, Edgar lui rentre dans le lard au punkish mood et un énorme solo psyché vient le conforter dans sa démarche. «It Was Alright» redore le blason du stomp de Liverpool. Et puis avec «Cabbage Man», ils plongent dans les Beatles avec une attitude de punksters. Ils se situent au-delà de tout ce qu’on sait du rock anglais. Ils shakent à outrance.

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    C’est en 2008 que Viper sortait le fameux deuxième album inédit des Stairs sous le titre Who Is This Is avec un chou en guise d’illustration pour la pochette, mais ce n’est pas l’Homme à la tête de chou. C’est l’occasion de revisiter toutes ces merveilles déjà évoquées, comme ce «Stop Messin’» où Edgar Jones fait son Beefheart. C’est dire s’il a du pouvoir. Et ça solote à la titube dans cette fabuleuse fuite en avant. Il fait son white niggah de Liverpool dans «When She Walks Down My Street». Qui saura dire la grandeur de sa négritude ? Il chante «Teenage Head Cancer Blues» à l’arrache de Wilson Pickett et «See Her Today» comme un punk qui serait dépassé par ses émotions, mais attention, il perd du crédit en voulant trop dégueuler.

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    Le dernier album des Stairs est une compile intitulée The Great Lemonade Machine In The Sky. Elle couvre la période 1987-1994. Edgar Jones y commente chaque cut et le petit conseil qu’on peut vous donner est de courir chez votre disquaire pour aller choper ce truc-là, rien que pour la version live de «Little Red Book», spectaculaire hommage au roi Arthur, joué avec tout le tranché du tranchant liverpuldien. Fantastique exaction que ce labour of Love. On trouve pas mal d’inédits, comme ce «Fall Down The Rain» prévu pour un EP et qui sonne comme une incroyable descente de garage liverpuldien. Ça dégomme sec dans la gomme arabique, Edgar chante à la big mouth de Northern swing. Ils font une reprise du «Moonsine» de Captain Beefheart, véritable leçon de ravalement de façade, ça frotte à qui s’y frotte s’y pique. C’est bardé d’harmo dévastatoire. Ils reviennent au pandenium des Sixties avec «Flying Machine» et une voix qui entre dans le cut à l’insistance du deep throat, mais avec quel power, you know what I mean. Et ces lignes de basse en forme de déploiement nucléaire ! Edgar ressort aussi une version abandonnée du «No Escape» des Seeds. Ils enregistrent «Do Dag Do» chez Liam Watson. Edgar parle de Barrettesque chord changes ans twists and turns & Daniel Kierney on guitar. Joli shoot de mad psyché ! Encore du mayem avec «Snake Baker» et sa jolie montée en vrille. Back to the Toe Rag sound avec «Custard Flys». Pure frenzy, parfaite giclée d’excellence liverpuldienne, c’est littéralement bardé de son. Ces mecs caressent le génie sonique dans le sens du poil. Edgar gueule avec le charisme d’un John Lennon éperdu de drogues et ça donne un stupéfiant miasme de miasma psychédélique. Edgar dit adorer cette horreur déconnante qu’est «Shit Town» et ça vire jazz avec «Good Lovin’». C’est une home démo enregistrée avec Carl Cook. Quelle classe ! C’est très évolué musicalement, et Edgar joue un jazz bass drive. Ils passent à la menace urbaine avec «I’m Bored». Sur «I Saw Her Today», Edgar sonne comme le Comte Orlock de Liverpool et ils finissent en beauté avec «Do It To It», un garage d’émulsion hybride à peine voilé et chauffé par un coup de wah en plein cœur du sun.

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    En 2005, Edgar Jones enregistre l’excellent Soothing Music For Stray Cats. On entre dans cet album via un groove de jazz saxé de frais. Bienvenue chez les géants de Liverpool. Les cuts sonnent comme des explorations d’archipels inconnus et l’Edgar crée soudain la surprise avec «Freedom». Il y bouffe sa Soul toute crue, comme un requin. Il passe au shuffle d’exception avec «Sittin’ On A Fence». On se croirait chez Graham Bond. Même esprit d’explosivité. L’Edgar a du génie mais peu de gens le savent, c’est dramatique. Il faut le voir jouer avec le vieux jump d’Angleterre dans «More Than You’ve Ever Had» et il se livre à un nouvel exercice de style avec «Stubborn Mule Blues». Sa voix craque dans l’air du temps, il ramène du groove ancestral. C’est effarant de passéisme. Il va au raw comme d’autres vont aux putes. Il revient au jump avec l’excellent «You Knew You Can Do It», mais il le fait jusqu’à l’os du genou, son jump est si humide qu’on le croit chanté par une femme. Pur génie interprétatif. Il ramène toute l’énergie du rockab dans «Catnip». C’est inespéré. Il va au-delà de toute expectative. Il mélange le drive de rockab avec une morve de fuzz. Il passe au New Orleans avec «Tenderly», eh oui, il se permet toutes les fantaisies. Voilà encore un cut bardé de son, avec des cuivres extraordinaires et du pouet à gogo. Il envoie ensuite un «Gonna Miss You When You’re Gone» groové à la stand-up. Il groove dans la chaleur de la nuit, comme Sidney Poitier. Le guitariste s’appelle Paul Molley et c’est un crack de Liverpool. Et voilà qu’il tape dans le gospel de Liverpool avec «Oh Man That’s Some Shit» avec une effarante facilité. Vous avez déjà entendu le gospel de Liverpool ? C’est très particulier car bien niaqué. Edgar Jones y fait du Little Richard. Il termine avec un shoot de funk intitulé «It’s My Bass». Il le fait pour de vrai, avec du bass drop de funk. Pas étonnant que cet album subjugue les Shindigers.

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    Comme le succès le boude, Edgar Jones passe son temps à remonter des groupes. En 2007, ils démarre une petite série d’albums avec une formation qu’il baptise Edgar Jones & The Joneses. Leur premier album s’appelle Gettin’ A Little Help... From The Joseneses et s’ouvre sur un «The Way It Is» magnifique de garagisme. Edgar Jones sonne comme Van Morrison. Il est sans doute le plus grand chanteur anglais vivant. Il sort des accents sublimes. Il fait son white nigger dans «We Should Get Together» et screame quand bon lui semble. On sent chez lui un goût prononcé pour Fats Domino («More Than You Ever Had») et il nous refait le coup du hit de juke avec «Need For Lovin’». Il peut aller aussi loin dans l’affirmation que Tom Jones. Il tape dans Gershwin avec «Summertyme» et se paye de luxe de chanter comme Nina Simone. Il redevient le fou masqué de Harlem pour «(Ain’t Gonna Be Your) Fool No More». C’est jazzy à en mourir, ce mec s’amuse et donne des leçons de swing ultimes. On se régale aussi de l’instro «About Time», juteux, énorme et passionnant.

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    Il existe aussi un EP trois titres d’Edgar Jones & The Joneses qui s’intitule The Way It Is. Ils sont en plein British Beat, entre les Animals et les Stones, c’est monté sur un Didley Beat avec une guitare fuzz dans le fond. Shuffle de rêve, c’mon, carnassier à souhait. Il s’en va ensuite swinguer «Nothin’ Doin’» comme un vieux Rolling Stone, before I really lose my mind. Il sait de quoi sont faites les choses de la vie. Beautiful artifact. Impossible de faire mieux que ça.

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    L’année suivante paraît Live We Should Get Together. Difficile de faire l’impasse sur un live pareil. Le morceau titre vaut tout l’or du monde. Edgar chante sa Soul, accompagné de violents coups d’acou. Il rend le plus beau des hommages à Big Dix avec «My Babe». Pas de plus belle excellence cathartique. Il est fabuleusement relayé par la wild guitar de Jamie Backhouse. Et puis Edgar se met à chanter le groove des jours heureux de Liverpool : «I Let A Song Get Out Of My Heart». Il le hatche à la gorge. C’est tellement énorme que ça devient irréel. Ils font une Soul de rêve et les chœurs sont du pur Motown. Ils passent par tous les stades du shuffle, ils le font à l’Américaine et c’est là où ils sont très forts. À la sortie d’un solo, Edgar pousse un yeah d’antho à Toto. Il sait aussi faire son Beefheart avec «Do Doh Doncha Doh». Il gère bien son haut de gamme inexorable. Il revient faire son black avec «More Than You’ve Ever Had», il fait du purisme absolutiste, personne ne peut battre Edgar Jones à ce petit jeu. Ils partent en mode Diddley beat dans «The Way it Is». Edgar, c’est Aretha, alors rien ne peut l’arrêter. Si on ne l’a pas compris, c’est qu’on a un problème. Un petit groove de basse amène «You Know You Can Do It». Ce fuckin’ Edgar sonne comme Louis Armstrong. Il jive son dub de round midnite. «We Should Get Together» sonne comme un shoot de yeah. Ce démon cavale dans les escaliers. Il chante au bouffe-tout, il est dans l’inexorabilité des choses et pour faire le show, il ressort les pom pom pom des Chambers Brothers. Real deal.

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    Avec The Masked Marauder, Edgar Jones & the Joneses vont encore passer inaperçus. Bon c’est vrai qu’on observe un retour au calme, après les excès des Stairs. Edgar va plus sur le groove, comme le montre «All The Things You Are», bel exemple de groove pépère. Mais c’est aussi le meilleur groove pépère qu’on ait entendu depuis des lustres. On sent chez eux une détermination à vouloir surprendre. En fait, c’est un nommé MM qui chante. Edgar Jones se contente du bassmatic. On reconnaît son style très vite. «Sunshine» sonne comme un vieux groove irrésistible assez parfait et bien swingué au sax par un nommé Austin Murphy qu’on salue bien bas. Et puis voilà le coup de génie de l’album : «It’s Great To Be Straight With One Another», un heavy blues handicapé de léthargie maximaliste, avec un Edgar qui chante au fond du studio. C’est d’une heavyness fluide incroyable ! L’album se termine avec un «Once There Was A Time» groové comme il se doit. Bassmatic irréprochable. Mais aucune info sur ce MM.

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    The Edgar Jones Free Peace Thing enregistre Stormy Weather en 2011. Au dos, on nous prévient : «What you have presently in your hands is one of the most incendiary albums you are likely to hear by a band on fire... Shake it loose !». Justement, ça démarre en trombe avec un «Shake It Loose» ex-plo-sé de son. Back to Liverpool, les gars ! Aw c’mon ! C’est de la folie de c’mon, pulsée au scream local. Ils sont trois, Edgar, Stu Gimblett on guitar et Nick Mimski on drums. Ce démon d’Edgar plombe sa descente aux enfers de notes de basse. Le morceau titre sonne plus funky et ils partent tous les trois en groove de jazz. C’est très impressionnant. Encore du funk de Liverpool avec «Statistical Knightmare». Ils fendent la bise tous les trois. C’est sans doute le Northern groove qu’auraient rêvé d’enregistrer les Beatles. S’ensuit un «I Don’t Need Your Roses» d’une grande densité compulsive. C’est très barré. On pense bien sûr à Jackie Lomax. «Big Fanny» sonne comme un retour de manivelle. Back to the heavy groove avec «Good Luvin’», c’est bien vu et bien envoyé, ce mec dispose d’une réalité vocale sans commune mesure et c’est mené au puissant swagger d’electric guitar de Liverpool. Wow, ça wahte à la désirade. Ils s’en vont ensuite groover «Hot Potatoes» par dessus les toits. Edgar et ses deux amis disposent d’une force de frappe peu commune. Trop de qualité peut dérouter les flux migratoires, mais qu’on se rassure, Edgar Jones peut faire son Steve Marriott quand ça lui chante, d’autant que la Patate chaude sonne comme du heavy Pie. Et c’est encore avec un clin d’œil appuyé à Humble Pie qu’ils finissent cet album : le cut s’appelle «Bones» et il porte bien son nom.

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    En 2012, Edgar doit comprendre qu’il est condamné à l’underground et donc il entreprend l’enregistrement d’une petite série d’albums sous le nom d’Edgar Sumertyme. Le premier s’appelle Sense Of Harmony. Comme les albums solo de Jack Yarber aux États-Unis ou de Steve Ellis en Angleterre, ceux d’Edgar Jones provoquent, une fois rapatriés, une sorte d’immense satisfaction. C’est parce qu’ils sont condamnés aux ténèbres de l’underground et donc mal distribués qu’ils prennent toute leur valeur car ils illustrent à merveille l’expression ‘démarche artistique’. Avec «On And On», Edgar fait de la heavy pop avec une aisance qui en impose. Son groove rappelle celui de Bobbie Gentry. C’est une belle pop explosive et sans prétention. Il prend résolument le parti de la pop underground avec «Bye And By». Les amateurs de psyché obscur vont s’y retrouver. Il faut dire que l’album est quand même un peu spécial. Très far-out. La face cachée du White Album. Edgar se demande dans «Sunfday Afternoon» ce qu’on peut faire un dimanche après-midi. Il devient carrément spectorien avec «It Can Only Be You». Ça se cogne un peu au mur du son et c’est tellement admirable d’overdrive que ça devient énorme. Il chante «I Would Do Anything» comme un dieu, ou plus exactement, il chante derrière le cut. «What Are You Gonna Do» est une sorte de régal, mais c’est uniquement parce qu’il s’agit d’Edgar Jones. Sinon, il est probable que ça passerait à la trappe de Père Ubu. Edgar shake son shook tout seul en Angleterre, ça sonne comme un hit de Phil Spector mais sans le Wall, avec une mélodie chant génialement sale. Ah il faut écouter ce mec-là. Il passe au petit pulsé avec «Beep Beep» qu’il fait bien and again and again and again et joué à l’espagnolade. Et puis on se régalera aussi du joli groove d’exotica en forme de vieux compromis de «Wishing Well», une pure merveille. On a envie de serrer la pince à Edgar Jones pour le remercier.

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    Edgar Sumertyme revient dans l’actu en 2013 avec un album mi-figue mi-raisin : Morphic Fields. Il y joue sa pop à la pointe du bassmatic, comme le montre «Sense Of Wonder», c’est excellent car doucement balancé, mais ça s’arrête là. Il fait un peu de glam à la T. Rex avec «Making Good Of Nothing» et un vieux renvoi de da loo da da da. Tout est très pop, ici, Edgar cherche sa chique dans la vieille pop de Liverpool. Dans «Revolutioning All Around You», il ramène une belle pop psyché qui nous renvoie tous aux Beatles de Revolver. Il tente sa chance à chaque cut. On le perd un peu avec «Long Dark Night Of The Soul» où il tente le coup de la house electro. Il retente une fois encore d’allumer son album en sonnant comme Dave Edmunds dans «Honey Bear», une sorte de boogie à l’Anglaise, mais tout le panache d’antan semble avoir disparu.

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    En 2017, Edgar Jones sort un nouvel album dans la plus parfaite indifférence. The Song Of Day And Night est un album pour le moins étrange, car coupé en deux : une A géniale et une B foireuse. Le seul cut sauvable de la B est celui qui ouvre la bal, «Don’t Break My Heart», car c’est monté sur le beat rebondi de «Lust For Life», alors ça marche à tous les coups. Mais si on cherche de la viande, il faut rester en A : tout y est excellent. Dès «Serendipity Doo», Edgar Jones joue la carte du doo-wop d’Angleterre. Ce mec va vers la black avec une facilité déconcertante. Avec «Wait», il se conduit en parfait white nigger. Il mouille sa syntaxe comme d’autres mouillent leur chemise. Il pratique le white-niggerisme à un très haut niveau. Encore une merveille avec «Keeps A Rollin’ Round In My Head». Il shake son groove comme un roi d’Angleterre. Les choses sont ici bien soupesées, comme dans les grands albums de Soul. Edgar joue sa carte du timbre groovy avec un brio exceptionnel. Il finit l’A avec «Thinkin’ Bout The Time». Back to the heavy psychout des stars. Ah comme ces mecs sont bons ! Encore un hit en puissance, Nina Jones chante avec lui et ça donne un duo effarant de tenue et fuzzé jusqu’à l’os du genou.

    Signé : Cazengler, Edgar routière

    The Stairs. Mexican R’n’B. Go! Disc 1992

    The Stairs. Mexican R’n’B. Cherry Red 2019

    Edgar Jones. Soothing Music For Stray Cats. Viper 2005

    The Stairs. Right In The Back Of Your Mind. Viper 2006

    Edgar Jones & the Joneses. The Way It Is. Viper 2006

    Edgar Jones. Gettin’ A Little Help... From The Joseneses. Viper 2007

    Edgar Jones & the Joneses. Live We Should Get Together. Viper 2008

    Edgar Jones & the Joneses. The Masked Marauder. Viper 2008

    The Stairs. Who Is This Is. Viper 2008

    The Edgar Jones Free Peace Thing. Stormy Weather. Viper 2011

    Edgar Sumertyme. Sense of Harmony. Viper 2012

    Edgar Sumertyme. Morphic Fields. Viper 2013

    The Stairs. The Great Lemonade Machine In The Sky. Viper 2015

    Edgar Jones. The Song Of Day And Night. Skeleton Key Records 2017

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    Paul Ritchie : The World Shall Not Be Saved. Shindig # 88 -February 2019

     

    Luke la main froide - Part One

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    Luke Haines est-il plus connu pour sa prose que pour ses disques ? Difficile à dire. Il fait des albums depuis trente ans, mais il écrit aussi des romans délectables et pond chaque mois une chronique dans Record Collector, qui est la première choses qu’on lit chaque mois. Vu l’énormité de l’œuvre qui au plan écrit n’a d’égale que son intensité, nous allons commencer par dire tout le bien qu’on pense de sa discographie et dans un Part Two, nous reviendrons sur l’écrivain. Et quel écrivain ! Luke la main froide pourrait bien être le Léon Bloy du XXe siècle.

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    Tout commence dans la joyeuse Angleterre des années 90, en pleine Brit-pop. Luke la main froide monte un groupe qui s’appelle les Auteurs et enregistre un premier album, l’excellent New Wave. On le voit chanter son «Show Girl» avec un certain allant et des accents à la Lennon. Il est donc assez balèze. Il retient bien l’attention, il propose un duveteux de chant appointé et connaît le secret des relances. Vas-y Luke, chauffe-nous la marmite. «Bailed Out» confirme que Luke est un chanteur racé. Il chante cet artefact de petite psyché à la langue fourchue. Et puis voilà un hit : «American Guitars». Il amène ça au heavy rock zébré d’éclairs beatlemaniaques. La brit pop de rêve est là, sur cet album. On assiste à une sorte de sacralisation de la psyché anglaise. Il revient en force avec «Don’t Twist The Stars» et l’éclate aux power-chords. Luke a le rock dans le sang, il joue à la grande envolée sanglée, le fouet claque et il reprend sa respiration. Il encercle plus loin son «Housebreaker» avec un certain talent - Your time is mine - Il profite de chaque cut pour lancer des échappées belles. On sent le mec parfaitement au point et il nous replonge avec «Valet Parking» dans un beau bain de jouvence. Cet album semble visité par la grâce. Encore de la heavy pop bien foutue avec «Idiot Brothers». Luke Haines chante ses couplets à la coule. Il dispose des deux mamelles de base : le son et la présence. Que peut-il espérer de plus ? A-t-on déjà vu un mec avec trois mamelles ? Non, évidemment. Sa heavy pop ne traîne pas en chemin. Quelle allure ! Globalement, cet album sonne comme une aventure extraordinaire. Les cuts se suivent et ne se ressemblent pas. Tiens, voilà «Early Years». Il en fait un petit rock blasté dans l’œuf du serpent, assez classique pour l’époque, avec les pattes qui s’écartent en dansant.

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    Alors après, les Auteurs, c’est vite vu. Luke la main froide s’imagine qu’il va conquérir le monde avec la petite pop pressée de Now I’m A Cowboy. Mauvais calcul. Dès «Lenny Valentino», on sent le côté typé de la rythmique. Avec «New French Girlfriend», il raconte l’histoire d’une poule française. Ça ne peut pas marcher, même s’il ramène des big power chords à l’inopinée. Il tente le coup du psyché de salon avec «The Upper Classes», mais Luke n’est pas Syd. Il doit rabattre sa superbe, même si le cut sort du lot. Il cherche la petite bête et ce faisant, il sait rester assez pur. On le voit ensuite torturer la pop au cello mais il tourne en rond. Ça sent l’album raté. Les années Brit pop grouillent d’albums inutiles de ce genre. Tout le monde enregistrait alors, sans rien avoir à dire. Luke joue la carte de la redite et finit par donner la nausée. Il tente à chaque cut de réveiller le dragon, en vain. Ça ronronne, jusqu’au dernier cut, «Daughter Of A Child». Le pauvre Luke est usé. On voit à travers.

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    Attention, After Murder Park demande un peu de temps : on y trouve un album entier de cuts perfidement intéressants, plus une rasade de bonus et en prime, un album live assez stupéfiant. Dès le cut d’ouverture de bal d’A, on sent un petite volonté de violence. «Light Aircraft On Fire» alterne le chant et les power chords douceâtres, mais mon pauvre Luke, ça ne fait pas un hit. Tu as encore beaucoup de choses à apprendre, toi qui te crois ce que tu crois. Well well, Luke, apprends à devenir modeste, c’est le seul conseil qu’on puisse donner au freakout freak que tu es, si féru de tout et de rien. Avec «The Child Brides», tu te fais porteur d’une parole underground estropiée. Ta pop sonne si faux, alors que sur ton premier album elle sonnait si juste. Ah quelle déconvenue ! Ta pop devient grotesque et inutile, prétentieuse et complaisante, méfie-toi. Mais on attendra que tu te reprennes, car on te sait capable de petits miracles. Puis avec «Land Lovers», ça dégénère. Ta pop est ridiculement mal foutue, comme empuantie et cousue de fil même pas blanc. On te prenait pour un mec bien. Puis, faute d’inspiration, tu te mets à enculer «New Brat In Town». Tout est gratté à l’avenant, c’est une catastrophe. Ce n’est pas parce que tu grattes tes cuts à marche forcée que tu vas sauver les meubles. Soudain, le ciel s’éclaire avec «Unsolved Child Murder». Luke va sur une pop enclavée de violons à la John Lennon. C’est très beatlemaniaque. Il enchaîne avec un «Married To A Lazy Lover» assez balèze, ça explose à coups de guitares destroy oh boy ! Luke réussit enfin à élever le niveau de la heavy pop à coups d’accords de guitare. Tout aussi énorme, voici «Buddha». Quel son ! Il ramène tout le son de la terre dans son happy birthday Buddha ! Stupéfiant ! Luke retrouve enfin la main froide. Il plonge encore dans le biz de la pop avec «Tombstone». Il y va, alors on l’écoute. Il est redevenu le maître du jeu. Comme Frank Black, il creuse le territoire aride de la pop pour créer ses palmeraies de pop baroque et il descend ensuite avec «Dead Sea Navigator» dans les tréfonds de la pop morbide. Au plan littéraire, c’est très solide, il chante toute l’horreur de la mésaventure, c’est noyé d’orgue et Luke se dresse comme un géant dans cette désolation. Il entame sa série de bonus avec un «Back With The Killer» qui ne marche pas. Il faut attendre «Former Fan» pour retrouver ces violentes tempêtes dont il s’est fait une spécialité. Il nous ressert une rasade de «Light Aircarft On Fire» bien bardée de son en suspension. Il n’en finit plus de remuer ciel et terre. On tombe plus loin sur la démo de «Buddha», c’est bien raw to the bone, il sonne presque comme Bowie dans «Space Oditty». Il a ce pouvoir. Il taille bien sa route dans le big fat sound d’«Everything You Say». C’est un Auteur, ne l’oublions pas. Il sait veiller au grain. Les albums qu’il propose sont des albums ardus. Il faut se bagarrer avec. Luke la main froide est un seigneur d’Angleterre. Il ramène aussi son cher «Tombstone», c’est du heavy Luke. Quand il va sur le heavy, il va sur le heavy. Il est brillant et seul dans la tourmente. Il fait une dernière pirouette avant de mourir. Il gagne du respect à chaque seconde. Il arrive chez John Peel avec «Kids Issue». Forcément, il en rajoute des caisses. C’est du Luke tout craché. De toute évidence, il cherche à séduire Peely. Luke est un caméléon, il va là où le vent le porte. Sur l’album live, il rend hommage à Kenneth Anger avec «Kenneth Anger Bad Dream» - This is a song about Kenneth Anger, the pornographer - Sur scène, deux cellos et trois violons l’accompagnent. Il revient à son cher Buddha et transforme «Married To A Lazy Lover» en petite merveille pop. On croit entendre les Beatles, tellement c’est bien foutu. Il ressort aussi son vieux «American Guitars» tiré du premier album. Big heavy sound ! Il fait claquer les American guitars, c’est énorme ! Encore un hit magique avec «Showgirl». Quelle fantastique chape de plomb !

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    Entre deux albums Haineux, Luke la main froide se prête au petit jeu pervers des side-projects. Il monte Baader Meinhof avec le batteur Del Hood. Évidemment, c’est de la pure provoc. Léon Haines a décidé de fracasser à la hache la morale de l’Occident purulent. Et pour ça, il choisit l’option d’un son electro qui va mal. Il n’essaye même pas de se rendre intéressant, il sort un son encore plus pathétique que celui des groupes qui essayent de ne pas l’être. Il crée les conditions parfaites du malaise. Il propose une espèce de terrorisme sonique de branleur. Il joue sa petite bille à coups d’electro mais avec un fond de Britpop et dans ce carnage, il ramène l’une des meilleurs guitares d’Angleterre. Léon Haines prête à confusion, mais sa guitare est sans pitié. Il veut vraiment nous faire croire qu’il navigue en eaux troubles, mais il n’est pas très doué pour naviguer, même s’il montre encore des vieux restes. Et puis soudain, alors qu’on ne s’y attend plus, il fait du glam avec «It’s A Moral Issue». Il se prend pour Bolan sans en avoir les cheveux. Tout y est, c’est sûr, sauf les cheveux. On ne comprend pas ce que le glam vient faire chez Baader. Et quand on écoute «Kill Ramirez», on admet qu’il est impossible de lui faire confiance. Il chante comme un con qui veut se faire passer pour un crack. Dommage, car encore une fois, il sort les belles guitares. Il achève l’album à coups d’acou, du coup ça devient un vrai coup, il touille son morceau titre au chant de taille et rend un étrange hommage à Baader. Il tente bien le diable et nous hante avec son refrain très politique, Baader Meinhof !

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    Il monte un autre side-project avec l’ex-Mary Chain John Moore et Sarah Nixey : Black Box Recorder. Trois album suffiront pour tenter de créer la sensation : England Made Me, The Facts Of Life et Passionoia. Le groupe a deux intérêts : Luke la main tendue s’entend bien avec John Moore et Sarah Nixey chante comme une reine évaporée. On reste bien sûr dans la provocation avec une pochette qui nous montre un glamster outrageous sur le carreau d’une mine, comme s’il s’agissait d’illustrer un choc de civilisations. Sarah Nixey crée une ambiance à la Mazzy Star dès l’ouverture de bal et on comprend pourquoi Luke la main verte l’a choisie. S’il en est un en Angleterre qui sait ce qu’il fait, c’est bien lui. Les cuts sont très composés et Sarah chante d’une voix douce et humide. Ce démon a réussi à trouver une chanteuse très anglaise. Elle chante à l’intimisme frelaté, le pire qui soit. Luke la main lourde vient fondre sa voix dans celle de Sarah quand ça lui chante et il faut attendre «Child Psychology» pour trouver un peu de viande. Les arpèges psychédéliques de Syd Barrett déroulent un heavy groove londonien et on sent nettement la poigne du songwriter. L’un des plus puissants du cheptel. Avec «Up Town Ranking», on passe au hip-hop sound, c’est-à-dire au heavy booming de bien-vu-Luke et elle chante comme une harpie tragique dressée sur le corps du roi. Fast and bulbous, comme dirait Captain Beefheart. Au final, on se retrouve avec un album plutôt excellent, très varié et très complet. C’est encore Sarah Nixey qui crée l’émoi avec «Swinging». Elle chante au rotten to the core, dans l’esprit aigre-doux de Mazzy Star. C’est elle qui boucle le bouclard en disant sa Haine du dimanche («Hated Sunday»). On sent la patte de Luke la Haine derrière. L’animal sait ce qu’il fait.

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    On les voit tous les trois sur la pochette de The Facts Of Life et Luke la main leste duette d’entrée de jeu avec Sarah la fatale dans «The Art Of Driving», ils font du Gainsbourg/Birkin avec du pushing on the brakes. Ils pompent le power de G. en montant chez Kate, Luke se la pète et se la pisse à tous les étages, c’est trop facile avec une juvénile comme Sarah, et puis il reprend le cold au chant, alors ça finit comme ça doit finir, en belle réussite. Ils récidivent avec «The English Motorway System». Sarah fait le show, elle vise l’émerveillement, elle vise le hit nubile extraordinaire, aidée par la mélodie parfaite de la Haines. Luke la main courante reprend «French Rock’n’Roll» à la volée, avec une Sahah en traîne de lassitude. Le cut francisé se dévoue, se courbe et offre sa fleur. Lucky Luke crée encore un petit climat intéressant avec «Straight Life». Il se montre très à cheval sur les tendances et ça finit par marcher. Nouveau petit hit bien hot avec «Gift House», hit de fille adossée à une compo magique, Sarah jouit d’une belle modernité, elle distille son chant dans un haze de daze à la Brian Wilson. Force est de reconnaître que Luke la main tendue est un atroce génie. Sarah bat Hope à la course dans «The Deverell Twins». Elle est capable d’élégance luminescente et le démon Luky veille sur elle. On se souviendra de lui pour cette ténébreuse faculté. Et ce bel album s’achève sur une dernière buée de kiss goodbye, «Goodnight Kiss», cette petite traînée de Sarah embrase encore quelques zones érogènes au passage, mais avec beaucoup de talent car elle se montre experte en goodbyisme.

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    Et puis voilà le dernier spasme du Black Box Recorder : Passionoia, l’album du bord de la piscine, ambiance années 80. On y trouve un hit faramineux : «I Ran All The Way Home». Cet enfoiré l’amène à coups d’acou et ça prend vite les proportions d’un hit inter-galactique. Ce mec a du génie. Sarah l’hyper-chante à l’hyperette de quartier, elle se jette à corps perdu dans les embruns de la nubilité pop et Luke la main de Dieu ramène tout le power de Zeus dans les couches de son. Irrésistible. Sarah fait aussi un carton avec «Girls Guide For The Modern Diva», beau shoot de pop un brin electro bien visité par des vents d’orgue. Le ton de l’album est quand même très electro. Ils font du beat turgescent avec «The School Boy» et comme Sarah aime la crème, alors c’est parfait. Elle doit certainement en faire exprès, elle cherche à choquer le bourgeois, car ce cut pue le sexe, même si Lucky Luke tente de tout ramener dans la cour d’école. De toute façon, quand tu écoutes un disk d’Haines, tu t’exposes au pire poil à gratter d’Angleterre. Mais son electro finit par tuer le charme. Avec «British Racing Green», il crée les conditions d’une petite féerie excentrique pervertie, mais il insiste trop sur le côté nubile insalubre. Il finit par devenir pompeux. Avec son beat electro à la mormoille, t’es baisé des deux côtés, par devant et par derrière. Et cette petite traînée de Sarah chante au sucre glacé, ce qui n’arrange rien. On est dans le sex de coke des années 80. Aw my God, quelle horreur ! Luke la main moite n’en finit plus d’envoyer la pauvre Sarah au front, mais elle fait souvent preuve de candeur est s’en sort comme elle peut. Tiens comme par exemple avec «When Britain Refused To Sing» chanté dans la ferveur de la culotte. Pas très glorieux, en fait.

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    Bon, Luke la main ferme ne désarme pas. Il reprend son chemin de croix solo et attaque How I Learned To Love The Bootboys avec un stupéfiant hommage aux Rubettes intitulé «The Rubettes». Il joue le kid qui a les moyens. Luke n’est jamais aussi bon que lorsqu’il rend hommage à ses petites amourettes d’adolescent. Oh surgarbaby ! Il pousse le bouchon à l’extrême, come on baby to the jukbox jive, eh oui, il ne faut jamais oublier que tout a commencé au pied d’un juke de la rue Saint-Jean. Hanky ton pant, Panky ! Terrific ! Luke crache son glam ! Dans «1967», il ne cite pas de noms de groupes, il ne parle que de record collection - Some people have died/ Some people have gone - Il revient au petit glam avec «Your Gang Our Gang», pas de texte, tout est dans l’intention du son. Back to the power avec «Some Changes». Il navigue dans les mêmes eaux que Lawrence d’Arabie. «Johnny & The Hurricanes» aurait pu devenir un cut énorme, car c’est battu à la vie à la mort, mais Luke choisit d’en faire un délire prog absurde. Puis il se croit autorisé à utiliser les concepts philosophiques des rednecks avec «The South Will Rise Again». Il se vautre dans un océan d’absurdité. Et la fin de l’album s’enfonce dans le néant. Luke n’a plus rien à dire. Il n’a simplement pas de chansons. Il finit de flinguer l’album avec «Future Generation» - This is the story of the band - Oui, c’est ça, cause toujours.

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    2001 voit paraître un autre album solo : Christie Malry’s Own Double Entry. Luke la mainmise va avancer au rythme d’un hit par album, ce qui est mieux que rien. Le hit de Christie s’appelle «I Love The Sound Of Breaking Glass». Il ressort sa grosse guitare électrique pour l’occasion et joue la carte du riff de distorse assez proto-Panky. On dénote chez Luke une forte disposition au big Sound. Il peut se montrer assez cérémonial, au sens Velvet de la chose, car on entend là une purée de disto étalée sur un beat de messe noire. Ce son de rêve rabote la face Nord. C’est un bel hommage aux Stooges et au Velvet. Sinon, on peut en pincer pour «Discomania», cut solide et bien ficelé. Il passe au balladif avec «How To Hate The Working Classes» gratté aux accords secrets d’un kid amoureux de la pop anglaise - I hate the working classes and everybody - Avec «Discomaniax», on le voit se prendre pour une star descendue du ciel en haletant pour semer la consternation parmi les fans de pop anglaise. Et il retrouve ses vieilles ornières avec «England Scotland And Wales».

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    Tiens, on retrouve «Discomania» sur The Oliver Twist Manifesto paru la même année. Il vire glam electro - They’re having sex/ To the kids in America - Bien chanté mais trop saturé de son. Il atteint les limites du discomania, mais ça reste intéressant. Luke la main moite cherche désespérément à convaincre. Pour la pochette, il s’est fait une tête de Droog, mais la mélodie de «Rock’n’Roll Communique N°1» nous fend la cœur - This is not entertainment ! - lance-t-il en guise d’avertissement. Avec «Oliver Twist», il passe au heavy groove de destruction massive. Il joue tellement dans les graves que le son chevrote. Luke mélange Oliver Twist avec les Droogs. Il essaye de s’approprier le mythe, mais ce n’est pas aussi simple. Comme il tente le coup du son, il passe à l’electro avec «Death Of Sarah Lucas». Il chante bien c’est sûr, mais il dit avoir dégommé Sarah Lucas. A-t-on envie de suivre ce mec ? Non. Il doit se débrouiller tout seul avec ses conneries. S’il veut asseoir sa crédibilité, il doit fournir des hits. Il revient à sa chère petite pop rampante avec «Mr & Mrs Solanas». Luke a vraiment la main verte. Mais il finit par nous fatiguer avec ses prétentions littéraires, telles qu’il les exprime dans «What Happens When We Die». Il se sert de la pop pour charger sa barque d’omniscience. Puis il s’agenouille aux pieds du Christ avec «Christ», mais manque tragiquement de crédibilité. Tout le monde n’est pas Alex Chilton. Il faut parfois fournir de grands efforts pour accorder à Luke du temps d’écoute. Il rend quand même hommage à la culture rock américaine avec «England Vs America». Il réécrit à sa façon l’histoire des British Isles et c’est assez sensible, il faut bien l’admettre.

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    Le hit de Das Capital s’appelle «Junk Shop Clothes». Luke la main devant s’enfonce dans les ténèbres du British songwriting avec beaucoup de courage. Il orchestre sa chanson à outrance et rafle toute la mise. Sinon, il reste dans son vieux registre pop, comme le montre «How Could I Be Wrong». Il ne cherche pas à aller ailleurs. Au lieu de se demander comment il pourrait avoir tort, il ferait mieux de se poser d’autres questions. Son «Showgirl» est aussi écœurant qu’un gâteau trop sucré. Et puis voilà la goutte d’eau qui fait déborder le vase : «Baader Meinhof». Cet imbécile de Luke parle de borderline dans son costume blanc, mais que sait-il de la délinquance ? Ça devient non seulement illégitime mais parfaitement insupportable. Ce mec sait aussi se faire détester, l’apanage des écrivains. Il bat bien la campagne avec son vieux «Lenny Valentino», et retrouve un peu de crédit après l’insultante passade de Baader. Quand on écoute «Satan Wants Me», on voit à quel point ce mec se croyait tout permis, à cette époque, même avec une absence complète de compos. Son Capital pue l’arnaque. «The Milford Sisters» sonne très anglais, c’est assez dépressif. Luke la main crochue joue avec les sentiments de l’auditeur. On le voit gratter «Future Generation» à la séduction maximaliste. Il ne sait plus à quel saint se vouer. Il nage dans ses habits blancs.

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    C’est sur la pochette d’Off My Rocker At The Art School Bop paru en 2006 que Luke la main de fer pose en aventurier des mers du Sud. Il démarre avec un morceau titre en forme de lichette de glam electro. C’est son truc - Can you feel the beat of my heart - Electro shit d’époque, il est dans son petit monde d’art school bop. Il chante sa purée du menton. Il attaque ensuite son «Leeds United» avec délicatesse, avant de basculer dans le stomp de mad craze, une manie typique des kids en mal de rock culture. Luke la main grasse sait créer des climats, c’est évident. Il ramène son vieux heavy riffing dans «The Heritage Rock Revolution» est c’est excellent - I live rock’n’roll/ I hope it never dies - Voilà le hit de Luke - Crosby Stills & Nash, the legacy of The Clash, I can’t make much more, Northen Soul and Stax - Côté références, il est toujours tiré à quatre épingles. Encore une énormité avec «The Walton Hop». Il y va à coups d’all the kids, comme Jimmy Pursey, want to get ! Il riffe ça à la folie avec de l’écho dans la riffalama - All the kids want to get backstage at the Walton Hop - Il faut avoir entendu ça. Puis il vire electro avec «Fighting In The City Tonight», dommage, même s’il chante à la perfection. Luke revient toujours par la bande dans ses cuts, c’est un fin renard du désert, un enfoiré au pelage argenté. Il sait aussi très bien générer de l’ennui, comme on le voit avec «Freddy Mills Is Dead» ou encore «Secret Yoga». Il aurait dû écouter Marty Wilde pour apprendre à développer du sustain. Puis il finit par nous fatiguer avec le mi-figue mi-raisin de «Bad Reputation». Sa chanson concerne Gary Glitter.

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    Faut-il considérer 21st Century Man/ Atchung Mutha comme un album dada ? Si on s’en tient à la photo de Jean Arp qui orne la devanture du digipack, on répondra par l’affirmative. Mais le son reste dans le giron glacial de Luke la main froide. Coup de tonnerre avec «Peter Hammill». C’est du heavy stuff, just like Peter Hammill. Puis il salue Klaus Kinsky dans «Klaus Kinski». Luke raconte que Kinski revint en Allemagne après la guerre. Avec «Wot A Rotter», il fait du Carter USM, c’est-à-dire du heavy glam de stade. Il sait très bien œuvrer dans l’intérêt de la patate glam, il recycle tous les vieux réflexes de la craze et du stomp olympique pour récréer ces illusions d’antan qui datent d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, eh oui, car Montmartre en ce temps-là accrochait ses lilas jusque sous nos fenêtres. Avec «Our Man In Buenos Aires», il se fait passer pour un espion - He’s the man in the shadows/ he’s the man on the run - Ambiance sérieuse garantie. Il cumule assez bien les fonctions du heavy riffeur («English Southern Men», «White Honky Afro») et du petit troubadour écarlate (le morceau titre). Il adore l’intimisme frelaté. Sur le disk 2 on conseille d’écouter «Ex-Teds». Une façon comme une autre d’entendre Luke la main froide nous raconter la suite de l’histoire de la scène anglaise. Il en profite d’ailleurs pour revenir à son cher glam. Mais on sent que ça finit par tourner en rond. Il va aussi chercher son milky way avec «Greenwich Observatory» qui est de toute évidence le hit du disk.

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    Belle arnaque que ce 9 1/2 Psychedelic Medications On British Wrestling of The 70s donné pour culte. Et mon culte, c’est du poulet ? Tiens prends une aile ! Luke la main torve fait toujours la même pop d’Auteur, il nous ressert le même intimisme frelaté et la même confidentialité de mauvaise haleine. Il n’y a rien, absolument rien de psychédélique dans cette resucée. Il se croit même permis de faire de l’opéra rock. Même si «Linda’s Head» sonne le glam, ça ne fait pas de 9 1/2 Psychedelic Medications un disk culte. On lui en veut un peu de nous faire miroiter monts et merveilles psychédéliques, alors qu’on ne trouve pas la moindre trace de psychédélisme. Il nous fatigue avec sa techno-pop de fuck-you-Luke. C’est là qu’apparaît son côté malsain. Et c’est là que vient l’envie d’insulter ce gros connard roukmoute qui sue dans son costard blanc tout fripé. On le hait. On hait l’Haines. Quand il chante à l’haleine chaude, ça pue. Il ne bande même plus. Ce mec est une horrible larve anglaise, une larve de la pire espèce, de celle qui martyrisait les nègres d’Afrique et les Indiens des Indes, il croit se faire des amis avec des pseudo-disks cultes, mais non. De toute évidence il fait tout pour qu’on le déteste. Comme Léon Bloy, il bascule dans l’extrême violence verbale. Il n’est plus dans l’artistique. Il n’est plus dans la représentation. Il triture encore un misérable «Haystacks In Heaven» avant de disparaître dans un cyclone de Haines.

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    Retournement de situation : avec Rock And Roll Animals, Luke rend hommage à trois rock’n’roll animals : Jimmy Pursey, Gene Vincent et Nick Lowe. C’est l’hommage à Pursey qui décroche la timbale : «From Hersham To Heaven» est tout simplement énorme - I’m just a human person/ At the bottom of the garden/ Digging for mushrooms woah/ Digging my hallucination woah woah - Il explose le concept de l’hommage - Steer the ship safely Jimmy/ From Hersham to heaven - L’autre merveille s’appelle «Rock’n’Roll Animals In Space» - The Stones without Brian Jones/ Were not righteous event though/ He was probably evil - Extrêmement puissant. Il joue «The Angel Of The North» à l’acou claire comme de l’eau de roche. Tout repose sur ce souffle intimiste qui date du temps des Auteurs. Vas-y Luke, réveille les vieux démons ridés de la pop. Mais sa pop peine à bander. Il propose ici une fable avec Jimmy the fox,, Gene the cat et Nick the badger - Rock’n’roll is a losers’ game/ Just accept it - Il tente de créer la sensation et y parvient presque en poussant le songwriting dans la littérature. Il chante aussi son «Magic Town» en mode confessionnal, comme Paddy. Il rend hommage en mode intimiste à Nick Lowe dans «A Badger Called Nick Lowe». Il crée une sorte de magie de souffle chaud pour évoquer les early days of Stiff, The Damned and Elvis Jake and Dave, come on Mr Badger. Signalons au passage que Badger veut dire blaireau. Dans Gene Vincent, il chante «Gene Vincent is a wise old cat.» C’est dingue la fascination qu’a pu exercer Gene sur les Anglais - Crashed his motorbike/ An epic cat/ A psychedelic cat/ Conceptual cat/ A maverick cat - Il joue ça à l’arpège triste. Catty cat cat.

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    New York In The 70s est sans doute le meilleur album de Luke la main froide. Comme Todd Rundgren et Lawrence d’Arabie, Luke joue de tous les instruments. Il démarre sur un bel hommage à Alan Vega avec «Alan Vega Says». C’est avec les hommages, au chant comme à l’écrit, qu’il atteint le sommet de son art. Il parvient à surpasser Suicide avec «Drone City». Il joue la carte du big orgasmic rampant. Fabuleux sens de l’overwhelming ! Il rend plus loin hommage à Jim Carroll avec «Jim Carroll», héros de l’underground new-yorkais tombé dans l’oubli. Luke la main leste le claque aux petits accords carrolliens. Puis il entre de plein fouet dans le cœur du mythe avec «Bill’s Bunker». L’écrivain revient à sa chère littérature, il prend un ton confidentiel alors on tend l’oreille - Talking to Bill/ About weapons and drugs/ Listen to Bill/ In Bill’s Bunker - Pure magie. C’est l’hommage d’un fan à William Burroughs - Injection & coins/ We are the drugs/ That flow through the veins/ Of Bill’s Bunker - Luke monte encore d’un cran avec «Dolls Forever», shalom shalom, il fait apparaître les six Dolls un par un, Sylvain Sylvaine ! - Who would want to be a Doll ? - New York Dolls forever, évidemment. Il passe ensuite naturellement à Lou Reed avec «Lou Reed Lou Reed» en mode electro-glam - Where’s the suicide blonde/ With the iron cross - Et une guitare à la Cold Turkey entre dans la danse. Comme Lawrence d’Arabie, ce petit Anglais féru de rock sait rendre hommage à ses héros. Il termine avec «NY Stars» - Dee Dee, Richard Hell, Johnny’s looking for a kiss - Pure magie - So rest in peace all my childhood freaks/ On imaginary rocket rides on 53rd and 3rd.

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    De la même manière que New York In The ‘70s peut être considéré comme son meilleur album, British Nuclear Bunkers peut être considéré comme le pire. Dès «This The BBC», on sent que c’est mal barré. Ou bien barré, ça dépend des cervelles. Ce pauvre Luke fait comme il peut. Le voilà dans les machines. Fucke Luke. Il l’aura bien cherché. Il se croit tout permis. Cut après cut, il s’enfonce dans une electro à la mormoille. On n’est pas là pour ça. Cette electro sauvage ne dégage rien. C’est atrocement con. Du big inept. Avec «Pussy Willow», il réussit l’exploit de ruiner sa carrière. Il tente encore de sauver son electro avec «New Pagan Sun», mais c’est aussi atroce que putassier. Il prend même sa meilleure voix de robot pour finir.

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    Luke la main froide sauve son Smash The System avec un bel hommage à Marc Bolan : «Marc Bolan Blues». Il retrouve le secret du son qui fit la grandeur de Bolan. C’est bien battu des cuisses, avec toute la niaque et toute la coule du glam. C’est un rêve devenu réalité. Ce diable de Luke sait tailler un glam pour la route. Il enchaîne ça avec un hommage à l’Incredible String Band, an unholly act. Il salue bien bas Mike et Robin. On imagine que «Cosmic Man» est un hommage à Donovan. Par contre, il se vautre avec «Ulrike Meinhof’s Brain Is Missing». Cette pop prétentieuse ne marche pas. Il se vautre encore plus avec «Black Bunny (I’m Not Vince Taylor)». Il affirme qu’il ne descend pas de la r’n’r station, mais son electro ne vaut pas tripette. Il sonne comme un vieux slip, avec ce son à la con. Comment ose-t-il faire référence à Vince Taylor dans le titre ? Son outrecuidance pourrait le couler définitivement. C’est d’autant plus horrible qu’il répète le nom de Vince Taylor. Il tente le Bowie strut avec «Power Of The Witch», mais il n’a pas les chops de Bowie. Alors il trace sa voie au crachat de chant, il balance sa verve dans le witch. Il revient à sa maudite electro dans «Bruce Lee Roman Polanski And Me», mais il se vautre encore une fois.

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    Brave petit album que cet I Sometimes Dream Of Glue paru en 2018. Pour trois raisons fondamentales. Le première, c’est «Oh Michael». Cette pop intimiste mal enregistrée frôle le hit, car ses awite oh yeah évoquent les Happy Days des Edwin Hawkins Singers. La deuxième s’appelle «Everybody’s Coming Together». Une chose est bien certaine : Luke la main froide envoie plus de jus que Bobby Gillespie. Il va sur un son plus underground et ça devient forcément intéressant. Il ramène une guitare killer dans «Fat Bird From The Woodcraft Folk» qui est la troisième raison. Ça change tout. Quelques killer secondes et Luke revient. Wow ! Il termine avec «We Could Do it», un cut de rêve à la Rev absolument dément de torpeur. Mais le reste de l’album est nettement moins convainquant. Luke se prend souvent pour une star de l’intimisme et chante trop dans son micro. Il revient un court instant à la Beatlemania avec «I Fell In Love With An OO Scale Wife», mais il n’arrivera jamais à la cheville des Beatles, même s’il les vénère. C’est très anglais, comme démarche. Le problème est qu’on attend de la belle pop comme au temps de New Wave, mais on va attendre longtemps. Il propose encore une fois une série de cuts inutiles. L’absence de reconnaissance doit tellement l’aigrir qu’il en arrive à proposer un truc comme «The Subbuteo Lads». Il s’enfonce dans l’incurie. Heureusement pour lui, des pauvres cloches achètent encore ses disques pour les écouter. Oui, Luke a raison, les solvants soignent l’ego des cons. Il chante à la petite confidence et regagne néanmoins quelques points dans les sondages. Il faut dire que ce n’est pas toujours facile quand on conduit son bateau en solitaire.

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    Luke la main tendue vient de s’acoquiner avec Peter Buck pour enregistrer un album, Beat Poetry For Survivalists. Pochette bien provocante, comme d’usage. Qui est Haines, qui est Buck ? Haines ne peut être que le fasciste à l’Italienne et Buck le King Kong pendu par un pied. Luke le bras long se prend pour une vieille star de l’indie pop et pousse dans «Jack Parsons» des soupirs d’anus fripé. Il se planque derrière son cut comme une araignée. Il est bien loti, avec l’autre, le Buck qui bouffe à tous râteliers. Ils ne sont même pas capables d’édifier les édifices. Nous n’aurons aucune pitié pour eux car Luke la Haines n’en a pour rien ni personne. D’ailleurs, le spectacle qu’il offre sur cet album devient vite affligeant : il ressort ses vieilles ficelles de caleçon et reprend son chemin de Damas en compagnie d’un Buck qui distille son jus MTV. Ils font du Bolan MTV, on aura tout vu. Le pire c’est qu’on attend encore des miracles d’une mec comme Unlucky Luke. On a envie de lui dire que son temps est passé. Il se retrouve une fois encore le cul entre deux chaises : l’indie pop et l’electro. Il tente de s’en sortir avec des effets. Il faut attendre «French Man Glam Gang» pour voir remonter à la surface les vieux clichés glam. En réalité, il jongle avec les stéréotypes. Il tente le coup de punk-blues avec «Ugly Dude Blues», il y va au yah yah yah et se prend pour le mogul du burgul de la destruction massive, il torture ses syllabes et écrase méchamment sa pédale de wah. Le style spongieux et mal intentionné lui va à ravir. Il est même assez vantard pour dire qu’il a écrit la chanson des Troggs que Reg Presley n’a pas osé écrire. Il est certain que ces mecs ont du son. Haines sort sa haine de sa braguette, la guitare de Buck est bien présente derrière le rideau de son, c’est très précis, très étudié, bâti sur un système de couches très élaboré. Mais une compo comme «Bobby’s Wild Years» ne sort pas de l’ordinaire. Luke la main courante replonge dans la fascination pour le mythe du rock’n’roll avec «Rock ‘N’ Roll Ambulance» et gratte quelques accords légitimes. Il fait son boop shoowah comme d’autres font leur bonne action, il n’a jamais quitté sa petite piaule d’adolescent haineux et impatient. S’il faut écouter cet album ? Oui, bien sûr, et plutôt deux fois qu’une, car Bad Luke campe sur sa position campy. Il n’en sortira plus. Never.

    On dédie donc ce Part One à Iza qui programma héroïquement Baader Meinhof dans son émission et on retrouvera ce prodigieux écrivain qu’est Luke le bras long dans un Part Two incessamment sous peu.

    Signé : Cazengler, lancelot du Luke

    Auteurs. New Wave. Hut Recordings 1993

    Auteurs. Now I’m A Cowboy. Hut Recordings 1993

    Auteurs. After Murder Park. Hut Recordings 1996

    Baader Meinhof. Hut Recordings 1996

    Black Box Recorder. England Made Me. Chrysalis 1998

    Auteurs. How I Learned To Love The Bootboys. Hut Recordings 1999

    Black Box Recorder. The Facts of Life. Nyde Records 2000

    Luke Haines. Christie Malry’s Own Double Entry. Hut Recordings 2001

    Luke Haines. The Oliver Twist Manifesto. Hut Recordings 2001

    Luke Haines & The Auteurs. Das Capital. Hut Recordings 2003

    Black Box Recorder. Passionoia. One Little Indian 2003

    Luke Haines. Off My Rocker At The Art School Bop. Degenerate Music 2006

    Luke Haines. 21st Century Man/ Atchung Mutha. Fantastic Plastic 2009

    Luke Haines. 9 1/2 Psychedelic Medications On British Wrestling of The 70s. Fantastic Plastic 2011

    Luke Haines. Rock And Roll Animals. Cherry Red 2013

    Luke Haines. New York In The 70s. Cherry Red 2013

    Luke Haines. British Nuclear Bunkers. Cherry Red 2015

    Luke Haines. Smash The System. Cherry Red 2016

    Luke Haines. I Sometimes Dream Of Glue. Cherry Red 2018

    Luke Haines & Peter Buck. Beat Poetry For Survivalists. Cherry Red 2020

     

    La noblesse des Fleur de Lys

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    Le nom de Gordon Haskell ne vous dira sans doute pas grand chose. Il fut le bassman des Fleur de Lys, l’un des groupes phares de la scène freakbeat londonienne des mid-sixties. Comme Gordon Haskell a cassé sa pipe en bois l’automne dernier, KRTNT lui rend un dernier hommage avec un conte bien con tiré d’un Volume 2 à paraître.

     

    Keith Guster et Gordon Haskell arrivent au 24, Cranley Gardens, dans South Kensington. Ils sonnent et Hilton Valentine leur ouvre la porte, avec un grand sourire :

    — Entrez les gars ! Posez vos affaires et venez prendre un thé.

    Keith et Gordon posent leurs sacs et leurs instruments dans l’entrée et suivent Hilton jusqu’au salon.

    — Wow, quel appart ! Ça va nous changer du gourbi où on vivait...

    — Bon, les gars, je vous le confie. Je pars en tournée aux USA avec les Animals. Faites pas trop de conneries, je ne suis que locataire. L’appart appartient à Ringo. 

    — Tu reviens quand, Hilton ?

    — Dans trois mois, je pense...

    Gordon et Keith se sentent provisoirement tirés d’affaire, mais ils n’ont pas de quoi se nourrir. Respectivement bassiste et batteur des Fleur de Lys, ils attendent, comme des milliers d’autres candidats au succès, que la chance leur fasse un beau sourire.

    Le groupe vient du Sud de l’Angleterre, de Southampton. En vrais Mods, ils portaient des costumes en mohair, des boutons de manchette et des Beatles boots. Ils participèrent en 1964 au Mod Ball où l’on accueillait non seulement les Mods, mais aussi les Mids et les Rockers. Excellent cover-band, les Fleur de Lys reprenaient «Shop Around» des Miracles et «Watch Your Step» de Bobby Parker. Étant particulièrement doués pour ce genre de sport, ils cassaient bien la baraque. Ils finirent par gagner un concours dont le premier prix était une séance d’enregistrement avec Shel Talmy, un producteur américain installé à Londres depuis peu et dont la réputation commençait à grandir, puisqu’il venait de lancer les Kinks en produisant «You Really Got Me». Shel Talmy se disait bougrement intéressé par les jeunes prodiges, mais il se montra très gourmand en proposant un contrat où il s’octroyait la part du lion, c’est-à-dire 40 % des recettes. La réponse des Fleur de Lys ? Une magnifique moue de mépris aristocratique. N’étant pas homme à se formaliser, Shel Talmy lança les Who une semaine plus tard en produisant «Can’t Explain».

    Il existait une très grosse communauté Mod à Southampton et les Fleur de Lys retrouvèrent leur public. Associé d’Andrew Loog Oldham, Tony Calder repéra le groupe et le signa sur Immediate. Les Fleur de Lys revinrent à Londres enregistrer deux titres produits par Jimmy Page. Calder les obligea à reprendre «Moondreams» de Buddy Holly, ce qui leur fit horreur. Ils proposèrent en B-side une compo à eux, «Wait For Me». Lorsque le single sortit dans le commerce, les Fleur de Lys furent profondément choqués. Leur amertume n’avait d’égale que leur dégoût : Jimmy Page avait remplacé «Wait For Me» par un instrumental crédité Page.

    Un peu moins aristocratiques que les autres, Frank Smith et Danny Churchill quittèrent le groupe. C’est là que Gordon Haskell et l’enfant prodige Phil Sawyer entrèrent en scène pour les remplacer. Les Fleur de Lys repartirent à l’assaut des charts anglais avec une brillante cover du «Circles» des Who. Poussés par leurs démons, ils entraînèrent le «Circles» des Who dans l’œil du typhon et Phil Sawyer martyrisa son killer solo flash, révélant au passage un vilain penchant pour l’exacerbation. Keith Richards entendit à la radio ça et il téléphona aussitôt pour demander le nom du guitariste. Quant à Jeff Beck, il déclarait aux journalistes : «Il n’y a que trois guitaristes dignes de ce nom, à Londres : moi, Clapton et Phil Sawyer !»

    Les Fleur de Lys s’étoffèrent en recrutant un pur Mod, Chris Andrew. Chris poppait des purple hearts et se vantait d’être descendu à Brighton participer aux combats Mods-Rockers. Il se montrait fier de sa Gretsch. L’instrument avait appartenu à George Harrison qui s’en était débarrassé en la donnant, car le manche était légèrement tordu.

    On sonne à la porte. Keith Guster va ouvrir. Justement, voilà Phil Sawyer et Chris Andrew.

    — Je vous en prie, entrez, mes amis. Je préfère vous prévenir. Nous n’avons rien à vous offrir, hormis du pain de mie...

    — Don’t worry, Keith... Ça ira très bien.

    Phil Sawyer et Chris Andrew s’installent dans le chesterfield et tout en papotant, commencent à grignoter des tranches de pain de mie. Keith Guster et Gordon Haskell ne disent rien. Deux heures s’écoulent. 

    — Bon, faut que j’y aille, lance Phil Sawyer. Mes parents m’attendent pour dîner !

    — Moi aussi, ajoute Chris Andrew.

    Gordon et Keith se retrouvent seuls dans le grand appartement. Ils observent l’emballage vide et les miettes de pain dispersées sur la table basse. 

    — Tu as faim, Gordon ?

    — En vérité, je meurs de faim.

    — Il nous reste deux ou trois pennies, mon pauvre ami. Tout ce qu’on peut s’offrir, c’est un paquet de smarties... Et on devra tenir trois jours avec.

    — Great !

    Frank Fenter arriva à Londres en 1958. Originaire d’Afrique du Sud, il entreprit une carrière d’acteur, puis devint organisateur de concerts. Opiniâtre et déterminé, il gravit les échelons du showbiz à la force du poignet et finit par devenir le représentant européen d’Atlantic Records. Au retour d’une tournée en Afrique du Sud, il ramena dans ses bagages une gamine de 19 ans, Sharon Tandy. Il l’épousa et entreprit de la lancer, car elle chantait bien. Il chercha un backing-band pour Sharon et recruta les Fleur de Lys. Fenter mit alors le turbo. Il leur décrocha la première partie du show de Sonny and Cher à l’Astoria. Le gratin du swinging London assista en direct au spectacle des exactions soniques de Phil Sawyer.

    Keith Guster et Gordon Haskell passent leur temps à percer des trous dans le cuir de leurs ceintures. Ils craignent de perdre leur pantalon lorsqu’ils descendent dans la rue. On sonne à la porte. Keith va ouvrir.

    — Ça alors, Chas, quelle bonne surprise. Tu es de retour à Londres ?

    — J’me suis mis à mon compte et j’ramène un sacré poulain, mon gars ! C’est lui, là, derrière. L’est un brin timide, mais quel guitariste ! Son blaze c’est Jimi !

    Un spectaculaire black freak se tient en effet derrière lui. Keith les fait entrer au salon.

    — Chas, je suis désolé, mais nous n’avons que des smarties à vous offrir...

    — T’inquéquète donc pas, mon tio quinquin ! J’vas aller acheter d’la saucisse et une bonne grosse boîte de faillots, dac ?

    Chas Chandler repart, laissant Keith et Gordon seuls avec le black freak. On entend les mouches voler. Les deux Mods s’interrogent. Mais d’où sort cet étrange personnage ? Sa coiffure indique clairement qu’il ne connaît pas l’usage de peigne, quant à sa mise, c’est une véritable insulte aux règles de la bienséance, avec ce fatras de foulards et de colliers, cette tunique bariolée et ce pantalon de velours rouge qui moule si bien son érection. Chas revient avec les victuailles et file dans la cuisine faire chauffer la gamelle.

    Tout le monde passe à table. Brandissant une énorme louche, Chas demande les assiettes pour servir.

    — Dites voir, les gars, je cherche une section rythmique pour lancer mon poulain Jimi... Ça pourrait-y vous intéresser ?

    — Désolé, Chas, mais nous sommes des Fleur de Lys...

    — Ah, c’est ça... J’ai pigé ! Z’êtes de fidèles sujets de sa majesté...

    — En quelque sorte, Chas... Disons que la bonne tenue n’est pas seulement une question de mise...

    — Dommage... Car vous êtes bien balèzes tous les deux... Mais c’est pas grave, j’vais recruter deux aut’ gaillards vit’ fait. D’ici un mois, vous verrez l’nom de Jimi Hendrix à la une de tous les canards du coin-coin, vous pouvez m’faire confiance ! Allez, r’prenez un louche de faillots, ça vous fera du bien d’péter un coup... Vous êtes tout pâles...

    Histoire de montrer de quel bois ils se chauffent, les Fleur de Lys entrent en studio pour enregistrer «So Come On» qui va sonner comme un hit préhistorique. Le morceau se révèle monstrueux, avec ses relents de r’n’b à la Spencer Davis Group. C’est du pur jus de juke, une véritable pépite freakbeat. Phil Sawyer l’achève avec l’une de ses bottes de Nevers : un solo horriblement désossé, teigneux et par essence irrévérencieux.

    Nouveau coup de théâtre. Phil Sawyer quitte les Fleur de Lys pour remplacer Peter Green dans le Shotgun Express, un groupe en pleine ascension, emmené par Rod The Mod et Peter Bardens. Méprisant ce nouveau coup du sort, Chris Andrew, Keith Guster et Gordon Haskell recrutent un jeune loup nommé Bryn Haworth. Fenton leur décroche la première partie d’un concert de Cream au Saville Theater. Clapton n’en revient pas. Subjugué par le style sauvage du jeune loup, il déclare aux journalistes : «Il n’y a que trois guitaristes dignes de ce nom, à Londres : moi, Jeff Beck et Bryn Haworth !»

    Un nommé Condor se rapproche des Fleur de Lys pour leur proposer d’enregistrer une chanson qui, affirme-t-il, va devenir un hit phénoménal : «Reflections Of Charlie Brown». En B-side, Bryn Haworth et Gordon Haskell imposent «Hold On», l’une de leurs compos. Au moment, où va paraître le single, «A Whiter Shade Of Pale» entre dans les charts. Horrifiés, les Fleur de Lys s’aperçoivent que Charlie Brown est un honteux plagiat du tube de Procol Harum et refusent que leur nom soit associé à cette magouille infâme. Le single sort sous le nom de Rupert’s People.

    Plus décidés que jamais à en découdre, Sharon et les Fleur de Lys entrent en studio pour enregistrer une nouvelle version de «Hold On». C’est avec ce coup de maître que les Fleur de Lys entrent dans l’histoire du rock. Bryn Haworth joue comme un délinquant au bord de l’irréparable. Il prend un solo en forme de génocide sonique. Il fait sauter les notes, les fait griller, les tire, les étrangle, il donne de violents coups de médiator, comme s’il donnait des coups de hache à la bataille d’Hastings. Du coup, Sharon passe au second plan. «Hold On» est le tube absolu : groove, mélodie, puissance, chorus, tout y est. Jimi Hendrix est l’un de ceux qui crient au loup. Il saisit la première occasion qui se présente à lui pour monter sur scène faire le bœuf avec les Fleur de Lys.

    «Hold On» arrive dans les bacs. Sur l’autre face, Sharon reprend une chanson de Lorraine Ellison, «Stay With Me Babe». Contrairement à toutes les attentes, le single n’atteint pas le sommet des charts. Mais à Honfleur, un kid écoute le single en boucle et restera toute sa vie obsédé par le solo de Bryn Haworth. Ce faramineux single devient une sorte de disque culte. Maigre consolation.

    À Londres, les Fleur de Lys acquièrent une solide notoriété, mais ils ne parviennent toujours pas à se hisser parmi les géants qui embouteillent le sommet des charts. Fenton leur propose de devenir le house-band du studio Polydor. Ils accompagnent des tas d’artistes renommés, comme par exemple Isaac Hayes et Sam & Dave. Impressionné par le jeu de Keith Guster, Booker T le prend à part :

    — J’ai une proposition sérieuse à te faire, petit...

    — Je vous écoute...

    — Viens avec moi aux États-Unis. Je t’offre la place de batteur dans mon groupe. Tu joueras avec tes idoles Steve Cropper et Donald Duck Dunn et tu rouleras en Cadillac !

    — Navré de vous éconduire, monsieur, mais je suis une Fleur de Lys...

    — Tu as du cran petit. Je ne connais personne qui puisse s’offrir le luxe de refuser une telle proposition...

    — À la différence d’Ulysse, il n’est pas nécessaire qu’on me ligote au mât pour résister au chant des sirènes. En moi, l’honneur prévaut.

    Un intermédiaire véreux se rapproche des Fleur de Lys et leur propose d’enregistrer «Judy In Disguise». Intrigués, Bryn et ses amis écoutent la maquette du cut. L’intermédiaire attend leur réponse. Les Fleur de Lys déclinent l’offre, en affichant une moue significative. Une semaine plus tard, la chanson atteint le sommet des charts, enregistrée par un groupe sorti de nulle part, John Fred and his Playboys.

    Les Fleur de Lys préfèrent jammer la nuit entière avec le Vanilla Fudge, de passage à Londres. Les deux groupes disposent du studio Polydor. Ces baroudeurs expérimentés que sont Tim Bogert, Carmine Appice, Vinnie Martell et Mark Stein s’enflamment littéralement au contact des Fleur de Lys. En effet, les Anglais rivalisent d’audace et de brio avec les quatre New-yorkais. Le Fudge redouble d’intensité cathartique alors que Bryn pulvérise tous les records de sauvagerie sur sa Strato blanche. Lors d’une pause, Carmine Appice, dégoulinant de sueur, lance à Keith :

    — Tu bats vraiment bien, petit. Tu devrais monter en première division, plutôt que de végéter dans ce studio !

    — Oh, ce n’est pas vraiment la gloire qui nous intéresse, l’ami. Je ne sais pas si vous autres les Américains vous pouvez comprendre cela.

    — Tu devrais y réfléchir, petit... Avec du blé, tu pourrais te payer un coupé sport et emmener des petites gonzesses en balade. Imagine un peu. Elles te suceraient la queue pendant que tu écraserais le champignon...

    Les Fleur de Lys entrent en studio pour enregistrer «Tick Tock», une pop-song vaguement psyché - Tick tock, it’s five o’ clock - Les morceau flirte avec la médiocrité jusqu’au moment où Bryn entre en scène. Il part en trombe, triture des notes et achève le morceau dans un bain de distorse gluante. Il va en effarer quelques-uns, toujours les mêmes. Quand il entend ça, Jimmy Page déclare à la presse : «Il n’y a que trois guitaristes dignes de ce nom à Londres : moi, Jeff Beck et Bryn Haworth !»

    Fenton roule en Rolls blanche. Pas les Fleur de Lys. Ils reçoivent 15 £ par semaine pour leur travail au studio. Gordon Haskell trouve ça louche. Il sait par oui-dire que les musiciens de studio sont plutôt bien payés. Jimmy Page et Big Jim Sullivan vivent très bien de leur travail de session-men. Gordon mène une petite enquête et cuisine l’attachée de presse de Fenton. Celle-ci finit par lâcher le morceau. Fenton reçoit de Polydor 350 £ par semaine et par musicien. Ne voulant pas croire une chose pareille, Gordon demande :

    — Mais alors, où passent les 335 £ qui restent ?

    — Tu veux que je te fasse un dessin ?

    Gordon tombe des nues. Il ne pensait pas que les gens pouvaient se conduire ainsi. Il rapporte les faits à ses amis. Bryn et Keith encaissent le coup sans broncher. Ils savent seulement qu’il va leur être difficile de continuer comme si de rien n’était. Les Mods savent se conduire. 

    — Bon, mes amis, je quitte le groupe, lâche Gordon d’une voix grave. À mon sens, il s’agit plus d’un moyen de vous aider à évoluer vers autre chose que d’une façon de vous laisser tomber. 

    — Ne culpabilise pas, Gordon, reprend Keith. L’important est de tenir notre rang. Le nom des Fleur de Lys honorera le chapitre freakbeat des livres d’histoire. Que God vienne en aide à tous ceux qui ont vendu leur âme au diable pour quelques poignées de dollars. Franchement, je ne voudrais pas appartenir à cette catégorie de gens. Cela m’inspire une sorte de répugnance. Maintenant je vous propose d’ouvrir une bouteille de champagne pour fêter ce nouveau rebondissement.

    — Excellente idée, Keith, lance Gordon, d’un ton qu’il veut joyeux.

    Bryn ne dit rien.

    — Tu m’as l’air bien sombre, mon ami, murmure Keith.

    — Ne vous en formalisez pas, je vous en conjure. Je regrette simplement d’avoir à subir les conséquences d’une telle gabegie. Nous ne sommes pas de taille à nettoyer les écuries d’Augias, malgré toute notre détermination. Il n’est pas simple de nos jours de cultiver un art novateur et de vouloir l’imposer sans se compromettre. C’est à peu de choses près la seule conclusion que je puisse vous proposer, mes pauvres amis.

    — Réfrène ton penchant pour l’amertume, Bryn. Toucher au but n’est pas une fin en soi, tu le sais bien.

    Les Fleur de Lys trinquent et devisent gaiement sur le thème des opportunités.

    Gordon envisage de rejoindre King Crimson. Keith s’indigne :

    — Mais Gordon, tu manques totalement de discernement ! Tu as joué avec Jimi Hendrix, Donald Duck Dunn, Eddie Floyd, Steve Cropper, Sonny and Cher, Jeff Beck, Tim Bogert, Otis et Stephen Stills... Comment peux-tu envisager une chose pareille ?    

    — Mais tout simplement parce que je déteste ce groupe...

    — Dans ce cas, je comprends mieux... Et toi Bryn, comment vois-tu l’avenir ?

    — J’ai rencontré Leigh Stephens lors une party...

    — Le guitariste de Blue Cheer ?

    — Parfaitement exact.

    — Tu ne te refuses rien, mon vieux...

    — Oh, c’est une simple coïncidence... Leigh s’est installé à Londres pour une période indéterminée. J’apprécie énormément son style. J’aurais aimé qu’on nous laisse le temps d’évoluer vers un son plus puissant, comme celui que délivre Leigh sur Vincebus Eruptum. Je vais très probablement lui proposer de monter un groupe et d’aller entamer une nouvelle carrière aux États-Unis. Je préfère ne plus fréquenter l’atroce société des roturiers londoniens, ces parasites qui s’enrichissent impunément sur le dos des musiciens.

    — Tu dois avoir raison, Bryn. Mais reste sur tes gardes. Tu vas certainement te retrouver confronté aux mêmes pratiques.

    Gordon remplit la coupe de Keith et demande :

    — Et toi, Keith, comment vois-tu les choses ?

    — Une chose est sûre : je resterai un Mod tiré à quatre épingles. Pour les reste, soyez rassurés tous les deux, je ne nourris pas la moindre inquiétude. Je recruterai de nouveaux musiciens et veillerai ainsi à la postérité des Fleur de Lys, vous pouvez me faire confiance sur ce point.

    L’éclatant sourire de Keith Guster réconforte ses amis.

    — Bon ! Voici venu le moment de nous séparer, lâche Gordon d’un ton qu’il veut guilleret. Je vous remercie de tout cœur d’avoir su rester dignes dans cette tourmente. Toute l’affection que j’éprouve pour vous se double à présent d’une profonde admiration. Pardonnez-moi cet ultime épanchement.

    Quelques jours plus tard, Keith et sa compagne reçoivent une invitation. Ils se rendent à la party, dansent et boivent la nuit entière. Le jour se lève lorsque leur hôte leur propose de les ramener dans leur quartier de banlieue. Personne n’est en état de conduire, mais rouler bourré est pratique courante, au cœur du swinging London. L’hôte démarre en trombe et écrase le champignon. Vrooom ! Il arrive un peu trop vite dans un virage et perd le contrôle du véhicule. L’auto percute le trottoir et fait quelques tonneaux. Bim bam boom.

    Keith arrive plus mort que vif à l’hôpital.

    Aux urgences, les médecins examinent les radios.

    — Oh la la, c’est épouvantable... Jamais vu une chose pareille en quarante ans de pratique... Toutes les vertèbres cervicales sont brisées... Qu’en penses-tu, Malcolm ?

    — Pauvre gosse. À mon avis, il ne s’en sortira pas... Et même s’il sort un jour du coma, il est foutu. Il vaut mieux prévenir les parents tout de suite...

    Sur son lit d’hôpital, Keith reprend conscience. Il fait nuit, mais un plafonnier diffuse une lumière blanche. Il distingue soudain une silhouette au pied de son lit. Keith écarquille les yeux. Enveloppée dans une longue cape noire, la silhouette évoque ces femmes qu’on voit sortir des églises, en Espagne. Keith ne distingue pas son visage, noyé dans l’ombre de la cape. Par contre, il reconnaît l’engin que tient la silhouette : une faux. La lame luit faiblement à la lumière du plafonnier.

    La silhouette fait un pas en avant et se penche vers Keith. D’une voix incroyablement caverneuse, elle murmure :

    — Keith Guster, ton heure est venue... Tu vas devoir me suivre...

    — Navré de vous décevoir, monsieur, mais c’est impossible.

    — Ha ha ha ! Et quelle est la nature de cette impossibilité, petit morveux ?

    — Sans vouloir vous offenser, monsieur, sachez que je suis une Fleur de Lys, et qu’en aucun cas je ne puis me défiler.     

    Signé : Cazengler, fleur de banlieue

    Gordon Haskell. Disparu le 15 octobre 2020

    Damie Chad conseille : Cent Contes Rock ( Volume 1 ) Patrick Cazengler.  Camion Blanc 2011

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    PETIT RAPPEL HISTORIQUE

    La terre est peuplée d'injustices, certains souffrent davantage que d'autres. Par exemple la municipalité de Bondy respire, elle a réussi à se débarrasser de ses nuisibles. Il lui a fallu du temps, plusieurs années, figurez-vous deux redoutables perruches ( les ornithologues ne sont pas tous d'accord sur cette classification ) noires ( surtout à ne pas confondre avec la perruche à croupion rouge ) s'étaient perchées sur un des ormes de la commune et apparemment s'y trouvaient bien. Au début ( les trois premiers jours ) ils sont passés inaperçus, à la fin de la semaine la population en son entier en est venue à regretter que les arbres de la place centrale n'aient pas été squattés comme dans certaines villes par une colonie de quelques millions d'étourneaux, bien sûr ça criaille et il pleut de la fiente sans discontinuer mais tout compte fait cela s'inscrit dans les programmes de préservation des espèces animales et file à la ville un cachet écologique non négligeable quant à son futur développement économique.

    Mais si Bondy rit, la Bretagne pleure. De toutes ses larmes. Car ces psittaciformes noirâtres à bec jaune de malheur ont émigré et ont décidé de nidifier sur ces antiques terres chevaleresques. Le peuple breton s'est vaillamment défendu. Leurs élus ont enfilé leurs chapeaux ronds, que bizarrement ils appellent bonnets rouges, et ont fait pression sur le gouvernement, ils sont parvenus à faire interdire les concerts de rock sur toute la France. Nos indésirables volatiles n'en ont eu cure, ils ont continué à coasser sinistrement comme si de rien n'était, alors les plus grands savants bretons se sont réunis, dans leurs laboratoires secrets ils ont mis au point un microbe mirobolant ( nom de code : le variant breton ) censé venir à bout en un minimum de quatorze journée de ces hôtes redoutables. Cet espoir scientifique s'est vite révélé inopérant, l'on a eu beau en asperger cette triste engeance avienne, il s'est révélé qu'elle était naturellement immunisée, par contre l'espèce humaine moins résistante a connu les déboires de l'arroseur arrosé...

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    Nos cui-cui favoris s'en moquent, continuent leurs méfaits, un nouvel album, Unicorns, est en préparation, de temps en temps ils nous font part de l'avancement bruiteux de leur travaux, cette fois-ci ce n'est pas deux titres inédits sur Soundcloud ( les oiseaux aiment les nuages ), mais un clip, tout frais éclos, sur YT qui dévoile leur triste mentalité dévoyée...

    MENTAL HOSPITAL

    CRASHBIRDS

    ( Clip / Avril 2021 )

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    Un, deux, trois, c'est parti, excusez-moi je me suis laissé emporté par l'enthousiasme, je recommence au début, deux, trois, quatre, Rattila Pictures est là, des chirurgiens de l'image, vous leur fournissez un film tout simple, et vous les laissez faire, s'y jettent dessus telles des hyènes affamées sur un cadavre de chien purulent abandonné depuis quinze jours sur une aire d'autoroute, vous le découpent en morceaux, ce coup-ci une préférence pour les fines lamelles, et puis ils les vous recollent à leurs manières, puis ils passent leur temps à les ré-agencer selon une nouvelle donne, en plus cette fois-ci ils jouent avec les couleurs, enfin avec une, parce que sur le blanc-et-noir dominant, scintille par intermittence un magnifique jaune canari qui parfois s'engorge de nuances rouge-gorge ou bouvreuil-pivoine. Difficile d'expliquer pourquoi et comment mais ce traitement confère une étonnante rapidité et légèreté au montage, le clip défile devant vos pupilles étonnées et ravies.

    On ne présente plus la distribution. La Dame à l'Unicorns n'est pas là pour faire tapisserie. Delphine Viane bosse. Debout. A la guitare. Au micro. A la percu. Contrairement à la courtoisie médiévale, le page Pierre Lehoulier reste assis, tapote un peu de sa jambe gauche sa pantoufle sonique, du genre ma cocotte j'ai autre chose de plus important à faire qu'à m'occuper de toi, et joignant le geste à la parole des images dérobées nous le présentent les mains croisées dans son fauteuil à regarder par la fenêtre.

    Les rockers ne s'arrêtent pas à l'apparence cosy, un feu de bois qui pétille dans l'âtre, les beaux arbres du jardin dont on entrevoit les troncs élancés au travers d'une large baie, les bibelots disposés avec goût, la bibliothèque remplie de livres – interdits - dont la fine et altière silhouette de Delphine s'obstine à nous empêcher de lire les titres, preuve que ces gens-là ne lisent pas que Les aventures de Fantômette.

    Ce n'est qu'un détail, malheureusement souligné par la barbichette particulièrement méphistophélesque de Pierre, oubliez-le ( pour le moment ), concentrez-vous sur la plus belle, elle vous plaque une rythmique de diamant et elle chante merveilleusement bien, vous n'entendez qu'elle, vous ne voyez qu'elle, c'est là où vous tombez dans le piège tendu à dessein, vous croyiez voler jusqu'au paradis et plouf, tout se brise. Les portes du mental hospital se sont refermées sur vous. Déjà que votre cervelle rance dispensait une odeur d'infirmerie et que vos idées sentaient le médicament médiatique...

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    Sachez-le, avec leur mental hospital, ils vous entubent. Il est trop tard pour vous réveiller, cette chronique s'adresse donc à ceux qui ne se sont pas encore imprudemment aventurés dans le morceau. Je devance vos réactions '' Oh c'est super, c'est totalement Crashbirds avec un tout petit plus qui fait craquer, un je ne sais pas quoi, un truc super chouette, je le repasse ''. Malheureux vous avez mis l'oreille dans un engrenage fatal. C'est le moment de regarder Pierre, oui il joue de la guitare, Pierre joue toujours de la guitare, rien de nouveau sous la lune noire, toutefois soyez attentifs à son sourire, il est ailleurs et chaque fois que son médiator caresse sa corde la plus tendre, il vous distille le sortilège, pas besoin de tendre le tympan, cela s'infiltre en vous sans que vous vous en doutiez en douce sous le riff, comme le masque de la mort rouge dans la nouvelle de Poe, qu'est-ce au juste, un grignotement de souris, la petite sonate de Vinteuil dans La recherche du temps perdu, une petite fille perdue qui pleure, un couinement de blaireau dont on a enfumé le terrier, le pipeau du meneur de rats de la ville d'Hamelin, je ne saurais dire, mais c'est-là, indicible et irréversible, et les inflexions de Delphine par dessus cette scie à neurones vous aimantent, vous chavirent l'esprit, vous rendent fou... mais enfin laissez-moi, messieurs les infirmiers ne me touchez pas, non je ne vous suivrai pas dans cette ambulance, je...

    Nous sommes dans l'incapacité momentanée de vous donner la fin de cette chronique de Damie Chad. Toutefois nous nous permettons de signaler qu'il n'est pas bon de dépasser la dose prescrite pour l'écoute de ce clip. Apparemment les Crasbirds ont encore frappé fort. Hautement contagieux.

    La rédaction.

    *

    Fontainebleau jouit d'un passé prestigieux, François Premier transforma son modeste château médiéval en fastueuse résidence, Napoléon y fit ses adieux, Damie Chad y vint pour chroniquer quelques concerts de rock'n'roll, trois personnages incontournables mais qui relèvent de l'Histoire ancienne, voici que surgissent de nouveaux prétendants à cette gloire immémoriale, ils se sont regroupés sous une appellation un peu zarbi bizarre, MONSIEUR PAUL ET LES SOLUTIONS qui exige quelques éclaircissements. C'est que l'on n'échappe pas à ses origines, un groupe de rock sis ( même selon des circonstances hasardeuses ) dans une des cités les plus illustres de notre douce France, ne saurait être insensible à un patrimoine séculaire, que le lecteur ne soit pas surpris si nous sommes obligés de nous pencher sur d'anciennes strates géologiques du rock français pour expliciter leur démarche.

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    L'est sûr que pour trouver les solutions de Mr. Paul faut d'abord poser les problèmes. Ils sont parfaitement exposés par Eddy Mitchell dans Chronique pour l'an 2000. Si vous ne connaissez pas c'est que vous avez quelques années de retard. Faites le calcul par vous-même sachant que le disque de Schmoll sort au début de l'été 1966. Pour combler votre ignorance vous fouinerez aussi du côté de Chante de Ronnie Bird et de de Cheveux longs et idées courtes de Johnny Hallyday.

    Les Problèmes sont le groupe – un bon son pour l'époque - qui accompagnera à partir de l'année 66 un jeune chanteur qui fait le buzz avec Les élucubrations d'Antoine, morceau dans lequel le dit Antoine aimerait voir Johnny Hallyday en cage à Médrano. Depuis ses tout premiers débuts les attaques n'ont jamais cessé contre Johnny, mais celle-ci ne provient pas des croulants habituels balayés par la vague yé-yé mais d'une jeune génération qui se prévaut d'une provenance beat-folk-dylanesque dissidente du rock'n'roll... Si le staff hallydéen saura faire rebondir la première idole la trajectoire d'Antoine restera sujette à caution... Le succès est venu trop vite, Antoine n'arrivera jamais à maîtriser son projet musical initial et finira par se ranger des voitures en s'achetant un bateau... Les Problèmes subiront un sort parallèle, finiront en Charlots spécialisés en gags de comiques troupiers... Beaucoup de gâchis... Tout cela ne serait pas bien grave si ces mésaventures ne rappelaient pas une avanie fondatrice qui présida à une première fausse-couche du rock'n'roll français, celle initiée par Boris Vian, Henri Salvador et Michel Legrand, qui tenta d'inscrire le rock 'n' roll dans la catégorie infamante de la gaudriole cocasse, une musique qui manque de sérieux.

    C'est sûr qu'il existe dans le rock'n'roll français une lignée persistante qui louvoie entre nostalgie, parodie, dérision et je-m'en-foutisme. Elle provient de ce sentiment de libération joyeuse qui accompagna par chez nous l'apparition de cette musique entre 1959 et 1964. Jacques Dutronc fut le pionnier de cette veine, plus tard des groupes comme An bonheur des Dames, Albert et sa fanfare poliorcétique et les chacals de Béthune, les Wampas...

    Mr PAUL ET LES SOLUTIONS

    Monsieur Paul ( aka Billy Dorados ): chant, rythmique Don Electro 12 cordes, solo stratocaster, tambourin / Rick Solution : rythmique Vox Phamtom / Lulu Solution : basse / PJ Solution : batterie

    Graphisme : Pauline Barbier

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    Plagier Dutronc : tout un programme, qui vous prend à rebrousse-poil, vous pensez par exemple à La fille du Père Noël et vous êtes victime d'un syndrome de caméléonisation vocale, ce n'est pas le timbre attendu et dument tamponné de Jacques Cacapoum que vomissent les enceintes, mais à s'y méprendre, la voix d'Antoine, telle qu'en elles-mêmes les chemises en fleurs l'habillaient, n'empêche que Paul et son gang de solutionistes persévèrent dans les paroles, pour avoir le son sixties faut plagier Dutronc, le problème, pardon la solution, c'est qu'ils n'ont pas le son french sixties original, ne les assimilez pas à des donneurs de leçons qu'ils ne suivraient pas eux-mêmes, style faite ce que je dis mais pas ce que je fais, c'est qu'ils ont beaucoup mieux à nous offrir, ces zèbres-là l'est indubitable qu'ils n'arpentent pas la savane depuis trois jours, savent se servir de leurs guitares sans suivre les tutos sur le Net, ils vous envoient la purée, le presse-purée et le champ de patates qui va avec en plein dans le minois - ne se cachent d'ailleurs pas de leur curriculum destroyer dans leur présentation - des garagistes patentés, vous passent le polish sur la carrosserie à plein tube, méfiez-vous si vous désirez participer à l'essai gratuit à côté des mécanos, gardez un œil sur le compteur, la mécanique ronronne doucement mais la pédale de l'accélérateur ils l'écrasent avec volupté, savent aussi s'arrêter brutalement, mais trois décharges de batterie et c'est reparti, comme un avion de chasse qui attaque en psyché. Waiting for true love : avec un tel titre vous vous attendez à un slow sixties, le coup du grand amour larmoyant et la collection de râteaux qui les accompagnaient, ah des true loves pour toute la vie qu'est-ce que l'on en a entendu, à mouiller des mouchoirs aussi grands que des draps de lit poisseux, chassez ces cauchemars fiévreux, ne gardez que la fièvre car Mr Paul et ses solutions miracles est là pour vous requinquer le moral, démarrent sec, sont des malins vous torpillent le sentiment avec une de ces rythmiques cahotiques dont Buddy Holly possédait le secret, un sprint grondant qui vous entrechoque les os du squelette et surtout ne faites pas confiance, ne retrouveront pas tous la même place à la fin du morceau, sûr que ce sont des rapides, de véritables lévriers de course, le vocal hilaro-parodique est débité à toute blinde au milieu d'un feu d'artifice sonique, avec ce maelström dans la tête vous pouvez attendre sans problème. Donc avec la solution ( nitro instable ) de Mr. Paul.

    Damie Chad.

     

    THE ANIMALS

     

    En novembre 1976 War fait paraître Love is all the around regroupant des inédits enregistrés avec Eric Burdon durant son passage dans le groupe. En Avril 77 sort Survivor d'Eric Burdon Band, nous en parlerons dans notre prochaine livraison. Mais en août 77 paraît un nouveau disque des Animals ! Comme tous les fans naïfs je pense que Burdon utilise le nom fameux pour baptiser la énième mouture de son groupe d'Amérique, mais non, il s'agit bien du groupe anglais original, avec Alan Price que Burdon ne porte pas dans son cœur.

    BEFORE WE WERE SO RUDELY INTERRUMPED

    ANIMALS

    ( 1977 )

    Pour le titre les Animais n'ont pas hésité à reprendre une phrase restée célèbre dans l'imaginaire collectif d'Angleterre : ''Comme j'étais en train de le dire avant que je ne sois si rudement interrompu c'est un art difficile de plaire tout le temps à tout le monde'' c'est par ces mots lors de la deuxième guerre mondiale que William Connor reprit son travail d'éditorialiste au Daily Mirror que suite à un article qui n'avait pas plu en haut lieu l'intervention de Winston Churchill avait brutalement suspendu... La couverture est une photographie de Terry O' Neil, il est crédité pour plus de deux cents couvertures d'albums, notamment Elton John, Tom Jones, Eric Clapton, surtout le haut du panier, ce qui m'induit à le considérer davantage comme un photographe de stars que de rock, d'ailleurs lorsque le rock aura perdu de sa force, il se consacrera à la musique classique. D'après moi un faiseur qui récupère des images déjà établies dans le mental du public à qui il sert la soupe habituelle. Pas un créateur, pas le grand bousculateur que l'on attend d'un artiste authentique. La couve de Before... fige le groupe dans son passé. Les Animals font un peu office de chevaux de Przewalski conservés dans les zoos pour empêcher l'extinction de la race...

    Eric Burdon : vocals / Alan Price : keyboards / Hilton Valentine : guitar / Chas Chandler : bass / John Steel : drums.

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    Brother Bill ( The last clean shirt ) : le titre sonne comme un vieux blues mais il est relativement récent, fut écrit par Leiber et Stoller qui le sortirent sur leur label Red Bird en 1964 – le Cat Zengler nous a parlé de cette aventure discographique dans notre livraison 484 du 10 / 11 / 2020 – l'était chanté par the HoneyMan qui le cosigna sous le nom d'Otis. Alan Price a sorti son piano et nous sert une espèce de rag pas vraiment enragé mais qui nous ramène bien en avant dans le siècle précédent. Burdon est à l'unisson, les paroles ne sont pas joyeuses, le frérot abattu à qui l'on passe sa dernière chemise, mais Burdon se débrouille pour vous faire sentir le comique pratiquement désopilant de la mort, cette absurdité du gars qui a vécu pour qu'on l'enterre dans une chemise propre, une ironie mordante dans la façon de débiter le texte d'une voix égale et froide. Un petit chef d'œuvre d'humour noir. Les Animals égal à eux-mêmes, Hilton qui plaque son petit solo insurpassable de quinze secondes, et les autres qui jouent non pas avec leur instrument mais avec la sonorité de leurs binious. Art consommé. It's all over now, baby blue : apparemment l'amour est plus douloureux que la mort. Certes la version de Dylan n'est pas joyeuse, toutefois elle est traversée par un peu de hargne et d'ironie, mais celle des Animals est carrément funèbre, une musique mélodramatique et la voix de Burdon qui vous glace l'âme, Price appuie sur ses touches à croire que tous les douleurs du monde se sont pressés sur ses épaules, le Steel ne se départit pas de son rythme d'enterrement, la basse de Chas chasse le bonheur et Hilton est si malheureux qu'il en oublie de nous livrer son solo. Pour la petite histoire Dylan cite bien le Baby Blue de Gene Vincent comme une de ses sources d'inspiration. Fire on the sun : boogie qui remue, Price tape sur les touches une par une comme s'il plantait des asperges, le Burdon se rue sur le vocal à la manière d'un chacal qui se jette sur un os pourri, les autres lui emboîtent le pas, deux minutes qui ne sont pas impérissables mais qu'il faut avoir vécues. Je me demande comment Shakey Jake James Harry a posé son harmo sur l'original mais j'ai été incapable d'y mettre la main dessus. As the crow flies : tout est parfait dans ce blues, Burdon qui vous serre à la gorge, la rythmique blues de base dépourvu de toute fioriture, les notes de piano que Price éparpille de temps en temps, et ces voix qui s'élèvent au final, juste le temps que vous réalisiez que vous n'épuiserez jamais la tristesse humaine. Corbeau poisseux. Please send me someone to love : la ballade soul encore teintée de piano jazz mais déjà à côté, une belle section cuivrée et la voix plate de Curtis Mayfield, les Animals mettent les patins pour ne pas rayer le plancher, l'organe de Burdon se heurte un peu aux meubles cirés, mais l'essaie que ça ne s'entende pas, l'a un peu de mal à y croire, heureusement qu'Alan vous joue de l'orgue tantôt comme s'il était dans une église tantôt dans un night club à cinq heures du matin... ça se termine de justesse juste le temps d'évacuer le Burdon embourbonné, l'alcool lui monte à la glotte, l'allait hausser le ton à la Boris Goudounov.

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    Many rivers to cross : l'on a changé de face mais les Animals tapent encore dans les reprises improbables. Quoique à la réflexion... surtout que le Burdon il ouvre son clapet moderato, à la hauteur de Jimmy, n'est pas là pour faire la course en altitude, c'est dans les passages plus bas qu'il sort sa voix bleu-sombre, l'Alan l'est comme chez lui avec son orgue, our favorite pets se passent même des chœurs féminins de Cliff, bien fait, mais n'apporte rien à Jimmy. Genre lycéen qui a fait un papier-collé de la bio de Baudelaire sur Wikipedia. Just a little beat : pas le premier titre que les Animals reprennent, oui mais sur l'original vous avez un ronflement de saxophone pour lequel vous vendrez votre âme au diable pour qu'il vous permette de le reproduire à l'identique. Les z'Animals z'ont pas de saxo, le Price vous sort toute la ménagerie de verre de son orgue, se la donne à fond mais ça manque de sexo... d'autant plus que le Burdon vous prend une petite voix flûtée de coupe de champagne, ça pétille, ça fait des bulles, mais l'on préfère quand il joue au cobra royal qui vous crache dans les amygdales. Riverside county : enfin, ils ont réussi à écrire un morceau tous ensemble, question paroles ce n'est pas le cinquième évangile mais peut-être que c'est mieux, une belle intro avec Hilton qui égrène quelques notes comme l'on jette des pièces d'or au fond du bocal aux poissons rouges, et le Burdon qui vous prend son timbre de petit garçon qui demande à sa petite sœur de baisser sa culotte pour jouer au docteur, hélas, ils éteignent la lumière et coupent le son juste au moment où ça commençait à devenir intéressant. Lonely avenue : pas besoin de lire le titre, tout le monde   connaît ce balancement typique de l'intro de Ray Charles, l'Hilton vous offre une suite royale pour le prix d'un solo, le Burdon vous manie sa voix comme s'il filait des coups de pied dans des boîtes de conserve, les chœurs jouent à la pédale wah-wah et Price vous fait reluire les ors de son orgue comme s'il astiquait les tuyaux de celui de Notre-Dame. Sur ce écoutez la version en français et en live de Noël Deschamps enregistré au Jazz Club Le Méridien en 2018. The fool : on se quitte sur un petit cadeau un titre de Lee Hazelwood et Al Casey à la guitare ( le même qui joue sur Bird Doggin de Gene Vincent ), le chanteur Sanford Clark avait une de ces belles voix insipides pas du tout foolichonnes qui en 1956 plaisaient aux filles, c'est le moment de prendre une leçon de chant, le Burdon il vous le reprend à l'identique au début, l'on sent la différence – par contre Hilton ne fait pas mieux qu'Al Casey – puis il pose quelques intonations pas trop, mais c'est comme la citrouille de Cendrillon qui se change en carrosse.

    Un peu décevant tout de même. L'ensemble manque d'unité et de direction. La play-list a dû être composée à la va-vite sur un bout de table. Genre de disque incompréhensible pour la hungry generation punk qui n'avait nul besoin de ces bibelots tirés de l'armoire aux souvenirs de leurs grand-pères. Z'étaient à la recherche de l'énergie brute perdue. Et ils n'avaient pas tort. Et ils l'ont trouvée.

    Le disque se vendit peu et ne fut soutenu par aucune tournée, et hop un flop !

    *

    Tout est étrange dans cet album. Certes ils ont besoin d'argent. Il sera suivi d'une tournée qui donnera lieu à un Live ( voir plus bas ). Il ressemble davantage à un album d'Eric Burdon qu'à un disque des Animals. Le deal conclu avec ses anciens collègues Burdon y rapatriera le matériel qu'il avait amassé en prévision de son prochain opus. Beaucoup de morceaux sont co-signés par Sterling. Un autre titre était prévu beaucoup moins mystérieux que Ark : Hard times with my favorite ennemy.

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    N'empêche que la pochette est sujette à intenses méditations. Ark sigifiant Arche – mot ô combien bibliquement connoté – j'en avais conclu à première vue que Burdon dernier passager de l'Arche démolie par le déluge, avait trouvé refuge sur un étroit radeau dont la voile rouge gonflée par un vent impétueux risquait à tous moments de le jeter dans les flots tumultueux... preuve que le Dieu très méchant s'était ravisé et avait décidé de radier de la surface du globe l'espèce humaine jusqu'à son dernier représentant. Mais non je me laissai aveuglé par mon idéologie anti-chrétienne. Regardons de plus près. Ce n'est pas un hunier gonflé par le souffle de la tempête mais la coque de l'arche elle-même. Entre nous soit dit, le vaisseau ressemble davantage au Nautilius de Jules Verne qu'à l'espèce de grossière péniche quadrilatérique décrite dans la Genèse. Après tout pourquoi pas, Dieu qui sait tout devait bien avoir dans un de ses tiroirs secrets les plans du sous-marin de l'auteur de Vingt Mille lieues sous les mers, n'est-il pas par définition le seul maître à bord devant le Capitaine. Cette deuxième approximation demande à être approfondie. De fait l'image ressemble à une case tirée d'une bande-dessinée, une lointaine, revisitation du combat contre les poulpes géants, l'arche est attaquée par une espèce d'hydre ultra-agressive surgie des abysses qui n'a pas l'air de se ressentir des balles traçantes de la mitraillette du héros qui l'affronte. Un Noé moderne, porte-cigarette au bec – déjà que la Bible il est décrit comme un vieil ivrogne - sanglé dans un uniforme de confédéré, un peu le look de Clark Gable dans Autant en emporte le vent, courageux, intrépide mais heureusement que le tigre assoiffé de sang qui dormait dans la soute se hâte de venir lui donner un coup de main, pardon de patte aux griffes acérées. L'artwork est de Paul ( S ) Power est-ce le même storyboarder que l'on retrouve dans les génériques de RoboCop et Predator et de nombreux autres films à grands-succès ?

    ARK

    ANIMALS

    ( 1983 )

    Eric Burdon : vocals / Alan Price : keyboards / Hilton Valentine : guitar / Chas Chandler : bass / John Steel : drums. + Zoot Money : keyboards / Steve Grant : guitar, synthetiser, background vocals / Steve Gregory : saxophones / Nippy Noya : percussion.

    Loose change : vous n'en croyez pas vos oreilles, les Animals ont bien changé, oubliez-les, ce n'est plus la même musique, elle sonne un peu passe-partout, trop entertaiment, heureusement que Burdon est en forme, sur un green vous auriez la balle qui rentre dans les dix-huit trous les uns après les autres au premier coup de club, grande jubilation cynique, l'argent ne fait pas le bonheur mais puisque j'en ai je ne crache pas dessus, musicalement sauvez les filles qui ont du chœur et le sax de Gregory qui fait très bien l'affaire. Love is for all time : soyons gentillet, un petit reggae pour se régaler, n'y a pas que l'argent dans la vie, y'a l'amour aussi, faut savoir se rattraper aux branches, certes l'amour c'est bien mais cet accompagnement est aussi nourrissant qu'un sandwich sans pain ni garniture, Chas à la basse tient le morceau sur ses épaules, sur lesquelles Burdon caracole en poussant la barcarolle. My favourite enemy : l'amour ce n'est pas toujours au top, ennemi prend un e au féminin, Burdon chuchote pour mieux piquer sa colère, perso ce qui me fout en rage c'est ce synthétiseur de malheur qui vous aseptise le rock'n'roll et vous le transforme en chansonnette, les Beatles avec leurs harmonies et leur invention seraient bien parvenus à en faire une omelette potable mais ils n'étaient pas dans le studio. Prisoner of the light : avec un autre accompagnement Burdon aurait pu tenir un hit, un superbe numéro vocal, pop anglaise dans toute sa splendeur, comment arrive-t-il à funambuliser si merveilleusement sur cette musiquette si bébête, parfois dans la vie les copains ne vous aident pas, et il vaut mieux être seul que mal accompagné. Being there : y a-t-il un pilote dans l'avion? Oui, il s'appelle Eric Burdon mais son appareil a les ailes cassées, alors il vous le posera en bout de piste et évitera la catastrophe, un prodige, mais l'on aurait préféré un crash landing ! Hard times : ouf ! Enfin cela ressemble à quelque chose, rythmique binaire, le minimum mais chacun y met du sien dans les chœurs, l'on retrouve nos animaux favoris, ceux qui viennent vous manger dans la main pour vous arracher les doigts, preuve par l'absurde que quand la vie vous veut du mal c'est pour votre bien. The night : des lyrics parfaits pour un blues, mais Burdon nous en donne une dramaturgie petite-bourgeoise avec orchestre de variétoche qui filoche à l'emphase, vivement que la nuit s'achève. Pataud. Vaudrait mieux ne pas faire une étude sociologique du public qui a plébiscité ce morceau, l'on serait déçu.

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    Trying to get you : remarquons que la tarte à la guimauve précédente ils ont essayé de la cacher entre deux dolmens qui ressemblent un peu au rock'n'blues, celui-ci est adouci par les synthés et le sax mais l'ensemble possède une bonne tenue et Burdon en profite pour hausser la voix. L'avait intérêt s'il voulait se démarquer d'Elvis ! Just can't get enough : ballade soul balancée, Les sax déversent un baume salvateur sur votre âme asséchée. Ce n'est pas la vie éternelle, mais enfin cela vous donne l'espoir de survivre. Quelques ressemblances avec Depeche Mode... Melt down : encore un truc qui ressemble à ce que je notai précédemment, les Animals courent après la mode et l'air du temps, chien perdu cherche son collier, c'est mignon, gentillet, je ne vous en voudrais pas si vous ajoutez insipide. Gotta get back to you : coucou aux filles sur les chœurs au moins ça change et ça passe le temps, Burdon nous fait le coup du groove qui tue, mais le couteau est émoussé. Ne s'entête pas, écourte les frais. Nous le remercions de ne pas persévérer dans l'erreur. Crystal night : pas vraiment cristallin, le genre de morceau que l'on entonne dans un bar tous ensemble à trois heures du matin, ce qu'il y a de bien c'est que Burdon chante mieux que nous mais si l'on avait le droit de tirer sur le pianiste qui synthétise ce serait mieux. No John no : ( face B du single: The night ) : Price n'a pas signé tout seul uniquement The house of the rising sun, ce morceau ses copains l'avaient renvoyé en face B du single The nigth – il n'y a pas de petite vengeance – une chanson du quotidien tragique de John qui se suicide d'ultra-quotidienne-solitude, pas rancunier le Burdon, nous en sert une version d'autant plus émouvante que la facture de la chanson ressemble à Susanna chantée par The Art Company...

    De tous les disques des Animals, c'est le plus décevant, trop éloigné de leur style si particulier. Et hop, flop pop !

    *

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    Une pochette de Carl Grasso qui avait manifestement partie liée avec IRS la maison de disque pour laquelle il a réalisé pas mal de couves. L'a travaillé avec beaucoup de groupes notamment les Cramps, pas de chance, de touts ces travaux c'est celui qui me laisse le plus dans l'expectative. Comme dirait Hegel j'ai dû mal à entrevoir le concept... Sans doute est-il contenu dans le sous-titre qui ferait de l'objet une sorte de calendrier de l'avent, ce qui me semble mal venu pour un dernier disque...

    GREATEST HITS LIVE !

    ( RIP IT TO SHREDS )

    ANIMALS

    ( 1984 )

    Eric Burdon : vocals / Alan Price : keyboards / Hilton Valentine : guitar / Chas Chandler : bass / John Steel : drums. + Zoot Money : keyboards / Steve Grant : guitar, synthetiser, background vocals / Steve Gregory : saxophones / Nippy Noya : percussion.

    It's too late : public enthousiaste, le son n'est pas parfait, vous avez un synthétiseur qui vient bourdonner dans vos oreilles tel un moustique qui vous empêche de jouir de votre nuit et vous ne pouvez pas l'écraser, la voix de Burdon n'est pas au mieux, une espèce de piano malade qui perd ses dents chaque fois qu'on enfonce une touche, dommage un morceau sur le délicat passage délicat à l'acte, du désir de la violence à la violence, on attend le drame wagnérien et l'on a droit à un allègre sautillement... House of the rising sun : sortent la grosse artillerie dès le début, pas besoin d'avoir un diplôme de troisième année de musicologie pour comprendre comment le disque fonctionne : une musique fluette et pointue et Burdon qui chante à faire exploser les micros, même le solo de Price est bien criard, Burdon se hâte de raccrocher les wagons, que voulez-vous il dépense sa vie dans un rock'n'roll band qui n'est pas au point. It's my life : surprise divine, sont parvenus à une épaisseur phonique équivalente à l'originelle animalière, filou le Burdon chaque fois que l'orchestre devient ruisselet il parle par-dessus, avec cette ruse de sioux le bateau ne coulera pas au fond de l'eau, ce que l'on appelle un passage en force par la porte de derrière. Don't bring me down : difficile de reconnaître le morceau sur l'intro, vous le descendent à la baïonnette non aiguisée. Quelle salade, n'importe quoi, reste le Burdon qui nage entre les gravats tel un aspic en colère qui n'a pas trouvé le sein de Cléopâtre pour y planter son dard mortel. Don't let me be misunderstood : un début qui rappelle les génériques des mauvais films espagnols, Burdon est en voix, force dessus pour que l'on oublie les synthés décintrés, entre la musique qui se casse la figure avec la grâce d'une mémé obèse qui descend les escaliers de la tour Eiffel sur son auguste postérieur et Burdon qui finit par crier comme un goret que l'on saigne il y a de quoi devenir schizophrène. I'm crying : un morceau de roi, le fleuron de la couronne, belle cavalcade derrière, pour une fois les chœurs tiennent la route, passage tambourin burdonien, mais l'on ne s'égare pas, l'on renvoie le riff et la messe est dite. Dieu n'était pas là mais Burdon nous a sauvés. Bring it on home to me : l'intro si inexistante que Burdon parle dessus pour que l'on ne l'entende pas, ensuite cela s'améliore, on peut au moins profiter de la splendeur vocale d'Eric, le sax l'accompagne telle une fleur vénéneuse de nénuphar éclose sur l'eau grisâtre d'un étang boueux, hurlement désespéré d'Eric au final.

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    Oh lucky man : le quart d'heure de gloire d'Alan Price, c'est un peu comme si vous passiez au micro après la Callas, il y met du cœur, évacuez discrètement le cheveu noir dans la soupe au lait. Boom boom : me ferai jamais à ce son de keyboard aigrelet, aigrelaid, aigrelait qu'a mal tourné, toujours Zorro Burdon qui arrive à la fin pour couper les liens de la pauvre Suzie ficelée sur les rails, remarquez la loco qui survient est poussive même si le sax la pousse de toutes ses forces, sur le final vous aimeriez être Suzie pour embrasser le héros qui vous a sauvé de la mort. La fin du morceau est charivarisée dans une pétaudière incongrue, mais vous parvenez à y retrouver vos petits frissons. We 've gotta get out of this place : je perçus les percus et puis un bruit de ressort de carnet à spirale et le Burdon se lance dans une espèce d'impro rap de mauvais augure, la foule bat des mains, et vous de l'aile, enfin une guitare acceptable, Burdon a retrouvé sa voix, l'orchestre a perdu la voie du rock, vaut mieux qu'ils chantent les chœurs que de toucher à leurs instruments. Y a un mec qui tape sur une plaque de fer et il croit qu'il joue de la batterie. Le massacre dure près de huit minutes... When I was young : d'entrée une espèce de sirène de police asthmatique – vous avez envie de vous cotiser pour qu'ils puissent vous faire peur - heureusement que par la suite Burdon se charge de nous faire oublier le désastre, il y parvient, quant aux parties orientalisantes vos rêves de bayadères ont du mal à imaginer les houris qui vous attendent au paradis, elles ressemblent à des souricettes en tutu rose dans un dessin dévitalisé de Disney.

    Vous conseille de trouver le DVD, le son est meilleur, en plus vous les voyez s'agiter sur scène. Ces deux derniers albums jurent un peu trop dans la discographie des Animals. Plusieurs reformations du groupe ont suivi mais Burdon n'étant pas là, nous ne nous y intéresserons pas. Nous disons : pop stop !

    Damie Chad.

    XXX

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

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    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

     

    Cette livraison, nous nous la sommes procurée à prix d'or et grâce à quelques indiscrétions, c'est ce que dans les rédactions des grands magazines l'on appelle les bonnes pages d'un prochain livre à sortir, donc en avant-première nous offrons quelques extraits des Mémoires d'un GSH ( Génie Supérieur de l'Humanité ) de Damie Chad. Elles jettent un jour cru sur la terrible partie qui s'est jouée entre le SSR et les autorités défaillantes de notre pays. Nous alertons notre lectorat féminin qu'il pourrait être choqué par la violence de certaines scènes.

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    Je m'amusais comme un fou. J'avais dérobé un énorme SUV muni de gros pare-chocs, je surgissais comme un madurle sur l'arrière d'innocentes voitures, mettant le clignoteur pour leur faire signe que j'allais les dépasser, et plouf ! à peine m'étais-je décalé sur la gauche que je me rabattais sur la droite et les envoyais bouler dans les décors, les filles criaient Olé ! Le Chef relâchait de son Coronado un énorme nuage de fumée noire en signe de deuil. Puis prenant une voix onctueuse de prélat à l'office des morts il déclarait : Nous ne sommes pas les gardiens de l'Humanité, nous sommes ici juste pour sauver le rock'n'roll !

    121

    Hélas, ce jeu innocent se termina lorsque Vince m'indiqua de tourner sur une mince route départementale qui bientôt perdit son goudron et s'atrophia à tel point qu'elle devint un chemin vicinal de plus en plus étroit qui finit en cul de sac devant un mur de pierre.

      • Nous ne sommes qu'à trois cents mètres de la Villa aux Ormeaux, et nous sommes exactement dans la Villa aux Ormeaux, voyant nos visages interrogatifs Vince se hâta d'expliquer, une petite dépendance, un pavillon de chasse, devant lequel se dresse le deuxième ormeau du domaine. C'était un peu la garçonnière de Ludovic, nous l'avons souvent utilisée quand nous étions jeunes. J'en ai toujours une clef sur moi, cela peut servir à l'occasion. A la nuit tombée nous irons délivrer Ludo.

    122

    La nuit était tombée. Nous nous étions entassés dans la petite cuisine où nous nous étions restaurés. Ludo et Vince avaient pensé à tout, provisions a gogo et quelques armes. Au-dehors il faisait noir, les filles sursautèrent lorsqu'elle entendirent les hurlements des loups

      • Ils viennent d'Italie nous renseigna Vince, n'ayez pas peur les filles nous n'avons pas besoin de sortir, nous allons emprunter un souterrain !

        Déjà le Chef avait arrêté son plan d'action :

      • Deux groupes, les hommes formeront le trio d'attaque, les filles nous suivront à trente mètres, nous prenons les pistolets et les revolvers, et le trio de soutien féminin les fusils à canon scié, pas besoin de savoir viser pour tirer, Agent Chad prenez la tête, Vince à trois mètres derrière vous, écoutez ses conseils il connaît les lieux, moi derrière un Coronado aux lèvres ! Action immédiate.

    123

    Sous la table un tapis. Sous le tapis une trappe. Sous la trappe un escalier obscur dans lequel je m'engageai sans peur car un agent du SSR n'a jamais peur. Vince me suivait et m'éclairait d'une lampe torche. Le boyau n'était pas large mais n'offrait pas de difficulté. Il montait et descendait, des marches avaient été façonnées pour aider la marche. Au bout d'un quart d'heure je butai contre une porte.

      • La porte donne dans une armoire, me souffla Vince qui s'était rapproché pour les dernières instructions, tu te retrouves derrière des casiers à bouteilles, tu les pousses sans problème et sans bruit ils sont montés sur des roulettes huilées, tu te retrouves dans la cave. Droit devant un escalier, la porte donne sur le fond du couloir qui sépare la maison en deux, trois pièces de chaque côté. A toi d'improviser.

    125

    Ce fut facile. Le couloir était plongé das le noir, sous une porte filtrait un rai de lumière, des bruits de voix me parvenaient. Je regardais par le trou de la serrure. Ils étaient trois autour de Ludovic torse nu et les mains liées dans le dos. Se servaient de lui comme d'un punching ball qu'ils se renvoyaient de l'un à l'autre à coups de poing.

      • Parle crapule, on veut tout savoir sur Vince et ses copains !

      • Tu ne les connais pas, pim, pam, pum

      • Et Vince non plus, pim pam,

      • Juste un ami de maternelle ! l'avait du cran le Ludo, l'encaissait bien,

      • Déjà, pim, pam, poum, tu vois, pim, pam, poum, tu choisissais mal tes amis, pim, pam, poum, un sale activiste qui inonde la côte d'azur de brochures rock'n'roll !

      • Eh bien, pim, pam, poum, tu n'as pas de chance, celui qui ordonne déteste le rock'n'roll, et ces mecs on va les dessouder un par un, pim, pam, poum

    D'un coup de pied j'ouvris la porte et tirai une bastos en plein dans la tête de celui qui paraissait le plus gros, de la cervelle avait giclé sur le mur, et de glauques filaments pendaient sur le lustre, les deux qui restaient étaient sidérés, il me fallait profiter de la surprise.

      • Toi là, le plus maigre si tu tiens à la vie tu me donnes le nom de celui qui commande, ou tu vas subir le même sort que ton copain, je te laisse une demi-seconde pour répondre.

    Le mec ne devait pas tenir beaucoup à la vie, il me toisa d'un sourire méprisant, peut-être qu'il avait la tête dure, mais pas tant que ça, quand le bastos lui brisa le crâne sa cervelle sauta en l'air fit trois fois le tour sur elle-même comme une crêpe le jour de la chandeleur, elle retomba avec un bruit mou sur le plancher.

      • A toi le numéro trois, pareil que ton copain si tu ne donnes pas le nom du commandeur suprême !

      • C'est... c'est... l'homme à deux mains... lui-même !

      • Très bien je m'en doutais, et n'oublie pas que l'homme avec une ou deux mains est un loup pour l'homme, sur cette courte leçon de philosophie, je lui fis sauter le caisson, peu de cervelle coula, preuve qu'il n'en n'avait pas beaucoup.

      • Parfait Agent Chad, la silhouette du Chef s'encadrait dans l'embrasure de la porte, Vince occupe-toi de Ludo et ramène-le au chalet, l'a besoin de soin et d'un coup de jack dans le gosier pour le remonter. Agent Chad avec moi dans la cuisine, sous la gazinière nous trouvâmes deux bouteilles de gaz butane dont nous nous emparâmes, les filles survinrent à point, Charlotte fenêtre de gauche de devant, Charlène fenêtre de droite, Brunette tu ouvriras la porte lorsque tu verras le feu d'artifice !

    Le Chef et moi restâmes derrière la porte d'entrée, j'enlevais les petites capsules qui libérèrent le gaz, avec son Coronado le Chef l'enflamma, nous avions en main deux gros chalumeaux, Brunette ouvrit la porte, déjà les butagaz roulaient vers les estafettes de gendarmerie, ils n'eurent pas le temps de descendre, chacun de nous deux tira sur une des bouteilles qui toutes deux explosèrent et embrasèrent les véhicules.

    Nous n'en avions pas fini, à droite et à gauche des phares balayèrent l'asphalte et deux cars de gendarmerie sortis d'on ne sait où pilèrent devant la villa. Z'étaient une quarantaine qui se ruaient vers la maison, n'allèrent pas loin, depuis les fenêtres les filles les arrosèrent méthodiquement, nous les aidâmes un peu de notre artillerie personnelle, cinq minutes plus tard, z'étaient tous morts...

      • Repli stratégique, ordonna le Chef, Agent Chad, vous passerez en dernier, vous remettrez les casiers à bouteilles correctement, rejoignez-nous au plus vite, la piste sanglante ne fait que commencer...

                                                                                                                                          A suivre...

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 506 : KR'TNT ! 506 : ROCKABILLY GENERATION NEWS 14 / JACK NITZSCHE/ TERRY STAMP / PESTICIDES / STÜPOR MENTIS / NINETEEN / ERIC BURDON BAND / AALON / ROCKAMBOLESQUES XXIX

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 506

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    15 / 04 / 2021

     

    ROCKABILLY GENERATION NEWS ( 14 )

    JACK NITZSCHE / TERRY STAMP

    PESTICIDES / STÜPOR MENTIS / NINETEEN

    ERIC BURDON BAND / AALON

    ROCKAMBOLESQUES 29

     

    Talking ‘Bout My Generation

    - Part Four

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    Ah tiens, un article sur Carl Mann dans le dernier numéro de Rockabilly Generation. Heureuse initiative, car le pauvre Carl fait partie des laissés pour compte du système solaire. En fait, le vrai problème est qu’il est arrivé après la bataille. Craig Morrison indique dans Go Cat Go que le rockab avait rendu l’âme en 1959. Et Carl Mann se pointe chez Uncle Sam en 1960. Mais nous dit Morrison, il amène une nouvelle énergie. Morrison le compare à Charlie Rich, lui aussi arrivé sur le tard, quand Uncle Sam n’y croyait plus. Charlie et Carl même combat ? Oui, car ils jouent tous les deux du piano comme des cracks et se passionnent pour Nat King Cole. Comme l’indique Greg Cattez dans son article, «Mona Lisa» est un vieux hit de Cole modernisé par Carl. Cet excellent pianiste qu’est Carl va d’ailleurs jouer dans le backing band d’un autre Carl, le cat Perkins.

    Uncle Sam crée une filiale de Sun qui s’appelle Phillips International Records et c’est sur ce label que Carl et Charlie sortent leurs hits en 1960, «Mona Lisa» et «Lonely Weekends». Mais il s’agit d’un autre son. Si on veut du rockab, il faut écouter «Love My Baby» d’Hayden Thompson, sorti au même moment sur le même label.

    La bonne surprise de l’article pré-cité, c’est qu’on y trouve une interview de Carl menée par Craig Morrison en 2007. Carl raconte sa vie, et c’est passionnant, car ça grouille de détails qui comme les asticots font le charme capiteux d’un vieux claquos. Il fait bien sûr référence aux deux mamelles du rock’n’roll, l’église et le Grand Ole Opry. D’où cette country flavour qu’on retrouve chez Carl et qui passe plutôt bien. Alors qu’Elvis en pinçait pour les blackos, Carl en pince pour les whiteys, Webb Pierce, Hank Snow, Ernest Tubb et son idole Lefty Frizzel. Il y a toute la collection. Le seul blackos qu’il cite, c’est Brook Benton. Et bien sûr, ce gros veinard de Carl voit Elvis sur scène à Memphis avec Scotty Moore et Bill Black.

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    Alors on ressort de l’étagère les albums de Carl. Oh il n’y pas grand chose, Carl n’est pas aussi tentaculaire que Jerry Lee. Deux albums ont échappé aux purges : le Gonna Rock’n’Roll Tonight cité dans l’article et paru sur Charly/Rockhouse et un Super Saver paru sur Rockhouse Records qui fait un peu double emploi, car on y retrouve dix titres enregistrés en Hollande en 1978 et qui figurent déjà sur le Gonna Rock’n’Roll Tonight, mais on le garde rien que pour cette reprise d’«Ain’t Got No Home» dont parle Cattez, un hit de l’immense Clarence Frogman Henry, down in New Orleans baby ! Frogman et Fatsy même combat ? On y reviendra. En tous les cas, cette version d’«Ain’t Got No Home» et un modèle de swing du Tennessee. Carl rocke avec aisance, il propose un son enraciné dans la country, mais il ramène un tel swagger («Judy») qu’on oublie complètement de bâiller. Ce démon de Carl swingue son swagger avec un talent fou, mais il ne la ramène pas pour autant. On sent chez lui une sorte de réserve naturelle. Just sing, boy ! Son «Bull O The Woods» claque bien le beignet de la country et dans «It Couldn’t Happen With Me», il salue Jackie Wilson et Elvis en développant ce que Jean-Sébastien Bach appellerait un pulsatif bien tempéré. Et on finit par se faire baiser avec «Pretend», une sorte d’ancêtre flamboyant du country rock qui, soit dit en passant, pave le chemin de l’enfer de bonnes intentions. Carl est le roi de l’up-tempo, son «Gonna Drink A Little Beer» reste résolument country, mais avec un gros pétard dans le cul.

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    Sur Gonna Rock’n’Roll Tonight, Carl est accompagné par le Dave Travis Bad River Band. On est là en plein revival rockab des années 80 et Dave Travis accompagnait tous les vétérans du rockab qui débarquaient en Europe pour se refaire une jeunesse et émerveiller les fans. L’album est donc enregistré en Hollande et wow, quel punch ! On est vite subjugué par ce «Why Do I Keep Telling Lies To Me» bien enveloppé de son. Carl n’est pas avare d’élégance naturelle, telle qu’on la retrouve chez les grands artistes américains issus du cru. Il semble chanter «Till I Waltz Again With You» avec du coton dans la bouche, et ça explique en partie que sa voix puisse déconcerter. Globalement, Carl reste très classique, il ne s’éloigne jamais de son swagger et derrière lui, le Dave Travis Bad River Band sonne comme le backing-band de rêve. Ces Anglais connaissent toutes les ficelles. C’est vrai que de ce côté-là, on a aucun mauvais souvenir. Carl tape dans l’excellent «I’m Left You’re Right She’s Gone», un vieux hit signé Stan Kesler, d’abord enregistré sur Sun par Elvis, puis par Jerry Lee dans les année 70, pendant sa période Smash/Mercury. En B, Carl reprend un autre hit magnifié par Jerry Lee pendant la même période, l’excellent «You Win Again». Carl s’en sort avec les honneurs. Pas facile de passer après des géants comme Elvis et Jerry Lee. C’est la raison pour laquelle ce mec attache autant que le sparadrap du Capitaine Haddock. Carl pique sa petite crise d’exotica avec «South Of The Border» - Aïe, Aïe, Aïe - Il fait une mexicana à la Dario Moreno et ça tient debout. Quant au morceau titre, c’est un beau flash de rockab. Le Bad River Band soigne le pulsatif et Carl se met à bopper le blues. Cette belle aventure hollandaise s’achève bien sûr avec «Mona Lisa». Le Bad River Band joue dans la joie et la bonne humeur. On salue donc ce mélange réjouissant de swagger country et d’aisance vocale.

    Ravi aussi de croiser dans l’interview de Gilles Vignal le nom de Jerry Dixie, impeccable rocker de banlieue. Dix ans de relations avec sa frangine. Merveilleuse époque !

    Signé : Cazengler, dégénéré

    Rockabilly Generation. N°17 - Avril Mai Juin 2021

    Carl Mann. Gonna Rock’n’Roll Tonight. Charly Records 1975

    Carl Mann. The Best Rockhouse Tracks. Rockhouse Records 1989

     

    La philosophie de Nitzsche

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    L’histoire de Jack Nitzsche ? Inutile d’aller fouiner chez votre libraire, messieurs les philosophes, on la trouve chez Ace. Il suffit de joindre l’utile à l’agréable en rapatriant les trois tomes de The Jack Nitzsche Story. Les livrets dodus vous diront tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la philosophie de Nitzsche et les compiles vous garantiront pas mal d’allers et retours au paradis, dont l’accès est grandement facilité depuis que Dieu est mort. Car c’est bien de paradis dont il s’agit dès lors qu’on aborde la question nitzschéenne, n’en déplaise aux adeptes de la surhumanité que sont ces messieurs les vampires.

    Passionnante histoire que celle du petit Jack avec sa tête de boche, mais de bon boche : ado il porte ces lunettes à grosses montures d’écaille rondes que portaient tous les militants communistes dans les années trente, Paul Nizan en premier. Comme son nom l’indique, la famille Nitzsche descend du célèbre métaphysicien, mais en émigrant aux États-Unis d’Amérique, ils décidèrent de virer l’e du nom pour brouiller les pistes, vu que l’ancêtre était plutôt mal vu au soit-disant pays de la liberté. Jack naît donc dans un état stoogien, le Michigan, mais il grandit dans une maison où on écoute de l’opéra. Jour et nuit, 365 jours sur 365. C’est une famille de fondus. Chez les Nitzsche, on ne vit que pour la musique. Jack apprend à jouer Chopin pendant que son grand-père pleure de joie à l’écoute de Figaro.

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    Et puis un jour, le jeune Jack se pétrifie : il entend les Penguins à la radio. Puis les Moonglows et Chuck Berry. Alors le ciel s’ouvre au dessus de lui et il aperçoit non pas Dieu parce qu’il est mort, mais sa vocation qui est le rock’n’roll. En vertu de l’efficacité qui caractérise si bien l’esprit germanique, il décide de s’inscrire dans une école qui enseigne ce qu’il appelle the modern harmony, qui précise-t-il, n’a rien à voir avec the traditional harmony. Il n’en existe que deux écoles aux États-Unis d’Amérique : l’une se trouve à Boston et l’autre à Hollywood. Allez hop, direction Hollywood. Mais il ne reste pas longtemps à l’école de musique. En 1956, il commence à composer des chansons et fait du porte à porte pour les vendre. Drring ! Je vends des chansons !

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    Et comme chacun sait, le monde est petit puisqu’il débarque un jour chez Art Rupe. Il ne pouvait pas mieux tomber. Rupe qui est un homme civilisé le reçoit bien et lui donne du boulot. Jack entre au paradis puisqu’il bosse avec H.B. Barnum et Sonny Bono. C’est auprès d’H.B. que Jack apprend son métier d’arrangeur. Nous y voilà. Le Gai Savoir. L’arrangeur est l’un des personnages clés du processus métaphysique d’enregistrement - Stan Applebaum was my hero. Je pense qu’il était le plus grand arrangeur vivant. C’est lui qui a écrit tous les arrangements pour Leiber & Stoller, notamment pour les Drifters. C’est le premier arrangeur auquel je me sois intéressé. Leiber & Stoller furent les premiers à utiliser des grandes chorales, des sections de cuivres et de cordes sur les disques de rock’n’roll, les early Drifters records - Si Jack est devenu tellement légendaire, c’est grâce à Phil Spector qui le prit comme arrangeur.

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    C’est parti mon kiki. Jack rencontre tous ces mecs qui vont faire la légende du rock californien, Kim Fowley, Gary Paxton et il partage même un bureau avec Lee Hazlewood. C’est là dans ce petit bureau que Lester Sill lui présente Phil Spector. Jack dit que Phil avait tout compris au rock’n’roll et qu’il était bien plus en avance que la plupart des gens qui étaient dans le record business et qui n’auraient jamais dû y être, ajoute-t-il. Totor et Jack démarrent ensemble avec «He’s A Rebel». Comme les Crystals sont à New York et Totor à Los Angeles, il enregistre son Rebel avec Darlene Love et les Blossoms. Jack arrange le coup. Rebelote avec «Zip-A-Doo Doo Dah» de Bob B. Soxx & the Blue Jeans : c’est Darlene qui chante avec Bobby Sheen. On est en 1962, ces mecs ont déjà pris de l’avance. Jack commence aussi à bosser avec Jackie DeShannon et Terry Melcher. C’est à partir de là qu’on peut parler d’une philosophie de Nitzsche. Il multiplie les coups de Jarnac, il compose «Needles & Pins» avec Sonny Bono pour les Searchers et produit «When You Walk In The Room» pour Jackie DeShannon.

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    Et plein d’autres trucs terribles qu’on retrouve dans Hearing Is Believing. The Jack Nitzsche Story Volume 1 - 1962-1979, comme par exemple la version de «Needles & Pins» que fit Jackie DeShannon, Jackie & Jack pour le pire et pour le meilleur, over the top, Spectorish en diabolo. On trouvera aussi son gigantic «Lonely Surfer», du surf qui n’est pas du surf. Partout beaucoup de son, même beaucoup trop de son, écouter les 26 titres de la compile d’une traite est impossible, ça monte trop massivement au cerveau. Il faut aussi entendre Doris Day, c’est-à-dire la mère de Terry Melcher, chanter «Move Over Darling» à la délectation du chant d’excellence. Doris Day, c’est la reine de Saba dans le dreamworld de Jack. Un Jack qui reprend aussi le «Rumble» de Link Wray mais qui l’écrase sous des tonnes d’orchestrations. Dans les pattes de Jack, Round Robin s’en sort mieux qu’avec P.F. Sloan, en tous les cas son «Kick That Little Foot Sally Ann» est une pure merveille. On reste dans le Spectorish avec l’«Always Wanted» des Paris Sisters. Pur génie productiviste. On trouve aussi Lesley Gore avec l’excellent «No Matter What You Do», elle est très impliquée dans sa démarche, elle rentre dans le lard du cut à coups de yeah et les filles derrière font yeah yeah yeah.

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    Et puis voilà la rois de la romantica, les Righteous Brothers avec «Hung For You». Eux ne font pas de détails : ils explosent le firmament. Sans doute a-t-on là le pire génie vocal qui se puisse imaginer. On a ici un cut écrasé par les harmonies vocales et les violons, Jack te tartine ça à bras raccourcis, on est un pleine spectorisation des choses. Malheureusement, Jack est embauché comme directeur musical du TAMI Show et il ne peut pas travailleur avec Totor sur «You’ve Lost That Lovin’ Feelin’» et Totor lui en voudra énormément.

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    C’est aussi en 1964 que Jack rencontre les Stones qui l’invitent à jouer quelques coups de piano sur leur deuxième album. Le piano sur «Satisfaction», c’est aussi Jack Flash. C’est encore Jack qu’on entend pianoter dans «Have You Seen Your Mother Baby Standing In The Shadow». Jack nous raconte que les Stones furent les premiers à louer le Studio RCA pour deux semaines à plein temps. Ça ne s’était encore jamais fait à Hollywood. Pas de producteur, ils jouaient quand ils voulaient. Jack ira un peu plus tard à Londres diriger la chorale qu’on entend dans «You Can’t Always Get What You Want». Par contre, c’est avec les sessions de «River Deep Mountain High» que prend fin la relation Totor/Jack. Parmi les autres grands clients de Jack, voici Bob Lind avec «Cheryl’s Going Home», solide rasade de heavy country rock, ah quelle merveille ! Chaque cut est gorgé de vérité apostolique, même l’«I Could Be So Good To You» de Don & The Goodtimes nous renvoie tous aux gémonies des Beach Boys. Mais Jack vois-tu explose le concept Beach Boys pour faire du Don & The Goodtimes. Il leur fait ce cadeau royal. Avec Jack, on voit proliférer les artistes géniaux, tiens comme Judy Henske. Jack la fait sonner comme une reine de Saba avec «Road To Nowhere», même si elle a des accents à la mormoille. Elle gueule dans les cataractes que déverse l’orchestre de Jack, cette femme semble complètement exacerbée, alors avec elle, on explore les mystères de la création. Dans Shindig!, on parle d’emotionally-wracked delivery et d’une clattering production that suggests Nico & the Velvet Underground were listening. Encore un cut de magie pure avec «The Heat Of Juliet Jones» de Garry Bonner. Quand Jack traîne dans les parages, ça ne pardonne pas. Voilà encore un hit invraisemblable, avec tellement de profondeur de champ qu’on en chope le torticolis. C’est explosif ! Pour Jack, c’est le triomphe artistique de 1967. Il devient pote avec Neil Young et produit «Expecting To Fly» du Buffalo Springfield, qui pour une raison x n’est pas sur la compile - To this Days, Expecting To Fly is one of my favorite things - Il s’entend si bien avec Neil Young qu’il part en tournée avec Crazy Horse. Il va aussi bosser sur After The Gold Rush. On croise d’autres noms appétissants dans cette histoire : les Flamin’ Groovies (Supersnazz), Them et Lou Christie dont on peut entendre l’excellent «Wild Life In Season», ultra produit, sans concession, mais fascinant. Merci Ace ! C’est la force des compiles, elles nous embarquent sans discussion, surtout les compiles nitzschéennes.

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    Tiens, voilà P.J. Proby avec «You Make Me Feel Someone». Big singer ! Au sommet du Nitzsche System, là haut, dans ces cimes qui furent si chères à son aïeul. Monté comme un âne, Proby explose la rondelle du Wall. Jack bosse aussi avec Tim Buckley, son «It Happens Everytime» est bardé de barda, c’est impensable de beauté et de voix de rêve, on assiste à la collision de tous les arts. Retour aux Stones avec «Sister Morphine», mais cette fois c’est Marianne qui chante. Jack lui offre sur un plateau d’argent les profondeurs de l’hospital bed. Il a tout compris, Jack se coule dans le mood de Marianne, dans l’excellence du mythe - Tell me sister Morphine, when you’re coming round again - Jack donne aussi de la profondeur de champ au James Gang sur l’album Rides Again et il opère un grand retour aux choses sérieuses avec sa seconde épouse Buffy Sainte-Marie, car il produit l’album She Used To Be A Ballerina et notamment l’excellent «Helpless» qui est un cut de Neil Young. C’est bien que Jack soit allé s’occuper de Buffy. Elle le mérite plus que les autres. Elle bouffe tout le ciel de l’Amérique, elle rayonne dans l’écho du son de Jack. Par contre, le «Mixed Up, Shook Up Girl» qu’il produit pour Mink DeVille est plus pop. Il bosse aussi avec David Blue et revient filer un coup de main à Neil Young sur Harvest.

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    Jack fait aussi son album avec le London Symphonic Orchestra, le fameux St Giles Criplegate. C’est l’époque où il intègre Crazy Horse. Il s’est installé avec sa famille dans le ranch de Neil Young. Le groupe répète pour préparer la tournée et c’est pendant ces répétitions que Danny Whitten fait une overdose. Il produira aussi un album de Graham Parker (Squeezing Out Sparks), un deuxième Mink DeVille (Coup de Grace) et un Ricky Nelson (Playing To Win). Mais en arrivant dans les années 80, il se spécialise dans les bandes originales de films.

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    C’est d’ailleurs avec un extrait de BO que s’ouvre le bal d’Hard Workin’ Man - The Jack Nitzsche Story Volume 2, et pas n’importe extrait, puisqu’il s’agit du «Hard Working Man» de Captain Beefheart tiré de la BO de Blue Collar, un cult movie de Paul Shrader. Certainement l’un des cuts les plus heavy de tous les temps. Jack utilise le two-tons hammer et des musiciens de blues triés sur le volet, Ry Cooder, Jesse Ed Davis, Tim Drummond, Stan Szelest et Jim Keltner, t’as qu’à voir. Puis la foire à la saucisse se poursuit avec Karen Verros et «You Just Gotta Know My Mind», un freakbeat nugget qui démolirait n’importe quel juke. Karen fout le feu. Dans une interview, Terry Melcher explique que le grand secret de Jack est de savoir réunir les bons musiciens. Terry et Jack bossent pas mal ensemble entre 1962 et 1964, avec des gens fabuleux mais tombés dans l’oubli comme Emil O’Connor («Some of Your Lovin’», classic jive avec des filles terribles en backing). Tiens encore un coup de Jack Jarnac avec Tammy Grimes et «Nobody Needs Your Love More Than I Do», elle chante à l’explosif, elle est encore plus balèze qu’Esther Phillips, c’est inespéré de puissance mirobolante, Jack la spectorise jusqu’à la moelle. Et pouf sur qui tombe-t-on à la suite ?

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    Sur Merry Clayton, une copine d’église d’Edna Wright, la sœur de Darlene Love. Edna Wright ? Mais oui bien sûr, Honey Cone ! Le monde est petit. On est en 1963, l’année la plus prolifique de Jack, et Merry Clayton enregistre «It’s In His Kiss». Merry s’entend bien avec Jack. On la retrouve d’ailleurs derrière Buffalo Springfield («Expecting To Fly»), Buffy Sainte-Marie et les Everly Brothers. Sans oublier les Stones, bien sûr. Avec «It’s In His Kiss», Merry est le clou du bec, elle épouse l’acceptance du génie nitzschéen, cette folle chante même par dessus les cimes. On reste dans la magie pure avec les Righteous Brothers qui avec «Just Once In My Life» démarrent en bas de l’échelle des grandeurs et montent aussi sec au big shoot, ça explose, Jack nous emmène au sommet du génie productiviste. C’est le cut insurpassable par excellence. Tous les adjectifs du monde n’y pourront rien. Pareil avec Timi Yuro qui claque son «Teardrops Till Dawn» dans la meilleure prod de l’époque. Ah la vache !, comme dirait Jacques Vachet. C’est Nick Venet qui met Jack sur ces coups-là, Timi Yuro, les Walker Brothers et les Paris Sisters. Jack soigne aussi le «Like Someone In Love» de Bobby Vee, encore une prod de rêve, une prod à se damner pour l’éternité.

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    Jack fait sonner les Satisfactions («Baby I’m So Glad It’s Raining») comme Abba. La chanteuse du groupe n’est autre que Gracia Ann May, la première épouse de Jack. Elle chante sa pop jusqu’à l’extinction des feux de la rampe, my baby ! Et on apprend au passage qu’il existe un album inédit des Satisfactions, même chose pour Tammy Grimes, alors ça nous baver comme des grosses limaces dégueulasses. Humain trop humain, comme dirait Nitzsche. Dans The Gas Co, Greg Dempsey se prend pour Dylan, il attaque «Blow Your Mind» au nez pincé mais avec une pugnacité qui le rendrait presque sympathique. Nouvel exemple de génie productiviste avec Donna Loren et «Woman In Love (With You)», encore une blanche que Jack orchestre jusqu’à l’orgasme, et là on a un pur orgasme pop. Nouveau shoot de heavy prod avec l’«As Long As You’re Here» de Zalman Yanovsky, l’ex Lovin’ Spoonful. Jack en fait un festin imputrescible. Oui, on tombe dans les excès de langage avec des mecs comme Jack, tout avec lui devient tellement inexorable. Il propulse tous ses clients dans des dimensions magiques. Jack est donc un magicien. On tombe ensuite sur une version nitzschéenne de «Mr Soul» par les Everly Brothers. C’est hanté, joli et psyché, volontairement ralenti pour les besoins de la causalité. Et pouf tout ré-explose à nouveau avec les Turtles et «You Know What I Mean». C’est chanté aux bouquets de voix, et donc voilà la pop du paradis. Une pop digne de celle de Brian Wilson, d’une hauteur de vue imprenable, montée en cascades de bouquets d’harmonies. Il faut se souvenir qu’en 1965, les Turtles étaient l’un des meilleurs groupes de pop-folk-rock d’Amérique. Jack bosse aussi avec les Monkees dont voici «Porpoise Song», belle pop-song entreprenante dotée d’un soubassement beatlemaniaque et montée sur des couches de voix caviardées de violons. Signé Goffin/King, «Porpoise Song» est le cut d’ouverture de Head. Shindig! parle de luminescent waves of organ punctuated with chimes, bells ans the trance-like mantra of goodbye goodbye goodbye. Comme on l’a déjà rappelé, Jack intègre Crazy Horse et produit leur premier album, où se trouve cette merveille signée Danny Whitten et rendue célèbre par Rod The Mod, «I Don’t Want To Talk About It». Wow, l’excellence du Whit ! Voilà une nouvelle équation de base : Danny/Jack, c’est-à-dire singer + song + prod. Imparable. Voilà du Jack pur avec «I’m The Loniest Fool», tiré de son troisième album solo mystérieusement passé à l’as. Puissamment orchestré, il ne peut pas s’empêcher de mettre la gomme sur les orchestrations et il chante au beau milieu de tout son bordel de violonades. Pour les beaux yeux des Tubes, Jack recrée le wall of sound et Fee Waybill plonge dans la romance des Ronettes avec une fille pleine de soupirs. «Don’t Touch Me There» a la violence d’un pastiche miraculeux. Ils sont en plein dans le teen soap opera de bas étage, mais que de son, my son ! - I love your sweet sweet lips ! -

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    Et puis Jack atteint le sommet de sa carrière en réunissant Taj Mahal, John Lee Hooker et Miles Davis pour la BO du Hot Spot de Dennis Hopper. Le cut qu’Ace propose s’appelle «Bank Robbery» et Hooky mène le bal des vampires, car c’est bien de cela dont il s’agit, baby, c’est sec et net, avec du Miles dans le groove, cut mythique par excellence, with Taj in tow and Miles on daggers. Puis quand Jack comprend que sa carrière est finie et qu’il faut tourner la page, il commence à rédiger ses mémoires. Mais il découvre CC Adcock, le fils du capitaine. Jack va hélas casser sa pipe en bois avant que ne sortent les précieux albums du fils du capitaine. On trouve à la fin du booklet un long témoignage de CC Adcock, ce kid de Louisiane qui eut le privilège de bosser avec Jack. Il donne pas mal de détails effarants qui nous reposent du discours habituel : «Oh Jack Nitzsche quel génie, blih blih blah blah», non Adcock nous parle d’un Jack parfois défoncé qui s’écroule la gueule dans son assiette, qui s’habille comme un toréador parce qu’il aime bien les belles fringues et qui quand il a quelques verres dans le pif envoie des couteaux dans la lune (throw knives at the moon), et puis il y a toute l’histoire de la connexion avec Willy DeVille et un peu de junk pour faire bonne figure. On ne fréquente pas des junkies notoires comme Danny Whitten ou Keith Richards sans finir par y goûter. Autant Totor aimait les guns, autant Jack aimait les knives. Il lui arrivait d’en sortir un dans un business meeting, ou alors, il demandait une somme faramineuse, mais, nous dit Adcock, c’était toujours hilarant.

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    Justement, c’est CC Adcock qui ouvre le bal du volume 3, Night Walker - The Jack Nitzsche Story Volume 3, avec l’excellent «Castin’ My Spell», reprise d’un grand hit des Pirates. Adcock nous raconte toute l’histoire de cet enregistrement. Ça donne un Spell assez raw, très spécial, pas loin de Moon Martin mais avec un son à casser la baraque. La guitare y fait la pluie et le beau temps. Même genre de rage mortifère que dans «Cold Turkey». Et puis voilà l’épisode Performance dont Jack a composé la BO. Rappelons que le réalisateur Donald Cammell se disait le filleul d’Aleister Crowley et pour s’imprégner d’occultisme, Jack est allé faire un stage chez un occultiste de Laurel Canyon. Californian hell, okay ? Pour Jack pas de problème, sa passion de l’occulte lui vient de sa mère qui en était très férue. On retrouve donc pas mal de clients de Jack dans la BO de Performance : Buffy Sainte-Marie, Ry Cooder et Merry Clayton. Merry est toujours la backing singer que Jack appelle en premier. On reste dans les big voices avec Darlene Love et «A Long Way To Be Happy». C’est elle la reine du Wall of Sound. Elle est l’une des meilleures incarnations de la pop. Nous voilà au cœur du mythe. Darlene rappelle que les Crystals qui chantent «He’s Rebel» sont en réalité elle et sa sœur Edna Wright, Fanita James et Gracia, la femme de Jack. On entend aussi deux cuts de Jack, «Night Walker» et «Lower California». Dans le premier Jack ramène une basse pouet pouet atroce dans sa soupe aux choux, avec des violons à gogo. Le deuxième est exceptionnel de légendarité. Jerry Cole fit partie du Wrecking Crew et donc le voilà avec «Every Window In The City». Ce mec est ce qu’on appelle un pléthorique, il a passé sa vie à enregistrer des instros dans tous les coins.

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    Alors voilà les vraies Crystals avec «Little Boy». LaLa Brooks chante et fait le bonheur du Wall. Quelle chance il a ce frimeur de Willy DeVille d’avoir Jack derrière lui pour produire «Just Your Friends». Jack est très demandé en fait. Sa réputation se base sur la BO de Performance et le premier album de Crazy Horse. Et donc Jack va produire trois albums de Mink DeVille. Willy : «He was like my crazy uncle. I called him my mentor and my tormentor.» C’est au cours de l’enregistrement d’«Is This What I Get For Loving You» des Ronettes que Totor comprit qu’il atteignait la fin de son règne. L’esprit n’y était plus. Le Wall ne marchait plus. Il fallait passer à autre chose. Il cessa de produire les Ronettes et demanda à Jeff Barry de s’en charger. Voilà les Fleetwoods avec «Come Softly To Me» : encore un hit des silver sixties d’une implacabilité sans fin. Avec «June Is As Cold As December», les Everly Brothers passent à la psychedelia rampante. Quel merveilleux artefact ! Pour sa femme Gracia et ses Satisfactions, Jack sort son meilleur Wall : «Daddy You Just Gotta Let Him In» sent bon les sixties, les filles sont sucrées à souhait, voilà le power des girl groups. Énormes dynamiques de son : Jack = sucre + power. Jackie DeShannon bénéficie aussi du power de Jack dans «Try To Forget Him», elle ramène tout son sucre. Elle est assez balèze dans le genre. Elle descend dans la pop yéyé et brasse à gogo. Jackie explique qu’ils forment un couple à trois avec Jack et le producteur Dick Glasser - It was a wonderful musical mariage between the three of us - Le «What About You» de Ramona King date du temps où Jack bossait avec Lee Hazlewood. Shindig! précise toutefois que la pauvre Ramona fut parasitée by some hysterical backing vocals ricocheting of that wall od sound. C’est Lee Hazlewood qui présenta Jack à Phil Spector et ça l’amusait de taquiner Totor en lui disant : «Tu m’as piqué mon arrangeur», à quoi Totor répondait : «Tu n’as jamais rien fait pour lui, moi au moins j’en ai fait quelque chose (I turned him into something)», alors forcément, Lee ne pouvait qu’opiner. Dans le Wall, on retrouve aussi la Mama, Michelle Phillips avec «Victim Of Romance». C’est incroyable de la voir soloter. Elle est bonne en plus. Superbe poulette. Solo de sax et merci Jack ! On reste en plein dans le Wall avec l’un des cuts les plus mythiques de Jack : «Yes Sir That’s My Baby» par Hale & The Hushabyes qui sont en réalité Edna Wright (lead vocals), avec la crème de la crème en backing vocals : Sonny Bono, Cher, les Blossoms et Jackie DeShannon. Jack n’a jamais été aussi loin dans le productivisme. C’est Brian Wilson qui chante les high harmonies. Jack fit aussi cette chanson avec Emil O’Connor puis avec Gracia, pour l’album des Satisfactions qui sortira peut-être un jour. Back to Terry Melcher avec l’«Here I Stand» des Rip Cords. Ça bombarde ! Aw comme ces mecs savaient gérer leur barcasse !

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    Alors bien sûr, l’idéal est d’aller fouiner sous les jupes des albums de Jack. Son premier album solo s’appelle The Lonely Surfer et date de 1963. Comme on l’a dit, Jack orchestre, il ne chante pas. Le morceau titre, c’est du son pour du son et comme ça touche au surf, Jack balance du clong clong de basse dans les vagues. Il ramène des effets orchestraux spectorculaires, c’est du wow de base et de rigueur, car oui wow comme c’est beau ! Big instro pompeux comme Pompée, bien dressé vers l’horizon, pur jus de cinémascope, Jack fait sonner les rrrooo rrrooo des péplums. Il tape son «Stranger On The Shore» à la trompette mariachi pour un résultat quasi-fellinien. Tout est pesé comme chez Totor, peut-être même encore plus. La moindre note semble soupesée, étayée, façonnée, bichonnée. Jack adore les trompettes qui bavent. Le deal de Jack, c’est donc le big intro chauffé à la clameur, avec tous les moyens du bord, violonnades, espagnolades. Il faut attendre «Ebb Tide» pour sentir ses naseaux frémir. Comme Totor, Jack travaille la matière du rêve, il va chercher la profondeur, il développe le même genre de power, «Theme From Mondo Cane» en est la preuve : ils ont tous les deux le même sens de l’élévation congénitale.

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    Paru en 1972, ST. Giles Cripplegate est un album enregistré avec le London Symphony Orchestra. On peut l’écouter, mais il n’y a pas grand chose à en dire. Par contre, un album sans titre pas paru deux ans plus tard sous forme de test-pressing et réédité en 2020 requiert plus d’attention. Dans Shindig!, Grahame Bent chante les louanges de cet album resté coincé depuis 1974. Pourquoi coincé ? Bent dit que dans «Little Al», Jack chante : «Hey Mo where you gonna go with that rock in your back pocket?», une phrase qui n’aurait pas plu à Mo Austin, le boss du label qui du coup aurait envoyé l’album aux oubliettes dans un Warner Bros storage facility in North Hollywwod. Bent parle d’un album filmic, au sens où les cuts se fondent les uns dans les autres comme les scènes d’un film. D’ailleurs Jack l’enregistre avec le filmmaker Robert Downey, un peu dans l’esprit de ce que fait à la même époque Mike Nesmith avec Jack Nicholson et Bob Rafelson dans Head. Bent parle bien sûr de résonances de Brian Wilson, de Jimmy Webb et de Van Dyke Parks, et à ses yeux, c’est l’album qui illustre le mieux l’ampleur du Gai Savoir de Nitzsche.

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    Ce mystérieux pas paru est apparu pour la première fois en 2001 sur une espèce de compile Rhino, Three Piece Suite - The Reprise Recordings 1971-1974. En plus de l’album pas paru et de ST. Giles Cripplegate, on y trouve quatre démos fantastiques. Et là attention, ça ne rigole plus car Jack chante. La première qui s’appelle «I’ll Bet She Knew It» est une pop à la George Harrison extrêmement bien foutue. Sur «We Have To Stay», Jack sonne comme un bienfaiteur de l’humanité. Il s’exprime à travers une voile de beauté purpurine et ça s’achève avec une nappe de violons sous le vent. S’ensuit un «Carly» dédié à Carly Simon - Carly did you hear me calling your name - Il n’en finit plus d’émerveiller. Quant à l’album pas paru, il grouille lui aussi de merveilles, à commencer par «Lower California», belle pop incertaine digne de celle des Beach Boys de Smile, groove à la ramasse de la rascasse. Jack chante et c’est plutôt bon. Il dote «Who Said That To Who» d’une fin orchestrée somptueuse et son «I’m The Loneliest Fool» est stupéfiant de grandeur. Jack va chercher la sensation au piano. Chaque cut sonne comme un exercice de style et on crie de nouveau au loup avec «Hanging Around», un fantastique balladif de fin de soirée avinée. Cette façon qu’il a de ramener des violons dans la mélodie est unique. Tiens encore une merveille avec «Marie», Jack descend dans la romantica, mais avec la puissance d’un fleuve.

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    Dans les early sixties, Lester Sill signe les Paris Sisters et il demande à Totor de les produire. Forcément, Jack est dans le coup. Avec ces trois blondes, on est au cœur du phénomène girl-groups que Totor va ensuite développer avec les Crystals et les Ronettes. L’idéal pour bien prendre leur mesure est de se plonger dans une antho des Paris Sisters et comme toujours, c’est Ace qui fait le nécessaire avec Always Heavenly. Grâce au Wall, elles sont capables de coups de génie, comme par exemple «Always Waitin’», produit par Mike Curb, chanté d’une voix de grosse pute, une vraie bénédiction. Le stomp est celui d’une armée de l’Antiquité en marche. On retrouve ces méchantes allumeuses dans «Why Do I Take From You», toujours produit par Mike Curb. Elles sucrent bien les fraises, on est pleine spectorisation des choses, au cœur de la prod d’extrême onction, une véritable explosion au sommet de l’art, elles grimpent là-haut sur la montagne. Totor ne produit que cinq cuts des Sisters, le plus connu étant «I Love How You Love Me», fabuleux deep chick pop, c’est d’un kitsch qui en bouche un coin. Mais Totor ne fait pas de miracles avec les autres cuts, «Be My Boy», «What Am I To Do» et «He Knows I Love Him Too Much». «Once Upon A While Ago» par contre groove bien, Totor renoue avec la pop magique. Jack produit quelques petites merveilles, comme par exemple «When I’m Alone With You», pure pop de Brill, mais composée par P.F. Sloan. Jack reste dans l’énergie du Brill avec «My Good Friend». Elles sont dans l’éclat de l’éclair avec tout le sucre du Brill, aw yes we’re still good friends, ah les garces comme elles chantent bien leur petit bout de gras. Jack orchestre «I’m Me» jusqu’à l’infini, c’est très tendu dans l’excellence des violons, on voit Jack là-bas au fond du ciel, avec son sourire énigmatique. Elles sont encore magnifiées dans «See That Boy», toujours en plein Brill, Jack orchestre à la racine du son. Il produit aussi une reprise de Burt, «Long After Tonight Is All Over» et puis «You», fabuleux cut car ramassé sous le boisseau, elles chantent comme des garces et collent au train du beat. C’est Jack et Jackie DeShannon qui composent «Baby That’s Me» et c’est Terry Melcher qui produit. Époque Columbia. On est content que Jack soit impliqué dans cette merveille inexorable, c’est du spectorish pur et dur. «Dream Lover» est un hit signé Bobby Darin et comme beaucoup de ceux qui précèdent, il est invincible. Les Sisters sont balèzes, elles chantent du haut de leur talent. Les amateurs de sex-pop se régaleront de «Lonely Girl», chanté dans la chaleur de la nui des cuisses, c’est chaud et humide, on y glisserait bien la langue. Les Sisters sont atroces de Brillitude et c’est noyé de violons. Elles font de la pop d’époque, mais l’amènent avec esprit. One of the earliest 60s girl-group, Albeth, Priscilla et Sherrell Paris auraient dû exploser. Diable, comme le destin peut être cruel. Album Columbia jamais sorti, projet Totorish avorté. Notez bien qu’en 1966, Jack produit Sing Everything Under The Sun, leur seul album paru sur Reprise.

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    Jack a produit une belle ribambelle de bandes originales, la plus connue étant certainement Performance - The Original Motion Picture Sound Track, parue en 1970, avec la tête du Jag sur la pochette. C’est lui le Jag qui ouvre le bal de la B avec l’excellent «Memo From Turner» : vrai son, prod de rêve, parfait enchevêtrement de la slide et de la basse, extrême tension du son et puis bien sûr the voice. Randy Newman ouvre le bal d’A avec «Gone Dead Train» co-écrit par Jack et Russ Titelman, un vieux boogie de pas-de-problème-ça-y-va-tout-seul. C’est Ry Cooder qui joue les coups de mercurial slide guitar et, nous dit Shindig!, indique la voie aux Stones pour la décade suivante. On entend Merry Clayton se plaindre dans le morceau titre et on croise pas mal de cuts dont il n’y a rien à dire. Buffy fait son cirque indien dans «Dyed Dead Red» et en B, les Last Poets font leur cirque urbain avec «Wake Up Niggers». Comme ce film n’est pas le chef d’œuvre du siècle, non seulement on peine à s’effarer, mais on peine aussi à resituer les cuts dans le déroulé du film. Jack donne de la profondeur à Merry pour «Poor White Hound Dog» et ça redevient superbe.

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    En 1970, Jack produit l’excellent Bad Rice de Ron Nagle, un album devenu quasiment culte. On y note de sacrées présences : Mickey Waller qui bat si bien le beurre, Ry Cooder qui gratte si bien sa gratte et Sal Valentino qui couine si bien les chœurs. Très vite, la qualité du son rafle la mise, alors merci Jack. Au dos de la pochette, Ron Nagle commente ses cuts et indique que le cry cry cry de «Frank’s Store» est celui d’un retarted guy with an identity crisis. Il fait aussi preuve d’une grande aisance compositale dans «That’s What Friends Are For» : c’est ce qu’on appelle communément une pop parfaite, written nous dit Ron for Jack and I, two manic depressives. Toujours de l’aisance en B avec «Dolores». La prod de Jack ne pardonne pas - A young guy falls in love with his baby sitter and she likes it - Ron sait aussi gérer les petites pétaudières californiennes, comme on le constate à l’écoute de «Capricorn Queen». Mickey Waller bat ça bien sec et net. Tout sur cet album se veut convaincu d’avance, même le country-rock de «Somethin’s Gotta Give Now». Ça reste léger et printanier, prod de rêve, la patte de Jack. Ron enchaîne avec la belle pop autobiographique de «Family Style», et aussitôt après l’album va coucher au panier.

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    Année prolifique puisque Jack produit aussi 12 Songs de Randy Newman et l’After The Gold Rush de Neil Young. On ne gardera pas un grand souvenir du Randy Newman, même s’il allonge cet «Have You Seen My Baby» repris par les Groovies. Newman est bon mais faible. Pas de rémona. Il chante son hold on à la voix blanche. En fait Jack ne produit qu’un seul cut sur 12 Songs : «Let’s Burn Down The Cornfield», une espèce de soft groove rural, mais pas de quoi se prosterner jusqu’à terre. Le reste de l’album n’est pas facile d’accès. Après tu as des mecs qui aiment ça. Chacun cherche son chat. Randy Newman est bien gentil, mais il manque de crédibilité. Il va parfois chercher des trucs rétro assez beaux comme «Underneath The Harlem Moon», mais on s’ennuie. Sur quoi se base sa réputation ? Va-t-en savoir. «Old Kentucky Home» est encore une preuve de l’inexistence de Dieu, ce qui serait logique, nous dirait Jack. But my God, comme on est loin du compte.

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    Par contre, l’After The Gold Rush va rester dans les mémoires, on le sent dans «Tell Me Why», même si c’est un parti-pris très folk-rock. De toute évidence, Neil Young en pince pour la chanson. Il se passe un truc énorme dans le son, un truc inespéré qui relève de la beauté pure. C’est vrai qu’à l’époque, la voix de Neil Young pouvait insupporter très vite, mais avec le recul, sa voix sonne vraiment très bien. Ce mec chante à l’amphitryon schtroumphique, à la pointe de la glotte de chèvre chaud avec une incroyable pureté d’intention. Il peut exploser n’importe quelle pop, il a du génie. C’est en tous les cas ce que montre «Only Love Can Break Your Heart». Il sait tout faire, même la pop de proximité («Till The Morning Comes»). Il sait remonter une pente de heavy glue dans l’axe du visuel («Oh Lonesome Me») et chanter d’une voix de fille-mère («Don’t Let It Bring You Down»). C’est une façon de chanter l’Americana très spéciale. Il chante sans même se rendre compte qu’il sonne bizarrement. Avec «Birds», il vise la Beautiful Song et il vise bien, il a le compas dans l’œil, il pianote dans la plaine et revient aux guitares électriques pour «When You Dance I Can Really Love». Il fait tout simplement de la psychedelia ravagée. Il finit avec une «Cripple Creek Ferry» bien foutu, hey hey. Comme Dylan, il prend sa carte au parti.

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    En 1971, Jack intègre Crazy Horse comme pianiste et produit leur premier album sans titre, Crazy Horse. On sent sa patte dès «Gone Dead Train», le boogie que chante Randy Newman sur la BO de Performance. Derrière, on a Talbot, Molina et Nils Lofgren. Il faut attendre «Look At All The Things» pour voir trente-six chandelles. Car c’est du heavy psycho-rock à la Danny Whitten. Il se pourrait très bien que Neil Young se soit inspiré du génie fantomatique de Danny Whitten. Car c’est lui l’âme du groupe. Il mène le bal et les autres ne sont rien. Son grand hit est bien sûr «I Don’t Want To Talk About It». C’est pour ça que Jack est là, il a vu le génie de Danny. Un Danny qui monte au sommet de sa maîtrise du chant. Jack le soigne, le génie mélodique se double d’un génie productiviste. «Downtown» est du pur Neil Young Sound, comme si Danny le pré-datait. C’est la même énergie de vieux hippie héroïnomane. Le dernier grand coup de Jack & Danny s’appelle «I’ll Get By». C’est merveilleusement emmené, comme joué dans l’envol, les fondus de voix sont une véritable bénédiction. Après, le Crazy Horse va continuer, mais sans Jack & Danny. Et ça n’a plus aucun intérêt.

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    Étonnant album que cet album solo de Michelle Phillips paru en 1971, Victim Of Romance. Jack ramène quelques amis en studio, parmi lesquels Tricia Johns et Ron Nagle. Et pouf, «Let The Music Begin» crée de l’enchantement. Here comes my baby, c’est de la belle pop de Jack. Et ça continue avec le morceau titre. Jack recrée les conditions du Wall et ça devient spectorculaire. Rien que pour ce bal d’A, on est comblé. Bon, il y a d’autres choses, mais ce n’est pas aussi brillant. Il faut aller piocher en B pour choper «Baby As You Turn Away», une compo signée des frères Gibb. Difficile d’espérer plus réjouissant. Michelle chante divinement, c’est un balladif éclatant de beauté. La mélodie est fidèle au poste et ce surhomme qu’est Jack l’orchestre fantastiquement. Il revient à sa vieille équation : the song + the voice + the sound = bingo. Michelle ma belle finit sa modeste contribution à la beauté du monde avec une chanson de Ron Nagle, «Where’s Mine», qui est une belle pop océanique, idéale pour Jack et cette superbe poulette.

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    La même année, Jack orchestre sa femme, Buffy Sainte-Marie, pour les besoins de She Used To Be A Ballerina, un album Vanguard difficile d’accès, malgré la présence de tous les copains de l’époque, Danny Whitten, Ry Cooder, Merry Clayton et Crazy Horse. Buffy tape dans le «Smack Water Jack» de Goffin & King, mais ça ne marche pas. Elle essaye pourtant de chanter à l’indienne, avec le secours des esprits, mais son élégiaque ne décolle pas. Elle finit son bal d’A avec «Helpless», un cut du vieux Young, mais ça plombe, même si on entend Merry Clayton dans les chœurs. La B est nettement plus politique car c’est là qu’elle reprend la chanson du Partisan, «Song For The French Partisan» - J’ai perdu femme & enfants/ J’ai changé 100 fois de nom/ Mais j’ai plein d’amis/ Sur la terre entière - Jack a raison de soutenir cette cause. S’il en est une qui est habilitée à chanter ça, c’est bien Buffy. Elle enchaîne avec l’encore plus politique «Soldier Blue». Elle revendique la terre de ses ancêtres, elle a raison, c’est la chanson de ce film atroce qui montre le massacre d’un campement indien par la cavalerie - This is my country - Elle demande aux soudards de voir les choses autrement. Mais le vrai coup de tonnerre s’appelle «Maratorium». Buffy est aussi balèze que Dylan, elle harangue avec le même aplomb et elle s’accompagne au piano. Elle est spectaculaire. Sacrée Buffy, que deviendrions-nous sans elle ?

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    En 1977, Jack attaque une série de trois albums avec l’un de ses chouchous, Willy DeVille. Voilà donc Cabretta qui paraît en pleine vague punk et qui bien sûr n’a rien à voir avec cette vague punk. C’est d’ailleurs le côté tragique de son histoire, Willy l’inopportun. Jack amène «Venus Of Avenue D» au petit groove. Quand on écoutait ça en 1997, on ne savait rien - ou peu de choses - ni de Jack ni de la Nouvelle Orleans. Il faut bien dire que Willy screame à la perfection. Il tape aussi dans les grosses compos comme «Little Girl» (Spector/Greenwich). Il nous refait le coup du girl-group du New Jersey avec toute la romantica qu’on peut bien imaginer. Quel album fantastique ! C’est chanté à gogo et plein de son. Que demande le peuple ? Il fait encore des siennes dans «One Way Street», cut de white Soul brûlante, derrière lui ça jive et Jack veille au grain. Willy DeVille allume comme Wilson Pickett, il chante à la voix blanche, il frise le génie en permanence. Puis il s’en va groover son «Mixed-Up Shook Up Girl» dans le sens du poil, alors oui, il peut se permettre de frimer. Il chaloupe bien sa Shook Up Girl. Il boucle son bal d’A avec «Gunslinger», une belle cocote de back-door New Orleans. Il chante son gut out. En fait, Willy et Jack font de la Southern Soul, il faudra attendre un bon bail avant de comprendre ce que ça signifie. Par contre, il se vautre en tapant dans le rock FM de Moon Martin. «Cadillac Walk», c’est un peu comme si Willy suçait Moon et c’est pas terrible. Par contre, on a du son avec «Spanish Stroll». C’est même du son de rêve, avec les castagnettes de Totor et les filles qui font ooh ooh. Willy fait son Lou Reed et il sonne juste. Joli mélange de Rosita et de Brother Johnny - Hey Mister Jim/ I can see the shape you’re in - Pure merveille. Il est de toute évidence sur les traces de «Walk On The Wild Side». Ça donne un mélange sidérant de Lou Reed et de chœurs de filles, de castagnettes et de Wall. Il fait son caballero, avec des guitare de flamenco en contrefort et ça frise le génie en permanence. Il termine avec «Party Girls» dans la romantica de juke. Vraie voix, grosse prod, big backings, quel album !

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    Paru l’année suivante, Return To Magenta est un peu moins bon. Par contre la prod de Jack reste irréprochable, comme le montre «Soul Twist». Méchante attaque ! Ces mecs ont du gusto. Quelle belle niaque de son ! Avec «Rolene», Willy propose un vieux rumble. S’il se fâche, ça peut devenir âpre. Encore un cut de Moon Martin. Jack leur taille un son sur-mesure. Il faut attendre «Just Your Friends» en B pour renouer avec la viande. C’est quasiment un coup de génie. Ils y vont de bon cœur avec les castagnettes. Le pauvre Jack ne fait que répliquer les recettes de Totor. Ils sont en plein Wall, au point que ça finit par sonner comme un hommage, ou un pastiche, si on veut faire sa mauvaise langue. Coups d’harmo superbes et tout est porté par des nappes de violons. À noter que Jack co-écrit cette merveille. Puis Willy fait du Dylan de Highway avec «Steady Drivin’ Man». On y entend un joli riff de déglingue. Mais la fin d’album est assez faiblarde.

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    Le troisième Mink DeVille que Jack produit s’appelle Coup De Grace et date de 1981. Il ne laissera pas de souvenirs impérissables. Willy attaque avec «Just Give Me One Good Reason», une belle Soul blanche bien produite, pas de problème de ce côté-là, des garçons font les chœurs, on est au maximum des possibilités du genre, avec un son sec et assez profond. Puis Willy tape dans Eddie Hinton avec «Help Me To Make It». Pareil, on reste dans la belle Soul blanche. Jack soigne cette voix parfaite. On se doute bien qu’il se régale derrière sa console. Il envoie un gros coup de sax dans le son de «Maybe Tomorrow» et Willy boucle son bal d’A avec une cover du fameux «You Beter Move On» d’Arthur Alexander. En B, Jack injecte de l’accordéon dans «Love & Emotion» est ça devient magique. Plus des cuivres en sortie de couplet, alors t’as qu’à voir ! Willy manie très bien les vieux hits de r’n’b comme «Love Me Like You Did Before». Et même très très bien. Voilà encore un album qui se termine dans l’excellence avec «End Of The Line». Jack ramène toutes ses vieilles recettes, la profondeur de champ, la mandoline, les cordes. Il ne manque que les castagnettes.

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    En 1978, Jack produit le premier album sans titre des Neville Brothers. Il va vite se régaler de la voix d’Aaron, notamment dans «Audience For My Pain». Pour un producteur, cette voix d’ange est une véritable aubaine. Du coup, Jack se demande si Dieu est vraiment mort. Si on écoute les Neville Brothers, c’est essentiellement pour entendre chanter l’ange de miséricorde. Jack y ramène tous les violons du monde. Par contre, quand Art chante, on passe à autre chose. The Neville Brothers est un album de belle pop nevillaise pleine d’énergie. Jack fait sonner les accessoires dans le son, quelques castagnettes et des cymbalums de pataphysique pendant que les frères Neville chantent à gorge déployée. Grâce à «Washable Ink», on ne coupe pas à la romantica chantée au clair de la lune blanche de la cité des morts, près de la tombe de Marie Lavaux. Aaron revient en B faire vibrer son timpani dans «If It Takes All Night», puis Jack donne du volume au diskö-funk d’«I’ll Take My Chances» et va fondre l’exotica de «Vieux Carré Rouge» dans le groove magique d’une gelée de carré louge.

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    Pour un producteur, Graham Parker est l’artiste parfait. Pourquoi ? Parce que voix de rêve. En pouf, en 1979, Jack produit Squeezing Out Sparks. En plus de la voix parfaite, on trouve Brinsley Schwartz et Marin Belmont aux guitares. Bon ça reste du Parker. Jack ou pas Jack, ça ne change pas grand chose. On se demande même ce qu’il vient faire dans cette histoire de surdoués. Il est aussi important de signaler que «Local Girls» est un hit. Disons qu’on l’a beaucoup entendu à la radio. Tout est foncièrement bien foutu sur cet album. Les guitares se fondent bien dans le gras. Il faut voir Parker trousser à la hussarde son «Saturday Nite Is Dead» en B, c’est un homme qui ne traîne pas en besogne et qui ne prend pas de gants. Jack charge au maximum le son de chant, de guitares et de piano. De toute évidence, il se régale. Voilà enfin le hit : «Waiting For The UFOs», un hit pop avec du raunch aux joues et une basse cavalante au fond du son. Tout est beau dans ce cut, les éclats de guitare et le chant. Surtout le chant. Sacré Parker.

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    En 1981, en plus du Mink, Jack produit un album de Rick Nelson, Playing To Win. Oh ce n’est pas l’album du siècle mais deux ou trois cuts font bien dresser l’oreille, tiens comme cet «Almost Saturday Night» d’ouverture de bal d’A. C’est du country-rock, mais quel swagger ! Jack l’orne d’une dentelle de guitare en doublure au long cours, belle basse et donc prod de rêve. Et Ricky devenu Rick chante divinement. L’autre coup de maître s’appelle «Don’t Look At Me» et se trouve en B. C’est visité par des vents mauvais de guitares. Rick peut sortir les crocs. Il est excellent dans son rôle de superstar en colère. Jack barde ça comme il faut avec des basses de rêve et de la profondeur de champ. On tombe aussi en A sur le «Believe What You Say» des Burnette Brothers. Jack en fait un country rock bien ronflant des ronflettes. Rick reprend aussi le «Back To Schooldays» de Graham Parker, il en fait un petit rock trépidant mais c’est très cousu de fil blanc. Pour le reste, il se contente de jouer un country-rock bon chic bon genre, c’est son apanage.

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    Jack croise aussi la route de Dwight Twilley, mais il ne produit qu’un seul titre, «Somebody To Love», qu’on peut trouver sur The Great Lost Twilley LP, une espèce de Loch Ness qui engraisse les spéculateurs. Comme on le sait, Twilley c’est du sérieux, ses deux premiers albums furent de sacrées bombes. «Somebody To Love» est une belle giclée de power pop, une fantastique flambée commitatoire. Jack est dessus, comme l’aigle sur la belette. Maintenant qu’on a rapatrié l’album, on peut écouter la suite. L’amateur de power-pop va adorer «Shaking In The Brown Grass», «Please Say Please» et «I Don’t Know My Name». C’est l’ambiance du premier album, avec un son extraordinaire. Dans «Please Say Please», il va chercher des accents terribles. Et «I Don’t Know My Name» rayonne littéralement, on entend même de l’harmo, c’est une véritable perfection. Vers la fin, on tombe sur la version originale d’«I’m On Fire», hit faramineux tiré du premier album. Et puis tu as aussi «Burning Sand» gratté au power de power-pop, avec la voix de Twilley en orbite. Que de power ! Twilley joue du piano sur «Sky Blue». C’est dire si ce mec est complet. Il va chercher sa pop. Comme Brian Wilson, il vend du rêve. Il redistribue. Il frôle le génie pop en permanence. Il ramène tout l’écho du monde dans «Firefly». Twilley garde son cap de manière spectaculaire. Phil Seymour traîne bien sûr dans les parages. Twilley revient au rockab de Ray Smith avec «Rock Yourself Son» et avec «I Can’t Get No», il sonne comme un géant du Brill. Il aurait pu ensorceler Totor, c’est évident. Twilley fait lui aussi du très grand art.

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    Sur l’album de C.C. Adcock paru en 2004, Lafayette Marquis, Jack ne produit qu’un seul cut, «Stealin’ All Day». C’est une prod à la Moon Martin. On perd l’agressivité du cut d’ouverture de bal, «Y’All’d Think She’d Be Good To Me», un heavy groove de Louisiane, joué au vrai gratté de boogie. Autre coup d’éclat : «Runaway Life», joué en mode cajun, monté sur une carcasse tradi qui a bon dos et ramoné au violon du Bayou. Ces mecs cherchent un son et le trouvent. On les sent influencés par Doctor John («All 4 The Betta») et l’exotica excédée («Blacksnak Bite»). Mais c’est avec «Loaded Gun» qu’il explosent la conjecture, car voilà un cut monté au slap central station, aw Lord have merci, le heavy slap bat comme un cœur. On entend rarement un slap aussi lourd de conséquences. L’ami Adcock a du son et c’est une révélation, il se situe dans l’excellence de la persistance et on comprend que Jack l’ait pris sous son aile. Ce mec est le champion des ambiances, l’atmospherix est son cup of tea, mais un atmospherix sombre et peu amène.

    Un jour, Jack et Totor se trouvent tous les deux dans un avion qui les ramène à Los Angeles. Jack sent qu’une question lui brûle les lèvres. Il se penche vers Totor :

    — J’ai entendu des histoires, Leonard Cohen, les Ramones et deux ou trois autres personnes. As-tu vraiment braqué un gun sur tous ces gens-là ?

    — You know the problem Jack ? Aucune de toutes les personnes que tu mentionnes n’a le même sens de l’humour que le mien.

    En fin de parcours, Jack était sur des coups fumants, notamment une collaboration avec Mercury Rev sur All Is Dream, restée lettre morte, et un coup foireux avec Totor : Linda Ronstadt. Jack qui était alors bien schtroumphé avait écrit des arrangements pour «My Goodbye Song» qui ne fonctionnaient pas et qui ont planté la session. En représailles, Totor lui demanda de prendre les coûts en change. Quand en 1998, Totor sollicita à nouveau Jack pour bosser sur le lancement d’Ashley Ballard que venait de découvrir Ahmet Ertegun, Jack déclina. Il conseilla à Toror de trouver un young kid fresh out of music school. Et puis, une semaine avant de casser sa pipe en bois, Jack proposa à LaLa Brooks de relancer sa carrière avec une chanson de Jackie DeShannon qui bien sûr avait donné son accord au téléphone.

    Signé : Cazengler; Jack Niche (ouaf ouaf)

    Hearing Is Believing. The Jack Nitzsche Story Volume 1 - 1962-1979. Ace Records 2005

    Hard Workin’ Man. The Jack Nitzsche Story Volume 2. Ace Records 2006

    Night Walker. The Jack Nitzsche Story Volume 3. Ace Records 2014

    Jack Nitzsche. The Lonely Surfer. Reprise Records 1963

    Jack Nitzsche. Three Piece Suite: The Reprise Recordings 1971-1974. Rhino Handmade 2001

    Paris Sisters. Always Heavenly. Ace Records 2016

    Performance. The Original Motion Picture Sound Track. Warner Bros. Records 1970

    Ron Nagle. Bad Rice. Warner Bros. Records 1970

    Neil Young. After The Gold Rush. Reprise Records 1970

    Randy Newman. 12 Songs. Reprise Records 1970

    Crazy Horse. Crazy Horse. Reprise Records 1971

    Michelle Phillips. Victim Of Romance. A & M Records 1971

    Buffy Sainte-Marie. She Used To Be A Ballerina. Vanguard 1971

    Mink DeVille. Cabretta. Capitol Records 1977

    Mink DeVille. Return To Magenta. Capitol Records 1978

    Neville Brothers. The Neville Brothers. Capitol Records 1978

    Graham Parker & The Rumour. Squeezing Out Sparks. Vertigo 1979

    Rick Nelson. Playing To Win. Capitol Records 1981

    Mink DeVille. Coup De Grace. Atlantic 1981

    Dwight Twilley. The Great Lost Twilley LP. DCC 1993

    C.C. Adcock. Lafayette Marquis. Yep Rock 2004

    Cazy Rider. Shindig! # 107 - September 2020

     

    Le stomp de Stamp - Part One

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    C’est une devinette : qui est l’homme le plus légendaire du London Underground ? Bon c’était facile. Terry Stamp, bien sûr. Tu aurais pu répondre Dave Kusworth, Larry Wallis ou Jesse Hector qui ont en commun le chic working-class et le no sell out viscéral, mais Terry Stamp est tout de même celui qui préfère aller couper de la canne à sucre pour Castro - Fidel ! Fidel ! Fildel ! - et prêcher la violence sur Stardom Road en grattant sa chopper guitar. L’Hammersmith Guerilla n’était pas une vue de l’esprit, Yobo. Les deux albums de Third World War ont fait dans les imaginaires plus de ravages que tous les albums de Stones, des Pretties et de Jerry Lee réunis. Et comme bien sûr Terry Stamp et son bras droit Jim Avery n’arrivaient pas à vivre de leur musique insurrectionnelle, ils devaient bosser pour manger. Alors Terry Stamp était camionneur.

    En 1968, il écrivit des chansons qu’Helen Shapell enregistra pour Pye, mais cet album produit par Roger Cook n’est jamais sorti - At that time I was still driving trucks to make ends meet and was not of course the cleanest of individuals. Quand on demanda aux musiciens de la session Pye s’ils souhaitaient rencontrer l’auteur des chansons, quelques uns sortirent pour me voir et furent choqués de mon apparence - L’un d’eux s’exclama : «Comment un mec comme toi peut écrire de telles chansons ?» (Food for though on that one, ajoute Terry). Dans cette histoire, Roger Cook est un mec important : il croit au génie de Terry Stamp et rêve de faire un album avec lui.

    Terry Stamp n’a pas encore pondu d’autobio, mais il raconte son histoire sur un site miraculeux, stardomroad.com. Il écrit comme il chante, à l’arrache working class et quand on connaît bien son growl de camionneur, ses récits prennent des allures de heavy talking-blues. Il raconte dans le détail l’histoire de cet album fascinant qu’est Fatsticks, enregistré après la fin de Third World War en 1974. Il rentre alors d’un voyage chez sa sœur dans le Milwaukee, aux États-Unis, avec une Gibson Melody Maker et un Pignose Amplifier achetés 100 $ dans un pawnshop - Try doing that today - dit-il et il entre en studio avec son vieux complice Jim Avery on bass. L’instigateur du projet n’est autre que Roger Cook qui ramène Tony Newman au beurre et propose Steve Marriott à la guitare. Steve qui n’est pas libre suggère Ollie Halsall. Alors voilà l’Ollie qui débarque avec sa SG blanche. Oui, l’Ollie de Kevin Ayers, le fabuleux tisseur de mésaventures métaboliques. Terry Stamp, Jim Avery, Tony Newman et Ollie répètent les cuts de Fatsticks pendant une semaine. Puis Cook les emmène enregistrer au studio Morgan, North London. On a tout le détail des sessions, sur le site. Quand Jim Avery jette l’éponge, c’est Herbie Flowers qui vient le remplacer, puis Alan Spenner, le bassman du Grease Band.

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    Pour des raisons que l’évidence endosse, Fatsticks est resté un album culte, une sorte d’inaccessible étoile du rock anglais. D’autant plus inaccessible qu’il faut aujourd’hui sortir un très gros billet pour s’offrir l’A&M paru en 1975. Gered Mankowitz signe le beau portrait de Terry Stamp qui orne la pochette. Ça démarre avec «Kid», un heavy funk du mighty London Underground. Stamp maintient son haut niveau de shoo-shoo-shooshine. Il a du beau monde derrière lui : Ollie on lead et Spenner on bass. Ils jouent le funk d’Hammersmith, pur génie, touch it ! Stamp garde cette voix qui sent le goudron. Il revient au Third World War boogie down avec «Black Bomber Waltz», le boogie le plus gluant d’Angleterre qu’il chante du fond du pantalon. Énorme boogie brit sous le boisseau d’Ollie, up a lucky lukyola. Il sort aussi un «Motorhead» capable de faire pâlir Lemmy. Stamp dispose déjà de tout le menu fretin, mais avec du piano. Il l’emmène à train d’enfer, go go little motor head ! On est en 1975, bien en avance sur tout le reste - Kick out on the road/ Right behind the wheel/ Four hot tyres/ half a ton of steel - Il préfigure Lemmy - I said you look pretty good/ With a boot full of lead - Terry Stamp est avant toute chose un fantastique lyricist. On entend Herbie Flowers jouer de la basse sur «Stage Of Fools», chef d’œuvre décadent échoué dans le backstage du rock anglais. Stamp is the real deal - The first time we played Britania/ She was wearing the dead man’s shoes I tell ya - Il chante ça à l’extrême retenue - The promoter tried to roll it and fly/ But Willy stuck an arrow in his eye - Il prend «Salvation Army» à la Stamp, loin derrière, dans la cour de l’usine, ça sonne comme un vieux heavy stomp d’Armée du Salut, ce mec pue la misère à plein nez. En Angleterre, il fut l’un des seuls à évoquer la misère des pauvres dans ses chansons. Avec son «Salvation Army» il va encore plus loin que Kaurismaki dans L’Homme Sans Visage. En B, il dégringole le boogie down de «Razor City», soutenu par des chœurs admirables. Ollie et Spenner jouent comme des dieux. Ils perpétuent le vieil art de Third World War - I said oo oo baby down to Alphaville - On entend encore la basse chevroter dans l’imparable «Town Drunk». Stamp chante son ass off, il est encore une fois au bord du dégueulis, oh me oh my. Nouveau coup de Jarnac avec «Dinah Low», une vraie purge de Stonesy - I asked her once if she was my baby/ And she said mister well maybe - Voilà très exactement le hit dont les Stones ont toujours rêvé. Mais c’est Stamp qui le pond, avec un riffing juste en dessous du chant. Il profite d’ailleurs de l’occasion pour exploser la Stonesy, il en a les moyens, vu qu’il est le meilleur groover d’Angleterre, oh oh Dina Low Dinah lay. On n’entend Jim Avery que sur «Motor Head» et le «Itchy Feet» de fin de B, une espèce de cut monstrueux typique d’Hammersmith - Oh mother I need a seat/ I got the itchy feet. Mais le cut le plus étonnant de cet album restera sans doute «Honky Honda», car c’est joué sur un groove de basse harmonique. Une véritable merveille. Stamp n’a plus qu’à s’y couler - You know I’d made a little speed/ Oh papa Honda oh yeah.

    En 2004, Terry Stamp indiquait qu’avec Fatsticks, il avait renoncé à «faire carrière» dans le music biz et avait émigré avec sa femme et son fils aux États-Unis, d’abord dans le Massachusetts où il travaille dans une usine de fabrication de cercueils, puis à Los Angeles où il prend un job in Water & Sanitation. A&M lui envoie quelques exemplaires de Fatsticks qu’il distribue à droite et à gauche. Il apprend que l’album n’est sorti qu’en Angleterre, ce qui en fera une pièce de choix pour les spéculateurs. Il apprend aussi que les albums de Third World War sont réédités en CD et il se demande où est passé le blé. Certainement pas dans sa poche - Yer just have to wonder where the money goes, it certainly never dribbled down to Jim Avery or myself! - Toujours la même histoire.

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    Paru en 2004, Bootlace Johnny And The Ninety Times n’en finit plus d’amener de l’eau au moulin d’Alphonse Daudet : oui, Terry Stamp a du génie, il suffit d’entrer dans «Bootlace Johnnie» pour voir à quel point c’est criant de vérité - Just one of God’s factory fodder - C’est extravagant de classe balladive - Over that/ I’m over that now - et il termine avec ce quatrain fabuleusement autobiographique - He’s done pretty good for a West London boy/ Who’d had it stamped on his forehead - La voix de Stamp se fond dans la trompette, c’est d’une puissance incommensurable, qui peut égaler Stamp dans l’éclat de son désespoir ? Personne. Avec «Wastelanders», il joue sur les espaces - Ahead of the law/ There’s a wastelander’s score/ And hoooooo - Il compte sur l’échappée, c’est noyé d’harmo, il travaille ses fantastiques souvenirs de fouilles à Dover avec les chiens des stups, Stamp décrit ses mésaventures douanières avec une écrasante mélancolie hugolienne. Il laboure la pop de «Cruel Masseur» comme un laboureur de Millet, il creuse son sillon et passe au cajun avec «Tender Guillotine». Mais c’est avec le morceau titre qu’il va décoller - To hell with Shakespeare/ And to hell with Caesar - Il lance une fantastique poussée interne de boogie - Let’s climb up through the Hippodrome skylight - Il continue d’expurger des souvenirs de délinquance extraordinaires. Dans les bonus, on tombe aussi sur un autre coup de Jarnac, une démo intitulée «Down Pentonville Way». Elle vaut vraiment le détour. Il faut aussi saluer le «Christmas The Way I Like It» d’ouverture de bal, cut magnifique et d’humeur dylanesque. Stamp s’y montre éperdu de montagne, il chante à la magnificence de Mayence, il embolit les embolies, il se dresse tel un géant de panier de crabes with the red shoes on. Terry Stamp est l’artiste définitif.

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    Encore un album mirifique avec Howling For The Highway Home paru en 2007. On y entre comme on entre au paradis. Il faut cependant attendre «Voltaire Blues» pour commencer à frétiller. Il s’embourbe dans une espèce de blues intimiste et renoue avec l’intensité - Seventy-five volts/ Seventy-five - Il impose un heavy groove à base de rockabilly night avec un Louie qui kiss his Gretsch goodbye forever. Il enchaîne ça avec un «Immortals» très sombre, il s’enterre dans la déveine mais il CHANTE ! - Ummm God rest you immortals - Il impose une incroyable présence vocale, il pressure le son au maximum. L’écoute de cet album constitue une fantastique expérience. On reste dans l’intensif marmoréen avec «Christmas Eyes», une absolue merveille, une dégoulinade de Christmas eyes way down on my heart. Stamp a le power, comme Zeus, un éclair au poing. C’est embarqué au solo de sax, il chante jusqu’au bout de la nuit célinienne, génie pur, mate ultimate, il est moite et épais, il s’abat lourdement, I’m down on my heart tonite ! Renversant ! S’ensuit un «Standing With The Detaineees» absolument parfait. Stamp élève le balladif au rang d’art majeur. C’est poignant car profondément juste et il gratte ça à la vie à la mort. Il s’enfonce avec le morceau titre dans les bas-fonds de l’Americana et ça lui va comme un gant. Il passe au badass blues de la frontière avec «If You Owe You Will Pay», histoire de prévenir que ça va mal se terminer. Il devient là le dieu du heavy blues d’église en bois. Il développe une sorte de mystique, mais il veille à rester humble. Tiens, voilà «Fatsticks». Il chante chaque syllabe de son Fatsticks à l’extrême - Fat/ Sticks/ It’s just/ For a night/ On the town - Il termine cet album effarant avec «Ancient History Now» qu’il chante dans l’église. C’est puissant. Perdu. Maudit. Il largue tout son art. Balladif religieux et hanté qu’il vient encore orchestrer.

    Et les deux albums de Third World War ? On coulera la barque une prochaine fois.

    Signé : Cazengler, Third World Whore

    Terry Stamp. Fatsticks. A&M Records 1975

    Terry Stamp. Bootlace Johnny And The Ninety Times. Burning Shed 2004

    Terry Stamp. Howling For The Highway Home. Burning Shed 2007

    Satardomroad.com

    RADIUM PESTICIDES

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    Je sais la vie est injuste. Plus de concert depuis un an. Plus moyen de voir les Pesticides. C'est ce que l'on appelle une double peine. Sont comme tous les autres me direz-vous logées à la même enseigne. Pas tout fait, n'ont pas été épargnées par les coups du sort. Z'étaient trois. Ne furent plus que deux. Les anges noirs ont rappelé Djipi, leur guitariste, jouait trop bien. Parti to the other side. De quoi tuer un groupe dans l'œuf. Des larmes, du chagrin, mais ne se sont pas apitoyées sur elles-mêmes. Désormais elles sont cinq. Elise, elle en vaut deux à elle toute seule, John à la basse, Maxime à la batterie et Sébastien à la gratte, évidemment on ne les a pas vus, mais l'on peut faire confiance aux filles pour ne pas avoir choisi des demi-portions à la pâte molle. On les imagine ces trois garçons plutôt Sitting Bull que Vache qui rit.

    Donc pour survivre et diffuser leur musique elles ont imaginé ( comme tout le monde ) le Plan A. Soyons francs rien de nouveau sous le soleil qui refuse de briller, elles campent sur les réseaux, FB, Twitter, Spotify et tous les autres. Pas ce qu'il y a de plus original comme démarche. Alors elles ont enclenché le Plan B, celui-là est démoniaque, en ces temps de covid généralisé, elles ont pris modèle sur l'ennemi, elles ont décidé de s'attaquer au monde entier. Non, ce n'est pas une métaphore, et le plus fort c'est qu'elles sont en train de réussir leur pari. Les Pesticides sont partout. Leur poison s'infiltre bien au-delà de nos frontières, une traînée de poudre, une traînée de foudre. Attention masque inutile, le bacille s'infiltre en vous par les oreilles !

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    L'idée est simple. Puisque l'on ne peut pas les voir, on les entendra. Si tu es dans l'incapacité d'aller aux Pesticides, les Pesticides iront à toi. Un peu comme si les Twin Towers au lieu d'attendre sagement que les avions s'écrasassent sur leur carcasse étaient allées les décaniller dans le ciel à la manière de battes de base-ball envoyant bouler les balles hors champ. Sont comme cela nos tours jumelles pesticidiques. La meilleure défense c'est l'attaque tous azimuts.

    N'essayez pas de les fuir. Elles vous rattraperont. Squattent les playlists des radios, en Allemagne, en Angleterre, aux USA, on Kaotic Radio par exemple, ou on Orange County California et sur Charlie Mason Radio à Norfolk ( ville natale de Gene Vincent ), plus des tas d'interviews, bref vous n'y échapperez pas, une pandémie jouissive !

    Damie Chad.

    Pour ceux qui veulent en croire leurs propres ( ou sales ) oreilles, passez par exemple par leur site, thepesticides.com

     

    FURIES

    ( Extrait de Prometheus Unbound )

    STÜPOR MENTIS / MARKKU NYKÄNEN

    Nous avons déjà présenté en nos livraisons 478 et 495 cinq maillons de Prometheus Unbound de Stüpor Mentis. En voici donc un sixième sous forme d'une vidéo visible sur You Tube. Il s'agit bien d'extraits en langue anglaise  de la pièce de théâtre Prométhée délivré de Percy Bysshe Shelley. Un texte écrit pour être lu et non représenté. L'anecdote visuelle d'acteurs s'agitant sur scène n'aiderait en rien à la compréhension du poème qui s'appréhende avant tout comme un objet mental, gardons la métaphore d'un oiseau cruel qui s'installe en vous pour déchirer vos idées d'être humain sans cesse renaissantes dans votre tête au fur et à mesure que vous poursuivez votre lecture.

    L'on s'attendrait donc très logiquement à trouver par exemple la photographie du CD de Stüpor Mentis figé sur l'écran jusqu'à la fin du morceau tandis que défile la bande-son. Ou alors la retransmission d'un tour de chant, l'on trouve en effet sur la vidéothèque du duo nombre de séquences filmées issues des interventions scéniques de Stüpor Mentis et de sa chanteuse Erszebeth. Il n'en est rien, nous avons affaire à un véritable clip – ce mot sonne très futile quant on l'envisage selon le prospective publicitaire de notre modernité – réalisé par Markku Nykänen, nous n'avons glané que très peu d'informations sur ses réalisations, la langue finnoise nous étant une barrière infranchissable...

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    Une chose est sûre Markku Nykanën n'a cherché à traduire en images ni le texte de Shelley, ni l'interprétation d'Erzsebeth, ni le mouvement de la musique due à Fulcannelli sorcier des manettes. S'est simplement employé à offrir un équivalent poétique de la beauté dégagée, à des titres opératifs divers, par nos deux passeurs en abîme phonique prométhéen. Toutefois rien de moins abstrait que sa réalisation, il a fait avec ce qu'il avait sous la main et dans l'esprit, des paysages et des symboles.

    Les Furies apparaissent au pied du rocher sur lequel Prométhée est enchaîné pour aviver ses souffrances. Elles ont beau promettre les maux les plus terribles et lui révéler l'horreur absolue de la faiblesse de l'Homme, il ne les hait point, il n'en attend pas plus ni moins, ni d'elles, ni des hommes ni des Dieux, il se bat pour un principe plus grand, dépitées elles s'enfuient....

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    Une flamme qui ondoie, une langue de feu, un bougie que le vent chavire, un paysage de neige, des traits incandescents comme autant d'épines rougeoyantes plantées dans les images à la manière des antiques pratiques de sorcellerie, la caméra se rapproche d'infimes détails, une feuille recroquevillée sous le gel, une main crispée, emmêlés d'immensité de paysage enfuie, le tout et le détail, il suffit de changer la focale du regard pour se perdre dans la vastitude du monde ou s'égarer dans la moindre petitesse de minuscules fragments pour percevoir l'infinitude de ses dimensions, la voix d'Erszebeth est devenue innombrable, nuées d'oiseaux qui emportent le temps dans leur vol, l'orchestration n'est plus qu'un battement d'ailes en action qui scandent et précipitent la durée du monde, imprécations sans fin entremêlées à des branches d'arbres, images et musique ne forment plus qu'un tourbillon mortel, un blizzard létal qui s'enroule à l'espace, apparition insistante, est-ce un masque ou le squelette d'une tête d'aigle mort, à moins que la mort ne soit qu'un masque de feu et de neige qui brûle et stérilise la vie qui n'est plus et se perpétue en sa propre absence, car l'être qu'il soit ou ne soit pas n'est que volonté d'être, nous voici perdus dans la tourmente des images et de la voix surmultipliée en une sombre lamentation, se détache une figure hiératique de pierre, ne serait-elle pas plutôt visage imprécatif, qui ne dit plus un mot, ou qui parle à une hauteur que vous ne pouvez atteindre, car tout se mélange, le son, le sens, la voix, la caméra, le verbe et le vertige des dieux rejetés.

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    Splendide réussite graphique, un oratorio de rouge, de blanc, de gris, qui vous coupe de la réalité tangible du monde et vous enferme dans le labyrinthe de votre finitude. Tout en vous laissant déchiffrer les runes des rêves qui vous hantent.

    Damie Chad.

    NINETEEN

    ( 1982 – 1988 )

    ANTHOLOGIE D'UN FANZINE ROCK

    ANTOINE MADRIGAL

    ( Vidéo : SF You Tube )

     

    Ce n'est pas du neuf, cela date de quatre ans, une production de SuperFlux Le Toulousain Indispensable un webzine, l'épicentre radio-actif en est bien entendu la ville rose, mais les problématiques abordées sont loin d'être régionales, culture, livres, disques, films, présentations d'activistes de tous acabits, faites un tour chez eux vous y trouverez de quoi vous nourrir.

    Nineteen a été la revue rock des années 80, en une décennie où Rock'n'Folk battait de l'aile, Kr'tnt l'a déjà présentée, Antoine Madrigal en a été le co-fondateur, la vidéo ne dure que treize minutes, pas le temps de décliner le sommaire de chaque livraison, juste d'exposer brièvement les quatre angles d'attaque du projet.

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    Le premier semble couler de source, causer de rock'n'roll, cela peut paraître la condition sine qua non, toutefois dans les eighties, changements de génération et de paradigme économique et politique obligent, le rock'n'roll était une cause perdue, l'on ne jurait plus que par les synthétiseurs, quant aux survivants punks ils s'enfermaient dans une espèce de nihilisme destructivo-radical qui menait à une impasse... Nineteen s'intéressera à des groupes comme les Cramps, Sonics, Gun Club, Dogs... N'oublions pas, à l'époque la Toile n'existait pas...

    Le deuxième procède d'un principe ultra-simple, le DIY, faites-le vous-même, n'attendez pas des autres qu'ils obtempèrent à vos désirs... Nineteen en ses débuts sera un fanzine plus ou moins traficoté avec les bonnes volontés des amateurs, trouvera ses lecteurs, s'étoffera, grandira, grossira à tel point que nos aventuriers pensent pouvoir changer de statut, le fanzine amateur se métamorphosera en revue ayant pignon sur rue, un mensuel distribué par les MNPP ! Un rêve. Rapidement avorté. Faut avoir les reins financiers solides pour affronter la pieuvre... Nineteen ne survivra pas à l'expérience...

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    Troisième pilier de la sagesse : minimum de photos, maximum de textes. Nineteen ne sera pas remplie d'articulets de quinze lignes, l'on n'hésite pas à balancer des paquebots de dix pages sur un groupe, même s'il est inconnu, vous retrouvez dans KR'TNT , comme par hasard, ce parti-pris dans les articles de fond du Cat Zengler, plongez-vous dans les deux volumes que Les Fondeurs de Briques lui ont consacrés : Nineteen : Anthologie d'un fanzine rock ( 432 pp, Mars 2016 ) et Nineteen 2 : La scène française 1982 – 1988 ( 352 pp, Octobre 2017 ), lectures captivantes.

    Mais il y a un point dans les propos d'Antoine Madrigal qui me plaît encore plus que les trois précédents, la nécessité selon lui d'asseoir le rock'n'roll en dehors du domaine musical strictement rock 'n' roll, de l'appréhender en tant que mouvement culturel dont les racines plongent loin et sont à revisiter, démarches artistiques rebelles de toutes formes, peinture, littérature, poésie, graphisme, cinéma, philosophie, théories et révoltes sociales...

    Antoine Madrigal, parle debout campé dans son antre, une caverne d'Ali Baba qui regorge de trésors, L'Amardillo, boutique de disques rares et obscurs comme titre La Dépêche. De quoi illuminer votre vie. ( 32 rue Pharaon. Toulouse ).

    Damie Chad.

     

    ERIC BURDON BAND

     

    STOP

    ERIC BURDON BAND

    1975

    Sorti en 1975, donc après Sun Secrets paru en 1974 mais enregistré entre 1971 et 1973 avec les musiciens du groupe Tovarich rebaptisé en Eric Burdon Band après le retentissement de Sun Secrets mis en boîte avec en partie un personnel différent. Il est possible de trouver les deux opus dans le même emballage.

    Eric Burdon : vocals / Kim KestersonRandy Rice : bass / John SterlingAalon Butler : guitar / Teddy Ryan : keyboards / Alvin Taylor : percussions, drums / George Suranovitch : drums / Moses Wheelock : percussions.

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    La pochette ressemble à ce que j'appelle une fausse bonne idée, marrante durant les deux premières secondes où elle vous traverse le ciboulot, affligeante dès que vous vous attachez à la mettre en œuvre, accablante lorsqu'elle est finalisée, encore certaines versions aux USA ont-elles été livrées sous la forme hexagonale du panneau de signalisation qui l'a inspirée... Par contre sur le gatefold une belle photo de Burdon clope au bec. Quand je pense que dans les manuels de philosophie, voici déjà dix ans, l'on a supprimé la cigarette que tenait entre ses doigts Albert Camus sur son cliché le plus célèbre, l'on voit la puritaine régression civilisationnelle...

    City boy : stop à quoi ? A l'injustice et à la misère du monde, certes, mais aussi au blues. Le disque est méchamment option rock'n'roll avec guitares à foison. Même si Burdon pensait que le mixage n'était pas assez tonitruant. Le morceau est à écouter comme la la suite de We 've gotta get out of this place, ne s'agit plus de s'enfuir au plus vite, au contraire de revenir, le constat est accablant la situation ne s'est pas améliorée, et puisque le dernier morceau de Guilty ! était d'inspiration gospel, dans le premier du disque suivant Burdon s'adresse à Dieu directement, sûr qu'il pourrait être ailleurs dans un lieu paradisiaque, mais il est juste un city boy. L'on revient toujours sur les lieux des crimes que l'on n'a pas commis mais dont on se sent coupable. Gotta get it on : premières mesures bluesy mais l'on n'est pas sorti de l'auberge espagnole, Burdon nous a apporté une tortilla musicale, une guitare rock, un piano jazz, une rythmique funky, des chœurs soul, ne poussez pas il y en a pour tout le monde et pour tous les goûts, par contre ne vous attardez pas, le morceau est bien court pour un tel contenu, Burdon vous l'optimise de sa petite voix. The man : un morceau culte de Burdon, dans mon souvenir il était sur Sun Secret, mais non il est sur Stop, remarquez c'est plus logique, l'histoire d'un mec qui se fait arrêter par les flics, oui mais c'est filmé à l'américaine, course poursuite in the city, la voix des cops puants filtrée par la CB, sirène hurlantes, musique qui carambole et qui froisse la tôle de vos cauchemars, filles hystériques, des paroles qui font froid dans le dos, si vous en sortez vivant, vous pouvez écouter le morceau suivant, ce n'est pas moi qui le dis c'est la police. I'm looking up : c'est mignon tout plein, chœurs masculins en entrée, orgue qui vous déroule le tapis rouge, des paroles qui ont dû demander moins de temps que l'écriture de La Recherche du temps perdu, ça dure deux minutes, et encore une fois vous écoutez parce que le Burdon vous lui filez trois fois rien et il se débrouille pour faire du trapèze volant et vocal dessus. Rainbow : texte un peu con-con, si tout va bien rainbow, si tout va mal rainbow, heureusement que les guitares s'en moquent éperdument, ronronnent à la manière des tigres mangeurs d'hommes qui vous ont aperçu de l'autre côté de la rue, pas de panique la musique décolle à la manière d'une fusée supersonique, good trip, my brother. All I do : encore un spaghetti de deux minutes, belles guitares, beau vocal, Burdon prend le temps de vous dire qu'il n'a pas le temps de vous attendre, c'est bien mais s'il rallongeait cette super gazoline mazoutée l'on ne s'en plaindrait pas.

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    Funky fever : si vous aimez les guitares qui miaulent comme des chats de gouttière amoureux, ce morceau est pour vous, les paroles sont idiotes mais une fois que vous avez la fièvre funky-rock vous vous en moquez. Une seule objection, on aimerait que le Burdon Band se défonçât dessus pendant au moins dix minutes. Be mine : enfin le blues qui tue, lentement mais on n'est pas pressé, agonie de huit minutes, guitare et orgue de feu en entrance, ensuite c'est du tout lent entrecoupé de quelques coups de hachoir sur les doigts avec dans les intervalles Burdon qui étire la mélodie pour ne pas réveiller les voisins qui dorment, vous excuserez de temps en temps les hurlements et aussi cette guitare qui tirebouchonne un solo long scandé par la batterie de Suranovitch qui rassure nos vies et nos vices. The way it should be : ça part en accordéon, des hauts et des bas qui se chevauchent comme si l'on avait accéléré les bandes, le vocal est dégobillé de la même façon, en une minute tout est expédié et c'est alors que la splendeur commence, un entortillement barbelé de guitares qui court comme un feu de brousse, le vocal survient encore plus azimutant et c'est terminé, vous n'avez rien compris au film, vous le remettez. Stop : un début de session hésitant, la marmelade ne tarde pas à survenir par grosses saccades, la voix est derrière comme si elle n'était qu'un instrument parmi le background général, c'est en ces moments que dans notre tête nous nous repassons le fil de l'album et que tous ses côtés énervants car jamais exploités à fond nous nous apercevons qu'ils ont un côté expérimental non affirmé, comme si le groupe semblait chercher des chemins de non-facilité qui ne le mènent pas directement dans un hard rock de base boogie qui se débite au kilomètre. Burdon veut bien aller au rock'n'roll mais pas comme tout le monde.

    Lorsque paraît Sun SecretsStop n'arrivera que l'année suivante, Guilty ! n'ayant eu qu'une diffusion restreinte – l'on est content de retrouver Eric Burdon, une belle couve, un beau titre, une belle gueule sur la photo intérieure, n'en faut pas plus pour rallumer le brasier ( jamais éteint ) dans le cœur des fans, rien qu'à tenir la pochette l'on est sûr que l'on ne sera pas déçus, l'on a l'impression même si comme tous les précédents il est enregistré en Californie que Burdon est revenu parmi nous. Ces secrets du soleil on a d'autant plus hâte de les déchiffrer qu'une bonne partie de ces hiéroglyphes mystérieux proviennent des Animals et l'on se sent déjà chez soi sans l'avoir écouté.

    SUN SECRETS

    ERIC BURDON BAND

    1974

    Eric Burdon : vocals / Aalon Butler : guitar / Randy Rice : bass / Alvin Taylor : drums.

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    It's my life : sur le premier couplet pas grande différence avec la version animale mais à peine est-il terminé que l'on comprend que ce n'est pas la même musique, la guitare d'Aalon Butler vous boute le feu aux synapses, la batterie d'Alvin Taylor vous transbahute au sommet de l'Everest, le mec ne marque pas le rythme, il est partout à la fois, prend toute sa place et ne la lâche pas, ces deux enragés vous poussent Burdon au cul, il explose en plein vol tel un missile qui vient percuter votre maison. Ring of fire : idem pour l'anneau de feu, l'Alvin vous alevine la rythmique et les autres le suivent sans rechigner, imaginez le début du Boléro de Ravel, aussi lent mais plus fort, et là-dessus le Burdon vous psalmodie les versets secrets qui transforment le monde en un gigantesque incendie, alors ils s'y mettent tous à la manière des chevaliers de l'Apocalypse pris d'une frénésie destructrice non prévue au programme. When I was young / War child : une intro qui vient de loin parsemée de roulements sleipniriens d'Alvin, ambiance orientalisante, la musique se perd en de très brèves séquences qui semblent contenir l'infini, vocal burdonien d'une gravité absolue, parfois il meugle, parfois il s'écrase en hurlant du haut d'un minaret, messe basse de la basse de Randy, long passage qui correspond à ce que Rimbaud nommait le dérèglement de tous les sens, hurlements, aboiements, cris, toutes les bêtes de la création s'y joignent, aucune ne veut monter sur l'arche pour être sauvée, mieux vaut mourir jeune que vivre vieux, une splendide folie. The real me : un rock à tout berzingue droit devant et pas de prisonniers, voyage au bout de la folie, l'on croyait que l'on en avait fait le tour au morceau précédent, mais non Burdon est mort, celui qui chante est un être mythique venu de la nuit des temps, c'est lui et ce n'est plus lui, l'est l'Homme Eternel que nous n'atteindrons jamais. Inclinez-vous. Don't let me be misunderstood / Nina's school : la même optique, reprendre les morceaux sur un tempo plus lent, découper les syllabes et laissez la basse et la guitare occuper les espaces vides tandis que la batterie accélère en cachette tout en faisant semblant d'être en retard, brusquement tout bascule, le chagrin et le désespoir prennent les commandes, Burdon est devenu incontrôlable, Aalon joint les couinements hérissés de sa guitare à sa voix, le monde se confond avec une longue supplique à la Nina Simone, Burdon en plein délirium tremens, et l'on s'enfonce dans une nuit plus noire que l'enfer. Letter from the county farm : un vieux blues revisité par Burdon, spoken words, la basse de Rancy bourdonne telle une mouche épuisée derrière la vitre, Aalon moane et Alvin reste discret, Burdon donne le rythme, vous hisse sur les montagnes du désespoir, Aalon se déchire, Alvin calme le jeu, Burdon écrase la mouche mais la vitre est toujours là, même lorsqu'il travaille dans les champs du pénitencier, le morceau n'avance pas, tourne en rond comme la folie dans la tête du prisonnier, peut crier ou rêver il ne s'échappera jamais du rythme impitoyable marqué par Alvin, Aalon tire sur ses cordes comme s'il préparait une évasion, rien ne changera jamais... Ereintant, désespérant, ne rentrez pas dans ce titre, vous n'en sortirez nevermore. Sun secrets : que dire de plus, rien. Sun Secrets est un instrumental. Cadence lente et lourde comme tout ce qui précède mais la guitare d'Aalon se fait légère, plus claire, un rayon de soleil qui se glisse dans une pièce obscure...

    L'on pourrait reprocher à cet album son manque de nouveauté, se dire que Burdon doit plus à ses musiciens qu'à lui-même, ce ne serait pas faux, mais l'on n'oubliera pas que le soleil de cet album d'une grande cohérence est aussi un soleil noir.

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    C'est bien Damie, tu es un honnête travailleur, me suis-je dit, tu as fini ta chronique, le Seigneur te remerciera malgré ce coupable penchant envers cette musique de nègres et de dévoyés blancs dégénérés, oui mais en fait je n'étais pas content, un truc me titillait, tout de même bizarre que John Sterling soit crédité sur la composition de tous les morceaux de Stop - normal en tant que guitariste qu' il ait emmené ses idées, d'ailleurs le nom d'Aalon Butler n'est-il pas aussi inscrit sur cinq des sept titres de Sun Secrets - z'oui mais le légendaire flair du rocker me tenaillait, alors j'ai fouiné et j'ai fini par trouver, Stop ( l'album ) a d'abord été enregistré à la suite de Guilty ! jusque-là pas de lézard, oui mais c'est John Sterling qui chantait, Burdon est venu après, en écoutant le disque attentivement m'étais dit que sur The Man il y avait vraisemblablement la voix supplémentaire d'un musicien mais cela s'inscrivait dans la logique du scénario, par contre sur le dernier titre Stop, la pensée m'a effleuré que ce n'était pas tout à fait le timbre de Burdon, fausse idée, prémonition, je n'en sais rien. Sterling accompagnera plus tard Burdon en tournée. C'est sur sur forum.stevehoffman.TV que j'ai aussi trouvé les photos des musiciens de Tovarich...

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    Quant à Aalon Butler doué comme il était étrange qu'il n'ait pas donné suite à sa carrière. Il le fit en publiant chez Arista un album soul Cream City avec le groupe Aalon qui n'obtint pas le succès espéré. Abandonna le métier quelques années plus tard pour s'occuper de son fils. Dut recevoir une excellente éducation le fiston puisque Jason Aalon Butler devint le leader du groupe hardcore Letlive...

    Le nom d'Alvin Taylor se retrouve sur de nombreuses pochettes, il accompagna sur scène Little Richard et Jimi Hendrix, son nom est aussi associé à Ron Wood et George Harrison...

    Damie Chad.

     

    CREAM CITY

    AALON

    ( Arista / 1977 )

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    Incroyable mais vrai, c'est le même individu, Thomas Warkentin, qui a dessiné la pochette de Stop et celle de Cream city. Comme quoi l'homme est un animal capable du pire comme du meilleur ! Quand on compare la pochette de Stop et celle de Deliver the word de War, de Warkentin aussi, l'on s'aperçoit qu'il suffit de peu de chose pour qu'une représentation banale s'auréole d'une touche qui confine à l'infinitude.

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    Soyons franc quand on voit la pochette et que l'on lit les titres l'on a envie de traduire Cream City par La Cité du Crime, ne cédons pas à nos instincts criminels, ne serait-ce pas plutôt un groupe de rock attendu par ses fans devant le dancing dans lequel ils vont donner un concert, panneau publicitaire faisant foi, le dos de couve nous le confirme, le style bande dessinée adopté par Warkentin arrache l'œil, si l'aventureuse idée baudelairienne de luxe et volupté vous vient à l'esprit pour le calme c'est raté, belles bagnoles, foule compacte, couleur vive, tout concourt à l'idée d'une vie trépidante et tapageuse.

    Aalon Butler : vocals, guitar / Luis Cabaza : keyboards / Luther Rabb : bass / Ron Hammond : drums / Barbara Beeney, Freddie Pool, Paula Bellamy : backing vocals / + Al Roberts : bass / Alvin Taylor : drums /

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    Cream city : un album de soul sans cuivres ne serait-ce pas comme un repas sans fromage, le groove démarre à la première note, quant aux cuivres vous oubliez très vite que ces instruments ont existé autrefois dans le monde, peut-être avant l'extinction des dinosaures, mais vous avez beaucoup mieux, la crème de la soul, sont trois enchanteresses, le Butler l'est pas fou, ne moufte pas une demi-seconde de lyric, Barbara, Freddie et Paula, mêlent leurs voix, quelle légèreté, quel naturel, quel tact suprême, cet art de ne pas y toucher, un chant d'oiselles, faudrait demander ces fauvettes en mariage toutes les trois en même temps, je ne suis pas sûr qu'Ulysse eût résisté à l'enchantement de ces syrènes. Rock'n'roll gangster : Aalon se dépêche de faire sonner sa guitare, trop tard les divines vous envoûtent, vous vous moquez que le Butler buté essaye de nous la jouer à la Stevie Wonder, ambiance, musicalité, tout le bataclan frime soft qui marche avec est insupportable, vous avez mieux à faire dans votre vie, guetter les moments où les trois stars viennent fredonner la-la-la, faut hausser l'oreille, les ont mixées derrière, mais sans elles du jardin des délices vous passeriez à celui des supplices. Midnight man : z'ont enfermé les filles dans le placard, alors les gars doivent bosser un max, bye-bye Stevie, ce n'est pas non plus AC / DC, mais Aalon mouille les cordes vocales et la guitare, ça balance force trois, mais les filles ont fini par se radiner alors c'est mieux, même que Butler joue au guitar-héros avec un beau solo pour se faire pardonner. Summer love : encore un de ces mid-tempo groovés qui vous donnent envie d'ouvrir la fenêtre, d'abattre une douzaine de personnes rien que pour calmer votre crise de nerfs, et au moment où vous tirez sur l'espagnolette pour commettre votre horrible forfait, les trois fées surgissent et chantonnent tout doux, houhouhou, et votre colère tombe aussitôt, vous êtes heureux, sur trois coups intempestifs de batterie Buttler essaie de se faire passer pour un Wonder-man alors vous guettez sur le tapis d'orgue les précieux instants où on les entend fredonner dans le lointain. Steven Baine's electric train : un petit shuffle n'a jamais tué personne, ce qu' il y a de bien c'est que Buttler se souvient qu'il a aussi joué du rock 'n'roll, alors il nous chouchoute l'arrière-train, et l'on crie choo-choo comme si l'on servait une choucroute royale dans le wagon restaurant. C'est le meilleur morceau du disque et les trois grâces n'ont pas daigné quitter leur banquette. Lonely princess : entrée au clavier, faut être juste, le Cabaza il fait un merveilleux boulot sur tous les titres, l'a un touché miraculeux, a mi-morceau l'on se perd dans le groove et des chœurs masculins ( alors qu'ils ont beaucoup mieux dans le studio ) mais non Cabaza ne cabosse pas le dromadaire, il vous festonne un riff de rêve sur son piano électrique et vous réconcilie avec l'humanité masculine, même Buttler qui chante bien sur ce morceau se tait, signe qu'il a tout compris de la beauté chatoyante du monde. Magic night : plus de sept minutes, orgue et voix, Buttler risque gros sur ce morceau, tout de suite l'on pense à Marvin Gaye et à Stevie Wonder ( rien n'est parfait sur cette planète ), on y va sans se presser, il faut le dire sont tout de même de super-musicos, même si l'on s'ennuie un peu, en fait ça manque d'originalité et les filles qui entrent sur la pointe des pieds ne parviennent pas à insuffler l'énergie nécessaire à faire sauter la banque et la baraque. Jungle desire : rien qu'au titre l'on prévoit le groove fiévreux, et là ils ne loupent ni le coche ni l'accroche, sont en train de réussir le morceau qu'ils ont raté sur la piste précédente. Des surprises partout, une panthère noire ondule sur le clavier, le pas lourd de l'éléphant hante la basse, des galops de girafe parcourent la batterie, le Buttler se déchaîne, vous sort sa voix de post-romantique attardé, entrecoupée de cris d'animaux, et les trois démones viennent enfiévrer la nuit qui tombe, y a même un crocodile qui clapote dans le fleuve à la fin du morceau.

    Le disque est agréable à écouter. Des trouvailles mais pas de trésor. Il est dommage qu'ils n'aient pas tiré les leçons de cet échec et qu'ils n'aient pas enregistré un deuxième album qui nous manquera jusqu'à la fin de notre existence.

    Damie Chad.

    XXVIII

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

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    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

    116

    Cher Vince,

    Ce n'est pas le traiteur, tu t'en doutes bien, qui s'adresse à toi de cette manière, mais l'ami, je tiens à te rapporter deux faits étranges :

    1° ) Hier soir, dix minutes avant la fermeture, deux clients sont rentrés, plutôt jeunes, pendant que l'un est resté devant la vitrine aux gâteaux sa compagne a engagé la conversation, m'assurant que l'on en avait au moins jusqu'à minuit avant qu'il ne se décide, le ton était enjoué, ajoutons qu'elle avait une mine sympathique, voilà pourquoi j'ai continué la causette, de tout et de rien, au bout d'un moment me suis aperçu qu'elle aiguillait finement la conversation sur la clientèle du quartier, puis elle m'a demandé si je connaissais les propriétaire de la belle villa à trois rues d'ici et si elle était à vendre, j'ai répondu évasivement faisant semblant de ne pas comprendre de quelle maison elle parlait précisément, j'avais toutefois reconnu à sa description qu'elle parlait de ton domicile... sont repartis avec une trentaine d'éclairs au chocolat...

    2° ) Ce matin juste après ton coup de téléphone, deux gars sont arrivés, se sont installés sur une des deux tables ont commandé un café et une corbeille de croissants, je suis sûr que c'étaient des flics en civil, tu sais comment je les renifle, je les ai observés du coin de l'œil, quand l'un a montré une photo à l'autre, me suis faufilé derrière lui pour voir, c'était la photo de ta maison ! Fais attention, t'es surveillé. Sont partis au bout de cinq minutes et quinze secondes plus tard un car de flics s'est stationné juste en face du magasin. Me suis douté que j'allais être suivi, voilà pourquoi tu lis cette lettre.

    Si tu as besoin de quelque chose fais-moi signe ! En souvenir de notre vieille formule d'adolescence !

                                                                                                                                     Ludovic.

    Il y eut un silence, Le Chef en profita pour allumer un Coronado :

      • Cela est bien mystérieux, peut-être pourrions-nous tout de même prendre notre petit déjeuner, je goûterai avec plaisir cette chocolatine au miel, nous avons besoin de sucre rapide afin de phosphorer après ces nouvelles !

    C'était un conseil avisé aussi nous ruâmes-nous tous à table sauf Vince qui déclara qu'il devait vérifier ses mails. Pendant quelques minutes l'on n'entendit plus que le bruit de nos mandibules, une douce torpeur nous envahissait, nos ventres criaient famine et nous sustenter nous fit un bien terrible. Nous engloutissions les délices de Ludovic, à ma grande honte le brain trust projeté se réduisait à satisfaire nos instincts les plus primaires. Un cri subit interrompit le bien-être qui insidieusement nous gagnait...

      • Bordel !

      • Voyons Vince, nous avons des jeunes filles ici, veuillez emprunter un langage un tantinet châtié !

    Mais Vince ne nous entendait pas, tout blanc les yeux exorbités d'une main tremblante il désignait sur l'écran la photographie d'un homme pris de trois-quart devant une vitrine remplie d'éclairs au chocolat ! Il lui fallut presque cinq minutes pour reprendre son souffle :

      • Notre formule d'adolescence... toujours avoir deux sorties à son terrier... sur les mails... Ludo a envoyé une photo prise par son apprentie pour son rapport de stage... mais le gars... c'est... c'est... Eddie crescendo !

    Les filles poussèrent des cris de stupéfaction, les chiens aboyèrent, le Chef alluma un Coronado, quant à moi j'en profitai pour subtiliser le dernier croissant.

    117

      • Pas d'affolement déclara péremptoirement le Chef, si Crescendo est vivant il nous contactera, s'il est mort ce n'est pas lui, ou alors c'est son fantôme – les filles poussèrent des cris d'horreur – dans les deux derniers cas nous le retrouverons sur notre chemin tôt ou tard ! Par contre agent Chad, vous qui vous targuez d'être un GSH, une fois que vous aurez vidé votre bouche du dernier croissant dont vous vous êtes honteusement emparé à notre insu, j'aimerais entendre de votre part une réflexion sagace quant au contenu de cette lettre.

      • Vince, êtes-vous sûr de Ludovic ?

      • On se connaît depuis la maternelle, on a fait les 400 coups ensemble dans notre jeunesse ! Personne au-dessus de tout soupçon, je réponds de lui comme de moi !

      • Agent Chad, pourriez-vous préciser votre réflexion, votre angle d'attaque me convient !

      • Une remarque toute simple Chef, cela fait deux fois qu'un épisode de cette histoire embrouillée se déroule dans une pâtisserie !

      • Très bien Chad, pour vous prouver que je ne vous tiens pas rigueur de votre vol de croissant, j'offre une tournée d'éclairs au chocolat ! Vince conduis-nous !

    118

    Ce matin-là Vince faillit devenir fou. Il nous emmena tout droit à la boutique de Ludovic. Un seul problème ! Il n'y avait plus de pâtisserie ! Il remonta la rue dans les deux sens, crut qu'il s'était trompé, mais non là où devait s'ouvrir une pâtisserie, l'emplacement était occupé par une étude notariale ! Nous ne nous attardâmes pas, la présence d'une camionnette de la gendarmerie nationale qui vint se ranger à quelques mètres de notre groupe nous dissuada fortement d'échanger nos impressions. Nous pressâmes le pas, notre marche fut ralentie par une jeune adolescente qui tenait par la main un garçonnet de sept à huit ans. Ils marchaient lentement, mais lorsque nous entreprîmes de la dépasser, sans nous regarder, elle laissa tomber d'une voix sourde :

      • Monsieur Vince c'est Ludovic qui m'envoie, je suis son apprentie il m'a fait sortir par derrière quand les flics sont arrivés, deux gros camions en dix minutes ils ont tout déménagé et changé la façade, ils étaient au moins trente ! Rendez-vous à la Villa des Ormeaux !

    Nous les laissâmes derrière nous, le Chef m'intima de voler au plus vite une voiture.

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    Je ralentis à peine lorsque nous passâmes devant la villa des Ormeaux sise sur une crête désertée du Lubéron, à peine avions-nous entrevu l'orme gigantesque qui cachait pratiquement toute la bâtisse et les deux estafettes de gendarmerie qui bloquaient le portail. Ludovic était manifestement tenu au secret dans sa demeure familiale.

      • Parfait ! déclara Vince, Damie tu continues à toute vitesse, tu prends la direction de Nîmes, arrivé devant les arènes tu t'arrêtes, discrétos tu empruntes une nouvelle voiture, et l'on refile à la Villa des Ormeaux !

      • Tant de route pour revenir d'où l'on vient, persifla Brunette !

      • En plus avec la flicaille qui garde l'entrée l'on n'est pas prêt de délivrer Ludovic, déclara Charlotte !

    Vince se contenta de sourire, attendit un long moment avant de laisser échapper :

      • Où va le monde si les jeunes générations ne savent pas compter jusqu'à deux !

    ( A suivre... )

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 505 : KR'TNT ! 505: DAVE CLARK FIVE / CHOCOLATE WATCHBAND/ GENE SCULATTI / ERIC BURDON AND WAR + JIMMY WITHERSPOON / ROCKAMBOLESQUES XXVIII

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 505

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    08 / 04 / 2021

     

    DAVE CLARK FIVE / CHOCOLATE WATCHBAND

    GENE SCULATTI

    ERIC BURDON AND WAR + JIMMY WITHERSPOON

    ROCKAMBOLESQUES 28

     

    Le full car flight du Dave Clark Five

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    Curieusement, le Dave Clark Five ne bénéficie jamais des largesses de la presse anglaise. Tous les autres British Invaders ont été célébrés en long en large et en travers, mais pas grand chose sur ce groupe que les feignants appellent le DC5. Tout ce qu’on peut espérer dénicher, c’est une page de temps en temps dans Record Collector. En 2019, Nick Dalton faisait le tour du propriétaire en 33 minutes d’un groupe qui vendit en son temps 100 millions de disques et qui apparut 18 fois dans l’Ed Sullivan Show, alors t’as qu’à voir. Quand Dalton demande à Dave Clark pourquoi son groupe est devenu tellement célèbre aux États-Unis, celui-ci lui répond sèchement, the Tottenham way - Everything is being at the right place at the right time - Oui, il faut être là au bon moment. Ed Sullivan était à Londres et quand il a vu le Dave Clark Five sur scène au London Palladium. Il leur a tout de suite offert 10 000 $ et des billets d’avion. Dave a dit a ses copains : «Faites vos valises les gars, on part tôt demain matin !». Ed Sullivan les voulait dans tous ses shows. En fait c’est lui, cette espèce de sosie de Nixon, qui a rendu célèbre le Dave Clark Five. Partout aux États-Unis, leurs concerts sont sold-out. Ils sont aussi célèbres que les Beatles. C’est Dave qui négocie avec les maisons de disques. Il demande à EMI la propriété des masters et l’obtient. Five years of mega-stardom, nous dit Dave, qui s’arrêtent aussi brutalement qu’elles ont commencé. Dave voulait arrêter le cirque au moment idéal, lorsqu’ils étaient au top - We wanted to stop at the top - Les gars de Tottenham ne rigolent pas. Ils ont un parcours exemplaire, sec et net, et attention, leurs albums grouillent de dynamite.

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    Dans un autre numéro de Record Collector, Alan Clayson célèbre à sa manière le Five’s power, comme il dit. Il commence par dire à Dave : «‘Anyway You Want It’ est l’un des most violent records I’ve heard!». Dave lui répond que c’est enregistré d’un seul bloc sur un 4 pistes. The Tottenham way. Il indique aussi que tout le Five’s Power est enregistré aux Lansdowne studios, à Holland Park, où travailla un temps Joe Meek. Dave monte soudain en température. Il sort sa théorie de la perfection : «Ce sont les imperfections qui font la perfection. Ça donne de la présence au cut.» Il dit aussi que ses gros hits sont inspirés du public who would stomp along to the drum breaks in the ballrooms. Voilà d’où vient ce stomp légendaire. Dans le feu de l’action, Dave rappelle sa passion pour les gros hits américains : ««Twist & Shout» des Isleys, «Do You Love Me» des Contours, «I Like It Like That» de Chris Kenney et «You Got What It Takes» de Marv Johnson. Toutes les influences sont américaines. Dave révèle que son premier disque fut le «Blueberry Hill» de Fatsy. Clayson qui est un vieux fan aborde la question des archives et oui, Dave l’avoue, il reste pas mal d’inédits à la cave du Vault d’or. Il a accepté d’en sortir un sur la compile The Hits, «Universal Love», dont tu trouveras l’éloge un peu plus bas. Il confirme aussi avoir reçu une offre mirobolante dans les années 90 pour reformer le DC5 avec Mike Smith. Un million de dollars ? Non dit Dave, far more than that. N’importe qui aurait accepté, mais pas Dave. Au téléphone, le ponte insiste, il rappelle en pleine nuit et double la mise. Dave dit no. Excédé, le ponte joue sa dernière carte : «Look Dave, everybody’s got their price. What’s yours ?», dis ton prix, et fouf Dave lui raccroche au nez. The Tottenham way. Grâce a Dave, nous n’aurons pas à subir la reformation du Dave Clark Five. Ouf !

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    Sois prudent si tu envisages de mettre le nez dans leur discographie, car elle est assez tentaculaire. On s’y perd comme jadis les vaisseaux se perdaient dans le triangle des Bermudes. L’idéal est de se limiter aux douze pressages Epic US et de démarrer avec l’excellent Try Too Hard paru en 1966. Que de son, my son ! Dès le morceau titre d’ouverture du bal d’A, ça te saute à la gueule. Hard pop in full car flight, Dave et ses potes sont heavy on the beat et ce qui frappe le plus, c’est l’éclat de leur énergie mirobolante. C’est encore autre chose que les Hollies, les Searchers ou les early Beatles. Tout l’album va se hisser au même niveau, à commencer par «I Never Will», véritable DC stomp, un modèle du genre. C’est même un beat de pop qui bat tous les records. Ils sont largement supérieurs à la moyenne de l’époque. Pour l’anecdote, cet album fut pioché durant les early seventies dans un bac de second-hand à Londres - sur la foi de la pochette - en même temps qu’un Best Of US de Paul Revere & The Raiders et quelle ne fut pas la stupéfaction du piocheur quand il découvrit à son retour au bercail que les deux groupes dégageaient le même genre de super power. Et si on reprend l’écoute, on tombe en bout d’A sur «Ever Since You’ve Been Away», une aveuglante giclée de fulgure. Ces mecs traitent la pop comme une reine. Alors, on devient leur copain. Et le cirque continue en B avec «Somebody Find A New Love». On souhaite vraiment à tous les popsters d’avoir ce son. Car outchy outchah, quelle patate chaude ! C’est carrément punché dans le menton du tabernacle. Ils ramènent la pire basse fuzz de tous les temps dans «I Really Love You», oh yeah, il faut l’entendre pouetter au coin du bois et ils continuent de dévaster leur B avec d’autres feel good killer cuts, finissant par tout battre à plates coutures. Les voilà bien avancés.

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    Les gros labels américains mirent du temps à mesurer l’impact de la British Invasion, mais une fois qu’ils eurent compris, ils passèrent en mode de production industrielle. Filiale de Columbia, Epic fit ses choux gras du Dave Clark Five dès 1964, en sortant trois albums dans la même année : American Tour, The Dave Clark Five Return et Glad All Over. Le message était clair : pesez le pour et le contre et courez chez votre disquaire, comme le disait si bien Paul Alessandrini dans un vieux numéro de R&F. Bon, pas vraiment de hit sur American Tour, mais de la patate chaude à la pelle. Les gars de Tottenham ont décidé d’en découdre et avec eux, ça ne traîne pas. On note aussi chez eux un sens aigu du tatapoum. Une belle basse monte au devant du mix dans «Move On». Ils ont tout compris. Cet instro est un fleuron du Swinging London. Quand ils font de la pop, ils ne la ménagent pas. C’est leur façon d’aimer. Le «Come On Over» qui ouvre le bal de la B avance au pas de charge, typical DC beat, belle détermination, le message est clair. Pas la moindre ambiguïté. C’mon over !

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    Les amateurs de big covers seront aux anges avec l’«On Brodway» qu’on trouve au bout de la B sur The Dave Clark Five Return. Il faut savoir que le chanteur du groupe n’est pas Dave Clark mais le keyboardist Mike Smith. C’est dingue comme ce mec chante bien et il faut être gonflé pour aller s’attaquer à un tel standard. Ils ont le son, la niaque et l’ampleur catégorielle, ce sont vraiment des cracks. L’autre merveille de l’album se trouve aussi B. Cette fois il s’agit d’une Beautiful Song, «Forever & A Day», chantée aux harmonies surnaturelles. L’autre particularité du groupe est sa façon de sonner comme les early Beatles. C’est flagrant avec «Zip A Dee Doo Dah». Smith chante comme John Lennon. Il nous fait le «Mister Moonlight» des Beatles. Et puis avec «I Need You I Love You», ils campent bien sur leurs positions. C’est beatlemaniaque au bon sens du terme. Big energy & Mersey beat ! Le gros défaut des pochettes américaines, c’est qu’elles sont pauvres en informations. Les membres du groupe sont présentés un par un comme ça se faisait à l’époque, mais on ne sait pas qui chante. Comme Dave Clark est leader/drummer, on croit que c’est le chanteur. Fatale erreur.

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    Il faut attendre la pochette de Glad All Over pour enfin apprendre que Smith chante. Le mix de l’album et donc du morceau titre est étrangement criard, presque trop aigu. C’est le early Beatles sound, ils mettent le paquet là-dessus, étant donné que ça marche aux États-Unis, car bien sûr le DC5 fait carrière aux États-Unis. Les gars de Tottenham ramènent tous leurs guts dans une version de «Do You Love Me», mais c’est en B que se joue le destin de l’album, avec une sacrée triplette de Belleville : «Bits & Pieces», «I Know You» et «No Time To Lose». Ils jouent leurs Bits au big stomp des origines du monde et on entend la basse entrer dans le lard du refrain. Elle gronde aussi dans «I Know You», quelle étonnante ampleur ! On pense au dragon de Merlin sous la surface de la terre. Il explosent leur «No Time To Lose» à la Twist & Shout, avec toute la folie combinée des Isleys et de Lennon. Ex-plo-sif !

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    Allez hop, quatre albums en 1965. Epic fait tourner ses rotatives. Ça commence avec Coast To Coast. Pochette typique de l’époque avec le Five détouré sur fond de carte des États-Unis. On retrouve leur énergie avec «Anyway You Want It», hey hey hey, qui les catapulte dans les hauteurs des charts. Ils campent bien sur leur position qui est celle d’une pop d’harmonies vocales très énergétique sans solos. Mais globalement l’album bande mou. Si on espère y trouver du wild gaga punk de British Invasion, c’est raté. Ils n’ont d’énergie que sur deux ou trois cuts, comme le «Say You Want Me» d’ouverture de bal de B. Réveil en sursaut un peu plus loin avec «Don’t You Know», véritable retour de manivelle, cut fluide, bien condensé, monté sur le big beat, très Lord have Mersey dans l’esprit, chanté à l’unisson du saucisson sec. Les morceaux lents sont de cuisants deceivers of the fashion. Dommage, car ces mecs sont capables de belles poussées de fièvre.

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    Having A Wild Week-End réserve une grosse surprise, tout au moins pour les fans des Cramps : on y trouve l’ancêtre de «Garbage Man», un instro qui s’appelle «On The Move». C’est le riff de Garbage. Ailleurs, on retrouve le cocktail habituel de grosse niaque et d’énergie beatlemaniaque. Ces mecs-là sont capables de tout, même de western swing, comme le montre «Dum Dee Dee Dum». «No Stopping» vaut aussi pour un instro de London craze et en B, «Catch Us If You Can» capte bien l’attention, avec ce cri qui lance le solo d’harmo. Et voilà qu’ils se prennent pour les Righteous Brothers avec «Don’t You Realize». Ça en bouche un coin. Comme on dit, l’occasion fait le larron. En tous les cas, bravo à Mike Smith.

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    Le troisième album soixante-cinquard s’appelle I Like It Like That. Ah c’mon ! Ils le prennent à la dure, le morceau titre, avec un raw à la Louis Armstrong, wow c’mon ! Guts a gogo. Simple mais si catchy, baby. Il faut les voir bosser leur pop, surtout des trucs comme «I Need Love» : ils parviennent à faire des choses savamment atmosphériques, pas loin de ce que font les Chambers Brothers à la même époque. La pop des DC5 est toujours captivante, chargée de climats et d’intériorité galvanique. La B est un peu faiblarde et il faut attendre «She’s A Loving Girl» pour retrouver un peu de viande. Ils terminent avec la pop parfaite de «You Know You’re Lying» chantée à plusieurs voix avec toute l’énergie de Tottenham. Au dos des pochettes Epic, les commentaires sont toujours aussi plan-plan. Peut-être n’y a-t-il rien à dire sur le DC5, finalement.

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    Ils finissent l’année 1965 avec Weekend In London et une pochette typique de l’époque : photo de scène, mais en studio, sûrement pour la télé. On trouve sur cet album une sacrée énormité, cet «I’m Thinking» descendu aux gros accords gaga. C’est l’un de leurs atouts, le super power. Ils repiquent une crise de Beatlemania avec «Hurting Inside» - Won’t you come on home and forgive me - et «I’ll Never Know». On croit tout le temps que ce sont des covers des Beatles, mais non, c’est Dave Clark qui compose, ou Smith dans le cas de «Til The Right One Comes Along». «You Turn To Cry» et «Mighty Good Loving» s’inspirent encore des Beatles. C’est exactement le même fil mélodique. On se croirait sur Revolver.

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    Un seul album paraît en 1966 sur Epic, l’aimable Satisfied With You. On y trouve une belle brochette de hits, notamment l’enchaînement de «Do You Still Love Me», «I Meant You» et «Look Before You Leap». Back on the big beat, ces mecs savant bombarder leur pop nucléaire. On retrouve l’intro d’Antoine à l’harmo dans «I Meant You», oh yeah, celle des Élucubrations. C’est une pop tendue vers l’avenir, power-poppy avant la lettre. Ils sont passés maîtres dans l’art du feeling pop et de la profondeur de champ, au long long time, et vont chercher les meilleures résonances au fond de l’écho du temps. Encore une fois, les mélopifs ruinent leurs efforts, mais l’espoir renaît quand sonne «It’ll Only Hurt For A Little While», car ils cassent la baraque avec un bassmatic de syncope. Voilà un cut idéal pour le twisted jukebox, big energy & dancing beat et ils relancent à la folie Méricourt. Et puis avec «Good Lovin’», ils explosent. Oui, c’est le hit des Young Rascals et le Dave Clark Five en fait de la charpie, avec une fuzz en maraude, c’est d’une puissance énergétique digne des grandes heures du Duc de Berry.

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    En 1967, ils ont assez de bouteille pour présenter au dos de 5 By 5 les 11 pochettes des albums précédents, histoire de faire baver les amateurs. Que de l’Epic, bien sûr. On les voit tous les cinq en recto de pochette avec bien sûr Dave Clark au centre. On retrouve le super power du DC5 dès «Nineteen Days». C’est bardé de booming ! Difficile de faire mieux dans le genre. Ils bouclent leur bal d’A avec un fantastique shuffle de bastringue intitulé «Sitting Here Baby» digne des géants du jump américain.

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    Mike Smith chante au maximum des possibilités du raw. Comme d’usage, leur pop est bourrée à ras-bord d’harmonies vocales («Now Can I Tell You»), ce qui nous fait dire que ces mecs sont largement au dessus de la moyenne. On se laisse même charmer par «Pictures of You», une belle country pop de close my eyes/ And see pictures of you. Ils font du soft Cash chanté au doux du menton. Et avec «Small Talk», ils font carrément du Spencer Davis group, alors t’as qu’à voir.

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    Attention ! Avec You Got What It Takes, on entre dans le jardin pas magique des petites arnaques de maisons de disques. Comme tout le monde, on se fait baiser. La pochette de You Got What It Takes est la même que celle d’Everybody Knows, bien sûr pas l’Everybody Knows d’Epic qui a une autre pochette, mais l’Everybody Knows de Columbia, sachant qu’Epic est une filiale de Columbia. On se fait donc enfiler comme il faut quand on croise l’Everybody Knows de Columbia dans un bac, car on croit que c’est le You Got What It Takes d’Epic. Même en essayant d’expliquer l’arnaque, on s’y perd. C’est fait pour ça. Pour éviter de perdre du temps à essayer de comprendre, on ramasse tout et on fait le tri après. Bon bref, merci les maisons de disques pour ce mic mac qui montre assez clairement leur niveau de cupidité, à l’époque. Les groupes n’y étaient pour rien. Si les gens étaient assez cons pour acheter deux fois le même album, alors c’était bien fait pour leur gueule. C’est tout ce qu’on méritait. Alors revenons à nos moutons et à You Got What It Takes et sa pochette de verre brisé, avec bien sûr Dave Clark au centre. C’est un album plus r’n’b. Mike Smith chante comme Nino Ferrer et ça vaut pour un sacré compliment. Et les coups de sax rehaussent le morceau titre d’ouverture de bon bal d’A. Et ça repulse de plus belle avec «You’ve Got To Have A Reason». Ils sortent pour l’occasion un beat oblong et bien élastique, avec une réelle profondeur de champ. Le son frise, comme chez Curt Boettcher. Ah quelle belle claquemure de you’re rocking out on me ! «Thinking Of You Baby» sonne comme le British Beat des enfers. C’est assez explosif. Ces mecs n’ont plus rien à prouver, ils savent sonner les cloches d’un cut. Ils tapent «Let Me Be» au pur gaga anglais bien nappé d’orgue et wow, il faut voir ronfler le bassmatic ! Quelle niaque !

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    Belle pochette que celle du Everybody Knows d’Epic paru en 1968. Comme l’album précédent, ça reste orienté très r’n’b. Avec «A Little Bit Now» on croit entendre chanter Nino Ferrer accompagné par le Spencer Davis Group. Nino Smith revient casser la baraque en B avec «You Must Have Been A beautiful Baby» et forcément, il chante comme un dieu qui voudrait être noir. Et voilà le grand retour du Stomp DC avec «Good Love Is Hard To Find». Leur secret, c’est l’eau lourde. Bim bam boom ! Quelle trempe ! Ils terminent cet album énergétique avec «I’ll Do The Best I Can». Ils y piquent leur petite crise de Wall of Sound. Ils repompent tout le décorum de Totor et des Righteous Brothers.

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    Finalement, on est bien content de l’avoir récupéré l’Everybody Knows de Columbia avec sa pochette verre brisé de You Got What It Takes, car il fonctionne comme une sorte de Best Of assez indomptable. On y retrouve le raw r’n’b de «You Got What It Takes», et la spectorisation d’«I’ll Do The Best I Can». Bien sûr, aucune info sur la pochette, on ne sait même pas qui joue là-dessus et qui produit. On croise aussi cet excellent mélange de Coasters et de proto-punk qu’est «A Little Bit Strong» et le stomp d’harmo de «Good Love Is Hard To Find». Mike Smith casse la baraque avec sa version de «Blueberry Hill» et shoute «Beautiful Baby» comme un crack. Il est sans doute l’un des meilleurs shouters d’Angleterre mais personne n’est au courant. Il bat encore des records de raunch avec «Sitting Here Baby» et on se gave du big sound de «Got To Have A Reason». Leur sens du stomp les honore. Ils terminent avec l’excellente pop psyché d’«Inside And Out». Même ça, ils savent le faire, en tous les cas, c’est mille fois mieux que le Little Games des Yardbirds.

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    Alors, que vont faire les ceusses qui n’ont pas de place ? L’air de rien, douze albums ça prend de la place. La solution est simple, elle s’appelle The Hits, une solide compile supervisée par Dave Clark et parue en 2008 : double CD, 45 hits, de la dynamite à gogo. Bien sûr, on perd le charme des gros cartonnés US, mais bon, on a le son, et tout explose dès la triplette d’intro, «Do You Love Me»/«Glad All Over»/«Bits & Pieces». Un vrai festival de punk-pop, watch me now ! Mike Smith is hot, ça tape sur la tête du beat, ils stompent les fondations du rock anglais. «Bits & Pieces» est l’ancêtre de Slade. Ils inventent tout : le stomp, le drive et la pop craze. Le Tottenham beat est plus raw que celui de Liverpool, plus collar blue, comme si c’était possible. Nouvelle doublette fatale avec «Anyway You Want It» et «Wild Week-end», hey hey hey, niaque des dieux, ça gagate à gogo, Mike Smith est le crazee king du samedi soir, il rivalise de grandeur totémique avec Little Richard. Il bouffe le jerk tout cru et leur r’n’b prend feu («You Got What It Takes»). On croit entendre Nino Ferrer ! Personne ne peut échapper au fuzzy storm de «Try Too Hard», le DC5 jette tout son poids de ferraille dans la balance qui s’écroule. Et ça repart de plus belle sur le disk 2 avec «Look Before You Leap» et son rumble de basse, on se prosterne jusqu’à terre devant un instro comme «All Night Long», et on va se faire bronzer avec «Here Comes The Summer», ce gros clin d’œil de Tottenham aux Beach Boys, qui préfigure les Undertones. On trouve à la fin un inédit, l’awsome «Universal Love». Le DC5 joue l’excellence jusqu’au bout. Mike Smith chante à l’émotion pure et il sonne comme Lennon dans le refrain. Terrific. Sur lze tabernacle du boîtier, il est écrit en lettres d’or : «The DC5 sold over 100 millions records». L’eusses-tu cru ?

    Signé : Cazengler, tête à clark

    Dave Clark Five. American Tour. Epic 1964

    Dave Clark Five. The Dave Clark Five Return. Epic 1964

    Dave Clark Five. Glad All Over. Epic 1964

    Dave Clark Five. Coast To Coast. Epic 1965

    Dave Clark Five. Having A Wild Week-End. Epic 1965

    Dave Clark Five. I Like It Like That. Epic 1965

    Dave Clark Five. Weekend In London. Epic 1965

    Dave Clark Five. Satisfied With You. Epic 1966

    Dave Clark Five. Try Too Hard. Epic 1966

    Dave Clark Five. 5 By 5. Epic 1967

    Dave Clark Five. You Got What It Takes. Epic 1967

    Dave Clark Five. Everybody Knows. Epic 1968

    Dave Clark Five. Everybody Knows. Columbia 1967

    Dave Clark Five. The Hits. Universal 2008

    Nick Dalton : 33 1.3 minutes with Dave Clark. Record Collector # 500 - Christmas 2019

    Alan Clayson : Glad all over again. Record Collector # 357 - Christmas 2008

     

    Les Chocolate sont chocolat

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    En matière de chocolaterie, on ne fait pas mieux que le Chocolate Watchband. Dans la vie, il faut des baisés, et nul groupe n’est mieux placé que les Chocolate pour illustrer cette claironnante vérité. Richie Unterberger qui leur consacre un chapitre dans ses Unknown Legends Of Rock’n’Roll rappelle qu’avec leur funny name, on avait beaucoup de mal à les prendre au sérieux. Sans doute auraient-ils dû s’appeler les Wild Chocolate. Chez Tower Records, il y a même un ponte qui croyait que les Chocolate étaient des blacks. Mais le plus drôle, c’est que le mec qui chante leur cut le plus connu, «Let’s Talk About Girls», ne fait pas partie du groupe.

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    Et pourtant, les Chocolate disposaient de tout l’apanage du package : primitive psychedelia, raunchy guitars, le snarl de Jag, et un son qui pouvait relever à la fois de l’expérimental et de la sophistication. Plus le look. Pour Unterberger, ces Californiens de San Jose singeaient à la perfection les early Stones. Dave Aguilar, chanteur en titre des Chocolate, rappelle aussi qu’en Californie, des investisseurs montaient littéralement des groupes : Moby Grape et Jefferson Airplane sont les coups les plus connus. Par contre, les Chocolate n’ont pas eu cette chance. Ils durent se débrouiller tout seuls avec leurs petits bras et leurs petites jambes.

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    En 1966, le producteur Ed Cobb cherchait des groupes pour interpréter ses compos. On connaissait bien Cobb aux États-Unis, car il avait chanté dans un quatuor folk-pop à succès, les Four Preps. Il préféra ensuite se consacrer à la production et veilla sur les carrières de Brenda Holloway et de Gloria Jones, dont le «Tainted Love» (signé Cobb) sera repris dans les années 80 par Soft Cell avec le succès que l’on sait. Cobb veillait aussi au destin des Standells, ne l’oublions pas. «Dirty Water», c’est lui. En 1966, il louchait sur la scène de San Jose, dont les Count Five et le Syndicate Of Sound étaient les figures de proue. Il cherchait donc un groupe capable de jouer les hits de bronze qu’il coulait chaque matin. Aux yeux de Dave Aguilar, les Standells étaient le groupe idéal pour Cobb : très malléables et déterminés à devenir des stars, ce qui, nous dit Dave, n’était pas le cas des Chocolate. Mais alors pas du tout.

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    Cobb leur donne «Sweet Young Thing» pour leur premier single. Malgré son joli côté gaga-stonesy, le single floppe. Après un deuxième single, «Misty Lane» qui ne plaît pas à Dave, les Chocolate «enregistrent» leur premier album. Oui, il faut le dire vite, car la réalité bat tous les records d’incongruité. Considéré aujourd’hui comme un classique gaga, No Way Out est du faux Chocolate. Mais le fan de base installé dans la France profonde s’en bat l’œil, dès lors qu’on lui donne sa rasade de gaga vintage, et avec «Let’s Talk About Girls», il est gavé comme une oie blanche. C’est en effet l’archetypal gaga sixties, wow, les Chocolate savent réparer une caisse, ce sont d’authentiques garagistes, des vraies fleurs de fosse de vidange. L’amateur trouve forcément chaussure à son pied et personne ne s’étonne que cet album soit devenu aussi cultissime que ceux des Shadows Of Knight et des Standells. Le problème, c’est que Cobb vire la piste chant d’Aguilar et la refait avec un black du nom de Don Bennett. Et aucun Chocolate ne joue sur les deux instros de l’album, «Dark Side Of The Mushroom» et «Expo 2000». On trouve aussi une belle version de «Midnight Hour» sur l’album, ultra-jouée, ornée de légères nappes d’orgue en suspension et qui fourmille de petits solos vermisseaux sous le boisseau chocolaté. Mais après ça se gâte, avec une version de «Come On» un peu trop pop pour être honnête. Un jour, Ed Cobb dit aux Chocolate : «Vous allez enregistrer ça, les gars !». Il leur fait écouter «Hot Dusty Road», une compo de Stephen Stills. Les Chocolate font la gueule : «Non, c’est pas notre son. On ne veut pas enregistrer ça !». Pas de problème les gars. Cobb fait venir une autre équipe pour enregistrer ce cut qui clôt l’A. Il faut attendre «Are You Gonna Be There» en B pour renouer avec la fosse de vidange. C’est un gaga cracra d’une belle efficacité. Encore un modèle du genre. On assiste médusé à un très beau départ en solo. Quand reviendra-t-il ? On ne sait pas, mais en attendant, de fantastiques phrasés de guitare trouvent leur voie sous l’épaisse couche des chiffons gorgés d’huile.

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    Les Chocolate ne se doutaient de rien. Aguilar raconte qu’on les avait fait venir quatre jours en studio à Los Angeles et qu’ils n’avaient aucune expérience du studio. Tu fais ci, tu fais ça. Mais jamais ils n’auraient imaginé que Cobb allait trafiquer les pistes dans leur dos. Quelques mois plus tard, ils récupèrent l’album et commencent à l’écouter : «What the hell is this shit ?» L’horreur ! Mettez-vous à leur place. En représailles, ils font du tir au pigeon avec les exemplaires qu’on leur a livrés - We shot at them with a double-barred 12-gauge shotgun - Et sur scène, ils veillent scrupuleusement à éviter de jouer les compos d’Ed fucking Cobb. Dave Aguilar insiste bien pour dire à quel point il haïssait ces albums, mais s’il avait conservé ses deux cartons, il serait aujourd’hui assis sur un tas d’or.

    Dave veut tout reprendre à zéro et repartir du bon pied, mais Mark Loomis veut aller sur un autre son, plus proche de celui des Byrds. Dave se met en pétard : «Tu ne te rends pas compte du potentiel qu’on a ! On doit enregistrer notre album !». Mais Loomis visiblement ne comprend pas. Il n’est plus dans le garage, mais dans la dope. Dave dit qu’il n’a pas quitté le groupe, c’est le groupe qui s’est quitté. Dommage car les Chocolate étaient excellents sur scène. Il faut savoir que Bill Graham avait voulu les manager, mais il était arrivé trop tard, car les Chocolate venaient de passer un accord avec le mec qui allait leur présenter Ed Cobb, qui avait ses entrées chez Capitol, via sa filiale Tower Records. C’est d’autant plus dommage que Bill Graham voulait les envoyer jouer sur la côte Est.

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    Pendant ce temps, Cobb continue ses conneries. Aucun Chocolate ne joue sur l’A de The Inner Mystique paru un an après. Le groupe qui joue sur l’A s’appelle les Yo-Yoz. Mais c’est bien Dave Aguilar qui chante «Ain’t No Miracle Worker», même s’il a quitté le groupe depuis quelques mois. L’album est vraiment destiné aux curieux. Ils y trouveront une belle mouture d’«It’s All Over Now Baby Blue», joli clin d’œil dylanesque avec de forts accents gaga, stompé et battu aux tambourins. Mais c’est vrai que l’A sonne comme la pire arnaque de tous les temps, notamment grâce à ce «Voyage Of The Trieste» lancé à la flûte antique. On se croirait dans Satyricon. Le fuck off continue avec une partie d’orientalisme inepte intitulée «In The Past». Plus aucune trace des clés à molettes ni des ongles sales. On appelle ça de l’orientalisme à la mormoille et ça empire encore avec le morceau titre. On y assiste médusé au retour de la flûte de Fellini. Ils tentent de sauver la mise en B avec une reprise du mighty «I’m Not Like Everybody Else» des Kinks, mais laisse ça aux Kinks, baby, même si c’est bien ramoné. «Medication» vaut pour un beau slab de gaga psyché, mais bon, vu l’ambiance, difficile d’aller se prosterner.

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    Aucune trace de Dave sur le troisième et dernier album Tower, One Step Beyond. On le savait à l’époque et donc, on veillait scrupuleusement à ne pas rapatrier cet album bidon. Mais le temps passe et la curiosité finit par l’emporter. Si tu surmontes ton aversion pour les tripatouillages d’Ed Cobb, tu feras une belle découverte : les faux Chocolate ont un certain charme. Disons pour rester courtois que One Step Beyond est l’album de Jerry Miller (Moby Grape incognito) qui remplace Mark Loomis, auteur des très psyché «Uncle Morris» et «And She’s Lonely» qui n’ont strictement aucun intérêt. C’est Danny Fay qu’on entend, le premier chanteur des Chocolate. Il chante «How Ya Been» avec de faux accents à la Steve Marriott. Pour «I Don’t Need No Doctor», le faux Chocolate sort sa meilleure niaque chocolatée. Dommage qu’ils n’aient pas annoncé la couleur à l’époque car Danny Fay est vraiment bon. C’est le batteur Gary Machin qui tire le mieux son épingle du jeu avec ses compos, notamment «Flowers», cut sur lequel Jerry Miller ultra-joue. Ces mecs finissant par sonner comme Love. Ils virent pop-rock d’Elektra. C’est aussi au batteur Gary Machin qu’on doit l’excellent «Devil’s Motorcycle». Danny Fay chante ça avec un trop plein de niaque chocolatée. Mais quelle fantastique partie de guitare, c’est une merveille d’aisance funambulique, bien amenée au grunge de groove et serti d’un solo californien ultra-joué, à cheval sur du brouté de basse. On peut aussi éventuellement se régaler de «Fireplace», un cut de rock seventies visité par un beau drive de basse, et allumé à coups de yeah yeah, joyeux et buzzy comme une cour de lycée. On les sent à l’avenant, très avancés, très tendus dans l’élan.

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    Pour la petite histoire, Dave Aguilar s’enticha ensuite d’astronomie et devint prof d’astronomie puis expert de l’industrie aérospatiale. C’est la parution de Nuggets en 1972 et d’Unknown Legends Of Rock’n’Roll qui réveilla les appétits pour le Chocolate. Mike Stax réussit à la fin des années 90 à réunir une mouture chocolatée avec trois des membres originaux, le batteur Gary Andrijasevich, le bassman Bill Flores et Dave Aguilar, plus Tim Abbot. Puis Alec Palao remplaça Bill Flores et c’est cette mouture qu’on vit à Paris dans une soirée Gloria, en mars 2005, avec Loon, le groupe de Mike Stax en première partie. Dave portait un pantalon à grosses rayures noires et rouge et shakait bien sa paire de maracas.

    Après Unterberger et Mike Stax, Alec Palao est donc devenu le gardien du temple. Il a non seulement a concocté en 2005 Melts Your Brain Not Your Wrist, la compile idéale des Chocolate, mais on l’entend jouer de la basse dans le Chocolate du XXIe siècle.

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    La compile citée en référence vaut largement le détour. Compile d’autant plus idéale qu’on y entend Dave Aguilar chanter enfin ses vieux hits, «Let’s Talk About Girls» et «Medication». Oh oh yeah ! Dave tombe dans le chocolat de «Let’s Talk About Girls», c’est le vrai gaga-punk rampant, le ramping du rampage, il faut le voir le Dave monter sur ses grands chevaux ! Superbe et intraitable. On peut aussi se prosterner devant «Sweet Young Thing», le premier single des Chocolate. Quelle violence, Tang dang dong ! Take it easy man ! Qui dira la violence de l’attaque ? C’est dirty as fuck, voilà le rock qu’on adore, le gras du cracra, le percuté du son. Si on aime le gaga à gogo, c’est là que ça se passe, this is the real deal ! C’est encore plus claqué et crazy que les Pretties. Même la version de «Baby Blue» qui suit emporte la bouche, le chimmering des guitares bat tous les records de chimmering, et c’est chanté à l’extrême. Puis on les voit exploser «Blues Theme» en répète, ils attaquent au wild ride de wild gaga, voilà bien l’instro le plus dévastateur dont on puisse rêver. Encore un chef-d’œuvre avec «Don’t Need Your Lovin’», amené par une intro de basse et des maracas. Même jus que «Come See Me». Violent ! - Well I tryyyyyy - Gros calibre - I’m gonna try to tell/ Whaaat I’m gonna do - Voilà le punk de base, c’est screamé dans la meilleure tradition du génie gaga, personne ne peut surpasser les Chocolate en cet instant précis. C’est la raison pour laquelle Alec Palao et Ace rendent hommage à ce gang de Californiens. Ils tapent leur truc comme les Standells, avec du raw et du killer solo flash. Il ne veut plus d’elle, no no no ! Explosif ! Avec «Sitting Here Standing», ils font un énorme «Dust My Blues». On entend un solo fantastique dans «Are You Gonna Be There (At The Love In)» et Dave reprend enfin le micro pour chanter «In The Midnight Hour». Il y va de bon cœur. Ils se prennent pour les Stones dans «Come On», mais ils ne sont pas les Stones, est-il besoin de le rappeler ? Sacré coup de chapeau aux Kinks avec «I’m Not Like Everybody Else», c’est le wild side des Chocolate, même si l’original des Kinks reste inégalable. Dave crucifie pourtant sa version sur la porte de l’église et pulse ses coups de Kinks à coups de reins. Il reprend aussi ses droits dans «Medication», vieux classique de heavy psyché de Moby Grape. Ils font une fantastique cover de «Til The End Of The Day». Ils sont dessus et on applaudit des deux mains. Le disk 2 offre un panorama des trois albums et s’ouvre sur les versions de Don Bennett. Ce diable de Don chante bien, il faut le reconnaître. S’ensuivent les cuts des deux autres faux albums du Chocolate. On y retrouve les exploits de Jerry Miller dans «I Don’t Need No Doctor» et «Fireface». Ce disk 2 se termine avec les fameux cuts des Yo-Yoz et des Inmates, enfin crédités.

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    Au moins, avec Revolutions Reinvented, on a du vrai Chocolate. Ils sont quatre du groupe d’origine : Dave Aguilar, Bill Flores, Gary Andrijasevich et Tim Abott. Ils démarrent avec leur cieux coucou de Mathusalem, «Expo 2000». Pas mal, pour un groupe de revenants. Cette fois, on est sûr que Dave chante. En A, il tapent une belle psychedelia et font même du garage vintage de cinquante ans d’âge avec «Are You Gonna Be There». On dirait qu’ils recherchent une forme de sérénité. Ils nous flûtent une belle version de «It’s All Over Now Baby Blue». Le son est extrêmement travaillé au clairsemé de clairvoyance. Ils ne cherchent plus à passer en force, comme autrefois. On tombe en B sur l’inévitable «I Ain’t No Miracle Worker». On ne comprend toujours pas pourquoi ce cut si médiocre est devenu si culte. Il ne mérite que le rang de cut cucul. On se croit chez Blue Horizon avec «Sitting Here Standing» et ils reviennent à la raison avec «Sweet Young Thing», petit coup de gaga infecté, bien tartiné sous le boisseau et doté du plus élastique des sons de basse. Ils terminent en fanfare avec la triplette fatidique : «Don’t Need Your Loving», «I’m Not Like Everybody Else» et «Let’s Talk About Girls». C’est le grand retour des Chocolate, le gaga cro-magnon stompé dans l’œuf du serpent. Ah ils savent trousser une gueuse, ce diable de Dave s’en arrache même le gland de la glotte. La reprise des Kinks est bien foutue, assez lancinante. Ils remettent au goût du jour toutes leurs vieilles ficelles de caleçon. Et bien sûr, «Let’s Talk About Girls» sonne comme l’hymne des Chocolate. On le reconnaît aux premières lueurs, c’est imparable. On peut même parler de modèle impérissable de gaga sixties.

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    Paraît en 2019 le nouvel album des Chocolats, This Is My Voice. Autour de Dave Aguilar, Gary Andrijasevich et Tim Abott, on trouve Alec Palao (bass) et le guitariste Derek See. Les deux choses qu’on peut dire de ce groupe de survivors, c’est qu’ils ont un joli son et de la suite dans les idées. Ils démarrent avec «Secret Rendezvous» et optent aussitôt pour le statut gaga psyché. Dave pulse bien sa scansion de vétéran. Admirable car très dévastateur. Ils amènent le morceau titre comme un belle énormité, une décoction de cox rock dotée d’une magnifique ampleur de psyché psycho et montée sur un beat dévastateur. C’est d’autant plus convainquant qu’ils jouent ça en douceur et en profondeur. Ils rendent un bel hommage à Bo Diddley avec «Take A Ride». Vroarrrrrrrrrr de moto et Diddley beat vont bien ensemble. Il ne s’embête pas le Dave qui fait le nave, il tape dans les classiques, comme par exemple le «Talk Talk» de Sean Bonniwell - Get me a couple of pictures - Le gaga californien se gante de cuir noir. On entend même un solo de basse fuzz à la Entwistle. Ces mecs jouent la carte d’un vieux gaga de quartier qui refuse de mourir. Ils adorent les conneries orientalistes, comme le montrent «Judgment Day» et «Bombay Pipeline». Dave chante tout ce qu’il peut avant qu’il ne soit trop tard. Les intrusions de guitare restent superbes. Ces mecs sortent un son de rêve. Ils tapent aussi dans le célèbre «Trouble Everyday» de Zappa. Ça gratte à la cocotte, ils font leur Max la Menace. Alec Palao sort son meilleur bassmatic. Il semble que ces vieux renards jouent leur va-tout en permanence. Tout est beau sur cet album qui est visité par la grâce et la graisse. Les guitares fondent sur le Trouble comme des aigles. Quelle curée ! Ils tapent dans Bob Dylan («Desolation Row») et les Seeds («Can’t Stop To Make You Mine»), mais bon, on ne restera là.

    Signé : Cazengler, chocolat fondu

    Chocolate Watchband. No Way Out. Tower 1967

    Chocolate Watchband. The Inner Mystique. Tower 1968

    Chocolate Watchband. One Step Beyond. Tower 1969

    Chocolate Watchband. Revolutions Reinvented. Twenty Stone Blatt Records 2012

    Chocolate Watchband. This Is My Voice. Dirty Water Records 2019

    Chocolate Watchband. Melts Your Brain Not Your Wrist. Big Beat Records 2005

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    Bill Kopp. Time for action. Record Collector #486 - December 2018

    Richie Unterberger. Unknown Legends Of Rock’n’Roll. Miller Freeman Books 1998

     

    Sculatti-là mon vieux, il est terrible

    - Part Two

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    Quand un mec comme ce Sculatti-là fait des recommandations, il faut les prendre au pied de la lettre. Surtout s’il s’en va taper dans des trucs quasiment inconnus comme Tony Bruno ou Dick Campbell. Après coup, on se félicite d’avoir suivi ses conseils et si on se laissait aller, on irait même jusqu’à s’auto-serrer la main, comme le font ceux qui sont assez cons pour éprouver à leur propre égard une immense fierté.

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    Ce Sculatti-là nous sort Dick Campbell de l’ombilic des plombes. Le tour est vite fait : un seul album qui s’appelle Sings Where It’s At, paru sur Mercury en 1985. Pochette classique, avec un portrait du jeune Dick, un petit brun bien coiffé et d’allure introspective. Au dos, il commente ses cuts et dans les noms des musiciens qui l’accompagnent, on tombe sur ceux de Mike Bloomfield et de Paul Butterfield. Alors on n’est pas surpris d’entendre «The Blues Peddlers» sonner comme un hit dylanesque. Dick Campbell opte pour un son soft et fin, assez pur mais terriblement dylanesque. On a même les nappes d’orgue dans «You’ve Got To Be Kidding», pas celles d’Al Kooper mais celle de Mark Naftalin, ce qui revient au même. Les accents chantants et les envolées de refrains s’inspirent directement de «Like A Rolling Stone». Donc, on l’a compris, Dick Campbell est un fan de Dylan. Il attaque «The People Planners» comme s’il attaquait «Like A Rolling Stone», se livrant à un incroyable exercice de mimétisme concurrentiel. Dick Campbell met dans toutes ces chansons la force et l’insistance qui firent la grandeur de Bob Dylan. Avec «Approximately Four Mnutes Of Feeling Sorry For DC», il est encore plus dylanex que le roi. Pas seulement par le titre, mais aussi par la qualité du chant et du son. C’est une sorte de superbe prolongement du génie dylanesque. Il rentre une fois de plus dans la belle mouvance de «Like A Rolling Stone», avec du son all over the rainbow. C’est très puissant. Dans «Object Of Derision», on sent les gros guitar slingers derrière lui. Et Butter vient faire un carnage d’harp dans «Girls Named Misery». Cet album est une vraie merveille. Campbell boucle son bouclard avec «Don Juan Of The Western World», un sacré shoot de boogie dylanesque, c’mon Dick ! Bel animal, il swingue bien son boogie au nez pincé.

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    Tant qu’on y est, on peut en profiter pour écouter cette petite compile de Dick Campbell intitulée Blue Winds Only Know et parue sur Rev-Ola en 2003. Avec cette manie qu’il a de chanter à la glotte de perdition, cet Américain pourrait fort bien se réclamer du mouvement préraphaélite. Il est incroyablement pur, presque diaphane. «Share With Me» est un shoot de rêve. Il procède comme Brian Wilson, il plante sa graine dans ton cerveau et là t’es baisé. Il te sort de la beauté à l’état pur, une beauté qui comme chez Brian Wilson germe et se développe. Il fait du beau de non-retour, il monte au paramount, and you think you got to be ! Il devient une sorte de scenester légendaire. Il rivalise de finesse avec Curt Boettcher, il claque le même genre de miracle éblouissant. Il taille une nouvelle croupière à la pop avec «If I Don’t See You» et plus loin avec «Pretend It’s Me». Il continue de tailler sa route dans l’excellence avec «Sea Gull», God bless Dick, sa pop est belle et fabuleusement inspirée. Il y a un peu de Lennon en lui, comme le montre «Peace On Earth». On remerciera Joe Foster jusqu’à la fin des temps pour cette plongée en eau claire. Chez Rev-Ola, comme chez RPM, on déplie le booklet : d’un côté, Joe Foster rend hommage à Dick Campbell et de l’autre, Dick Campbell rend hommage à Gary Usher, son ami et mentor. On voit d’ailleurs une petite photo de ces deux génies du son que sont Dick Campbell & Gary Usher. Campbell dit avoir écrit une cinquantaine de chansons avec lui, mais peu ont vu le jour, la plus connue nous dit Dick était «Good Ole Rock & Roll Song» par les Cowsils. Il existe aussi un album de Gary Usher, Beyond A Shadow Of Doubt, mais nous dit Dick ce ne sont que les démos de l’album. Fin des années 70, ils se retirent tous les deux du music biz. Gary Usher ouvre un restau sur les San Juan Islands près de Seattle, mais il fait faillite. Dick Campbell se lance dans la production. En 1989, Gary Usher revient en Californie et annonce à Dick qu’il va crever. Cancer du poumon - We spent a lot of time together during his last year - Et il ajoute : «When he died in 1990 at age 51, I was inconsolable.»

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    Il a raison ce Sculatti-là d’insister sur Ron Nagle, car Bad Rice est un very big album même si on n’y trouve aucun hit. Il est important de noter que Jack Nitzsche le produit et que Mickey Waller bat le beurre. On note en outre la présence d’autres légendes à roulettes : Ry Cooder on guitar et Sal Valentino dans les backing vocals, donc n’en jetez plus, la cour est pleine. Du coup des cuts comme «Marijuana Hell» et «Frank’s Store» sont assez bien foutus. La qualité du son rafle réellement la mise. Dans ses commentaires au dos de la pochette, Ron indique que le cry cry cry de «Frank’s Store» est celui d’un retarted guy with an identity crisis. On sent aussi un grande aisance compositale dans «That’s What Friends Are For». On comprend parfaitement que ce Sculatti là se soit attaché à cette pop parfaite, written for Jack and I, two manic depressives, indique Ron, Jack étant bien sûr son poto Nitzsche. Toujours de l’aisance en B avec «Dolores». La prod de Jack ne pardonne pas - A young guy falls in love with his baby sitter and she likes it - Ron montre aussi qu’il sait gérer une petite pétaudière californienne, comme le montre «Capricorn Queen». Ah ce Mickey Waller, quel drummer ! Tout sur cet album se veut convaincu d’avance, même le country-rock de «Somethin’s Gotta Give Now». Ça reste léger et printanier, suprêmement bien produit. Il enchaîne avec la belle pop autobiographique de «Family Style», pas loin de ce que font les Beatles avec «Gideon’s Bible». C’est dire l’excellence du Ron dans l’eau.

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    Ce Sculatti-là a bien raison de saluer le Spring de Spring, car quel album ! Paru en 1972 et produit par Brian Wilson, il met en scène les deux sœurs Rovell, Diane et Marilyn, sachant que Marilyn est à l’époque la poule de Brian. Alors évidemment, on se doute bien que ça sonne très on the Beach et on compte effectivement pas moins de cinq titres qui pourraient figurer sur les meilleurs albums des Beach Boys, à commencer par «Thinkin’ Bout You Baby», fantastique shoot de bossa rumble. Bon, Marilyn est parfois un peu fausse sur ce coup-là, mais ça passe. Avec «Mama Said», elle va plus sur l’on the Beach, comme d’ailleurs avec «Sweet Mountain». On sent la patte productiviste du maître. C’est franchement digne de Smile. On entend même la voix de Carl Wilson à la fin. Et ça continue en B avec «Everybody», elles s’engagent dans un guêpier wilsonien et s’en sortent avec les honneurs. C’est excellent, très péri-urbain, avec la voix de Carl et des infra-basses. Elles épousent encore Brian de toutes leurs forces avec «The Whole World» et avec «Forever», l’album prend l’allure d’un album parfait. Cette pop sensible semble sortir tout droit de Surf’s Up, on a là une pop languide et inspirée par les trous de nez, visitée par les fantômes, dotée d’un cœur qui balance entre la dérive fatale et la déraison collatérale. Encore un fantastique éclat de pulsion Beachy avec «Good Time», épaulé par le puissant dee dee dee wha dee de «Dot It Again». D’autres cuts frappent l’imagination, même s’ils sont moins beachy, comme par exemple ce «Superstar» plus sombre. Marilyn y navigue à la lisière du juste et du faux, ce qui fait son charme, avec de petits accents de féminité éperdue dans le ruckus. Et «Now That Everything’s Been Said» nous fait dire que Spring est l’album rimbaldien par excellence, car il y siège un beau bouleversement de tous les sens.

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    Ah tiens, si ce Sculatti-là était dans les parages, on irait immédiatement lui claquer la bise pour le remercier. C’est grâce à lui qu’on découvre Tony Bruno, et croyez-le bien, c’est plus important que de découvrir l’Amérique. The Beauty Of Bruno, paru en 1967 sur Buddah, est un very big album, un de plus. Sur la pochette, Tony Bruno pose sous des chaussettes mises à sécher. Il porte de curieux tatouages sur les bras et physiquement il a des faux airs de Springsteen jeune. Mais la photo qui est au dos renvoie à un autre univers : on le voit fumer dans la pénombre et cette fois, il a un faux air de Ben Gazzara, ce qui est quand même beaucoup plus intéressant. Ce qui frappe quand on commence à écouter cet album tombé des nues, c’est la qualité de l’orchestration, puis la qualité de la voix. Ce mec peut aller chercher des accents à la Louis Armstrong, c’est dire s’il est balèze. Ce Sculatti-là a eu bien raison de flasher. Tony Bruno est un crooner extraordinaire et avec «Hard To Get A Thing Called Love», il monte le croon blanc à son sommet. Quelle présence ! Il frise le Scott Walker avec «The Grass Will Sing For You». La puissance de son croon est comme portée par le souffle orchestral, c’est très spectaculaire. Ce mec s’impose du fond de son incognito et convainc définitivement le con vaincu. «Helaina» enfonce encore le clou révélatoire. En B, il s’en va faire une reprise de «Yesterday». Irréprochable. Il s’impose par une sorte d’attaque fondamentale. Il se coule dans le mood de l’excellence. Dans «What’s Yesterday» il faut l’entendre swinguer «now the coffee is in the cup/ The toast is on the up». Puis dans «Slow Up», il demande à cette little girl de ne pas grandir top vite. Mais il le fait avec tellement de talent qu’il finirait bien par nous fendre le cœur. Ce mec sait monter là haut sur la montagne et chanter de toute son âme. Pour «Small Town Bring Me Down», il a presque des accents black dans la voix. C’est encore une fois ultra-orchestré, portée aux nues et ce chanteur homérique explose les limites du pur power purpurin.

    Signé : Cazengler, sculotté

    Dick Campbell. Sings Where It’s At. Mercury 1985

    Dick Campbell. Blue Winds Only Know. Rev-Ola 2003

    Ron Nagle. Bad Rice. Warner Bros. Records 1970

    Spring. Spring. United Artists Records 1972

    Tony Bruno. The Beauty Of Bruno. Buddah Records 1967

     

    ERIC BURDON AND WAR

     

    Eric Burdon va réaliser un de ses rêves, chanter, lui le petit blanc, dans un groupe de noirs ! C'est Jerry Goldstein manager d'Eric Burdon qui découvre ceux qui deviendront War en 1969, il emmène Eric Burdon en quête de musiciens pour remplacer les Animals assister à un de leur concert. Burdon les engage sur le champ. Ce ne sont pas des novices, le noyau s'est constitué en 1962, leur premier single, sous le nom de The Creators, intitulé Burn, burn, burn, s'avère très vite prémonitoire puisqu'il est enregistré en 1965 juste avant les émeutes de Watts, ils ont été rejoints par Papa Dee Allen qui travailla avec Dizzy Gillepsie, Burdon rajoutera un de ses amis Lee Oskar harmoniciste de son état et de nationalité danoise.

    ERIC BURDON DECLARES WAR

    ( Avril 1970 )

    Eric Burdon : lead vocal / Lee Oskar : harmonica, vocals / Charles Miller : saxophone, flûte / Howard Scott : guitar, vocal / Lonnie Jordan : organ, piano, vocal / B. B. Dickerson : bass, vocal / Harold Brown : drum / Papa Dee Allen : congas, percussion, vocal

    N'ai jamais été emballé par la couve, j'avoue que je la trouve hideuse, je ne devrais pas le dire parce qu'elle procède d'une bonne intention, un bras blanc et un bras noir réunis mais dissociés de tout corps reposant sur une espèce de tabouret ( là je fais semblant de ne pas comprendre) une image tout ce qu'il y a de plus politiquement correct, anti-racisme, signe de la paix et tout le bataclan clinquant, perso cela m'évoque plutôt un fauteuil hype dérivé de l'esthétique Bauhaus conçu par un designer peu inspiré. Le concept aurait été proposé par Eric Burdon... Le dos de la pochette n'est pas non plus d'une beauté flamboyante, attardons-nous sur la déclaration de principe qu'elle est censée mettre en valeur : We the People, have declared War against the People, for the right to love each other étrange formule que ce Peuple qui déclare la guerre au Peuple pour le droit de s'aimer les uns et les autres. La guerre et l'amour ne font pas bon ménage, l'on sent le groupe sur le fil, s'appeler War, une idée de Goldstein, en pleine période des Black Panthers, risque de vous attirer des ennuis, la revendication de l'idéologie hippie de l'amour ( vieille lune christique ) vient contrebalancer cette déclaration de guerre que le FBI pourrait prendre au sérieux.

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    The vision of Rassan : Dedication / Roll on kirk: Rassan n'est pas un personnage mythologique, mais un musicien de jazz, l'introduction pianistique est d'ailleurs des plus jazzistiques la voix de Burdon s'empresse de se poser dessus telle une brise printanière qui s'enroule autour d'un buisson d'aubépine, des chœurs masculins ne tardent pas à souffler en sourdine dès que les lyrics font allusion à la traversée de l'Atlantique par les premiers esclaves noirs et peu à peu le jazz se transforme en rhythm 'n' blues, des perles de notes s'échappent du clavier telles des gouttes de sang d'une plaie que vient caresser une douce ouate consolatrice de cuivres tandis que Burdon bourdonne la grande geste libératoire des noirs, et le rythme s'accentue, est-on parti pour une virée funk de grand acabit, non fausse alerte, tout se calme, insensiblement la voix devient murmure et tout se tait. Kirk est un souffleur, un spagyriste du jazz, capable de jouer trois instruments à vent en même temps, il est l'héritier et le continuateur des noms prestigieux qui l'ont précédé de Jelly Roll Morton à John Coltrane, de cet effort, de cet essor, incessant d'un peuple à se s'extraire d'une catastrophe irrémédiable, sa technique du souffle continu qui lui permet de tenir la même note plus d'une heure est le symbole de cette lutte de libération infinie, hémiplégique il continuera à donner des concerts, sa musique n'hésitera pas à aborder le répertoire classique des blancs, avec Kirk le jazz devient sexe entreprenant, ce vibrant hommage de War à Kirk, est magnifique. Tobacco road : John D. Loudermilk a écrit des centaines de chansons, des paroles souvent insignifiantes ou attendues ( par exemple Sitti'n on the balcony reprise par Eddie Cochran, pas vraiment sa meilleure ) mais deux d'entre elles ont eu un destin exceptionnel Indian Reservation sera adoptée par les Indiens Cherokees en lutte pour leurs droits, quant à Tobacco road elle n'évoque en rien les misérables conditions des noirs, petit blanc Loudermilk y dramatise quelque peu son enfance dans un quartier pauvre de Durham, pour beaucoup elle se confond avec un blues traditionnel. Tobacco road : changement d'ambiance, Burdon se saisit des mots comme des épines de cactus qu'il arracherait de son épiderme, c'est la première fois que Burdon donne vraiment l'impression de ne pas être un blanc qu'il chante comme un noir, sa voix est naturellement noire, l'est porté par cette introduction géniale durant laquelle le saxophone de Charles Miller vous a de ces glissades qui touchent à l'illimité, et puis tout change, les congas de Papa Dee Allen font le ménage, les cuivres déroulent le tapis rouge de sang et Burdon improvise sur I have a dream la voix s'accélère, coups de hachoirs, crie ses rêves, demande de l'aide, peur et incompréhension, surmontées, n'est plus seul, tout un peuple le charge d'une terrible mission, celle de porter la révolte, de ne pas craindre les coups du sort, aller de l'avant jusqu'au sacrifice suprême, murmure de mort, Tobacco road : mais se réveiller de sa léthargie et reprendre la route, retour vers les siens, le changement est à portée de main, ah, ces cuivres par derrière, si doux mais si percutants – valent la section de Muscle Shoals Studio – Burdon susurre, le chant devient une incantation secrète vaudou, le sort est lancé, silence. ( fin face 1 ).

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    Spill the wine : superbe morceau qui a un peu éclipsé les autres merveilles de l'opus. Rêverie burdonnienne et hymne païen dionysiaque, broderie rythmique, volètements d'oiseau de la flûte de Charles Miller, un peu parlé, un ton persifleur et auto-ironique, lointaine voix féminine, un refrain bien appuyé comme Burdon les affectionne depuis Sky Pilot, l'ensemble se précipite tout en respectant ce tempo moderato du meilleur effet et culmine en une libation à la vie, à la jouissance, à la joie, une espèce de jubilation gidienne à la puissance mille de nouvelles nourritures terrestres et mentales. Blues for Memphis Slim : le morceau est bâti autour de Mother Earth un des premiers titres écrits et enregistrés par Memphis Slim en 1951. Fatigué par le racisme ambiant de l'Amérique comme beaucoup de musiciens de blues et jazz et d'écrivains noirs Memphis Slim s'est installé en France, il est l'auteur de l'emblématique Every day I have the blues. Birth : un orgue de Lonnie Jordan qui n'est sans rappeler le son original des Animals, normal l'on rentre dans le blues, qui s'interrompt bientôt pour laisser parler Burdon, l'aurait pu prendre un ton moins dramatique car le texte regorge de vertu comique, la naissance par le petit trou de la femme par lequel on entrevoit le jour, trou de souris que plus tard l'homme ne cesse de rechercher pour y rentrer le petit bout de sa lorgnette... un peu graveleux réprimanderont les mouvements féministes actuels, mais l'on ne s'attarde guère Jordan fait sonner son clavier comme jamais les Doors n'ont réussi à le faire, soyons juste l'est aidé par un nappé de cuivres prodigieux comme vous n'en n'avez jamais entendu et l'on verse dans Mother Earth : une lenteur funèbre sur laquelle Burdon pose un vocal désespérément aussi profond que le trou dans lequel vous finirez par atterrir, pas d'inquiétude votre tour de trou viendra, le genre de pensée désagréable qui vous met mal à l'âme, le frisson de saxophone qui suit n'est pas là pour vous filer la pêche melba, c'est Mr Charlie Miller qui s'y colle, un instrumental qui vous file la sale impression que votre peau se desquame toute seule, un instrumental qui se révèle être une incitation à foutre à bas le moral de la race humaine entière, blancs, jaunes, rouges, noirs, depuis l'a dû être interdit par la Convention de Genève pour cruauté mentale, non vous n'êtes pas encore sorti du tunnel, un convoi mortuaire peut en cacher un autre, que serait le blues sans les gémissements d'un harmonica, une gâterie danoise empoisonnée une Danish Pastry qui renforce le malaise, sur la fin Oskar ( c'est Lee le coupable ) souffle si fort que vous voyez le moribond enterré un peu trop tôt qui bande toutes ses forces depuis l'intérieur de son cercueil pour arracher les clous du couvercle enchâssés dans le bois de sapin, je vous rassure il n'y arrive pas, du coup Burdon et les copains rajoutent une deuxième couche de Mother Earth pour vaincre toutes les résistances les paroles Memphis Slim ne vous laissent aucune échappatoire, riche ou pauvre, fille ou garçon, vous subirez le lot commun, Burdon vous pétrit la glaise maternelle autour du corps sans regret, de temps en temps les autres appuient de tous leurs poids pour que la poisse vous colle davantage à la peau. Brrr ! You 're no stranger : vous venez de perdre votre âme, ne vous reste plus qu'à vous raccrocher à votre petite amie, une entrée fracassante de gong qui gondole les oreilles et vent qui souffle, vous pensez être emporté dans une symphonie, tout faux, une très courte ballade, une espèce de soul aux yeux bleus délavés qui n'apportent aucune lumière, l'unique point faible du disque. Dommage car le reste est un bestissimo. Ce Burdon Declares War est la véritable suite que l'on attendait digne d' Every One of Us...

    THE BLACK-MAN' S BURDON

    ERIC BURDON AND WAR

    ( Décembre 1970 )

    Eric Burdon : lead vocal / Lee Oskar : harmonica, vocals / Charles Miller : saxophone, flûte / Howard Scott : guitar, vocal / Lonnie Jordan : organ, piano, vocal / B. B. Dickerson : bass, vocal / Harold Brown : drum / Papa Dee Allen : congas, percussion, vocal.

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    Deuxième disque, un double. Bo Diddley vous a prévenu you can't judge a book by the cover, agissez de même avec la couve de cet album, aussi mauvaise que la précédente décrèterez vous en voyant ce corps d'homme torse nu saisi en contre-plongée avec le soleil dans le dos, si dans la nuit tous les chants sont gris, à contre-soleil cet individu est-il noir ou blanc ? Donc vous ne jugez pas un homme sur la couleur de sa peau. CQFD ! C'est quand vous retournez la pochette que Burdon ne met pas le doigt mais la tête juste à l'endroit qui fâche... entre les cuisses d'une femme noire, vous aimeriez être à sa place, vous êtes sur un sujet glissant. Mais le Burdon quand il a une idée derrière la tête il la tourne et la retourne de tous les côtés, le résultat conséquentiel de ses cogitations se trouve à l'intérieur, ouvrez le gatefold, deux jeunes femmes blondes et entièrement nues s'offrent avec plaisir aux regards d'un groupe de nègres, c'est le mot qu'emploie les suprématistes blancs, voici cinquante ans cette photo a dû faire jaser dans le Sud profond du pays, c'était il y a un demi-siècle, un véritable acte de courage à l'époque...

    Le titre repose sur un jeu de mots, entre Burdon et Burden qui signifie fardeau. Le fardeau de l'homme noir est à l'origine le titre d'un livre d'Edmund Dene Morel publié en 1920 qui dénonce les effets du colonialisme en Afrique et notamment au Congo. Morel avait ainsi intitulé son livre afin de se démarquer de l'idéologie politique de The White Men's Burden poème de Rudyard Kipling. Chantre de l'impérialisme britannique Kipling y justifie la colonisation tout en entrevoyant les effets néfastes.

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    Paini it black : morceau de bravoure d'Eric Burdon qu'il reprendra quasi systématiquement tout le long de sa carrière tant sur disque qu'en public : Black on black in black : une belle intro musicale qui permet d'admirer la virtuosité de l'orchestre à enchâsser les séquences instrumentales les unes dans les autres et Paint it Black I : déboule dans une galopade de congas, c'est parti l'on n'est pas près d'arriver, pour le sitar c'est trop tard, l'on est plus près des Pipes of Pan at Joujouka de Brian Jones – ainsi on ne sort pas des Stones – pour le vocal Burdon avec sa grosse voix ne se détache pas trop de la leçon jaggerrienne du moins au début car ensuite il se permet des espèces de bégaiements ultra rapides et Charles Miller s'envole sur sa flûte, sans interruption l'on repart sur Laurel & Hardy : un duel de percussions, bien fait mais qui ne casse pas des briques, le maximum syndical attendu qui ne débouche pas sur une insurrection mais sur Pintelo negro II : reprise du Paint it Black l'oiseau doit être un rossignol anglais de toutes les couleurs qui nous donne une version caribéenne en espagnol, en palabra dicha, cette espagnolade à relents funky trop faibles est bien pesante et bien longue... P. C. 3 : sur la même rythmique Burdon raconte ses déboires avec la police et le Black bird passe inaperçu car l'on est déjà dans le dernier retour de Paint it black III et là franchement on s'ennuie, l'on baille, l'on se paye des cuivres pesants, Burdon sauve un peu le morceau sur la fin... l'ensemble est décevant, trop disparate, trop d'influences, s'il y a une breloque diamantée à sauver dans ce coffre à toc c'est la piste époustouflante de la flûte de Miller qui se révèle transcendante. Spirit : comme quoi la chair ne suffit pas, qu'elle soit noire ou blanche, s'il lui manque l'esprit, Burdon a dû s'en rendre compte car il décide de le faire souffler durant plus de huit minutes, part du plus bas, une corde de guitare et un simple phrasé blues destiné à s'alourdir de tonnes d'orge de l'orgue rehaussé de chœurs virils, il tient bon la syncope sur laquelle Oskar tire à balles réelles d' harmonica, l'esprit est là – entre nous soit dit ce n'est pas le Grand Manitou des Indiens des plaines – se repose un peu trop sur un mid-tempo arrosé d'une langue de saxophone juteuse, l'est évident que Miller il est difficile de l'arrêter et personne ne s'en plaint, s'élèvent des chœurs sacrés, n'exagérons rien, plutôt de sacrés chœurs, Burdon mène le bal, il a gardé le meilleur pour la fin, lui et l'orgue tout seul, un régal. ( fin face A ) Beautiful new born child : Jerry Goldstein a emmené son grain de sel ( parfumé au piment de Cayenne) pour les lyrics, le gars sait être méchant l'air de rien, l'a dû percuter des esprits conservateurs avec son ironie, méfiez-vous, ça commence tout doucement, une mauvaise troupe qui fait claquer exprès ses croquenots de canards bâtards sur le bitume, et le Burdon vous invective comme s'il avait envie de passer l'autre moitié de l'humanité à la broche, égosillement final général, z'ont dû s'amuser dans le studio, que voulez-vous c'est cela être funky, en résumé le divin enfant qui est né n'est pas très beau et vous pouvez l'adopter, puisqu'il vous ressemble. Nights in white satin : on se calme, nous on n'a rien fait fait, rien dit, juste en train de copuler dans des draps de satin blanc, ils le reprennent un peu à l'identique, on aurait imaginé que le Burdon il vous aurait entortillé les couvertures pour s'évader et mettre le feu aux quatre coins du monde, mais non sont sages comme des images, B. B. Dickerson vous berce de sa basse et Miller fait bien attention à ne réveiller personne avec son saxophone, puisqu'ils sont là tous les deux The bird and the squirrel : ils en profitent pour se livrer à un duo d'anthologie, lignes de basse bousculantes et trilles étrillées de flûte, l'oiseau et l'écureuil se poursuivent dans les branches et aucun des deux ne résiste à nous faire entendre son plus beau ramage, que ne ferait-on pas pour une noisette et un grain de folie, Nuts, seeds & life : agrémenté de percussions éclatantes, l'on se tait, on évite de faire du bruit pour ne pas les déranger. Out of nowwhere : c'était trop beau, c'était trop bon, Burdon surgit pour nous mettre la cervelle à l'envers, l'est comme fou, totalement allumé, il crie, il hurle, il accapare votre attention et il clame sa réclame comme un dément, quand il se calme l'est méchamment persifleur, existe un monde entre lui et vous, n'est pas un enfant triste et moche lui, l'habite ailleurs, vient d'ailleurs, ira ailleurs, c'est facile à trouver c'est là où vous n'êtes pas, faites attention, les choses vont changer, les autres se contentent d'assurer le background, ce à quoi s'appliquaient les Doors pour Jimbo, est-ce un hasard si ce morceau rappelle les Doors... Nights in white satin : parfois il vaut mieux s'endormir que s'affronter à la laideur du monde, mais le Burdon doit être un peu réveillé, n'arrive pas à dormir, on l'imagine un peu titillé à l'entrejambe si l'on en croit la vigueur avec laquelle il déclare son amour, et les autres l'encouragent de toutes leurs ardeurs avec leurs chœurs de satyres en manque, il se calme un peu, ronronne, miaulote, un dernier coup de rein vocal et c'est terminé. ( fin face B )

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    Sun / Moon : ni lune noire ni lune blanche, on y va tout doux, basse au boulot, strideries d'orgue, parfois il faut dépasser ses déchirements, panser les plaies, surmonter la problématique, un blues si lent que l'on a l'impression qu'il comporte trois mille mesures, un saxophone qui pleurniche dans un coin, Burdon baratine molto dolce à l'oreille d'une fille, joue le mec qui ne sait pas, qui ne sait plus, qui est perdu, qui commence à comprendre que toute clarté provient d'un soleil, qu'il n'y a pas à préférer, que la lumière éclaire toutes les pénombres surtout celles qui persistent dans votre tête, un beau slow pour se frotter l'un contre l'autre le samedi soir à la fête du village, musicalement pas très génial. Pretty Colors : la même marmelade en un peu plus rythmée sur une cadence semi-latino, beaux coups de poignets sur le piano, le gars a retrouvé le moral, un peu plus de tonus, moins de sentimentalité, se suffit à lui-même, toutes les couleurs sont dans sa tête, l'en est tout fier, l'ensemble jerke et balance, mais comme dans le titre précédent l'on n'est pas surpris, une fin festive certes, mais il serait peut-être temps de faire parler la poudre. Justement sur la piste suivante l'on sort le Gun : rythmique guillerette, pas besoin de fusils, War et Burdon sont des pacifiques, nous demandent de jeter nos carabines et tout le reste, tout ce qui nous sépare des autres, vous n'êtes pas obligé de suivre le conseil, par contre il est indéniable que c'est enfin le morceau réussi de cette face que l'on espérait sans trop y croire, une drôle de soupe, tout est mélangé et subtilement mis en place, jeux de voix, questions et réponses qui se marchent dessus, rythme lascif avec de temps en temps des renversements de temps qui ont un parfum de reggae, délicieux car pas systématique, la gousse de vanille qui apporte sa pointe inimitable, et Burdon se charge du vocal, une sérénité olympienne, l'on se dit, ça va s'arrêter mais non ils en rajoutent et ils klaxonnent vraiment fort mais l'on est passé en fondu enchaîné sur Jimbo : finesse d'harmonica, dérive lente, until the end, la flamme perd de son intensité, quand la musique s'achève, she 's gone dit Burdon and she 's over disait Jimbo... ( fin face C ). Bare back ride : chevauchée peau-rouge dans la grande prairie, ne comptez pas sur Eric pour rallumer les guerres indiennes, l'a des ambitions plus modestes, l'emmènerait bien une jeune cavalière dans son teepee, la tribu des musiciens est d'accord lui fournit tout ce dont il a besoin pour son affaire, même Oscar nous sort son harmonica de cowboy pour la couleur locale, avec les cuivres qui poussent à mort vous traversez les collines sacrées sans problème, beau western dans lequel l'on tire son coup et l'on chevauche sa monture durant la nuit. Home cookin' : une chanson d'immigrant, le gamin qui s'engage et fait le tour du monde mais qui aimerait bien rentrer chez lui, avec des filles dans les chœurs féminins pour lui rappeler qu'elles étaient jolies les filles de son pays, Burdon vous raconte cela la rage au ventre, mais le morceau bien enlevé n'arrive pas à l'intensité émotionnelle que l'on trouve sur Every one of us. They can't take away our music : générique de fin, la chanson destinée à réchauffer l'âme, le shall overcome des nègres, se voudrait un hymne de victoire mais est surtout un chant de survie à résonance et chœurs gospel.

    L'on en ressort l'esprit mitigé. Rien de franchement mauvais, rien qui ne vous procure l'orgasme auditif non plus. Un seul disque aurait suffi. Un peu la même mésaventure que Love is... des Animals après Every one of us.

    *

    Le groupe ne tardera pas à se séparer. Burdon + War c'est un peu une forme de néo-colonialisme, Burdon est un merveilleux chanteur, les musicos ont du talent mais la tête d'affiche reste Burdon... encore une fois les noirs servent le blanc... La cassure se concrétisera lors de la tournée européenne du groupe, Burdon qui reçoit un accueil plus généreux que son groupe vu son ancienne célébrité animalière supporte mal les récriminations de ses collègues de travail, sa dépendance à l'alcool n'arrange pas les choses, la mort de Jimmy qui la veille de son trépas est venu jammer avec le groupe sur scène précipitera le clash, il abandonnera War en pleine représentation. War assurera la fin de la tournée.

    Ce n'est pas tout à fait la fin. On se fâche mais on se quitte plus ou moins bons amis. Entre juillet et septembre 1971 Burdon enregistre un nouveau disque qui sortira en décembre. Des musiciens de War sont présents sur certaines pistes ce qui explique pourquoi nous le chroniquons.

    GUILTY !

    ERIC BURDON / JIMMY WITHERSPOON

    From WAR : Papa Dee Allen : congas / Lee Oskar : harmonica / Lonnie Jordan : piano, orgue / Jerry Miller : saxophone.

    From TOVARICH : George Suranovitch : drums / John Sterling : guitar / Kim Kesterson : bass / Terry Ryan : keyboards. ( avec eux Burdon donnera un concert à Los Angeles en octobre 1971 au Whisky A Gogo. Nous les retrouverons bientôt. )

    Harold Brown : drums / Howard Scott : guitar / Bob Mercereau : guitar /

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    Les dimensions de la pochette sur le blogue la rendent énigmatique, disons qu'elle représente la bonne conscience ( triomphante et cravatée ) de la grande Amérique qui cache l'envers de la médaille, les dizaines de milliers d'incarcérés pour avoir fumé un joint, pour quelques grammes au fond d'une poche et tous les révoltés du système, parmi ces trois catégories l'on trouve, par le plus grand des hasards, de nombreux noirs...

    L'aventure War se terminant plus abruptement que prévu Burdon prend quelques semaines de repos, que faire ? Quand on s'appelle Burdon la réponse coule de source : retour au blues. Jimmy Witherspoon est né en 1920, trop tard pour être en 1970 auréolé de l'appellation phaaronique de vieux bluesman. Quoique répertorié comme blues shouter il ne s'est jamais cantonné à un seul style, sans cesse oscillant entre jazz an blues. En 1970 il gagne sa vie en tant que disc-jockey à Los Angeles. C'est-là où il rencontre Burdon. L'enregistrement de Guilty lui procure une heureuse diversion et permet aujourd'hui à son souvenir de survivre dans le public rock. Les jazz fans se remémoreront ses disques avec Ben Webster. Il meurt en 1997, atteint d'un cancer à la gorge depuis le début des eighties, il n'en continuera pas moins de donner des concerts, til the end, beautiful friend...

    I 've been drifting / Once upon a time : parfois l'on croit écouter le silence mais c'est un piano qui joue, le blues est-là, on ne sait par quel miracle, une seule chose est sûre, Burdon a trouvé son maître, le Jimmy n'a qu'à ouvrir la bouche pour imposer le timbre de sa voix sur le monde entier, du coup Burdon ne rivalise pas, prend un ton au-dessous, essaie de vous raconter la triste histoire à sa manière, mais c'est du pareil au même, sont dans le classique, la solitude du gars qui a perdu sa gerce, mais l'on est au-delà de ces communes misères, les musiciens se font discrets, ce qui importe c'est cette impuissance de vivre qui vous tombe dessus... Steam roller : l'on goûtera l'ironie pertinente de la reprise de ce titre de James Taylor sorti en 1970 pour se moquer des blancs qui chantent le blues avec la subtilité d'un rouleau compresseur... Jimmy n'y va pas avec le dos de la cuillère, vous assène le premier couplet comme s'il tuait un taureau d'un seul coup de poing sur la tête, piano et harmonica sont à la fête, rejoints par la guitare qui moane par dessous, chacun donne le meilleur, se charge aussi du deuxième couplet, cette fois-ci il vous jette les mots comme de grosses pelletées de charbons dans le foyer ardent d'une locomotive, ça roule tout seul, le Burdon se fait tout petit dans son coin, parfois dans la vie l'on sent que l'on n'a pas besoin de vous... The laws must change : à l'origine sur le live The Turning point de John Mayal, paru en 1969, le kr'tntreader aura fait de lui-même la relation avec le titre et la pochette de l'album, s'y mettent à deux pour allumer la mèche, z'ensuite Jimmy se charge d'enfoncer les points sur les I, et Burdon de laisser éclater sa colère d'une voix altérée par la rage, alors que Jimmy vous énonce les choses clairement le Burdon s'en étrangle de fureur. Les musicos ont haussé le diapason, l'on sent que nos screamers ne s'inquiètent pas pour eux, ne sont pas des bleus du blues, savent ce qu'il faut faire et les rafales de notes giclent de partout comme les balles aux grands jours de la prohibition. Have mercy judge : nos lascars ont de la suite dans les idées, après la loi, les juges, de Chuck Berry, une des idoles de Burdon, le morceau est sur Back Home sorti en 1970, Burdon suit l'actualité de près... là où Chuck y va subtil, glissant de corde en mot et de mot en corde, Jimmy et Eric vous rentrent dans le morceau comme des soudards assoiffés de la guerre de cent ans dans une taverne, vous vocifèrent dans les oreilles à vous les arracher, heureusement que les musicos veillent au grain, la guitare met la pédale douce et le piano espace le silence, oh, les gars on est dans du Chuck, prenez les patins, ne ramenez pas vos fraises à l'écarlate, mettent le bémol, mais l'on sent que ça les démange, si ça ne tenait qu'à eux il y aurait longtemps que le juge serait déjà dans l'autre monde, alors le guitariste flamboie ( son nom je vous le livre : Sterling ) pour qu'on n'entende pas trop nos deux galapiats, au milieu du morceau si l'on se coule du béton dans les esgourdes ce sera bon, mais sur la fin, ne s'adressent plus au juge mais à Dieu, et là ils sont obligés de hurler. Going down slow : vous savez où le juge finira par vous envoyer, en prison. Justement nous y sommes, et pas dans n'importe laquelle à San Quentin, Johnny Cash y a chanté en 1969, nos deux mauvais sujets y passent en mai 71, ils sont accompagnés par Ike White et le San Quentin Prison Band, le morceau est de Jimmy Oden né en 1905 qui l'enregistra en 1948, elle raconte la vie d'un flambeur qui au moment de mourir ne regrette rien de ses excès patachoniques. Applaudissements, notes grêles du blues, la prise de son n'est pas parfaite, l'on sent que dans l'assistance ça remue, une ambiance à la Regal, dommage qu'elle n'ait pas bénéficié d'un enregistrement digne de ce nom, Jimmy shoute et Burdon crie – entendez la différence – Ike au premier plan, sur la fin Jimmy et Eric tirent la bourre du blues ensemble, crazy brothers. Soledad : il est bon de s rappeler l'affaire des Soledad Brothers, ( en relation avec la prison de San Quentin ) qui défraya la chronique et qui se solda en août 1970 par la mort d'un juge pris en otage par des prisonniers noirs, FBI, Angela Davis, Black Panther Party, pour ceux qui veulent se documenter... Burdon déclara qu'il n'était pas au courant de cette affaire, il devait être le seul dans ce cas dans tous les USA... un blues tout ce qu'il y a de plus classique mais précipité à l'extrême, l'émotion étreint nos deux flibustiers, Burdon raconte que roulant – bien perché – devant la prison, la révélation lui tombe dessus que derrière les murs certains crèvent de désespoir pour pas grand chose, Jimmy et Eric dégueulent de la même colère à la pensée de la vie inhumaine que leurs frères réduits à la condition d'animaux en cage mènent... un blues direct, brutal, le vocal expédié sous forme d'une pluie d'uppercuts de révolte et de haine contre le système, contre la société américaine, sans concession.

     

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    Home dream : piano maigre mais profond, ricochets de notes squelettiques qui n'en finissent pas de courir sur la lourdeur du blues, Burdon et Jimmy à pleine voix dans l'élément primal, ce rêve ressemble un peu à un mauvais trip, à une descente d'escalier sur le cul des mauvais jours, un sax qui vous vrille la tête à la manière des réveille-matins qui vous envoient au turbin, un rythme de congas vous concasse les synapses, la mouche à merde verte d'un saxophone tourne dans votre tête, Burdon reprend le contrôle, à pleins poumons, décharge sa gourme de cauchemar pour se délester de son malaise. Retour à la maison souhaitable. Wicked, wicked man : ( ne se trouve pas sur les rééditions suivantes ) dommage le plus beau morceau du disque avec un orgue prodigieux et une guitare incendiaire, Burdon au meilleur de sa forme, on l'écoute cinquante fois de suite et l'on est surpris à chaque nouvelle fournée. Heading for home : harmonica qui miaule, musique musclé, presque rock, Burdon hurle son mal-être, sa solitude, le titre vous résume cela à la perfection, Jimmy rajoute une couche, d'humour noir, n'est pas si malheureux que cela dans ce monde hypocrite d'argent et de sexe, même que les flics te sourient si tu leur files la billet assure Burdon, tombent tous deux d'accord pour quitter cet endroit de faux-semblant et de faux-sentiments, l'on sent l'énergie qu'ils déploient pour foutre les voiles de cet enfer souriant. The time has come : le temps est venu, certes mais le temps de quoi se demande-t-on, ne voudrions pas jouer à l'incroyant notoire, mais l'on ne s'est pas aperçu du changement, après les fureurs du blues, retour à la tranquillité du début, mais ce n'est pas tout à fait le déblues, douceur d'harmonium, odeur d'hymne gospel et chœurs féminins Du Reverend James Cleveland qui ondulent comme champs de blé au soleil, parfois partir en ballade ça me soul. Cette inscription christique nous déçoit quelque peu...

    L'album ressortira en 1976 sous le titre Black & White Blues et une pochette beaucoup plus politiquement correcte.

    *

    De retour aux States, War collectionnera les hits, plusieurs de ses disques atteindront le million d'exemplaires... Durant toutes les années soixante-dix le succès restera au rendez-vous, en 1976 paraît un album de vieilles bandes enregistrées avec Eric Burdon. Ce n'est pas un best of, tous les morceaux sont inédits sauf un, soit enregistrés en studio ou en public.

    LOVE IS ALL AROUND

    WAR FEATURING ERIC BURDON

    ( 1976 )

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    Love is all around : passons sur les vocaux à l'eau de rose, concentrons-nous sur cette clochette de vache gentillette qui broute l'herbe grasse de la basse parmi les alpages de l'orgue, et puis cette voix du berger Burdon inimitable qui mène le troupeau sans désemparer, n'arrête pas une seconde, quand ça stoppe sans préavis vous meuglez de désespoir, jamais vous n'avez enfourné dans votre panse de foin si odorant. Tobacco road : alternate take, plus courte et mieux équilibrée, débute par l'harmonica de Lee ( qui mérite au moins un Oskar ) qui s'insinue en vous comme l'anguille sous la roche, la machine se met en marche et funkise sans trop exagérer, le Burdon en profite pour aligner les lyrics comme l'on frappait les aureus d'or dans l'empire romain, et les backing vocals derrière vous abattent sans rémissions les maillets sur le métal brûlant, cette version plus brute est préférable à celle de The black-man's burdon qui se perd en bavardages. Home dream : morceau repris de Guilty ! Magic mountain : l'on a été au plus bas, l'on remonte, pied après pied, cadence lente, tout le groupe escalade la montagne magique et chante on chœur pour soutenir son effort, Burdon donne le la (-haut ), y a même un moment où il presse le pas et se met à courir, mais non reprend le rythme initial, c'est la batterie qui scande le pachyderme loud and slowly. Pour l'ivresse du sommet atteint nous n'y aurons pas droit. ( Fin de la face A ) A day in a life : une version que je trouve supérieure à celle des Beatles ( peuple, haïssez-moi ! ) et qui étrangement sonne dans son déploiement harmonique plus scarabée que les Fab Four, et quand après l'intro sous forme d'oratorio Burdon se met à chanter il n'y a pas photo avec la voix sans timbre de Lennon, pour le pont n'y vont pas masqués, sans se presser chacun à son tour vient faire son petit tour sur le champ d'orgue tranquillou, ne se prennent pas la tête à inverser les bandes, et Burdon vous talonne le vocal au trot, sur quoi ils déploient les chœurs comme les tentures cramoisies au Camp du Drap d'or, alors Burdon part en ballade, sans se presser, pour le final ils poussent la charrette tous ensemble, un bel effort, et le tombereau descend la pente selon la loi de la gravité.

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    Paint it black : qui dit Beatles dit Rolling Stones, le pot de miel contre le pot de fer, une version live enregistrée le 8 septembre 1969, avec les applaudissements, congas pour agacer les oreilles et la cavalerie s'ébranle, trot rapide et après une mise en bouche question-réponse Burdon lance les hostilités, l'accompagnement derrière n'est pas à la hauteur, se contente de tenir le rythme et tout repose sur les épaules del cantaor qui s'efface pour permettre l'exhibition solistique des percus et de la batterie, ensuite l'on donne la primeur à tous les rayons de l'épicerie instrumentale, un peu facile, mais beaucoup remplissage, du genre regardez comme on est beau et comme on joue bien, c'est sûr qu'il fallait être dans l'ambiance, quand on écoute cela vous a un petit côté document d'époque, consolons-nous Burdon reprend le refrain et nous emmène au bout du monde, même si à la fin il se permet des facilités... Au total un album pas essentiel mais pas superfétatoire non plus.

    Damie Chad.

     

    XXVIII

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

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    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

     

    113

    Nous n'étions pas au bout de nos surprises, dès que nous eûmes dépassé le cadavre de la mère d'Eddie Crescendo – Molossa et Molossito s'épargnèrent la visite du reste de la maison trop occupés à lécher consciencieusement la large flaque  de sang dans lequel la vieille dame baignait – nous nous arrêtâmes devant le spectacle qui s'offrit à nos yeux, le sol de toutes les pièces était recouvert d'une épaisseur de quatre à cinq centimètres de neige. Non ce n'était pas un de ces effets dévastateurs du dérèglement climatique dont nous abreuvent les écologistes, simplement des milliers de morceaux de sucre ! La collection de la vieille dame avait été soigneusement fouillée, dans la salle-à-manger étaient entassés des monticules de boîtes à sucre en fer-blanc, c'est dans la cuisine que les paquets de sucre avaient été dépouillés de leurs empaquetage de carton, ils avaient été soigneusement empilés sur les meubles, l'on retrouva quatre seaux en plastique servant à faire le ménage débordant de sucres, sans doute avaient-ils servi à une mission d'épandage méthodique sur l'ensemble du plancher de la maison. Le Chef alluma un Coronado et médita quelques secondes :

      • Nous sommes arrivés trop tard, une seule consolation ils n'ont pas trouvé ce qu'ils cherchaient, il ne reste pas une seule boîte non-ouverte, nous ne ferons pas mieux qu'eux, repartons !

    114

    Nous dûmes arracher les chiens à leur festin, nous n'avions pas atteint la grille du jardin, qu'un faisceau lumineux balaya la rue. Une voiture à cette heure ! Non, une estafette de gendarmerie s'arrêtait devant la maison ! Les portières claquèrent, et aussitôt nous fûmes pris dans la lumière d'une lampe torche :

      • Ah ! Ah ! On vous y prend, ces messieurs demoiselles s'apprêtaient à une virée au bord de la mer, au lieu de respecter le couvre-feu, et sans masque par-dessus le marché !

      • Et par-dessus la foire aux bestiaux, Brigadier, il y en a un qui fume un Coronado, ce fameux cigare qui a été soupçonné de propager le virus, il y a deux jours on aurait pu le mettre en prison !

      • Non pas le, les, tous au bloc en bloc, mais le Président ne le veut plus !

      • Il serait peut-être temps que ces messieurs dames nous présentent leurs papiers !

    Sur cette affaire-là, j'avoue que je sus improviser avec un certain talent, avec un certain génie ajouterais-je même si je n'étais pas si modeste !

      • Brigadier, nous avons même plus intéressant à vous montrer que nos papiers, la preuve de notre innocence, non nous ne projetions pas un bain de minuit sur la Promenade des Anglais, nous sortions simplement les chiens dans le jardin pour leur promenade hygiénique !

      • Ouah ! Ouah ! Affirma Molossito !

      • Grr ! Grr ! Grrrogna Molossa !

      • Affirmatif Brigadier, je vois deux chiens, l'un plus petit que l'autre, tous deux d'une étrange couleur rouge d'ailleurs !

      • Pas du tout rouge Brigadier, repris-je, c'est du sang, et plus exactement si vous aviez la bonté de nous suivre, c'est celui de la voisine, encore quelques pas et voici son cadavre !

      • Brigadier, elle est bien morte, au premier coup d'œil, sept ou huit coups de hache, ah les vaches !

      • Exactement Brigadier, nous avons été, hélas, obligés de l'achever...

      • Attention jeune homme, vous portez à votre encontre des accusations très graves, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous !

      • Je vous explique Brigadier, ce ne sera pas long, nous dormions paisiblement lorsque cette vieille folle est venue nous réveiller, elle ne voulait pas dormir, elle voulait pour chasser ses insomnies que nous entamions une partie de tarot !

      • Une branlante chabraque , s'exclama le Brigadier, et bien sûr le coronado-virus l'a épargné alors que ma pauvre mère y est passé !

      • Je suis désolé Brigadier, veuillez recevoir nos condoléances les plus sincères, mais vous ne savez pas le plus horrible, cette partie de tarot nous l'aurions faite avec plaisir, ce sont nos aînés qui ont construit la France, et leur procurer un plaisir si minime soit-il est un devoir sacré, mais...

      • Attention Brigadier il cherche à nous entortiller !

      • Mais – j'ignorai cette grossière interruption - nous sommes six, vous pouvez vous en rendre compte,

      • Affirmatif Brigadier, ils sont six je les ai comptés !

      • Avec elle cela faisait sept, dois-je vous rappeler Brigadier la loi, au-dessus de sept toute espèce de réunion est proscrite et interdite ! Elle n'a rien voulu entendre, elle s'est énervée, bref je vous passe les détails pénibles, pour ne pas enfreindre la règle instituée par notre président, nous avons dû la supprimer !

      • Vous avez eu raison, la nation se doit d'être sans pitié avec les contrevenants, cette vioque n'était vraisemblablement qu'une graine de terroriste, nous allons alerter la voirie pour qu'elle vienne vous en débarrasser, portez-là sur le trottoir, nous avons notre tournée d'inspection à continuer. Au revoir, salut.

    En moins d'une minute le Brigadier et ses deux pandores s'éloignaient dans leur estafette.

    115

    Je n'étais pas peu fier lorsque nous eûmes rejoint l'appartement de Vince qui téléphona à son traiteur pour un petit déjeuner roboratif , mais le Chef n'était pas de mon avis :

      • Inutile de vous rengorger, Agent Chad, ces messieurs étaient en mission commandée, prêts à tout gober pour que nous mettions les voiles au plus vite, pourquoi d'après vous nous ont-ils demandé de transporter le cadavre de la croulante définitivement écroulée sur le trottoir, pour le récupérer au plus vite dès que nous aurions mis les voiles, ils n'avaient pas prévu que nous serions-là...

    L'on sonna, '' ici Brioche Dorée '' grésilla l'interphone, Vince ouvrit la porte :

      • Ah, c'est toi ! Entre !

      • Excuse-moi Vince, j'ai du retard, je file, je vous recommande ma super chocolatine au miel, ma dernière spécialité, à la prochaine collègue.

    Et le gars tourna les talons à toute vitesse !

      • D'habitude l'est moins pressé !

    Vince paraissait vexé, mais subitement il vida à toute vitesse le panier d'osier pour en extraire un plateau de carton sur lequel reposait une énorme chocolatine d'un bon demi-mètre de long ( et autant de large ), puis se saisissant d'un couteau il se mit à la découper en tranches à toute vitesse. La lame ne tarda pas à rencontrer un obstacle, c'était un tube d'aspirine en matière plastique que Molossa et Molossito eurent tôt fait de débarrasser de sa gangue de miel, d'ailleurs s'apercevant de notre peu d'intérêt pour le reste de la friandise, ils s'adjugèrent le droit de l'engloutir au plus vite. Vince fit sauter le bouchon d'un coup de pouce et en sortit une feuille de papier pliée en quatre qu'il entreprit de nous lire au plus vite :

    '' Vince, mon ami

    ( A suivre... )