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tony marlow

  • CHRONIQUES DE POURPRE 657 : KR'TNT ! 657 : KID CONGO / ROXY MUSIC / JOHN SQUIRE / HONEYCOMBS / LUKE HAINES / BLACKSTAFF / TONY MARLOW / POP POPKRAFT / TWO RUNNER

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 657

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    19 / 09 / 2024 

     

    KID CONGO / ROXY MUSIC / JOHN SQUIRE

      HONEYCOMBS / LUKE HAINES

    BLACKSTAFF / TONY MARLOW 

    POP POPKRAFT / TWO RUNNER

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 657

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://krtnt.hautetfort.com/

     

     

     

    L’avenir du rock

     - Congo à gogo

     (Part Four)

     

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             En examinant la dune qui se dresse devant lui, l’avenir du rock a clairement l’impression de l’avoir déjà vue.

             — Ne serais-je pas déjà passé par là ?, s’enquiert-il auprès de sa mémoire flagada. Et il ajoute, avec tout l’enthousiasme de carton-pâte dont il est encore capable :

             — Une de perdue, dix de retrouvées, ce qui bien sûr n’a pas plus de sens que d’errer dans le désert depuis belle lurette.

             La belle lurette est devenue son unité de mesure préférée. Tout est belle lurette : les nuits, les jours, les étoiles, les grains de sable. En redescendant la dune, il croise un mec déguisé en explorateur colonial, qui s’apprête à la monter et qui a l’air complètement paumé. Histoire de le distraire un peu, l’avenir du rock lui lance, d’une voix chantante :

             — Que fais-tu là Petula/ Si loin de l’Angleterre ?

             Raté. L’explorateur colonial ne rit pas. Il semble un peu constipé.

             — Je m’appelle Stanley. Suis dûment mandaté par Leopold II, roi des Belges. Vous n’êtes pas Livingstone, I presume...

             Ça faisait belle lurette que l’avenir du rock n’avait pas ri de si bon cœur :

             — Ya pas plus de Livingtone que de beurre en broche, Stan !

             — Auriez-vous l’obligeance de m’indiquer la direction de la jungle ?

             — Quelle jungle ?

             — Bah la jungle jungle...

             — La junjungle ?

             — Oui la junjungle toute verte avec des arbres... Vous m’avez l’air complètement abruti, mon pauvre ami. La junjungle qu’on traverse en pirogue... Pi-ro-gue... Sur un fleuve... Fleu-ve...

             — Le fleufleuve ?

             — Fleufleuve Con-go..., vieux con !

             — Ahhhhhhh oui ! Je connais très bien Kid Congo.

     

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             Sur scène, Kid Congo est certainement l’un des artistes les plus accomplis de son temps. Il rocke le boat et fait du cabaret, il t’émerveille et t’émancipe, il te donne à voir et à entendre, il mélange Tempest Storm et Jeffrey Lee Pierce, Lou Costello et Lux Interior, s’il porte la moustache de John Waters, ce n’est pas un hasard, mon petit Balthazar, s’il fait rebattre le cœur du vieux «Sexbeat» au cabaret burlesque, c’est encore moins un hasard, et s’il multiplie les hommages à Jeffrey Lee Pierce, alors on est bien obligé d’admettre que tout cela finalement tombe sous le sens, enfin, le sens qui t’intéresse - Viva Jeffrey Lee Pierce ! - Avec le Kid sur scène, on se retrouve dans la meilleure conjonction cosmique possible : tout de blanc vêtu, il perpétue la mémoire d’une vieille énergie sauvage, et il la perpétue à merveille. Il en est le dernier survivant, c’est la raison pour laquelle il est d’une certaine façon devenu un peu crucial. Lux et Jeffrey Lee ont quitté la planète, alors le Kid porte le flambeau de ce vieux no-sell-out calorique qui fit la joie des imaginaires en des temps assez reculés. Et il jette dans ce cérémonial toute son énergie, claquant des moutures qu’il faut bien qualifier d’extraordinaires.

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    Tout son corps bouge, le Kid danse avec les loops, tu ne vois pas ça tous les jours, une superstar en mouvement perpétuel, un Tinguely du Sexbeat, avec le punch de Muhammad Ali. Ses Pink Monkey Birds jouent en formation serrée, comme dirait le général Mitchoum, et ça te donne des versions dévastatrices. Comme le disait si bien Lux Interior, «ta mâchoire se décroche et pend comme une lanterne sur ta poitrine.» Le Kid claque ici et là des killer solo flash qui en disent assez long sur son passé d’apprenti sorcier, lorsque Jeffrey Lee Pierce lui enseignait les évangiles selon Saint-Rock, c’est-à-dire le blues et le free. Et comme ça menace de beaucoup trop chauffer («She’s Like Heroin To Me», «Sexbeat» et l’infernal «Thunderhead» tiré de Mother Juno, pour le Gun side + «Primitive», «Goo Goo Muck» et «You Got Good Taste» pour le Crampsy side), alors le Kid tempère le set avec des rumbas extraordinaires («Ese Vicio Delicioso» tiré du Vice album, et «La Arana» tiré de l’album précédent). Et pour faire planer un voile de mystère sur la salle, il t’emmène au cabaret et interprète «The Smoke Is The Ghost», avec des grands gestes théâtraux et le regard perdu dans la voûte.

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    Le petit mec sur la Gretsch s’appelle Gabriel Naim Amor, un expat français qui nous dira au bar qu’il a eu «de la chance de rencontrer Kid.» Pour finir le set en beauté, le Kid sort deux lapins de sa manche, les deux hits du Vice album, «Wicked World» et «A Beast A Priest», avant de demander : «You wanna dance?». Il évoque le mashed potatoes et d’autres vieux coucous et bham ! «Sexbeat» ! Le Kid réussit non seulement l’exploit de régénérer la légende du Gun Club, mais il régénère en plus tous les imaginaires rassemblés à ses pieds. L’awsome t’assomme.

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             On trouve d’éminentes traces de modernité sur son dernier album, That Delicious Vice. Au moins deux. La première s’appelle «Wicked World», un World monté en neige de fuzz. Posture effarante. La fuzz congolaise n’est pas la même que les autres fuzz : la sienne te lèche la conscience.

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    La deuxième trace de modernité s’appelle «A Beast A Priest», un Beast monté sur l’heavy beat de bass/drum de Mark Cisneros et Ron Miller. Alors le Kid se pointe, pour lui c’est du gâtö - Until I felt the pressure drop - Et il ajoute avec cet accent tellement angelino : «I’m too old/ To Win/ I’m afraid.» Il pèse de tout son poids sur le mystère. Il y a du shaman chez le Kid. Puis les autres cuts vont refuser d’obtempérer. Le reste de l’album ne marche pas. Il s’enfonce dans le western spaghetti avec «Silver For My Sister» et la samba avec «Ese Vicio Delicioso» - At the age of three I knew/ What I wanted to be - Toute la fin de l’album part à vau-l’eau. Le Kid abandonne son Congo Powers.

             Il est beaucoup plus à l’aise avec le Wolfmahattan Project. Sur le what ?

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             Pour les ceusses qui ne le sauraient pas, the Wolfmanhattan Project est un super-groupe. Le trio se compose de Mick Collins, Kid Congo et Bob Bert, une sorte de conglomérat Cramps/Gories/Chrome Cranks. Leur premier album s’appelle Blue Gene Stew et Bob Bert a peint la pochette. On y entre comme on entre dans le lagon d’argent, bien conscient de la présence des dieux. C’est inespéré de down the drain dès «Now Now Now» que le Kid chante dans la pénombre, alors que Mick Collins envoie ses jets d’acide. Le Gorie prend ensuite le chant pour «Braid Of Smoke» et sale le plat au sonic brash. Non seulement il le sale, mais il le noie de disto. On croise ensuite quelques cuts étrangement inconsistants, et en B, «Smells Like You» nous rappelle à l’ordre, car plus garage, plus Pussy Galore par le côté défiant et le drumbeat indus de Bob. C’est monté sur le riff de «Gimme Some Lovin’» et chanté en désespoir de cause. Dernier spasme avec «Silver Sun» que Mick Collins chante au feeling insidieux. Il s’engage dans l’avant-garde du beat déployé, il s’étonne lui-même d’être tellement en avance sur son époque, you need the silver sun now, et fait entrer dans la danse un sax free. Alors on est vraiment content d’être venu. Avant d’envoyer l’album coucher au panier, on note que «Last Train To Babylon» pioche dans l’ancien farfouillis de Roxy, à moins que ça ne soit dans celui du Babaluma.

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             Summer Forever And Ever est leur deuxième album. Avec «Like Andrea True», tu te croirais chez les Cramps. T’as même le petit tiguiliguili à la Ivy League, ça gratte dans les vieux replis de la légende, c’est comme abandonné aux bons soins d’une modernité à la dérive. Et puis soudain Mick Collins attaque au three two one yeah ! Cover de Jerry Nolan : «Countdown Love». Ces trois vieux crabes sont encore capables de rocker une heavyness joyeuse et fébrile. On sent tout le poids des Gories dans cette furie. C’est le Kid qui chante «Summer Forever», il place sa voix à la surface du beat infectueux. C’est forcément génial, plein d’esprit, battu sec par Bob et soutenu aux chœurs par ce démon de Mick Collins. Il profite de l’occasion pour tailler une vrille malsaine. Ils terminent leur balda avec «Hypnotize Too», un petit instro visité par un sax free. Weird, humide et fascinant. La B est moins héroïque. Ils l’attaquent avec un «H Hour» gratté à la Gories. Ça tombe sous le sens, très saccadé, quasi JSBX, coincé dans un coin. Ils s’amusent encore avec «Silky Narcotic» et envoient des spoutnicks. Ils travaillent des idées, on les sent fébriles dans leur quête de modernité. Ils bouclent avec «Raised/Razed», un groove Congolais, le Kid tartine bien son all over the sky et son turn you on/ because I can raise you.

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             Pour retrouver l’énergie d’un set de Kid Congo, l’idéal est d’écouter le Live In St Kilda de Kid Congo Powers & The Near Death Experience, un In The Red sorti l’an passé. C’est qui Kilda ? On a l’explication en ouvrant le gatefold : Kim Salmon avait invité le Kid pour la parution de son book à Melbourne. St Kilda est donc un patelin de la banlieue de Melbourne. Honoré par l’invitation de celui qu’il surnomme «my long time Scientist Surrealist Beast of a friend», le Kid monte un set avec le groupe d’Harry Howard, ex-Crime & The City Solution, Harry Howard & The Near Death Experience, «as the logical choice». Tu retrouves l’ambiance explosive du set des Pink Monkey Birds, avec comme point commun, une belle introduction : «You like to dance?» Et il ré-énumère les mashed potatoes et les autres vieux dance crazes qui datent de Mathusalem, «but you’ve not heard the one called Sexbeat!» Et re-bham, et t’es de nouveau frappé par l’infernale modernité du beat de Sexbeat. Dans ses liners écrite à la main, le Kid te dit : «Enjoy the racket». C’est bien d’un racket dont il s’agit dès «LSDC» - This is a place called/ L/ Sssss/ Diiii/ Ciiii - Et il embraye avec l’un de ces instros du diable dont il a le secret, «Black Santa», et de conclure la bouche en cœur : «It’s Christmas all of the tiiiiime.» Contrairement à ce qu’indique le track-listing d’In The Red, c’est «New Kind Of Kick» qui boucle le balda - You are searchers of some other sort of new/ Kind/ Of/ Kick - Et il tape une version demented en souvenir d’un groupe demented. C’est donc «Sophisticated Boom Boom» qui ouvre le bal de la B - Especially for Kim, by the Shangri-Las, you know the Shangri-Las ? Sophisti/ Cated/ Booooom/ Booooom». Il fait du big atmospherix avec «Diamonds Fur Coat Champagne» et termine l’album avec l’une des plus grosses dégelées royales de tous les temps : «Garbage Man» - Here comes/ The Garbage Man - Grosse attaque Crampsy - You ain’t no punk/ You punk - Qui dira la grandeur des Cramps, la portée de cette clameur binaire, l’heavy beat en crabe, qui dira l’impact surnaturel du do you understand et du stuff I use ?

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             Au merch, une autre pochette te fait de l’œil : Swing From The Sean DeLear, un maxi de Kid Congo & The Pink Monkey Birds. Sean DeLear était un queer punk icon de la scène de Silver Lake. Ron Miller te bat «Sean DeLear» sec et net, ça frise le Sexbeat. Puis le Kid introduit à sa façon cet instro du diable qu’est «(Are You) Ready Freddy» et il embraye aussi sec sur «(I Can’t Afford) Your Shitty Dreamhouse». Il y va au take your hair out my air, ou out of my hair, c’est comme on veut, et on retrouve le bassamatic bien ordonné de Kiki Solis. En B, il passe avec «He Walked In» au heavy groove ténébreux et bien noyé d’underground angelino, là-bas, sous le soleil de Satan - The flesh of a man/ The face of a friend - Et il t’invite au jump inside, il voyage chez les morts et bizarrement, ça se termine en mode rumba des îles, en big latin flavour avec Mark Cisneros à la flûte bucolique.

    Signé : Cazengler, Kid Con tout court

    Kid Congo. Le 106. Rouen (76). 11 septembre 2024

    Kid Congo & The Pink Monkey Birds. That Delicious Vice. In The Red Recordings 2023

    Wolfmanhattan Project. Blue Gene Stew. In The Red Recordings 2019

    Wolfmanhattan Project. Summer Forever And Ever. In The Red Recordings 2022

    Kid Congo Powers & The Near Death Experience. Live In St Kilda. In The Red Recordings 2023

    Kid Congo & The Pink Monkey Birds. Swing From The Sean DeLear. In The Red Recordings 2021

     

     

    Wizards & True Stars

     - Roxy ça vaut pas Jerry Lee

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             Se foutaient pas le doigt dans l’œil Eddick Ritchell, Sharon Glory et Jimmy Freud quand, dans «Ego-Dames», ils clamaient la main sur le cœur «Ziggy et Roxy ça vaut pas Jerry Lee !». Ils tournaient le glam en dérision. La fière équipe d’Au Bonheur Des Dames est arrivée dans le rond du projecteur un peu après Roxy, mais la parenté crevait l’œil, au moins au niveau visuel. Du côté d’Au Bonheur, on rigolait, mais pas du côté de Roxy. Au Bonheur Des Dames fut ce qui arrivait de mieux à la France de 1974, de la même façon que Ziggy et Roxy à l’Angleterre de 1972. On sentait alors une volonté clairement affichée de réinventer le rock de part et d’autre de la Manche. Le rock ne s’est jamais mieux porté qu’en ces années-là.

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             On a tous flashé sur le premier Roxy paru en 1972 sur Island. Cet album parfait est resté un point de repère, pour une seule et unique raison : «Re-Make Re-Model», avec son intro de piano historique et le tagaga de Paul Thompson. Et aussitôt après, Manza foutait le feu, t’avais des chœurs de lads - I tried but coundn’t find a way - L’un des cuts parfaits de l’histoire du rock anglais. T’ouvrais le gatefold et t’avais ces six portraits supersoniques. Par contre, le reste de l’album te laissait sur ta faim de loup.

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             Il fallut attendre For Your Pleasure, paru un an plus tard, pour calmer cette faim de modernité. T’avais encore cinq portraits fantastiques dans le gatefold. Pas de bassman. Un certain John Porter était crédité à la basse. Et Chris Thomas produisait. Trois cuts allaient te marquer la cervelle au fer rouge : «Do The Strand», «Editions Of You» et «The Bogus Man». Tu retrouvais la fantastique énergie de la décadence dans un «Do The Strand» épaulé par le sax d’Andy Mackay. Tu retrouvais des accords de piano dans l’intro d’«Editions Of You», mmmmmhh, et la frappe sèche de Paul Thompson. Alors John Porter entrait en lice et ça virait au demented are go. T’étais au cœur du phénomène Roxy. Ils bouclaient leur balda avec «In Every Dream Home A Heartache», un Big Atmosphrix d’I blew up your body/ But you blew my mind ! Et en B, t’avais bien sûr l’excellent «Bogus Man» et la belle frappe sèche de Paul Thompson, renforcée par l’adroit bassmatic de John Porter. Ils faisaient en fait du Babaluma, de l’hypno à Nono, et Manza grattait des poux funky dans le déroulé. Puis Ferry repartait dans son maniérisme à la mormoille avec «Grey Lagoons» que venait tempérer Andy avec un solo de porcelaine de sax. C’est dingue comme ces mecs savaient développer.

             Et puis, les choses vont se dégrader. Une fois Eno viré, Roxy va devenir un groupe commercial, à l’image d’un Bryan Ferry dévoré d’ambition. La modernité de Roxy va s’étioler d’album en album, d’abord avec Stranded et Country Life, puis sombrer enfin dans la daube commerciale que l’on sait. Rien à tirer des albums suivants.  

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             Roxy revient dans l’actualité via l’autobio de Phil Manzanera, Revolucion To Roxy. Tu chopes l’info, tu te frottes les mains, tu baves même un peu : toute littérature concernant Roxy est ultra-bienvenue. Tu t’attends même à un big book, étant donné que tu considères Manza comme un élégant personnage cosmopolite. Avant ça, tu n’avais eu que le book de Michael Bracewell à te mettre sous la dent : Re-make/Re-model: Becoming Roxy Music, un book bien documenté,  très axé sur le concept de Roxy, mais qui manque d’épaisseur humaine. On n’y sent pas bien les personnages. Manza va-t-il combler ce déficit ?

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             Il comble que dalle. Tu l’as dans le baba. C’est l’une des grandes déconvenues du siècle. Manza fait d’autres choix. Roxy, c’est juste deux chapitres, et tout le reste concerne la gloriole, les tournées mondiales, les raids en Amérique latine, la fréquentation de lascars comme David Gilmour, les maisons, les bagnoles, les awards, les gosses, les arbres généalogiques, et puis bien sûr les épisodes de reformation de Roxy avec les millions de dollars, c’est l’histoire d’un groupe qui fut passionnant le temps de deux albums et qui a fini par tourner en eau de boudin, c’est-à-dire en grosse machine à fric vide de sens, mais qui remplit les stades. Là est le paradoxe. On le connaît par cœur, ce paradoxe. On ne peut pas lutter. Comme si la dimension artistique ne comptait plus. Ne reste que la gloriole et l’Hall of Fame, toute cette drouille immonde qui gâche la légende d’un art qu’on croyait sacré et qui n’est au fond qu’un business de plus. Tu lis ce book et t’es atterré par le spectacle qu’il t’offre. C’est un peu comme si tu lisais les mémoires de Jagger ou celles de Gilmour, des books que tu n’approcherais jamais, même avec une pince à linge sur le nez. Bon, là, tu dois bien reconnaître que tu t’es fait baiser.

             On attendait de Manza qu’il nous parle d’Andy Mackay en long et en large, ou d’Eno, ou de Paul Thompson. Rien de plus que ce qu’on sait déjà. Et pas un mot sur Johnny Gustavson, le mec des Big Three qui joue de la basse sur 4 albums de Roxy, ni sur Sal Maida. Rien ! Que dalle !

             Roxy avait passé une annonce dans le Melody Maker : «Wanted. The perfect guitarist for avant rock group: original, creative, adaptable, melodic, fast, slow, elegant, witty, scary, stable, tricky. Quality musiciens only.» Manza passe l’audition avec sa Gibson ES 335 et comme ils n’aiment pas  le look de la 335, ils lui disent de revenir avec une Strato. Mais c’est David O’List qui décroche le job. Manza est déçu. Le seul défaut d’O’List était d’arriver en retard aux répètes, et c’est comme ça que Manza finit par décrocher le job. Il est là, alors les autres lui demandent de jouer. Dans la première mouture, le bassman s’appelle Graham Simpson. Et comme Manza connaît bien les cuts, Bryan Ferry lui propose un CDI à 15£ la semaine. En 1972, il devient professionnel.

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             Manza donne des détails importants : au début, Roxy n’a pas de blé, alors le groupe doit redoubler d’inventivité. Comme ils viennent de décrocher un contrat avec Island, on les confie à Anthony Price, un fashion designer qui doit peaufiner leur image. Manza est sapé comme l’as de pique et Price qui bien sûr est gay fait «no, no, noooo» et lui demande de porter un blouson de cuir et des lunettes d’extra-terrestre, sur lesquelles sont collés des clous en diamant. Manza a son look en 5 minutes. Le problème, c’est qu’il ne voit rien avec ces «bug eyes». Il ne voit que ses pieds. Pour gratter ses poux, c’est l’enfer. La photo des «bug eyes» est dans la page. Tu les vois aussi quand tu ouvres le gatefold du premier Roxy.

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             C’est aussi là que commencent les problèmes : Bryan Ferry décide de tout. La pochette du premier Roxy, c’est lui. Manza rappelle aussi que Graham Simpson était dans le premier groupe de Bryan Ferry, The Gas Band, au temps de la fac de Newcastle. Puis Simpson va traverser une mauvaise passe et se faire virer. C’est là que commence le bal des bassistes. Manza en dénombre 15. Il indique aussi que Bryan Ferry et Andy Mackay sont revenus transformés d’un concert de Ziggy. C’est là qu’ils décident de se transformer en gravures de mode, comme l’ont fait les Spiders From Mars. Et le plus avancé, dans cet art, c’est bien sûr Eno. Il tombe toutes les filles et Manza sous-entend que Bryan Ferry le jalouse.

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    (Chris Thomas)

             C’est Chris Thomas qui va enregistrer Music For Your Pleasure. John Cale l’a recommandé à Roxy. Manza rappelle aussi que Thomas a bossé sur le White Album. Alors wham bam ! Mais Bryan et Brian ne s’entendent pas. Eno se considère comme un «Independant mobile unit» et un «non-musician». Il ne supporte pas l’autorité. En plus, il est le plus flamboyant du groupe - which I’m sure Bryan didn’t enjoy - Il va subir le même sort qu’un autre Brian, Brian Jones. En plus, Eno est très extraverti, alors que Bryan Ferry reste impénétrable. Ils sont à l’opposé l’un de l’autre. En plus, Bryan Ferry continue de faire ses coups en douce. Il a déjà quasiment réglé la question de la pochette du deuxième album sans en parler aux autres. Manza le redit : Bryan Ferry n’a consulté personne. Il a choisi Amada Lear pour le recto et c’est lui qu’on voit au verso déguisé en chauffeur. Les membres du groupe émettent une molle protestation et Bryan Ferry la prend en compte. Puis une petite shoote éclate entre Bryan et Brian, à propos d’une gonzesse. Brian Eno joue une dernière fois avec Roxy en 1973 et il quitte le groupe avant de se faire virer.

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             Voilà, c’est à peu près tout ce qu’on a sur Roxy. Manza donne aussi des détails sur la pochette de Country Life avec les deux belles gonzesses en petite tenue. Il rappelle aussi qu’entre 1972 et 1984, il n’a pas gagné un rond, malgré les tournées mondiales et les disques d’or : le management et probablement Bryan Ferry s’en s’ont mis plein les poches. Puis les choses vont se détériorer dans le groupe. 1976 nous dit Manza est le commencement de la fin. Il voit encore Bryan Ferry faire ses coups en douce et traiter les autres membres comme son backing band. À la fin de la tournée Avalon, en 1982, Andy Mackay et Manza donnent leur démission : «It’s been a great pressure working with you. Goodbye.»

             Il leur faudra attendre 18 ans pour se reparler. Ce que Manza veut dire à travers tout ça, c’est qu’on ne peut pas être pote avec un mec comme Bryan Ferry. C’est impossible.

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             C’est le gros billet qui va les motiver pour la reformation, comme c’est le cas pour tous les groupes de vieux crabes. Tout ce qu’ils veulent, c’est se payer des belles baraques dans la campagne anglaise et des Rolls. Tu vois un peu le niveau ? On leur propose 7 millions de livres. Bryan Ferry, Manza et Andy Mackay acceptent le principe. Ils se retrouvent en studio à Londres et tentent de jouer «Virginia Plain». Ça marche. Paul Thompson est là aussi, avec Guy Pratt on bass. Il est question d’un nouvel album produit par Chris Thomas. Eno fait aussi partie du projet. Ça se passe bien jusqu’au moment où ils s’assoient pour papoter tous ensemble, et Eno fait remarquer que chaque membre rejoue le rôle qu’il jouait 35 ans auparavant. Alors Manza comprend que le projet est foutu. Chacun repart de son côté. Roxy, ça vaut pas Jerry Lee. 

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             Le Mojo Interview est mal barré : Manza apparaît tel qu’il est aujourd’hui, en petit pépère souriant. Fini l’allure de wild rocker glamour. Il pose pour un autre portrait en fin d’interview avec les fameux «bug eyes» qu’il a conservés. Et si sa plus belle heure de gloire était d’avoir accompagné Robert Wyatt sur Ruth Is Stranger Than Richard ? Pour mener l’interview, Mat Snow ne se casse pas la nénette : il repart de l’autobio. Père anglais, possible agent double, et mère argentine. Rusé comme un renard, Snow amène vite Manza sur le terrain de Roxy. Alors le pépère souriant y va de bon cœur : «I wanted to be more like the Velvet Underground, textural. Les autres ont amené des choses différentes : Eno had systems music, Bryan a mixture of Motown and the Velvet Underground, Andy loved King Curtis and Paul loved Led Zeppelin.» Chacun amenait sa petite contribution, conclut gaiement Manza. Pour lui c’est un collectif. Eno avait inventé le mot «scenius». Snow revient sur l’éviction d’Eno. Manza n’est pas clair là-dessus, il indique qu’Andy en sait plus que lui, aussi recommande-t-il d’attendre qu’Andy écrive son autobio - Et quand j’ai dit à Bryan l’autre jour que j’écrivais un book, je lui ai dit qu’il devrait en faire autant - j’aimerais bien enfin savoir ce qui s’est passé - Andy et Manza se sont quand même posé la question de savoir s’il fallait suivre Eno ou rester dans Roxy. Ils ont décidé «de rester pragmatiques» et sont restés dans Roxy. Manza va aussi filer un coup de main à Eno sur Here Come The Warm Jets et à John Cale sur Fear et Slow Dazzle. Manza précise que Roxy avait demandé à Calimero de produire For Your Pleasaure, mais comme il était sous contrat avec Warners, il ne pouvait pas, et il recommanda Chris Thomas. 

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             Après toutes ces déconvenues, il est grand temps de ressortir le Re-make/Re-model: Becoming Roxy Music de Michael Bracewell. Finalement, c’est lui qui a raison : avant d’être une aventure humaine, Roxy est un concept - Above all... a state of mind, lâchait Bryan Ferry en 1976 - Bracewell souligne très vite la proximité des «wily strategies of Duchampian aesthetics», cette proximité qui nous conduisit à l’époque à délirer sur Roxy et pondre un Conte, cot cot !  Bracewell ose des parallèles extraordinaires entre Roxy, Smokey Robinson, Marcel Duchamp, le Velvet, John Cage et Gene Kelly, «all in their different ways, forcefully and glamourously modern.» Bracewell ajoute qu’avec le premier Roxy, Ferry «presented his carte de visite to the world. The record was arch, thrilling, elegant, unique, clever and richly romantic.» C’est bien ce qu’on reproche à Ferry, le côté trop clever, mais Bracewell a raison de souligner l’élégance et la singularité. Bracewell établit aussi en lien entre Joe Meek et Roxy - the Meekian other-worldniness - symbolisé par «Ladytron». Parmi les influences de Roxy, Bracewell cite le «Bad Penny Blues» d’Humphrey Lyttelton, produit par Joe Meek, dont l’intro de piano sera reprise par les Beatles dans «Lady Madonna». Ferry cite aussi le Charlie Parker Quintet avec Miles Davis, et bien sûr LeadBelly - a black dandy, a precursor to Bob Dylan - Et là, effectivement, Bracewell navigue à un autre niveau que Manza. Comme quoi, il y a book et book.

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             Bracewell lance encore des ponts entre le Velvet et Roxy via l’art moderne, puis établit le lien fondamental entre Andy Mackay et Dada, un Andy qui flashe aussi sur les Bonzos - There is definitevely the English art school influence of Dada rediscovered - et puis le lien Richard Hamilton/Marcel Duchamp qui est au cœur de Roxy, car Bryan Ferry fut l’élève d’Hamilton, le théoricien du Pop Art, héritier de Duchamp - No living artist commands a higher regard among the younger generation than Marcel Duchamp - Hamilton enseignait à Newcastle, où vivait encore le jeune Ferry. Un Hamilton qui va d’ailleurs concevoir la pochette du White Album. Le concept, rien que le concept. C’est ce qu’il faut comprendre. Roxy n’est pas un groupe ordinaire. 

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    ( Peinture de Mark Lancaster)

             Et ça qui vaut tout l’or du Rhin : Mark Lancaster évoque sa rencontre avec Marcel Duchamp - J’ai rencontré Marcel Duchamp chez Richard Hamilton à Londres, quand il est venu pour son exposition à la Tate Gallery en 1966. Il m’a demandé : ‘Êtes vous artiste ?», and when I said yes, or «Oui», he said, «Moi aussi.» Quelques jours plus tard, je l’ai rencontré avec sa femme Teeny à Carnaby Street. Je venais d’acheter un costume jaune vif. Ils l’ont admiré, mais je n’ai pas osé lui demander de le signer - C’est quand même plus intéressant que le Rock’n’roll Hall Of Fame, n’est-ce pas ?

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    ( Marcel Duchamp)

             Liens encore avec le «Moon River» d’Henri Mancini et Breakfast At Tiffany’s, avec les photos de Mark Lancaster de yellow cabs qu’il a photographiés depuis le «fire escape of Andy Warhol’s Factory», Bracewell n’en finit plus de rappeler que les racines de Roxy sont la trilogie suprême de l’art moderne : Andy Warhol, Marcel Duchamp et Richard Hamilton. D’où les portraits qui ornent le gatefold de Roxy Music. Bracewell s’en donne à cœur joie : «Serré dans une chemise noire, Mackay est incroyablement beau - a mascaraed rocker, greasy quiff piled high at the front and straggling in disdainful rat-tails down the nape of his neck. Le menton dans la main, chaque doigt portant une lourde bague, son image est celle du rebelle solitaire et introverti, a one-shot amplification of the rock and roll style of fifties Americana.» Les six portraits sont des œuvres d’art moderne. On avait tous flashé là-dessus en 1972. Et Bracewell de rappeler que Mackay était aussi un dandy fasciné non seulement par Dada, mais aussi par «Swinburne, Audrey Beardsley and the Preraphaelte Brotherhood». Personnage complet.

             Signé : Cazengler, Roxy Musette

    Roxy Music. Roxy Music. Island Records 1972

    Roxy Music. For Your Pleasure. Island Records 1973

    Mat Snow : Phil Manzanera - The Mojo Interview. Mojo # 366 - May 2024

    Phil Manzanera. Revolucion To Roxy. Expression 2023

    Michael Bracewell. Re-make Re-model. Faber & Faber 2007

     

     

    L’avenir du rock - Squire boy

             Le jusqu’au-boutisme n’a aucun secret pour l’avenir du rock. Sans vouloir manquer de respect aux ceusses qui se poseraient la question de savoir pourquoi, disons qu’une nature conceptuelle sans jusqu’au-boutisme n’est pas concevable. Un concept qui ne pas va au bout des choses n’est pas un concept. L’avenir du rock ne manque pas une seule occasion de mettre ce postulat en pratique. Pour d’obscures raisons éditoriales, il a besoin de se faire traiter de square, aussi décide-t-il de se déguiser en beauf atroce et d’aller provoquer Boule et Bill à la terrasse de la Civette. Il mouille son peigne et se coiffe les cheveux vers l’arrière, les plaque avec du saindoux, il se dessine une grosse moustache au feutre, puis il enfile un marcel, un short en nylon rouge, des chaussettes noires et chausse des charantaises. Il complète l’ensemble avec une vieille casquette Ricard du Tour de France et des lunettes de soleil miroir. Avant de sortir, il prend soin de placer quelques traces de Nutella sur le marcel et sur l’arrière du short pour que le côté douteux des choses ne laisse absolument aucune chance au doute. Pour compléter le panorama, il s’est acheté des boules puantes chez son fournisseur préféré. En arrivant à destination, il allume bien sûr un cigarillo bien puant. Boule et Bill l’ont vu arriver de loin. Ils ne cachent pas leur dégoût lorsque l’avenir du rock, sans même leur demander leur permission, s’assoit face à eux.

             — Tu nous fous la honte, avenir du rock. En plus tu schlingues comme un putois.

             L’avenir du rock leur souffle la fumée du cigarillo dans la gueule et lâche le plus sonore des pets. Prrrrrrrrrrr ! Tous les gens installés sur la terrasse se retournent.

             — Alors les deux réactionnaires, toujours sur la brèche ?

             — Avec un lascar comme toi, on ne sait jamais ce qui va nous tomber sur la gueule. Tu veux quoi, avenir du rock ?

             — Chais pas, Boule. Une petite insulte ?

             — Tu veux qu’on te traite de beauf ?

             — Ah oui mais en anglais !

             Bill qui connaît trois mots d’anglais saute sur l’occase :

             — Fooking square !

             Radieux, l’avenir du rock lâche un gros Prrrrrrrr dionysiaque et corrige le tir :

             — Non pas square, fooking Bill, Squire !

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             John Squire superstar ? Aucun doute là-dessus. Il refait l’actu en compagnie de Liam Gallag : les voilà tous les deux en devanture de Mojo. Tapis rouge : douze pages et des photos à gogo. Promo presse pour un nouvel album, comme au temps d’avant.

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             Douze pages. T’es obligé de t’y reprendre à deux fois - It’s the best bits of Oasis with the best bits of The Stone Roses, they promise - La classe des deux ! Tu te rinces l’œil. Ces deux vétérans ont de vraies allures de rock stars anglaises, surtout Squire Boy avec sa petite coupe de douilles seventies et cette façon qu’il a de te regarder droit dans les yeux. Liam Gallag raconte qu’il a offert deux paires de mocassins à Squire Boy qui était sorti de sa réclusion pour venir jouer en rappel sur «Champagne Supernova», à Knebworth, en juin 2022 - Hand-made from Portugal, with tassels - c’est-à-dire avec les glands. Mod shoes. Liam Gallag raconte qu’il s’est toujours intéressé aux pompes de Squire Boy, d’où l’idée du cadeau des mocassins. En échange, Squire Boy lui offre deux chansons et lui demande : «Would you like to sing on them?». Of course. C’est là que naît l’idée de leur collaboration. Et Liam Gallag d’ajouter : «John’s songs are the reason I got into music in the first place.»

             Quand les frères Gallag voient Les Stones Roses pour la première fois en 1988, ils flashent  comme des bêtes - If they can do it, I can definitively do it - Noel Gallag dira même à Squire Boy qu’Oasis doit son entière existence aux Stones Roses. Il faut rappeler qu’entre 1988 et 1990, les Stone Roses régnaient sans partage sur l’Angleterre. Parmi les adorateurs/followers des Stone Roses, se trouvaient les Inspiral Carpets, dont Noel Gallag était le roadie. Ted Kessler chante les louanges des Stone Roses en termes de «musicianship, particularly the expansive playing of Squire and drummer Alan ‘Reni’ Wren», un Squire, ajoute Kessler, «who was harking back to the more flashily fluid styles of Jimi Hendrix and Jimmy Page.»

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             Si on suit Squire Boy à la trace depuis plus de trente ans, la raison en est simple : elle porte le doux nom de Second Coming, le deuxième album des Stone Roses. On s’en souvient peut-être, les Stone Roses étaient un groupe de surdoués : section rythmique de rêve et un Squire Boy on fire. Le maillon faible était sans doute Ian Brown, le chanteur. Les Stone Roses groovaient comme des dieux, et ce dès «Breaking In Heaven». Là t’avais Squire Boy au décollage, il avait déjà tout bon, il déployait une sorte de sauvagerie, et le bassmatic de Mani entrait au bout du compte. Ian Brown n’avait pas de voix, mais ça marchait quand même. Ils restaient dans une espèce de power fondamental avec «Driving South». Dans l’instant T, ils étaient réellement les meilleurs. «Ten Storey Love Song» sonnait comme un balladif frappé de magie, et sur ce coup-là, Ian Brown s’en sortait plutôt bien. Au beurre, Reni avait une fâcheuse tendance à voler le show. On sentait aussi chez eux une volonté affichée de psychedelia («Your Star Will Shine», pas loin du «Tomorrow Never Knows» des Beatles, on sentait le power sous la toile de jean) et ça repartait de plus belle avec le groove de «Straight To The Man». Classique mais rondement mené. Ils revenaient au groove sauvage avec «Begging You». Fantastique énergie, wild as fucking fuck, c’était d’une rare violence comportementale, mille fois plus puissant que Primal Scream, tout était dense, compressé à l’extrême, même les poux de Squire Boy, et Reni battait le beurre du diable. Puis ils te swinguaient «Tightrope» fabuleusement - I’m on a tightrope baby - avec des clap-hands, avant de replonger dans le caramel du groove, c’est-à-dire «Good Times», pure niaque de ‘Chester, t’en revenais pas d’entendre l’élégance du gratté de poux de Squire Boy. Avec ces mecs-là, tu nageais en plein bonheur. Ils bouclaient avec «Love Spreads», un heavy groove drivé au yeah yeah yeah, admirablement bien balancé, my sister/ She’s alright and she’s my sister !

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             Second Coming était nettement supérieur au premier album sans titre des Stone Roses. Tu y sauvais deux cuts, «I Wanna Be Adored» et «She Bangs The Drums». Le Wanna Be Adored sonnait comme un hymne, rien que par le thème. Même sans voix, ça passait comme une lettre à la poste. Squire Boy foutait bien la pression. Et tu retrouvais ce son unique dans «She Bangs The Drums», t’avais là-dedans toute l’ampleur de la pop anglaise, poppy puppy popette de poppah. Puis ce premier album allait décliner lentement, malgré les efforts de Squire Boy. Dans «Waterfall», il se livrait à un brillant numéro ondoyant et il revenait avec «Don’t Stop» à la Beatlemania psychédélique. On assistait là à une fantastique tentative d’osmose. Puis tout virait poppy popette («(Song For My) Sugar Spun Sister» et «Made Of Stone»), bien dans la veine de la tradition, ils entraient même dans le ventre mou de la pop anglaise («Shoot You Down»). Reni battait «I Am The Resurrection» comme un diable, mais ça n’en faisait pas un hit pour autant, même si ça se terminait en heavy groove dévastateur. Kessler est marrant car il dit exactement le contraire : il parle d’«one great album and a dissappointing follow up». Il n’a rien compris au film.

             Quand Oasis joue à Knebworth en 1996 devant 200 000 personnes, ils invitent Squire Boy à venir jouer sur «Champagne Supernova». Et 26 ans plus tard, Liam Gallag lui refait le coup en le présentant à la foule comme étant «the coolest man on the planet.»  C’est encore Noel Gallag qui rend hommage aux Stones Roses : «They kicked the door open for us, then we came in and nailed it to the wall.»

             Liam Gallag et Squire Boy ont commencé par enregistrer des démos et sont ensuite allés passer 15 jours chez un producteur de Los Angeles nommé Greg Kurstin, lequel Kustin a proposé de bassmatiquer et de rapatrier le batteur Joey Waronker.

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             L’album s’appelle Liam Gallagher John Squire. Ils ne se sont pas cassé la nénette pour trouver un titre. Et t’as le Liam qui s’impose aussitôt avec «Raise Your Hand». Non seulement t’as du son, mais t’as aussi la voix. Le Liam écrase son raise au fond du cendrier et Squire Boy claque un solo d’étranglement. Le Liam est toujours aussi Oasien. Il va toujours chercher le bon ton au sommet d’un rock ultra-saturé. «You’re Not The Only One» est le coup de génie de l’album. C’est fin, racé, ficelé, c’est même un hit pour la radio, on retrouve le goût des Anglais pour le big time, Squire Boy y passe un killer solo flashy comme pas deux. Liam Gallag + killer Squire, ça fait revivre la vieille Angleterre. C’est à la fois délicieusement classique et imbattable. Avant de cracher sur Oasis, écoute cette merveille. Si tu veux un album de rock anglais, c’est là.  Et t’as aussi un «One Day At A Time» écrasé de power et de singalong Oasien. Liam Gallag n’en finit plus de traîner la savate dans le chant. C’est d’une rare puissance. Puis ils tapent dans l’heavy blues avec «I’m A Wheel». Pas de problème ! Mais l’album finit par tomber dans la routine Oasienne. Squire Boy fait des efforts considérables pour la briser. Avec «Love You Forever», ils jouent le hard blues des seventies. Ils n’inventent pas la poudre, c’est juste un prétexte à jouer dans le bac à sable. On entend Squire Boy claquer ses mighty carillons dans «I’m So Bored». Il est l’un des guitaristes les plus infectueux d’Angleterre. Il gratte toujours tout ce qu’il peut.

             Selon Kessler, l’album de Liam Gallag et Squire Boy n’aura pas le même impact qu’ont eu sur la rock culture les deux premiers albums d’Oasis et le premier Stones Roses, «but it’s the best thing either have recorded since those early records.» Kessler parle d’un «sleek rock album», c’est-à-dire élégant, bourré d’«unshakably sticky melodies and choruses.» Kessler y retrouve toutes les influences dont Squire Boy et Liam Gallag sont tellement friands : Jimi Hendrix dans «Love You Forever», les Stones et les Beatles dans «Just Another Rainbow», les Faces dans «Make It Up As You Go Along» et Liam Gallag trouve que «Raise Your Hands» sounds like Roxy Music. Et puis bien sûr Oasis et les Stone Roses - It’s a perfect mariage of the two bands - Ailleurs dans l’article, Kessler ramène aussi le duo De Niro/Pacino dans Heat, un autre exemple de perfect mariage. Squire Boy dit bien son admiration pour Liam Gallag : «He brings a passion and intensity that I can’t muster. There’s something about his voice that meshes with the way that I play guitar.» Il parle de complémentarité. Kessler termine en beauté, puisqu’il les voit se lever pour aller faire leur photo-shoot, «just like in the old glory days - which surprisingly, may be still ahead of them.» Une chute qui tinte merveilleusement bien à l’oreille de l’avenir du rock.

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             Après la fin des Stone Roses, Squire Boy va monter The Seahorses et enregistrer Do It Yourself. C’est un album qui vaut le déplacement. Pour au moins quatre raisons, dont deux Beautiful Songs, «Love Me & Leave Me» et «Head». Dans Love Me, Squire Boy ne croit en rien, don’t believe in Jesus, don’t believe in Jah, il croit en lovers, c’est fameux et surtout très gratté, ça te donne une belle rengaine enluminée de poux scintillants. «Head» sonne aussi comme une grosse compo. Les Seahorses auraient pu devenir énormes. Squire Boy fait là du power balladif, avec un Chris Helme qui pose bien sa voix et qui l’entortille quand il faut, il a du poids et du ruckus. «1999» sonne comme un coup de génie, c’est très Oasis dans le ton, avec du sharp slinging de Squire Boy, ça sonne comme du heavy Quicksilver avec l’aura de Madchester et t’as l’incroyable clameur du Squire Boy qui du coup se met à sonner comme Stylish Stills. Ah il faut voir cette bravado ! Belle attaque encore avec «I Want You To Know», pas loin d’Oasis et un Squire Boy qui fout le feu avec ses poux. C’est un son très anglais. Chris Helme fait encore merveille sur «Blinded By The Sun», il a la voix un peu grasse, comme une huître, une voix juteuse et colorée, et derrière lui t’entends le Squire Boy voyager dans le son. «Suicide Drive» coule bien dans la manche et Squire Boy y joue un solo au long cours, avec le feu sacré. Ils se confrontent ensuite à la shakespearisation des choses avec «The Boy In The Picture», ça veut dire qu’ils entrent en dramaturgie, avant de revenir à un son plus heavy avec «Love Is The Law». Chris Helme fait son Liam Gallag. Il vise clairement l’Oasis. Il se croit dans le désert, et après un joli break de basse, Squire Boy part en vrille de poux demented. Yeah yeah ! Il gratte encore comme une brute dans «Round The Universe», cut de belle pop enjouée aux joues bien roses. Il descend une fois de plus au barbu avec une science aiguë du solo flash. Ils frisent plus loin le Sabbath avec «Standing On Your Head», on se croirait sur le premier Sabbath tellement c’est bien foutu. L’in the sky vaut bien celui d’Ozzy. 

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             En 2002, Squire Boy enregistre son premier album solo, Time Changes Everything. Bon, c’est déjà plus la même chose. Pour le dire autrement : c’est autre chose. On admire tellement Squire Boy qu’on ne peut pas dire du mal de ce premier album solo. Il fait du Dylanex avec «Transatlantic Near Death Experience». C’est exactement Queen Jane Approximately, avec les mêmes descentes de couplets, mais sans l’orgue Hammond. Squire Boy tartine fantastiquement. Pour le reste, il y va à l’insidieuse («Joe Louis»), il fait de la belle heavy pop avec un certain goût de revienzy («I Miss You»), mais c’est pas Liam, il chante à l’écrase-syllabe. Il est cependant meilleur que Ian Brown au chant. Il a même du cachet. Il sait challenger un cut (le morceau titre) et il pense toujours à ramener du big guitar slinging. Son «Welcome In The Valley» est excellent, bien tenu par la colle d’un chant à la ramasse. Il a d’excellents réflexes comportementaux. Il se laisse aller avec l’heavyness de «Strange Feeling». Globalement, c’est un album honnête, très sonnant, très trébuchant, mais sans idées. D’où ‘l’autre chose’.

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             Son deuxième album solo s’appelle Marshall’s House et sort deux ans plus tard. Il fait encore quelques étincelles sur «Summertime», il tente bien le coup en grattant une belle clairette, il barde bien la barcasse de barda. Squire Boy est un mec assez balèze. Il tartine son morceau titre à n’en plus finir, mais on en restera là. Il force trop sa voix. Il se prend pour Liam, mais il est loin du compte. Il tente le coup du power absolu, mais la voix n’y est pas. Trop affectée. Il se gratte la glotte. Dommage. Dès qu’il chante, il ruine tous ses efforts. Il finit en mode Big Atmospherix avec «Gas». Il se réconcilie avec le gros son. Bye ! Bye Baby ! Il se jette dans la balance, il envoie sa dégelée et ça devient l’hit de l’album. Squire Boy se noie dans son son. Aucun espoir de le sauver. «Gas» est un cut entreprenant, totalement remonté des bretelles.

             En 2016, les Stones Roses tenteront de se reformer en enregistrant deux singles, «All For One» et «Beautiful Thing» - It proved to be a mirage - Une dernière tournée, puis Squire Boy dit stop. Il ne s’entend plus très bien avec son vieux copain d’école Ian Brown. Il préfère se consacrer à sa peinture et à sa famille. Enough monkey business.

    Signé : Cazengler, John Square

    Liam Gallagher John Squire. Liam Gallagher John Squire. Warner Records 2024

    Stone Roses. The Stone Roses. Silvertone Records 1988

    Stone Roses. Second Coming. Geffen Records 1994

    The Seahorses. Do It Yourself. Geffen Records 1997

    John Squire. Time Changes Everything. North Country 2002

    John Squire. Marshall’s House. North Country 2004

    Ted Kessler : What the world is waiting for. Mojo # 365 - April 2024

     

     

    Inside the goldmine

     - Just like Honeycombs

             Tu ne pouvais imaginer Baby Honey qu’au lit. Et bien sûr dans tes bras. Elle symbolisait le paradis, comme on aimait à l’imaginer au sortir de l’adolescence. Franchement, le paradis c’était pas compliqué : il te suffisait d’avoir un grand lit, des draps de satin jaune et le corps nu de Baby Honey que tu pouvais butiner encore et encore. Tu poussais même le fantasme jusqu’à imaginer qu’elle aimait à se faire butiner, puisqu’elle en réclamait encore et encore. Tu l’entendais soupirer : «encore... encore...», et tu t’arrachais aux torpeurs d’un premier sommeil pour couvrir le centre de son corps des baisers le plus attentionnés. Le jour se fondait dans la nuit et la nuit dans le jour, le paradis avait gommé tous les aspects rugueux de la réalité, le premier étant de s’arracher à ses bras pour aller bosser. Tu ne quittais le paradis de satin jaune que pour aller au frigo préparer une bricole à grignoter, une salade de tomates et une tranche de jambon, ou servir l’un de ces Américanos à l’orange dont Baby Honey était tellement friande, puis quand le frigo était vide, tu te hâtais d’aller faire trois courses pour revenir te jeter dans ses bras. Le paradis semblait infini, tu voulais y vivre pour le restant de tes jours, et lorsque tu demandais à Baby Honey si elle voulait partager cet infini avec toi, elle plissait les yeux et murmurait «encore... encore...», en te prenant la main pour la poser à l’endroit le plus sensible de son corps. Les jours et les semaines passaient, sans que rien ne vînt troubler la paix du paradis de satin jaune. Il n’existait rien de plus sacré que de réveiller Baby Honey avec un baiser, elle ouvrait doucement les yeux et ses yeux semblaient rire. Elle rayonnait de mysticisme amoureux et tu t’abreuvais en elle. Toi qui n’étais pas croyant, tu finissais par trouver Dieu sympa, puisqu’il avait inventé, rien que pour ta pomme, le paradis sur la terre. À aucun moment, tu n’aurais imaginé que ce paradis allait se transformer en enfer. Il te faudra cinquante ans de recul pour comprendre que ce basculement des genres est d’une grande banalité.

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             Baby Honey n’a rien à voir avec Honey, la batteuse des Honeycombs. Baby Honey est blonde et Honey brune. Baby Honey hait le rock et Honey Lantree le jouait en 1964 de façon spectaculaire. Il ne fallait donc pas se tromper d’Honey. Autant Baby Honey était une mauvaise pioche, autant Honey Lantree est la bonne.

             Qui se souvient des Honeycombs ? Un groupe londonien des early sixties produit par Joe Meek ? Honey Lantree y battait le beurre, et l’excellent Alan Ward était l’un des premiers à claquer de killer solos flash en Angleterre. Mais quand on voit les clips sur YouTube, on est vite fasciné par cette batteuse paradisiaque qu’est Honey Lantree.

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             Le premier album sans titre des Honeycombs était très en avance sur son temps. Ce Pye de 1964 taillait bien la route. C’est Dennis D’Ell qui chante, et à propos du solo spatial d’Allan Ward sur «Once You Know», Meeky Meek parle de «brillant solo work».  Meeky Meek signe une partie des liners, au dos de la pochette. Bon, les compos sont parfois laborieuses, et c’est le son qui fait l’intérêt. La batteuse Honey chante sur «That’s The Way», et quand elle chante, elle donne du jus. Allan Ward prend encore un solo superbe dans «I Want To Be Free (Like A Bird In A Tree)» et ils bouclent leur balda avec leur big time hit, «Have I The Right». Full tilt de Meelky Meek ! Il a exactement la même intelligence du son que Totor. En B, on entend Honey battre sec et net «Nice While It Lasted». Il faut l’entendre relancer avec ses petits roulements pète-sec ! Grosse fête foraine dans «She’s Too Way Out». Space guitars & wild bassmatic, le pur génie productiviste de Meeky Meek est à l’œuvre et l’Honey bat ça si sec ! - Exceptional pretty and clever girl drummers are hard to find - Avec «Ain’t Necessary So», Meeky Meek fait sonner la guitare d’Allan Clark comme celle de Billy Harrison dans les Them. Pour 1964, The Honeycombs est un album extrêmement moderne. Bizarre que l’Angleterre ne s’en soit pas aperçue.

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             Le deuxième album des Honeycombs est fantastique. All Systems Go! sonne, aussitôt l’«I Can’t Stop». Ils ont du son. Et quel son, my son ! Solo de sax et solo de gratte demented, que veux-tu de plus ? Résonance exceptionnelle des basses, elles t’embooment l’oreille. Coup de génie pur avec le morceau titre, un wild ride transpercé en plein cœur par un wild killer solo flash, et visité dans les entrailles par cet ingé-son de génie qu’est Meeky Meek. Il sait faire claquer la charley ! Meeky Meek est le roi du killer solo flash. Allan Ward joue lead, mais c’est Meeky Meek qu’on entend. Ils tapent une belle reprise de l’«Ooee Train» du grand Bobby Darin, puis il refoncent dans le tas avec un «She Ain’t Coming Back» signé Meeky Meek. Tout est savamment meeké par Joe. On entre dans le territoire du génie productiviste, l’apanage de Totor, de Gary Usher et de quelques autres. Belle poussée d’exotica avec «Our Day Will Come». Meeky Meek fournit tout le boniment, c’est-à-dire le son. Ils enchaînent avec le «Nobody But Me» de Doc Pomus. Pure craze ! Encore une dégoulinade de kitsch avec «There’s Always Me» et retour à l’exotica avec «Love In Tokyo». Chaque fois, Meeky Meek crée les conditions du succès.  

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             Angel Air sort en 2016 l’album de la reformation des Honeycombs, 304 Holloway Road Revisited. Laisse tomber. C’est la reformation des vioques qui font du Buddy Holly sans Meeky Meek ni Honey, ce qui est un double anathème. Ça pue la reformation greedy, ces mecs-là feraient n’importe quoi pour palper un billet. Avec «Mary Jo», ils font du glam de vieux branleurs. Il n’y a rien de Meeky dans leur sauce. On se demande rapidement pourquoi on écoute cette daube de charognards. Avec «It’s Crazy But I Can’t Stop» et «That’s The Way», ils sont pathétiques et même atroces de putasserie. On en dégueule. Ils osent même retaper l’«Have I The Right». Comment osent-ils ? Pas de son, pas de Meeky, pas de rien.

    Signé : Cazengler, Honeycon

    Honeycombs. The Honeycombs. Pye Records 1964

    Honeycombs. All Systems Go! Pye Records 1965 

    Honeycombs. 304 Holloway Road Revisited. Angel Air Records 2016

     

     

    Luke la main froide

     - Part Six

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             Il se trouve que Freaks Out! Weirdos Misfits & Deviants - The Rise & Fall Of Righteous Rock’n’Roll est une mine d’or à ciel ouvert. Luke la main froide a la main lourde sur les recommandations. Alors on les suit.

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             Par exemple Cathal Coughlan. On rapatrie aussi sec son Song Of Co-Aklan, histoire de voir ce que ce Cathal a dans la culotte. Song Of Co-Aklan est son ultime album. Luke la main froide y gratte des poux. Dès le morceau titre, t’as une belle pop tendue à se rompre et un big beurre de Nick Allum. Luke s’y tape le bassmatic. C’est du Big Atmospherix. Le mot-clé de cet album est la dramaturgie. Cathal monte le Dog de «Passed-Out Dog» en neige. Pour lui, le Big Atmospherix doit voyager dans le ciel comme un gros nuage d’apocalypse. Tout est très dense, très sombre, plongé dans une sorte de malheur théâtral. Cathal donne trop de caractère à ses cuts. Ça ne peut pas prendre. Un album suffit pour se faire une idée. Il repart en belle pop d’allant martial avec «Let’s Flood The Fairyground». Cathal est un fier Coughlan, et le cut décolle à la seule force du chant. Mais il revient ensuite à ses travers. Il est trop dans le théâtre du rock. On se croirait chez Ariane Mouchkine. Il sauve l’album avec «The Knockout Artist», un cut qui ne se connaît pas de limites. Cathal se jette dans l’avenir. Un vrai gardon ! Il donne un peu le vertige. Ça devient magique ! Puis avec «Falling Out North Street», il préfigure Michael Head. Il fait une belle pop ambitieuse et là, t’adhères au parti. 

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             La main froide recommande aussi deux Flies, «London’s Flies and New York’s Flies». Elle qualifie ces groupes de «blink-and-you-miss-them-cos-they-barely-existed mythical bands in rock». Alors tu vas voir ça de plus près. Tu commences par le New York’s Flies. L’album s’appelle Get Wise. Fantastique énergie du Boston Sound 1984. «Put All That Behind Me Now» est bardé du plus beau barda, c’est même ravagé par des lèpres soniques. Ce power trio a un sens inné du power. T’as presque envie de serrer la pince de la main froide pour le remercier du tuyau. Tu trouves à la suite un «Endless Summer» sauvagement riffé et battu à la diable. Ils cultivent les dynamiques infernales, tu t’enfonces toujours plus loin dans la balda et soudain tu tombes sur une incroyable cover du «2000 Light Years From Home» des Stones. Magic Stuff ! En plein dans l’œil du cyclope ! I feel so very/ Lonely ! En B, ils se donnent des faux airs de Velvet dans «The Only One». C’est indéniable et fabuleusement inspiré. C’est monté sur les accords de Gloria. Le mec connaît la harangue ! Ils bouclent avec un «Everybody’s Trying To Be My Baby» encore très Velvet dans l’esprit, lourd, très lourd, chargé de sens, très All Tomorrows Parties, avec un chant harangue dylanesque. Quel brouet spectaculaire ! 

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             Tu serres la pince de la main froide pour le remercier, et tu passes aussitôt aux London’s Flies. Ça tombe bien, il existe une brave petite compile sur Acme : Complete Collection 1965-1968. Rapatriement immédiat. T’es pas déçu du casse-croûte, comme on dit sur les chantiers. Tu tombes dès l’ouverture de balda sur le fameux «(I’m Not Your) Stepping Stone» qui fit les beaux jours du Volume 1 de Chocolate Soup For Diabetics : heavy psyché psychotic, fantastique mélasse, sans doute la meilleure cover de ce vieux hit des Monkees et des Raiders. Les Flies ont bien failli connaître leur heure de gloire, puisqu’ils traînaient dans le bon circuit à la bonne époque. On les sent timorés dans «Turning Back The Pages», mais aussi dotés d’une volonté tentaculaire. Ils chantent «Gently As You Feel» à l’horizon clair, c’est pur et doux comme un agneau. Une vraie Beautiful Song. Puis ils tapent dans les Kinks avec «Tired Of Waiting For You», mais en sonnant comme les Byrds, alors tu commences vraiment à les prendre au sérieux. Car quelle vélocité ! On comprend que les Flies aient pu taper dans l’œil de la main froide. En B, tu retrouves avec «A Hymn With Love» cette petite pop innocente et douce comme un agneau. Bêêêêêêê. «Where» est encore un shoot de pop qui colle bien au papier. Leur where/ Where have you been flirte avec le génie. Puis ils passent au Dylanex avec le chant de nez pincé sur «There Ain’t No Woman», le mec fait du pur It ain’t me babe. On saluera pour finir cette pop de rang princier qu’est «Winter Afternoon. La main froide ne s’est pas fourré le doigt dans l’œil. Elle devrait écrire des bouquins plus souvent.

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             Parmi ses recommandations, on trouve aussi les mighty Electric Eels de Cleveland, l’archétype du groupe proto-punk. Vient de paraître un double album compilatoire, Spin Age Blasters. Tu peux y aller les yeux fermés, même s’il coûte un billet. Au dos de la pochette, tu vois les quatre Eels, et notamment Nick Knox, à la veille de son heure de gloire avec les Cramps. L’autre batteur des Eels n’est autre qu’Anton Fier, qu’on va retrouver sur un seul cut, «Spinach Blasters» et qui ira ensuite battre le beurre sur le premier album des Feelies. Les cuts rassemblés sur Spin Age Blasters datent de 1975, donc ils sont très en avance sur leur époque. C’est en tous les cas ce que révèle le «Splittery Splat» d’ouverture de balda : wild proto-demolition. Mais ils sonnent aussi très punk anglais. On se demande même parfois si les Buzzcocks n’ont pas écouté le premier single des Eels paru chez Rough Trade, mais après vérification, il apparaît qu’«Agitated/Cyclotron» est paru après Spiral Scratch, donc pas de problème. Pourtant la parenté est troublante. «Agitated» et «Cyclotron» sonnent exactement comme les cuts des early Buzzcocks. Pur ‘Chester punk ! Exactement la même énergie. D’autres influences flagrantes : celle des Dolls dans «Refregirator», et des Stooges dans «Cold Meat». Ils attaquent «Jaguar Ride» à la Johansen. On se croirait sur «Jet Boy». Et sur «Zoot Zoot», McMahon passe un solo d’accoutumance discursive totalement révolutionnaire. En C, tu vas tomber sur un cut atroce, «Silver Daggers», gratté à la cisaille et chanté sans pitié. En D, ils tapent une cover proto-punk du «Dead Man’s Curve» de Jan & Dean, mais en sonnant comme des punks anglais. Encore un shoot buzzcocky avec «Accident» et t’as à la suite cet «Anxiety» atrocement concassé dans l’idée et dans le son des grattes de Morton et de McMahon. Franchement, t’en reviens pas de tomber sur un groupe aussi en avance sur son époque. 

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             The Eyeball Of Hell fait un peu double emploi, mais cette fois tu l’écoutes au casque et t’en prends plein la vue, dès l’ohhh I’m so agitated d’«Agitated», suivi du Buzzcocky «Cyclotron».  Tu croises plus loin l’explosif «You’re So Full Of Shit», protozozo comme pas deux, avec McMahon qui chante comme un voyou. Tu retrouves aussi l’«Anxiety», McMahon chante mal, mais c’est ce qui le rend révolutionnaire. McMahon joue encore comme un atroce démon incisif sur «Silver Daggers» et le «Zoot Zoot» éclate de modernité. Cleveland était alors un vrai jackpot. Retour au simili-Buzzcocks d’«Accident» et «Refrigirator» sonne tout simplement comme l’enfer sur la terre. Avec «Bunnies», ils sont mille fois plus modernes que Pere Ubu. McMahon joue de la clarinette et injecte un shoot de free dans la scie du punk. «Spinach Blasters» vire jazz. Bifarx me sir ? «It’s Artistic» : même power underground que les Swell Maps. John Morton se dit fan de Dada-euro-trash. Les Eels étaient beaucoup trop en avance sur leur époque. Ils se sont brûlé les ailes.

    Signé : Cazengler, Lancelot du Luke

    Electric Eels. The Eyeball Of Hell. Scat Records 2001

    Electric Eels. Spin Age Blasters. Scat Records 2023

    The Flies. Complete Collection 1965-1968. Acme 2000

    The Flies. Get Wise. Homestead Records 1984

    Cathal Coughlan. Song Of Co-Aklan. Dimple Discs 2021

     

     

    *

    J’ai vu la couve, elle m’a plu, par son côté outrancièrement kitch, j’ai tout de suite eu envie que l’on me lise une histoire, personne ne s’est proposé alors c’est moi qui m’y colle, je vous avertis vous risquez d’avoir peur.

    STORYTELLER

    BLACKSTAFF

    (Numérique / Bandcamp / Sept 2024)

             Black, ok vous voyez le style, ce n’est pas la bibliothèque rose, pour le staff, à boire et à manger, le personnel est un peu maigre. Se réduit à une seule personne. Ou à toute une colonie. C’est selon. Expliquons-nous, il y a de plus en plus de gars, post-metal, post-stonner, post-death, post-tout-ce-que-vous-voulez qui concoctent tout seul, dans leur coin, leur petit opus. En règle générale je ne chronique point trop ce genre de solitaires, sont à mon goût davantage ‘’genre’’ que solitaire, en gros ce n’est pas souvent original et pas très particulier. Bref Blackstaff se résume à un unique individu : Dustin Cleary. Oui mais sur son bandcamp il vous colle en toute honnêteté une liste longue comme un jour sans pain, tous les individus qu’il a rencontrés et qui l’ont inspiré, encouragé, filé un coup de main, aidé à monter son projet. D’où le terme de colonie.

             Vient de Seattle, l’a l’air d’y avoir dans cette ville une bande de groupes un peu frappés de la cafetière, ce qui n’est pas pour me déplaire. Dustin a déjà sorti deux EP et trois titres cet été qui se retrouvent sur son album.

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             La couverture est d’Adam Burke un tour sur son instagram (night jarillustration) s’impose, l’ensemble est superbe, les esprits délicats risquent d’en ressortir effrayés, entre macabre, imaginaire médiéval et fantastique… Longue table de bois, le maître de noir vêtu, de loin il ressemble à un étron, est assis à la place du roi ou de Dieu, choisissez votre option. Devant lui est posé le grimoire sacré, le public l’écoute lire une histoire. L’assistance n’est pas au mieux de sa forme, des squelettes avachis, se tiennent droit sur leur chaise mais l’on sent que dès le lecteur aura tourné le dos, ils se laisseront – dans la série tu retourneras à la poussière - tombés par terre, soyons compréhensifs, ils sont fatigués de vivre. Le plus proche de nous nous jette un regard angoissé, nous pose la question existentielle essentielle, la mort ne finira donc jamais… Au fond de l’image l’espèce de vortex calamiteux n’incite pas à la joie. Pas plus que les arbres dépenaillés qui tendent leurs bras comme un appel au secours sans espoir.

    Seidr : en gallois ce mot signifie cidre : bruits indistincts, puis une note noire qui semble vouloir s’étendre jusqu’à la fin des temps, redondante elle rebondit pour se perpétuer, ambiance lugubre, vous avez envie de refermer le livre mais coup de théâtre de sombres effluves s’en échappent, vous êtes prisonnier, comme une bolée de cidre empoisonnée que rien ne vous empêchera de boire en une longue lampée interdite, vous point l’envie de lire l’histoire interdite.

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    Cloack of stars : nous illustrons ce morceau avec la couverture du deux titres Seidr+Cloack of stars qui doit être de Maxime Taccardi (voir plus loin). Cloack ne signifie pas cloaque (tellement death metal !), question guitare ça ne baisse pas d’un cran, noir, son épais violent plus la batterie qui claque de tous les côtés, oui mais il y a en summum, une voix sludge à vous arracher les ongles des pieds, Dustin était destiné à devenir clameur, il vaudrait mieux qu’il ne clame pas trop haut because les lyrics sont inquiétants, tout ce qui est beau, grand et grandiose, peut de par la primauté qu’on lui accorde et devenir comme un Dieu et vous asservir comme du bétail. Une histoire un peu triste quand on y pense, l’on comprend mieux la tonalité écrasante de cette musique qui ne vous laisse aucune espérance. Procession of ghouls : ne fantasmez pas, dans les nouvelles fantastiques, les goules sont généralement de belles et énigmatiques jolies filles ou femmes qui se donnent à vous sans chichiter, au matin vous vous apercevez que ce ne sont que d’infâmes créatures diaboliques qui ont abusé des désirs du héros, ici aussi mais c’est présenté sous son aspect métaphysique, le côté érotique de ces nuits torrides n’est pas évoqué, vous avez l’implacabilité phonique du son qui vous avertit que l’instant est grave, et puis le chant, une espèce de sludge asthmatique, qui vous enfonce les clous de la peur dans la moindre fibre de votre chair tétanisée d’horreur, c’est la mort qui avance vers vous et vous pénètre lentement pour vous faire souffrir encore davantage, pour que vous compreniez que la vie n’est pas un chemin qui conduit à la mort, au contraire c’est la mort qui est un chemin qui s’achève dans votre vie, la batterie sonne votre déroute mentale, maintenant vous savez, cela ne vous rend pas heureux, car au moment où vous savez vous êtes mort.

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    Swarm : le morceau précédent vous donnait l’épure, l’abstraction schématique, avec celui-ci nous rentrons dans les détails. Enfin ce sont les détails qui entrent vous, des millions d’insectes, vous les entendez voler en groupe, l’essaim vous a repéré et fonce sur vous, c’est horrible, c’est terrible, Dustin grogne comme le goret que l’on allonge dans l’auge pour lui prendre la vie, silence l’on murmure à votre chair, l’on vous apprend que votre lymphe est le miel du fruit mûr et elles les abeilles qui se posent sur vous plantent leurs dards pour s’enivrer de la substantifique moelle de votre sang, si vous comptiez que l’on vous expliquerait tout ce qu’il vous arrive avec la subtile musique des sphères, erreur fractale, non l’on vous fait comprendre à grosses pelletées de doom, elles vous assènent sans pitié et sans faillir des vérités mortuaires comme des implants nécrologiques que l’on vous enfonce à coups redoublés dans votre tête.  Maxime Taccardi est un saigneur de l’illustration death Metal, nous lui consacrerons une chronique à part entière, celle-ci semble s’inscrire par ses arabesques rouges dans ses œuvres réalisées avec son propre sang, la légende, grande raconteuse d’histoires affirme que certains se disputent ses originaux pour les lécher,  cette mort qui s’avance vers vous auréolée de ses spirales sanglantes, le lecteur sera sidéré tant elle épouse parfaitement les lyrics… Worm : une ode démantibulante au ver vainqueur, vocal visqueux, batterie-pioche et riffage foreur, il est en vous, il vous désosse, il emporte en lui-même tout ce dont vous n’avez plus besoin, je ne suis que cadavre, le background comme une pelleteuse sur une fosse commune, fin de charnier, le ver a éteint ma lumière, j’en étais fier, elle irriguait le monde, subsiste toutefois cette absence de moi que le ver glouton emporte en rampant dans son ventre. Spider : vous croyez que l’histoire s’est terminée, non il reste des addendas philosophiques, entrée majestueuse, batterie hachoir, guitare suaires de plomb, une dernière moquerie, les hommes vivants aiment la mort, le mal court parmi eux comme une araignée malfaisante, ils ne la voient pas, ils se prennent pour des héros que la gloire rendra immortels, les guerriers galopent, ils se lancent les uns sur les autres, l’aragne mortelle emporte leurs corps morts dans ses cavernes ombreuses, elle suce leur sang, ils survivent un certain temps empreint d’une glaçante léthargie létale, bientôt vidés de leur substance molle, ils ne sont plus que des trophées soyeux entassés sur la toile de la mort. C’était une petite leçon de nihilisme de ma mère la tarentule aux tulles tubéreux. Thrill of the hunt : bonus track, même la mort qui vous court après peut être sympa, issu de la session 23 de l’enregistrement de leur deuxième EP trois titres Godless : musicalement ne dépare en rien des titres précédents si ce n’est peut-être la guitare qui klaxonne comme une voiture derrière vous qui demande que vous passiez au vert, le vocal aussi davantage articulé, sinon encore une histoire impie, impitoyable, la mort court après vous, vous êtes le gibier, vous ne échapperiez pas même si vous vous terrez au fond de votre lit en espérant lui échapper.

             Agréablement surpris, se débrouille bien tout seul notre Dustin Cleary. Porte pourtant un patronyme qui ne lui convient pas. Pas clair du tout, sombre, très sombre.

    Damie Chad.

     

     

    *

    Comment faire beaucoup avec peu ? La recette nous est proposée par Seb le Bison et Tony Marlow. La gageure semble impossible : comment réaliser une vidéo sur un voyage en avion vers les cieux cléments d’une île méditerranéenne quand, c’est-là où le problème se corse, on n’a pas prévu un avion dans le casting ?

    LE GRAND VOYAGE

    TONY  MARLOW

    (Official Video / Bullit Records / Juin 2024)

    Oui ils ont un avion, on ne voit que lui, un superbe bimoteur à hélices, le genre de coucou que l’on a commencé à mettre au rebut dans les années cinquante. Non je ne suis pas un menteur. C’est vrai qu’il est sur l’image dès la deuxième seconde du clip, en surimpression graphique. Puis il disparaît. Le bruit du moteur s’estompe avantageusement remplacé par la guitare de Tony Marlow. D’ailleurs le voici le Marlou, marche à pied, comme tout le monde, heureusement qu’il porte son étui à guitare, sinon de loin on ne le reconnaîtrait pas, il arpente, silhouette grise dans un beau paysage, attention la vidéo n’est pas en couleur, on est surpris : pour un extrait de l’album Cryptogenèse, l’on s’attend à une phénixiale explosion de mille feux multicolores genre poster à la Jimmy Hendrix, mais non c’est tourné en noir et blanc, vu la beauté de l’image l’on a envie de dire en argentique.

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    Petit moment de réflexion nationaliste : c’est un beau pays la France, je ne parle pas des petites villes sinistrées par le chômage ni de ces grandes agglomérations défigurées par des constructions à bon marché mais de ses paysages. De cette campagne façonnée durant deux millénaires par la main de l’homme, de cette osmose réussie entre nature et ouvrages d’arts. Ici pas de fières structures édifiées en pierres de taille, juste  un pont étroit jeté sur  un canal bordé d’arbres, ou une modeste rivière aux eaux paresseuses quasiment immobiles, que longe Tony sur un simple chemin de terre, le voici maintenant en pleine campagne sur cette longue voie vicinale déserte.

    Depuis son avion, ce sont les paroles qui l’affirment, il aperçoit des voitures minuscules, cette fois l’image est davantage surréaliste, objet insolite planté dans l’agreste décor un tabouret de bar solitaire, surgi de nulle part, hors-sol pourrait-on dire même si ses pieds reposent sur la terre, esseulé le trône à pastis semble attendre qu’un passant veuille bien faire cas de lui. Tony ne se refuse pas à l’appel de ce siège, si les objets inanimés ont une âme lamartinienne, peut-être se sent-elle cette chaise curule désertée comme un chien abandonné et éprouve-t-il l’intense ferveur nostalgiques des apéros de comptoir… Voici Tony, étui ouvert, guitare sur le giron, acoustique bien sûr, aucun pylône électrique dans les parages où se brancher, il gratte et il tourne sur lui-même, de fait c’est l’image qui tourbillonne, presque un miracle, la statue de Marlow semble mue dans un étrange tourbillon, dans le ciel tout là-haut, un éclair de soleil jaune salue ce miracle.

    Du coup l’on retrouve Tony en ville, il déambule sur une piste cyclable, voudrait-il, lui le rocker, lui le biker, nous faire accroire que c’est ainsi que l’on vit dangereusement, en tout cas la ville déserte s’anime, Marlow marche prudemment comme sur des œufs sur un large trottoir, mon dieu toi qui n’existes pas, que se passe-t-il, aurions-nous trop insisté lors de l’apéritif, le Marlou se dirige vers nous mais les voitures filent à reculons, Marlow sourit,  un rocker en perfecto, se porte à sa hauteur, hélas lui aussi est pris de cette bizarre dérive reculatoire et il disparaît dans les limbes de la pellicule, l’est aussitôt suivi d’un deuxième individu qui, encore un, est happé en arrière par cet étrange vortex inexplicable… tiens une jolie fille, va-t-elle être aussi accaparée par cet extraordinaire phénomène, non le pouvoir sensoriel de Marlow la garde à ses côtés, mais au plan suivant elle n’est plus là, les habitants de cette cité sont tout de même touchés par cette étrange maladie de la vache folle ou de la brebis galeuse, pour échapper à cette étrange épidémie contaminatoire l’on ferme les yeux et l’on en profite pour apprécier le long solo de guitare de la bande-son, tiens tout ( enfin presque) rentre dans l’ordre. En voici deux qui sont guéris, d’ailleurs ils s’enfilent dans la salvatrice porte  d’un café ils ont sûrement besoin d’un remontant, le Marlou les imite, l’a beaucoup arpenté, l’a besoin de reprendre quelque force, surprise, couleurs, nous voici bien au chaud à l’intérieur de L’Armony, bar émérite de Montreuil cité rock, sont attablés autour d’une table,

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    tous les quatre, on les reconnaît, Amine Leroy gratouille sa big mama, Jacques Chard caresse sa caisse claire, Tony est plus intéressé par le poster géant de Marilyn que par sa guitare, ils ne font même pas semblant de jouer en playback, mais l’on s’en moque, on se repose de notre grand voyage en contemplant la dégaine incomparable d’Alicia Fiorucci que comme par hasard Seb le Bison, le producteur avisé, a placée au premier plan.

    Damie Chad.

     

     

    *

             Les mésoPOPtamiens disaient qu’il suffisait de traverser l’EuphKRAFTe pour être heureux, si l’on en croit Xénophon qui en des temps antiques mena l’épopée des Dix Mille en ces lieux hostiles, l’aventure peut s’avérer périlleuse, aussi vais-je vous mener dans une contrée plus douce à laquelle vous accèderez en quelques clics.

    POP POPKRAFT (FB)

    HISTOIRE DU ROCK GARAGE

    (Voir aussi Art Pop CreationFB)

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             J’y suis tombé dessus par hasard, un pantin de bois qui s’agitait, j’ai failli ne pas m’arrêter, les gamins qui rêvent de Pinocchio, très peu pour moi, feraient mieux de relire le Timée de  Platon, oui mais il y avait un truc rond au fond de l’image qui tournait, toutefois dans mon cerveau élémentaire, la traduction s’est faite, un truc rond qui tourne, avec un peu de chance c’est un tourne-disque. Je ne m’étais pas trompé, j’ai aperçu l’icône du haut-parleur barrée, j’ai mis le son, mais ce n’est pas mauvais, ne serait-ce pas du rock, bingo, j’avais gagné ! Deuxième surprise en descendant légèrement le fil, le même ostrogoth dans son tricot gris glissait une rondelle vinylique sur son appareil, encore du rock, et du bon, cela méritait écoute et attention.

             Mea culpa, je ne l’ai pas fait exprès, je ne recommencerai pas si je mens que Belzebuth me butte et me catapulte en Enfers ! Je rassure tous les écologistes, non l’Opérateur, ou plutôt le rockpérateur, n’a pas bousillé un séquoia ou déraciné un baobab pour sa figurine qui doit faire cinq centimètres, elle n’est pas en bois, l’a confectionné avec de la pâte à papier et du carton. Ainsi que tout le décor, un salon avec fauteuils et canapés, les meubles et tous les petits détails qui vous rendent un lieu particulièrement agréable, les murs recouverts d’affiches de concerts, ou par exemple le cendrier, en plus dans certains épisodes il est rempli de cadavres alanguis de cigarettes, tristes et déplorables exemples d’incitation à la débauche, vous savez avec les amateurs de rock il faut s’attendre non pas à tout mais au pire, prions pour la santé mentale des mineurs qui visionneraient les épisodes.

             Car oui, nous sommes sur le FB d’un obsessionnel du rock’n’roll, à chaque jour ne suffit pas sa peine, quotidie, dixit Caesar, il rajoute un nouveau chapitre à cette saga. Le principe est simple, un groupe, un titre, quelques explications. Nous n’avons pas affaire à ces insupportables animateurs de radio qui parlent sur les titres, n’ouvre pas la bouche, s’exprime par bulles comme les poissons-rouges ou les bandes dessinées. Entre nous soit dit, cela doit lui prendre un temps fou et demander un esprit minutieux. Un aspect de La Pop Culture que j’ignorais qui aurait enchanté l’amie Patou qui aujourd’hui n’est plus là, doit se balader sur l’autre rive accompagnée de ses chats…

             Allez-y voir sans problème, attention c’est terriblement addictif, à ce jour d’aujourd’hui (9 septembre) il vient de poster sa soixante-huitième livraison, pour vous mettre l’eau à la bouche j’ai relevé l’intégralité, si je n’en ai pas oublié, des artistes passés en revue, je n’ai pas mis le titre précis, à vous d’aller le découvrir : Sonics, Saints, Ramones, Cynics,Richard Hell and the Voidvoid, Dream Syndicate, 13 Th Floor Elevator, Plan 9, Seeds, Joy Division, Thee The Sees, Hoodoo Gurus, Dogs, Mono Men, Fuzztones, Velvet Underground,  The Senders, Wilco, Doors, Love Screaming Trees, Eels, Link Wray,  The Nomads, DMZ, The Animals, Tom Petty, Bob Dylan, White Stripes, Tim Buckley, Willie Dixon, X, The Music Machine,  Roy Orbison, Ty Segall, The Chocolate Watchband, Johnny Kids and the Pirates, Ike & Tina Turner, Motör Head,  Beatles, Vince Taylor and his Play-Boys, Psistepinkko, Walkabouts, John Spencer Blues Explosion, Smashing Pumpkins, Them, Wire, Elvis Presley, Modern Lovers, Thugs, Screaming Trees, Nick Drake, Woven Hand, Echo and the Bunnymen, The real Kids, Small Faces, The Celibates Riffles, Buzzcocks, creation, The Litter, Creation, Television Eddie Cochran… ils ne sont pas dans l’ordre, il y en a un dans ma liste manuscrite que je n’ai pas réussi à relire !

             Originalement rock !

    Damie Chad.

    1. S.: pour ceux qui veulent tout savoir, vous avez de temps des tutos dans lesquels vous sont livrés les secrets de fabrication.

     

    *

             Au début de ce mois nous présentions le premier titre du nouvel EP de Two Runner, vient de paraître le second extrait qui donne son nom à l’opus.

    LATE DINNER

    TWO RUNNER

    (Official Music Video de Nick Futch / 13 - 09 – 2024)

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             Un jeu stupide : regarder une Music Video sans mettre le son. Rien de surprenant : une fille qui rentre à la nuit tombée, une qui l’attendait en lisant. Tout de suite Paige et Emilie sur le divan en train de jouer, par intermittences ensuite, car Paige prépare un repas, végétal et sans surprise, des espèces de tartines au fromage qui seront posées sur la table auprès d’assiettes remplies d’une sauce brunâtre, heureusement que l’on entrevoit un plat de ce qui doivent être des biscuits pour le dessert, je ne voudrais pas la ramener avec ma petite et prestigieuse science nationale culinaire de petit froggie mais ce repas vraisemblablement végétarien ne m’ouvre pas l’appétit, d’ailleurs si elles ont allumé des bougies elles restent chacune à leur tour prostrées devant  leur assiettes pensives sans toucher à la nourriture, l’on sent le dépit,  un petit mot d’amour est déchiré, brûlé, réduit en cendres, mais tout change elles sautent de joie et tout à leur entrain elles s’en vont danser sur le perron de la maison.

             Si vous n’êtes pas tout à fait crétinoïde vous avez compris la morale de cette histoire : un seul être vous manque et cela ne vous empêchera pas de faire la fête et de continuer à vivre.

             Nous sommes désormais prêts pour écouter la chanson :

    Paige Anderson : vocals, guitar, banjo, composition  / Emilie Rose : vocals, fiddle/ Ben Eaton : upright bass.

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    Ben Eaton, d’un bout à l’autre fournit le bruit de fond, il suit le rythme de si près comme le chien qui marche dans l’ombre du maître, il le fortifie lorsque la cadence s’accélère il devient alors tourbillon de feuilles mortes que le vent de l’automne emporte et laisse tomber inanimées sur le sol, Emilie ferme souvent les yeux, son violon tour à tour agonise et festonne la mélancolie des jours passés et à venir, tous identiques, qui se suivent et ne se ressemblent pas, la voix de Paige bouscule la donne, de l’écheveau de l’évidence des rêves et du vécu elle tisse un drame antique, elle métamorphose une comédie amère en fusion destinale, l’on ne sait plus s’il faut en rire ou en pleurer, il existe une telle différence entre les routes de la réalité vivante et la voie du songe absolu que notre esprit n’arrête pas de poursuivre sans fin. Ne sommes-nous pas, les deux à la fois, Ulysse luttant contre les vents contraires et la longue patience de Pénélope tirant les fils des songes infinis. Tout cela Paige l’écrit avec des mots simples qui n’en finissent de créer de subtiles résonnances en l’âme des choses qui ne sont plus et de celles qui subsistent, en un autre plan ontologique.

    Vous reprendrez bien un morceau de gâteau, farine de tristesse, sucre des jours heureux et cerise à l’eau de mort…

    Superbe composition.

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    Damie Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 585 : KR'TNT 585 : TONY MARLOW / JON SPENCER BLUES EXPLOSION / DAVE DAVIES / LIAM GALLAGHER / SETTING SON / BLACK SKY GIANT / ICHI-BONS / ROCKAMBOLESQUES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 585

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    26 / 01 / 2023

    TONY MARLOW / JON SPENCER BLUES EXPLOSION

    DAVE DAVIES / LIAM GALLAGHER

    SETTING SON / BLACK SKY GIANT

     ICHI-BONS / ROCKAMBOLESQUES

    Sur ce site : livraisons 318 – 585

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://krtnt.hautetfort.com/

    Marlow le marlou - Part Three

     

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             Si tu veux tout savoir sur Tony Malow, le plus simple est de lire sa fulgurante petite autobio parue dans Rockabilly Generation. Mais il faut aussi écouter les albums car ils jettent une sacrée lumière sur cet incroyable artiste qui a su traverser toutes ces décennies en restant fidèle à l’esprit rockab le plus pur. Les ceusses qui le critiquent sont comme d’habitude les ceusses qui n’ont pas écouté les albums. Toujours la même histoire. Une autre info en forme de petite cerise sur le gâtö : ses meilleurs albums sont produits par Marc Zermati.  

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             Dans un Part Two, on a déjà dit tout le bien qu’on pensait du 1,2,3… Jump des Rockin’ Rebels (Underdog 1982) et tout le mal qu’on pensait de leur premier album Rockin’ Rebels paru en 1979. Coincé entre les deux, tu as Frogabilly, paru aussi sur Underdog, un label monté par Dominique Lamblin et Marc après la première disparition de Skydog. Sur la pochette, les Rockin’ Rebels sont quatre, assis sur leurs motos, et à gauche, tu as le Marlou qui ne s’appelle pas encore Marlow. Il ressemble beaucoup à Robert Gordon. Et tu l’entends vite rafler la mise dans «Panhandle Rag» : il y joue la pompe manouche, et à l’époque, tu n’as pas beaucoup de gens capables de sortir un tel son sur la scène rock en France. On a un fantastique son de rockab dans «Dig That Crazy Beat», ça swingue sous l’Underdog, ça te boppe sur l’haricot, c’est excellent, on sent la patte de Marc à la prod. Encore un petit joyau rockab avec «Boogie Baby» et ils nous emmènent en B à la fête foraine avec «Gunfight Bop», excellent pulsatif vrillé de petits solotages d’apanage. Ça swingue encore dans «Rockin’ The Swamp» et le Marlou rend un superbe hommage à Carl avec «Hey Mr Perkins». Oh ils savent swinguer le Carl, hey hey Mr Perkins ! Oh daddy-O-rock !

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             On passe aux choses très sérieuses avec ce World Rocking paru sur Skydog en 2001. On le sent dès l’aéroport, comme dirait Nougayork, dès «Rock-A-Like That», ça joue sec et net dans le Skydog way of life, avec un solo claqué dans l’enfer des portes qui claquent. Le coup de génie de l’album est un autre Rock-A, «Rock-A-Bye Love», claqué aux heavy chords de wild Rock-A. Le Marlou casse bien la baraque, avec un slap pris dans la couenne du son. Marc Z et le Marlou abattent un travail de titans. Encore un joli coup de Jarnac avec «House Rocking (With A Texas Troubadour) Pt1» : le Marlou entre dans son pré carré. Il joue tout simplement comme un dieu.  Dans «Wild Cat On The Loose», il fait rimer ruby shoes avec cat on the loose, c’est remarquablement bien tenu en laisse. On le voit encore jouer all over «60 Thousand Feet», c’est ultra-drivé, ces mecs sont tous des virtuoses et le Marlou tisse une dentelle sempiternelle. Ils font bien le train avec «South-A-Bound Train», pas de problème. Encore un cut illuminé avec «House Of Swinging Lights». C’est dingue le terrain qu’ils parcourent, le Marlou chante sur la crête du son. Cet album est une merveille. Il passe au heavy swamp-rock avec «Crocodile Swamp», c’est excellent, dans la veine de Suzie Q. Puis il passe sans transition au gospel batch avec «Sunday Morning», mais avec du swing. I feel so good ! Il termine avec le heavy drifting d’«Here Comes The Drifter» et du yodell à gogo, puis avec un clin d’œil à Bo avec «Stampede». Sur ce coup-là, il des accents d’Elvis. Son impeccable, comme toujours sur Skydog.  

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             On reste sur Skydog avec les Rockin’ Rebels et Elvis Calling. En amuse-gueule, tu as une fantastique cover de «My Baby Left Me». On se croirait chez Uncle Sam, la voix en moins, mais le Marlou claque bien sa chique et ça reste une sacrée chique. Il ramène tout le stamina de la version originale. L’autre stand-out cut de l’album est sa cover de «Guitar Man». Il est dessus. Toutes ses covers d’Elvis sonnent juste, sauf peut-être «Burning Love», plus difficile à chanter. Il prend aussi «Gentle On My Mind» trop haut au chant, il est trop parisien, trop Batignolles sur ce coup-là, il passe à côté, il ne se profile pas assez. Par contre, son «Baby Let’s Play House» est une petite bombe, il est dessus avec une extraordinaire vitalité du son. La Marlou grimpe là au sommet de son art. Avec «I’m Coming Home», il tombe dans l’extrême beauté de l’Elvis mood. Là ça devient sérieux, c’est plein de son et d’esprit, d’une invraisemblable aisance, il claque des solos de contrefort qui illuminent la fête foraine, c’est du pur génie, il t’emballe si tu es une femme. Il fait aussi une belle version de «Come On Everybody». On le sent fabuleusement impliqué et en guise de cerise sur le gâtö tu as le solo flash du Marlou. 

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             Les deux premiers albums de Betty & The Bops sont aussi parus sur Skydog et comme les deux précédents, ils sonnent comme des passages obligés. Le premier qui n’a pas de titre s’appelle donc Betty & The Bops. On les voit tous les quatre sur la pochette et le Marlou gratte une belle gratte rouge. Ça démarre sur un bruit de moteur et Betty chante à la régalade pendant que le Marlou veille au grain. Puis ils passent au pur rockab avec «Good Rockin’ Mama» et un slap de rêve. Le coup de génie de l’album s’appelle «My Hand Some Man», un joli rockab attaqué de biseau. Terrific ! Avec du sax dans l’encoignure. Ici, le slap dicte sa loi. C’est tellement parfait que ça sonne comme un classique de 1956, avec un beat entêtant et les attaques restent biseautées jusqu’au bout, ça file à la cravache. On se régale aussi de la grosse intro d’«All Night Long». Ces mecs savent lancer une machine. Sur «Rockabilly Girl», le Marlou fait sa presta en clairette de Gibson rouge et il décroche le pompon. Le slappeur fou s’appelle Dominique Gimonet, il vole le show sur «Jump Jump» et «Hi Fi Baby» - He’s my baby/ I don’t mean maybe

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             Fantastique album que ce Pin-Up Confidential qui date de 1995. Démarrage en trombe de slap avec «Swimmin’ Through The Bayou». Toujours Gimonet au slap et la prod de Marc Z.  Tu as tout de suite la pulsion définitive, même si c’est monté sur le plus vieux riff du monde. Ils t’embarquent tout simplement en enfer. Et ça continue avec «Come On», toujours au paradis du slap, quel punch, tu le prends dans le ventre, come on ! Betty est magnifique, c’est rond et c’est pas carré, ça joue au pulsatif entre tes reins. On reste dans le pur jus de rockab avec «On A Rocky Road», bien visité par le Marlou. Il repartent plus loin de plus belle avec «Spanish Jungle». le Marlou y claque un solo d’intermittence et ils passent au swing avec «Ida Red». Le Marlou y sort ses plus beaux accords de jazz, il joue en filigrane dans la texture du swing, il mène le bal, c’est un géant. Il claque «Who’s Been Foolin’ You» à coups d’acou. C’est un heavy boogie blues de bienvenue, le Marlou claque ça sec aux chorus inventifs. Il est très certainement l’un des grands guitaristes du XXe siècle. The wild cats are back avec «Snake Eyed Boy». C’est lui qui chante ce pur rockab d’antho à Toto.   

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             Dans le Part Two, on a dit tout le bien qu’on pensait d’Hot Wheels On The Trail, avec le fantastique son Sfax. Retour sur Skydog en 2007 avec le premier album solo de Tony Marlow, Kustom Rock ‘N’ Roll. Extraordinaire album, il faut bien l’avouer. Pour la pochette, le Marlou grimpe sur sa bécane et se fait une petite banane. Il n’a vraiment pas besoin de la ramener, car tout le son du monde est là, dès le «Booze Fighters» d’entrée de gamme. Le bruit et la fureur ! Encore signé Marc & Tony. Ça pulse à cent à l’heure, ce démon joue à la vie à la mort, il fait couler des rivières de diamants. On imagine Marc dans sa cabine avec des yeux ronds comme des soucoupes, face au spectacle de ce guitariste. Eh oui, ces deux-là ne font que des bons albums. Il s’agit sans doute d’un cas unique en France. C’est tout de même incroyable que Marc ait soutenu le Marlou jusqu’au bout, allant même jusqu’à ressusciter Skydog pour sortir ses albums. Et puis voilà «The Missing Link» que le Marlou explose. Il explose tout ce qu’il touche, le swing, le rockab. Il pose bien sa voix sur le heavy pulsatif d’«Hot Rocking Mama» et ça devient vite génial. Le slappeur fou s’appelle Frank Abed. Avec «Cliff & Dickie», le Marlou rend un hommage vibrant aux Blue Caps. Il fait de la haute voltige et il en a les moyens. Puis ils s’en vont slapper «All Aboard» dans la gueule du loup. Le Marlou claque ensuite «Lonesome Rider» à la main lourde. Tout ce qu’il propose est bon, il chante au guttural de biker de banlieue puis il prend feu avec «Foolish Girl». Encore une fois, il est certainement le meilleur guitar slinger du continent. Il sait tout faire. Hommage à Chucky Chuckah avec «Uncle Berry», très haut niveau, il ramène tous les gimmicks. Tiens voilà un drum cut, «In Search Of Drums City», avec un Marlou en maraude, c’est du stash de jazz, mais avec un power considérable. Tu vas de surprise en surprise sur cet album. Il tombe plus loin sur le râble de «Big Sandy». Il te le claque derrière les oreilles, le Marlou est une brute magnifique, il enfonce bien le clou du before I die. Il termine cet album fantastique en mode doo-wop avec «Good Days Are Gone». Les chœurs sont marrants, ils font bomp bomp bomp comme des estomacs trop sollicités. Le Marlou s’amuse bien.

             Il y a un DVD avec l’album. Et pas n’importe quel DVD, un DVD Skydog ! On y trouve pas mal de choses intéressantes, notamment le clip de «The Missing Link» : un trio tape un coup de Surf craze incognito. Ils portent tous les trois des masques de catcheurs mexicains. Le guitariste joue sur une Dan Electro. Mais quand ils enlèvent leurs masques, ils sont tous les trois des Marlous. C’est donc un subterfuge. Et l’occasion de se souvenir que le Marlou faut autrefois un batteur. Le DVD propose ensuite un concert filmé à Boulogne en 2006 : le Marlou est accompagné sur scène par batteur et Betty Olsen à la stand-up. Le Marlou semble avoir grossi, en tous les cas, il porte un gros pantalon rouge qui ne l’amaigrit pas et il joue sur la Gretsch rouge assortie. Il nous fait le grand show Sun et montre à quel point il est un guitariste exceptionnel. Il joue son «Mystery Trrain» avec une délicatesse extrême, il n’en rajoute pas, ses figures de style sont tout bonnement des chefs-d’œuvre de dentelle de Calais. Jamais deux fois le même plan, byzantisme et fluidité à tous les étages en montant non pas chez Kate, mais chez Chet. Il élève encore le ton pour rendre un nouvel hommage à Elvis avec «My Baby Left Me» et comme si cela ne suffisait pas, il aligne le B-side, «Blue Moon Of Kentucky». Il est incroyablement crédible. Par contre, le «Stray Cat Strut» ne marche pas. Et avec la mèche qui lui tombe sur le front, il finit par ressembler à Jerry Lee. Exactement le même profil de killer. Espérons que tous les fans du Marlou aient pu voir ce concert, même en DVD. Car quel crack !

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             On reste sur Skydog pour l’excellent Knock Out qui date de 2009. Encore un album de Guitar Man et notamment une cover géniale de «Born To Be Wild», géniale car amenée au beat rockab - Hey baby/ Won’t you take a ride with me - Hommage suprême - Get the motor running - Il le prend à la bonne et l’arrose d’accords mortifères. Encore un cut de Guitar Man avec «Run Away From You», un petit groove bien cavalé et qui prend feu. Il fait encore la loi avec «Guitar Slinger». Tony Marlow est certainement le grand Guitar Slinger d’ici bas. Il claque sans peur et sans reproche. C’est un démon. Côté rockab, on est bien servi, tiens par exemple avec «Lou Cipher’s Place», il est en plein dans l’esthétique rockab avec des solos tirés à quatre épingles. Le slap fait des ravages dans «Get Krazy», pure rockab madness ! - Get krazy all nite long - C’est un véritable coup de génie, digne de Charlie Feathers et de Johnny Powers. On reste dans l’excellence rockab avec «Just The Talk Of The Town», ça te danse dans les oreilles, le slap d’Andras Mitchell est juste derrière le Marlou. Avec «Action Baby», il fait de l’Americana du Kentucky des Batignolles. Superbe ! Les autres cuts sont plus rock’n’roll, comme par exemple «A Furious One» qui porte bien son nom, joué vente à terre, ou encore «Fifty Nine Club» plutôt endiablé. N’oublions pas de saluer le «Ridin’ To The Ace» d’entrée de gamme que le Marlou chante à la glotte charbonneuse. Comme c’est enregistré chez Lucas Trouble et produit par Marc Z, tu as le meilleur son du monde. Mais ce sera le dernier album du Marlou sur Skydog.       

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              Avec Rockabilly Troubadour, il entame sa période Rock Paradise : deux albums solo et deux albums avec K’ptain Kidd, un tribute band à Johnny Kidd. Quand on le voyait chanter «Rockabilly Troubadour» sur scène, on ne le prenait pas vraiment au sérieux, sans doute parce qu’il chantait en Français. Et puis quand on écoute l’album, c’est complètement autre chose. Il cogne à la française et c’est assez demented. Peu de gens peuvent suivre. Ses solos frappent comme l’éclair. Ses textes en Français font le poids, ça dépote, avec de l’amour enchaîné et du nervous breakdown. En fait le Marlou s’impose comme poète du cuir et du baston dans «Le Cuir Et Le Baston» - Métro Simplon/ Pour une embrouille à deux francs - Il fait ce que Charles Trénet faisait en son temps, il chante soir et matin - Le début des rebelles/ Et on avait la vie belle - Il revient au rockab avec «L’ivresse». Mais contrairement au son Skydog, le slap est ici assez discret. Fatale erreur. Il devrait être à l’avant du mix. Le Marlou surprend encore avec son wild solo de clairette dans «Debout». Retour au rockab avec «Le Garage» - Sous le capot, ça tambourine - Rien de tel qu’un garage pour voir monter la température de la voisine. Il fait tout rimer avec garage. Avec «Le Prochain Train», il salue Johnny Burnette. Le Marlou va le chercher les yeux dans les yeux, il claque son train en français et passe des solos de clairette - Accident lumière blanche/ Je me sens bien - Il fait un «Get The Motor Runnin’» en deux parties - C’est pas l’enfer ici/ Pas non plus le paradis - et passe au fast rock’n’roll avec «Laissez-Moi Dormir» - Hey hey hey laissez-moi dormir - Il tape dans le tas, il chante dans le feu de l’action, c’est très puissant.  

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             Dans Surboum Guitare, on trouve un cut qu’il faut bien qualifier de mythique : «Quand Cliff Gallope». C’est l’hommage suprême au Gallopin’ Cliff Gallup. Le Marlou peut se permettre de jouer avec le feu. Quel swing ! - Cliff Gallup go bop go ! - Il sait même jouer le Gallup, comme d’ailleurs Jeff Beck. Autre pièce de choix : «Et La Fuzz Fut». Le Marlou finit par taper le big fuzz out. Encore un hommage de choix à Carl Perkins avec «Guitar Show» qui est en fait le vieux «Movie Magg». C’est un petit chef-d’œuvre d’Americana. Avec «Les Guitares Jouent», il adapte Lee Hazlewood en français, mais ça ne marche pas. Sans doute le côté trop Batignolles, trop volontariste. Avec «Tu Me Quittes», il fait l’Elvis de «My Baby Left Me» au slap, il tente le coup et ça passe. Le Marlou se dit bienheureux, il claque ses chords à la volée, il est rayonnant. Avec «Au Rythme Et Au Blues», il repart dans le Chucky Chuckah, on se croirait chez les Stones. Retour à son terrain d’excellence avec «Le Swing Du Tennessee». Le Marlou est unique en son genre, il engage de sacrées guerres intestines avec le slap. Comme il ne se refuse rien, il tape dans Duane Eddy pour «Jerk & Twang». T’en connais beaucoup des guitaristes français de ce niveau ?

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             Et puis voilà les deux tribute albums à Johnny Kidd. Le Marlou porte le patch du Kidd et monte K’ptain Kidd avec Gilles Tournon (bass) et Stephane Moufler (beurre) en 2015. C’est le morceau titre qui ouvre le bal de Feelin’, au pur baby baby de dark piraterie. Killer en diable. Il fait du heavy boatin’ de la flibuste sur «I Can Tell», il reprend le contrôle du love me no more, il croise avec ses hommes en mer des Caraïbes, ils sont marrants, ils se prennent pour des vrais pirates. Le Marlou s’est crevé un œil pour la pochette. Du coup il joue comme une bête. Il tape dans le dur des Portugais avec cette belle mouture de «Shakin’ All Over». Il est parfait dans l’idoine. Copie conforme. Il tape «Weep No More My Baby» d’une voix de Marlou, c’est joué à la pointe du fan club. Il tape encore dans l’excellence avec «Doctor Feelgood», mais Mick Green n’est pas là, même si le Marlou multiplie les attaques de piraterie. Il ramène une autre énergie qui est la sienne. Il est trop parisien pour faire l’Anglais. Dans ses pattes, «Longin’ Lips» devient une belle énormité. Il prend le chant d’«I Just Wanna Make Love To You» avec un courage indiscutable. C’est heavy et plein de jus. Puis il nous pulse un «Please Don’t Touch» au génie pur, il l’explose autant que le fit Lemmy en son temps, il le tape à la hargne pure. Il couve son groove sous la cendre, c’est une spécialité. Il termine avec une version française du Shakin’, «Le Diable En Personne». Il adore cogner dans les tibias.

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             Le deuxième album s’appelle More Of The Same et paraît la même année. Sans doute a-t-on avec ces deux albums le plus bel hommage à Johnny Kidd, en tous les cas le «Goin’ Back Home» est un véritable coup de génie. Le Marlou plonge dans la démesure de la flibuste avec une délectation extrême. C’est tellement pilonné qu’on croit entendre des rafales de coups de canon. Le Marlou outrepasse ses droits, il allume comme vingt bouches à feu. Il faut saluer son génie sonique. Même chose avec «Some Other Guy», tiré d’une rare BBC session pour une séance de heavy Kidd. Troisième bombe : «Castin’ My Spell» qu’il claque à la clairette de Tele. Le Marlou est diabolique, un vrai Barbe-Noire, il ravage tout, il est l’Attila de la flibuste. Il fait le tour du propriétaire, pas de problème. Avec «Restless», il épouse la moiteur des cuisses, il plonge dans le kitsch de fête foraine à coups d’accords de concorde. Tout ce qu’il joue est pur. Retour au swing avec «Bad Case Of Love» et il fait son Elvis sur «Ecstasy». Avec le temps, il a fini par apprendre à poser sa voix.   

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             Et pour finir ce petit panorama en beauté, voici l’album sans titre des Bandits Mancho paru sur Skydog en 2002. Big album de swing ! Le Marlou te met au parfum avec une entrée de gamme en forme de triplette de Belleville : «Nocturne Swing»/ «Pourquoi»/ «Paris Boogie». Welcome ! Doo wap bap-bap, ce démon de Marlou doo-woppe la Bastoche au bop-bop de swing fastoche, Frank Abed slappe et Gilles Ferré saxe. Avec «Pourquoi», tu as le meilleur swing de chaussettes et de cacahuètes, c’est le summum du swing, avec le solo de sax - Je ne veux que toi/ Tu ne veux que moi/ Je suis fou de toi/ Tu es folle de moi/ Mais ça ne colle pas/ Pourquoi ? -  Avec «Paris Boogie», il passe au swing de la Porte de Saint-Cloud, au swing de quel gâchis à Parmentier, il claque des solos déments et redore le blason de la poésie de Paris. Dans «Sammy La Débrouille», il fait son Verlaine - Dimanche matin aux Puces de Saint-Ouen/ Y’a de la chine dans l’air/ Vazy que j’t’embrouille/ Ni vu ni connu c’est Sammy la Débrouille - Il joue aussi avec le feu dans «Zazie & Le Zazou», car Zazie n’est pas zen au métro Saint-Lazare. Il fait tout le cut au Z de Zazie, du zoom au zizi en passant par la zizanie, c’est du pur zus, Zazie elle fait des bizous, mais le zig il veut du zazou. Et ça part en drive de zigounette et de zigouigoui. Fabuleux vent de liberté ! Pur Dada ! On le voit ensuite swinguer la petite Italie avec «Prima Donna». Il connaît tout et Marc Z lui amène une fabuleuse orchestration. Là tu as tout, même la Nouvelle Orleans - Au pays des Bandits Mancho/ Tout le monde est rigolo - Pur jus de Marlou - Ça balance terrible/ Dans la Petite Italie - Encore une fantastique leçon de swing avec «La Poupée De Magazine» : Slap + jazz guitar + sax, là c’est du sérieux. Marc Z est sur le coup. Fantastique leçon de swing. Swing toujours avec «Du Bon Côté» - Prends la vie du bon côté/ C’est une chouette philosophie - Hommage à la booze avec «J’vais M’en J’ter Un Derrière La Cravate». Il fait rimer la cravate avec l’alcool de patate, c’est un seigneur du swing - J’aime mieux ça que de m’casser une patte - et le Marlou part en vrille de swing. Il finit avec un autre coup de génie swing, «J’ai J’té La Clef» - C’est ça qu’est bon/ C’est ça qu’est bon - Il dit qu’il a j’té la cléf dans l’tonneau d’goudron, ah oui c’est bon, le Marlou est content, ça s’entend, il faut voir comme ça swingue ! C’est ça qu’est bon. Il naviguait alors dans les mêmes eaux que l’early Sanseverino. Magnifique artiste.

    Signé : Cazengler, Tony Marlourd

    Rockin’ Rebels. Frogabilly. Underdog 1980

    Rockin’ Rebels. World Rockin’. Skydog 2001 

    Rockin’ Rebels. Elvis Calling. Skydog 2005 

    Betty & The Bops. Betty & The Bops. Skydog International 1992 

    Betty & The Bops. Pin-Up Confidential. Skydog International 1995  

    Tony Marlow. Kustom Rock ‘N’ Roll. Skydog 2007

    Tony Marlow. Knock Out. Skydog 2009        

    Tony Marlow. Rockabilly Troubadour. Rock Paradise 2013   

    Tony Marlow. Surboum Guitare. Rock Paradise 2017 

    Bandits Mancho. Les Bandits Mancho. Skydog 2002

    K’ptain Kidd. Feelin’. Rock Paradise 2015

    K’ptain Kidd. More Of The Same. Rock Paradise 2015

     

     

    Spencer moi un verre, Jon - Part Three

     

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             On aurait pu surnommer Jon Spencer The Fantastic Prolific. Pendant vingt ans, cette espèce de projet conceptuel baptisé The Blues Explosion a alimenté les bacs des disquaires. Sans compter tout le reste qui a fait l’objet d’un Part Two. Ce trio qui passa de statut de Jon Spencer Blues Explosion à celui de JSBX prit dans les années quatre-vingt-dix l’allure d’un Graal. Le JSBX ne s’inscrivait dans aucune lignée. Leur grande force fut de créer un style de hot sharp shit à base d’exactions et de c’mon ! Look, son, modernité de ton, il ne leur manquait absolument rien pour devenir énormes. Ils remplissaient l’Élysée Montmartre. Jon Spencer fut à l’âge d’or du JSBX une parfaite réincarnation d’Elvis. Il portait d’ailleurs un ceinturon à boucle marquée Elvis. Et comme Elvis, Jon Spencer est non seulement un shouter hors normes, mais aussi l’un des hommes les plus iconiques de sa génération. Autant dire que ces vingt années de BXmania furent passionnantes. On guettait la parution de chaque nouvel album avec de la bave aux lèvres.

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             Premier filet de bave avec le sobrement titré The Jon Spencer Blues Explosion. Jon Spencer est passé de Pussy Galore au JSBX sans rien changer. Trash-boom à tous les étages. Le son, la dégaine, le mépris des lois, la délinquance latente, la sale teigne, tout est resté intact. L’album ne compte pas moins de deux coups de génie, «Rachel» et «Chicken Walk». Jon Spencer tape sa Rachel au rumble de hard boogie. Ils défoncent Rachel tous les trois à coups de raw to the bone, et ça hurle à la bravado. C’est du pure génie d’interpolation, ça râpe du raw dans la pression du boogie. Encore du pur jus de raw avec «Chicken Walk», ya ya ya, Jon Spencer rappe ses vocaux au gras du bide, ouh ! Let’s go ! il folâtre dans les culottes de cheval, c’est un vrai lièvre, il chante au sec et net, il a déjà tout le JSBX dans les mains, tout le scream d’apoplexie. Infernal ! Russell Simins se tape la part du lion dans «Eliza Jane» et «Biological», deux cuts de batteur : il bat ça à la diable comme Baba Chanelle. Pas de pire pilon que Russell Simins. Attention au «Write A Song» d’ouverture de bal. Ce genre de cut donne le ton d’un nouveau genre. Les journalistes vont l’appeler blues-punk. Mais ça va beaucoup plus loin que ça. Jon Spencer pousse le trash dans les épinards, il ne respecte rien. C’est battu à l’alternative. Il dit qu’il write a song, tu rigoles ? Il est complètement possédé, il hoquette du yeah yeah yeah comme un messie victime d’une embolie. Il enchaîne avec un «IEV» ultra violent, un vrai coup dans la gueule. Impossible de l’éviter. Pas la peine d’épiloguer. Si on aime les solos de guitare en forme de glou-glou dubitatif, alors il faut écouter «78 Style». Jon Spencer sait aussi s’exacerber, il peut refaire l’Artaud du Jugement de Dieu, il plonge son rock dans l’extrémisme rougeoyant. On tombe plus loin sur un «History Of Sex» claqué aux pires enclaves du conclave. C’est tendu et barré. Par contre, voilà un «Comeback» tapé au dépouillé de la dépouille. Les JSBX sont les princes de l’exaction. Ils emmènent leurs cuts au bagne du rock, pour qu’ils en bavent. Ils rockent leur hot sharp shit en toute connaissance de cause. Jon Spencer passe son temps à tartiner du heavy glissando de loneliness. Et ça va continuer ainsi pendant au moins douze albums. Bon courage, les gars !

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             Crypt-Style sort sur Crypt en 1992. On y retrouve tous les coucous du premier album, «Rachel», «Chicken Walk» et bien sûr «‘78 Style» avec son rentre-dedans et son solo à l’étranglette aigrelette. Ici tout est formaté pour blow-outer les usages, le JSBX sonne comme un destin auquel personne ne peut échapper. «Like A Hawk» rappelle Pussy Galore, mais en vol plané, et «Loving Up A Storm» sonne comme de la hot sharp shit de choc mal torchée. Judah Bauer joue en franc-tireur sur les arrières du sonic bash. Ils jouent «Support A Man» au gras double de saindoux. C’est comme s’ils coulaient le bronze d’un mythe. Avec «The Feeling Of Love», Jon Spencer cultive la folie douce sur un air d’harmo et «Kill A Man» se veut trépidé du bidet et assez abject dans son déballage. Spencer adore cisailler, c’est son péché mignon. Il va passer vingt ans à cisailler, concasser, démolir. Ça ne plaira pas à tout le monde, c’est le moins qu’on puisse dire.

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             L’année suivante paraît Extra Width. Début de l’ère Matador. Et c’est là qu’on trouve l’excellentissime «Soul Typecast», l’un des hits du JSBX, fabuleuse pépite de groove ramonée par le riff d’appui, un cut qu’aurait adoré Elvis. Judah joue à l’écartelée, il monte ça en hostilité dans un coin du groove et joue sur la longueur. Une folle vient crier ‘Typecast !’ sous le nez du riff. Quelle classe ! Ils passent en mode heavy blues contrebalancé pour «History Of Lies» - It’s fine and it’s cool at the same time - Ils ralentissent dans les virages et veillent au grain de la virulence. Ils réussissent parfois l’exploit de jouer des cuts frénétiques et statiques à la fois, comme ce «Black Slider» qui fait du sur-place. Et le «Pant Leg» qui ouvre le bal de la B sonne afro-cubiste moderniste d’entente cordiale. ««Hey Mom» vaut pour l’un des sommets du concassage. Spencer et ses deux lieutenants font parfois du son sans objet précis, ou plutôt de la déstructuration, pour être plus précis. Cet album paraît à la fois plus problématique et plus aventureux que le précédent, comme s’ils cherchaient une voie nouvelle. Le corollaire de cette hypothèse est un Bootleg intitulé Live 11-23-93. Intéressant, car sur scène, les cuts énergétiques frisent une sorte de démesure apoplectique, notamment «‘78 Style» embarqué au riffing élancé. Ils jouent le même riff dans «Sweat» - That’s the sweat/ Of the Blues Explosion - La dynamique du trio prend une allure infernale. «Soul Typecast» passe comme une lettre à la poste et «Water Main» se révèle absolument déterminant. C’est dingue comme on a pu adorer ce groupe sur scène.

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             Avec Orange, on entre dans une sorte d’ère classique. C’est ici qu’on trouve la version studio de «Sweat», l’autre grand hit du JSBX. Ils savent groover la couenne d’un cut. L’autre hit d’Orange est le «Brenda» qui ouvre le bal de la B. C’mon ! Il traîne sa Brenda dans le heavy beat sourdingue, Brendaaaa ! Il faut voir comme il la réclame. Par contre, dans «Bellbottoms», tout est déboîté de la clavicule et ils nous riffent «Ditch» à la torchère. C’est complètement ébaubi à la volée, claqué à la claquemure, ça gicle dans l’œil du typhon. Puis ils nous cavalent «Dang» ventre à terre, ça tagadate dans la pampa et ça ratiboise sans pitié. En prime, Spencer nous thérémine  tout ça jusqu’à la moelle. On sent une énergie considérable, sur cet album, peut-être même un peu trop. «Full Grown» sonne comme une overdose : trop de concasse, trop de démantibulage, trop d’esquisses de jambes brisées. Par contre, on se régale de «Flavor» et de sa belle déglingue. Ils nous tarpouinent ça dans la cuvette, même si la formule paraît tourner en rond dans l’arène des pommes.

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             C’est sur Mo’ Width que se niche la perle parmi les perles : «Memphis Soul Typecast». Voilà le hit parfait. Rusell attend un peu pour jouer. Doug Easley joue de l’orgue et ça sonne comme le Sir Douglas Quintet. Jon Spencer ramone son riff et Christina chante à la surface du meilleur groove de Blues Explosion of the United States of America, qu’elle répète, et derrière elle, Jon Spencer ramone son riff - Fried chicken & rice & coffee/ Mashed potatoes/ Italian dressing/ Blues explosion/ Mummmm ha ha ha ! - Elle éclate de rire. C’est le groove génital par excellence. L’un des joyaux de la couronne. L’autre coup de génie s’appelle «Out Of Luck» - Ouh ah ! - Il tremblotte de génie suicidaire, poussé dans le dos par le sax de Kurt Hoffman, c’est vite emballé et pesé, Spencer sort le Grand Jeu, c’est-à-dire les guitares et le sax. Joli coup de Stonesy avec «Wet Cat Blues». Spencer travaille son heavy blues au corps, il vise le non-respect des conventions. Il déguise sa Stonesy. Ce «Wet Cat Blues» pourrait très bien se trouver sur Exile, un album que Spencer connaît d’ailleurs très bien. «Afro» sonne comme un gaga groove intrinsèque, c’est-à-dire joué de l’intérieur. Awite ! C’est bardé de relances métaphysiques. Le groove de gratte est tellement présent qu’il semble intraveineux. Par contre, Spencer sort un son d’une incroyable sécheresse pour «Cherry Lime». Il chante dans le fond du son, loin derrière. Il n’est pas homme à se mettre en avant. Il pousse des hurlements déconnectés de la réalité. Il amène son «Johnson» au petit gratté de non-recevoir. Il sait très bien ce qu’il fait. Il œuvre en lousdé. Il se glisse derrière le groove. Spencer est un petit renard du désert. Il peut même miauler - Johnson ! Miaaaahhooo ! - Il sait allumer une mèche et doser le suspense. C’est tellement bien dosé qu’on s’incline. Ça finit bien sûr par exploser.

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             Autre grand classique du JSBX, Now I Got Worry paru en 1996. C’est l’album exacerbé par excellence, bien amené par «Skunky» que Spencer screame à gogo. Ça riffe et ça pulse dans la bouillasse. Le hit de l’album s’appelle «Wail», joué à l’insistance fondamentale. Belle dynamique de sex boogie, ju-ju-ju go to hell ! Fabuleuse énergie de l’idée. L’autre gros coup se trouve en B : «Firefly Child», amené au riff de destruction massive à la Blue Cheer. Il fallait oser le faire. D’autant que Spencer calme le cut incidemment avec des exercices de chat perché délinquant. En fait il pompe sans le savoir le riff du «Black Dog» de Jimmy Page. Si on aime le riff, alors il faut aussi aller regarder de près «2Kindsa Love», car ça riffe jusqu’à plus soif, dans un chaos étourdissant de cassures de rythme. Ils font de la cisaille industrielle. Il bouclent l’A avec un admirable clin d’œil à Rufus Thomas : «Chicken Dog». On entend même Rufus à l’entrée du cut. Ils nous jouent en B «Hot Slot» sous le boisseau du Blues Explosion - Ahhh gimme love - et passent au rumble de piano pour fusiller «Can’t Stop» dans les règles, avec du volume et une certaine distance altière.

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             Le live Controversial Negro sort dans le foulée, avec un portrait de Jagger sur la pochette. On y retrouve bien évidemment toute la quincaillerie du JSBX, le groove de gras du bide de type «Can’t Stop», do it do, il raconte n’importe quoi, un «Son Of Sam» screamé dans le gasoil de son a bitch, un «Skunk» en B qui ressemble au paradis du break de syncope, et «Fuck Shit Up» qui va encore plus loin dans la syncope de beat fucked up. Spencer ne jure que par le blast. Il chante comme un bouc en rut. Il hurle dans le désert. Tout est grillé d’avance. Russell Simins emmène «Hot Slot» à l’énergie rockab. «Get With It» ? Pas de pire punition au jardin de Sodome. Ça pulse et ça gueule. On voit bien qu’avec «Cool Vee», le JSBX s’inscrit dans l’action de son temps. Ils incarnent parfaitement le wild side du rock US, une espèce de free spirit incandescent. Ils roulent leur «Afro» comme une grosse chipolata dans la farine d’awite et se livrent à un extraordinaire festival de retours de manivelle dans «Blues Explosion». Une fois de plus, ils sonnent comme le groupe de rock américain idéal. Sharp & hot on heels. Fantastique festin de warghhhh !

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             Autre gros classique de la JXmania, voici Acme, paru en 1998 sous une belle pochette écarlate. Sans doute l’un de leurs albums les plus denses, qu’il faut écouter en fin de soirée, lorsque l’alcool et la compagnie sont triés sur le volet. On est bien obligé de parler d’un coup de génie avec «Talk About The Blues», car le JSBX envoie gronder des infra-basses. Ils jouent à la terrific heavyness du Loch Ness. Punchy and dark. Ça cogne bien l’estomac. L’autre cut mystificateur s’appelle «Do You Wanna Get Heavy». Il s’agit d’un fabuleux slow groove chanté à la glotte généreuse d’un authentique stentor et rehaussé d’une soudaine percée d’achalandage vitupérant. Avec «High Gear», ils reviennent au big bad riffing - High gear baby - Ils mutent le trash-punk en débinade inusitée. Encore une fois, il faut savoir le faire. Ils passent à la pop avec «Magical Colors». Ça leur va plutôt bien et ça nous repose de tous les excès de violence. Jon Spencer se fend là d’un joli groove de Soul. Étonnant revirement de la part de cette équipe de forcenés du concassage et du freakout. Ils reviennent aux infra-basses avec le «Lovin’ Machine» d’ouverture du bal de B, big heavy suburban sound. Ce démon de Spencer parvient tout simplement à inventer le trash-blues new-yorkais du futur. Rien de moins. On les voit aussi traîner «Give Me A Chance» dans une épaisse boue de disto. Ah comme ces brutes sont cruelles ! Elles ne respectent rien.

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             Paru la même année qu’Acme, Acme Plus grouille de grosses poissecailles, tiens comme ce «Wait A Minute» qui incarne l’exacerbation. Spencer fait bien monter sa sauce - Hold on !/ I can’t wait no more - À cet instant précis, il devient le maître du monde. Il sait faire monter une sauce. C’est le JSBX Sound par excellence, avec ses relents de ferveur géniale. Mais il est aussi capable de proposer des tas de cuts qui ne servent à rien comme «Get Down Lower». Il fait des ravages avec «Confused», c’mon do it ! Jon Spencer cherche un passage vers un monde meilleur, keep comin’ hey ! Il n’en finit plus de relancer, keep comin’ ! Confused ! I don’t know why ! I’m feeling so confused ! Magistral. Judah joue ensuite «Magical Colours» à la clairette de Die. C’est le côté angélique du JSBX. Spencer croone et challenge les filles des chœurs. Il revient plus loin avec un «Bacon» plus violent. On le sent déterminé à baconner, awite ! C’est bombardé d’électrons. Spencer sonne comme un B52 et derrière, Russell sonne comme le tambour des galères. Puis ils tapent «Blue Green Olga» au ouh ! et aux machines. C’est explosif - Ouh ! She is blue green/ She is blue/ And I love her/ yes I do - Spencer lance sa petite insurrection, so I do ! Ouh ! C’mon Olga ! Ouh ! Il est le plus fantastique pousseur d’ouh de l’histoire du rock. Back to the heavy groove avec «Heavy». Il nous groove son «Heavy» sous le boisseau. Il fait ça mieux que tous les autres, avec des coups de gratte bien pires. «Lap Dance» nous plonge une fois de plus dans l’excellence de l’apanage. Ils déroulent le tapis rouge de leur diskö beat pour Andre Williams. Spencer chante ensuite «Right Place Right Time» à l’excédée, il shake le vieux Right Place du Dr John à la démence de la prestance, il roule ça dans la fantastique farine. On est dans la spencerisation des choses et il enchaîne avec «Electricity» où volent des oiseaux d’acier. Ils rasent la ville et on entend des chœurs de punks anglais qui ont bu trop de bière. Retour des grandes énergies avec «New Year», il monte sur les barricades, do it ! Yeah ! Le JSBX ramène des relents de Third World War, tout est tellement noyé de riffalama qu’on finit par ne plus savoir quoi dire ni penser. Il nous en bouche encore un coin avec «TATB (For The Saints & Sinners)», un gospel batch à la JSBX, yeah fait la foule et un heavy bassdrum rentre dans la gueule du bénitier - Ah don’t play blues/ Ah play wock and awl - C’est télescopé de plein fouet, seul un fou du son comme Spencer peut réussir un coup pareil, ouh ! Sa voix oscille comme celle de Martin Luther King, il nous emmène aux confins de la pire légende - I saw a brand new day ! - Mais au bout d’un moment ça ne marche plus, comme le montre l’«Hell» qui suit. Le c’mon do it finit par générer du gros bâyé aux corneilles. Il termine cet album mirifique avec un slowah torride intitulé «I Wanna Make It All Right». Il connaît tous les secrets de l’insufflé. Il shoote tout son power entre les cuisses du cut. Quelle violence !

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             Ce Sideway Soul + Dub Narcotic System date de 1999 et Spencer fait du banana split dès «Banana Version». Il relance sa machine à formules avec une belle brutalité et nous gratte ça au big heavy shuffle d’I got the move et de come on now baby ! Son truc c’est d’allumer la gueule d’un cut, I got to do it ! Look out baby ! Il drive bien son hot sharp shit de choc. Il reprend plus loin les rênes de «Fudgy The Whale» et met Calvin Johnson au-devant de la devanture. Ils chantent ça à deux, yeah !  C’mon jump ! Spencer n’a aucune patience. Il nous claque ça les deux doigts dans le nez. Il ramène «Frosty Junction» comme une espèce d’emblème de la modernité. Il fait entrer un klaxon dans son groove de crocodile, c’est indécent, on peut même parler de belle idée inconvenante. On a là une vraie tentative de son, une réelle approche de l’inconvenance en tant que concept. Retour au heavy groove avec «Diamonds». Il trempe dans toutes les combines de baryton du diable, il soigne son cut au ripe the ice, yeah ! Pur jus de crazy diamond. Le morceau titre flirte dangereusement avec le heavy garage et génère du groove des enfers. Spencer gratte sa gratte dans le vide, c’mon do it ! Ils terminent avec un «Calvin’s On A Bummer» saturé de heavy boom boom. Spencer joue à l’attardée, il gratte de vieux relents, il sait de quoi il parle.

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             Sacré retour de manivelle que ce Plastic Fang qui date de 2002. Le coup de grisou de l’album s’appelle «Hold On», il y invoque les démons du Funky Broadway, baby baby ! Et ça gratte dans l’os du genou, il roule pour nous, hold on baby ! Let’s get it ! Après le coup de grisou, voilà le coup de génie : «She Said». C’est du JSBX explosif porté aux nues. Quel excellent puncher ! Il atteint l’inaccessible étoile. Il faut bien dire que le «Sweet N Sour» d’ouverture de bal vaut aussi le détour, car très dévastateur, summum du punch-up, Spencer soigne sa droite. Un départ en solo couronne son aura brûlante de détermination. Russell déboule derrière à la déboulade. Ces mecs ne s’accordent aucun répit. Avec «Money Rock’n’Roll», Spencer pulvérise ses records de c’mon let’s go et gratte le plus gras des gimmicks qu’on ait vu ici bas. Voilà un «Torn Up And Broke» assez rampant, chanté à l’haleine chaude. Il croone dans l’âme du son, et il a cette façon d’éclater le Pont des Arts du rock - I feel so hurt - Il n’y a que lui pour diluer une telle huile. Il s’agit là d’un album assez exceptionnel, tout est joué au délié de groove enrichi et le son suinte de réverb. Il repart de plus belle avec «Shakin’ Rock’n’Roll Tonight», get down ! C’mon rock’n’roll ! Il pousse bien le bouchon de l’interjection dans les orties, avec un solo gras à la clé. Il n’en finit plus de réinventer la façon de jouer le rock, well alrite ! C’mon ! «The Midnight Creep» sonne comme du typical JSBX, bien amené à la ramasse de la rascasse, Spencer harangue les bras cassés de l’underground, right now ! Il claque bien le cocotier des cloches, c’est même exemplaire. Il faut bien admettre que ça reste assez spectaculaire, babe c’mon ! Crazy as hell ! Il est indispensable de se plonger dans cet album pour en goûter la fleur. Tout est gonflé de son, bien ramoné de la cheminée. Slowah magnifique de ce «Mother Nature», comme orné de chœurs de Judah, c’est la Beautiful Song par excellence, claquée aux accords clinquants avec toutes la fièvre adolescente du gonna be wasted. Il termine avec un «Mean Heart» gratté à l’acou. Spencer sonne comme un desperado des Basses Alpes. Il passe par tous les défilés, c’est joué à l’excès de légendarité. Final apoplectique. Voilà encore un cut digne des plus gros hits du temps d’avant.

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             En 2004, le JSBX jouait à l’Élysée Montmartre pour la promo de Damage. Ni le concert ni l’album n’ont laissé un grand souvenir. Spencer prend son morceau titre à l’intimisme de la déconstruction et impose le stomp des ladies & gentlemen. Damage ! C’est heavy et bien épais. Ils réveillent les vieux instincts avec «Burn It Off», c’mon ! Spencer lance ses troupes de chœurs superbes, il fait sa soupe et vient couiner à l’encoignure du couplet. Voilà un cut réellement conçu pour enflammer. Ils proposent plus loin un «Crunchy» bien crunché, doté d’un bon groove de hardship. Spencer s’amuse bien, il est dans l’abattage de groove. Puis avec «Hot Gossip», il revient au vieux Memphis Soul Typecast. Get on up ! L’autre très gros cut de l’album s’appelle «Mars Arizona», c’est explosé de son, auto-submergé, martelé, pourri d’infra-basses, uh, c’mon ! Terrific ! Tout le son du monde est là, les basses dévorent le son, c’mon, on n’avait encore jamais entendu un truc pareil. Avec Jon Spencer, il faut rester sur ses gardes, ce mec est capable de coups de génie. La beauté plane sur «You Been My Baby» comme un vautour et ils amènent «Help These Blues» à la pompe Spencer. On tombe ensuite sur un «Fed Up And Low Down» assez démantibulé. On peut leur reprocher cette incartade, mais ils se rachètent avec un départ en virée de folie. Extraordinaire dévoyade ! C’mon !

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             Paru en 2012, Meat And Bone est l’archétype de l’album antipathique. La pochette nous offre le spectacle d’un gros tas de barback suspendu en l’air à côté d’un crochet de boucher. Il faut avoir l’estomac bien accroché pour aller écouter ça. Pas de hit, ici, mais du décarcassage. Ils violentent le beat du «Black Mold», le jouant au limon trash-blues avec des effets de complémentarité sonique du meilleur cru. Mais très vite, on s’aperçoit que le JSBX tourne en rond. Ce qui semble logique vu leur peu de goût pour la mélodie. Ils proposent un «Boot Cut» profilé sous le vent, comme porté par une bassline entreprenante. En B, «Bottle Baby» sonne comme un sauveur d’album avec son joli mélange de déclamation expéditive, d’exaction de buzz fuzz et d’arpèges luminescents. Ils touillent vraiment leur soupe en toute impunité. On sent une tentative de songwriting dans «Black Thoughts». Spencer aménage des climats et on accueille chaleureusement les relances aventureuses. Mais l’album peine à plaire. On se remonte le moral avec la photo du groupe qui orne le dos de la pochette. Russell Simins a grossi, Judah Buaer semble de plus mélancolique et Jon Spencer prend un tout petit coup de vieux, oh pas grand-chose. 

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             Freedom Tower. No Wave Dance Party 2015 paraît en 2015. Serait-ce le dernier album du JSBX ? Allez savoir. Ils nous refont le coup des infra-basses avec «Wax Dummy». C’est même du hip hop, du pur jus de New York Sound - Let’s get down - Le hip hop leur va comme un gant de cuir clouté. En A on trouve encore un «White Jesus» axé sur le vieux heavy groove. Avec cet album encore plus expérimental que les précédents, Spencer cherche la voie de la rédemption. En B, on tombe tout de suite sur l’excellent «Crossroad Hop», un heavy groove qui tourne en rond. Look out ! Ils ne savent plus comment avancer, mais ça ne les empêche pas d’enregistrer. C’est probablement le hit du disk, ils nous le bardent de gimmicks de blues, ça dégouline de gras, avec un brave beat bien fiable. Plus loin, Spencer chante «Dial Up Doll» avec de faux accents de Lou Reed. Stupéfiant dans l’approche du chant et la façon de battre les accords. C’est du panache de type Velvet et la nouvelle d’un rapprochement aussi inespéré, ça s’arrose.

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             Attention à Jukebox Explosion. Rockin’ Mid-90s Punkers, une compile parue en 2007 sur In The Red. C’est l’album du JSBX qu’il faut emmener sur l’île déserte. Larry Hardy a compilé des singles qui relèvent tous de l’énormité catégorielle. On y trouve deux clins d’yeux aux Stones, «Ghetto Man» et «Do Ya Wanna Get It». Steve Jordan joue sur «Ghetto Man» et Hardy dit qu’en studio Jordan interdit l’alcool et les jurons. C’est nous dit aussi Hardy un full tilt boogie punker. Steve Jordan est ce batteur génial qui joue dans les Xpensive Winos de Keef. Sur le puissamment chanté «Do Ya Wanna Get It», on retrouve Dr John au piano. Suprême fuzzbuster, pur jus de Stonesy. En B, trois énormités nous décrochent la mâchoire : «Bent», «Fat» et «Down Low». Hardy qualifie «Bent» de punkified monster et il a parfaitement raison. Jon Spencer fonce dans le mur du son et le percute avec tout le poids d’un bélier de l’antiquité. Motherfucker ! C’est l’un des cuts les plus fascinants du JSBX, tous mots bien pesés. Spencer chante «Fat» en miaulant. Il est admirable. C’est nous dit Hardy du heavy duty trashin’ et un sax chauffe le cut à la Fun House de Marrakech. «Down Low» est encore plus wild que le Far West de Buffalo Bill, d’autant que superbement battu par Russell et poivre. «Latch On» n’est que du pur jus de Pussy Galore, un cut qu’Hardy qualifie d’intense raver. Et il a raison, encore une fois. Ils jouent «Shirt Jac» à l’énergie rockab, belle dégelée d’hot sharp shit, hi speed raver, for sure. L’un des cuts vraiment spectaculaires de cette foire à la saucisse est la reprise du «Son Of Sam» de Chain & The Gang, rehaussée par le sax de Kurt Hoffman qui nous sort là un son irrationnel et provocateur - Son of a bitch ! - Encore un hommage à Rufus Thomas avec ce «Train #3» enregistré chez Doug Easley à Memphis, pas moins. Ah ! Uh ! Spencer encaisse bien les coups. Steering stomper nous dit Hardy en parlant de «Caroline». Il a encore raison, le bougre, pas de stomper plus sneering que celui-là. Puis le JSBX rend hommage à David Yow, le chanteur fou de Jesus Lizard, avec «Naked», car nous dit Hardy, Yow se mettait couramment à poil sur scène. On tombe plus loin sur une reprise du mighty «Get With It» de Charlie Feathers et Boss Hog fait irruption dans ce smokin’ romper qu’est «Showgirl PTS 1 & 2». Enfin bref, c’est un album qui ne craint ni la mort ni le diable. On y va les yeux fermés.

    Signé : Cazengler, Spencer les fesses

    Jon Spencer Blues Explosion. The Jon Spencer Blues Explosion. Caroline Records 1992

    Jon Spencer Blues Explosion. Crypt-Style. Crypt Records 1992

    Jon Spencer Blues Explosion. Extra Width. Matador 1993

    Jon Spencer Blues Explosion. Orange. Matador 1994

    Jon Spencer Blues Explosion. Mo’ Width. Au Go Go 1994

    Jon Spencer Blues Explosion. Now I Got Worry. Matador 1996

    Jon Spencer Blues Explosion. Controversial Negro. Matador 1997

    Jon Spencer Blues Explosion. Acme. Matador 1998

    Jon Spencer Blues Explosion. Acme Plus. Mute 1998

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    Jon Spencer Blues Explosion. Extra-Acme. Toys Factory 1999

    Jon Spencer Blues Explosion. Sideway Soul + Dub Narcotic System. K 1999

    Jon Spencer Blues Explosion. Plastic Fang. Matador 2002

    Jon Spencer Blues Explosion. Damage. Mute 2004

    Jon Spencer Blues Explosion. Meat And Bone. Bronzerat 2012

    Jon Spencer Blues Explosion. Freedom Tower. No Wave Dance Party 2015. Shove Records 2015

    Jon Spencer Blues Explosion. Jukebox Explosion. Rockin’ Mid-90s Punkers. In The Red 2007

     

    Wizards & True Stars

    - Le cas Dave est encore chaud (Part Two)

     

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             Dans la cour des grands, on croise aussi les frères Davies. Ces deux banlieusards ont monté dans les early sixties un joli fonds de commerce, les Kinks. Leur petit biz est même devenu une institution, du même ordre que celles des Stones ou des Who. Ray et Dave Davies ne sont rien l’un sans l’autre. On a en France une fâcheuse tendance à vouloir tout résumer à Ray, grave erreur, car pas de Kinks sans Dave. Les frères Davies ont quatre volumes autobiographiques à leur actif, deux chacun, mais nous allons donner la priorité à Dave pour entrer dans le jardin magique des Kinks.

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             Dans un récent numéro de Classic Rock, Dave acceptait gentiment de répondre aux questions de Rob Hughes. Dave atteint désormais l’âge canonique de 71 balais et refuse de lever le pied. Ah ces rockers, tous les mêmes ! Hughes s’étonne qu’on retrouve sous le lit de Dave des cartons remplis d’enregistrements de chansons inédites. Dave explique qu’il ne veut pas se confronter aux émotions que traduisaient ces vieilles chansons, alors il laisse ses fils Simon et Martin s’occuper de ça. Quand il revient sur l’âge d’or des Kinks, Dave tient à préciser des choses extrêmement importantes. Bon nombre de ses contemporains trouvaient un exutoire dans la dope et au beau milieu du carnaval qu’était le Swingin’ London, Dave s’est mis à réfléchir - I had to reassess my whole life - Oui, tout réévaluer. Ça le conduisit droit à un spiritual and emotional breakdown au début des seventies. Il se mit alors à pratiquer le yoga et à étudier l’astrologie. Il mit deux ans à se reconstruire - It can be a struggle to be human. It’s hard work for all of us - L’autre point fort de l’interview, c’est bien sûr l’évocation de leur jeunesse, lui et son frère Ray, et leurs six sœurs à Muswell Hill. Big family, des tas d’oncles et de tantes, des fêtes chaque dimanche, quelqu’un qui s’assoit au piano et toujours un banjo qui traîne. Voilà d’où viennent les Kinks. Et bien sûr, Dave annonce le scoop que tout le monde attend depuis longtemps : il va retrouver son frangin Ray en studio pour un nouvel album des Kinks.  

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             Quatre ans plus tard, Dave se re-confie, cette fois à Cam Cobb. Il repart du point de départ, l’objet de sa première fascination musicale : Lead Belly - I thought Lead Belly was a really interesting person - His character and  his life. And it shows how real his music was - Dave se souvient aussi des sixties comme d’un circus. Il voyait le music business comme un weird circus - That’s what the clown thing is about - Il évoque bien sûr «The Death Of A Clown». Quand il repense à toute cette époque, Dave se marre : «They kept telling me that I was a bit of a pin-up boy.» Son frère Ray et le manager Robert Wace le poussent à faire l’acteur. Il se dit fasciné par l’idée et rêve d’Hollywood. Mais ça ne marche pas. Dave se sent uncomfortable. Puis quand Pete Quaife annonce qu’il quitte le groupe, Dave sent que c’est la fin - I think a part of the Kinks died when Pete left - Et plein d’autres petites confidences. En fait Dave donne l’interview pour annoncer la parution de son deuxième volume de mémoires, Living On A Thin Line.

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             Bon book. Grouille d’infos. Pas le book du siècle, mais il s’agit des Kinks, after all. Et puis l’écrivain chez les Kinks, c’est Ray, pas Dave, à ce qu’on dit. On s’attendait en fait à un book introspectif, dans l’esprit des deux volumes autobiographiques de Brett Anderson, mais Dave opte pour le récit autobiographique classique, évoquant ses racines à Muswell Hill puis le Swingin’ London et ses excès. Il donne de ravissants petits coups de projecteur et repasse au peigne fin la discographie de ce groupe devenu Kult. Du coup, on ressort les albums de l’étagère. On croit toujours bien les connaître. Quelle prétention !

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             Pour lancer son récit, Dave relate l’attaque cérébrale dont il a été victime et qui a failli l’emporter. Il raconte ses deux semaines de convalescence chez Ray qui, dit-il, «se sont vite transformées en cauchemar». Oh ce n’est pas qu’il n’aime pas Ray, mais selon lui, Ray est un vampire qui pompe l’énergie des gens. C’est d’ailleurs ça qui fait de lui le songwriter qu’il est devenu, mais Dave ajoute qu’il faut être très strong pour le fréquenter. Comme Dave sortait de l’hosto et qu’il ne tenait pas debout, ses réserves d’énergie étaient à plat - For fuck’s sake! Ray, I love you, but really I don’t have much to give you at the moment - Voilà le style de Dave : ironique, Kinky, une pincée de slang, presque une parole de chanson. Puis il attaque le chapitre roots, rappelant que les deux guerres mondiales et le blitz ont rendu les working class people d’Angleterre très résistants. Il donne tous les détails, même l’adresse d’une famille devenue mythique, la famille Davies, au 6 Denmark Terrace, on Fortis Green, la route qui va d’East Finchley à Muswell Hill. C’est là que Mum and Dad Davies élèvent les futurs princes du Swingin’ London. Petits, les deux frères sont déjà extrêmement créatifs : ils inventent un langage pour communiquer entre eux. Dave cite un exemple : il dit à Ray «Ballo ballo, shiga shuga la ballo», et Ray sait exactement ce que ça veut dire. Puis Dave évoque ses trois passions d’ado : la musique, le foot et les filles. Il dit avoir commencé à se branler dès l’âge de douze ans, comme tout le monde. Sans la musique dit-il, il aurait sans doute fini voleur à la tire.

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             Alors commence la valse des premiers émois : Lead Belly, Charlie Gracie, Big Bill Broonzy, un Big Bill qu’il trouve très en avance sur son temps. Et puis Lonnie Donegan. Il flashe aussi sur la Symphonie En Ré Mineur de César Frank - It stopped me dead in my tracks - Tout cela ressemble à une fabuleuse éducation sentimentale. Il dit aussi détester l’école. Il a cinq ans et sa mère l’amène à l’école primaire le jour de la rentrée des classes. Dave décide que l’école ne lui plait pas et rentre chez lui. Il dit à sa mère : «Look, I’ve been to school and don’t like it.» Sa mère le ramène de force à l’école. Aucun souvenir des deux années suivantes. Il apprend à lire et joue au foot. Il réussit quand même à se faire virer un peu plus tard, et quand il voit sa mère éclater en sanglots, il la rassure - It’s all going to be fine - Et là, il attaque le chapitre le plus douloureux de son histoire : sa relation avec Sue. Ils sont ados et ils baisent tous les jours. Quand Sue est enceinte, Dave est ravi, mais les parents le sont moins. Ils décident de séparer le couple. Dave apprend par sa mère que sa fille s’appelle Tracey. Il devra attendre trente ans pour revoir Sue et sa fille. Il n’a jamais pardonné à sa mère d’avoir été complice de cette épouvantable machination. Il sort de cette histoire complètement traumatisé. Ce sont les pages les plus émouvantes de ce volume.

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             À cette époque, Ray et lui commencent à bricoler des idées sur le piano de Denmark Terrace. Ray joue un riff : c’est le riff de «You Really Got Me». Il le joue à deux doigts et Dave ramène sa guitare pour le jouer en accords. Deux jours plus tard, Ray écrit les paroles de ce qui allait être leur premier hit - Girl/ You really got me going/ You got me so I don’t know what I’m doing - On connaît ça par cœur. C’est un hymne. Puis Dave nous donne tout le détail de la deuxième session d’enregistrement de Really Got Me avec Shel Talmy, en juillet 1964. La première session a foiré lamentablement et là, c’est quitte ou double. Shel le sait. Il n’a plus droit à l’erreur. Terminé la réverb et l’echo bullshit, les frères Davies veulent du raw. Comme Mick Avory vient d’être recruté, il n’est pas encore assez expérimenté, aussi fait-on appel à Bobby Graham. Dans le studio, on voit aussi apparaître Phil Seaman, le mentor de Ginger Baker, et Jimmy Page, au cas où. Mais Dave met les choses au clair une bonne fois pour toutes : c’est lui qui joue le killer solo flash qui va devenir le modèle du genre. Dave rappelle qu’il était un agressive kid who wanted to play - It was my guitar sound and my guitar solo - Really Got Me sort en août 1964 et devient number one en Angleterre. Et l’un des fleurons du Swingin’ London, avec tous les hits des Stones, des Beatles, des Troggs, des Who et des Yardbirds. Avec sa reprise de Really Got Me, Jesse Hector réussira à récréer dix ans plus tard ce moment de pure frenzy : sans aucun doute le plus bel hommage jamais rendu à Dave Davies.

             Les frères Davies ont donc réussi à monter un groupe avec Pete Quiafe, copain d’école de Ray, et Mick Avory au beurre. Comme ni Dave ni Ray ne veulent jouer de la basse, c’est Pete qui en joue. Et comme il est guitariste, il fait un merveilleux bassman, comme le sont Noel Redding dans l’Experience, et Ron Wood dans le Jeff Beck Group. Dave dit de Pete qu’il était ahead of the game with the bass. Pete va rester dans le groupe jusqu’à The Kinks And The Village Green Preservation Society. Quant à Mick Avory, il avait joué un peu avec les Stones avant l’arrivée de Charlie Watts.  C’est leur tourneur Arthur Howes qui trouve le nom du groupe - We were ‘kinky’ in the way we looked and dressed - Dave fait bien sûr référence au kinky sex, c’est-à-dire le sexe coquin. Du coup, ça devient nous dit Dave un «risqué new name» qui ne manquera pas d’attirer l’attention. Dans l’entourage des Kinks, on retrouve aussi le fameux Larry Page qui avait tenté de devenir popstar en se teignant les cheveux pour devenir ‘The Teenage Rage’. Page est l’associé de Robert Kassner, le manager des Kinks. Ray et Dave finiront pas se débarrasser de Larry Page qui leur coûte un fortune et dont ils ne sont pas contents.

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             Quand sort le premier single des Kinks produit par Shel Talmy sur Pye, «Long Tall Sally/I Took My Baby Home», Dave n’a que 17 ans. Ils vont rester chez Pye jusqu’à Lola Versus Powerman And The Moneygoround, paru en 1970, qui, nous dit Dave, synthétise bien le style des Kinks - the album looked two ways at once, avec des paroles qui voletaient comme un papillon et a ‘fuck you’ attitude qui bourdonnait comme une abeille - Et bien sûr, Ray s’en prend aux aspects grotesques du music biz. Plus loin, Dave redéfinit le style des Kinks d’une formule extrêmement brillante : «A typical Kinks pull-together of rock and roll with occasional hints of vaudeville and dark humour.» Il rappelle aussi que depuis le début, les Kinks n’ont jamais voulu se couler dans le moule des Beatles. Et qu’ils ont toujours su sortir du lot. Mais en même temps, le groupe n’a jamais été très solide - On a toujours vécu avec la peur de voir le groupe se désintégrer - C’est le prix à payer pour la singularité. Le groupe va mourir de sa belle mort, c’est-à-dire de vieillesse. Quand ils sont invités au UK Music Hall Of Fame en 2005, on leur demande s’ils vont jouer tous les quatre. Compliqué dit Dave, qui vient de faire une attaque cérébrale, Ray vient de prendre une balle dans la jambe à la Nouvelle Orleans et Pete est dialysé. C’est Chrissie Hynde qui va jouer quelques hits des Kinks pour la cérémonie, pendant que les vieux pépères iront clopin-clopan se taper un curry au Fortis Green Tandori de Muswell Hill, à deux pas de Denmark Terrace - The last time the four of us original Kinks would be together - Le livre de la vie se referme toujours de la même façon. Avec cette image hautement symbolique, Dave Davies devient un fantastique écrivain.

             Back in the Swingin’ London, c’est-à-dire au paradis du sex, drugs & pop world. Sainte trilogie. Dave parle très bien du sexe. Il attire facilement les gonzesses et les petits mecs. On le trouve souvent au plumard with a gang of female groupies, pour reprendre son expression - Drugs and parties became so outrageous - Il partage une baraque avec Mick Avory on Connaught Gardens, il y a toujours des groupies partout and the bedrooms were never quiet. Il rappelle un postulat de base : «If you happened to be a member of a successful rock band, sex was everywhere.» Le sexe fait partie du jeu. C’est même le moteur principal, l’alibi du rock. Tu veux passer la soirée au Swingin’ London ? Dave te donne le programme : ça commence dans un pub de Carnaby Street, le Shakespeare Head ou le Blue Post, où tu vas trouver des drogues. Des amphètes, par exemple, les fameux Purple Hearts que tu avales avec un verre de vin blanc, puis tu peux tirer sur un joint. À la fermeture du pub, tu files au Flamingo, ou ailleurs, puis tu finis la nuit au Scotch of St James. Forcément, il y a un after, par exemple chez Dave à Muswell Hill, ou dans un hôtel à Kensington, pour partouzer. Et ça, c’est tous les jours. Too fast to live, too young to die, comme dirait l’autre. La vie est faite pour être vécue. Comme Dave est beau, il devient vite un dandy - Dandy, Dandy/ Where you gonna go now - Il est un dedicated follower of the fashion - The elegance of hipster trousers, jackets, boots ans belts. I loved Oscar Wilde style - Il admire aussi Brian Jones, dit de lui qu’il est le seul autre homme à Londres qui sache s’habiller. Brian Jones, Dave et Oscar Wilde constituent la seconde sainte trilogie du Swingin’ London. Il suffit de voir Dave sur la pochette d’Hidden Treasures : c’est du Wilde pur, même grâce indicible, même élégance naturelle. Dave se coiffe comme Wilde, avec la raie au milieu.

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             Pendant une tournée, Dave que sa mère appelle David, fait la connaissance d’un autre David, le futur Bowie qui à cette époque s’appelle encore Davie Jones. Bowie fait le rabatteur pour le compte de Dave et fait monter les gonzesses dans la chambre d’hôtel de Dave. Mais après cette tournée, ils n’auront plus l’occasion de se revoir. Lorsqu’il vit à Los Angeles, Dave rencontre le guitariste Reeves Gabrels dans un bar. Gabrels lui dit que Bowie démarre toutes les répètes de Tin Machine avec une cover des Kinks. Et puis souviens-toi que sur Pin Ups, Bowie rend hommage aux Kinks avec une cover magistrale de «Where Have All The Good Times Gone». Il reprendra aussi bien sûr «Waterloo Sunset».

             Comme les Kinks sont souvent à la même affiche que les Beatles, ils se fréquentent, mais ce n’est pas simple avec John Lennon. Il n’empêche que Dave voit l’influence de Lennon sur le groupe comme déterminante, sans lui, les Beatles ne seraient restés qu’un cute boy band de plus - He gave them attitude and grit - Et puis, il y a les fameuses shootes internes, pas toujours entre les deux frères. Dave raconte qu’un soir sur scène, Mick Avory lui a balancé une cymbale en pleine tête et qu’il s’est retrouvé à l’hosto. Tout le monde le croyait mort. À la suite de l’incident, Mick est viré. Les managers songent à le remplacer par Mitch Mitchell, mais finalement, ils le réintègrent dans le groupe. Pas de problème. Dave n’est pas rancunier. De toute façon, il passe son temps à dire que les Kinks sont en permanence au bord du désastre. Dave est aussi l’un des premiers à s’offrir la fameuse Flying V, d’abord faite pour Jimi Hendrix, puis commercialisée - this was the must-have guitar - Il paye 200 £ sa Gibson Futuristic.

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             Et puis, un matin, il se réveille au milieu d’un tas de corps endormis. Il se demande vraiment ce qu’il fout dans cette orgie. En 1967, il a 20 ans - Maybe it was time to grow up - Comme les chevaliers de la Table Ronde avant lui, Dave va partit en quête du Graal, c’est-à-dire la spiritualité. Mais c’est après un acid trip qui a failli mal tourner dans une chambre d’hôtel à New York qu’il change pour de bon. Il s’intéresse à la métaphysique, au mysticisme, à l’astrologie et au bouddhisme Zen - Absorbing all I could was like a rebirth - Il en parle longuement sans pourtant assommer son lecteur, car c’est le risque quand on fait étalage de ses connaissances. Il rend hommage à Aleister Crowley et à son Book Of Thoth, un précis d’interprétation du Tarot. Dave dit aussi que Crowley est devenu un peu fou à la fin de sa vie, mais, ajoute-t-il, who Am I to talk? We all go a bit mad. Il cite aussi Karl Jung «qui a essayé de comprendre ce qui se passait dans ce crazy inner world et comment il inter-agissait avec l’art et la musique.» L’enseignement que retient Dave et qu’il ambitionne de transmettre, c’est qu’en apprenant, on apprend à apprendre - Vous ne pourrez jamais apprendre tout ce qu’on peut apprendre, mais vous ne devez jamais cesser de continuer à apprendre. Humility and trust is the key - Dave survole son parcours initiatique avec une réelle élégance, et c’est la raison pour laquelle il faut lire son récit, car dans le genre, c’est un modèle. Très différent de ce que fait Dylan dans Chronicles. Dave est anglais, Dylan américain, ceci expliquant cela.

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             Puis il va remonter le long fleuve tranquille de la Kinkology, il évoque chaque album comme autant de points de repère, ce sont les jalons de sa vie. Il évoque longuement le Johnny Thunder qu’on croise dans The Village Green Preservation Society, personnage inspiré d’un biker de Muswell Hill qui s’est tué en moto. Dave rappelle aussi que Village Green entérine la fin de la première mouture des Kinks, car Pete quitte le groupe. Pour Dave, c’est la fin d’une époque, mais aussi la fin des real Kinks. Il n’empêche que le groupe continue et entre en studio pour enregistrer Arthur avec un nouveau bassman, John Dalton, qu’on verra à la Fête de l’Huma en 1974. Puis c’est Lola Versus Powerman And The Moneygoround, dernier album sur Pye, a very strong record, nous dit Dave. Puis voilà Muswell Hillbillies, the last album in the vein of earlier Kinks records. On reviendra sur tous ces albums fantastiques dans des Parts à venir. Dave ne cache pas son inquiétude à voir se développer la mégalomanie de Ray, il insinue que les Kinks deviennent alors Ray Davies’ backing band. Mais comme la vie est bien faite, Ray bascule soudain dans le néant : le jour de son anniversaire, sa femme Rasa quitte la baraque en douce, emmenant bien sûr leurs deux enfants. Ray est anéanti. C’est ce qui peut arriver de pire dans une vie d’homme. Dave dit que Ray n’a pas vu le coup venir. Et pourtant, les Kinks sont souvent en tournée aux États-Unis et passent leur temps à baiser des groupies. Dave parvient à gérer ce bordel avec sa femme Lisbet, une Danoise, mais chez Ray, ça n’est pas passé. C’est à l’époque de Preservation que les Kinks s’offrent un studio à Hornsely, le fameux Konk.

             Nous voilà en 1976 et Dave se dit fan de Johnny Rotten, parce qu’à leur façon, les Pistols reproduisent le modèle des Kinks - Naked agression or hilarious pisstake ? - Ray part s’installer à New York avec sa nouvelle épouse Yvonne et réussit à décrocher un contrat chez Arista, avec Clive Davis. Pour Dave, c’est encore un coup de génie de Ray. Ils enregistrent Sleepwalker. John Dalton quitte le groupe, remplacé par Andy Pyle. Au moment de Low Budget, Dave vit avec deux femmes : Lisbet, la mère de ses quatre fils, Martin, Simon, Christian et Russell, et Nancy, une Américaine rencontrée lors d’une tournée. Nancy met au monde un cinquième fils, Daniel, qui naît tout juste six mois après Russell, puis un sixième, Eddie. Pendant que Dave tente de faire tenir tout ça en équilibre, Ray se sépare d’Yvonne et se maque avec Chrissie Hynde, qui à l’époque tourne avec lui, alors forcément, ça crée des liens. Mais Dave s’inquiète car il voit bien que Ray n’a pas besoin d’un autre «mammoth ego». Il est sûr que leur relation ne va pas durer longtemps - They were two alpha cats, essayant tous les deux d’occuper le même territoire.

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             Les Kinks changent encore de label, les voilà sur MCA avec un nouveau manager, Nigel Thomas qui nous dit Dave peut bosser avec les Kinks puisqu’il a déjà bossé avec les Kray Twins  et Morrisey. Quand ils enregistrent leur 24e album Phoebia, ils pensent qu’il s’agit du dernier album des Kinks - But you know, never say never - Il leur faut 18 mois pour en venir à bout, c’est beaucoup trop long. Ray est revenu s’installer à Londres, mais Dave est parti s’installer à Los Angeles avec Nancy. Comme un océan sépare les deux frères, Dave dit que ça apaise leur relation. Et pouf, pendant une tournée, Dave rencontre Kate à Manchester. Leur relation va durer 15 ans.

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             Le dernier album des Kinks s’appelle To The Bone. Pourquoi ce titre ? Parce que c’est un retour aux sources, to the very earliest days of the band, dans le living room de Denmark Terrace.  Puis Dave rencontre Rebecca. Ainsi va la vie. Il termine cet excellente Kinkographie avec une chute spectaculaire : «La vérité, c’est que les gens vivent et les gens meurent. Je vais mourir un de ces jours, mais il se pourrait fort bien que je sois déjà passé dans le coin. Le jour de ma naissance, le 3 févier 1947, je suis descendu dans le canal utérin de ma mère et j’ai aperçu la lumière au loin. Oh fuck I thought. Here we go again.»        

             Dans un Part One mis en ligne sur KRTNT en 2013, on s’est penché sur son début de carrière solo, depuis AFL1-3603, paru en 1980, jusqu’à I Will Be Me, paru justement en 2013, un événement qu’on ne pouvait pas ne pas saluer.

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             Les albums de Dave Davies sont les albums de rock anglais dont on pourrait rêver chaque nuit. Pas besoin d’en rêver puisqu’ils existent dans la réalité, à commencer par le mirifique Belly Up paru en 2008, qui est en fait un album live enregistré au Belly Up en 1997. Et mirifique, c’est peu dire. Dave nous embarque dès «She’s Got Everything» avec un son fantastique et de la wild guitar à la clé. C’est aussi explosif que les premiers sets des Kinks. Petit conseil d’ami : écoute Dave Davies. Il passe aussi une version superbe du fameux «Susannah’s Still Alive», tiré du lost album jamais paru et qu’on retrouve sur Hidden Treasures. C’est fabuleusement kinky. Il tartine son Alive sur la brisure de rythme, oh Suzanne/ Still alive ! Il enchaîne avec «Creepin’ Jean», une autre merveille tirée elle aussi du Hidden Treasures. Puissance des enfers ! Fabuleuse débinade musicologique ! Dave Davies maîtrise l’art des relances particulières. Il joue tout au maximum des possibilités. L’album reste à un très haut niveau d’intensité, il est ultra perfusé de son, ça joue à deux guitares vibrillonnantes et Dave pose son chant là-dessus comme une cerise sur un gâtö. Chaque cut capte l’attention. Tiens, voilà «Wicked Annabella», une espèce de mad psyché congelée sur place et surchargée d’accords. Dave harangue à l’énormité catégorielle. Même les petits balladifs comme «Too Much On My Mind» flirtent avec le merveilleux. Dave va chercher son petit chat de dandy pour caresser le balladif. Et puis tout explose avec «Dead End Street». Il tape en plein dans le mythe. La foule n’en revient pas. Wow Dave ! Tu nous swingues la magie des Kinks ! Il le fait avec le power du dandy terminal. Il transfigure le mythe. Back to the roots avec «Milk Cow Blues», fabuleux shake de shook. Dave vise le stomp, comme à l’aube des Kinks. Nouvelle rasade mythique avec «I’m Not Like Everybody Else» et son riff universel, back to the silver sixties. Sauf que Dave ne chante pas ce hit comme Ray. Il nous stompe ça dans l’œuf du serpent et explose le deuxième couplet au chat perché. Il atteint la perfection. On croit qu’il va se calmer. Dave Davies se calmer ? Tu rigoles ? Pouf, voilà «All Day And All Of The Night». Imparable. L’apanage de Dave. Hot as hell, London 65. Dave devient l’Hadès du heavy riffing. Il tape ensuite une version de «Money» sur le même mode. N’oublions pas qu’on le tient pour l’inventeur du heavy rock en Angleterre. Il tape ensuite un «David Watts» à la pure sauvagerie, il l’embarque à fond de train, comme le veut la tradition du cut. Il tente de calmer les ardeurs de la foule avec «Unfinished Business», un puissant balladif qu’il prend au chat perché et achève le set d’un coup de «Really Got Me» joué en mode déflagratoire. Pas de pire Dave que Dave Davies. Il donne au rock anglais ses lettres de noblesse.

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             Paru en 2014, Rippin’ Up Time grouille aussi de coups de génie. Et ça démarre avec le morceau titre, saturé d’entrée de jeu. Dave nous passe une vieille dégelée de son à la ramasse de la rascasse, en bon seigneur qui se respecte. Il gère son rippin’ à la meilleure heavyness d’Angleterre. Effarant ! Le son semble fouillé dans ses fondations, il descend profondément - Rippin’ up time/ I’m out of my mind - La profondeur de sa heavyness outrepasse l’entendement - There is madness here - On voit les guitares ramper dans la couenne du son. Dave Davies a du génie, qu’on se le dise ! Avec «Front Room», il nous propose un joli brouet de puissante nostalgie. Il évoque l’époque où il apprenait à jouer le «Memphis Tennessee» sur sa guitare. Il joue son balladif aux accords sixties et chante ses vieux souvenirs d’un ton kinky. Il raconte les débuts des Kinks. Retour à la heavyness avec «Johnny Adams» puis «Nosey Neighbours», encore plus dévastateur. C’est du même niveau que Really Got Me. Même épouvantable swagger. À son âge, ce démon de Dave peut encore rocker comme un gamin. On l’attendait au virage : le solo fendu dans l’angle. Wow ! Il enchaîne ça avec un «Mindwash» dégoulinant de son. À force de nous épater, Dave Davies devient imprescriptible. Il sait tailler sa route. Puis on le voit sauter dans son vieux cut de jeunesse, «In The Old Days», c’est d’une excellence qui donne le vertige, il raconte la maison de la famille Davies - In the old days, when men were men/ In the old days, and Brittania ruled the waves - Alors oui, on s’enivre - Dancing in the front room/ Dad sings his favourite songs/ The music getting louder/ There’s a thumping from next doors - Puis il retrouve la veine de son frangin Ray pour «Through The Window», shoot de pop merveilleuse, pleine de collant, il chante avec le même accent décadent et du coup, ça accroche énormément, d’autant qu’il éclaire ça aux arpèges miraculeux. Des vagues de son viennent flatter le ventre du cut - The past is gone/ It’s all been said/ The road continues up ahead/ No regrets, what’s done is done/ The future is here with a brand new song - Cette baleine de son se balance dans l’océan du rock, folle de bonheur. Dave is the best.

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             Et quand il reprend tous des blasters sur scène, ça donne Rippin’ Up New York City Live. Comme dans Belly Up, il cale des vieux standards des Kinks, «I’m Not Like Everybody Else» et «I Need You». Il encorbelle ces vieux hits fantastiquement, il joue au délibéré. Fabuleuse présence riffique ! Il joue le heavy rock comme nobody else. C’est aveuglant de véracité intrinsèque. Il est l’âme du power sound. Il part en solo de dévastation latente, aw my Gawd, écoutez Dave Davies ! Il tape plus loin une version de «See My Friends» - One of my brother’s songs - Mais son «Rippin’ Up Time» ne reste pas en reste, ça rivalise de heavyness avec ses meilleurs coups d’éclat, il te riffe ça à la folie, il envoie rouler des rigoles de lave sonique, c’est un bonheur que d’entendre jouer ce survivant de l’âge d’or. Il explose au grand jour. Il passe des versions superbes de «Creepin’ Jean» et de «Suzannah’s Still Alive» et revient sur l’excellent «Death Of A Clown» qu’il prend à la glotte râpeuse. Ce Death aurait pu devenir un hit tellement c’est allumé à la bonne humeur. Il termine avec ce qu’il faut bien appeler la triplette fatale, à commencer par ce qui restera l’un des plus fameux hits des Kinks, «Where Have All The Good Times Gone». Dave le bouffe tout cru. Shout it out ! Pire que Bowie. C’est de l’heavy Dave, l’inventeur du genre. L’origine du monde. Il tape ça au power-blast de heavy doom, il jette ses couplets un par un down on the ground, c’est l’âme du rock anglais, Bowie l’avait bien compris. Il enchaîne aussi sec avec «All Day And All Of The Night» qu’on ne présente plus. Aw my Gawd ! Explosif ! Ce mec fout l’Angleterre par terre. Il nous explose ça dans un bouquet d’harmonies vocales all day and all of the night et il nous achève littéralement avec «You Really Got Me». Ah il faut le voir balancer sa purée. Tout le monde en prend plein la gueule. C’est du big Dave fondamental. Stupéfiante version avec un solo en forme de descente aux enfers.

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             On trouve sur Hidden Treasures les 13 titres du fameux lost album de Dave Davies. Le cirque dura quatre ans, de 1966 à 1970 : sortira ? Sortira pas ? Finalement, l’album n’est pas sorti. Les projets des Kinks avaient la priorité et les deux majors qui commercialisaient les Kinks, Warner aux États-Unis et Pye en Angleterre, ne parvenaient pas à se décider. Dave enregistrait des chansons qui paraissaient sur des singles, à commencer par l’excellent «Susannah’s Still Alive», si terriblement sixties dans son essence et monté sur un très joli drive de basse. Les cuts de Dave tiennent vraiment bien la route. On a là une sorte de psyché de brit pop kinky assez admirable, très travaillée, et le plus souvent d’une fantastique tenue, comme ce «Hold My Hand» tenace et bien intentionné, pur jus de gospel pop - Hold my hand/ And it’s gonna be alright - Le cas Dave s’impose. Avec «Are You Ready», il fait un folk emblématique, une chanson d’entraînement des foules, il chante à l’accent pointu et ferme. «Lincoln County» est digne des Small Faces, il évoque les pretty girls. Il passe au heavy blues de Muswell Hill avec «Mr Shoemaker’s Daughter» et ça sonne évidemment comme un hit de pub. Il n’y a que Dave Davies ou son frère pour aller chanter «Mr Reporter», cette espèce de petite pop charmante. On entend un beau drive de basse sur «Groovy Movies», pur jus de r’n’b à l’Anglaise. On passe ensuite aux singles avec un «I Am Free» amené à l’extrême heavyness. Ça sent bon l’underground. S’ensuit l’imparable «Death Of A Clown» claqué à coups d’acou, certainement le hit le plus connu de Dave. N’oublions pas «Creepy Jean» dont le son taille sa route, et puis tu as ce brillant «The Man He Weeps Tonight» joué au psyché rampant de sunshine pop, vraiment digne des Byrds.       

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            Paru en 2018, Decade se présente comme une collection de délicieuses resucées, à commencer par ce «Midnight Sun» qui sonne comme «Maggie May». C’est dans le ton du chant et dans certains échos de dynamiques internes. Mais dans les pattes de Dave, ça reste très sérieux. L’autre hit du balda s’appelle «Mystic Woman» - Hear my call/ Bring your juju - Il joue ça au groove du bayou, c’est fin et inspiré, comme tout ce qu’il entreprend. Sur «If You Are Leaving», il sonne un peu comme Roger Chapman. On se croirait sur le troisième album de Family, avec une pincée de Slim Chance dans le son, tu sais, la musicalité si particulière du Passing Show. Et la B ? Une merveille s’y niche : «Within Each Day». Très pop, avec de délicieux accents kinky d’I remember that day when you came in/ Giving my life a clever meaning. Avec «Same Old Blues», il s’engage dans un balladif entreprenant et très audacieux. Dave reste d’une élégance extrême. Un vrai dandy. Il finit sa B en Family motion. Il chante «Mr Moon» et «This Precious Time» à la Chap, c’est évident. Le son de Rog the Chap l’intéresse.    

    Signé : Cazengler, Davide abyssal

    Dave Davies. Belly Up. Meta Media Records 2008

    Dave Davies. Hidden Treasures. Universal 2011    

    Dave Davies. Rippin’ Up Time. Red River Entertainment 2014             

    Dave Davies. Rippin’ Up New York City Live. Red River Entertainment 2015

    Dave Davies. Decade. Red River Entertainment 2018      

    Dave Davies. Living On A Thin Line. Headline Publishing Group 2022

    Rob Hughes : Dave Davies. Classic Rock # 255 - November 2018

    Cam Cobb : Perfect Stranger. Shindig # 127 - May 2022

     

    L’avenir du rock

     - Pas de vague à Liam (Part Two)

     

             Pour rompre avec la routine et le confort intellectuel du swingin’ London, l’avenir du rock s’est installé dans un galetas du Quartier Latin. Quelle idée ! Il espère renouer avec le dénuement de Verlaine et recréer cette puissance d’idéalisme qui fascinait tant Mallarmé, «la puissance d’idéalisme que certifiait une pauvreté aussi simple». Le nouveau confort que recherche l’avenir du rock est celui d’une spiritualité lyrique. Il s’installe donc devant sa pauvre petite table, et alors que danse la lueur pâle d’une chandelle, il trempe sa plume dans l’encrier. D’une main rendue tremblante par l’excès d’excès, il allonge sur un mauvais parchemin le vers qui, pareil à l’omnibus de la petite ceinture, lui traverse lentement l’esprit :

             «Liam, te souvient-il, au fond du fookin’ paradis,

             De la gare de ‘Chester et des bloody trains de jadis,

             T’amenant chaque jour à London, au stade de Chelsea,

             Pour voir jouer Manchester City ?»

             L’avenir du rock sort alors de sa poche un mouchoir qui n’a plus du mouchoir que le nom et s’éponge un front qu’il voudrait aussi bombé que celui de Verlaine, avant de retremper fiévreusement sa plume dans l’encrier et de poursuivre l’inventaire de ses pérégrinations lyriques :

             «Jadis déjà ! Combien je me rappelle le temps d’Oasis

             Ta grâce sur scène à Knebworth, mince et leste, quelle catalyse,

             Comme un ange le long de l’échelle des célestes lavatorys,

             Ton sourire amical et filial était une hydrolyse,

             Tes yeux d’innocent, doux mais vifs, m’allaient dans la lucarne comme des penaltys,

             Ils m’allaient droit au cœur et pénétraient mes ombres de château d’Ys.»

             Secoué d’un dernier spasme lyrique, l’avenir du rock cassa sa plume en écrivant :

             «Mon pauvre Liam, ta voix d’étoile dans le ciel de Knebworth !»

     

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             Si on le laissait faire, l’avenir du rock ne tarirait plus d’éloges sur Liam Gallagher. Il n’est d’ailleurs pas le seul à penser le plus grand bien de cette immense rock star. La presse anglaise s’accroche à lui comme la moule à son rocher : et si Liam Gallag était la dernière rock star anglaise ? Et s’il était le nouveau messie ? Il faut le voir remplir Mojo de paroles d’évangile, du style : «Once you join a band, it’s your birthday everyday.» Quoi de plus vrai ? Histoire d’éclairer notre lanterne, il ajoute un peu plus loin : «Si tu ne te lèves pas chaque matin à six heures pour aller creuser des trous dans une route, ça veut dire que tu as réussi. Les Bouddhistes disent que every morning is another birthday, you know.» Non seulement il est avec Frank Black et Iggy le plus grand chanteur de rock actuellement en circulation, mais il fascine dès qu’il fait une observation - I mean, it’s really my birthday every fucking day ! - Il adore enfoncer son clou au marteau-pilon.

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             Ted Kessler parle de commercial rebirth. Ça veut dire qu’il n’a rien compris. Des artistes aussi parfaits que Liam Gallag, Frank Black, Iggy ou John Lydon n’ont pas besoin de rebirth ni de commercial rebirth. Ils sont tout simplement au-dessus de la mêlée et quoiqu’ils fassent, ce sera toujours bien. Les deux albums de Beady Eye sont énormes et les deux premiers albums solo de Liam Gallag le sont encore plus. Avant même que sorte son troisième album, Knebworth où il doit se produire est sold out. Amazing, dit Kessler. Mais non, pas amazing, normal, pour un mec de la trempe de Liam Gallag qui déclare : «Oui, c’est fantastique. Blows my mind. Mais je n’y pense pas trop. Oh peut être un petit peu, on the sly. Don’t tell anyone.» En plus, il se fout de la gueule de Mojo. Une tournée est prévue en juin, avec des rumeurs que Liam balaye aussitôt : «No ! Noel ne jouera pas avec nous. C’est dingue que des gens puissent imaginer ça. It’s not Spinal Tap, mate. Il sera planqué dans un coin, à penser qu’il vaut mieux jouer devant 2 000 personnes à Scumthorpe plutôt que devant 80 000 personnes à Knebworth. Il a eu sa chance.» Boom ! Alors qu’il se caresse pensivement le menton, il ajoute : «Cela démontre que tout ne repose pas uniquement sur celui qui écrit les chansons. Il arrive que ça dépende des personnalités. The voice. Les gens se moquent du chanteur, oh il n’a pas écrit les chansons, c’est l’autre qui a du talent, c’est l’autre qui est le cerveau du groupe. Maybe I’m the soul. C’est moi qui met la balle dans la lucarne. Mettre un but, c’est le plus difficile, pas vrai ?». D’un point de vue footbalistique, c’est imparable. Pure logique. Quand le silence s’installe dans la pièce, il le brise en demandant une clope - Got any fag ? - La moindre formulation est importante. Liam Gallag est une sorte d’Oracle de Delphe. N’en perdons pas une miette.

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             Pour son troisième album, il voulait faite un Stooges album. Il en a marre des balladifs - I’d love to do an angry record. No strings - Mais en fait, il se retrouve avec des balladifs et beaucoup de strings. «Some soulful pop in amongst the classic Gallagherisms», nous sort fièrement le Kessler. En fait les chansons sont bricolées à distance, à cause de Pandemic, et Liam les récupère à la fin pour les valider. Il veut que ça soit plus «Stones-y or whatever» et en conclusion, il sort une fabuleuse métaphore : «The clothes are already made. But I put them on, make them look good.»  C’est l’essence même de la rock’n’roll star : make things looking good. Ça a toujours fonctionné ainsi, depuis Brian Jones jusqu’à Liam, en passant par Iggy et Jimbo.

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            Et kaboom, «More Power» qui ouvre la bal de C’mon You Know arrive comme un hybride des Stones et de Spiritualized, avec des chœurs de gospel pubère. Liam arrive très vite et remet les pendules à l’heure. Power maximal, il t’éclate ton Sénégal - I wish I had more power - Liam se marre : «Basically, You Can’t Always Get What You Want.» Il parle de colère dans son texte. «What’s angry ? It’s passion. One day I’m chilled, the next I’m an angry cunt. Ça dépend de ce que j’ai bouffé. Ça dépend du temps qu’il fait.» Il ne veut pas analyser sa musique. Pour lui, l’essentiel est que ça sonne. Il laisse l’analyse aux autres. Power ? More Power ? Non ça ne le branche pas du tout. Il sait comment se fait un bon album : «I need to have a word with myself. J’ai besoin de me limiter à guitar, bass and drums. Ten songs, in your face - big good songs.» Et pour que les choses soient bien claires, il ajoute : «I need a total Beatles ban. And a Stones ban. Next time, I’m just gonna get in the studio with a band and bash it out. Not even mix it. Just have it as it’s coming off the desk.» On l’écoute en rigolant. Le rock ne risque pas de casser sa pipe en bois avec un mec comme Liam Gallag dans les parages.

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             En bons fouille-merde, les journalistes lui ont trouvé un petit problème de santé : il doit se faire opérer des hanches - My hips are fucked. J’ai de l’arthrite, bad - La bonne femme lui dit qu’il doit grimper sur le billard. No way. Et après les hanches, ce sera quoi ? Alors fini le jogging sur Hampstead Heath. On lui dit qu’il pourra recommencer à courir après l’opération. Et tu sais ce qu’il répond ? «I’d be like Louis Spence, throwing my leg over my shoulder while playing the flute», ce qui peut vouloir dire qu’il va ressembler à Louie Spence (un danseur célèbre en Angleterre), à jeter sa jambe par- dessus l’épaule tout en jouant de la flûte. Là, tout Mojo s’écroule de rire. Il dit qu’il se fout de la douleur - Pain is OK. My eyes are fucked. My hips are fucked, got the old thyroid. But we’re all going to die, pas vrai ? Or are we already dead ? - Kessler annonce que sonne l’heure de la philosophie. Liam développe : «Peut-être sommes-nous déjà au paradis. Ou en enfer. Comment peux-tu savoir où nous sommes ? How do you know dying is death ?» Comme personne ne l’interrompt, il continue : «Je ne crains pas la mort. Pourquoi devrais-je la craindre ? Ça va arriver de toute façon. C’est la même chose que d’avoir peur d’être né.»     

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             Et pouf, il envoie son morceau titre - C’mon you know/ It’s gonna be alrite/ C’mon you know - Il enfonce son clou au stomp. Pur jus de rock anglais. On peut même parler de cut décisif. La fête se poursuit avec «It Was Not Meant To Be», vieux shoot de pop anglaise, en plein cœur du swingin’ London. Il vend sa soupe, c’est un battant. Rien ne peut le faire reculer. C’est la constance de ‘Chester. On note aussi la brutalité des coups d’acou dans «World’s In Need», et kaboum ! Ça saute à nouveau avec «I’m Free». Après une grosse intro, le Gallag te saute dessus à bras raccourcis, il chante avec de la colère plein la bouche, c’est tellement bardé de son que ça chevrote. Les colonnes du temple dansent le twist. L’album est tout de même un peu étrange, Liam semble chercher des voies de passage vers les Indes - Go back to your prisoner/ Cause I’m free - On entend le ghetto blaster de Notting Hill Gate. S’ensuit un «Better Days» extrêmement embarqué, extrêmement orchestré, il traîne la savate au chant, c’est sa façon d’épouser son génie, ça devient énorme, ça monte comme la marée. Il impressionne encore plus avec «Oh Sweet Children», il a le même impact que John Lennon, le même poids dans l’histoire du rock. Gallag est l’égal des dieux. Mais le plus surprenant, c’est encore la pochette. La pochette n’est faite que de fans photographiés depuis la scène. C’est l’hommage de Gallag à ses fans, mais les images sont assez perturbantes. On se demande si tous ces gens ont accepté le principe. Sur le poster plié à l’intérieur, tu vois une mer de smartphones, ils font tous des photos du Gallag sur scène. Des centaines de smatphones. On vit dans ce monde. Loin du monde.

    Signé : Cazengler, Gallaguerre des boutons

    Liam Gallagher. C’mon You Know. Warner Records 2022

    Ted Kessler : You only live twice. Mojo # 343 - June 2022

     

     

    Inside the goldmine - Setting Son of a bitch

     

             L’homme qui vendait sa maison ne faisait aucun effort pour masquer ses manières aristocratiques. Le bleu de son regard était si clair qu’il en paraissait transparent. Il accompagnait chacune de ses phrases d’un geste de la main ample et gracieux à la fois. Il affirmait posséder de vraies toiles, celles que la nature lui offrait à travers les immenses baies vitrées donnant sur le bord de Seine. Voyez-vous, nous avons là les quatre saisons. Il restait extrêmement discret sur les origines de sa fortune, mais l’entremetteuse nous confia un peu plus tard que l’homme avait possédé au temps de sa jeunesse un grand hôtel à Opéra. Sans doute fatigué des rythmes urbains et du brouhaha haussmannien, il avait opéré un repli stratégique vers un bord de Seine qui était encore alors quasiment inhabité et fait installer sur cette fantastique terrasse ce qu’il appelait lui-même une « demeure en portefeuille». Il avait imaginé le principe de ce cube en ferraille déposé par une grue et doté d’un mécanisme clic-clac qui assurait disait-il le setting. Une fois le portefeuille ouvert, deux poutrelles métalliques enfilées dans des conduits prévus à cet effet raidissaient la structure pour l’éternité. Le cube offrait une vue imprenable que ce paysage d’Île de France qui fascina tant de peintres, de Pissaro à Sisley en passant bien sûr par Auguste Renoir. Mais pourquoi cet homme se séparait-il d’un tel paradis ? Son épouse qui était alors occupée à cuisiner des poivrons grillés souffrait disait-il des hanches et ne pouvait plus envisager de monter quotidiennement la volée de marches qui reliait le chemin de halage à cette gigantesque terrasse. Il ne laissait absolument rien transparaître de son dépit. Il affichait un calme olympien, se contentant de nous redire sa fierté d’avoir imaginé ce setting d’une simplicité enfantine. Pendant les six mois qui suivirent l’acquisition, nous vécûmes sous une tente installée dans le jardin. Nous n’osions rien toucher de ce qui avait fait le quotidien de cet homme extraordinaire. Quand nous apprîmes par la suite qu’il avait péri dans l’incendie de son écurie de chevaux de course, il nous parut évident qu’il s’était jeté dans les flammes. 

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             Le setting du danois Sebastian T.W. Kristiansen est légèrement différent, puisqu’il s’agit d’un groupe pop, The Setting Son, monté en 2007, que le légendaire Lorenzo Woodrose prend sous son aile. Il va d’ailleurs produire leur premier album, The Setting Son.

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             On ne sera donc pas surpris de se retrouver en plein dans une belle ambiance sixties, climat clairvoyant amené dans la délicatesse, c’est même un peu la fête au village, ça pulse à la basse de culs de basse fosse, comme chez Breughel l’ancien, ça éclot à l’éclat d’épaisse fuzz et globalement ça frise de futurisme de Marinetti. Ça monte soudainement en pression qualitative avec «All I Want Is You», fabuleux shake in the face de Setting Son, totally out of it. Tiens puisqu’on est dans les out of it, voilà un «Out Of My Mind» joué à la pure violence, c’est le wild gaga de Lorenzo. On reste dans le gaga avec «In A Certain Way», relevé à l’extrême, ils tapent ça au someone else, c’est violent et complètement washed out. Ils profitent de leur élan pour trasher «I Love You», une abomination gagapocaplytique jouée au fuzzcore de Tasmanie. On a là l’un des très beaux albums gaga du XXe siècle. Ce mec plonge dans «I’m A Loser» au I’m just a loser et il reste d’une crédibilité sans nom. L’album continue de foncer dans la nuit avec «I’m Down», c’est plein de fuzz et de nappes de Seeds, c’est excellent et on se régale de cette proximité avec le Grand Œuvre de Lorenzo Woodrose. Ah quelle belle overdose de gaga sixties ! Il ne faut pas se fier à la leur mine de gentils mecs, les Setting Son sont capables des pires exactions. Tout est parfait sur cet album, le festin de son s’achève avec «Desperate Soul» et «You Better Run Away From Me», noyé dans les extrêmes. Ce mec tord le cou de sa psyché.

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             Paru en 2008, Spring Of Hate bénéficie d’une belle pochette dessinée, surtout au dos où dansent six femmes nues qui ne cachent rien de leur intimité. Avec cet album, Sebastian T.W. Kristiansen propose une petite fast pop dans laquelle remontent à un moment des accents des Seeds («Soulmate»). Avec l’«Out Of Tune» qui clôt le balda, il va plus sur Mercury Rev. En B, on retrouve the Seedy motion dans «Creepy Crawlers». Même élan, même ambition, même lancinance. «Wrong From The Start» plaira aux amateurs de gaga pop, c’est très énergétique et bien secoué des cloches au shuffle d’orgue. Toute cette pop se tient merveilleusement bien. Guitare et orgue se relayent pour redorer le blason du son. On se régale encore de «Depression», un cut plein de jus avec de grandes vagues de shuffle et de soudaines montées de violence, comme d’ailleurs chez les Seeds. Si nos amis les Seeds enregistraient un nouvel album à notre époque, ce serait celui-ci. Les Setting restent dans la mouvance Seedy jusqu’au bout de la B avec «Demons In My Head» et «I Lost Control», ils taillent la route à la bonne énergie de lose control et avec tout le bataclan qu’on peut bien imaginer. 

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             Avec Before I Eat My Eyes And Ears, les Setting restent dans l’optique big pop de Bad Afro, ce que certains qualifient de bubblegum psych with strong melodies and hooks galore. Ils font preuve d’un réalisme catégoriel étonnant, «Above The Rest» passerait presque pour une pop d’orgue doucement bercée, bien dense avec les louves. On sent un soin qualitatif de tous les instants, comme chez Galileo 7. «Terrible Town» va plus sur le Swingin’ London, avec du shuffle sous-jacent et un beat à la Spencer Davis Group. Ils bouclent leur balda avec «All The Candy», un big brouet de pop alerte et spontanée que chante Emme Acs. Ces gens-là ont du répondant poppy et même power-poppy à revendre. L’énormité de l’album s’appelle «Death Breath». Ils font de l’éthéré à la Mercury Rev. On se croirait en Arizona. On retrouve Emma Acs dans «Butterface», elle y va à coups de butterface et ça pourrait bien être un hit, after all. Mais globalement, ils s’éloignent des Seeds et de Baby Woodrose. Ils finissent avec un shoot de pop éthérée nommé «La Luna». Ils vont chercher des horizons à la MGMT, une bruine de son parcellaire que traverse un filet d’orgue et des voix diffuses qu’on voit à la fin s’étioler en de délicieuses arabesques harmoniques.

    Signé : Cazengler, Settting Con

    Setting Son. The Setting Son. Bad Afro Records 2007

    Setting Son. Spring Of Hate. Bad Afro Records 2008

    Setting Son. Before I Eat My Eyes And Ears. Bad Afro Records 2012

     

     

    ROCKABILLY RULES ! ( 7 )

    N’oubliez jamais que toutes les règles sont faites pour être contournées, dépassées, chamboulées, piétinées, car l’important avant tout c’est d’avoir un cœur fidèle et rebelle !

     

    ICHI-BONS

    Une vidéo aux couleurs criardes vous arrache la gueule sur You Tube. Exactement le genre de troue-pupilles dont j’habillerais Kr’tnt si les lecteurs – nul n’est parfait - ne préféraient pas les couleurs médianes ni trop flashy ni trop obscures, s’agit d’un clip promotionnel pour le nouveau le nouvel EP deux titres d’Ichi-Bons, oui ils sont bons, donc on plonge tout de suite sur la vidéo et ensuite sur le disque :

    DUST OF LIFE ( Promo Vidéo )

    ANDREW FOERSTER

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    Comme toujours quand on rencontre un graphiste qui accroche les mirettes un détour par son Instagram s’impose, cette vidéo s’inscrit dans la continuité de son œuvre, le bonhomme aime les couleurs vives, une évidence qui crève les yeux, mais allez-y voir par vous-mêmes, comme il n’y a pas de hasard dans la vie vous trouverez deux posts sur les White Stripes, or le 22 septembre dernier les Ichi-Bons étaient en première partie de Jack White, ne cherchez pas l’erreur, il n’y en a pas.

    Des couleurs Prisunic qui fleurent bon l’insouciance proclamée des sixties, un bleu prunelle, un jaune orangina, un noir mat formica, quelques touches de blanc pour rehausser la crudité des pigments, le début est parfait, juste le temps de l’intro, tout est dans la couleur instrumentale, quelle parfaite sonorité de guitare, ça évoque l’intro de Brand New Cadillac de Vince Taylor même si ça n’a rien à voir, z’ensuite vous tombez sur le type de clash apocalyptique dont les aficionados de rockabilly raffolent, le genre de déchirure qu’a dû ressentir Ravaillac lorsque les quatre percheront l’ont déchiré d’un seul coup, c’est alors que vous aurez l’impression d’être victime de troubles visuels, l’image saute sur une ( sale ) mine, si votre cerveau a du mal à suivre ne l’accusez pas c’est que votre constitution n’est pas faite pour le rockabilly, c’est triste mais c’est comme ça, quand vous voyez s’afficher le nom des musiciens fautifs, respirez, vous avez survécu, si vous ne les voyez pas, pas d’inquiétude c’est que vous êtes mort. Vous êtes délivrés de notre monde de brutes et de fureur. Reposez en paix. L’épreuve ne dure pas une minute ! La suite est pour les survivants.

    Ne me demandez pas ce que signifie Ichi-Bons, en la langue des oiseaux nous traduirons par Ici (c’est) Bon, sinon nous y trouvons une consonnance asiatique, le guitariste et vocaliste ne se nomme-t-il pas Hideki Saito même si sur la vidéo il est dénommé Little Perkins, ce qui il faut l’avouer sonne beaucoup plus rockabilly. Mamo Banzai : basse, Paddy Burn : drums. Ne sont pas américains, enfin si, du Canada, de Toronto. Revendiquent trois racines pour leur musique : garage, surfin’, rockabilly.

    THE DUST OF LIFE / CAN’t STOP MOANING

    ( Trophy RecordsTR003 / Décembre 2022 )

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    The dust of life : barate boogaloo en toile de fond, genre explorateurs ventre à terre poursuivis par les cannibales, très logiquement Little Perkins vous projette le vocal à fond de train, mais le pire c’est cette note de guitare qui revient perpétuellement comme le tic-tac fatidique ( mais ici follement perce-oreille mélodieux ) de la bombe dans l’avion qui va exploser, la tension s’intensifie et c’est ici que la déflagration se produit, la basse se la joue de profundis compressé, Perkins est aux abois, le gars qui ne retrouve plus sa ligne de vie dans la paume de sa main, calmos, pas de panique, arrêt buffet, les cavaliers embrassent leurs cavalière, une demi-seconde de répit avant l’éclatement de l’auto-destruction finale. Can’t stop moaning : un titre qui sent le blues à plein nez, ben non, c’est de l’ultra-comprimé, le rockab des familles désunies ou d’assassins, un bocal, pardon un vocal avec le   crotale vivant à l’intérieur, Burn a beau essayer de l’écraser à coups de grosse caisse, cause perdue, apparemment ils ne savent pas garder leur sang-froid, la fin est une espèce de salmigondis de crise de folie généralisée. Ce quarante-cinq tours est le genre d’évènements qui vous réconcilie avec le monde dans lequel vous vivez, puisqu’il vous permet d’entendre de telles horreurs ! Splendide.

             Quand on a repéré un coupable  de bonnes choses ( c’est comme pour les mauvaises ) faut rechercher les antécédents, voici donc leur premier opus, la pochette sent l’artisanat du DYE, entre parenthèses celle du précédent dans la lignée des simples américains n’est guère folichonne. Voici donc :

    ICHI-BONS PRESENTS :

    SHOW ME THE ROPES / BLUE EYES & BLACK HAIR

    ( Digital Bandcamp / Sortie : 31 / 03 / 2022 )

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    Show me the ropes : une guitare qui sonne et une section rythmique qui groove à mort, c’est le vocal qui sert de locomotive, voix sonore légèrement en urgence qui hoquète presque comme un drapeau flagellé par un vent taquin, l’est vite rejointe par une surfin’guitar qui ne surfe pas mais qui fait résonner des cordes de pendus qui claquent au vent, ce coup-ci mauvais, et qui bientôt jette toute la vaisselle du bahut à terre pour mieux la piétiner. Décidément ces gars-là ne peuvent terminer un morceau sans se fâcher. Blue Eyes & Black Hair : un titre à la Red Cadillac and black moustache, mais beaucoup plus énervé que les versions de Bob Luman et de Warren Smith, ici l’on est dans le rawkabilly pur et dur des origines, une batterie qui tape, une basse qui cogne, une guitare qui étincelle de mille feux et un vocaliste qui scie la branche de l’arbre sur lequel il s’est posé et qui se dépêche pour ne pas avoir l’air de mourir idiot. L’art du rockab c’est celui de l’intention, tout est dans l’inflexion esthétique que l’on donne à sa vie. Old style, good style.

             Quand il n’y en a plus, il y en a encore :

    BLACK DICE DEMOS

    ( Digital Bandcamp / 24 – 03  - 2020 )

    L’ont accompagné d’une photo, jeune groupe timide qui n’ose pas la ramener pour leur premier concert. Ne pipent pas un mot, ils attendent d’être sur scène pour faire parler la foudre.

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    Don’t call me flyface : n’ayez pas peur lorsque fuse le cri, il n’y en aura pas d’autres (enfin si mais pas trop nous sommes dans un instrumental ), assument leur héritage de surfin’ group, se déchaînent à fond, n’apportent rien au surfin’ de l’époque originelle de Dick Dale mais ils y mettent tant de cœur et de hargne que l’on se régale. Je jure qu’après la quinzième écoute je passe au morceau suivant. The rockin’ Gipsy : attention ici on vous le met dedans à l’espagnole, le grand style une guitare avec robe à volants flottants, une batterie banderillas à répétitions, c’est pas du flamenco pathétique mais de l’esbroufe, la basse claque du talon, regardez comme l’on joue vite, attention, question guitare l’on est beaucoup plus près de Django Reinhart que de Manitas de Plata. Dans la vie tout est question de doigté. The black alley stroll : stroll is cool, entrevoyez la problématique : comment flamber lorsque l’on est coincé sur une rythmique pour jeunes filles de cinquante ans, dès le début ils allument la torpédo, mais peuvent pas tricher non plus, alors ils adoptent la démarche chaloupée de la file d’éléphants qui respecte les limitations de vitesse, z’avez la basse et la batterie qui marchent en tête, ne comptez pas sur elles pour accélérer la cadence, la bête vicieuse, elle est au fond, en apparence elle suit les autres avec la docilité de ces cancres tapis près du radiateur qui attendent que le maître ait le dos tourné au tableau pour lancer une boule puante, l’air de rien, la tête pensive du gars qui tente de résoudre une équation du douzième degré, et plang ! la guitare vous déracine un arbre d’un coup de rien en toute innocence et chlang ! une nouvelle frondaison s’écroule à terre, même qu’hypocritement la basse appuie plus lourdement sur ses pattes pour couvrir le bruit, et toute ces bêtes si sages rigolent à perdre haleine comme si elles venaient de lire une chronique de Damie Chad.

             Ichi-Bons nous refilent quelques bonus. Du tout nouveau, trois albums enregistrés live le trente septembre 2022

    LIVE @Linda RonstatdMusicHall. Tucson. AZ

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    Live in Tucson. Vol 1 : Down shiftin’ : on s’en doutait un instru pour se chauffer les doigts, sont vite bouillants, z’ouissez cette guitare qui vrombit pour s’arrêter et repartir en claquements de becs salés, la rythmique pied au plancher, criez et applaudissez, c’est terminé, deux minutes de bonheur, c’est peu ! Still on zero : encore plus court un petit début country pour varier les plaisirs et hop un beau vocal rockab style western qui tire dans tous les coins, un chanteur en voix off tellement on est pris par l’action. Sont doués ne méritent pas leur zéro. Striding throught my blues : une volée de notes dans la tradition blues exalté de sept secondes et accélération clivante genre chevauchée fantastique, un dilemme terrible vous attend, faut-il suivre la guitare ou le vocal, heureusement que le band passe devant ce qui vous évite de vous prendre pour Corneille, ça repart en plus doux ce qui vous permet d’allier tous les plaisirs, hélas le solo qui vient vous arrache l’épine dorsale, pour le reste disons que c’est blues suede shoes ! Castin my spell : entrée tamtamtivore, c’est beaucoup plus l’appel de la jungle que de la forêt, ça ronronne à la manière du tigre qui se lèche ses babines ensanglantées, beau jeu de basse rampante, guitare serpentine, vocal feu au plancher, la foule acclame.

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    Live in Tucson. Vol 2 : Run chicken run : les picotis de Link Wray et la guitare qui lance les graines dans le poulailler, l’est sûr que le poulet n’est pas élevé en batterie – pourtant elle ne perd pas l’occasion de se faire remarquer - ici ce n’est pas de l’industriel et ça sonne comme un combat de coq. Hep cat : fini les plaisanteries, un bon vieux rock’n’roll des familles, avec rien qui dépasse ( même pas deux minutes ) une voix cochranesque qui vous fout le ramdam, un petit solo salé, et un final démantibulé vitaminant. Le truc parfait. I’m gone : vous avez aimé le précédent, alors ils vous en refilent un autre sur le même modèle, en plus court car il ne faut pas trop gâter les enfants, sans quoi ils se conduisent dans la vie au mieux comme des voyous au pire comme des rockers. Snake eyes : l’on vous a déjà dit de ne pas jouer avec les serpents, ce sont des bêtes vicieuses et dangereuses, un petit instru de derrière les vipères, dans la deuxième partie vous avez une guitare qui imite les chatoyances charbonneuses du mamba noir, mettez-y l’oreille mais pas la main. A moins que vous ne vouliez finir comme Cléopâtre.

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    Live in Tucson. Vol 3 : The witch : un son différent de tout ce qui précède, un peu plus tonitruant et un vocal de chirurgien énervé qui a oublié son bistouri dans le ventre de son patient, l’est pas content hurle de toutes ses forces pour que le gars le lui rende. Blues eyes & black hair : pur rockab classique, difficile de dire si cette version est différente de celle de leur disque auto-produit , un chouïa plus énervée peut-être, mais cela se discute. Contentons-nous de jouir sans entraves comme l’on disait à l’époque. Show me the ropes : là, il n’y a pas photo, diantrement plus nerveux et un accompagnement beaucoup plus mélodramatique dans lequel se distingue un pointu solo qui sonne très Buddy Holly. The black alley stroll : ne rallongent pas la promenade, adoptent un pas davantage nonchalant, la guitare ronronne gentiment à la manière du chat qui attend l’ouverture de sa boîte de Canigou Ron Ron. Sur la fin on n’entend plus que ses voluptueux lapements de langue visqueuse.  Misirlou : ce n’est pas la misère qui nous tombe dessus mais le tube de Dick Dale (ça tombe bien on avait la dalle), nous le traitent à la hussarde, une belle cavalcade de trois mille chevaux qui foncent droit sur l’ennemi, c’est grisant, on s’y croirait, ça tonne de tous les côtés, la batterie ne sait pas être douce, la basse vous écrase, la guitare vous étripe, l’on est un peu maso alors on en redemande.

             Pas mal cette idée de trois quarante-cinq tours pour un concert, ne rêvons pas, pour le moment c’est en digital sur bandcamp, mais espérons qu’un jour ils concrétiseront, les photos des pochettes supposées reflètent bien l’ambiance, un appât pour les collectionneurs, le plus terrible pour les plus désargentés, lequel des trois choisir, dans chacun ils trouveront un morceau indiscutable… Dans tous les cas, tous les cats auront un vinyle d’un des groupes de rockabilly actuels prometteurs.

    Damie Chad.

     

    *

             J’avoue une prédilection certaine pour les gens qui possèdent une mythologie personnelle. L’on pourrait me rétorquer que chacun possède sa propre mythologie, certes seulement certains en ont davantage conscience que la masse des autres. Raison nécessaire et suffisante pour expliquer mon goût pour le Metal, le Stonner et le Doom. Les groupes de ces courants développent tant d’énergie que les textes qui les accompagnent ne sauraient se contenter longtemps d’historiettes sentimentales, pourquoi tant de bruit et de fureur pour des évènements d’une extrême banalité. Les musiques fortes exigent des textes d’une même ampleur. Le problème c’est que tout le monde n’est ni Homère, ni Virgile… Certains groupes ont compris la difficulté, puisqu’ils se sentent incapables de rivaliser – d’ailleurs le format ne le permet guère – avec La Pharsale ou La Divine Comédie, préfèrent se taire. Si pas de texte, nul besoin de chanteur. Seule reste la musique. Se développent ces dernières années des groupes instrumentaux. Ce n’est pas choisir la facilité. Comment se faire comprendre sans l’aide de mots et en se passant du plus bel des instruments : la voix humaine.

             Nous sommes face à une démarche très différente des groupes instrumentaux des années soixante, la problématique était toute autre, il s’agissait alors d’explorer les tessitures et les possibilités des nouveaux instruments électriques… tout nouveau, tout beau… les chanteurs ont très vite récupéré leur place… sur le devant de la scène…

             Mais essayons de comprendre comment l’on peut se faire comprendre sans prononcer un seul mot en écoutant l’opus suivant qui déjà se singularise par sa date de parution, ce premier janvier 2023.

    BLACK SKY GIANT

             Enfin presque, puisque déjà ils en utilisent ( en français ) cinq : le nom du groupe :  le géant du ciel noir. Que savons-nous d’eux ? Qu’ils sont de Rosario, la plus grande des villes de la province de Santa Fe, en Argentine. D’après les photos ils sont trois. Ils ont toutefois choisi d’apparaître en tant que Black Sky Giant.

    Un ciel noir ne porte pas à l’optimisme, néanmoins souvenons-nous que le vide interstellaire est noir, ce qui déjà octroie à ce géant une origine étrangère. Le mot géant en lui-même n’est pas neutre, dans nos souvenirs scolaires plane cette histoire de ces géants qui ont combattu contre les Dieux de l’Olympe, fait-il partie de cette cohorte, à ce point nous n’en savons rien, et puis les contes d’enfants sont aussi peuplés de géants souvent (mais pas toujours) patibulaires. Quoiqu’il en soit le fait qu’ils se déclinent en tant que géant du ciel noir nous incite à considérer qu’ils induisent en nous l’idée d’une dimension mythologique.

    Pour ceux qui veulent tout savoir et chercher, Black Sky Giant a antérieurement produit quatre autres albums à écouter comme des préquelles de celui-ci, il devient manifeste que le Black Sky Giant est autant le nom du groupe qu’un des personnages de cette saga…

    Autres indices : la pochette : due à Deliria Vision. Inconnu au bataillon, un tour sur son instagram nous propose une auto-définition lapidaire ‘’ Sci-fi & Horror Music Artwork’’, pas de tricherie sur le contenu qui suit. Beaucoup de pochettes de disques, à chaque fois un monde froid et cruel que l’on devine sans pitié, vous n’avez aucune envie de le visiter, une vision oniro-cauchemardesque d’un art qui n’est pas sans évoquer certaines lithographies de Salvador Dali mais que l’on pourrait définir comme de l’expressionisme architectural glacé qui ignorerait toute représentation de la fragilité humaine…

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    La pochette en elle-même n’est pas belle, elle est la représentation d’un monde que nos critères esthétiques ne permettent pas d’appréhender. Imaginez les statues géantes de l’Île de Pâques qui auraient été torturées et décharnées à dessein. Des pieux géants plantés en mer et sur terre en tant qu’avertissements sang frais à ceux qui voudraient aborder. Justement un bateau à voiles apparemment insensibles à ce paysage peu engageant fait cap vers le rivage. Le titre est très ambigu, les primigéniques annoncés sont-ils les aventuriers qui se préparent à aborder ou ceux qui ont construit l’imposante tour d’accueil qui se présentent à eux… L’on pense à un temple lovecraftien des Grands Anciens. Etrangement lorsque cette couve s’est présentée à moi j’ai tout de suite pensé à Fragment d’un Paradis de Jean Giono… Bref chacun apporte ce qu’il a dans la musette de son cerveau, livres, films, bande-dessinées, tableaux, œuvres musicales, le groupe fournit la bande-son à l’auditeur de produire les images mentales. Les titres sont assez éloquents, ils sont en rapport direct avec la pochette. L’écoute se transforme en une quasi-expérience de rêve dirigé nervalien, objectivement il n’y a que deux directions possibles, extérieure ou intérieure, un voyage astrale hors de soi pour effleurer ou toucher à une certaine objectivité mondaine ou une entrée en les abysses de soi-même pour descendre tout au fond de la mer consciente.

    Pour ceux qui craindraient à tort d’être dépourvus de l’imaginaire nécessaire, sur son bandcamp le groupe a laissé quelques phrases-béquilles, qui aident certes mais qui peuvent aussi être interprétées de différentes manières. L’ambiguïté ne mène-t-elle pas le monde ?

    PRIMIGENIAN

    Primigenian : ce morceau est de toute splendeur, l’impression de se trouver à l’intérieur des tuyères d’une fusée spatiale, une progression par palier, le son à chaque fois plus fort s’empare de vous et vous emporte, vous subissez des accélérations et des chutes de pression artérielles difficile à supporter, les guitares volent sans être exactement être aériennes car trop soudées à votre chair, un prélude qui ne raconte pas ce qui va arriver mais qui remémore tout ce qui s’est passé avant, vous n’en savez peut être rien, mais les sons sont porteurs de l’inconnaissance de votre connaissance, vous ne savez pas mais d’instinct vous comprenez que le voyage a été long et tumultueux, que vous êtes à l’aube d’un nouveau chapitre. At the gates : vous auriez une carte avec le relevé de la longitude et de la latitude vous seriez heureux, mais vous possédez mieux, un dessin, une carte au trésor, la pochette elle-même,  vous touchez au but, vous êtes en train de passer par la grande porte, la musique crie victoire, elle se transforme en une immense clameur de triomphe, super-générique de film d’action, la force du premier morceau multipliée par mille, vous êtes accueillis en vainqueur même si la basse chantonne que vous n’êtes pas au bout de vos surprises, une allégresse héroïque s’empare de votre esprit, que cette basse est magnifique, comment ne pas l’entendre, c’est sur elle que repose ce péan de louanges érigées en votre honneur. Le bonheur qui vous étreint n’en finit pas de s’épanouir en votre âme.  Stardust : tout va-t-il trop vite, la musique suit son rythme effrénée mais on a envie de dire qu’elle déroule sa sarabande sur un mode mineur, qu’elle murmure à votre oreille, souviens-toi que tu n’es que poussière d’étoile, une formule qui vous gonfle d’optimisme car être un fils des étoiles est plutôt flatteur, votre personne ne relève-telle pas de l’immensité de l’univers incommensurable… moderato, tu es aussi poussière, atome minuscule, regardez sur le dessin ces crânes d’hommes plantés sur des pilotis, ils paraissent énormes, selon les lois de la perspective si le bateau présente une taille ( soyons gentil ) modeste c’est que de fait il n’est pas bien grand, la taille d’un jouet de gosse, ta grandeur en prend un coup au moral, mais peut-être les primigenians vers lesquels nous nous dirigeons étaient-ils de super-géants ce qui expliquerait notre toute relative petitesse… The great hall : une musique venue d’ailleurs vous saisit, grandiose, elle sonne d’argent dans vos oreilles, vous n’êtes pas n’importe où, dans le grand hall, maestro jouez grandioso, fabuloso, extraordinario, incoroyablo, énormo, nous n’avons pas assez de mots, de vocables assez vastes pour évoquer l’émotion qui nous saisit, nous sommes ici au saint des saints, en le lieu sacré de la connaissance absolue et originelle, celle de nos grands ancêtres, pour un peu nous tomberions à genoux pour marquer l’extase vénérationnelle à laquelle nous succombons. Sonic thoughts : déferlement musical, un maelström sonore submerge notre esprit, dans quelques secondes nous allons savoir, allégresse, les livres de la loi primordiale sont dans nos mains, ils ne sont pas gravés dans la pierre ni sur des tables d’airains, il suffit de les prendre sur le piédestal sur lesquels ils reposent, nous ne savons pas à quoi ils ressemblent, mais c’est un message que les primigenians ont laissé pour que les civilisations futures qui viendront après eux – c’est nous – puissent posséder les secrets fondationnels de l’ultime sagesse. The foundationel found tapes : ceci n’est pas de la musique mais un bruit que nous connaissons bien, comment est-ce possible, se moquerait-on de nous, cette musique triomphatrice du début se charge d’étonnement, de discordances, de colère de déception, nous avons beau appuyez plusieurs fois et entendre ce satané déclic, rien ne vient nous contredire, la batterie marque le pas de notre grande tristesse, nous entendons des bruits que nous ne comprenons pas mais nous comprenons très bien que les primigenians que nous avons toujours considérés comme le peuple fondateur sont bien décevants, le support de leur savoir repose sur une simple cassette audio, un objet qui fait partie de notre préhistoire, nous leur sommes donc supérieurs, ce que nous avons recherché si longtemps nous le possédions depuis longtemps dans nos musées, dans nos greniers, dans nos souvenirs, la cassette en bout de course s’arrête.

    A vous d’interpréter cette histoire à votre convenance. Black Sky Giant veulent-ils nous dire que partout il y a de la bonne musique, sur toutes les latitudes, depuis des millénaires, perdue ou recueillie sur n’importe quel support… ou alors qu’il faut que nous fassions gaffe à notre imagination, que nous arrêtions de nous tourner des films, que nous ne confondions pas les vessies de nos rêves avec les lanternes de la réalité.

    Une leçon à méditer. Un superbe disque à écouter. Stoner estonnant et destonnant. Fable philosophique ?

    Damie Chad.

     

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                             

    EPISODE 16 ( Datif ) :

    82

    Pour une fois, reconnaissons-le, nous tournions en rond. La semaine qui suivit les facéties de la forêt de Laigue s’écoula tristement. L’opinion heureuse d’apprendre que le nouveau virus hyper-contaminant s’était tué lui-même goba l’hameçon. Plus de danger, honneur aux héros qui se sont sacrifiés, le gouvernement fit les choses en grand, deux cent trente-sept cercueils alignés dans la cour des Invalides, un jour férié, un discours du Président, retour au travail le jeudi matin, soulagement général… Pour sa part le SSR ne resta pas inactif, le Chef relut soigneusement le dossier dans lequel il prenait note de nos démarches antérieures et fuma dix-sept fois plus de Coronados que d’habitude, je fis un tour au cimetière de Savigny , refouillai en pure perte de fond en comble la maison d’Alice lycéenne, et me recueillis longuement devant la tombe d’Alice ( la seule, la vraie, l’Unique ) mais elle ne m’adressa aucun signe, j’attendis à la sortie de l’école espérant rencontrer sa petite sœur Alice mais elle n’était parmi la troupe d’enfants qui s’égaya telle une volée de moineaux affamés de liberté… Molossa trouvait le temps long, Molossito geignait de temps en temps sur le canapé. Le dimanche matin le Chef déclara qu’il allait les promener au Père Lachaise pour leur changer les idées et ajouta-t-il, ‘’ce paysage ravissant m’aidera à trouver l’inspiration’’.

    83

    Je profitais de leur absence pour corriger les rares fautes d’orthographe que par inadvertance j’aurais pu laisser dans les Mémoires d’un GSH, lorsque le téléphone sonna :

    • Allo ! c’est Carlos, rendez-vous ce soir à 19 heures au restaurant de L’Autruche Baguée, il y a du nouveau, et j’ai salement besoin d’un coup de main !

    A dix-neuf heures tapantes un maître d’hôtel huppé nous guida à l’intérieur de L’Autruche Baguée, un établissement super-classe, d’un coup d’œil j’intimais à Molossa et Molossito de ne se livrer à aucun débordement, au nombre de Bentleys et de Ferraris stationnées devant la porte, Carlos ne nous recevait pas dans une cantine populaire. A peine avions nous fait quelques pas qu’une charmante hôtesse se précipita vers nous :

    _ Bonjour Messieurs, je me prénomme Alice, c’est moi qui veillerai ce soir à votre bien-être, oh qu’ils sont choux !

    Abandonnant toute réserve elle se précipita sur Molossito, le couvrit de baisers, le serra fort contre sa poitrine, il en profita pour lui glisser très affectueusement une patte dans son corsage, ce qui n’eut pas l’air de la déranger, je remarquai que ce geste de simple cordialité parut la ravir… Dans une alcôve à l’écart Carlos nous attendait trônant en bout de table, Alice nous mena à notre place, le Chef à la droite de Carlos, moi-même à sa gauche, tous trois assez proches l’un de l’autre, précaution qui nous permettrait de parler à voix basse à la fin du repas, deux assiettes disposées à l’autre extrémité   attendaient Molossa et son fils, en chiens bien élevés ils se  hâtèrent de sauter sur la table pour déposer poliment leur arrière-train sur la nappe d’un blanc immaculé. Alice n’arrêta pas de les caresser chaque fois qu’elle nous apportait un plat. Pour cette soirée exceptionnelle le Chef n’alluma pas un seul Coronado, il ne porta à ses lèvres que des Coronadors. Il n’existe pas de différence entre un Coronado et un Coronador,   si la bague du Coronado est en carton, celle du Coronador est une véritable bague en or le plus fin, artistiquement ciselé par les plus grands artistes et parsemé de minuscule diamant d’une limpidité absolue. Dès que le Chef écrasait son cigare dans le cendrier je récupérai le joyau et le glissai subrepticement à un des doigts d’Alice chaque fois qu’elle m’apportait un morceau de pain. Elle rougissait de plaisir et ne songeait nullement à retirer sa main. Mais venons au fait. Je passe sur le menu, nous en étions à déguster un digestif de quarante ans d’âge , Carlos prit la parole :

    _ Je me suis pas mal débrouillé cette semaine, deux attaques de transports de fonds réussies, attention par des billets des lingots, mon avocat est entré en relation avec la famille d’Edinbourg, ils m’ont vendu le manoir de XXXXX pour soixante quinze millions de livres, ça ne les vaut pas et je ne compte pas finir mes jours en Ecosse, mais en forêt de Laigue oui. Or voyez-vous c’est un vieux secret de famille, ils sont au courant de la fissure temporelle qui dote ce manoir d’une double présence, une en Ecosse, l’autre en France. C’est-là où d’après eux se situe le fantôme qui au cours des siècles a assassiné quelques uns de leurs ancêtres qui avaient la mauvaise idée d’y dormir. Ils sont satisfaits de s’en débarrasser à si bon prix. Vous m’avez compris, j’ai besoin de vous, je compte m’installer chez moi dès ce soir, mais pour cela nous devons en exproprier ce fantôme qui n’est autre que la Mort !

    Au moment de prendre congé d’Alice je retins une de ces mains que je baisai respectueusement :

    _ Chère Alice, chacun de vos doigts porte déjà une bague, il m’en reste deux, je les passerais bien, l’une au téton de votre sein gauche, et j’agirais de même avec votre sein droit, uniquement si vous le désirez !

    Elle le désira.

    83

    La forêt de Laigue n’était plus surveillée. Molossa et Molossito nous conduisirent droit à la faille temporelle. La Mort nous attendait, sa face horrible ricanait, Alice toute émoustillée de l’aventure se collait à moi, elle ne se rendait pas compte du danger, ma main dans sa culotte était toute mouillée. Lorsque Carlos lui tendit le certificat d’expropriation en tant que locataire n’ayant jamais acquitté de loyer, elle ricana méchamment :

    _ Je veux bien vous laisser la place mais que me donnez-vous en échange ?

    _ Une tonne d’or !

    _ Carlos, j’ai vu votre nom sur une de mes listes, l’argent ne fait pas le bonheur, et puis une tonne je vous trouve un peu mesquin.

    _ Je partage mon avis Madame, ce n’est pas l’argent qui fait le bonheur, toutefois vous avez une fort mauvaise réputation dans ce monde-ci, si vous acceptiez d’être la présidente d’honneur du Service Secret du Rock ‘n’ roll, votre cote remonterait illico chez nos semblables, vous êtes détachée des valeurs mercantiles, le bonheur sans honneur est tout juste bon, alors acceptez l’honneur !

    _ Toi le vieux Chef Indien, d’abord tu empuantes l’atmosphère avec ton brûle-gueule, tu n’es qu’un beau parleur tu ne vends que du vent ! Peut-être que ton éternel second le Poulidor du SSR aura une proposition plus honnête !

    _ Vous qui adorez les Alice…

    _ Toutes les Alice du monde m’appartiennent quand je veux !

    _ Oui, mais moi je vous offre quelque chose en plus, madame Thanatos…

    _ AH ! Ah !, vous jouez au petit futé !

    _ Pas du tout, mais à Thanatos j’offre Eros !

    _ Jeune présomptueux vous voulez me faire l’amour !

    _ Je n’oserais pas, mais attendez, laissez-moi faire !

    En un tour de main je me déshabillai totalement, et fis subir à Alice le même traitement totalement enchantée de la tournure des évènements. Elle se coucha jambes écartées sur table :

    _ Dépêche-toi chéri, je suis pressée, arrête de discuter avec cette vieille saleté !

    _ Tout de suite, mais choses promises choses dues, laisse-moi enserrer tes deux tétons de ces deux anneaux d’or en signe d’alliance éternelle !

    _ Oui tout de suite !

    • Tiens voici, un gage pour ton âme et un autre pour mon âme !

    Je sentis l’électricité érectile de ces seins je me couchais sur elle, la caressai quelque peu, et bientôt mon vit vainqueur la pénétra, elle gémit, appuyée sur mes avant-bras je n’eus pas à la manœuvrer longuement, la mort s’était rapprochée de nous, elle baissa sa tête et posa le vide osseux de ses lèvres sur les lèvres d’Alice qui connaissait l’extase, son souffle se perdit dans la bouche d’ombre qui lui ravit la vie. Je me relevai vivement, la Macrabe me retint par le bras :

    • Vous avez échangé vos anneaux et vos âmes sur ses seins, elle est à moi, vous ne formez qu’un, toi aussi tu es à moi, je vais te donner le baiser de la Mort !

    J’ouvris ma main droite :

    _ Erreur gente Dame, regarde au dernier moment j’ai récupéré mon anneau, j’ai parjuré, elle est à toi seule, pas à moi !

    Elle blêmit de colère :

    _ Décampez de chez moi !

    Carlos s’interposa :

    _ Non tu es chez moi, tu as perdu, bye bye !

    _ C’est bon je disparais mais je me vengerai !

    En une seconde elle se volatilisa. Carlos se retourna vers nous tout sourire :

    _ Mes amis, je ne vous remercierai jamais assez, rentrez vite chez vous au chaud, il fait trop froid dans cette demeure, je ne voudrais pas que vous attrapiez un rhume par ma faute, ne vous en faites pas pour moi, je me réchaufferai en faisant subir les derniers outrages au cadavre d’Alice, encore chaud !

    Damie Chad

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 539: KR'TNT ! 539 :TONY MARLOW / BRYAN MORRISON / COSMIC PSYCHOS / ADORABLE / JIM MORRISON / GREY AURA / HECKER / ROCKAMBOLESQUES

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 539

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    27 / 01 / 2022

     

    TONY MARLOW / BRYAN MORRISON

    COSMIC PSYCHOS / ADORABLE

    JIM MORRISON / GREY AURA

    HECKER / ROCKAMBOLESQUES

     

    L’avenir du rock

    Marlow le marlou (Part Two)

     

    Fatigué du charme des palaces décatis de Marrakech et du confort boiseux des chalets suisses, l’avenir du rock opte cette année-là pour des vacances populaires. Il se réjouit à l’avance d’aller passer trois semaines dans un camping des gorges du Tarn en compagnie des représentants de ce qu’on appelait autrefois la classe ouvrière. Ah il s’en réjouit à l’avance, l’idée des grands verres de Pastis à l’apéro le fait baver. Et ça ne rate pas, il se retrouve dès le premier jour coincé derrière une petite table de camping en compagnie d’une équipe de joyeux drilles, les occupants de l’emplacement voisin. L’homme qui mène la bacchanale a la main lourde sur le Pastis et sa femme qui est bien ronde et qui manque tragiquement de conversation passe son temps à aller pêcher des glaçons dans la glacière tout en bouffant des olives à la chaîne. Un autre couple participe aux agapes et l’avenir du rock comprend qu’ils sont apparentés. C’est l’heure la plus bruyante du camping. Tous les vacanciers «font l’apéro», comme ils disent. L’avenir du rock comprend au bout de cinq minutes qu’il ne tiendra pas trois semaines dans cet enfer.

    — Une petite rincette, avenir du rock ?

    — Ce n’est pas de refus. Au point où nous en sommes.

    Alors que le jour baisse, le niveau de la bouteille de Pastis baisse aussi. L’avenir du rock sent monter une petite gerbe, il s’excuse, va dégueuler vite fait derrière la caravane de ses hôtes, et revient en s’excusant de cette interruption. La dame ronde lui propose un sopalin pour s’essuyer la bouche. Puis l’hôte fonce dans la caravane et revient avec un litron de Pastis tout neuf. Soucieux du confort intellectuel de son invité, il lui demande, tout en lui servant une énième rasade de coyote, s’il lit des livres.

    — Oh ça dépend.

    L’hôte ne se satisfait pas de cette réponse évasive. Il décide d’investiguer :

    — Connaissez-vous Dashiell Omelette, avenir du rock ?

    — Comme ça, de nom, l’Omelette maltaise, c’est ça ? Mais ce n’est pas ma tasse de thé, voyez-vous.

    — Et Raymond Chandeleur, vous l’connaissez ?

    — Ah oui, j’aime bien Tony Marlow !

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    Bon l’avenir du rock se mélange un peu les crayons. Ce n’est pas parce qu’il est bourré, mais parce qu’il en fait exprès. Il ne sait pas alimenter ce genre de conversation, par contre, il profitera de la moindre occasion pour dire le plus grand bien qu’il pense de Marlow Rider, c’est-à-dire Tony Marlow en trio, et son nouvel album, First Ride.

    Eh oui, quel album ! On les voit tous les trois sur la pochette intérieure, Tony enlooké sixties et encadré du brillant Amine (stand-up) et du non moins brillant Fred Kolinski (beurre). Quand on a vu jouer Amine sur scène, on sait qu’il est fou et qu’il est avec Al Rex (Comets) et James Kirkland (Shadows de Bob Luman) l’un des rois du slap. C’est un bombardeur, un pourvoyeur, un démolisseur, un empêcheur de tourner en rond. Mais avec cet album on va assister à un phénomène surprenant. Ah tu crois que tu vas entendre douze slabs de rockab sauvage ? Non.

    Marlow le marlou ne te prend pas en traître. Sur la pochette intérieure, il déclare : «Mes guides spirituels d’adolescent planent au dessus de ce disque : Jimi Hendrix, Cactus, Peter Green’s Fleetwood Mac, Johnny Winter, Cream, Deep Purple MK II, Rory Gallagher, Paul Kossof et... Johnny Hallyday.» Puis il salue la mémoire de Marc Zermati, «qui ne pourra pas écouter cet album qui lui aurait fait plaisir». Oui, car les ceusses qui ont eu la chance d’entrer chez Marc ont vu cette petite photo de Jimi Hendrix prise lors de son premier set à l’Olympia. Marc adorait raconter le souvenir extraordinaire qu’il conservait de ce show et de la soirée à l’hôtel d’Hendrix qui s’ensuivit.

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    Jimi Hendrix ? Tony Marlow en bourre la dinde de sa B avec trois covers, et c’est d’autant plus gonflé qu’il n’a ni la voix ni les doigts de Jimi Hendrix, mais fuck it, il aime tellement ça qu’il y va et c’est la raison pour laquelle qu’on l’admire : Marlow le marlou est un fan qui s’adresse à des fans. Il ouvre donc son bal de B avec un hommage direct, «Jimi Freedom», c’est un peu maladroit, mais il parvient à retrouver le son qu’avait l’ami Jimi sur «Freedom», le cut d’ouverture de balda sur Cry Of Love, l’album posthume. Fabuleuse performance. Il enchaîne aussi sec avec «Fire», l’un des hits les plus explosifs de l’Experience. Tony a le courage d’aller taper dans l’intapable, hey baby ! Ses deux amis déploient des trésors d’ingéniosité pour recréer la magie de l’intapable hendrixien et wow, ça percute dans la syncope. Il faut les saluer pour cet exploit. Tony part en solo sur un droppin’ blast d’Amine, ils jouent le jeu du breaking à fond et les chœurs sont d’une justesse effarante. Plus loin, ils tapent un «Hey Joe» à la française, sur un tempo plus enlevé. Évidemment, ça réveille de vieux souvenirs. En plus Tony le fait bien, son Jojo. C’est dans cette version qu’on trouve cette élégante expression : «Pourquoi t’as d’la chance plein les doigts ?», remember ?, et il ajoute, comme le fit Jojo en son temps : «En naissant/ T’as marché dans quoâ ?». Ils développent d’incroyables dynamiques d’up-tempo, c’est une merveille, Kolinski tatapoume allègrement et Amine joue balloche. Ces gars-là, mon vieux, ils sont terribles ! S’ensuit une version solide de «Purple Haze». Ses intros hendrixiennes sont toutes parfaites, il les joue rubis sur l’ongle. Il chante du Purple Haze haut perché, à la Johnny, c’est assez réussi et Amine ramène un pounding extrêmement pouf pouf. C’est là qu’il faut saluer Amine, car il sait adapter son jeu. Toujours en B, Tony chante «Sur La Route Du Temps» en français et part sur une espèce de beat anglais qui n’est pas inintéressant. On pense bien sûr à sa référence au Deep Puple MK II, comme il dit. Il termine cette B lourde de conséquences en mode rockab avec «Rowdy». L’une des qualités de cet album et la parfaite maîtrise d’une diversité des genres.

    Mais attention, les coups de génie se planquent de l’autre côté. Marlow le marlou chante «Debout» en français, vite repris par le beat d’Amine. Notre marlou national fait son Johnny avec les genouuux. Il recrée l’accent. C’est vraiment bien qu’il y ait encore des mecs qui veuillent sonner comme leurs idoles. Et boom, ça explose avec «Shut Up». Marlow le marlou passe en mode sixties, monte par dessus sa voix et fond son shut up dans une purée à la Cream. Ces chœurs sont une merveille inespérée et ce marlou de Marlow part en solo liquide. Il connaît toutes les ficelles et franchement, on se régale. Ça monte encore d’un cran avec «Among The Zombies» - walking through the streets of the city - C’est faramineux de rockabilly fever - The traffic is like a raging sea/ Ah ah ! - Il injecte encore un gros shoot de beat rockab dans le son sixties de «Mutual Appréciation». Il réussit là où se vautrèrent jadis les Jack Rabbit Slim : il met le beat de reins rockab au service de la wild énergie des sixties. Il a tout compris.

    Et comme si tout cela ne suffisait pas, l’album de Marlow Rider est un cadeau de Damie Chad, ce qui le rend doublement précieux.

    Signé : Cazengler, Tony marlourd

    Marlow Rider. Fast Ride. Bullit Records 2021

     

    Morrison attelle

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    Si Morrison attelle, c’est parce qu’il joue au polo. Rien à voir avec les Doors. L’homonymie s’arrête là. Il ne faut pas confondre Morrison attelle et Morrison Hotel. D’un côté Jimbo picole et de l’autre, Bryan Morrison polote avec les princes de sang du Royaume Uni. Ce n’est pas le même monde et pourtant, les deux Morrison ont un point commun : le rock.

    Chez Jimbo, le rock est roi, le rock se bouffe aux mythes. Chez Bryan Morrison, le rock est ric et rac. Son autobio ne tient pas la distance. Dommage car ça démarre sur des chapeaux de roues avec les Pretties, Syd Barrett et Marc Bolan pour finir dans le fossé avec «Saturday Night Fever», George Michael, le prêt-à-porter et le polo, un polo qui d’ailleurs finira par avoir sa peau. L’auteur va faire une chute de cheval dont il ne se remettra pas. Son autobio, Have A Cigar! est parue après sa disparition, au terme de deux ans de coma. Destin épouvantable.

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    Un drôle de mélange s’affiche sur la couverture : Pink Floyd, T.Rex, The Jam and George Michael. Il faut se faire violence pour accepter l’idée que ce mélange soit logique. Aux yeux d’un homme d’affaires britannique, il l’est. Après avoir soutenu Ray Charles, Ruth Brown et Professor Longhair, Ahmet Ertegun a lui aussi mal tourné puisqu’il a fini par signer les rois du rock FM, Yes, INXS, Foreigner et Genesis. Ce sont les lois de business. Cette façon de voir les choses ne correspond en rien à celle d’un fan de rock. Pour entrer dans les pages de ce type de livre, il faut savoir accepter la logique d’une pensée différente. Ça peut aller loin, car ça veut dire accepter de voir un homme riche comme Morrison faire étalage de ses goûts pour les toiles des peintres modernes, les voitures de sport, les marques de prêt-à-porter, les parfums qui vont avec et la médiocrité musicale des années 80 dont la meilleure illustration sont les groupes qu’il avait en charge à cette époque, Wham! et Haircut One Hundred. Au début de cet itinéraire qui est celui d’une réussite exceptionnelle, il y a bien sûr un fan, mais la nécessité de générer du profit passe ensuite par d’autres fourches caudines, Claudine.

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    Bryan Morrison trouve sa vocation en février 1957 lorsqu’il voit Bill Haley & The Comets au Dominion Theatre sur Tottenham Court Road. C’est la première tournée anglaise du vieux Bill et aw my God, les Brits n’ont encore jamais vu un bordel pareil ! - His live show hit me like a steam hammer - Le vieux Bill envoie Bryan direct down the ground, surtout quand l’autre fou d’Al Rex se jette sur sa stand-up pour jouer les pieds en l’air. Six ans plus tard, Morrison ressortira l’idée afin de convaincre Vivian Prince de quitter sa batterie pour ramper au sol. C’est ici que naît la tradition du batteur fou des Pretty Things, qu’entretiendra Skip Allan.

    Avec les Pretties, on entre dans le quartier chaud du livre. Un jour de 1963, un certain Dick Taylor vient trouver le brillant Bryan pour lui demander de mettre son groupe à l’affiche d’un concert. Bryan lui demande quel est le nom du groupe. Dick lui répond :

    — «The Pretty Things.

    — The what ?

    — C’est le nom du groupe. The Pretty Things.»

    Coup de cœur ! Love at first sight. Bryan adoooore le nom de ce groupe - I was stuck immediately by the uniqueness of this name. It was totally fresh and original, and I felt a certain inexplicable excitement - La scène se déroule juste avant l’explosion des Beatles avec «She Loves You» - Rock’n’roll was in the air - Bryan sent que tout va changer. C’est l’avènement du swingin’ London - Something magical was about to happen - Il est comme les autres, Andrew Loog Oldham, Joe Boyd, Shel Talmy, Guy Stephens, at the right place at the right time, il arpente gaiement Denmark Street, que tout le monde appelle Tin Pan Alley, et où sont rassemblés tous les éditeurs. Au bout de la rue se trouve Regent Sound, the little studio of the day, mais on peut s’arrêter en chemin à la Gianconda, un café où grenouillent les musiciens, les auteurs et les publishers, un petit monde doré dont Bryan va bientôt faire partie. Il va être publisher/manager, c’est décidé ! Il organise l’un de ses premiers concerts au fameux 100 Club, sur Oxford Street. Comme Joe Boyd, Bryan rappelle que le music biz à cette époque est une jungle pleine d’Ostrogoths et qu’il faut rester sur ses gardes - You had to watch your back in every way.

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    ( Jack Baverstock )

    Bon les Pretty Things c’est bien gentil, mais goddamnit !, il faut un contrat avec une maison de disques. Bryan rencontre l’A&R man de Fontana, Jack Baverstock dans un restaurant. Entre la poire et le cheese, Jack balance sur la table le contrat et lance d’une voix d’outre-tombe : «Get the boys to sign this and we’ll make a record.» Il n’y avait nous dit le débutant Bryan ni négociation ni avance - On a signé pour cinq ans et ce fut la fin de la discussion - C’est parti pour les Pretties, seven gigs a week, screaming girls, les promoteurs et la presse. Comme les Pretties se font vite une sale réputation, les journalistes veulent en croquer. Pour percer, Bryan devine intuitivement qu’il faut créer l’événement, avec du mayhem, c’est-à-dire du chaos. C’est là qu’il demande à Vivian Prince de faire son numéro de batteur fou. Il supplie le groupe de tenter le coup du mayhem. Mayhemez-vous, les gars ! Alors ils essayent et c’est le mayhem ! Puis le riot. C’est l’hystérie en Angleterre. Après «Rosalyn», Bavertock emmène les Pretties en studio enregistrer leur premier album. Mais Vivian Prince est tellement défoncé qu’il vomit sur sa batterie et tombe de son tabouret à deux reprises. Écœuré, Baverstock quitte le studio en claquant la porte et en hurlant qu’il ne peut pas travailler avec ces animaux-là. On fait alors venir Bobby Graham pour produire l’album. Ça tombe à pic car comme il est aussi batteur, il peut remplacer Vivian Prince qui vient de s’écrouler pour la troisième fois et pour de bon. Ce sont les Pretty Things, after all. Pour donner à manger à la presse, Bryan organise l’éviction des Pretties du 13 Chester Street en août 1965 : ça fait la une des tabloïds et des TV news. Sacré Bryan, il bosse comme Tony Secunda, il fait des coups, il magouille. Puis il tente de lancer les Pretties dans le circuit des tournées internationales. Comme il n’arrive pas à les envoyer aux États-Unis, il les envoie en tournée en Nouvelle Zélande avec Sandie Shaw et Eden Kane. C’est la fameuse tournée chaotique à laquelle Ugly Things consacra jadis un fabuleux hors-série, Don’t Bring Me Down Under. C’est là que Vivian Prince s’illustre en jouant le yogi dans les halls d’hôtel, avec dans sa poche un homard mort. Les kids viennent nombreux méditer avec lui, et ça peut durer des heures. Bien sûr, conformément à la théorie du mayhem, chaque concert tourne à l’émeute. Résultat des courses : le parlement néo-zélandais vote le bannissement à vie des Pretties. Aux yeux des fans, c’est le couronnement de leur carrière.

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    Alors après le mayhem, Bryan réfléchit à l’étape suivante. Il sent confusément qu’il faut un hit. Pour lui, ni «Rosalyn» ni «Don’t Bring Me Down» ne sont des hits. Il raisonne en termes de worldwide hit, tu comprends, ce n’est pas la même chose. Il rencontre Donovan à la Giaconda qui lui file une démo de «Tangerine Eyes». Puis le Dylan publisher en Angleterre lui fait écouter «Mr Tambourine Man» qui n’est pas encore devenu le hit que l’on sait. Bryan adooooore cette chanson. Love at first sight. Il essaye de la refourguer aux Pretties qui tirent une méchante gueule. Bryan est persuadé qu’avec «Mr Tambourine Man», ils seront en tête des charts dans le monde entier, mais pour Phil et Dick, c’est absolument hors de question. No way. Ils restent fidèles à Bo. Bryan dit alors sa déception au Dylan publisher qui le réconforte en lui disant que la vie est ainsi faite, parfois ça va bien, parfois ça va mal. D’ailleurs, ajoute-t-il, un groupe américain vient tout juste de reprendre «Mr Tambourine Man». Ah bon ? Bryan demande le nom du groupe. Le Dylan publisher lui répond : «The Byrds». Bryan voit subitement ses derniers espoirs s’envoler, avec les millions de singles qu’il aurait pu vendre dans le monde. Il dit adieu à la chance - We had lost initiative and never got it back - Encore heureux qu’il n’ait pas proposé «No Milk Today» aux Pretties.

    La morale de cette histoire, c’est que les Pretties ont continué à faire de très grands albums sans jamais vendre leur cul. Bizarre que Bryan Morrison n’ait pas compris ça à l’époque. Mais encore une fois, la logique du rocker ne correspond en rien à celle de l’affairiste qui ne vise qu’une seule chose : le profit. Et quand on sait que le profit, le vrai, passe par les grosses ventes, c’est-à-dire le nivellement pas le bas, ça conduit tout droit aux fléaux du XXe siècle que sont la new wave, le rock FM et les méga-stars à la mormoille. D’un côté les puristes s’appauvrissent, de l’autre côté les pommes de terre s’enrichissent. That’s only rock’n’roll.

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    Bryan a la main verte puisqu’après les Pretties, il récupère Syd Barrett et son groupe, le Pink Floyd. Il commence par persuader les managers Peter Jenner et Andrew King de lui confier l’organisation des tournées du groupe dont la réputation grossit beaucoup trop vite. C’est là qu’il arrache le Floyd des mains de Joe Boyd. Il met ensuite le groupe dans les pattes d’EMI. Bryan a réussi à négocier une avance de 5 000 £, ce qui était encore très rare en 1967. Il se dit fasciné par Syd Barrett (mais ça ne va pas durer longtemps) : «Syd était l’un de ces people who seemed to have it all : the looks, the intelligence and, more importantly, the ability to write great songs.» Les difficultés liées à ces bonnes vieilles drugs of choice ne tardent pas à surgir. Syd entre en studio mais refuse de jouer. Alors Bryan déclare : «Syd would have to go.» Et il développe : «Le premier album du groupe, The Piper At The Gates Of Dawn, paraît en août, mais comme Syd est incapable de jouer sur scène ou de participer aux interviews, ça agit sur le moral des autres membres du groupe. Le bassiste Roger Waters qui va devenir le porte-parole du groupe m’annonça qu’il avait trouvé un guitariste pour remplacer Syd. C’est David Gilmour.»

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    Attention, l’histoire ne s’arrête pas là. Syd Barrett disparaît pendant un moment de la circulation. Bryan indique qu’il s’est installé au London Hilton Hotel, sur Park Lane : «Il y avait trois postes de télévision, allumés tous trois, et une douzaine de guitares dispersées au sol. Syd Barrett était devenu une sorte de Howard Hughes du rock et il réglait de faramineuses notes d’hôtel hebdomadaires qui nous faisaient passer pour des pauvres. Il avait gagné beaucoup d’argent et il le dépensait rapidement. Fin 1968, il avait retrouvé la santé et semblait mener une existence normale, même s’il se tapait de temps en temps un petit freak out.» Bryan rôde dans les parages de Syd car il est encore son agent. Il est question d’un album solo, mais c’est loin, très loin, d’être évident. Bryan connaît les chansons que Syd a composées, et il les trouve superbes. Les séances sont compliquées, car Syd chante un couplet puis il s’arrête pour regarder dans le vide - Un jour, il chantait assis sur un tabouret, et au milieu du deuxième couplet, on l’a vu s’endormir. Puis il s’est cassé la gueule, avec le micro et le tabouret. L’incroyable de cette histoire est qu’il ne s’est pas réveillé. Il a dormi là pendant une demi-heure - Puis Syd prend l’habitude de venir voir Bryan dans son bureau pour réclamer des avances sur royalties. Comme il achète des guitares, il a besoin de cash. Un jour, il sonne, Bryan ouvre et il tombe sur Syd qui le fixe bizarrement. Au moment où Syd va lui coller son poing dans la figure, Bryan lui bloque le bras. Alors Syd mord la main de Bryan, mais en vrai, au sang - Stop Syd ! Stop ! - Bryan doit le frapper pour lui faire lâcher prise. Syd tombe en éclatant de rire. The Madcap Laughs - Not a laugh of joy, but an ever-increasing pitch of hysteria - Bryan est complètement scié et sa secrétaire Cora s’évanouit. Syd reviendra une fois au bureau de l’Agency pour demander à Cora si Morrison veut bien le reprendre comme client et redevenir son manager. No way. C’est la dernière fois que Morrison le voit. Il conclut le Syd Chapter en disant ce que tout le monde sait : Syd est allé vivre the happy life à Cambridge.

    La morale de cette histoire ? Syd a fini par échapper à tous ces mecs-là, les agents, les managers, les collègues du groupe qui ne valent guère mieux. Il faut voir ça comme une victoire et non comme une défaite.

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    En 1967, the Bryan Morrison Agency a le vent en poupe : ils sont agents et managers du Pink Floyd, des Pretty Things, de Soft Machine, d’Incredible String Band et de Keith West, un Keith West qui invite un jour Bryan à déjeuner pour lui annoncer qu’il le vire. Fired ! Quand Bryan demande pourquoi il est viré comme un chien, Keith West répond : «You’re useless. My records never made number one.» Puis arrive ce qui doit arriver : «En très peu de temps, il s’est retrouvé avec un hit sur les bras, mais pas de travail. Je m’empresse d’ajouter que je n’étais pas vraiment traumatisé par sa décision de me virer. His next record was a flop and he never had another hit.» C’est le destin des artistes qui ne sont pas correctement managés : ils vont droit à la fosse. L’Angleterre est la plus grande fosse commune de l’histoire du rock.

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    Bryan devient aussi l’agent/publisher de Marc Bolan - Faire connaître des groupes comme Tyrannosaurus Rex et le Pink Floyd, c’était extrêmement difficile, to say the least. Les médias ne s’intéressaient pas encore aux groupes underground. Pendant les deux années suivantes, j’ai essayé en vain de faire passer les chansons de Bolan à la radio, mais je me suis chaque fois heurté à des refus. La seule exception fut John Peel. Sur Top Gear, il passait les disques des gens qu’il appréciait et plus particulièrement Tyrannosaurus Rex. Bon nombre de groupes de cette époque doivent leur succès à John Peel - Puis le succès arrive et Bolan s’entoure d’une cour - And the court of king Bolan was created. From here on in, Marc engulfed himself in the Presley style of omnipotence. C’est ce qui a conduit Marc à la faillite, non pas à cause de sa musique, mais à cause des conseils financiers qu’on lui donnait - Après Syd, Bryan perd donc Marc.

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    Un jour, Bryan raconte qu’il va trouver Chris Blackwell chez Island pour lui emprunter 3 000 £ dont il a besoin pour empêcher la saisie de sa maison. Blackwell ne dit pas non, mais en échange, il demande l’un des groupes signés par l’Agency. Il veut le groupe que Bryan vient tout de juste de signer : Free. Bryan lui répond : «Plutôt crever.» Alors Blackwell lui dit qu’il ne peut pas l’aider, mais il insiste : «Free n’a pas encore signé de contrat avec une maison de disques, alors signez-les avec moi, cédez-moi les droits du groupe et je vous donne l’argent dont vous avez besoin.» Bryan résiste. Il oppose un no-no. Pas question de céder les droits. Un publisher ne cède jamais les droits. Never. Puis il se casse. Quatre jours plus tard, voyant la menace d’une saisie se préciser, il appelle Blackwell pour dire qu’il accepte de céder - I was sick as a dog - C’est ainsi que Free est arrivé sur Island. Au terme d’une discussion de chiffonniers.

    En 1969, Bryan en a marre de toutes ces conneries, et il décide de revendre son Agency à NEMS, une société montée par Brian Epstein pour manager les Beatles, Cilla Black, Gerry & The Pacemakers et d’autres. À l’intérieur de NEMS, il va continuer de bosser comme agent, mais ce n’est plus lui qui prend les risques financiers.

    Forcément, Bryan Morrison croise aussi des gens de la pègre londonienne. Pas de Swingin’ London sans la pègre. Il n’a pas affaire aux jumeaux Kray mais aux Dixon Brothers qu’il rencontre dans un pub de l’East End pour leur demander un service, mais quand il entend parler des moyens envisagés, il abandonne et se carapate aussi vite qu’il le peut. Bien sûr, les Dixon Brothers se pointent quelques temps après à l’adresse de l’Agency pour demander du cash à Bryan, oh pas grand chose, 150 £, et ils promettent de s’en aller. Bryan commence par dire non puis il finit par comprendre qu’il vaut mieux payer. Il a encore besoin de ses deux jambes et de ses deux bras.

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    Les années passent et en 1976, Bryan reçoit un coup de fil d’un certain Malcolm McLaren : «On ne se connaît pas, Bryan, mais je connais votre parcours dans le music business, et votre goût de l’avant-garde et de la new wave. Une nouvelle vague arrive et je suis le manager du best band in the world.» Bryan lui demande quel est le nom du groupe et McLaren lui répond : «The Sex Pistols.» Ah ah, comme c’est intéressant. Bryan dresse alors un parallèle entre Brian Epstein et McLaren, un McLaren qui propose à Bryan de bosser avec lui, et pour le convaincre, il l’invite à venir voir jouer les Sex Pistols. Le 23 avril 1976, Bryan débarque au Nashville Rooms. Chapitre pénible. Il se dit impressionné par l’énergie du groupe, jusqu’au moment où Johnny Rotten fait le con avec le salut nazi et les slogans qui vont avec. Pour Bryan Morrison, c’est rédhibitoire. Hop, terminé. Au fond, il n’était pas aussi intéressé qu’il le prétend. La preuve ? Quelques pages plus loin, il fait l’apologie de George Michael.

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    C’est à peu près tout ce qu’on peut dire de ce recueil de souvenirs. Les épisodes ne sont que des épisodes, after all. Les maniérismes de Bryan Morrison constituent probablement la vraie richesse de ce book. Pour qui aime lire la langue anglaise bien écrite, certaines formules méritent l’effort citatif, tiens comme celle-ci : «Je reçus un appel de Vic Lewis, asking me to pop up to see him in his luxuriously appointed office on the first floor of Hill Street. I sat down and was poured the ever-ready cup of tea in a fine bone china teacup. Vic was always pedantic about being surrounded by and using the best.» On entend presque sa voix et on sent bien sûr l’odeur du cigare. Cette façon de décrire une ambiance est typiquement anglaise, mais on est là dans une Angleterre tout de même un peu huppée, n’est-ce pas ? Plus loin, il décrit son patrimoine de parvenu distingué : «By 1970, in spite of my apparent disdain for money, I seemed to be enjoying its fruits, with a beautiful Grade II-listed, sixteenth-century manor house in Oxted, Surrey, and a pied-à-terre in London with all the various accoutrements. The only thing that I needed to complete the picture was a wife and family.» Alors évidemment, tout lecteur d’Oscar Wilde en version originale sera troublé par l’insidieuse proximité des styles, par cette parenté d’élocution. Alors Bryan Wilde va rencontrer the wife : «Elle s’appelait Greta van Rantwyk and after about three months of manoeuvring we had dinner in a restaurant in Beauchamp Place. Everything was set for the birth of one of those great eternal love stories - the candles, the food, the wine. Everything was perfect, or was it ?» Il fait un petit saut de ligne pour relancer l’irrémédiable Oscarisation des choses : «There was one small detail that I hadn’t counted on - It seemed she wasn’t too keen on me - (Bryan suppute qu’il ne lui plaît pas) - Later I was to discover that she felt I was too flash. My black leather clothing, zip-up jacket and tight-fitting trousers, plus the black Aston Martin DB7 sitting by the front door were simply too much. She was probably right; I was a bit flash.» Et puis pour finir, Bryan raconte ses démêlés avec un couturier anglais, une association financière qui se termine en eau de boudin : «It took me quite some time to persuade him that principle came before profit - pour Bryan, les principes d’abord, le profit ensuite - Something I think that he never understood. As the years go by, I feel that less and less people understand this, a sad indictment of the world we live in.» Comme bon nombre d’entre-nous, Bryan Morrison n’aime pas trop l’époque dans laquelle il vit.

    Signé : Cazengler, Bryan Saucisson

    Bryan Morrison. Have A Cigar!: The Memoir Of The Man Behind Pink Floyd, T. Rex, The Jam and George Michael. Quiller Publishing Ltd 2019

     

    Cosmic trip

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    Les Cosmic Psychos étaient déjà là dans les early eighties, et ils continuent aujourd’hui de foncer tout droit dans leur bush. Ce trio est un cas à part, mais aussi l’un des phares de l’underground. Quelle que soit l’époque où on entre dans leur histoire musicale, c’est intéressant. Bien sûr, une certaine frange de la population va les traiter de bourrins, mais ça ne gêne pas les Cosmic. Ça les amuse. Ils en font un jeu, avec les tâches de bière et les dents pourries. À une époque, il fallait choisir entre Michael Jackson et les Cosmic Psychos, alors le choix était vite fait. C’mon down !

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    La principale caractéristique des Cosmic Psychos, c’est le tout-droit. Ils foncent tout droit. Leur premier EP Down On The Farm paraît en 1985. Ils sont trois, Ross Knight (bass vocals), Bill Walsh (drums) et le guitariste Peter Jones qui amène «Custom Credit» au riff de la menace. C’est excellent et assez hypno. Basses avant toutes avec un filet de bave psyché dans le fond du son. Quant au beurre, il reste fluet. En fait, ils dépotent un petit gaga-punk qui avance comme un rouleau compresseur. C’est leur marque. Ils n’ont que ce son-là et ils l’exploitent à gogo. Ils font donc toujours un peu le même cut, yeah yeah, avec le même son caverneux et cette petite purée en fond de déco trash. Ils atteignent rapidement leurs limites. Le meilleur cut de l’EP est sans doute «Gangrene Dream» en B : ils mettent un discours d’Hitler en musique. C’est le plus trash des trucs.

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    Leur premier album sans titre Cosmic Psychos date de 1987. Dès «Decadence», on est dans le bain d’un punk-rock hypnotique. La basse rôde dans le ciel comme un gros ptérodactyle. Ils sont parfaits dans leur rôle de punksters monolithiques. Ils foncent dans le bush et la basse de Ross Knight hante le son. Bill Walsh bat «No Complications» bien tribal, mais avec de spectaculaires descentes de roulements. Ces mecs sont inclassables, ils montent sur les coups comme d’autres montent sur les braquos. On est ravi de l’excellente qualité du son et du beat. Ils tentent le diable en B avec un heavy «Jellyfish», ils honorent à leur façon le heavy blues rock des seventies. Et paf, ça repart de plus belle avec «Can’t Come In», ils foncent tout droit, c’est tout ce qu’ils savent faire. Avec eux, Punk’s not dead.

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    Leur deuxième album s’appelle Go The Hack. Ils posent au crépuscule sur un bulldozer, ce qui colle bien à leur image d’Aussie gaga-punks. Et pouf ! Ils foncent tout droit dès «Lost Cause». Ils adorent foncer tout droit, alors ils foncent tout droit. Avec «She’s Cracking Up», ils font un excellent numéro de power trio. Leur son est un mélange brutal de droit devant et de marteau pilon, arrosé de chœurs de cracking up. Quand on écoute «Out Of The Band», on pense bien sûr aux Ramones. Même sens de la scie. Ils emmènent encore leur gaga-punk à fière allure en B avec «Pub». Même lorsqu’ils passent en mid-tempo, ils restent dans la tempérance de bonne mesure, avec de la cisaille et du bon beat métronomique. Ils scandent le BIT de «Back In Town» à qui mieux mieux, ça prend des allures d’hymne sur un beau tempo à la Ramones. Bon bref, tout ça reste très longiligne. Ils terminent avec le morceau titre qui sonne comme un punk anglais, avec un solo de trash-wah. De toute façon, c’est excellent.

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    Paru en 1990, Slave To The Crave est un album live at the Palace. Départ en trombe avec l’excellent «Decadence». Ross mène le bal à la basse fuzz. Il parle avec l’accent cockney aussie, c’est un vieux barboteur. Les deux bombes sont «Quarter To Three» et «Stink». Ah ces giclées de wah ! Ils savent créer les conditions de l’embrasement. Rien de plus rougeoyant qu’une giclée de wah sur fond de beat hypno. Bill Walsh drumbeate «Stink» à la folie Méricourt. Quelle violente giclée de manhood ! Ils sont relentless, comme on dit en Angleterre. Ils sont quasi-anglais dans l’approche du punk-rock, quasi Johnny Moped. Bush not dead ! Ils se mettent en colère en B avec «David Lee Roth» - Suck me off ! - On ne les changera pas.

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    Encore une belle gamelle de punk and fuck avec Blokes You Can Trust sorti sur Amphetamine Records en 1991. Ils restent fidèles à leur mad frenzy, le genre battu à la diable par Bill Walsh, et bien sûr l’autre dingue est toujours là, le Robbie Watts, avec sa chemise à carreaux. Robbie va loin dans la démesure, c’est pour ça qu’on l’aime bien. Ces mecs font leur truc dans leur coin, il ne faut pas les déranger. Tiens, voilà «Dead Roo», punk-rock relentless avec un Robbie en maraude. Ce mec est le roi des somptueuses giclées de sperme sonique. Ces trois mecs sortis du bush jouent leur truc à la vie à la mort. Alors bien sûr, certains diront que Ross Knight chante mal et toi tu leur répondras : vas-y, prends le micro et chante ! Pas facile de faire du Psycho. D’une certaine manière, c’est du grand art. Robbie Watts fait le gros du boulot, il organise les fleuves de lave, il veille à tirer ses notes et part en vrille à point nommé. C’est un bonheur que d’entendre ce mec jouer de la guitare. Il est un peu comme Fast Eddie, always on the run. Pas de surprise avec un titre comme «Hooray Fuck». Cho-cho hooray ! Ils sont dans l’énergie renouvelable, ils n’arrêtent jamais et Robbie part en vrille assassine à la Ron Asheton. Ils s’entendent tous les trois comme larrons en foire. Qui saura dire l’excellence de la Psychomania ? Voilà «Never Grow Old», véritable déclaration d’intention et Robbie Wallts nous fracasse ça d’entrée de jeu. Ça devient vite infernal, bien pulsé par ce batteur fou qu’est Bill Walsh. On entend même Robbie claquer des chorus fantômes dans les interstices. Ces mecs ne s’ennuient jamais et nous non plus. Robbie joue comme un conquérant et ce fou de Walsh bat tout ce qu’il peut battre, il est comme une loco, celle de Jean Gabin qui fonce la nuit vers le Havre, à grands renforts de roulement intestins.

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    C’est avec Palomino Pizza paru en 1993 et produit par Mike Mariconda à Melbourne que les Psychos déploient leurs ailes. Il foncent tout droit dès «Rain Gauge» et développent un power à la Motörhead. Ils font de l’ultra-rock, comme Lemmy. Ils sont hallucinants de tout-droitisme, ils filent sur le fil, pied au plancher. On les voit plus loin faire décoller le gros bolide de «GOD». Le cut devient passionnant car des événements surviennent sur le tard, notamment la wah de Robbie Watts, c’est même une wah phénoménale, on assiste à une élongation du domaine de la turlutte, ces trois mecs sont puissants, peu de gens sont capables de mener un tel train d’enfer en maintenant l’intérêt en éveil. Thanx Mariconda for this one. Bill Walsh vole le show dans «Champagne Sunday», ce batteur fou bat ça à la savage punk. Les Psychos développent encore une énergie punkoïde dans «Shut Up». Ces mecs n’arrêtent jamais, ô grand jamais, ils savent couler un bronze fumant. Ils se situent dans une certaine énormité. Ils terminent avec un «Shove» allumé aux renvois de chœurs, sous un gratin de heavy Cosmic. Bizarrement, ce cut ne figure pas sur la track-list de l’album. Il faut savoir qu’il existe et qu’il est bon.

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    Les Psychos passent au pur blast avec Self Totalled paru en 1995. Tu prends «Bullet» en pleine poire, t’es baffé direct par le bass blow, les amplis vibrent, les Psychos jouent à la sature extrême et c’est bienvenu. Leur blast rivalise de deafening avec celui de Motörhead, ils jouent comme des diables et explosent la rondelle des annales. Seuls les Australiens sont capables d’une telle violence sexuelle. Prod exceptionnelle. Le mec a su garder le vibré des baffles, l’essence même du rock. Là, tu as tout, le drum et la voix en peu derrière et le pulsatif devant. Chez eux tout est ramoné à la ramonade, ils nous font le coup de la logorrhée de heavy bassmatic. Sur cet album, Ross Knight s’appelle Slapper Jackson et Robbie Watts devient Fess Parker. Nouvelle explosion avec «The Man Who Drank Too Much». Pur blast, Bill Walsh volerait presque le show. Oh ils font aussi du gaga-punk avec «Bad Day» et redorent le blason d’un vieux mythe, celui du power trio. Walsh bat ça à la dure. Il est monstrueux. C’est dingue ce qu’il développe. On ne croise pas tellement de groupes capables de développer un tel power. Les Psychos sont un phénomène. C’est l’un des pires albums de blast qu’on puisse écouter ici bas. Leur folie flirte avec le génie, il y a de la stoogerie dans leur côté destroy. Stupéfiant ! Encore une crise de folie Méricourt avec «Thank Your Mother For The Rabbits». On reste avec ça dans la stupéfiante violence de la puissance sonique. Ces trois mecs valent n’importe quelle armée, ils se situent au-delà de tout et l’autre, là, qui part en vrille de wah ! Il va d’ailleurs ravager le «Neighbours» d’après. Ces mecs jouent tout à bride abattue. On croise plus loin un «Almost Home» bien déflagré, bardé de grosse saucisse d’aussie blast et Robbie Watts ne rate pas une occasion de passer un killer solo flash. Diable, comme ce mec peut être bon. Il incarnerait presque la rectitude. Bon batteur, bon guitariste, bonne voix, les Psychos ont tout l’apanage en magasin. Ils foncent ventre à terre dans leur heavy psychotic bush - I couldn’t give a fuck - claque Ross Knight dans «Come On». Il a raison, rien a foutre, claque ton bush, Ross, don’t give a fuck. C’est avec cet album qu’on prend vraiment les Psychos au sérieux, au moins autant que Motörhead.

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    Ils nous tapent une petite pochette à la Dwarves pour Oh What A Lovely Pie. Les photos à l’intérieur du trois volets ne te seront d’aucun secours. Les filles sont à poil, mais pas comme chez les Dwarves. L’album sort en 1997 et on l’accueille à bras ouverts. Ils démarrent avec un «Can’t Keep A Good Man Down» heavy on the brawl. C’est du Psychos de la pire engeance, du demented are go surmonté au win it over, chanté à la rascasse et percuté de plein fouet par un solo de wah. En gros, ils bardent à l’excès. Avec «Hammer», «Guns Away», «Moll» et «Breathless», on peut parler de génie. Leur son est une marée montante, les coups de wah aplatissent l’occident, Robbie Watts flashe sa purge en permanence, pure bush genius. Ils balayent les frontières avec «Guns Away», le solo prend feu, ils rivalisent d’audace avec les Stooges, tout est arrosé de wah en feu, c’est du trash killer wah, ça bat à la vie à la mort et la basse fuzz fait l’interface. «Moll» monte encore d’un cran, comme si c’était possible. Ici, le power enfile le génie qui adore se faire enfiler. On voit le chant tituber dans l’écho des riffs. Les Psychos deviennent des géants. Impossible d’imaginer une pire équipe et une pire maîtrise. Ils restent dans l’extrême punk-out avec «Breathless». No way out, on les suivrait jusqu’en enfer. Et ça continue comme ça jusqu’au bout de la nuit, dégelée après dégelée, ils s’arrangent pour nous maintenir en éveil comateux, avec des cuts visités par des vents mauvais. «Creepin’» sonne comme une stoogerie. Leur «Super Vixen» va encore bien au-delà des Ramones et des Aussies. Ils sont dans un power trip et c’est passionnant. Ils font le punk’s not dead à eux tout seuls, ils l’éclatent au qui mieux mieux et bien sûr Robbie Watts passe un solo killer flash histoire de raviver les braises, le Vixen put a spell on me bascule dans la magie cosmique, on les vénère pour cette constance de la prestance et si tu veux entendre le pilon des forges, il est dans «Chainsaw».

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    Le molosse qui gronde sur la pochette de Dung Australia annonce bien la couleur. Pas de pires Demolition Doll Lads que les Psychos. On se fait immédiatement sauter à la gueule par «If You Want To Get Out Of It». Merveilleuse violence, c’est un bienfait pour la rate, ils aplatissent tout sur leur passage, avec en queue de cortège l’inévitable solo en flammes de John Mad Macca McKeering, le remplaçant du pauvre Robbie Watts qui vient de casser sa pipe en bois. Rassure-toi Mad Macca est aussi psychoïde que Robbie Watts. Ils atteignent avec cet album une espèce de maîtrise du son absolutiste. Ross Knight explose tout au chant. Un certain Keiran Clancy amène le renfort d’une deuxième guitare et Dean Muller a remplacé Bill Walsh au beurre. Les Psychos restent dans leur délire extrémiste. Ils défoncent «20 Pot Screamer» à la pure dementia, ils labourent les côtes du son, c’est tout ce qui les intéresse. Ils ont tellement de son qu’on s’en effare, les rasades de killer solos ne servent qu’à détruire et on tombe plus loin sur un «Miss Me» explosé d’entrée de jeu, ces mecs sont d’épouvantables monsters, ils battent tous les records de lourdeur et de verdeur. Ça bat tellement que le son chevrote. Existe-t-il pire force de frappe sur cette terre ? Non. Ça démolit dans la démolition, les flammes du solo coulent dans le courant du fleuve, ils jouent le beat des soudards, ils sont à la fois excellents et impitoyables, leur maîtrise dépasse un peu la capacité des mots. Certains cuts sont plus classiques, mais tout est bourré de son jusqu’à la gueule, comme on le dit d’un canon de flibuste. Ils attaquent «Follow Me Home» à la belle avoine, ils créent de la joie et de la bonne humeur au cœur des enfers, tout est énorme ici, et l’autre fou n’en finit plus de tapisser les murs de giclées de wah. Ils finiraient presque par devenir trop énormes et par nous donner la nausée, mais en même temps, ils jouent l’un des meilleurs rocks de l’histoire du rock. «Bee Sting» sonne comme du gaga punk supérieur, claqué du beignet dans l’absolutisme défenestré. Les guitares dévorent tout. «Dollar Each Way» vaut pour l’une des plus belles coulées d’heavyness d’Australie et «Skirt Lifter» pue le cramé de wah. Ah quels diables ignobles ! Leur démesure finit par foutre la trouille. One two three, hommage aux Ramones avec «Anarchy In Boondall». Ils rockent ça à la vie à la mort, c’est bourré de vie, de gratté de grattes et de chant à la bonne franquette.

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    En 2011 paraît Glorius Barsteds. Ils gagnent toujours en power, battle punk forever. «Hate Drunkenness Vandalism Demolition» sent bon la démesure tribale. Et dans «Hoon», le solo prend feu. Comme d’habitude, tout est extraordinairement bardé de son. John McKeering démolit «Bull At A Gate» qui ouvre le bal de la B. Il s’amuse à rentrer dans le lard des cuts au moment le plus opportun. Il continue de faire sauter la B avec «3rd Strike». McKeering visite ça en profondeur. Il crée une source de jouvence permanente et l’album devient mirobolant. McKeering est partout, on le voit surgir dans «Nude Shellas On Motorbikes Drinking Beer» et ça reste puissant jusqu’au bout de la nuit. Ils finissent avec un «Wake Up Rocket» fantastiquement heavy.

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    Hooray Fuck - Live At The Tote qui s’appelle aussi I Love My Tractor pourrait bien être le meilleur album des Psychos. C’est un live. La pochette d’Hooray reste sur l’esthétique des premières pochettes, avec le beau ciel bleu derrière les Psychos, mais la pochette de Tractor est marrante, car on voit trois mecs se rouler par terre devant la petite scène où jouent ces démons de Psychos. Là dessus, tout est bon, il n’y a rien à jeter. Ils démarrent avec un «Pub» dévastateur, Dean Muller bat ça à la vie à la mort et Ross Knight gueule comme un con. Big heavy Cosmic blast ! Ils font du high energy atmospherix à trois, ils balancent une vraie dégelée de no way out, à la Cosmic ultraïque. Mad Macca est un dieu de la wah. Alors si tu aimes la basse fuzz, il te faut écouter «Nice Day To Go To The Pub». Mad Macca prend feu, une fois de plus, ça blaste all over et ça wahte par dessus la basse fuzz, et bien sûr ce démon de Ross is on fire. Et ça continue de cavaler à travers la plaine avec «Mortician», ces mecs n’en finissent plus de redorer le blason du blast, mais un blast en surchauffe, cramé de l’intérieur. On les voit repartir aussi sec à chaque fois pour une autre dégelée, et le gros arrose tout de wah brûlante. Avec «I’m Up You’re Out», Ross fait du heavy punk aussie. Il est magnifique de screaming, il prend tout en frontal. C’est dingue comme ces mecs savent tenir la distance. Chaque cut est pulsé dans le ventre du rock. Leur passion pour le bulldozer prend ici tout son sens. Leur violence ricoche dans le son, c’est en tous les cas ce que montre «Dead In A Ditch». Ils sont dans l’expression de la violence salvatrice. Il n’existe pas grand chose au dessus des Psychos. Encore une belle envolée avec «Quater To Three». Ils savent très bien ce qu’ils font. This is the real blast, my friend. Les accords rayonnent dans la chaleur du blast. Ces trois mecs ont tout : l’aussie, la wah et le hard beat. Quel bonheur de voir cette wah tout dévorer. Chaque cut sonne comme une invasion. Ils cherchent chaque fois le maximalisme de la violence sonique et parviennent à la maîtriser pour en faire une sorte d’anti-art. «Go The Hack» sonne comme un pandémonium, c’est un blast à toute épreuve qui date du temps de leurs débuts. Retour de la basse fuzz avec «20 Pot Screamer», ils syncopent leur beat et ils deviennent complètement fous avec «Back In Town». Ils vont très vite en besogne et ça devient incontrôlable, Dean Muller remet tout ça au carré. Mais on sent bien qu’ils sont irrécupérables, on voit bien avec «Lost Cause» qu’ils ont du mal à s’arrêter. Ils font plaisir à voir. Ils restent les tenants du titre, blasters forever. C’est sans doute leur tenue de route qui impressionne le plus. Ils font un «David Lee Roth» punk as hell, c’est le blast définitif, touch me out !, et ils bouclent avec «Hooray Fuck», c’mon cunt ! Ah les fous !

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    Si on fait l’effort de rapatrier ce gros picture-disc qu’est Cum The Raw Prawn, on sera bien récompensé. Les Psychos s’améliorent en vieillissant et gagnent en véracité combinatoire. Pour preuve, voici «Bum For Grubs», une belle giclée de Cosmic trippe, ça wahte dans tous les coins, ils sont exceptionnels. Ils mènent le power à la trique et McKeering wahte comme un beau diable, Il fout le feu quand il veut. Ils atteignent une sorte de maturité avec «Come And Get Some» et leur aisance à driver un beat les préserve de toute critique. Ah quelles belles vagues de wah ! Ils ne sont pas près de se calmer. En B, ils terminent leur morceau titre à coups de fuck you et de fuck yourself. Ils développent encore un potentiel d’acier avec «Ack-Ack» et la wah expiatoire de McKeering vient lécher les bollocks du Cosmic beat, elle se répand dans l’air comme un vent de flammes. Pour finir en beauté, ils explosent en plein vol avec «Didn’t Wanna Love Me», une énorme dose de Cosmic blow.

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    Leur dernier album en date s’appelle Loudmouth Soup. Il date de 2018. Curieusement, il n’est pas aussi intense que certains de leurs albums précédents. Ils transforment «100 Cans Of Beer» en bulldozer sonique, c’est-à-dire en heavyness incommensurable et il faut attendre «Moon Over Victoria» pour refrétiller, car John McKeering joue les accords des Stooges. Les Psychos restent dans le décorum du fucking hell avec le fuzzed-out bass sound de «Mean» et là, mon coco, tu vas entendre McKeering passer l’un de ces killer solos dont il a le secret. Et puis arrive le cut mythique par excellence : «To Dumb To Die» qui est en fait un hommage à Roky Erickson, car c’est «Two Headed Dog» revu et corrigé par les Psychos. Ils se situent d’emblée au firmament de l’underground universel - I’m too dumb to die/ I don’t know why I’m too dumb to die - Roky doit se marrer dans sa tombe. Retour des cavalcades infernales avec «Rat On The Mat». On assiste à l’explosion d’un power trio. Quelle équipe ! Ils font sauter tous les vieux concepts et Ross Knight se tape un final au finish à l’anglaise, aw, hell ! Ils bouclent Loudmouth Soup en allant vers le fleuve avec «Last Stand». On est bien content de les accompagner, même s’ils nous font parfois des tours pendables.

    Signé : Cazengler, Comique Psycho

    Cosmic Psychos. Down On The Farm. Mr. Spaceman 1985

    Cosmic Psychos. Cosmic Psychos. Mr. Spaceman 1987

    Cosmic Psychos. Go The Hack. Survival 1989

    Cosmic Psychos. Slave To The Crave. Rattlesnake Records 1990

    Cosmic Psychos. Blokes You Can Trust. Amphetamine Records 1991

    Cosmic Psychos. Palomino Pizza. City Slang 1993

    Cosmic Psychos. Self Totalled. Amphetamine Reptile Records 1995

    Cosmic Psychos. Oh What A Lovely Pie. Shagpile 1997

    Cosmic Psychos. Dung Australia. Timberyard Records 2007

    Cosmic Psychos. Glorius Barsteds. Missing Link 2011

    Cosmic Psychos. Hooray Fuck - Live At The Tote. Cobra Snake Necktie Records 2011

    Cosmic Psychos. Cum The Raw Prawn. Desperate Records 2015

    Cosmic Psychos. Loudmouth Soup. Go The Hack Records 2018

     

    Inside the goldmine

    - De l’Adorabilité des choses

     

    Oui, ça devait être ça, Porte d’Aubervilliers ou de la Chapelle. C’est là qu’elle tapinait. Elle arrivait vers 1 h du matin. Elle annonçait le tarif, ok, et elle montait à bord. Tiens tu vas par là, c’est tranquille. Elle avait deux dents cassées, devant. C’est la première chose qu’il remarqua. Elle devait avoir tout au plus trente/trente-cinq ans. Cheveux longs, châtain clair, un peu ronde. Mais diable, comme elle suçait bien. Elle y mettait tout le tact dont peut rêver un homme. On pouvait même en déduire qu’elle devait aimer ça. Très rare dans ce circuit où la pipe se fait généralement sans âme ni état d’âme. La pute est contente, elle a ramassé son billet, le mec s’est vidé les couilles, il peut rentrer dormir chez lui. Il fut tellement ravi qu’il y retourna la nuit suivante. Personne. Elle devait être victime de son savoir-faire, ça paraissait évident. Alors il remonta les Maréchaux vers le Nord et fit demi-tour une demi-heure plus tard. Elle était là. Ils nouèrent cette nuit-là une espèce de relation. Il revint la retrouver quasiment chaque nuit pendant quatre mois, le plus souvent dans l’hôtel où elle vivait, vers la Porte d’Auber. Ils dépêchaient longtemps une vague besogne, puis quittaient l’hôtel pour aller vers la rue Myrha. Elle devait se ravitailler car elle tournait au crack, bien sûr. Ils allaient ensuite dans un mini-market ouvert toute la nuit acheter un doseur de Ricard et filaient aussi sec dans un hôtel de Stalingrad procéder au rituel. Elle partageait tout, sa vie, son crack, son corps et l’extrême misère de sa condition. «T’es adorable, mon cœur», disait-elle, avec un léger accent. Il repartait au lever du soleil pour aller bosser, fier d’avoir goûté aux saveurs du trash suprême, ce qu’il appelait l’Adorabilité des choses. Alors que l’énergie bouillonnait en lui et livrait un combat sans merci à la fatigue, il allait retrouver sa bagnole, s’émerveillant à chaque pas de l’immense saleté des rues, le long du métro aérien. Valsait en lui l’Adorabilité des choses. Jusqu’au vertige.

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    Elle aurait pu dire d’Adorable qu’ils étaient adorables. Le premier album de ce groupe anglais date de 1995 et s’appelle Against Perfection. Le chanteur s’appelle Piotr Fijalkowski, il est polonais.

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    Dès «Favourite Fallen Idol», he makes it. C’est violent, side by side, il dégringole dans les vapes du génie vocal, ah les Psychedelic Furs devraient prendre des notes. Piotr tombe, aw aw. C’est un fantastique artiste. Avec «A To Fade In», il fracasse tout, il transforme la Brit Pop en apocalypse now, il multiplie les douches froides d’exception. Le génie est dans la course comme il est dans la cause. Ce Polak à moitié viking ravage les côtes de «Homeboy», aw comme il chante bien, you’re so beautiful. Il faut voir l’«Homeboy» éclore en bouquets d’artifice. Comme ce Piotr est un singer exceptionnel, tous les cuts prennent de sacrées tournures, les montées flambent, ils jouent à deux guitares. Nouvelle splendeur catatonique avec «Cut # 2». Piotr a autant de power que Lou Reed ou Peter Perrett, mais avec un truc en plus, un truc en plume, un truc à lui, une couleur de timbre qui rend sa présence immanente. Ces adorables Brit-popsters lèvent des vagues dans leur pop et Piotr met un point d’honneur à exploser chaque fin de cut. Ils font aussi du wall of sound («Crash Sight») et bouclent cet infernal bouclard avec «Breathless», une chanson d’amour chargée d’un désespoir de main tendue, Piotr chante au tranchant d’effarence, il crée les conditions du fall out, sa voix porte au loin, il touche les cordes raides, il atteint les ports, il touche tellement au but qu’on voit le but. C’est l’une des voix de notre époque. Ce mec a la Melancholia de Dürer gravée dans sa cuirasse. I love you !

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    Leur deuxième et hélas ultime album d’Adorable s’appelle Fake. Il vaut peut-être mieux commencer par écouter «Road Movie» que Piotr plie en quatre avec un fatalisme typiquement polonais, puis il s’exprime au grand jour et à pleine poitrine, alors tout bascule dans l’ampleur shakespearienne de la tempête. L’autre point fort de Fake est le «Feed Me» d’ouverture de bal, un Feed Me éclairé aux accords malovelants et ça donne une pop teigneuse et belle, brune et sensuelle - She falls ever so/ Ever so soft/ So soft - et ça éclate au Sénégal avec la copine de cheval. Avec Piotr, la messe est dite en permanence. Messieurs les Furs, rangez vos fears, personne ne peut égaler le Polak au petit jeu du power surge atmosphérique. Il monte vite au vent de la vague. Il est magnifique et tellement désintéressé. Une présence qui n’en finit plus d’être présente, c’est la force de cet adorable Polak. Mais Fake est nettement moins dense que son prédécesseur. Les submarines ne sont pas aussi glorieux que ceux de Captain Sensible. Il semble même que ce géant se noie dans un son à la mode. Avec «Lettergo», Adorable sonne comme une fiotte éplorée sans port d’attache. Fake se tire une balle dans le pied. Mais la basse fuzz vole au secours de «Kangaroo Court» et le radeau de la méduse reprend sa course, avec un Polak en figure de proue. Les pronostics les donnaient perdants et voilà que le radeau file à présent vingt nœuds. Il file droit sur l’horizon que scrute Piotr alors qu’un matelot affamé commence à lui dévorer un mollet. «Go Easy On Her» s’ouvre sur des arpèges magiques, une véritable invitation à l’Adorabilité des choses, mais ça peine un peu à jouir, même si Piotr bande ses muscles pour tenter de hisser ce boulet jusqu’au sommet.

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    Quelques années plus tard, le Polak monte Polak à Brighton avec son frangin Krzys et trois autres petits mecs du coin. Ils enregistrent deux album. Le premier s’appelle Swansongs et vaut le déplacement, sacrément le déplacement. Piotr ne traîne pas au coin du bois mais au coin du son, il est tout de suite présent. Mille fois plus présent que ne le sera jamais Nick Cave. Eh oui, c’est malheureux à dire, mais c’est la réalité. Piotr impose une ambiance, comme savent le faire Owen McCarty et Mark Lanegan. Pour lancer «Tracer», il ouvre la bras, venez mes amis, je chante pour vous. Il est très bon, peut-être même trop bon. Trop d’intégrité ? Il est aussi juste et profond que Mark Lanegan. Pas de demi-mesure, il chante à l’absolu du chant, il brûle en profondeur et quand les guitares arrivent, il fait monter la sauce, il racle son chant aux parois de l’abandon. Il enchaîne avec un autre cut faramineux, «Nobody’s Cowboy Song», amené au merveilleux hook de guitar slinging. Il entre dedans comme dans du beurre, c’est un spécialiste, un fabuleux groover, il sait de quoi il parle, c’est ouvert sur le ciel, complètement ouvert, my friend, I’ll stay alive my friend, avec de faux échos de «You Can’t Always Get What You Want», juste de faux échos, I’ll stay alive, c’est stupéfiant, et niaqué aux guitares. Très beaux restes d’Adorable. D’autres morceaux rappellent aussi Adorable, comme ce «Storm Coming» amené à la marée montante absolutiste, aw storm coming, comme son nom l’indique. Avec une voix pareille, Piotr Fijalkowski devrait être aussi célèbre que Bowie. Le fait qu’il soit resté à l’écart est incompréhensible. Encore de l’Adorabilité des choses avec «Impossible», ils rejouent la même carte, celle du Big Atmospherix adorable, un mix unique en Angleterre. C’est le romantisme byronien du XXe siècle, une pure merveille d’extension du domaine de la turlutte. Il va ensuite chercher la petite bête dans «Love In Reverse» avec une gonzesse nommée Ruth Calder. Elle est pas mal. Tous ces exercices ne sont pas simples, il faut savoir s’y prêter pour un rendu. Piotr va ensuite fracasser son «Shipwrecked» sur les récifs, il adore ça, c’est le vieux fonds de commerce Adorable, le cut perdu dans la nuit des temps immémoriaux. Ce mec sait ce qu’il fait, on le comprend bien, soft et léger, avec l’underground des trottoirs jonchés d’immondices à fleur de peau.

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    Le deuxième album de Polak sort deux ans plus tard et s’appelle Rubbernecking. Même chose qu’avec l’album précédent, on est tout simplement heureux de le croiser. Piotr Fijalkowski ne veut pas qu’on le réveille dans «Don’t Wake Me». C’est assez clair. Drug song ? Va-t-en savoir ! Et boom, voilà «Love Lies», il prend le taureau des Lies par les cornes, suivi par des guitares. Il redevient le temps d’un cut l’un des plus puissants seigneurs d’Angleterre. Power absolu ! Il descend sur la pop comme un aigle, ou mieux encore, comme un vampire, on le voit littéralement descendre dans le son. Terrifiante prestation ! On reste dans le génie polish avec «Joyrider» qu’il attaque au ras des pâquerettes pour l’émulser dans une abondance d’excellence, alors ça monte, comme au temps béni d’Adorable. Les cuts sont très physiques, ces montées et ces descentes ne sont pas monnaie courante, dans le monde rock. Les groupes on tendance à rester linéaires. Piotr Fijalkowski adore les reliefs. Il les génère. Il est par exemple bien plus climatix que Liam Gallag qui est pourtant un grand chanteur. Piotr fabrique de la clameur. Il est tellement à l’aise qu’il donne l’impression de se balader dans le son. Il chante son «Dumbstruck» au hanté demented, il relance avec une majesté sidérante, you’re my obsession, il éclate sa sortie comme une noix, toujours juste et puissant à la fois. Avec «Something Wrong», il rentre dans le lard du son, comme Peter Perrett, Piotr est un vieux renard, il colle au big heavy groove de something wrong. Il tourne tout, absolument tout, à son avantage. Il termine cet album somptueux avec un «Come Down» d’une rare proximité. Il s’y américanise un peu, à la Fred Neil, et quand il laisse tomber son come down, on pousse un oh d’admiration, car c’est extrêmement beau. Alors il fait entrer du son, mais du très gros son, avec un drive de basse énorme et ça submerge tout, le drive démolit tout, glou glou, on disparaît avec la cité d’Atlantide. Heavy as hell !

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    Et puis voilà, les années passent. Piotr Fijalkowski sombre dans l’oubli, alors il décide de simplifier son nom en Pete Fij et de s’acoquiner avec Terry Bickers, l’ex-House Of Love, pour enregistrer deux albums. Le premier paraît en 2014 et s’appelle Broken Heart Surgery. Bien sûr, ils n’ont pas de label. Cette fois, Piotr n’a plus que sa voix. Les compos ne sont pas vraiment au rendez-vous. Il va se lover au creux du giron en attendant que vienne l’inspiration. Mais cette garce se refuse à lui. On le voit chercher sa voie dans «Sound Of Love». Même s’il chante à la Piotr du pauvre, ça reste nettement supérieur à la moyenne. Mais pas de feu dans la plaine, pas de bombes sur la cathédrale. On sauvera «Breaking Up» pour son côté insidieux, bien orienté, bien rocky, I got run over, il sait doser sa rockitude, il attend patiemment que ça se réveille, le breaking up est bien claqué au riff, avec des coups d’harp en fin de parcours. Mais bon, les autres cuts restent au sol. Ce n’est pas l’album du siècle, on est bien d’accord.

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    Pete Fij et Terry Bickers enregistrent un deuxième album en 2017, We Are Millionaires. Ça reste du hot Fij avec le big guitar sound de Terry Bickers, une présence indéfectible, un son très anglais, on the verge of the edge, violonné à outrance («Love’s Going To Get You»), comme suspendu dans l’espace, ce mec pose sa voix et c’est tout de suite captivant («Waking Up»), il faut le voir swinguer son groove de deepy deep, il travaille sa magie vocale au crossroad puzzle («Marie Celeste»), bien vu, Pete le Polak, il tape bien sa rengaine - I don’t know much about you honey/ But I know you’re driving me mad - Toujours la même histoire. Et puis voilà le miracle tant espéré : le morceau titre, hanteur comme seul Pete Fij peut hanter, il nous enveloppe dans sa chaleur mélodique, il faut voir l’éclat du tombé de ton - If that melancholy that we share was common currency/ Then we’d be millionaires - Toxique au plus haut point, l’une des plus belles chansons qu’il soit donné d’entendre en langue anglaise. Rien que pour cet all the currency, on se damnerait pour l’éternité.

    Signé : Cazengler, Adorat d’égout

    Adorable. Against Perfection. Creation Records 1993

    Adorable. Fake. Creation Records 1994

    Polak. Swansongs. One Little Indian 2000

    Polak. Rubbernecking. One Little Indian 2002

    Pete Fij/ Terry Bickers. Broken Heart Surgery. Not On Label 2014

    Pete Fij/ Terry Bickers. We Are Millionaires. Broadcast Recordings 2017

    *

    J'avais vu l'annonce de l'édition américaine, pas de sitôt que l'on verra une telle monstruosité en France m'étais-je dit. Il faut savoir reconnaître ses torts. Le voici sur mon bureau. Un paquebot, un porte-avions, le genre de pavé monstrueux qui encombre les bibliothèques et embarrasse les heureux possesseurs. Apparemment le souhait de la famille... Quarante-cinq euros, je sais bien que la poésie n'a pas de prix, bonjour l'opération marketing ! Il est vrai que le livre propose un grand nombre d'inédits, surtout en France. De nombreuses pages blanches ou noires aussi. Beaucoup de blanc aussi autour des textes composés en petits caractère. Z'ont dû mal comprendre la boutade de Mallarmé comme quoi les blancs sur lesquels s'inscrivait le poème étaient plus importants que le texte... Z'auraient aussi pu réfléchir sur le désir de Morrison de publier An American Night sous forme d'une plaquette destinée à s'immiscer dans la poche arrière d'un jean... Cessons nos jérémiades, il est d'autres questions plus importantes...

    ANTHOLOGIE

    JIM MORRISON

    POEMES, CARNETS, RETRANSCRIPTIONS, PAROLES

    ( Massot / 2021 )

    Que les Doors aient été dans les années soixante un des groupes de rock les plus importants des Etats-Unis, que leur chanteur possédât une voix et une indéniable présence sur scène, le monde entier nous l'accordera. Affaire classée. Mais en plus d'être un chanteur exceptionnel Jim Morrison s'est voulu poëte. Sur ce point les avis divergent. Sûr que ses lyrics étaient de loin supérieurs à la plupart des autres groupes, de là à lui décerner le titre de poëte, ne serait-ce pas trop ? Il est étrange de constater qu'à une époque où la gloire du poëte n'est plus ce qu'elle a été durant les siècles précédents, l'on dénie à Morrison, le droit de revendiquer ce titre bien galvaudé. C'est qu'inconsciemment s'opère dans les esprits, une scandaleuse équivalence entre grand chanteur de rock et grand poëte. Apparemment c'est beaucoup trop, quasiment antidémocratique, qu'un seul et même individu ait été ainsi favorisé des Dieux. Reste à lire les textes.

    Un temps d'adaptation est nécessaire. Surtout pour les textes connus depuis de si nombreuses années. La nouvelle traduction de Carole Delporte, nous déporte un peu hors de nos habitudes. Mais l'on s'y fait. Avoir à sa disposition plusieurs translations de textes dont on baragouine la langue, malheureusement les subtilités nous échappent, ne saurait être un handicap. J'ai passé la soirée à lire in-extenso de la première à la dernière ligne ces 586 pages. Voici venu le temps de donner mes impressions.

    Première surprise, la masse d'inédits nous obligent à reconnaître que le Morrison Rocker, ne correspond pas tout à fait à l'écrivain. L'ensemble des écrits gomme l'aspect mythologique des lyrics du chanteur. Moins de lézards, moins de serpents. Moins d'implications personnelles dans les personnages des poèmes. Dans une interview Morrison récuse le sérieux d'un texte comme La Célébration. Il parle d'ironie. Nous croyons que le jeune homme, et davantage encore l'adulte, qu'il est en train de devenir mûri par les expériences accumulées en peu d'années, s'écarte d'une vision trop adolescente, inhérent à son statut de rebelle absolu.

    Cette vision mythologique correspond aussi à celle d'un élève doué qui s'est forgé une culture livresque. De même beaucoup de ses premiers textes sont une réflexion sur le cinéma. Bizarrement l'ancien étudiant en art cinématographique à l'Université de Los Angeles ne parle ni de film, ni de technique. Le cinéma l'intéresse en tant que regard et vision. Pas celle du spectateur qui regarde des films. Du cinéma il passe d'ailleurs à un moyen de communication, spécifiquement américain, de diffusion des images : la télévision. Morrison évite la tarte à la crème de la critique de la médiocrité des émissions de télé. Ne s'intéresse pas davantage aux attitudes des téléspectateurs scotchés devant l'écran. Le problème n'est pas de regarder la télé pour la simple et bonne raison que c'est la télé qui vous regarde. Evitons les fausses interprétations. Morrison ne se lance pas dans une diatribe contre Big Brother. Il ne développe en rien la critique politique de l'éducation manipulatoire et de la surveillance des masses anonymes par un pouvoir oppressif.

    Inutile de vous précipiter dans votre salle de bain pour retoucher votre coiffure, la télé ne vous regarde pas. Elle regarde autre chose. La réalité. Si cela vous paraît incongru, vous allez avoir du mal à comprendre la démarche poétique de Morrison. C'est que bientôt il ne parle plus de télévision. Il n'a pas éteint l'appareil. Il a pris sa place. Ou plutôt sa poésie se chargera de cette occupation. Elle enregistre le réel qui se présente à elle.

    Une constance dans la poésie de Morrison, tantôt il évoque la chaleur, tantôt le froid. C'est qu'il ne jette pas un regard désabusé, neutre et glacé sur le spectacle du monde. De même, malgré un tel parti-pris sa poésie n'est ni réaliste, ni matérialiste. Elle ne dénombre pas le réel, elle ne revendique aucune vision philosophique du monde. Elle n'est pas non plus une poésie à hauteur d'homme. Très peu peuplée. De temps en temps un tueur solitaire – pas vraiment un bienfaiteur de l'humanité - et des filles ( beaucoup ) désirantes et désirables. Deux adjectifs que l'on remplacera par le mot sexe. La poésie de Morrison est animale. Il nous rappelle que nous sommes une espèce animale, ni pire ni meilleure que les serpents et les chiens... Nous sommes dans le regard que la poésie pose sur nous. Rien de plus. Rien de moins.

    Pourtant ce n'est pas une poésie impersonnelle. Loin de là. Il est indéniable que les poèmes portent en eux l'empreinte morrisonienne. Reconnaissable à première lecture. De quoi parle-t-elle au juste. De rien. Elle évoque non pas tout mais une certaine totalité. Celle de l'Amérique. Il l'annonce clairement dans les titres, An American Prayer, American Night Journal. L'Amérique de son temps, mais pas ''son'' Amérique. Aucun jugement moral ou de préférence affective. L'époque le voulait, certains poèmes évoquent le Vietnam, pas de condamnation de la violence, juste la violence. Morrison n'est pas Joan Baez. Il ne défend pas une cause, si juste serait-elle, il n'envoie aucun message, il montre.

    L'Amérique qu'il nous montre, ou plutôt l'Amérique qui nous regarde, est monstrueuse. Pas parce qu'elle est l'Amérique, parce qu'elle ressemble à nos pulsions humaines. En quoi le désir d'un assassin, un désir de mort, serait-il plus condamnable qu'un désir de vie – Morrison emploie rarement le mot amour – tous deux sont des désirs. Point à la ligne. Serait-il né en France je crains que la réalité française ne lui soit point apparue moins noire que la nuit américaine... Cette poésie sans illusion mais aussi sans mépris sur les hommes et les femmes touche à l'universel.

    L'on connaît le destin de Morrison. La plupart de ses écrits sont restés confinés dans des carnets. Cette Anthologie nous dévoile leur aspect extérieur, certainement moins anecdotiques des photographies présentent quelques poèmes traduits dans le volume. L'accès au texte original est un plus, mais nous emmène à quelques commentaires. Les poèmes de Morrison sont écrits en vers libres, disposés en strophes qui peuvent atteindre jusqu'à une quarantaine de vers. Le plus souvent beaucoup moins. Morrison prenait des notes. Des notes poétiques serait-on tenté de dire. Il n'a pas eu le temps de trier, d'arranger et de mettre en forme. La famille, quelques amis, et l'éditeur se sont chargés de cette tâche. Il est un point qui arrache la vue. La grosse écriture de Jim occupe l'ensemble de la surface d'une page. Quand on compare aux transcriptions typographiques de cette édition, il nous vient à l'idée qu'une dimension s'est perdue. L'on ne se gênera pas pour nous faire remarquer que les recueils édités de son vivant par Morrison se sont contentés d'une présentation à peu près similaire. Certainement. Je pense toutefois que dégagé de son métier de chanteur Morrison aurait apporté un plus grand soin à la mise en page de ses livres. L'œil lit, mais il voit aussi.

    Nous sommes de ceux qui pensons que Morrison n'est pas un poétereau de treizième zone, sans doute convient-il de le comparer à ses aînés. Dans les années soixante-dix, à l'écoute et à la traduction des lyrics des disques des Doors, je l'avais intuitivement rapproché de Shelley. Qui a le tort, si j'ose dire, d'être anglais. Je fais l'impasse sur la Beat Generation, il me semble que Morrison vient culturellement d'ailleurs, ceci serait à débattre. Réfléchissant ce matin à ma lecture de la veille, un nom s'est imposé dans ma réflexion, je n'y pensais pas, l'est venu je ne sais comment à mon esprit. Difficile d'établir une relation entre deux individus, deux biographies, et deux conditions d'écriture si dissemblables. Je pense à la recluse, à Emily Dickinson, qui n'est pour ainsi dire jamais sortie de sa maison, mais une même façon d'appréhender la totalité du réel au travers de leurs courts poèmes.

    Damie Chad.

    P. S. : Les paroles des textes des chansons ne sont pas traduites. Le manque d'un minimum d'apparat critique se fait sentir.

     

     

    GREY AURA

    ( Onism Productions / Mai 2021 )

    Comment, fût-il néerlandais, et se nommant Aura Grise - peut-être la traduction Âme grise serait-elle plus juste et plus respectueuse de l'idée véhiculée par une telle nomenclature – un groupe peut-il affubler la pochette de son deuxième album d'un tel tintamarre de couleurs ! C'est une longue histoire. Zwart Vierkant est le titre de ce deuxième opus, nous n'évoquerons point dans cette chronique leur premier disque que nous réservons pour une prochaine livraison.

    Le mystère sera en partie résolu lorsque nous aurons révélé que le titre de l'album raconte l'histoire d'un peintre nommé Zwart Vierkant. Si vous ne connaissez pas le néerlandais sa proximité avec la langue allemande vous incitera à rapprocher Zwart de Schwarz, le simple fait qu'un peintre arbore le drapeau noir d'un tel prénom symbolique s'éclairera si vous soumettez son patronyme au premier transcripteur venu, vous apprendrez que Vierkant signifie Carré.

    Le Carré Noir est le tableau le plus célèbre de Casimir Malevitch ( 1879 – 1935 ). Il ne voulait pas dire que la peinture était parvenue au bout de son cheminement, qu'il était désormais impossible pour un peintre conscient des limites de son art de peindre comme ses prédécesseurs. Au contraire, il escomptait marquer un nouveau début, la peinture devant se contenter de formes géométriques simples et de couleurs primaires, du blanc et du noir. Ce parti-pris pour empêcher que le peintre et le spectateur ne soient point distraits par un sujet choisi. Devant une scène de chasse, les chiens, les chevaux, les cavaliers, le renard, l'herbe, les arbres monopolisent et dispersent votre attention, vous oubliez que ce qu'il faut voir c'est la peinture et non le sujet de sa représentation...

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    Cet art nouveau, au début du vingtième siècle, Malevitch l'appela le suprématisme. Le suprématisme irrigue encore la production d'artistes modernes. Un tour sur l'instagram de Sarija Marusic, elle est l'auteur de la pochette, s'impose. Photographe, elle agrémente ses photos de couleurs violentes qui vous arrachent les yeux. Les personnes mises en scène, souvent en des poses peu communes, en sont d'autant plus visibles, qu'elles ne sont plus que des éléments du tableau au même titre que les couleurs, ce traitement de réduction graphique inaccoutumé les font davantage ressortir. La couve de l'album en est un parfait exemple. Après l'écoute du disque nous reviendrons sur la signification à donner à cette image, ce qui est une hérésie, puisque selon les canons du suprématisme, elle ne devrait signifier que le fait d'être une image.

    TJEBBE BROEK : guitar, percussion, bruitage, synthesizer, Spanish guitar / RUBEN WIJLJACKER : vocals, lyrics, guitar, percussion, foley, synthesizer, mixing / BAS VAN DER PERK : drums, percussion / SYLWIN CORNIELJE : bass

    GLEEN COENEN & INEKE NOORDHUIZEN : voice acting / ALBERTO PEREZ JURADO : trombone, trompette / HAENEL ENGEL : castagnettes / JOOST VERVOORT : vocal sur dernier titre.

    Nous avons opté pour la traduction des titres néerlandais. Ils peuvent ainsi aider à une appropriation de l'œuvre. Qui n'est pas facile. Elle est inspirée par un roman de Ruben Wijlacker qui l'a lui-même adapté à la différence près que son écriture a fait partie du processus de création de l'album. Le disque ne raconte pas à proprement dire le parcours de Zwart Vierkant fasciné au début de ce siècle par le suprématisme russe et les travaux tant pratiques que théoriques de Kandisky père de l'art abstrait. Chaque morceau est état un d'âme du peintre lors de son voyage initiatique en Europe. Peint de l'intérieur. Peu de détails explicites, l'ensemble est à interpréter, à écouter, à méditer, texte et musique, comme si vous découvriez à chaque fois le nouveau tableau d'une exposition que vous seriez en train de visiter.

    Mais ce n'est pas tout. Le groupe a travaillé pendant plus de six ans pour la production de l'œuvre. Il s'agit d'un projet ambitieux. Qui serait à mettre en relation avec Le Chef d'œuvre absolu d' Honoré de Balzac. L'histoire de Frenhofer qui finira par brûler toute son œuvre après avoir achevé son chef -d'œuvre. Cette histoire de destruction est au centre de la création de Zwart Vierkant. S'il arrive à réaliser un tableau totalement abstrait la réalité concrète du monde s'auto-détruira. Mallarmé a caressé de telles rêveries, la création du Livre exprimant totalement le Monde, induirait la disparition du Monde désormais inutile. Le lecteur retrouvera ici une application du principe de réversibilité que nous avons exposé dans notre chronique de Moonchild d'Aleister Crowley ( voir livraison 537 ). Grey Aura se revendique explicitement du modernisme, du décadentisme et de notre littérature fin de siècle. Ils se considèrent comme un groupe de Black Metal, qui leur semble le vecteur musical le mieux approprié pour s'aventurer dans toutes les hybridations intellectuelles et artistiques les plus novatrices. Ces sentes obscures sont en effet les plus créatrices.

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    Maria Ségovie : deux roulements fuyants de tambours, indice d'une tambourinade épileptique, signe d'un léger décrochage avec la réalité, comme une photo que vous tenez dans la main et dont l'image glisserait légèrement en dehors du cadre, vocal crépusculaire qui très vite confine à la folie, musique violente, comme ces couchers d'herbes hautes sous le vent de violons que l'on rencontre dans les symphonies, mais ici électriques, la voix légèrement dédoublée, maintenant précipitée, Zwart Viertkand, notre carré noir ne tourne pas rond, la peinture se confond avec la réalité, ce portrait de vierge est-ce un tableau véritable aperçu dans un musée ou une hallucination colportée sur les murs de la réalité, le sang de la vierge doit-il couler, meurtre nuptial ou phantasmatique, ambiance lourde et angoissée. Plongée au cœur du drame. Une guitare espagnole balaie les remugles de ses pensées. Volutes de fumée, bouteille : reprise de batterie que l'on pourrait imaginer pour accompagner la scène d'un film de la charge de Ney sur les batteries anglaises de Waterloo, hurlements de folie, pas douce du tout, des guitares comme un incendie de tourbières rases qui fument, douceur maintenant, l'artiste se calme, l'alcool, la drogue peut-être, ou l'abattement devant la tâche inaccomplie, la toile qui n'aboutit pas  se voile et devient voile sur la mer déchaînée de l'anabase de la folie. La traînée de mauve du désastre : la tragédie ne tarde pas à envahir son esprit, il crie, il s'exalte, il tient le bon bout du pinceau et de la folle du logis, il pense galoper vers la victoire, mais cette trainée mauve sur le tableau devient la preuve de son échec, il se mure dans la tour d'ivoire de son incapacité, la batterie s'écroule, les guitares se sont muées en vol de corbeaux au-dessus de champs de blé de Van Gogh à l'horizon, des chœurs transgéniques le transportent dans son rêve, la chair et le sang, toute femme n'est qu'une figure de la mort qui s'avance sur la mer, portée par des ailes de séraphins. El Greco en Tolède : nous ne sommes pas sortis de l'auberge de la folie, Zwart Vierkant crie comme un reître, il est dans le musée entouré des toiles del Greco, il rugit, il comprend, il accède aux arcanes finales de l'Art, son âme tinte comme une cloche fêlée, une fissure par laquelle s'engouffre la folie de la chair et du sang criminel, signe que le Monde sera enfin brisé, Elle est là, tous deux vont jouer les scènes torrides de la femme et le pantin de Pierre Louÿs, il cède à la sirène maléfique, c'est ainsi qu'il vivra sa saison en enfer, c'est ainsi qu'il recevra l'illumination créatrice. Et destructrice. Chant nuptial, le fiancé se dirige vers l'autel, un couteau, un pinceau, ou un pénis à la main. Paris est un portail : grandiloquence battériale, ahanements, Paris capitale des arts, chacune de ses nuits repeuplait les morts des batailles de Napoléon, chants d'ivrogne et de triomphe, rupture cette guitare qui swingue, une étymologie du mot jazz ne nous dit-elle pas que dans une langue africaine ce mot signifie l'acte sexuel, longs plaidoyers guitariques, est-ce ici que la perpétuation du geste signifie la maîtrise de l'œuvre et du monde. Paris est-elle la cité de la puissance ou de l'illusion. L'entrée du dédale dans lequel on se perdra. La séduction indescriptible de la vertu s'efface : roulements de tambours pour la charge de l'infanterie, vociférations, les réveils du petit matin, instants pathétiques, n'aurait-on libéré le kaos uniquement en soi, le monde extérieur ressemble-t-il à un corps froid sur lequel on n'a plus aucune prise, se moque-t-il de nous, marche-t-on vers le désastre de l'échec. Grandeur et décadence de l'empire que l'on a sur soi-même et sur les choses. Serait-on une fiole de folie brisée sur les rochers de la réalité. A moins que la fissure ne se fendille devant nous. Bouche d'ombre gracieuse : reprise effrénée mais que l'on pourrait aussi interpréter comme une pastorale ironique, la fissure correspondrait-elle au sexe de la femme, une voix mélodramatique pour signifier que toute gorge d'orgie est aussi une entrée des Enfers, la violence se fait douce, lit-on un poème ou un avertissement, interrompu par le cri de celui qui tombe, une diction tel un souffle sur une bouche et les cris d'exaspération de celui qui s'aperçoit que nul frémissement ne répond à sa frénésie, guitares à fond, bouleversements, entassements, la taupe qui progresse dans son terrier rejette la terre dans le monde extérieur, soulèvement de haines, extirpation de colères, elle n'était rien qu'une incarnation idéelle, la mer du monde se retire. Que reste-t-il ? Où sommes-nous? Quelle place pour l'artiste ?

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    La batterie tempétueuse cascade et écume sur les récifs du récit déchiré. Dans un quatuor elle tiendrait le rôle du premier violon accroché à la barre du naufrage. Les cordes en bruit de fond, le souffle des vents multiples baignés d'embruns qui vous précipitent du bord de la falaise dans le maelström sonore, la voix agitée en tous diapasons à la manière des haillons d'une voile qui claquent désespérément au vent.

    Un deuxième opus est en préparation. Nous attendons cette suite destructrice avec impatience. Une œuvre de longue patience. Certains kr'tntreaders s'étonneront des couleurs si pimpantes de la couverture si flashy pour un disque si sombre. C'est oublier que la violence est partout, qu'elle est intimement mêlée à la vie, un peu à l'image de ses gros rocheux laineux du paysage d'aspect si pelucheux, si inoffensifs qu'ils ont l'apparence confortable de ces poufs dans lesquels on s'assoit en toute voluptueuse quiétude, qui vous absorbent à tout jamais pour vous couper de l'attrait de toute action, un peu à la manière de l'étreinte de ces amants cannibales entremêlés qui s'entredévorent dont il ne reste quelques membres épars.

    Damie Chad.

     

    *

    Serait-ce un hasard ? Le monde serait-il plus petit qu'on ne le croit. Hier soir je me livrais à une autre de mes passions coupables, pas le rock 'n'roll donc, mais la poésie du dix-neuvième siècle, réécoutant sur You Tube une conférence de Quentin Meillassoux sur Le coup de dés de Mallarmé. Par acquis de conscience, la vidéo terminée, je m'autorise un petit net-surfin sur les livres de Quentin Meillassoux édités. A force de chercher l'on trouve. Tiens, Quentin Meillassoux est censé avoir écrit des notes de pochettes sur un CD de Florian Hecker. Nous voici à l'endroit précis où les Athéniens s'atteignirent. Je connais Stéphan Eicher mais pas Florian Hecker. Je tape le nom heckerien sur mon clavier et apparaissent une kyrielle d'occurrences, l'a apparemment enregistré davantage de disques que vous n'avez perdu de dents de lait, et plonk mon œil de rocker exercé repère deux références de sites connus, les deux mamelles nourricières indispensables à la survie du rocker en détresse, Bandcamp et Discogs. Je cours sur le premier, une dizaine de pochettes, mais les notes n'indiquent aucune mention de Quentin Meillassoux. Déçu mais pas vaincu. Je me précipite sur Discogs, notre gazier a au moins enregistré une vingtaine de disques et Cds notamment celui qui m'intéresse, Speculative Solutions. Et là je tique, y a un truc qui tilte dans ma tête, la maison de disques, Edition Mego.

    Ne mégotons pas sur les rouages du cerveau, mais oui, je vérifie, c'est là qu'ont été édités Luciferis et aussi Nona, decima et morta de Golem Mécaniques, chroniqués la semaine dernière dans notre livraison 538. Nous voici presque en terre connue.

    SPECULATIVE SOLUTION

    FLORIAN HECKER

    ( Editions Mego / Urbasonic / 2011 )

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    I : Le livret :

    L'objet se présente sous forme d'un coffret ne contenant qu'un seul CD et d'un livret de cent soixante pages présentant trois textes, version en français, version en anglais, de Robin Mackay, d'Elie Ayache, de Quentin Meillassoux. Trois textes qui demandent attention et qui risquent de surprendre le kr'tntreader habitué à des réflexions sur tout autre genre de sujet, comme par exemple le rock 'n' roll. Nos trois auteurs sont des philosophes. Leurs œuvres, selon des déploiements très particuliers, recoupent un thème commun : celui de l'influence du hasard sur l'ordre et le désordre des choses.

    Ainsi dans Ceci est ceci Robin Mackay étudie le rapport existant entre l'Histoire et les Idées, comment la pensée humaine, soumis à sa logique rationnelle, se modifie-t-elle devant les accidents de l'Histoire. Il n'existerait donc pas de pensée pure, entendons purement humaine, puisque pour répondre à la logique des évènements contingents la pensée doit afin de les penser se résoudre à opérer des modifications de ses propres schèmes de production logique. Au mieux la pensée humaine ne peut que louvoyer entre les propositions extérieures du hasard.

    Dans Le Futur réel Elie Ayache nous rappelle que nous ne pouvons prévoir ou imaginer le futur qu'à partir de nos connaissances actuelles. Qui elles-mêmes ne sont pas fiables. Bref nous ne pouvons définir au mieux que des possibilités improbables du futur. Notre pensée de tout événement ( qu'il soit du passé, du présent, ou du futur ) se présente sous la forme d'une chaîne déductive probabiliste. Pour faire simple, nous ne maîtrisons pas grand-chose du monde, car notre seul et insuffisant organe de sa préemption, autrement dit la pensée, n'est sûre de rien.

    Métaphysiques et fiction des modes hors-science de Quentin Meillassoux est une méditation à partir de La boule de billard nouvelle d'Isaac Asimov. Il s'agit pour lui de démontrer qu'il existe deux types de livres de Science-fiction, ceux qui extrapolent à partir des données scientifiques de leur temps ( exemple tout bête, le Nautilius de Jules Verne paru en 1869 s'inspire des différentes expérimentations sous-marinières depuis l'Antiquité et la guerre de Sécession qui finit en 1865 ). Mais il existe des auteurs qui s'affranchissent de toute l'armature scientifique de leur époque pour créer des univers qui échappent à toutes les lois scientifiques, notamment de celles qui régissent nos compréhensions du temps et de l'espace ( voir Ravages de Barjavel roman dans lequel les pôles de l'électricité s'inversent ). Que veut dire Meillassoux, que si l'arrivée des choses s'inscrit dans l'ordre du possible, il est possible qu'il en survienne dans le désordre de l'impossible.

    Le coffret est agrémenté de cinq petites boules de métal, vous pouvez les considérer comme le jeu des perles de verres de Hermann Hesse, le jeu de dés de Stéphane Mallarmé, les atomes épicuriens qui n'attendent que votre intervention clinaménique pour former ( ou déformer ) un monde.

    II : Le disque :

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    Peut-être avant de vous précipiter ( à pas lents ) sur les deux seules vidéos relatives aux quatre pistes du CD visibles sur You tube, serait-il bon que vous fassiez l'effort d'imaginer la musique qui pourrait correspondre aux textes si hâtivement résumés du livret. Si par exemple vous êtes fan de Heavy Metal ou des opéras de Wagner vous serait-il nécessaire d'effectuer une réduction de l'amplification sonore de vos souhaits...

    Speculative Solution 1 : l'audition est impossible. Profitons de ce répit pour spéculer sur les titres identiques des trois premiers morceaux. Spéculation indique que cette musique est une espèce d'œuvre in progress, en le sens qu'elle n'est qu'une hypothèse, qu'une probabilité de ce qui pourrait être. Pas du tout une outake préférée ou écartée, une proposition. Les chiffres qui suivent sous-entendent non pas la précarité d'une telle proposition mais le fait que l'on est face à une problématique complexe qui nécessite plusieurs essais. Mais au fait sur quoi, de quoi, spécule-t-on, du déploiement d'une musique qui réduirait les interventions du hasard à presque rien, peut-être à zéro, mais ce serait-là atteindre à l'absolu. Speculative Solution 2 : deuxième spéculation, avec en plus cette interrogation : le CD nous en propose deux, sont-ce les mêmes ou deux versions différentes, You Tube ne nous en propose qu'une seule sans plus de spécification, Hecker veut-il insister sur le retour du même, une manière de nier le hasard ou de l'affirmer car même si c'est le même qui revient l'auditeur l'entendra-t-il de la même manière, en dehors de tout affect ( contentement, ennui, impatience... ), le seul fait de l'écouter deux fois de suite, n'induira-t-il pas une manière différente d'appréhender et d'analyser le morceau, ne serait-ce pas un tour du musicien pour que le hasard différentiel révélé dans l'audition ne soit que le fait de l'auditeur, ce qui permettrait au compositeur de se prévaloir de la fierté d'avoir éjecté le hasard de son œuvre. Pauvres auditeurs désormais porteurs de la patate chaude et hasardeuse. Speculative Solution 2 : je vous conseille d'écouter la vidéo sans regarder les images superfétatoires qui l'agrémentent. Prises de nuit, depuis la vitre d'un wagon d'un train en mouvement, elles n'apportent rien, elles donnent surtout l'impression qu'on les a mises là pour meubler l'écoute et tempérer la déceptions des spectateurs. C'est sûr que l'on n'en prend pas plein les oreilles. Un petit bruit. Pas grand-chose, un clapotis, comme quelqu'un qui mâcherait son chewing gum à vos côtés, un rythme sempiternel – cela dure moins de trois minutes – une espèce de chuintement aléatoire vers la fin, c'est tout. Minimalisme sonore. Serait-ce une stratégie pour éliminer au maximum les incidences de toute surprise extérieure. Il est certain que vous avez moins de chance de ne pas subir le désagrément de vous faire écraser en traversant une autoroute en restant assis dans votre fauteuil. Esthétiquement je vous accorde que ce n'est pas très esthétique. Mais la beauté qui vous assaille provient évidemment des contingences extérieures. Octave Chronics : pour ceux qui ont difficilement supporte la solution 2, la direction vous avertit que celle-ci dure dix-neuf minutes et dégage toute sa responsabilité. Ça ressemble à quoi ? Un petit bruit électronique, un peu comme si vous choisissiez les deux touches du piano les plus aigües et que vous vous obstiniez à y appuyer dessus, l'une après l'autre, sans arrêt. Certes il y a des coupures, de très très légères brisures, mais ça reprend, un tout petit peu différemment, au bout de cinq minutes cela devient presque imperceptible mais ça repart style klaxon de voiture que vous entendez depuis le trente-deuxième étage, ensuite cela vous prend de faux airs de ritournelles, ça ressemble à un gamin qui vous tire la langue, l'on dirait que sur le clavier électronique le musicos est fatigué, appuie en deux temps mais trois mouvements, celui du milieu étant le plus silencieux, un bruit de gamelle en matière plastique que le chien racle deux fois sur le linoleum, et plouf, de minuscules gouttes d'eau qui tombent de partout, l'on dirait qu'elles se prennent pour Jean-Sébastien Bach, toccata en mineur pour fugue dans l'inaudible cristallin, précipitation extrême, mine de rien, il s'en passe des choses dans ce morceau, la musique se précipite-t-elle pour empêcher toute intrusion extérieure dans son champ d'émission fréquenciel, un peu comme quand vous bourrez votre théière de billets de 500 euros pour interdire à la moindre goutte d'eau d'y pénétrer, l'on peut parler de frénésie extrême, vous attendez que ça casse et ça passe un octave au-dessous en plus grave ce qui ne l'empêche pas de reprendre sa fuite vagabonde de truite de Schubert, l'on monte, l'on monte, l'on se dit que plus dure sera la chute, l'on aimerait savoir comment cette affaire se terminera, n'y aurait-il pas un certain désordre dans toutes ses notes qui se marchent sur la queue, ce n'est qu'une apparence, toutefois ça tangue un peu et l'on monte encore et le tout s'arrête sur deux coups étouffés et une espèce de souffle en expiration. Cette fois, c'est la stratégie inversée de la précédente, le morceau n'est pas refermé comme un œuf dans lequel il est impossible d'entrer, toutes les subtiles variations qui éclosent tour à tour n'ont d'autres but que de monopoliser votre attention. Les portes sont ouvertes en grand, le hasard et le destin du monde peuvent venir le squatter, vous ne les apercevez pas, tellement vous songez à suivre cette musique et son trottinement menu de souris, vous n'entendez guère, plus rien n'existe autour de vous, l'univers chaotique a disparu, tout est réduit à sa plus simple expression, cette musique que vous ne quittez pas de vos deux oreilles et de tout votre corps. N'y a pas plus de hasard que de lézard dans l'horloge du temps aboli. Ce n'est rien, mais un rien qui se fait entendre.

    Livret et CD sont indissociables. Ici la musique a repris son bien aux mots. Hecker apporte ses solutions. Dans la 2, veut-il nous signifier que les mots de la philosophie produisent un bruit de fond pas très profond dans l'univers. Dans ses chroniques d'octave s'amuse-t-il a rajouter des notes et encore des notes pour singer ces diarrhées de mots qui coulent sans fin des porte-plumes philosophiques...

    Damie Chad.

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    Episode 16

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    LE PLAN ALPHA' ( 1 )

    Je ne vous cache pas qu'après les déductions du Chef nous restâmes un long moment abasourdis. Même les queues de Molossa et de Molossito adoptèrent la forme d'un point d'interrogation. Les esprits battaient la campagne, chacun essayait de mettre de l'ordre dans ses pensées. Le Chef en profita pour allumer un Coronado. Il soupira devant nos mines atterrées et reprit parole :

    _ La balle est dans notre camp. Il est indéniable que Neil cherchait non pas à nous contacter, mais à nous prévenir, de quoi nous ne savons pas, c'est à nous de le trouver. Auriez-vous une idée ?

    Seul le silence lui répondit. Nous regardions le bout de nos pieds, espérant que le Chef ne s'adresserait pas nommément à l'un de nous, mais non, un sourire effleura ses livres :

    _ Vous n'êtes vraiment pas très malins, s'il a cherché à nous avertir, c'est que lui-même ( le Chef aspira une longue bouffée de son Coronado, qu'il exhala très vite, formant une traînée odorante aussi longue que ces chemtrails que relâchent les Boeings dans le ciel azuréen ) n'avait pas pu entrer en contact avec une autre personne et qu'il pensait qu'en tant que Services Secrets du Rock 'n' Roll nous étions ceux qu'ils jugeaient le plus à même d'accomplir cette tâche délicate !

    _ Vous sous-entendez hasarda timidement Noémie qu'il voulait que nous le présentions au président par interim de l'Elysée !

    _ Surtout pas lui ! Sans quoi l'Intelligence Service aurait prévenu les plus hautes autorités de sa présence sur le territoire national. C'est parce qu'il opérait en secret qu'ayant été repéré il a été abattu par la police...

    _ Mais alors qui, moi peut-être ! les dernières paroles du Chef avaient manifestement perturbé Noémie, pourquoi pas Molossito après tout tant qu'on y est!

    _ Enfin une parole sensée, Noémie je vous félicite, votre intelligence progresse depuis que vous êtes entrée au SSR, vous brûlez ! Vous pouvez remercier Molossito !

    _ Ouah ! Ouah !

    Molossa jeta un coup d'œil admiratif sur son fils adoptif, leurs queues maintenant se dressaient toute droites en points d'exclamation. Je commençais à entrevoir l'aléatoire vérité.

    _ Chef personnellement j'opterais plutôt sur Rouky, toutefois je pense qu'il s'agit de...

    Les deux chiens grognèrent sourdement.

    - Agent Chad, ces deux bêtes sont trop intelligentes pour manifester leur mécontentement sans motif, allez voir ce qu'il se passe ! Sans bruit et discrètement.

    AU DEHORS

    Le jardin était vide. Je m'y attendais. Je collais l'oreille contre la porte d'accès. Aucun bruit. Je l'entrouvris et me glissai dans l'obscur couloir jusqu'à la grille. Personne. Il ne me restait plus qu'à parcourir le corridor jusqu'à la porte extérieure. Ce que je fis à grandes enjambées silencieuses. Ne me restait plus qu'à sortir dans la rue. Quitte ou double. Ce fut deux fois double. Du bruit dans l'escalier de l'immeuble. L'on parlait à mi-voix, je me retournais un couple s'avançait vers moi. Des illégitimes qui sortaient d'un rendez-vous d'amour. J'attendis qu'il se rapprochât. Ils s'embrassaient, j'ouvris la porte :

    _Je vous en prie Monsieur-Dame !

    _ Oh merci, c'est gentil ! Ce qui serait parfait c'est que si par hasard le mari de Madame nous attendait pas très loin, vous jouiez le rôle d'un ami qui leur a offert un verre chez lui !

    _ Je n'y manquerais pas !

    Je les accompagnais jusqu'au bout de la rue, aucun conjoint jaloux ne les attendait... Quelques minutes plus tard je revenais par le trottoir opposé, tête baissée, téléphone au bout de l'oreille, réglée sur la fréquence de la police. Je passais devant la camionnette d'entreprise, que j'avais repérée, pas d'erreur c'était un sous-marin de la police :

    _ Allo Turquoise 1, ici Turquoise 2, le gigolo qui accompagnait le couple de tout-à-l'heure revient vers la maison de passe... non il n'est pas accompagné, avec sa gueule d'obsédé sexuel, ce doit être un adepte de triolisme, une bonne âme qui propose ses services aux couples en mal d'exotisme... non il s'éloigne, je me demande comment il touche pour sa prestation, plus que ce que je gagne dans un mois, je devrais songer à me recycler...

    Pas question de rentrer à l'abri. Une idée commençait à trotter dans ma tête bien faite et bien pleine comme les aimait Rabelais. Je m'installai dans un bar, commandai une bouteille de bourbon et attendis la suite des évènements.

    LE PLAN ALPHA' ( 2 )

    Ne croyez que pendant ce temps les autre étaient restés sans rien faire. Le Chef avait repris et terminé ma phrase que le grognement des cabotos avait interrompue si abruptement :

    _ Oui, le Chef tapota son Coronado pour précipiter la chute de la cendre, la personne que Neil Young cherchait à contacter, ce n'était pas l'un de nous, c'était :

    Il s'arrêta pour parfaire le suspense

    _ Vous l'avez deviné... Charlie Watts !

    Il y eut un grand chahut, ce n'était pas possible, Charlie venait assister à ses concerts sous la Tour Eiffel, il ne lui avait pas même adressé la parole...

    _ Complètement invraisemblable, totalement illogique, je vous l'accorde, mais qui d'autre aurions-nous pu contacter dans cette histoire, avez-vous quelqu'un d'autre à proposer ? Je suis prêt à examiner toutes les propositions...

    Il n'y en eut pas...

    _ Ne perdons pas davantage de temps. Je sens qu'il nous faut renforcer le plan Alpha, désormais nous entamons le plan Alpha qui devient Alpha' prime. Ecoutez voici les nouvelles modalités d'action...

    Instinctivement les têtes se rapprochèrent. Hélas le Chef parla si bas que je ne peux rapporter que les derniers mots qui furent prononcés : vous avez trente minutes pour vous préparer, Action !

    COULEUR TURQUOISE

    _ Allo Turquoise 1, ici Turquoise 2, c'est urgent, vous nous avez parlé d'une maison de passe discrète, mais c'est le boxon total dans ce foutu bordel !

    _ Allo Turquoise 2, ici Turquoise 1 : vous avez besoin de renforts immédiats ?

    _ Ah, non surtout pas, ça crie, ça hurle, ça chante, ça fait du bruit, toutes les fenêtres sont allumées, un potin de tous les diables dans les escaliers !

    _ Allo Turquoise 2, ici Turquoise 1, que l'un de vous descende discrètement de la camionnette et aille voir de quoi il s'agit au juste !

    _ Pas la peine, ils sortent, holà c'est la carnaval de Rio, y en a qui sont à moitié à poil et d'autres déguisés en n'importe quoi, sont au moins une soixantaine, ils chantent, ils dansent, ils crient, ils rient, ils tapent sur des casseroles, pour des rendez-vous discrets ils sont loin du compte ! En plus doit y avoir des zoophiles dans ce binz, y'a au moins quatre ou cinq chiens qui aboient comme des sauvages. Maintenant ils remontent la rue tous en groupe.

      • Allo Turquoise 2, ici Turquoise 1, suivez-les, roulez derrière eux, ne les quittez pas des yeux !

      • Allo Turquoise 1, ici Turquoise 2, ils se sont tous engouffrés dans une bouche de métro, le temps de descendre du véhicule, ils se sont engouffrés dans une rame qui a démarré sous nos yeux.

      • Arrêtez tout et rentrez au bercail, inutile de perdre notre temps, c'était une opération de nettoyage, ils ont eu le temps d'enlever ce que nous cherchions.

    RETOUR A L'ABRI

    Ils m'avaient rejoint au café. Nous repartîmes à l'abri. Le Chef nous ouvrit la porte. Il souriait. Nous avons ce que nous voulons, la situation s'éclaircit !

    A suivre...