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cosmic psychos

  • CHRONIQUES DE POURPRE 652 : KR'TNT ! 652 : BUZZCOCKS / COSMIC PSYCHOS / HOMER BANKS / EBO TAYLOR / GHOST WOMAN / ROCKABILLY GENERTAION NEWS 30 / BILL CRANE / AIVVASS / SERPENT NOIR

    KR’TNT ! 

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 652

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    O4 / 07 / 2024 

     

    BUZZCOCKS  / COSMIC PSYCHOS

    HOMER BANKS / EBO TAYLOR / GHOST WOMAN

    ROCKABILLY GENERATION NEWS

    BILL CRANE / AIVVASS / SERPENT NOIR

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 652

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://krtnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Alors, ça buzz, cock ?

    (Part Three)

     

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             As-tu vraiment besoin de lire un livre pour savoir que Pete Shelley est un Wizard & une True Star ? Non, mais tu le lis quand même. Pourquoi ? Parce que Sixteen Again - How Pete Shelley & Buzzcocks Changed Manchester Music (And Me) est un book de fan à l’état pur. L’ex-Fall Paul Hanley est même un fan de la première heure. Comme pas mal de kids à Manchester, il est tombé en 1976 sous le charme des Buzzcocks. Il faut se rappeler que Spiral Scratch eut à l’époque autant d’impact sur les becs fins en herbe qu’«Anarchy In The UK» et «New Rose».

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             Bon, c’est vrai, Paul Hanley n’est pas Nick Kent. Ni Andrew Loog Oldham. Il se contente de rester fan et ne cherche pas à devenir écrivain. Il n’a pas vraiment de style, juste une bonne mémoire et une grosse énergie. Il est en outre extraordinairement bien documenté. Le book grouille d’infos. Et la cerise sur le gâtö, c’est qu’Hanley cite Pete Shelley en permanence, et là on se régale, car Pete Shelley est avec John Lydon le meilleur «théoricien» du punk. Pour lui, le punk c’est de l’art - Le punk m’a permis de justifier le bruit que je faisais. J’ai toujours pensé que Devoto et moi étions comme Gilbert & George. En voyant les choses sous cet angle, tu peux faire tout ce que tu veux et appeler ça de l’art - Il formule une évidence. Pete Shelley a créé et vécu le punk comme Tzara et Picabia ont créé et vécu Dada. C’est exactement la même approche. Ailleurs Pete Shelley rend hommage au génie provocateur de Johnny Rotten : «À l’époque, dire au public d’aller se faire foutre, c’était extraordinaire. Mais aussi hilarant. On a perdu de vue l’aspect comédie du punk. D’une certaine façon, le punk était le Théâtre de l’Absurde, il fallait  provoquer pour obtenir une réaction. Les Pistols ne tenaient qu’à un fil. On sentait que ça pouvait s’écrouler à tout moment.» Le regard que porte Pete Shelley sur le punk est d’une finesse extrême. Il en fut l’acteur, le pionnier, mais aussi l’observateur. C’est un peu comme si seuls son regard et celui de John Lydon comptaient, certainement pas celui des journalistes rock, mis à part Nick Kent, bien sûr. Pete Shelley rend le plus bel hommage qui soit aux Pistols : «Il y avait une mélodie, ce n’était pas du bruit pour du bruit, c’était viscéral, très chargé, très vivant. En les voyant jouer, Howard et moi avons décidé que s’ils pouvaient jouer comme ça, on pouvait aussi le faire. Alors on s’est attelé à la tâche : transformer notre rêve en réalité.» Il rappelle plus loin qu’au premier gig des Pistols qu’il ont organisé Howard et lui à Manchester, il n’y avait que 42 personne, mais ce gig a transformé la vie de ces 42 personnes qui après ont opté pour des activités créatives. Et Steve Diggle ajoute qu’à la première répète des Buzzcoks, avec Pete et Howard, ils étaient tous les trois motivés par ce gig des Pistols - The feeling that you don’t need money, you just need ideas - C’est tout l’esprit de Spiral Scratch. Pas de moyens, mais un EP révolutionnaire. Et Pete de surenchérir : «La seule chose qu’il faut se rappeler, c’est que le punk était une idée.» 

             Pour un kid de Manchester, les Buzzcocks, The Fall et Joy Division constituent la Sainte Trinité. Mais il précise que The Fall et Joy Division parlaient à sa cervelle alors que les Buzzcocks parlaient à son cœur. Il sentait en outre une certaine vulnérabilité et une chaleur dans les chansons de Pete Shelley, des qualités qui n’étaient pas vraiment de mise chez les autres punksters.

             Et pouf, c’est parti. Première grosse influence de Pete Shelley : les Beatles ! Il apprend à jouer et à composer en bossant sur le songbook des Beatles - J’ai appris en jouant sur les chansons des Beatles, puis j’ai étudié celles de T. Rex, puis celles David Bowie et du Velvet Underground. J’ai appris en jouant along with the records - Le premier groupe qu’il voit sur scène, c’est celui de Marc Bolan, en 1973, puis Bowie. Il est au premier rang. De son côté, Howard Devoto ne se nourrit que de Bowie, de Velvet, de Stooges et de Roxy. Howard et Pete étaient donc faits pour s’entendre. Kindred spirits, comme on dit en Angleterre.

             Alors il leur faut un nom pour le groupe. On demande à Julie Covington qui fait Dee, dans le TV show Rock Follies, pourquoi elle veut jouer dans un groupe. Alors Dee dit : «It’s the buzz, cock», cock étant nous dit Hanley un terme affectueux dans le Nord de l’Angleterre. Pas de connotation sexuelle. On peut dire cock aussi bien à un mec qu’à une gonzesse. Alors ça va, cock ? - Buzzcock has never actually been a slang term for a sex toy - Hanley a raison de redonner ces précisions : cinquante ans d’ignorance crasse ont conduit pas mal de gens en France à croire qu’on parlait de bite avec Buzzcocks.

             Maintenant, Howard et Pete ont besoin d’un bassman. C’est là que Steve Diggle entre en lice. Un Diggle qui toute sa vie sera marqué par des accidents. Grave accident de voiture à 17 ans, son pote Alan Hughes y casse sa pipe en bois et là, Steve Diggle jure qu’il va vivre to the full, et ça veut dire entrer dans un groupe - C’est là que j’ai juré de former the best fucking band I could and I’d do it for him - c’est-à-dire pour Alan Hughes. On reviendra sur les accidents un peu plus loin. Steve Diggle les collectionne.

             Maintenant il leur manque un batteur. Voilà John Maher, 16 ans, grand fan de Blondie. Il a même appris à battre le beurre en écoutant Clem Burke sur le premier Blondie. Il voit l’annonce dans le Melody Maker et rejoint les Buzzcocks. Une fois de plus, on se régale car Hanley donne tous les détails de la plus fascinante des phases qui est celle de la formation d’un groupe. Et quel groupe !

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             Comme tous les apprentis sorciers, les Buzzcocks commencent par taper des covers : «I Can’t Control Myself» des Troggs, «Steppin’ Stone» des Monkees, «Don’t Gimme No Lip Child» des Pistols, «I Love You Big Dummy» de Captain Beefheart. Jolis choix. Pete Shelley casse sa Stairway en deux lors d’une répète et il prend l’habitude de jouer sur une demi-Stairway, alors les Buzzcoks deviennent le groupe with half a guitar. Il faut voir les docus d’époque en noir et blanc. C’est wild as fuck ! À l’époque, Devoto ne jure que par les trois albums des Stooges. Tout le reste l’ennuie profondément. Quant à Pete Shelley, il aime bien dire que sans Marc Bolan et Michael Karoli de Can, il n’aurait jamais appris à jouer de la guitare. Il adore aussi Bowie qui n’en finit plus de citer le Velvet, Iggy & The Stooges et William Burroughs dans ses interviews.  Voilà donc le terreau dans lequel les Buzzcocks plongent leurs racines.

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             En octobre 1976, ils payent 45 £ pour 4 heures au studio Revolution, à Cheadle Hulme, une banlieue de Stockport, au Sud de Manchester. Ils enregistrent leur répertoire. Puis Pete Shelly monte New Hormones, le label du groupe, pour pouvoir sortir Spiral Scratch. Il faut un petit budget pour produire et fabriquer l’EP. 300 £ ! Ce sont les parents de Pete, Johnny et Margaret McNeish qui filent le blé. Pete dit que son père a fait un emprunt pour sortir les 300 £. Pete dit à son père que c’est une bonne idée et qu’il peut lui faire confiance - Je ne crois pas qu’il ait attendu que je le rembourse - Ils enregistrent en décembre 1976 chez Indigo, un studio 16 pistes installé dans le centre de Manchester. Ils profitent d’un prix réduit, car ils enregistrent le 28, entre Noël et le Jour de l’An. Ils enregistrent en live, mais avec des écrans de séparation - Everyone could play as loud as they wanted - John Maher indique que Pete s’est inspiré du «Canyon Of Your Mind» des Bonzo Dog Doo-Dah Band pour gratter les 2 notes de son solo sur «Boredom». La séance d’enregistrement dure trois heures. C’est vite plié. Pour la pochette de Spiral Scratch, ils choisissent un polaroid pris, nous dit Hanley, sur les marches de la statue de Robert Peel, in Piccadilly Gardens. Ils récupèrent les EPs chez le fabricant puis font des envois. Et ça marche tout de suite. Le Rough Trade shop en réclame 200. Les Spiral Scratch partent comme des petits pains. On en voit même en Normandie, alors t’as qu’à voir ! - It spiralled out of control ! - Les 1 000 premiers exemplaires sont sold-out en 4 jours. Avec l’argent des ventes, Les Buzzcocks en font represser d’autres. Howard Devoto offre une copie de Spiral Scratch à Iggy et lui dit : «I’ve got all your records. Now you’ve got all mine.» Ils en sortent en tout 16 000 ex, puis ils arrêtent les frais. Et c’est là qu’Howard Devoto jette l’éponge !

             Quand il quitte les Buzzcocks, c’est dit-il parce qu’il se lasse du train-train des concerts où on joue toujours les mêmes cuts. Et puis, il ne se sent pas aussi motivé que les autres. Pour Steve Diggle, c’est une bonne aubaine. Il passe de la basse à la guitare et ça devient autre chose, dit-il, avec deux guitares.

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             Et puis, tu vas tomber sur le témoignage de Walter Lure qui était en Angleterre à l’époque, extrait qu’Hanley tire de To Hell And Back. Walter voit les Buzzcocks sur scène et explose de rire, bon, il dit que c’était a good band, mais il est plié de rire en voyant la guitare sciée en deux, it looked ridiculous, et il jouait si fort que le chanteur était obligé de tout hurler, et en plus ils fonçaient à 200 à l’heure, it was so fucking funny. Mais Walter ajoute qu’ils vont vite s’améliorer.

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             C’est l’occasion ou jamais d’écouter un fantastique bootleg, Time’s Up, paru sur Voto quelque part dans le temps. On y retrouve les coups de génie de Spiral Scratch, of course, mais aussi une belle cover de «Can’t Control Myself». Pur jus de Chester sound, bien foutraque, mal coiffé, avec des carottes dans les cheveux. C’est là que le pah pah pah des Troggs prend tout son sens : ça devient moins poppy et plus raw des pâquerettes. Avec «Friends Of Mine», Howard nous sort son meilleur cockney strut. Fantastique dynamique ! Le cut exulte, avec la basse qui broute le pré carré. Une vraie brouette de brouet ! En B, ils pondent l’un des grands standards de punk-rock mélodique avec «Breakdown». Howard va chercher son cockney d’institut technologique et on tombe ensuite sur l’ineffable «Time’s Up» hanté par des chœurs de génie. C’est l’un des hauts lieux du rock anglais. On peut dire la même chose de «Boredom», avec son solo sur deux notes pendant que le bassmatic voyage dans sa mesure. Utter punk ! Bodum bodum ! C’est tarabusté à la basse de petite vertu alors que Pete reste sur son tili-tili-tili. Just perfect.

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             Le groupe va ensuite prendre sa vitesse de croisière. Steve Diggle est passé à la gratte et Garth Smith arrive avec sa basse. Andrew Lauder qui a adoré Spiral Scratch signe les Buzzcocks sur United Artists. Le problème c’est que Garth est colérique et il s’en prend principalement à Pete qui n’a peur de rien, ni de personne. Hanley nous emmène en tournée avec le groupe et on assiste à tout le ramdam d’une tournée punk en Angleterre, sous les crachats. Sur scène à Leeds, Garth insulte les gens. Après le concert, le groupe monte dans la bagnole pour quitter la ville et quelqu’un tape à la vitre, alors Garth baisse imprudemment la vitre et il prend un tas en pleine gueule. Paf ! Pete : «He wasn’t the world’s luckiest man.»

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             Toute la grandeur des Buzzcocks repose sur Pete et ses compos. Il crée un genre qu’on peut qualifier de fast power-pop, et qui va inspirer nous dit Hanley des tas de gens, notamment les Undertones, Ash et Green Day - L’idée n’était pas de sonner comme les Sex Pistols, dit Pete, qui redit à la suite sa passion pour Can et Neu! - C’est l’occasion ou jamais de réécouter ce qui est sans le moindre doute le meilleur album des Buzzcocks, Singles Going Steady. T’en prends plein la barbe dès «Orgasm Addict» et cette fantastique énergie de chant de délinquance juvénile. Art total et modernité fulgurante, voilà les deux mamelles des mighty Buzzcocks. Pete te singe l’orgasme, ahhhh ahhhhh, et ça débouche sur «What Do I Get», le hit fondateur de l’Occident chrétien, un hit qui repose sur la dalle d’un rumble de basse. Tu as là du pur génie civilisationnel. Pete te chante comme le roi des décadents. Te voilà une fois encore au sommet de ce que peut te proposer le rock anglais. Pete est encore plus décadent sur «I Don’t Mind», punk genius d’aïe aïe aïe. Toute l’énergie punk est là. Il amène son «Love You More» au I’m in love again, les autres font oh oh, et tu vois Pete monter son love you more au sommet de l’Ararat, alors tu fais oh oh avec les autres. Ça enchaîne aussi sec sur l’intro mythique d’«Ever Fallen In Love». Pete entre dans le chou du lard à l’émotion pure. Les Cocks buzzent encore à 100% sur «Promises», avec le fast & furious How could you ever let me down. T’es toujours au sommet du genre et t’es encore plus au sommet avec «Everybody’s Happy Nowadays», sans conteste leur plus beau hit de résonance universelle, avec le refrain du diable, l’expression pure et dure du génie atomique de Pete Shelley. L’impact de Buzzcocks est le même que celui des Beatles. «Everybody’s Happy Nowadays» est imbattable, c’est l’un des plus grands singles de l’histoire du rock anglais, avec «Arnold Layne», «Anarchy In The UK», «Jumping Jack Flash» et «Strawberry Fields Forever». Pas la même chose avec «Harmony In My Head» : Steve Diggle chante, il passe en force et il a derrière lui tout le power des Buzzcocks. Et ça repart en B en mode wild as punk avec «What Ever Happened To?», pur Buzz blow-out de Chester punk. Puis le filon va se tarir. La fin de la B est moins glorieuse. On passe à travers la plupart des cuts, sauf «Lipstick» que Pete attaque à la pointe de la glotte. Il en profite pour récupérer la carcasse du «Shot By Both Sides» qu’il a filé à Howard Devoto. Il tape ça au chat perché excédentaire. Pete Shelley est l’un des chanteurs les plus fascinants d’Angleterre.  

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             Puis il va s’épuiser, déprimer et menacer de quitter le groupe - J’étais très désillusionné. I really wanted to hit Buzzcocks on the head - it had become too much of a burden - Il existe aussi une tension entre Steve Diggle et lui : ils composent tous les deux, mais Pete passe ses compos en priorité. C’est Diggle qui compose «Harmony In My Head», mais Pete vole le show avec sa guitar line. Les tensions, oui, mais aussi tout le bataclan qui va avec la vie sur la route. Steve Diggle : «On était comme les empereurs de Rome qui ne voyaient pas que the place was burning down. We were having the orgies, and the drink and drugs, the coke binges and now it was crystal meth and the first signs of heroin.» Pendant les sessions d’enregistrement, la dope coule à flots - Cocaine, acid and heroin were the order of the day - Pete se souvient que c’était «quite chaotic. On allait en studio et on attendait que les drogues arrivent, où qu’elles fassent effet. I dropped a tab of acid every day that I worked on ‘Are Everything. I was in ‘the zone’, so to speak, on every part of that song.» Steve Diggle se souvient que le recording «was insane» - We were tripping so much we didn’t know what the fuck we were doing - Steve Garvey confirme tout le bullshit : «Bosser avec Martin Hammett était un désastre. Steve et Pete prenaient du bon temps parce qu’ils étaient totalement fucked up on all kinds of shit.» Personne ne prend la mesure de la pression que subit Pete en tant que leader du groupe. Il n’est pas taillé pour ça. Steve Garvey : «Composer hit après hit n’était pas facile pour lui, and he got into some heavy drugs.» Pete ne se rase plus et ne fait plus aucun effort pour plaire aux gens. Ils se retrouvent un jour en studio sans compos, sans producteur et Steve Diggle perd patience : «Pete allait mal, physiquement et mentalement. Je n’ai pas été surpris quand il a demandé à nous voir dans sa chambre d’hôtel pour annoncer qu’on allait prendre un an de congés et recharger nos batteries.» Belle façon d’arrêter les machines. Mais en 1981, John Maher, Steve Garvey et Steve Diggle reçoivent un courrier officiel du management : les Buzzcocks n’existent plus. Maher le prend mal et fait la gueule à Pete pendant des années. Pour Steve Diggle, c’est un coup de fourbasse et de lâche.

             Et comme toujours, après le split vient la reformation, en 1988. Même Pete est content.  Le moteur est bien sûr un gros billet. Pete et Steve espèrent alors que les 8 ans passés ont apaisé les ressentiments et éteint les volcans. Mais la tension entre Pete et Steve existe toujours. Terrible fights, dit Steve Garvey. Steve Diggle veut plus de compos à lui sur le nouvel album. Puis Tony Barber et Phil Barker entrent dans le groupe en remplacement de John Maher et Steve Garvey, démissionnaires.

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             C’est avec cette nouvelle section rythmique qu’ils enregistrent Trade Test Transmissions qu’Hanley qualifie de «most musically satisfying album» de la reformation. Il ajoute que «Who’ll Help Me To Forget» est «the best one the re-formed group ever recorded.» Mais après «Do It» et «Innocent», on devait se taper une interminable série de cuts médiocres, suivis de deux bonnes surprises : «Energy», un vrai standard punk, où Pete enfonce l’E d’Energy et soigne ses chutes, pendant que derrière les autres font oh-oh, le tout arrosé d’un killer-solo d’anthologie qui arrive en dérapage contrôlé. Puis «Crystal Night», amené par une intro monstrueuse et chanté avec une morgue épouvantable. Morceau du même niveau qu’«ESP» ou «Everybody’s Happy Nowadays», classique demented qu’on réécoute plusieurs fois d’affilée pour faire durer l’extase. Peu de groupes savent provoquer une telle excitation. Pete Shelley détient ce pouvoir magique.  

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             En 1998, ils enregistrent Modern, dont on a dit grand bien ici même en 2014, après avoir vu le groupe sur scène à Saint-Germain-En-Laye. Et puis en 2001, Steve Diggle se paye un horrible accident de scooter en Grèce qui lui abîme la main gauche, au point qu’il doute de pouvoir un jour regratter une gratte. On lui fixe un plaque dans le poignet, et ça marche. Il vient tout juste de refaire l’actu avec un autre accident de scooter : dans Mojo, tu tombes sur une photo de Steve scalpé. Il vient de se payer un nouveau scoot crash-boom ! - I had a bit of a scooter accident in Highgate - Comme il a un trou dans le scalp, il rase tout le reste - It symbolises a new start - Le onzième album est répété, il ne reste plus qu’à l’enregistrer. Juin ou juillet, dit-il. Holloway Road, mais pas chez Joe Meek. Steve profite de l’article pour dire qu’il voit arriver la fin des haricots : «I’m in the fast lane now. You can see the end of life in some ways.» Eh oui, Steve, toutes les bonnes choses ont une fin, même les Buzzcocks. S’il pense encore à Pete ? Ben oui, mais il faut avancer, dit-il. «You’ve got to keep moving, otherwise I’d be in a fucking lunatic asylum.» De toute façon, il sait qu’il va le revoir, son pote Pete - I’ll be seing him before I know it - Il annonce aussi qu’il ressort un book, ce sera le deuxième : on l’attend de pied ferme.

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             En 2014, les Buzzcocks enregistrent The Way, et Steve Diggle prend progressivement la main dans le groupe. Il compose une bonne moitié des cuts et ce sont eux qui flattent vraiment l’oreille. Pete Shelley semble traverser une mauvaise passe. Et pourtant son «Keep On Believing» qui fait l’ouverture du balda sonne comme un gros classique de power-pop à la buzz-buzz. C’est joliment roulé dans la farine de basse. Il faut dire que Chris Remington est un fucking dynamic bass master ! C’est idéal pour l’avenir du buzz-buzz. Avec «People Are Strange Machines», Steve prend la main. On voit bien qu’il ne vit que pour ça et rien ne pourra jamais l’empêcher de grimper sur scène avec sa Tele. Sacré punch. Ses compos restent incroyablement solides. Toujours du Steve avec «In The Black» et son vieux cocotage mancunéen. Il adore les sentiers battus du rock anglais. Son truc n’est pas de surprendre, il se contente de jouer du rock et d’envoyer des refrains élégants bardés de chœurs classiques. Il connaît toutes les ficelles et notamment celle du stomp qu’il sort pour «Third Dimension». C’est le stomp qu’il te faut. Steve connaît les bons stratagèmes. Brillant, efficace et venant d’un mec comme Steve Diggle, bienvenu. Pete Shelley revient au punch cockney avec «Out Of The Blue» Il n’a rien perdu de son mordant. Il sort là une belle compo un brin heavy, allumée aux riffs gras et aux remontées de teintes gluantes. S’ensuit un petit coup de génie signé Steve Diggle : «Chasing Rainbows/Modern Times» qui sonne comme un hymne. C’est amené par un beau brouet d’accords et paf, Steve nous pond le hit du disque. Édifiant ! C’est là que se niche la grandeur des Buzzcocks.

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             Et puis voilà : Pete casse sa pipe en bois en 2018, en Estonie. Alors Steve Diggle décide de continuer le groupe. Il a la bénédiction de Pete, qui est venu le trouver après l’un des derniers shows qu’ils ont fait ensemble - Il m’a dit : ‘Je veux juste me retirer, Steve. Mais je veux que tu continues. Tu as ma bénédiction.’ Et je lui ai dit : ‘Tu ne peux pas arrêter maintenant, on a encore des tas de trucs à faire.’ Ça m’aide beaucoup d’avoir la bénédiction de Pete, mais la situation est très étrange. Thing is tough. Pete est mort, et si je ne continue pas le groupe, ses chansons vont mourir elles aussi.

    Signé : Cazengler, triple Buzz

    Buzzcocks. Singles Going Steady. United Artists Records 1979

    Buzzcocks. The Way. BUZZP 001 2014

    Buzzcocks. Time’s Up. Featuring Howard Devoto. Voto

    Paul Hanley. Sixteen Again - How Pete Shelley & Buzzcocks Changed Manchester Music (And Me). Route 2024

     

     

    L’avenir du rock

    - Cosmic Trip

     (Part Two)

             Toujours intéressé par les conneries, l’avenir du rock décide pour se distraire de monter ce qu’il appelle «un coup faramineux». Il sait qu’il va dépasser les bornes, mais il y va quand même. Ceux qui l’approchent d’assez près savent qu’il est un peu caractériel, et que ça fait partie de son charme. Il part du principe qu’il faut savoir faire le con, car sinon, à quoi servirait la vie ? Pour mettre son «coup faramineux» en œuvre, il commence par se déguiser en femme. Allez hop, la perruque, le rouge à lèvres, le sous-tif bombardier, le haut minimal panthère, la mini-jupe en cuir, les bas résille et les talons hauts. Cette crapule d’avenir du rock ne lésine pas sur la décadence. Ça fait partie du jeu. Allez hop, il monte dans sa bagnole et prend la direction du motel de Norman Bates, là-bas, à la sortie de la ville. Allez hop, il se gare devant le bureau du motel. Il voit bien la maison sinistre en surplomb, avec la momie de la mère de Norman Bates derrière le rideau, à l’étage. Allez hop, il entre, cling cling, il tape sur la sonnette de la réception et Norman Bates arrive, allez hop, l’avenir du rock se fait inscrire sous le nom de Marion Crane et se suce un doigt comme s’il suçait une moule pour aiguiser la libido de Norman Bates. Allumé, Bates lui propose de partager sa modeste gamelle. La fausse Marion accepte et ajoute d’une voix frelatée et en se caressant les seins qu’elle va d’abord aller prendre une bonne douche bien chaude. «Le cul propre, telle est ma deviiiise !», glapit-elle d’une voix de délinquante juvénile. Elle voit un petit filet de bave couler au coin de la bouche de Bates. Allez hop, elle file dans la chambre en tortillant du cul, allez hop, elle commence à se désaper. L’avenir du rock sait que Bates va arriver avec son grand couteau de cuisine à la mormoille. Allez hop, il arrive, tire le rideau de douche d’un coup sec et, ahhhhhhh !, pousse un cri d’horreur, en découvrant l’anatomie de Marion Crane.

             — Mais vous zêtes pas une gonzesse !

             L’avenir du rock éclate de rire :

             — Je ne vous plais pas, madame Bates ? Profitez donc de cette belle bite !

             Norman Bates qui est déguisé en vieille ne rigole pas. Il a même l’air très con, avec sa perruque cendrée de traviole et son tablier en dentelle.

             — Ici on fait Psychose, lance-t-il d’une voix de vieille dame indignée. On n’est pas chez les tantes ! 

             — Non, Psychose, c’est fini, Norman. Ras le bol ! Maintenant, c’est Cosmic Psychose !

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             L’avenir du rock fait bien sûr allusion aux Cosmic Psychos. Il ne rate jamais une occasion de vanter les mérites d’un bon groupe. Il prend parfois des voies détournées pour parvenir à ses fins, mais le résultat est toujours intéressant. Les Cosmic Psychos sont ce qu’on appelle aujourd’hui un vieux groupe, mais par le diable, ils ont tout l’avenir du rock dans leur poche.

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             Soleil de plomb sur les quais de Seine. Pas un temps à aller voir jouer les Cosmic Psychos au P’tit Bain, mais t’y vas quand même. Et puis les Cosmic à Paris, c’est un événement. Pourquoi ? Parce que c’est un groupe qui n’a enregistré que des bons albums, souvent critiqués par les ceusses qui ne les ont pas écoutés, comme toujours. Les Cosmic sont même victimes d’un préjugé : dans des conversations, on a souvent entendu des gens les qualifier d’australobourrins, cousins des australopithèques, vagues descendants des australowilsonpiquettes des abyssinies abyssales, alors que non, grave erreur, les Cosmic ont une délicieuse tendance à sonner comme Motörhead. T’en connais beaucoup des groupes capables d’un tel prodige ? Ils font du No Sleep Till quand ils veulent. Ils sonnent comme une charge de cavalerie quand ils veulent. Ils tagadadent à travers notre imaginaire comme la Brigade Légère lancée à l’assaut des lignes russes, ils bam-balament à un niveau qu’on voir rarement, c’est-à-dire pas assez souvent, et là, t’as le vrai bam-balam, celui de Ross Knight, ce géant qui ferraille frénétiquement ses cordes de basse et qui réussit miraculeusement à contrôler son corps et à poser son chant, car les Cosmic, ça part au quart de tour et ça fonce comme un train fou, ou une Brigade légère, c’est comme tu veux. Il faut juste retenir la notion de vitesse et d’ultra-power, comme chez Motörhead. Ni punk ni hard-rock. Pur rock blast. Le blast, ils ne vivent que pour ça, comme les Lazy Cowgirls à la grande époque, comme Rocket From The Crypt ou encore les Drippers et les Coachwhips, l’un des premiers groupes de John Dwyer, comme la faramineuse Broke Revue de Dan Melchior, trois quatre et ça part. Boom !

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     T’en prends plein la barbe. Pas un hasard non plus si le batteur porte un T-shirt Zeke. Par contre, John McKeering ne porte pas de T-shirt Zeke. Il préfère opter pour un infâme T-shirt bleu clair troué et passé par-dessus une bedaine à la King Khan (en trois fois pire) et un short rouge, celui que portent les beaufs au camping de Fécamp.

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    But my Gawd, McKeering joue comme un dieu sur sa gratte trafiquée. Il ne va pas chercher forcément le Fast Eddie Clarke, personne ne peut aller chercher le Fast Eddie Clarke, il va chercher le Cosmic sound, il croise un son incroyablement incendiaire et mélodique avec les riffs que cisaille Ross Knight sur sa basse ultra-saturée.

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    C’est complètement irréel de bruit et de fureur. Gigantic, comme dirait Kim Deal. Ils livrent un set d’une violence superbe, sans jamais baisser de niveau, la qualité du set est telle qui tu comprends mieux pourquoi ce groupe est devenu légendaire. Ton imaginaire peine à suivre, mais il suit quand même, comme s’il trouvait un second souffle, et tu entres en osmose avec cette comatose incendiaire, ce mec Ross n’en finit plus de percuter les cordes qui ne cassent toujours pas, tu te demandes pourquoi, ah mais quel ferrailleur du diable, il dégouline des mains, et gratte des riffs australiens complètement inconnus, avec une étrange position de la main droite. Bel équivalent de Lemmy.

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    Et puis t’as la qualité des cuts. Ils attaquent avec «Pub» tiré de Go The Hack, leur deuxième album, l’album au bulldozer qui les résume si bien, et c’est un peu comme si la messe était dite, mais on en veut encore. Alors t’as tous ces cuts demented qu’on retrouve sur le live Slave To The Crave, «Custom Credit», «Rip & Dig», et l’apocalyptique «Lost Cause». Ils nous refont quasiment l’excellent live Hooray Fuck - Live At The Tote qui s’appelle aussi I Love My Tractor et qui pourrait bien être leur meilleur album. Nitro à l’état pur. On y retrouve le «Pub» dévastateur, Ross Knight gueule comme un Bob Mould devenu fou. Tu y retrouves aussi «Nice Day To Go To The Pub» avec un Ross on fire. Il prend «I’m Up You’re Out» en frontal. C’est dingue comme ces mecs savent tenir la distance. On pourrait qualifier leur style de «tout droit». Ou de boom-badaboom. Ou de tout ce qui te passe par la tête, tellement c’est bon, tellement ça parle à ta cervelle. Chaque cut est pulsé dans les règles du pire lard fumant. Leur passion pour le bulldozer prend ici tout son sens. Cette violence ricoche dans le son, comme le montre «Dead In A Ditch». Ils élèvent la violence sonique au rang d’art sacré. Encore une belle envolée avec «Quater To Three». Ils savent très bien ce qu’ils font. Grosse accointance avec the real deal. Les accords de McKeering rayonnent dans la chaleur du blast. Chaque cut sonne comme une invasion barbare. Ils cherchent chaque fois le maximalisme de la violence sonique et parviennent à la maîtriser pour en faire une sorte d’anti-art radical, comme le fut Dada en son temps. Et ils terminent leur set avec «David Lee Roth» - Suck me off ! - Puis ils se tournent, baissent leurs frics et te montrent leurs culs.

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             Par contre, ils ne tapent aucun cut de Mountain Of Piss, leur dernier album. Coup de pot, il est au merch pour un billet de 20 alors qu’il en vaut 100 sur Discogs. Commence par retourner la pochette, et tu reverras leurs culs, tels qu’ils les montrent juste avant de quitter la scène. En plus, l’album est sacrément bon, t’as dans les pattes un big album de power trio : magnifique son de basse et beurre du diable de Dean Muller. «Accountant Song», c’est en quelque sorte l’intraveineuse du diable. Ils te grattent «Bleeding Knuckles» sous le boisseau de la fuzz bass et John McKeering ramène ses power-poux. C’est d’ailleurs lui qui chante «Dickson» - I’m going down to Dixon/ I know you come in with me too - Et ils bouclent leur balda avec la belle descente au barbu de «Dunny Seat». Fabuleuse accroche, le riff ne te lâche plus. C’est vraiment digne de Motörhead. Ils te collent le morceau en ouverture de la B des cochons. T’as l’impression d’écouter un rock très ancien, très établi, avec son odeur de salle et sa clameur anglaise. C’est ce qu’on appelle le fumet britannique. S’ensuit un «Munted» embarqué au tagada de Dean Muller et Ross Knight attaque «Rude Man» à la basse fuzz. Crois-le bien, le vieux Ross sait driver un beat. Les trois larrons partent ensemble sur «Sin Bin». Quelle énergie et quel power !

     Signé : Cazengler, Comique Psycho

    Cosmic Psychos. Le Petit Bain. Paris XIIIe. 28 juin 2024

    Cosmic Psychos. Mountain Of Piss. Go The Hack Records 2021

     

     

    Inside the goldmine

     - Homérique Homer

             Les souvenirs d’Homais remontent à loin, environ cinquante ans. Nous ne savions pas qui était ce mec assis au fond de la pièce, dans la pénombre. Il ne parlait pas. Il portait des lunettes, une tignasse bouclée bien fournie et des vêtements noirs. Il s’entourait de mystère, ce qui n’est pas toujours très indiqué, lors de premières rencontres. On peut mal interpréter ce mystère et le voir comme du mépris. Les quelques personnes rassemblées dans la pièce papotaient gaiement. Homais gardait le silence. Personne n’osait s’adresser à lui. Le cirque dura un bon moment, jusqu’à la tombée de la nuit. Vint l’heure de quitter les lieux et en descendant les escaliers menant à la rue, nous échangeâmes quelques sarcasmes :

             — C’est qui cet abruti qui dit rien ?

             — Chais pas. Un super con.

             — L’a dû être un serpent dans une vie antérieure.

             Nous apprîmes un peu plus tard qu’il s’appelait Homais, comme le pharmacien de Flaubert. Comme il s’était maqué avec l’une des frangines de la smala. On fut amené à le croiser ici et là, mais il affichait toujours le même genre d’attitude, s’ingéniant à battre froid et à éviter méthodiquement toute amorce de conversation. Il cultivait l’antipathie avec un naturel désarmant et on s’amusait presque de voir son visage se transformer comme celui du portrait de Dorian Gray. Il devint rapidement affreusement laid, son vissage s’affaissait sous une épaisse broussaille de cheveux d’un gris très sale, et derrière des lunettes à grosses montures noires, ses gros yeux cernés brillaient d’un éclat reptilien. Il inspirait une sorte de répulsion. Pour parfaire ce panorama cauchemardesque, il portait en permanence une barbe de trois jours qui valorisait jusqu’au délire une bouche horrible, rouge et tordue. À l’instar du pharmacien de Yonville, Homais exerçait un métier de santé publique : gynécologue. C’est par le torche-cul local que nous apprîmes la fin logique de l’histoire d’Homais. Comme toutes ses clientes passaient à la casserole et qu’il les menaçait pour qu’elles gardent le silence, elles décidèrent de se venger. On retrouva Homais occis dans son cabinet, ligoté sur le fauteuil gynécologique, sans pantalon. On lui avait coupé sa petite paire de couilles pour la fourrer dans sa bouche rouge et tordue. 

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             Inutile d’ajouter qu’Homais se situe aux antipodes d’Homer. Encore une fois, l’analogie systémique permet de rapprocher les destins pour mieux les opposer. Homer ? Il s’agit bien sûr d’Homer Banks, personnage légendaire aux yeux des amateurs de Northern Soul et de Soul tout court. On croise Homer à tous les coins de rue, surtout sur la belle compile Wrap It Up, qu’Ace consacre au prophète Isaac. Homer est donc un blackos de Memphis. C’est Miz Axton qui l’embauche pour composer des cuts chez Stax. Homer va composer «A Lot Of Love» que va pomper goulûment le Spencer Davis Group («Gimme Some Loving»). Homer compose pas mal de hits pour des tas et des tas de gens infiniment respectables, notamment les Staple Singers.

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             Pour se faire une idée précise du talent fou d’Homer, le plus simple est encore d’écouter un bon Best Of, l’excellent Hooked By Love - The Best Of Homer Banks, paru en 2005. C’est le coup de cœur immédiat, dès «Hooked By Love», eh oui, Homer chante au gut de raw, il crée son monde à l’Hook. Encore une énormité avec «60 Minutes Of Your Love», il tape ça au heavy raw de r’n’b, il est à la fois explosif et éclatant, c’est l’école Stax. Il s’intéresse encore à l’amour avec «A Lot Of Love», et crée le fameux riff de «Gimme Me Some Loving». Cette pétaudière est typique d’Homer. Plus loin, tu vas croiser «Round The Clock Lover Man», il reste très classique, très Staxy, pas loin de Sam & Dave, pour lesquels il a d’ailleurs composé. Il fait du pur hot de Staxy pour Tobrouk. Ce démon d’Homer des Caraïbes génère du pur jus de raw, son r’n’b accroche bien («I Know You Know I Know», «I’m Drifting»). Il sait encore se montrer fabuleux d’explosivité avec «Sometimes It Makes Me Want To Cry», ah il faut voir comme il t’explose le sometimes, c’est incroyable de down the drain. Il se vante ensuite d’être un «Lucky Loser» - I’m a lucky loser/ Yes I am - Homer, c’est la crème de Stax. Il utilise le wild r’n’b pour poser la question : «(Who You Gonna Run To) Me Or Your Mama ?». Il veut savoir : alors, tu vas chez ta mère ou chez moi ? Homer restera dans les mémoires comme le prince du pré carré. Pas n’importe quel pré carré : celui du raw.

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             Il existe un autre album qu’Homer enregistra en 1977 avec son pote Carl Hampton, sous le nom de Banks & Hampton, le fameux Passport To Ecstasy. Ils adorent la Soul des jours heureux, comme le montre l’excellent morceau titre. Ils se complaisent aussi dans le heavy satin jaune, comme le montre «Believe». On y assiste à un joli développement de chœurs de gospel. Sur la pochette, on les voit porter des beaux costards et des bagouzes. En B, ils passent au big r’n’b avec «We’re Movin’ On». Just perfect. Ils reviennent à la Soul des jours heureux avec «Get On Up Shake Some Butt», c’est un dancing groove bien violonné à la Barry White, très chaud et très back, puis ils tapent en plein Barry White avec «Loving You». Ils s’enfoncent à deux voix dans le lard du groove magique.

    Signé : Cazengler, Banks postale

    Banks & Hampton. Passport To Ecstasy. Warner Bros. Records 1977

    Homer Banks. Hooked By Love. The Best Of Homer Banks. EMI 2005

     

     

    Ebo est beau

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             On l’attendait comme le messie de l’Afro-beat. Ebo Taylor est arrivé sur un fauteuil roulant, poussé par son fils Henry. Dès le début du concert, ça sentait la fin des haricots. Le pauvre Ebo n’est plus que l’ombre de lui-même.

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    Dommage, car autour de lui joue l’un de ces fabuleux orchestres d’Afro-beat dont l’Afrique, et le Ghana en particulier, ont le secret. Si tu veux groover, c’est là. Certainement pas chez les punks. L’Afro-beat ghanéen est aussi joyeux et propulsif que celui de Fela Kuti au Nigeria. D’ailleurs Ebo et Fela se connaissaient bien, d’après ce que raconte Wiki, la pipelette du village. C’est le fils Henry qui mène la sarabande aux keyboards, le fils William qui gratte une basse cinq cordes, et le fil Roy X qui gratte des poux délicieusement liquides sur sa demi-caisse. Ils sont tous magnifico. Ils créent un monde et t’es là pour ça.

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             Mais ça ne se passe pas comme tu l’avais imaginé. Le spectacle est terrible car tu as d’un côté cette effarante source de vie, et de l’autre un vieil homme aux portes de la mort, prostré dans son fauteuil, qui n’a même plus la force de chanter dans le micro installé devant lui. C’est la première fois qu’on voit la vie et la mort ainsi rassemblées sur scène. Du coup, ça donne au set un cachet particulier. Paradoxalement, le côté tragique n’apparaît pas chez les Africains, c’est autre chose. On a l’impression que le fils Henry fait du business, il n’en finit plus de sortir son père Ebo de sa torpeur. C’en est presque comique. Chez les blancs, ce serait révoltant.

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    Chez les blacks, c’est cocasse. Incroyablement cocasse. Et pendant que cette farce se joue sous nos yeux, l’orchestre tourne comme un gros moteur exotique. Le black aux percus bat tout Santana à la course. Au fond, t’as un black qui bat un beurre virulent et même inexorable, et de l’autre côté deux mecs aux cuivres qui font un véritable festival, surtout le tromboniste qui passe des solos hallucinants de swing. T’en reviens pas de voir des cakes pareils sur une scène normande ! À la vie à la mort ! Cette fois on est en plein dedans. Seuls les Africains peuvent te proposer un cocktail aussi capiteux. 

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             Palaver ? Tu peux y aller les yeux fermés, si t’aimes l’Afro-beat. C’est le dernier album en date d’Ebo qui chante au revienzy de paradis africain. Ces mecs groovent comme des anges du paradis. C’est un peu comme si t’arrivais à la fin du mythe et que tu découvrais un monde. Il faut le voir l’Ebo groover son «Make You No Mind», cette belle Africana gorgé de cuivres et de poux miraculeux. Et puis tu as ces extraordinaires solos de sax et de trompette. Tu ondules des hanches sur «Abebrese». Te voilà dans la cour des miracles, alors tu tortilles du cul. Le riff d’orgue est assez punk, avec une incroyable verdeur de la clameur sourde. Elle te brise le cœur. Supremo groovyta ! L’Ebo chante «Nyame Dadow» dans le creux d’un chou-fleur étincelant, tu ne le quittes pas des yeux, l’Ebo, il chaloupe avec les copines. L’Ebo et ses blackettes donnent une idée assez juste de ce que pourrait être le paradis. Tout y est facile et doux, et tu sens monter en toi la petite marée de bien-être.

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             Si tu tapes au hasard dans sa discographie, tu vas tomber sur Appia Kwa Bridge, un album au son plus dur, qu’on pourrait qualifier d’heavy Africana. Il y durcit le ton. On s’attache plus particulièrement à «Yaa Ampensah». L’Ebo fouille le beat de l’Afrobeat avec des poux délicieux. Il colle bien au papier. Quel cake ! Sa mélodie chant est un enchantement, l’Ebo est un orfèvre, un artisan de la victoire. Et puis quand tu écoutes «Assondwee», tu réalises qu’il s’agit là du Black Power originel. Te voilà à la source du fleuve. Il a derrière lui tous les pouvoirs, t’as même le solo de jazz liquide. Mais c’est avec le morceau titre qu’il groove to the max. Il redore le blason de l’Afrobeat, avec toute la belle clameur du continent noir. Tu ne bats pas ça, Sam.

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             Oh et puis, t’as Yen Ara, avec ce beau portrait d’Ebo sur la pochette, sous son petit chapeau. Ses fils Henry et Ray X sont déjà là. Les percus du diable aussi. Quelle majesté ! Coup de génie avec «Mumudey Mumudey». L’enfer, c’est l’Afrobeat. T’as pas idée ! Droit au cerveau. L’Ebo groove des hanches et toi aussi. C’est la clameur des origines. Excelsior + solo de trompette = big bang originel. Demented, baby ! Mudy/ Mumudy ! Ebo a le diable au corps. Il te groove le squelette et un solo de sax arrive en dérapage contrôlé dans l’Afrobeat, t’as en plus tous les congas de Congo Square, ça sort tout droit des forêts inexplorées. Encore du fondamental avec «Krumandey». C’est effarant de revienzy. Ebo y va au call my name. Percus + solo de trompette, toujours pareil. Hey les garagistes, prenez des notes ! Ebo fait du bon boulet et un certain Justin Adams groove sa Jazz Guitar.

    Signé : Cazengler, ÉpaBo

    Ebo Taylor. Le 106. Rouen (76). 14 mai 2024

    Ebo Taylor. Appia Kwa Bridge. Comet Records 2012

    Ebo Taylor. Yen Ara. Mr Bongo 2018

    Ebo Taylor. Palaver. BBE Africa 2019

     

     

    Evil Ghost Woman

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             Ghost Woman en concert, pas forcément le bon plan. Tu vois arriver sur scène deux nouveaux candidats au désastre, le Canadien Evan Uschenko et sa compagne Ille. Duo. Doom. Johnny casquette. Va pas bien. Zéro contact avec un public clairsemé. Cherche des noises à la noise. Elle bat un beurre métronomique. Vise l’hypno. T’es pas Can, baby. Mais elle persiste et signe. L’hypno. La fête à Nono. Hyp hyp hyp pas hourrah. On croirait voir les Kills. Aussi insignifiants. Au bout de cinq six cuts, tu ne sais toujours pas ce qu’il faut en penser. Du bien, du mal. Tu vas devoir faire ton Nietzsche et trouver une solution par-delà le bien et le mal. Trouve. Vite, car le temps passe.

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    Alors focus sur la gratte. Il gratte des poux intéressants. Tu t’intéresses. Tu fais ce qu’on appelle en langage pédagogique un focus de faux cul. Tu te forces. Mais tu restes sur l’impression que ces duos font tous la même chose. Ils montent leur soupe en neige. L’Evan groove à l’intérieur de sa neige de soupe. Il sait traîner un solo dans la boue sibérienne. Tu admires sincèrement quelques éclairs lumineux. Tu dis bravo aux éclairs. Et tu te réjouis à l’avance, car tu vas les retrouver sur Hinsight Is 50/50, qui est leur troisième album, celui qui est promu pour la promo à Nono. La promo à Nono vaut mieux que la fête à Neu-Neu, pas vrai ?

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             Ils portent bien leur nom. C’est vrai qu’ils ont quelque chose de fantômal. Hyp hyp hyp hypno, des fois ça prend. Comme ils bénéficient d’un bon buzz, ils en profitent pour rallonger la sauce de la soupe en neige. L’Evan gratte quelques incursions sauvages. On le voit aussi noyer ses portées dans la disto. On a parfois l’impression d’entendre du vieux rock indé des années antérieures. En attendant, il navigue dans ses Sargasses. Gros son, c’est vrai, mais zéro modernité. Inventer la roue ou le fil à couper le beurre, ça ne l’intéresse pas. Nos deux Ghosts sortent parfois les muscles, mais nul ne sait où ça les mènera. Il n’empêche qu’ils y vont de bon cœur. Foncer, ça ne leur fait pas peur. L’Evan sait foutre le feu. Sous la casquette se planque un petit pyromane. Son truc, c’est le Big Atmospherix. Tu fais des efforts pour le prendre au sérieux. Ça veut dire que sa musique ne s’impose pas automatiquement. Il faut attendre une heure pour adhérer au parti. L’Evan cultive un goût particulier pour les apothéoses abyssales. Ils bouclent leur set avec ce qui pourrait bien être «Buick», un fabuleux groove hypno qu’Ille bat au tom bass à la tension extrême. Là oui, ça devient faramineux. Il y va au I’m sacred of myself/ And everyone else, c’est assez Velvet dans l’esprit. Te voilà convaincu in extremis.   

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             Sur Hinsight Is 50/50, c’est elle qui chante «Ottessa», et ça vire electro-pop de girl group. Alors ça flirte avec le juke ! Le morceau titre est solide comme un morceau titre d’albâtre, et son «Juan» vire en bouquet d’apothéose. Il sait ménager ses effets. Le hit de l’album est bien sûr «Buik», un pur hommage au Velvet.

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             Leur premier album sans titre date de 2022. Rien d’écrit nulle part dans le digi. Tu te débrouilles avec le son, Sam. L’Evan ne vit que pour l’entre-deux eaux, celui qu’on a déjà entendu des milliers de fois. Il frise un peu le Steely Dan dans «All The Time», ce qui vaut pour un compliment. Et sur «Do You», il fait son Oasis. Globalement, l’Evan ne t’apprend rien. Il se contente d’exister. Mais tu t’ennuies toujours quand tu n’apprends rien. Le dernier album des Pink Fairies (Screwed Up) et les deux Third Mind que tu écoutes le même soir t’apprennent des choses. Pas l’Evan. Il ne cherche pas à créer la surprise. Il reste dans la charité bien ordonnée, comme sur scène. Puis l’album finit par se réveiller avec «Behind Your Eyes», plus psyché et plus insidieux. Même assez persuasif. Il bouffe à tous les râteliers, mais dans son cas, ce n’est pas un reproche. Il ramène sa petite gratouille dans le fond du tatapoum d’«All Your Love». C’est assez boom boom et plutôt bien vu, assez Velvet tordu dans l’esprit. Beau vertigo ! Et le «Screaming» qui suit est assez bien foutu, groovytal, inspiré et serpentin. Alors là, ouiiiiiiiiiii ! (avec une voix de femme au moment fatidique).

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             Anne If paraît un an plus tard. Et bien sûr, c’est leur meilleur album. Pochette inerte, pas d’infos, pas de rien, juste un track-listing au dos. Débrouille-toi avec le son. Il arrive très vite avec un «3 Weeks Straight» bien lesté de plomb. Ça frise même l’heavy stomp ghosty. Easy going ! Beau et puissant à la fois. L’Evan adore gratter ses poux. Il ne vit que pour ça. Il se joue dessus dans «Broke», il fait ses layers. C’est elle qui vole le show dans «Street Meet», elle bat ça si sec, elle tend bien l’hypno à nœud-nœud. S’ensuit un «The End Of A Gun» bien claqué du beignet. C’est vraiment excellent. Tu te régales. L’Evan graisse les trames d’«Arline» et surveille ses arrières. Il combine ses ambiances dans «Down Again». Un bon esprit règne sur cet album, ce que vient encore confirmer «Tripped». Cette fois il sonne comme Lanegan, il traîne la savate dans le gutter, il réussit une grosse opération d’osmose avec la comatose. Bravo !

    Signé : Cazengler, Ghost Ridé

    Ghost Woman. Le 106. Rouen (76). 22 mai 2024

    Ghost Woman. Ghost Woman. Full Time Hobby 2022

    Ghost Woman. Anne If. Full Time Hobby 2023

    Ghost Woman. Hindsight Is 50/50. Full Time Hobby 2023

     

    *

    Une odeur désagréable émane de la boîte aux  lettres. Le facteur facétieux aurait-il vomi dans le coffret aux missives. Non, ce n’est la fragrance imbibée d’alcool de ces échappées stomacales que dans mon Ariège natale l’on nomme un renard. Analysons, se dégage de cette émanation pestilentielle une senteur fortement poivrée, cela me dit quelque chose, et hop en une fraction de seconde mon cerveau restitue la scène, je suis en quatrième et sur l’estrade de la salle de musique, en train d’interpréter Si tu n’étais pas mon frère (je crois bien que je t’aurais tué) d’Eddy Mitchell, la voix du prof s’élève : je n’ai jamais aimé Les Chaussettes Sales !

    ROCKABILLY GENERATION NEWS N° 30

    JUILLET  – AOÛT – SEPTEMBRE (2024)

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             Les voici ! Non pas les sales, les Noires ! Avec Eddy Mitchell ! Jean-Louis Rancurel frappe un grand coup. Huit pages de photos inédites ! Les mythiques années 60, du début des Chaussettes à leur lente désagrégation, service militaire obligatoire… Rancurel raconte, factuel et réfléchi, nous on zieute les photos, le grand Schmoll, tout jeune, presque freluquet, belle prestance sur scène, s’affirme, devient un monsieur, prend de l’aplomb au fur et à mesure que le vedettariat le change… et puis l’on apprend des choses, Maryse Lecoultre, indispensable cheville ouvrière du magazine qui habitait à Noisy-Le-Sec, lieu de résidence d’Eddy et sa famille… flash-back personnel, une collègue de qui travail (voici plus de quarante ans, son prénom m’échappe) qui gamine habitait à Noisy, mitoyenne de la maison d’Eddy, qu’elle a bien connu par qui j’ai appris qu’Eddy avait un frère… J’ai été un grand fan d’Eddy pendant ma jeunesse, merci à Jean-Louis Rancurel. Belle idée cette série de documents inédits sur les pionniers du rock français, grâce à Jean-Louis Rancurel s’établit un beau trait d’union, une sorte de passage de témoin entre Rockabilly Generation et Disco-Revue la première revue de rock française…

             C’était un nom, une référence, on le citait avec respect, même si l’on n’avait pas entendu grand-chose de lui, un as de la guitare, une espèce de totem protecteur, on savait qu’il existait et cela nous faisait du bien, dur de le retrouver sur la page de gauche dès que l’on ouvre la revue, sur la photo l’est tout jeune, Duane Eddy nous a quittés fin avril de cette année, plus loin une page lui est consacrée, on apprend l’importance de Lee Hazlewood pour le début de sa carrière… On était gamin, il suffisait d’entendre le nom de Duane Eddy, qui sonnait si américain, que l’on comprenait que le rock’n’roll venait de là-bas…

             Julien Bollinger, celui qui a rédigé les deux numéros spéciaux sur Elvis, évoque Bob Wills, un pionnier d’avant les pionniers. L’est né trente ans avant Elvis, celui-là l’a fallu attendre longtemps avant d’épingler son nom, de déchiffrer quelques paragraphes et entendre sa musique, le roi du western swing, un musicien expert, lisez Julien Bollinger, en deux pages (avec photos) il vous dévoile tout un monde, another place, another time comme dirait Jerry Lee Lewis, plus près des racines…

             Vous en avez assez des vieux mecs, voici une jeune femme. Lil’Lou, elle se raconte, une belle personne, physiquement certes, mais surtout le regard qu’elle porte sur la musique, la country, le honky tonk, le hillbilly, le western swing, le rockabilly, la vie, les êtres humains, sa fille, son chat. Bien sûr elle évoque longuement son groupe les Cactus Candies, qu’elle fonde en 2015 avec son compagnon  Jull le guiar-hero de Ghost Highway, groupe qui évolue, qui permet des rencontres et des découvertes… Une grande chanteuse, ouverte à tous les styles, écoutez-la avec son ancien groupe les Pathfinders, vous découvrirez le rhythm and blues comme jamais aucune autre fille n’a  su le chanter par chez nous, ce n’est pas une star, une sensibilité, une personnalité, elle donne l’impression d’habiter en elle-même… Un être debout.

             Aïe ! Aïe ! Aïe !  Deux festivals, Good Rockin’ Tonitght (Bourg-en-Bresse), Boogie Bop Show (Mesnard-La-Barotière / Vendée), quand vous voyez les deux programmations, des jeunes, des vétérans, de tous les pays, vous regrettez de n’y être pas allé, les photos de Sergio vous font baver d’envie, vous êtes sûr que vous avez raté quelques concerts inoubliables. Pourquoi donc ces trois Aïe ! en début de paragraphe ? A  cause de ce magnifique printemps pluvieux ! Pas de panique, grosse humidité dehors, hot and dry dedans ! Par contre beau temps à Rock in Berry, in Toury.

    Voilà, c’est tout ! Non pas du tout ! une nouvelle chronique sur la dernière page, Good Rockin’ News, le Teddy Cat’s Rockabilly Live, vous ne connaissez pas, achetez la revue, lisez la revue et vous saurez ! En plus ils viennent de fonder un label : Teddy Cats Records !

    Numéro trente, sept ans d’existence, revue de plus en plus excitante !

    Merci à Sergio Katz et à toute l’équipe !

    Damie Chad.

    1. S.: n’en voulez pas à mon prof de musique, plus tard il m’a tiré des pattes du Surveillant Général, ce qui m’a permis d’éviter de sérieux ennuis !

    Editée par l'Association Rockabilly  Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois),  6 Euros + 4,30 de frais de port soit 10,30 E pour 1 numéro.  Abonnement 4 numéros : 38 Euros (Port Compris), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( Rajouter 1,10 € ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de tous les magazines... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites surtout pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents ! 

     

    *

    Sixième album enregistré par Eric Calassou sous le nom de Bill Crane. Bill Crane fut le nom de son groupe du temps où il habitait en région parisienne. Qu’il a quittée pour s’installer en Thaïlande. L’a passé plusieurs années à faire des photographies. Ce qui devait arriver arriva. La tarentule du rock’n’roll l’a repris. Devait être cachée sous les cordes de sa guitare qu’il a un jour effleurée sans y penser. Hélas l’antique malédiction du rock’n’roll lui est retombée  dessus. Que voulez-vous, rocker un jour, rocker toujours. Nous avons pris l’habitude de chroniquer ses nouveaux moreaux, EP’s et albums. Nous avons laissé passer le cinquième, nous en reparlerons à la rentrée prochaine.

    Une démarche particulière, un homme seul face à tout le passé et tout le futur du rock’n’roll face à lui. Une œuvre souterraine qui creuse ses galeries très profond, le passé est une terre friable modulable à volonté et le futur un roc impénétrable. On ne ruse pas avec lui, on l’use avec obstination.

    CRACKIN’UP

    BILL CRANE

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    La pochette est une photographie d’Eric Calassou. Ne dites pas : c’est quoi au juste ce truc ? Eric Calassou ne représente pas les objets, il ne les donne pas à voir, pour cela vous avez vos yeux, il vous les pose sous le nez, de si près que vous ne les reconnaissez pas, c’est à votre cerveau non pas de les reconstituer, mais de les restituer dans le mystère de leur apparence. Eric Calassou vous envoie deux messages, le premier vous caresse dans le sens du poil : rien n’est simple. Le deuxième vous prend un peu à rebrousse-poil : rien n’est plus simple que vous. Un peu vexant pour la condition humaine, je vous l’accorde.

    Come along : rien à voir avec le Come Along des Variations, si ce n’est qu’avec le rock c’est comme avec les pièces de base du Lego, tout le monde a les mêmes, mais chacun, dès qu’il s’écarte des modèles proposés en fait ce qui le différentie des autres. Une boîte à beat pour que chacun reconnaisse les battements des pattes de l’alligator qui s’approche de la rive, et la guitare qui s’abat sur vous comme un couperet de guillotine qui prend tellement de plaisir à vous trancher la tête qu’il vous découpe en tranches fines comme si vous étiez un jambon d’York, ensuite vous avez le trio de base qui entreprend sa parade nuptiale, la baby et le gars qui se fait tout sucre pour que la baby s’approche de lui, celui qui mène la danse c’est le désir, se pose où il veut quand il veut, alors le gars s’énerve sur sa guitare, et sa voix se liquéfie comme du sperme. Tout le drame métaphysique de la rock’n’roll solitude, le caméléon qui attend que la mouche se pose près de lui pour tirer la langue. Cracking up : Crackin’ up est aussi un titre de Bo Diddley, un des pionniers, élémental,  sémental et fondamental, l’a été repris par les Stones, écoutez sur Love You Live, pas tout à fait un hymne féministe mais nécessaire pour la sauvegarde viriliste. C’est la suite du précédent. L’acte  II. Le I n’a rien donné, alors le beat (je devrais écrire ce mot au féminin) devient plus obsédant et angoissant, il insiste, fait son baratin, sifflotements et sifflements, l’en remet une couche, le désir bleu triste vous peint la vie en rose tendre, quand il sait plus quoi dire, il fait la-la-la, de toutes les façons elle a compris, aux modulations finales, l’est arrivé au bout de sa faim. Party : si l’on devait me donner un dollar chaque fois que l’on rencontre le mot party dans les lyrics du rockab, je deviendrais riche. Pas de panique c’est du rock’n’roll, l’on vous montre tout, l’on ne vous cache rien. Coït intégral, le mec a allumé son portable et les copains l’entendent prendre son pied en direct. Un petit groove de guitare guilleret, l’on ne voit rien, mais le troisième œil fonctionne  à fond. D’ailleurs le gars à fond, fond de plaisir.

    Am so : le retour de l’égo, deux c’est bien, un l’on est davantage soi. Âmes sensibles s’abstenir. Guitare glauque, la bête se réveille, croyez-vous que ce soit un hasard si des chiens poussent en douce des aboiements cerbériques, le vocal épouse toutes les nuances de la folie. Pas douce du tout. Ce n’est plus l’amourette c’est l’amou-rets. The killer awoke au moment où l’on s’y attend le moins. Le conte à l’eau de rose se termine en pulp fiction. 100 % Rock ! Une guitare cinglante est-elle obligatoirement une guitare sanglante ? Dance pretty baby : bien sûr surgit dans notre mémoire Pretty Pretty Baby de Gene Vincent, la mémoire des rockers est une brocante, à tous les stands l’on trouve un truc intéressant. Après le drame, retour à l’innocence, le rock‘n’roll est une pirouette, un pied de nez gesticulatif que la jeunesse adresse au vieux monde fossilisé. Tout dans le vocal, qui ne tient pas laisser sa place aux castagnettes de la guitare, la voix est profonde et grave. L’est vrai que souvent l’on danse sur un volcan. Come around the world : Normalement le rock c’est around the clock, quand il délaisse sa pendule pour faire le tour du monde, c’est qu’il y a un lézard dans l’horloge. Le même morceau que le précédent. C’est-à-dire complètement différent. Ici la musique à son importance, elle en deviendrait presque lyrique dans l’intro, le vocal ne brigue pas la première place, vient de loin, n’a pas le regard porté sur l’objet de ses convoitises, l’est déjà teinté de nostalgie. Dancin’ in the world : les cats sont comme des chats, des animaux nyctalopes, ils aiment l’ombre, dans le noir tout est permis, l’est nécessaire pour voyager jusqu’au bout de la nuit.  Guitare clinquante et persuasive, un vocal couleur de serpent qui ondule, chargé d’attrait et de mélancolie, yodle en douceur et en continu, tentant et inquiétant. The strange case of Mr Edward : je  me permets d’attirer votre attention sur l’architecture secrète de cet album, 3 + 1 + 3 + 1, à chaque fois une trilogie, désir pour la première, danse pour la deuxième, suivie d’un épilogue dramatique : Oui le cas de Mr Edward n’est pas commun, un individu qui bouffe ses mots, l’a du mal à s’exprimer, de lui émanent d’étranges et plaintifs chevrotements ou d’inusuels borborygmes, parle tout seul car il a l’air de penser qu’il est le seul à pouvoir se comprendre, comme par hasard l’on entend le chien qui aboie sur Am so, le genre de gars que vous n’aimeriez pas rencontrer la nuit, par contre écouter ce morceau vous procurera de douteuses sensations dont vous ne pourriez  dire qu’elles n'éveillent pas en vous de troubles aspects de votre personnalité que vous refoulez au plus profond de vous.

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    The vault of horror : d’après Wittgenstein le philosophe : ce que l’on ne peut dire, il faut le taire, vous ne saurez rien du passage à l’acte de Mr Edward sous la voûte de l’horreur, ce morceau est un instrumental : une guitare qui résonne comme une intro de film policier américain, une poursuite à tombeau ouvert, elle dépasse à peine les deux minutes, mais déjà vous avez compris que l’affaire sordide ne vous sera révélée qu’à la fin du film. Pas d’images, vous êtes obligé de construire votre propre scénario… L’eau à la bouche et rien à boire ! Save my soul : j’ai toujours douté des gens qui ont besoin de quelqu’un pour sauver leur âme, comment peuvent-ils être sûrs d’avoir une âme, cela me semble bien présomptueux : l’appelle sababy pour qu’elle lui rende service, y a comme un broutement de trombone sur ce morceau, rien que pour ce bruit de basse il faut l’écouter, le gars bêle après sa babe, la guitare semble se moquer de lui, normal celui qui demande de l’aide est un faible. Close my eyes : sortez votre mouchoir, c’est la dernière bobine, celle qui est censée vous faire pleurer ou réfléchir. Généralement les spectateurs jugent la deuxième opportunité trop difficile :  this is the end beautiful friend, la guitare vous plante des petits motifs émotifs dans tous les recoins émojiques, le gars fait son examen de conscience, se prend un peu pour Tommy des Who, fait son cinéma, son dernier film, que regrette-t-il au juste, sans doute lui-même, on ne peut pas lui en vouloir, on ferait, on fera, de même. Dancin’ : générique de fin, la musique plus forte. Que la vie. Que la mort. C’est un peu comme si le film recommençait au début. Avez-vous déjà vu un truc qui finit vraiment. En tout cas les albums de rock s’appellent tous : reviens !

             Superbe réussite, avec trois fois rien, une guitare et quelques bribes de lyrics éculés depuis la naissance du rock‘n’roll, Bill Crane vous rejoue la funeste histoire du rock’n’roll. Vous explique comment ce poulpe destructeur a étendu ses tentacules prédateurs dans votre existence. Tant mieux pour vous. Tant pis pour vous. N’en dit pas trop, préfère que chacun comprenne et raconte la légende noire à sa manière. N’oubliez pas, personne n’en ressortira vivant.

    Damie Chad.

     

    *

    Il n’y a pas de hasard. Ou alors tout est hasard. La vérité doit être entre les deux. Le problème c’est que la vérité n’existe pas. Bref mon œil est attiré par une image, tiens, on dirait une parodie des armoiries de la Grande-Bretagne. Honni soit qui mal y pense. Je lève les yeux et je sursaute, ceux qui ont lu ma recension du Volume 2 de l’Anthologie introductive à l’œuvre d’Aleister Crowley, se rappelleront que le livre s’achève sur l’influence de la pensée et du personnage de la Grande Bête sur les productions littéraires, cinématographiques et musicales contemporaines. En voici un parfait exemple.

    SPIRITUAL ARCHIVES

    OCCULT RITES I + II

    AIVVASS

    (Darkness Shall Rise Productions / Juin 2024)

    Combien sont-ils ? Sur la photo : cinq. Mais le seul qui est crédité pour l’écriture, l’enregistrement, le mix et le master : Frater Thelis. Ne m’en demandez pas plus, sur la photo ils portent tous un masque, lui est au centre, sa robe noire agrémentée d’un soleil orange et invictus dans le triangle le désigne comme maître de cérémonie. Dernier détail : folk domm metal band de Germany. Vous pouvez maintenant poser vos questions, j’y répondrai avec plaisir dans la mesure de mes moyens.

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    Pourquoi l’album est-il surtitré comme ‘’Archives’’ ? : Parce ce qu’il s’agit de la compilation de deux EP’s, le premier Rites I paru en mars 2023 et le second : Rites II paru en juillet de la même année.

    Que signifie Aivvass en langue germaine ? : Rien du tout, ce n’est pas de l’allemand, c’est le nom d’une personne un peu particulière. Si vous permettez j’éclairerai un peu votre lanterne, toutefois je ne pourrais vous apporte que de la lumière noire.

    Aleister Crowley était tranquillou chez lui, au Caire, il vaquait à ses occupations favorites qui ne sont les mêmes que les vôtres. La scène se passe le 7 avril 1904, lorsqu’il entendit une voix derrière lui. C’était Aivvass, une entité, j’emploie ce mot mais Crowley laisse entendre qu’Aivvass se matérialise sous une forme évanescente, disons pétri d’une matière instable qui ne peut se maintenir trop longtemps dans un milieu qui n’est pas le sien, bref un être venu de loin  qui lui dicta ce qui allait devenir  Le Livre de la Loi. Ouvrage qui contient la base de l’enseignement de Crowley que  lui-même jivaroïsa en une formule quintessencielle : L’amour est la loi. L’amour sous la volonté. Un mix qui selon moi est composé d’un alliage improbable puisqu’il marie christianisme et Schopenhauer. Là n’est pas le débat.

    Crowley affirmera plus tard qu’Aivvas était son propre Ange Gardien Sacré. Ne riez pas, Socrate ne se vantait-il pas de posséder son propre Daemon… Généralement on élude ce problème en affirmant que c’est l’individu qui perçoit ses auto-projections quasi-somnambuliques désiro-intellectuelles qu’il s’adresse à lui-même comme si elles provenaient d’un tiers… Parfois quand on doute que notre individu ait une quelconque influence sur la marche de l’univers, l’on résout inconsciemment (perso je réprouve la notion d’inconscient, je parlerai plutôt de ruse instinctive de notre cerveau) notre nihilisme dépréciatif en affirmant que c’est l’univers qui exerce une influence sur notre petite personne dans le but d’exercer une influence sur lui-même. L’homme qui se châtie lui-même n’est que l’autre face de celui qui s’aime bien lui-même. (Pour mieux comprendre la phrase précédente voir la livraison 651). C’est ainsi que malheureusement naissent non pas les Dieux mais les religions.

    Frater Thelis n’est pas un adepte de notre scepticisme, il prononce des rituels dans le but d’entrer en communication avec une couche éonique supérieure.

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    Aiwass : disons-le, ce premier morceau est épique, une force qui déferle sans fin, et au milieu de la survenue de cette monstruosité, une voix psalmodiante et hachée qui énonce l’appel qui a déclenché l’avalanche sonore. Cela s’appelle aussi chevaucher le tigre. Satan : changement sonore, après le Metal grondant, la guitare néo-folk, le récitant n’invoque pas le Satan de la Bible, il invoque le Satan de la Bible, celui qui a appris à l’homme qu’il n’est qu’un Dieu, terrible dualité de cet Adversaire du Dieu unique qui est un libérateur, les Dieux sont au-delà du Bien et du Mal, est-ce pour cela que les passages violents alternent avec les plus doux. Satan n’est qu’un des visages d’Aivvass.

    Baphomet : laissons de côté l’idole hideuse que les Templiers étaient censés adorer ou alors tournons-la en son contraire, un être de lumière, la beauté de l’orchestration, le chant angélique, tout nous révèle que nous sommes en présence d’une êtralité parfaite qu’aucune dissociation ne saurait fragmenter, le couple alchimique réuni en un seul être androgynique.  Lucifer : le porteur de lumière, celui qui a libéré Crowley, une autre image d’Aivvas, il est celui qui a su s’opposer, celui qui détenait le savoir primordial, un double de Crowley, son Ange Gardien et quelque part Crowley lui-même. La musique allie sérénité et puissance, une antinomie kantienne spirituelle en action que rien jamais n’arrêtera.

             Etrange, à première écoute de cet EP s’est établie une connexion dans mon cerveau avec Eloa, la sœur des anges d’Alfred de Vigny, à priori rien à voir, si ce n’est de loin, des années que je n’ai pas relu ce texte, mais voici que je tombe ce matin sur une vidéo de Darkness Shall Rise Production consacrée au morceau Lucifer, et tout de suite la corrélation avec Eloa me revient à l’esprit. Je vous laisse libre de tenter l’expérience !

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    Un regard sur la pochette du premier EP, un seul être, et rien ne vous manque, ne possède-t-il pas tous les symboles, et n’est-il pas pour cela en lui-même un symbole, l’œil, l’épée, le serpent, les ailes angéliques et les cornes du diable. Tout le contraire de la deuxième, la sainte trinité en quelque sorte, Aivvass se dialectiquise, pour le personnage du milieu, ne dites pas : ‘’Je le connais c’est le Christ !’’, ce n’est pas tout-à-fait lui, l’est-là en tant que symbole représentatif d’Osiris, le dieu qui est mort (et ressuscité), la mort des Dieux correspond au changement d’ère. Crowley est persuadé que le message délivré par Aivvass annonce la fin de l’ère Chrétienne à laquelle doit succéder l’ère d’Horus, non pas l’ancien dieu égyptien mais celui engendré par la Nuit et le Diable. Ce nouvel Horus se trouve à la droite du crucifié, remarquez la beauté androgynique de l’effigie… A notre gauche, à première vue la Mort, peut-être le Diable. Toujours eu l’impression que chez Crowley la figure du Diable est une résurgence de son éducation chrétienne dont il n’a jamais su quoi faire dans son propre panthéon, je n’engage que moi, disons qu’il est la négativité de Ra, le dieu soleil suprême. Ne pourrait-on pas dire que les quatre rituels du premier EP sont adressés à quatre figures positives du Diable. Les Dieux sont-ils, chez Crowley, réversibles comme les symboles. Les Dieux possèdent d’autres masques que leur présentation habituelle, certains pensent que Crowley n’est qu’un monothéiste dont le Dieu porterait l’ensemble des masques de tous les Dieux créés par l’imagination humaine. Une espèce de sainte-trinité à la puissance mille.

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    Cruxificion : musique point torturée, exit le tragique, le dramatique, passion douce ! Parfait pour illustrer une vidéo champêtre sur le printemps avec les lapins qui courent dans l’herbe tendre, tout s’arrête, l’on entend les cloches sonner au clocher du village, serait-ce l’angélus, l’angélux, la lumière de l’ange. Qui passe. Witchcraft : ne pas traduire par le terme de sorcellerie très mal connoté en notre langue, la magie noire n’est pas la tasse de thé de Crowley, lui serait plutôt magick, rouge s’il fallait lui apposer une teinture alchimique. Il y a comme des reposoirs dans ce morceau, après de longues proférations dont le timbre épouse parfois une trame serpentique. L’on a l’impression que le rite s’effrite, qu’il laisse la place à une scansion transsique avant que l’écho mental du dôme créé ne retourne dans le silence. Cremation of care : il y a quelque chose de circassien dans ce rituel, l’on dirait plutôt une performance, une musique joyeuse pour accompagner  des images dévoilées au public - d’ailleurs il existe une vidéo – une manière de rappeler que si Crowley a beaucoup écrit il a aussi beaucoup peint. L’on ne connaît surtout que les images de son tarot, qui d’ailleurs ne sont pas de lui, rehaussées de couleurs vives, regardez toutes les planches, l’orange domine, non pas parce qu’il squatte un maximum de surface, mais parce qu’il miroite, il éblouit, il captive le regard, un soleil illuminatif. L’on pense aussi à la crémation finale de Crowley, comme s’il mettait une grande attention à ce que son corps, chair et esprit soit au ras de Ra. Danse de flammes. Prenez soin de brûler aussi les cendres des applaudissements. The Ghoul : reprise du groupe Pentagram : une sombre histoire d’une goule qui s’en vient faire l’amour avec les ossements d’une de ses précédentes victimes.  Le serpent se mord la queue, on se croirait un peu revenu au tout début du premier Ep, plus pour la voix que par la musique, les goules sont des espèces de vampires femelles qui se gorgent du sang et des forces vives des êtres masculins (sans exclusivité)… une manière comme une autre d’évoquer les pratiques rituelles et magickes axées sur la sexualité prônées et expérimentées par la Grande Bête. L’esprit et la chair forment un tout unique sensoriel. Qui se doit d’être exercé pour atteindre à une plénitude solaire zénithale. L’obscur n’est que l’autre face du soleil.

             Ce deuxième EP me semble plus diversifié que le premier. Sans doute ne suis-je pas en mesure de détenir toutes les clés d’ouverture. Mais rien ne vous empêche de forcer la serrure.

    Damie Chad.

             Une dernière note : vous trouverez plus facilement Aivvass écrit Aiwass.  Une question de numérisation kabbalistique. En attendant sur la pochette visez les deux ‘’S’’ en forme de serpent.

     

    *

    Les mots appellent-ils ce qu’ils désignent. Hier soir la chronique précédente s’est achevée sur le mot serpent. Or en ce début d’après-midi en ouvrant You Tube une vidéo s’offre à mon œil obstinément aigu. Chic un groupe français ! Sur bandcamp je m’aperçois qu’ils sont grecs. J’ai l’habitude d’accorder une certaine importance à tout ce qui vient de Grèce, même à un serpent noir.

    DEATH CLAN 0D (44,1 mastering)

    SERPENT NOIR

    (Vinyl épuisé / YT / Bandcamp / 2020)

    Etonnant de trouver cette mention que nous qualifierons   d’écologique et d’anticapitaliste sur un disque de l’Ordre du Dragon. En résumé vous n’avez pas besoin d’une fréquence supérieure à Khz 44,1 pour entendre pleinement un artefact sonore mis à votre disposition sonnante et trébuchante sur le marché. En effet toute norme supérieure inutile vous est évidemment facturée plus cher.

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    Freud n’aurait pas de mal pour nous apprendre que le crâne de la couverture représente la mort (Thanatos) et le signe phallique l’Eros. Je vous le sers à sauce grecque ; c’est le trident vindicatif de la neptuienne vitalité bestiale poseidonesque.

    Yiannis K. : Rhythm guitars, lead guitars, chants, lyrics  / Kostas K. : Lead Vocals, chants / Johannes K. : Bass guitar / Cain Letifer. : Lead guitars / George C. : Drums, percussion / Lead vocals on Goeh Raeh : Thomas Karlsson /  

    Pour mieux comprendre : lire La Magie Kabbalistique Qliphotique et Goétique de Thomas Carlsson fondateur de l’Ordre du Dragon. La goétie est l’art d’invoquer les démons. Serpent Noir se réclame de la Magie Noire.

    The black knighthoof of OD : l’entrée aussi inquiétante que La porte des Enfers d’Auguste Rodin, quelque chose de droit, de debout, de bronze et de mort. L’Ordre du Dragon se donne pour but d’entrouvrir le portail funeste. La chevalerie noire est un peu comme l’âme maudite et intérieure de l’Ordre du Dragon Rouge. Une bulle, un bulbe, au-delà de l’espace et temps. Aux lisières du soleil noir de la Nuit. Cutting the umbilical cord of Hel : pluie de cendres et voix rocailleuses, couper le cordon de Hel, la Perséphone nordique, c’est renaître à la vie. Une porte est un passage qui se franchit des deux côtés. C’est ainsi que se regroupe  la fraternité chevaliers du Dragon. Le chemin est tracé, les ordres et conseils sont dispensés, la route est dangereuse, le vocal va si vite qu’il semble courir à sa perte ou sa victoire, qui sont une seule et même chose, les plus grands démons vous guideront, les fils de la Mort ne meurent plus, sur la fin du morceau de leitmotive de l’entrouvrement des portes se fait entendre. Hexcraft : imaginez un Botticelli maudit qui n’ait pas composé le Printemps, mais une saison d’outre-tombe qui sente le sexe, la mort et le feu. L’ordre du Dragon se recrute aussi au pays des hommes où l’on brûle damnés et hérétiques, les âmes qui ont traversé le feu des bûchers se métamorphosent en ardences phénixales, les filles de Hel dansent dans une Walpurgis de renaissance et de fécondation. Si le rythme est relativement cadencé au début il prend peu à peu l’allure d’un cheval fou lancé dans un galop d’épouvante. Les guitares comme d’incandescents fulgurances d’épées brandies… Grondement du vocal qui s’étire comme les tripes d’un chat qu’on éviscère. Asmodeus : the sword of Colachab : attention Coalachab est l’inverse du feu de l’arbre de vie sérophital qui débarrasse le monde de ses miasmes et de ses impuretés, il est le feu de l’arbre de mort qliphothal qui détruit pour le plaisir de détruire, pour répandre le mal et anéantir l’ordonnance divine, Asmodée est un des Démons les plus importants – il se murmure que c’est lui sous forme de serpent qui a séduit Eve…  Asmodée ouvre les portes de l’Enfer pour qu’à la tête de la Chevalerie noire il aille semer la mort sur terre, sans doute respecte-t-il un équilibre de la terreur, autant de braves aura-t-il menés, autant de morts dont il ramènera les âmes victimales de l’autre côté du portail infernal, chevaux ployant sous le poids des corps morts, mais Asmodée brandit son épée et les têtes volent, il est le grand Destructeur, avant de passer la porte il se retourne et regarde tel un visionnaire le grand carnage que lui et sa troupe ont opéré. Astaroth : the jaws of Gha’Agseblah : Gha’Agseblah s’apparente à ce que l’on pourrait appeler l’érotologie mystique : ne soyez pas surpris de la beauté soyeuse de l’intro, ni de la chute vertigineuse qui suit, les vocaux sortent leurs griffes de chat, vous êtes la souris, Astaroth est un démon de l’Enfer d’autant plus dangereux qu’il est double, un être répugnant à l’odeur fétidé, oui mais aussi la plus belle de toutes les déesses, l’Astarté phénicienne, sœur en beauté d’Aphrodite, et parente d’Inanna déesse de la mort mésopotamienne, elle vous accueille, elle vous vous sourit, elle vous caresse, elle est la passeuse, l’étoile noire de l’abîme, déjà vous êtes son enfant sur terre et c’est elle qui vous redonne vie pour servir dans les légions ténébreuses du Dragon. Avez-vous déjà entendu un morceau de Metal aussi fou. Astaroth sait vous séduire. Necrobiological chant of Tara : nécrobiologie, le terme est contradictoire, comment la mort peut-elle être biologique, porteuse de vie, c’est pourtant ce que laissent entendre les morceaux précédents, pour mieux l’illustrer voici un exemple de mythologie hindou, Kali, Ananta, Inanna eet bien d’autres déesses nommées dans les lyrics, elles sont toutes différentes comme chacun des jours de votre vie forment une seul existence, De Kali la tueuse à Tara la consolatrice, toutes vous font le don de la vie et le don de la mort. Et le don de la vie après la mort. Soit dans le cycle des renaissances, soit dans l’ordre du Dragon Rouge originel. Serpent Noir, ne serait-ce pas la langue du Dragon Rouge, vous étourdit de son assommance battériale, de son grondement vocalisé, et de ses guitares de feu.  Goeh Ra Reah : garm unchained : (ce titre signifie-t-il  si je m’en rapporte à mes infimes connaissances interprétatives hébraïques ‘’Calme, mauvaise odeur – voir Astaroth - la lettre dévoilée,), le texte s’apparente à  une reprise de tout le parcours effectué durant les six stations précédentes. Carlsson ne chante pas vraiment. Il explique et vaticine. La scène est prise de plus haut, d’autant plus étonnant qu’il s’agit de la descente dans l’Abîme, la focale temporelle est élargie, Virgile et Béatrice sont nommés  pour avoir passé la porte des Enfers. Le Christ aussi - si Dieu est mort, n’a-t-il pas franchi le long calvaire du  seuil appelé via Dolorosa – le véritable Seigneur n’est-il pas celui qui règne en maître : le Dragon Rouge… Serpent Noir déroule sa musique comme l’on étendait un tapis d’ordalie chez les Grecs. A vous de tenter l’expérience. L’alchimie ne vous fait-elle pas passer du noir au rouge, de la Mort au Dragon.

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             (Il existe sur YT une Official Vidéo de ce morceau Enfin plutôt une projection engrammique rituellique destinée à émettre des effets psychiques. Comme sur les hypocrites recommandations qui accompagnent les publicités sur l’alcool je le ferais précéder de la mention : A consommer avec modération. Ceci n’est pas une mise en garde, juste une hypocrisie.

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             Pour ceux qui veulent en sa-voir davantage : Serpent Noir, Complete Show au Klub le 23 mai 2023 in Paris, longue mélopée insidieuse lyrique et serpentine. Soleil rouge.)

             Voilà, maintenant vous possédez les éléments prémissaux qui vous permettront de briguer l’initiation dans l’Ordre du Dragon. Vous n’êtes pas obligé. Vous pouvez vous contenter d’écouter la musique. Du très bon Metal dont on forge les meilleures épées.

    Damie Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 539: KR'TNT ! 539 :TONY MARLOW / BRYAN MORRISON / COSMIC PSYCHOS / ADORABLE / JIM MORRISON / GREY AURA / HECKER / ROCKAMBOLESQUES

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 539

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    27 / 01 / 2022

     

    TONY MARLOW / BRYAN MORRISON

    COSMIC PSYCHOS / ADORABLE

    JIM MORRISON / GREY AURA

    HECKER / ROCKAMBOLESQUES

     

    L’avenir du rock

    Marlow le marlou (Part Two)

     

    Fatigué du charme des palaces décatis de Marrakech et du confort boiseux des chalets suisses, l’avenir du rock opte cette année-là pour des vacances populaires. Il se réjouit à l’avance d’aller passer trois semaines dans un camping des gorges du Tarn en compagnie des représentants de ce qu’on appelait autrefois la classe ouvrière. Ah il s’en réjouit à l’avance, l’idée des grands verres de Pastis à l’apéro le fait baver. Et ça ne rate pas, il se retrouve dès le premier jour coincé derrière une petite table de camping en compagnie d’une équipe de joyeux drilles, les occupants de l’emplacement voisin. L’homme qui mène la bacchanale a la main lourde sur le Pastis et sa femme qui est bien ronde et qui manque tragiquement de conversation passe son temps à aller pêcher des glaçons dans la glacière tout en bouffant des olives à la chaîne. Un autre couple participe aux agapes et l’avenir du rock comprend qu’ils sont apparentés. C’est l’heure la plus bruyante du camping. Tous les vacanciers «font l’apéro», comme ils disent. L’avenir du rock comprend au bout de cinq minutes qu’il ne tiendra pas trois semaines dans cet enfer.

    — Une petite rincette, avenir du rock ?

    — Ce n’est pas de refus. Au point où nous en sommes.

    Alors que le jour baisse, le niveau de la bouteille de Pastis baisse aussi. L’avenir du rock sent monter une petite gerbe, il s’excuse, va dégueuler vite fait derrière la caravane de ses hôtes, et revient en s’excusant de cette interruption. La dame ronde lui propose un sopalin pour s’essuyer la bouche. Puis l’hôte fonce dans la caravane et revient avec un litron de Pastis tout neuf. Soucieux du confort intellectuel de son invité, il lui demande, tout en lui servant une énième rasade de coyote, s’il lit des livres.

    — Oh ça dépend.

    L’hôte ne se satisfait pas de cette réponse évasive. Il décide d’investiguer :

    — Connaissez-vous Dashiell Omelette, avenir du rock ?

    — Comme ça, de nom, l’Omelette maltaise, c’est ça ? Mais ce n’est pas ma tasse de thé, voyez-vous.

    — Et Raymond Chandeleur, vous l’connaissez ?

    — Ah oui, j’aime bien Tony Marlow !

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    Bon l’avenir du rock se mélange un peu les crayons. Ce n’est pas parce qu’il est bourré, mais parce qu’il en fait exprès. Il ne sait pas alimenter ce genre de conversation, par contre, il profitera de la moindre occasion pour dire le plus grand bien qu’il pense de Marlow Rider, c’est-à-dire Tony Marlow en trio, et son nouvel album, First Ride.

    Eh oui, quel album ! On les voit tous les trois sur la pochette intérieure, Tony enlooké sixties et encadré du brillant Amine (stand-up) et du non moins brillant Fred Kolinski (beurre). Quand on a vu jouer Amine sur scène, on sait qu’il est fou et qu’il est avec Al Rex (Comets) et James Kirkland (Shadows de Bob Luman) l’un des rois du slap. C’est un bombardeur, un pourvoyeur, un démolisseur, un empêcheur de tourner en rond. Mais avec cet album on va assister à un phénomène surprenant. Ah tu crois que tu vas entendre douze slabs de rockab sauvage ? Non.

    Marlow le marlou ne te prend pas en traître. Sur la pochette intérieure, il déclare : «Mes guides spirituels d’adolescent planent au dessus de ce disque : Jimi Hendrix, Cactus, Peter Green’s Fleetwood Mac, Johnny Winter, Cream, Deep Purple MK II, Rory Gallagher, Paul Kossof et... Johnny Hallyday.» Puis il salue la mémoire de Marc Zermati, «qui ne pourra pas écouter cet album qui lui aurait fait plaisir». Oui, car les ceusses qui ont eu la chance d’entrer chez Marc ont vu cette petite photo de Jimi Hendrix prise lors de son premier set à l’Olympia. Marc adorait raconter le souvenir extraordinaire qu’il conservait de ce show et de la soirée à l’hôtel d’Hendrix qui s’ensuivit.

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    Jimi Hendrix ? Tony Marlow en bourre la dinde de sa B avec trois covers, et c’est d’autant plus gonflé qu’il n’a ni la voix ni les doigts de Jimi Hendrix, mais fuck it, il aime tellement ça qu’il y va et c’est la raison pour laquelle qu’on l’admire : Marlow le marlou est un fan qui s’adresse à des fans. Il ouvre donc son bal de B avec un hommage direct, «Jimi Freedom», c’est un peu maladroit, mais il parvient à retrouver le son qu’avait l’ami Jimi sur «Freedom», le cut d’ouverture de balda sur Cry Of Love, l’album posthume. Fabuleuse performance. Il enchaîne aussi sec avec «Fire», l’un des hits les plus explosifs de l’Experience. Tony a le courage d’aller taper dans l’intapable, hey baby ! Ses deux amis déploient des trésors d’ingéniosité pour recréer la magie de l’intapable hendrixien et wow, ça percute dans la syncope. Il faut les saluer pour cet exploit. Tony part en solo sur un droppin’ blast d’Amine, ils jouent le jeu du breaking à fond et les chœurs sont d’une justesse effarante. Plus loin, ils tapent un «Hey Joe» à la française, sur un tempo plus enlevé. Évidemment, ça réveille de vieux souvenirs. En plus Tony le fait bien, son Jojo. C’est dans cette version qu’on trouve cette élégante expression : «Pourquoi t’as d’la chance plein les doigts ?», remember ?, et il ajoute, comme le fit Jojo en son temps : «En naissant/ T’as marché dans quoâ ?». Ils développent d’incroyables dynamiques d’up-tempo, c’est une merveille, Kolinski tatapoume allègrement et Amine joue balloche. Ces gars-là, mon vieux, ils sont terribles ! S’ensuit une version solide de «Purple Haze». Ses intros hendrixiennes sont toutes parfaites, il les joue rubis sur l’ongle. Il chante du Purple Haze haut perché, à la Johnny, c’est assez réussi et Amine ramène un pounding extrêmement pouf pouf. C’est là qu’il faut saluer Amine, car il sait adapter son jeu. Toujours en B, Tony chante «Sur La Route Du Temps» en français et part sur une espèce de beat anglais qui n’est pas inintéressant. On pense bien sûr à sa référence au Deep Puple MK II, comme il dit. Il termine cette B lourde de conséquences en mode rockab avec «Rowdy». L’une des qualités de cet album et la parfaite maîtrise d’une diversité des genres.

    Mais attention, les coups de génie se planquent de l’autre côté. Marlow le marlou chante «Debout» en français, vite repris par le beat d’Amine. Notre marlou national fait son Johnny avec les genouuux. Il recrée l’accent. C’est vraiment bien qu’il y ait encore des mecs qui veuillent sonner comme leurs idoles. Et boom, ça explose avec «Shut Up». Marlow le marlou passe en mode sixties, monte par dessus sa voix et fond son shut up dans une purée à la Cream. Ces chœurs sont une merveille inespérée et ce marlou de Marlow part en solo liquide. Il connaît toutes les ficelles et franchement, on se régale. Ça monte encore d’un cran avec «Among The Zombies» - walking through the streets of the city - C’est faramineux de rockabilly fever - The traffic is like a raging sea/ Ah ah ! - Il injecte encore un gros shoot de beat rockab dans le son sixties de «Mutual Appréciation». Il réussit là où se vautrèrent jadis les Jack Rabbit Slim : il met le beat de reins rockab au service de la wild énergie des sixties. Il a tout compris.

    Et comme si tout cela ne suffisait pas, l’album de Marlow Rider est un cadeau de Damie Chad, ce qui le rend doublement précieux.

    Signé : Cazengler, Tony marlourd

    Marlow Rider. Fast Ride. Bullit Records 2021

     

    Morrison attelle

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    Si Morrison attelle, c’est parce qu’il joue au polo. Rien à voir avec les Doors. L’homonymie s’arrête là. Il ne faut pas confondre Morrison attelle et Morrison Hotel. D’un côté Jimbo picole et de l’autre, Bryan Morrison polote avec les princes de sang du Royaume Uni. Ce n’est pas le même monde et pourtant, les deux Morrison ont un point commun : le rock.

    Chez Jimbo, le rock est roi, le rock se bouffe aux mythes. Chez Bryan Morrison, le rock est ric et rac. Son autobio ne tient pas la distance. Dommage car ça démarre sur des chapeaux de roues avec les Pretties, Syd Barrett et Marc Bolan pour finir dans le fossé avec «Saturday Night Fever», George Michael, le prêt-à-porter et le polo, un polo qui d’ailleurs finira par avoir sa peau. L’auteur va faire une chute de cheval dont il ne se remettra pas. Son autobio, Have A Cigar! est parue après sa disparition, au terme de deux ans de coma. Destin épouvantable.

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    Un drôle de mélange s’affiche sur la couverture : Pink Floyd, T.Rex, The Jam and George Michael. Il faut se faire violence pour accepter l’idée que ce mélange soit logique. Aux yeux d’un homme d’affaires britannique, il l’est. Après avoir soutenu Ray Charles, Ruth Brown et Professor Longhair, Ahmet Ertegun a lui aussi mal tourné puisqu’il a fini par signer les rois du rock FM, Yes, INXS, Foreigner et Genesis. Ce sont les lois de business. Cette façon de voir les choses ne correspond en rien à celle d’un fan de rock. Pour entrer dans les pages de ce type de livre, il faut savoir accepter la logique d’une pensée différente. Ça peut aller loin, car ça veut dire accepter de voir un homme riche comme Morrison faire étalage de ses goûts pour les toiles des peintres modernes, les voitures de sport, les marques de prêt-à-porter, les parfums qui vont avec et la médiocrité musicale des années 80 dont la meilleure illustration sont les groupes qu’il avait en charge à cette époque, Wham! et Haircut One Hundred. Au début de cet itinéraire qui est celui d’une réussite exceptionnelle, il y a bien sûr un fan, mais la nécessité de générer du profit passe ensuite par d’autres fourches caudines, Claudine.

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    Bryan Morrison trouve sa vocation en février 1957 lorsqu’il voit Bill Haley & The Comets au Dominion Theatre sur Tottenham Court Road. C’est la première tournée anglaise du vieux Bill et aw my God, les Brits n’ont encore jamais vu un bordel pareil ! - His live show hit me like a steam hammer - Le vieux Bill envoie Bryan direct down the ground, surtout quand l’autre fou d’Al Rex se jette sur sa stand-up pour jouer les pieds en l’air. Six ans plus tard, Morrison ressortira l’idée afin de convaincre Vivian Prince de quitter sa batterie pour ramper au sol. C’est ici que naît la tradition du batteur fou des Pretty Things, qu’entretiendra Skip Allan.

    Avec les Pretties, on entre dans le quartier chaud du livre. Un jour de 1963, un certain Dick Taylor vient trouver le brillant Bryan pour lui demander de mettre son groupe à l’affiche d’un concert. Bryan lui demande quel est le nom du groupe. Dick lui répond :

    — «The Pretty Things.

    — The what ?

    — C’est le nom du groupe. The Pretty Things.»

    Coup de cœur ! Love at first sight. Bryan adoooore le nom de ce groupe - I was stuck immediately by the uniqueness of this name. It was totally fresh and original, and I felt a certain inexplicable excitement - La scène se déroule juste avant l’explosion des Beatles avec «She Loves You» - Rock’n’roll was in the air - Bryan sent que tout va changer. C’est l’avènement du swingin’ London - Something magical was about to happen - Il est comme les autres, Andrew Loog Oldham, Joe Boyd, Shel Talmy, Guy Stephens, at the right place at the right time, il arpente gaiement Denmark Street, que tout le monde appelle Tin Pan Alley, et où sont rassemblés tous les éditeurs. Au bout de la rue se trouve Regent Sound, the little studio of the day, mais on peut s’arrêter en chemin à la Gianconda, un café où grenouillent les musiciens, les auteurs et les publishers, un petit monde doré dont Bryan va bientôt faire partie. Il va être publisher/manager, c’est décidé ! Il organise l’un de ses premiers concerts au fameux 100 Club, sur Oxford Street. Comme Joe Boyd, Bryan rappelle que le music biz à cette époque est une jungle pleine d’Ostrogoths et qu’il faut rester sur ses gardes - You had to watch your back in every way.

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    ( Jack Baverstock )

    Bon les Pretty Things c’est bien gentil, mais goddamnit !, il faut un contrat avec une maison de disques. Bryan rencontre l’A&R man de Fontana, Jack Baverstock dans un restaurant. Entre la poire et le cheese, Jack balance sur la table le contrat et lance d’une voix d’outre-tombe : «Get the boys to sign this and we’ll make a record.» Il n’y avait nous dit le débutant Bryan ni négociation ni avance - On a signé pour cinq ans et ce fut la fin de la discussion - C’est parti pour les Pretties, seven gigs a week, screaming girls, les promoteurs et la presse. Comme les Pretties se font vite une sale réputation, les journalistes veulent en croquer. Pour percer, Bryan devine intuitivement qu’il faut créer l’événement, avec du mayhem, c’est-à-dire du chaos. C’est là qu’il demande à Vivian Prince de faire son numéro de batteur fou. Il supplie le groupe de tenter le coup du mayhem. Mayhemez-vous, les gars ! Alors ils essayent et c’est le mayhem ! Puis le riot. C’est l’hystérie en Angleterre. Après «Rosalyn», Bavertock emmène les Pretties en studio enregistrer leur premier album. Mais Vivian Prince est tellement défoncé qu’il vomit sur sa batterie et tombe de son tabouret à deux reprises. Écœuré, Baverstock quitte le studio en claquant la porte et en hurlant qu’il ne peut pas travailler avec ces animaux-là. On fait alors venir Bobby Graham pour produire l’album. Ça tombe à pic car comme il est aussi batteur, il peut remplacer Vivian Prince qui vient de s’écrouler pour la troisième fois et pour de bon. Ce sont les Pretty Things, after all. Pour donner à manger à la presse, Bryan organise l’éviction des Pretties du 13 Chester Street en août 1965 : ça fait la une des tabloïds et des TV news. Sacré Bryan, il bosse comme Tony Secunda, il fait des coups, il magouille. Puis il tente de lancer les Pretties dans le circuit des tournées internationales. Comme il n’arrive pas à les envoyer aux États-Unis, il les envoie en tournée en Nouvelle Zélande avec Sandie Shaw et Eden Kane. C’est la fameuse tournée chaotique à laquelle Ugly Things consacra jadis un fabuleux hors-série, Don’t Bring Me Down Under. C’est là que Vivian Prince s’illustre en jouant le yogi dans les halls d’hôtel, avec dans sa poche un homard mort. Les kids viennent nombreux méditer avec lui, et ça peut durer des heures. Bien sûr, conformément à la théorie du mayhem, chaque concert tourne à l’émeute. Résultat des courses : le parlement néo-zélandais vote le bannissement à vie des Pretties. Aux yeux des fans, c’est le couronnement de leur carrière.

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    Alors après le mayhem, Bryan réfléchit à l’étape suivante. Il sent confusément qu’il faut un hit. Pour lui, ni «Rosalyn» ni «Don’t Bring Me Down» ne sont des hits. Il raisonne en termes de worldwide hit, tu comprends, ce n’est pas la même chose. Il rencontre Donovan à la Giaconda qui lui file une démo de «Tangerine Eyes». Puis le Dylan publisher en Angleterre lui fait écouter «Mr Tambourine Man» qui n’est pas encore devenu le hit que l’on sait. Bryan adooooore cette chanson. Love at first sight. Il essaye de la refourguer aux Pretties qui tirent une méchante gueule. Bryan est persuadé qu’avec «Mr Tambourine Man», ils seront en tête des charts dans le monde entier, mais pour Phil et Dick, c’est absolument hors de question. No way. Ils restent fidèles à Bo. Bryan dit alors sa déception au Dylan publisher qui le réconforte en lui disant que la vie est ainsi faite, parfois ça va bien, parfois ça va mal. D’ailleurs, ajoute-t-il, un groupe américain vient tout juste de reprendre «Mr Tambourine Man». Ah bon ? Bryan demande le nom du groupe. Le Dylan publisher lui répond : «The Byrds». Bryan voit subitement ses derniers espoirs s’envoler, avec les millions de singles qu’il aurait pu vendre dans le monde. Il dit adieu à la chance - We had lost initiative and never got it back - Encore heureux qu’il n’ait pas proposé «No Milk Today» aux Pretties.

    La morale de cette histoire, c’est que les Pretties ont continué à faire de très grands albums sans jamais vendre leur cul. Bizarre que Bryan Morrison n’ait pas compris ça à l’époque. Mais encore une fois, la logique du rocker ne correspond en rien à celle de l’affairiste qui ne vise qu’une seule chose : le profit. Et quand on sait que le profit, le vrai, passe par les grosses ventes, c’est-à-dire le nivellement pas le bas, ça conduit tout droit aux fléaux du XXe siècle que sont la new wave, le rock FM et les méga-stars à la mormoille. D’un côté les puristes s’appauvrissent, de l’autre côté les pommes de terre s’enrichissent. That’s only rock’n’roll.

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    Bryan a la main verte puisqu’après les Pretties, il récupère Syd Barrett et son groupe, le Pink Floyd. Il commence par persuader les managers Peter Jenner et Andrew King de lui confier l’organisation des tournées du groupe dont la réputation grossit beaucoup trop vite. C’est là qu’il arrache le Floyd des mains de Joe Boyd. Il met ensuite le groupe dans les pattes d’EMI. Bryan a réussi à négocier une avance de 5 000 £, ce qui était encore très rare en 1967. Il se dit fasciné par Syd Barrett (mais ça ne va pas durer longtemps) : «Syd était l’un de ces people who seemed to have it all : the looks, the intelligence and, more importantly, the ability to write great songs.» Les difficultés liées à ces bonnes vieilles drugs of choice ne tardent pas à surgir. Syd entre en studio mais refuse de jouer. Alors Bryan déclare : «Syd would have to go.» Et il développe : «Le premier album du groupe, The Piper At The Gates Of Dawn, paraît en août, mais comme Syd est incapable de jouer sur scène ou de participer aux interviews, ça agit sur le moral des autres membres du groupe. Le bassiste Roger Waters qui va devenir le porte-parole du groupe m’annonça qu’il avait trouvé un guitariste pour remplacer Syd. C’est David Gilmour.»

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    Attention, l’histoire ne s’arrête pas là. Syd Barrett disparaît pendant un moment de la circulation. Bryan indique qu’il s’est installé au London Hilton Hotel, sur Park Lane : «Il y avait trois postes de télévision, allumés tous trois, et une douzaine de guitares dispersées au sol. Syd Barrett était devenu une sorte de Howard Hughes du rock et il réglait de faramineuses notes d’hôtel hebdomadaires qui nous faisaient passer pour des pauvres. Il avait gagné beaucoup d’argent et il le dépensait rapidement. Fin 1968, il avait retrouvé la santé et semblait mener une existence normale, même s’il se tapait de temps en temps un petit freak out.» Bryan rôde dans les parages de Syd car il est encore son agent. Il est question d’un album solo, mais c’est loin, très loin, d’être évident. Bryan connaît les chansons que Syd a composées, et il les trouve superbes. Les séances sont compliquées, car Syd chante un couplet puis il s’arrête pour regarder dans le vide - Un jour, il chantait assis sur un tabouret, et au milieu du deuxième couplet, on l’a vu s’endormir. Puis il s’est cassé la gueule, avec le micro et le tabouret. L’incroyable de cette histoire est qu’il ne s’est pas réveillé. Il a dormi là pendant une demi-heure - Puis Syd prend l’habitude de venir voir Bryan dans son bureau pour réclamer des avances sur royalties. Comme il achète des guitares, il a besoin de cash. Un jour, il sonne, Bryan ouvre et il tombe sur Syd qui le fixe bizarrement. Au moment où Syd va lui coller son poing dans la figure, Bryan lui bloque le bras. Alors Syd mord la main de Bryan, mais en vrai, au sang - Stop Syd ! Stop ! - Bryan doit le frapper pour lui faire lâcher prise. Syd tombe en éclatant de rire. The Madcap Laughs - Not a laugh of joy, but an ever-increasing pitch of hysteria - Bryan est complètement scié et sa secrétaire Cora s’évanouit. Syd reviendra une fois au bureau de l’Agency pour demander à Cora si Morrison veut bien le reprendre comme client et redevenir son manager. No way. C’est la dernière fois que Morrison le voit. Il conclut le Syd Chapter en disant ce que tout le monde sait : Syd est allé vivre the happy life à Cambridge.

    La morale de cette histoire ? Syd a fini par échapper à tous ces mecs-là, les agents, les managers, les collègues du groupe qui ne valent guère mieux. Il faut voir ça comme une victoire et non comme une défaite.

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    En 1967, the Bryan Morrison Agency a le vent en poupe : ils sont agents et managers du Pink Floyd, des Pretty Things, de Soft Machine, d’Incredible String Band et de Keith West, un Keith West qui invite un jour Bryan à déjeuner pour lui annoncer qu’il le vire. Fired ! Quand Bryan demande pourquoi il est viré comme un chien, Keith West répond : «You’re useless. My records never made number one.» Puis arrive ce qui doit arriver : «En très peu de temps, il s’est retrouvé avec un hit sur les bras, mais pas de travail. Je m’empresse d’ajouter que je n’étais pas vraiment traumatisé par sa décision de me virer. His next record was a flop and he never had another hit.» C’est le destin des artistes qui ne sont pas correctement managés : ils vont droit à la fosse. L’Angleterre est la plus grande fosse commune de l’histoire du rock.

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    Bryan devient aussi l’agent/publisher de Marc Bolan - Faire connaître des groupes comme Tyrannosaurus Rex et le Pink Floyd, c’était extrêmement difficile, to say the least. Les médias ne s’intéressaient pas encore aux groupes underground. Pendant les deux années suivantes, j’ai essayé en vain de faire passer les chansons de Bolan à la radio, mais je me suis chaque fois heurté à des refus. La seule exception fut John Peel. Sur Top Gear, il passait les disques des gens qu’il appréciait et plus particulièrement Tyrannosaurus Rex. Bon nombre de groupes de cette époque doivent leur succès à John Peel - Puis le succès arrive et Bolan s’entoure d’une cour - And the court of king Bolan was created. From here on in, Marc engulfed himself in the Presley style of omnipotence. C’est ce qui a conduit Marc à la faillite, non pas à cause de sa musique, mais à cause des conseils financiers qu’on lui donnait - Après Syd, Bryan perd donc Marc.

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    Un jour, Bryan raconte qu’il va trouver Chris Blackwell chez Island pour lui emprunter 3 000 £ dont il a besoin pour empêcher la saisie de sa maison. Blackwell ne dit pas non, mais en échange, il demande l’un des groupes signés par l’Agency. Il veut le groupe que Bryan vient tout de juste de signer : Free. Bryan lui répond : «Plutôt crever.» Alors Blackwell lui dit qu’il ne peut pas l’aider, mais il insiste : «Free n’a pas encore signé de contrat avec une maison de disques, alors signez-les avec moi, cédez-moi les droits du groupe et je vous donne l’argent dont vous avez besoin.» Bryan résiste. Il oppose un no-no. Pas question de céder les droits. Un publisher ne cède jamais les droits. Never. Puis il se casse. Quatre jours plus tard, voyant la menace d’une saisie se préciser, il appelle Blackwell pour dire qu’il accepte de céder - I was sick as a dog - C’est ainsi que Free est arrivé sur Island. Au terme d’une discussion de chiffonniers.

    En 1969, Bryan en a marre de toutes ces conneries, et il décide de revendre son Agency à NEMS, une société montée par Brian Epstein pour manager les Beatles, Cilla Black, Gerry & The Pacemakers et d’autres. À l’intérieur de NEMS, il va continuer de bosser comme agent, mais ce n’est plus lui qui prend les risques financiers.

    Forcément, Bryan Morrison croise aussi des gens de la pègre londonienne. Pas de Swingin’ London sans la pègre. Il n’a pas affaire aux jumeaux Kray mais aux Dixon Brothers qu’il rencontre dans un pub de l’East End pour leur demander un service, mais quand il entend parler des moyens envisagés, il abandonne et se carapate aussi vite qu’il le peut. Bien sûr, les Dixon Brothers se pointent quelques temps après à l’adresse de l’Agency pour demander du cash à Bryan, oh pas grand chose, 150 £, et ils promettent de s’en aller. Bryan commence par dire non puis il finit par comprendre qu’il vaut mieux payer. Il a encore besoin de ses deux jambes et de ses deux bras.

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    Les années passent et en 1976, Bryan reçoit un coup de fil d’un certain Malcolm McLaren : «On ne se connaît pas, Bryan, mais je connais votre parcours dans le music business, et votre goût de l’avant-garde et de la new wave. Une nouvelle vague arrive et je suis le manager du best band in the world.» Bryan lui demande quel est le nom du groupe et McLaren lui répond : «The Sex Pistols.» Ah ah, comme c’est intéressant. Bryan dresse alors un parallèle entre Brian Epstein et McLaren, un McLaren qui propose à Bryan de bosser avec lui, et pour le convaincre, il l’invite à venir voir jouer les Sex Pistols. Le 23 avril 1976, Bryan débarque au Nashville Rooms. Chapitre pénible. Il se dit impressionné par l’énergie du groupe, jusqu’au moment où Johnny Rotten fait le con avec le salut nazi et les slogans qui vont avec. Pour Bryan Morrison, c’est rédhibitoire. Hop, terminé. Au fond, il n’était pas aussi intéressé qu’il le prétend. La preuve ? Quelques pages plus loin, il fait l’apologie de George Michael.

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    C’est à peu près tout ce qu’on peut dire de ce recueil de souvenirs. Les épisodes ne sont que des épisodes, after all. Les maniérismes de Bryan Morrison constituent probablement la vraie richesse de ce book. Pour qui aime lire la langue anglaise bien écrite, certaines formules méritent l’effort citatif, tiens comme celle-ci : «Je reçus un appel de Vic Lewis, asking me to pop up to see him in his luxuriously appointed office on the first floor of Hill Street. I sat down and was poured the ever-ready cup of tea in a fine bone china teacup. Vic was always pedantic about being surrounded by and using the best.» On entend presque sa voix et on sent bien sûr l’odeur du cigare. Cette façon de décrire une ambiance est typiquement anglaise, mais on est là dans une Angleterre tout de même un peu huppée, n’est-ce pas ? Plus loin, il décrit son patrimoine de parvenu distingué : «By 1970, in spite of my apparent disdain for money, I seemed to be enjoying its fruits, with a beautiful Grade II-listed, sixteenth-century manor house in Oxted, Surrey, and a pied-à-terre in London with all the various accoutrements. The only thing that I needed to complete the picture was a wife and family.» Alors évidemment, tout lecteur d’Oscar Wilde en version originale sera troublé par l’insidieuse proximité des styles, par cette parenté d’élocution. Alors Bryan Wilde va rencontrer the wife : «Elle s’appelait Greta van Rantwyk and after about three months of manoeuvring we had dinner in a restaurant in Beauchamp Place. Everything was set for the birth of one of those great eternal love stories - the candles, the food, the wine. Everything was perfect, or was it ?» Il fait un petit saut de ligne pour relancer l’irrémédiable Oscarisation des choses : «There was one small detail that I hadn’t counted on - It seemed she wasn’t too keen on me - (Bryan suppute qu’il ne lui plaît pas) - Later I was to discover that she felt I was too flash. My black leather clothing, zip-up jacket and tight-fitting trousers, plus the black Aston Martin DB7 sitting by the front door were simply too much. She was probably right; I was a bit flash.» Et puis pour finir, Bryan raconte ses démêlés avec un couturier anglais, une association financière qui se termine en eau de boudin : «It took me quite some time to persuade him that principle came before profit - pour Bryan, les principes d’abord, le profit ensuite - Something I think that he never understood. As the years go by, I feel that less and less people understand this, a sad indictment of the world we live in.» Comme bon nombre d’entre-nous, Bryan Morrison n’aime pas trop l’époque dans laquelle il vit.

    Signé : Cazengler, Bryan Saucisson

    Bryan Morrison. Have A Cigar!: The Memoir Of The Man Behind Pink Floyd, T. Rex, The Jam and George Michael. Quiller Publishing Ltd 2019

     

    Cosmic trip

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    Les Cosmic Psychos étaient déjà là dans les early eighties, et ils continuent aujourd’hui de foncer tout droit dans leur bush. Ce trio est un cas à part, mais aussi l’un des phares de l’underground. Quelle que soit l’époque où on entre dans leur histoire musicale, c’est intéressant. Bien sûr, une certaine frange de la population va les traiter de bourrins, mais ça ne gêne pas les Cosmic. Ça les amuse. Ils en font un jeu, avec les tâches de bière et les dents pourries. À une époque, il fallait choisir entre Michael Jackson et les Cosmic Psychos, alors le choix était vite fait. C’mon down !

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    La principale caractéristique des Cosmic Psychos, c’est le tout-droit. Ils foncent tout droit. Leur premier EP Down On The Farm paraît en 1985. Ils sont trois, Ross Knight (bass vocals), Bill Walsh (drums) et le guitariste Peter Jones qui amène «Custom Credit» au riff de la menace. C’est excellent et assez hypno. Basses avant toutes avec un filet de bave psyché dans le fond du son. Quant au beurre, il reste fluet. En fait, ils dépotent un petit gaga-punk qui avance comme un rouleau compresseur. C’est leur marque. Ils n’ont que ce son-là et ils l’exploitent à gogo. Ils font donc toujours un peu le même cut, yeah yeah, avec le même son caverneux et cette petite purée en fond de déco trash. Ils atteignent rapidement leurs limites. Le meilleur cut de l’EP est sans doute «Gangrene Dream» en B : ils mettent un discours d’Hitler en musique. C’est le plus trash des trucs.

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    Leur premier album sans titre Cosmic Psychos date de 1987. Dès «Decadence», on est dans le bain d’un punk-rock hypnotique. La basse rôde dans le ciel comme un gros ptérodactyle. Ils sont parfaits dans leur rôle de punksters monolithiques. Ils foncent dans le bush et la basse de Ross Knight hante le son. Bill Walsh bat «No Complications» bien tribal, mais avec de spectaculaires descentes de roulements. Ces mecs sont inclassables, ils montent sur les coups comme d’autres montent sur les braquos. On est ravi de l’excellente qualité du son et du beat. Ils tentent le diable en B avec un heavy «Jellyfish», ils honorent à leur façon le heavy blues rock des seventies. Et paf, ça repart de plus belle avec «Can’t Come In», ils foncent tout droit, c’est tout ce qu’ils savent faire. Avec eux, Punk’s not dead.

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    Leur deuxième album s’appelle Go The Hack. Ils posent au crépuscule sur un bulldozer, ce qui colle bien à leur image d’Aussie gaga-punks. Et pouf ! Ils foncent tout droit dès «Lost Cause». Ils adorent foncer tout droit, alors ils foncent tout droit. Avec «She’s Cracking Up», ils font un excellent numéro de power trio. Leur son est un mélange brutal de droit devant et de marteau pilon, arrosé de chœurs de cracking up. Quand on écoute «Out Of The Band», on pense bien sûr aux Ramones. Même sens de la scie. Ils emmènent encore leur gaga-punk à fière allure en B avec «Pub». Même lorsqu’ils passent en mid-tempo, ils restent dans la tempérance de bonne mesure, avec de la cisaille et du bon beat métronomique. Ils scandent le BIT de «Back In Town» à qui mieux mieux, ça prend des allures d’hymne sur un beau tempo à la Ramones. Bon bref, tout ça reste très longiligne. Ils terminent avec le morceau titre qui sonne comme un punk anglais, avec un solo de trash-wah. De toute façon, c’est excellent.

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    Paru en 1990, Slave To The Crave est un album live at the Palace. Départ en trombe avec l’excellent «Decadence». Ross mène le bal à la basse fuzz. Il parle avec l’accent cockney aussie, c’est un vieux barboteur. Les deux bombes sont «Quarter To Three» et «Stink». Ah ces giclées de wah ! Ils savent créer les conditions de l’embrasement. Rien de plus rougeoyant qu’une giclée de wah sur fond de beat hypno. Bill Walsh drumbeate «Stink» à la folie Méricourt. Quelle violente giclée de manhood ! Ils sont relentless, comme on dit en Angleterre. Ils sont quasi-anglais dans l’approche du punk-rock, quasi Johnny Moped. Bush not dead ! Ils se mettent en colère en B avec «David Lee Roth» - Suck me off ! - On ne les changera pas.

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    Encore une belle gamelle de punk and fuck avec Blokes You Can Trust sorti sur Amphetamine Records en 1991. Ils restent fidèles à leur mad frenzy, le genre battu à la diable par Bill Walsh, et bien sûr l’autre dingue est toujours là, le Robbie Watts, avec sa chemise à carreaux. Robbie va loin dans la démesure, c’est pour ça qu’on l’aime bien. Ces mecs font leur truc dans leur coin, il ne faut pas les déranger. Tiens, voilà «Dead Roo», punk-rock relentless avec un Robbie en maraude. Ce mec est le roi des somptueuses giclées de sperme sonique. Ces trois mecs sortis du bush jouent leur truc à la vie à la mort. Alors bien sûr, certains diront que Ross Knight chante mal et toi tu leur répondras : vas-y, prends le micro et chante ! Pas facile de faire du Psycho. D’une certaine manière, c’est du grand art. Robbie Watts fait le gros du boulot, il organise les fleuves de lave, il veille à tirer ses notes et part en vrille à point nommé. C’est un bonheur que d’entendre ce mec jouer de la guitare. Il est un peu comme Fast Eddie, always on the run. Pas de surprise avec un titre comme «Hooray Fuck». Cho-cho hooray ! Ils sont dans l’énergie renouvelable, ils n’arrêtent jamais et Robbie part en vrille assassine à la Ron Asheton. Ils s’entendent tous les trois comme larrons en foire. Qui saura dire l’excellence de la Psychomania ? Voilà «Never Grow Old», véritable déclaration d’intention et Robbie Wallts nous fracasse ça d’entrée de jeu. Ça devient vite infernal, bien pulsé par ce batteur fou qu’est Bill Walsh. On entend même Robbie claquer des chorus fantômes dans les interstices. Ces mecs ne s’ennuient jamais et nous non plus. Robbie joue comme un conquérant et ce fou de Walsh bat tout ce qu’il peut battre, il est comme une loco, celle de Jean Gabin qui fonce la nuit vers le Havre, à grands renforts de roulement intestins.

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    C’est avec Palomino Pizza paru en 1993 et produit par Mike Mariconda à Melbourne que les Psychos déploient leurs ailes. Il foncent tout droit dès «Rain Gauge» et développent un power à la Motörhead. Ils font de l’ultra-rock, comme Lemmy. Ils sont hallucinants de tout-droitisme, ils filent sur le fil, pied au plancher. On les voit plus loin faire décoller le gros bolide de «GOD». Le cut devient passionnant car des événements surviennent sur le tard, notamment la wah de Robbie Watts, c’est même une wah phénoménale, on assiste à une élongation du domaine de la turlutte, ces trois mecs sont puissants, peu de gens sont capables de mener un tel train d’enfer en maintenant l’intérêt en éveil. Thanx Mariconda for this one. Bill Walsh vole le show dans «Champagne Sunday», ce batteur fou bat ça à la savage punk. Les Psychos développent encore une énergie punkoïde dans «Shut Up». Ces mecs n’arrêtent jamais, ô grand jamais, ils savent couler un bronze fumant. Ils se situent dans une certaine énormité. Ils terminent avec un «Shove» allumé aux renvois de chœurs, sous un gratin de heavy Cosmic. Bizarrement, ce cut ne figure pas sur la track-list de l’album. Il faut savoir qu’il existe et qu’il est bon.

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    Les Psychos passent au pur blast avec Self Totalled paru en 1995. Tu prends «Bullet» en pleine poire, t’es baffé direct par le bass blow, les amplis vibrent, les Psychos jouent à la sature extrême et c’est bienvenu. Leur blast rivalise de deafening avec celui de Motörhead, ils jouent comme des diables et explosent la rondelle des annales. Seuls les Australiens sont capables d’une telle violence sexuelle. Prod exceptionnelle. Le mec a su garder le vibré des baffles, l’essence même du rock. Là, tu as tout, le drum et la voix en peu derrière et le pulsatif devant. Chez eux tout est ramoné à la ramonade, ils nous font le coup de la logorrhée de heavy bassmatic. Sur cet album, Ross Knight s’appelle Slapper Jackson et Robbie Watts devient Fess Parker. Nouvelle explosion avec «The Man Who Drank Too Much». Pur blast, Bill Walsh volerait presque le show. Oh ils font aussi du gaga-punk avec «Bad Day» et redorent le blason d’un vieux mythe, celui du power trio. Walsh bat ça à la dure. Il est monstrueux. C’est dingue ce qu’il développe. On ne croise pas tellement de groupes capables de développer un tel power. Les Psychos sont un phénomène. C’est l’un des pires albums de blast qu’on puisse écouter ici bas. Leur folie flirte avec le génie, il y a de la stoogerie dans leur côté destroy. Stupéfiant ! Encore une crise de folie Méricourt avec «Thank Your Mother For The Rabbits». On reste avec ça dans la stupéfiante violence de la puissance sonique. Ces trois mecs valent n’importe quelle armée, ils se situent au-delà de tout et l’autre, là, qui part en vrille de wah ! Il va d’ailleurs ravager le «Neighbours» d’après. Ces mecs jouent tout à bride abattue. On croise plus loin un «Almost Home» bien déflagré, bardé de grosse saucisse d’aussie blast et Robbie Watts ne rate pas une occasion de passer un killer solo flash. Diable, comme ce mec peut être bon. Il incarnerait presque la rectitude. Bon batteur, bon guitariste, bonne voix, les Psychos ont tout l’apanage en magasin. Ils foncent ventre à terre dans leur heavy psychotic bush - I couldn’t give a fuck - claque Ross Knight dans «Come On». Il a raison, rien a foutre, claque ton bush, Ross, don’t give a fuck. C’est avec cet album qu’on prend vraiment les Psychos au sérieux, au moins autant que Motörhead.

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    Ils nous tapent une petite pochette à la Dwarves pour Oh What A Lovely Pie. Les photos à l’intérieur du trois volets ne te seront d’aucun secours. Les filles sont à poil, mais pas comme chez les Dwarves. L’album sort en 1997 et on l’accueille à bras ouverts. Ils démarrent avec un «Can’t Keep A Good Man Down» heavy on the brawl. C’est du Psychos de la pire engeance, du demented are go surmonté au win it over, chanté à la rascasse et percuté de plein fouet par un solo de wah. En gros, ils bardent à l’excès. Avec «Hammer», «Guns Away», «Moll» et «Breathless», on peut parler de génie. Leur son est une marée montante, les coups de wah aplatissent l’occident, Robbie Watts flashe sa purge en permanence, pure bush genius. Ils balayent les frontières avec «Guns Away», le solo prend feu, ils rivalisent d’audace avec les Stooges, tout est arrosé de wah en feu, c’est du trash killer wah, ça bat à la vie à la mort et la basse fuzz fait l’interface. «Moll» monte encore d’un cran, comme si c’était possible. Ici, le power enfile le génie qui adore se faire enfiler. On voit le chant tituber dans l’écho des riffs. Les Psychos deviennent des géants. Impossible d’imaginer une pire équipe et une pire maîtrise. Ils restent dans l’extrême punk-out avec «Breathless». No way out, on les suivrait jusqu’en enfer. Et ça continue comme ça jusqu’au bout de la nuit, dégelée après dégelée, ils s’arrangent pour nous maintenir en éveil comateux, avec des cuts visités par des vents mauvais. «Creepin’» sonne comme une stoogerie. Leur «Super Vixen» va encore bien au-delà des Ramones et des Aussies. Ils sont dans un power trip et c’est passionnant. Ils font le punk’s not dead à eux tout seuls, ils l’éclatent au qui mieux mieux et bien sûr Robbie Watts passe un solo killer flash histoire de raviver les braises, le Vixen put a spell on me bascule dans la magie cosmique, on les vénère pour cette constance de la prestance et si tu veux entendre le pilon des forges, il est dans «Chainsaw».

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    Le molosse qui gronde sur la pochette de Dung Australia annonce bien la couleur. Pas de pires Demolition Doll Lads que les Psychos. On se fait immédiatement sauter à la gueule par «If You Want To Get Out Of It». Merveilleuse violence, c’est un bienfait pour la rate, ils aplatissent tout sur leur passage, avec en queue de cortège l’inévitable solo en flammes de John Mad Macca McKeering, le remplaçant du pauvre Robbie Watts qui vient de casser sa pipe en bois. Rassure-toi Mad Macca est aussi psychoïde que Robbie Watts. Ils atteignent avec cet album une espèce de maîtrise du son absolutiste. Ross Knight explose tout au chant. Un certain Keiran Clancy amène le renfort d’une deuxième guitare et Dean Muller a remplacé Bill Walsh au beurre. Les Psychos restent dans leur délire extrémiste. Ils défoncent «20 Pot Screamer» à la pure dementia, ils labourent les côtes du son, c’est tout ce qui les intéresse. Ils ont tellement de son qu’on s’en effare, les rasades de killer solos ne servent qu’à détruire et on tombe plus loin sur un «Miss Me» explosé d’entrée de jeu, ces mecs sont d’épouvantables monsters, ils battent tous les records de lourdeur et de verdeur. Ça bat tellement que le son chevrote. Existe-t-il pire force de frappe sur cette terre ? Non. Ça démolit dans la démolition, les flammes du solo coulent dans le courant du fleuve, ils jouent le beat des soudards, ils sont à la fois excellents et impitoyables, leur maîtrise dépasse un peu la capacité des mots. Certains cuts sont plus classiques, mais tout est bourré de son jusqu’à la gueule, comme on le dit d’un canon de flibuste. Ils attaquent «Follow Me Home» à la belle avoine, ils créent de la joie et de la bonne humeur au cœur des enfers, tout est énorme ici, et l’autre fou n’en finit plus de tapisser les murs de giclées de wah. Ils finiraient presque par devenir trop énormes et par nous donner la nausée, mais en même temps, ils jouent l’un des meilleurs rocks de l’histoire du rock. «Bee Sting» sonne comme du gaga punk supérieur, claqué du beignet dans l’absolutisme défenestré. Les guitares dévorent tout. «Dollar Each Way» vaut pour l’une des plus belles coulées d’heavyness d’Australie et «Skirt Lifter» pue le cramé de wah. Ah quels diables ignobles ! Leur démesure finit par foutre la trouille. One two three, hommage aux Ramones avec «Anarchy In Boondall». Ils rockent ça à la vie à la mort, c’est bourré de vie, de gratté de grattes et de chant à la bonne franquette.

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    En 2011 paraît Glorius Barsteds. Ils gagnent toujours en power, battle punk forever. «Hate Drunkenness Vandalism Demolition» sent bon la démesure tribale. Et dans «Hoon», le solo prend feu. Comme d’habitude, tout est extraordinairement bardé de son. John McKeering démolit «Bull At A Gate» qui ouvre le bal de la B. Il s’amuse à rentrer dans le lard des cuts au moment le plus opportun. Il continue de faire sauter la B avec «3rd Strike». McKeering visite ça en profondeur. Il crée une source de jouvence permanente et l’album devient mirobolant. McKeering est partout, on le voit surgir dans «Nude Shellas On Motorbikes Drinking Beer» et ça reste puissant jusqu’au bout de la nuit. Ils finissent avec un «Wake Up Rocket» fantastiquement heavy.

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    Hooray Fuck - Live At The Tote qui s’appelle aussi I Love My Tractor pourrait bien être le meilleur album des Psychos. C’est un live. La pochette d’Hooray reste sur l’esthétique des premières pochettes, avec le beau ciel bleu derrière les Psychos, mais la pochette de Tractor est marrante, car on voit trois mecs se rouler par terre devant la petite scène où jouent ces démons de Psychos. Là dessus, tout est bon, il n’y a rien à jeter. Ils démarrent avec un «Pub» dévastateur, Dean Muller bat ça à la vie à la mort et Ross Knight gueule comme un con. Big heavy Cosmic blast ! Ils font du high energy atmospherix à trois, ils balancent une vraie dégelée de no way out, à la Cosmic ultraïque. Mad Macca est un dieu de la wah. Alors si tu aimes la basse fuzz, il te faut écouter «Nice Day To Go To The Pub». Mad Macca prend feu, une fois de plus, ça blaste all over et ça wahte par dessus la basse fuzz, et bien sûr ce démon de Ross is on fire. Et ça continue de cavaler à travers la plaine avec «Mortician», ces mecs n’en finissent plus de redorer le blason du blast, mais un blast en surchauffe, cramé de l’intérieur. On les voit repartir aussi sec à chaque fois pour une autre dégelée, et le gros arrose tout de wah brûlante. Avec «I’m Up You’re Out», Ross fait du heavy punk aussie. Il est magnifique de screaming, il prend tout en frontal. C’est dingue comme ces mecs savent tenir la distance. Chaque cut est pulsé dans le ventre du rock. Leur passion pour le bulldozer prend ici tout son sens. Leur violence ricoche dans le son, c’est en tous les cas ce que montre «Dead In A Ditch». Ils sont dans l’expression de la violence salvatrice. Il n’existe pas grand chose au dessus des Psychos. Encore une belle envolée avec «Quater To Three». Ils savent très bien ce qu’ils font. This is the real blast, my friend. Les accords rayonnent dans la chaleur du blast. Ces trois mecs ont tout : l’aussie, la wah et le hard beat. Quel bonheur de voir cette wah tout dévorer. Chaque cut sonne comme une invasion. Ils cherchent chaque fois le maximalisme de la violence sonique et parviennent à la maîtriser pour en faire une sorte d’anti-art. «Go The Hack» sonne comme un pandémonium, c’est un blast à toute épreuve qui date du temps de leurs débuts. Retour de la basse fuzz avec «20 Pot Screamer», ils syncopent leur beat et ils deviennent complètement fous avec «Back In Town». Ils vont très vite en besogne et ça devient incontrôlable, Dean Muller remet tout ça au carré. Mais on sent bien qu’ils sont irrécupérables, on voit bien avec «Lost Cause» qu’ils ont du mal à s’arrêter. Ils font plaisir à voir. Ils restent les tenants du titre, blasters forever. C’est sans doute leur tenue de route qui impressionne le plus. Ils font un «David Lee Roth» punk as hell, c’est le blast définitif, touch me out !, et ils bouclent avec «Hooray Fuck», c’mon cunt ! Ah les fous !

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    Si on fait l’effort de rapatrier ce gros picture-disc qu’est Cum The Raw Prawn, on sera bien récompensé. Les Psychos s’améliorent en vieillissant et gagnent en véracité combinatoire. Pour preuve, voici «Bum For Grubs», une belle giclée de Cosmic trippe, ça wahte dans tous les coins, ils sont exceptionnels. Ils mènent le power à la trique et McKeering wahte comme un beau diable, Il fout le feu quand il veut. Ils atteignent une sorte de maturité avec «Come And Get Some» et leur aisance à driver un beat les préserve de toute critique. Ah quelles belles vagues de wah ! Ils ne sont pas près de se calmer. En B, ils terminent leur morceau titre à coups de fuck you et de fuck yourself. Ils développent encore un potentiel d’acier avec «Ack-Ack» et la wah expiatoire de McKeering vient lécher les bollocks du Cosmic beat, elle se répand dans l’air comme un vent de flammes. Pour finir en beauté, ils explosent en plein vol avec «Didn’t Wanna Love Me», une énorme dose de Cosmic blow.

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    Leur dernier album en date s’appelle Loudmouth Soup. Il date de 2018. Curieusement, il n’est pas aussi intense que certains de leurs albums précédents. Ils transforment «100 Cans Of Beer» en bulldozer sonique, c’est-à-dire en heavyness incommensurable et il faut attendre «Moon Over Victoria» pour refrétiller, car John McKeering joue les accords des Stooges. Les Psychos restent dans le décorum du fucking hell avec le fuzzed-out bass sound de «Mean» et là, mon coco, tu vas entendre McKeering passer l’un de ces killer solos dont il a le secret. Et puis arrive le cut mythique par excellence : «To Dumb To Die» qui est en fait un hommage à Roky Erickson, car c’est «Two Headed Dog» revu et corrigé par les Psychos. Ils se situent d’emblée au firmament de l’underground universel - I’m too dumb to die/ I don’t know why I’m too dumb to die - Roky doit se marrer dans sa tombe. Retour des cavalcades infernales avec «Rat On The Mat». On assiste à l’explosion d’un power trio. Quelle équipe ! Ils font sauter tous les vieux concepts et Ross Knight se tape un final au finish à l’anglaise, aw, hell ! Ils bouclent Loudmouth Soup en allant vers le fleuve avec «Last Stand». On est bien content de les accompagner, même s’ils nous font parfois des tours pendables.

    Signé : Cazengler, Comique Psycho

    Cosmic Psychos. Down On The Farm. Mr. Spaceman 1985

    Cosmic Psychos. Cosmic Psychos. Mr. Spaceman 1987

    Cosmic Psychos. Go The Hack. Survival 1989

    Cosmic Psychos. Slave To The Crave. Rattlesnake Records 1990

    Cosmic Psychos. Blokes You Can Trust. Amphetamine Records 1991

    Cosmic Psychos. Palomino Pizza. City Slang 1993

    Cosmic Psychos. Self Totalled. Amphetamine Reptile Records 1995

    Cosmic Psychos. Oh What A Lovely Pie. Shagpile 1997

    Cosmic Psychos. Dung Australia. Timberyard Records 2007

    Cosmic Psychos. Glorius Barsteds. Missing Link 2011

    Cosmic Psychos. Hooray Fuck - Live At The Tote. Cobra Snake Necktie Records 2011

    Cosmic Psychos. Cum The Raw Prawn. Desperate Records 2015

    Cosmic Psychos. Loudmouth Soup. Go The Hack Records 2018

     

    Inside the goldmine

    - De l’Adorabilité des choses

     

    Oui, ça devait être ça, Porte d’Aubervilliers ou de la Chapelle. C’est là qu’elle tapinait. Elle arrivait vers 1 h du matin. Elle annonçait le tarif, ok, et elle montait à bord. Tiens tu vas par là, c’est tranquille. Elle avait deux dents cassées, devant. C’est la première chose qu’il remarqua. Elle devait avoir tout au plus trente/trente-cinq ans. Cheveux longs, châtain clair, un peu ronde. Mais diable, comme elle suçait bien. Elle y mettait tout le tact dont peut rêver un homme. On pouvait même en déduire qu’elle devait aimer ça. Très rare dans ce circuit où la pipe se fait généralement sans âme ni état d’âme. La pute est contente, elle a ramassé son billet, le mec s’est vidé les couilles, il peut rentrer dormir chez lui. Il fut tellement ravi qu’il y retourna la nuit suivante. Personne. Elle devait être victime de son savoir-faire, ça paraissait évident. Alors il remonta les Maréchaux vers le Nord et fit demi-tour une demi-heure plus tard. Elle était là. Ils nouèrent cette nuit-là une espèce de relation. Il revint la retrouver quasiment chaque nuit pendant quatre mois, le plus souvent dans l’hôtel où elle vivait, vers la Porte d’Auber. Ils dépêchaient longtemps une vague besogne, puis quittaient l’hôtel pour aller vers la rue Myrha. Elle devait se ravitailler car elle tournait au crack, bien sûr. Ils allaient ensuite dans un mini-market ouvert toute la nuit acheter un doseur de Ricard et filaient aussi sec dans un hôtel de Stalingrad procéder au rituel. Elle partageait tout, sa vie, son crack, son corps et l’extrême misère de sa condition. «T’es adorable, mon cœur», disait-elle, avec un léger accent. Il repartait au lever du soleil pour aller bosser, fier d’avoir goûté aux saveurs du trash suprême, ce qu’il appelait l’Adorabilité des choses. Alors que l’énergie bouillonnait en lui et livrait un combat sans merci à la fatigue, il allait retrouver sa bagnole, s’émerveillant à chaque pas de l’immense saleté des rues, le long du métro aérien. Valsait en lui l’Adorabilité des choses. Jusqu’au vertige.

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    Elle aurait pu dire d’Adorable qu’ils étaient adorables. Le premier album de ce groupe anglais date de 1995 et s’appelle Against Perfection. Le chanteur s’appelle Piotr Fijalkowski, il est polonais.

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    Dès «Favourite Fallen Idol», he makes it. C’est violent, side by side, il dégringole dans les vapes du génie vocal, ah les Psychedelic Furs devraient prendre des notes. Piotr tombe, aw aw. C’est un fantastique artiste. Avec «A To Fade In», il fracasse tout, il transforme la Brit Pop en apocalypse now, il multiplie les douches froides d’exception. Le génie est dans la course comme il est dans la cause. Ce Polak à moitié viking ravage les côtes de «Homeboy», aw comme il chante bien, you’re so beautiful. Il faut voir l’«Homeboy» éclore en bouquets d’artifice. Comme ce Piotr est un singer exceptionnel, tous les cuts prennent de sacrées tournures, les montées flambent, ils jouent à deux guitares. Nouvelle splendeur catatonique avec «Cut # 2». Piotr a autant de power que Lou Reed ou Peter Perrett, mais avec un truc en plus, un truc en plume, un truc à lui, une couleur de timbre qui rend sa présence immanente. Ces adorables Brit-popsters lèvent des vagues dans leur pop et Piotr met un point d’honneur à exploser chaque fin de cut. Ils font aussi du wall of sound («Crash Sight») et bouclent cet infernal bouclard avec «Breathless», une chanson d’amour chargée d’un désespoir de main tendue, Piotr chante au tranchant d’effarence, il crée les conditions du fall out, sa voix porte au loin, il touche les cordes raides, il atteint les ports, il touche tellement au but qu’on voit le but. C’est l’une des voix de notre époque. Ce mec a la Melancholia de Dürer gravée dans sa cuirasse. I love you !

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    Leur deuxième et hélas ultime album d’Adorable s’appelle Fake. Il vaut peut-être mieux commencer par écouter «Road Movie» que Piotr plie en quatre avec un fatalisme typiquement polonais, puis il s’exprime au grand jour et à pleine poitrine, alors tout bascule dans l’ampleur shakespearienne de la tempête. L’autre point fort de Fake est le «Feed Me» d’ouverture de bal, un Feed Me éclairé aux accords malovelants et ça donne une pop teigneuse et belle, brune et sensuelle - She falls ever so/ Ever so soft/ So soft - et ça éclate au Sénégal avec la copine de cheval. Avec Piotr, la messe est dite en permanence. Messieurs les Furs, rangez vos fears, personne ne peut égaler le Polak au petit jeu du power surge atmosphérique. Il monte vite au vent de la vague. Il est magnifique et tellement désintéressé. Une présence qui n’en finit plus d’être présente, c’est la force de cet adorable Polak. Mais Fake est nettement moins dense que son prédécesseur. Les submarines ne sont pas aussi glorieux que ceux de Captain Sensible. Il semble même que ce géant se noie dans un son à la mode. Avec «Lettergo», Adorable sonne comme une fiotte éplorée sans port d’attache. Fake se tire une balle dans le pied. Mais la basse fuzz vole au secours de «Kangaroo Court» et le radeau de la méduse reprend sa course, avec un Polak en figure de proue. Les pronostics les donnaient perdants et voilà que le radeau file à présent vingt nœuds. Il file droit sur l’horizon que scrute Piotr alors qu’un matelot affamé commence à lui dévorer un mollet. «Go Easy On Her» s’ouvre sur des arpèges magiques, une véritable invitation à l’Adorabilité des choses, mais ça peine un peu à jouir, même si Piotr bande ses muscles pour tenter de hisser ce boulet jusqu’au sommet.

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    Quelques années plus tard, le Polak monte Polak à Brighton avec son frangin Krzys et trois autres petits mecs du coin. Ils enregistrent deux album. Le premier s’appelle Swansongs et vaut le déplacement, sacrément le déplacement. Piotr ne traîne pas au coin du bois mais au coin du son, il est tout de suite présent. Mille fois plus présent que ne le sera jamais Nick Cave. Eh oui, c’est malheureux à dire, mais c’est la réalité. Piotr impose une ambiance, comme savent le faire Owen McCarty et Mark Lanegan. Pour lancer «Tracer», il ouvre la bras, venez mes amis, je chante pour vous. Il est très bon, peut-être même trop bon. Trop d’intégrité ? Il est aussi juste et profond que Mark Lanegan. Pas de demi-mesure, il chante à l’absolu du chant, il brûle en profondeur et quand les guitares arrivent, il fait monter la sauce, il racle son chant aux parois de l’abandon. Il enchaîne avec un autre cut faramineux, «Nobody’s Cowboy Song», amené au merveilleux hook de guitar slinging. Il entre dedans comme dans du beurre, c’est un spécialiste, un fabuleux groover, il sait de quoi il parle, c’est ouvert sur le ciel, complètement ouvert, my friend, I’ll stay alive my friend, avec de faux échos de «You Can’t Always Get What You Want», juste de faux échos, I’ll stay alive, c’est stupéfiant, et niaqué aux guitares. Très beaux restes d’Adorable. D’autres morceaux rappellent aussi Adorable, comme ce «Storm Coming» amené à la marée montante absolutiste, aw storm coming, comme son nom l’indique. Avec une voix pareille, Piotr Fijalkowski devrait être aussi célèbre que Bowie. Le fait qu’il soit resté à l’écart est incompréhensible. Encore de l’Adorabilité des choses avec «Impossible», ils rejouent la même carte, celle du Big Atmospherix adorable, un mix unique en Angleterre. C’est le romantisme byronien du XXe siècle, une pure merveille d’extension du domaine de la turlutte. Il va ensuite chercher la petite bête dans «Love In Reverse» avec une gonzesse nommée Ruth Calder. Elle est pas mal. Tous ces exercices ne sont pas simples, il faut savoir s’y prêter pour un rendu. Piotr va ensuite fracasser son «Shipwrecked» sur les récifs, il adore ça, c’est le vieux fonds de commerce Adorable, le cut perdu dans la nuit des temps immémoriaux. Ce mec sait ce qu’il fait, on le comprend bien, soft et léger, avec l’underground des trottoirs jonchés d’immondices à fleur de peau.

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    Le deuxième album de Polak sort deux ans plus tard et s’appelle Rubbernecking. Même chose qu’avec l’album précédent, on est tout simplement heureux de le croiser. Piotr Fijalkowski ne veut pas qu’on le réveille dans «Don’t Wake Me». C’est assez clair. Drug song ? Va-t-en savoir ! Et boom, voilà «Love Lies», il prend le taureau des Lies par les cornes, suivi par des guitares. Il redevient le temps d’un cut l’un des plus puissants seigneurs d’Angleterre. Power absolu ! Il descend sur la pop comme un aigle, ou mieux encore, comme un vampire, on le voit littéralement descendre dans le son. Terrifiante prestation ! On reste dans le génie polish avec «Joyrider» qu’il attaque au ras des pâquerettes pour l’émulser dans une abondance d’excellence, alors ça monte, comme au temps béni d’Adorable. Les cuts sont très physiques, ces montées et ces descentes ne sont pas monnaie courante, dans le monde rock. Les groupes on tendance à rester linéaires. Piotr Fijalkowski adore les reliefs. Il les génère. Il est par exemple bien plus climatix que Liam Gallag qui est pourtant un grand chanteur. Piotr fabrique de la clameur. Il est tellement à l’aise qu’il donne l’impression de se balader dans le son. Il chante son «Dumbstruck» au hanté demented, il relance avec une majesté sidérante, you’re my obsession, il éclate sa sortie comme une noix, toujours juste et puissant à la fois. Avec «Something Wrong», il rentre dans le lard du son, comme Peter Perrett, Piotr est un vieux renard, il colle au big heavy groove de something wrong. Il tourne tout, absolument tout, à son avantage. Il termine cet album somptueux avec un «Come Down» d’une rare proximité. Il s’y américanise un peu, à la Fred Neil, et quand il laisse tomber son come down, on pousse un oh d’admiration, car c’est extrêmement beau. Alors il fait entrer du son, mais du très gros son, avec un drive de basse énorme et ça submerge tout, le drive démolit tout, glou glou, on disparaît avec la cité d’Atlantide. Heavy as hell !

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    Et puis voilà, les années passent. Piotr Fijalkowski sombre dans l’oubli, alors il décide de simplifier son nom en Pete Fij et de s’acoquiner avec Terry Bickers, l’ex-House Of Love, pour enregistrer deux albums. Le premier paraît en 2014 et s’appelle Broken Heart Surgery. Bien sûr, ils n’ont pas de label. Cette fois, Piotr n’a plus que sa voix. Les compos ne sont pas vraiment au rendez-vous. Il va se lover au creux du giron en attendant que vienne l’inspiration. Mais cette garce se refuse à lui. On le voit chercher sa voie dans «Sound Of Love». Même s’il chante à la Piotr du pauvre, ça reste nettement supérieur à la moyenne. Mais pas de feu dans la plaine, pas de bombes sur la cathédrale. On sauvera «Breaking Up» pour son côté insidieux, bien orienté, bien rocky, I got run over, il sait doser sa rockitude, il attend patiemment que ça se réveille, le breaking up est bien claqué au riff, avec des coups d’harp en fin de parcours. Mais bon, les autres cuts restent au sol. Ce n’est pas l’album du siècle, on est bien d’accord.

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    Pete Fij et Terry Bickers enregistrent un deuxième album en 2017, We Are Millionaires. Ça reste du hot Fij avec le big guitar sound de Terry Bickers, une présence indéfectible, un son très anglais, on the verge of the edge, violonné à outrance («Love’s Going To Get You»), comme suspendu dans l’espace, ce mec pose sa voix et c’est tout de suite captivant («Waking Up»), il faut le voir swinguer son groove de deepy deep, il travaille sa magie vocale au crossroad puzzle («Marie Celeste»), bien vu, Pete le Polak, il tape bien sa rengaine - I don’t know much about you honey/ But I know you’re driving me mad - Toujours la même histoire. Et puis voilà le miracle tant espéré : le morceau titre, hanteur comme seul Pete Fij peut hanter, il nous enveloppe dans sa chaleur mélodique, il faut voir l’éclat du tombé de ton - If that melancholy that we share was common currency/ Then we’d be millionaires - Toxique au plus haut point, l’une des plus belles chansons qu’il soit donné d’entendre en langue anglaise. Rien que pour cet all the currency, on se damnerait pour l’éternité.

    Signé : Cazengler, Adorat d’égout

    Adorable. Against Perfection. Creation Records 1993

    Adorable. Fake. Creation Records 1994

    Polak. Swansongs. One Little Indian 2000

    Polak. Rubbernecking. One Little Indian 2002

    Pete Fij/ Terry Bickers. Broken Heart Surgery. Not On Label 2014

    Pete Fij/ Terry Bickers. We Are Millionaires. Broadcast Recordings 2017

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    J'avais vu l'annonce de l'édition américaine, pas de sitôt que l'on verra une telle monstruosité en France m'étais-je dit. Il faut savoir reconnaître ses torts. Le voici sur mon bureau. Un paquebot, un porte-avions, le genre de pavé monstrueux qui encombre les bibliothèques et embarrasse les heureux possesseurs. Apparemment le souhait de la famille... Quarante-cinq euros, je sais bien que la poésie n'a pas de prix, bonjour l'opération marketing ! Il est vrai que le livre propose un grand nombre d'inédits, surtout en France. De nombreuses pages blanches ou noires aussi. Beaucoup de blanc aussi autour des textes composés en petits caractère. Z'ont dû mal comprendre la boutade de Mallarmé comme quoi les blancs sur lesquels s'inscrivait le poème étaient plus importants que le texte... Z'auraient aussi pu réfléchir sur le désir de Morrison de publier An American Night sous forme d'une plaquette destinée à s'immiscer dans la poche arrière d'un jean... Cessons nos jérémiades, il est d'autres questions plus importantes...

    ANTHOLOGIE

    JIM MORRISON

    POEMES, CARNETS, RETRANSCRIPTIONS, PAROLES

    ( Massot / 2021 )

    Que les Doors aient été dans les années soixante un des groupes de rock les plus importants des Etats-Unis, que leur chanteur possédât une voix et une indéniable présence sur scène, le monde entier nous l'accordera. Affaire classée. Mais en plus d'être un chanteur exceptionnel Jim Morrison s'est voulu poëte. Sur ce point les avis divergent. Sûr que ses lyrics étaient de loin supérieurs à la plupart des autres groupes, de là à lui décerner le titre de poëte, ne serait-ce pas trop ? Il est étrange de constater qu'à une époque où la gloire du poëte n'est plus ce qu'elle a été durant les siècles précédents, l'on dénie à Morrison, le droit de revendiquer ce titre bien galvaudé. C'est qu'inconsciemment s'opère dans les esprits, une scandaleuse équivalence entre grand chanteur de rock et grand poëte. Apparemment c'est beaucoup trop, quasiment antidémocratique, qu'un seul et même individu ait été ainsi favorisé des Dieux. Reste à lire les textes.

    Un temps d'adaptation est nécessaire. Surtout pour les textes connus depuis de si nombreuses années. La nouvelle traduction de Carole Delporte, nous déporte un peu hors de nos habitudes. Mais l'on s'y fait. Avoir à sa disposition plusieurs translations de textes dont on baragouine la langue, malheureusement les subtilités nous échappent, ne saurait être un handicap. J'ai passé la soirée à lire in-extenso de la première à la dernière ligne ces 586 pages. Voici venu le temps de donner mes impressions.

    Première surprise, la masse d'inédits nous obligent à reconnaître que le Morrison Rocker, ne correspond pas tout à fait à l'écrivain. L'ensemble des écrits gomme l'aspect mythologique des lyrics du chanteur. Moins de lézards, moins de serpents. Moins d'implications personnelles dans les personnages des poèmes. Dans une interview Morrison récuse le sérieux d'un texte comme La Célébration. Il parle d'ironie. Nous croyons que le jeune homme, et davantage encore l'adulte, qu'il est en train de devenir mûri par les expériences accumulées en peu d'années, s'écarte d'une vision trop adolescente, inhérent à son statut de rebelle absolu.

    Cette vision mythologique correspond aussi à celle d'un élève doué qui s'est forgé une culture livresque. De même beaucoup de ses premiers textes sont une réflexion sur le cinéma. Bizarrement l'ancien étudiant en art cinématographique à l'Université de Los Angeles ne parle ni de film, ni de technique. Le cinéma l'intéresse en tant que regard et vision. Pas celle du spectateur qui regarde des films. Du cinéma il passe d'ailleurs à un moyen de communication, spécifiquement américain, de diffusion des images : la télévision. Morrison évite la tarte à la crème de la critique de la médiocrité des émissions de télé. Ne s'intéresse pas davantage aux attitudes des téléspectateurs scotchés devant l'écran. Le problème n'est pas de regarder la télé pour la simple et bonne raison que c'est la télé qui vous regarde. Evitons les fausses interprétations. Morrison ne se lance pas dans une diatribe contre Big Brother. Il ne développe en rien la critique politique de l'éducation manipulatoire et de la surveillance des masses anonymes par un pouvoir oppressif.

    Inutile de vous précipiter dans votre salle de bain pour retoucher votre coiffure, la télé ne vous regarde pas. Elle regarde autre chose. La réalité. Si cela vous paraît incongru, vous allez avoir du mal à comprendre la démarche poétique de Morrison. C'est que bientôt il ne parle plus de télévision. Il n'a pas éteint l'appareil. Il a pris sa place. Ou plutôt sa poésie se chargera de cette occupation. Elle enregistre le réel qui se présente à elle.

    Une constance dans la poésie de Morrison, tantôt il évoque la chaleur, tantôt le froid. C'est qu'il ne jette pas un regard désabusé, neutre et glacé sur le spectacle du monde. De même, malgré un tel parti-pris sa poésie n'est ni réaliste, ni matérialiste. Elle ne dénombre pas le réel, elle ne revendique aucune vision philosophique du monde. Elle n'est pas non plus une poésie à hauteur d'homme. Très peu peuplée. De temps en temps un tueur solitaire – pas vraiment un bienfaiteur de l'humanité - et des filles ( beaucoup ) désirantes et désirables. Deux adjectifs que l'on remplacera par le mot sexe. La poésie de Morrison est animale. Il nous rappelle que nous sommes une espèce animale, ni pire ni meilleure que les serpents et les chiens... Nous sommes dans le regard que la poésie pose sur nous. Rien de plus. Rien de moins.

    Pourtant ce n'est pas une poésie impersonnelle. Loin de là. Il est indéniable que les poèmes portent en eux l'empreinte morrisonienne. Reconnaissable à première lecture. De quoi parle-t-elle au juste. De rien. Elle évoque non pas tout mais une certaine totalité. Celle de l'Amérique. Il l'annonce clairement dans les titres, An American Prayer, American Night Journal. L'Amérique de son temps, mais pas ''son'' Amérique. Aucun jugement moral ou de préférence affective. L'époque le voulait, certains poèmes évoquent le Vietnam, pas de condamnation de la violence, juste la violence. Morrison n'est pas Joan Baez. Il ne défend pas une cause, si juste serait-elle, il n'envoie aucun message, il montre.

    L'Amérique qu'il nous montre, ou plutôt l'Amérique qui nous regarde, est monstrueuse. Pas parce qu'elle est l'Amérique, parce qu'elle ressemble à nos pulsions humaines. En quoi le désir d'un assassin, un désir de mort, serait-il plus condamnable qu'un désir de vie – Morrison emploie rarement le mot amour – tous deux sont des désirs. Point à la ligne. Serait-il né en France je crains que la réalité française ne lui soit point apparue moins noire que la nuit américaine... Cette poésie sans illusion mais aussi sans mépris sur les hommes et les femmes touche à l'universel.

    L'on connaît le destin de Morrison. La plupart de ses écrits sont restés confinés dans des carnets. Cette Anthologie nous dévoile leur aspect extérieur, certainement moins anecdotiques des photographies présentent quelques poèmes traduits dans le volume. L'accès au texte original est un plus, mais nous emmène à quelques commentaires. Les poèmes de Morrison sont écrits en vers libres, disposés en strophes qui peuvent atteindre jusqu'à une quarantaine de vers. Le plus souvent beaucoup moins. Morrison prenait des notes. Des notes poétiques serait-on tenté de dire. Il n'a pas eu le temps de trier, d'arranger et de mettre en forme. La famille, quelques amis, et l'éditeur se sont chargés de cette tâche. Il est un point qui arrache la vue. La grosse écriture de Jim occupe l'ensemble de la surface d'une page. Quand on compare aux transcriptions typographiques de cette édition, il nous vient à l'idée qu'une dimension s'est perdue. L'on ne se gênera pas pour nous faire remarquer que les recueils édités de son vivant par Morrison se sont contentés d'une présentation à peu près similaire. Certainement. Je pense toutefois que dégagé de son métier de chanteur Morrison aurait apporté un plus grand soin à la mise en page de ses livres. L'œil lit, mais il voit aussi.

    Nous sommes de ceux qui pensons que Morrison n'est pas un poétereau de treizième zone, sans doute convient-il de le comparer à ses aînés. Dans les années soixante-dix, à l'écoute et à la traduction des lyrics des disques des Doors, je l'avais intuitivement rapproché de Shelley. Qui a le tort, si j'ose dire, d'être anglais. Je fais l'impasse sur la Beat Generation, il me semble que Morrison vient culturellement d'ailleurs, ceci serait à débattre. Réfléchissant ce matin à ma lecture de la veille, un nom s'est imposé dans ma réflexion, je n'y pensais pas, l'est venu je ne sais comment à mon esprit. Difficile d'établir une relation entre deux individus, deux biographies, et deux conditions d'écriture si dissemblables. Je pense à la recluse, à Emily Dickinson, qui n'est pour ainsi dire jamais sortie de sa maison, mais une même façon d'appréhender la totalité du réel au travers de leurs courts poèmes.

    Damie Chad.

    P. S. : Les paroles des textes des chansons ne sont pas traduites. Le manque d'un minimum d'apparat critique se fait sentir.

     

     

    GREY AURA

    ( Onism Productions / Mai 2021 )

    Comment, fût-il néerlandais, et se nommant Aura Grise - peut-être la traduction Âme grise serait-elle plus juste et plus respectueuse de l'idée véhiculée par une telle nomenclature – un groupe peut-il affubler la pochette de son deuxième album d'un tel tintamarre de couleurs ! C'est une longue histoire. Zwart Vierkant est le titre de ce deuxième opus, nous n'évoquerons point dans cette chronique leur premier disque que nous réservons pour une prochaine livraison.

    Le mystère sera en partie résolu lorsque nous aurons révélé que le titre de l'album raconte l'histoire d'un peintre nommé Zwart Vierkant. Si vous ne connaissez pas le néerlandais sa proximité avec la langue allemande vous incitera à rapprocher Zwart de Schwarz, le simple fait qu'un peintre arbore le drapeau noir d'un tel prénom symbolique s'éclairera si vous soumettez son patronyme au premier transcripteur venu, vous apprendrez que Vierkant signifie Carré.

    Le Carré Noir est le tableau le plus célèbre de Casimir Malevitch ( 1879 – 1935 ). Il ne voulait pas dire que la peinture était parvenue au bout de son cheminement, qu'il était désormais impossible pour un peintre conscient des limites de son art de peindre comme ses prédécesseurs. Au contraire, il escomptait marquer un nouveau début, la peinture devant se contenter de formes géométriques simples et de couleurs primaires, du blanc et du noir. Ce parti-pris pour empêcher que le peintre et le spectateur ne soient point distraits par un sujet choisi. Devant une scène de chasse, les chiens, les chevaux, les cavaliers, le renard, l'herbe, les arbres monopolisent et dispersent votre attention, vous oubliez que ce qu'il faut voir c'est la peinture et non le sujet de sa représentation...

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    Cet art nouveau, au début du vingtième siècle, Malevitch l'appela le suprématisme. Le suprématisme irrigue encore la production d'artistes modernes. Un tour sur l'instagram de Sarija Marusic, elle est l'auteur de la pochette, s'impose. Photographe, elle agrémente ses photos de couleurs violentes qui vous arrachent les yeux. Les personnes mises en scène, souvent en des poses peu communes, en sont d'autant plus visibles, qu'elles ne sont plus que des éléments du tableau au même titre que les couleurs, ce traitement de réduction graphique inaccoutumé les font davantage ressortir. La couve de l'album en est un parfait exemple. Après l'écoute du disque nous reviendrons sur la signification à donner à cette image, ce qui est une hérésie, puisque selon les canons du suprématisme, elle ne devrait signifier que le fait d'être une image.

    TJEBBE BROEK : guitar, percussion, bruitage, synthesizer, Spanish guitar / RUBEN WIJLJACKER : vocals, lyrics, guitar, percussion, foley, synthesizer, mixing / BAS VAN DER PERK : drums, percussion / SYLWIN CORNIELJE : bass

    GLEEN COENEN & INEKE NOORDHUIZEN : voice acting / ALBERTO PEREZ JURADO : trombone, trompette / HAENEL ENGEL : castagnettes / JOOST VERVOORT : vocal sur dernier titre.

    Nous avons opté pour la traduction des titres néerlandais. Ils peuvent ainsi aider à une appropriation de l'œuvre. Qui n'est pas facile. Elle est inspirée par un roman de Ruben Wijlacker qui l'a lui-même adapté à la différence près que son écriture a fait partie du processus de création de l'album. Le disque ne raconte pas à proprement dire le parcours de Zwart Vierkant fasciné au début de ce siècle par le suprématisme russe et les travaux tant pratiques que théoriques de Kandisky père de l'art abstrait. Chaque morceau est état un d'âme du peintre lors de son voyage initiatique en Europe. Peint de l'intérieur. Peu de détails explicites, l'ensemble est à interpréter, à écouter, à méditer, texte et musique, comme si vous découvriez à chaque fois le nouveau tableau d'une exposition que vous seriez en train de visiter.

    Mais ce n'est pas tout. Le groupe a travaillé pendant plus de six ans pour la production de l'œuvre. Il s'agit d'un projet ambitieux. Qui serait à mettre en relation avec Le Chef d'œuvre absolu d' Honoré de Balzac. L'histoire de Frenhofer qui finira par brûler toute son œuvre après avoir achevé son chef -d'œuvre. Cette histoire de destruction est au centre de la création de Zwart Vierkant. S'il arrive à réaliser un tableau totalement abstrait la réalité concrète du monde s'auto-détruira. Mallarmé a caressé de telles rêveries, la création du Livre exprimant totalement le Monde, induirait la disparition du Monde désormais inutile. Le lecteur retrouvera ici une application du principe de réversibilité que nous avons exposé dans notre chronique de Moonchild d'Aleister Crowley ( voir livraison 537 ). Grey Aura se revendique explicitement du modernisme, du décadentisme et de notre littérature fin de siècle. Ils se considèrent comme un groupe de Black Metal, qui leur semble le vecteur musical le mieux approprié pour s'aventurer dans toutes les hybridations intellectuelles et artistiques les plus novatrices. Ces sentes obscures sont en effet les plus créatrices.

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    Maria Ségovie : deux roulements fuyants de tambours, indice d'une tambourinade épileptique, signe d'un léger décrochage avec la réalité, comme une photo que vous tenez dans la main et dont l'image glisserait légèrement en dehors du cadre, vocal crépusculaire qui très vite confine à la folie, musique violente, comme ces couchers d'herbes hautes sous le vent de violons que l'on rencontre dans les symphonies, mais ici électriques, la voix légèrement dédoublée, maintenant précipitée, Zwart Viertkand, notre carré noir ne tourne pas rond, la peinture se confond avec la réalité, ce portrait de vierge est-ce un tableau véritable aperçu dans un musée ou une hallucination colportée sur les murs de la réalité, le sang de la vierge doit-il couler, meurtre nuptial ou phantasmatique, ambiance lourde et angoissée. Plongée au cœur du drame. Une guitare espagnole balaie les remugles de ses pensées. Volutes de fumée, bouteille : reprise de batterie que l'on pourrait imaginer pour accompagner la scène d'un film de la charge de Ney sur les batteries anglaises de Waterloo, hurlements de folie, pas douce du tout, des guitares comme un incendie de tourbières rases qui fument, douceur maintenant, l'artiste se calme, l'alcool, la drogue peut-être, ou l'abattement devant la tâche inaccomplie, la toile qui n'aboutit pas  se voile et devient voile sur la mer déchaînée de l'anabase de la folie. La traînée de mauve du désastre : la tragédie ne tarde pas à envahir son esprit, il crie, il s'exalte, il tient le bon bout du pinceau et de la folle du logis, il pense galoper vers la victoire, mais cette trainée mauve sur le tableau devient la preuve de son échec, il se mure dans la tour d'ivoire de son incapacité, la batterie s'écroule, les guitares se sont muées en vol de corbeaux au-dessus de champs de blé de Van Gogh à l'horizon, des chœurs transgéniques le transportent dans son rêve, la chair et le sang, toute femme n'est qu'une figure de la mort qui s'avance sur la mer, portée par des ailes de séraphins. El Greco en Tolède : nous ne sommes pas sortis de l'auberge de la folie, Zwart Vierkant crie comme un reître, il est dans le musée entouré des toiles del Greco, il rugit, il comprend, il accède aux arcanes finales de l'Art, son âme tinte comme une cloche fêlée, une fissure par laquelle s'engouffre la folie de la chair et du sang criminel, signe que le Monde sera enfin brisé, Elle est là, tous deux vont jouer les scènes torrides de la femme et le pantin de Pierre Louÿs, il cède à la sirène maléfique, c'est ainsi qu'il vivra sa saison en enfer, c'est ainsi qu'il recevra l'illumination créatrice. Et destructrice. Chant nuptial, le fiancé se dirige vers l'autel, un couteau, un pinceau, ou un pénis à la main. Paris est un portail : grandiloquence battériale, ahanements, Paris capitale des arts, chacune de ses nuits repeuplait les morts des batailles de Napoléon, chants d'ivrogne et de triomphe, rupture cette guitare qui swingue, une étymologie du mot jazz ne nous dit-elle pas que dans une langue africaine ce mot signifie l'acte sexuel, longs plaidoyers guitariques, est-ce ici que la perpétuation du geste signifie la maîtrise de l'œuvre et du monde. Paris est-elle la cité de la puissance ou de l'illusion. L'entrée du dédale dans lequel on se perdra. La séduction indescriptible de la vertu s'efface : roulements de tambours pour la charge de l'infanterie, vociférations, les réveils du petit matin, instants pathétiques, n'aurait-on libéré le kaos uniquement en soi, le monde extérieur ressemble-t-il à un corps froid sur lequel on n'a plus aucune prise, se moque-t-il de nous, marche-t-on vers le désastre de l'échec. Grandeur et décadence de l'empire que l'on a sur soi-même et sur les choses. Serait-on une fiole de folie brisée sur les rochers de la réalité. A moins que la fissure ne se fendille devant nous. Bouche d'ombre gracieuse : reprise effrénée mais que l'on pourrait aussi interpréter comme une pastorale ironique, la fissure correspondrait-elle au sexe de la femme, une voix mélodramatique pour signifier que toute gorge d'orgie est aussi une entrée des Enfers, la violence se fait douce, lit-on un poème ou un avertissement, interrompu par le cri de celui qui tombe, une diction tel un souffle sur une bouche et les cris d'exaspération de celui qui s'aperçoit que nul frémissement ne répond à sa frénésie, guitares à fond, bouleversements, entassements, la taupe qui progresse dans son terrier rejette la terre dans le monde extérieur, soulèvement de haines, extirpation de colères, elle n'était rien qu'une incarnation idéelle, la mer du monde se retire. Que reste-t-il ? Où sommes-nous? Quelle place pour l'artiste ?

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    La batterie tempétueuse cascade et écume sur les récifs du récit déchiré. Dans un quatuor elle tiendrait le rôle du premier violon accroché à la barre du naufrage. Les cordes en bruit de fond, le souffle des vents multiples baignés d'embruns qui vous précipitent du bord de la falaise dans le maelström sonore, la voix agitée en tous diapasons à la manière des haillons d'une voile qui claquent désespérément au vent.

    Un deuxième opus est en préparation. Nous attendons cette suite destructrice avec impatience. Une œuvre de longue patience. Certains kr'tntreaders s'étonneront des couleurs si pimpantes de la couverture si flashy pour un disque si sombre. C'est oublier que la violence est partout, qu'elle est intimement mêlée à la vie, un peu à l'image de ses gros rocheux laineux du paysage d'aspect si pelucheux, si inoffensifs qu'ils ont l'apparence confortable de ces poufs dans lesquels on s'assoit en toute voluptueuse quiétude, qui vous absorbent à tout jamais pour vous couper de l'attrait de toute action, un peu à la manière de l'étreinte de ces amants cannibales entremêlés qui s'entredévorent dont il ne reste quelques membres épars.

    Damie Chad.

     

    *

    Serait-ce un hasard ? Le monde serait-il plus petit qu'on ne le croit. Hier soir je me livrais à une autre de mes passions coupables, pas le rock 'n'roll donc, mais la poésie du dix-neuvième siècle, réécoutant sur You Tube une conférence de Quentin Meillassoux sur Le coup de dés de Mallarmé. Par acquis de conscience, la vidéo terminée, je m'autorise un petit net-surfin sur les livres de Quentin Meillassoux édités. A force de chercher l'on trouve. Tiens, Quentin Meillassoux est censé avoir écrit des notes de pochettes sur un CD de Florian Hecker. Nous voici à l'endroit précis où les Athéniens s'atteignirent. Je connais Stéphan Eicher mais pas Florian Hecker. Je tape le nom heckerien sur mon clavier et apparaissent une kyrielle d'occurrences, l'a apparemment enregistré davantage de disques que vous n'avez perdu de dents de lait, et plonk mon œil de rocker exercé repère deux références de sites connus, les deux mamelles nourricières indispensables à la survie du rocker en détresse, Bandcamp et Discogs. Je cours sur le premier, une dizaine de pochettes, mais les notes n'indiquent aucune mention de Quentin Meillassoux. Déçu mais pas vaincu. Je me précipite sur Discogs, notre gazier a au moins enregistré une vingtaine de disques et Cds notamment celui qui m'intéresse, Speculative Solutions. Et là je tique, y a un truc qui tilte dans ma tête, la maison de disques, Edition Mego.

    Ne mégotons pas sur les rouages du cerveau, mais oui, je vérifie, c'est là qu'ont été édités Luciferis et aussi Nona, decima et morta de Golem Mécaniques, chroniqués la semaine dernière dans notre livraison 538. Nous voici presque en terre connue.

    SPECULATIVE SOLUTION

    FLORIAN HECKER

    ( Editions Mego / Urbasonic / 2011 )

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    I : Le livret :

    L'objet se présente sous forme d'un coffret ne contenant qu'un seul CD et d'un livret de cent soixante pages présentant trois textes, version en français, version en anglais, de Robin Mackay, d'Elie Ayache, de Quentin Meillassoux. Trois textes qui demandent attention et qui risquent de surprendre le kr'tntreader habitué à des réflexions sur tout autre genre de sujet, comme par exemple le rock 'n' roll. Nos trois auteurs sont des philosophes. Leurs œuvres, selon des déploiements très particuliers, recoupent un thème commun : celui de l'influence du hasard sur l'ordre et le désordre des choses.

    Ainsi dans Ceci est ceci Robin Mackay étudie le rapport existant entre l'Histoire et les Idées, comment la pensée humaine, soumis à sa logique rationnelle, se modifie-t-elle devant les accidents de l'Histoire. Il n'existerait donc pas de pensée pure, entendons purement humaine, puisque pour répondre à la logique des évènements contingents la pensée doit afin de les penser se résoudre à opérer des modifications de ses propres schèmes de production logique. Au mieux la pensée humaine ne peut que louvoyer entre les propositions extérieures du hasard.

    Dans Le Futur réel Elie Ayache nous rappelle que nous ne pouvons prévoir ou imaginer le futur qu'à partir de nos connaissances actuelles. Qui elles-mêmes ne sont pas fiables. Bref nous ne pouvons définir au mieux que des possibilités improbables du futur. Notre pensée de tout événement ( qu'il soit du passé, du présent, ou du futur ) se présente sous la forme d'une chaîne déductive probabiliste. Pour faire simple, nous ne maîtrisons pas grand-chose du monde, car notre seul et insuffisant organe de sa préemption, autrement dit la pensée, n'est sûre de rien.

    Métaphysiques et fiction des modes hors-science de Quentin Meillassoux est une méditation à partir de La boule de billard nouvelle d'Isaac Asimov. Il s'agit pour lui de démontrer qu'il existe deux types de livres de Science-fiction, ceux qui extrapolent à partir des données scientifiques de leur temps ( exemple tout bête, le Nautilius de Jules Verne paru en 1869 s'inspire des différentes expérimentations sous-marinières depuis l'Antiquité et la guerre de Sécession qui finit en 1865 ). Mais il existe des auteurs qui s'affranchissent de toute l'armature scientifique de leur époque pour créer des univers qui échappent à toutes les lois scientifiques, notamment de celles qui régissent nos compréhensions du temps et de l'espace ( voir Ravages de Barjavel roman dans lequel les pôles de l'électricité s'inversent ). Que veut dire Meillassoux, que si l'arrivée des choses s'inscrit dans l'ordre du possible, il est possible qu'il en survienne dans le désordre de l'impossible.

    Le coffret est agrémenté de cinq petites boules de métal, vous pouvez les considérer comme le jeu des perles de verres de Hermann Hesse, le jeu de dés de Stéphane Mallarmé, les atomes épicuriens qui n'attendent que votre intervention clinaménique pour former ( ou déformer ) un monde.

    II : Le disque :

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    Peut-être avant de vous précipiter ( à pas lents ) sur les deux seules vidéos relatives aux quatre pistes du CD visibles sur You tube, serait-il bon que vous fassiez l'effort d'imaginer la musique qui pourrait correspondre aux textes si hâtivement résumés du livret. Si par exemple vous êtes fan de Heavy Metal ou des opéras de Wagner vous serait-il nécessaire d'effectuer une réduction de l'amplification sonore de vos souhaits...

    Speculative Solution 1 : l'audition est impossible. Profitons de ce répit pour spéculer sur les titres identiques des trois premiers morceaux. Spéculation indique que cette musique est une espèce d'œuvre in progress, en le sens qu'elle n'est qu'une hypothèse, qu'une probabilité de ce qui pourrait être. Pas du tout une outake préférée ou écartée, une proposition. Les chiffres qui suivent sous-entendent non pas la précarité d'une telle proposition mais le fait que l'on est face à une problématique complexe qui nécessite plusieurs essais. Mais au fait sur quoi, de quoi, spécule-t-on, du déploiement d'une musique qui réduirait les interventions du hasard à presque rien, peut-être à zéro, mais ce serait-là atteindre à l'absolu. Speculative Solution 2 : deuxième spéculation, avec en plus cette interrogation : le CD nous en propose deux, sont-ce les mêmes ou deux versions différentes, You Tube ne nous en propose qu'une seule sans plus de spécification, Hecker veut-il insister sur le retour du même, une manière de nier le hasard ou de l'affirmer car même si c'est le même qui revient l'auditeur l'entendra-t-il de la même manière, en dehors de tout affect ( contentement, ennui, impatience... ), le seul fait de l'écouter deux fois de suite, n'induira-t-il pas une manière différente d'appréhender et d'analyser le morceau, ne serait-ce pas un tour du musicien pour que le hasard différentiel révélé dans l'audition ne soit que le fait de l'auditeur, ce qui permettrait au compositeur de se prévaloir de la fierté d'avoir éjecté le hasard de son œuvre. Pauvres auditeurs désormais porteurs de la patate chaude et hasardeuse. Speculative Solution 2 : je vous conseille d'écouter la vidéo sans regarder les images superfétatoires qui l'agrémentent. Prises de nuit, depuis la vitre d'un wagon d'un train en mouvement, elles n'apportent rien, elles donnent surtout l'impression qu'on les a mises là pour meubler l'écoute et tempérer la déceptions des spectateurs. C'est sûr que l'on n'en prend pas plein les oreilles. Un petit bruit. Pas grand-chose, un clapotis, comme quelqu'un qui mâcherait son chewing gum à vos côtés, un rythme sempiternel – cela dure moins de trois minutes – une espèce de chuintement aléatoire vers la fin, c'est tout. Minimalisme sonore. Serait-ce une stratégie pour éliminer au maximum les incidences de toute surprise extérieure. Il est certain que vous avez moins de chance de ne pas subir le désagrément de vous faire écraser en traversant une autoroute en restant assis dans votre fauteuil. Esthétiquement je vous accorde que ce n'est pas très esthétique. Mais la beauté qui vous assaille provient évidemment des contingences extérieures. Octave Chronics : pour ceux qui ont difficilement supporte la solution 2, la direction vous avertit que celle-ci dure dix-neuf minutes et dégage toute sa responsabilité. Ça ressemble à quoi ? Un petit bruit électronique, un peu comme si vous choisissiez les deux touches du piano les plus aigües et que vous vous obstiniez à y appuyer dessus, l'une après l'autre, sans arrêt. Certes il y a des coupures, de très très légères brisures, mais ça reprend, un tout petit peu différemment, au bout de cinq minutes cela devient presque imperceptible mais ça repart style klaxon de voiture que vous entendez depuis le trente-deuxième étage, ensuite cela vous prend de faux airs de ritournelles, ça ressemble à un gamin qui vous tire la langue, l'on dirait que sur le clavier électronique le musicos est fatigué, appuie en deux temps mais trois mouvements, celui du milieu étant le plus silencieux, un bruit de gamelle en matière plastique que le chien racle deux fois sur le linoleum, et plouf, de minuscules gouttes d'eau qui tombent de partout, l'on dirait qu'elles se prennent pour Jean-Sébastien Bach, toccata en mineur pour fugue dans l'inaudible cristallin, précipitation extrême, mine de rien, il s'en passe des choses dans ce morceau, la musique se précipite-t-elle pour empêcher toute intrusion extérieure dans son champ d'émission fréquenciel, un peu comme quand vous bourrez votre théière de billets de 500 euros pour interdire à la moindre goutte d'eau d'y pénétrer, l'on peut parler de frénésie extrême, vous attendez que ça casse et ça passe un octave au-dessous en plus grave ce qui ne l'empêche pas de reprendre sa fuite vagabonde de truite de Schubert, l'on monte, l'on monte, l'on se dit que plus dure sera la chute, l'on aimerait savoir comment cette affaire se terminera, n'y aurait-il pas un certain désordre dans toutes ses notes qui se marchent sur la queue, ce n'est qu'une apparence, toutefois ça tangue un peu et l'on monte encore et le tout s'arrête sur deux coups étouffés et une espèce de souffle en expiration. Cette fois, c'est la stratégie inversée de la précédente, le morceau n'est pas refermé comme un œuf dans lequel il est impossible d'entrer, toutes les subtiles variations qui éclosent tour à tour n'ont d'autres but que de monopoliser votre attention. Les portes sont ouvertes en grand, le hasard et le destin du monde peuvent venir le squatter, vous ne les apercevez pas, tellement vous songez à suivre cette musique et son trottinement menu de souris, vous n'entendez guère, plus rien n'existe autour de vous, l'univers chaotique a disparu, tout est réduit à sa plus simple expression, cette musique que vous ne quittez pas de vos deux oreilles et de tout votre corps. N'y a pas plus de hasard que de lézard dans l'horloge du temps aboli. Ce n'est rien, mais un rien qui se fait entendre.

    Livret et CD sont indissociables. Ici la musique a repris son bien aux mots. Hecker apporte ses solutions. Dans la 2, veut-il nous signifier que les mots de la philosophie produisent un bruit de fond pas très profond dans l'univers. Dans ses chroniques d'octave s'amuse-t-il a rajouter des notes et encore des notes pour singer ces diarrhées de mots qui coulent sans fin des porte-plumes philosophiques...

    Damie Chad.

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    Episode 16

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    LE PLAN ALPHA' ( 1 )

    Je ne vous cache pas qu'après les déductions du Chef nous restâmes un long moment abasourdis. Même les queues de Molossa et de Molossito adoptèrent la forme d'un point d'interrogation. Les esprits battaient la campagne, chacun essayait de mettre de l'ordre dans ses pensées. Le Chef en profita pour allumer un Coronado. Il soupira devant nos mines atterrées et reprit parole :

    _ La balle est dans notre camp. Il est indéniable que Neil cherchait non pas à nous contacter, mais à nous prévenir, de quoi nous ne savons pas, c'est à nous de le trouver. Auriez-vous une idée ?

    Seul le silence lui répondit. Nous regardions le bout de nos pieds, espérant que le Chef ne s'adresserait pas nommément à l'un de nous, mais non, un sourire effleura ses livres :

    _ Vous n'êtes vraiment pas très malins, s'il a cherché à nous avertir, c'est que lui-même ( le Chef aspira une longue bouffée de son Coronado, qu'il exhala très vite, formant une traînée odorante aussi longue que ces chemtrails que relâchent les Boeings dans le ciel azuréen ) n'avait pas pu entrer en contact avec une autre personne et qu'il pensait qu'en tant que Services Secrets du Rock 'n' Roll nous étions ceux qu'ils jugeaient le plus à même d'accomplir cette tâche délicate !

    _ Vous sous-entendez hasarda timidement Noémie qu'il voulait que nous le présentions au président par interim de l'Elysée !

    _ Surtout pas lui ! Sans quoi l'Intelligence Service aurait prévenu les plus hautes autorités de sa présence sur le territoire national. C'est parce qu'il opérait en secret qu'ayant été repéré il a été abattu par la police...

    _ Mais alors qui, moi peut-être ! les dernières paroles du Chef avaient manifestement perturbé Noémie, pourquoi pas Molossito après tout tant qu'on y est!

    _ Enfin une parole sensée, Noémie je vous félicite, votre intelligence progresse depuis que vous êtes entrée au SSR, vous brûlez ! Vous pouvez remercier Molossito !

    _ Ouah ! Ouah !

    Molossa jeta un coup d'œil admiratif sur son fils adoptif, leurs queues maintenant se dressaient toute droites en points d'exclamation. Je commençais à entrevoir l'aléatoire vérité.

    _ Chef personnellement j'opterais plutôt sur Rouky, toutefois je pense qu'il s'agit de...

    Les deux chiens grognèrent sourdement.

    - Agent Chad, ces deux bêtes sont trop intelligentes pour manifester leur mécontentement sans motif, allez voir ce qu'il se passe ! Sans bruit et discrètement.

    AU DEHORS

    Le jardin était vide. Je m'y attendais. Je collais l'oreille contre la porte d'accès. Aucun bruit. Je l'entrouvris et me glissai dans l'obscur couloir jusqu'à la grille. Personne. Il ne me restait plus qu'à parcourir le corridor jusqu'à la porte extérieure. Ce que je fis à grandes enjambées silencieuses. Ne me restait plus qu'à sortir dans la rue. Quitte ou double. Ce fut deux fois double. Du bruit dans l'escalier de l'immeuble. L'on parlait à mi-voix, je me retournais un couple s'avançait vers moi. Des illégitimes qui sortaient d'un rendez-vous d'amour. J'attendis qu'il se rapprochât. Ils s'embrassaient, j'ouvris la porte :

    _Je vous en prie Monsieur-Dame !

    _ Oh merci, c'est gentil ! Ce qui serait parfait c'est que si par hasard le mari de Madame nous attendait pas très loin, vous jouiez le rôle d'un ami qui leur a offert un verre chez lui !

    _ Je n'y manquerais pas !

    Je les accompagnais jusqu'au bout de la rue, aucun conjoint jaloux ne les attendait... Quelques minutes plus tard je revenais par le trottoir opposé, tête baissée, téléphone au bout de l'oreille, réglée sur la fréquence de la police. Je passais devant la camionnette d'entreprise, que j'avais repérée, pas d'erreur c'était un sous-marin de la police :

    _ Allo Turquoise 1, ici Turquoise 2, le gigolo qui accompagnait le couple de tout-à-l'heure revient vers la maison de passe... non il n'est pas accompagné, avec sa gueule d'obsédé sexuel, ce doit être un adepte de triolisme, une bonne âme qui propose ses services aux couples en mal d'exotisme... non il s'éloigne, je me demande comment il touche pour sa prestation, plus que ce que je gagne dans un mois, je devrais songer à me recycler...

    Pas question de rentrer à l'abri. Une idée commençait à trotter dans ma tête bien faite et bien pleine comme les aimait Rabelais. Je m'installai dans un bar, commandai une bouteille de bourbon et attendis la suite des évènements.

    LE PLAN ALPHA' ( 2 )

    Ne croyez que pendant ce temps les autre étaient restés sans rien faire. Le Chef avait repris et terminé ma phrase que le grognement des cabotos avait interrompue si abruptement :

    _ Oui, le Chef tapota son Coronado pour précipiter la chute de la cendre, la personne que Neil Young cherchait à contacter, ce n'était pas l'un de nous, c'était :

    Il s'arrêta pour parfaire le suspense

    _ Vous l'avez deviné... Charlie Watts !

    Il y eut un grand chahut, ce n'était pas possible, Charlie venait assister à ses concerts sous la Tour Eiffel, il ne lui avait pas même adressé la parole...

    _ Complètement invraisemblable, totalement illogique, je vous l'accorde, mais qui d'autre aurions-nous pu contacter dans cette histoire, avez-vous quelqu'un d'autre à proposer ? Je suis prêt à examiner toutes les propositions...

    Il n'y en eut pas...

    _ Ne perdons pas davantage de temps. Je sens qu'il nous faut renforcer le plan Alpha, désormais nous entamons le plan Alpha qui devient Alpha' prime. Ecoutez voici les nouvelles modalités d'action...

    Instinctivement les têtes se rapprochèrent. Hélas le Chef parla si bas que je ne peux rapporter que les derniers mots qui furent prononcés : vous avez trente minutes pour vous préparer, Action !

    COULEUR TURQUOISE

    _ Allo Turquoise 1, ici Turquoise 2, c'est urgent, vous nous avez parlé d'une maison de passe discrète, mais c'est le boxon total dans ce foutu bordel !

    _ Allo Turquoise 2, ici Turquoise 1 : vous avez besoin de renforts immédiats ?

    _ Ah, non surtout pas, ça crie, ça hurle, ça chante, ça fait du bruit, toutes les fenêtres sont allumées, un potin de tous les diables dans les escaliers !

    _ Allo Turquoise 2, ici Turquoise 1, que l'un de vous descende discrètement de la camionnette et aille voir de quoi il s'agit au juste !

    _ Pas la peine, ils sortent, holà c'est la carnaval de Rio, y en a qui sont à moitié à poil et d'autres déguisés en n'importe quoi, sont au moins une soixantaine, ils chantent, ils dansent, ils crient, ils rient, ils tapent sur des casseroles, pour des rendez-vous discrets ils sont loin du compte ! En plus doit y avoir des zoophiles dans ce binz, y'a au moins quatre ou cinq chiens qui aboient comme des sauvages. Maintenant ils remontent la rue tous en groupe.

      • Allo Turquoise 2, ici Turquoise 1, suivez-les, roulez derrière eux, ne les quittez pas des yeux !

      • Allo Turquoise 1, ici Turquoise 2, ils se sont tous engouffrés dans une bouche de métro, le temps de descendre du véhicule, ils se sont engouffrés dans une rame qui a démarré sous nos yeux.

      • Arrêtez tout et rentrez au bercail, inutile de perdre notre temps, c'était une opération de nettoyage, ils ont eu le temps d'enlever ce que nous cherchions.

    RETOUR A L'ABRI

    Ils m'avaient rejoint au café. Nous repartîmes à l'abri. Le Chef nous ouvrit la porte. Il souriait. Nous avons ce que nous voulons, la situation s'éclaircit !

    A suivre...