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CHRONIQUES DE POURPRE - Page 93

  • CHRONIQUE DE POURPRE 370 : KR'TNT ! 390 : PRETTY THINGS / EMITT RHODES / SONS OF A BLEACH / COHAAGEN / LILY / POGO CAR CRASH CONTROL / WALTER'S CARABINE / WAITING FOR THE ROYALTIES

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 390

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    25 / 10 / 2018

    PRETTY THINGS / EMITT RHODES

    SONS OF A BLEACH / COHAAGEN / LILY

    POGO CAR CRASH CONTROL / WALTER'S CARABINE

    WAITING FOR THE ROYALTIES

     

    Oh You Pretty Things - Part Three

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    Ce ne sont pas 400 personnes qui sont allées au final bow des Pretty Things l’autre soir, mais 800, si l’on considère qu’un homme averti en vaut deux. Eh oui, les Pretties avaient annoncé la couleur. Dernière tournée et ultime concert à Paris, une ville que Phil May dit adorer. Il s’agissait donc d’un moment extrêmement particulier, la fin d’un grand épisode, certainement l’épisode le plus brillant de l’histoire du rock anglais. Les Pretties font partie de cette caste de groupes qui surent veiller à ne jamais décevoir leur fans, attitude d’autant plus difficile à observer qu’ils démarrèrent comme les Cramps ou encore les Stooges, avec deux albums qui aujourd’hui encore font figure de modèles insurpassables. Les Pretties ont payé fort cher leur intégrité, puisqu’ils terminent leur parcours à la Maroquinnerie, salle relativement petite, alors que dans un monde normal, ils devraient jouer à guichets fermés à l’Élysée Montmartre, avec des files d’attente s’étirant jusqu’au métro Barbès. L’intégrité est ce qui donne sa réelle valeur à l’art, quel qu’il soit, l’histoire fourmille d’exemples de peintres et d’écrivains brillants morts dans la pauvreté pour s’être prêtés à l’exercice de cette impitoyable rigueur morale. Dans la vie, c’est la même chose, on se rapproche naturellement des gens dès lors qu’on flaire ce subtil parfum d’intégrité morale qu’on appelle aussi élégance intellectuelle. On voit avec une consternation non feinte l’empire du m’as-tu-vu s’étendre de jour en jour et rien dans ce monde en mutation n’est plus difficile que de maintenir un équilibre relationnel classique, à l’ancienne. Et c’est probablement encore plus difficile dans le showbiz. Voilà la raison pour laquelle les Pretties constituent une sorte d’éclatant symbole.

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    Has been, les Pretty Things ? Tu rigoles ? Quand ils rendent hommage à Bo Diddley, ils ressortent leur vieille niaque de cinquante ans d’âge et là... En 1965, aucun groupe ne pouvait rivaliser de sauvagerie avec eux, et même s’ils ont pris un coup de vieux, ils restent inégalables. Phil May chante toujours avec cette conscience du raw et cette science du dirty, cette prestance du Come see me et cette intelligence du British beat. Quant à Dick Taylor, il reste égal à lui-même, il se situe bien au-delà des légendes et de ce qu’on peut en dire, il joue le Britsish beat comme s’il avait encore vingt-cinq ans, avec une précision et une force motrice qui normalement devrait en boucher un coin à tous les guitaristes, car encore une fois, Dick Taylor ne joue JAMAIS deux fois la même chose, il croise le meilleur psychout d’Angleterre avec le Diddley beat le plus raw qui soit ici bas, et oui, de voir jouer cet homme, c’est une sacrée bouffée d’oxygène. Fantastique guitar-slinger, aussi présent dans le son que peut l’être Chris Spedding, il coule son bronze sonique en permanence, il arraisonne les oraisons et catapulte les cataplasmes, il drive sa drouille et draine allègrement le flux du son. Dick Taylor joue en quartier maître, il fend les flots, le nez au vent et rien dans sa personne ne laisse transparaître la moindre trace de frime. Dick Taylor restera jusqu’au bout le quartier maître de l’absolu dirty, le pourfendeur de Sargasses et le coup de Trafalgar à deux pattes.

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    Pour les gens qui n’ont pas grandi avec les Pretties, c’est peut-être moins évident. Dans les années 2000, le guitariste qui jouait dans notre tribute band avait dix ans de moins que nous et mettait un point d’honneur à détester les Stones, sous le prétexte qu’ils n’étaient pas de sa génération. Quand un soir après l’apéro, on l’invita à se joindre à nous pour aller voir les Pretties qui jouaient à la Traverse, il déclara que le rock de vieux ne l’intéressait pas. Cette cloche joignait l’ignorance à la suffisance et nous éprouvâmes à son égard quelque chose de l’ordre de l’infinie tristesse. Il n’était plus temps de lui expliquer qu’avant d’être un problème générationnel, le rock s’apparentait à cet universalisme qu’on appelle aussi l’art.

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    Le fait le plus marquant est que les Pretties sonnent toujours juste, là où les grands groupes de l’époque du British beat encore actifs sonnent moins juste, à commencer par les Stones et les Who, qui sont passés à une sorte de rock plus institutionnel. Le seul qui comme les Pretties réussit à se montrer encore aujourd’hui superbement créatif, c’est bien sûr Ray Davies, dont les deux volumes d’Americana (Americana et Our Country) n’en finissent plus de raviver en nous tout ce qu’on pouvait vénérer chez les Kinks.

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    L’arrivée de Phil May sur scène l’autre soir vers 22 heures nous plongea dans un tourbillon introspectif plutôt malvenu, car l’important était de n’en pas perdre une seule miette, mais de voir cet homme de 74 ans monter sur scène pour driver le set d’un groupe qui fut jadis le plus violent d’Angleterre, ça dégingande quelque peu le métabolisme cérébral, et encore, quand on a dit ça, on n’a rien dit. Moment extra-ordinairement émouvant, au moins autant que la dernière apparition de Jerry Lee à la Vilette, ça se charge automatiquement d’un épouvantable pathos, celui qui s’empresse de signifier la fin d’une époque, la nôtre, le sentiment que tout va s’arrêter avec ces mecs-là, mais c’est beaucoup plus qu’un sentiment, ça porte le joli nom de fin des haricots, comme le soir où on apprit la mort de Gainsbarre et que l’idée d’un lendemain semblait tellement inepte. On voit nettement que Phil May accuse le poids de son âge, il sourit encore, mais l’âge affaisse ses traits, ses yeux se plissent, ses cheveux tombent, son corps se tasse, il semble plus court qu’avant, l’énergie lui fait atrocement défaut, la fatigue l’accable, il perd même un peu de voix, mais diable, il faut le voir claquer son «Mama Keep Your Big Mouth Shut» à coups de maracas, hey mama, toute sa vie il n’a juré que par Bo et il continue de ne jurer que par Bo, Bo le botte, hey big bad Bo, on sent qu’il aimerait bien mourir sur scène comme Mick Farren,

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    la classe absolue, ce pourquoi tu es né, poussière tu redeviendras, oui mais poussière de la scène, baby, alors ouvre bien tes yeux car ce n’est pas SF Sorrow qui naît, c’est Phil May qui renaît, avec son «Bracelet Of Fingers» lancé, avec toute la bravado de sa jeunesse enfuie, comme une insulte à la figure de l’Angleterre bien pensante, et s’il monte sur scène c’est pour se battre pied à pied avec l’épouvantable réalité du vieillissement et du souffle court, Phil May ne lâche rien, il chante toutes les secondes de sa vie dans un ultime raout parisien et ça vaut l’or de tous les matins du monde, car rien n’est plus difficilement sublime que d’être le chanteur des Pretty Things, et tant pis pour ceux qui sont passés à côté. Tant mieux pour les avertis qui s’y trouvaient, l’ambiance était à la hauteur du set, il s’agissait d’un beau public de fans, avec une extraordinaire variété générationnelle, justement, pas mal de kids en quête de real deal. Car c’est bien de real deal dont il s’agit. Et rien d’autre.

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    Par contre, Dick Taylor ne semble pas accuser le poids des ans. Il conserve cette allure de pépère jovial qu’il affiche depuis vingt ans et n’en finit plus de scruter les premiers rangs par dessus ses lunettes. Et si la dynamique des Pretties reste intacte, c’est aussi et surtout grâce à l’arrivée en 2005 d’une section rythmique quasi-juvénile, George Woosey et Jack Greenwood, qui par leur sainte petite ardeur ramènent toute l’élasticité du beat dans l’os du raw, au point que lorsqu’on voit George Woosey chevaucher son wild walking drive de basse, on croit voir John Stax.

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    Même niaque des bas-fonds à base de longs cheveux gras et de trait grossiers noyés de sueur. Col roulé sous la chemise pour Stax, marcel sous la chemise pour Woosey. Veston et big boots. Dos courbé, le drive, rien que le drive, dumb boy. Le beat des Pretties sentait bon la brique et la crasse des slums. Ah il faut voir ces cinq mecs gonfler les voiles du far out so far d’«I See You», il faut les voir swinguer «Big Boss Man» au maximalisme de la maximatose et groover «Mona» à la rampante, dans le bourbier de la légende des siècles, dans cette lumière de fin du monde et ces vapeurs âcres qui brûlent les poumons, et si on peut jerker une dernière fois sur «Midnight To Six Man», on se dit que finalement la vie valait quand même le coup d’être vécue.

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    L’obsession de Phil May et Dick Taylor ? Monter sur scène pour jouer les chansons de leur idole Bo Diddley.

    Signé : Cazengler, pretty singe

    Pretty Things. La Maroquinerie. Paris XXe. 19 octobre 2018

     

    On the Rhodes again

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    Pour situer Emitt Rhodes, Paul Lester parle d’un petit prodige californien qui à l’âge de 19 ans devint un homme orchestre, before McCartney and Rundgren. Emitt devint une sorte de wizard en herbe au fond du garage de ses parents. Il installa une batterie, construisit un petit mur de briquettes légères pour isoler son magnéto en plastique et se mit à enregistrer ses compos. Quand il découvrit que Paul McCartney avait fait la même chose pour enregistrer son premier album solo, ça le conforta dans sa démarche. Quoi de plus naturel que d’enregistrer seul ?

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    Il est utile de préciser qu’Emitt n’était pas un bleu quand il commença à faire cavalier seul. Il avait déjà joué de la batterie dans The Palace Guard, puis chanté avec the Merry-Go-Round qui fut un temps le house-band du Hullabaloo sur Sunset Boulevard. C’est très intéressant d’écouter l’album des Merry-Go-Round paru en 1967 sur A&M : ils sonnent comme des clones des Beatles. C’est aussi avec ce genre d’album qu’on mesure l’impact pétrificateur qu’eurent les Beatles sur la jeunesse américaine. Tous les cuts de l’album sont frais comme des gardons de Liverpool, ça saute dans l’air immaculé et ça pullule de bonnes intentions. «Gonne Fight The War» pourrait très bien sortir de Rubber Soul, alors que «Had To Run Around» tape dans une veine plus américaine de type Byrds/Beau Brummels. Mais ils retombent aussi sec dans la Beatlemania avec «We’re In Love». Et ça continue en B, avec un «Where Have You Been All Of My Life» qui par son punch évoque confusément «Got To Get You Into My Life». On reste dans le bona fide beatlemaniaque avec «Low Down» qui pourrait sonner comme le Baby you can drive my car que l’on sait et on voit poindre le museau de la fuzz sur le dernier cut, «Gonna Leave Alone». Oh pas grand chose, nous ne sommes pas chez les Shadows Of Knight. Mais ce dernier petit hoquet fait figure de hit garage pop underground.

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    Son premier album solo, The American Dream, paru en 1970 - a classic of post-Beatles songcraft and proto-powerpop - est en fait le second album du Merry-Go-Round incomplet : le groupe splitte en 1969, Emitt fourbit le complément avec ses compos et met son nom en gros sur la pochette. Il entre en studio avec la crème de la crème du gratin dauphinois de Los Angeles. C’est la raison pour laquelle on lit les noms d’Hal Blaine, de Jim Gordon et de Larry Knetchel au dos de la pochette. L’album paraît sous deux pochettes différentes, la deuxième étant particulièrement laide : on y voit le jeune Emitt poser devant un mur arrosé de bleu blanc rouge.

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    Il n’a pas besoin de préciser que les Beatles sont ses chouchous : il suffit d’écouter «Textile Factory» pour comprendre à quel point il les vénère. Il recrée le punch de «Rocky Raccoon», avec la même chaleur intrinsèque. «Textile Factory» semble sortir tout droit du White Album. On trouve aussi deux beautiful songs là-dessus, à commencer par «Pardon Me», pur jus de magie lennonienne. Emitt s’en va chercher les échos de timbre du magicien de Liverpool. C’est un vrai cas d’osmose. On croirait vraiment entendre John Lennon. Le seul autre rocker américain capable d’une telle supercherie, c’est bien sûr Ty Segall. Emitt chante au cousu d’or, à l’extrême sensitif. L’autre beautiful song se niche au bout de la B : «Til The Day After». Emitt partage avec John Lennon le même sens du dévoiement mélodique. Effarant ! Toute la B baigne dans la beatlemania de bon aloi : «Holly Park» n’est rien d’autre que du pur jus de beatlemania. On y retrouve tout l’entrain de John Lennon, les trompettes, l’éclat pop, il ne manque plus que les lunettes cerclées d’argent. Emitt sonne si frais qu’il frise même le Ronnie Lane. Avec «May Will You Take My Hand», Emitt débarque sur Coconut Beach pour un petit coup d’exotica. Ça sent bon les marimbas et la tiédeur des alizés. Les crabes des cocotiers s’enfilent des moritos à l’ombre des parasols. Emitt y donne tout bêtement sa vison personnelle d’«Obladi Oblada». Et «The Man He Was» ? Alors si ce n’est pas du pur jus de Lennon, alors qu’est-ce ? Emitt reste prostré dans le giron de son idole et délivre des chansons d’une beauté transie en transit. C’est encore pire avec «In Days Of Old». On croit tellement entendre la voix de John lennon qu’on se pose la question. Serait-ce lui ? Même morgue de pop. Extraordinaire sens de l’accointance.

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    Et hop, c’est parti. Il enregistre dans la foulée Emitt Rhodes qu’il considère comme son premier album solo : «I just wrote the songs and recorded them, and it became an album because I kept going.» Il se fait photographier dans les ruines d’un incendie. Inutile de préciser que l’album navigue au niveau du White Album. «With My Face On The Floor» reste l’une de ses chansons préférées. Il y sonne comme Ronnie Lane. C’est tellement parfait qu’on s’en tape sur les genoux, en proie à une vague de bonheur immaculé. Emitt éclate au grand jour et de manière spectaculaire. Cet album va tout seul sur l’île déserte. «Somebody Made For Me» sonne comme «Honey Pie» et «She’s Such A Beauty» comme «Martha My Dear». Emitt chante avec autant d’entrain que les Fab Four à leur âge d’or. C’est totalement inespéré de la part d’un Américain. Et il nous fait le coup du «Why My Guitar Gently Weeps» avec «Long Time No See». Ça paraît inconcevable et pourtant, Emitt réussit ce prodige. Il démarre sa B sur une attaque en règle lennonienne avec «Live Till You Die». Il va même chercher l’exact croisement de Lennon et de Lane. Il chante «Promise I’ve Made» avec l’accent de Liverpool au coin de la bouche. Il colle au terrain et jongle avec les registres vocaux. Ce cut mériterait lui aussi sa place sur le White Album. Il sort de sa beatlemania pour la première attaque américaine de l’album : «You Take The Dark Out The Night». Même s’il chante avec un faux accent de Liverpool, il swingue sa viande avec de vieux relents de bluegrass. Mais la Beatlemania reprend vaillamment le dessus. Spectaculaire osmose, et on se retrouve en plein «Martha My Dear». On s’émerveillera aussi de ce «You Should Be Ashamed» plus mélancolique, mais si raffiné. Il va plus vers le Sergent Poivre. Emitt monte son mythe, Emitt émet des ondes, Emitt amasse des amis.

    Comme The American Dream et Emitt Rhodes sont parus la même année, Emitt se retrouve à l’âge de 20 ans avec deux albums en vente chez les disquaires. Mais comme le dit Paul Lester, it was too much too soon. Le label commença à mettre la pression. On demandait à Emitt d’enregistrer un nouvel album dans les six mois. Il pensait qu’il ne pouvait pas, car il avait mis neuf mois à sortir l’album précédent, en travaillant tous les jours. Mais en signant un contrat, il est tombé dans les griffes du business and I had a publisher, Eddie Shaw, who pretty much controlled me. L’horreur. Emitt ajoute qu’Eddie Shaw emplâtrait toutes les royalties.

    Alors c’est le burn-out. Emitt flippe car il se sait incapable se sortir un nouvel album en six mois. Comme ça ne vient pas, Dunhill lui colle un procès au cul. Pour sortir de ce piège à rats, Emitt n’a plus qu’une seule chose à faire : leur filer l’album qu’ils réclament - That solved the problem.

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    Mirror paraît en 1971 sur le label de Lou Adler. Le cœur battant de l’album s’appelle «My Love Is Strong». Ce coup de génie se situe dans la veine de «Glass Onion». Emitt chante ça au tortillon écœurant de feeling - My mouth will water/ And my blood run warm - On assiste à un fabuleux contre-balancement du beat. Avec le «Take You Far Away» du bout de la B, Emitt replonge dans sa chère beatlemania avec un fondu de voix digne de «Norwegian Wood». Il s’en va chercher une sorte de psyché d’acou superbe. Il joue à la corde sensible d’excellence far-out so far - Never see the sun/ Nenver know the moon - «Birthday Lady» s’inscrit dans la veine du White Album et «Better Side Of Life» pourrait très bien être signé Lennon, car ça vibre de joliesse mélodique. Emitt s’amuse aussi à rocker sec avec «Really Wanted You» - Billy got two teeth out/ Got five slitches in the chin - Pur jus de Beatles rock - I was sleepless till dawn/ With a heart breaking down - Avec «Bubblegum The Blues», il va plus sur le boogie-piano à la McCartney. Emitt ruisselle de feeling. Il place des solos rampants du meilleur effet. Il reste dans le jardin magique de la beatlemania pour «Love Will Stone You», mais il parvient à imposer son style. Ce cut impressionne par sa santé - Love will stone you/ But you will come down - Il a raison, les histoires d’amour finissent mal en général.

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    C’est dans le laps de temps qui sépare Mirror de l’album suivant que se tient le procès. En plus le label lui demande de partir en tournée, d’écrire des chansons et de sourire. Emitt n’y arrive pas - So things were falling apart and I was just doing my best to survive - Il parvient quand même à enregistrer Farewell To Paradise - But by the time I delivered Farewell To Paradise I was done - Il était ratatiné, cuit aux patates - The problem was, music had become work - C’est exactement ce que dit le titre de cet album. En effet, il est beaucoup moins immédiat que les deux précédents, même s’il démarre avec un joli groove d’Americana intitulé «Warm Self Sacrifice» - Oooh I need yoooo - Emitt compte parmi les dignitaires de la dignité, parmi les indigènes de l’ingénuité, parmi les maroufleurs du chou-fleur - Some kinda real voice - Son «See No Evil» n’est pas celui de Television, il s’agit plutôt d’un heavy groove à la Steely Dan, paisible et vaguement oblong. On sent des tentatives, de faibles parfums pernicieux, un goût pour l’indicible caribéen. Quelque chose s’y tapit. Et quand il gratte «Blue Horizon» au banjo du Wisconsin, on comprend qu’il ne vit que pour une seule chose : la grâce. Mais cette fois, sa pop ne veut plus faire d’histoires et l’A s’éteint doucement, comme le songe d’une nuit d’été. On trouve de l’autre côté un groove ondoyant à la Marvin, «Nigths Are Lonely». Emitt chante au doux d’une glotte satinée, avec un sens aigu de la mesure. Cet homme caresse le vent dans le sens du poil. Il adore les rondeurs de la lune et ne dit jamais non à la vertu. Son «In Desperate Need» sonne comme un groove de poing serré. Il termine cet album de fin de non recevoir avec le morceau titre. Il s’en va y chercher l’embrun psychédélique. Il s’en va même softer le son et ouater le ciel, comme Eugène Boudin à Honfleur. On le voit glisser doucement vers un léger exotisme.

    Après ce cauchemar, Emitt prit un job d’ingé son et de producteur chez Elektra. Il dit aussi qu’il a enregistré pas mal de trucs restés inédits. De qui faire baver pas mal de gens.

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    Après un confortable break de 43 ans, Emitt revient dans l’actualité avec un nouvel album, Rainbow Ends. Cette fois, les membres du groupe de Brian Wilson l’accompagnent.

    Avec le temps, Emitt semble être devenu un spécialiste des coups de génie. C’est en tous les cas ce que tendrait à prouver cet album. Il suffit d’écouter «If I Knew Then» pour s’en convaincre définitivement. Il y propose une pop étrange mais solide. On note l’immédiate qualité de sa présence et la fluidité de son swing - Abandon all hope/ All ye who enter here - Il embarque sa pop au paradis - If I knew then/ What I know now - C’est d’une rare puissance, il échappe à tous les cadres, il crée un monde d’énergie subliminale, un monde à lui. On s’abreuve à la source de son énergie. Nouveau coup du sort avec «This Wall Between Us». Si tu es romantique, ça va te démolir - The wall between us/ What does it hides - Il s’interroge dans le courant de l’énormité qui l’emporte vers le large - I don’t know what you’re thinking/ I can’t read your mind - C’est assez monstrueux - If I could look behind/ Wonder What I’d find - Non, il ne parviendra jamais à lire dans ses pensées. Encore une pièce de choix avec «I Can’t Tell My Heart», joli balladif pianoté au clair de la lune et soudain ça explose dans un pont transitif incroyablement mélodique. C’est une merveille absolutiste, les accents dramatiques reflètent l’esprit d’un homme génial. Emitt atteint des sommets dignes de Burt Bacharach. Sa pop est d’une puissance hors normes. Oh il faut aussi écouter le morceau titre, qui va plus sur le big atmospherix, au sens septentrional de la chose, il couvre le jargon des horizons. Comme il va loin, il entraîne la prod dans son sillage mais en même temps, il semble devancer les notions de temps et d’espace. C’est très particulier. En lui brûle une sorte de feu sacré, il cherche en permanence la chanson parfaite et son always chasing rainbows explose. C’est d’une beauté spectaculaire - Head up in the clouds/ Though my dreams would never end/ But my eyes they’re open now - Il faut entendre ça, cette façon de jeter quatre vers parfaits à la face de Dieu. Avant lui, peu de gens avaient osé. C’est un cut qu’on écoute et qu’on réécoute sans fin, on ne se lasse pas de cette montée ultime et sublime. En vérité, tous les cuts de cet album tapent dans le mille. «Dog On A Chain» prend de l’ampleur au second couplet et dégage énormément de souffle - Don’t be the only one to compromise - Il va tout de suite dans la haute volée, celle qu’on claque aux accords du paradis - I was led like a dog on my knees - De toute évidence, ce mec a salement morflé. Encore de la heavy pop avec «Someone Else». Emitt pourrait bien être le grand trésor caché d’Amérique. Il ne chante que des hits faramineux. Il y a même un côté Dr John chez lui, comme on le constate à l’écoute d’«It’s All Behind Us Now». Oh l’admirable groove de Dr Rhodes ! - Let’s forget those things we said - En plus tout est extrêmement bien écrit : du son et du texte, comme chez Lawrence d’Arabie. «What’s A Man To Do» éclate dans la beauté du jour. Il chante à la saturation de timbre. Ce mec est un éploré de la beauté angélique - No easy answer - Il descend dans la mousse des sous-bois, au plus profond de l’âme humaine - Lord what’s a man to do ! - Les arpèges crucifient la mélodie au Golgotha du sentimentalisme. La heavy pop de «Friday’s Love» s’écroule comme une falaise de marbre dans le lagon argenté. C’est tout simplement explosif de pop culture. Emitt se laisse emporter par les dérives contingentes qu’il secrète. Il est l’artiste complet dont on rêvait. Lou Adler et les autres ont bien failli réussir à le détruire.

    Signé : Cazengler, Emiteux

    The Merry-Go-Round. A&M Records 1967

    Emitt Rhodes. The American Dream. A&M Records 1970

    Emitt Rhodes. Emitt Rhodes. ABC/Dunhill Records 1970

    Emitt Rhodes. Mirror. ABC/Dunhill Records 1971

    Emitt Rhodes. Farewell To Paradise. Dunhill Records 1973

    Emitt Rhodes. Rainbow Ends. Omnivore Recordings 2016

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    Paul Lester : Hello Paradise ! Shindig #56 - May 2016

     

    FONTAINEBLEAU18 / 10 / 2018

    LE GLASGOW

    SONS OF THE BLEACH

     

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    Les jeudis du Glasgow commencent à devenir chauds de braise. Un bon bar et un bon orchestre de rock, c'est tout de même la formule idéale à opposer aux frisquettes soirées automnales... qui tardent à venir. Mieux vaut prévenir que guérir, l'adage séculaire nous conforte en nos préventions. Surtout que ce soir l'on nous promet le nirvana. Qui serait assez fou pour rater une telle occasion !

    Attention, cette soirée n'a pas tenu ses promesses. Nous nous en expliquerons plus loin. En plus comme l'entrée est gratuite, l'on ne peut même pas exiger le remboursement. L'on nous avait prévu du déplumé, de l'unplugged comme disent les ricains, bon, on n'a rien contre, mais le rock sans électricité c'est un peu comme la choucroute sans chou, certes vous cassez la croûte... Pas du n'importe quoi il est vrai, du pâté de roi, Sons of the Bleach est censé nous rejouer de la première à la dernière note le fameux MTV Unplugged in New York, un truc qui a branché pas mal de gens à l'époque et encore maintenant puisque il apparaîtra très vite que l'assistance connaît le répertoire par cœur. Un truc qui cloche cependant, alors que l'on attend le groupe, mais que font ces deux guitares électriques posées contre le pare-feu de la cheminée ?

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    SOAB # 1

    Ne dites pas que vous ne les connaissez pas. Nous les avons croisés maintes fois. Krostif Rip a laissé à la maison la contrebasse qu'il slape chez les Jallies, s'est emparé de la guitare lead et du micro, l'a chargé Tom Sawyer de tenir la basse, et derrière les fûts c'est Kristens Manni qui affûte sec. Nous demande si l'on connaît l'Unplugged, notre réponse a l'air de le satisfaire nous prévient toutefois de faire gaffe parce qu'après avoir joué l'Unplugged Kurt Cobain s'est tiré une balle dans la tête. Ne nous inquiétons pas pour notre avenir se hâte-t-il d'ajouter, ils possèdent le remède miracle contre les dépressions, un peu d'électricité n'a jamais fait de mal à personne. En attendant il lance la danse à haute volée. Fûts et raffut, tel est son programme. Frappe lourde et puissante. Unplugged n'a jamais signifié sonorité chétive et maigrelette. Là-dessus Tom vous creuse des lignes de basse qui descendent tout droit en enfer, vous entendrez hululer la masse lugubre des damnés tout le long de la soirée. Kross nous montre tout ce qu'il ne faut jamais faire à une guitare semi-acoustique l'a fait moduler salement, ne cessera de l'électrocuter, lui arrache de ces notes à vous faire hurler de frayeur, et là-dessus il vous balance sa voix comme les Romains semaient du sel sur le sol de Carthage afin que rien ne repousse jamais sur cette terre maudite. Un larynx froissé, une voix saupoudrée de rouille et infatigable. L'est le bélier qui bouscule tout sur son passage, enfonce les citadelles de votre esprit et emporte au loin les remparts de vos rêves les plus fous. Une machine de guerre, vous dégoisent tout l'album dans l'ordre. Dans le désordre plutôt parce que dans la salle ça commence à tanguer force sept. Et personne n'a envie de rentrer au port se mettre à l'abri. Parfois ils échangent leurs instruments, mais c'est pour mieux revenir nous percuter avec leur distribution originelle. Puisqu'il faut choisir, insistons sur le Jesus don't Want me for a Sunbeam, des Vaselines qui vous prend de ces teintes sombres à vous demander si ce n'est pas vous qui êtes cloué sur la poutre fatale, le The Man Who sold the World parviennent à faire ressortir dans cette purée noire et grasse qu'ils nous versent à foison le côté arty de Bowie, et le dernier Where Did You Sleep that Night de Leadbally, une de ces berceuses mortuaires et inégalables dont le blues a le secret. Entre parenthèses l'on reconnaît dans le traitement du morceau l'influence du Zeppelin sur Nirvana. C'est fini, c'est bon, allez vous coucher. Notre batteur sourit aux anges. L'est manifestement soulagé que ce soit terminé. Non, il n'a pas sommeil. Tient seulement avant de se quitter à nous offrir l'aubade de trois derniers petits morceaux. Trois monstruosités cliquetantes d'électricité, des monstres ressortis des profondeurs abyssales, des espèces d'énormes cachalots aux arrêtes extérieures et empoisonnées. Trois cadeaux d'adieu.

    SOAB # 2

    Ce n'était qu'un au-revoir. Le temps d'écluser quelques boissons fermentées. Ce coup-ci c'est du sérieux. Bye-bye l'unplugged. A manger de la volaille, autant l'avaler vivante, avec les pattes, le bec et les plumes. Nirvana n'a pas enregistré que ce maudit trente-tours sans graisse ajoutée, le Soab exhibe une play-list de plus de vingt morceaux, des extraits de Bleach, de Nevermind, et de in Utero, personne n'est contre mais jamais ils n'auraient dû s'attaquer à Lithium – le troisième sur leur liste – parce que là ça a dérapé grave. Le lithium est un métal rare, sert à tout mais pas à n'importe quoi, a provoquer les fissions nucléaires – y eut une scission dans Nirvana à cause de ce morceau – comme à servir d'euphorisant, la fin de Kurt nous autorise à penser qu'il n'a pas su l'utiliser en ce sens. En tout cas sur le Glasgow l'effet fut galvanisant. Avouons qu'ils l'avaient bien mis en place, à tel point que le public emballé se chargeait des chœurs, mais à partir de ce morceau le concert est rentré dans une vitesse supérieure. Changement de dimension. Dans l'ordre naturel de la petitesse vous avez le timbre-poste et tout de suite après c'est la salle de concert du Glasgow, mettez soixante personnes dans votre vestibule et retirez la pendule pour respirer, dans le Glasgow il n'y a pas d'horloge, alors la foule coagule, ça déambule dans la compression, ça s'articule sur place, ça s'accumule sur ondulation, ça craticule de la capsule, et dans cette pâte mouvante épaisse comme un suc de glucose, vous observez portée à ébullition, d'étranges phénomènes vibrionnants, des courants se forment, s'entremêlent, se poussent, se repoussent, confluent et refluent, c'est la danse extatique, vous sortez de vous même et vous marchez à côté de vos pompes, vous êtes vous et vous êtes un autre, vous êtes mû par un entassement collectif, une entité schizophrénique envahissante, vous n'êtes plus plus qu'une masse prise dans sa propre nasse. Pour les trois musicos c'est pareil, sont comme les trois têtes de Cerbère réunies sur un seul corps, dix fois fois, vingt fois, trente fois, ils vont à chaque nouveau titre se lancer dans l'esthétique abracadabrante du dernier morceau, démarrage à fond de train, Kross aboie à s'en péter les cordes vocales, Tom pédale sur ses boîtiers nous tourne le dos pour mieux ravitailler en plein vol ses riffs d'énergie noire et toutes les deux minutes sur ses caisses Kristens vous rejoue en technicolor le Crépuscule des Dieux et la fin du monde, vous met un point final au néant de votre existence. Vous pensez que c'est fini, que vous êtes mort et même que c'est ce qu'il y a de mieux de ce qui a pu vous arriver dans votre vie tellement le final a été grandiose. Point du tout, c'est reparti, vous repassent le film depuis le début, Kross qui crache le tonnerre, Tom qui torpille les licks et Kristens qui vous achève à la masse de forgeron. Terminé. Sinistre plaisanterie, vous remettent le couvert, vous refont la scène, et dans la foule chacun y met du sien, chacun essaie son dernier pogo, son ultime déhanchement, les bras s'élèvent comme si vous tentez d'escalader l'espace pour vous extraire de ce brasier qui vous enroule de ses langues de feu. Et c'est reparti pour une nouvelle fois. Nos trois héros rechargent les canons à mitraille jusqu'à la gueule. La garde meurt et ne se rend pas. La foule compacte leur interdit de partir, de toutes les manières ils n'en ont aucune envie. S'arrêtent brusquement, plus un bruit, et vlan le coup du lapin musical qui vous brise les cervicales et c'est reparti pour la bastonnade maison, celle qui défie la raison. Cette fois this is the end, se défont de leurs instruments, mais non ils en sont incapables, le devoir sacré les appelle, alors ils les ceignent encore une fois pour que ça saigne une ultimate fois. Et le combat cessa faute de combattants lorsqu'à l'attaque de la der des ders, Kross s'aperçoit qu'il est devenu aphone... tout le monde se précipite pour les remercier, mais les serveurs affolés ont ouvert la porte en grand et nous enjoignent de sortir, on a mordu largement sur l'heure légale...

    De l'unplugged de cet acabit, chez Kr'tnt l'on s'en fait livrer un trente-huit tonnes toutes les semaines.

    Damie Chad.

     

    LE MEE-SUR-SEINE19 / 10 / 2018

    LE CHAUDRON

    LILY / COHAAGEN

    POGO CAR CRASH CONTROL

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    C'est dans les vieilles marmites que l'on fait les meilleures daubes. Les Amplifiés l'ont bien compris. Z'ont choisi le Chaudron pour cette nouvelle représentation. Public de connaisseurs à l'esprit ouvert. Alors ce soir nous ont préparé un salmigondis un tantinet disparate aux trois saisons. Printemps, hiver, canicule. Du Vivaldi électrique. La meilleure des ratatouilles pour fins gourmets aux estomacs d'autruche. Bon appétit.

    LILY

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    Parfois dans la vie, les interrogations métaphysiques se jettent sur vous sans que vous n'ayez rien demandé. Post-folk, sur le flyer. Vous reconnaîtrez qu'il y a de quoi s'interroger. Vont tout de même pas offrir au public du PCCC, un truc de scout à la fleur bleue décolorée... Aussi dès que la première note retentit sans préavis, tout le monde se précipite dans les les escaliers, poussé par une saine curiosité. Le spectacle est étonnant.

    Marie-Lys Leroux est toute seule. Le lys dans la vallée aurait dit Honoré de Balzac. Ce n'est pas vrai, sont cinq en tout, mais l'on ne voit qu'elle. Toute grande, toute blanche, aux longs cheveux noirs. Et surtout la voix. Elle ne chante pas, elle module, haut et fort, une incantation, une mélodie infinie, d'une sublime beauté. Un oratorio. Non ce n'est pas une diva qui aurait confondu le Chaudron avec une salle de répétition de l'Opéra de Paris. Ce sont les quatre garçons qui nous le prouvent. C'est compact ce qu'ils déversent, mais rien à voir avec du récitatif lyrique.

    Un étrange mix, entre hardcore et poésie. ( Attention danger, éviter la chanson française ). Ce qu'il y a de sûr c'est que le public surpris a été très réceptif et les ont longuement applaudis. Apparemment l'originalité paye encore. Nous ont raconté une histoire en cinq mouvements. Cinq atmosphères. Cheminement d'adolescence. Passages de tendresse et récifs de colère. Les titres parlent d'eux-mêmes et permettent à chacun d'adapter et d'adopter le scénario. L'écorché Vif, Putur Froche, Danse, Mangolis, Le Mâle, ce dernier nous étant présenté comme un cauchemar...

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    Méfions-nous de Lucas Prieur, le batteur, dès qu'un instant de grâce s'éternise, il vous assène trois coups de bâton à assommer un troupeau de bœufs et tout chavire à l'instant dans la cacophonie la plus délicieuse. Et les autres ne se font pas prier pour casser les œufs. De dinosaures. Alphonse fonce sur sa basse, Nicolas Ramanantsoavina ravine sa guitare mais le plus inquiétant se révèlera être Grégoire Meneret. De temps en temps il joue, le reste du temps il expérimente, tourne les boutons de ses boîtiers, laisse son instrument vagir par terre, retrouve la vieille manière des premiers bluesmen à n'utiliser qu'une seule corde, qu'il parcourt de deux doigts, vous a des gestes ronds qui me fond penser à un joueur de violoncelle et me donne raison quand il prend une baguette de Lucas pour archet. Manières bizarres de jouer, pour set étrange. Lily chante, elle danse aussi. Longuement, tourne toute seule au milieu de la scène, tandis qu'une pluie de notes dégringolent sur nous. Un set inédit. Qui dévoile un univers qui n'appartient qu'au groupe. Nous entrouvre la porte, mais c'est à vous de vous immiscer à l'intérieur et d'y faire votre trou, comme la souris dans la roue de gruyère. Public convaincu.

    COHAAGEN

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    Une forteresse. Un bunker. Un blockhaus. Imprenable. Une sensation de puissance unifiée, un défi. Dès la première note vous comprenez que ces quatre gars n'ont pas besoin de vous. S'imposent d'eux-même. Impossible de les ignorer. De feindre que leur existence ne vous concerne en rien. La citadelle au sommet de la colline, que vous ne pouvez ne pas voir. Et craindre. Une musique refermée comme un poing mais aux arêtes tranchantes. Traces de sang de ceux qui se sont aventurés d'un peu trop près. Une menace. Un péril. Normal, Cohaagen n'est pas de notre monde. Personnage de science-fiction qui semble issu d'un roman de F. J. Ossang.

    Warzoo, Soubib, Sdb, Odin se sont peut-être donnés pour mission de transcrire en musique pour les pauvres et faibles terriens que nous sommes les aventures et surtout les rêves et les pensées d'un héros hors-norme. Nous font défiler de visu une bande-son post-apocalyptique de notre futur. Warzo au chant manifeste par son dos souvent tourné le mépris que notre minusculité ne peut que susciter. Puisque nous sommes les animaux immatures d'un passé lointain. Sdb à la basse, Odin aux drums et Soubib à la guitare, déroulent une musique sans concession, froide, batailleuse, hérissée d'agressivité gratuite, une fureur concentrée dont il est difficile de définir le rôle de chacun. Une œuvre collective, une espèce de grenade refermée sur elle-même, une espèce de rubik-cube explosif sur lequel personne n'ose apposer sa main.

    Une musique a-communicative, froide comme la mort, un ovni venu de demain, nos agilités mentales sont incapable d'appréhender son maniement, son utilité, d'où la fascination d'autant plus grande qu'elle exerce sur notre curiosité, qu'elle exige de nos imaginations. La musique de notre futur. Une espèce d'artefact d'intelligence pure coagulée qui s'oppose à nous en son mystère. Cohaagen est une zone limite. Une borne votive posée aux frontières de l'in-connaissance. Une énigme dont nous ne comprenons pas l'énoncé, mais qui devient d'autant plus obsédante, qu'elle focalise toute notre attraction, qui happe vers elle toute notre activité mentale, s'en empare et nous laisse désemparés tourner sans fin dans notre viduité. Nous a réduits à l'état de zombie stellaire et lorsque le set se termine nous applaudissons sans fin.

      Dessin : Sylvain Cnudde ( ne correspond pas à ce concert )

     

    POGO CAR CRASH CONTROL

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    En attendant les Pogos. Lumières éteintes, sampler de gouttes électriques - stalactites du néant de l'angoisse - qui tombent une à une du robinet du rock'n'roll, dont la cadence n'augmente pas mais dont l'amplification se grandiosifie à chaque fois. A peine si on les perçoit sous la clameur qui se lève, se revêtir de leurs instruments comme les prêtres des cultes antédiluviens ceignaient leur chasuble pour procéder à d'immondes sacrifices humains. Le poëte qui rate le premier vers de son sonnet est mal parti. C'est pareil pour les Pogos. Pour eux ce sont les premières cinq secondes qui sont cruciales. Ou ce sera réussi, ou ce sera raté. La mèche du bâton de dynamite qui s'éteint est de mauvais augure. Je n'ai jamais vu les Pogos rater le car. Perdent tout de suite le contrôle de la folie ordinaire des êtres humains. Avec eux c'est le crash assuré, à l'instant.

    Rage des paroles et outrage de la musique. Le P3C est une formule instable, volatile et explosive. Le tube de dentifrice ouvert qui explose et éparpille vos molaires dans la salle de bain pour finir par les incruster dans le miroir au-dessus du lavabo. Regardez-vous, rien de grave, vous souriez de toutes vos dents. Mais arrêtons de rêvasser. A sa batterie Louis donne le top départ du grabuge, ouvre la fabuleuse boîte de pandore des démons et merveilles. Mais c'est à Olivier de déchirer l'opercule, secoue le grésil tumultueux de sa chevelure, la mélange d'éructations inouïes tout en grattant furieusement sa guitare. Hay que tocar ! Hay que matar ! L'est comme ces toreros qui débutent la corrida en abattant tout de go le taureau au fusil à canon scié chargé de chevrotines. Une fois la mort rouge présente, la fête peut commencer.

    A ses côtés Simon lui donne de fameux coups de pieds, de ces ruades intempestives sur les cordes de sa guitare, s'en sert comme le fil à couper le beurre de votre cervelle, l'a fait de funestes progrès en quelques mois, il tonitrue à chaque trou qui se présente, vous le remplit de brisures de haine sur le champ, mais ce n'est pas le plus important, vous entremêle les riffs avec les siens propres, et occasionnellement avec ceux d'Olivier – cela demande savoir-faire et concentration – résultat vous avez des passages qui ne sont pas loin des foisonnements à la New York Dolls.

    pretty things,emittrhodes,sons of a bleach,cohaagen,pogo car crash control,walter's carabine,waiting for the royalties

    Lola Frichet joue en solitaire. L'a son espace sonique en elle. Evolue dedans. De la même manière que les sorciers qui ne sortent pas du cercle protectif de leurs invocations aux forces du mal. Mais pas vraiment seule. L'est perdue dans son décompte fabuleux. Au sens dhôtellien de ce terme qui signifie que le hasard peut être vaincu. Se tourne vers Louis et revient vers nous. Se livre du poing et de la tête intérieure à des décomptes qu'elle connaît par cœur, court après le temps comme d'autres après eux-mêmes, et sa basse ajoute quelques grains opiniâtres de folie douce, belle et blonde au tumulte infernal. Elle est la rosée du chaos.

    De trois-quarts profilé sur sa batterie, Louis luit de mille feux. Que serait le Pogo sans cette forge incandescente, il est la centrale atomique qui fournit à foison l'énergie nécessaire à l'opérativité alchimique du groupe qui se transcende en empruntant ce chemin de foudre qu'il trace tout droit sans jamais faiblir. Sans Louis, le secret de la condensation philosophale du rock'n'roll ne serait pas agrégé une nouvelle fois. Olivier rajoute à ce bouillon infernal les formules hymniques des textes pogoïques qui vous crachent à la gueule la frustration d'une jeunesse désespérément accablée par le monde qui l'entoure et dont elle n'est qu'un fragment autistique, incapable de se détacher et de devenir pleinement autonome.

    Mieux vaut ne pas décrire la salle. Cela vous ferait mal. L'obtiendra à corps et à cris un rappel. Un seul défaut aux sets du Pogo, sont trop courts, demandent trop d'énergie. Par contre c'est comme les explosions nucléaires, une fois les atomes cassés, les radiations s'insinuent à vous et continuent à vous perforer l'esprit.

    Damie Chad.

    ( Dessin : Sylvain Cnudde : ne correspond pas au concert )

    ( Photo : FB : Sarah Krimi Elue )

    PARIS20 / 10 / 2018

    BLACK STAR

    WAITING FOR THE ROYALTIES

    WALTER'S CARABINE

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    Juste à côté de La Mécanique Ondulatoire. La façade ne paye pas de mine. Zieutez l'étoile bowienne noire au-dessus de l'entrée. A l'intérieur, c'est tout beau, tout neuf, tout classe. Accueil sympathique et feutré. Grande salle, faux plafond piqueté de brillances rouges, Canapés confortables au fond, scène à l'opposé, sur le mur défilent des vidéos d'artwork. L'est sûr que l'on joue la carte underground chic. Parisien, mais pas parichien à punks. Le public sera au rendez-vous.

    WAITING FOR THE ROYALTIES

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    L'on connaissait le One Dollar Quartet, mais ceux-là ils courent après les royalties. Galopent bien d'ailleurs. Sont quatre, trois grands mecs, Virgile Lassale à la lead, Quentin Leclercq à la basse, Patrick Maillet à la batterie, et au chant Claude Brun, une fille au prénom androgyne qui s'accorde à son look, froufrou de tulle pour terminer la robe courte et casquette à visière qui ne laisse dépasser que quelques fines mèches, tout à l'heure lorsqu'elle s'en défera le temps d'un morceau, une belle chevelure noire tombera sur ses épaules, mais le plus remarquable restera le bleu aigu de ses yeux qui darde et transperce. Dès Datsit, le premier morceau, le ton est donné, magnifiquement mis en place, réglé au millimètre, et la demoiselle montre de quoi elle est capable. Pas évident car les guys tricotent sec. Pas de temps à perdre, les morceaux sont constitués de brèves séquences qui se suivent sans rémission. Pas un labyrinthe, une succession de cellules si rapides que si vous décrochez une seconde, vous êtes perdu dans le canevas. Claude n'est pas pataude, virevolte là-dedans comme la libellule se joue de la surface de l'étang. Vous donne vite l'impression que c'est elle qui commande et que les boys s'arrangent pour la suivre sans obliquer de temps en temps du mauvais côté. Mais c'est l'ensemble du groupe qui est au taquet. Une escadrille d'oiseaux qui virent et revirent tous à la même seconde, sans que vous parveniez à présager le capricieux parcours de leur vol, qui toutefois d'évidence repose sur une logique interne, ici syncopique, qui vous échappe mais dont la netteté du résultat s'impose. Ce sont les fins fulgurantes des morceaux vous laissent pantois. Claude vous expulse et vous claque la porte au nez et les garçons vous poussent les verrous. Ne vous laissent pas dehors très longtemps, vous ouvrent un autre portail et c'est reparti pour une autre visite, la voix de Claude joue à saute-moutons sur les oxers rythmiques, n'oublie pas de sourire pour vous montrer combien c'est facile. Parfois elle se saisit d'un tambourin dont elle se bat le flanc droit avec la méthodicité d'un tigre prêt à sauter sur sa proie et dont la queue qui balaie ses rayures trahit la jubilation interne. Et hop, d'un coup sec, pas vue pas prise, elle vous fouette de son cerceau de bois à clochettes les fesses de Virgile. Les félins ont tous les droits. Colle sa tête contre Virgile et Quentin, pour s'en éloigner aussitôt, mamours amicaux mais pas maman. Faut qu'ils bossent. Les titres se suivent, se ressemblent un peu mais vous séduisent tout autant. Un set sans faille, sans défaut, sans ficelle, du clair, du net, du précis, du brillant, le public s'est approché et fait les chœurs sur So Low. Z'ont gagné la partie avant qu'elle ne soit terminée. Depuis le début en fait. Terminent en flèche sur Miss Ketchup, Beware, et This is Only rock'n'roll. Rock'n'roll oui, mais surtout rock'n'pop.

    ( Dessin : Sylvain Cnudde )

    WALTER'S CARABINE

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    Release party pour la sortie de leur nouvel album. Chroniqué in Kr'tnt ! 381 du 05 / 07 / 2018. Devais les voir à la Comedia, mais la préfecture de police en a décidé autrement... Pas question de les rater cette fois-ci. J'ai fait main basse sur toute leur disco donc rendez-vous la semaine prochaine pour les nouvelles kros... Souvent sur leurs flyers ou leurs cartes de visite les groupes définissent leur style en quelques mots, mais avec leur leur formule magique opératoire : Brutal Blues Garage Trio, les Walter's Carabineont ont résolu la quadrature du cercle du Connais-toi toi même delphique. Savent exactement ce qu'ils sont, des adorateurs du serpent bleu de la démesure du rock'n'roll.

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    Trio. Joe Ilharreguy à la quincaillerie, Foucauld de Kergorlay aristocrate du manche à six cordes qui vous laisse des marques aussi terribles que le chat à sept queues, et Marius Duflot au cromi et à la basse. Garage, pas une once de pure pop. Vous refilent les morceaux de barbaque bleue périmée avec ecchymoses à foison. Brutal car sans concession aux ambiances astringentes. Vous mettent le feu avec Time to Ignition, la brûlure au corps, la flamme à l'intérieur de l'âme, mais pas que, au monde extérieur aussi, social pour employer les mots brûlants qui fâchent, lâchés comme des brûlots bazardés sur le vieux monde.

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    Nous ne sommes pas loin, d'une philosophie du rock à la MC 5, le pied dans la fourmilière et l'envie d'en précipiter un max aux ordures. La première partie du set démarre sur un tempo ultra-rapide, à la vitesse d'un incendie criminel qui se propage parmi l'herbe sèche. Joe sert les copains. L'a la frappe rampante qui s'insinue sous les guitares, ni vue ni connue, mais qui pousse à la roue comme pas une, c'est lui qui creuse la pente, la déclivité où les deux autres s'engouffrent à la manière de ces torrents de montagne qui dévalent et emportent tout en une course folle. Suis planté devant Foucauld et n'en crois pas mes yeux, ses doigts sur la guitare et sans arrêt le vibrato en main, le rythme en devient fuselé d'une légèreté extrême, fonce à toute allure, et puis la finesse du doigté, l'on dirait une onde prête à s'envoler. D'ailleurs à un moment la musique devient cosmique, un trip dans les étoiles mais aux morceaux suivants le groupe revient dans la réalité oppressante.

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    Leave Your Job, Workaholic, dénonciation sans faille, Marius hache les mots, vocal qui gratte et qui scande et qui s'attaque aux poutres maîtresses de nos prisons, ne peut pas non plus face à la virtuosité du fou Foucauld, dum-dumiser tranquillou sur sa basse, s'en sert donc comme d'une seconde lead guitare, plus grave, mais qui marque au plus profond les entailles et les entrailles rythmiques, sur I want a Riot, la musique devient cri musical, appel explicite à l'émeute, hélas l'on ne sortira pas dans la rue afin d'exalter nos colères et mettre en pratique nos révoltes  sans récoltes, alors le blues triomphe, s'en vient, surgit des guitares comme l'injustice, la faim et le désespoir s'abattent sur les pauvres, Marius à grands coups de pieds sur la scène l'appelle et le hèle, la guitare de Foucauld, pleure et gémit, et le serpent réveillé que l'on croyait mort et tronçonné à jamais, se cherche et recolle ses propres morceaux, dresse fièrement sa tête, et siffle, et trille les notes du refus de l'impuissance. Des cris fusent dans la salle, l'assistance retrouve d'instinct l'ambiance de B. B. King au Regal, émulations cordiques, émulsions d'émotions dans la voix de Marius, sur sa batterie Joe ahane le monde, Foucauld le transperce de mille éclats d'épingles diaboliques, puis vous écorche une famille de chats sur son harmonica rugissant, une ondée maléfique de bonheur tombe sur nous, appelez cela comme vous voulez, Call It a Feeling, call it rock'n'roll, call it brutal devil blues, but call it Walter's Carabine !

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    ( Dessin + image fond de scène : Sylvain Cnudde )

    ( Photo : FB : Pascale Ysebaert )

    RETOUR

    En chemin vers la teuf-teuf, la vieille dame à la rue qui pue la pisse et la solitude à qui l'on achète de quoi bouffer, des enfants aux grands yeux qui dorment sur les trottoirs. L'étoile de la réalité est plus sombre que noire. On n'a pas le temps d'attendre les royalties, Walter tu as raison de prendre ta carabine.

    Damie Chad.

  • CHRONIQUE DE PORPRE 269 : KR'TNT ! 389 :TY SEGALL / BONNEVILLES / FICTION ABOUT FICTION / HUGUES PANASSIé / / ROCKAMBOLESQUES (4 )

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 389

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    18 / 10 / 2018

     

    TY SEGALL / BONNEVILLES

    FICTION ABOUT FICTION / HUGUES PANASSIE /

    ROCKAMBOLESQUES ( 4 )

     

    La chèvre de Monsieur
Segall - Part One

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    Ty Segall est si complet, si prolixe, si polyvalent, si protéiforme, si aventureux, si imprévisible, si incontournable, si fantasque, si kaléidoscopique, si chatoyant, si désinhibé, si souple, si coureur, si variable, si papillonnant, si léger qu’il vaut bien un néologisme : la Segallité. Il relève à la fois de l’égalité, de l’étale au sens de la mer, du létal au sens de l’état et de la qualité au sens d’un complet en Prince de Galles bien coupé. Ty Segall est l’artiste varié et luxuriant par excellence. Il s’arrange toujours pour surprendre son auditoire. Il surgit là où personne ne l’attend. La grande force de ce Californien est de n’être pas prévisible. On attend du garage-punk et il plaque des accords de Sabbath. On attend du glam californien et il se lance dans des passes d’armes virtuoses avec son compère Emmett Kelly. Autant dire que sa prestation au Rush trompa toutes les attentes. Et les trompa même énormément.

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    On le vit arriver sur une grande scène, dans les conditions d’un festival en plein air. Des conditions qu’il faudrait presque qualifier d’estivales, avec le fleuve de part et d’autre de la presqu’île et le soleil de juin qui va avec. Égall à lui-même, Ty Segall paraissait sans âge, du type éternel adolescent, même pas bronzé, faisant ainsi mentir les lieux communs. Wouat ? Un Californien à la peau blanche ? Il n’avait de californien que le blond d’un tignasse fournie que fouillait doucement un vent léger. Ty Segall joue toutes les cartes en même temps : l’anti-frime, l’inclassabilité des choses, le sans-âge, le lutin des contes qui surgit là où personne ne l’attend, l’enfant de la balle, le chien perdu sans collier, l’ami d’on ne sait quelles bêtes, le romantique à la petite semaine, un personnage dans lequel on finit par se perdre et qui semble prendre un malin plaisir à échapper à nos sales manies d’entomologistes. Il ne s’en doute peut-être pas, mais c’est bien cet ensemble de choses qui le rend instantanément sympathique, ou à défaut, intriguant. Et bien sûr, sa musique va de pair.

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    Pour une fois, l’habit fait le moine et notre homme ouvre encore l’éventail de tous les possibles en tapant dans le genre musical le plus riche de tous, que ce soit au plan historique ou musicologique : le rock des seventies. C’est en effet l’époque de la profusion, l’âge d’or de Fantasia chez les ploucs. Ce qu’on appelle aujourd’hui communément les seventies est la décennie qui vit grouiller le plus grand nombre de grands groupes, le plus grand nombre de grands albums et le plus grand nombre de superstars. Stones, Beatles, Sabbath, Who, Led Zep, Doors, CS&N, on ne savait plus où les mettre, ils s’entassaient comme des patates dans des sacs, les bacs des disquaires croulaient sous le poids de tonnes, les salons et les garages se remplissaient de gros tas de disques. Qui n’achetait pas de disques en 1972 ? Personne, ou presque. Il n’est pas de genre musical plus indiqué que le rock seventies si l’on souhaite brouiller les pistes. C’est dans cet insondable vivier que puisent les spéculateurs, car les disques rares de groupes inconnus grouillent autant que les asticots dans la charogne de Baudelaire. C’est aussi dans ce marigot que puise Segall le Ty chic, le vénérable ré-inventeur du rock qui pourrait bien finir par se faire accuser de toutes les tares sauf une : la prétention. Il joue son rock seventies en toute impunité, avec l’éclat d’une mine candide, comme s’il ne jouait que pour son plaisir, nous laissant le choix de suivre ou pas, revenant ainsi aux règles de base du spectacle : voici ce que j’ai à t’offrir, c’est à prendre ou à laisser et bien sûr, tout va dépendre du talent dont il dispose. Et comme il en regorge, le résultat ne se fait pas attendre. Attention, c’est un set difficile, aussi difficile qu’un parcours long et aventureux, chargé d’imbroglios et débouchant souvent sur des surprises qui donnent envie de continuer. Ce n’est pas gagné d’avance, et c’est là où il se montre très fort. Et bien sûr, tout repose sur le son. Ty Segall ramène essentiellement du son. C’est même une pluie de son qui tombe de son ciel. Pour parvenir à ce beau résultat, il s’entoure d’une grosse équipe : Emmett Kelly, comme on l’a vu, avec ses faux airs de chicano et sa niaque de jeu, ses tatouages ludiques et ses prouesses de Téléboy averti. Puis le vieux complice Mikal Cronin sur une basse Rickenbacker, qui fit partie du power-trio des précédentes tournées, virtuose lui aussi, mais il est vrai que pour taper dans ce registre, il vaut mieux savoir très bien jouer de son instrument, car on se trouve aux antipodes du jeu en trois accords qui a fini par épuiser et discréditer le garage. L’autre cheville ouvrière de cette affaire s’appelle Charles Mootharde, le batteur américain par excellence, un chevelu vêtu de blanc qui frappe ses fûts à bras raccourcis, un type qui ne s’en laisse pas compter, une brute du beat, le prototype du drummer que la délicatesse n’atteindra jamais et qui s’en fout, car il doit battre le beat pendant qu’il est chaud et pour ça, on peut lui faire confiance, il frappe et sur-frappe, il a la main lourde et c’est exactement le genre de mec qu’il faut pour endosser le rôle du bourrin de service dans ces longs morceaux atmosphériques aux climats changeants et bardés de ponts improbables qu’il est toujours difficile d’orchestrer, car chaque fois se pose le problème de la crédibilité, comme d’ailleurs en architecture. Ça tient, mais est-ce beau ? Et si c’est beau, est-ce que ça tiendra ? Plus ça sophistique et plus les équilibres se rétractent. Il faut savoir les solliciter pour bâtir les tours de Babel. Oui, car le rock seventies, c’est Babel. Ty Segall se lance là-dedans avec un culot ahurissant. Il le fait avec une telle liberté de ton qu’il finit par échapper à toutes les règles. Il semble même qu’il ait réussi à bâtir un univers sonore totalement conceptuel, qu’il ré-humanise à coups de screams et de bonds, car il adore sauter à pieds joints sur sa pédale d’effets. De toute évidence, cet homme prend un plaisir fou à jouer ses cuts de quinze minutes. Il semble vouloir aller là où personne n’ose plus aller, il semble posséder la technique qui lui permet d’explorer des mondes nouveaux tout en donnant un spectacle de rock. Il est assez professionnel pour se rappeler que des gens payent pour le voir jouer sur scène, mais il s’échappe à la première occasion, sachant que de toute façon les gens qui le connaissent l’admirent assez pour lui faire confiance et le suivre là où l’emmène sa fantaisie.

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    Une chose est sûre, Ty Segall est le fruit d’une collection de disques. Son parcours et son attitude n’ont pas d’autre explication. Il est comme tant d’autres nourri d’influences et dispose d’une énergie qui lui permet de passer du statut passif de fan au statut d’acteur, et dans son cas, on peut même parler d’énergie surnaturelle, car d’année en année, il atteint progressivement le statut d’acteur majeur. Il arrive là où tous les chanteurs-guitaristes de rock rêvent d’aller : le stade où tout est possible, où rien ne peut freiner l’avancée, le stade où les disques succèdent aux disques mécaniquement et où le follow-up grossit et se stabilise, pas au stade des unes de magazine, car Ty Segall est encore un peu underground, mais pas loin, et d’ailleurs, on ne le lui souhaite pas, car il pourrait s’y brûler les ailes. Oh bien, sûr, ses compos ne marquent pas les mémoires au fer rouge, mais il redore à sa façon le blason d’un rock américain toujours menacé de conformisme. Il veille bien à asseoir la réputation d’un rock qui repose essentiellement sur la puissance du son. Quand il saute à pieds joints sur sa pédale d’effets, c’est sa façon de dire : j’écrase mon principal ennemi, la médiocrité.

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    Il jouait bien sûr des cuts de son nouvel album, Freedom’s Goblin considéré dans Uncut comme un classique, au même titre que le White Album. Ty Segall y joue wild card after wild card. Le critic d’Uncut dit même qu’au long des 19 cuts, Ty barely puts a foot wrong. Pas un seul faux pas. Eh oui, il a raison, Freedom’s Goblin somme comme un classique véridique. D’ailleurs, dans l’interview qu’il donne à Uncut, Ty dit que le White Album est son album favori. Il s’empresse d’ajouter qu’Electric Ladyland fait aussi partie de ses all-time faves. C’est vrai qu’on ne s’ennuie pas un seul instant, à l’écoute de Freedom. Ce double album semble visité par la grâce et même par la graisse, car un cut comme «She» rissole dans une belle friture de heavy rock - She said I was a bad boy - Une seule phrase pour ce petit chef-d’œuvre de gras-double, un peu dans l’esprit du «Why Don’t We Do It In The Road». Ty tire le meilleur du mythique heavy rock des seventies. Il nous gave de heavy riffing, ce son extraordinaire qui fit le charme du set au Rush. On trouve sur la C d’autres surprises comme «Talkin’ 3», admirable jam de fin de non recevoir jouée à l’énergie du free par un Mikal Cronin débridé qui revient saxer la couenne du Pretender dans «The Main Pretender». Ty n’explore plus les frontières, il les explose. Rien ne l’effraie, surtout pas l’aventure. On trouve un dernier spasme en D avec «5ft Tall», une pop gorgée de jus, littéralement imparable. Chez Ty tout rayonne de force - I remember you just fine/ You are five foot tall - Et bien sûr l’A et la B grouillent de puces, tiens, comme ce «Fanny Dog», nouvelle giclée d’heavyness à la sauce liverpoolienne, c’est-à-dire les Boo Radleys. Il nous fait ici le coup du superbe élan de rock moderne. Évidemment, ça sonne comme un hit. Voilà, c’est ce son-ci qui frappait tant au Rush. Mikal Cronin nous joue même les descentes de basse de Noel Redding dans «Hey Joe». Ty prend «Every 1’s A Winner» à la glotte liquide. Il revient à sa passion dévorante pour les Beatles du White Album, mais avec une énergie californienne. C’est comme on dit une bataille gagnée d’avance. Rien que du son et de l’idée, comme chez les Boo et Robert Pollard. Nouveau clin d’œil au White Album avec «When Mommy Kills You», tapé au fondu de chant et au very big sound. Avec l’«Alta» qui ouvre le bal de la B, Ty touille une pop de heavyness onctueuse - I would fight to save you/ I would give my life - Son romantisme ne tient que par la puissance des intentions. Il n’existe rien sur cette terre de plus beatlemaniaque que «Cry Cry Cry» et on plonge aussitôt après dans un heavy boogaloo intitulé «Shoot You Up». Ty y bat tous les records de Screamin’ Jay Hawkins car on claque des dents - Yeah these children aren’t children no more/ They’re the carnivores - Pur jus de George A. Romero. Quand on dit que Ty crée son monde, ce n’est une pas une parole en l’air.

    Signé : Cazengler, Ty crayon

    Ty Segall. Rush Festival. Rouen (76). 3 juin 2018

    Ty Segall. Freedom’s Goblin. Drag City 2018

     

    Le Triumph des Bonnevilles

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    Deux choses à savoir sur ce duo d’Irlandais : ils ne tirent pas leur nom de groupe des motos, mais plutôt d’une vieille tradition de courses de dragsters organisées sur un lac salé en Utah. La deuxième chose, comme le précisait le batteur Chris McMullan, est qu’on ne prononce pas leur nom à la française, mais à l’irlandaise : thi boné/villahs. Le mot doit swinguer. Comme bamalama bamaloo, baby. Et si vous papotez un peu avec lui, il vous révélera des tas d’autres petits secrets intéressants. Si on lui demande pourquoi la roue n’est pas carrée, il ne saura pas quoi répondre, mais il fera la lumière sur leur contrat avec Alive, le label californien de Patrick Boissel. Comment diable en sont-ils arrivés là ? Pas compliqué : les Bonnevilles tournaient avec James Leg qui leur conseilla d’entrer en contact avec Alive et ça tilta. Deux albums sont déjà parus et les Bonnevilles tournaient en France pour la promo du deuxième, Dirty Photographs.

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    Sacrément bel album. Acheté aussitôt après le concert. Album très hendrixien. Le morceau titre et «Panakromatik» renvoient directement à l’ami Jimi, et de la meilleure façon qui soit. Andrew McGibbon va chercher l’Hendrix des débuts, à la bonne franquette de l’épaisseur. Ça donne un «Dirty Photographs» assez réjouissant et même très impactant. Même chose avec «Panakromatik». Bizarrement, quand on les voit sur scène, l’aspect hendrixien ne transparaît pas aussi nettement. Mais sur disk, ça frappe et ça réjouit. Cette façon qu’a Andrew McGibbon de riffer son blues est typique d’Hendrix. Le cut qui suit s’appelle «Fever Of The New Zealot» et sonne lui aussi comme un hit hendrixien digne d’Electric Ladyland. Assez inspiré, admirable heavy groove secoué de grimpées adéquates dignes de celles orchestrées par l’équipe de surdoués qui jouait à New York en 1968 autour de l’ami Jimi (Jack Casady, Dave Mason, Steve Winwood et Mitch Mitchell). Andrew McGibbon ressort tous les bons réflexes. L’autre point fort de l’album s’appelle «Don’t Curse The Darkness», un blues poignant de beauté intrinsèque, digne des grandes heures de Spooky Tooth : même impact et même science de la beauté formelle. On sent chez eux un goût prononcé pour le son des seventies, c’est en tous les cas ce que vient confirmer «The Good Bastards», en ouverture du bal de B. Ils ont une façon réjouissante de gueuler we are/ The good bastards. On note chez eux une grande aisance à dérouler. Oh bien sûr, ils retombent dans les clichés du son guitar/drums, comme dans «By My Side» ou «Long Runs The Fox», mais ils filent bon train, comme leurs collègues les Left Lane Cruisers. Ils finissent cet excellent album avec un «Robo Godo» une fois encore très hendrixien. C’est une excellente sortie de route, bardée de son et du meilleur.

    On avait repéré les Bonnevilles grâce à des chroniques pour le moins laconiques dans Vive Le Rock. Mais la curiosité s’arrêtait là, car il semblait qu’en matière de duos guitare/batterie, la messe était dite depuis un bon bail. Pas souvent d’une façon intéressante, d’ailleurs. Par on ne sait quelle ironie du sort, la plupart des duos montés sur ce modèle avaient réussi à se faire une place au soleil et à jouir des bienfaits du mainstream, ouvrant par là la porte à toutes sortes d’abus et décrédibilisant la formule qui du coup devint suspecte. Ce rock supposé rester pauvre et underground devint le fleuron du rock commercial et on en tartina abondamment les couvertures des magazines. Berk.

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    Alors faut-il sauter sur les albums des Bonnevilles ? Le conseil qu’on pourrait donner serait de commencer plutôt par juger la bête sur pieds, c’est-à-dire sur scène. Ça passe ou ça casse. Et comme le hasard fait souvent bien les choses, voilà qu’ils sont programmés dans une cave, en bas de la rue, et pour seulement six euros, ce qui est un cadeau, vu le pedigree d’un groupe dont la notoriété grossit à vue d’œil. Attention, ces deux mecs de Belfast n’ont rien de charismatique. On pourrait les qualifier de bruns passe-partout. Aucun sex-appeal. Leur look extrêmement austère évoque celui des pasteurs. Ils portent des chemises blanches et pantalons noirs, et se cravatent de noir. Aucune trace de luxure chez eux, pas le moindre signe de corruption des mœurs. Dieu veille sur leur rock.

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    Ils sentent bon l’éthique originelle du blues et la pauvreté des moyens. Cette absence totale de frime nous soulage franchement la conscience. Ouf, enfin un groupe de mecs normaux. Le set n’en sera que plus difficile, car on sait qu’un spectacle de rock repose généralement sur le flattage des bas instincts, et un manque total de sex-appeal peut avoir quelque chose de suicidaire. On comprend donc que tout va reposer sur le son et la qualité des compos. Et pour encore corser l’affaire, ça ne vole jamais très haut dans ce genre de duos. Leur set se présente donc comme le parcours du combattant. Une heure de très grande austérité peut avoir des conséquences terribles sur un public clairsemé d’avance. Mais heureusement, une petite moitié des gens va réussir à tenir le coup jusqu’au bout. Oui, car ces deux Irlandais vont réussir à arracher leur victoire au prix d’efforts spectaculaires. Ils peinent à tenir la distance, ça se sent souvent, les cuts ploient parfois sous le joug de l’insignifiance, mais ce diable d’Andrew McGibbon finit par redresser la situation et par créer vers la fin du set un sacré mayem d’apex, comme on dit en Irlande.

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    Et c’est là qu’il emporte la partie, avec notamment un cut ultra-atmosphérique rescapé des débuts, «10,000». C’est précisément à ce genre d’exploit qu’on reconnaît les grands artistes. Andrew McGibbon ne triche pas. On sent le feu sacré en lui. Les Bonnevilles sont condamnés à l’underground, mais les gens qui iront les voir jouer passeront vraiment un bon moment. Que peut-on attendre de plus d’un groupe de rock ?

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    Si on veut écouter «10,000», le plus simple est de rapatrier la compile Alive qui rassemble les meilleurs cuts des deux premiers albums. Elle s’appelle Listen For Tone.

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    Andrew McGibbon embarque son cut à train d’enfer - Goin’ to the river/ Goin’ to the river/ To die - Admirable ! Explosif ! Cette façon qu’il a de descendre son die, il le coupe en deux, di/aille, c’est d’un effet ravissant. On assiste là à une fabuleuse explosion de fin de non-recevoir, oui, il s’agit bien d’un hit, et quelle façon de scier le chant de Maldoror ! L’autre merveille de cette compile se trouve aussi en B et s’appelle «Hell». Andrew McGibbon s’y prend pour Alvin Lee à l’âge d’or de Ten Years After. Bien vu Andrew ! Belle tension, le beat rampe sous le boisseau - Hey go down in hell - Pas d’explosion finale comme dans «Help Me», mais prestation superbe. On note que dès qu’il sort de l’ornière du trash-blues, Andrew McGibbon redevient captivant. Par exemple avec cet «Asylum Seekers Of Love» qui rue un peu dans les brancards. C’est assez libre de ton et encore une fois bien senti. Ils chantent à deux et Chris McMullan renvoie bien l’ascenseur. Du coup, le cut prend une certaine allure. Par contre, on s’ennuie un peu en A, car les Bonnevilles s’engluent dans ce son trash-blues blanc qu’on connaît tous par cœur. Ils n’inventent ni le beurre, ni le fil à couper le beurre. Autant écouter Hound Dog Taylor.

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    L’autre album paru sur Alive n’est pas indispensable. Dommage car le titre sonne bien : Arrow Pierce My Heart. Belle pochette aussi, avec un Andrew McGibbon dans le feu de l’action. Mais comme on l’a dit, en matière de trash-blues blanc, la messe est dite depuis longtemps. Sur cet album tout est très bien senti, chanté à la vie à la mort, mais à part «No Law In Lurgan», rien ne vient vraiment frapper l’imagination. On sent chez eux une authentique volonté d’en découdre, mais la normalité reprend souvent le dessus. Rien n’est plus difficile que de créer la sensation à deux. C’est donc «No Law In Lurgan» qui sauve l’A, avec son riff seventies digne des Groundhogs, rock heavy as hell of God fire. Le gras double d’Andrew McGibbon vaut bien tous les gras doubles de l’âge d’or du gras double. Ils tentent de sauver la B avec le dernier cut, «Learning To Cope», qui sonne comme un réveil en fanfare, emmené fièrement au turbin et chanté à la niaque de Belfast, celle des vieux punks d’avant les punks.

    Signé : Cazengler, bonnevide

    Bonnevilles. Le Trois Pièces. Rouen (76). 5 septembre 2018

    Bonnevilles. Arrow Pierce My Heart. Alive Naturalsound Records 2016

    Bonnevilles. Dirty Photographs. Alive Naturalsound Records 2018

    Bonnevilles. Listen For Tone. Alive Naturalsound Records 2017

    FICTION ABOUT FICTION

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    Sont cinq : Sofiane travaille les soubassements, Charbel cuisine la batterie, Martin accompagne sa guitare, Emilien chante et officie aux claviers. Diane est la cheville originaire. Elle leade la guitare, mais c'est elle qui profile les morceaux. Elle les pose hors de ses rêves et les compose. Les autres l'aident à parturienter. L'est spécialement douée en graphisme alors elle se charge de tous les aspects visuels. Elle se réclame d'une esthétique post-punk-gothique-psyché.

    I DON'T CARE

    Vidéo-clip. Pas la peine de crier Clip ! Clip ! Clip ! Hourra ! Raconte une sale histoire. La vôtre. C'est bien fait pour vous. La nôtre. C'est déjà plus embêtant. D'abord il y a la musique. Ça ressemble à ces marches funèbres funèbres jouées à l'harmonium dans les églises pour les enterrements à petit budget. Avec un truc en plus, narquoisement insupportable. Nietzsche dirait que c'est de la musique qui cligne de l'oeil. Non seulement l'on vous enterre mais en plus on se moque de vous. Pire une mélodie obsédante. Une vrille insatiable dans votre cervelle. Vous rentre dans une oreille, ne sort pas de l'autre côté, tout doux et fascinant. Un serpent qui déplie ses anneaux sans hâte et qui ne se presse pas pour vous piquer. Suprême consolation, en attendant vous pouvez regarder les images. Elles sont de Diane Abermas. Une drôle de chasseresse. L'a le trait qui vous touche au coeur. Des dessins. Animés. En fait, l'ensemble sonne plutôt croque-mort croquignol. Sourire cruel,  sans la chair et sans l'âme.

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    De quoi ça parle ? Au début de rien. Des arbres, un peu baobabs, au tronc noueux. Force et puissance. Se pressent les uns sur les autres. Z'avez même l'impression que certains possèdent des seins et d'autres des bras baladeurs qui enlacent les copains. On dirait qu'ils s'aiment. Tiens de la couleur. Normal, les super-héros entrent en scène. Sortent de la gueule d'un volcan. Pas tout à fait. De la bouche d'ombre du sombre Hadès. Des antres de la mort. Des vomissures du Styx. Pas vraiment bien en plénitude charnelle. Réduits au minimum. Des squelettes plus ou moins démantibulés. Si vous êtes étonnés de cette représentation – censée vous figurer - c'est que vous n'avez pas lu Heidegger. Nous a pourtant prévenus. L'homme est un être-pour-la-mort. C'est triste, mais c'est comme ça. L'on n'y peut rien. Pourtant dans l'ensemble nous sommes de braves gens, prêts à offrir au premier venu ce que nous avons. Or nous sommes des êtres qui n'avons que la mort en rayon. Pas méchants, la preuve les squelettes arborent une face rieuse. D'un autre côté se prennent un peu trop au sérieux dès qu'ils ouvrent les mandibules pour échanger de doctes pensées. Maintenant faut bien manger. Alors quand un joyeux phacochère erre dans la nature, l'est tout mignonitou, il trotte de toutes ses patotes, crac ! on le bouffe. Ne reste plus que les os. Ceci n'est pas un conte pour les véganophiles. L'on a la peau du ventre bien tendue – je voulais dire le creux du bassin prolifique – alors l'on fait des petits. Nous sommes une race qui proliférons du bidon. Voilà, c'est tout, on disparaît de l'image. Enfin presque. Parce que les temps préhistoriques sont loin, et que nous sommes entrés dans l'époque de notre puissance absolue. Nous sommes des titans malins. Le boulot ce sont les machines qui le font pour nous. Un bulldozer vous détruit une forêt en cinq minutes. Les usines poussent comme des champignons, c'est merveilleux. Des grues et des briques s'emparent du paysage. Du ciment et du bitume partout. Pépé Heidegger nous avait avertis, à la fin de l'âge métaphysique la technique arraisonnera la nature, l'arasera aussi. Nous ne sommes plus – depuis l'éternité - que des cadavres ambulants qui pérorons sans fin. Un seul espoir peut-être, ce phacochère qui passe en gambadant entre deux images sinistres. Est-ce un rêve, une survivance, un regret, cochez la case qui correspond à votre état d'esprit. Un beau faire-part de décès. Adressé à l'humanité entière. Mais peut-être arrive-t-il trop tard.

    Soyons optimiste, la musique fait passer le tout, un peu comme le poison fait passer la mort dans votre corps. Salut les squelettes !

     

    Z'ont encore deux morceaux sur leur soundcloud.com/dianeaberdam , car ils amassent de l'électricité pour STORM leur prochain LP :

    AND NO ONE SAY

    Un superposement. De pistes. Surtout pas un entremêlement. Deux destins parallèles qui n'ont pas besoin de se croiser. Dans la même direction, mais chacun dans sa solitude. Musicale et vocales. Avec cette particularité que la voix prend le dessus sur la musique. Un récitatif qui devient clameur. Et la musique recouvre le tout comme une marche funèbre. Un peu comme les cloches dans le poème d'Edgar Poe mais qui nous parviendraient en sourdine, étouffées par les instruments qui leur donnent naissance. Une cortège de nonnes sanglantes qui psalmodie, mais qui a bien conscience d'œuvrer dans le crépuscule de sa propre croyance. Le prêtre crie à se rompre les cordes vocales mais la divinité demeure impassible. Demeure impossible. Personne ne le dit. Car tuer l'illusoire de l'espoir est un délit. Une seule consolation, la guitare foutrement rock qui chante comme l'on verse du sel sur les plaies de l'âme. Nappes finales d'orgues pour recouvrir et emballer le tout. Si le paquet vous est envoyé par poste restante il est inutile d'aller le chercher. Il vous ferait trop mal. Délicieusement pervers.

    TROPHY

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    Très différent. Tout trophée est signe de victoire même si le sang a dû couler pour son obtention. Emballements joyeux sur fond d'arabesques ethniques. Une voix libérée, qui donne des à-coups de soleil. La musique se contorsionne par derrière, retourne un soupçon dans l'amertume des jours perdus, mais non, le matin se lève, le triomphe est au bout du chemin, il suffit d'avancer et de prendre de l'assurance, l'en devient presque allègre, des bulles d'air qui éclosent à la surface des marais. Impression de renaissance. Fermez les yeux. Et regardez à l'intérieur de vous. Le dedans est à l'image du dehors. Les heures de grande équivalence débutent.

     

    Trois morceaux et déjà un style. Fiction about Fiction est un projet à suivre. Le nom du groupe donne à rêver. Un miroir qui reflète un autre miroir. Une distanciation entre le dire et sa profération. Ce décalage qui institue la réalité du monde en une simple image. Une parmi tant d'autres. Entre le réel et son reflet la distance n'est pas si grande qu'on le croit. Nous marchons dans le palais des glaces des illusions perdues. Ce qui est transparent est parfois une barrière. La musique est un brouillard qui s'interpose entre le rêve et ce qui est censé exister. Vertige. Peut-être sommes-nous seuls. Et rien ni personne n'existe. Fiction about fiction, nous conduit derrière le miroir. Instant solennel. L'envers du décor est-il à la mesure de notre rôle !

    Damie Chad.

    P.S : pour l'oeuvre graphique de Diane Aberdam, reportez-vous à : dianeaberdam.tumblr.com

     

    DISCOGRAPHIE CRITIQUE

    DES MEILLEURS DISQUES DE JAZZ

    1920 – 1951

    HUGUES PANASSIE

    ( Editions Correa – 1951 )

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    L'ai trouvé je ne sais plus où, enfin si, chez un mec sympa qui m'a à la bonne parce que lui demande depuis des années s'il n'a pas rentré de vieux Gene Vincent. Inutile de me torturer je ne vous refilerai pas l'adresse. De toutes les manières j'ai droit de préemption absolue. Que voulez-vous le monde est rempli d'injustices et de passe-droits inqualifiables. L'ai pris par acquis de conscience. Je n'aime pas particulièrement le jazz... En plus la liste des disques enregistrés avant la deuxième moitié du siècle dernier, allez un peu les retrouver. Ce sont-là passion de collectionneurs ruineuses. Ou alors du bouffe-temps à farfouiller dans des cartons moisis ravagés d'humidité en d'incertaines brocantes. En fait j'aime bien Hugues Panassié, surtout sa mauvaise foi, le mec s'est accroché à son rêve mythique du jazz jusqu'au bout, l'a défendu bec et ongles. J'en connais d'autres qui agissent de même avec le rock'n'roll... Entre jusquauboutistes on se comprend toujours.

    Dans son intro, Panassié se montre tel qu'il est : mauvais joueur. Se défend de toute exhaustivité. Ne cite que ceux qu'il aime. Et que ce qu'il aime. Entendez la différence. Ne s'intéresse qu'au premier choix. La seconde catégorie il n'y touche pas. Les meilleurs musiciens ont commis de mauvais disques, tant pis pour eux, grand mal leur fasse, lui Panassié n'est pas là pour inciter les amateurs à se procurer de la mauvaise bidoche. Vous n'aurez droit qu'au haut du panier. Fût-il de crabes ! En plus, il exagère, ne vous donne que les meilleurs enregistrements, mais certains sont soulignés, ceux-là sont la béatitude de la bestitude incarnée. Si vous ne les avez pas, faites quelque chose, supprimez-vous au plus vite, vous n'avez aucun droit à rester sur cette terre. L'en rajoute un peu, certains artistes sont merveilleux en public, mais leurs résultats discographiques ne sont pas à la hauteur, n'auront pas leur carton d'invitation.

    L'est sympa, n'oublie pas de citer l'ensemble des musiciens ayant participé aux sessions, ce qui à l'époque n'apparaissait pas toujours sur les pochettes. Rassurez-vous, aujourd'hui non plus. L'a fait des recherches, des recoupements, l'a interrogé les musiciens – l'est déçu par leur manque de mémoire – au final, se fie à son oreille, vous reconnaît son gazier à sa manière de dérouler un solo, ou à sa soupape de charleston inimitable. Ne vous ennuie pas, vous file un petit topo sur les compagnies de disques : Blue Star, Brunswick, Columbia, Commodore, Decca, Gennett, Harmony, H.M.V., Master-Variety, Musicraft, Okeh, Parlophone, Polydor, Swing, Vocalion, chères aussi aux amateurs de Blues, de rock et de country... L'on aurait aimé qu'il ajoutât quelques précisions sur les petits labels, mais en ce bas monde nul n'est parfait.

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    Y a encore des index qui vous permettent de vous y retrouver facilement, ainsi question blues – parce que moi si je ne suis pas un fadurle de jazz j'adore le blues - pour Big Bill Broonzy – dont il avoue ne pas connaître tous les enregistrements - il n'oublie pas de citer Please Believe me et Why did you do that to me parus chez Hub sous le nom de Don Byas Quartet avec le sus-nommé Don Byas au saxo ténor, Kenny Watts au piano, John Levy à la basse, Slick Jones à la batterie.

    De Rosetta Crawford Panassié privillégie quatre faces, mais quand vous allez écouter vous la claseriez plutôt parmi les chanteuses de jazz, c'est que Tommy Ladnier et Milton Mezzrow lui volent un peu la vedette, l'on a l'impression qu'elle les accompagne plus qu'ils ne l'accompagnent... Wynonie Harris dont il souligne les remarquables parties de saxo ténor par Ilinois Jacquet sur Wynonie's blues ( Apollo ), n'oublions pas que certains amateurs tiennent Wynonie pour l'inventeur du rock'n'roll, avant Bill Haley...

    Les deux suivants sont sans contexte des figures du blues : Bessie Jackson – plus connue sous son nom de Lucille Bogan dont vient de sortir chez Camion Blanc, une biographie dont nous parlerons d'ici peu, Blind Lemmon Jefferson, notre cicerone le qualifie l'un des plus grands chanteurs de blues – n'a pas tort - mais n'avoue ne connaître que quatre galettes, de 1925 et 1à26, chez Paramount, nos ancêtres n'avaient pas la chance de surfer sur le net...

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    Cousin Joe, aussi appelé Pleasant Joe, on le connaît moins, Panassié le cite en tant que chanteur tout en notifiant qu'il a la manie ( exaltante ) de ne pas chevroter ses fins de lyrics mais au contraire de donner du gosier façon de pousser la mémé dans les orties, l'a été aussi pianiste, l'a joué avec Dave Bartholomew le producteur de Fats Domino, nous sommes tout près de Little Richard, l'avait commencé avec Sidney Bechett et Milton Mezzrow pour ne citer que des cadors à qui Kr'tnt a consacré un chronique...

    Lonnie Johnson, attention vous le trouvez là où ne l'attendez pas, tient les solos sur I'm not rough, Hotter thant that et Savoy blues de Louis Armstrong, et sur Hot and Buttered et Misty Morning de Duke Ellington, vous l'entendez seul sur Playing with the Strings, Stoompin' 'em Along, Blues in G et Away down in the Alley Blues, sur Okeh 1928... Maintenant on peut le dire l'a un peu le blues élastique Panassié, c'est sa passion du swing qui déborde et lui fait ranger Louis Jordan parmi les bluesmen... Lips Page fut surtout un trompettiste de jazz, Panassié apprécie fort son vocal j'avoue que je ne connaissais pas, suis allé vérifier sur You tube, Panassié a raison l'a un beau phrasé, trompette cool mais la voix qui en jette un max, une découverte.

     

    ty segall,bonne

    Ma Rainey, la plus grande chanteuse de blues après Bessie, qu'elle soit accompagnée par Tomy Ladnier, Louis Armstrong, Fletcher Henderson ou par des inconnus c'est toujours la reine, suivie de près par l'impératrice Bessie Smith, Hugues sort le grand jeu, nous cite plus de cent cinquante titres – pour la petite histoire sa disco n'arrive pas à deux cents - l'a mis tout ce qu'il avait, l'a raclé les fonds de tiroirs, l'a raison des filles comme Bessie l'on n'en fait plus, écoutez n'importe quoi d'elle et vous serez conquis, ad vitam aeternam... Voici une autre princesse du blues, Georgia White, a enregistré avec Jimmy Noone et Lonnie Johson, ne dédaignait pas les paroles à double sens, a accompagné Big Bill Broonzy au piano, a fini dans les clubs de Chicago, Panassié ne retient que quatre titres Jazzin' Babies Blues, Papa Pleaser, Late Hour Blues, Panama Limited Blues qui ne sont pas cités de nos jours dans les notules qui lui sont consacrées.

    ty segall,bonnevilles,fiction about fiction, hugues panassié, rocjkambole ( 4 )

    Après les ironiques délicatesses des modulations enchanteresses de la féminité, Panassié nous présente beaucoup plus couillu Big Joe Turner fort en muscle et en voix, blues shouter de poids qui se joue des dentelles d'Art Tatum comme du souffle de Bill Coleman, Eddie Vinson chef d'orchestre et saxophoniste de prédilection, mais qui sut donner de la voix sur des morceaux comme Too Many Women Blues et Old Maid Boogie Nous terminons avec Rubberleg Williams l'avait des jambes en caoutchouc qui firent de lui un prince de la danse et du vaudeville, mais l'était loin d'être un simple amuseur public, a magnifiquement servi au chant des calibres du genre Dizzie Gillepsie, Charlie Parker et Miles Davis.

    Si l'on tente de dresser un bilan, l'on se dit que le blues de Panassié est bien près du jazz, lui manque l'authenticité du delta... Mais à l'époque, devait pas y avoir grand monde en notre pays qui en connaissait autant que lui...

    Dernière notation : le livre n'est pas mince, dépasse les 370 pages... Les amateurs de rock parviendront à survivre facilement si le bouquin ne leur tombe pas sous la main... Par contre les amateurs de jazz ne manqueront pas de se mettre à sa recherche. Un document historique irremplaçable pour l'accueil de leur musique en douce France...

    Damie Chad.

    ROCKAMBOLESQUES

    FEUILLETON HEBDOMADAIRE

    ( … le lecteur y découvrira les héros des précédentes Chroniques Vulveuses

    prêts à tout afin d'assurer la survie du rock'n'roll

    en butte à de sombres menaces... )

    EPISODE 4 : URGENCES SOINS

    ( Vivace Vivace )

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    LA LETTRE VOLEE

    Le chef n'a pas l'air surpris du résultat de ma mission. Il me regarde et sourit. Il prend le temps d'examiner la cendre de son Coronado, adopte un air contrit, appelle Cruchette, et condescend enfin à prendre la parole :

      • Sans doute ai-je été par trop imprécis pour répondre à votre question, mais vous êtes parti si vite... Je ne vous ai pas demandé de ramener la corbeille à papier de la charmante Crocodile, mais votre poubelle à vous, j'avoue avoir été un peu elliptique, ce n'est pas votre poubelle que j'aimerais à examiner, mais plus exactement son contenu. Opération délicate qui demande un spécialiste chevronné d'un niveau bien supérieur à vous ! Je suis sûr que Cruchette a compris sans besoin d'explications !

      • Bien sûr Chef, je n'ai jamais osé en toucher deux mots à Monsieur Damie, mais sa teuf-teuf, c'est une véritable poubelle comme vous dites Chef, parce que moi je trouve que c'est plutôt une déchetterie ! Je m'en charge Chef, je prends mon balai, ma pelle en acier suédois super-fin capable de ramasser des grains de poussière de trois microns et un sac poubelle de cent litres, et j'y vais tout de suite.

      • Chef, je ne vous comprends pas, nous recherchons l'assassin et surtout son mobile, pas les quelques papiers qui traînent sur le plancher de ma teuf-teuf !

      • Tenez Agent Chad, pendant que j'allume un nouveau Coronado, remémorez-vous ces pages d'Edgar Poe, La Lettre Volée, les services secrets de sa très Gracieuse Majesté qui recherchent dans un appartement, une lettre très compromettante pour l'honneur de la Couronne, les plus fins limiers fouillent de fond en comble le logis sans résultat, et Dupin, le fameux détective déductif, la retrouve en quinze secondes sur le bureau du maître-chanteur, conclusion : inutile de chercher au bout du monde ce qui est sous vos yeux. Mais je vous en prie agent Chad, reprenez la rédaction de vos Mémoires en attendant le retour de Cruchette !

    LA PISTE !

    Cruchette est revenue toute fière, sur le bureau du Chef elle a scrupuleusement aligné douze bocaux de nutella vide, six boites de nougatine moisie, dix-sept os à moelle ( une puanteur ) de Molossa, deux cent quatorze emballages de fraises tagadas, une collection de blagues de carambars, un nombre incalculables de trognons de pommes en voie de décomposition avancée et une montagne de biscuits à chien à moitié grignotés...

      • Voilà Chef, par précaution j'ai laissé le balai et le seau dans la teuf-teuf, je pense que ce sera utile à Monsieur Damie !

      • Vous êtes une véritable mère pour cet escogriffe, Cruchette, il ne le mérite pas, mais vous n'auriez rien oublié, par hasard !

      • Ah si, une K7, toute pourrave dans le vide-poche de la portière ! Tenez la-voilà !

    LES DESAXEES

    C'était le nom du groupe. L'écoute s'avéra fabuleuse. Trois jeunes filles qui ne savaient ni jouer, ni chanter. Le premier groupe punk français, décréta le chef. Je vous épargne le potin de tous les diables, les paroles suffiront à vous faire une idée : Que feras-tu quand tu seras grande : quand je serais grande je serais terroriste ! Et toi que feras-tu quand tu seras grande : moi quand je serai grande je serai pédophile ! Et toi que feras-tu quand tu seras grande : moi quand je serai grande je serai eine nazie kamareden !, plus loin on atteignait la haute poésie : Quand je remue / Mon Petit cul / C'est que ta bite / Molle l'habite...

      • Chef, il y a une adresse à l'intérieur du boîtier : Claudine Laporte, 12 allées des Jardins. 77 160 Provins. Je connais, c'est rupin comme rue, je peux vous y conduire!

      • On y va illico, répondit le Chef, j'allumerai un Coronado dans la Teuf-teuf.

    *

    On a sonné à la porte de la belle villa. Une dame a traversé la vaste pelouse et nous a ouvert la grille.

      • Nous voudrions parler, à Mlle Claudine Laporte, s'il vous plaît.

      • Elle fait son stage de pédiatrie à l'Hôpital Mondor...

      • Elle est si jeune que cela, l'interrompit Cruchette

      • Non, elle a vingt trois ans, elle est étudiante en médecine, vous êtes la deuxième groupe de trois personnes à la demander aujourd'hui !

    HÔPITAL MONDOR

    Le Chef avait pris les opérations en mains.

      • Agent Chad, roulez sur la bande blanche centrale, jamais à moins de cent quatre-vingt, n'ayez crainte, avec mon colt je crève les pneus à toutes les voitures qui font mine de ne pas céder le passage.

    Vingt cinq minutes plus tard la teuf-teuf nous laissait sur le parking de la pédiatrie. Nous suivîmes les consignes du Chef, Cruchette devant, en brise-lame, le balai et le seau à la main, derrière le Chef, en protection, le Coronado laissant échapper de gros panaches de fumées noires, Molossa suivait, la queue frétillante, et moi qui assurai les arrières, le Glock à la ceinture caché par le perfecto. La traversée du hall se fit sans encombre, lorsque le vigile s'interposa pour arrêter Molossa, deux bambins couverts de pansements se précipitèrent pour la caresser, ce devait être un bon père de famille, il n'eut pas le courage de leur causer du chagrin, car il sourit et tourna le dos... Ce fut dans l'ascenseur que cela se gâta. L'était bondé et une jeune femme enceinte se mit à tousser.

      • Vous pourriez éteindre votre cigare Monsieur, d'ailleurs c'est interdit, en tant que représentant de la ligue anti-cancer, je tiens à vous avertir que fumer nuit gravement à la santé, et je vous conseille de descendre immédiatement car...

    Le quidam n'eut pas le temps d'achever. Le colt lui explosa la tête, Molossa se précipita sur la cervelle qui était tombé sur la moquette.

      • Je connais des façons plus rapide de mourir que par la tabac. Je tiens à avertir l'assistance que je tiens pour ennemi personnel toute personne – le Chef jeta un regard froid sur les visiteurs terrorisés - qui ferait partie de la ligue anti-tabac. Sachez que je ne plaisante jamais. Qu'il soit bien entendu que si l'un de vous touche son portable ou ose parler à quiconque de ce regrettable incident, il est déjà mort. A bon entendeur salut ! Nous descendons ici ! Nous vous souhaitons une bonne journée.

     

    Sans doute nous virent-ils partir sans regret. Service pédiatrie, c'était écrit en gros sur la porte. Nous suivîmes le couloir. Des infirmières voulurent nous arrêter, mais l'un d'elle surgit fort opinément et s'interposa :

      • Laissez, c'est pour les enfants, c'est le cirque ! Il y en a déjà un dans la salle de jeu avec la stagiaire, au bout du couloir, vous tournez à gauche, vous passez les portes battantes, et vous continuez jusqu'à la salle de jeu, attention, quand vous passez devant les bureaux, le nouveau chef de service arrivé ce matin est particulièrement de mauvaise humeur.

     

    On s'est un peu perdu dans les couloirs, on a tourné et retourné, les renseignements que l'on quémanda étaient contradictoires, mais enfin nous avisâmes la pancarte : Direction du Service. Nous suivîmes les conseils de prudence qui nous avaient été prodigués, nous marchions sur la pointe des pieds, quand Molossa, poussa un Wouaf retentissant ! Une porte s'ouvrit, Cruchette se trouva nez à nez avec une espèce de géant qui lui barra le chemin de ses deux bras !

      • Un chien dans cet établissement, je ne le permettrai jamais ! Je vais l'abattre tout de suite ! D'ailleurs vous aussi !

    A notre grande surprise il ouvrit sa grande blouse blanche et en sortit un fusil à canon scié, n'eut même pas le temps d'appuyer sur la gâchette, Cruchette fut plus rapide, de sa pelle en acier suédois elle lui trancha la tête qui roula à terre, le Chef l'a réexpédia d'un coup de pied dans le bureau ouvert tandis que j'y jetai le corps que je tirai par les pieds.

      • Vous vous rendez compte il voulait tuer un petit chien innocent qui ne lui avait rien fait, c'est bien fait pour lui, Papa m'a toujours dit que l'on devait arrêter les méchants par tous les moyens possibles.

    Cinquante mètres plus loin, nous arrivâmes devant la salle de jeu. Le Chef entrouvrit la porte. Une quinzaine d'enfants étaient assis face à nous. Au milieu d'eux une jeune fille. Vraisemblablement Claudine Laporte. Tous avaient les yeux rivés sur l'illusionniste, un grand chapeau pointu de magicien couronnait sa tête. Il nous tournait le dos, nous ne voyions pas ce qu'il faisait, mais des yeux attentifs suivaient tous ces mouvements. Il y eut des applaudissements.

      • Mes enfants, voici le dernier tour !

      • Non, non, encore !

      • C'est le dernier et le plus difficile, et j'ai besoin de vous, quand je vous le dirai vous fermerez les yeux et vous compterez doucement jusqu'à trente et vous verrez la surprise de votre vie. Mademoiselle Claudine, j'ai besoin de vous, mettez ce bandeau devant vos yeux, étendez-vous par terre, là oui, sur le sol, devant moi, regardez-moi bien les enfants, lorsque vous rouvrirez les yeux, elle sera toujours devant vous, par terre, mais transformez en papillon, ne trichez pas, fermez les yeux , allez on compte, un, deux, trois, quatre,

    Aucun des petits n'osaient tricher. Cinq, six, le gars sortit un fin couteau de sa botte, sept, huit, il leva son poignard, neuf, dix, il n'eut pas le temps de le planter entre les omoplates, le Chef avait bondit, se saisit de sa main, souleva son corps de l'autre, le fit tournoyer pendant que je m'empressai d'ouvrir une fenêtre, les enfants qui avaient entendu un peu de bruit, écarquillèrent les mirettes, juste à temps pour apercevoir le magicien s'envoler par la fenêtre ( du quinzième étage ).

      • On applaudit bien fort, m'écriais-je, quel tour réussi, quelle surprise, ce n'est pas Claudine qui a été transformée en papillon, mais le magicien qui s'est envolé !

      • Bravo! Bravo !

    Claudine enleva son bandeau, elle n'avait rien vu et surtout rien compris, si ce n'est qu'il s'était déroulé quelque chose de très insolite, elle se demandait ce que nous faisions dans la pièce, mais les rires et l'excitation des enfants la rassurèrent. Nous l'accompagnâmes quand elle ramena les gaminos à leur chambre. Elle se tourna vers nous, mais elle n'eut pas le temps de poser la question qui lui brûlait les lèvres. Elle se contenta de pâlir affreusement lorsque je lui fourrais la cassette sous les yeux.

      • Je crois qu'il faut qu'on parle ! dit le Chef

      • Crocodile est donc morte pour ça ! Et elle éclata en sanglots.

      • Non Claudine, pour le rock'n'roll !

    ( A suivre. )

  • CHRONIQUE DE POURPRE 268 : KR'TNT ! 388 : OTIS RUSH / SEASICK STEVE / FERMETURE ADMINISTRATIVE DE LA COMEDIA / SPUNYBOYS / THE CACTUS CANDIES / ROCKAMBOLESQUES ( 3 )

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 388

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    11 / 10 / 2018

    OTIS RUSH / SEASICK STEVE

    FERMETURE ADMINISTRATIVE DE LA COMEDIA

    SPUNYBOYS / CACTUS CANDIES 

    ROCKAMBOLESQUES ( 3 )

    Le rush d’Otis Rush

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    Le pauvre Otis Rush vient de tirer sa révérence. Les amateurs de Chicago blues le connaissent bien. Il est l’une des figures de proue de cette école du blues inaugurée dans les années cinquante par Muddy Waters et Little Walter et qui au bout de quarante ans, a fini par tourner en rond et générer de l’ennui. Dommage, car la première vague fit autant de ravages dans les imaginaires britanniques qu’en firent les rockabs de Sun. Bo Diddley, Muddy Waters et Little Walter ont joué, dans l’histoire du rock blanc, un rôle aussi capital que ceux d’Elvis, de Johnny Cash et de Jerry Lee. Muddy Waters et Sam Phillips, même combat. Ces gens-là ont tout inventé.

    Comme tous ses collègues installés à Chicago, Otis Rush vient lui aussi du Deep South. Il arrive à Chicago au début des années cinquante et comme Magic Sam, il débute sur Cobra Records. Dans une interview récemment parue, Syl Johnson nous révèle qu’il a déniaisé Magic Sam en lui montrant comment jouer les classiques de Muddy Waters. Puis comme tout le monde à Chicago, Otis va trouver Leonard le renard pour enregistrer quelques singles sur Chess. Parcours classique et terrain d’élection des industriels de la compilation.

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    Bref, Otis zone, jusqu’au moment où Mike Bloomfield s’intéresse à lui : c’est l’album Mourning In The Morning enregistré en 1969 à Muscle Shoals. Quel album ! Pur jus de Soul de blues ! Pochette superbe, avec un Otis prêt à bouffer le monde. Pour son premier album, il bénéfice de la présence d’une grosse équipe. Il joue pas mal de cuts de Bloomy, à commencer par «Me», l’un des hits d’Electric Flag. Roger Hawkins nous bat ça sec. Le son est au rendez-vous et Otis peut screamer son blues. Il joue bien liquide, comme Bloomy. Tiens, encore du Bloomy avec «Working Man». Otis le joue classique et incendiaire. Il module ses uuuhhh et ses ouuuhhh. Quel fucking moduleur ! Attache-toi au mât car il chante comme une sirène ! Il reste dans l’admirabilité des choses avec «You’re Killing My Love», toujours signé Bloomy et passe plus loin au heavy blues avec «Gambler’s Blues» où l’on note deux choses : l’excellence de la prestance et la pertinence de la prescience. On trouve hélas un petit moins de viande en B. Il faut en effet se contenter d’un «My Love Will Never Die» chanté à l’éplorée. Otis sait parfaitement faire pleurer sa voix et couler un bronze du blues. Il passe des grattages de guitare insistants et terriblement intrigants. Il boucle l’album avec un autre cut de Bloomy, «Can’t Wait No Longer’», histoire de bien enfoncer son petit clou. Cette union Otis Rush/Bloomy/Muscle Shoals est l’une de plus admirables de l’histoire du blues.

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    Screamin’ And Cryin’ paraît en 1974. Otis y va. On le sent partant dès «Looking Back». C’est un fervent gratteur de gras des bas-côtés. Il sait faire chialer sa note. On retrouve le bon gros heavy blues dans «You’re Gonna Need Me». Ce vieux crabe de zone B Sunnyland joue du piano. Otis s’arrache bien la paillasse pour chercher des effets, il hurle à la lune et fait son défroqué. C’est un spécialiste du charbon ardent. Il le fait pour de bon, il pousse des petits cris de poulet, ça baigne dans la fiente et les waoooh. Quelle rigolade ! Il prend «It’s My Own Fault» au doigt bien plat, il se prosterne devant les bénitiers, c’est un convaincu. En fait, il ne fait que taper dans des classiques, mais il n’a rien de la fulgurance d’un Buddy Guy. On sent toutefois une fantastique présence dans des reprises comme celle d’«Every Day I Have The Blues». Otis se met en quatre pour un huit de trèfle. Il prend «A Beautiful Memory» au heavy blues de la dégoulinade de morve, ça coule dans la manche, à travers les poches, c’est du gras, Il joue incroyablement gras, cet enfoiré fait couler son blues partout. Il est le roi du liquide qui tâche.

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    Magnifique pochette que celle de Cold Day In Hell : Otis transpire comme un diable coincé dans un sauna. Il démarre en trombe avec «Cut You A Loose», mais ça va trop vite, beaucoup trop vite. Il part ensuite dans un délire de petites notes lumineuses avec «You’re Breaking My Heart». Il dit à sa poule : tu me brises le cœur. On a beau chercher un hit sur cet album pourtant paru sur Delmark, on n’en trouve pas. Et si Otis Rush ne servait à rien ? Pour éviter toute dérive, il est conseillé de redoubler d’attention et de bien dresser l’oreille. Hélas, les choses se gâtent avec le morceau titre. Otis fait son Albert, non pas le King, l’autre, le Collins. Il joue avec les températures. Il verse des larmes de crocodile. Impossible de le prendre au sérieux.

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    Belle pochette que celle de Right Place Wrong Time paru en 1976. On y admire le port altier d’Otis, un port qui rappelle celui des anciens princes d’Éthiopie. Enregistré en 1971 chez Capitol, Right Place Wrong Time est en fait son deuxième album. Il ne parut qu’en 1976, après qu’il ait dû racheter les bandes. Pauvre Otis, il n’en finissait plus de zoner. Il attaque cet album sauvé des eaux avec «Tore Up», un joli coup de boogie blues à la Albert Collins. Il tisse une merveilleuse dentelle de blues dans «Right Place Wrong Time» et trousse l’«Easy Go» à la hussarde. Ce type est un génie fluide. Il ne se refuse aucune cascade d’eau claire. Il faut l’entendre dans «Three Times A Fool». Sa voix n’a rien de plus mais c’est à l’attaque de guitare qu’il va se distinguer du commun des mortels. De l’autre côté se niche «I Wonder Why», un instro de classe aristocratique. Otis y fourre ses petites digonnades de notes versatiles. C’est un expert du petit doigt qui aiguillonne. Par contre, «Your Turn To Cry» est du pur jus de slow blues joué aux giclées flamboyantes. Sacré Otis, il sait orgasmer son blues à longs jets radieux. Il dispose d’une arme fatale : le toucher de rêve. Pas mal d’Anglais du blues boom l’ont pompé, c’est évident. Avec «Take A Leak Behind», Otis va chercher le slow-blues à l’éplorée. Il sait tirer ses phrasés au-delà de toute complaisance. Il sort un son poignant. Ses notes se tortillent adorablement, il les titille avec cette volupté cabalistique qui n’appartient qu’aux anciens princes d’Éthiopie. Faramineux personnage !

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    Il attaque Troubles Troubles avec le fameux «Baby What You Want Me To Do» de Jimmy Reed. C’est joué bien sec, mais ça devient trop austère. Nous voilà chez Sonet, en plein âge classique du Chicago blues. Donc pas de surprise. Dans «Whole Lotta Lovin’», Otis attaque une vieille descente à la Dust My Blues et semble vouloir se réfugier dans le classicisme à tout crin. Et voilà qu’il chante «You Been An Angel» avec la voix de Stan Webb ! Incroyable ! On note l’excellence du battage de cymbales dans «You Don’t Have To Go» et on se régale du morceau titre car c’est du heavy blues circonstancié.

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    La pochette de Tops paru en 1988 ne met pas Otis en valeur. Il porte un chapeau et il paraît légèrement empâté. Si on veut retrouver l’Otis qu’on admire, il faut aller voir la photo qui se trouve au dos de la pochette. Il s’agit là d’un album live enregistré à San Francisco. Avec «Crosscut Saw», il met les pieds dans le territoire du gros Albert. C’est drôlement gonflé. Il joue ça au meilleur velouté de poireau. Il passe de sacrés paquets de notes et chante au doux du ton. Il sort un son de rêve sur «Feel So Bad». C’est quasiment du Bloomy. Il y lance une attaque en règle, une pure bénédiction d’électricité latente. Il y a plus de modernité dans le blues d’Otis, Horatio, qu’il n’y a de particules dans ta philosophie. Le «Gambler’s Blues» qui ouvre le bal de la B vaut largement le détour. Otis nous joue ça au mieux des conditions du blues. Ce mec est l’un des grands fluides de son temps. Son jeu enjôle et finit par captiver. Il revient au solo fin et vivace après un couplet désespéré. Il finit avec «I Wonder Why» qu’il prend à la Earl Hooker. Il ajoute de la finesse à la finesse, alors ça touche profondément les points sensibles. Otis joue titille la perfection. Il fait couiner chaque note comme une nympho.

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    Comme bon nombre de ses congénères, il débarque chez Alligator en 1991. Il y enregistre Lost In The Blues, un album assez moyen, même si «Hold That Train» qui ouvre le bal fait illusion. Otis revient à sa chère vieille dégoulinade. Il essaie de sonner comme le gros Albert, mais ce n’est pas gagné. On l’encourage. Vas-y Otis ! Vas-y ! - Oh you train conductor - Bruce Iglauer le voulait, Bruce Iglauer l’a eu. Mais on retrouve toujours les mêmes vieux coucous comme «Little Red Rooster» et ce «Please Love» qui sonne comme Dust My Blues. Par contre, Otis négocie son «Trouble Trouble» à la meilleure langue fourchue du blues. Il va chercher le bon timbre de chant.

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    Ian McLagan joue du piano sur Ain’t Enough Comin’ In paru en 1994. On écoute «Don’t Burn Down The Bridge» avec délectation, car c’est bien nappé d’orgue. Otis fait le job. C’est une reprise du gros Albert. Il reprend ensuite le «Somebody Have Mercy» de Sam Cooke. Il est dessus, avec une fantastique énergie. Rien de mieux qu’un vieux coup de Cooke. Fantastique ! Mais hélas, on passe à travers les autres cuts de l’album. Il nous ressert l’inévitable «It’s My Own Fault», et «Ain’t Enough Comin’ In» un boogie blues têtu comme une bourrique. Plus loin, il revient à son cher Sam Cooke avec «Ain’t That Good News». C’est du gospel. Otis le chauffe bien. Il boucle avec «As The Years Go Passing By», un blues de gras double. Il sort un joli son sur sa Strato blanche, mais il reste atrocement classique. Dommage qu’il manque de fantaisie.

    Signé : Cazengler, Otis rêche

    Otis Rush. Disparu le 29 septembre 2018

    Otis Rush. Mourning In The Morning. Cotillon 1969

    Otis Rush. Screamin’ And Cryin’. Black And Blue 1974

    Otis Rush. Cold Day In Hell. Delmark Records 1975

    Otis Rush. Right Place Wrong Time. Bullfrog Records 1976

    Otis Rush. Troubles Troubles. Sonet 1978

    Otis Rush. Tops. Demon Records 1988

    Otis Rush. Lost In The Blues. Alligator Records 1991

    Otis Rush. Ain’t Enough Comin’ In. This Way Up 1994

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    Otis Rush. Any Place I’m Going. House Of Blues 1998

     

    Steve la gerbe

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    On a un problème avec Seasick Steve : vraie barbe ou fausse barbe ? Comme le fait Mitsuhirato dans Le Lotus Bleu, on voudrait lui tirer la barbe pour savoir si c’est une vraie. Car au fond, on se pose tous la question suivante : Seasick Steve est-il un vrai bluesman ou un coup monté par la CIA ? On se méfie de ce genre de plan ‘roots’ comme de la peste. Les magazines de rock anglais lui consacrent plus de pages qu’ils n’en ont jamais consacré à Muddy Waters. Alors, il n’existe que deux moyens d’en avoir le cœur net : écouter les disques et le voir sur scène. Oui, je dis bien LES disques, car l’animal est prolifique : 8 albums en 8 ans. Comme tout le monde, il a besoin de blé.

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    Il sort Dog House Music en 2006. Dès «Yellow Dog», on voit que Steve la gerbe a tout pigé. Il part en vrille dans le pire jive de blues de cabane branlante qu’on ait vu ici bas. Ça continue avec «Things Got Up». On voit bien qu’il s’implique pour de vrai. Il fait du primitif à la petite semaine. Il introduit «Fit My Wings» en marmonnant : «I’m gonna plug the thing». Il gratte son banjo et sonne comme un puriste, un tenant du primitivisme invétéré. Il va même chercher des effets auxquels personne n’avait jamais pensé, pas même John Hammond. Steve la gerbe fait son truc. En trois cuts, il semblerait que la messe soit dite. Et puis, on va commencer à voir apparaître les crevasses. Son «Dog House Boogie» sonne comme du T. Rex. Il fait du glam à barbe. L’idée est tellement saugrenue qu’on ne moufte pas. Il joue «Save Me» aux instruments anciens, et même très anciens. Il bat tous les records olympiques de primitivisme. Il s’entiche de vieilles racines. Aurait-il du génie ? On flirte avec l’idée à l’écoute d’«Hobo Me». Il gratte ses vieux accords à sec, comme s’il enfilait une chèvre. Pas de fioritures, pas d’effets à la con. Il revient au primitivisme éhonté avec «My Donny» qu’il claque à sa sauce. Il va chercher une sorte de vieille démesure de bord du fleuve. Il claque ses notes et chante dessus. Il force l’admiration car il gratte tout à l’ongle mort du zombie et s’affiche comme un féroce primitif. C’est une façon comme une autre de dire qu’il sème le doute pour mieux brouiller les pistes.

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    L’année suivante paraît Cheap, un album qu’il enregistre avec the Level Devils. Steve la gerbe ressort toutes ses vieilles ficelles de caleçon. Il multiplie les effets d’annonces et fait couiner son rocking chair à l’intro de «Rocking Chair». Il cherche à créer une ambiance et la plombe au stomp. Pour «Hobo Blues», il nous fait le coup de la jew harp. Mais il est affreusement convainquant. C’est bardé de tout ce qu’il faut pour rendre l’amateur de blues blanc heureux. Son «Hobo Blues» force l’admiration blanche. Puis il va commencer à raconter sa story dans «Story #1». Avec «Love Thang», il tente de se faire passer pour un vieux black de Chicago. Il propose des cuts comme «Dr Jekyll & Mr Hyde» et «8 Ball» qu’on retrouvera sur de futurs albums. Il raconte une deuxième story en reniflant bien fort, pour que tout le monde entende. La morve c’est roots. Il en fait un peu trop. Autour de lui, des fayots enregistrent tous les bruits. Avec «Xmas Prison Blues», on finit par se poser des questions. On voit bien qu’il picore dans la basse-cour comme une poule amputée du cerveau. Il va partout et ramasse des trucs ici et là. Alors le voilà en taule, sans même savoir de quoi il parle. Il fait ensuite un petit numéro à la Tom Waits avec «Love Song» et termine avec l’excellentissime «Rooster Blues», mais le conseil qu’on pourrait donner serait d’écouter Howlin’ Wolf.

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    Il revient un an plus tard avec I Started Out With Nothning And I Still Got Most Of It Left. Dans «Started Out With Nothing», il précise qu’il n’avait rien pour démarrer. On est tous bien contents de l’apprendre. Comme dirait Diaghilev à Cocteau : «Étonne-moi !». C’est ce que Steve la gerbe cherche à faire avec «Walkin Man». On voit bien qu’il s’intéresse plus au bord du fleuve qu’aux beaux matelots que convoitait Cocteau. Attention à «St Louis Slim». C’est superbement claqué au bord de caisse et Steve s’y glisse comme une anguille à barbe. C’est un sacré renard. Il exploite toutes les possibilités - Well Alrite ! - C’est joliment explosé à la relance de tambourin. Voilà un cut énorme de frappe qui impose un respect total. Avec «Thunderbird», il tâte de l’énormité du son. C’est même tellement énorme qu’on se pose des questions. Vraie ou fausse énormité ? Mais dès qu’il attaque son boogie des enfers, on adhère. Grinderman l’accompagne sur «Just Like A King». On sent nettement la présence des vétérans de toutes les guerres. Ils sont là pour un heavy blues terminal. Steve est malin, il amène ça comme un petit boogie blues sans avenir et puis ça se met à chauffer. Qui sème le trouble récolte la tempête, disait Shakespeare.

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    Sur Man From Another Time paru l’année suivante se niche une authentique énormité : «Seasick Boogie» - Now here’s the boogie part - Il sait pulser l’un des meilleurs boogies du monde. Mais on sent pointer le museau du caméléon. Il attaque en effet l’album par un hommage à Bo : «Diddley Bo». C’est bien vu et même trop bien vu - The one string diddley bo - il fait un cours ! Son truc est cousu de fil blanc comme neige. On ne sait plus trop quoi penser. En écoutant «Happy (To Have A Job)», on découvre qu’il adore le misérabilisme. On commence à se demander s’il ne prend pas les gens pour des cons. Il tape dans le registre très primitif du gospel blues avec des oooh oooh oooh Lord qui n’appartiennent qu’aux blacks. Et ça dégénère avec «Man From Another Time» : il sonne comme un groupe de Los Angeles. Quelle arnaque ! Il se retrouve avec ça dans le blues des gros propriétaires. Sur «Never Go West», il se fâche. Il ramène son meilleur guttural. Mais ça ne vaut pas Left Lane Cruiser. Il bouffe vraiment à tous les râteliers. Pauvre Steve, on l’oblige à rester sincère. «Dark» est certainement l’un de ses plus beaux coups. Il tape dans l’introspectif - I like my own company/ That way it’s easier at least for me - et il finit avec l’impressionnant I like the dark. Il finit par s’imposer avec «Wenatchee», un cut solide et doté d’une belle dynamique de blues moderne - Oh Wenatchee don’t shed no tears - Et il claque «My Home» au bottleneck. On l’y sent plein d’entrain et il redevient convainquant. Il devrait s’appeler Steve en dents de scie.

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    Un an plus tard paraît Songs For Elisabeth. On y retrouve «8 Ball», un vieux groove de big band sur-produit. C’est fini le temps des guitares fabriquées à la main et le coup de la vieille Buick de 1918. Il joue le Chicago blues et glisse des petits solos libidineux. Plus loin, il ressort «Dr Jekyll & Mr Hyde» et retrouve son vieux son de one-man band à gros beat déterminant. Mais c’est très prévisible. Il a un son, c’est certain, mais on revient systématiquement à la question de base : sa barbe est-elle vraie ? Avec «My Home», il semble très content d’avoir retrouvé son créneau. Il revient au festival de slide et ce cut sauve le disque. Il enchaîne avec un excellent «Ready For Love». Il joue bien de la slide, il est même très athlétique, il peut jouer longtemps, en extension, comme un joueur de volley-ball. Il sait parfaitement distinguer les nuances. Il fait tout ce qu’il peut pour sonner primitif. Il peut vraiment rootser comme un cake. Si on aime le roots, on se goinfre.

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    Ses albums continuent de sortir avec une belle régularité. Nous voici rendus en 2011 pour You Can’t Teach An Old Dog New Tricks. Il démarre avec «Treasures», un beau boogie blues ralenti à la Led Zep et soudoyé au banjo. Il se fond dans la population. Il coule son bronze en plein air et n’hésite pas à recourir à des coups de violons opportuns. Le morceau titre est un véritable stomp à la Left Lane Cruiser. Admirable ! Il reste dans le vieux boogie avec «Don’t Know Why She Love Me But She Do». Steve la gerbe sait draguer les bergères, pas de problème. Il passe John Lee Hooker à la moulinette et tente de se faire passer pour un violent boogie man ! C’est vrai qu’il a un son. Son boogie retentit comme un clairon. Avec «Have Mercy On The Lonely», il fait son vieux black du fleuve. Il est effrayant de mimétisme. On irait même jusqu’à croire que les blacks n’ont jamais existé. Il est un peu comme John Hammond, il veut faire mieux que les blacks, et ça, mon gars, ce n’est pas possible. Steve la gerbe pue un peu l’arnaque. Il ôte le pain de la bouche des blacks. Avec «Whisky Ballad», il passe directement au folk anglais. On le voit une fois de plus bouffer à tous les râteliers. Il pourrait nous berner indéfiniment, mais on l’a démasqué. Attention à «Back In The Doghouse» ! C’est énorme ! Quel son ! Il sait aussi allumer une pétaudière. C’est édifiant. Il peut défenestrer le blues. Trop stupéfiant pour être honnête ! Il y a trop de son. Et avec le dernier cut, «It’s A Long Long Long Way», il se prend pour Johnny Cash ! Et là, il exagère.

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    Au dos de la pochette d’Hubcap Music, on le voit gratter l’une de ses guitares artisanales. John Paul Jones l’accompagne sur cet album, alors forcément, on a du son. Ça commence avec «Down On The Farm» emmené au boogie sauvage. Luther Dickinson joue aussi sur cet album. «Self Sufficient Man» sonne comme un heavy boogie à la Led Zep. Vue imprenable. Steve la gerbe sait brosser le son dans le sens du poil. Il connaît toutes les ficelles du gros blues élastique, comme on peut le constater à l’écoute de «Keep On Keepin’ On». Il essaye désespérément de se forger un style original, mais c’est compliqué. Avec «Over You», Steve la gerbe la joue primitif du bord de fleuve et John Paul Jones l’accompagne à la mandoline. Ah ils ont l’air fin, tous les deux. Encore une belle pièce : «Freedom Road». C’est un boogie tribal balayé à la slide. Steve la gerbe développe un fantastique espace de boogie - He walked the freedom road - et il finit à la John Lee Hooker. C’est Luther qui joue lead sur «Home». Luther sait doser le killérique. Il a l’habitude de ce genre d’entreprise. Mais l’album se termine avec une vraie putasserie : «Coast Is Clear», un cut de rock FM orchestré aux trompettes de la renommée.

    En 2015, on avait dans Classic Rock un très bel article de Nick Hasted sur Steve la gerbe, avec une très belle photo en pleine page. Même en examinant l’image au compte-fil, il était impossible de savoir si la barbe était vraie ou fausse. Pas la moindre trace d’adhésif ou d’élastique sous l’oreille. Dommage, car son histoire paraissait intéressante, pleine de rebondissements et de bonne dèche à la sauce américaine. Mais les zonards américains n’auront jamais la classe de nos clochards. Entre Steve la gerbe et le Boudu sauvé des eaux, le choix est vite fait. Au moins, la barbe de Michel Simon est une vraie barbe. On ne rigole pas avec ces choses-là. Le clochard, c’est sacré. Ce serait l’insulter que de le considérer comme un animal de cirque.

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    Sonic Soul Surfer paraît en 2015. On voit sa Buick de 1918 sur la pochette et au dos, on le voit sur son tracteur. Il essaye de se faire passer pour un agriculteur ! Il démarre avec un merveilleux groove de boogie blues intitulé «Roy’s Gang». Luther Dickinson joue aussi là-dessus. On a un vrai son avec du tac tac de bord de caisse. Dad Dickinson aurait bien apprécié cette escapade de Luther, d’autant qu’elle est montée au beat irrépressible. Steve la gerbe redevient un crack. Il sait dépoter le naphta. Mais il n’est hélas pas aussi incendiaire que Left Lane Cruiser. Son «Dog Gonna Play» est beaucoup trop orchestré pour être honnête. Il passe au violon cajun avec «In Peaceful Dreams». Il continue de bouffer tous les râteliers. Il adore les râteliers. C’est son vice. Ce coup de cajun pue l’arnaque. Il pompe Eddie Cochran pour son «Summertime Boy» et repart en goguette dans le boogie crépusculaire avec «Swamp Dog». Voilà pourquoi on ne peut pas lui faire confiance. Si on aime le crépusculaire, il vaut mieux écouter Mark Lanegan. C’est d’un autre niveau. Steve la gerbe refait du John Lee Hooker avec «Sonic Soul Boogie» et nous speede ça à outrance. Il est vraiment très fort à ce petit jeu, il sait rechampir une façade. Il peut aller jusqu’à l’overdose de boogie et même nous filer la gerbe. Il slide son «Barracuda» d’entrée de jeu. Il le stompe à l’os de la mortadelle. Il adore enfoncer des clous dans la paume du saveur. Son vieux stomp est cousu de fil blanc comme les neiges du Kilimandjaro. Mais les gens adorent ça.

    Évidemment, si on va le voir jouer sur scène avec un gros a-priori, c’est compliqué. Mais la curiosité finit par l’emporter, et qui plus est, il attire pas mal de monde, puisqu’il remplit une grande salle. Et donc le voilà en Normandie, avec sa fausse barbe et deux copains, dont un vieux batteur lui aussi affublé d’une longue barbe blanche. Vraie ou fausse ? Allez savoir... Ils jouent tous les trois assis, ce qui semble logique, vu la moyenne d’âge. Musicalement, c’est exactement ce qu’on a sur les disques, un savant mélange de blues bien blanc joué au bottleneck, de guitares primitives taillées dans les troncs d’arbres, des vieux tatouages, des grommellements de style I swear to God, des vannes de vieux romanichel, des coups de roots bien ficelés, une technique de jeu indiscutable, et quelques belles montées de fièvre où on les voit enfin lever leurs culs de leurs chaises pour jouer le boogie-blues du Deep South. Steve la gerbe raconte à un moment qu’une voiture électrique qu’il n’a pas entendu arriver l’a percuté, sur le parking d’un super-market, et comme il s’imagine que son histoire a de l’intérêt, il en fait profiter toute la salle. Il fait le show comme il peut, mais il est vrai que certains cuts, comme par exemple «Shady Tree» ou pire encore, «Barracuda» accrochent bien l’oreille. Il termine en jouant le morceau titre de son nouvel album Can U Cook sur une guitare rudimentaire à une seule corde. Cet homme possède une botte secrète et il sait s’en servir pour harponner un public. L’un dans l’autre, on passe une excellente soirée, et au fond, on se fout de savoir si sa barbe est fausse et si son blues est vrai.

    Signé : Cazengler, la gerbe tout court

    Seasick Steve. Le 106. Rouen (76). 2 octobre 2018

    Seasick Steve. Dog House Music. Bronzerat 2006

    Seasick Steve & the Level Devils. Cheap. Bronzerat 2007

    Seasick Steve. I Started Out With Nothning And I Still Got Most Of It Left. Warner Music 2008

    Seasick Steve. Man From Another Time. Atlantic 2009

    Seasick Steve. Songs For Elisabeth. Atlantic 2010

    Seasick Steve. You Can’t Teach An Old Dog New Tricks. Play It Again Sam 2011

    Seasick Steve. Hubcap Music. Fiction Records 2013

    Seasick Steve. Sonic Soul Surfer. Bronzerat 2015

    INQUIETANT !

    J'avais prévu pour ce dimanche soir 7 octobre me rendre à la Comedia pour assister au set des Walter's Carabine.

    Walter's Carabine, dégoûté.

    On est triste de vous annoncer que le concert de demain, qui était prévu à la Comédia, est annulé en raison d'une fermeture administrative... Un grand merci à la Préfecture de Police qui fait fermer les petites salles ou il reste encore un peu de vie dans cette ville de macronistes à la con..

    https://www.facebook.com/events/290749608400936/?ti=as

     

    Et cette annonce qui est tombée vendredi soir sur Menil.Info :

    Fermeture administrative de la Comédia (Montreuil)

    La préfecture vient de signifier une fermeture administrative de 30 jours

    à la Comédia, café-concert de Montreuil.

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    A LA COMEDIA TOUS LES PRIX SONT LIBRES

    Les groupes/artistes viennent de tous les horizons (Paris, banlieue, province, mais aussi Angleterre, Espagne, Canada, Argentine, Ukraine, Russie, Japon, Mexique...). Tous sont plus ou moins confirmés ou pas.


    Peu importe. Depuis 2014, la programmation a déjà une longue histoire. L’été a été endiablé par Korso Gomez (Arg.) et les Ruffianz (Can.), les punks londoniens Blatoidea et Maid of Ace (déchainées les filles !), les ukrainiens de Zrada et les locaux Breakout, Stygmate, Mercenaries venus soutenir le lieu dans sa lutte.

    La Comédia tient du métissage qu’aurait engendré l’union d’une startup du néolithique et d’un astroport de la périphérie galactique. Créée et gérée par Roy, un low tech manager à la présence très impressionniste, elle vit, sonorisée dans la pénombre par un grincheux, par tous ceux qui donnent un coup de main pour faire vivre le lieu, l’entretenir ou lui refaire une belle façade, enfin grâce à un public plutôt hétéroclite (de la tribu de "nez percés" aux baroudeurs des concerts parfois mal guenillés mais plutôt bienveillants), avec ses éternelles figures, comme Néo, toujours en fugue de son hôpital, et un chien qui, irrémédiablement, passe son temps là.

    La Comedia, Lieu underground ? Lieu éphémère ? Bien plus !

    Pour certains un port d’attache dans le quartier, pour d’autres un corridor explosif où tous se lâchent, souvent un lieu de passage, d’échange et de convergence (de lutte ou de soirée), pour certains aussi un lieu d’échouage mais toujours en douceur.

    Nous avons tous besoin, un jour ou l’autre de ce type de lieu, de création alternative mais aussi de vie alternative en soi. Une démarche qui pourrait aussi intéresser d’autres lieux menacés par les "mises aux normes", pas simplement réglementaires quand on observe la tendance, pseudo friches industrielles et lieux éphémères biens aseptisés....

    La Comedia est en friche, elle le restera même aux normes, éphémère comme la vie qu’elle accueille, mais il faut qu’elle le reste !

    Alors venez vivre la divine COMEDIA !

    *

    Fermeture administrative de la Comédia (Montreuil)

     

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    Il fallait malheureusement que cela arrive un jour, et ce n’est même plus surprenant, vu le climat actuel à Paris : La Comedia Montreuil., l’un des derniers bastions libres et joyeux de la culture alternative / punk parisienne, est obligée de fermer pendant un mois, à compter d’hier soir (même si le concert prévu hier s’est déroulé coûte que coûte), sur décision administrative, et ce jusqu’au 2 Novembre. les habitué-e-s ont pu constater que les travaux ont déjà été engagés depuis cet été pour la remise aux normes des lieux, sans attendre que les flics et la préfecture ne s’en mêlent. Mais quand il s’agit de couper les vivres à la scène punk / hardcore, aux mouvements politiques et sociaux d’opposition au pouvoir en place lorsque ils ne sont pas de droite, il n’y aura jamais assez de remise en norme possible, jamais de délai : il s’agirait de se conformer alors à la gentrification de Paris, de nos banlieues, de nos rues, l’uberisation de nos vies et de nos soirées. Il faudrait arrêter la révolte, il faudrait enfiler des chemises unies et danser sur de l’électro pop prête à consommer, et consommer des boissons alcoolisées à outrance "avec modération", pour faire semblant d’oublier le quotidien que le capitalisme nous impose. Ne serait-ce pas d’ailleurs ce capitalisme lui-même qui nous pousse à l’oubli de soi via la productivité infernale et les spiritueux ?

    Au-delà de la fermeture d’un lieu de concert, qui sort des cadres conventionnels de la culture des bars, c’est également un problème humain : Le propriétaire du bar ainsi que l’ingé son qui intervient à la majorité des concerts se retrouveront sans revenus ce mois-ci.

    Une cagnotte en ligne sera très vite postée pour aider la Comédia dans ses travaux qu’elle va forcément devoir continuer puis approfondir, et je l’espère pour aider financièrement les deux personnes sans revenus pour ce mois. Je ne manquerais pas de la relayer.

    En attendant, soyez attentifs.ives, toujours plus, à ce qu’il se passe : alors que de plus en plus de monde organise des concerts à Paris, se bouge à son échelle pour que vive et prospère la scène punk / hardcore, ses enjeux politiques, sociaux et culturels, l’Etat et la bourgeoisie posent leur véto sur nos lieux de vies pourtant inexistants aux yeux de leurs sociétés. Mais nous sommes une société qui leur échappe, nous échappons à leurs modes de consommation, à leur vision de la culture, de la politique, de la vie. Alors ils s’y opposent avec les moyens légaux à disposition, bien entendu fortement en leur faveur.

    Même si dans le cas de la Comédia, il ne s’agit pas d’une fermeture définitive, il s’agit en revanche clairement d’une menace, une de plus, sur ce lieu, et les autres bastions de résistance qu’il reste dans la capitale et autour.

    Que crève leur monde, que crève le capitalisme. Que se noient dans la nuit leurs soirées nauséeuses.

    *

    Ne soyons plus passifs.ives face à la gentrification de nos vies, réapproprions-nous nos lieux, notre scène, nos rues. N'oubliez pas que sans lieux tels que la Comédia, réellement ancrées dans le DIY, dans une démarche politique et alternative, tenus par des personnes passionnées et motivées même quand l'Etat cherche à les écraser et les invisbiliser, il ne peut PAS y avoir ces concerts, ces rencontres et cette chaleur humaine qu'on aime tant à la Comédia.

    "hardcore is politics". Mais le punk en général aussi. Nique l'apolitisme.

    Prenez soin de vous.

    Deux textes extraits du FB : LE DICTIONNAIRE DE L'EMOTION

    *

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    Lien pour participation financière : 5000 euros nécessaires pour l'insonorisation de la Comedia :fr.ulule.com/divinecomedia1

     

    O4 – 10 – 2018 / FONTAINEBLEAU

    LE GLASGOW

    SPUNYBOYS

     

    J'avais prévu ce jeudi soir une croisière jaune. Pour voir les Jones. A bord d'une jonque chinoise. Amarrée à flanc de quai parisien. Mais le destin en a décidé autrement. Sous la forme de Sergio Kazh – le fer de lance de l'équipe du magazine Rockabilly Generation – les Spunyboys opèrent un débarquement surprise au Glasgow – je ne verrai pas les Jones, pas des bleus, ont opéré aux côtés des Flamin' Groovies et une carte de visite longue comme la liste de mes défauts. Lorsque vous prononcez le mot Spunyboys devant moi c'est comme les loups qui ne sauraient désobéir à l'Appel de la Forêt. De Jack London, mais le titre original The Call of the Wild correspond mieux davantage à l'esprit des prestation spunybosiques.

    Comme par hasard à peine entrés dans le Glasgow, les premières personnes que nous apercevons sont la famille Kazh casée aux meilleures places – parce que le Glasgow question Ecosse c'est plutôt petits pois tassés dans une boîte de conserve, ne sont pas seuls, la charmante et détonnante Daytona Charmed les accompagne. Les Spunyboys se font attendre - se prendraient-ils pour des jolies filles – le set commence enfin à dix heures pile ( atomique ) et tapantes. Une question métaphysique taraude cependant la nombreuse assistance pendant qu'ils prennent place, mais pourquoi donc Rémi a-t-il changé de contrebasse ? Et qu'est-il arrivé à la nouvelle ? Pourquoi porte-telle ces deux longues bandes de scotch noir sur son flanc gauche ? Ce garçon si gentil serait-il en train de se transformer en big mamas' serial killer ?

    THE SPUNYBOYS

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    I got it ! Avec ces trois mots vous prenez possession du monde. Et les Spuny ne s'en privent pas. Ça commence bien. Rémi tournoie galamment autour de son up-right. Quelle grâce, quelle légèreté, la soulève, cette autruche au long col, comme une plume de colibri et l'emporte dans un tourbillon frénétique, serions-nous à la Cour de Vienne lors du grand-bal donné par le grand-duc, hélas les rêves princiers s'achèvent parfois tragiquement, Rémi s'incline vers le micro et l'horreur du rock'n'roll déferle sur nous : Big blues eyes, long black hair / Dimpled Cheek and she's so square, vous crache les mots au batteur à oeufs, y passe même le poulailler en entier, She' got it / Ooooh baby she's got it / Ooooh baby she's got it / I can't do whitout her / , l'on n'a jamais su ce que la charmante babe tenait entre ses mains, mais les Spuny nous ont envoyé de ces saccades d'énergie à vous saccager les neurones. Eddie se joue de sa guitare, procède par giclées, de dynamites. Vous instille à chaque fois trois notes givrées au froid absolu dans la moelle épinière. Avec Guillaume, ils ont inventé un jeu pervers, jamais trop, toujours plus, le manque par surabondance, un tour de passe-passe étonnant, tout est dans la fulgurance, Guillaume vous martèle trois coups très rapides, un je vous ouvre l'occiput, deux j'écrabouille la cervelle, trois je remballe le tout, quatre je m'arrête, n'ai plus rien à faire de vous, Eddie a pris le relais, une note poignard dans le cœur, une autre dans l'épigastre, une dernière dans le sexe pour les sensations, c'est fini je passe mon tour et sur ce Guillaume vous refait son hachis parmentier, à peine a-t-il fini que Eddie vous rappelle qu'il opère sans anesthésie.

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    Le pire c'est que ce duo se joue à trois. A quatre pourrait-on dire car Rémi a double boulot : chant / basse / chant / basse, répétez trente fois à voix haute et vous ne savez plus si c'est le chant ou la basse qui précède l'autre. Les boys à toute vitesse, ont inventé le groove rockabilly, le groovrockbilly, un vaisseau de guerre non identifié, qui se déplace avec une célérité supersonique. C'est le cas de le dire, vous en prenez plein les oreilles, d'autant plus que Rémi distribue ses interventions phoniques en deux lots, un background de base, phonèmes explosés qui fusent en folles suites éructées en émissions spasmodiques, sur lequel il surajoute à intervalles plus ou moins réguliers des appels retentissants, un cri primal qui vous glace le sang et vous brûle l'âme, communion dansante avec le public qui ondule comme des forcenés soumis à des vibrations indépendantes de leur volonté. Un rockab qui vire vers ses racines bleues et noires, pour ne pas dire tribales, nous n'en voulons pour assentiment que ces morceaux de fièvre et de hargne bâtis sur l'imparable et intraitable pulsion du jungle beat bo diddleyen. Malgré son exiguïté la salle se transforme en piste de danse, ceux qui jerkent et s'entrechoquent tout seuls et les couples qui lindy hopent à qui mieux-mieux. Corolles de sourires épanouis sur toutes faces.

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    Nous nous permettons d'interrompre notre compte-rendu pour répondre à l'Association Loi 1901, déclarée d'utilité publique des Amis de la Contrebasse : oui à plusieurs reprises nous avons assisté de pénibles scènes : oui Rémi se couche dessus ou dessous sa big mama en d'effroyables postures qui ne sont pas sans évoquer de honteuses copulations contre-nature, oui par trois fois il a tenté de la kidnapper et de s'enfuir avec, l'a été rattrapé de justesse alors qu'il était en train de franchir le seuil, oui il la soulève et la brûle en la maintenant contre les spots brûlants, oui il ne lui laisse jamais le temps de respirer, oui il la tape, oui il la frappe, oui il la knockoute, oui, oui, oui, nous cochons toutes les cases. Mais ce n'est pas tout. Ont commis un crime irréparable. A l'instigation d'un individu venu d'ailleurs, répondant au nom d'Olivier, qui les a entraînés, tous les trois, de jouer du Led Zeppelin, et chose immonde ils y ont pris du plaisir, ni plus ni moins qu'un morceau phare du Dirigeable, le fameux Rock'n'roll qu'ils ont éjaculé durant au moins dix minutes ( question de faire durer la jouissance ) vous auriez vu la guitare d'Eddie couiner comme si on la sciait en deux, et Guillaume lançant ses baguettes en une course-poursuite avec le mur du son, l'Olivier piaillant de toutes ses forces comme s'il était en train de s'étrangler lui-même, et la pauvre big mama obligée de soutenir ce rythme insoutenable, l'on se demande encore comment elle y est parvenue, faudra l'inscrire au livre des records et envoyer son maître cruel en prison s'il s'avisait à recommencer un jour.

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    Pratiquement trois heures de concerts, un unique et très court entracte, une folie, une tuerie, une majorité de filles, une ambiance d'armageddon, les Spunies sont en train de réinventer le rockabilly, poussent les murs, et abomination suprême, en perpétuent et en accroissent l'esprit.

    Damie Chad.

    ( Photos : Daytona Charmed )

    DADDY WORKS SO HARD

    THE CACTUS CANDIES

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    Z'ont soigné la présentation, si vous détestez le hillbilly achetez-le pour la pochette, d'un pimpant vert cactus, une brassée de foin frais, de foin freight, ressemble à ses 45 tours à gatefold de carton épais, rescapés des lointaines enfances in the end of the fifties, avec dessin rigolo pour attirer les garnements, ici pas princesse, mais un fermier bricolo qui ne sait plus où donner de la tête et des bras.

    Julien Fournier : lead guitar / Max Kermacoret : drums / Lil'lOu Hornecker : vocal & rhythm guitar / Max Genouel : upright bass / JP Cardot : piano

    Records Freight 001 / BLR Studio : april 2016.

     

    CD à l'intérieur sur la page gauche :

    That chick's too young to fry : de Tommy Edwards en 1940, repris par Louis Jordan en 1946 : interprétation très datée, vous la jouent à l'ancienne, entre animateurs télés américains et bande-son de dessin animé. Ça cartoone par devant et mine de rien, ça pulse par derrière. Z'ont dû s'amuser comme des petits fous à l'enregistrer. Daddy works so hard : de Lil'lOu, tout de suite c'est plus sérieux, la guitare rebondit comme une balle de ping-pong, et miss Hornecker s'y entend un max pour vanter les mérites de son papa, plus que convaincante. Ecoutez aussi le solo de guitare vaut son pesant de clous rouillés, plantés de travers, mais c'est eux qui tiennent le mur. Crawfish crawl : de Link Davis qui joua sur Chantilly Lace de Big Bopper : les boys sont gentils laissent Lil'lOu se reposer, on la regrette reléguée dans les chœurs, mais les gars se la pètent grave, font ça si bien qu'on aurait tendance à les croire sur parole, le poisson vous a un goût de bonne farce louisianaise, un truc à se pourlécher les babines, ne pas rater sous aucun prétexte. I wanna be free : franchement rock, une orchestration qui hache ( d'abordage ) menu, Lilhou tire le train à toute blinde, Cardot va y laisser un cardan s'il continue à foncer comme un madurle sur son piano, chacun nous parachute une petite démonstration de ce qu'il sait faire, et ma foi ils le font très bien.

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    Let the teardrops fall : de Pasty Cline : faut du culot pour s'attaquer à ce genre de faisanderie, les gars derrière clopinent doucement et Lil'lOu vous mène le rodéo comme une pro. Elle a de ces inflexions de voix à vous faire fondre et de ces arrachés à vous perdre la tête. Plantation boogie : de Lenny Dee ( 1955 ) : pas question de se planter sur le boogie, surtout quand vous avez une rythmique jazzeuse qui imite Bill Haley, vous êtes perdu, vous ne savez plus où vous êtes, mais vos n'avez aucune envie de sortir de ce foutoir. Et Cardot qui jerry Leese dès que vous avez le dos tourné ! Dark moon : Elvis et Chris Isaac l'ont reprise mais l'original est de Nathan Ned Miller et date de 1961. Lil'lOu vous sort sa plus belle voix de velours et en même temps ses griffes – acérées - les gars derrière ne mouftent pas, se font tout petits, z'avez l'impression que la musique a la tremblotte. Un truc qui vous donne envie de rêver à la fausse douceur du monde. Food plan boogie : de Dave Mc Enery qui fut un cowboy chantant des western musicaux : vous dites cowboys et les gars rappliquent, z'ont laissé leur cowgirl préféré à la maison, et ils font les malins, Cardot vous pond un petit rag de derrière les fagots. Z'ont la bouche en cœur, le reste je ne sais pas. The donkey song : enregistré par Rose Maddox – une des chanteuses préférées de Lil'lOu – et ses frères : attention on change de registre, il y a ceux qui jouent au cowboys et celle qui vous file un western entier rien que dans sa voix, parfois elle sonne comme des coups de feu, pointillés musicaux, pour que vous preniez conscience que vous êtes touché. Don't trade : de Noack Eddie, ( 1954 ), les plus grands country men comme Lefty Frizzel et Johnny Cash ont repris ses morceaux : ça honky tonke et ça honky tangue comme jamais, piano nostalgique, voix mélancolique et rythmique langoureuse, que voudriez-vous de plus ? Turn the cards slowly : la deuxième chanson que Pasty Cline enregistra pour Coral : Lil'lOu reprend la main, encore plus en forme que la fois précédente, l'on se demande si l'on est dans un saloon ou dans un clandé, mais l'est sûr que l'on ne s'ennuie pas. Little boy sad : de Walker Wayne mais interprétée par Johnny Burnette en 1961 : les boys vous azimutent la berceuse et Lil'lOu se charge de remonter le moral à ce garçon triste, lui secoue un peu les puces d'une façon comminatoire de temps en temps, que voulez-vous dans les grandes occasions, on ne mégote pas sur l'énergie. Run along little girl : de Tommy Cassel ( 1958 ) qui fut un habitué du Louisiana Hayrade : d'ailleurs on flirte avec le country traditionnel, le gars qu'a tout connu ( et tout perdu ) qui vous fait la leçon de la vie à la petite fille. La guitare poinçonne des bulles d'air.

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    Closing time : Onie Weeler fut harmoniciste et chanteur, Bear Family a sorti un double CD, avis aux amateurs, il a enregistré chez Sun entre 1953 et 1957 : on n'a pas d'harmonica, c'est dommage, alors les gars y vont de tous leur chœur, Max Genouel, chante comme un vieux baroudeur du country, la guitare sautille en douceur, Cardot nous expose les années trente et Genouel vous conduit jusqu'au bout de la piste, sans problème.

    45 R. P. M : à extraire de sa pochette :

    Daddy works so hard : reprise à l'identique.

    Humdinger : de Tommy Collins, lui a eu droit un coffret de cinq CD chez Bear Family, enregistra le classique Watcha Gonna do en 1954 : plus vrai que nature, nasillent tous comme s'ils étaient coincé du nez, parfois Lil'lOu s'échappe et boppe un peu pour notre plus grand plaisir.

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    Un seul regret : n'avoir pas été là caché sous la console, ont dû s'amuser comme des fous à recréer l'old style. Comme au bon vieux temps ! Le pire c'est que ça nous rajeunit !

    Damie Chad.

    ROCKAMBOLESQUES

    FEUILLETON HEBDOMADAIRE

    ( … le lecteur y découvrira les héros des précédentes Chroniques Vulveuses

    prêts à tout afin d'assurer la survie du rock'n'roll

    en butte à de sombres menaces... )

    EPISODE 3 : VISITES NOCTUNES

    ( Vivace Vivace )

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    PIZZA PARTIE

    La porte s'est ouverte très lentement, l'on sentait que le visiteur tenait à faire durer le suspense et mettre nos nerfs à dure épreuve. Et brusquement l'inconnu apparut en pleine lumière.

      • Ah ! Ah ! Vous ne vous attendiez pas à me voir ! Surprise ! Oui c'est moi ! L'avait un sale sourire sardonique aux lèvres l'homonculus.

      • Monsieur le Président de la République, déclara avec onction le Chef, vous nous ferez bien l'honneur de prendre place à notre table et de partager notre modeste repas. N'ayez crainte Monsieur le Président de la République, nous vous offrirons la part de Molossa.

    Je crus que le Président allait avoir un infarctus, s'est arrêté net, l'est devenu tout rouge comme un camion de pompier, puis tout blanc comme un cadavre. Je jurerais qu'il vacilla, donna l'impression d'un homme attaqué par un cancer foudroyant, mais il se reprit et vint se planter devant le Chef qui exhala un rond de fumée qui monta vers le plafond pour redescendre aussitôt et se glisser autour de son cou à la manière d'une fraise sur les portraits d'Henri III.

      • Moi, vingt-cinquième président de la République, venais ici en ami, et en catimini de mon service de sécurité personnel, dans le but de vous interdire de vous occuper du meurtre de Marie-Odile de Saint-Mirs, cette affaire ne regarde pas le Service Secret du Rock'n'roll, mais devant votre insolence je vous avertis que de retour à mon bureau, je signe le décret de dissolution du dit service. Entendu ?

      • Reçu cinq sur cinq Monsieur Le Président de la République, toutefois je suis au regret de vous avertir que par ce courrier apporté hier matin par un fonctionnaire plénipotentiaire de l'Union Européenne, la responsabilité du SSR est passée sous la coupe du Conseil de l'Europe. Nous ne dépendons plus de vous, voici la copie du décret, Monsieur le Président de la République, je ne doute pas que vos services en aient reçu un exemplaire similaire. Toutefois Monsieur le Président de la République, c'est avec un grand plaisir que nous partagerons notre repas avec vous.

      • Ne jouez pas au plus malin avec moi ! Je vous aurai prévenu. Désintéressez-vous de cette affaire. Quant à vos pizzas, vous pouvez vous les foutre au cul !

    Il y eut cri d'horreur à vous glacer le sang. Le Chef faillit en avaler son Coronado. Molossa s'en mordit la queue. Moi aussi. ( Je veux dire que moi aussi je mordis la queue de Molossa ). Cruchette offusquée bondit comme une tigresse à qui vous arrachez ses petits de la mamelle. Splah ! Splash ! Le Président reçut une pizza brûlante sur chaque oreille ! L'était pas beau avec la sauce tomate et les tranches de chorizo collées sur ses joues.

      • Des pizzas dans mon cul, et du bio par-dessus le marché ! mais c'est une honte Monsieur le Président de la République ou pas, ne répétez plus jamais de telles insanités, Papa ne m'a pas élevée pour entendre proférer des gros mots, sortez tout de suite Monsieur le Président, vous êtes un monstre ! Vous devriez avoir honte !

      • Je vous prie de m'excuser Mademoiselle, je crains en effet de m'être emporté, au revoir. Je vous présente mes respects.

    Et à notre grande surprise le Président sortit sans demander son reste. Le Chef ralluma un Coronado.

      • Nous voici débarrassés d'un invité peu aimable, je vous remercie de votre intervention Cruchette, vous êtes une véritable fée du logis. En attendant que vous confectionniez deux nouvelles pizzas – quelle odeur succulente – il me faut donner quelques détails à l'agent Chad sur la prochaine mission, extrêmement délicate, dont je vais le charger.

    MISSION NOCTURNE

    Délicate ! À marcher sur des œufs ! Casser une vitre pour m'introduire dans la maison des parents de Marie-Odile n'était pas difficile. Mais une fois dedans, c'est une autre affaire. La lumière de ma lampe électrise que je tamise de mes doigts dirigée vers le plancher n'éclaire que fugitivement Molossa qui avance sur ses pattes de velours encore plus discrètement qu'un vol de papillon. Le rez-de-chaussée était désert, pas étonnant à trois heures du matin. Pourvu que les marches du l'escalier ne craquent pas, chance elles sont recouvertes d'un épaisse moquette. Quatre portes sur le pallier. Pas le droit de me tromper, Molossa se plante devant l'une et me regarde. Puis-je lui faire confiance ? Elle a du flair et a longuement humé le siège de Marie-Odile dans la teuf-teuf, j'entrebaille délicatement la porte, les volets ne sont pas fermés, la lumière blafarde de la lune m'indique que la pièce est vide. J'entre, Molossa est restée sur le pallier tapie dans l'ombre, prête à m'avertir et le cas échéant à intervenir. Je farfouille méthodiquement, une penderie emplie de vêtements de filles, un nounours sur le lit, un portrait de Picasso sur le mur, l'encyclopédie en vingt sept volumes de l'Art Conceptuel dans la bibliothèque. Pas de doute, c'est bien la chambre de Marie-Odile, j'explore le tiroir du bureau, un bric-à-brac infâme : crayons, stylos, compas, double-décimètre, ciseaux, scotch, trombones, punaises, rien ! Si une feuille dans la corbeille à papier, pliée en deux, je n'ai même pas le temps de l'examiner, je l'enfourne dans ma poche, quelqu'un monte les escaliers, pourquoi Molossa ne m'a-t-elle pas prévenue, des voix se précisent et tout à coup, j'entends distinctement :

      • Oh, Marie-Sophie tu as vu un chien !

      • Mais non Marie-Ange ce n'est pas un chien, c'est Molossa !

      • Qu'est-ce quelle est jolie, regarde comme elle aime les caresses !

    Je n'en crois pas mes oreilles. Tant pis je risque le tout pour le tout et je sors sur le pallier. Maintenant je n'en crois pas mes yeux, Molossa fait la fête à deux ravissantes fillettes trop occupées pour se rendre compte de ma présence. Sophie lève la tête et m'aperçoit :

      • Regarde Marie-Ange, il y a un monsieur !

      • Mais non, ce n'est pas un monsieur, c'est Damie !

      • Ah oui, suis-je bête je ne l'avais pas reconnu !

      • Euh ! Excusez-moi, demoiselles, vous savez qui je suis ?

      • Bien sûr, vous êtes le fiancé de Crocodile !

      • Le fiancé de Marie-Odile votre grande soeur !

      • Ne faites pas semblant, on a la preuve dans notre chambre, venez on va vous montrer ! Dépêchez-vous, plus vite !

      • Chut, vous risquez de réveiller vos parents !

      • Mais non depuis que Crocodile est montée au ciel, ils prennent plein de cachets le soir pour dormir. Nous on en profite pour s'amuser pendant la nuit, parce que le jour, ce n'est pas rigolo, ils passent leur temps à pleurer. Entrez Damie, asseyez-vous sur le lit on vous apporte l'album. C'est un secret, Crocodile ne voulait pas que Papa et Maman le sachent, elle le cachait tout au fond de notre coffre à jouets.

    Et hop elles me tendent un gros album de photos. J'ai failli pousser un cri en voyant la page de titre : A DAMIE MON AMOUR. Mais mon étonnement n'est pas fini. Des photographies de moi et de Molossa, sur toutes les pages. A vue de nez au moins deux cents. M'a fallu plus de trois heures pour tout examiner. Moi, de face, de dos, de profil, de trois-quart, marchant dans la rue, au volant de la teuf-teuf, sur la terrasse de chez Popol, de temps en temps des petits cartons ''Damie t'es beau'', ''Damie t'es chou'', ''Damie je t'aime'', ou alors ''Molossa la plus belle chienne du monde du plus beau garçon du monde'', ma modestie légendaire m'oblige à ne pas tout recopier. Je remarque toutefois qu'elles ont été prises au télé-objectif. Un réveil sonne dans la chambre voisine :

      • Il vous faut partir Damie, Papa et Maman, ne tarderont pas à se lever, Crocodile nous a fait jurer de ne jamais leur dire son secret, s'ils vous voient, ils ne seront pas contents.

      • Je m'échappe les mignonnettes !

      • Oui mais n'oublie pas de revenir nous voir !

     

    RETOUR DE MISSION

    Le Chef m'écoute. Cruchette admet que c'est une belle histoire romantique, qu'heureusement que Marie-Odile soit morte avant de m'avoir vu dans mon costume framboise, très beau, mais qui m'enlaidissait, que certainement alors elle ne m'aurait plus aimé... pendant qu'elle pérore le Chef médite les yeux mi-clos, la fumée de son Coronado forme d'étranges arabesques dans l'espace :

      • Agent Chad, vous n'avez rien ramené d'autre que cette abracadabrante histoire à l'eau de rose !

      • Non Chef, rien de rien !

      • Et cette feuille de papier que vous teniez dans votre main lorsque vous avez entendu les deux fillettes ?

      • Je l'ai fourrée dans ma poche, la voici, blanche des deux côtés.

      • Oui Damie, blanche comme ces linceuls dont on enveloppe les morts ! Cruchette, pourriez-vous me repasser, sans la roussir, ce précieux document que cet énergumène d'agent Chad a froissé dans sa poche comme un malappris. Une jeune fille lui tend un message depuis la tombe et il ne prend même pas la peine de le lire !

    Cruchette se mit immédiatement au travail, nous dûmes convenir qu'elle maniait le fer à repasser avec une dextérité sans égale. Au bout de deux heures elle nous tendit le résultat de son travail, la feuille semblait sortir tout droit de sa ramette. Nous l'examinâmes longuement, nous l'éclairâmes violemment, nous la mîmes contre une vitre exposée au grand soleil, nous la caressâmes du bout des doigts afin de déceler une moindre déclivité qu'aurait pu laisser la mine d'un crayon quelconque, de guerre lasse je l'emmenais à un laboratoire de spectographie quantique, le résultat de l'analyse se révéla décevant : aucune inscription d'aucune sorte n'avait jamais été apposée sur cette feuille. La mort dans l'âme je revins au QG, et tendis au Chef le compte-rendu détaillé des opérations effectuées sur la feuille. Le Chef le lut et le relut au moins quarante fois. Au bout de vingt minutes un sourire se dessina sur ses lèvres. Je compris qu'il n'allait pas tarder à allumer un Coronado, ce qu'il fit sans se presser.

      • Agent Chad, vous avez aperçu cette feuille de papier dans la corbeille à papier de Marie-Odile, et vous vous en êtes emparé.

      • Affirmatif Chef !

      • Agent Chad filez immédiatement au domicile des parents de Marie-Odile. Abattez sans sommation toute personne qui s'opposerait à votre intrusion. Et ramenez-la moi tout de suite !

      • Oui chef, j'y cours, mais quoi au juste ?

      • La poubelle, triple idiot.

     

    Lorsque je suis arrivé devant la maison. Les volets étaient tous fermés. J'ai sonné en vain. Un voisin est sorti : '' Un gros camion de déménagement est arrivé ce matin, ils ont tout vidé, ils n'ont rien laissé, je peux le certifier j'ai aidé le père à fermer les fenêtres. L'a fait monter sa femme et ses deux fillettes dans la voiture, et ils sont partis. Je comprends qu'ils aient voulu changer d'air après la mort de leur aînée !''

    ( A suivre )