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CHRONIQUES DE POURPRE 711 : KR'TNT ! 711 : BOO RADLEYS / BOB MOULD / BLACK SABBATH / ACETONE / BELPHEGORZ / JOHN-MARY GO ROUND / HYPOCRISY / BLUES FOR NEIGHBORS / GENE VINCENT + DEKE DICKERSON

KR’TNT !

KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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LIVRAISON 711

A ROCKLIT PRODUCTION

FB : KR’TNT KR’TNT

20 / 11 / 2025

 

 

BOO RADLEYS / BOB MOULD

BLACK SABBATH / ACETONE

BELPHEGORZ / JOHN-MARY GO ROUND

  HYPOCRISY / BLUES FOR NEIGHBORS

 GENE VINCENT + DEKE DICKERSON

 

 

Sur ce site : livraisons 318 – 711

Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

http://kr’tnt.hautetfort.com/

 

 

Wizards & True Stars

- Traînés dans la Boo

 (Part Two)

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         Dès les premières mesures, tu sens qu’ils vont rayonner. Les Boo Radleys sont de retour avec un Sice incroyablement ravi d’être sur scène. Rien de tel qu’un groupe anglais qui arrive sur scène. Les pas, les fringues, les allures, tout est typiquement anglais. Ils font autorité avant même d’avoir ouvert le bec. The Eggman approche du micro en souriant. Il est petit, mais c’est the Eggman superstar.

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Il vient te chanter la suite de «Strawberry Fields Forver», c’est-à-dire «I Hang Suspended», il vient te chanter l’enchantement de Liverpool, il vient te gorger de magie, the Eggman, c’est Merlin, et tu sens aussitôt le souffle de la grande pop de Liverpool. Et ça va durer une heure comme ça, tu vas quitter ton enveloppe et regagner le monde magique que tu fréquentais assidûment à une autre époque, tu vas errer au fil des mélodies, porté par le sucre de Sice qui une fois encore s’infiltre dans ton âme pour l’imploser de bonheur, et crack il te craque «Barney And Me».

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Alors ça gicle, ça jaillit, ça pulse du gimmick demented, Louis Smith qui remplace Martin Carr rajoute des cercles dans les cercles et ça devient aussi effarant qu’un hit de Brian Wilson, avec un Smith qui réitère les glissades démentes, qui joue gras, il a le gimmick du diable dans les doigts et il t’emmène au paradis. Avec Barney, Sice fout le feu au mythe de Liverpool - Now I’m getting older - Il monte encore d’un cran quand tu crois que ce n’est plus possible. Tout est dans l’I still can’t find the words - La trompette embarque Barney et tu te sens physiquement glisser dans une autre dimension. Et Sice qui sourit. Et Sice qui chante comme un dieu, sans jamais forcer. Tu vois ce petit bonhomme gratter sa Tele. Il sait qu’il a le pouvoir des hits derrière lui et donc il se sait le roi du monde pour une heure, just for one hour. Le public chante. Les fans sont tous là. Il règne dans la salle une réelle communion pop autour d’un groupe devenu légendaire par la seule qualité de sa pop, comme ce fut le cas pour les Beatles et Brian Wilson. Bon t’as des cuts en forme de passages à vide, mais Sice reste admirable de présence. Entre les cuts, il lit des petits mots rédigés en français et préparés à l’avance, il indique chaque fois le titre du cut pour que les gens aient un point de repère. Et pouf, «Wake Up Boo», cut de pop explosive, mais pas un hit. C’est pas Barney. «Wish I Was Skinny» sort aussi de cet album culte que fut Giant Steps. Sice est ses amis n’en font qu’une bouchée. 

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         Ils vont regagner la sortie avec un «Stuck On Amber» secoué par des relances de basse démentes. Sice plane sur la mélodie comme un papillon, il justifie et il explose - To get okay with me - Et ils vont boucler leur set avec une effarante restitution de «Lazarus», un cut tellement technicolor et orchestré qu’on ne pouvait imaginer le voir joué sur scène. Les paroles de Sice sont un délice de perdition, mais il règne sur ce final pharaonique une plénitude à laquelle personne ne s’attendait. Quand la musique atteint ce niveau d’excellence, l’air ambiant avale les âmes des gens. C’est ce qu’on appelle la communion et elle se fait bien malgré soi. L’enchantement siphonne les âmes, tout au moins est-ce l’impression que l’on se plaît à cultiver dans l’instant. Même si tu sais que ton âme ne vaut pas un clou, t’es content de te sentir dépossédé. En échange, tu récupères l’image d’un chanteur radieux et brillant, Sice Superstar, pour la coller dans ton album de souvenirs.  

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         Étonnamment, Keep On With Falling est un bon album, pour au moins quatre raisons, la première étant «I’ve Had Enough I’m Out». On a le Sice, c’est sûr, mais a-t-on le Carr ? Ils essayent et ça finit par décoller. On retrouve cette fantastique

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énergie de la pop. Sice fait encore des miracles sur le morceau titre. Avec un cake comme Sice, ça reste délicieusement easy. Ce petit mec chante comme un dieu. Les Boos savent faire décoller l’hydravion d’Howard Hugues. Et puis voilà un premier coup de génie : «All Along». La clameur t’éclate le cortex, le cut se noie dans le bonheur, le Sice y va à coups d’all along et là t’as le phénomène Boos qui éclate au Sénégal. La quatrième raison s’appelle «A Full Syringe & Memories Of You», full blown de Boo, deuxième coup de génie Boo. Le Sice adore se rouler dans la Boo, c’est puissant, ça monte tout seul, il martèle son pilon pop et les forges explosent de bonheur, ça gicle partout, Sice y veille avec bonhomie. Ils retapent aussi dans le vieux mix de beat reggae et de trompettes («Here She Comes Again») et Sice remonte dans sa stratosphère chérie avec «You And Me». 

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         Avec Eight, Sice ramène sa fraise et son sucre. Il ramène sa voix chargée de sens. Il rétablit le règne des Boos avec «Hollow». Pure Beautiful Song. Sice est un être gracieux, il peut créer de la magie. Il décolle toujours de la même façon. On reste dans l’enchantement avec «Now That’s What I Call Obscene». Sice est comme un poisson dans l’eau. Encore une fantastique construction pop avec «A Shadow Darker Than The Rest». Pur génie pop. Le festin continue avec «Sometimes I Sleep». On appelle ça le génie vocal. Il rentre dans une faille mélodique et injecte sa magie. Tu sens une énorme pression arriver avec «Dust». Il est déjà là, le cut se présente comme une énormité bâillonnée, avec des accalmies et des rétributions illicites, et la voix de Sice porte tout ça mollement. C’est la voix qui fait tout, une voix en forme de nec plus ultra du fruit défendu, l’excelsior harmonique. Le power est bien dans les pattes des Boos de Liverpool, comme le montre encore «How Was I To Know?», ça te claque aux oreilles et la beauté te sidère. Eight est un album parfait. D’autant plus parfait que t’as un disc de bonus (alternates + des cuts Live at the Cavern). On y retrouve une alternate de «The Hollow». Sice est l’un des grands popsters anglais. Il s’applique derrière son micro et fait plaisir à voir. Il t’attaque ça au chant pur et l’Hollow s’envole. Sice l’enchanteur reprend le pouvoir et t’as tout le power des Boos au long cours. Ils montent «That Ain’t A Way Of Life» sur un dub, avec le Sice en écho. C’’est Tim Brown qui vole le show sur sa basse. Et puis voilà la triplette de Belleville, les trois bonus qui font le sel de la terre, Live At the Cavern, avec pour commencer un hommage au Roi George, «All Things Must Pass». T’as la trompette et ça devient mythique. Pire encore, voici le vieux «Spaniard» des Boos. Cette pop chaude ne tient qu’à un fil mélodique. C’est hallucinant de finesse et sublimé par la trompette mariachi. Aussi unique dans les annales de la pop anglaise que le fut «Strawberry Fields Forever». Le trompettiste s’appelle Nick Etwell. Nouvelle cavalcade de Boo avec «Find The Answer Within». Hallucinant de joie et de bonne humeur. Encore un drive de basse dément et la trompette. Sice part en tête, il est explosif de génie. C’est effarant d’élégance pop boréale, Sice et les Boos rivalisent avec John Lennon, cette merveille inaltérable entre dans l’histoire du rock anglais. Qui dira la grandeur de la pop invincible des Boos ?

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         Tu demandes au mec du merch ce que c’est. Il te dit : «Sice’s solo project!» Tu discutes pas, tu ramasses aussi sec. Le «Sice’s solo project» porte le doux nom de Paperlung et l’album celui de  Balance. Wow, quel album ! Si t’es fan de Sice et des Boos, alors tu te régales, dès «How Can You Sleep», t’as le big sound avec Sice on top, comme une petite cerise sur le gâtö. Tu lis vite fait les notes au dos et tu vois que Sice compose tout. Alors tu refais wow ! Car c’est fulgurant. Et tu l’entends chanter dans «The Days That God Sold You». Il s’étale à la surface de sa pop comme un petit caramel chauve et il revient dans la mélodie par le côté, alors ça sonne comme de la magie pop. Tu sens que ce groupe joue son va-tout. Ils rendent hommage à Aleister Crowkey avec «Do What Thou Will» et ça repart en mode big pop avec «The Ashes Of Your Life», et là t’as plus que tes yeux pour pleurer de bonheur, tu vois Sice monter au front la fleur au fusil - Are you happy/ In the ashes of your life - C’est la pop parfaite, la pop de Liverpool. Il sait monter une pop en neige comme le montre encore «A Cautionary Vision Of The Future». Il ne rate jamais son coup. C’est une grosse compo, comme «Spaniard» ou «Lazarus». Encore un coup de génie pop avec «What You Said». Sice l’emmène avec ferveur au firmament, t’as vraiment un envol. La voix de Sice donne un aspect flamboyant à la pop, il ne fournit aucun effort. Tout reste easy chez Sice. Il redécolle plus loin avec «Same Mistake». C’est d’une rare puissance mélodique, il file sur l’horizon, il chante la gloire de la beauté boréale, il chante comme s’il décrétait que le monde est monde. Sa voix te transporte. C’est l’ange de miséricorde qui chante «Where Were You Then?», c’est une bénédiction que de l’entendre tailler sa route vers l’horizon flamboyant, et pourtant Sice n’est pas un mec de carte postale, il est le Louis II de la pop anglaise. Cet album est son Neuschwanstein.

Signé : Cazengler, Boo Raté

Boo Radleys. Le 106. Rouen (76). 30 octobre 2025

Boo Radleys. Keep On With Falling. BooSTR Records 2022

Boo Radleys. Eight. BooSTR Records 2023

Paperlung. Balance. Shifty Disco 2007

 

 

Wizards & True Stars

 - Bob a du grain à Mould

 (Part One)

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         Bob Mould arrive tout seul sur scène avec sa Strato. Il a juste un petit ampli Fender derrière. Et pouf !, il commence à gratter ses poux à la volée. On n’avait encore jamais vu un bordel pareil, il gratte tout au pif, flic flac floc, de la main

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droite, et il prince des combinaisons de notes de la main gauche, c’est un peu comme s’ils étaient deux ou trois, mais Bob est tout seul, il claque sa rythmique et ses solos à la bonne franquette et sort un son d’une densité extrême qui n’appartient qu’à lui. Il joue tout à l’esbrouffe mais son esbrouffe sonne comme un mystère impénétrable, plus on l’observe et plus on ne pige que dalle, et diable, il faut voir comme ça sonne.

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Il n’a besoin ni de basse, ni de batterie, il fait son power-punk mélodique tout seul, il n’a besoin de personne en Harley Davidson. Au bout de deux cuts, il est rouge comme une tomate et il dégouline de sueur. Tu vois l’artiste à l’œuvre et franchement, tu te demandes comment il peut tenir ce train d’enfer, car tous les cuts sont quasiment des bombes atomiques, il tape dans le Dü, on chope au passage le vieux «Flip Your Wig», tiré de l’album du même nom, suivi d’«I Apologize», un vieux blaster qui date de l’album aux chiens, New Day Rising, le genre d’hit qu’on

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vénérait à une autre époque. Le vieux Bob n’a rien perdu de sa niaque, on irait même jusqu’à dire qu’elle a empiré, il reste rivé à son micro et quand il part en solo-ramdam, il fait un petit tour de scène. Qui d’autre serait capable de jouer un set de 90 minutes tout seul à ce train-là ? On a beau chercher, on ne voit personne. Le vieux Bob devient à la fois une attraction et un héros, un funambule et un totem, un dieu vivant et un vieux punk, un golem des Amériques et un coureur de fond, un géant et un sorcier, il est tout cela à la fois et beaucoup plus encore, c’est un bombardier et un Cortez the killer, il repousse toutes les limites, il fait ce que personne n’a jamais osé faire avant lui, il pousse les aigus de sa Strato et sort un son d’une rare virulence, et toujours ce battage de maniaque, et cette purée fumante qui semble sortir à torrents.

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Son arme secrète est le jet continu, le son brûlant, le chant extrême, quand il tape dans le Dü, ça ne rigole pas. Il va faire participer le public sur l’excellent morceau titre de son dernier album, Here We Go Crazy, et t’as des gens qui en connaissent déjà la paroles, car ça répond bien, et du coup, ce hit prend une ampleur considérable. Mais ça va encore monter d’un cran avec des vieux hits du Dü, l’effarant «Celebrated Summer», qu’il chante à l’efflanquée, il a sans doute trop forcé sur sa voix, il n’en peut plus, mais bon, c’est Bob Mould, il a besoin de repousser les limites, alors il trouve les ressources en lui, et bhammm !, il claque l’excellent «If I Can’t Change Your Mind» qui fut, t’en souvient-il, un hit massif au temps de Suger, et là c’est toute la salle qui chante pour lui, on aurait jamais cru que le Dü et Sugar avaient été si populaires en France. Et ça repart de plus belle avec un public allumé qui chante «Makes No Sense At All» à tue-tête et finalement, lorsque vient dans ta tête l’heure de conclure, tu te dis que ce vieux pop-punk vieillit admirablement bien. C’est même un modèle.   

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         Le nouvel album de Bob Mould s’appelle Here We Go Crazy. Cette petite merveille grouille de puces. Et ce dès le morceau titre qu’il attaque au sommet du genre. C’est bardé de son. Il retourne toujours la situation à son avantage. Quel

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seigneur ! Son vieux power remonte à la surface. Il repasse en mode Dü pour «Neanderthal». Bob a tellement de génie que les mots te manquent. Face à cet éclat, tu vas devoir faire des efforts. Il monte chaque fois sa pièce montée au sommet de ce qui doit être fait. Il adore traîner ses cuts dans la bouillasse. «Hard To Get» rue comme un étalon indomptable. C’est d’une puissance exceptionnelle. T’as encore tout le son du monde dans «When Your Heart Is Broken». Le vieux roi du Dü grimpe encore au sommet de son lard fumant. Il fond son killer solo dans sa fournaise magique. Bob est une force de la nature et ses cuts sont à son image. Encore de la dégelée royale avec «Sharp Little Pieces». Avec Bob, ça n’en finit plus. Il chante d’en haut et ses poux coulent d’en haut. Avec lui, tu crois toujours entendre les Pistols, il sort un son bardé d’accords fondamentaux. Il repart comme si de rien n’était avec «You Need To Shine». Chauffer un album d’un bout à l’autre, c’est son métier. Même en mode ralenti, il est bon («Thread So Thin»). Il termine cet album éclair avec «Your Side». Il rassure son copain - I wanna be by your side - Bob est un protecteur, pas un barbare sanguinaire, comme on l’aurait cru.

Signé : Cazengler, Bob Mou

Bob Mould. La Maroquinerie. Paris XXe. 9 novembre 2025

Bob Mould. Here We Go Crazy. BMG 2025

 

 

Wizards & True Stars

- Sabbath tous les records

 (Part Two)

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         Et si on pariait ? Geezer Butler sort son autobio, Into the Void: From Birth To Black Sabbath And Beyond, alors tu te dis que vu son pedigree, son histoire de Sabbath sera plus croustillante que celle de Mick Wall. Tu assois ton hypothèse sur deux autres évidences : un, Geez est le bassman/lyricist du groupe, donc, c’est vécu de l’intérieur et t’auras logiquement de l’intrinsèque véracitaire, celui que tu préfères. Deux, vu qu’il écrit les paroles, c’est forcément un styliste. Tu t’attends donc à un beau classique, à un ouvrage historique. T’en baves d’avance.

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         Première déconvenue : le book est tout rabougri ! C’est le format poche qui souvent coupe l’envie de lire. Même quand l’ouvrage en question est un classique littéraire, le format poche est un tue l’amour (excepté Folio ou 10/18). On préfère cent fois tenir un main une belle édition jaunâtre de la nrf. Non seulement le bouffant te flatte la paume, mais il te flatte surtout l’intellect. Dans le Geez rabougri, rien ne va te flatter l’intellect. On retombe dans ce qu’on déteste le plus : la collection des clichés du rock. C’est la même chose que d’aller voir les Pistols avec Frank Carter : l’horreur. Pas question de toucher à ça.

         Mais maintenant que le Geez est là, tu le lis. Eh oui, il est arrivé par la poste. Donc te voilà baisé. Tout est pourri : le format, les choix typo, le papier. T’as mal aux yeux avant d’avoir commencé à lire. C’est une corvée. T’es pas content. Tu vas lui trouver tous les défauts. Au moins ça changera des concerts de louanges habituels.

         Geez commence par rappeler qu’il a bossé 50 ans dans Sabbath, et quand on a bossé aussi longtemps dans un groupe, il y a, dit-il, pas mal de drama, et, ajoute-t-il d’un ton débonnaire, quand on bossait dans un «rock and roll band back in the seventies and eighties, the drama was turned up to 11.» Les autres disent 12, Geez préfère 11. Puis il rappelle que les music writers ont passé des décennies à cracher sur Sabbath. Voilà, le décor est planté : des hauts et des bas + la haine des critiques.

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         Bien sûr, Geez raconte son enfance à Aston, un quartier du centre de Birmingham, et ses deux premiers disks : le live de Muddy Waters, At Newport 1965, et un Dizzy Gillespie - Those two albums were my introduction to jazz and blues - Puis il se laisse pousser les cheveux like the Beatles. Il grandit chez les pauvres mais sa mère lui paye des Beatles boots et une collarless Beatles jacket  pour Christmas. Et bien sûr, il finit par récupérer une gratte pour gratter les chansons des Beatles. N’oublions pas que l’Angleterre est devenue pour tous les kids un pays magique grâce aux Beatles. Puis en 1964, le «Really Got Me» des Kinks détrône les Beatles dans la tête de Geez. Jusque là tout va bien. Le moral du lecteur remonte au fil des pages : ça grouille de petites infos passionnantes.

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         Avec ses quat’ sous, il finance le deposit d’une beautiful red Hofner Colorama et d’un Bird Golden Eagle amplifier, via Pay Bonds, la boîte qui fait les crédits pour les pauvres. En 1965, il voit le gig of a lifetime, les Beatles au Birmingham Odeon. Tout y passe, «Help», «We Can Work It Out», «Day Tripper» - No wonder everyone, inculding the blokes, was going hysterical - Puis en 1966, il voit les Stones au même endroit. Les Stones sont dans son trio de tête avec les Beatles et les Kinks, mais, s’empresse-t-il d’ajouter, les Stones «were almost blown off the stage that night by Ike & Tina Turner.» Détail capital. Il passe ensuite à Jack Bruce via Cream puis il chope Jimi Hendrix sur Top Of The Pops - These were heady time for a kid into his pop music - Eh oui, Geez, on a tous vécu le même déluge, mais c’était forcément plus violent en Angleterre.

         Bon, il est temps de monter un groupe. Geez cherche des kids pour jouer avec. Dans un magasin de musique, il tombe sur une petite annonce : «Ozzy Zig needs a gig. Singer with own P.A.» Il habite dans le quartier, à Aston, alors Geez le contacte. Et l’Ozz se pointe. C’est un skin, en tablier de ramoneur, pieds nus, avec un hérisson de ramoneur sur l’épaule et un petit chariot au bout d’une laisse. Geez n’y va pas de main morte - He was obviously a complete nutter - Un cinglé ! En plus, l’Ozz sort du ballon, car il s’est fait poirer sur un cambriolage.

         Le groupe de Geez s’appelle Rare Breed.

         Et c’est là que s’ouvre le bal des anecdotes. Geez commence par rappeler que l’Ozz fait caca sur demande. Un promoteur qui manque de respect au groupe va trouver sur le capot de sa Jaguar un étron de l’Ozz. Plus tard, dans les hôtels américains, l’Ozz fera caca dans les machines à glaçons. Tiens, encore une : Sabbath joue un soir dans une salle non chauffée, alors l’Ozz trouve des vieux bancs backstage et allume un feu pour se réchauffer, et quand le feu dégénère, les Sabbath essayent de l’éteindre en pissant dessus, «like some weird rock fire brigade». Enfin bref, on voit le niveau des anecdotes. Le book en fourmille. L’Ozz pisse un coup ici, l’Ozz fait caca là. Il y en a que ça fera marrer.

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Tony Iommi jeune

         Puis Geez joint ses forces à celles de Tony Iommi et Bill Ward qui jouent dans un groupe nommé Mythology. Mais quand Geez dit à Tony Io que le chanteur du groupe sera l’Ozz, Tony Io fait : «Oh non, pas lui !». Il le connaît. Il dit que l’Ozz «had the kind of face you wanted to punch.»

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         Tony Io va être le boss, celui qui met tout au carré, surtout la gueule des fuckers. Quand Tony Io entre dans la pièce, tout le monde ferme sa gueule, y compris l’Ozz.

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Earth

         Sabbath commence par s’appeler Earth. Jethro Tull essaye de récupérer Tony Io, en remplacement de Mick Abrahams, mais Tony Io ne le sent pas, «mainly beacause he didn’t like being told what to play.» Et pourtant Jethro Tull est en train de devenir énorme. C’est Tony Io qu’on voit jouer avec Tull au Rock’n’Roll Circus des Stones. Il porte un chapeau et tente de passer incognito. Pour les autres Sabbath, le fait que Tony Io décide de rester avec eux sera déterminant.

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first gig !

         Et pouf, ils partent jouer au Star Club de Hambourg. C’est là qu’ils composent «N.I.B.».  Et c’est aussi là que Geez propose le nom de Black Sabbath. Alvin Lee qui est leur mentor dit que c’est trop glauque pour un nom de groupe et propose à la place Papa Sun. Mais les Sabbath n’en veulent pas - So Black Sabbath it was - And on 30 august 1969 we played as Black Sabbath for the first time, in Workington, Cumberland.

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         Leur premier album est un succès inespéré. Geez raconte qu’ils ont reçu une avance de 1000 £ et qu’elle est partie en frais de studio. Au final, il ne leur reste due 125 £ chacun. Leurs cachets sont ridicules : twenty quid gigs. Ils sont tellement pauvres qu’ils sont obligés de barboter des trucs dans les salles de concert - I nicked the carpet, Ozzy nicked the lightbulbs, and Tony nicked a big brass tea urn and sold it as scrap - Puis ils rencontrent le fameux Wilf Pine, l’un des gorilles de Don Arden. Un Don Arden qu’ils rencontrent à Londres pour signer un contrat. Geez nous donne tous les détails de la conversation, comme l’a fait Duke Fakir dans I’ll Be There: My Life With The Four Tops, lorsqu’il se retrouve face à Berry Gordy pour signer un contrat. Geez dit à Don qu’il doit lire le contrat avant de le signer, et Don lui dit non et lui dit de signer. Geez voit une ligne avec des pointillés qui dit : «The management will be paid... percentage.» Alors Geez demande de combien est le pourcentage. Et Don lui rétorque qu’il le définira plus tard. Geez lui demande s’il a quand même une idée, et Don pense que ça doit tourner autour de 20 %. Alors pourquoi ne pas l’écrire maintenant ? Et donc Sabbath ne signe pas. Un peu plus tard, Wilf Pine qui s’est fâché avec Don revient voir Sabbath et leur propose un co-management avec another fella called Patrick Meehan. Et hop, c’est parti.

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         Geez rappelle vite fait en passant que Tony Io n’est pas n’importe qui. Quand il a perdu deux doigts, son boss au boulot lui a filé un album de Django Reinhardt en lui disant qu’il avait eu le même problème, «but listen to what he can do.» Alors Tony Io a écouté Django et il est devenu l’un des grands guitaristes de rock de son époque, avec deux doigts en moins.

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         Geez rappelle aussi qu’ils ont enregistré le premier Sab en deux jours, puis Paranoid en cinq jours. Comme leur premier album s’est bien vendu, la record company leur fout la paix. Pas de connard d’A&R dans les pattes de Sabbath. Pour Geez, ces 5 jours de 1970 sont des jours magiques, nothing will ever sound like that again. Leur recette est simple : Tony Io gratte un riff de son invention, l’Ozz y greffe une mélodie, et Geez écrit les paroles. Et ils enregistrent aussi sec. Pas de problème. Puis ils décident de virer Don Arden et de faire équipe avec le duo Pine/Meehan. L’Arden les poursuit en justice et ça va durer dix ans. Et les music writers continuent de s’acharner sur Sabbath, mais les fans les soutiennent - That’s why Sabbath must be the most successful bunch of outsiders in music history - Geez oublie les Ramones. Il est un peu auto-centré, dans son petit format poche rabougri. Mais on l’aime bien quand même.

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         Fin 1970, Sabbath s’envole pour les États-Unis avec Wilf Pine. Geez est tout excité. Il se sent projeté dans l’espace. Dans l’avion, il y a des compatriotes de Birmingham, Traffic, mais les Traffic les ignorent complètement. Puis ça va commencer à déchanter quand ils arrivent dans leur premier hôtel new-yorkais : dans leur chambre, Bill et Geez voient des cafards se balader sur les deux lits. Au Forum de Los Angeles, ils ouvrent pour Mountain, un groupe qu’ils vénèrent. Geez donne pas mal de détails passionnants, de ce style : l’Ozz fout le souk dans sa chambre d’hôtel (his room was war-zone) et au checking out, le motel manager félicite les Sab, car dit-il, «you’re so well-behaved, compared to other bands.» C’est l’humour anglais, dans toute sa splendeur.

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         Lorsqu’ils enregistrent Master Of Reality, Tony Io a mal aux doigts après tant de concerts, alors il monte des cordes plus légères sur sa gratte et descend l’accordage de plusieurs tons, «which gave him a heavy, darker sound». Alors Geez descend aussi sa basse, «and suddenly Sabbath were heavier than ever.»

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         Les tournées vont finir par avoir la peau du groupe. Nouvelle tournée américaine en 1972. Bill Ward est devenu alcoolique, il descend une bouteille de vodka au breakfast. Mais bizarrement, ça n’affecte pas son jeu. Il chope ensuite une petite hépatite qui l’envoie au tapis. Il en réchappe de justesse. Quant à l’Ozz, il fait une conso de coke industrielle. Il s’en tord l’épiglotte. Malgré tout ça, Sabbath empile les disques de platine et remplit les stades, «doing sold-out arena tours, living in big houses and driving flashy cars.» Ils s’installent à Los Angeles et répètent dans une pièce à côté de la piscine. Et c’est là qu’on retombe dans les clichés. Miraculeusement, le Geez nous épargne les parties de cul.

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         Ils finissent par annuler une tournée américaine en 1973. Ils sont ra-ta-ti-nés. Ils s’arrêtent pendant un an et demi, ce qui est assez risqué à l’époque. Heureusement, Tony Io ne perd pas la main. Tout le biz de Sab repose sur lui. Et le Geez balance ça : «Je défie quiconque de citer trois better rock riffs tant ‘Iron Man’, ‘Supernaut’ and ‘Sabbath Bloody Sabbath’». Il n’a peut-être pas tout à fait tort. Puis ils vont se débarrasser de Patrick Meehan qui les baratine. Ils doivent lui verser un million de $ pour se sortir du contrat. Warner leur avance le million sur les ventes du prochain album. De toute façon, ils sont baisés de partout : par Meehan et par Warner - We were skint for the rest of the seventies - Et donc l’enregistrement de Sabotage tourne au cauchemar. Ça va durer dix mois. Ils l’appellent Sabotage «because we thought we were being sabotaged. That’s why it sounds so bloody angry.»

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         En 1978, les Ramones ouvrent pour Sabbath et se font huer chaque soir. En représailles, les Ramones ne jouent qu’un seul cut : ils le jouent plusieurs fois. Ils finissent par quitter la tournée. Puis c’est la catastrophe de Technical Ecstasy, «a pale imitation of Black Sabbath, too polished and too soft.» Geez raconte aussi que l’Ozz s’en prend aux animaux (poulets et homards), alors il est à deux doigts de lui mettre sa main dans la gueule.

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         Un jour, Geez apprend qu’il est viré de Sabbath. Bon, pas de problème. Quelques jours plus tard, il apprend qu’il n’est plus viré et qu’on l’attend à la répète. Il arrive et demande une explication. Personne n’est au courant. Viré ? Ah bah non. Le Geez n’a jamais eu d’explication. Du coup, il perd confiance en eux. Les brother bandmates ? Pffff - The dream was over. Welcome to reality - Puis ils partent enregistrer Never Say Die à Toronto - Another disastrous decision - De toute façon, ce sont des albums qu’on n’écoutera pas. On s’est arrêté à Sabotage, parce que l’album était en vitrine, qu’on adorait la pochette, et qu’on suivait Sabbath depuis le début.

         Le drinking de Bill et de l’Ozz est complètement out of control et ils passent leur temps à se battre comme des chiffonniers. Le Geez en a tellement marre qu’il prend l’avion plutôt que de monter dans le bus avec eux. Et puis il y a surtout «the Bill’s lack of hygiene». Bill pue comme un clochard. Et soudain, Tony Io décide de virer l’Ozz : «It’s not going to work with Ozzy anymore, it’s time to try somebody else.» Bill est chargé d’aller porter la bonne nouvelle à l’Ozz, de la même façon que Sterling Morrison fut chargé d’aller annoncer à Calimero qu’il était viré du Velvet. L’Ozz fond en larmes. C’est la fin d’une époque. On ne vire pas l’Ozz de Sab. Le Geez pense que Sab est foutu - Well that’s it. We’re finished - Il ne voit pas comment Sabbath peut survivre without Ozzy up front. C’est un peu comme les cuts des Ramones sans Joey, ça n’a tout simplement pas de sens.

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Geez

         Ozzy nous dit le Geez s’est senti trahi. Le Geez qui a pour principale qualité l’opiniâtreté nous rappelle que les Sab sont quatre working-class kids from Aston qui ont changé the course of music et sont devenus one of the biggest rock bands in the world. Mais il sent qu’à cause de l’Ozz, Sabbath est mal barré. Aussi tente-t-il de justifier son éviction ! Il insinue qu’en restant dans Sabbath, l’Ozz aurait fini par overdoser. Et crack, il balance ça : l’Ozz avait besoin d’un choc pour se re-situer. Tu parles d’un choc ! C’est le passage le plus tendancieux de ce petit book qui grouille de passages tendancieux. On ne justifie pas l’éviction d’un compagnon de route. Sabbath et Pink Floyd même combat ? Comme Syd, l’Ozz savait très bien à qui il avait à faire : des bas de front qui ne rêvaient que de voitures de sport. L’horreur.

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Black Sabbath avec Ronnie James Dio

         Tony Io avait déjà son idée en tête. Il voulait Ronnie James Dio qui venait de se faire éjecter de Rainbow. Et en 1980, Sabbath entame une tournée avec celui que Don Arden appelle le nain. Pas d’Ozz ? Personne ne sait comment vont réagir les fans. Les fans huent le nain mais le nain s’accroche. Puis Bill qui a des remords quitte le groupe en pleine tournée - Things went from bad to calamitous - Pas de problème, le nain connaît un batteur, le frère de Carmine Appice, Vinny, qui a joué avec Rick Derringer. Et hop, c’est reparti. Mais toute cette époque n’a bien sûr strictement aucun intérêt.

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Vinny Appice

         Le nain veut toucher des royalties sur tout ce qu’il chante, alors le Geez se barre. Il ne peut plus supporter d’entendre le nain se plaindre. C’est là que Tony Io décide de le virer. Et voilà Sabbath sans chanteur, sans batteur et sans manager. Côté anecdotes, le Geez rappelle que Bill est un «combustible drummer», car pendant des années, les Sab se sont amusés à mettre le feu à sa barbe. Le Geez aime bien rigoler un coup : quand on lui demande s’il a vu Spinal Tap, il répond : «Seen it? I lived it.»

         Encore plus marrant : Tony Io ré-engage Meehan. What ? Le Geez refuse de lui serrer la pogne. Il demande à Tony pourquoi il a fait ça et l’Io lui répond : «He knows how to manage a band.» On profite du paragraphe pour apprendre qu’à l’époque, Don Arden est «sued to death by ELO» et qu’on vient l’arrêter pour le kidnapping et la torture de l’un de ses comptables, chefs d’accusation dont il sera acquitté. L’histoire de Sabbath est une histoire à rebondissements.

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         L’Ozz comme on sait a mené sa carrière solo et a épousé la fille de Don Arden, la fameuse Sharon. Et pendant toutes ces années, l’Ozz a publiquement insulté l’Io. Pire encore, «Sharon had sent Tony a bag of her daughter’s poo in the post.» Ils viennent tous des mêmes bas-fonds, ceux de Birmingam pour Sabbath, ceux de Manchester pour les Arden. Donc l’idée d’une reformation est mal barrée. Mais il y a un gros billet à la clé. Et Sabbath se reforme pour un Ozzfest, avec le batteur de Faith No More.

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         Et en 1998, ils enregistrent Reunion en Angleterre. Quel album ! T’as aussitôt le doom de Sab avec «War Pigs». L’Ozz harangue la foule. Oh le poids du Sab ! Ça sonne comme l’hymne définitif des seventies. Tony Io passe un long solo et le Geez laboure en profondeur. Et pouf, on revient au premier album avec «Behind The Wall Of Sleep». Le Power absolu ! C’est une heavy pureté évangélique. Te voilà de retour à La Saussaye. Ils tirent encore «NIB» du premier Sab. Ça prend feu. L’Ozz fait l’Oh Yeah ! Intangible ! Beautiful solo de Tony Io. Ah c’est un artiste. Tony Io est un entrepreneur entreprenant. Le Sab dégage un son qui t’emporte comme un fétu. L’Ozz hurle son «Sweet Leaf» au sommet de la montagne. C’est la fête du village en haut de l’Ararat. Les Sab sont terrifiants de power. L’Ozz est un chanteur complètement extraverti. Il est souvent à la limite du faux. Encore de la grosse purée fumante avec «Into The Void». Leur formule est vraiment au point. Il chante encore «Snowblind» à la pointe du progrès. Le power des Sab est magnifié par ces deux démons que sont l’Ozz et Tony Io. Et ça repart de plus belle sur le disk 2 avec la pluie d’acier de «Sabbath Bloody Sabbath». Sab on fire ! Quelle leçon d’heavyness ! Tony Io multiplie les départs en vrille d’excelsior. Tout est passionnant sur ce double live. «Back to the Beginning ! Thank you !», clame l’Ozz qui annonce «Black Sabbath». C’est la fondation du mythe Sab - Please/ Please God/ Help me - L’Ozz est d’une rare intensité et Tony Io fout le feu à la plaine. L’Ozz rechauffe la salle à coups de «louder ! Let’s fucking hear you guys !» et ça part en mode «Iron Man», l’hymne inter-galactique. L’Ozz annonce tous les cuts un par un, comme ça au moins t’es renseigné. Alors voilà «Children Of The Grave», Et en rappel, ils tapent bien sûr l’inévitable «Paranoid», c’est toute une époque qui remonte à la surface et qui va disparaître avec l’Ozz. C’mon ! Et derrière ce maelström, t’as la ventilation cardiaque du Geez.

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         Un peu plus tard, les Sab reformés enregistrent 13 avec Rick Rubin. Comme Rubin des bois produit, t’as du son. T’as même la chape de plomb, Rubin des bois fout le paquet sur le plomb. Ton casque saute. Rien de révolutionnaire, c’est du vieux Sab avec l’Ozz qui écrase bien ses syllabes dans le cendrier. Ils sont assez comiques, car à leur âge, ils jouent encore comme s’ils avaient 16 ans. Ils resservent grosso-modo le même raout. Ça fume et Tony Io n’en fait qu’à sa tête. La formule est restée la même, avec la purée de riffs et la voix perçante de l’Ozz. Rien n’a changé depuis le premier album. Tout repose sur un riff, et l’Ozz brode. Ils font du biz à la différence des Ramones qui faisaient du rock. Tony Io adore se fondre dans sa purée. Sur cet album tout est très paroxysmique. Rubin des bois fait monter les enchères. Le plus drôle, c’est que les deux autres ne comptent pas : ne comptent que l’Ozz et Tony Io. Sur «God Is Dead?» Tony Io gratte tout ce qu’il peut. Il plombe la chape de plomb. Et L’Ozz fait son bizz. Il est en pleine forme. Rien n’a changé en 50 ans. Il a bien appris à tartiner son chant et son God is Dead finit par devenir relativement crédible. Le riff raff de «Loner» sonne merveilleusement bien. Tony Io est aux anges, il gratte à qui mieux mieux, il gratte à mains nues, il incarne le riff raff mieux que n’importe quel autre guitariste anglais, il se joue de dessus et bricole des climats. Il fait encore du big Sab dans «Age Of Reason» et passe un killer solo Ionisé. Quand il se fâche, ça s’entend ! Encore du classic Sab avec «Live Forever», et t’as la belle voix d’Ozz à la surface du tagada de Tony Io. Ils battent tous les records d’heavyness avec «Damaged Soul». Tony Io tartine tout le gras double qu’il peut. On se croirait toujours sur le premier Sab. Ils n’en sont jamais sortis. C’est incroyable comme on est habitués à la voix bien appuyée de l’Ozz. Il hante bien l’heavyness du rock anglais. La formule de Sabbath est au point, comme celle des Ramones. C’est épais et bien appuyé. On peut écouter 13 les yeux fermés.

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         Ils repartent en tournée. Pas facile, car Tony Io fait des séances de chimio et il est un peu ratatiné. Mais ils ramassent 85 millions de $ - Not bad for a bunch of old fogeys who music writers had bashed for the best part of four decades - Puis vient le moment des adieux. Rien de très émotionnel, de la part de ces vieux working-class blokes from Aston. Some quick hugs and some «See ya». Et chacun repart de son côté. Et là le Geez se vautre : «Ignore the rumours, we’ll never do it again. Well the other three can do what they want, but for me, the Sabbath story is over.» Geez a 72 ans quand il écrit ça. On est en 2021. Il ne sait pas que quatre ans plus tard, il va remonter sur scène avec Sabbath à Aston pour un ultime concert.

Signé : Cazengler, Black Savate

Geezer Butler. Into the Void: From Birth To Black Sabbath And Beyond. Harper Collins Publishers 2024

Black Sabbath. Reunion. Epic 1998  

Black Sabbath. 13. Vertigo 2023

 

 

Inside the goldmine

 - Acetone tu m’étonnes

         Il s’appelait Acheton, mais il n’avait rien à voir avec les Stooges. Et pourtant, la plupart des mecs de la classe l’appelaient Ron alors qu’en réalité il s’appelait Pierrot. Pierrot Acheton. Le matin, t’en avais toujours un qui lui balançait un truc du genre :

         — Alors Ron, ça solote ?

         — Vas chier dans ta rue !

         Acheton avait ce qu’on appelle un caractère bien trempé. Il valait mieux éviter de le provoquer. Il tolérait une petite vanne, mais pas deux. Il conduisait une moto anglaise qu’il avait bricolée lui-même, et portait un perfecto, ce qui à l’époque n’était pas encore très courant. Acheton était un punk avant les punks. Il vivait avec ses parents dans une ferme situé à 20 ou 30 km de la ville où se trouvait le lycée, aussi arrivait-il chaque matin en moto, et en perfecto, hiver comme été. Il avait poncé le réservoir de sa BSA pour enlever la couleur d’origine. L’engin était d’un beau gris métallique. Ça lui donnait un côté mystérieux. S’il t’avait à la bonne, Acheton t’emmenait faire un tour. Il sortait de la ville en longeant la Seine et rejoignait le circuit des Essarts, un circuit réputé pour ses virages en épingle. T’allais avoir la peur de ta vie. Acheton arrivait à fond sur la courbe, décélérait brutalement et penchait la moto pour prendre le virage. Il laissait traîner sa béquille pour faire jaillir des pluies d’étincelles. Même cirque à chaque virage. Il devait prendre son pied, mais pas toi. Il remonta tout le circuit, puis il fit demi-tour pour le redescendre, ce qui lui donna encore plus de vitesse. Et là tu fermais les yeux, tellement ça valsait, il basculait sur la droite, puis sur la gauche, et sortait du virage miraculeusement. Il s’arrêta en bas du circuit, cala la béquille et nous descendîmes de la moto. Il enleva son casque et éclata de rire :

         — T’es tout blanc ! Tu t’es chié dessus ?

         — Pfffff pas du tout ! On refait un tour ?

 

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         Pendant qu’Acheton conduisait sa moto en Normandie, Acetone construisait sa légende aux États-Unis. Après avoir salué la mémoire de ce vieux Pierrot Acheton, saluons celle de cet excellent trio américain.

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         Dans Uncut, Daniel Dylan Wray commence par dire qu’Acetone est le paradis des dichotomies : «promise and disapointment, calmness and noise, darkness and light, reverence and indifference, tender souls and hard drugs.» Ils sont trois : Richie Lee (le frisé, bass, chant), Mark Lightcap (le brun, poux, chant) et Steve Hadley (le blond, beurre). Ils sont arrivés dans le sillage de Nirvana en 92 et signés pour un très gros billet. Le mec d’Uncut les situe ainsi : «They floated between the stirring songcraft of Big Star, the guitar squeal of the Stooges and the woozy melodies of later-era Velvets, topped off with heavy lashings of country and touches of psychedelia, all wrapped up with a touch of sunshine-kissed dream pop and hypnotic, druggy grooves.» Avec ça, t’es fixé. Mais le succès n’est jamais venu au rendez-vous, et en 2001, Richie Lee s’est foutu en l’air. Un certain Sam Sweet a écrit une bio d’Acetone, Hadley Lee Lightcap. Épuisé. La vie est dure.

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         C’est Virgin qui les signe pour 400 000 $. Cindy sort en 1993. T’es vite impressionné par leur son : un joli laid-back bien épais, avec une légère disto sur la basse. Et ça monte vite au sommet de l’Ararat avec «Pinch». Richie Lee force sa petite glotte dans le feu de l’action - This is not a joke - Cet heavy rockalama te tombe dessus comme une pluie d’acier, ils deviennent quasiment hendrixiens dans la dégaine. T’en reviens pas ! Ils passent à l’heavy groove avec «Sundown». C’est «Season Of The Witch» avec le tonnerre de Zeus. Lightcap fout le feu à la plaine. Richie Lee attaque «Chills» au fast & wild bassmatic et Lightcap ramène une petite stoogerie. C’est hallucinant de violence sonique, ils savent brûler les étapes, brûler la chandelle par les deux bouts et même se brûler les ailes. Leurs déboulades sont des modèles du genre. Là tu dis oui. Et même wow ! Ils chantent «Louise» à la rosée de Ronsard, c’est très laid-back à la renverse, just close your eyes, mais pas de quoi en faire un fromage. Il faut ensuite attendre «Barefoot On Sunday» pour renouer avec l’Acetone genius. Lightcap se fâche et ça bascule dans Salammbô. Ça grimpe sur les murailles, ça bat tous les records d’énormité joyeuse, puis ça se calme, le temps de placer le petit chant moite. Ils travaillent des ambiances extraordinaires et Lightcap creuse des tas de tunnels sous le Mont Blanc.

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         La presse anglaise salue Cindy. Le mec d’Uncut qualifie le cut d’ouverture de bal «Come On» d’«unashamed hommage to The Velvet Underground’s ‘Ocean’». Il trouve aussi des traces du «Walk On By» d’Isaac le prophète dans «Sundown». Dans Mojo, David Fricke n’y va pas non plus de main morte sur Cindy. Il parle de «raw poise of psychedelic dreaming and desert-pilgrim crawl as if The Beach Boys’s Pet Sounds, Big Star’s Third and Spacement 3’s Playing With Fire were spinning on the same turntable - at Galaxie 500 speed.»       

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         Avec I Guess I Would, ils vont aller plus sur la country des Flying Burrito Brothers et John Prine. C’est un album de covers. Ils enregistrent leurs country ballad covers de George Jones, John Prine et Johnny Horton à Nashville. C’est un changement de cap assez radical. Fricke dit aussi qu’un «10-minute slow burn through Kris Kristofferson’s Border Lord was Acetone at their noisy and ascetic finest, spilked with Mightcap’s overloaded fuzz ans wah wah spasms.» 

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         Dès le «Juanita» de Gram Parsons, ils renouent avec le doux du mou du genou. C’est leur truc. Pas de panique, on a le temps. Ils tapent ensuite dans «The Late John Barfield Blues» de John Prine. Cut pépère, désuet, précieux, bien protégé. Tu sais dans quoi tu t’engages. Ils vont de la petite molesse du désert à la country de la torpeur en passant par l’«All For The Love Of A Girl» de Johnny Horton sans la voix de Johnny Horton, alors forcément, ça ne marche pas. Tu commences même à somnoler. Ça bascule dans l’heavy country soporifique. Ils se réveillent enfin - et toi aussi - avec le «Border Lord» de Kris Kristofferson. Lightcap ressort son artillerie lourde. Dommage que tout l’album ne tape pas dans ce registre. Ça aurait arrangé nos affaires. Ce Border Lord est le seul cut potable de l’album. Lightcap fait tout le boulot. Il se joue dessus en disto et en wah, c’est un démon !

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         Ils redressent bien la barre avec If You Only Knew. Même si ça part en mode mou-du-genou en suspension, au gnan-gnan de gnognotte, Lightcap arrive très vite avec des poux diaphanes. Ils cultivent bien la ramasse, c’est leur fonds de commerce. Ils passent à l’heavy groove de bon aloi avec «I’ve Enjoyed As Much As I Can Stand», cut délicieusement laid-back et chanté dans un souffle. Puis ils tirent l’overdrive pour passer en mode big pop avec «The Final Say». Lightcap explose enfin et ça devient terrific, ils déroulent le cut avec un power démesuré, et avec le chant d’un Richie Lee doux comme un agneau en surface. Ça prend des proportions extraordinaires. Ça redevient très sérieux avec «99», Lightcap pique sa crise. Ils atteignent le sommet du laid-back avec «Esque», ils hantent les profondeurs à coups d’have you been around. Et Richie Lee remonte à la surface d’«Always Late» comme une méduse psychédélique. Les trois cocos d’Acetone ont un univers réel, en dépit des défauts. Ils savent réchauffer une soupe aux choux. Richie Lee chante comme un fantôme qui ne va pas bien.  

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         En 1997, Virgin les vire et ils se retrouvent sur le label de Neil Young, Vapor Records, avec un album sans titre et un peu raté. Tu ne feras pas tes choux gras d’Acetone, même si Richie Lee pose bien les conditions du son, c’est-à-dire le mellow laid-back. C’est même parfois tellement laid-back que c’est presque beau. Tellement velouté. Ils sont dans l’after. C’est très plombé. Très retardé, mentalement parlant. Presque ennuyeux. Il faut attendre «Might As Well» pour frémir un petit coup. Richie Lee caresse un beau rêve de Croz. C’est pas loin du «Season of The Witch», celui de Stephen Stills. Real deal de groove psychédélique. Ils bouffent ensuite à tous les râteliers avec du tartignolle («Shobud») et de la country («All You Know»). Lightcap vole au secours de l’album avec un nouveau groove à la Croz, «Good Life». Ça redevient soudain très intéressant, et sa voix s’y prête mieux. Il a du moelleux dans l’accroche. «Dee» sonne comme une vague de chaleur», et Lightcap accompagne «Waltz» à la wah nonchalante. Hélas, il ne s’y passe rien. La plupart des cuts manquent de colonne vertébrale. «So Slow» est presque beau, mais trop laid-back. Tu sais que tu n’y reviendras pas. Ils excellent dans le gnan-gnan, ça peut plaire à certains, c’est bien là le problème. Cet album n’a vraiment rien de particulier. 

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         Par contre, York Blvd vaut le rapatriement. Richie Lee attaque «Wonderful World» en mode petit rock’n’roll animal et Lightcap te monte ça vite fait en neige. Grand retour du power trio de Cindy. C’est explosif ! Ils retrouvent la veine du «2000 Light Years From Home» des Stones. T’as l’impression d’écouter un groupe à la fois important et inconnu. Ils jouent «In» en apesanteur et «Like I Told You» sonne comme une belle psychedelia d’élan vital - Don’t waste your time/ On me - Il est gentil de la prévenir. Tu sens une réelle volonté d’en découdre dans «It’s A Lie». Ils ont le groove psyché dans la peau, c’est d’une rare puissance, bien sustainée par Lightcap. Ils créent du bon doom à trois, alors bravo les gars ! Lightcap est balèze, il fout encore le feu à «Bonds». Plus loin, «Vaccination» est tellement serpentin qu’il grimpe dans ta jambe de pantalon, puis ils glissent dans le mood de «Stay» comme des cadavres dans la fosse commune. Ils cultivent ce poids cadavérique assez enivrant. Les pestilences se mêlent aux rayons de lumière et le chant paraît mourant. Ils sont les rois des notes éparses. Et soudain, pouf, ils sont partis ! 

         Mark Lightcap donne une petite interview pour Uncut. Il indique par exemple qu’Acetone atteignit son pic au moment du dernier album, York Blvd - We were playing with complete fluidity - Pour expliquer le manque de succès, Lightcap dit qu’Acetone «sounded so out of step with everything else that was going on», mais ajoute-t-il, c’est précisément ce qui fait la force d’Acetone aujourd’hui, «the music doesn’t sound dated at all.» Et il rappelle que Richie «wanted to be a fucking rock star.» Mark Lightcap dit aussi qu’il reste pas mal de «red meat in the freezer», des «early demos, studio outtakes and some top-notch live recordings.» Miam miam.  

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         Et pour couronner le tout, t’as ce double album live, I’ve Enjoyed As Much As This As I Can Stand, paru en 2024. Il ne faudrait surtout pas le prendre à la légère. Tu t’ennuies un peu sur tout le balda, car ça reste très laid-back. Ça sonne même comme du laissé-pour-compte un peu moite. On attend que Lightcap se réveille. Il se réveille en B avec le morceau titre. C’est un hit lysergique et Lightcap part enfin en vadrouille. On tombe plus loin sur l’«All You Know» mélodiquement pur et digne des Byrds. Lightcap gratte ça aux arpèges lumineux dignes du Velvet. Puis t’as «Waltz» qui titube, ivre de vin et de liberté. En C, tu retrouves cette fantastique merveille de groove psychédélique qu’est «Barefoot On Sunday», suivi d’«I’m Gone/Misirlou», belle dérive acétonique. Ils t’embarquent pour la Cythère de tes rêves et finissent sur le riff d’«Interstellar Overdrive». T’as encore une belle bombe atomique en D : «Endless Summer», ils tapent ça en mode heavy groove qui ne plaisante pas. T’as là un pur power trio, digne des géants du genre.

Signé : Cazengler, Assezcon

Acetone. Cindy. Vernon Yard Recordings 1993

Acetone. I Guess I Would. Vernon Yard Recordings 1994 

Acetone. If You Only Knew. Vernon Yard Recordings 1995

Acetone. Acetone. Vapor Records 1997  

Acetone. York Blvd. Vapor Records 2000

Acetone. I’ve Enjoyed As Much As This As I Can Stand. New West Records 2024

Daniel Dylan Wray : Acetone. Uncut # 319 - December 2023

David Fricke : The toxic avengers. Mojo # 362 - January 2024

 

 

L’avenir du rock

- BelphegorZ fantôme du boogaloovre

(Part Two)

 

         Si tu cherches à rencontrer des personnages excentriques, il n’existe pas de meilleur endroit que le désert. L’avenir du rock en a vu de toutes les couleurs, de toutes les tailles, mais il n’aurait jamais pu imaginer voir Belphégor surgir au sommet d’une dune !

         — Mais qu’est-ce que tu fous là, Belphégor ?

         — Ouuuuh !

         — Tu m’fais pas peur !

         Il est là ! Le fantôme du Louvre, par cinquante degrés à l’ombre, sous sa robe noire et derrière son masque de cuir. Interloqué, l’avenir du rock tente de se raisonner.

         — C’est impossible ! Pas lui ! Tout mais pas lui !

         — Ouuuuh !

         L’avenir du rock se tape une belle crise de surchauffe paranoïaque. Il se suspecte d’inventer des rencontres à des fins bassement éditoriales ! Il réfléchit à voix haute :

         — Suis-je prêt à faire n’importe quoi pour alimenter ma rubrique ? Aurais-je atteint un tel point de déchéance éditoriale ? Comment peut-on descendre aussi bas ? N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?

         — Ouuuuh !

         — Moi qui a veillé pendant une éternité à maintenir une éthique de l’errance ! Non ce n’est pas possible ! Je ne peux pas accepter une telle décrépitude !

         — Ouuuuh !

         L’avenir du rock n’a même pas de quoi laver son honneur, ni corde pour se pendre, ni calibre pour se tirer une balle sous le menton. La honte lui bat aux tempes. L’enfer !

         — Ouuuuh !

         Excédé par les Ouuuuh de Belphégor, l’avenir du rock ramasse une grosse pierre et la lui balance en pleine gueule. Rien...

         — C’est quoi ce bordel ?

         — Ouuuuh !

         L’avenir du rock en ramasse une autre et la balance. Rien... Les pierres passent à travers Belphégor. Il sent bien que sa raison vacille, il n’est pas dupe, mais en même temps, ça le rassure que Belphégor soit bel et bien un fantôme. Au moins, c’est cohérent. Sentant qu’il faut vite arrêter les conneries, il rompt le dialogue, reprend son chemin et lance en guise d’adieu :

         — De toute façon, t’es devenu ringard, Belphégor, toi et tes intrigues et tes sarcophages. Je préfère mille fois BelphegorZ !

         — Ouuuuh !

 

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         Comment peut-on ignorer l’existence d’un album aussi génial que Kill The Pain ? C’est le deuxième album des Marseillais de BelphegorZ. On les a vus jouer à la cave en 2019. Gros flash. Qualité de tout : des compos, du son, du chant, de tout ! La chanteuse s’appelle Tallulah X et on la retrouve dès «Lovedolls», brillante et furibarde. Elle peut shooter dans les montées. Avec BelphegorZ t’as tout de suite du

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son. Ce mec Krees D est un sorcier de la prod ultime, il navigue à un très haut niveau productiviste. Tu tombes plus loin sur un «Vintage Girl Is Dead» noyé de son et t’as Tallulah qui shoute à la surface. Elle te fait rêver. Ça grouille de coups de génie sur cet album, dès le morceau titre et une fantastique énergie du son. Tu sens bien la profondeur du beat et les éclats pixiques avec du rebondi. Ce «Kill The Pain» vaut tous les hits anglais des années antérieures et on peut même dire qu’il les surpasse. Ils amènent «Sleeping On The Bus» en mode power pop, mais avec tellement d’allure. Tallulah est sublime d’opiniâtreté. Krees D a misé sur la bonne screameuse. C’est un album très dense, tous les cuts sonnent comme des aventures. C’est tout de même assez rare en France. Ils réinventent la new wave, ils lui donnent une nouvelle jeunesse et les solos de Krees D planent dans le son comme des vampires de Murnau. Avec «No Question Of Maybe», Krees D rejoue le coup de «Lust For Life» au cœur de son havoc. Il gratte tout ce qu’il peut pour regagner la rive. Quel cake ! On repasse aux choses sérieuses avec «Kinky Gaze». Elle remonte au premier plan pendant que Krees D gratte la cocote du diable. C’est une tension noyée de son, une fantastique résurgence du big time out. T’as encore un son énorme sur «She’s Dancing». Tu crois rêver ! Nouvelle superbe delivery avec «Psychedelic Sniper (Shoot The Pusher)». Tallulah reste en tête de gondole. On a là une wild pop-rock précipitée la tête la première. Quel festin de son ! Avec cet album, t’as la conjonction parfaite du super beat et de la chanteuse de choc.

Signé : Cazengler, Belphégrave

BelphegorZ. Kill The Pain. Closer Records 2023       

 

*

Ne pas confondre la 66 avec la 619. Je ne m’étendrai pas sur la mythique double six américaine. La 619 est certes moins célèbre mais elle possède l’avantage de vous conduire tout droit en plein Troyes devant la porte du 3 B. Souvent elle mérite l’appellation de Rockabilly Road, mais ce soir, elle s’est repeinte en bleue, sous les trombes de pluie, imperturbable la teuf-teuf grignote son chemin sur la Blues Highway.

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JOHN-MARY GO ROUND

3 B

(Troyes / 14 – 11 – 2025)

          Faut savoir reconnaître ses erreurs. Pas les miennes, ce n’est pas que je n’en fais jamais c’est que j’ai toujours raison, non je ne parle pas de moi mais des gens qui nous sont chers, que nous révérons. Ainsi à mon grand regret, je me sens forcé de contredire, pas n’importe qui, mais Charles Baudelaire en personne, qui a commis une sombre erreur dans une de ses dernières pages écrivant cette phrase lapidaire : ‘’Un Belge ne marche pas, il dégringole’’. Or je peux désormais témoigner du contraire. L’individu auquel je me réfère est né à Namur. Or, quelle classe, quelle aisance, une allure aristocratique à vous couper le souffle, fallait le voir se mouvoir dans le 3 B, la prestance d’un tigre, un costume impec, une large cravate arborée comme l’oriflamme de la distinction innée. Sans une once de frime. Naturel. Mais ce n’est pas tout. Faites votre révérence, un bluesman ! Pas n’importe lequel, un mec qui se suffit à lui-même, d’ailleurs il n’a pas de musiciens, l’est tout seul, il n’a besoin de personne. Ni d’un Massey-Ferguson. Non, je n’exagère pas. Toutefois je dois concéder qu’il n’est pas tout à fait seul. L’est entouré d’une extravagante collection de guitares. Ça y est, l’est assis sur son tapis avec cette simplicité des maharajas qui dans l’Inde ancienne donnaient audience à leur peuple. Il ne nous reste plus qu’à l’écouter.

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( Photo : Rocka Rocky)

         L’avait déjà sa guitare (hi !hi !) sur ses genoux lorsqu’il s’est collé et monté autour du cou un de ces porte-harmonica qui firent dans sa jeunesse la gloire de Bob Dylan. Puis il s’est mis à souffler. La tempête du blues s’est déchaînée en une fraction de secondes, une volée de flèches indiennes s’est fichée dans nos corps, toute la colère noire des anciens esclaves réduits en esclavage nous est tombée dessus. Comment peut-on tenir cela entre deux lèvres, exsuder de soi une telle tourmente. C’est le moment de revenir à sa guitare. Plus tard lui-même l’a décrite comme un moule à cake orange. L’est vrai qu’elle est d’un orange vif. Oui, mais aux pétarades qu’elle a émises dès qu’il l’a posé ses doigts sur ses quatre cordes, pas besoin de plus, on se serait cru au départ du Bol d’or, perso dans ma tête je lui ai refilé un surnom, ‘’l’agent orange’’ que les amerloques répandaient sur les arbres pour leur faire perdre les feuilles, voulait-il vraiment nous faire tomber nos oreilles ? Il n’a pas réussi, car ce son torturé de mille carburateurs criblés de stridences malfaisantes, c’était le blues en personne qui nous fracassait les tympans, le blues dans toute sa violence, dans tout son appel à l’incoercible insurrection individuelle.

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( Photo : Rocka Rocky)

          Ce n’est pas tout. L’avait devant lui deux vastes pédales que ses pieds n’ont cessé d’actionner, l’une pour bruit sourd du destin qui s’avance vers vous, l’autre l’aigre tambourinade du rire sardonique du tueur qui vous décoche  le sourire assassin de sa face de mort. L’a changé de guitare. Une cigar-box, sur sa caisse un Etat prévoyant devrait exiger la mention : ‘’ Ecouter tue’’. Trois cordes, pas aussi mélodieuses que la lyre d’Apollon mais aussi tonitruantes que le tonnerre de Zeus. Le son est moins ronflant, crépite toutefois à haut débit comme un incendie de forêt transformant en torches effroyables les chênes multiséculaires. Un gros plan sur les doigts de notre imprécateur s’avère nécessaire : l’a de grosses paluches, dont un doigt – je vous laisse, dans un souci pédagogique de participation, deviner lequel -  revêtu d’une armure d’acier, vous scie à l’égoïne crissante les feulements des demi-tons nécessaires à l’implosion allusive du tumulte du blues.

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( Image : Duduche )

Y a des gars qui ont tout pour eux. Non seulement il joue de la guitare mais en plus il  parle, avec cet art de fausse innocence qui plaît aux filles et lui allie la sympathie des garçons. Ne passe pas son temps à baratiner non plus. Se sert de la parole comme le pêcheur qui appâte le poisson. Une semi-phrase par ci par là, une fausse confession entre deux morceaux, il sait se mettre en scène, une espèce de théâtre vocal dans lequel Guignol au lieu de taper sur le gendarme porte ses coups auto-dérisoires avant tout sur lui-même.  Quand le public veut se mêler à la conversation l’a de la répartie, un sniper qui fait mouche à tous les coups.

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( Image : Duduche )

Il chante. Le jeu diabolique de ses doigts retient et monopolise votre attention. Certes l’on se rend vite compte que l’on n’a pas affaire à un demi-sel de vocaliste. L’a toutes les intonations, les intumescences qui haussent le ton et les cassures qui vous précipitent dans les failles. C’est à la fin du troisième set, lorsqu’il s’accompagne sur son acoustique que l’on peut profiter de son timbre de voix. Assez unique, il scalpe les mots, les met à nu, les vide de leur chair, il les entrechoque tels des os de squelettes, les agite, les roule dans le cornet à dés de sa mâchoire pour mieux les recracher aux vents de la vie et de la mort. 

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( Image : Duduche )

Trois sets torrides. Beaucoup de compositions. Quelques reprises. Particulièrement apprécié son Johnny B. Goode accouplé à son Oh, Boy ! de Buddy Holly. Ne soyez pas surpris, le rock’n’roll n’est qu’une autre forme du blues. Un héritier, un fils de mauvaise famille, particulièrement dévoyé. Un dilapidateur éhonté d’héritage. Des surprises aussi : je retiens avant tout cette espèce de ghost-blues qui s’en va chercher noise au noise tintamarrique le plus caverneux.

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( Image : Duduche )

Une soirée de rêve. Avec ses cigar-boxes, la ferblanterie de son résona(hâ)teur, sa Fenderatiboisante, John-Mary Go Round nous a tous mis en boîte.

Remercions, encore une fois, Béatrice la patronne pour cette soirée !

Damie Chad.

 

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Duduche and friends !

*

Un coup d’oreille dans les nouveautés. A mon humble avis, pas de quoi se jeter par la fenêtre du trente-septième étage en hurlant de joie. Faut suivre l’exemple de Napoléon, quand les jeunes troupes flanchent l’on recourt à la vieille garde. Ça tombe bien, voici des hommes d’acier, ils viennent de Suède, blanchis  sous le harnais du death metal, plus de trente années d’active et une quinzaine d’albums. Z’ont mis un peu la pédale douce, mais ils entendent vivre encore dangereusement, ils entament une nouvelle tournée, ils remastérisent petit à petit leurs anciens opus. Jour de chance ils viennent de  sortir la réédition remastirisée de leur onzième album.

A TASTE OF EXTREME DIVINITIY

HYPOCRISY

(Nuclear Blast / 2025)

         J’avoue que le titre de l’album m’a attiré. Première fois que je trouve cette expression, ou peut-être ce concept, ‘’ d’extrême divinité’’. Qu’est-ce qu’une divinité extrême ? Selon un homme, l’extrême divinité doit correspondre à la sagesse. Philia sophia : l’amour de la sagesse – en fait il vaudrait mieux pour rester dans l’esprit grec dire l’amitié de la sagesse -  ne doit pas être confondu avec philein to sophon, que l’on pourrait traduire par ‘’aimer le sage’’, ne pas confondre le sage avec la sagesse, la sagesse est une manière d’être des hommes, le sage est ce qui touche au concept du divin. Qu’un groupe de death metal hante ces parages logosiques m’intrigue. Nous ne sommes point loin d’une réflexion méta-philo-sophéenne.

         Kristian Wåhlin a réalisé la pochette du disque. La meilleure manière d’entrer dans son univers est de taper son nom dans Discogs et de s’attarder sur les nombreuses pochettes d’albums metal qu’il a réalisées. Un véritable artiste. Bon voyage au pays de l’horreur et de la beauté. Kristian Wåhlin a aussi participé à plusieurs groupes metal.

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         Interpréter la couve de A taste of extreme divinity comme une anecdotique messe noire se déroulant  dans un décor médiéval serait une lecture avant tout superficielle. Nous sommes dans une autre dimension, celle des sacrifices sanglants où l’on immole aux Dieux non pas des animaux mais des êtres humains. Le sang des bêtes coule vers la terre, le sang des hommes est le seul lien qui permette d’apaiser la colère des Dieux. Il fut un temps – entre la charnière paléo-néolithique - où la colère des Dieux paraissait être l’expression de leur sagesse. Comment ne pouvaient-ils pas entrer en de violentes humeurs en regardant ces chétives créatures qui prétendaient les vénérer. Seuls les hommes morts satisfaisaient les Dieux. N’en concluez pas que ces anciens Dieux étaient cruels, ils n’étaient que les projections de nos insuffisances humaines, le fait de sacrifier ses congénères étaient un acte qui remplissaient les bourreaux de l’illusion d’être comme des Dieux, de les égaler, d’être en accord avec ses propres rêves.

         Ne vous rassurez pas en déclarant que ce genre de scènes se déroulaient en des temps dépassés. Que l’espèce humaine s’est au cours des millénaires et des siècles passés améliorée. Que cette sauvagerie préhistoriale est très loin derrière nous. Nous sommes encore pétris de cette barbarie. Cette violence, cette brutalité, cette soif de sang  confinée en nous n’est autre que la laine, la lhaine, dont sont tissés les fils de nos rêves.  Si vous croyez que j’exagère, portez vos regards sur les conflits qui se déroulent pas très loin de notre pays. Pas besoin de regarder les siècles passés, le présent immédiat suffit amplement. Ne comptez pas trop sur demain pour améliorer la situation !

         En règle générale je ne commente pas le nom des groupes. Toutefois Hypocrisy a bien choisi son nom. Ils ne cherchent pas plus à se vanter d’être de parfaits hypocrites qu’à dénoncer l’hypocrisie des relations humaines. Leur nom est un scalpel. Ils ne dissèquent pas les relations sociales des êtres humains mais ils mettent à nu la force innée et de bonne foi qui nous anime. Parfois, peut-être malgré nous, toujours de notre plein gré.  Certains essaieront de se dédouaner en parlant de force malfaisante. Ruse d’autruche qui accuse une hypothétique présence pernicieuse d’un Mal indépendant de notre volonté. Comme le dit le proverbe : qui s’excuse, s’accuse !

Peter Tägtgren : vocals, guitars, claviers / Mikael Hedund : bass / Horgh : drums.

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Valley of the damned : une batterie qui hache menu le moindre de vos espoirs sur un fond d’entonnoirs soniques encastrés les uns dans les autres, un véritable mur du son, un seul soulagement, lorsque le groingnement de Peter se tait vous avez l’impression que l’on cesse d’asperger de sel votre corps auquel on aurait méticuleusement arraché la peau, mais peut-on parler de soulagement car vous sentez sourdre du profond intérieur de votre chair vive la souffrance de la brûlure de votre rage qui se répand sur l’univers. Nous sommes après la bataille. Qui se poursuit. Sur un autre plan. Dans la vallée infernale des damnés, ils sont vaincus, précipités à terre, mais l’on n’arrête pas une idée, encore moins un principe, elle fait son chemin, peuplée d’ombres elle repart à l’assaut, y a-t-il seulement quelqu’un qui s’oppose à son avancée, ni vaincue ni triomphale, elle avance dans la profondeur de sa propre immortalité consubstantielle à la structure de l’univers ; Hang him high : ça débute par un chuchotement pour s’épanouir en oratorio magistral, un torrent de haine qui surgit de nulle part et englobe la terre entière, tintements, turpitudes de guitares, cœurs de moines fous, chant de joie vicieuse, grognements de suppliciés. Mais qui pendre au juste. L’assassin ou la victime. Celui qui veut tuer ou celui qui ne veut pas mourir. Peut-être même prend-il un plaisir masochiste à ne pas périr. Mais qui est-elle cette victime qui refuse de ne pas vivre, serait-ce lui ou le contre-lui, le crime n’est-il pas un miroir compassionnel où aucun des deux se refuse à se reconnaître dans l’autre puisqu’ils sont tous les deux  semblables sans réussir à n’en

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former qu’un seul, car le moins n’a-t-il pas besoin du plus autant que le plus a nécessité du moins pour savoir qui il est. Western métaphysique. Sans générique de faim. Le pire c’est le chant qui vous entraîne dans la farandole. Solar empire : sortons de l’entre-deux ou de l’entre-soi, le morceau décolle comme une fusée intersidérale qui s’arrache à l’attraction terrestre avec une telle puissance qu’elle sera capable de parvenir jusqu’au bout de la présence du monde, jusqu’au rien, que nous sommes, quel est le maître de cet empire solaire, est-il vraiment nécessaire de l’envahir puisqu’il est partout et même en nous. Avons-nous vraiment envie de trouver quelqu’un au bout des étoiles, la guerre continuelle n’est-elle pas préférable à une solution qui n’existe pas, et si elle existait ne serait-il pas davantage impératif de la continuer encore et encore sans fin. N’avons-nous pas besoin d’un Dieu pour le combattre.  Ce morceau est un hymne à la gloire de la monstruosité humaine. Weed out the weah : il existe une Official Music Vidéo de ce  morceau, je vous rassure c’est simplement le groupe sur scène, très bien faite d’ailleurs, mais ce n’est pas une mise en images du thème traité dans les paroles, le programme est d’une simplicité absolue : il s’agit d’éliminer les faibles. Soyons clair : éradiquer tous les faibles c’est-à dire l’entièreté de l’engeance humaine, qui est au juste ce sacrificateur ultime, est-ce un Dieu ou un Diable, l’essentiel est qu’il fasse son travail, aucun besoin d’idéologie, juste la nécessité intime de chacun à ne pas exister. Guitares tranchantes comme fil d’épée, batterie épileptique, basse encore plus noire que votre âme. Un hymne à l’autodestruction qui n’ose pas dire son nom, le besoin non pas de ne plus être mais d’être forcé à ne plus être.  L’homme est-il un être si veule qu’il a besoin de

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quelqu’un pour faire ce qu’il n’est pas capable de faire par lui-même. No tomorrow : vous l’avez voulu, le voici, le pire n’est pas de réclamer mais de regretter que quelqu’un vienne réaliser votre vœu le plus cher. Humain, trop humain a dit Nietzsche. Tel est pris qui croyait prendre. On appelait la mort, voici le supplice. Séance de torture médicalisée.  Serait-ce un Dieu qui opère. Pourquoi s’infiltre-t-il dans mon âme, c’est au pied de la lettre et de l’être que l’on voit le démiurge de nos contradictions. L’instinct de vie est-il plus fort que l’instinct de mort. Avoir tué Dieu, l’avoir poursuivi aux quatre coins du cosmos pour se retrouver face à soi-même dans sa propre petitesse. L’instant est pathétique mais comble de tout le background orchestral qui nous tombe dessus comme le méchant loup sur le pauvre petit Chaperon rouge, semble se délecter, serait-ce une pointe d’humour noir. Le sourire crispé de l’auto-dérision. Global domination : à trop chercher Dieu on le trouve. Ne ressemble pas aux saintes images bibliques, plutôt à un roman de science-fiction, des extraterrestres venus nous transformer en esclaves. Sur la table d’opération précédente, ils ne voulaient pas nous tuer, simplement oblitérer d’un coup de bistouri notre volonté. Faut écouter  et lire entre les sons, d’ailleurs il ne chante plus, il parle. Et si c’était un conte d’extrême-réalité, si nos extraterrestres n’étaient que des hommes comme nous. Qui voudraient établir leur suprématie sur leurs semblables. Peut-être même infectés par un virus échappé d’un laboratoire. (L’album original est sorti en 2009, faudrait-il le qualifier de prophétique !). Taste the extreme divinity : entrée digne d’un empereur romain recevant le Triomphe, il est temps de se pencher sur cette notion d’extrême divinité, ronde orchestrale infernale, danse des fous, la divinité fait partie de la farandole, le chant culmine en cris de folie, tout est en nous, la divinité et la folie, peut-être même la notion de divinité n’est-elle que l’autre nom de la folie qui nous habite, nous nous prenons pour des dieux, médicalement parlant nous ne sommes que des psychopathes, aurions-nous en nous, serions-nous en personne le Midnigth Rambler des Stones dans Let it bleed… That’s only rock’n’roll ! But we like it. Suivez la trace sanglante qui coule de votre corps. Alive : vivant. Reprendre conscience du cauchemar, retrouver la généalogie de cette infecte abomination intérieure. Le coupable est facile à trouver. C’est l’Eglise qui t’a perverti en t’inculquant cette idée d’un dieu supérieur auquel il faut obéir. On a fait de toi un esclave en infusant dans ton esprit la sainte croyance que c’était là le bien. On t’a perverti, tu ne sais pas vraiment ce que sont le Bien et le Mal. Dieu travaille à ta perte. Certes on en veut à ton intelligence lobotomisée à coup de patenôtres mais l’on envie aussi  ton argent. The quest : autant le morceau précédent est scandé selon un rythme pédagogiquement binaire  autant ici l’on est dans la nuance, on laisse chanter la basse toute seule et l’on passe à des explications plus complexes, certes tu bosses, tu trimes pour enrichir tes exploiteurs, mais toi stupidement tu guettes le signe du retour du Dieu qui ramènera la paix et la justice, tu y crois c’est pour cela que la musique se fait douce (presque) et persuasive, écoute comme l’on tente de t’endormir. Tamed (Filled with tears) :  nous voici dans la dimension collective de la

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soumission, ce n’est plus moi ou toi, c’est nous, l’on s’accuse soi-même d’accepter la vie d’esclave aveugle qui nous est impartie, l’on accepte le sort qui nous est réservé, nous ne refusons pas, nous ne nous révoltons point, on a perverti notre jugement, les théories du complot sont partout, elles sapent notre jugement, déboussolés nous ne savons plus qui croire ni penser par nous-mêmes. (Encore une fois Hypocrisy se révèle très pertinent pour expliquer l’état de fait actuel !).  Sky is falling down : le ciel nous tombe sur la tête, l’instrumentation hennit de toutes ses forces, le  vocal s’égosille, urgence absolue. Non ce n’est pas le crépuscule des Dieux, voire la mort de Dieu, c’est la chappe de plomb qui s’intensifie, la société de surveillance s’alourdit, nous ne sommes qu’au début, le pire est à venir, une seule solution, se faire tout petit, s’enterrer dans son petit égoïsme vital pour survivre. Evidemment c’est le dernier piège.  The sinner : (bonus track) : un dernier cadeau, frères pécheurs repentez-vous, quelle chance voici une bonne guerre, rien de tel pour vous sauver que d’être offerts en holocauste sacrificiel, évidemment vous y courez la fleur au fusil, prisonniers de vos égarements, de votre lâcheté, de votre croyance. N’est-ce pas la démocratie, en laquelle vous croyez tant, qui vous envoie sur les champs de bataille… Les dernières paroles ont une valeur prophétique :

Sacrifiés pour la démocratie

Abandonnés sur les lignes ennemies

Par le pays de la liberté

Nous brûlons Nous brûlons Nous brûlons

 Nous brûlons !

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Un disque de grande lucidité. Très intelligent aussi, qui ne sacrifie pas à un satanisme de pacotille. Qui ne diffuse pas un message mais qui débouche sur une analyse généalogique de la situation conflictuelle et politique actuelle en fouillant dans ce que certains nomment fallacieusement les religieuses racines chrétiennes  de l’Occident.

         Comme quoi c’est vraiment dans les vieux pots de fer que l’on prépare de bons brouets roboratifs.

Damie Chad.

 

 

*

         Faudrait écrire une monographie sur le rock polonais. Sur le rock de toutes les autres nations aussi, mais les polonais ne traitent pas du tout le rock comme les autres. Je serais bien en peine d’expliquer pourquoi et même comment. Je suis toujours surpris quand je kronique un groupe made in Pologne. Ils ne font pas tout à fait les choses comme l’on s’y attendrait. En voici la preuve.

RIVERS OF LIVING WATER

BLUES FOR NEIGHBORS

(Musica Tenebris / Novembre 2025)

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         Aurais-je seulement remarqué ce groupe s’il n’y avait pas eu la couve. Tiens ça ressemble à l’intro de L’Homme des Hautes Plaines, le premier western réalisé par Clint Eastwood, l’hommage funèbre à Sam Peckinpah dont le nom commence à s’effacer sur la pierre tombale moussue d’un cimetière, sur laquelle la caméra se focalise un dixième de seconde de trop… Du coup je m’attendais à trouver des noms comme Son House, Robert Johnson, Howlin’ Wolf… bref toute la tribu bleuâtre. Ben non, font de l’humour noir et en profitent pour indiquer l’identité des invités…

         Mais ce n’est pas tout, z’ont accroché un chromo style chutes du Niagara dessinées par un enfant de sept ans. En relation directe avec le titre de l’album, cela coule de source.  Au-dessus un inquiétant vortex bleu sombre qui débouche sur quelques constellations lointaines qui brillent à peine dans la nuit noire des espaces infinis.

         Les deux pieds nickelés, le cul posé sur les pierres tombales qui grattent leur acoustique voici leurs identités : MG : vocal, lyrics, guitar, cajon et percussions, keyboards et synthés, harmonica, mandoline /  PO: lead guitar.

         Le duo est actif depuis 2020 ils ont enregistré l’équivalent de quatre albums. Se définissent comme deux gars fumant des cigarettes, vénérant de vieux fantômes issus d’un vieux fonds maudit de folk-blues. Leur appellation les définit comme jouant du blues dans leur cuisine (ave Caesar, Robert !) pour les voisins. Pour le moment nous dirons, vu leur âge, qu’ils jouent du blues moderne, ce qui nous l’avouons ne signifie pas grand-chose.

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Make me a bird : une belle voix, une guitare blues oui, mais pas franchement devant, voici un blues des champs plutôt qu’un blues des villes, de forts relents folk, d’ailleurs si en France on ne s’embarrasse pas de détail, l’on utilise le terme générique de blues, aux states dans les années soixante le terme folk-blues s’est généralisé pour catégoriser le blues traditionnel acoustique. Ceci étant posé ne boudons pas notre plaisir, on se laisse avec plaisir bercé par le balancement hypnotique de cette lente ballade agreste pour cette histoire d’une miraculeuse renaissance espérée mais  impossible tant l’attirance pour le désastre est grande. La fin du morceau s’accélère, l’oiseau s’est transformé en moteur d’avion qui s’éloigne.

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Gallows Pole : (évidemment l’on pense à Led Zeppelin, mais c’est un traditionnel européen extrêmement connu dans toute la partie nord de l’Europe, ce qui n’empêche pas Bela Bartok d’avoir inscrit l’air dans ses Rhapsodies hongroises. Il en existe de multiples versions, Lead Belly l’enregistra en premier à la fin des années trente, Dylan la reprendra dans les séances de The Freewheelin’ Bob Dylan, sous le titre de Seven Curse ) : Rafał Przewłocki: banjo ukelélé : harmonica lancinant en intro, il revient entre les couplets, les paroles sont d’une cruauté sans égale, le rythme est celui d’une corde de pendu qui se balance doucement, ils ont repris les paroles de la version de Lead Belly mais pour le final ils n’ont pas hésité : le vrombissement terminal du Dirigeable. We’re all private property : chantent à tour de rôle, ils ne se répondent pas, ils accumulent les constats, celui de notre monde actuel dominé par l’argent et le principe de l’appropriation de l’homme par l’homme, l’on se croirait aux temps de colère contestataires du folk initiés par Dylan et Joan Baez au début des sixties, les guitares sonnent haut, les voix résonnent d’urgence, l’on discerne toutefois en sous-main une lassitude désespérée qui confère une étrange beauté à ce morceau.  John the revelator : retour à la tradition, un gospel adapté par Blind Lemon Jefferson et sa femme Willie, genre de monument auquel il vaut mieux ne pas se confronter, aussi y vont-ils franco de port, vous balancent les invocations bibliques à bras le corps, s’en tirent très bien, toutefois on leur reprochera la brièveté de leur version, ils étaient partis pour un délire apocalyptique des plus démentiels, c’est dommage qu’ils

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 n’aient pas cédé à leur propre vertige vocal. It’s all that simple : z’ont le péchon, vous balancent le blues comme un hymne à la joie, avec un long passage de percussions  tapotantes des plus joyeux, z’y rajoutent une bonne pincée de guitares sautillantes. Roboratif certes, sachez toutefois goûter la subtilité, c’est juste un gars qui en train de vivre ses derniers instants. Guillotine song : Błażej Grygiel: bouzouki, basse, organette (petit orgue de barbarie) : le titre n’est pas engageant, les paroles encore moins, chantent ensemble mais laissent surtout jouer les instruments, c’est un peu la suite du morceau précédent, vous aviez le gars qui crevait dans son coin, et maintenant c’est la mort collective infligée aux citoyens de base. Une critique sociale acerbe, préfèrent se taire, mais l’on entend la colère gronder.  Different places : une douce plainte, celui d’un homme solitaire qui quitte notre monde destructif, qui s’en va ailleurs, dégoûté de la société, qui se retire, un peu à la William Thoreau, inutile d’en dire plus, le jeu des guitares est simplement plus éloquent. Greengrass : Błażej Grygiel: basse : vous voulez savoir ce qu’est devenu l’homme qui s’est retiré dans son jardin, tra-la-la-lère, on va vous la raconter c’est marrant, on lui a pris sa terre, tra-lalère, ils ont tout détruit, les guitares gambadent gentiment parmi les champs ruinés, gardons le moral, ils ne l’emporteront pas au paradis. Consolation du pauvre.

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Cukoos : Rafał Przewłocki: banjo-ukelélé : ne pas toujours accuser les autres, n’est-on pas responsable de son propre malheur, un chant franc, un banjo cukooslélé envahissant, le mythe country du ramblin’man qui se débrouille pour survivre et finit par perdre. Forest blues : une guitare qui frissonne le blues, un chant courageux qui vous inciterait à l’optimisme, à la nuance près que les paroles sont d’un nihilisme sans égal, la vie n’a ni sens ni but, vaut mieux en rire qu’en pleurer. Mieux vaut la fermer et gratter son instrument.  Song for Dylan : Kamil Bieńczak : vocal, Rafał Przewłocki: cigar box : une voix grave, et une autre étranglée qui crie, un harmo d’une tristesse absolue, des interrogations métaphysiques à la Dylan, ni Dieu ni Maître, ni Diable ni Bien, la voie est étroite, l’accompagnement larmoie un peu  trop longtemps, les cris reprennent, mais peut-être vaudrait-il mieux la boucler.  Little Omie : ballade populaire tirée d’une histoire authentique : cette jeune femme enceinte noyée par son amant s’imposait pour un album titré Rivers of  living water, serait-ce de l’humour noir, en tout cas ils vous l’interprètent sans tirer la couverture à eux, tout simplement, sans fioritures. La fin instrumentale se perd dans l’introduction de God bellow : la suite philosophique du traditionnel précédent. L’harmonica en pointe pour appuyer là où ça fait mal : nihilisme, la vie n’a pas de sens, bien et mal ne sont qu’une même chose, tout retourne un jour ou l’autre en poussière.

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         Un beau disque de blues feutré. De folk foncé. Une vision pessimiste de l’existence. Un album miroir de notre monde.

Damie Chad.

 

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Le père de Deke Dickerson collectionnait les avions et les camions des années trente, il a refilé le virus de la collectionnite à son fils, né en 1968, qui très jeune a commencé à accumuler les disques tous supports, tous formats. Devenu guitariste émérite et compositeur, passionné d’americana, de rockabilly certes, mais pas que… Il a rédigé nombre de notices pour revues spécialisées et les rééditions de Bear Family. Acheteur compulsif, farfouilleur impénitent, ses achats peuvent être divisés en deux groupes. Les disques qu’il écoute et réécoute même si la gravure est amochée, et ceux qu’il n’écoutera jamais qu’il a achetés pour la beauté, la laideur ou l’incongruité de la pochette. Natif de l’état du Missouri il est très fier de posséder l’entièreté de la production rockabilly de son état fluvial. Sur une île déserte, il n’emporterait que le deuxième album de Gene Vincent. Un homme de goût.

The Gene Vincent Files #14: Deke Dickerson

on Russel Williford, Johnny Meeks, Gene and more.

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         Contrebassiste, drummer, Deke Dickerson  émet de bizarres cliquetis sur sa guitare avant de lancer le stomp. Quand j’ai eu environ treize ans, j’étais juste en train de découvrir le rock’n’roll, c’était juste le moment où les USA connaissaient un boum revival rockabilly. Naturellement les Stray Cats connaissaient une grosse popularité.

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A l’époque ils avaient plusieurs hits dans les charts. Lorsque le phénomène a commencé à éclater, d’un seul coup, les compagnies ont commencé à republier des disques de l’ancienne musique des fifties. Comme je l’ai indiqué j’étais très jeune, peut-être treize ans, quand dans  la boutique de disque j’ai vu ce disque Gene Vincent, The Bop That Just Won’t Stop, c’était une de ces rééditions vinyl LP des

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années 80, je l’ai achetée et ramenée à la maison, wow ! je voulais savoir ce que c’était ! C’était tout ce qu’il me fallait. J’ai aussi acheté Eddie Cochran, Legendary Masters Series, le même jour. J’en ai eu l’esprit tourneboulé durant les mois et les années après. Maintenant vous connaissez l’effet que ça a produit sur moi. Gene a toujours été identifié en tant qu’artiste rockabilly, mais il n’est pas tout à fait rockabilly. Vous savez ce qui est intéressant à ce sujet c’est que, c’est que son spectre musical est vraiment unique, c’est vraiment du rock’n’roll mêlé à des éléments qui viennent du swing, du jazz et ce cette sorte de tuf. Je ne voudrais pas le classer uniquement comme rockabilly. Tenez, le bassiste ne slappe jamais sa basse. Ils produisent des sortes d’arrangements jazz, spécialement dans le jeu de guitare de Cliff Gallup, toutefois en même temps c’est définitivement rock’n’roll. Aussi je ne sais pas comment vous pourriez classifier Gene Vincent, mais il est totalement unique parmi tous les artistes des années cinquante. Je ne suis pas tout à fait impartial car je suis moi-même un guitariste mais je suis totalement persuadé que Gene avait un grand talent  je suis certain que l’histoire de Gene Vincent se serait

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déroulée  autrement s’il n’avait pas eu les Blue Caps et surtout Cliff Gallup au tout début, vous comprenez ? Je vais dire pour classer à part   un hit comme Be Bop A Lula, tout dans ce morceau est parfait, je ne peux rien imaginer que l’on puisse changer en lui, vous voyez, c’est vraiment la combinaison, l’amalgame de tous ces musiciens et de Gene, en ce studio-là, en ce moment précis, pour produire le surgissement de cet éclair musical miraculeux, quelques secondes de Deke et ses boys sur scène. Je pense qu’avec cette plongée dans un style de vie rock’n’roll, sans cesse en tournée, à mener une vie de dingue, à donner ses concerts, à se coucher tard la nuit, à ne pas dormir dans votre propre lit, je me souviens avoir lu une interview de Cliff Gallup dans laquelle il déclarait très franchement qu’il n’aimait pas être sur la route. Je pense que le rythme de vie Gene était trop fou. La conséquence en a été que tous ces gars, l’un après l’autre, se sont lassés d’être sur la route. Je pense que c’est pour cette raison qu’il a recruté ce groupe en 57,   imaginez-le entouré de tous ces jeunes gars comme Tommy Facenda et tous les autres. Ils avaient tous à peu près le même âge. Alors quand je pense au premier groupe, je pense que Cliff Gallup et Jack Neal étaient un peu plus âgés que le reste de la bande. Vous savez Gene a eu un

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hit stratosphérique  avec Be Bop A Lula et qu’il avait un sacré amour pour la danse et le bop, mais je pense qu’en 59 ses disques ne se sont plus vendus. Je le sais car j’ai quasi obsessionnellement étudié Gene Vincent. Si vous regardez la place qu’il occupait en 56 et 57, le gros paquet de tournées rock’n’roll, il jouait dans des stades et des foires, des audiences énormes, et en 1959 il jouait dans des clubs VFW et des trucs à 200 places ou à peu près. Ça ne m’étonne pas que Capitol l’ait laissé tomber. Le gars a réalisé quelques bons disques pour une bonne raison. Vous savez quand vous faites des disques si forts, je pense que vous pouvez vivre sur cette lancée pour toujours. C’est une espèce de honte que Gene soit mort si jeune comme c’est arrivé parce que ses disques étaient si grands qu’il pourrait être signé n’importe où aujourd’hui s’il était encore en vie. La réalité de ses audiences en Angleterre et en Europe est qu’il a toujours bénéficié de cette  fidèle ferveur des teddy boys, ce public n’en avait rien à faire qu’il ne soit plus dans les charts. Ils savaient simplement qu’il était bon. Donc il a pu continuer à travailler là-bas, et ce public l’aime encore aujourd’hui. Vous savez alors que je commençais juste à jouer de la guitare, je collectionnais les disques et j’ai compris très tôt : il est très  important de posséder une copie des six albums originaux   Capitol, ceux sortis dans les années quatre-vingt

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sont très recherchés, ce sont des copies originales des six LP Capitol, comme j’ai eu la chance de rencontrer et de jouer avec plusieurs Blue Caps, je les ai tous signés par eux. C’est quelque chose dont je suis très heureux car maintenant un bon nombre d’entre eux ne sont plus réédités. Je me suis rendu à  Los Angeles au début 1991 et j’ai formé un groupe nommé The Dave and Deke Combo. Nous jouions dans les environs faisant quelques shows, et nous nous sommes retrouvés à faire le backing group de Johnny Meeks. Oh, mec c’était incroyable pour moi, je n’arrivais pas à croire que j’étais en train de jouer avec un véritable Blue Caps. Imaginez-moi apprenant toutes ces morceaux, me préparant pour le set, enfin le jour de la représentation arrive, Johnny déboule et il a l’allure d’un gars tout à fait normal, aucune prétention de rockstar. C’est juste un vieux bonhomme, et il se comporte comme s’il venait jouer un gig comme un autre, vous voyez ! Quand il découvre que nous sommes de gros fans de Gene Vincent, je pense qu’il a été un petit peu décontenancé car Johnny offrait  des country gigs,  il avait l’habitude de jouer quatre heures entières de country music. Et quand il s’est aperçu que nous voulions jouer quelques morceaux de Gene Vincent, c’était pour lui une sorte d’entorse à son programme habituel. Mais une fois qu’il a commencé à se plonger dans ce matos, à la manière dont il a mené le jeu et conduit, d’avoir joué avec Johnny Meeks ça a été, ça été, le moment le plus inoubliable de ma vie. (court intermède de Deke et ses deux boys en concert jouant Baby Blue) Quand Elvis le premier a démarré fort, il est très vite devenu énorme, il dégageait une image qui était vraiment celle de la joie de vivre, vous comprenez, il était le rock’n’roll guy par excellence, Il se démenait sur scène, Gene avait ce truc en plus qui je pense fut plus tard  repris en d’autres styles de musique, c’était cette espèce de suspense et de danger, rehaussé par la douleur sur son visage, occasionnée par sa jambe blessée. Vous pouvez voir cela avec d’autres gars comme Jim Morrison, je veux dire qu’ils ont vu cela et copié cela dans leur propre musique, cependant des tas de garçons n’ont pas cherché à prendre le  truc d’Elvis, dans les sixties et les seventies. Je pense que l’image de Gene Vincent, vous savez toute cette aura qu’il dégageait grandement et qui a été reprise plus tard par

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 tout un tas de performers. ( il joue un peu de sa guitare). Je suis très honoré de faire partie de ces quelques gars qui peuvent dire : ‘’J’ai joué avec Russell Williford’’ qui est un peu le  dernier survivant des Blue Caps perdus. Il est le gars qui sur la couve du second album joue cette Fender Esquire Guitar, mais il n’a jamais enregistré avec

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Russell Williford entre Gene  Jack Neal à la contrbasse

Gene Vincent. C’était à l’époque un grand guitariste. Il a joué avec un maximum de gars  dans le Washington DC Aera, mais il n’a jamais enregistré avec Gene. Un nom un peu oublié, mais voici quelques années j’ai été approché par un gars qui tenait le Richmond Virginia Folk Festival et ils préparaient un truc sur des gars du Virginia Rockabilly nommés Virginia Rock, dans lequel ils présentaient The Dazzlers qui était un groupe de rockabilly de Virginie et le dernier gars qui était vivant des Rockets qui faisait Whoohoo et ils emmenèrent Russel Williford et ils m’ont désigné pour accompagner ces gars. Pour moi c’était : Whaou ! Russel Williford, Je n’avais jamais pensé que je pourrais rencontrer ce gars, et encore moins de jouer avec lui. (Durant quelques secondes il gratte sa guitare) C’est une honte que Gene n’ait pas vécu plus longtemps. Vous vous doutez que s’il avait pu vivre dans les années quatre-vingts, ou quatre-vingt-dix je pense qu’il aurait pu réaliser pleinement combien il avait influencé de gens et combien sa musique était importante pour eux. C’est triste, il est mort en 1971, c’était au plus haut de la culture hippie, l’acmé de l’acid rock et du hard rock, j’ai toujours pensé qu’il avait dû penser que le monde était fini, que la

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musique était terminée et que personne ne se soucierait plus jamais de lui. Vous connaissez ces histoires que Ronnie Weiser raconte de Gene jouant ses gigs autour de L.A. pour quarante dollars ou quelque chose comme ça. Je pense toujours quelle honte pour un gars qui meurt ainsi en pensant qu’il a été oublié. C’est vraiment trop bête qu’il n’ait pu vivre dix ou vingt ans de plus il aurait pu être apprécié à sa juste valeur. (question inaudible). Une des choses les plus tristes que j’ai vues c’est ce documentaire dans lequel il est sur la fin des années soixante et il est en train d’essayer d’apprendre à son groupe ses morceaux et ils ne connaissent aucun de ces morceaux, et vous pouvez lire sur son visage ‘’ Oh m’y revoici encore une fois ’’. Vous le voyez jouant avec un combo de musiciens hippies qui ne connaissent pas ‘’ma musique’’. Toutefois je dois noter, que toutes ces dernières années, il y a encore tous ces jeunes gamins qui sont en train de découvrir le rockabilly et le rock’n’roll. C’est la même chose qui m’est arrivée, c’est probablement ce qui vous est aussi arrivé. La minute où vous avez entendu pour la première fois ces enregistrements classiques de Gene Vincent and the Blue Caps, vous êtes ‘’ Wow !’’, Cela est au-dessus de tout. Ainsi  pour continuer sur cette idée  je pense que ces disques  seront encore écoutés  dans cinq cents ans et l’on dira disant ‘’ wow, c’est fantastique, c’est grand’’. Le sujet n’est pas de savoir ce que pense Lady Gaga ou tout autre qui soit dans les charts populaires. Je pense réellement que quiconque aime que la musique s’empare de votre âme, quand il  entendra ces disques sera obligé de les apprécier. J’ai une très bonne histoire à vous raconter si vous désirez l’entendre   ‘’ Bien

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  sûr !’’. En 1996 les Blue Caps ont effectué une tournée dans les States, ils ont joué à Los Angeles, j’étais alors en possession de mon lot de disques signés. Je les ai vus à 18 heures et ils étaient tous entièrement ivres, je veux dire qu’ils ne pouvaient pas faire un pas l’un devant l’autre, jusqu’à minuit ou à peu près. Ils étaient entièrement cuits. Moi je cherchais à à obtenir des autographes, je faisais la queue derrière le club, Paul Peek était complètement ivre et il était en train de causer avec une certaine Judy, il était en train de la draguer, vous imaginez la scène, j’ai tendu mon disque à  Paul, ‘’ Hé ! Paul signe ce disque pour Dee’’. Il continue durant encore cinq bonnes minutes de discuter avec Judy. Puis il attrape le disque et il signe ‘’ Pour Judy, Paul Peek’’. Ainsi un de mes disques sans aucune bonne raison porte la dédicace  ‘’To Judy, Paul Peek’’. Le disque se termine comme il a commencé, Deke et son band sur scène ! 

Transcription : Damie Chad.

Interview was recorded around 2015 in Tilburg (NL) by Kenneth van Schooten, assisted by Gerard van Leeuwen.

Notes 1 : Clubs VFW : Veterans of Foreign Wars : importante association de vétérans américains ayant servi au-delà des mers. Membre de la Navy, ayant navigué le long des côtes de la Corée, Gene devait avoir la possibilité de donner des spectacles dans les clubs de réunions disséminés sur tout le territoire américain.

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Note 2 : The Dave and Deke Combo fut formé en 1991 à Los Angeles par Dave Stuckey et Deke Dickerson. Le groupe  se sépara en 1995 après avoir enregistré deux albums. En 2005 sortit un troisième album fruit de réunions occasionnelles dont le titre est à lui seul un résumé et tout  un programme : There’s Nothing like an old Hillbilly. Lost and found treasures (1991 – 2005).

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Note 3 : Russell Williford (né en 1933) a croisé plusieurs fois Gene Vincent et les Blue Caps. En 1970 Gene se rend à un concert de Williford et lui fait part de son intention de reformer les Blue Caps… Gene lui demande s’il était partant pour cette aventure. Il est impossible de résumer en quelques lignes la vie de Russell, il a participé a de nombreuses sessions  entre autres pour Patsy Cline et Lefty Frizzel. Russell Williford a connu Cliff Gallup avant de rencontrer Gene Vincent.

 Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos

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