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CHRONIQUES DE POURPRE 709 : KR'TNT ! 709 : REVEREND BEAT-MAN / SEXTON MING / MAGIC SHOPPE / THEE HEADCOATES / FIVE ROYALES / MAATISFET / CELINE RENOUX / JOHN REECE + GENE VINCENT / JACKIE FRISCO

KR’TNT ! 

KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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LIVRAISON 709

A ROCKLIT PRODUCTION

FB : KR’TNT KR’TNT

06 / 11 / 2025

 

 

REVEREND BEAT-MAN / SEXTON MING

MAGIC SHOPPE / THEE HEADCOATEES

 FIVE ROYALES

MAATISFET / CELINE RENOUX

JOHN REECE + GENE VINCENT

JACKIE FRISCO

 

 

Sur ce site : livraisons 318 – 709

Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

http://kr’tnt.hautetfort.com/

 

 

Wizards & True Stars

- Monsters class/The Beat-Man way

(Part Four)

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         Beat-Man sur scène ? C’est Attila, l’Hun de la une, l’u-nique ta mère, le Rev de rêve, l’empereur romain-lourde du Blues Trash, c’est écrit dessus comme sur le port-salut, il est aussi le Léon Bloy du raw, l’hacheur du punk, le Gévaudan du stomp, ah il faut le voir stomper sa viande des deux pieds et gratter ses accords inversés, Beat-Man est le diable en personne, le meilleur ami de l’homme moderne, le P’tit Quinquin devenu street-punk, ah si seulement Bruno Dumont pouvait voir ça ! On a vu le Petit Bain tanguer ces derniers temps, mais jamais aussi violemment que ce soir-là. Ça avoisinait l’Apocalypse que décrivit Saint-Jean. Un set des Monsters bat

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tous les records de trash-punk, mais un set du Rev, c’est encore pire, car plus concentré, plus viscéral, comme s’il rassemblait en lui tout ce qui définit la sauvagerie extrême du rock : le scream, la sueur, le beat tribal, le rut, la rate, il n’oublie rien. Il porte tout au paroxysme. Beat-Man est un double concentré de Méricourt, il peut hurler dans la montagne, il peut gronder comme le tonnerre, il peut pulser le pire beat de l’histoire du beat, il y a quelque chose de surhumain en lui. Quelque chose d’absolu et de définitif. Et donc de sacré. On sent bien qu’il est à

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la fois humain (car drôle) et surhumain (car trop puissant). C’est l’un des héritiers directs de Dionysos. Il est la rock star de l’underground dont t’as toujours rêvé depuis Captain Beefheart et Jerry Lott. Impossible d’imaginer un crack plus boom-hue, un trash-boomer plus pur, un être plus libre et plus sauvage. Beat-Man, c’est Dada au pays du Blues Trash, il nous réinvente la littérature et le rock, il partage sa vision avec toi, il écrit des vers, de la prose derrière sa grosse caisse, c’est Picabia avec une guitare électrique, c’est Artaud qui décide d’en finir avec le Jugement de Dieu, tu vois l’artiste à l’œuvre et tu frémis des deux naseaux ! Oumphhhhh ! Il est

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imparable et sublime, il est l’incarnation de la pire authenticité, t’avais Elvis 54 et maintenant t’as Beat-Man. T’avais Aleister Crowley et maintenant t’as Beat-Man. T’avais Vince Taylor et maintenant t’as Beat-Man. T’avais tout ce que tu veux, et maintenant t’as Beat-Man. Et chaque fois, qu’on le voit, il empire, au bon sens du terme. On sent qu’il prend un petit coup de vieux, mais son corps massif dégage une énergie encore une fois surhumaine, alors pas de souci, tant qu’il continuera de monter sur scène, on sera là. Car Beat-Man est l’un des derniers à pouvoir te

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démanteler ta clavicule, mon petit Salomon, à t’expatrier sur la lune, mon petit lunatique, à t’écarteler le cartel, à te recartographier la cartomancie, à te névroser tes pauvres petites névralgies, à te récurer toutes tes récurrences, Beat-Man te remet les angles au carré, il te donne la mer à boire, il t’astique tes stocks et te carapate ta rate. Beat-Man est le roi du tagada, le poète du pouet-pouet. Personne ne peut sortir indemne d’un concert du Reverend Beat-Man.  

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         Nos deux cocos jouent sur scène leur nouvel album, Death Crossed The Street.

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T’y retrouves  les stomps du diable et cette façon qu’a Beat-Man de lancer le stomp d’un Ouh !. Alors oui, Ouh ! Et t’as l’enfer sur la terre. Il stompe tout ce qu’il peut des deux pieds. Absolute beginner de la guerre. T’as tout le trash-punk concentré dans la gorge pantelante de Beat-Man. Il tape «I Found Out» avec encore plus de férocité. C’est bombardé de Beat-Man Way - I found out she was cheating on me ! - Puis il insulte Jesus dans «Fuck You Jesus» - Fuck you Jesus/ Fuck you Lord/ Fuck you - Ouh ! Le stomp du diable est de retour en B avec «Feed My Brain». Ouh ! Puis il se met en rogne avec «Shut Up» - Shut the fuck up !, et pouf, il remet son enfer en branle. T’as ça nulle part ailleurs, pas le peine de chercher. Beat-Man et Milan Slick démarrent «Junkie Child» comme le firent jadis les Sweet avec Are you ready Andy ? Ouh ! Et ça part au rumble du Beat-Man Way.

Signé : Cazengler, Munster

Reverend Beat-Man & Milan Slick. Petit Bain (Paris XIIIe). 21 octobre 2025

Reverend Beat-Man & Milan Slick. Death Crossed The Street. Voodoo Rhythm 2025

 

 

Wizards & True Stars

 - La dynastie du Ming

 

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         Alors, tu débarques chez Born Bad dans les années 90, et tu plonges directement dans les deux bacs garage à droite en entrant. Arf ! Tu farfouilles là-dedans et tu sors un Big Hangman de Billy Childish & Sexton Ming, Arf Arf ! Wow quel titre ! Plump Prizes & Little Gems ! Wouuuah les punks sur la pochette ! Pas cher en plus ! Tu vois d’ici le petit coup d’enfer sur la terre que tu vas te payer en arrivant au bercail, une belle séance de gaga primitif ! Arf !

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         Bon alors t’arrive dans tes pénates, tu fais chauffer l’ampli, tu sors la rondelle de sa belle pochette underground et tu fais rouler le manège. Arf ! Dommage qu’un poto n’ait pas été là pour photographier ta bobine. T’es consterné ! Pas consterné parce que c’est mauvais, mais consterné parce que, coup de bol, t’es tombé par le plus grand hasard mallarméen sur un album Dada, pas gaga. C’est la consternation que tu préfères dans la vie, celle qui te prend au débotté, mais ça va encore beaucoup plus loin que ça : Sexton Ming, okay, mais aucune chance. Tu ne le sors pas du bac si tu ne lis pas le nom de Billy Childish sur la pochette, et ça veut dire quoi ? Ça veut dire que Wild Billy Childish dispose d’une grandeur d’âme qui lui permet de «protéger» Sexton Ming et de préserver sa liberté artistique, comme le fit en son temps Andy Warhol avec le Velvet : c’est exactement la même démarche. Wild Billy Childish fait le meilleur gaga d’Angleterre, mais il fait aussi du pur Dada avec son ami et protégé Sexton Ming. Et là, t’as dans les pattes un chef-d’œuvre artistique digne de ceux qu’on produisait au temps de Picabia et de Tristan Tzara. «Ain’t Gonna See Kansas No More» est du pur Dada-rock. Rien à voir avec le Kansas. Sur «Here On My Knee», Billy sort la disto pour taper une belle resucée du «Train Kept A Rollin’». Tu montes encore au paradis Dada avec «Fry-Up» - If you can’t cook my eggs baby/ I’m gonna find somebody else - On imagine qu’ils devaient bien se marrer tous les deux en enregistrant cette infâme merveille de Dada-blues. Ils terminent en tapant le «Dearest» de Mickey Baker, c’est gratté par derrière. Ailleurs, ils tapent un autre Mickey, «Love Is Strange». Au dos, tu as des félicitation d’Ivor Cutler pour Which Dead Donkey Daddy qui est paru juste avant - c’est hallucinant de dadaïsme cutlerien : «You, (+Mr. Ming, I presume) belong to a rare breed of instinctive commposers (sic), who, by stultifiying their intellects, are enabled to communicate in a most profundly satisfying way.» Tout est dit.

         Bien sûr, Sexton Ming n’a aucune chance en France. Il fait partie de ces excentriques britanniques très populaires chez eux, mais certainement pas outre-Manche. On avait découvert Ivor Cutler et Vivian Stanshall grâce au radio show de John Peel sur Radio One. Ces trois personnages font partie des derniers héritiers de Dada. Si Picabia et Tzara avaient vécu à notre époque, ils seraient certainement allés à Rochester dans le Kent enregistrer avec Wild Billy Childish. Un Childish qui en plus de «protéger» Sexton Ming, fait des bois gravés pour les pochettes d’Hangman, son label.

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         C’est lui qui grave le visuel de Which Dead Donkey Daddy, paru la même année que Plump Prizes & Little Gems, en 1987. Attention, c’est encore un pur Dada-album. Tzara n’aurait jamais osé ce shoot de Dada-Weirdy Weird qu’est «Mission Mulch». Ming va très loin, il échappe aux frontières. Encore un coup de maître avec «Big Beatle Mumma» - Big Beatle Mumma walking down the street - et il plonge définitivement dans l’underground avec «Trixy The Jolly Dustmen».   Billy et Sexton duettent à l’absurde dans «The Arthur Young Workbench». C’est ce qu’on appelle un duo d’enfer underground qui vaut tout l’or du Rhin. Ils terminent cet album qui échappe aux normes avec un pur Dada-goodbye, «Go To Sleep» - my baby.

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         Dans un vieux Dig It! de 1995, Sexton Ming accordait une interview à Philippe Migrenne, dans laquelle il se racontait brièvement et où il citait ses influences - Kevin Coyne, Leo Kottle, Blue Cheer, Love, Beefheart, les Mothers, Gong, John Fahey, Hawkwind, Motörhead, Slaughter & The Dogs, les Saints, Alice Cooper, Hindersmith, Erik Satie et Johnny Ray - Quel éclairage ! Il dit aussi avoir quitté l’Angleterre en 1989 à cause des «cons thatchérisants» pour aller vivre en France, «mais au bout de quatre ans, écœuré par les Français, je suis revenu en Angleterre pour y former les Diamond Gussets.» Alors attention, c’est la chute qui vaut le coup d’œil : «Je pourrais continuer mais je ne suis pas payé pour écrire tout ça donc je vous emmerde. Allez tous vous faire foutre, vous et votre rédacteur, votre traducteur, votre imprimeur, vos putains de lecteurs, votre mère et vos moutards. Fuck you all’!». Philippe ajoute qu’à l’époque des gens chez Dig It! étaient choqués. N’est pas Dada qui veut. 

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         Sexton Ming va ensuite attaquer une série d’albums solo sur Hangman, toujours accompagné par son poto Billy. Magnifique pochette encore que celle d’Old Horse Of The Nation, bien gravée dans le bois par le poto Billy. On y retrouve d’ailleurs le donkey de Which Dead Donkey Daddy. Au dos, on peut lire : «Hangman production. Specialists in North Kent literature.» Oui, car en plus des disks, nos ceux coco publient des Hangman books. Le Ming fait le God Of Hell Fire d’Arthur Brown dans «I Am Your God» et du pur Beefheart dans «Hot Red Man» : même raw de la démesure du so far out. Il enchaîne avec un fantastique balladif primitif, «Many Years Ago», magnifique expression d’un pur génie underground. En B, il embarque «You Can’t Polish A Turd» sur le jive du «Can’t Judge A Book By The Cover» et il monte son «Rumbing Man» sur le modèle du «Rumble» de Link Wray. Et voilà le aw aw aw d’Hooky dans «Votory of The Lotus Sutra». Encore un fantastique coup de génie underground ! Dans «Duff You», c’est lui le Ming qui gratte la disto d’I’m gonna duff you baby. Retour à Hooky avec «Old Horse Of The Nation 2». Il s’esclaffe - Old horse of the nation/ I’m in love with you !

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         La fête continue avec 6 More Miles To The Graveyard, un album encore plus excentrique que les précédents. Il gratte son «Octopus Weeps For You» en piqué, comme s’il allait s’écraser au sol. On entend aussi Kyra là-dedans. C’est elle qui chante ensuite «Smash Your Face In». Le Ming fait son lugubre en B avec le morceau titre qui s’y prête bien, et il finit en mode boogie blues avec «Bored Depressed & Lonely».

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         Re-belle pochette pour Birds With Teeth, l’Hangman de service, hyper-graphique. On croit voir Alfred Jarry sur la pochette. C’est encore un album très Ming. Il met ses poèmes en musique et avec «Lutennat Ohura 90», il refait une cover du «Love Is Strange» de Mikey Baker.  

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         Gros retour en force de Dada dans Master Of Gibberish. Pour les ceusses qui ne le sauraient pas, le Gibberish est la version anglaise du charabia. Alors bienvenue chez ce brillant Master of charabia. Il te gratte «Hide In The Cellar» aux beaux accords insidieux - Here comes a very strange virus - Le Ming fait planer la menace et te conseille d’aller te planquer - So hide in the cellar/ Or the attic - Quelle rigolade ! Il explose tous les records de Dada avec «We Hate You Byped Bastards» - Supermarket trollys ! - En B, ça repart de plus belle avec «Plegged To Die - Aumhh yum dum Diddley dum - et dans «The Cows Are Strong», on entend forcément meugler les vaches. Il te gratte plus loin «I Hate The Youth» au wild gaga-Dada de Medway - I’m normally a passive kind of guy but - et il profite de cette giclée paranormale pour saluer Oscar Wild (sic).

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         Le couple Billy/Sexton se reforme pour The Cheeky Cheese. Ils déboulent sur la pochette en petite tenue. Au dos tu peux lire : «Buy this record & listen to it before you die.» Trois Dada-shoots imparables cueillent le visiteur au menton, à commencer par «Insects In Your Stars», suivi plus loin de «Birds & Shoots», une belle pop artisanale et envoûtante - See the snail eating tweets - En B, tu vois le Ming attaquer «Mussel Horse In Holland» d’une voix de vieux marin aviné et il annonce «Curious Old Woman» ainsi : «Music by Billy Childishhhhh and sang by Sextôn Meng !».

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         T’as vraiment intérêt à voir la photo de Billy et Sexton au dos de la pochette d’Here Come The Fleece Geese : ils sont au jardin, avec des chapeaux de paille et des fourches, Billy en short des années trente et Sexton habillé en noir. Cette fois, Billy joue de l’orgue de barbarie sur le morceau titre - The flow to the North/ They flow to the East - Quelle rigolade ! Le Ming gratte bien quand ça l’arrange («Old Horse Of The Nation Tea Party»). Leur «Arnie Ice Cream Sargent» est aussi barré que l’Ice Cream For Crow de Captain Beefheart. «Honk Honk Gray Gooze» est du Dada complet, itou pour «They Call Me Mr. Tibbs» - They don’t call me Pussycat/ They call me Mister Tibbs - Puis on assiste au retour des oies dans le morceau titre qui ferme la boucle. Coin coin.

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         Dernière aventure en date : Dung Beetle Rolls Again. Comme chacun sait, le Beetle est non seulement à l’origine des Beatles, mais c’est aussi un scarabée. C’est le plus bel album Dada du duo. On retrouve au dos la photo de Which Dead Donkey Daddy, qui date de 1980. Ils démarrent avec le morceau titre, un gros Dada-boogie digne de Captain Beefheart, et enchaînent avec une autre performance Dada, «Slap Up Breakfast» - Slap up breakfas/ For me/ For me - Mais le chef-d’œuvre imputrescible de ce Dada-disk surgit soudain sous tes yeux ronds : «The Giggling Sausages», c’est-à-dire les saucisses qui se marrent. Typical Ming - Cook ‘em up !/ In the fryin’ pan ! - Il ramène ses saucisses en B dans «Arnie & The Meat Factory» et Billy ressort son orgue de barbarie pour jiver ce fabuleux Dada-gaga qu’est «Turd Mites». Et ça se termine en Dada-blast avec «Darcey Liver» - Kick out the jams motherfuckers !

Signé : Cazengler, Sex-toy Ming

Billy Childish & Sexton Ming. Which Dead Donkey Daddy. Hangman Records 1987

Billy Childish & Sexton Ming. Plump Prizes & Little Gems. Hangman Records 1987

Sexton Ming. Old Horse Of The Nation. Hangman Records 1987

Sexton Ming. 6 More Miles To The Graveyard. Hangman Records 1988

Sexton Ming. Birds With Teeth. Hangman Records 1990

Sexton Ming. Master Of Gibberish. Tom Product 1996

Billy Childish & Sexton Ming. The Cheeky Cheese. Damaged Goods 1999

Billy Childish & Sexton Ming. Here Come The Fleece Geese. Damaged Goods 2002

Billy Childish & Sexton Ming. Dung Beetle Rolls Again. Damaged Goods 2011

Philippe Migrenne. Sexton Ming. Dig It! # 6 - Mai 1995

 

 

L’avenir du rock

 - Magic carpet ride

Comme tout un chacun, l’avenir du rock adore les bals costumés. Il arrive tout guilleret au bar et se fait servir un verre de champagne rosé. Accoudé à deux mètres, le Fantôme du Bengale l’interpelle :

         — Hé dis donc, toi, tu sais que c’est un bal costumé ? Tu ne respectes pas les règles ! T’es déguisé en quoi ?

         — En concept !

         — Mais c’est pas un déguisement ! Je vais te casser la gueule et t’imprimer ma tête de mort indélébile sur la joue, tu vas voir !

         Au moment où le Fantôme du Bengale lève son bras gainé de lycra rouge pour frapper l’avenir du rock, une main noire le bloque. C’est la main de Lothar, le valet de Mandrake le Magicien. Lequel Mandrake s’interpose, lève son haut de forme, salue l’avenir du rock, et s’adresse aussi sec au Fantôme du Bengale :

         — Hé dis donc, Ombre Qui Marche, t’es devenu complètement con ou quoi ? Ne sais-tu pas qu’il est interdit de frapper un concept ?

         Écumant de rage, le Fantôme du Bengale arrache la main de Lothar de son bras et lance d’une voix sifflante :

         — Mais un concept, c’est un con, Mandrake ! Tu vois bien qu’il a une tête de con et qu’il appartient à l’Empire du Mal ! Les cons sont partout, je dois les exterminer !

         Et il se prépare de nouveau à frapper l’avenir du rock. Alors Mandrake lève la main :

         — Tu l’auras voulu, Ombre Qui Marche ! Abracadabra !!!

         Et il transforme le Fantôme du Bengale en bongo.

         — Maintenant, tu seras le Fantôme du Bongo !

         L’avenir du rock pousse un sifflement d’admiration.

         — Je savais que vous étiez un crack, Mandrake, mais pas à ce point ! C’est vous qui avez inventé Magic Shoppe ?

 

         C’est normal que l’avenir du rock se pose la question, car Magic Shoppe semble tomber du ciel. Ou mieux encore : sortir du chapeau d’un magicien.

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         Il fallait s’en douter : le cerveau de Magic Shoppe, c’est lui. Lui qui ? Josiah Webb. On le voit gratter ses poux et poser sur le maigre public un regard indolent, alors on comprend immédiatement qu’on a sous les yeux l’une de ces petites superstars dont l’underground est tellement friand. Magic Shoppe est un groupe,

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mais Magic Shoppe c’est lui. Sobrement vêtu d’une veste noire, réajustant de temps à autre une mèche par ci et une mèche pas là, et grattant ses poux dans une mélasse d’overwhelming permanent, il mène la danse. Ces quatre petits mecs de Boston saturent le spectre avec une certaine élégance, ils montent tout de suite à l’assaut de ton attention et t’embarquent dans leur monde avec une irrésistible maestria. Ils offrent un curieux mélange de déjà-vu et de fraîcheur, tu sens à la fois que ça tourne en rond mais t’as besoin d’en savoir plus, alors tu tends et tu retends l’oreille, et tu

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finis par tomber sous le charme de ce mec Josiah Webb, tu le vois gratter ses killer solos dévoyés au tiguili hermétique, il sort un son noyé d’écho et de good vibes. Certaines clameurs évoquent celle de Swervedriver. On leur colle l’étiquette shoegaze, mais ils se situent bien au-delà des étiquetages, ils créent leur monde, comme Anton Newcombe crée le sien, et même si ce monde t’en rappelle un autre, tu le prends comme il est parce que ça finit par devenir brillant. Extrêmement brillant. Une fois que tu es entré, tu ne veux plus en sortir.

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         Tu ramasses leur dernier EP au merch, l’excellent Resurrection Machine, et tu retrouves ce son bien creusé dans le bâti de l’enfer sonique, ce son écorché vif, très

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Bloody, comme dirait cette pouffe de Valentine, et quand tu lis les notes au dos, tu découvres que Josiah Webb est tout seul sur l’EP. Il est l’homme à tout faire de son petit empire, et ça tient bien la route. On retrouve le «Space Cadet» tapé sur scène, bien vivant derrière son heartbeat, avec ses guitares voraces d’Horace ta race. Josiah Webb est bien dans son monde, rien ne l’en fera sortir. Il se donne les moyens de ses ambitions, son «Oh No» sonne merveilleusement bien, c’est à la fois touffu et spacey. Bon t’as déjà entendu ça mille fois, mais ça te parle. L’Oh No est assez violent, t’en savoures la clameur, l’esprit de tempête dans un verre d’eau. En B, tu retrouves «Everything Sounds Better When You’re Dead», ce cut qui paraît immense car très répandu à la surface, Josiah Webb tartine son monde en long et en large et ça sonne glorieusement, même si ça reste très lancinant, très expat, très tiré par les cheveux. T’as de quoi faire, pour peu que tu sois un peu curieux.

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         Si t’en veux encore, il faut sortir les gros billets. Josiah Webb t’a pas attendu pour enregistrer des albums, ça fait 15 ans qu’il enregistre des albums à Boston et curieusement, son groupe est devenu culte. Ses sept albums coûtent très cher, quand ils ne sont pas épuisés. La vie est plus facile pour les riches. Le plus accessible est son dernier album, Down The Wych Elm. C’est un album de big time out qu’on croirait calqué sur les anciens exploits soniques de Swervedriver. T’as au moins trois cuts qui sonnent ceux des Swerve, «The Field Where I Died», «Something Hollow» et «Needle In Your Eye». Ce sont des belles dégelées d’oraison Swervy, tu retrouves exactement la même tentation océanique, le même boisseau d’argent, la même urgence d’alarme rouge, avec cette classe inhérente au Brian Jonestown Massacre. Josiah Webb ouvre son balda avec un véritable coup de génie sonique, «Have You Seen Bella?», c’est bardé à outrance de tout le vieux barda du monde. Josiah Webb est un bon, il connaît le secret des tempêtes soniques. Il multiplie encore les rafales dans «Whore». Quel Wall of Sound ! Il monte encore d’un cran dans l’art de la dégelée avec «An Empty Cartridge», il atteint la clameur d’alerte nucléaire, le beat bat comme un cœur trop gros, ça pulse au cataclysmic ! Il boucle sa B avec un «Coda» monté sur un heartbeat monstrueux. On retrouve la lancinance du bassmatic scénique.       

Signé : Cazengler, Shoppe la crève

Magic Shoppe. Le Trois Pièces. Rouen (76). 15 octobre 2025

Magic Shoppe. Down The Wych Elm. Little Cloud Records 2024

Magic Shoppe. Resurrection Machine. Little Cloud Records 2025

 

 

Wizards & True Stars

- Cotise avec Thee Headcoatees

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         Sous l’égide rigide de Wild Billy Childish, les Headcoatees ont pendant dix ans ravagé l’Angleterre. Pour big Billy, premier punk-rocker d’Angleterre, c’était un jeu d’enfant que de propulser ses pouliches au firmament du garage-punk. Il multipliait déjà les projets, alors un de plus ou un de moins, quelle différence ? Pour garantir leur succès, il leur écrivait des hits à la pelle et produisait leurs albums. Puis il les emmenait en tournée, et les filles cassaient la baraque en sa compagnie.

         Thee Headcoatees sont un véritable vivier de talents : Holly Golightly, Bongo Debbie, Miss Ludella Black et Kyra LaRubia sont toutes entrées dans l’histoire. Elles se répartissaient les morceaux au chant. Tout au long des années 90, elles ont pondu des albums exemplaires, souvent hirsutes, inspirés et poilants. Au-dessus d’elles planait en permanence l’ombre tutélaire d’un big Billy au visage aussi sec qu’un olivier abandonné de Dieu.

         Comme les Headcoats, elles portaient des casquettes de Sherlock. Comme les Headcoats elles se plaçaient sous la haute autorité de Bo Diddley. Elles devinrent les reines du garage punk britannique. Elles savaient mettre un classique à feu et à sang, elles savaient battre tous les records de délinquance juvénile. Les Anglaises ont cette élégance transgressive que n’ont pas les autres.

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         Un charmant petit book raconte leur histoire : Girlsville - The Story Of The Delmonas & Thee Headcoatees. Recommandé par un ami. L’auteuse s’appelle Saskia Holling. Les gros veinards qui ont pu voir Russell Wilkins et Lord Rochester sur scène la connaissent : elle y joue de la basse. Elle est aujourd’hui la compagne de Russell, qui a un pedigree aussi long que celui de son vieux partner big Billy. Dans sa petite intro, Saskia raconte qu’elle a rencontré Russell à l’époque où elle jouait dans Sally Skull.

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Saskia

         Charmant petit book ? Oui, car pas prétentieux. Saskia n’est pas une styliste, elle se contente de témoigner et de faire témoigner. Elle cite abondamment. Elle regroupe les Delmonas et Thee Headcoatees dans le même book car les histoires de ces deux groupes sont liées : Sarah/Miss Ludella Black a fait partie des deux groupes, et big Billy les a mentorés tous les deux. Autre point commun : ce sont les girlfriends des Milkshakes puis des Headcoats qui constituent les Delmonas et les Headcoatees. Contrairement à ce que montraient certaines pochettes, ni les Delmonas ni les Headcoatees ne jouaient d’instruments. Ce sont les Milkshakes et les Headcoats qui assuraient le backing. Et quel backing, baby !

         Dans les Delmonas, t’as Hilary, Louise et Sarah/Ludella.

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         Hilary est à l’époque le poule de Russell, bassman des Milkshakes. Elle est aussi la mère de ses deux fils. Pour élever ses enfants, Russell va quitter les Milkshakes en 1983. Louise est la poule de Bruce Brand. Ils se sont mariés en 1986. Puis ils vont se séparer. Dans leurs longues interviews, Hilary et Louise restent très pudiques sur les fins de leurs relations respectives. Sarah est la poule de Mickey Hampshire qui fut membre des Milkshakes. Aujourd’hui, Sarah et Mick sont toujours ensemble. C’est le seul couple qui a survécu. Dans son interview, Sarah indique qu’elle a mal vécu la fin des Headcoatees, qui furent toute sa vie pendant dix ans, et soudain, plus rien. Elle réussira néanmoins à démarrer une carrière solo, avec deux fantastiques albums qu’on ira saluer ailleurs.

         Saskia prend soin de rappeler qu’en 1982, Hilary, Louise et Sarah se sont installées à Medway - South of London and north of Canterbury, Medway regroupe 5 villes : Strood, Rochester, Chatham, Gillingham et Rainham, toutes situées le long de la rivière Medway - Medway désigne aussi une scène, dont la figure tutélaire est bien sûr Wild Billy Childish.

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         Bruce et Rusell se connaissent depuis le début, ils jouaient ados dans des groupes de prog, puis ils sont passés au punk et ont rencontré le local lad Billy Childish, pour former les Pop Rivets. Big Billy ne pouvait pas espérer meilleurs partners. Le groupe va tenir trois ans, de 1977 à 1980. Et quand leur batteur Little Russ Lax les lâche, big Billy monte les Milkshakes avec Mickey Hampshire. Bruce passe au beurre et Russell bassmatique tout ça tout cru. Les Pop Rivets sonnaient punk, et les Milkshakes vont sonner plus rock’n’roll pour évoluer vers un garage primitif. Saskia : «Billy, Mick, Bruce and Russell had youth, arrogance, foul mouths and agression.» Ils s’inspiraient de Bo Diddley, de Link Wray, des Kinks et des Beatles.

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Sarah / Ludella

         Hilary, Louise et Sarah/Ludella fréquentaient donc des superstars de l’underground ! Les Milkshakes furent à l’époque ce qui pouvait arriver de mieux à l’Angleterre. Leur manager n’était autre que Nick Garrard. Puis Mickey Hampshire va faire une overdose de Milkshakes et quitter le groupe. Sarah : «He didn’t want to do it anymore.» Mickey a cessé de jouer pendant 15 ans - He had had enough. He’d burnt himself out very quickly with The Milkshakes and was desillusioned by the whole thing - Mickey va renaître des ses cendres pour monter les Masonics, avec Bruce au beurre et Johnny Barker on bass. Premier album en 1991, sur Hangman. On y revient prochainement. 

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         C’est big Billy qui baptise le girlfriend group Delmonas. Sarah devient Miss Ludella Black et Hilary devient Ida Red. Mais elle n’aime pas son surnom - That was another decision made for me -Le groupe répète chez Hilary et Russell. On ne va pas revenir sur les albums, on en parlait assez longuement inside the goldmine en 2024. Comme ceux des Headcoatees, les quatre albums des Delmonas sont assez explosifs et chaudement recommandés. En 1985, Louise quitte le groupe. Big Billy explique qu’il s’est engueulé avec elle. Puis Bruce quitte le groupe aussitôt après Louise. Les Delmonas ne sont plus que deux : Sarah et Hilary. Le groupe devient  Delmonas 5 avec Johnny Gawen au beurre, Russell on bass et big Billy à la gratte. Saskia juge bon de rappeler qu’à l’époque, big Billy jouait avec Thee Mighty Caesars, et Russell avec le Len Bright Combo.  Et quand Hilary met au monde son deuxième fils, elle commence à prendre ses distances avec la musique. Elle part s’installer avec Russell au sud de l’Écosse. 

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Hilary, Sarah, Louise,

         Fin des Milkshakes ? Pas de problème, big Billy monte Thee Headcoats, avec Bruce au beurre et Allan Crockford des Prisoners on bass. En hommage à Don Craine, ils portent les casquettes de Sherlock - Don had started wearing a deerstalker for photos and gigs back in 1964 -  Puis big Billy pose la question à Sarah qui chantait dans les Delmonas : on remonte un girlfriend group ? - I said yeah great - love to! - Naissance des Headcoatees. La nouvelle girlfriend de Bruce s’appelle Holly Smith, celle qui va devenir Holly Golightly. Et Kyra est la girlfriend de big Billy. Quand Allan Crockford quitte les Headcoats, il est remplacé par Johnny Johnson. Autre petit détail d’importance : lors d’une tournée scandinave, Bruce se fait porter pâle et big Billy fait appel à Wolf Howard qui bat le beurre dans d’autres groupes de Medway, The Daggermen, The Prime Movers et The James Taylor Quartet.

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         Les Headcoatees sont quatre. Holly Golightly, la poule de Bruce, qui était auparavant avec Louise. Holly tire bien sûr son pseudonyme de Breakfast At Tiffany’s. Sarah, on la connaît déjà. Ensuite, t’as Kyra qui est la petite poule belge de big Billy. Saskia : «Kyra is the one that is good at performing.» On la retrouvera ensuite dans les A-Lines avec Julie Hamper. Elle dit même dans l’interview que les A-Lines devaient enregistrer un deuxième album. Elle évoque aussi les Shall-I-Say-Quois, avec Julie et Sarah. La quatrième Headcoatee s’appelle Bongo Debbie, qui fut la poule de Johnny Johnson. Elle se mariera ensuite avec Ian Greensmith, le batteur des Armitage Shanks. Elle va aussi jouer dans les A-Lines et les Buffets. Tout cela est documenté par des albums fantastiques.

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         Le premier album des Headcoatees sort en 1991 : Girlsville. On les voit avec des instruments, mais elles n’en jouent pas. Elles ouvrent le bal avec une jolie pétaudière, « Wild Man », un cut des Tamrons chanté en mode Chrissie Hynde. Ça t’explose en pleine gueule. Elles deviennent des graines de violence avec « Round Every Corner » - Round every corner/Looking for your face - Les filles ne plaisantent pas. « Give It To Me » est une sorte de sale petit garage mal famé. Kyra pend ça en main, elle uppercute, la petite garce. Le garage le plus dégueulasse d’Angleterre, c’est là. Cris de folles - Yeeeeeeehhhhh - solo de dingue signé Big Billy, pure jute de génie garage, voilà l’explosion tant attendue. Les filles ont tout compris - Give it to me/ All your love ! - Puis elles passent à l’heavy rock avec « Boysville ». Elles sifflent comme les New York Dolls ! Et pour finir, elles explosent « Money ». 

         Les Headcoats et les Headcoatees vont aller trois fois au Japon, en 1991 avec Mudhoney, en 1994 avec les Phantom Surfers, et en 1998 avec les Flaming Stars. Billy et Bruce décident de tout : du choix des cuts, du design des pochettes, des set-lists. Holly dit qu’elles n’avaient aucun rôle dans les décisions - If you ask: ‘How much control did you have?’, It has to come out, none, none at all, by design - Sarah : «Billy wanted to be in control of the situation and the songs.» Holly propose ses chansons, mais Billy les trouve trop complexes pour les Headcoatees.

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         Le morceau titre de leur deuxième album Have Love Will Travel surpasse tout. Elles claquent ce classique avec tout le chien de Baskerville dont elles sont capables. Au dos de la pochette, Don Craine des Downliners Sect les salue : « Hey-oh Hey-ah ! » On entre dans le nec plus ultra du garage des bas-fonds avec « Don’t Try And Tell Me », épouvantable déballage de malveillance. On a du scream de folle et de la fuzz à la tonne. Pour l’amateur de garage, c’est le paradis sur terre. Elles chantent vraiment comme des traînées. Pire encore avec l’abominable « Mess Of Pottage ». Elles chantent ça comme si elles volaient une mobylette. Big Billy n’en finit plus de leur fournir des classiques imparables, comme ce « Tear It To Pieces », claqué aux accords de Dave Davies. Elles féminisent à outrance leur version de « Big Boss Man » et finissent cet album faramineux avec une reprise d’« I’m Gonna Make You Mine » qu’elles font sonner comme l’hymne des coursives d’un council flat.

         En trois ans, les relations sentimentales vont se détériorer. Debbie et Johnny, c’est fini. Les couples Bruce & Holly et Billy & Kyra vont traverser de sacrées zones de turbulences.

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         On monte d’un cran dans la violence délinquante avec Ballad Of Insolent Pup. Pour la pochette, elles prennent le thé dans la forêt. Ça part en mode fuzz avec « This Heart ». Hyper crade ! Ce sale garage puant relève du génie. Miss Ludella nous drive ça d’une main de fer. Waooouhh ! Elle pousse un cri de folle échappée de l’asile et big Billy descend aux enfers avec son killer solo. Encore pire : « Pretend » sonne comme un hit lent de Totor et chanté limite faux par cette teigne de Miss Ludella. Puis t’as cette sale teigne de Kyra qui attaque le morceau titre à coups de menton. Elle fait sa vicieuse et roule des accents allemands. Elle bat tous les records de délinquance, dopée par la fuzz des Troggs. Killer solo flash, et ça part en vrille avec des cris et des jappements, des hip et des wouap, franchement, on n’avait encore jamais entendu un tel bordel. Tout est survolté sur cet album. Garage sec et scream de folle dans « All My Feelings Denied ». Sur « It’s Bad », big Billy recycle les accords de « Gloria ». En B se planque une bombe atomique : « Now Is Not The Best Time ». Elles nous chantent ça à la ramasse. Encore plus monstrueux : « I Was Led To Believe ». Elles tapent ça avec une hargne inégalable.

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         Attention à Punk Girls, l’album sorti sur Sympathy For The Record Industry. Il se pourrait bien que ce soit l’un des albums du siècle. Il suffit simplement d’écouter le morceau titre pour s’en convaincre. Kyra chante ça avec toute la violence dont elle est capable. Elle enfonce ses clous dans la paume du diable. Elle pousse des cris de pinson électrocuté. C’est poinçonné aux Lilas. Kyra fait sa Méricourt de Gévaudan. Quelle atroce violence ! Et tout l’album est sur ce registre, dirty sound et coups de chaîne de moto. Hommage au patron avec « Billy B Childish ». Bongo Debbie bongote dans un mould tortillé à l’harmo névrotique. Son à la Pretties, fumace et inventif - Billy B poor and Billy B rich - et quand Billy entre dans la danse, ça devient insupportable de génie. Cover ultra-violente du « Teenage Kicks » des Undertones. Elles envoient les hussards. Bongo Debbie chauffe la soupe, c’est une version effarante de déviance, awite, et solo mortel. Normalement, rien qu’avec ces trois morceaux, t’es au tapis. Mais la fête continue. Kyra revient claquer le « Pinhead » des Ramones. Elle semble complètement butée. C’est la punk la plus sale, la plus méchante de toutes. C’mon ! Les Headcoatees ont un truc que les mecs n’auront jamais, cette petite niaque de folles qui vient du ventre. Ludella chante « Cara Lin », un stomp de glam complètement dément. Voilà qu’elles se mettent à défoncer la rondelle du glam. Big Billy claque le thème à la fuzz et c’est littéralement bardé de clichés bon esprit, c’est du Suzi Quatro sauvagement schtroumphé, dans une immense clameur de destruction massive. Kyra tape « Zig Zag » et en fait le punk-rock le plus dégueulasse d’Angleterre. Elle bat sa coulpe avec une outrecuidance qui dépasse l’entendement et t’imprègne la cervelle d’une fabuleuse émulsion punkoïde de bas étage. Messieurs les punk-rockers, prenez des notes.

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         On a un beau fish-eye hendrixien pour la pochette de Botzstick Haze. Rien qu’à les voir toutes les quatre le nez collé à l’objectif, on se régale. C’est avec cet album qu’on va pouvoir définir leurs caractères respectifs. Quand on entend Kyra chanter « Name Your Own Poison », on comprend qu’elle peut être très vacharde. Elle roule ses r avec un autoritarisme germanique qui glace les sangs. On voit d’ailleurs à sa figure sur la pochette que l’empathie n’est pas son fort. Il vaut mieux l’avoir comme amie que comme ennemie. Ludella prend « I Need Loving » d’une voix mûre. Chez elle, on sent le poids du vécu. Elle sait faire l’infectueuse. En Ludella, quelque chose rassure, mais lorsqu’on pousse l’examen de son regard, on détecte facilement la nature trash de sa complexion. Quant à Bongo Debbie, allez savoir ! Elle chante le petit garage de « Speak To Me » cordialement, mais on sent quelque chose de pernicieux dans le ton de sa voix. Mais il faut rester prudent avec ce genre d’interprétation, car on risque de basculer dans l’approximation délirante dont raffolent les lacaniens. Holly chante « Just Like A Dog » à la manière des Pretties, comme dans « Come See Me ». On est vraiment gâtés car c’est bien vrillé au killer solo flash. Des quatre, Holly pourrait passer pour la préférée, d’une part parce qu’elle est brune, et d’autre part à cause de ce regard voilé qui sent bon les alizés. On retrouve notre petite fouine Kyra en B pour un gros shoot de garage élémentaire, le morceau titre. Puis Debbie fait sa Bo avec « Baby Teeth Marge ». Elles ont vraiment le beat dans la peau. Miss Ludella illustre son côté pervers avec « He’s In Disguise » : elle se force à chanter faux. C’est assez osé. 

         Bongo Debbie finit par en avoir marre de toujours chanter les mêmes cuts sur scène. Puis elle s’engueule avec Holly - a massive fall out - Alors elle quitte le groupe. Et ensuite, tout va partir en eau de boudin : Billy se tape Holly et Kyra vit ça très mal : «I thought Holly hated me, and I didn’t like that she was going out with Billy in front of my nose.» Sarah : «It all went horribly wrong.»

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         Debbie disparaît donc de la pochette d’Here Comes Cessassion. Elles ne sont plus que trois, mais leur rage reste intacte. Elles attaquent avec un gros pâté de gaga sauvage, « You Say That You Love Me », elles te tartinent ça vite fait, c’est du graillon britannique, du couenné sévère, du fort en gueule. Les poules y mettent tout l’allant des suburbs. « All Night Long », c’est du pur Kyra la mauvaise. On la reconnaît aussitôt, à son accent fêlé de petite garce acariâtre. « Hurt Me » est un gros hit lent à la Billy, une vraie réussite mélodique, insistante et incisive. Elles bafouent toutes les Conventions de Genève avec « An Image Of You », on sent bien leur niaque et tout le trash dont elles sont capables. Sur cet album, elles tapent deux classiques de Bo : « Road Runner » et « Keep Your Big Mouth Shut » qu’elles balancent dans le même esprit que la version des Pretties, à la rentre-dedans, dans une belle atmosphère de délinquance. Autre coup de génie : « Is There Any Chance Of You Coming Into My Life », violemment riffé, tapé sur une seule phrase et monté serré sur les culbuteurs. S’il fallait retenir une seule chose de Billy Childish, ce serait ce riff raff de mauvaise vie. 

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         La même année sort une sorte de compile, The Sisters Of Suave (Dedicated to the memory of our dear departed Bongo Debbie). Les trois survivantes sont déguisées en bonnes sœurs et font le pendant des Earls of Suave en s’appelant Sisters Of Suave. Cette compile est un peu explosive. Déjà que les albums sont teigneux, alors on imagine ce que peut donner une compilation de singles et de bricoles enregistrées à droite et à gauche. Elles attaquent avec une reprise du « Davy Crockett » de Billy en mode laid-back - You are the king of the wild frontier who-oh oh oh - Puis elles balancent une tranche de Sonics avec une reprise de « Santa Claus » - Where have you been awho-who-oh - C’est exactement le même plan que Davy Crockett, mais la chose est tellement inspirée qu’on ne s’en offusque pas. Elles tapent l’« I Gotta Move » des Kinks, du coin du menton avec toute la morgue du monde. On a ensuite droit à une version de « Ballad Of The Insolent Pup » embarquée à la fuzz et différente de celle qui figure sur l’album du même nom. Un solo cataclysmique vient balayer tes derniers espoirs. On retrouve la morgue des filles dans « Johnny Jack » - Say yeah yeah/ Say wo wo wo - Elles emmènent ça avec une rare indécence, puis arrive le killer solo habituel. Billy participe aux chœurs, derrière. Ces gens-là regorgeaient d’idées, de talent et d’enthousiasme. Ils incarnaient l’avenir du rock anglais. Les filles tapent aussi dans les Ramones avec une fantastique cover de « Swallow My Pride » qu’on croirait produite par Totor. Et l’A se termine sur un truc terrible : « Spineless Little Shit ». Évidemment, ça s’adresse à un mec - I’ve got something to say to you/ You’re shit ! - On imagine que ce connard l’a bien mérité.

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         Sur la B se nichent d’autres atrocités, comme cet « Evil Thing » qu’on dirait chanté avec un mépris qui s’adresse à la terre entière. Puis elles nous proposent une reprise endiablée du « Strychnine » des Sonics. Elles prennent ça à l’arrache - I like the taste of straight strychnine - La version originale des Sonics reste bien sûr la chouchoute, mais les filles n’ont pas à rougir de la leur. Bien au contraire. D’autant que Billy fait un festival derrière. Sacré Billy. Il veille bien au grain. C’est un chouette type. Sa moustache de sergent major de l’Armée des Indes inspire la plus grande confiance. Et puis voilà « Come Into My Mouth », un titre qu’il faut prendre au premier degré, car chanté avec un hédonisme déterminant - I want to suck you dry - Je veux te sucer jusqu’à la dernière goutte - I want to taste you on my tongue - Je veux sentir ta bite sur ma langue - C’est traité comme un canular mais chanté avec la plus belle sensualité. Billy envoie là-dessus un solo exotique et ça prend l’allure d’un hit sixties. Absolument renversant. On entend rarement des choses pareilles dans un pays aussi prude que l’Angleterre. Elles referment la marche avec « Jackie Chan Does Kung Fu », chinetoqué à l’intro et repris au vieux jerk des bas-fonds de Soho. Le gros beat garage est tellement beau qu’il paraît impossible de faire mieux.    

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         Puis au retour d’une ultime tournée scandinave, Holly ramasse ses affaires et quitte Medway, «alone and for good, because, she said ‘It imploded, totally imploded.’» Après les Headcoatees, Holly ira aux États-Unis avec Dan Melchior que lui a présenté big Billy. Ensemble, ils vont enregistrer l’excellent Desperate Little Town. Elle a aussi monté un groupe à Londres avec Matt Radford et Brian Nevill. Puis elle va s’installer aux États-Unis et monter les Brokeoffs avec son mari Dave, qui a grandi avec un skate et en écoutant du metal, donc une culture radicalement différente, mais comme elle dit, «he was interested in learning to play music properly». Holly est longuement saluée ailleurs sur ce blog avec un Part One, un Part Two et un Part Three.

         Une fois Debbie, Johnny et Holly parties, pas de coming back pour les Headcoatees.

 

Signé : Cazengler, Headcauteleux

Thee Headcoatees. Girlsville. Hangman Records 1991

Thee Headcoatees. Have Love Will Travel. Vinyl Japan 1992

Thee Headcoatees. Ballad Of The Insolent Pup. Vinyl Japan 1994

Thee Headcoatees. Punk Girls. Sympathy For The Record Industry 1997

Thee Headcoatees. Bozstick Haze. Vinyl Japan 1997

Thee Headcoatees. Here Come Cessation. Vinyl Japan 1999

The Sisters Of Suave. Damaged Goods 1999

Saskia Holling. Girlsville - The Story Of The Delmonas & Thee Headcoatees. Spinout Publications 2021

 

 

Inside the goldmine

 - Majestés Royales

         On l’aimait bien Roya au début. Il avait l’air sympathique et cultivé. Il accepta de nous dépanner. On cherchait un guitariste. Il savait gratter trois accords, mais ça pouvait suffire. Il écoutait à peu près les mêmes disques que nous. Il fallut lui montrer les accords et on fit une première répète de formalité. Ça allait à peu près. Dans les groupes amateurs, on sait se contenter de peu. On l’intégra. Et puis à l’usage, on a commencé à déchanter. Roya ne travaillait pas les cuts chez lui, et chaque fois, lorsqu’il arrivait en répète, il demandait qu’on lui re-montre les accords - Ça commence comment, déjà ? - Ce qui au départ ressemblait à une bonne embauche se transforma en quelques semaines en fiasco à la fois technique et relationnel. Mais le pire était à venir. Les concerts ! Des dates étaient bookées à droite et à gauche et bien sûr, si tu montes sur scène avec un tocard comme Roya, tu cours à la catastrophe. Alors on s’est jetés dans la gueule du loup. On était tellement masos qu’on a adoré ça. Roya grattait n’importe quoi, il ne se souvenait plus des structures, il n’avait même pas l’air de s’en rendre compte. On se rattrapait aux branches, on jouait ce qu’on pouvait. Le chaos était indescriptible ! On était tellement paumés qu’on jouait tous les quatre des cuts différents. Quelle rigolade ! Captain Beefheart n’aurait jamais pensé à ça. On a alors battu tous les records de modernité auto-destructrice. C’est un luxe que tu peux t’offrir si et seulement si tu récupère un super-clampin comme Roya. En plus, il avait l’air fier de lui. On est descendus aussi bas qu’on a pu dans les abysses du nihilisme rock. On est devenus les jusqu’au-boutistes de la nullité. Même les pires groupes de punk-hardcore ne sont pas descendus aussi bas. Grâce à Roya, on a battu tous les records, ceux que personne n’oserait jamais aller battre. 

 

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         Roya n’est là que pour incarner l’antipode des Royales. Autant Roya est nul, autant les Royales sont géniaux.

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         C’est à grâce Steve Cropper qu’on finit par foncer sur les Five Royales. On espère y entendre le fameux guitar hero, Lowman Pauling. C’est pas simple. Tu commences par tester l’album sans titre paru su King en 1960 et heureusement réédité par Sundazed, car le King vaut 150 $. C’est un album de swing. Pas de poux. Juste du sax. Tu sors bredouille du balda. T’entends enfin le guitar hero en B sur «Wonder When Your Love Has Gone». Il est loin derrière, mais assez killer, il faut bien l’avouer.

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         Une fois de plus, c’est Rhino qui nous sauve la mise sur ce coup-là. En 1994, Rhino sortait Monkey Hips & Rice - The «5» Royales Anthology. C’est ce double CD qu’il faut écouter. Ed Ward signe les liners. T’en as pour ton billet. En plus du surdoué Lowman Pauling, t’as deux leads nommés Eugene & Johnny Tanner. Ward est bien renseigné. On se demande où il est allé chercher tout ça. Premier single en 1951. Ils s’appellent encore les Royal Sons et sont basés à Winston-Salem, en Caroline du Nord. Lowman Pauling compose pour le groupe. Ils signent sur King et en 1960, Puis Lawman Pauling quitte le groupe. Les Five Royales vont ensuite s’installer à Memphis pour enregistrer avec Willie Mitchell. Puis le groupe splitte et ils prennent tous des boulots normaux, sauf Lawman Pauling qui reste dans le showbiz et qui va accompagner Ben E King puis Sam & Dave, avant de casser sa pipe en bois en 1974.

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         Dès «Courage To Love» t’entends ces leads fabuleux que sont Eugene et Johnny Tanner. On les sent issus du gospel. Même les heavy jumps sont des merveilles de swing. Ils passent au heavy blues de stature primordiale de miss my pretty baby avec «Help Me Somebody». Éclatant !  Puis c’est une déboulade de jumps de jazz et de swing : «Crazy Crazy Crazy», «Landromat Blues» (Baby I got the best machine/ best machine in town, pur swing, so treat my baby kind/ Treat my baby gentle, tu te lèves et tu sautes en l’air), «All Right», «I Do», et toujours ce swing inespéré de she’s my kind of babe avec «I Like it Like That», et t‘as se sommet du swing de doo-wop : «Monkey Hips & Rice». On commence à entendre Lawman Pauling dans «Women About To Make Me Crazy» et ça rocke le boat à coups de that’s where my baby stays dans «Right Around The Corner». Pur genius, et ça continue avec «Come On & Save Me», et cet absolute beginner qu’est «Get Somebody Out Of It», un hit faramineux bardé de doo-wop explosif. T’es collé au plafond. Si tu veux du Black Power, c’est là.

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         Le festin se poursuit sur le disk 2, et là t’entend Lowman Pauling dès «Just As I Am», «I’d Better Make A Move» et «Say It» : il gratte comme un diable, il claque des intros incisives, il est carrément psychédélique sur «Say It». Laisse tomber Clapton. T’as aussi le swing dément de «Think». «Don’t Be Ashamed» sonne comme un hit des seventies à cause du rentre-dedans de Lowman Pauling. On passe au mythe avec «Dedicated To The One I Love», compo de Lowman Pauling dont les Mamas & The Papas vont faire leurs choux gras. Et là t’as Lowman en embuscade, il joue tout en surplomb. Quel démon ! Comme son nom l’indique, «Do The Cha Cha Cherry» tape dans l’exotica de choc. Puis ils groovent «Double Or Nothing» dans la couenne du doo-wop. On retrouve le génie vocal des Five Royales dans «Tell The Truth». «The Slummer The Slum» sonne comme un cut de Soft Machine et Lowman y gratte des syncopes de congestion. Quelle modernité ! Il faut bien dire que tous les cuts t’estomaquent. Lowman repart en embuscade sur l’heavy blues «Wonder Where Your Love Has Gone», puis ça repart en mode swing du diable avec «My Sugar Sugar» et on regagne la sortie avec une resucée d’«Help Me Somebody» noyée d’orgue. Il réclame de l’aide, avec des chœurs de doo-wop et ça vire swing. Black Power !

Signé : Cazengler, pâté royal

Five Royales. The Five Royales. Sundazed Music 2015

Five Royales. Monkey Hips & Rice. The «5» Royales Anthology. Rhino Records 1999.

 

 

*

Il est des choses qui vous attirent sans que vous sachiez pourquoi. Cette première phrase est évidemment un mensonge. Ce qui vous attire n’est au mieux qu’un reflet de vous-même. Peut-être, au pire, une simple projection de votre propre entité qui s’est séparée de vous-même pour objectiver vos propres phantasmes. Cette fois-ci il y avait plusieurs mots attirants, des gemmes diamantaires qui brillent de dix mille feux. Mais surtout un seul d’entre eux, un des plus mystérieux, un mot lié à la puissance des Dieux latins, au fondement de notre identité inculturelle d’être vivant, dont il vaut mieux se détourner, faire semblant de ne pas être concerné, s’intéresser par exemple à votre numéro de sécurité sociale … Ceux qui se permettent d’évoquer ce genre de malfaisance ne sont pas nombreux. Nous n’avons donc pas affaire à un groupe de rock constitué de plusieurs individus. Simplement une seule individualité.

NUMINA

MAATISFET

(Bandcamp / Octobre 2025)

         Ignorons, plus que cela nous soit possible, le titre de l’album, à première vu le nom de l’artifex est moins kaotique, Maât étant dans le panthéon de la mythologie égyptienne la déesse – nous employons à dessein un mot passe-partout – de l’harmonie universelle, elle est la force qui préside à la stabilité du monde dont elle surveille l’équilibre. Si une plume est son symbole, c’est pour vous avertir que si  un milligramme de plus ou de moins sur un des multiples plateaux de l’univers, tout s’écroule… Voici donc un artiste qui se donne comme le pourvoyeur de l’équilibre du monde, c’est vrai que sur sa photo il ressemble à ces personnages désaxés des romans de Dostoievski. 

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D’ailleurs la pochette de l’album - que représente-elle au juste - nous semble l’image métaphorique de cet instant fatidique de bascule vers l’anéantissement… à moins qu’elle ne soit la seconde décisive ou après un  frémissement incoercible la plume se redresse fièrement et se tenant droite comme le pivot du monde veille à la pérennité de sa continuité. Examinez-la longuement et tâchez de vous mettre en accord avec vous-même.

 Si vous pensez qu’en se présentant comme le créateur de l’harmonie du monde notre artiste exagère un tantinet, dans un court texte introductif  Daniel Quero, de Barcelone, avoue humblement qu’il travaille depuis 2020 sur les titres de son premier opus, il ajoute que les Dieux et les mythes le fascinent car ils ont été créés par les hommes. Ainsi les Dieux ne seraient que notre reflet, mais pourquoi sont-ils plus beaux que nous…

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Okeanos : ces chœurs féminins qui ouvrent le morceau sont-ce les filles d’Okeanos qui chantent la gloire de leur père, l’Océan qui entoure et délimite la Terre qui l’engendra, cette vision des premiers temps s’alourdit soniquement, la batterie frappe les coups fracassés d’un destin désarçonné, les guitares s’emplissent d’une nostalgie aigre-douce, nous sommes après les premiers temps de l’Age d’Or, la voix sombre et rauque d’Okeanos s’adresse aux hommes, ils ont troqué l’or des temps heureux contre l’argent compulsif, il fulmine contre cette race honnie qui s’adjuge la première place, le Dieu préfère se taire, le rythme s’accélère, sans doute rêve-t-il que les rouleaux homicides de ses vagues détruisent tous les navires insignifiants de ces ridicules créatures et que ses flots vengeurs engloutissent toutes les Atlandides qu’ils se permettront de créer.  Numen : auditeurs français rien à voir avec votre numéro d’identification sociale, le Dieu s’est tu car seul le silence est grand a dit Alfred de Vigny, il ne roule même plus ses flots, il laisse place à la puissance agissante des Dieux à laquelle personne ne saurait s’opposer, lorsque Thalès indique que la nature est composée à l’origine d’eau élémentale, c’est à cette puissance terrible dans laquelle baigne l’humanité à laquelle il fait allusion… Ce sont ces numina (pluriel latin de numen) des différents dieux qui donnent son titre à l’album. Ce morceau tempétueux, le plus beau et le plus puissant, ne possède qu’un seul défaut, l’on aurait aimé qu’il se poursuivît infiniment comme la mer toujours recommencée. Python : ce troisième morceau clôt le prologue protogonique d’ascendance grecque, Python était le serpent des profondeurs qui veillait sur le temple sacré de Delphes, il reprend la même tessiture instrumentale que le morceau précédent, un vocal éruptif se joint à lui, deux pistes de guitares se chevauchent, une qui alentit le rythme et une autre qui l’accélère, sont-ce les circonvolutions agoniques du serpent blessé par les flèches vengeresses d’Apollon, cet arrêt brutal marque-t-il le moment terminatif par lequel le talon vengeur d’Apollon écrasa l’infâme tête du reptile. Quoi qu’il en soit la fin de Python n’est que le symbole du trépas des hommes. L’île des Bienheureux n’est pas nous. Hugr :  ce rugueux monosyllabique guttural désigne dans la mythologie scandinave cette partie de l’âme que nous appelons âme, cette partie de nous capable de raisonnements et de sentiments, nous changeons de règne nous quittons l’Extérieur pour pénétrer à l’Intérieur. De nous-mêmes. Ce n’est guère mieux. Au-dedans ou au dehors le danger est le même, ne nous laissons pas amollir par ce long passage instrumental qui semble effacer tous les périls, nous avons eu raison d’hurler à pleine voix et maintenant de rugir comme des lions blessés, la mort est partout, ses ailes noires volent en notre tête et opacifient toutes nos volitions de tranquillité. Ungolianthë : ne dites pas que vous l’ignorez, vous l’avez tous rencontrée et vue en film, c’est elle, l’aragne noire du Seigneur des Anneaux, elle ne se situe pas uniquement dans le film, elle avance sans se presser sur son hideuse toile, elle s’approche de vous, elle est en vous, elle est tapie sur l’ouverture de l’abysse intérieur qui n’est qu’une des fissures qui donnent accès au gouffre originel, vocal angoissé porteur des échos criminels et meurtriers de la terre de Lammoth, est-ce pour cela que la fin du morceau ressemble à  une quincaillerie effrayante… doux froufous guitariques, êtes- vous parvenu à entrer dans la nuit primordiale…D(u)at : même douceur que les derniers accords chargés de résonnances qui vous procureront de froids frissons, ce mot en notre langue évoque la dualité, en Egyptien il n’est rien d’autre que l’au-delà cette région ombreuse dans laquelle Ré ferme ses yeux ensoleillés, croyez-vous que ces grands coups de marteaux soient-là par hasard, au bout de la nuit vous ne rencontrez que la mort, pourquoi la musique se fait-elle si belle et ce  vocal à gorge éployée pourquoi se tait-il sur cette ligne de basse à la démarche hésitante, encore un effort, tu accèdes à la cérémonie finale, la plume de Maât t’inclinera-t-elle vers les champs de Ialou, plénitude existentielle, toute proche de la numénité des Dieux, une guitare séduisante chante et déverse ses plus hauts arpèges, ne te fais pas trop d’illusion, malchance souveraine elle est tombée du mauvais côté. N’es-tu pas un être fait pour la mort !

         Un bon disque qui se termine mal. De quoi vous plaignez-vous, c’est bien vous qui avez inventé l’algorithme des Dieux, ne venez pas pleurnicher si maintenant il se joue de vous. Vous avez regardé la couve avec attention, n’avez-vous pas eu l’impression qu’elle ressemblait à une tête de mort en décomposition, et que de facto elle ressemble à un chien.

         Peut-être peut-on reprocher à ce premier opus une certaine monotonie, c’est souvent le défaut des one-man-bands, en tout cas nous serons attentif au prochain opus de Maatisfet.

         J’ai gardé le plus curieux pour la fin, sur son Instagram vous avez l’annonce de la parution, une très courte vidéo, presque rien, juste des lumières se mouvant dans le noir, et une autre avec une mer qui se couvre de noir. Des idées simples mais terriblement efficaces.

Damie Chad.

 

*

Ce n’est pas la première fois que je tombe sur cette invitation. Oui mais nous les rockers si ce n’est pas accompagné d’une Cadillac Rose avec un tapis rouge pour nous accueillir, par principe nous n’y allons pas. Il faut savoir tenir son rang. En plus c’est un peu tordu, je sais bien qu’avec sa formule Ecouter Voir, Paul Claudel est un sérieux atout généalogique pour cette soirée Ecoutons Nos Pochettes. C’eût été ‘’nos pochettes rock’’ j’eusse regardé, sans quoi : méfiance absolue. Sait-on jamais, je clique et je reclique, tiens un exemple proposé : un texte de Céline Renoux sur la   pochette Big Science de Laurie Anderson. Anderson et Lou Reed, cette Céline n’a pas obligatoirement mauvais goût. Elle a marqué un point et même un deuxième puisque c’est joliment écrit.   J’explore un peu son Face Book, illico elle perd douze points, elle ne signale que des trucs qui ne participent pas de mon panorama sonore. Je me prépare à ce que mes santiagues aillent fouler une herbe plus rock lorsqu’un post attire mon regard, attention Céline Renoux n’est pas n’importe qui, elle vient de publier un recueil de poésies. Respect et honneur aux poëtes, en plus le titre est attirant : Mon âme est punk avec une fleur bleue au milieu. Punk et Rock ne sont-ils pas deux tétines qui appartiennent à la même mamelle bleue ! S’impose une lecture immédiate, hélas faut attendre quinze jours avant de recevoir un exemplaire. Le rocker n’est pas patient, c’est là son moindre défaut, avec lui c’est tout, et tout de suite. Conséquence : je cherche et je trouve. Que voulez-vous la réalité se plaît à réaliser les désirs des rockers, sans quoi elle serait inutile.

TOUTES CES FILLES QUI VIVENT DANS MON CORPS

CELINE RENOUX / YAN PECHIN

(CD / Bancamp2013)

La couve est magnifique. Certes je devrais d’abord rendre hommage au photographe qui a tiré la photo. Oui mais avec une fille si belle il est impossible de faire un mauvais cliché. De surcroît c’est marrant parce que sur son FB vous ne remarquez que le bleu céruléen de ses deux iris myosotis, or sur la pochette ses yeux sont jaunes. Ne dites pas que l’apprenti-photomatique a utilisé un filtre jaune, relisez plutôt La fille aux yeux d’or d’Honoré de Balzac.  

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Par contre le gars a tout compris, le Yan Péchin qui est pourtant crédité au même titre que la demoiselle-libellule sur  la couve, ben notre artisan pelliculophile ne l’a pas voulu sur la photo. Ce n’est pas parce que le gars à la chevelure broussailleuse qu’il arbore sur les nombreux clichés disponibles sur le net aurait certainement fait un peu tache, nom pas du tout ce n’est pas lui qui chante et ce n’est pas lui qui a composé les textes. Se contente d’accompagner. A la guitare. L’a commencé avec Bashung puis avec plein de chanteurs que je n’aime pas. Toutefois je remarque sur son CV long comme la liste des morts engloutis par l’éruption du Vésuve à Pompéi en 79, qu’il a aussi joué avec Link Wray et Chris Spedding. Excellente caution rock.

Sachez décrypter le titre, non Céline Renoux ne veut pas nous signifier qu’à elle toute seule elle vaut toutes les filles du monde, mettez-le en parallèle avec la fameuse déclaration de Victor Hugo dans sa préface aux Contemplations ‘’ Ah ! insensé qui crois que je ne suis pas toi !’’ Plus modeste que Victor, Céline Renoux ne s’adresse qu’à la moitié de l’humanité, celles, les femmes, que dans un élan lyrique Mao Tsé Toung a qualifié de ‘’la moitié du ciel’’. Evidemment depuis Hugo et Mao le monde a changé. En déduirions-nous que les textes de ce disque s’inscrivent dans le large mouvement de revendications féministes ?

Mal recousue comme la bouche : non ce n’est pas chanté, c’est lu, récité, une voix posée, ce n’est pas qu’elle soit sûre d’elle, c’est qu’elle raconte, le Péchin, se débrouille bien, il ne suit pas le texte, il s’en éloigne, juste pour dessiner le drame, l’accompagner, garde bien ses doigts sur ses cordes, ne pas les faire traîner sur le corps de la danseuse, car elle danse, elle raconte, elle parle d’elle-même, de ses quatorze ans et de bien d’autres choses, de la blessure qui trente ans après dure encore et qui sera encore-là dans trente ans, une scène comme tant d’autres, que tout le monde a connue, chacun sur un côté de la blessure, sur une rive une fille et sur l’autre un gars, la ronde du flirt, de la première fois, cent fois répétées au cours de l’existence et toujours la même saignée, la même coupure, l’innocence suintante perdue qui revient à chaque fois, comme une envie de vomir, une libération et un enfermement en soi-même dans le dégoût de l’autre et le désir et la peur de soi. Une des filles qui vit dans mon corps : top départ, attention c’est parti, elle parle plus vite que le son du starter, Péchin fait du bruit, trop de hâte pour faire de la musique, c’est un corps à corps avec soi-même, car peut-être que toutes ces filles au-dedans de moi ne sont que moi seule, pépé Hugo peut aller se rhabiller, ce qui est sûr c’est qu’une fois l’on a été meilleure, bien plus qu’avant, bien plus qu’après, que c’est cette fois-là que l’on voudrait être et avoir été chaque fois, notre moi est-il si morcelé, si déchiré en petits morceaux que l’on voudrait éparpiller afin de ne plus être nos propres ratages, peut-être vaudrait-il mieux se tuer. Avec un pistolet en plastique. Sans retour ni écho : Péchin oragique, une fille regarde une fille prisonnière de sa propre solitude, un drame intime, son attitude suffirait à la trahir, tout le monde s’en fout, elle crie, elle n’en finit plus de crier, Péchin tirebouchonne et envoie des balles à blanc, elle ne crie plus, elle n’existe plus, elle est assise là où les autres ne la rejoindront pas. Celle qui regarde note quelques mots sur son cahier, c’est tout ce qu’il restera d’elle, un écho même pas sonore pour reprendre une expression hugolienne. L’insurrection : Péchin se tait, ensuite il envoie des sons discrets, fait un peu de bruit lorsqu’elle annonce la mort de la poésie, Péchin cacophonique, attention ce n’est pas une révolution qui balaie la rue, comme l’écrivit Daniel Giraud, toute révolution se doit d’être intérieure, l’insurrection est un kaos émotionnel, une révolte, l’envie d’envoyer blackbouler cette absence qui sépare en toute occasion et en fin de compte tout être qui n’arrive pas à se séparer de lui-même. Péchin se tait. Le manque est un pays habité : tiens une voix légère, Péchin nous joue une nuit de Chine câline, enfin pas trop, car il n’est pas là et qu’elle essaie de survivre, elle fait semblant, un semblant de colère, le Péchin nous sort un générique de western, elle s’accroche à son rêve perdu, elle essaie de se retrouver auprès d’autres, mais elle sait qu’elle triche, le Péchin nous sort un son de violoncelle funèbre. Que voulez-vous quand il n’y a plus personne à trucider la fin est un peu triste et manque d’action.

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Muette et nue contre le colosse : Péchin foufroute, qui s’y frotte s’y pique, le monde au-dehors de nous est une montagne que personne ne saurait bouger et qui ne viendra jamais à vous, Péchin vous casserole le drame, même au milieu de la rencontre la montagne est toujours-là, l’amant et l’amante, même dans le stigmate de l’étreinte amoureuse sont séparés par des murailles de pierres infranchissables. Dragon : l’heure est grave, Péchin dramatise, elle parle, elle tire le bilan, elle règle ses comptes, non c’est lui qui cause, il lui reproche d’être ce qu’elle est, la vie étant ce qu’elle n’est pas l’amour se termine, il est temps de se séparer, son amour était comme le souffle dévastateur du dragon, mieux vaut s’éloigner. La fin du monde a déjà eu lieu : Péchin jazzize, elle a tout perdu, elle parle comme un chef de bureau. Qui dresse le constat d’un échec, non pas celui d’un couple, celui de tous les couples, celui de cette humaine solitude qui ne consent qu’à elle-même, Péchin a abandonné le jazz, donne dans l’industriel, production de masse, toutes les existences sont les mêmes, la comédie est terminée, le drame aussi. C’est ainsi. Accidentelle : la voix seule, nue, Péchin n’existe plus, elle s’intéresse à la tasse du réveil, bientôt elle sera terminée, juste un moment, puis partir dans le matin froid, marcher dans la rue mais surtout en soi, prendre le métro, se mêler aux autres et à sa propre solitude. The dream is over. Se retrouver du mauvais côté de la rive. Redevenir soi. Rien que soi. Le rouge est une matière soluble : Péchin carillonne, est-ce un mariage ou un enterrement, l’on y va, toujours là se recroqueviller sur soi-même et dans les images des jours heureux, Péchin larmoie, c’est fini : rien ne la retiendra. N’est-elle pas revenue dans son innocence. Péchin pose quelques points de suspensions interminables. Mais qui finissent par cesser. Car tout ce qui a eu faim, finira.

         Blues au bout de la nuit de l’incomplétude humaine. Pas spécialement féministe. La solitude de tout être humain. L’on n’est pas loin de L’Enfer de Barbusse. Ne le lisez pas si vous broyez du noir. Félicitations à Yan, n’a pas le beau rôle mais l’a su rester dans l’ombre tout en jouant à la perfection son rôle d’accompagnateur. Céline Renoux est émouvante. Une introspection sans équivoque. Fascinante. On l’écouterait dire toute la nuit. C’est d’ailleurs là où elle nous conduit. Mais l’aurore ne se lève pas.

         A franchement parler c’est beaucoup plus poétique que rock’n’roll. Une Eurydice perdue qui retourne aux Enfers toute seule. Comme une grande.

Damie Chad.

 

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John Reece fut le bassiste des Shouts.  Son témoignage est captivant. Les Shouts auraient pu rester avec Gene, mais les disciples se doivent de dépasser le maître. Encore faut-il réussir… Les Shouts ne semblent avoir enregistré qu’un unique 45 ours après leur séparation avec Gene. L’ont-ils regretté ? Tout le long de la vidéo, John Reece feuillette un album de photographies de ces deux années qui ont dû illuminer son existence…

The Gene Vincent Files #13: John Reece of The Shouts, toured and recorded with Gene for 2 years.

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Voici une photo des Shouts prise derrière la mairie de Birmingham, et c’est tiré d’un des journaux de Birmingham pour prouver que c’était un groupe de Birmingham qui avait choisi pour accompagner Gene Vincent, et la photo dessous c’est nous tous ensemble dans un des vestiaires de Birmingham. Celui-ci c’est Jem (Field) le saxophoniste, Vincent vous le reconnaissez, Eric (Baker) l’organiste, moi-même avec une belle coupe de cheveux, Victor (Clark) le batteur fou, et voici Tim (Bates) qui fut un grand guitariste. Notre agent nous a demandé si nous nous étions intéressés pour une audition auprès de Gene Vincent. Mais il ajouta ‘’ Vous ne pourrez plus jamais travailler avec moi’’ Vous devrez désormais travailler avec Don Arden  qui  était très connu à Londres. Aussi nous avons répondu que ce serait un magnifique tremplin pour nous, d’avoir accès aux studios et tout le reste. Nous y sommes allés et avons eu une audition. Nous avons joué quelques morceaux de notre set et nous avons réussi. Il a dit : ‘’ très bien, c’est bon’’. Nous avons eu quelques répétitions avec Gene. Nous avons signé  tout de suite pour faire très vite quelques répétitions avec Gene. Il a loué un véritable cinéma  pour répéter, ainsi il pourrait entendre le son sur une scène

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installée  en un  espace plein de monde où il pourrait se faire une idée de ce à quoi ressemblerait le son avec les Shouts. Ainsi nous avons répété durant plusieurs semaines à Londres. Nous sommes restés à Londres et nous avons répété avec Gene en prévision de gros shows avec Duane Eddy and The Rebels (?) et d’autres gars de cet acabit,  il était impératif d’être à la hauteur sur tous les plans. Voici une photo

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qui a été prise dans un club en banlieue sud, un de mes amis qui jouait dans un groupe l’a aperçue  punaisée sur le mur du club, il a demandé au gérant s’il pouvait la prendre et il me l’a ramenée. A cette époque je pensais qu’il n’existait qu’une photographie de ce concert mais j’ai découvert récemment un photographe qui possède le négatif. Donc ce n’était pas la seule photographie de cette soirée.  Il doit y en avoir tout un tas. / Oui, j’étais un grand fan de Gene Vincent depuis mes quatorze ans, quelque temps avant que je ne quitte l’école. J’avais entendu quelques disques de Buddy Holly et de la plupart des gars importants de l’époque, mais Gene Vincent c’était quelque chose qui m’a harponné, je pense que c’était surtout le son des Blue Caps. J’ai aimé ce son et je suis devenu fou de cette musique et partout où j’allais j’ai pris l’habitude de collectionner les disques ou de dénicher quelques informations sur Gene et j’ai récupéré ces LP originaux que je possède encore aujourd’hui. Ils ne sont plus en très bon état, mais je les garde encore. J’ai donc récupéré tout un tas d’informations sur Gene.  J’étais un très gros fan. Jamais en 1963 j’aurais cru, ce devait être cinq ans après que j’ai quitté l’école, que je rejoindrais Gene. C’est inexplicable, c’est un peu comme un rêve qui  deviendrait réalité. J’étais vraiment en train de jouer avec cet homme, qu’il soit vraiment là, j’avais l’impression de m’être blessé au dos et aux cordes vocales.  J’adorais d’entendre les chœurs des Blue Caps, j’adorais les Blue Caps qui restent son meilleur groupe. Et ses premiers enregistrements, il n’y a aucun doute là -dessus. N’importe qui qui entende cela, tout le monde ne peut qu’agréer à ce boulot, ce premier boulot avec les Blue Caps, c’est le summum. Vous ne pouvez surpasser ce truc. / Bon voici quelque unes des premières

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photos avec Gene, en tournée. Il est très intéressant sur ces photos c’est de voir, une jeune dame là, Jackie Frisco, qui était sa petite amie, qu’il a fini par épouser,  je pense qu’il est resté jusqu’à la fin avec Jackie. Gene nous a demandé si Jackie pouvait chanter avec nous. Ainsi nous avons fait quelques titres avec Jackie. C’était vraiment une fille très agréable. Comme vous voyez elle était assez jeune. Voici quelques photos individuelles du groupe. / Non, nous étions sous contrats pour jouer avec Gene. Nous aurions pu accompagner Gene durant dix ans, c’est ainsi que les choses se présentaient.  Gene nous aimait bien et nous nous sentions bien avec  Gene, il a été le seul à nous emmener en studio pour enregistrer un LP avec lui. C’est lui qui nous a poussés à franchir le cap, voyez-vous. Oui nous avons enregistré une suite de quinze, seize morceaux. La plupart d’entre eux sont sur l’album.  Ils ont sorti Private Detective en single, qui me plaisait bien. Ce n’est pas monté jusqu’au top 10 ou top 20, mais ça me plaisait bien. Nous avons fait un Show Granada en 1964. Ça

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devait être en mars et nous avons fait cela avec Jerry Lee Lewis. Les Animals aussi ont fait une courte apparition qui était vraiment bien. Ils ont fait un morceau qui s’appelait Shout, croyez-le ou pas ! Quoique s’ils ont fait cela pour nous, non je ne le pense pas (il éclate de rire). Voici maintenant des clichés qui ont été pris par un

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photographe qui nous a suivis au Civic Hall de Wolverampton et nous savions qu’il allait les prendre. Elles sont assez claires, de bonnes photos de nous en train de bosser sur scène avec Gene. Quelques clichés sont découpés sur le journal. Celle-ci est excellente, sur celle-là nous nous produisions au London Auditorium / Lorsque nous sommes venus pour la première fois en France, nous ne savions pas ce qui nous attendait. Et ce qui nous est tombé dessus, c’était phénoménal. C’était comme si nous étions les Beatles parachutés là-bas, parce que Gene avait cinq titres dans le Top ten, C’était joliment merveilleux. Vous vous sentiez comme une star au-dessus de tout. Partout où nous allions nous étions acclamés. Nous jouions et tout ce que vous pouviez entendre c’était du bruit. Vous ne pouviez même pas vous entendre penser, ou jouer, ou tout autre chose, c’était hors de ce monde. Je comprends pourquoi John Lennon a déclaré une fois que le bruit ne s’arrêtait pas, qu’il n’appréciait pas parce que ce n’était pas autre chose que du bruit. Je suis d’accord car si vous ne pouvez pas entendre la musique, vous pouvez porter ce jugement  sévère en fin de compte, mais c’est tellement bon pour votre égo ! En Europe de fut très différent qu’en

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Angleterre, nous étions comme les Beatles et c’était super bon. J’ai réellement apprécié cette tournée, et nous avons tiré un maximum de publicité et quand nous sommes revenus en Angleterre, nous étions en extase. De retour en Angleterre, ce fut différent, la donne avait changé, car de nouveaux groupes survenaient, et vous vous retrouviez à jouer dans des salles de bal ou sur  des scènes du même genre, ce n’était pas vraiment la même ferveur que ce que nous avions connue en France car Gene n’atteignait pas en Angleterre au même niveau de popularité qui était le sien en France. / Là sur la gauche, la photo en haut, est un cliché du Granada Show que nous avons fait avec Gene. Comme vous pouvez le voir, il y a une haie de motos derrière sur le plateau. Mods and rockers le cul posé sur leurs motos et tout le cirque ! Ce fut un grand show. Ainsi vous pouvez voir que nous avons surtout effectué toute une saison d’été au Pavillon près de la Jetée Nord  de Blackpool. Gene jouait dans une ville un jour et la fois suivante dans une autre ville un autre jour. Mais à cette époque nous jouions pratiquement tous les dimanches à Blackpool ce qui était parfait. J’aime l’aventure et c’était vraiment bien tous ces différents types de publics. Gene aimait cela. / Don Arden  vous le savez avait une réputation de gangster. Il était petit, il avait un tabouret, et il avait un bureau. Gene avait, d’aussi loin que je me

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souvienne, des hauts et des bas dans ses relations avec Don car Don ne payait pas les salaires ou disparaissait le jour où il était supposé le faire. Chacun devait se rendre au bureau attendre et s’asseoir sur son derrière sur la moquette pour voir Don et dire : ‘’ Te rappelles-tu que tu dois de temps en temps me payer ? Parmi toutes les personnes, le plus souvent vous trouviez the Nashville Teens en train d’attendre Don Arden, et nous-mêmes. Donc nous étions-là assis sur la moquette pour voir Don qui nous laissait attendre pendant assez longtemps pour nous payer. Les relations de Gene étaient à peu près similaires mais il ne s’asseyait pas sur la moquette. Je pense qu’il envoyait son manager récupérer un chèque de temps en temps. Toutefois je ne pense pas que c’était vraiment tendu entre eux. C’était sa façon d’agir. Je veux dire, je sais que Gene avait une réputation, j'en étais plus ou moins conscient quand nous l'avons rejoint, parce qu'il circulait beaucoup d'informations dans les journaux sur Gene, les armes et Dieu sait quoi. Je pense que tout cela s’est tassé un peu quand bien sûr Jackie Frisco est arrivée, elle a beaucoup contribué à apaiser Gene. Et pourquoi vous et The Shouts avez-vous arrêté de l’accompagner ? Nous voulions voler de nos propres ailes, car nous avons réalisé à l'époque, comme vous  vous vous en doutez : il y avait les Beatles, les Searchers et tous les grands groupes, les Rolling

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Stones et The Shouts. C'était surtout Gene Vincent and The Shouts, et cet état de fait n’aurait jamais cessé à moins que nous prenions la décision de nous séparer de Gene. Nous voulions produire nos propres trucs, et produire ce dont nous nous sentions capables. Aussi avons-nous décidé de prendre notre envol. Nous avons enregistré et sorti She was my baby, un vieux titre de Jerry Lee Lewis sur React Records. Nous sommes restés un groupe stable auprès de Gene. Nous sommes restés une bonne période avec Gene. Je crois vraiment qu’il était heureux de pouvoir compter sur un groupe stable autour de lui. Ainsi il n’avait pas besoin de répéter avec un nouveau groupe, tous les six mois environ, après quoi un nouveau groupe arrivait. Il avait un

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groupe stable, il nous a lancés, grâce à lui nous avons eu accès aux studios, l’on a participé à des spectacles télévisés, il nous a emmenés en tournée en Europe. On a réalisé tout ça grâce à Gene. Il a pu profiter durant deux ans d’une belle période de stabilité. Je pense que c’était ce que Gene désirait. Il a eu, je pense, l’impression de revivre ses années avec les Blue Caps. Bien qu’il soit impossible de nous comparer aux Blue Caps. Evidemment les Blue Caps sont au-dessus de tout ! Regardez ici, vous n’apercevrez pas grand-chose, l’écriture est toute pâle, il a écrit : ‘’ C’était un plaisir de travailler avec vous’’. C’est Gene qui a  écrit cela juste avant que nous rentrions chez nous.

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Transcription : Damie Chad.

 Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos

 

 

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Souvent je termine mes maladroites traductions relatives aux artistes qui ont travaillé avec Gene Vincent par quelques lignes sur un personnage dont le nom apparaît durant l’entretien. Voire un document iconographique sur un lieu nommé dans l’interview. Comme par exemple de mettre une magnifique photo couleur d’une des trois jetées de Blackpool. Je voulais aussi donc dire trois mots sur Jackie Frisco. Mais j’ai trouvé beaucoup mieux.

WHEN YOU ASK  ABOUT…

JACKIE FRISCO

(Rave / 1962)

Jackie Frisco est née en 1946 en Angleterre. Un an après sa naissance ses parents s’installent en Afrique du Sud. Sa sœur Christina se marie avec Mickie Most le célèbre producteur anglais à qui le rock britannique doit beaucoup. Most décide de faire fortune au pays de son épouse, il fonde Mickie Most and the Playboy. Onze fois numéro 1, il retourne tout de même en Angleterre. Non seulement il a senti d’où viendrait le vent mais il a réfléchi à la manière de le chevaucher. Chanteur c’est bien : producteur c’est mieux. D’abord producteur chez Columbia, il fonde RAK sa compagnie de disques, mais il ne se contentera pas d’enregistrer des artistes, il produit hit sur hit en prenant bien soin de rester propriétaire de ses enregistrements… Autour de lui gravitent les Animals, Jeff Beck, Jimmy Page et  Peter Grant… Il n’en n’oublie pas pour autant l’Afrique du Sud, Rave sera un sous-label de RAK, il enregistrera la petite sœur de Christina, la toute jeune Jacqueline qui par un tour de baguette magique deviendra Jackie Frisco… En 1961,   en tournée en Afrique du Sud Gene rencontre lors d’une soirée Jackie. Qui le rejoindra à Londres en 1964… Durant six ans elle restera avec Gene dont elle sut prendre soin.

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(en France)

Ils finirent par se séparer  sans divorcer… Dernières nouvelles ? Etant devenue très pieuse elle aurait tiré un trait sur sa vie d’épouse d’un rocker sulfureux, et se serait opposée, voici plus de dix ans, puisqu’elle en est légalement la ‘’ propriétaire’’, à des fans français qui auraient voulu restaurer la tombe de Gene…

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When you ask about love : une voix de gamine, la première écoute est un peu pénible, mais quand on insiste, un charme discret opère, ce qui est étrange c’est cette espèce de dissociation entre la piste musicale et la bande vocale, cette dernière ne possède que la voix pour se défendre alors que l’on a l’impression que l’orchestration a toujours un petit truc en plus à proposer  pour monopoliser l’attention  par exemple trois secondes de saxophone et une espèce de piano dulcimérique qui se livre à d’habiles gymnastiques. Rocking horse : petit trot de poney gentillet, la cavalière saute bien les barres, pas plus de trente centimètres, sur le solo la guitare l’imite gentiment. Vous ne pouvez que féliciter la jeune cavalière de son parcours sans faute. Mais sans éclat. Young love : une reprise de Ric Cartey, jeune ‘’rocker’’ d’Atlanta, soyons franc l’interprétation de notre artiste est supérieure à l’original, ce qui n’est pas très difficile, Ric brame comme un cerf sans rut, et Jachie nous fait le coup de la petite fille innocente qui chante une chanson de ‘’grand’’ dont elle n’entrevoit pas tout à fait le sens. You can’t catch me : une simple guitare prédominante, la petite souris fait tout ce qu’elle peut pour attirer le matou mais elle n’est pas assez aguicheuse, l’on ne sent pas l’envie mutine de se faire prendre. Shooldays : virage rock’n’roll, la jeune élève aurait beaucoup à apprendre du vieux Chuck Berry, le guitariste beaucoup plus, l’ensemble reste rudimentaire, étrangement Jackie ne s’en sort pas trop mal. Endless Sleep : la version originale de Jody Reynolds nous a toujours paru supérieure celle de Marty Wilde, devant la charge mélodramatique du morceau la petite Jackie se doit de chanter comme une grande fille. La réussite n’est pas parfaite, surtout sur la fin, mais elle se débrouille pour ne pas être ridicule. Wait a minute : s’il n’y avait pas ces choeurs masculins de cha-cha-cha   d’une ringardise absolue qui perturbent dangereusement l’écoute, ce serait parfait, une instrumentation cavalcade, quant à Jackie elle caracole par-dessus comme une écuyère confirmée. Marty : une voix un tantinet plus alanguie que sur le morceau  précédent, mais la demoiselle maîtrise de plus en plus son sujet, elle donne l’impression de prendre de plus en plus d’assurance quand on avance dans le disque.

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 Lucille : n’a peur de rien, Marty rappelait Buddy Holly et nous voici avec Little Richard, pas question pour elle de screamer, alors elle prend sa petite voix de grande fille responsable, grandement aidée par l’organiste certes, mais elle tire son épingle du jeu avec une étonnante habileté. My dady told me : avec un tel titre l’on redoute le pire, Jackie se tire fort bien de son jeu (pas si) petite fille innocente. Elle vous roule le paternel dans la farine, et l’est assez satisfait de comprendre qu’elle n’est pas aussi niaise qu’il le craignait. I like summer : un petit slow pétillant qui ne crèvera pas de bulle à Wall Street, pas très long mais Jackie va jusqu’au bout. Beaucoup auraient abandonné entre temps ! I’m walking : notre sauterelle n’est pas de taille à se métamorphoser en gros matou débonnaire, c’est en l’entendant que l’on prend conscience de l’art de Fats Domino qui avec sa fausse indolence de renard rusé vous retourne une ritournelle dans la poêle à frire de son vocal pour la transformer en confiture ambroisique.  This little light of mine : elle se débrouille bien mieux sur ce titre de Ray Charles, deux noirs à la suite en Afrique du Sud ne serait-ce pas un peu trop, notre fine mouche a compris le truc, aucune chance de se mesurer avec le maître, alors elle trouve la parade, la seule possible : elle fait du Jackie Frisco. Mine de rien elle crée son propre style. When : la reprise, à elle toute seule, des Kalin  Twins, quelque peu impersonnelle parmi toute celles qui l’ont précédée et suivie...

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Ce n’est pas le microsillon du siècle mais cela permet de cerner davantage la personnalité de Jackie Frisco et de mieux comprendre ce qui par son expérience de chanteuse a pu la rapprocher de Gene.

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Deux titres qui se trouvent sur deux simples Decca sortis en 1963 : Sugar Baby : pas mal du tout, bien chanté  mais l’orchestration un peu trop vieillotte. He’s so near : manque un producteur aux idées claires, c’est dommage.

Je n’ai pas trouvé d’enregistrement de Jackie Frisco en tant que chanteuse du Peter Chester Combo avec lequel elle apparut sur scène en 1962 /63 lors de prestations scéniques en Angleterre. Peter Combo fut batteur du groupe Five Chesternuts dans lequel un certain Hank Marvin tenait la guitare.

Damie Chad.

 

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