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CHRONIQUES DE POURPRE - Page 5

  • CHRONIQUES DE POURPRE 685 : KR'TNT ! 685 : MONSTERS / FOAM ARTIFACT / MC5 / COURETTES / KIM WESTON / ROCKABILLY GENERATION NEWS / KRIMARKISIA / ERIC CALASSOU / POGO CAR CRASH CONTROL

    KR’TNT ! 

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 685

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    10 / 04 / 2025

     

    MONSTERS / FOAM ARTIFACT

    MC5 / COURETTES / KIM WESTON

    ROCKABILLY GENERATION NEWS

    KRIMARKISTA  / ERIC CALASSOU

    POGO CAR CRASH CONTROL

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 685

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

     - Monsters class

    (Part Three)

     

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             Ils nous font le coup à chaque fois : ils arrivent comme des membres d’une fanfare municipale, en vestes de gala rouges et pantalons noirs, et ils se congratulent par avance en se serrant la main avec de francs sourires. La seule différence avec les autres fois, c’est qu’il en manque un. Les Monsters ne sont plus que trois. La scène du Supersonic est tellement riquiqui qu’il n’y a de place que pour une seule batterie, alors que le power des Monsters repose sur la double batterie. Mais ta déception ne va pas durer longtemps.

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            Beat-Man commence par démonter les grilles de sa colonne d’ampli pour avoir le son plus direct des haut-parleurs. Il branche sa gratte, crack, et c’est aussitôt l’hallali ! Bim bam boom ! Tout ce que tu veux ! Beat-Man, c’est Zeus, il bouffe le rock tout cru, il tonne du blast à la tonne, il te tombe sur le râble avant que t’aies eu le temps de dire ouf, tu prends «Searching» en pleine poire, t’es au début et à la fin du rock, t’es au cœur du problème, t’es dans l’absolue réalité du blast, dans l’absolue nécessité de l’instant, Beat-Man te cloue à la porte de l’église, il te trashe les globules,

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    il te gave comme une oie, en seulement deux minutes, il te donne tout ce que tu peux attendre d’un concert de rock : la folie, le power, la véracité, la violence, la pureté, la magie, tu peux rameuter des milliers des mots pour tenter de situer la grandeur de Beat-Man, il t’échappera encore, car il est extraordinairement puissant. Il est l’incarnation de Zeus, c’est sûr, mais aussi celle du diable, un diable rigolard qui grésille d’intensité, qui dégouline fièvres malignes, qui se fond dans le rouge des spots, qui défie les lois de la physique, qui broie les atomes de l’air, Beat-Man, c’est du rock nucléaire, il est le White Light White Heat des temps modernes, il fracasse

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    les correspondances, il éclate les déconfitures, il carbonise les carlingues, il éviscère la véracité, il tire sur la corde comme un dingue, il démonte la gueule des limites, oui, c’est un diable magnifique qui propose de temps en temps des «heavy metal songs» qu’il joue avec une abnégation trucidaire, il t’aplatit l’imaginaire et te laboure la cervelle avec des solos encore plus heavy et déviants que ceux de Leigh Stephens au temps de Blue Cheer, et tu vois son œil briller. Son trash-rock est un trash-rock qui ne pardonne pas, qui ne revient jamais sur ses pas, c’est un sommet du genre, il porte le blast à incandescence, Beat-Man bat Lemmy et tous les cracks du genre à la course. Beat-Man is the Last Punk Standing, comme dirait Wild Billy Childish, son dernier concurrent.   

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             Beat-Man est le seul à savoir chanter aussi bien la mort («Dead»), qu’il enchaîne avec cet épouvantable blaster qu’est «Smell My Tongue». Quand il fait distribuer des sous-bocks, c’est pour faire chanter la salle avec lui sur «Yellow Snow Drink» et tout le monde y va de bon cœur - I’m gonna kill/ Myself/ Tonight - Ça le fait bien rigoler - I took my gun/ And shoot me up space - Et ça repart pour de nouveaux sommets, alors tu vois cette silhouette hallucinante se détacher dans le feu des spots, il se jette tout entier dans le chaos, comme s’il voulait repousser les limites de l’apocalypse.

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    Beat-Man reprend à son compte toute la mythologie du blast - c’est-à-dire Stooges/Motörhead/Saints/Lazy Cowgirls/Turbonegro /Dan Melchior/JSBX/ Headcoats/Hot Snakes - mais à la puissance mille. Tu sens ça lorsque tu passes une heure à ses pieds. Tu sens cette énergie hors du commun.

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             On retrouve tous les temps forts du set sur You’re Class I’m Trash. Toute la folie scénique s’y trouve, t’as 9 blasters sur 13 cuts, c’est un sommet du genre, il enchaîne «Gimme Germs», «Smell My Tongue», «Carpool Lane», «Dead» et «Stranger To Me», Beat-Man n’en finit plus de partir en vrille de la mort qui tue, dans le Louder Than Death cher à Lemmy, ton cœur balance au rythme de Beat-Man, Deeeeaaaaaad ! Et tu l’entends partir en vrille extra-liquide de solace d’excelsior, il ramène dans l’actu la disto liquide de Blue Cheer. Tout cela est extravagant de classe trash. Il ne dépasse pas les bornes, il les explose. Beat-Man est un blaster fou. Et ça continue ventre à terre avec «Electrobike Asshole» et ce «Get Drunk On You» encore plus barré. Puis il s’en va faire le diable dans «Devil Baby», I want you child, c’est atrocement génial, bombardé de son, dommage que Saint-Jean ne soit plus là pour écouter ça, car c’est le gendre d’apocalypse qui lui plairait. Beat-Man bat encore tous les records de trash avec cette dégueulerie qu’est «My Down Is Your Up». C’est l’un des albums du siècle. Comme le disait si bien Paul Alessandrini autrefois, pèse le pour et le contre et cours chez ton disquaire.

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             En 2017, Beat-Man fit une fois de plus trembler la terre avec M. En effet, une bombe se planque en B : «Nothing You Coward», pure merveille de beat intensif, d’autant que Beat-Man part en killer solo flash intersidéral. Et juste avant ça, il réinvente le garage moderne avec «Happy People Make Me Sick». Beat-Man s’y défosse d’un glou-glou à l’Anglaise, il fait son Eddie Phillips, c’est une véritable merveille et un honneur pour le lapin blanc que d’écouter ça - Get out of my fucking way/ You make me sick - et ça continue ainsi ad vitam aeternam. Une merveille des temps modernes. Puis dans «Too Pretty To Be Loved» qui sonne un peu prog, Beat-Man passe un solo de commotion atrocement bon, complètement congestionné de la ciboulette. Toute la folie du garage est là. Pas la peine d’aller chercher ailleurs. Et ça monte encore d’un cran terrible avec un «You Will Die» pris au heavy beat et d’une intensité qui dépasse carrément l’entendement. Le pauvre entendement n’a jamais vu ça de sa vie. Beat-Man pousse des cris sauvages, c’est embarqué à la basse, alrite, avec toute la folie de disturbance dont est capable ce Monster. Alors que s’abat la colère de Dieu sur la terre, il se dresse dans le tonnerre de l’apocalypse. Mais quand on attaque l’album normalement, c’est-à-dire par «Baby You’re My Drug», on se dit que c’est bon de retrouver ce vieux compagnon de délire. Beat-Man crée bien son monde. Ce cut d’ouverture de bal nous submerge aussitôt, tel une marée de gélatine noire et glacée. Avec «I Can’t Stop», les deux batteurs enterrent le beat au plus profond des catacombes. Encore une belle leçon de garage avec «Not Enough». Beat-Man ne prêche pas dans le désert et il passe au heavy sludge de dégoulinage d’exaction dépréciative embusquée avec l’effarant «I Don’t Want You Anymore». Oh, il y pique même une authentique crise de tituberie bulbique. Il termine cette A pulmonaire avec «Bongo Fuzz», un bel instro fuzzé de frais et gavé de basse. Quant au beat, c’est un rêve.

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             Dommage, l’album du Reverend Beat-Man & The New Wave paru en 2018 est un peu raté. Blues Trash n’a de blues trash que le premier cut de l’A, «I Have Enough». Il dit qu’il en a marre de ses mensonges et de what you tweet. Il dit son ras-le-bol sur un beat des catacombes beaucoup trop prévisible. Beat-Man tourne en rond. Il reste dans le boogaloo craouette pour «I’m Not Gonna Tell You». Mais ça ne veut pas décoller, même si coule une belle morve de fuzz sur nos gueules énamourées. Puis, petit à petit, il nous emmène dans une sorte de Balajo. Il va même se mettre à sonner comme la Mano Negra, ce qui est très ingrat. Comme il n’a plus grand chose à raconter, il ahoote ses souvenirs de Wolf. En B, il devient littéralement calamiteux. Il se prend pour Nick Cave («If I Knew»), pour Nico («Then We All Gonna Die»), pour Joujouka («Looking Right Through») et pour Kurt Weill (le dernier titre en allemand).

    Signé : Cazengler, Munster

    Monsters. Supersonic Records. Paris XIIe. 25 mars 2025

    Monsters. M. Voodoo Rhythm 2017

    Reverend Beat-Man & The New Wave. Blues Trash. Voodoo Rhythm 2018

    Monsters. You’re Class I’m Trash. Voodoo Rhythm 2021

     

     

    L’avenir du rock

     - Arty Artifact

             L’avenir du rock adore participer aux jeux télévisés. Il choisit de préférence les plus cons, comme par exemple le Jeu des Mille Arti.

             — Avenir du rock, comment nomme-t-on dans les milieux autorisés les chœurs des New York Dolls ? Vous avez dix secondes...

             Tic tac tic tac...

             — Les chœurs d’artichauts !

             Le public rassemblé dans le studio applaudit.

             — Avenir du rock, comment surnomme-t-on chez les experts en la matière le ramdam de Motörhead ? Vous avez dix secondes...

             Tic tac tic tac...

             — L’artillerie lourde !

             Ovation !

             — Avenir du rock, voulez-vous tenter le banco ?

             — Banco !

             — Voici donc la question du banco : comment qualifie-t-on à l’Académie Française les windmills de Pete Townshend ?

             Tic tac tic tac...

             — On dit qu’il articule ses clavicules !

             Nouvelle ovation !

             — Avenir du rock, voulez-vous tenter le super-banco ?

             — Super-banco !

             — Voici donc la question du super-banco : attention vous êtes prêt ? Donnez-moi s’il vous plaît le nom du groupe dont tout le monde aimerait parler, et qui, en attendant, mousse comme un crabe dans les ténèbres de l’underground ?

             Tic tac tic tac...

             — The Foam Artifact !

     

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             Sidérant ! Alors attention, ce n’est pas l’avenir du rock qui est sidérant. C’est The Foam Artifact, un power trio psychédélique basé à Rouen.

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             Dans les haut-parleurs, une voix suave annonce la début du concert et invite les voyageurs à se présenter au point d’embarquement. Plutôt que de monter à bord d’un aeroplane, comme dirait Alex Chilton, tu descends à la cave. Plutôt que d’être accueilli par une hôtesse sexy, t’es cueilli au menton par une belle fricassée d’accords de clairette. Ça n’a l’air de rien, dit comme ça, mais tu sens aussitôt le petit truc qui fait la différence. Ça sent bon le bingo. Dès les premières mesures. Ils sont trois et s’appellent The Foam Artifact. Il n’existe rien de plus psychédélique que ce nom. Ça mousse déjà dans ta pauvre cervelle. Ces trois petits mecs jouent comme des diables échappés d’une boîte de Pandore qui aurait appartenu à Syd Barrett. Et ça mousse !

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    Ça n’en finit plus de mousser ! Ils ont récupéré toutes les dynamiques du Grand Œuvre barrettien, mais ils les recyclent à leur façon, avec une niaque de punch qui en dit long sur la taille de leurs racines. Tu apprendras un peu plus tard que ces démons d’Artifact sont trois frères, les frères Lebois. Au beurre t’as Arthur, qui bat sec et net et sans bavure. Celui qui gratte ses poux là-bas s’appelle Benjamin, il passe parfois des solos approximatifs, mais il reste délicieusement bon esprit. Et puis t’as Martin le bassmatiqueur de choc, la colonne infernale du trio, le grand ravageur des Vendées, l’avaleur de sabre/cracheur de feu, l’ahurissant voltigeur du roi,

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    l’implacable pétaudière-man, le bass-killer d’ultra-choc, le petit prince de l’overdrive, l’explorateur du full-blown circonstanciel, l’artisan du psych-drenched psychosis, mais un psych-drenched psychosis comme tu n’en vois plus beaucoup, et il relance en permanence, il vit sa psychosis de tout son corps, il marque les temps forts en grimaçant comme un guerrier barbare qui viendrait tout juste de planter sa hache dans le crâne d’un moine, il n’en finit plus de labourer l’overdrive, de viruler à coups de slabs de psych-rock energy, il tape dans un registre tellement haut de gamme qu’on est obligé de penser à Jack Bruce, il développe un easy-going volubile avec des combinaisons de gammes atomisées, t’as vraiment l’impression que le cosmos tourne autour de lui, il est le point central du maelström, il dégage à lui seul plus d’énergie de psych-out so far out que tous les groupes connus dans ta philosophie, Horatio.

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             Et plus les Foam avancent dans leur set, plus le niveau d’énergie monte. Ça monte comme la marée. Avec le temps et l’expérience, tu finis par te focaliser sur le point central des groupes. Ici, c’est Martin Lebois, un autre soir ce sera Rudolf De Borst dans les Datsuns, et le soir d’après, ce sera Michel Basly dans les Cowboys. Quand tu tombes sur des artistes de cette qualité, tu ne les perds plus de vue un seul instant. Une heure, ça passe très vite, alors, tu rentres dans les détails. Disons un détail par seconde. Et tu ressors de l’atanor avec 60 détails en or greffés à ta cervelle. Tu ne te nourris plus que de détails. Tu laisses les généralités aux autres.

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             Coup de pot, les Foam ont enregistré un album. Pas de label. Pas de titre. L’album s’appelle The Foam Artifact. Que de la musique. Informations minimales mais musique maximale. Et tu retrouves dès «Jinx» cette belle dynamique montée sur le dos du bassmatic et ils basculent aussi sec dans le so far-out, avec un thème bien syncopé. Les poux se barrent dans le passé et notre héros du jour, Martin Bass Balam claque un hard drive bien domestiqué. Par contre, ils tapent à la suite un «Gelatin» plus poppy popette, avec un son de gratte quasi Taxi Girl, aïe aïe aïe. Heureusement que Martin Bass Balam joue à rebrousse poil. Et ça repart de plus belle avec «Scream Of The Church» et cette basse qui dévore la laine sur le dos du cut, cette basse qui gronde et qui double dans les virages, cette basse qui danse avec les loops et qui circonvule en continu, cette basse qui sort du cut et qui revient aussitôt, cette basse qui hoquette en quinconce et qui percole au pont d’Arcole, cette basse qui ergote dans le gaz, ce mec joue carrément la carte du tentaculaire linéaire, il est incroyablement fertile, il est à lui seul une vraie force motrice. Au fil des cuts, ils deviennent de plus en plus anglais. Ils tapent un rock extrêmement sophistiqué mais ça tient la route car les dynamiques sont implacables. Tu vois rarement des encorbellements aussi développés. Quelle clameur ! En B, ils restent dans cette esthétique du rock psyché suspendu au plafond, ils jouent envers et contre tout. «The Vault» restera dans les annales pour son attaque de laboureur envenimé et pour son architecture échevelée, oh bien sûr, une architecture n’a jamais eu de cheveux, mais c’est une image qui permet d’illustrer l’audace. C’est important, l’audace.

    Signé : Cazengler, Foamage

    The Foam Artifact. Le Trois Pièces. Rouen (76). 31 mars 2025

    Concert Braincrushing.

    The Foam Artifact. The Foam Artifact. Not On Label 2022

     

     

    Wizards & True Stars

     - Kramer tune

    (Part Four)

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             À peine enterré, Wayne Kramer refait surface un peu partout, chez les libraires, chez les disquaires et dans les kiosques à journaux. Ça fait plaisir de voir un héros revenir d’entre les morts. Oh yeah ! Kick out the tombs, motherfucker !

             Ton kiosquier va t’attraper par le collet pour te coller le museau sur trois de ses canards : Uncut, qui publie un vaste extrait de MC5: An Oral Biography Of Rock’s Most Revolutionary Band,  puis Vive Le Rock qui publie une fantastique interview de Don Was, et puis Mojo qui chronique l’album posthume de Brother Wayne, Heavy Lifting.

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             Les plus palpitant des trois est bien sûr l’interview de Don Was. Hommage direct à Brother Wayne, illustré sur la double d’ouverture par un portait plein pot de Brother Wayne avec les yeux fermés, souriant, les deux mains croisées sous le menton, comme s’il était en paix. Un héros en paix. Fantastique image ! Duncan Seaman salue la parution d’Heavy Lifting, le nouvel album du MC5 et signale au passage que Don Was, un vieux poto de Brother Wayne, y joue de la basse. Eh oui, qui dit Detroit dit Don Was, un Don Was qui se souvient de 1965, quand il était ado : «I saw them open for the Dave Clark 5 at the basketball arena in Detroit when they were wearing suits, they were the Motor City 5.» Il les a vus tellement de fois au Grande and around Detroit qu’il ne se souvient plus du décompte. Comme John Sinclair, Don Was est fan de Coltrane, mais il voyait un «crossover with what MC5 were trying to bring to rock.» Don Was est vite fasciné par le MC5 qu’il voit jammer avec des members of Pharoah Sanders’ band. Et il te sort ça, sans ciller : «Ce dont je me souviens de ce soir-là, c’est que je n’avais encore jamais entendu un truc pareil, et aujourd’hui, c’est-à-dire 50 ans plus tard, je n’ai encore jamais revu un truc pareil.» Don Was estime que le MC5 sortait un son qu’on ne pouvait cataloguer et qui défiait toute forme de genre, de formule ou de mode - That was the noblest thing you could do as a musician - C’est Don Was qui parle et ce qu’il dit n’est pas de la gnognote. Il insiste aussi pour rappeler que Mitch Ryder fut le premier blanc à sonner comme un black Soul singer et que Jack Scott fut en son temps the epitome of rock’n’roll, «and that’s kind of the essence of Detroit music and MC5 is the same thing.» Don Was rappelle ensuite qu’il a joué de la basse sur la tournée MC50. Brother Wayne lui a filé une bande avec les pistes de Michael Davis et Don Was s’est ingénié à les jouer note pour note. Il a découvert que Michael Davis et Dennis Thompson groovaient, avec des R’n’B syncopations, et il explique que les Stooges, c’était encore pire - They were like a primitive version of James Brown’s band - Après la fin du MC5, Brother Wayne a tenté de maintenir l’«ethos of the MC5 alive, and I think he spent a lifetime trying to do that. He walked the walked till he died, unflinching.»

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    Don Was

             Puis Don entre plus dans le détail de ce qui nous intéresse : la nature humaine. Voici un tout petit extrait de son éloge de Brother Wayne  : «He was one of my better friends in life. His soul was true. He was an honest cat.» Il ajoute plus loin : «I loved playing with him because he was a soulful cat and he had a deeply rhythmic pocket.»        

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             Uncut propose un vaste extrait de l’Oral Biography, donc tu lis pas l’article, autant lire le book. Dans un encadré, Rob Tyner raconte comment Jimi Hendrix lui a sauvé la mise. Eh oui, Rob flippait à cause de son afro et quand il a vu arriver la pochette d’Are You Experienced, tout est rentré dans l’ordre : son afro est devenu extrêmement cool. Tout le monde le félicitait, alors Rob a pu devenir Rob - The MC5’s music was symbolic of my freedom - Et plus loin, t’as Bob Ezrin qui revient sur Heavy Lifting, «the first new album to bear the band’s name since 1971’s High Time.» Brother Wayne et Brad Brooks avaient commencé à composer des cuts, en réaction au «shocking murder of George Floyd». En 2021, ils avaient 15 cuts «about what was going on in the world». Et Brad de préciser : «‘Barbarians At The Gate’ was about the insurrection, ‘Heavy Lifting’ was about a desperate man forced into crime and ‘Change Not Change’ is about the homeless situation in Oakland.» Ils enregistrent les démos avec Brad Brooks au chant, Don Was on bass et Abe Laboriel Jr on drums - And Wayne was raging on guitar - En 2023, l’album est prêt, et Brother Wayne entend «the final mixes».

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             Andrew Perry ne file que 3 étoiles à l’Heavy Lifting. N’importe quoi ! Et ça continue de tremper dans le grand n’importe quoi quand Perry rappelle que Bob Ezrin est connu pour avoir produit le Wall de Pink Floyd, le Destroyer de Kiss et tous les mauvais albums d’Alice Cooper, des albums que le Perry ose qualifier de ‘70s classics. Ah tu parles de classics ! Alors qu’il est là pour évoquer le MC5 ! L’autre problème de l’Heavy Lifting, ce sont les invités : Tom Morello, et pire encore, Slash. Don Was joue quasiment sur tous les cuts et Dennis Machine Gun Thompson bat le beurre sur deux d’entre eux.

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             Ton disquaire vient justement de le recevoir, l’Heavy Lifting. Il ne t’en parle pas, il se contente de pencher le buste en arrière et de mimer Brother Wayne en train de passer l’un de ces ultra-killer solos flash dont il avait le secret. Tu vas en entendre des killer kill kill sur l’Heavy Lifting, dans «Black Boots», par exemple, ça joue au plein-comme-un-œuf, Brother Wayne charge sa barcasse comme il l’a fait toute sa vie. Il en passe un autre dans «Barbarians At The Gate», le cut n’est pas jojo, mais le killer kill kill l’est. C’est William Duvall qui chante «The Edge Of The Switchblade». Ça décolle et ils duettent comme des démons. Et voici enfin un cut digne du Five : «Twenty Five Miles». Brother Wayne sait conduire une charge. Il contrebalance l’interspace du cut, c’est de très haut niveau. 50 ans après l’âge d’or, il sait encore claquer un heavy Detroit rock, il a des cuivres et il arrose tout ça de napalm d’or, comme dirait Yves Adrien. Nous voilà de retour dans l’esprit de la vieille fournaise, walk on ! C’est d’une rare puissance. Brother Wayne ramène la Stonesy d’«I Hear You Knocking» dans «Boys Who Play With Matches» et quand il part en killer kill kill, il se joue dessus. Machine Gun Thompson bat le beurre sur «Blind Eye», et il bat comme si sa pauvre vieille vie en dépendait. Encore du brillant wild Detroit rock avec «Can’t Be Found» et Brother Wayne part en killer kill kill de régurgitation d’une violence inégalée, t’as les poux des démons qui se croisent dans la fournaise et tu retrouves le spirit du Five au max de ses possibilités. Arf, tes mots s’épuisent à suivre tout ce bordel. Cet album boudé par la presse anglaise se termine avec «Hit It Hard», un funky boot sur lequel le bassmatic de Don Was fait la pluie et le beau temps. Alors attention, il y a un deuxième disk : un live du MC50, enregistré à Hambourg et à Seattle en 2018, avec Marcus Durant qui fait son cirque sur «Ramblin’ Rose», puis ça passe au Kick - Right now it’s time to ? - «Kick Out The Jams» ! Le hit absolu, motherfucker. Le beat n’a jamais été aussi épais. S’ensuit un «Come Together» qui repart à l’aventure. Quel power ! Brother Wayne in on fire. Il n’existe rien d’aussi explosif en Amérique. Sur «Motor City Is Burning», Marcus Durant fait de son mieux. Il s’implique sérieusement. Ici, tout est chauffé à blanc. Oh la violence de l’attaque dans «Gotta Keep Movin’» ! Encore en plein Five et le Marcus est bon sur ce coup-là. Marc Arm prend le chant sur «Future/Now». C’est comme d’ajouter du feu au feu, fire on fire, Marc Arm + Five = Boom ! C’est d’une puissance extravagante. Ils tapent aussi un «Shakin’ Street» tiré du deuxième album. Ça ne rate pas le coche, puis «Sister Anne», orchestré par un démon nommé Brother Wayne. C’est une délectation que d’entendre Brother Wayne gratter ses vieux poux, ça fait du bien d’entendre ça une dernière fois, surtout quand il fait sa pirouette d’absolute virtuoso.

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             Ton libraire va sauter sur son comptoir, et sur l’air de «Ramblin’ Rose», il va te vanter les mérites de MC5: An Oral Biography Of Rock’s Most Revolutionary Band. Bon tu vas lui dire que tu connais l’histoire par cœur, mais comme c’est une Oral History, tu te dis que l’angle change et que ça va kicker les jams dans ta vieille cervelle de névropathe. Et c’est exactement ce qui se passe.

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             Deux personnages volent le show dans le book : Rob Tyner et John Sinclair. Tu vois mieux la raison pour laquelle le MC5 était un groupe révolutionnaire : Sinclair et Tyner sont deux esprits révolutionnaires. Au même titre que Brother Wayne. Au même titre que Fred Sonic Smith (qui n’apparaît pas dans les interviews). Au même titre que Dennis Thompson. Tous ces gens sont passionnants. On est presque obligé de les prendre un par un.

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             Dans l’intro, l’accent est mis sur Rob Tyner qui grâce à ses «eccentricities and contrarian spirit» a permis de transformer le «small-time cover band the Bounty Hunters en MC5, a world-class unit qui allait rivaliser avec des gens comme Janis Joplin, Jimi Hendrix et les Doors.» À tout ça, il faut ajouter l’influence de James Brown et l’«exploratory spirit des jazzmen d’avant-garde» comme John Coltrane et Sun Ra, «that provided the inspiration that made the MC5 truly unique». Brother Wayne sait aussi qu’il existe une grande différence entre la musique des noirs et celle des blancs : «The Black music had more drive. That’s how we wanted to play.» Et il ajoute : «Once we found this great rhythm section, we started working on this concept of drive - The music had to have this forward power.»  

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             Tyner raconte son premier contact avec le groupe : Brother Wayne guitare, Fred basse et Leo beurre. Comme Fred veut jouer de la gatte, Tyner prend la basse. Puis il est viré. Mais Fred insiste pour qu’il revienne dans le groupe, car il adore sa nuttiness - A guy with a lot of crazy ideas and shit - Alors Tyner revient, mais comme lead singer. Comme Rob a des idées, on lui demande  ensuite s’il a des idées de nom pour le groupe. Oui, il en a deux - One was the Men. I liked that because it was very macho. The other one was the MC5. Wayne didn’t like the Men at all, so MC5 it was. He asked, «What’s it stand for?» and I said, «The Motor City 5, I guess.» - On voit tout de suite le niveau de Rob Tyner. Comme il est fasciné par McCoy Tyner, le pianiste de John Coltrane, il se baptise Rob Tyner. Il indique aussi que Brother Wayne est devenu Kramer en hommage au pianiste de blues Floyd Kramer. Rob aime bien les Anglais, mais pas les plus connus, il dit sa préférence pour les plus obscurs, comme les Troggs, ou encore les Pretty Things. Il dit aux autres : «Look at these guys. They play weird music and have hit records. Let’s be more like that.» Rob reconnaît aussi le power de Motown qui entre en conflit avec la British Invasion, «which was all lily-white». Alors le MC5 choisit la manière forte pour s’imposer : ils s’habillent en noir et jouent très fort - And then when we hit those first couple of chords and it was so fucking loud, it really grabbed people’s attention - On appelle ça la naissance d’une nation. Celle du MC5. Ils jouent en première partie du Dave Clark 5 - The DC5 meets the MC5 - Pour Rob, c’est l’apothéose. Mais comme Rob est un peu gras, ça pose un problème d’image. Et puis, il est un peu vieux : 20 ans - The band was like, ‘You’re over the hill, you’re too old.’ I was old at twenty! - Il craint en plus de perdre ses cheveux, comme l’a fait son père très jeune. Michael Davis ajoute que Rob n’avait pas la stature d’une rock star - He wasn’t skinny. He wasn’t pretty. He just had all this shit going against him. But what he did have was drive - Eh oui, Rob veut chanter dans un groupe de rock et rien ne va l’en empêcher. Ils composent «Looking At You» ensemble, Rob parle d’une «spontaneous composition» et d’une ambiance qui lui a permis de «créer et de chanter les paroles on the spot like a jazz player.» Quand le groupe recrute Dennis Thompson, Rob est content, car il le sent capable de «real wildness» - I really liked Dennis, but he was weird - Il lui trouve une «college mentality», il le trouve aussi «very mathematical», mais c’est ce qui l’intéresse le plus, car Rob pense que les «mathematical concepts had potential in our ‘avant-rock’.» Il reste persuadé que de mettre un crazy drummer avec un agressive guitar player, «you can do something with that.» Rob fait aussi le portrait de Fred Sonic Smith : «He had this stoic thing: never show emotion and never show pain. He never liked school or working, but he did have a deep affinity for the guitar, and that was engouh. That’s enough for a person.» Magnifique portrait.

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             La copine de Brother Wayne qui s’appelle Chris Hovnanian brosse elle aussi un joli portrait du groupe : «Wayne looked goofy, Rob was overweight, and Fred was sort of ugly like a Rolling Stone. Michael was handsome.» Elle ajoute que tout le monde a peur de Fred qui ne dit jamais rien.  

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             C’est Rob qui a l’idée d’enregistrer des versions live de leurs covers : «We Gotta Get Out Of This Place», «Gloria» et compagnie. Mais «those little rats» de Shadows Of Knight leur ont brûlé la politesse, alors Rob propose un autre cut de Van the Man, «I Can Only Give You Everything».

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             Le groupe décolle et fait route avec l’activisme de John Sinclair. Rob rappelle qu’à l’époque le blé n’était pas très important, Ils étaient dans un trip de partage, «this heavy anti-materialism thing» qui bien sûr est passé de mode. Rob : «Travel light, live fast, die young, all that stuff, and don’t bother about this money jazz.» Autre notion fondamentale chez Rob : le drive. Il voit Big Brother et il trouve qu’ils n’ont pas de rhythm section - There was no drive - C’est la différence avec la Detroit music qui a un «drive underneath it». D’ailleurs, quand le MC5 vient jouer à San Francisco, Rob sent bien que les gens ne les apprécient pas - They were not gonna get the Detroit groove - Il aborde aussi la question du cul. Il est le seul à être marié dans le groupe, alors les groupies, ça ne l’intéresse pas - I was in it for the art - Alors que les autres sont dans le groupe pour le sex & drugs & rock’n’roll.

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             Rob revient aussi sur la Convention Démocrate de Chicago. Norman Mailer qui assiste au concert qualifie le MC5 d’«electro-mechanical climax of the age», ce qui fait bien marrer Rob car il fut électrocuté sur scène ce jour-là. Son point de vue sur le White Panther Party vaut tout l’Or du Rhin : au début, il les trouve poilants - I just thought they were hysterically funny - parce que le Party nomme des ministres, Steve The Hawk Harnadek est nommé Minister of Fucking in the Streets. C’est parce qu’il les trouve funny and not being too heavy qu’il adhère, «and I was all for it.»

             Et puis il y a Detroit. No Summer of Love in Detroit, Brother Wayne parle plutôt d’un Summer of Fear and Paranoia. Et puis les émeutes, et puis les cops. On frappe à la porte de John Sinclair, il ouvre et se retrouve avec un flingue «pointed right in my face.» What the fuck ?

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             Là- dedans se coule le tombeur de ces dames, Michael Davis, dont on a ausculté l’autobio (I Brought Down The MC5) ici même en 2019. Brother Wayne décrit le beau Michael ainsi : «He was a beatnick, he liked downtown, he was an artist, a hipster, he smoked reefer.» Chris Hovnanian rappelle qu’il avait de la gueule, he looked great. Et elle trouve ça dur que le MC5 l’ait embauché uniquement parce qu’il était incredibly handsome. Michael Davis était un peintre et c’est Brother Wayne qui l’a convaincu de jouer de la basse. Ce que confirme Davis : «Yes I was the ladies’ man.» Il en profite pour présenter les autres : «Fred was the quiet tough guy. The Charles Bronson of the band. Wayne was the show-off - the guy that was always in your face (...) Rob was our beacon of enlightment and Dennis was like a little caveman. He was Bamm-Bamm.» Davis voit le groupe comme «five individuals contributing to a whole kind of art piece. It wasn’t just the music - it was the look, it was the attitude, it was the words, it was the clothes, it was the performance, it was kind of eberything. So, I looked at the thing like a huge painting, like working on a living sculpture. The MC5 was never just a rock’n’roll band.» Davis dit plus loin que le MC5 ne respectait pas beaucoup de groupes, à part les Who. Mais globalement, pas d’Américains. Il est encore plus radical lorsqu’il affirme que le MC5 s’est à ses yeux arrêté le soir où ils ont enregistré Kick Out The Jams au Grande Ballroom. Il voyait le MC5 comme un groupe expérimental. Après le 31 octobre 1968, c’est fini, le groupe va devenir prévisible - We knew what we were supposed to sound like - Il ne supporte plus de jouer dans ce groupe, aussi éprouve-t-il un soulagement énorme lorsqu’il quitte le MC5 en févier 1972 - It had been a totally ecstatic experience in the early days, but it became an absolute nightmare.

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             Ce qui intrigue John Sinclair au début, c’est le «street-punk intellectualism» de Rob Tyner, alors il va voir le MC5 en concert, et bien qu’étant un fan de jazz, il apprécie énormément le groupe - I saw they were doing the same sort of things as Coltrane and the other free jazz artists. yeah, they were playing rock and roll, but with more creativity and improvisation - Et crack c’est parti, Sinclair adhère au party. Il rappelle qu’il a grandi avec les pionniers du rock, puis il est passé au jazz - By 1960, rock music was a dead issue to me - Il n’aime pas non plus Motown qui sonne trop bubblegum à ses oreilles. Il ne jure que par Archie Shepp et Cecil Taylor. Et crack, le MC5 ! Il voit Brother Wayne comme le «leader of the band, but Rob was the brain of the outfit» - When they did «Black To Comm», man, that fucking killed me. That was right up my alley - Puis Sinclair va devenir le manager du MC5 - I can take responsability for this - Sinclair se souvient comment le MC5 a écrabouillé Big Brother - We killed Big Brother & The Holding Company - Pour ça, ils disposaient de l’arme fatale, «Black To Comm», «that we used like an atomic bomb at the end of the set.» Sinclair dit aussi que dans le van, en allant au concert, ils écoutaient James Brown Live At The Apollo et le Live At Birdland de John Coltrane - The energy and the power of James Brown. He was the model - Sinclair évoque les Stooges à sa façon - The Stooges. Ce n’était pas un nom choisi au hasard. The concept of the stooge was he disdn’t care. Ils ont créé un wall of sound et Iggy dansait devant. C’était le concept, and it worked. When you’d see the fucking Stooges, it was incredible. Jaw-droppin. It was funny. Blood Sweat & Tears avaient entendu parler du MC5 et ne voulaient pas d’eux en première partie. Mais on leur a baisé la gueule en mettant les Stooges en première partie - En réalité, John Sinclair ne les supporte pas : «These Stooges assholes, they’re just lunatic fringe.» Les Stooges en ont autant à son service : ils trouvent le White Panther Party «humourous and sorta stupid.»

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             Sinclair rappelle aussi qu’avant le MC5, les Rationals et Bob Seger avaient déjà enregistré des disks - Great records, in my estimation - Quand il voit débarquer Danny Fields, il ne le perçoit pas comme un «money-grabbing record industry guy», il lui trouve de la classe «and certainly artistic integrity. Unusual indeed.»

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             Ce que raconte Danny Fields dans ce book est passionnant. Il dit venir d’une scène cool, «the Andy Warhol crowd, and I loved the Velvet Underground, and we were very cool. Sinclair was the opposite of cool. He was high-energy and an imposing figure. He was a magnificent specimen of power poetry.» Et plus loin il ajoute : «I just thought he was a great guy.» Il découvre ensuite le MC5 sur scène, «but their music didn’t change my life. Kramer must’ve suspectd that, because the Stooges did change my life.» Il trouve les Stooges plus modernes - The MC5 were full of energy and the songs were catchy. More traditional. The Stooges, on the other hand, were on the edge of the cliff of modern musical taste. To me that was art - Quand il appelle Jac Holzman pour lui vendre les deux groupes, il dit au téléphone : «I’ve just seen two bands that changed my life.» Jac demande pour combien on peut les avoir et Danny Fields fixe les prix :  20 000 $ pour le MC5 qui commence à être connu, et 5 000 pour les Stooges qui ne sont pas encore connus. Jac lui dit : «Do it.»

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             John Sinclair n’aime pas Jon Laudau, le mec qui va reprendre le MC5 en main pour Back In The USA et couper les liens avec le White Panther Party, et donc Sinclair - Landau couldn’t accept who they were. He wanted them to sound like Booker T. & The MGs, which was absurd - Landau avait produit Brouce Springsteen, et ils allaient bien ensemble ces deux-là «because Springsteen doesn’t sound anything like rock ‘n’roll.» Et crack ! C’est tellement vrai. Et Sinclair en remet une couche : «When he (Landau) finished with them, they didn’t sound like the MC5. They sounded  like the Monkees.» Et crack ! Comme Zola avant lui, Sinclair accuse : «Il a brisé la confiance qu’ils avaient en eux et d’une certaine façon, il a favorisé leur auto-destruction, parce qu’il a réussi à détruire leur identité. Il avait aussi réussi à les convaincre de couper les liens avec les White Panthers.» C’est vrai que Landau a complètement reformaté le groupe. On a eu du mal à l’époque à passer de Kick Out The Jams à Back In The USA. Ce n’est plus tout à fait le même groupe. Avec Back In The USA, on a perdu la sauvagerie du Live.

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             Rob voit Back In The USA comme un «bizarre New Wave album six years ahead of its time.» Cheveux plus courts, cuts plus courts - Everything was compact. Really clean and right to the point - Il parle aussi de discipline et surtout d’un «return to the basics», c’est-à-dire le groupe qu’ils étaient au début.

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             Sinclair en veut aussi beaucoup à Lester Bangs qui, dans une chronique de débutant pour Rolling Stone, avait massacré Kick Out The Jams. Des années plus tard, Bangs s’est excusé auprès de Sinclair, en lui disant que Kick Out The Jams était devenu son album favori, mais le mal était fait. Sinclair : «That fucking asshole! Couldn’t he see? He ruined their whole career! He killed this music that became his favorite. It was his fault that we hired Landau. Et c’est à cause de Laudau qu’ils se sont rabougris. They voluntary surrended their power.» Eh oui, il a raison Sinclair : le MC5 a rendu les armes.

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             Brother Wayne intervient toujours à bon escient dans cette Oral History. Voilà comment il règle le compte de Cream  : «On a eu une petite confrontation avec Cream. Ils sont arrivés et ont joué ces solos interminables. Ils improvisaient pendant des heures. À l’époque, j’écoutais John Coltrane improviser. Il peut improviser pendant vingt minutes et continuer de capter votre attention. Je suis désolé, mais Eric Clapton est incapable d’improviser pendant vingt minutes et continuer de capter votre attention. On s’ennuyait. Et ça me foutait en rogne parce que je voyais que le public appréciait. I thought, This is bullshit» Que fait-on dans ces cas-là : on lui serre la pogne. Merci Brother Wayne de dire les choses comme elles doivent être dites. Clapton ? Boring.

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             Brother Wayne se souvient aussi qu’avant d’embaucher Rob, il envisageait s’embaucher this kid Bob Seger - I know he could do the job - Il songeait aussi à Scott Morgan, «somebody that’s a good singer that looks good, and we’ll do the rest.» Et puis c’est Fred qui penche pour Rob. Brother Wayne se souvient aussi de sa première rencontre avec Mick Farren, qui supervisait le Phun City festival, dans le sud de l’Angleterre. Farren voulait le MC5 à l’affiche, alors ils sont venus. Brother Wayne va trouver Farren pour causer du cachet - I wanted to get paid before we played. He said, «Money? Uh... There is no money.» I said, «We’re four thousand miles from home and you tell me there insn’t any money?» He said, «No, no money. It’s a free festival.» - Ça ressemble à la rencontre de deux titans.

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             Ron Asheton fait pas mal d’apparitions dans le book. Il se souvient de son premier contact avec le MC5 au Grande Ballroom : à l’époque, il jouait de la basse dans les Chosen Few. Il ajoute plus loin que les Stooges ont pu exister grâce au MC5. Ils avaient en commun le même mépris pour les groupes célèbres. Et le même respect pour les Who - I’d seen the Who at the Cavern Club en 1965, and for me, the MC5 were the first musicians that carried that kind of attitude locally. They were cultivating a whole new situation - Ron qui a oublié d’être con, se dit surpris d’avoir, avec les Stooges, duré plus longtemps que le MC5, surtout avec «the limited talents that we had at those times. They really burned out fast.» Puis quand il les voit engager le bras de fer avec le business, il sait qu’ils sont foutus - They really were street guys, and that’s why they died the way they did. They were the real essence of Detroit - Ron admirait surtout Rob. Il le voyait comme le fils spirituel de John Sinclair - Kramer et Thompson s’engueulaient tout le temps. Ils se criaient dessus - Et ça qui résume tellement bien le contexte : «You get the combination of Fred Smith, Dennis Thompson and Wayne Kramer together, and it was like fucking mixing nitroglycerin. They were roughhousing guys, lots of punches... and arguments all the time.» Ron voit aussi que le MC5 se moque de Rob, mais il l’aime bien, car ils sont tous les deux pareils, des outcasts. Ron admire aussi le MC5 pour leur goût des excès, «alcohol or anything. Drugs. And fighting». Alors que dans les Stooges, «we never, ever came to blows. But those guys would just wreak havoc.» Ron les voit aussi s’adonner aux joies du «rocket reducer», «which is basically sniffing glue.» Il assiste ensuite à la transformation du groupe, entre le premier et le deuxième album - The MC5 really started to become a caricature of themselves - Il voit Dennis Thompson battre si vite que personne dans le groupe ne pouvait le suivre, «and then Michael Davis started getting high and that’s when it really started coming apart.» Il n’empêche qu’aux yeux de Ron, Dennis Thompson «is the greatest drummer in rock’n’roll.» Il voit aussi les ravages qu’occasionne Landau dans le groupe. Il les entraîne comme une équipe de foot, a sports team. Il les oblige à manger des steaks et de la salade - Then he took them in the studio and just sterilized them - Ron est le plus féroce avec Landau - All Landau did was take everything out of it. Not like I dislike the album (Back In The USA), but it’s not something that I put on either. I can tell you that the Stooges were all very disappointed  with that record.

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             On croit connaître l’histoire du MC5 par cœur. Mais non. Qui se souvient de ce que disait Norman Mailer du MC5 ? Mailer décrivait leur son comme «the sound of mountains crashing... an electric crescendo screaming as if at the electro-mechanical climax of the age.» C’est Mailer qui attire l’attention sur le MC5. Leni Sinclair qui est la femme de John rappelle aussi un truc capital : chaque fois que son mec John était arrêté par les flics, il devenait plus radical, ce qui terrorisait le groupe - The band were not political revolutionaries. Cultural revolutionaries, yes - Retour aussi sur l’incroyable connerie de Lester Bangs qui dans Rolling Stone, osa dire que les «bozos» du MC5 ne savaient pas jouer, et qu’ils ne valaient pas mieux «que ces groupes amateurs, les Seeds  et Question Mark & The Mysterians.» Ces insultes datent de 1969. Jamais pu encadrer cette buse de Bangs. Cet article combiné à la page de pub payée par Sinclair (Fuck Hudson’s) a failli couler le MC5, un groupe génial qui prenait son envol. Elektra les a virés. Pas grave, Atlantic va les récupérer.

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    ( Fred Sonis Smith )

             Puis ils entrent en guerre avec Bill Graham à cause de ce concert pourri au Fillmore East.  En plus, on ne les supporte pas sur la Côte Ouest. Pire encore à Seattle, où on les hait. Sinclair : «They really hated us in Seattle. I’ll tell ya. That’s the one I remember the most vividly. We opened for Jethro Tull, the worst band in the world. Oh, they just hated us!». Dennis Thomson raconte qu’au breakfast, Ian Anderson et Fred Smith avaient un «philosophical debate about music, and Ian called Fred a stupid fucking bloody colonialist.» Alors Fred a attrapé son verre de jus d’orange et l’a balancé dans la gueule d’Anderson. Brother Wayne se souvient aussi d’avoir rencontré Anderson - I thought the guy was about as intelligent as a mailbox.

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             C’est Jerry Wexler qui signe le MC5 sur Atlantic, sur la recommandation du rock critic Jon Landau qui à l’époque bosse pour Rolling Stone. Impressionné par leur revolutionary spirit, Wex les signe pour 50 000 $ - it seemed to good to be true - Mais à l’époque, le groupe finançait la communauté de John Sinclair, le White Panther Party, 37 personnes vivant dans le «three-story Ann Arbor hippie complex.» Le groupe profite de cette avalanche de blé pour quitter Ann Arbor et s’installer dans une baraque à Hamburg, Michigan, à 100 bornes d’Ann Arbor. Loin du White Panther Party et de tous ses parasites.

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             Et c’est là à Hamburg qu’entre en scène celui que Dennis Thompson appelle «the Hitler who came in and reduced the powerful MC5 into a goddam wedding band. I called him a facist dictator.» Eh oui, avec l’arrivée de Landau, le MC5 va perdre ce qui faisait sa spécificité : l’énergie insurrectionnelle. Landau commence à faire le ménage dans le groupe. Il trouve que Michael Davis ne sait pas jouer. Il demande à Brother Wayne de jouer les lignes de basse. Thompson est furieux : «Back In The USA exemplified everything we weren’t because it was trying to be so perfect.» Et il enfonce son clou : «We sacrified power to perfection.» Fred n’aime pas non plus la façon dont l’album se fait, mais il ne dit rien. Laudau a pris le pouvoir. Tout le monde ferme sa gueule. Fred fait tout de même savoir à Hitler qu’il n’est pas question de virer Michael Davis. Pour Dennis Thompson, cet album est la fin des haricots - That was the death of the MC5, as far as I’m concerned - L’enregistrement de l’album se passe mal. Brother Wayne est le seul à prendre la défense d’Hitler. Hitler a mis tout le groupe au régime sec. No alcohol. No LSD. Il leur fait bouffer des yaourts. Il les oblige à faire du jogging. Il dit à Rob qu’il doit prendre des leçons de chant. À Rob ! Il dit à Michael : «Michael you’re not good enough to play.» Voilà le travail ! Dennis Thompson revient à la charge : «If you don’t have Michael Davis playing bass, you don’t have the MC5 anymore. You were selling everybody a lie. You had the MC4.» Il est bien le petit Dennis. C’est lui qui dit les choses comme il faut les dire. In the face. L’histoire du MC5 est une tragédie. Après Bangs, Landau les a complètement bousillés.

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    Ronan O’Rahilly va essayer de les sauver en les faisant venir en Europe. Mais le groupe est alors entré en zone d’auto-destruction. Ils engagent Dee Anthony comme manager, mais ça ne marche pas. Anthony leur fait un procès et garde tout leur blé. Fred commence à composer. «Shakin’ Street» et Tonight», c’est lui. Ils se mettent à bosser sur High Time, le troisième album. Le producteur d’appelle Geoffrey Haslam, un mec qui a bossé avec le Velvet. L’ambiance est de retour.  Le power aussi. Dennis Thompson est ravi - Another album and we would’ve been killing it - Mais Atlantic les vire. Brother Wayne appelle ça the final blow - No record company, no manager, and no Jon Landau or Danny Fields to support us - Ronan O’Rahilly les fait venir en Angleterre pour le Phun City festival de 1970. Brother Wayne ajoute que Fred adore O’Rahilly. C’est là que débarque l’hero - Hell we were the MC5, and we could conqueer any drug. But smack was stronger than any person - Comme tout le monde, Dennis commence avec les «penny caps» puis il finit avec les «little red gel caps» - Before anyone knew it, the bad, the belligerent, and dangerous MC5 were reduced to becoming a bunch of damn junkies. It stopped us cold and cooked everyone’s nuts - Dennis ajoute que Fred et Wayne avaient aussi le même problème. Pour eux, l’hero est le seul moyen de balayer les angoisses - If you didn’t want to look at all the pains, heroin washed it away. We were all tired of the pain.

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             O’Rahilly réussit à leur aménager un contrat avec Philips Records en Hollande, mais le label veut voir le groupe sur scène. Ils sont sous Quaaludes quand ils montent sur scène, et c’est une catastrophe. Rob réussir l’exploit de se casser la gueule en voulant sauter sur une plate-forme. Fin du contrat. Brother Wayne dit aussi que Michael se faisait plus de blé en dealant de la dope à Detroit qu’en jouant dans le groupe, alors il a commencé à ne plus venir aux concerts. Il a même raté son avion pour l’Angleterre. Lorsqu’il est arrivé, il ne jouait pas très bien, alors il a fallu le virer. Michael est rentré aux États-Unis. Ouf, il n’en pouvait plus du MC5.

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             O’Rahilly leur trouve one baraque en Angleterre et Brother Wayne croit que le groupe peut redémarrer. Mais Dennis n’est plus en état de rien du tout. Il va scorer toutes les nuits. Brother Wayne ne peut rien lui dire, parce qu’il fait la même chose - Even Rob was having issues with his Quaaludes and weirdness - La désintégration du groupe est extrêmement bien décrite. Ce sont des pages qu’il faut lire impérativement. C’est aussi à ce moment-là que le MC5 se retrouve à Wembley pour participer au grand festival de rock’n’roll. En accord avec Ronan, ils décident de re-capturer leur vieille énergie et de se déguiser. Mais sur scène, Rob reçoit une canette de bière en pleine gueule et commet l’erreur de la renvoyer - When he did that, it rained beer cans - Brother Wayne est furieux : «Just the wrong thing to do.» Et de conclure : «The show was a total disaster.» La malédiction du MC5 ! Seule note positive : dans la coulisse, Chucky Chuckah les filme avec sa caméra. Il aime bien le MC5. Il dira même à Wayne qui s’est peint le visage en or qu’il look like «a golden boy».

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    Becky and Rob Tyner

             Dennis finit par annoncer qu’il quitte le groupe. Il a peur de mourir et veut entrer en detox. En plus le groupe ne gagne pas un rond : «There’s no money in it, and nothing is working out. It’s all horrible.» Dans la foulée, Rob fait exactement la même chose : «You know what? I’m not going either.» Quelques jours plus tard, au cours d’un repas, Fred et Brother Wayne tentent de convaincre Rob de repartir en Angleterre où les attend Ronan. Quand Rob dit non, Fred se lève et lui met son poing dans la gueule. Beky Tyner ordonne à Fred de quitter sa maison sur le champ. Elle ajoute que Brother Wayne devenait menaçant : il fréquentait des gangsters on the East Side et comme Rob et elle avait la trouille, alors ils ont dû déménager vite fait.

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             Fred et Brother Wayne débarquent en Europe. Ronan leur a booké un world-class tour de six semaines. Mais il y a un problème : ils n’ont pas de chanteur. Brother Wayne pense à Bob Seger, puis à Scott Morgan. Mais ils ne sont pas disponibles. Tant pis, ils montent sur scène à trois, avec un batteur qu’ils ne connaissent pas. C’est vraiment la fin des haricots. Le public se plaint. Où est Rob Tyner ? Fred et Brother Wayne essayent de chanter les hits du MC5, mais ils n’y arrivent pas. Ils jouent tout en Mi, mais ils n’arrivent à chanter en Mi, comme le faisait Rob. Le MC5 vit ses derniers spasmes. Fred veut appeler le groupe Ascension, en l’honneur de John Coltrane. La mort dans l’âme, la formation originelle du MC5 donne un concert d’adieu au Grande Ballroom. Brother Wayne : «I remember it being so bad that I left in the middle of the set. I went over to Fred and said, «Fred, I can’t do this anymore.» I unplugged and walked out, copped, went home, and got loaded. We were unbelievably bad. Michael was so out of it that the tempos were gone. There was no energy. I remember «Looking At You» just disintegred on us.»  À quoi Dennis ajoute, la mort dans l’âme : «There was a time when we played the Grande and there was 1,500 people butt to butt, and at our last show, there were maybe 300 people. And we sucked.»    

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              Brother Wayne rappelle les three or four things qui ont brisé les reins du MC5 - Premier coup quand Elektra a précipité la sortie de notre premier album. Deuxième coup : lorsqu’on a perdu John Sinclair as a manager. Troisième coup : when we couldn’t get Landau to manage us. The dope. We discovered heroin, and that proved to be our greatest downfall.

    Signé : Cazengler, Kramerde

    MC5. Heavy Lifting. Earmusic 2024

    Brad Tolinski. MC5: An Oral Biography Of Rock’s Most Revolutionary Band.

    Andrew Perry : Five alive! Mojo # 572 - November 2024

    Ready to testify. Uncut # 332 - December 2024

    Duncan Seaman : The heart of rock’n’roll. Vive le Rock # 117 - 2024

     

     

    L’avenir du rock

     - Elle court elle court la Courette

    (Part Two)

             L’avenir du rock sent venir l’embrouille : il aperçoit au loin cet abruti de Livingstone qui descend la dune avec sa barbe, son casque colonial, son short, ses chaussettes en laine et ses grosses pompes de crapahuteur. Ah putain, quelle misère !, se dit l’avenir du rock en approchant de l’intrus.

             — Alors, pomme de terre, vous avez décidé de me gâcher l’errance dans le désert ? Vous n’allez tout de même pas me dire que vous cherchez Stanley ? Vous m’avez déjà fait le coup une fois, alors ça suffit ! Vous me rendriez le plus grand service en fermant votre gueule !

             Choqué par l’agressivité de l’avenir du rock, Livingstone n’ose rien dire. Il observe le détritus qui se tient devant lui. Depuis leur dernière rencontre, l’état de l’avenir du rock s’est considérablement dégradé. Il ressemble désormais à un reliquat de fausse couche. D’énormes cloques lui boursouflent le crâne et ses yeux sont réduits à deux fentes purulentes. Des poils qui ressemblent à des poils de cul lui dévorent la figue desséchée qui lui sert de visage. Un filet de bave finit de sécher au coin du trou qui lui sert de bouche, et ce qui reste de ses fringues ne cache pas grand-chose de son immense détresse physiologique. Le pire est ce vermicelle qui lui pendouille entre les jambes. Ce pauvre hère qui erre semble plus ratatiné qu’une escalope oubliée au fond d’une poêle restée sur le feu. L’avenir du rock ne s’en rend pas compte, mais il offre à ses rares interlocuteurs le spectacle à la fois atroce et grotesque d’une extrême dégradation, et Livingstone n’est pas loin de penser qu’elle est aussi physique que mentale. Putain, quelle misère, pense-t-il. Comme il n’y a plus rien à ajouter, et tous les deux écœurés par l’inutilité de leur rencontre, ils reprennent leur chemin. Quelques mètres plus loin, pris de remords, l’avenir du rock se retourne et lance :

             — À propos de Stanley : Sylvain Tintin m’a dit qu’il l’avait croisé voici quelques mois...

             — Où donc ?

             — Par là...

             — J’y Courette !

     

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             Pendant que l’estime de Livingston remonte dans la cervelle abîmée de l’avenir du rock, les Courettes courent toujours. Leur nouvel album paraît et la presse déroule le tapis rouge. Cette fois, c’est un tapis rouge plus que bien mérité : The Soul Of The Fabulous Courettes est un album en forme de coup de Jarnac spectorien. Allez hop, six pages dans Shindig!. Distance idéale pour sortir des sentiers battus et des clichés habituels. Martin et Flavia Courette ne sont pas n’importe qui. Ils redorent pas mal de blasons avec leurs petits bras et leurs petites jambes.

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             Kate Hodges n’y va pas de main morte : «The hardest working band in garage showbiz.»  Les deux Courettes se sont rencontrés dans un van de tournée au Brésil : lui tournait avec son groupe Columbian Neckties et elle avec le sien The Autoramas. Elle n’était pas ravie à l’idée de passer deux semaines coincée dans le van avec neuf mecs. Puis elle s’aperçoit que Martin a la même collection de disques qu’elle. Alors ça matche. En 2015, elle quitte le Brésil pour s’installer au Danemark. Flavia profite de l’article pour rendre hommage à Totor : «He connects rock’n’roll history. You have his work with the Beatles, George Harrison and John Lennon, Ike & Tina Turner. You have punk-rock with The Ramones. And The Beach Boys, as Brian Wilson was a big fan.» Elle raconte qu’ils sont allés visiter le studio A d’Hitsville USA, à Detroit, et le Stax Museum à Memphis. Au Brésil, Flavia se souvient d’avoir vu Nirvana quand elle avait 11 ans, les Ramones quand elle en avait 13. Elle achetait des CDs d’occase, Beatles and Seeds - so that was my mix: ‘60s, B-rock, a bit of riot grrrl - Et puis ils ont un fils. Elle rappelle qu’ils ne vivent que des tournées. 

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             C’est James Sharples qui les interviewe dans Vive Le Rock. Ils bénéficient d’un joli fond rouge, pour les images. Flavia repart sur le thème du «rock’n’roll transatlantic love story» de 2013. Elle n’ira s’installer au Danemark que deux ans plus tard, après une «2-year long distance relationship». Elle est fière de son petit bilan : «En 11 ans, on a formé les Courettes, on s’est mariés, on a eu un fils, enregistré quatre albums et parcouru le monde en jouant notre musique, touring non-stop around Europe, UK, USA, Canada, Japan and Brazil.» C’est vrai que ça impressionne. Et ça doit même en boucher un coin aux ceusses qui brament que le rock est mort. Avec une équipe comme les Courettes, le rock ne s’est jamais aussi bien porté. Flavia dit aussi sa fierté d’avoir développé son «own Wall Of Sound production». Martin parle du nouvel album en termes de «garage soul Wall Of Sound milestone». Un Wall Of Sound qu’ils ont déjà testé sur Back In Mono, leur premier album spectorish. Ils voulaient enregistrer Back In Mono Two, mais encore plus évolué. Pas facile ! Alors que Back In Mono était dédié aux girl-groups, The Soul Of est nous dit Flavia plus axé sur Motown, Sonny & Cher, Nancy & Lee, avec des coups de douze pour établir un lien avec la psychedelia californienne. Quel brouet ! Elle ajoute qu’en plus d’Hitsville USA et du Stax Musieum, ils ont visité the Sun Studio, Graceland, Al Green’s gospel church in Memphis, Chess Studio à Chicago et Laurel Canyon en Calfornie. Ça s’appelle un pilgrimage. En plus, l’album est en stéréo, and has a bigger sound.  

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             Eh oui, elle a raison de parler d’un bigger sound. The Soul Of The Fabulous Courettes semble réinventer une deuxième fois le Wall Of Sound. Dès «You Woo Me», on est frappé par l’incroyable profondeur de champ du son. T’as Gottehrer dans le team de prod. Prod encore avec «Boom Boom Boom», là t’es en plein Totor, le son est plein comme un œuf, avec les castagnettes dans l’écho du temps d’avant - Boom boom boom out of my chest - La La Brooks des Crystals vient duetter avec Flavia sur «California», pour un shoot de pop silver sixties, et ça explose comme au temps du Brill. C’est l’objectif. Inutile d’ajouter que les coups de génie pullulent sur cet album, à commencer par ce «Keep Dancing» fantastiquement pop, Flavia est tellement bonne ! Coup de génie encore avec «Wall Of Pain», en plein Brill, elle sait créer les conditions du génie pop, ça monte en neige, elle renoue avec la grandeur du genre, te voilà revenu dans le giron de Totor et des géants du Brill ! Encore de la pop de Brill avec «Stop Doing That», c’est d’une perfection qui dépasse les bornes. Avec «Shake», elle tape dans le drive de gaga minimaliste, elle danse d’un pied sur l’autre et descend au barbu pour se gratter la fuzz. Cet album qu’on peut sans rougir qualifier de faramineux se termine avec «For Your Love» qui n’est pas celui qu’on croit, c’est une Beautiful Song bâtie sur le principe scientifique de l’envolée, elle la joue en réverb avec des effets lointains et ça rosit les joues du charme. Ça monte et c’est beau comme une érection.    

    Singé : Cazengler, court toujours

    Courettes. The Soul Of The Fabulous Courettes. Damaged Goods 2024

    James Sharples : Boom Boom Boom. Vive Le Rock # 116 - 2024

    Kate Hodges. Mr & Mrs Soul. Shindig! # 155 - September 2024

     

     

    Inside the goldmine

    - La conquête du Far Weston

             Aussitôt la première partie de catch sur le ring drapé de Baby West, ce fut l’accord parfait.

    Cette partie laissait présager d’un brillant avenir relationnel, au moins au plan organique. Il ne tarissait plus d’éloges. Jamais il n’avait goûté pareils délices. Jamais aucune femme, disait-il, n’avait hissé si haut le pavillon des plaisirs coupables. Éperdu de reconnaissance, il confia à Baby West que sa queue vibrait encore du souvenir de ses attentions. Baby West croulait littéralement sous le poids des compliments. Elle n’en demandait pas tant. Il alla jusqu’à lui raconter que sa science tactile relevait de l’expertise. Il lui fit tourner la tête en lui affirmant qu’elle incarnait à la perfection la compagne qu’il faut souhaiter à tout homme, si, si, insistait-il, alors qu’elle tentait de résister. Baby West était une brune plutôt petite, un peu rondelette, aimant bien rigoler, et d’une simplicité émouvante, d’origine très modeste. Ses dix frères et elle sortaient d’un roman de Zola. Il prit l’habitude de lui rendre visite deux fois par semaine, et il redoublait chaque fois de compliments tous plus exaltés les uns que les autres. Il lui disait qu’il n’était pas possible d’être aussi bien reçu et butiné avec une telle gourmandise. Il la félicitait, mais il félicitait surtout ses lèvres et ses doigts qu’il qualifiait de doigts de fée. Pendant de longs mois, il fut accueilli comme dans un rêve. Sitôt la porte refermée et sans autre préambule, Baby West s’agenouillait, le déboutonnait et enfournait ce qu’il avait de plus précieux, avec une voracité exemplaire. Tout en elle indiquait qu’elle adorait ça, car elle roucoulait, elle couinait des miam miam et des shlurrrps qui en disaient long sur l’incongruité de son imaginaire érotique. Elle œuvrait avec un luxe de tripotages inégalable. Personne n’aurait pu résister à une telle emprise. Il lui était impossible de s’arracher à cette étreinte, et la fatalité finissait souvent par le prendre de vitesse. Alors, pour meubler la soirée, il lui redisait sa fascination pour son expertise, il la bombardait de questions, il voulait savoir comment elle pouvait connaître sur le bout des doigts tous les ressorts de la masculinité. Elle répondait qu’elle n’en savait rien. Pour elle, c’était naturel. Elle n’avait que ce mot-là à la bouche. Naturel. Cette notion de naturel lui déplaisait profondément, mais dès qu’il prenait l’apéro, il oubliait ses réticences, sautait dans sa bagnole et retournait la voir. 

     

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             Apparemment, Kim Weston n’a pas eu beaucoup plus de chance avec les hommes. Les relations sentimentales sont toujours très complexes, et même imparfaites. L’harmonie n’est pas toujours au rendez-vous. Quand on vit une relation de couple privée d’expertise, on va voir ailleurs. Et on tombe sur une Baby West qui n’a hélas que son expertise à offrir, rien d’autre.   

             Deux choses à propos de Kim Weston. Un, elle figure parmi les très grandes stars de la chanson américaine, beaucoup trop surdimensionnée pour un label comme Motown. Deux, elle fut la poule de Mickey Stevenson, un Mickey Stevenson qu’on retrouve systématiquement crédité comme producteur sur tous les albums solos de la grande Kim Weston. 

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             C’est Mickey Stevenson qui la repère à Detroit et qui l’envoie étudier l’art dramatique et le chant à New York. Quand elle revient à Detroit, elle n’enregistre qu’un seul album sur Tamla, la fameux Take Two en duo avec Marvin Gaye. Kim est alors la poule de Mickey Stevenson, l’A&R de Motown, qui d’ailleurs produit l’album et compose pas mal de cuts, dont ce petit coup de génie planqué en B, «I Want You ‘Round», une espèce de slow-groove crapuleux dégoulinant de magie vocale, ce qu’on appelle communément une merveille inexorable. Mickey Stevenson et Sylvia Moy composent aussi l’«It Takes Two» d’ouverture de balda, véritable shoot de fast pop de Soul, on assiste à un bel échange entre Marv et Kim. C’est encore le trio infernal HDH qui rafle la mise avec «Baby I Need Your Loving», pur jus de Motown, Marv et Kim la jouent fine, baby baby, ils te groovent ça vite fait. Tout est beau chez Mickey Stevenson, sa prod éclate au Sénégal. Marv et Kim reviennent sonner les cloches de la B avec un «Till There Was You» signé Frank Wilson. C’est le slow groove des jours heureux et ça monte droit au firmament, Kim le prend à l’azur marmoréen et Marv au velours de l’estomac.

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             Quand Mickey Stevenson se fâche avec Berry Gordy et qu’il quitte Motown, il emmène Kim avec lui et la signe sur MGM. Un premier album solo paraît en 1966 : For The First Time. On voit tout de suite que Kim peut monter en puissance, façon Broadway. Elle vise la grande Soul d’art total, une Soul extrêmement arrangée et chantée à la Nina Simone. Mais elle est certainement trop sophistiquée pour les fans de Soul. Elle jazze son «Walking Happy» jusqu’à l’oss de l’ass. Elle ouvre son bal de B avec une cover de «The Beat Goes On». Elle te jazze le beat vite fait - Drums keep pounding/ A rhythm to the brain - elle injecte tout Broadway dans cette merveille intemporelle. Fantastique allure de boys keep chasing girls to get a kiss et de cars keep going faster all the time. Elle tape aussi dans Brel avec «If You Go Away», version américaine de «Ne Me Quitte Pas». Elle te l’embobine vite fait. Elle défonce encore la rondelle des anales avec «Come Rain Or Come Shine», du Broadway pur, quasi-Minnelli. Il faut aussi la voir claquer son come back to me dans «Come Back To Me», elle s’y montre fabuleusement jazz, avec un punch monstrueux, elle s’en va chanter la suite à la pointe de l’octave, elle règne sans partage. God save the Kim !

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             Avec un titre pareil, This Is America ne peut être que du Broadway patriotique. Alors Kim chante au large. Elle n’a aucun problème à aller taper dans l’intapable avec «The Impossible Dream» de Jacques Brel. Elle est plus forte que le Roquefort. Elle n’a rien à faire dans les bacs de Soul : c’est une jazzeuse de Broadway. En B, elle reste merveilleusement proche de Lisa Minnelli et de Shirley Bassey avec «Touch The Earth». Kim est délicieuse.           

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             Nouveau album de duo en 1969 avec Johnny Nash. On écoute Johnny Nash & Kim Weston pour deux raisons fondamentales : la cover de «The Letter» et «Baby Don’t You Leave Me». Comme ils ont tous les deux des voix très féminines, on s’y perd un peu. Nash chante soft et Kim l’épouse bien. Nash est même beaucoup trop soft, les violons n’arrangent rien. Par contre, ils y vont franco de port sur «Baby Don’t You Leave Me», ils te groovent une fabuleuse fondue de voix avec un guitar slinging bien acide par derrière. Et comme toujours avec Mickey Stevenson, ça reste de la pop sophistiquée. La cover de «The Letter» se planque en B, ils en font une mouture bien tendue, nerveuse, fougueuse à souhait, chantée à deux voix. Ils font aussi de la belle pop de langueur monotone avec «Stranded In The Middle Of No Place», une pop bien perlée, lumineuse et même extatique.

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             La pochette de Kim Kim Kim est un peu bizarre, le montage photo est sous-exposé, on ne voit pas grand-chose. Il semble que Kim soit dans la période Miriam Makeba/Nina Simone. Au dos, on voit que Mickey Stevenson s’est dessiné un petit logo touchant : Mikim, qui symbolise l’union de Mickey & Kim. On retrouve la grosse présence de Kim dès le «You Just Don’t Know» d’ouverture de balda. Elle bouffe la Soul de Volt toute crue. C’est énorme et même spectaculaire de voir Kim dans tous ses états. Elle remplit l’espace aussi facilement que le font Shirley Bassey et Lorraine Ellison. Avec «What Could Be Better», elle est à la fois tentaculaire et océanique. Mais c’est en B que se joue véritablement le destin de Kim Kim Kim, elle commence par élaborer la Soul de «Buy Myself A Man», elle tartine jusqu’en haut, là où se perd le regard. Puis elle tape dans Solomon avec «Got To Get You Off My Mind», avec un léger parfum de gospel, et comme tu as Patrice Holloway dans les chœurs, alors ça swingue. Elle passe à la classic Soul de r’n’b avec «Soul On Fire», mais ce n’est pas son truc. C’est du Volt Sound très orchestré, mais elle n’est pas aussi fulgurante qu’à Broadway. Elle boucle sa B avec «The Choice Is Up To You (Walk With Jesus)», elle est vraiment faite pour le Porgy & Bess, pour les ambiances des couches supérieures.   

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             Paru en 1970, Big Brass For Poster pourrait bien être son meilleur album. Il s’agit en fait d’un album de covers, c’est du trié sur le volet. Elle tape pas mal dans les Beatles, avec le «Something» du roi George, elle le prend au slow groove de Broadway, elle en fait une version swinguée qui alterne le soleil et la pluie, c’est inspiré au plus haut point. Dommage qu’on ne sache pas le nom du guitar slinger. Elle tape aussi dans «Eleanor Rigby» : big Broadway bush ultra-cuivré, elle chante comme mille diables. Elle fait aussi une version sensible de «Don’t Let Me Down», c’est toujours très Broadway, plein de possibilités, elle chante les bras en croix, au carrefour des grandes avenues du monde, elle chante à si pleine voix qu’elle éblouit, wow, quelle pugnacité ! Comme Eugène Boudin, elle est la reine des ciels. Avec «Something I Can Feel», elle est aux frontières de Burt. Même pureté mélodique. Elle rivalise de grandeur tutélaire avec Lisa Minnelli dans «My Man». Même groove de jazzeuse impénitente, elle s’en va gueuler my man à la pointe sidérale de l’octave. Et puis comme si tout cela ne suffisait pas, voilà qu’elle tape dans «Windmills Of Your Mind». Pas de magie plus blanche que celle de Michel Legrand. Comme le Vanilla Fudge et Dusty chérie, elle explose le cercle magique, elle l’explose de fond en comble, elle en fait une abominable aventure subliminale. On se retrouve tout bêtement au paradis, au cœur du fin du fin, dans l’antre palpitant du saint des saints, elle donne de la grandeur à l’odeur de sainteté. Encore une autre cerise sur le gâtö ? Oui, avec sa vision de «Sound Of Silence». Chez Kim, tout fond dans la bouche, and the vison that was planted in my brain/ It still remains, elle le gronde dans le giron de sa féminité profonde, dans l’éclat de sa concupiscence, Kim est une carne, elle élève le Sound of Silence au rang de sub-chef-d’œuvre, au rang d’enchantement technicolor, elle lui donne des lettres de noblesse.

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             Quand on croise Investigate dans un bac de Soul, on se dit : «Tiens, Kim Weston vire diskö !». Elle a une vraie tête de Diskö queen. Mais si on jette un coup d’œil au dos, on tombe sur le logo de Motorcity, le label de Ian Levine. Soit on fait «Ha ha !», soit on fait «Ho ho !», en tous les cas, on ramasse Investigate pour l’investiguer. Bon, c’est vrai qu’elle attaque en mode diskö, mais elle le fait sans conviction. On se penche un peu plus sur les crédits et qui qu’on voit ? Le nom de Sylvia Moy qui compose avec Ian Levine. Ça, c’est du crédit ! Mais tu vas aussi croiser les noms de Stevenson/Norman Whitfield qui signent «It Should Have Been Me», alors Kim se met à enchanter cet album. Comme la compo est superbe, Kim fait monter la neige. Elle boucle son balda avec du HDH, c’est-à-dire du Holland/Dozier/Holland, «Take Me In Your Arms», du heavy Motown de Motorcity et c’est excellent. Fantastique énergie rythmique ! Idéal pour une louve comme Kim. Et paf, en B, elle tape le fameux «Dancing In The Street». Dans ses mémoires, Mickey Stevenson, co-auteur de ce hit avec Marvin Gaye et Ivy Jo Turner, raconte qu’ils proposèrent Dancing à Kim mais ça ne collait pas. Martha Reeves qui était là sauta sur l’occasion et en fit le hit mondial que l’on sait. Alors Kim prend sa revanche avec cette mouture extraordinaire, elle y va au pouvoir absolu, c’est du pur sweet sweet mucic/ Everywhere, elle prend sa revanche sur Martha, c’est complètement à sa main. Puis elle tape dans HDH avec «Helpless. Elle est parfaitement à l’aise avec HDH. Elle est tellement brillante !

    Signé : Cazengler, Kim Veston

    Kim Weston. For The First Time. MGM Records 1966

    Marvin Gaye & Kim Weston. Take Two. Tamla 1966

    Kim Weston. This Is America. MGM Records 1968            

    Johnny Nash & Kim Weston. Major Minor 1969  

    Kim Weston. Kim Kim Kim. Volt 1970

    Kim Weston. Big Brass For Poster. People Records 1970 

    Kim Weston. Investigate. Motorcity Records 1990

     

    *

    _ Docteur Damie je suis venu parce que je me sens mal !

             _ Je vois bien, vous avez une mine de déterré, d’ailleurs si je m’écoutais au lieu de perdre mon temps à vous examiner je devrais plutôt vous refiler un permis de vous inhumer vivant, en remplissant votre tombe vous combleriez le trou de la Sécurité Sociale.

             _ Docteur Damie, s’il vous plaît, j’en appelle à votre conscience et à votre réputation d’humaniste j’accepterais de tripler le prix de la consultation !

             _ Vous m’excuserez moi j’en appelle à votre devoir de citoyen qui n’entend point augmenter la dette nationale. Sacrifiez-vous pour le bien commun !

             _  Docteur Damie, je consens à faire un effort, je vous promets une somme de 1000 euros si vous daignez vous occuper de moi !

             _ Bon ! si vous me prenez par les sentiments, mais ne le dites à personne !

    _ Merci Docteur !

    _ Ne perdons pas de temps, tirez la langue et dites 33 !

    _  … v…vi… vin… vin … neu… neuf ! C’est tout ce que j’arrive à dire docteur, croyez-vous que ce soit grave…

    _ Désespéré, vous ne passerez pas le mois de juin !

    _ Docteur, je vous en prie, une intervention chirurgicale, je ne sais pas moi, il n’y a donc aucune chance de survie !

    _ Ne comptez pas sur la chance, seule la science peut vous sauver !

    _ Docteur Damie, dans toute la  ville l’on dit que vous êtes formidable et que votre science est grande.

    _ C’est doublement exact, je sais bien que la plupart de mes collègues devant la gravité de votre cas préfèrerait vous tirer une balle dans la tête que de tenter la seule prescription possible, la fameuse RGN 33 AMJ !

    _ Docteur je suis prêt à tenter l’impossible, expliquez-moi tout !

    _ C’est une méthode américaine mise au point par un certain docteur Huey Smith, le gars ne faisait pas de détail, pour le calmer ses collègues n’arrêtaient pas de lui dire piano-piano ! L’est vrai que son traitement était ébouriffant !

    _ Peu m’importe de souffrir, docteur Damie !

    _ Je ne suis pas sûr que vous survivriez, un certain docteur Mitchell voici quelques années a repris sa méthode, une manière un peu plus douce, les résultats se sont quelque peu améliorés, enfin tous les avis ne concordent pas…

    _ Docteur prescrivez, prescrivez, je vous en prie, tenez je signe un chèque de 200O Euros !

    _ Bon, faisons vite avant que vous ne changiez d’avis, vous souffrez du syndrome Pneumonia Rock And Boogi-Woogie Flue. La fameuse méthode contraceptive RGN 33 AMJ. Vous m’en direz des nouvelles. Tenez la voici, je sais, c’est un peu lourd, quarante-huit pages, écoutez-moi bien, vu votre niveau intellectuel je vais vous la commenter, vous suivrez mes recommandations à la lettre, c’est votre survie qui en dépend, c’est compliqué, l’important pour réussir c’est de saisir l’ordre chronologique d’application…

    ROCKABILLY GENERATION NEWS

    N° 33 / AVRIL / MAI / JUIN

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             Donc l’ordre chronologique, nous filons tout de suite page 30. Décoction de racines, mise au point par le chercheur Julien Bollinger. Avant le Rock‘n’Roll qu’y avait -il ? Le Blues ! Et avant le Blues ? Là on descend au fond du fond. Plus roots vous ne trouverez pas. La preuve l’est né en 1874 ! Certes des gars qui chantaient, ça ne devait pas manquer à l’époque , mais d’Henry Thomas on possède des enregistrements (1927- 1930) ! Vous le connaissez même si vous ignoriez jusqu’à son existence, Going up the Country c’est lui (sous le titre Old Country Stomp). Faut l’écouter. Guitare et une espèce de flûte de Pan, c’est fou comme ça ne sonne pas vieillot, preuve qu’au travers du blues, du folk et du rock il existe une continuité étonnante. L’article est super bien écrit, fourmille de renseignements et de réflexions.

             Attention, traitement de fond, page 3 à 15, soit douze piqûres fournies par le laboratoire Jean-Louis Rancurel, un truc ultra-vitaminé, les années Golf-Drouot. Une potion magique, emplies de photos inédites, je pique par exemple celle de de Nancy Holloways ou celle de Vince Taylor l’ange noir tout vêtu  de blanc, Bill Halley, Gene Vincent, Eddy Mitchell et Johnny Hallyday, plus tous les autres, et bien sûr celui par l’absence duquel rien ne serait arrivé : Henri Leproux, Rancurel le décrit exactement de la même manière, grande modestie et intègre dévouement, que Joëlle, une amie chère qui avait relaté dans son émission radio Âme Rock Café, sa rencontre avec Henri accompagné de sa femme Colette, tous deux esseulés, tristes mais dignes, dans un salon du livre attendant pour signer leur livre et partager leur passion… Grâce à l’interview de Sergio nous suivons cette épopée mythique des commencements du rock français… une histoire qui court des pionniers à la renaissance rockabilly… comme par hasard il n’y a pas eu grand monde pour s’opposer à sa fermeture administrative…

             Pour raffermir le cœur, siège des émotions, n’oublions pas qu’il a deux côtés, donc pour le premier ventricule une double potion. Pages : 42-43 : la journée d’hommage à Crazy Cavan, concert des Rhythm Rockers avec Joe Grogan, le fils Cavan au chant. N’oublions pas qu’au début des seventies ce sont les Teds en Grande-Bretagne qui ont perpétué contre vents et marées pop le good old rock’n’roll !

             Soyons juste, n’oublions pas le deuxième ventricule, les ricains n’ont pas tardé à reprendre le flambeau au début des eighties, donc quatre pages d’une bonne rasade de Stray Cats, pas eux en personne, pages 24-27 mais Christophe Pillemy, un fan oui, mais un fan-collectionneur, vous en rencontrez un max dans les milieux rock, une maison remplie d’une multitude de disques, de photos, d’objets, le genre de démarche incompréhensible pour les gens non passionnés, nous rappellerons que chacun poursuit son bonheur là où il le trouve…

             Super bien foutu ce numéro, vous traversez un siècle et demi (1974-2025) de rock’n’roll sans vous en rendre compte, et il reste encore vingt pages d’actualité. Car le rockabilly ne se limite pas aux Stray Cats dont Christophe Pillemy a retracé l’influence sur nombre de groupes en pleine action aujourd’hui. Par exemple les Rhythm Aces, ils sont en couverture, ils squattent la double page centrale, et vous les retrouvez en concert à la fin du fascicule, des britichs de passage à Quimper, ils se racontent, surtout Peter, beaucoup de cheminement rock’n’roll, et pour finir une histoire d’amour que l’on ne lit que dans les romans. Qu’est-ce que le destin ?

             Une extraordinaire soirée au Cirque Electrique avec nos Ghost Highway, et une mirobolante floppée d’invités. Une Teddy Cats Party à Strasbourg avec Nelson Carrera (il n’a aucun mérite, il possède une voix de rêve qu’il maîtrise avec un art époustouflant), mais encore Nightingale and the Haydock, Badcraft, Big Dood and Hot Swingers, il y en a d’autres mais vous êtes assez grands pour les retrouver…

             Vous avez eu le passé et le présent, pour le futur, il porte un nom : Jc Le Lascar, Parmain n’est pas terminé que notre Lascar lance un nouveau festival :    Rockin Montsoul… Le rock’n’roll a la vie dure !

             Ce numéro est un peu comme l’œuf cosmique du rockabilly, en plus Sergio Katz n’a pas oublié de joindre ses splendides photos !

             Si vous ne l’avez pas, c’est peut-être que vous ne le méritez pas !

    Damie Chad

    Editée par l'Association Rockabilly  Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois),  6 Euros + 4,72 de frais de port soit 10,72 E pour 1 numéro.  Abonnement 4 numéros : 39 Euros (Port Compris), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( Rajouter 1,10 € ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de tous les magazines... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents ! 

     

    *

             Les mots nous attendent-ils ? Toujours est-il qu’ils nous attirent. Surtout lorsqu’ils accompagnent une image qui n’a apparemment rien à voir avec leur signification. Certes si l’on prend pour idée que les chevaux de Neptune ont un rapport certain avec la mer représentée par cette couve envoûtante… 

    THE LIGHT KEEPER

    TRIMARKISIA

    ( Bandcamp / Février 2025)

             J’ai d’abord pensé avoir affaire à un trio, le préfixe ‘’tri’’ induisait cette hypothèse qui s’est vite révélée fausse. Le groupe s’est vite réduit à un one man band. Je ne suis guère favorable à ce genre de formation solitaire. Un a priori, je l’accorde. Autant un vieux bluesman – ces vieux étaient en réalité très jeunes – penché sur sa guitare me séduit, autant je me méfie : les musiciens d’aujourd’hui ayant à leurs dispositions de multiples objets technologiques, ne parlons pas de l’aide de l’IA, une pétition de principe je l’admets. 

             Pour ceux qui adorent les chevaux, la trimarkisia était une technique militaire employée par les cavaliers celtes. Il s’agissait de combler les pertes subies dans le combat durant la bataille-même. Le principe était simple. Chaque cavalier possédait deux aides, plus une ou deux montures d’appoint tenus en réserve derrière les unité combattantes, chargés illico presto de remplacer, si j’ose dire jusqu’à épuisement du stock, le cheval ou le maître blessé ou tué… Plus tard au Moyen-Âge, nous aurons le Chevalier et l’Ecuyer…

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    La couve est un tableau d’Albert Pinkham Ryder (1847 – 1917) peintre américain qui usa d’une technique particulière, alternant sur ses toiles des couches à séchage lent avec d’autres à séchage rapide. Une étrange lumière se dégage de ses tableaux, dont la conservation se révèle très difficile, la superposition des couches créant une grande instabilité… Pour donner une idée des résultats obtenus par Pinkham, ce paraphe est précédé de la reproduction d’une de ses œuvres : Te Race Track

    Notre one man band se nomme Wilhem Osoba.  Le seul renseignement que j’ai pu obtenir est celle de son implantation géographique en la bonne ville d’Albi située en pleines terres occitanes. Un peu surprenant quand on regarde la marine choisie pour  illustrer ce premier EP. N’oublions pas que les voyages, sur terre, sur mer, parmi les étoiles se déroulent avant tout au travers du philtre de notre imaginaire.

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    The Light Keeper : l’expression ‘’light keeper’’ perd de sa poésie lorsque l’on la traduit en français par le gardien du phare. Une voix rugueuse, orageuse, elle se fraie un chemin parmi les vagues de la musique conquérante qui souligne davantage qu’elle ne tente à submerger la nef vocale, sepulcra vox en laquelle se reflètent les fantômes du passé, le paysage sonore, tourbillons d’écume sur les récifs noirs, phare dans la tempête qui ruisselle autant des assauts des vagues que des eaux des  rêves que la marée emporte ou ramène, ainsi s’échappe la folie mouvante des solitaires confrontés à eux-mêmes dans un dialogue sans fin avec la force élémentale. Last Days of Rain : les derniers jours de pluie sont les plus longs, aussi larges que l’immensité blafarde du ciel embrumé, aussi impitoyables que les assauts répétés  des flots éternels de l’océan.  La nuit s’est perdue. Le jour glauque est revenu. La guitare s’étire tel un écheveau de laine grise, viennent les moments espérés de dormance, la voix moutonne une drôle de berceuse, l’appel à un sommeil calfeutré dans la coque de l’oubli des sensations et du rêve éveillé. Aven : le gouffre sans fin des tristesses résolues et non révolues, presque un chœur d’espoir funéraire, tomber sans fin dans le puits sans fond du songe. Un voyage immobile au cœur de soi-même, une chevauchée infinie sur des terres gastes qui reculent sans cesse, le rythme s’alourdit, presque un chevalier à la tête de son ost, parti reconquérir son royaume, celui qui n’existe pas dans ce monde-ci et peut-être même pas  dans celui de l’ailleurs, mais chevaucher sans arrêt, ressentir au moins le sentiment de pouvoir saisir, s’emparer et se situer enfin dans l’éternité de son rêve. Le gouffre de l’émoi est encore plus profond au tréfonds de moi. When the Sun No Longer Rise : comme un bruit une guitare qui vrombit, est-ce pour annoncer la fin du voyage, le bout du tunnel qui débouche sur l’inconsistance de toute existence, la voix est plus lourde, celle d’un soudard désemparé qui ne croit plus en son but, au fond du trou, le rêve s’est évanoui, ne pousse que la solitude, le mépris de l’amour des hommes et la haine de cette espèce malfaisante dont il n’est qu’un exemplaire interchangeable, la batterie se déchaîne comme un tigre acculé contre un mur, qui sait que le combat n’aura jamais de fin, faute de combattants insaisissables par ses griffes lasses.

             L’on aimerait que la dérive intérieure continuât, que l’opus ait une dizaine de pistes à parcourir. Lyrique, romantique.

    BLAK MOUNTAIN

    (Bandcamp / Mai 2024)

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    The keeper of the light, titre ô combien ironique, avait été précédé par un single. Avant la métaphore de la mer il y eut donc celle de la montagne. La couve est une photographie due à Wilhem Osoba. Preuve que les métaphores collent à la peau de ses rêveries solitaires.  Peut-être même s’y substituent-elles.

    Pour rebondir sur le dernier mot de l’écoute du disk précédent, rappelons-nous qu’à son apparition le mot romantique désignait les paysages de montagnes pittoresques, motifs dignes d’un peintre inspiré par leur aspect désolé et tourmenté. Préfiguration naturelle des âmes angoissées qui les parcouraient, analysant  le miroir de leurs culminances écrasantes comme le reflet de la démesure de leur esprit tourmenté.  

    A écouter comme un long poème instrumental, un chant glacé et torrentueux figé en lui-même, une longue ascension vers un paysage choisi, celui d’une âme altérée de grandeur qui se perd dans l’intumescence de sa volition à égaler la majesté écrasante des sommets, de plus en plus violent au fur et à mesure que la montée se fait rude et l’oxygène rare, dans le secret espoir peut-être que dans cet air plus subtil l’âme se désagrège, que les images constitutives d’une mémoire hantée des anciens combats celtiques s’aérisent, que l’esprit s’élève plus haut que le charnier natal des aigles qu’il  dépasse, maintenant la pâte sonore s’assombrit et perd un peu de de sa virulence alors que le tissu  mental s’évade dans la sphère de nouveaux éons, et que vues de bien plus haut les sombres montagnes irradient de la lumière rouge d’une lune sanglante revigorante, qui insuffle dans le tissu mental du rêve la lymphe et la force des anciens combats, suprême baptême de sang d’un nouvel héros investi d’une royauté imaginaire mais ancestrale.

    De toute beauté.

    Damie Chad.

     

    *

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            Ceci, ci-dessus, n’est pas le portrait-robot d’un terroriste mais d’un terrockriste, comme nous les aimons, nommé Bill Crane, effectué par Eric Calassou. Nous atteignons ici à notre première diffraction mentale. Bill Crane et Eric Calassou sont une seule et même personne, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient identiques, nous avons déjà consacré plusieurs chroniques, concerts et disques à Bill Crane, groupe dont Eric Calassou fut l’inspirateur et le catalyseur. Puis Eric Calassou partit vivre en Thaïlande, il croyait en avoir fini avec le rock’n’roll, mais une fois que le poison du rock  vous a contaminé vous pouvez connaître des périodes de dormition mais il finit par agir directement sur les centres vitaux de votre cerveau dont il reprend le commandement, et bientôt depuis son pays lointain, Eric Calassou s’est remis à enregistrer tout seul avec sa guitare de nouveaux albums de rock que nous avons bien entendu chroniqués.

             L’histoire pourrait s’arrêter-là. Hélas, c’est ici que débute la deuxième diffraction mentale. Evidemment, Kr’tnt ! n’a pas hésité à plusieurs reprises à visiter cette seconde aventureuse faille, en effet Eric Calassou s’adonne aussi à la photographie. Commence même à être reconnu, la fameuse et luxueuse revue canadienne Hintology publie certains de ses clichés. Pour notre part nous avons déjà consacré deux chroniques à cette activité calassouréenne. L’on pourrait presque écrire calassouvereine tant elle semble étendre son royaume sur sa perception du monde, quoique le terme calassouveraine   serait encore davantage approprié puisqu’elle nous oblige quelque peu à changer notre propre vision et à adopter sa manière de voir.

             Nous allons dans cette chronique essayer de frayer notre chemin de compréhension entre figuration représentative et abstraction photographique. Osons une comparaison auditive : toute la différence entre la musique et le bruit. Osons une comparaison balzacienne : toute la différence entre par exemple : Les scènes de la vie de province de La Comédie humaine et le suprême tableau réalisé par le peintre Frenhofer dans Le Chef d’œuvre Absolu. 

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             Nous commencerons par cette scène de la vie Thaïlandaise, une vue figurative des plus banales, rien de spécialement exotique, semblable à celle que nous pourrions rencontrer en France. Si ce n’est ce coloriage bigarré qui heurte notre vision. Surexposition, sous-exposition, manipulations diverses, on s’en moque. Sommes-nous dans une espèce de surréalisme tape-à-l’oeil, ou d’hyperréalisme à la va-vite, là n’est pas le problème, simplement l’inquiétude qui pointe en nous : notre regard sur le monde, en l’occurrence celui de l’artiste, est-il notre propre représentation du monde ou est-il façonné par la volonté du monde à se présenter à nous sous tel ou tel aspect. Qui commande l’autre. La question semble bizarre : nous regardons le monde, mais nous oublions que le monde lui-aussi à sa façon nous regarde. Essayons d’échapper à ce vertige en regardant un cliché a priori davantage réaliste.

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             Enfin chez nous ! Une photo pour illustrer un morceau instrumental nommé White Sky d’Eric Calassou paru sour YT. Tout est normal : le ciel est blanc, ces fils que nous subodorons électriques sont une parfaite illustration de ce que le rock est une musique électrique. Z’oui, mais cette photo ne nous adresserait-elle pas un message, ces fils électriques ne désigneraient-ils pas une portée musicale ou les lignes d’un cahier, rien d’explicite certes, toutefois n’est-ce pas une représentation qui nous fait signe qu’elle n’est qu’une représentation de quelque chose qui ne correspond point à ce qu’est exactement cette chose.

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             Le grand saut. What is it ! Un détail minuscule de ce que nous appelons la réalité auquel nous ne prêtons généralement aucune signification, à cause même de ce qui nous semble être son insignifiance, ici mis en exergue, pour qu’elle nous fasse signe. De la photographie abstraite si l’on veut, qui nous oblige à lui donner un sens tiré de notre façon d’appréhender le ‘’ réel’’, de la rattacher à tout prix à celui-ci, ne serait-ce pas un pullover de laine, ou le labourage d’un champ, ou une vue d’un désert de sable… C’est fou comme l’abstraction nous oblige à parcourir différentes représentations du réel. Tout comme nous entendons le bruit de la noise music en la comparant, à la définition de ce que nous nommons l’harmonie de toute musique. Nous appréhendons ainsi une chose qui s’offre à nous par ce qu’elle n’est pas. Serions-nous tous des platoniciens qui s’ignorent, mirant les ombres des Idées  que nous ne voyons pas. Ne possédant même pas les mots qui seraient capables de les nommer.

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    Nous terminerons par cette dernière photographie que nous baptisons sûrement à tort : gouttes d’eau sous verre, mais nous-mêmes ne portons-nous pas un prénom et un nom qui ne nous nomme qu’imparfaitement. Posons-nous la question suivante, si notre  nominalisme nominalise le réel sans l’atteindre, comment pouvons-nous atteindre celui-ci et comment celui-ci peut-il établir un contact avec nous. La représentation d’une chose est incapable de nous atteindre par sa vérité, le seul moyen de conversation que nous pouvons envisager est celle de son apparence, ce reflet que nous nommons beauté, celle-ci dépendant autant de l’individu que la chose se montrant. Nous clorons cette chronique en citant John Keats : A thing of beauty is a joy for ever.

    Encore faut-il être capable d’entrevoir la beauté en nous et au travers des choses. Cela demande certainement effort et réflexion.

    Sur le FB et l’Instagram d’Eric Calassou se trouvent des centaines de photographies. Un chercheur, un effracteur, qui nous dévoile les trésors qu’il arrache à la monstration du réel.

    Damie Chad.

     

    *

             Le problème n’est pas de faire un disque. Mais d’en faire plusieurs. Le problème n’est pas de faire plusieurs disques, mais de ne pas se répéter. Ni de décroître. Ni de se renier. Le problème n’est ni de se répéter, ni de décroître, ni de se renier.  Le problème est d’ouvrir un chemin solitaire. Que d’autres plus tard emprunteront. Des suiveurs.  

    NEGATIVE SKILLS

    POGO CAR CRASH CONTROL

    (Wagram Music / Mars 2025)

             Dix ans déjà ! Un premier EP de rage adolescente. Suivi de trois albums. Déprime Hostile : déclaration de guerre au monde entier, Tête Blême : coups donnés et reçus, Fréquence Violence : hymne à la survivance. Entre temps ils ont grandi. Ils ont jeté leur gourme riffique. Ils ont porté le feu aux quatre coins de l’hexagone with the wind. Et après ?

             Bref on les attendait au tournant. Le groupe au couteau entre les dents, qu’il vous plantait sans hésiter entre les omoplates. Comment allaient-ils vieillir. Pardon assumer le passage de leur adulescence à leur pleine jeunesse.

             Faut être juste. Comparés aux autres ils bénéficient d’un terrible handicap. Malgré leur nom anglais ils sont français ! Autant dire qu’ils n’étaient rien. Alors ils sont partis à New York. Pas pour faire du tourisme, mais pour regarder le rock’n’roll depuis l’autre côté, pas par le petit bout de la lorgnette. En ont profité pour changer de look et profiler leur musique autrement. N’ont pas traversé l’océan sans rien dans les poches. Ont emmené des valises remplies à ras-bord de leur fourbi habituel : hardcore, punk, grunge, metal, post-tout ce que vous voulez et before-tout ce qui viendra. Savaient crasher en plein vol, hors de tout control, mais désiraient en quelque sorte un œil extérieur, celui de Jon Markson – moi ce j’aime chez lui c’est le nombre de groupes à K7 qu’il a enregistrés – pour mettre un peu d’ordre dans leur cambuse, n’oubliez pas que nos physiciens modernes nous apprennent qu’un enfant qui range sa chambre ajoute du désordre dans l’univers.

             Lors de ma première kronic sur Don’t Get Sore, la vidéo jetée en pâture à la fin de l’année dernière pour calmer l’impatience des fans j’avais remarqué que les Pogo me semblaient aborder un changement musical que je comparais à celui effectué par les Howlin’ Jaws. En découvrant dernièrement la pochette de Negative Skills, j’ai sursauté. Attention je n’insinue pas que les Pogo ont copié les Jaws, la ressemblance est toutefois flagrante, je pense qu’une rupture esthétique musicale si elle est accomplie et assumée totalement se répercute aussi sur d’autres plans, vestimentaire ou capillaire par exemple, et dans ces deux cas précis par un bouleversement esthétique graphique. Est-ce que cette parenté entre les deux pochettes est due à un simple effet de mode ou à des relations beaucoup plus subtiles et souterraines qui conjuguent la mode éphémère aux allures comportementales des modes existentiels de vie. Nous abordons ici à des analyses qui exigeraient pour être développées des données rendues impossibles à recueillir par la difficulté de les  collationner d’une manière fiable.  Nous retombons ainsi dans l’oiseux et vieux débat du hasard ou de la nécessité.

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             Les Howlin’ ont goupillé leur artwork avec l’aide de l’Intelligence Artificielle. Les Pogo ont fait appel à Cogume3li. Je ne sais avec quoi elle travaille. ‘’Cogumelos’’ est le terme portugais pour désigner nos champignons. Apparemment quand l’on visite son Instagram l’on est sidéré mais pas halluciné. Entre dessins d’inspiration japonaise et érotisme pré-nubile bon marché. Pour ne pas être méchant disons que nous sommes en présence d’une forme d’arte povera populaire. Joli. Mais joli n’a qu’un œil. Encore faudrait-il l’ouvrir.

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    You Came to Me :  l’on s’attend à un coup de balai sur les araignées, qu’elles descendent du plafond et qu’elles viennent nous mordre. Pour une ouverture c’est un peu raté. Z’ont bridé le cheval. Le pire c’est que lorsque le morceau se termine l’on s’aperçoit que l’on a décroché depuis un bon moment et que l’on s’est ennuyé.

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    Don’t Get Sore : pas de souci, voici la véritable entrée de l’album, le précédent si je me souviens bien est un de tous premiers morceaux qu’ils ont repris dix ans après, dans la série on déambule dans le vieux vestibule ont-ils à la manière de Marcel Proust tenté de retrouver le temps perdu, le nouveau programme, la carte du chef, pour bien comprendre vous avez une vidéo grand écran qui vous aide à entrevoir le déroulement des festivités, quelques vues de New York et un montage scénarisé à outrance. D’ultra-courtes séquences qui se télescopent et se bousculent, chacun a droit à ses cinq secondes de célébrité, z’ont augmenté la vitesse de la célèbre déclaration d’Andy, une idée de la modernité, la rencontre des êtres, ce qui a eu lieu se continue, quoique brisée, encore dans le passé et le futur, ces trois stases temporelles elles-mêmes mélangées,  une idée nouvelle se partagent le vocal, chacun y va à sa manière, entre confidences, murmurations, et envols de clameurs, l’en est de même pour l’accompagnement, se déglingue de tous les côtés, bye-bye les grandes galopades dans les vastes plaines, un puzzle qui se disperse sitôt reconstitué, ces derniers temps le réel  a beaucoup changé, l’est sûr que cette désarticulation ressemble davantage au déploiement historial actuel. Comme Toi : ce coup-ci ils ne

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    mélangent pas les cartes, la vidéo vous raconte l’histoire du début à la fin sans oublier le milieu, une soirée entre potes déchirés par l’amitié et quelques adjuvants, puis l’embrouille avec un autre groupe, un zeste de violence et tout se termine comme ça avait commencé, trois potes, ensemble. La musique est douce, la voix est fluide, presque endormeuses, les jours heureux d’une jeunesse d’aujourd’hui comme toi. Regardez-nous, écoutez-nous, nous sommes comme vous. L’on n’a rien contre, mais déjà vingt-cinq pour cent de l’album entendu et pas de horde barbare à l’horizon. Ah, c’est vrai, ce sont les nouveaux Pogo. Shallow Time : tiens, les voilà, Constantin Cavafy avait raison de déclarer que ces gens – il parlait des barbares - que ces gens-là étaient, auraient pu être, une solution. Un cri, et les hordes mongoles déboulent, les Pogo mènent la harde famélique, vont nous bouffer tout cru, le rock c’est beaucoup sado et un peu maso, on l’aime comme cela, mais qu’est-ce que l’on croit, les temps changent, ils ont besoin d’un peu de temps tranquillou, ils ne hurlent pas, ils modulent, ils chantonnent, une guitare nous envoie de la marmelade, les giclées d’arsenic du vocal ne sont plus qu’un bon souvenir, se métamorphosent en douces mélopées enchanteresses. Je Mettrais Bien le Feu : ça y est la batterie fout bien le feu au bûcher funéraire, mais pourquoi ce vocal de messe basse, auraient-ils peur que l’on entende leurs raisons de tout brûler, dommage car leurs motivations nous plaisent, mais au lieu de nous les susurrer à l’oreille, ils devraient les gueuler bien fort, même la zique est en sourdine, boutez the fire, on vous passe nos briquets et nos allumettes, peine perdue, ils manquent d’essence et d’énergie. 10 Miles Away : un petit moment qu’ils nous balladent, l’on commence à fatiguer, l’on suit mais un peu de loin. Ten miles away.  Quelle est la Diff ! : on a eu raison de ne pas s’arrêter en route. Enfin un morceau dans le prolongement de Don’t Get Sore, ce n’est plus l’ancien Pogo, mais le nouveau, le volcan n’explose pas mais les coulées de lave engloutissent tout ce qui se trouve sur leur passage. Sur la fin un long pont de Tancarville que l’on pourrait qualifier de noise savamment orchestré. Cerveau Mort : pas besoin de mourir pour trouver du nouveau. Quel fouillis, inutile de chercher votre cervelle dans ce fouillis sonore, il y a longtemps qu’elle s’est débinée de votre occiput, quel ramdam, une véritable confiture pour les cochons fouilleurs que nous sommes. Roulons-nous dans la boue de cette bauge. Hatewatch : encore une mine antipersonnel balancée sur le parquet de la salle-à-manger, d’un côté ça tangue comme un catamaran sur une mer grosse et dans toutes les autres directions vous avez une pléthore de bruissements souterrains annexes qui vous ravissent, pardon qui vous dévissent les oreilles.  Même des barrissements de phoques barrissent sur la banquise. Un délice. Negative Skills : n’ont pas raté le titre éponyme, z’y vont de toutes leurs forces, vous bazardent leur triste philosophie de la vie avec un entrain qui vous réveillerait les morts dans les cimetières. Chantent et jouent à gorge déployée. Est-ce Que ça Vous Parle ? : n’ont pas été piqués par la mouche tsé-tsé mais par la tarentule de la folie. L’on retrouve nos bon vieux Pogo qui vous passent dessus avec leur bulldozer sans prendre la peine de s’arrêter pour vous demander s’ils sont sur la bonne route. J’ai Grave le Seum : ils ont la haine et ça s’entend, commencent vraiment à maîtriser leur nouvelle manière, une symphonie vocale éclatée et une zique à l’emporte-pièce de la vie insuffisante qui suit le mouvement sans oublier de le dépasser. 

             Une première face expérimentale pas tout à fait au point, mais une B qui attire et attise l’approbation.  A moins que ce ne soit un virage annoncé mais pas encore prononcé.

    Damie Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 684 : KR'TNT ! 684 : UNDERTONES / LAMBRINI GIRLS / TEX PERKINS / LOVELY EGGS / JOHNNY SAYLES / ORGO / CHAT PILE / MARLEY HALE / SECRET AGENT

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 684

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    03 / 04 / 2025

     

     

    UNDERTONES / LAMBRINI GIRLS

    TEX PERKINS / LOVLY EGGS

    JOHNNY SAYLES / ORGO / CHAT PILE

    MARLEY HALE / SECRET AGENT

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 684

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Les Undertones en font des tonnes

    (Part Three)

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             Pour ceux qui écoutaient le John Peel Show en 1978 sur les ondes moyennes, le nom des Undertones reste la référence absolue. T’avais cette voix de délinquant sexuel qui attaquait à coup d’Are teenage dreams so hard/ To beat, et c’était dans la poche : «Teenage Kicks» allait rester l’un de tes singles favoris. Avec Laurent (hello Laurent), on est allés voir les Undertones kicker la Maro en 2013, et ce soir-là, ils claquèrent deux fois leur «Teenage Kick», comme le fit historiquement Peely en 1978, alors qu’il venait de recevoir le single. On était tous deux sortis sonnés de la Maro, on titubait dans la rue Boyer. C’est à peine exagéré.

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             Les Undertones occupent une place à part dans la petite mythologie du British punk : ils ne sont ni les Damned, ni Stiff Little Fingers, ni les Buzzcocks, ni les Pistols. Les autres, on n’en parle même pas. Les Undertones sont restés les kids qu’on voit sur les premières photos de presse, des kids incroyablement talentueux et modestes, avec des sourires dents de lapins, des fossettes, et des doc Martens. Tu les observes sur la photo du rang d’oignon, Michael Bradley n’a pas changé, même s’il a pris un petit coup de vieux. Derrière, Billy Doherty rigole lui aussi de bon cœur. Bon, Feargal est parti, mais c’est pas grave. Ensuite tu vois Damian O’Neill, avec son incroyable sourire de kid rock. Et derrière lui, au fond, son grand frère John O’Neill se marre un peu, mais pas trop. Aujourd’hui, il gratte sa gratte au fond de la scène. Même s’il est tout déplumé, il reste le génie des Undertones. C’est lui qui a pondu tous les hits. Cot cot ! John O’Neill ! Et tous les punks anglais ont rêvé de composer des cuts aussi balèzes que ceux de John O’Neill, mais à part Brian James, Jake Burns, Pete Shelley et John Lydon, aucun d’eux n’est jamais arrivé à la cheville de John O’Neill. Les Undertones proposaient un détonnant mélange de fraîcheur et de power, mélange qu’on retrouve d’ailleurs dans «New Rose» et dans Spiral Scratch. Avec la goutte de sexe d’I wanna hold her wanna hold her tight, ce mélange constitue l’essence même du rock.

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             En plus de leur désarmante facilité à pondre des hits, ils n’offraient aucune prise à la frime. Ils sont les rois du Zéro frime. Tu ne les aurais jamais vu frimer à la une du NME en costards à la mode et cols relevés, comme le firent les Clash. Quelle horreur quand on y repense ! Les Undertones sont restés d’éternels Irish ados et c’est exactement ça que tu vois sur scène 47 ans plus tard. Ils sont certainement les seuls à pouvoir réussir un tel exploit. Et proposer un set de 90 minutes complètement explosif. C’est le seul mot qui te vient à l’esprit pendant le set : explosif ! Pas un seul déchet, à peine un morceau lent, et tout le reste déboule à vive allure, la moyenne d’un cut restant en dessous des 3 minutes. Wham bam !  

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             Coup de pot : ils jouent deux fois dans les parages. Le premier soir au Trabendo et le lendemain au Havre. Alors tu fais en sorte que. Pas question de rater un tel festin. Quand t’arrives un peu à l’avance pour ce genre de concert, tu tombes fatalement sur les vrais fans, ceux qui viennent de loin et tu ne vois plus le temps passer, car tu parles la même langue. Et ça devient magique quand arrivent les Undertones qui viennent de terminer leur soundcheck et qui sortent faire un tour dans le quartier. Papotages. Et photos. Pas de problème.

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             Si par chance, tu t’installes aux pieds de Damian O’Neill, tu verras jouer l’un des meilleurs guitar slingers de notre époque. Il gratte une Gibson les Paul Standard Double Cutaway, pas la plus courante, et n’a que deux petites pédales d’effets au pied, autant dire rien, mais il gratte les poux du diable. Oh bien sûr, ça ne veut rien dire, les poux du diable, disons qu’il claque des gimmicks d’une simplicité enfantine et repasse d’un tour de main en power chords, tu n’y vois que du feu, et franchement, l’efficacité de son jeu te bluffe. C’est un style extrêmement dépouillé qui te renvoie à la fameuse technique de dessin de Cocteau qui préconisait d’en enlever plutôt que d’en rajouter. Damian O’Neill en enlève et claque du killer flash en permanence. D’où l’insolence de ce power. D’où le son des Undertones. Et jamais de grimaces de frimeur. Il n’a l’air de produire aucun effort. On appelle ça la classe naturelle. Son seul défaut serait peut-être de voler le show. Eh oui, tu n’as d’yeux que pour lui. Il incarne le punk-rock anglais comme l’a incarné Brian James.

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    Derrière lui, Billy Doherty bat le beurre en mâchouillant son chewing-gum, et de l’autre côté, Michael Bradley gratte sa Ricken bien pépère, pas de problème, et là-bas au fond, ce vieux génie déplumé de John O’Neill continue de riffer sa Gibson SG comme s’il avait douze ans. Et au milieu de tout ça, t’as Paul McLoone qui chausse les godasses de Feargal Sharkey. Pas évident. Il s’en sort plutôt bien, il multiplie les postures circonstancielles, il aime bien faire le David Jo, par exemple, et l’un dans l’autre, il remplit bien sa mission qui est de donner vie au vieux ramdam juvénile des Undertones. Pas toujours facile de trouver un chanteur qui fasse le poids.

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             Ils démarrent en trombe avec «Jimmy Jimmy», te voilà tanqué, ils te calent «Teenage Kicks» au beau milieu du set, tout le monde chante en chœur, et pour regagner la sortie, ils vont enchaîner l’impeccable «Hypnotized», «I Know A Girl», «Listening In» et soudain, Damian O’Neill déclare : «This one is for David Johansen !», il siffle, gueule «c’mon boys !». Et tu prends «Get Over You» en pleine poire, eh oui, c’est monté sur les accords des Dolls. Damian O’Neill joue exactement comme Johnny Thunders ! Ils ont une trentaine de cuts en tout, et reviennent pour un rappel apocalyptique, «Here Comes The Summer», «Jump Boys», alors tout le monde Jump, surtout au Trabendo, puis c’est «Really Really» et pour finir le so perfect «Perfect Cousin», I’ve got a cousin called Kevin !

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             Les deux concerts sont très différents. Au Trabendo, ça valsait de partout, alors qu’au Havre, c’est resté un peu pépère. Les Undertones semblaient se nourrir de l’énergie du public parisien. Tu sentais les vibes dans l’air. Tout sonnait incroyablement juste. Perfect Concert.

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             This one is for Thierry & Anne.

     

    Signé : Cazengler, Undertorve

    Undertones. Trabendo. Paris XIXe. 14 mars 2025

    Undertones. Le Tetris. Le Havre (76). 15 mars 2025

     

     

    L’avenir du rock

     - Les Lambrini ne lambinent pas

     

             — Dis donc, avenir du rock, paraît qu’t’es allé voir l’concert des Lambrini ?

             — Ah bah ouais !

             — T’as pas l’air très lambruni...

             — Ah bah si !

             — T’as bien lambretté alors...

             — À fond !

             — C’est drôle, j’te voyais pas comme ça...

             — Comme quoi ?

             — Ben, lambritable...

             — Ben si, comme tout l’monde. Et toi, t’es pas lambritable ?

             — Ça dépend avec qui. Et pis ça dépend aussi d’l’angle eschatologique, ça dépend d’comment tu mates le mur d’l’éternité...

             — Tu m’fais marrer, tu noies la poissecaille dans l’eau. La lambritabilité, c’est un automatisme pschychique de la pensée, tu piges ? C’est pas toi qui décides, c’est la lambritabilité qui décide pour ta pomme.

             — Ton baratin veut rien dire, avenir du toc ! T’es vraiment qu’un escroc !

             — Vazy répète...

             — T’es qu’un putain d’escroc !

             — Vas te faire lambritter chez les Grecs !

             — T’es complètement lambruti, avenir d’mes deux !

             — Et fier de l’être. Tiens, j’lève mon verre à la santé des lambris !

     

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             Encore l’autre jour dans la queue pour un concert à la Maro, t’entendais des mecs dire du mal des Lambrini Girls, mais vraiment du mal, des choses du genre «elles savent pas jouer», «elles passent leur temps à jacter», «leur dernier album c’est de la...», «jamais vu des connasses pareilles», tout ça mélangé avec «Les Russes seront bientôt Porte de la Chapelle», et toutes les autres conneries que les gens qui se prennent pour des experts amplifient en les colportant, alors ça devient assourdissant, tu te retrouves au beau milieu d’une caisse de résonance et tu ne sais plus s’il faut désespérer ou éprouver du chagrin pour ces pauvres gens qui ne se rendent plus compte de rien. Les cervelles seraient-elles donc à ce point inféodées ?

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             Et bien sûr, les Lambrini Girls n’ont rien à voir avec ce que les cons racontent. Il faudrait même remercier les Girls d’exister. Elles te consolent. Elles te remontent en même temps les bretelles et le moral. Elles te ramènent à la maison. Elles te sauvent la muse. Elles t’arsouillent et te dédouanent. Elles t’intéressent et elles t’avertissent, du coup t’en vaux deux et t’es bien content, elles t’excitent et te réveillent, elles t’affranchissent et te remettent tout à plat, elles t’épatent à la sauce tomate, elles t’embarquent pour Cythère, elles te redressent la barre, elles t’éclatent au Sénégal, elles t’intronisent et t’atomisent, elles t’oblitèrent à terre et t’accaparent de marché, elles t’inspirent le pire et t’aspires le meilleur, elles t’importent dans leur monde et t’exportent aussi sec, elles t’éduquent aux grands ducs et t’impliquent à pic, il faudrait même inventer des mots pour les situer, tellement elles échappent à tous nos pauvres petits clichés à la mormoille. Lambrini Girls ? C’est du trash-out so far out, du wash out, du smash out, du girl-punk in the face, elles réveilleraient les morts de la tranchée - Debout les morts ! - elles tapent dans l’essence même du rock, le viscéral exacerbé, le vital extraverti, le vivace excédentaire, la virulence excuriatrice, elles font jaillir la vie à jets continus, comme peu de groupes savent le faire, elles font du rock en rut, c’est un trio du printemps, un groupe de sève qui monte et qui monte, en orgasme continu, t’en reviens pas de les voir gicler.

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             La petite blonde qui gratte ses poux et qui harangue les foules s’appelle Phoebe Lunny. Elle sort tout droit d’un roman de Dickens, avec sa petite bouille d’arsouille et son énergie de délinquante juvénile, elle passe son temps à ruer et à brailler ses rafales de textes, elle court pour occuper le grand espace de la scène. C’est Kurt Cobain au féminin. 

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    Elle fait comme Moïse avec la Mer Rouge, elle demande à la foule de s’ouvrir, alors elle saute de la scène, blomp, enfourche la barrière et s’en va traverser la salle pour créer de l’événement. Et elle en crée fabuleusement. Quand elle remonte sur scène, poussée au cul par les mecs de la sécurité, un roadie lui repasse la bandoulière et elle repart de plus belle au wash out de big time. Sa copine Lilly gratte une basse fuzz, et derrière t’as un batteur fou déguisé en fille, Jack Looker. Encore un lien avec Nirvana. Kurt adorait s’habiller en femme. Jack porte du rouge à lèvres et des collants troués. Trash out, baby ! La powerhouse des Lambrini, c’est Jack the lad ! Fantastique batteur anglais, de type Paul Cook ou mieux encore : l’Eddie des Vibrators.

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             Elles démarrent leur set avec l’explosif «Big Dick Energy» que tu retrouves sur leur premier album, Who Let The Dogs Out. Pur trash punk de Stay the fuck away from me ! Looker push the push, elles montent leur trash en neige, c’est un sommet du genre. Phoebe Artful Dodger se marre avec cette histoire de grosse bite, elle ricane à coups de Cos it’s not that big ! T’as l’impression que la messe et dite, mais ça va continuer de débouler avec un autre temps fort de l’album, «Bad Apple», une espèce de summum de l’harangue, elle cultive l’art antique de la dégelée verbale, il pleut du rut comme vache qui pisse, elles font encore plus de ramdam qu’un groupe américain à deux guitares, elles concentrent tellement de power que t’en oublies la faiblesse des compos, tout tient par l’énergie viscérale, et ça vire au prodige.

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    Tu les vois claquer des rafales dans «No Homo» et la basse fuzz repend le dessus dans «Filthy Rich Nepo Baby», alors ça buzze dans le bush. Phoebe Artful Dodger applique toujours la même recette : elle appelle à l’émeute sur le couplet et le monde s’écroule à la suite. Elle n’a même plus besoin de gratter ses poux, la dynamique lui échappe et c’est la salle qui fait le reste. Elles bouclent leur set avec une espèce de rap-punk, «Cuntology 101» dont il n’y a rien à dire, hormis le fait qu’elle fait l’apologie du cunt.

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             L’énergie est intacte sur Who Let The Dogs Out. Tu retrouves toute cette arrogance géniale, tout le festival de Jack the lad, la belle basse fuzz de Nepo Baby, l’explosif wash-out de «Big Dick Energy», tu retrouves aussi les rafales de «No Homo» et quelques cuts qu’elles ne tapent pas sur scène, par exemple le terrific «Nothing Tastes As Good As It Feels», grosse énergie punkoïde, elles restent dans la ligne du party, c’est même wild as super-fuck ! Et t’as ce «You’re Not From Round Here» emmené ventre à terre. Viva the Lambrini  Girls  !

    Signé : Cazengler, Labruti Girl

    Lambrini Girls. Le 106. Rouen (76). 21 mars 2025

    Lambrini Girls. Who Let The Dogs Out. City Slang 2025

     

     

    Wizards & True Stars

     - Explication de Tex

    (Part One)

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             Certains rock books sont des classiques. Comme on les cite à chaque fois, on ne va pas recommencer. Et puis t’en as d’autres qui sont des bêtes, comme Tex by Tex Perkins. A Beast of a book, un vrai book de Gévaudan ! T’as pas le temps de t’enfuir, il est déjà sur toi.

             Il y a deux préalables à cette lecture : un, avoir écouté les Beasts of Bourbon, et deux, les apprécier pour ce qu’ils sont, l’un des groupes les plus génialement bestiaux de l’histoire du rock.

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             Tex Perkins écrit comme il chante, avec la rage de l’emporte-pièce. Il écrit le rock comme il le chante, avec un dévolu magistral. Comme les Saints, il est originaire de Brisbane, mais curieusement, il ne parle pas d’eux.

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             Si tu veux tout savoir sur les Beasts, c’est là. Kim Salmon avait lui aussi creusé la question dans son autobio, mais Tex va beaucoup plus loin. On entendrait presque le son de sa voix, le son de sa rage, le son de son rock. Tex est l’une des plus brillantes incarnations du rock. Et ce n’est pas un hasard si les Beasts furent au temps de leur gloire «a lazy, insolent, cocksure, sneering, lascivious, threatening bunch of men» (dixit Rowland S. Howard). Pour bien situer les choses, Tex parle des Beasts comme d’un «ugly rock’n’roll band» face à «an angry mob». D’où la pochette de Low Life : Tex est au sol, sanguinolent. Il s’est fait canarder sur scène par l’angry mob.

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             Il a des roots impeccables : son grand frère Brisbanais écoute les Modern Lovers, Iggy, le Velvet, les Sex Pistols, «all that difficult stuff, but also loved Jerry Lee Lewis, Gene Vincent, and a very little known rockabilly cat called Ronnie Self.» Bonne école, Tex ! En 1980, il découvre les Ramones sur scène. Puis il flashe sur The Idiot d’Iggy - I didn’t own this copy of The Idiot. The Idiot owned ME - Comme Chris Bailey, il rappelle que Brisbane battait tous les records de répression et que les skins locaux lui couraient après dans la rue pour lui casser la gueule.    

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             Puis il découvre les Scientists - It was a bit like the first time I heard The Cramps. It was OF COURSE - Il met des cap - THAT’S HOW IT’S DONE - Et il fulmine : «They looked like the perfect rock band. Wild hairdos, weird clothes and a gang mentality.» On ne peut plus l’arrêter, le Tex - The Scientists had The Stooges’ heavy riffing, the swamp sound of The Cramps and Creedence Clearwater Revival - Puis il va faire la connaissance d’un Kim qui s’intéresse aux autres et qui est curieux. Tex passe les autres en revue : «Boris Sudjovic était le mec affable du groupe. Brett Rixon se planquait derrière une frange de cheveux et ne parlait que lorsque c’était absolument nécessaire. Tony Thewlis avait une fuzz box et la coupe de cheveux de Johnny Thunders, donc il n’avait rien de plus à ajouter. J’ai appris à connaître et à aimer Boris. He was a big guy with big hair and he wore shirts louder than the bands he was in.» Tex pèse ses mots. Pour lui, les Scientists étaient the best band in the country.

             Les Scientists sont allés à Londres et sont revenus au bercail, après leur désintégration. Tex devait lui aussi s’installer à Londres pour chanter avec Kid Congo, mais il a été renvoyé au bercail par les douaniers anglais.

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             Tex monte les Beasts avec Boris et Spencer P. Jones, l’ex-Johnnys dont il faut célébrer l’album Highlights Of A Dangerous Life - They played New York Dolls-style rock’n’roll that had cowboys song titles - Car oui, car wow, quel album ! Highlights Of A Dangerous Life démarre en mode Dolls avec une cover de «(There’s Gonna Be A) Showdown» et Spencer P. Jones claque le Dollsy beat. Il sait aussi claquer le Crampsy beat, comme le montrent «Move It» (tu crois entendre Nick Knox), «Deadmen From Boot Hill» (fabuleuse ferveur, limite rockab) et «Slip Slap Fishing», merveilleux clin d’œil aux Cramps. «Injue Joe» se veut savant et entraînant, et le country rock de «Green Back Dollar» en B est comme visité par la grâce. Spencer est un crack. Sur «Way Of The West», le batteur Billy Pommer Jr vole le show. Et le crampsy drive de «Montain Man» ramène les Johnnys à bon port.

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             Tex repère un article sur le Gun Club dans un magazine - La photo qui illustrait l’article nous les montrait partageant une bouteille de whisky and the headline was ‘Beasts Of Bourbon’. I looked at it and said ‘there’s a band name’ - Tex ajoute que des gens ont cru qu’il s’agissait d’un détournement du «Beast Of Burden» des Stones - That’s bullshit. At that stage I hadn’t even heard the song - Ils montent un répertoire vite fait bien fait avec des covers des Cramps, du Gun Club, des Stones, des Stooges, de Creedence et des Dolls. Comme ça au moins, les choses sont claires. Le premier batteur des Beasts n’est autre que James Baker, un big brother qui a 11 ans de plus que Tex. Et puis il y a Kim Salmon.

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             Le premier Beasts date de 1984 et porte le joli nom de The Axeman’s Jazz. Tex indique que le titre de l’album sort d’un book, The Myths And Legends Of New Orleans. The Axeman’s Jazz est l’histoire d’un serial killer qui opérait à coups de hache pendant la Première Guerre Mondiale et qui en dehors des coups de hache vouait une passion pour le jazz. The Axeman écrivit paraît-il une lettre au journal local pour indiquer qu’il n’entrerait jamais chez des gens qui écoutent du jazz. Musicalement, les Beasts ne cachent pas leurs influences : Cramps avec «Lonesome Bones» et «Love & Death», Creedence avec «Grave Yard Train» et puis bien sûr la Stonesy d’«Evil Ruby». On se croirait sur Exile, le Tex se prend pour le Jag, avec du gut en plus. Mais à l’époque on ne voyait pas bien l’intérêt de la Stonesy australienne. Avec «Lonesome Bones», ils ne se cassent pas la nénette, ils reproduisent exactement le son des Cramps. «Grave Yard Train» est une cover, ils tirent le cut de Bayou Country, sans doute le meilleur album de Fog. Swamp pur, amour de jeunesse de Kim. Et «Drop Out» sonne comme un coup de génie, arrosé d’un joli bouquet de killer kill kill bien aussie. Le «Save Me A Place» qui ouvre le bal de la B est du pur Scientists Sound. Encore une histoire de cimetière. Tex rapporte qu’en studio, Spencer P. Jones était tellement défoncé qu’il joua «Lonesome Bones» couché au sol, sur le dos et qu’il tomba dans les pommes à la fin du cut - I didn’t know it then but it would never be this simple and pure again - Pour lui, The Axeman’s Jazz est the purest of the Beasts’ albums. C’est son préféré - It’s also for me a document of one of the best days of my life. Il y a une petite photo des Beasts à la fin du chapitre Axeman : c’est dingue ce que Tex ressemble à Lux !

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             C’est avec Sour Mash que Tex s’impose en tant qu’énorme chanteur. Il attaque avec cette reprise de Captain Beefheart, «Hard Work Drivin’ Man», il tape ça à l’heavy guttural de cromagnon. Il reste dans cromagnon pour «Hard For You», il ramène toute l’humanité primitive de la caverne humide. Le reste de la viande est en B, avec «Pig», Tex y devient le roi des cromagnons fondamentaux. Il est à ranger sur l’étagère du haut avec Wolf et Captain Beefheart. Pire encore : «Driver Man», monté sur l’heavy drive de basse de Boris le Scientific. Cut énorme, gluant, préhistorique ! Le Tex refait encore du cromagnon avec «This Ol’ Shit». Ah comme il est raw, l’animal !

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             Leur meilleur album pourrait bien être Black Milk. Parce que «Bad Revisited» (le Tex évoque une place called bad, t’a les couinements du Kim, croahhh croahhh, pur Scientific thème). Parce que «You Let Me Down» (oh les chœurs de lads, le bassmatic fantôme, la dérive congénitale et le Tex !). Parce que le morceau titre, qui sonne exactement comme le «Walking On Guilded Splinters» de Dr. John. Parce qu’«I’m So Happy I Could Cry» qui sonne comme «Pale Blue Eyes» avec en guise de cerise sur le gâtö une envolée belle apocalyptique du killer kill kill Kim. Parce que «Let’s Get Funky», fantastique coup de chapeau à Hound Dog Taylor ! Parce que «Blanc Garçon», coup de Cajun d’I am bonnet blanc garçon/ With nothing to do. Et parce qu’«Execution Day» qui sonne comme un classique d’on my execution day, avec sa bassline alerte et fantasque. Pour toutes ces raisons, Black Milk est un album culte.

             En juin 1991, les Beasts tournent aux États-Unis. Tex : «We were horrible. That was our stock and trade. We dealt in horrible.» C’est la formation avec Tony Pola et Brian Hopper qui ont remplacé James Baker et Boris. Tous les Beasts sauf Kim sont incontrôlables - Tony was outrageous - L’hero est entrée dans la danse - He would do anything to score - Pire encore, Brian Hooper - Brian was wiry and good looking and dressed like Ray Liotta in Goodfellas. Brian était l’un de ces mecs  qui ne se contentent pas d’un peu, he couldn’t be just a little stoned. Like Tony, Brian would think it a good idea to get hammered on smack JUST BEFORE WE WENT ON STAGE. Tony pouvait jouer, mais Ol’ Brian on the other hand would be close to passing out on stage and playing like shit - Kim parle très bien de tout ça dans Kim Salmon & The Formula For Grunge. S’il quitte les Beasts, c’est à cause des excès. 

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             Très beau spécimen d’album que The Low Road. Ce sont les Beasts avec Tony Pola et Brian Hopper, c’est-à-dire les Surrealists. Dès «Chase The Dragon», on voit qu’ils ont un sens aigu du son. Ils lâchent une fantastique dégelée de riffs gras et le Tex fait bien son cromagnon. Les grattes de Kim et de Spencer P. Jones se chevauchent comme des dragons en rut. Sur «Just Right», Kim sonne comme Jimi Hendrix. Wow le Kim power is all over ! Ça sert de base au groove du Tex. Et Kim n’en finit plus de titiller l’Hendrixité des choses. Nouveau coup de génie avec «Straight Hard And Long», le Tex y claque ses onomatopées et ça bascule dans la Stoogerie. Les plongées sont spectaculaires, t’as le Kim dans toute sa splendeur. Et ça culmine avec «Something To Learn To». Leur profondeur de champ est invraisemblable, leur son est d’une ardeur épouvantable, ils sont certainement les seuls au monde à proposer un tel melting-pot, c’est épais, fouillé par Kim et arraché au gut par le Tex à coup de you’re my love and you’re my dealer. Tu sors de là ahuri.

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             From The Belly To The Beasts porte bien son nom : ce double album est un monstre. Le Blue Disc est du live ‘91 & ‘92. Ils tapent «Love & Death» à l’heavy blues de bulldozer, avec la Méricourt du Kim au fond du son. Puis ils tapent une cover du «LSD» des Pertties pour en faire un «ESP», suivi du «Dead Flowers» des Stones, et le Tex enfonce le Jag au well I’m sitting here. Il bouffe le Jag tout cru. Puis il bouffe Lemmy et Johnny Burnette tout crus avec sa cover de «Train Kept A Rollin’». Le Tex fonce dans le tas du train. C’est la plus raw de toutes les covers du Train. Il fait passer les Yardbirds et Johnny Burnette pour des enfants de chœur ! Encore pire : cover incendiaire du «So Agitated» des Electric Eels, avec un solo liquide du Kim. Et tout explose avec «Dirty Water» et son attaque mortelle de la mortadelle. Le Tex enfonce Dick Dodd et t’assistes à un fantastique développement de love that dirty water ! Et ça continue sur le Red Disc avec l’heavy trash de «Chase The Dragon». Ils s’enfoncent dans la désaille monumentale avec «Driver Man» et la basse s’en va jazzer dans le chaos. Et t’as le Kim qui plonge encore dans les enfers avec «Save Me A Place», puis les Beasts battent tous les records d’heavyness avec «Black Milk». Et c’est pas fini ! Le Kim fout encore le feu à la plaine dans «Drop Out», il abat un boulot extraordinaire, on n’entendrait plus que lui si on n’y prenait garde. On reste dans le meilleur sonic trash de tous les temps avec «Straight Hard & Long». Il n’existe rien de plus extrémiste que cette purée australienne. Gros clin d’œil à Hound Dog Taylor avec un cover extravagante de «Let’s Get Funky». C’est du Hound Dog extrémiste, dans une version longue et complètement hypno, ponctuée d’ah ah du diable, c’est-à-dire le Tex. «Execution Day» sonne comme un hit intercontinental, magnifié par le guitarring du Kim qui part en vrille excédentaire. Fin de la fête avec l’ahurissant bulldozer de «Good Times». Good times ha ha ha ! Tu sors de là encore plus ahuri qu’avant.

             Tex : «From about 1984 to 1999 every band I was in had junkies in it.» Et il ajoute : «Dans le groupe, au début des années 90, juste après que Charlie Owen ait remplacé Kim Salmon, there was heroin everywhere.» Tex évoque aussi les annulations de tournées à cause des overdoses - The junkie line-up of the Beasts came later. That’s when it became a truly scary, dark and ugly rock’n’roll band. And despite everything, for the most part, we were playing good.

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             Encore un album qu’il faut bien qualifier de monster : Gone. Pas de Kim là-dedans. Spencer P. Jones et Charlie Owen se débrouillent très bien tout seuls. Dès «Saturated», Tex te sature. Il chante à la glotte saturated. Il est le grand screamer de l’impossible. Les Beasts sont sans le moindre doute le groupe le plus extrême de l’histoire du rock. Ils attaquent «Fake» au pilon des forges. Ahurissant ! Personne ne peut résister à ça ! - Don’t know myself/ I’m a fake ! - Puis ils plongent dans la Stoogerie avec «Makem Cry». Ce sont les accords des Stooges et du MC5. Peu de groupes peuvent atteindre ce sommet du trash. Ils sont sous la fournaise exactement. Plus loin tu croises une autre fournaise : «I S’pose», Ils sont bien meilleurs sans Kim. Ils lâchent des vents uniques de sonic trash. C’est ultra-electric ! Ça joue à la cisaille divine. Encore plus cisaillé des tibias, voilà «What A Way To Live», back to the Beefheart groove, le plus dangereux de tous. Tex a ce pouvoir. Il est en plein dedans. Les Beasts re-déboulent avec «Is That Love». C’est du gros panache barbare. Quelle violence ! C’est l’équivalent sonique d’une attaque de barbares au Moyen-Âge, avec les cris de Tex qui couvrent ceux des brebis qu’on anéantit. Tu ne te lasses plus des Beasts et de leur paquet d’inventivité de sonic trash. Ils sont épouvantables de grandeur tutélaire, avec des guitares qui taillent dans le vif, wow le solo d’«Is That Love», t’as rien au-dessus en termes de brutalité, et c’est qui fait leur génie. Et ce beat énorme de pilon renvoie à celui de Pussy Galore, mais Tex est mille et mille fois plus puissant que Jon Spencer. Pas de commune mesure. Il a le pouvoir des dieux de l’Antiquité.     

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             Low Life est un Live qui te permet de réviser tes leçons. On y retrouve des cuts de Gone, comme «Saturated» ou «Make ‘Em Cry», tapé à l’ancienne mode du high energy, avec un killer solo d’incendie urbain. Tout ici est monté dans l’absolue démesure de la pyromanie. On retrouve aussi «Fake» - I’m a fake ! - Il n’en démord pas. Le son et la voix : c’est ça, les Beasts, le power immédiat et le Tex qui défonce tout de suite la rondelle des annales. Et voilà l’imparable «Chase The Dragon» drivé au riff de non-retour. C’est chanté à outrance, c’mon ! Get on the foam/ Chase the dragon ! Ils font quasiment du Nathaniel Mayer avec «Just Right», te voilà encore un pleine Stoogerie. S’ensuit l’un des hits de l’Internationale Beasterie, «Straight Hard & Long». Over and over again/ I start to explode, et ça bascule dans un blast débilité qui déboîte aussi sec dans le virage, et t’as le Tex qui écrase son chant extrémiste. Ah il faut avoir écouté ça au moins une fois dans sa vie. Et ça repart de plus belle avec «Ride On». Tex est le pire de tous, il faut le voir allumer, et Spencer P Jones se convulse avec du killer digne de Kim. Il fout le feu au bush avec son killah kill kill, il joue au plus près de l’enfer sur la terre, il est même encore plus incisif que Wayne Kramer, et pour finir t’as le Tex qui remercie le publie en gueulant : «Hey thank you ! Thank you !». Avec «Drop Out», les Beasts ont plus de son que n’en ont jamais eu les Stones. Tex bouffe le monde tout cru. C’est le pire des carnivores, il ne te laisse aucune chance. Ils terminent ce Live effarant avec leur cover de «Let’s Get Funky» - I feel like/ I feel like/ Gettin’ funky - C’est l’apocalypse. Awite ! Tex est un démon, en voilà la preuve, ha-ha-ha-ha, ça bat sec et ça brûle partout.

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             Little Animals est encore une bête des Beasts. Pour trois raisons : «Don’t Care About Nothing Anymore», «I’m Gone» et «Too Much Too Late». C’est du sans Kim, mais Pola, Hopper et Spencer P. Jones rockent encore le boat derrière le Tex. «Don’t Care About Nothing Anymore» est bien drivé sous le boisseau australien avec un solo caverneux. Dans «I’m Gone», le Tex fout bien le feu au bush. C’est même fabuleux de véracité crématoire. Ils t’amènent un son que les autres groupes n’ont pas, avec des solos en forme de serpents. Chaque solo est tordu, au sens psychiatrique du terme. Encore du gros biz des Beasts dans «Too Much Too Late». Ils ont le génie du son destroy oh boy, là t’as un vrai son de guitare, le mec qui gratte derrière le Tex est un real killer killah, il dérape bien dans les virages et claque un vrai solo de fin du monde. Là t’es obligé de prendre les Beasts au sérieux. Ils semblent même encore meilleurs depuis le départ de Kim. Jamais t’auras autant de son que sur cet album. Les poux sont fabuleux d’incartade et de too muchy much. Ils repartent à la bonne bourre avec «The Beast I Came To Be». Ils ont le beat de la main lourde. Ils sont à maturité. Leur crédo c’est d’activer des bombes l’une après l’autre. Voilà encore un cut explosé de clameurs. Ils tapent leur «Sleepwalker» à l’heavy blues primitif. Il n’existe rien de plus funambulique que ça. Le Tex referme la marche avec «Tanks», thanks for the water, thanks for the wine, il va chercher son meilleur baryton, thanks for the heroin and the cocaine too. Il remercie aussi pour l’acid et l’ecstasy. Thanks !

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             En 2019, Kim Salmon remonte les Beasts (sans les Bourbon) pour attaquer le XXIe siècle. Il récupère Boris Sujdovic et Tony Pola pour remplacer les morts, c’est-à-dire Spencer P. Jones et Brian Hooper. Par miracle, Tex vit encore. L’album démarre en puissance avec «On My Back». Ils récupèrent tout le souffle des vieux Beasts. Kim les met en coupe réglée, come inside, il screame comme un démon de l’antiquité. Malheureusement, tout l’album n’est pas du niveau de ce brillant starter. Tex reprend le lead sur «Pearls Before Swine». Les Bêtes traitent ensuite «My Shift’s Fucked Up» à l’heavily heavy pachydermique et bien vulgaire. Quand ça va mal, ça va mal. L’album se réveille en B avec «Drunk On A Train» heavily sonné des cloches, avec tous les oooh-oooh de Stonesy qu’on peut bien imaginer. On retrouve un peu plus loin un shoot de Stonesy dans un «What The Hell Was I Thinking» monté sur les accords de «Dead Roses» - You used to be a prostitute/ You can send me dead flowers for my wedding - Et pour le reste, on repassera.

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             Dans Tex, Tex évoque aussi son retour à Londres pour rejoindre Kid Congo et Patricia Morrison. Il n’est pas tendre avec ce projet foireux : «It was terrible.» Il enfonce son clou : «I thought, Wow this is... kinda boring.» Il s’explique : «Les groupes comme The Birthday Party étaient réellement excitants en 1981 et 1982, mais en 1985, that whole Nick Cave thing was really stale and pompous to a lot of us. And that whole goth thing with lots of makeup? Sisters Of Mercy and those bands? It was just horrible.» Et il embraye sur le Kid : «The band Kid and Patricia were putting together was heading towards being a bit London and a bit goth and a bit shit. I didn’t dig it at all so I stuck it out for a few months and then skulked back to Australia.» Bien évidemment, si le Kid flashe sur Tex, c’est à cause de sa ressemblance avec Lux. Une petite image en apporte la preuve formelle.

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             Tex évoque d’autres personnages légendaires : The Legendary Stardust Cowboy, qu’il accompagne en tournée australienne, et P.J. Proby, un Proby qui monte sur scène complètement défoncé - to a level of drunkenness that was a kind of madness.

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             Puis il entre dans une zone de calme, entre 1991 et 1995, avec The Cruel Sea. Il parle de magie. Il se plaint de la qualité des reviews dans la presse : elles étaient tellement élogieuses, «it got ridiculous. It got to the point I didn’t believe them.» Il rappelle un point essentiel : «Having all come from the underground we were suspicious of success.» Il n’a qu’une seule explication pour ce succès : «We were the right band at the right time. We arrived in the post-Nirvana shake-up, smack in the middle of a whole bunch of changes in music, and we worked because we were playing good, true, honest music that people reacted to on a grassroots level.» C’est Tony Cohen qui les produit - He would mix louder and louder and with more and more reverb - everything was at full volume - The Honeymoon Is Over album is tweaked and fiddled to within an inch of its life and probably worth every twist of the knob. On y revient dans un Part Two. The Cruel Sea tourne en première partie des Stones en 1995 - It was the Voodoo Lounge tour of Australia - Pour Tex, les Stones «are THE greatest band of all time and have given me more joy, more pleasure, more inspiration than anyone else - mais en 1995, comme d’ailleurs beaucoup de fans des Stones, il en avait marre : «A was a bit blasé about the whole thing.»

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             Tex consacre un petit chapitre à Iggy, histoire de dire tout le bien qu’il pense de lui. Tex adore les trois albums des Stooges, «all three are absolutely vital.» Et il ajoute ça qui en dit long sur les mensurations de son fandom : «The Stones have more great songs but Iggy is where I live. Deep down, everything I do has a little Iggy in it.» C’est fabuleusement bien dit. Tex rappelle aussi qu’à la grande époque, Iggy faisait la moitié du show avec le pantalon en bas des jambes, et ça limitait ses mouvements, «when he wanted to move, big dick and saggy arse swinging.»

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             Tex évoque un autre projet qu’il aime bien, Tex Don & Charlie. Charlie jouait dans les New Christs et Tex l’admirait - I watched this guy play incredibly soulful rock’n’roll guitar - Et hop, ça se termine en studio avec Tony Cohen, Shane Walsh on stand-up et Jim White des Dirty Three au beurre. Il indique en outre que Sad But True est l’un de ses albums favoris. Il leur faudra 12 ans pour en refaire un autre.

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             Il fait aussi allusion à You I Am, et il s’acoquine avec Tim Rogers dans T’N’T (Tim & Tex) pour enregistrer My Better Half. Tex n’en finit plus d’accumuler les projets. La fin du book pullule de projets. Tu te demandes si tu vas réellement écouter tout ça. Il monte encore The Ape avec des petits jeunes. Il a des cuts en réserve - Je ne pouvais pas les proposer aux Beasts Of Bourbon, it wasn’t dark enough for the Beasts but it was too heavy for The Cruel Sea - Allez hop ! The Ape ! - In some ways, The Ape record is the most ‘me’ album that I’ve ever made - Il en profite pour rappeler que «the Beasts’ music is dark and ugly», mais que «The Ape’s music is heavy but it has a grin rather than a scrowl.» Il ne peut pas être plus précis : «It’s got the sense of fun that can be found in the Cruel Sea and then there’s bits of Beasts heaviness about it but it’s not as nihilistic.»  Et plus loin, il enfonce son clou : «A 10-song rock’n’roll album with a grin.» Sacré Tex, il nous en aura fait voir de toutes les couleurs.       

    Signé : Cazengler, Tex toy

    The Johnny. Highlights Of A Dangerous Life. Mushroom 1986

    Beasts Of Bourbon. The Axeman’s Jazz. Big Time 1984

    Beasts Of Bourbon. Sour Mash. Red Eye Records 1988

    Beasts Of Bourbon. Black Milk. Red Eye Records 1990

    Beasts Of Bourbon. The Low Road. Red Eye Records 1991

    Beasts Of Bourbon. From The Belly To The Beasts. Red Eye Records 1993

    Beasts Of Bourbon. Gone. Red Eye Records 1996          

    Beasts Of Bourbon. Low Life. Red Eye Records 2005         

    Beasts Of Bourbon. Little Animals. Albert Productions 2007 

    Beasts  Still Here. Bang! Records 2019

    Tex Perkins. Tex. Pan Macmillian 2017

     

     

    L’avenir du rock

    - Egg toi et le ciel t’aidera

    (Part Two)

     

             L’avenir du rock savait qu’il faisait une grosse connerie en acceptant l’invitation de Jeremiah Johnson.

             — Viens prendre l’apéro, avenir du rock, je te présenterai des copains Crows.

             — Je croyais que les Crows voulaient te faire la peau...

             — C’est la trêve des confiseurs.

             Il neigeait abondamment sur les montagnes du Colorado. Jeremiah Johnson avait installé son bivouac sous un grand sapin, à l’orée d’un petit bois. Il jeta quelques bûches dans le feu et sortit une bouteille de Ricard de la sacoche de son cheval pour la faire dégeler au-dessus du feu.

             — Y vont pas tarder, les oiseaux se sont tus... Tiens, en voilà un là-bas.

             En signe d’amitié, le Crow décocha une flèche qui alla se ficher dans l’épaule de Jeremiah Johnson. Ploc ! L’avenir du rock allait se lever pour se barrer, mais Jeremiah le rassura :

             — T’inquiète pas, avenir du rock, j’ai l’habitude, avec ces mecs-là.

             Il arracha la flèche de son épaule, plic !, et la brisa sur son genou, en signe de paix. Le Crow approcha, fit «Ugh» en levant la main et prit place autour du feu. Jeremiah lui servit un double Ricard sec.

             — Attention, Jeremiah, il y a un message attaché à la flèche

             — Oui je sais. Il s’appelle Fesse Bouc. Il vient d’ouvrir une messagerie pour les visages pâles.

             — Quoi ?

             — Il envoie des messages en tirant des flèches. Cherche pas à comprendre. C’est les Crows.

             Un autre Crow tira une flèche, ploc !, dans la cuisse de Jeremiah qui l’arracha, plic ! Le Crow prit place autour du feu. Jeremiah le présenta :

             — Çui-là, y s’appelle Egg Poché.

             — Pffffff. C’est la misère, ton apéro, Jeremiah Johnson. Je préfère Lovely Eggs. 

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             Franchement, t’en reviens pas de voir non seulement la qualité des albums des Lovely Eggs, mais aussi la qualité du silence qui les entoure. T’as rien sur les Lovely Eggs, même dans les canards anglais. Que dalle ! heureusement que KRTNT est là pour réparer cette injustice. Et pourtant, Holly Ross est une véritable superstar.

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    Le nouvel album des Lovely Eggs s’appelle Eggsistentialism. Rien à voir avec Sartre. T’entends l’Holly ruer dans les brancards dès «Nothing/Everything». Ils font tous les deux des Raveonettes à la puissance 1000, c’est pulsé au riff d’orgue séculaire et t’as l’everything qui s’étale dans l’étoile d’une mer étale, juste au-dessus de la surface du paradis, c’est une authentique bénédiction, l’aboutissement intellectuel de la pop. L’Holly est fantastiquement pure et magique. Elle chante au sucre sacré d’I still go around. Elle te fait l’everything du firmament. Elle est complètement folle, cette gonzesse, elle te tombe dessus dès «Death Grip Kids», une vraie furie, c’est pas la reine du rodéo mais plutôt la reine de la dégelée royale. Avec «My Mood Wave», elle te fait du Jackie DeShannon à la puissance 1000, elle vibre de toutes parts - I don’t know where I should begin - Nous non plus, on ne sait pas. Elle joue avec le trash-punk dans «I Don’t Fucking Know». Même en mode trash-punk elle pousse à la roue mélodique. Elle reste fabuleusement pop sur «Echo You», même avec des machines. Son sucre candy force l’admiration. Son power perce les blindages. Elle nage comme seuls les dauphins savent nager. She’s a hero/ Just for one day. Elle boucle avec «I Am Gaïa» et fait sa Nico. Cut dense, profond et gothique, joli brouet d’I won’t cry for more. T’attends la suite et tu ne caches pas ton impatience.  

    Signé : Cazengler, bec d’egg

    Lovely Eggs. Eggsistentialism. Egg 2024

     

     

    Inside the goldmine

     - Sayles et poivre

             Chaque fois qu’un mec commençait à le charrier sur son nom, Jacky Sel se mettait en pétard.

             — Oh Jacky, quand est-ce que tu remontes en scel...  

             Paf !

             Il n’a pas eu pas le temps de finir. Il a reçu le poing de Jacky Sel en pleine gueule.

             — C’est la dernière fois que j’te l’dis, mon con joli, me charrie pas sur mon blaze ! La prochaine fois, j’te défigure, t’as pigé ? Ta mère enne’te r’connaîtra pas !

             Mec ou gonzesse, même tarif. Cette petite conne est arrivée au bar et s’est crue autorisée à charrier Jacky Sel.

             — Oh Jacky, t’es le sel de ma vi....

             Paf !

             Elle s’est retrouvée le cul par terre.

             — C’est la dernière fois que j’te l’dis, connasse, me charrie pas sur mon blaze. La prochaine fois t’auras les deux yeux au beurre noir.

             Et puis un jour, un gros malabar s’est pointé au bar. Il faisait deux mètres de haut et pesait dans les 200 kg. Pour aggraver les choses, il portait des bracelets de force aux poignets et des tatouages russes sur les mains et dans le cou. De toute évidence, il venait se payer Jacky Sel. Il déclara d’une voix forte, pour que toute la salle entende bien :

             — J’vas béqueter un œuf dur... Passe-moi l’sel !

             Il y eut un murmure dans la salle. Le malabar se tourna vers les gens un affichant un grand sourire édenté. Jacky Sel ne disait toujours rien. Le malabar en rajouta une petite couche :

             — Ça t’va bien les ch’veux poivre et sel...

             Nouveau murmure. Alors le malabar décida de brûler les étapes :

             — T’es un vrai demi-sel, Jacky Sel.

             Jacky voulut frapper, mais le malabar lui saisit le poignet, attrapa l’autre bras de Jacky, leva le pauvre Jacky au-dessus de sa tête et le jeta au sol de toutes ses forces. Crack ! Dos brisé. Jacky se retrouva dans un fauteuil roulant. Dans la rue, les gens se vengeaient de lui en ironisant à voix haute, pour qu’il entende : «Oh Jacky est dans un sel état.»

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             Johnny Sayles n’a pas eu à subir les mêmes tourments que Jacky Sel. Des farceurs lui ont peut-être demandé s’il était on Sayles, c’est-à-dire en vente, mais il ne risquait pas de se faire traiter de demi-Sayles.

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             C’est dans la compile Move With the Groove qu’on peut découvrir l’effarant Johnny Sayles. Si tu veux t’effarer, alors écoute cet album effarant paru sur Dakar en 1972, Man On The Inside. Rien qu’à voir la classe du Johnny sur la pochette, tu claques déjà des doigts. La classe du black ! Et la classe des cuts ! Boom dès «Snake In The Grass» - They call me/ Snake in the grass - et il rigole de bon cœur. C’est Johnny, les gars, ha ha ha, il est fabuleux. Si t’en pinces pour le groove, c’est là. Il enchaîne avec deux autres coups de génie, «Good Golly» et «Troubles A Comin’». Il fait de l’heavy Soul avec le power des Four Tops sur «Good Golly». Il a des chevaux vapeur dans le tiroir, et avec son Troubles, il passe au heavy somebody, c’est orchestré à outrance. Willie Henderson produit cette merveille. Johnny attaque sa B avec une autre triplette de Belleville : «Voice From The Inside», «Ooh Baby» et «I Understand. Ce magnifique Soul Brother claque son Voice au deep Soul funk. Puis il fait du Tempts avec «Ooh Baby», il a toute la résonance, tout l’expéditif, tout le considérable des Tempts. Et tout explose avec «I Understand», un solide r’n’b fabuleusement repris par les chœurs, mécanique intense avec la voix du dandy Johnny qui brille au firmament.

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             On reste dans The Chicago hard Soul style avec The Johnny Sayles Story, magnifique compile sortie de nulle part. Il amène très vite un gros shoot de Black Power avec «You Did Me Wrong», heavy blues de va-pas-bien - I can’t blame you baby - Il est bon, le petit Johnny sorti de nulle part - Want somebody ! - Avec «Tell Me Where I Stand», il passe au harsh r’n’b, il y va au I need you baby et on découvre le pure genius of Johnny Sayles avec «The Girl I Love». Les filles qui sont les Duetts font hey hey hey et ça devient énorme, fabuleux brouet d’heavy Soul, le black dude Johnny est un héros de la Soul. Encore un fabuleux r’n’b de good time Johnny avec «I’m Satisfied», on fond comme beurre en broche. Il explose l’heavy blues avec «Nothing But Hard Rocks», il est intense d’eveytime I look around. Il revient à son cher r’n’b de destruction massive avec «The Concentration» - Move it mama - et l’encore plus wild «Anything For You». Avec «Deep Down In My Heart», il passe à l’heavy gloom défenestré, il se cale sur des chœurs de folie pure, toujours les Duetts. Johnny sait rebondir sur le deep. Comme il a fait partie des Five Du-Tones, il a gardé un penchant pour l’hard Soul. Son «Little Mae» est aussi incendiaire qu’un hit des Tempts.

    Signé : Cazengler, demi-sel

    Johnny Sayles. Man On The Inside. Dakar Records 1972

    Johnny Sayles. The Johnny Sayles Story. Official

     

    *

             Peut-être ne vous êtes-vous jamais demandé ce qu’il y avait – j’aurais pu dire la suite - après la fin, les derniers lyrics de The End. Des Doors. Laissez tomber l’aspect musique envoûtante. Pensez plutôt à la poésie de Jim Morrison. J’ai longtemps rêvé sur un passage très précis du poème : ‘’The killer awoke before dawn  / He put his boots on / He took a face from the ancient gallery / And he walked on down the hall / He went into the room where his sister lived,’’.

             J’ai toujours pensé que le début de ce couplet était le nœud démiurgique du poème, beaucoup plus que le meurtre du père et le viol de la mère qui le suit. D’abord une remarque d’ensemble, nous sommes davantage dans une demeure seigneuriale, voire princière, que dans un intérieur familial américain, même de l’upper-classe. Plus près de la maison d’Usher d’Edgar Poe que des réceptions huppées de Fitzgerald. Beaucoup plus précisément, trois questions : pourquoi avant l’aube ? Est-ce une scène de nuit ou d’avant la naissance du jour. Symboliquement cela affecte la portée du texte. Est-elle de mort ou de naissance ? Est-ce la fin, ou le début ? Quel visage, quel masque le tueur décroche-t-il ? Celui du sacrificateur, celui de l’enfant ? Enfin troisième interrogation qui déplace jusqu’au sens du poème. Pourquoi entre-t-il dans la chambre de sa sœur ? Tout de suite après il rend visite à son frère. Assistons-nous à une cérémonie d’adieu, ou cette dernière visite fraternelle et point sororale est-elle évoquée pour ne pas s’attarder sur la précédente… pour que toute votre attention vous conduise, soit focalisée, au plus vite sur les deux forfaitures suivantes…

             Je me suis couché hier soir en souhaitant écrire ce matin une kronic sur un groupe français, c’est mon côté nationaliste, pléthore de nouveautés chez Mister Doom 666, de toutes les nationalités, jusqu’à un groupe indonésien, je sursaute, coup sur coup, assailli par deux expressions en langue rimbaldienne. La première cache un groupe américain, mais la seconde m’esbaudit, au titre si particulier j’intuite que non seulement ils sont français mais qu’ils chantent aussi en français ! Tout compte fait je m’aperçois qu’ils de nationalité suisse.

             Je suis heureux. Je ne savais pas encore où je mettais les pieds.

    s’allier à l’errance

    ORGO

    (Bandcamp / Mars 2025)

    Magh : vocal, bass / Wolfli : drums, backing vocals / Julien : guitars / Bertruand : guitars.        

    Orgo regroupe des habitués de la scène des musiques extrêmes suisse, ils proviennent de différents groupes : Calcined, Sixokondo, Churchill, Challenger. Le groupe s’est formé en 2021. S’allier à l’errance est leur premier EP.

    Eux-mêmes se définissent en quelques mots que certains trouveront aussi sibyllins que l’essence de la poésie : ‘’Le soulagement arrive, mais le vide aussi. Hallucinations fébriles entre résilience et effondrement. Sans fin. Inévitable. Orgo déterre une geôle sonore. Blafarde et dissonante. Un espace sombre où la raison se promet à la potence.’’ 

    Dans son Discours de la Méthode, Descartes a écrit ‘’ je pense donc je suis’’ mais dans Les Méditations Métaphysiques il rédige autrement sa  formule : ‘’Ego sum, ego existo’’ (je suis, j’existe ou alors moi je suis, moi j’existe). Dans Les Principes Philosophiques   en jeune coq de la philosophie moderne il tient à  marquer la renaissance de la gaya scienza grâce à la griffure de son ergot ‘’Ego cogito, ergo sum’’ (Je pense donc je suis). Ce n’est pas le mot raison sis à la fin du précédent paragraphe qui fonde cette allusion à Descartes, mais le nom du groupe ORGO qui en latin signifie en toute simplicité : ‘’avec orgueil’’. Selon le nom groupe l’on peut ainsi dire que le fait de penser fonde l’orgueil de l’avènement de l’Être. Je vous laisse méditer quant aux conséquences, par exemple heideggériennes, de cette interprétation.

    Il est une notion que nous ne prenons pas en compte celle d’’ego’’, nous nous contenterons de signaler, presque hors-propos, toutefois il existe une chaîne d’or qui relie certains évènements, certains concepts, et surtout certains évènements conceptuels, même si les esprits distraits auront du mal à remonter la logosité concaténationnelle qui les rassemble, ainsi par exemple l’inscription Et ego in arcadia, pour laquelle nous renverrons dans ce blogue-ci au travail atlantidéen et platonicien effectué par le groupe de metal : Thumos. Incidemment cette idée d’enchaînement logique renvoie par-delà Descartes à  la chaîne des notions  causales des conséquences d’Aristote.

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    Ne dites pas que la pochette est un gribouillage infâme et informe, que votre petit neveu de dix-huit mois fait aussi bien. Alors que vous pensez aussi mal. Essayez de vous en tenir à de sommaires constations. Il y a noir et du blanc. Il y a un dessus, peut-être un ciel nuageux, peut-être une terre marécageuse. Il y a un dessous. Peut-être de l’eau, peut-être l’ouverture d’un soubassement souterrain. Vous avez l’essentiel. Quelque chose vous manque-t-il, c’est que vous n’avez pas comme Gérard de Nerval, traversé deux fois vainqueur l’Achéron.

    Je vous engage à lire les lyrics, depuis près de quinze ans que je kronique des disques, je ne me suis jamais trouvé face à un texte d’une telle densité poétique.

    Catenae Fortunae : ne pas confondre cette chaîne fortunée ave la chaîne d’or, au sens  du mot latin la fortune s’avère bonne ou mauvaise, tout dépend de votre sort, ou il est bon, donc vous êtes en vie, ou il est mauvais : donc  vous êtes mort.  Il n’y a pas à tergiverser. Gardez cette dichotomie en tête pour écouter ce morceau. Z’ont mis trois tags pour vous prévenir de vous engager sur ce sentier (ultra)sonore et ombreux : doom, sludge, noise. Bruyant, un peu cacophonique, monumental, expérimental, pyramidal, terrible, effrayant, magnifique. Non le mixage n’est pas mal fait, si le vocal semble lointain  ils n’ont pas oublié de tourner à fond le bouton, Magh hurle de toutes ses forces, mais il est loin très loin, alors autant écouter et en prendre de la graine de grenade comme s’amusait à le proclamer Perséphone. Le désir de la mort n’est pas la mort du désir. Avez-vous essayé de séquestrer un cadavre. N’est-ce pas un mot qui ne veut rien dire, un être mort n’est-il pas aussi vivant qu’un être vivant, à moins que ce ne soit le contraire, il y a lui , il y a elle, nous fûmes deux, ô sœur, je le maintiens dixit Mallarmé,  le gardien de la porte qui s’ouvre et se ferme dans les deux sens, dans les caves du manoir les arbres poussent leurs racines au plus profond des caveaux, leur manière à eux d’indiquer le chemin , une boîte oblongue et odorante, une très petite sœur était morte,  j’avais eu qui sent bon son cercueil dixit Saint-John Perse, puis-je retenir encore à moi l’âme sœur que les ombres me réclament, ce n’est pas qu’elle est presque morte, c’est qu’elle est presque vivante, déjà sur l’autre rive, Eurydice perdue à jamais.

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    Le signe du fugitif : si le premier morceau est éprouvant, le second, ce mot signifie qu’il n’y en aura pas de troisième, parce que contrairement à The End il n’y a pas d’interstice, pas de porte de sortie, pour reprendre une expression qui colle aux Doors, l’ultime donc, est strictement infernale. Un tintamarre pandémonial, les ombres sont là autour de vous, un flot ininterrompu de présences ombreuses vous assaille, nulle part ailleurs vous ne trouverez davantage de clameurs bruiteuses, impossible de sortir, le cortège vous poursuit, une seule solution, s’enfuir. Toutes les issues sont bouchées ne reste que la fuite en vous-même, ce qui n’empêche pas un capharnaüm de hurlements de retentir en vous, osmose, l’extérieur de vous pénètre en vous, vous êtes entre les deux rives, peut-être  dans le rêve impossible d’une double présence éternelle, celle d’une jonction nuptiale et hiérogamique du frère avec sa sœur, vous avez passé, de la vie à la mort, vous êtes cadavres, peut-être à deux  ne possédez-vous qu’un corps unique, mais la mort vous pèse, le cercueil vous plombe, elle veut sortir de cette étreinte, de votre embrassement, peut-être est-ce la Mort que vous avez enchaînée en vos bras, la Mort n’est-elle pas votre sœur d’âme, on n’enferme pas la Mort, elle s’échappe de vous, peut-être a-t-elle été l’intercesseuse de votre union à votre rêve, à votre désir solitaire, mais le rêve de votre sœur est-il en elle, ou en vous, peut-être même n’êtes-vous que le rêve de votre sœur, de cette sœur rêvée, ce qui vous appartient n’est-il pas à elle, n’est-il pas elle, d’ailleurs son rêve, votre rêve n’est-il pas au-dehors de vous et de tous les autres, n’est-il pas déjà de par sa nature en fuite, vogue-t-il immarcessible au-dessus de la ville, au-dessus de la poussière des morts, ces ombres dont vous vous êtes enfui, l’une dans l’autre et vice inversé, pour devenir cette poussière irradiante dont votre forme n’est qu’une constellation luminescente que vous seuls pouvez voir car en elle seule réside votre  double royaume. Kaos. Kaos. Kaos.

             Après une telle écoute, il ne vous reste plus qu’une chose à faire, relire Annabel Lee d’Edgar Allan Poe.

             Ou mourir.

             C’est ainsi que vous vous allierez à l’errance.

    Damie Chad.

     

    *

    Certains titres d’album vous attirent plus que d’autres. Naïvement j’aurais pu croire qu’il parlait de Moi et de mon pays. Hélas mon esprit un peu retors a subodoré un soupçon d’ironie politique dans l’intitulé. Je suis allé voir, pourtant la pochette n’est guère engageante, oui mais au premier coup d’œil j’ai deviné que c’était un paysage américain. Qui refuserait un voyage dans la grande Amérique, le pays du rock’n’roll !

    GOD’S COUNTRY

    CHAT PILE

    (Flenser Records  / 2022)

             J’ai dû déchanter, j’avais cru moi qui adore les félins que j’étais tombé pile sur un chat, mais non, Chat Pile  désigne les tas de déchets toxiques rejetés et entassés par l’industrie… Deuxième déconvenue en cherchant à savoir qui ils étaient je me suis aperçu que je j’avais déjà effectué voici deux ans cette démarche, dois-je me lamenter sur ma mémoire défaillante ou y voir la preuve de la non-existence du hasard dans mes recherches sonores…  Une bonne nouvelle : New Noise qui continue de paraître en  kiosque - et qui en est au numéro 74, après un brutal et inexplicable chute des ventes voici deux ans, nous en avions parlé - les suit pratiquement depuis leur début. Ils seront en concert au Trabendo le 28 avril de cette année 2025.

             Viennent d’Oklahoma City in Oklahoma. Etat situé entre le Texas et le Kansas, pétrole et gaz de schiste n’aident pas à le classer parmi les régions les plus écologiques du monde… Consolation de taille qui vous réconciliera avec la région : les parents d’Eddie Cochran étaient originaires de l’Oklahoma.

             Passons donc sur la couve attention, ce paysage industriel déprimant  colle parfaitement au sujet de l’opus. God’s Country est leur premier album, leurs précédents splits et EP’s avaient attiré l’attention sur eux, mais ce full lenght leur permit d’atteindre une notoriété nationale et internationale, ils ont depuis acquis un statut professionnel. 

    Raygun Busch :  chant / Luther Manhole : guitare / Stin : basse / Cap'n Ron : batterie.

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    Slaughterhouse : ça se passe en Oklahoma, aussi ailleurs, pour la visite touristique vous n’êtes pas sur la bonne file, par contre la musique d’ambiance colle au plus près du sujet. Si vous ne savez pas ce que signifie slaugther je vous donne l équivalent en français, L 214, oui l’association Loi 1901 qui filme en catimini dans les abattoirs, qui dévoile le sort réservé aux animaux, des images qui choquent, je vous rassure Chat Pile ne vous filent que le son, l’on peut dire que la batterie de Cap’n Ron abat le boulot de toutes ses forces, en poésie ça s’appelle de l’harmonie imitative, le bruit de la masse qui s’écrase sur la tête d’une vache, ou qui démantibule le crâne d’un cheval, vous ne voyez pas mais vous entendez, quant à  Raygun Busch  il ne chante pas, il clame, il déclame, il proclame, il dit le meurtre, il décrit les yeux des animaux, il vous asperge d’un peu de sang, il constate que Dieu qui voit tout n’intervient pas, n’accusez pas les manouvriers, bien sûr ils frappent, mais les coups s’insinuent dans leurs têtes, le pire c’est qu’ils y résonnent indéfiniment, qu’ils refusent d’en sortir, idem pour les cris qui débordent des oreilles, les hommes et les animaux aimeraient être ailleurs, mais ils sont là. Condition ouvrière, condition animale. Bourreaux et criminels. Mort et remords. Un peu gore pour une intro. Musique industrielle, carnage vocalique. Bienvenue dans les hécatombes de notre modernité civilisationnelle. Why : ils vous le précisent en fin de morceau, l’histoire se passe en Amérique. Remarquez, s’ils étaient en  France ils diraient qu’elle se passe en France. Un beau bruit charivarique, sur le plan vocal il commence en parlant doucement, comme personne ne lui répond il s’énerve un peu. Beaucoup. A la folie.  Il est vrai qu’il pose une question insupportable, à devenir fou, pourquoi y a-t-il des gens qui vivent dehors dans le froid. Alors qu’ils habitent un pays riche. Entre nous ils connaissent la réponse, vous aussi, mais la posez-vous à voix assez haute pour être entendu… Ce qui suit, ils ne disent pas mais j’ai toujours trouvé bizarre que les gens autour de moi s’émeuvent davantage du sort des animaux que celui des hommes. Pamela : vous respirez, enfin une histoire d’amour ! Tout de suite c’est moins bruyant, basse et guitare émettent une espèce de mélopée mélancolique, le Raygun Bush n’a plus de timbre, devrait prendre de la vitamine C, l’histoire est triste, lui il est mort, il s’est noyé dans un lac, elle le pleure, ah ! c’est sa maman, ah ! il s’est suicidé, mais pourquoi ce bruit de ferblanterie et pourquoi cet arrêt si brusque, devraient être davantage compatissant et laisser pleurer cette pauvre femme, qui n’a qu’une envie, de mourir à son tour… hien, quoi, que dit-elle, que sous-entend-elle, qu’elle va se venger, que ça va saigner. Ils ont raison de couper le son. La police n’a pas besoin d’être prévenue. Je compte sur vous pour vous taire. Soyez complices. Soyez solidaires.

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     Wicked Puppet Dance : une special music video, n’appelez pas pour autant vos enfant, oui c’est du guignol, avec une marionnette, elle se permet de peindre le nom de Karl Marx sur un mur, ce genre de gribouillage pourrait   inciter les moutards à lire et leur donner des idées, et puis pourquoi la commande de la marionnette épouse-t-elle la forme d’une croix, cela signifierait-il que le marionnettiste est Dieu, et que l’Homme serait envoyé se faire crucifier par son Dieu tout puissant, et pourquoi la pauvre marionnette pisse tellement de sang que l’urinoir déborde et que l’hémoglobine inonde la terre. Vous conviendrez que cette vidéo est quelque peu séditieuse. Contentons-nous d’écouter sans voir. Ça grince, ça tangue, ça frappe, pourquoi ce ton excédé, pourquoi cette rage d’expression, il n’en peut plus, il pète un câble, Dieu le regarde, Raygun Bush préfère se taire. L’a raison. L’on n’est jamais trop prudent. Le gars a craqué. A envoyé une bastos de la mort dans la tête de celui qui l’emmerdait. Son propriétaire, son patron, son député, ce n’est pas précisé. Peut-être même a-t-il tiré sur Dieu. La vengeance du prolétariat, ça fait toujours plaisir. Oui j’avais averti que c’était politique, alors ne venez pas vous plaindre si cela ne vous convient pas. L’y a laissé peut-être la vie aussi. Oui mais quelle jouissance de s’être vengé d’une existence qui ne vous appartient plus, des sons de trompette, la batterie a attrapé le rythme par la queue et ne le lâche pas. Cahotique et mélodramatique dans la deuxième partie. C’est un morceau de rattrapage pour ceux qui n’ont rien compris aux deux précédents, alors ils vous versent toute la gomme sur la gueule, tout se passe dans la tête d’un seul personnage, quand vous avez un pistolet dans la main, c’est pour s’en servir, contre les autres, contre soi-même, tel est pris qui croyait prendre, les limites de l’action individuelle, si la destruction est aussi une création, il ne faut pas confondre destruction et auto-destruction. Marx versus Bakounine. Tropical Beaches, Inc : laminoir automatique, attention ne pas passer sous les rouleaux compresseurs qui vous attendent, il hurle, il ne veut pas, les autres appuient de toutes leurs forces pour hâter l’inéluctable, l’employé dont l’entreprise n’a plus besoin, ne comprend rien rend à cette logique économico-libérale qui ne vous rend pas plus libre, qui vous éjecte des rouages qui n’ont plus besoin de vous. S’égosille de peur et de haine. En vain. Trois légers sifflements terminus comme quelqu’un qui a coupé la communication et qui vous laisse dans votre solitude. The

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    Mask : attention ça barde, pas de pitié, pas de prisonnier, furax et féroce, le gars utilise les grands moyens, la force, l’est prêt à tuer, alors il tue, haine et jouissance, de face ou dans le dos, oui c’est violent, le morceau est court, faut savoir être expéditif. Ou c’est moi qui meurs, ou c’est vous.  Banque-route de cadavres. Hold on and hold-up. Comme les animaux à l’abattoir. I Don’t Care If I Burn : peu de bruit pour une fois, juste des pas, il ne hurle pas, presque une berceuse, il chantonne un peu, de la jubilation, il est près de son but, il est derrière lui, il ne vit que pour le tuer, il en crierait de joie, et il arrive, juste le tuer pour être en paix, enfin, avec soi-même. Grimace-Smoking-Weed : tout compte fait, il ne s’en tire pas mal, il abat sans faille ceux qui se mettent devant lui, peut-être pas dans la réalité, peut-être dans ses rêves, dans ses pensées, dans ses ruminations, musique implacable pratiquement la même qu’au tout début, n’est qu’un vaincu, l’a trop fumé, prend trop de produit, se débat contre ses hallucinations, l’homme purple qui ne le quitte pas, qui lui colle à la peau, alors il s’adresse à ce fantôme encombrant de la réalité, il le chasse, il lui claque la porte sur le nez, attention c’est la grande scène finale de l’opéra, fout tout le poids de sa voix persuasive dans la balance, l’a quelque chose de très important à faire. Se jeter par la fenêtre. Rassurez-vous, elle n’est pas très haute. L’on n’échappe pas à son destin social.

             Pessimiste. Violent. Radical.

    Damie Chad.

    *

             Les filles ne sont plus ce qu’elles étaient, je ne parle pas des françaises parfaites et sans défaut, mais des américaines, surtout les chanteuses et spécialement celles qui gravitent dans les roots zones de la country music. Soyons justes, elles chantent comme des tourterelles mais qu’est-ce qu’elles trimballent comme mal-être. Les deux chroniques précédentes ne sont pas joyeuses, je me suis dit que chez Western AF, je trouverais luxe, calme et volupté. Un paradis baudelairien. J’avais oublié que chez Baudelaire l’Enfer et le Paradis ne sont qu’une même contrée.

    DRUNK ON YOU

    MARLEY HALE

    (YT / Western AF / Février 2025)

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             Y a ceux qui font la fermeture des bars et ceux qui font l’ouverture. Les couche-tard ne sont pas nécessairement des ivrognes, mais les lève-tôt ne sont pas obligatoirement d’honnêtes travailleurs. Bref une belle intro, l’ouverture du bar Jones, une chaise, une table on ne la voit pas, mais elle commence à parler, elle explique comment et pourquoi elle a écrit the song, je résume en deux mots : alcool et peine de cœur. Guitare, veste en jeans, cheveux ondulé, visage de jeune fille un peu naïve mais petits sourires désabusés. Une belle voix, plutôt classique, idéale pour les histoires à l’eau de rose, oui mais les mots bleutés qu’elle prononce tout doux sont chargés de toutes les brisures du blues.

             J’ai voulu en savoir plus, née à Austin, élevée en Californie du Nord, son père qui écoute du Led Zeppelin lui donne ses premières leçons de guitare à dix ans, aujourd’hui elle est basée à Brooklyn autrement dit à  New York où voici plus d’un demi-siècle un certain Dylan fit son trou. L’on trouve quelques traces d’elles sous le nom de Marley Collins. Elle aime aussi Karen Dalton. Ecoutons son premier EP.

             Le titre sonne fièrement. Une belle proclamation de foi féministe. La couve instille le doute : cette fille qui tangue et se laisse aller dans les bras de son cavalier ne donne pas l’impression d’une prédatrice sûre de sa capture. Semble en attente.

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    BY MY OWN WAY

    MARLEY HALE

    (  / Juillet 2024)

    Aidan Cafferty : bass on all songs except "Good Man" / Kai Barshack : drums / Antonio Romero : fiddle, Piano /  Sam Talmadge : electric, acoustic, and baritone guitar / Jack McLoughlin : pedal steel / Dylan McKinstry : bass on "Good Man" / Marley Hale :  vocals

    To those at my window : vous avez lu la liste des accompagnateurs, c’est une erreur, de véritables acteurs, ils créent le décor, l’ambiance et le commentaire, du coup Marley ne chante pas, elle interprète les rôles, elle et lui, rien à voir avec la nudité de chez Jones, c’est pourtant la même histoire, mais transformée en comédie humaine balzacienne, en trois minutes vous n’avez que l’analyse d’un seul personnage, le regard qu’elle porte sur les hommes, des cinq morceaux de cet Ep il est l’unique dans lequel c’est elle qui mène le jeu, même si elle comprend et souffre de savoir qu’elle ne correspond pas à ses rêves à lui, et qu’il pourrait s’accrocher à ses rêves à elle, ce qu’elle ne veut pas, car la quille des bateaux du songe ne doit pas trop s’approcher des rochers de la vie réelle… Le violon vertigineux vous emporte sur les rives du naufrage.  Drunk on you : cette version bien plus belle que celle de western AF, la même lenteur, le même rythme certes mais la discrète orchestration change tout, sa voix n’a plus besoin de pleurer puisque la la steel le fait pour elle, alors elle peut se poser comme une mouette goudronnée dégoulinante de désespoir s’abat sur le rivage pour survivre dans la propre mort de sa vie impossible. Valse lente, car dans ces moments-là l’homme de chair impossible à qui je pense est plus beau que moi. Chanson à boire sans soif. Avec ou sans alcool. Dear girl : vous avez une Official

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    Video, même sans le savoir, dès les premières notes vous sursautez : vous êtes dans un western, non pas une pellicule avec John Wayne ou avec une flèche brisée dans le dos, un film, de la génération d’après, un spaghetti bolognaise rouge d’hémoglobine, pelloche déchirée de chez les ritals exacerbés, les musicos vous la font à la Ennio Morricone plus un soupçon funèbre de mariachi, pour les images aucune fusillade, une fille qui erre dans la nuit, qui s’y frotte mais qui ne s’y pique pas, le combat est à l’intérieur, elle déambule dans la noirceur lunaire, elle se bat contre un terrible ennemi : la solitude. On your knees : la ballade country rock par excellence, pour une fois c’est sa voix qui mène le bal, les autres tiennent la chandelle derrière elle-même si le vent du violent la fait vaciller très fort, la bougie du désespoir, le cierge de l’attente vaine que l’on laisse brûler près du cercueil de l’existence, quelle force dans ses lyrics, au détour d’un vers il y a toujours une balle qui vous atteint en plein cœur.

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    Good Man : l’Official Music Video n’est pas jojo, un couple qui danse, pas du rock acrobatique, une espèce de lindy hop mou, sur la bande-son les musicos essaient d’installer une ambiance country sans western, en l’écoutant l’on se dit que si le rythme de la valse se retrouve dans le blues, elle est aussi l’épine dorsale de la country, je parle et vous aimeriez savoir ce qu’elle chante (divinement) une histoire toute simple, la grande leçon de la tristesse de la vie acceptable, faute de grive l’on se contente de merle. C’est pareil pour les hommes. Nous ne dirons pas que c’est identique pour les filles, car nous ne voudrions pas être mufle. Because we are a good man.      

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             L’existe une version live de To Those at my window, et de On your kees, la voix et le violoniste, c’est d’ailleurs ce dernier qui joue le cavalier du couple sur la vidéo de Good Man.

    Cet EP est magnifique.

    Damie Chad.

     

    *

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    (SERVICES SECRETS DU ROCK’N’ROLL)

    LA CONNEXION MEXICANO-AMERICAINE

             A peine ai-je entrebâillé la porte que Molossa et Molossito se sont précipités sur leur canapé préféré :

             _ Enfin de retour Agent Chad, je vois que l’équipe est au complet, êtes-vous parvenu à vous procurer les documents que je vous ai envoyé chercher, vous avez mis un temps fou !

             _ Chef, les mexicains ne sont guère loquaces, caramba ! tout juste si au bout de soixantième mojito ils entrouvrent la bouche… Ensuite ils y tiennent comme si c’était des photographies de la Madre de Dios en monokini, mon rafalos a dû en éliminer une soixantaine avant que je puisse m’en emparer, les voici.

             Le Chef s’apprête à allumer un Coronado, il le soupèse, le palpe, hume la robe, le repose, en choisit un autre dans le tiroir de son bureau, le caresse, craque une allumette, exhale enfin avec volupté un nuage de fumée aveuglant :

    _ Agent Chad, ne perdez pas de temps, l’affaire est importante, j’attends votre rapport, montrez-moi la première photo !

    _ La voici Chef !

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    _ Quoi un disque des Ramones si j’en juge par le dessin !

    _ Pas tout à fait, ils ont utilisé les pistes drummiques de l’album Rocket To Russia des Ramones, puis ils ont rajouté leur sauce, j’ai dû faire un détour jusqu’en Turquie pour m’en procurer un exemplaire !

    _ Nous serions donc face à un gang aux ramifications internationales !

    _ Oui Chef, regardez le deuxième document, ces gars-là ne se cachent pas, ils  jouent à visage découvert !

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    _ Pedro Pistola ! Vous avez leur véritable identité ?

    _ Bien sûr : Rick Jeschke Deli : guitar / Rack Guerrero Aguirre : bass / Alis Emerson : drums

    _ Beau travail Agent Chad, qu’avez-vous d’autre ?

    _ Tenez ce document n’est-il pas étonnant !

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    _ Diable, quelque chose me trouble, j’y vois comme un rapport avec l’album Agent of Fortune des Blue Oyster Cult, par contre la connexion n’est pas évidente, Ramones ça sent le chicano, mais le Culte de l’Huitre bleue…

    _ Regardez celui-ci, cela vous aidera !

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    _ Moros en la Costa, ne se mouchent pas avec la manche, ces palmiers sortent tout droit de Miami, s’attaquent aux USA !

    _  Ont déjà traversé, entre 2017 et 2022, le pays jusqu’aux grands lacs, ils ont une base à Chicago.

    _Pas étonnant, tous les chats sont noirs en Illinoirs, nous sommes face à une maffia tentaculaire, des gars dangereux !

    _  Plus que vous ne le croyez chef, ils font régner la terreur, la loi du silence, si tu parles t’es mort, en voici la preuve !

    _  Des gars sans pitié, j’aimerais bien savoir la came qu’ils refourguent chez les amerlocs !

    _ J’ai récupéré un spécimen !

    _ Laissez-moi allumer un Coronado et examinons la bestiole :

    LOOSE LIPS, SINK SHIPS

    SECRET AGENT

    (Triple Agent Records / Juin 2023)

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    Ferme ta gueule, tout ira bien. Excusez-moi pour la grossièreté de ma traduction. Mot à mot : Lèvres ouvertes, bateaux coulés. Formule anglaise. Durant l’Occupation nous en avions une  similaire : Les murs ont des oreilles. En ces temps-là le gouvernement britannique avertissait sa population : tout renseignement glané par l’ennemi peut entraîner la perte d’un navire, or l’Angleterre étant une île…

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    I'm Not A Spy (I'm Your Guy) : carrément une vidéo où on les voit en pleine action, félicitations Agent Chad, ne lésinent pas sur les moyens, c’est rempli de jolies femmes, les pékins doivent tomber dans le panneau comme des mouches, z’ont un commando spécial Chef, El Vez and his Elvettes, je vois c’est entre Elvis et les Claudettes de Claude François, El vez Chef, c’est celui qui chante avec son bouc, l’a une voix de crooner insidieusement molle, vous endormirait presque, si j’en crois mes yeux la tête pensante de Secret Agent, c’est ce mec qui caresse mollement sa guitare, et la fille à la basse et une autre à la batterie, cela aide à comprendre certaines des photos  que vous avez apportées, les paroles sont codées, calquée sur un film idiot qui n’a jamais remporté de succès, hum, hum, j’ai une intuition Agent Chad, l’on ne voit pas la marchandise qu’ils font circuler, vraisemblablement de faux Coronados, des succédanés sans nicotine, à bas prix, de fades cigarillos sans âme, ni sortilège. Passons à la suite. Love In A Post War : ah, attention apparemment ils ont aussi des produits davantage roboratifs, savent noyer le poisson, le poison aussi, toujours le gandin devant qui fredonne, la batteuse bétonne mou, mais le mec à la guitare il sait se servir de ses doigts, nous avons affaire à un chimiste de laboratoire assez doué, doit être capable de vous concocter un Coronado à goût de poireau. Pouah, vous empaquettent le tout avec une chansonnette, une canzionata de amor Jeffe ! World To Burn : holà, Agent Chad,  misent sur toutes les gammes, même le pantouflard du blues vous prend une voix à faire frémir une classe de maternelle, ils en ont pour tous les goût, après l’amour mou, vous menacent de faire sauter la planète, et le guitariste est vraiment un gars dangereux, manie sa guitare comme un Parabellum, à six coups, ce guy est une véritable vipère vicieuse, en plus l’a pris un synthé à ses côtes pour les effets spéciaux.  Disguise : voyez-vous Agent Chad, se vantent de porter des masques, ils se moquent du monde, vous avertissent carrément qu’ils vous vendent de la merde, écoutez-moi ce vocal langoureux del cantaor, et derrière le guitar héros qui vous pond des picotis-picotas comme s’il vous offrait des biscuits d’apéritifs au vitriol, vous vous attendrissez, l’imbécile se dit, je suis sûr que c’est du caca boudin qu’il me tend, mais je le prends car il me fend le cœur, pour un peu je pleurerais, par amour ou par pitié, je ne sais pas, mais je vais lui prendre trente doses, pour le mois qui vient.

             _ Agent Chad, j’espère que vous avez annihilé ce nid de crotales, ne me dites pas que vous les avez laissé vivre !

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             _ Chef j’ai pensé que les tuer serait une punition trop douce, je me suis mis en cheville avec la CIA, sont en prison pour le reste de la vie, regardez voici un cliché de leur internement. Remarquez la CIA n’est plus ce qu’elle était, dans leur cellule ils leur ont donné le droit de monter un groupe, z’ont quand même supprimé le chanteur d’occasion, vous pouvez entendre la guitare, un drôle de mélange, une espèce de psyché surf, sans tsunami ni requins, même pas une scie-sauteuse pour démantibuler la planche, enfin, ça a le mérite d’exister, je vous laisse la bande, je m’en vais, j’ai promis à Molossito et Molossa un resto steak frites, z’en ont assez d’avoir eu à ingurgiter durant huit jours des taccos au piment !

    Rapport 292 – Archives Secrètes du SSR / Agent Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 683 : KR'TNT ! 683 : DON NIX / MAIDA VALE / LARRY WALLIS / LINDA JONES / FONTAINES DC / THE COOPERS / ASHEN / NIGHTSTALKER

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 683

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    27 / 03 / 2025

     

    DON NIX / MAIDA VALE

      LARRY WALLIS / LINDA JONES  

    FONTAINES DC /THE COOPERS

     ASHEN / NIGHTSTALKER

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 683

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

    Wizards & True Stars

     - Superso-Nix

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             Par miracle, le fameux Road Stories And Recipes de Don Nix reparaît sous le titre Living High Laying Low. Non seulement il permet de se replonger dans les souvenirs passionnants de l’un des pères fondateurs du Memphis Sound, mais il permet aussi d’admirer l’une des plus belles photos de signature de contrat qu’on ait pu voir ici-bas : Don change la roue arrière d’une Cadillac tout en signant son contrat posé à terre. Assis par terre devant lui et adossé contre la bagnole, Denny Cordell, boss de Shelter Records, lit un journal et pointe un flingue sur Don. Et debout derrière Don se tient l’un de plus fabuleux dandys de la scène américaine, mister Tonton Leon en personne, en lunettes noires, cigare au bec et vêtu d’un costard croisé à rayures. Wow ! Voilà ce qu’on appelle une image ! Et elle donne bien le ton du livre.

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             Don Nix vient de casser la pipe en bois, aussi recueillons-nous au bord du trou pour un ultime hommage.

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             Comme Robert Gordon et Jim Dickinson, Don Nix fut un touche-à-tout de la scène de Memphis : il a démarré dans les Mar-Keys avec Packy Axton, Steve Cropper et Dickinson, puis il est devenu pote avec John Fry d’Ardent, Jim Stewart de Stax, Furry Lewis du blues et Leon Russell du Wrecking Crew - John Fry was the grandfather of Memphis music. Il y a trois personnages importants dans ma vie, en matière de music business : Leon Russell, John Fry et Jim Stewart. Leon m’a appris à produire, John Fry m’a donné la clé de son studio, de sorte que je pouvais aller y travailler quand je voulais. Jim Stewart m’a engagé comme producteur et compositeur et a fait paraître quatre des albums que j’ai produits - C’est sans doute Jerry Wexler qui donne la meilleure définition du Nix : «A pioneer mover-and-shaker (and one of the finest of the breed) [Nix] came out of the Memphis/Muscle Shoals matrix along with compeers like Steve Cropper, Packy Axton and Jimmy Johnson - These country-friend originals who took the left turn to the blues. And who left their incredible mark on American root music.» Voilà ce qui s’appelle un hommage. Don Nix peut être fier de ce coup de chapeau. Il évoque d’ailleurs le Memphis Sound à sa manière : «C’est un son qu’on ne pouvait pas mettre en boîte pour l’emmener à L.A. ou New York. Ce n’était pas seulement un son. C’était surtout des gens - les écrivains et les musiciens de Memphis - qui l’incarnaient.» Il cite alors les noms de Sam Phillips, Dewey Phillips, Jim Stewart, Estelle Axton et Willie Mitchell - C’est un son qui a explosé à la face du monde, mais dans les années soixante-dix, il était en train de mourir. Si vous me posez la question, je vous répondrai qu’il fut mortellement blessé le jour où Martin Luther King se fit descendre et depuis, le Memphis Sound n’en finit plus d’agoniser - Don raconte qu’après l’attentat qui coûta la vie au Dr King, les rapports de voisinage avec la population noire devinrent compliqués.

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             Il avait aussi d’autres amis, et d’ailleurs, c’est là-dessus qu’il termine son livre : «Mes meilleurs amis sont tous morts - George Harrison, Joe Cocker, Duck Dunn. Et la liste s’allonge. La musique a été toute ma vie. C’est que j’ai le plus aimé. J’ai eu le privilège de jouer avec le Stax band, le Wrecking Crew, avec mes amis à Muscle Shoals et tous les mecs d’Apple. Personne n’a eu une vie meilleure que la mienne. J’aurais pu mourir voici quinze ans, content d’avoir vécu tout cela.» Mais Don vit encore et on trouve son portait dans l’excellent Memphis Soul de Thom Gilbert. Il est même plutôt bien conservé.

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             À la différence de Jim Dickinson, Don Nix n’est pas un écrivain. Mais il fait des photos. Il dispose en outre d’une bonne mémoire et d’un caractère bien trempé : il décide en effet très tôt qu’il fera ce qu’il veut de sa vie et qu’il ne recevra d’ordres de personne. Il traîne avec Packy, Duck Dunn et Steve Cropper et monte sur scène pour la première fois en 1958. Il précise aussi que sa mère avait du sang indien dans les veines et son arrière-grand-père était un métis Cherokee qui servit dans le 5e de Cavalerie de Caroline du Sud pendant la Guerre de Sécession.

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             Il consacre des pages émouvantes aux derniers jours de Dewey Phillips, à Furry Lewis dont il fut particulièrement proche, à Joe Cocker qu’il côtoya pendant des mois, à John Mayall dont il fait un portrait sidérant, celui d’un homme de la Renaissance qui construisit sa maison de Laurel Canyon de ses propres mains. Mayall n’est pas seulement musicien : il est aussi tailleur de pierre, charpentier, il coud lui-même ses vêtements et adolescent, il vécut dans une maison en bois qu’il avait aussi construite de ses propres mains. Dans sa maison de Laurel Canyon se baladaient des filles nues. Comme Tonton Leon et David Crosby, Mayall pratiquait l’hédonisme, un mode de vie dont raffolait aussi Don. Un autre portrait sidérant, celui de Jeff Beck dont il fait la connaissance à l’époque de Beck Bogert Appice. Il ne supporte pas les deux Yankeees et il demande à Jeff comment il fait pour les supporter. Jeff lui répond que c’est une décision de son management, et même s’il n’est pas très content de se projet, il se dit décidé à jouer le jeu. Mais Don remarque que Jeff est un homme infiniment triste. Il paraît déprimé la plupart du temps, sauf quand il joue.

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             Comme Don a commencé par écumer les États-Unis d’Amérique avec les Mar-Keys, il regorge d’anecdotes et de road stories, comme par exemple ce souvenir de Lee Dorsey sur scène qui était tellement bourré qu’il fallait le faire asseoir pour qu’il chante quatre ou cinq chansons. Mais même soûl comme un Polonais, Lee chantait encore mieux que les autres. Les Mar-Keys ont aussi la chance d’accompagner Chuck Berry qui les prend à la bonne, sans jamais leur adresser la moindre parole. Don voit donc la naissance de Stax à Memphis, avec des nouvelles têtes qui traînent dans les parages, un jeune étudiant nommé Booker T. Jones, et un certain Isaac Hayes qui travaille à l’usine d’emballage de viande. C’est aussi l’époque ou Furry Lewis est balayeur municipal. Son parcours va de South Main à Beale Street, il pousse sa poubelle à roulettes et trimbale une guitare. À l’époque où Don réussit à le convaincre de venir enregistrer en Californie, Furry a 73 ans, une patte en moins, il fume à la chaîne et boit comme un trou.

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             Don fait aussi un bout de chemin avec Dale Hawkins qui ne dort jamais et qui ne peut pas rester en place plus de deux minutes. Trop d’amphètes - Il avait une Cadillac Coupe deVille et conduisait comme un dingue. Je n’avais jamais rien vu de tel. Il racontait des histoires et agitait les bras comme un pasteur - Pages fantastiques aussi consacrées à ce vieux Tonton Leon, l’un des producteurs les plus courus d’Hollywood, qui travailla avec Frank Sinatra et les Beach Boys. Don voit germer l’idée de Mad Dogs & Englishmen. Il voit même Tonton Leon voler le show à Joe Cocker qui au départ devait tourner avec le Grease Band, ceux qu’on voit dans Woodstock, mais comme Henry McCulloch et les deux autres n’ont pas pu obtenir leurs visas, Denny Cordell qui manageait Joe demanda à Tonton Leon de monter vite fait un groupe pour la tournée prévue. Pour Don, the Shelter People fut l’un des meilleurs groupes d’Amérique - It was without a doubt the best band west of the Mississippi.

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             Don eut aussi l’immense privilège de produire Albert King. Il ne fallait pas importuner Big Albert, car il écartait le revers de son veston pour montrer qu’il portait un calibre 45. C’était sa façon de dire que la discussion s’arrêtait là. Big Albert ne savait ni lire ni écrire, mais Don réussit à le mettre à l’aise avec ça, d’autant que Big Albert ne voulait pas que ça se sache. Quand Isaac Hayes lui colla les paroles d’une chanson qu’il venait d’écrire sous le nez, Big Albert quitta le studio. Il fallait donc ruser pour travailler avec lui. Un soir, Don lui dit : «Albert, je sais que tu ne sais ni lire ni écrire, mais si je savais jouer de la guitare comme toi, je m’en foutrais de ne pas savoir lire ou écrire.» Big Albert l’observa un moment et Don pensait qu’il allait sortir son flingue pour le descendre. Mais un grand sourire éclaira son visage : «I like you, Don. You all right.» Et Don ajoute : «Je n’oublierai jamais cet instant.» Eh oui, il venait de gagner la confiance de Big Albert, et pour le mettre à l’aise en studio, il se cachait derrière une banquette pour lui souffler les paroles des chansons. Quand Jim Stewart vit ça, il lança : «On aura tout vu !» (Now I’ve seen everything). Big Albert raffolait tellement du stratagème qu’il demanda à Don de mettre les paroles des chansons bien évidence dans la cabine de chant, de sorte que tout le monde pût croire qu’il savait lire, et Don bien sûr continuait de lui souffler les paroles en cachette. L’album de Big Albert que produisit Don Nix et pour lequel il écrivit huit chansons est le fameux Lovejoy. Il existe un autre album de Big Albert enregistré à Muscle Shoals et produit par Don qui n’est jamais sorti. Comme d’ailleurs un album des Swampers aussi produit par Don, et dont il avait l’air d’être fier.

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             Don rappelle qu’il adorait Muscle Shoals, qui se trouvait à trois heures de route de Memphis. Il a aussi la chance de travailler avec l’un de ses héros, Freddie King, a big man with a smile to match that immediately put us at ease.

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             Puis il monte les Alabama State Troupers avec Tarp Tarrant, le batteur qui a joué 13 ans pour Jerry Lee, Clayton Ivey aux keyboards, Wayne Perkins et Tippy Armstrong aux guitares. Il ajoute un deuxième batteur, Fred Prouty, qui jouait chez Rick Hall, et Brenda Patterson aux backing vocals - It was a hell of a band - Pour la photo, ils posent tous devant une église baptiste. Comme l’écriteau indiquait «The Mount Zion Middle Baptist Church», il baptisa son groupe the Alabama State Troupers with the Mount Zion Band And Choir. Le double album The Alabama State Troupers paraît sur Elektra en 1972. Attention, ce n’est pas un album facile. Don Nix propose en effet un capiteux mélange de country blues et de gospel, qui sont pour lui les racines du Memphis Sound. On entend donc Furry Lewis sur une face entière. Ce vétéran du Beale Street Sound joue fin et claque des petits coups de bottleneck. On l’ovationne. L’homme est d’une extraordinaire gentillesse - Hank you - Il chante le blues traditionnel des années vingt - And I went to the gypsy/ To get my hambone done - et il se moque gentiment des racistes dans «I’m Black» - Some people don’t like that colour/ But I sure like mine - On se régale de cette leçon de country-blues et de cette diction à l’ancienne. En D, on tombe sur une série de boogies ‘sudistes’. On y entend ce démon de Tarp battre le beurre et Brenda Patterson chante dans les chœurs de Zion. C’est du gros boogie rock seventies surchargé de chœurs de Zion. On se croirait chez Tonton Leon. Par contre, Don Nix commet une erreur : il met en avant Jeanie Greene pour chanter le gospel rock de «My Father’s House» et ça ne marche pas du tout, mais alors pas du tout. On sent les limites de la voix blanche. Jeanie n’a pas l’allant d’une Mavis. On trouve encore du gospel en B, notamment ce vieux classique repris par les Staples, «Will The Circle Be Unbroken». Don Nix respecte bien les fondamentaux du Memphis Sound System, malheureusement, c’est lui qui chante et pour chanter le gospel batch, il vaut mieux disposer d’une vraie voix et avoir la peau noire. Et quand Jeanie Greene reprend le lead dans «Mighty Time», même chose, elle se vautre. Il lui manque deux choses essentielles : le groove et la Soul. Brenda est un peu plus wild, comme on le constate à l’écoute de «Jesus On The Main Line». Elle s’énerve toute seule et cherche à incendier la plaine, mais tout le monde n’est pas Bonnie Bramlett. Voilà enfin un hit en B : «Yes I Do Understand», un gospel batch poppy joliment amené par la joyeuse assemblée. Excellent ! Et puis en C, Don Nix s’en va chevaucher dans la Sierra. S’ensuit un peu plus loin «Heavy Makes You Happy», un boogie-rock encore une fois digne de Tonton Leon. Ça sent bon la grosse équipe, le surnombre et les vétérans de toutes les guerres. Don Nix termine avec «Iuka», un gros boogie blues dans l’esprit de ce que faisait Johnny Winter. Il y va au guttural. On se croirait presque sur Johnny Winter And Live.

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             Il existe un autre album de Don Nix sur Elektra : l’extraordinaire Living By The Days paru en 1971. Tout est bien, là-dessus, ce qui semble logique étant donné que les Swampers accompagnent le vieux Don qui d’ailleurs dit d’eux : «The best backing-band at the point, maybe the best ever.» Par contre, on se demande pourquoi il porte un uniforme yankee sur la pochette. C’est une véritable insulte aux Rebs. Pur chef-d’œuvre que cet «Olena» qui sonne comme un vieux rock’n’roll, mais Claudia Linnear (sic) et Kathi McDonald font des chœurs de folles. Comme dans Mad Dogs & Englishmen, elles amènent une énergie hors normes. Il faut bien reconnaître que les Alabama State Troupers sont formatés sur Mad Dogs & Englishmen. On assiste à l’envol des guitares de Wayne Perkins et Jimmy Johnson. Un vrai festival ! Et ça continue avec l’«I Saw The Light» de Furry Lewis, fantastique partie de gospel batch avec les Mount Zion Singers derrière. Pure énormité que cette sinner prayer d’Hank Williams. S’ensuit un balladif de rêve intitulé «She Don’t Want A Lover», so solid stuff à l’Américaine, ultra-joué et harcelé par une guitare en embuscade. Quelle ampleur ! Cet album semble relever de l’indéniabilité des choses. Nix ressort le «Going Back To Iuka» qu’il avait composé pour Albert King, c’est joué au wild beat de Muscle Shoals. Ces mecs sonnent comme des punks et David Hood va même jusqu’à doubler dans les virages. Ils partent carrément en mode Stax de killer Stax - I’m going back to Iuka/ Back to where I belong - Ils repassent en mode gospel pour «Three Angels», encore une pure énormité. Les Mount Zion Singers, c’est quand même autre chose que le gospel choir des Stones dans «You Can’t Always Get What You Want» ! Mais ce sont les Stones qui ont décroché la timbale. On tombe ensuite sur un rock de mountain man des Appalaches, «Mary Louise», suis-moi, pilgrim, je vais te montrer le grizzly, pur jus d’Americana à la Nix. On retrouve les filles dans «My Train’s Done Come And Gone». Claudia et Kathi ! C’est du heavy balladif de Lord knows I’ve been gone way too long when I was weak/ She helped to make me strong, avec du solo de slide américain, Nix nique tout et derrière les filles t’explosent la rondelle des annales.

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             Paraît aussi en 1971 sur Shelter Records - le label de Denny Cordell et Tonton Leon - le premier album de Don Nix, In God We Trust. Il pose déguisé en cowboy sur une pochette traitée dans le design du billet vert. Au moins, on sait qu’on est en Amérique. Ce disque très orienté gospel ne pouvait que dérouter les amateurs de rock. Mais il vaut le détour, car Don Nix y réussit un sacré tour de passe-passe, avec le morceau titre qui fait l’ouverture du balda. On a là un vieux coup de country rock joué au violon de saloon. Attention, Don Nix joue avec les mecs de Muscle Shoals : Barry Beckett, Eddie Hinton, David Hood, ils sont tous là. Don Nix sait entretenir la flamme d’un cut, pas de problème. Il dispose de cette puissance intrinsèque. On entend bien David Hood bassliner sur «Golden Mansions» et derrière, les filles de Mount Zion sont superbes. Grâce à ces musiciens exceptionnels, Don Nix trouve l’élan du gospel. «I’ll Fly Away» est sans doute l’hit de l’album. «He Never Lived A Day Without Jesus» sonnerait presque comme du Neil Young, mais en moins pleurnichard. C’est une fois de plus un parti-pris de gospel church chic. On retrouve «Iuka» sur cet album. David Hood y enroule bien sa gamme.     

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                         Paru sur le sous-label de Stax Enterprise, Hobos Heroes And Street Corner Clowns date de 1973. À cette époque, Don Nix voyage à travers le monde et il enregistre un peu partout, à Londres, à Memphis et à Muscle Shoals. Avec cet album, il va plus sur le balladif. Mais il n’hésite pas à taper dans l’heavy blues avec «Black Cat Moan». Sur ce genre de chose, il est extrêmement crédible. Il chante avec un joli sens du raunch. Le coup de génie de l’’album est une version de «When I Lay My Burden Down» qu’il dédie à Fred McDowell. Il propose tout simplement un raccourci du Memphis Sound et même de l’Americana du Deep South. Il démarre en blues de cabane branlante et finit en gospel batch, et comme Claudia Lennear traîne dans les parages, eh bien ça explose. Fantastique exercice de style ! Il faut aussi écouter «Look What The Years Have Done», un balladif très impressionnant. Cet homme sait écrire des chansons, c’est indéniable. Voilà un balladif parfait au plan mélodique et bien saxé sur le pourtour.

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             En 1976, Gone Too Long paraît sur Cream Records, le label d’Al Bennet qui a racheté Hi Records. Attention, c’est un très bel album. Il s’y niche ce qu’on appelle des Beautiful Songs, à commencer par «Goin’ Thru Another Chance» qu’il chante d’une voix de vétéran du Memphis Sound. Il s’arroge toutes les prérogatives. Sa pop ne peut que plaire. Don Nix semble cultiver un goût pour l’envol. Il sait donner de la voile. Il fait partie des grands prêtres de l’Americana, dans ce qu’elle présente de plus rootsy. George Harrison traîne dans les parages et ça s’entend. Autre merveille : «Forgotten Town», un balladif visité par la grâce. Il chante avec brio. La basse enrichit considérablement le backing, avec une excellente enfilade thématique. Le mec joue en continu, avec un sens aigu de l’a-priori. Et puis, Don Nix finit l’album avec l’excellent «A Demain». Il duette avec une Française. Nix explore l’empire du slowah et la fille n’en finit plus d’allumer la romantica - Et puis un beau matin/ Tu recevras ces mots/ Je t’aime, je t’attends, viens - C’est à la fois infernal et somptueux, et elle ajoute - Nous oublierons alors que le temps a passé. Par contre, il se vautre avec une reprise trop empesée du «Feel A Whole Lot Better» des Byrds. Il en fait une sorte de gospel pop avec des chœurs vengeurs. Curieux parti-pris. Il tape aussi dans le «Backstreet Girl» des Stones. Il en fait du gospel avec une basse bien montée dans le mix. Sacré Don, il ne rate pas une seule occasion de se faire remarquer.

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             Skyrider parut en 1979 sur Cream, le label d’Al Bennett. On y retrouve bien sûr l’habituel mélange des genres nixien. Le morceau titre sonne comme un gros boogie-rock richement drapé d’orchestrations et des chœurs southerny. Don chante toujours avec un bel aplomb. On le voit ensuite taper dans la grande prétention poppy avec «Nobody Else». On voit aussi l’idéaliste poindre sous le cuir du desperado buriné par les années de vie sauvage sur la frontière. Et bien sûr, il règne ici un léger parfum de gospel batch. Dans «Maverick Woman Blues», Don évoque la Nouvelle Orleans. Il y rocke son shake et lâche du bon set me free. Disons que ça reste bon esprit, même s’il pompe le riff de «Get Ready». Même chose avec «Do It Again» : le riff est connu comme le loup blanc des steppes, mais on ne s’étonne plus de rien. Don propose ce qu’il a de meilleur en magasin, un funk rock sudiste un peu hybride et intéressant. On y retrouve d’ailleurs les Memphis Horns et tout le tralala. Don joue un petit coup de sax, histoire de nixer le mix. En B, il revient avec «I’ll Be In Your Dreams» à son vieux dada : le slowah de printemps, bien aéré et judicieusement orchestré. Il monte «All For The Love Of A Woman» sur le modèle de «Let’s Work Together», mais il y met une telle énergie qu’on lui donne l’absolution. Don Nix te nique ça bien, c’est un vieux routier, il avait déjà écumé toute l’Amérique au temps des Mar-Kays. Le guitariste est un bon, il s’appelle Rob Kendrick. Guitariste idéal pour un gaillard comme Don qui n’est pas né de la dernière pluie.       

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             Voilà trois bonnes raisons de rapatrier Back To The Well paru en 1993 : la première s’appelle «Out On The Road Again», un vieux boogie blues qui part sur un fantastique dady’s gone fishing. Don is back on the chain gang, il claque le beignet de la caillasse du meilleur son, comme il l’a toujours fait. Ce démon sait déverser un jus de boogie et l’autre démon qui gratte ses poux s’appelle Billy Crain. On a là l’un des meilleurs sons du Deep South. La deuxième raison s’appelle «Waiting For The Help». Don revient à son cher gospel batch, c’est un enragé, un mordu de la racine. Plus elle est sèche et ardue, plus il exulte. C’est ultra-joué. Derrière, les filles gueulent sweet Jesus et ça riffe au cul de slide. La troisième raison s’appelle «Fool’s Paradise», un extraordinaire slowah océanique. Don est à ses heures perdues un charpentier du songwriting, il connaît l’art des mortaises et il sait poser des toits de chœurs, et là, dans ce cas particulier, quel toit ! Encore du son dans «Dance Chaney Dance». Nix nique tout à dix kilomètres à la ronde. Il embarque son monde dans le tout venant, ce qui le rend héroïque et donc sacré. Avec «Plastic Flowers», il avertit : Don’t put plastic flowers on my grave ! Il se met en colère. Il sait aussi taper le vieux coup d’r’n’b, comme le montre «Cruise Control» - You better slow down - Et il termine avec l’excellent «Addicted To You». Il tape ça au vieux jus de nixitude - I don’t drink/ I don’t smoke - mais il a un problème avec le groove de cette fille, surtout son sweet love. Don Nix ne prend pas les choses à la légère, il joue ça au funk de groove de blues.   

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             Paru en 2002, Going Down. Songs of Don Nix est un classique indispensable. Pourquoi ? parce qu’il s’y niche des duos exceptionnels, notamment avec Bonnie Bramlett. Elle commence par venir exploser «Right Where You Want Me». Elle ramène toute son énergie criante de vie. Elle part à l’assaut du groove d’une voix pincée de reine du rodéo. C’est monté sur des accords de Stonesy. Quel fantastique exercice de style ! Elle revient groover le blues de «Same Old Blues». Steve Cropper sort sa plus belle Tele et Dan Penn radine sa fraise. Quel festin de rois ! Tout est allumé de l’intérieur. Steve Cropper joue au clair de lune pendant que Bonnie mouille sa syllabe et l’écrase dans le gras du menton. Elle s’arrache les ovaires et sonne comme une mama black, yeah, elle racle tout dans la salive, elle est bien la pire de toutes, la plus grande chanteuse blanche du monde. Elle revient illuminer «Like A Road Ready Home». Il faut voir comme elle shake son shook. Elle chante ça au meilleur chaud du South, elle chante pour de vrai et Steve Cropper joue comme un dieu grec. Autre duo des enfers avec Dan Penn dans «Palace Of The King». Un black nommé Audley Freed joue lead, il joue à l’exacerbette de la belette. Dan rocke son going down to Dallas. Il sait le faire, mais à la mode black, de l’intérieur du menton, il fait de l’hot de hutte - Going back to Dallas/ Living In The Palace of the King - Leslie West vient jouer le fameux «Going Down» avec Brian May. En fait, ils sont quatre leads sur cette reprise éculée. Bonnie est au fourneau et Max Middleton au piano. Ça tourne au vertige guitaristique, les leads coulent ensemble comme des vieux claquos oubliés. Dommage que Don n’ait pas la voix. Les leads vont se repaître de la charogne de Going Down pendant six minutes. Tous les solos sont gorgés de sève. Sur «Going Back To Iuka», Tony Joe White joue lead et Mayall claque des coups d’harp. Le pompon, c’est Billy Lee Riley. Don a de sacrés potes ! - You know the train that I ride/ I ride it all nite long - Fantastique Billy ! Il amène une autre profondeur. On retrouve Leslie West dans «Lying On The Highway» (il n’a rien perdu de sa grosse niaque), et Billy le héros dans «Everybody Wants To Go To Heaven».  

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             Sur la pochette d’I Don’t Want No Trouble paru en 2006, Don Nix est assis en salopette dans son jardin avec son dalmatien. Il semble posséder une belle petite maison à deux étages équipée du porch traditionnel, cette fameuse avancée qu’on retrouve à tous les coins de rue dans les chansons du Deep South. C’est là que se grattent les jolies mélodies au clair de la lune. Don nous refait le coup de l’heavy blues gospellisé avec «Hurt Somebody». Il ne risque pas de se faire une entorse à la cervelle. Nix n’est pas homme à forcer le destin. Il ramène tout le gospel batch qu’il peut dans son heavy blues et franchement, c’est très bien vu. Il fallait y penser. Il reste encore plus traditionnel dans les autres cuts, comme par exemple «Memphis Man» qu’il tape au vieux boogie de r’n’b rock’n’roll. Il ne risque pas l’embolie. Mais c’est bardé de son. L’animal s’y connaît, en la matière. Boogie rock toujours avec un «Snack Dab» bardé de chœurs de filles. Il est vrai qu’à son âge, Don ne va pas s’amuser à réinventer la poudre et encore moins le fil à couper le beurre. Il faut le voir tartiner son «Hole In The Sky». Ça sonne comme n’importe quel rock de vieux renard sur le retour. C’est même sur-produit. Nix y gueule comme un veau qu’on amène chez le boucher. En écoutant «One Step Ahead», on voit bien qu’il connaît toutes les ficelles du son. Le cut dégouline de son moderne, mais certainement pas de modernité. C’est ultra-joué au bottleneck d’heavy dude. Don y va de bon cœur. C’est ce qui fait sa force. On pourrait même ajouter que ça nous dépasse. Ils se prend aussi parfois pour un pionnier («Just About Had It»), et là ça devient compliqué. Il s’amuse aussi à jouer des boogies qui ne servent strictement à rien («Subject To Change»). On le voit même faire son vieux renard de charme («Crazy From The Heart»). Une fille chante ça avec lui, mais elle se révèle bien meilleure que lui. Il est encore capable de taper du très gros son, comme on le constate à l’écoute d’«Addicted To You» qu’il prend en mode gospel batch. C’est sa came.

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             On trouve aussi dans le commerce un album intitulé Passing Through. Don qui ne se refuse rien l’a enregistré chez Malaco. Il adore butiner toutes les mythologies régionales. Il démarre l’album avec un solide balladif, «Sit Down On Your love». Don a toujours de l’avenant. Il n’a aucun problème ni avec les impôts, ni avec la santé et ni avec Dieu. Il y va du tac au tac. Don est un amateur de big sound et d’horizons. Il adore aller loin vers l’Ouest, là où les montagnes lèchent le cul du ciel. Comme l’hydravion d’Howard Hugues, le cut met du temps à décoller, mais il finit vraiment par s’arracher de la surface du lac. Don tape dans le devenir de l’Americana. Il ne vit que pour l’ampleur, personne ne pourra jamais lui enlever ça. Ses cuts fondent bien en bouche. Comme la plupart de ses chansons, «She’s My Rock» sonne bien, même terriblement bien. Chaque fois, Don frise le Nix universaliste. Sa pop convainc. Et puis voilà «Roads». Il faut comprendre qu’avec Don Nix, on est dans le très gros truc. Une sorte de perfection. Son balladif prend la gorge et on tousse d’aise. C’est une sorte de délire technologique du groove sentimental. Fuck, comme ce mec est bon, même son solo de flûte passe comme une lettre à la poste. On ne peut pas dégommer Don Nix. L’homme est puissamment bon. Il amène le morceau titre au gospel batch. On y sent le poids d’un pathos énorme. Il tape un instro superbe avec l’«I Don’t Know Why I Care About You» joué au Grand Jeu de Malaco. Puis il renoue avec l’art de la grosse compo en s’interrogeant : «Where’s The Problem». Don a un don, indéniablement. Donc, ça semble logique qu’il s’appelle Don. Il boucle avec «I Belong To My Songs». Il y explique qu’il appartient à ses chansons et s’éclipse dans les fumerolles d’un balladif édifiant.

    Signé : Cazengler, Nix ta mère

    Don Nix. Disparu le 31 décembre 2024

    Don Nix. In God We Trust. Shelter Records 1971  

    Don Nix. Living By The Days. Elektra 1971                      

    Don Nix. The Alabama State Troupers. Elektra 1972

    Don Nix. Hobos Heroes And Street Corner Clowns. Enterprise 1973

    Don Nix. Gone Too Long. Cream records 1976

    Don Nix. Skyrider. Cream Records 1979        

    Don Nix. Back To The Well. Appaloosa 1993    

    Don Nix. Going Down. Songs of Don Nix. Evidence 2002   

    Don Nix. I Don’t Want No Trouble. Section Eight Productions 2006

    Don Nix. Passing Trough. Section Eight Productions 2008

    Don Nix. Memphis Man. Living High Laying Low. Mojo Triangle Books 2015

     

     

    L’avenir du rock

     - MaidaVale live in style in Maida Vale

     (Part Two)

             Lorsqu’ils voient arriver l’avenir du rock, les habitués du bar interrompent leur conversation. La ramasse de ce vieux schnock leur fait presque pitié. L’avenir du rock commande son double jaune sans glaçons, le siffle cul sec et en commande un deuxième aussi sec. Il adore faire jaser les cons. Et ça marche à tous les coups. En voici qui s’approche :

             — Dis donc, avenir du rock, dans ton état de décrépitude avancée, tu crois vraiment qu’c’est raisonnable de siffler des jaunes comme ça ?

             L’avenir du rock rote, et en commande un troisième.

             — C’est pas passe que t’es l’avenir du rock qu’y faut mépriser l’peuple !

             L’avenir du rock fait signe au patron :

             — Hep ! Patron ! Chuis à marée basse !

             Un autre habitué vole au secours du premier :

             — Pourquoi qu’tu causes encore à c’te vieux pédé ? Tu vois donc pas qu’il est bon pour la déchetterie ?

             — Non mais r’garde-moi comment qu’il est attifé avec ses godillots et son pal’tot ! C’est-y pas une honte de voir des vieux chtars pareils !

             — Y paraît qu’y va encore aux putes !

             — Arrhhhhh ! Sont pas dégoûtées les putes !

             — Y paraît même qu’y va encore voir des concerts de rock !

             Et là, l’avenir du rock se tourne vers les deux cons et leur balance, histoire de leur clouer le bec :

             — Vale que Vale !

     

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             Lorsqu’il se trouve coincé dans un plan délicat, l’avenir du rock parvient toujours à tirer son épingle du jeu. Et plus c’est délicat, meilleur c’est. MaidaVale, c’est exactement ça : le Vale que Vale du rock. 

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             C’est quand même pas mal de revoir les quatre petites Stockholm girls de MaidaVale dans un endroit plus ramassé, au fond d’une cave. Ça leur donne encore plus de power. Au Club, c’était bien, mais dans la cave, c’est mille fois mieux. Tu retrouves cette section rythmique infernale, directement inspirée de celle de Can, même dynamiques, même goût pour l’hypno explosif, la grande brune sur la Ricken s’appelle Linn, et la fille spirituelle de Jaki Liebezeit au beurre s’appelle Johanna. Rien qu’avec ça, t’as de quoi t’occuper. Johanna bat un beurre à la fois fin et puissant, elle fait parfois des petites grimaces animales, des rictus carnassiers, comme si elle laissait monter en elle un torrent d’adrénaline. T’en finis plus de la voir battre le beurre du diable. Et là-bas au fond, Linn mouline un bassmatic de rêve en secouant quasiment tout le temps les cheveux. Et là, tu sais que t’assistes à un vrai concert de rock. Ça joue ! Pour leurs deux copines, c’est du gâtö, la petite Sofia gratte des poux bien psyché sur sa Strato immaculée, elle tourne comme un manège, tricote des gammes gorgées d’écho et revient sur des power chords de la pire espèce, comme si elle enfonçait son clou dans la paume du beat. Dans le feu de l’action, elle reste incroyablement présente, car c’est bien d’un feu de l’action dont il s’agit avec MaidaVale, elles savent kicker les jams. Le son ricoche bien sous la voûte en briques

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    de la vieille cave. Et puis t’as Matilda au chant, elle montre un goût particulier pour les crises de Méricourt et les coups de tambourin. Tu lui donnerais le bon dieu sans confession, tellement elle est dans le coup, tellement elle rocke le boat, tellement elle shake le souk de la médina, c’est une rockeuse hors normes, elle chante de tout son corps, et là mon gars, ça rocke, t’es plus en face d’un groupe de branleurs à la mode. MaidaVale c’est le real deal, mais pour le savoir, il faut les voir sur scène.

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             Elles tapent bien sûr dans leur dernier album, l’excellent Sun Dog et attaquent avec «Give Me Your Attention» qui n’est peut-être pas le meilleur choix. Sur scène, ça ne marche pas, mais sur l’album, tu les vois foncer en rase-motte. Elles aménagent de grands ponts hantés par la space guitar. Tu n’en finis plus d’admirer la section rythmique. Elles enchaînent sur scène avec un «Control» plus Kraut, et même assez caverneux, Kraut de nez et d’esprit, avec une couche de keyboard par dessus. On sent poindre l’ambition. C’est avec «Wide Smile All Is Fine» que Linn commence à voler le show avec un beau thème de basse. T’as du mal à frémir avec «Daybreak». Elles cherchent la lumière avec «Pretty Places». Elles développent toujours une certaine richesse instrumentale, une réelle prégnance de la pertinence qu’on peut aussi qualifier de latence de l’essence. Voilà pourquoi il faut les prendre très au sérieux. Matilda chante «Faces (Where is Life)» d’une petite voix pointue et enchaîne comme sur l’album avec «Fools», beaucoup trop proggy. Elles visent le Big Atmospherix, mais on préfère quand ça prend feu. Elles finissent leur set avec des cuts de Madness Is Too Pure, «Transe» et «Gold Mind» et un «Perplexity» qui n’est pas sur le CD, uniquement sur l’LP. Bizarrement, elles ne jouent pas «Vultures», le dernier cut de l’album. Dommage, car la ligne de basse est un régal. Linn est la star du groupe, elle nourrit le son sur sa Ricken, elle laboure le Kraut en profondeur. Elle est la Millet du Kraut.

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    Signé : Cazengler, Maida Vain

    MaidaVale. Le Trois Pièces. Rouen (76). 4 mars 2025

    Concert Braincrushing

    MaidaVale. Sun Dog. Silver Dagger 2024

     

     

    Wizards & True Stars

    - Wallis the question ?

     (Part Two)

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             Quand en décembre 2019 Larry Wallis a cassé sa pipe en bois, nous lui avons rendu ici même un hommage en forme de tournée des grands ducs : Pink Fairies, Motörhead, Mick Farren, Deviants, Shagrat et solo. C’était bien le moins qu’on pût faire.

             Étant donné que vient de paraître une compile Cleopatra aussi gorgée de richesses qu’un galion espagnol en mer des Caraïbes au XVIIIe siècle, nous allons récidiver, car écouter la bombe qu’est Police Car/ The Anthology, ça équivaut à écouter Larry Wallis pour la première fois. Et pour rester dans la facilité des métaphores : attachons nos ceintures.

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             Tiens on va commencer par pondre un nouvel adage : Larry, ça tombe sous le sens. T’as le son d’entrée de jeu, avec le morceau titre et Larry qui feule dans le sonic storm «I’m a police car». Diable, comme on avait adoré le single Stiff à l’époque. D’ailleurs, Cleopatra a repris quasiment le même visuel pour sa pochette, la strato en moins. Dans ses liners, Roger Morton qualifie Lazza de true gentleman - He was one of the last true gentlemen in rock’n’roll - Morton s’échauffe lorsqu’il évoque l’arrivée de Lazza dans les Pink Fairies - Playing one of the most electrifying rock’n’roll guitar of the era, fast, loud and filthy as fuck - Rien de plus vrai. Cette compile ne te laissera pas respirer, car voilà qu’arrive «Leather Forever» qui sonne comme l’hymne du rock anglais, monté sur un glorieux bassmatic. Ça stompe dans toutes les backs alleys de London town. Non seulement Lazza est un crack du boom-hue, mais il compose des hits à la queue-leu-leu. Son «Meatman» en est l’un des exemples les plus frappants, il cisaille son heavy boogaloo à la base, il le fait danser au sommet d’un balancement d’heavy dude. Quel exploit ! Et ça dégénère, ça vire cro-magnon et ça s’envenime salement. Il pose sa wah comme une cerise sur le gâtö. Tout ce qu’il touche, il le transforme en or du rock : il fait d’«Old Enuff To Know Better» un fantastique shoot d’old enuff. C’est vraiment l’Enuff qu’on a envie d’écouter. Il gratte son «Crying All Night» à l’oss de l’ass de Ladbroke Grove. Quelle fantastique démesure underground ! Il s’emballe avec «I Think It’s Coming Back Again» et bat Motörhead à la course avec «Story Of My Life». Il y déboule avec une ferveur spectaculaire ! Ça dépote en permanence, chez Lazza, il sait aussi faire du Saints, mais sans la voix de Chris Bailey («I Can’t See What It’s Got To Do With Me»). Il refait son Pink Fairy dévastateur avec «Don’t Fuck With Dimitri» et fout le feu à la ville avec «Mrs Hippy Burning». Tout prend feu, avec lui. Feu encore avec «When The Freaks Hang Out». Il taillade son «I Love You So You’re Mine» à la scie sauteuse. Wild Lazza joue à la vie à la mort, et cette façon qu’il a de se rattraper au vol ! Son truc, c’est vraiment se cisailler à la base. Il pond une petite stoogerie ici et là («Downtown Jury») et rend un bel hommage aux Stones avec un cover de «Street Fighting Man». La compile s’achève avec un cut de Shagrat (pas le meilleur Shagrat) et un UFO, dont on se serait bien passé. Morton annonce d’autres volumes à paraître. Wait and see.  

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             Dans l’actu, tu retrouves aussi une belle compile Cleopatra de Motörhead, Lemmy & Larry Wallis : The Boys Of Ladbroke Grove. Tu peux te jeter dessus sans problème, car elle grouille de puces. Et des grosses ! T’en vois pas d’aussi grosses tous les jours. À commencer par cette version live at the Roundhouse d’«On Parole», c’est Motörhead à son sommet, avec Phast Eddie et Philthy Animal, c’est l’un des blasts les plus géniaux de l’ère fumante du blasting, et Philthy te bat ça si sec, franchement t’en reviens pas de cet over-power, tu comprends mieux pourquoi Motörhead fait partie des cracks du boom-hue. C’est bien sûr Lemmy qui se tape la part du lion dans cette compile explosive. Il fait une version de «Twist & Shout» qui bat toutes les autres à la course, accompagné cette fois par Scott Ian et Gregg Bissonette. Sans doute a-t-on là l’une des plus grosses covers du siècle passé, et t’as en plus des chœurs de candy avarié ! Stupéfiant ! Avec Mick Green et les Upsetters, Lemmy tape ensuite dans «Blue Suede Shoes», et oh boy, ça joue à la pure Méricourt, Lem is on fire ! Sans doute la plus belle cover de «Blue Suede Shoes», infernale, bien rentre-dedans. Lem fout encore le souk dans la médina avec «Paradise». Mick Green monte au braquo du Paradise. S’ensuit un «Keep Us On The Road», c’est le Motörhead de l’âge d’or, avec Fast Eddie et Philthy, Lem fout le feu au souk de la médina. Live 78, t’as pas idée ! Lem tient la dragée haute au blast. T’as bien sûr ta dose de proto-London punk avec le «Lone Wolf» des Pink Fairies, ce ne sont pas ceux de Lazza, mais ceux de Paul Rudolph, avec Alan Davey et Lucas Fox. Et Lazza dans tout ça ?, demande Jacques Chancel. Lazza arrive avec son «Police Car». Classique intemporel, mais face à Lem, il fait un peu pâle figure. On le retrouve plus loin avec George Butler et Andy Colquhoun pour «Crying All Night», et c’est bien bardé de barda. Bon, t’as deux versions de «Leather Forever», avec la grande clameur invulnérable. Lazza a encore du son à gogo, mais vraiment à gogo, sur «I Think It’s Coming» et plus loin «Seeing Double». Il n’en finit plus de foncer dans le tas. Il brûle de tous ses feux, et cut après cut, il entre dans la légende. Viva Lazza ! 

    Signé : Cazengler, Larry WC

    Larry Wallis. Police Car/ The Anthology. Cleopatra 2024

    Motörhead Lemmy Larry Wallis. The Boys Of Ladbroke Grove. Cleopatra 2023

     

     

    Inside the goldmine

    - Lindanaïde

             Comment s’appelait-elle, déjà ? Ah oui, Baby Jam. On la surnommait la reine de la nuit. Pas très grande, très brune, elle parlait d’une voix un peu rauque et les connaisseurs la qualifiaient de brune sensuelle. Elle était pourtant casée et mère de famille, mais elle aimait trop la vie pour rester tranquille à la maison et regarder des conneries à la télé. Baby Jam couchait les gosses, puis elle annonçait à son mec qu’elle sortait faire un tour avec une copine. Pas de problème. Il était du genre conciliant. Il l’aimait assez pour comprendre qu’elle avait besoin de vivre selon ses besoins. C’était pour lui le seul moyen de ne pas la perdre. Elle prenait l’ascenseur et retrouvait sa copine au pied de l’immeuble. Puis elles partaient toutes les deux en vadrouille. Elles adoraient ça, l’aventure, le hasard des rencontres, la fréquentation des oiseaux de nuit. Personne n’a jamais vu Baby Jam dans les bras d’un autre mec. Les rumeurs allaient bon train, les gens racontaient qu’elle baisait avec n’importe qui, mais il n’existait absolument aucune preuve. Sa copine et elle faisaient une sorte de tournée des grands ducs, retrouvant dans les bars de nuit des copains et des copines, et tout ce petit monde finissait au Gibier de Potence, une sorte de cabaret perché sur la colline qui dominait la ville. Le Gibier fermait à quatre heures du matin et on y buvait du rhum arrangé à volonté. Chacun s’arrangeait avec la vie et profitait de la nuit. Baby Jam trônait au bar et se faisait payer des verres. On l’entendait rire, elle parlait de tout et de rien. Parfois un mec la draguait, ça l’amusait beaucoup, elle laissait faire jusqu’à un certain point, puis pour le calmer, elle lui expliquait gentiment que sa gueule ne lui plaisait pas, alors tout rentrait dans l’ordre. Tout ce cirque a duré quarante ou cinquante ans. Aujourd’hui, Baby Jam a pris un sacré coup de vieux, elle porte des lunettes à monture écaille et du rouge à lèvres. Elle tire ses cheveux bruns vers l’arrière pour se donner un petit air d’assistante de direction, mais sa gouaille est intacte. Tu la trouveras au bar du Gibier en train de siffler des verres de rhum tiède jusqu’à la fermeture. Elle attendra, comme elle l’a fait toute sa vie, qu’une bonne âme veuille bien la prendre en charge pour la déposer chez elle.

     

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             Pendant que Baby Jam savourait sa liberté, Linda Jones tentait de faire carrière. L’accomplissement d’un côté, l’abrègement de l’autre. Destin enviable d’un côté, destin tragique de l’autre.

             Contrairement aux Danaïdes, Linda Jones ne fut pas condamnée à remplir un tonneau percé. Elle fut condamnée à autre chose : l’obscurité. Lorsqu’elle cassa sa pipe en bois en 1972, elle n’avait que 28 balais. Elle était quasiment inconnue aux États-Unis. Seuls les Anglais la vénéraient. C’est la raison pour laquelle on la retrouve sur l’une des meilleures compiles de Northern Soul, celle de Rhino. David Godin parle d’une «enigmatic quality».

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             Son premier album s’appelle Hypnotized, un fat Loma de 1967. Tu donnerais ton père et ta mère en échange de «You Can’t Take It», un heavy r’n’b qu’elle fait décoller à coups d’you can’t take, elle te chante ça à l’efflanquée miraculeuse. Elle est encore très raw sur «I Can’t Stop Loving My Baby», elle est aussi directive que l’Aretha de l’âge d’or. Et en B, tu tombes sur une autre perle noire en forme de Beautiful Song, «If Only (We Had Met Sooner)», une Soul soûlante qui te donne le tournis.

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             Elle sort deux albums en 1972 :  Your Precious Love et Let It Be Me. Le premier est de toute évidence son meilleur album. Il grouille de puces. Elle attaque son morceau titre en ouverture de balda avec une stupéfiante énergie. Linda est la reine de la hurlette de Hurlevent. Elle chante encore «Don’t Go (I Can’t Bear To Be Alone)» au sommet de la Soul, avec une indicible audace. Elle brûle d’authenticité. Elle brasille de Soul, son «Stay With Me Forever» est extravagant d’intensité. Elle brasille à sa façon, ni comme Aretha, ni comme Brenda, c’est encore autre chose. Alors attention, car tout explose en B : si tu veux écouter l’un des plus beaux albums de Soul, c’est là, dès «Not On The Outside». Elle se veut océanique, avec des flux et des nappes d’orchestration, alors elle le devient. Elle tape un beau «Dancing In The Street» et boom, elle te roule le «Let It Be Me» de Gilbert Bécaud dans sa farine. Elle le travaille au corps de manière spectaculaire. Elle te transforme encore la Soul avec «I Can’t Make It Alone», elle en fait un tir de barrage, elle te la plombe en or, elle te la pétrit à Petra, elle te l’élève dans la hiérarchie, bref, elle sait tout faire. Elle se dirige vers la sortie en faisant son Aretha dans «Doggin’ Me Around», mais pas avec le même fruité de glotte, Linda est plus sèche, plus âpre, et plus violente dans sa hurlette. Elle ne laisse aucune chance au hasard, elle pousse à la roue, elle défonce la rondelle des annales, elle a du cran. Logique car c’est une crack. 

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             Et donc sur Let It Be Me, on retrouve fatalement le «Let It Be Me» de l’album précédent. Elle est sans doute la seule à savoir monter au ciel from scratch, c’est-à-dire sans élan. On ne reconnaît pas l’hit de Bécaud. Elle en fait de la Soul. Fantastique présence encore avec «Fugitive From Love». Such impact dit Diamond Jim Sears au dos de la pochette. Eh oui, que peut-on dire de plus ?  Le coup de génie de l’album se planque en B : «I’m So Glad I Found You», un fantastique shoot de Soul des jours heureux, elle rivalise de good timing avec Brenda Holloway, elle ajoute sa tripe au walking beat. Encore jamais vu un truc pareil. Linda forever !

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             Malgré les liners de David Godin et de Tony Rounce, Never Mind The Quality… Feel The Soul n’est pas un très bon album. C’est enregistré dans l’Ohio en 1970. Elle tape un vieux coup d’«If I Had A Hammer» qu’elle attribue à Sam Cooke, alors que c’est signé Pete Seeger. Elle aime bien son Hammer, on sent la vieille Soul Sister pleine de réflexes et pleine de jus. Puis elle fait son éplorée avec «That’s When I’ll Stop Loving You» - my latest recording - Elle gueule dans son micro, c’est la règle du jeu, mais ça devient pénible. Elle reste en mode heavy froti avec «For Your Precious Love». Elle s’y connaît en bosses dans les pantalons serrés, comme Carla quand elle chantait avec un Otis en rut dans la chaleur de Memphis. Elle rappe un peu et déroule son écheveau de lemme tell something I can’t say. Puis elle rend hommage aux Falcons avec une cover d’«You’re So Fine», mais elle est essoufflée. Sa cover ne vaut pas tripette, comparée à celle d’Ike & Tina. Elle finit avec un gros clin d’œil à Wicked Pickett et «I Found A Love».

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             La compile que concocte Kent avec Precious - The Anthology 1963-72 ressemble à un passage obligé. Tony Rounce te sert Linda sur un plateau d’argent - Black American music has never had a singer with the extraordinary vocal power of Linda Jones - Te voilà prévenu. Rounce parle même de full-on fire. Il dit aussi que certains voient Linda comme, «simply, the greatest female soul singer of all time.» Il ajoute qu’on peut la mettre au même niveau qu’Aretha, Gladys Knight, Irma Thomas and others of similar calibre. Parcours classique, gospel dans les églises, puis petits boulots ineptes dans des usines avant de rencontrer George Kerr, un doo-woper new-yorkais qui fit partie des Serenaders. Kerr l’entend chanter et comprend aussitôt qu’elle a du talent. Il rassemble la crème de la crème new-yorkaise pour accompagner Linda en studio, notamment Cornell Dupree au bassmatic et Bernard Pretty Purdie au beurre. En 2014, Rounce demande à Purdie s’il se souvient de Linda - Yeah, Linda Jones. Big gal. Very good. Very loud - Après un premier single sur Atlantic, Linda se retrouve sur Red Bird, en bonne compagnie, puisqu’il s’agit de Leiber & Stoller. Kerr sort l’effarant «You Hit Me Like TNT» sur Red Bird, mais Leiber & Stoller déclarent forfait, à cause des embrouilles de leur associé George Goldner qui joue aux courses et qui doit beaucoup trop d’argent à la mafia. Kerr fait alors la tournée des labels new-yorkais. Il va taper à la porte de Brunswick, mais on lui dit qu’ils sont délocalisés à Chicago et trop occupés à lancer Barbara Acklin. Le mec de Brunswick est gentil, il donne à Kerr l’adresse de Ron Mosseley chez Warner Bros. Kerr fait écouter «Hypnitozed» à Mosseley, et Jerry Ragovoy qui passait dans le couloir entend ça et dit : «That’s a hit!». «Hypnotized» sort sur Loma, un R&B subsidiary de Warner Bros.   

             Dès l’«Hypnotized» d’ouverture de bal, cette coquine de Linda fait vibrer sa glotte effrontément. On trouve hélas à la suite quelques singles de peu d’intérêt, Linda propose une espèce de Soul de MJC mal foutue, elle braille dans son micro. Elle y va de bon cœur. On ne peut pas lui enlever ça. Elle se bat pied à pied avec une Soul de débutante et boom, ça explose enfin avec le fameux «You Hit Me Like TNT» sorti sur Red Bird, un stupéfiant hit de juke, et là on dresse l’oreille. Il faut la voir ponctuer son texte sur le beat. Et voilà que s’ouvre un formidable festin de Soul, avec à la suite du TNT l’effarant «Give My Love A Try». C’est le début de la période Loma qui dure deux ans. Avec «Give My Love A Try», Linda explose autant que Lorraine Ellison ! Elle déborde encore de répondant et de super jus avec «A Last Minute Miracle», un fast r’n’b porté par des chœurs puissants. Elle le porte à la force de la glotte. Elle replonge ensuite dans l’heavy Soul de circonstance avec «What’ve I Done (To Make You Mad)». Elle se bat avec une énergie extraordinaire. Elle chauffe encore son «My Heart Needs A Break» avec un aplomb extraordinaire. Cut après cut, elle se révèle imbattable. C’est avec ce hit que prend fin la période Loma. En 1968, Warners vend plus d’albums que de singles et décide de fermer Loma. Linda est virée avec tous les autres. Kerr reprend son bâton de pèlerin. Il enregistre Linda et vend les cuts à des petits labels. La voilà encore par-delà la Soul avec «I’ll Be Sweeter Tomorrow», sorti sur Neptune, un label monté par Chess avec Gamble & Huff. Elle incarne tout le ruckus du Soul System, elle est dévorante, complètement all over. Elle monte encore à l’apogée de sa clameur avec «That’s When I’ll Stop Loving You», qui est en B-side du single Neptune, elle le porte à l’extrême pointe de la Soul. Elle semble dominer le monde. Pas de chance, Gamble & Huff ferment Neptune pour lancer leur prestigieux Philadelphia International.

             Elle finit par enregistrer sur Turbo, un petit label du New Jersey. On arrive dans le terrain miné des coups de génie avec «Can You Blame Me?», wild Linda y va au yeah yeah, elle ne lâche rien, elle n’en finit plus de remonter le courant, et elle te retombe dessus à bras raccourcis avec «I Do», elle hurle ça dans la plaine, Soul Sister pure et dure, ah il faut l’entendre hurler à la lune. Encore un cut gorgé de son avec «I Can’t Make It Alone» signé Goffin & King, et ça monte encore d’un sacré cran avec «Not On The Outside», elle a cette faculté de s’élever à la force de la glotte, elle se pâme dans un excelsior inexorable, Linda Jones est une géante. Et puis t’as encore cet «I’m So Glad I Found You» extraordinairement groovy, elle y va la cocotte, elle défonce les portes d’airain du palais de la Soul, elle fait la fête à elle toute seule et chante à la folie. Encore une compile dont tu sors rincé. Vraiment rincé.

    Signé : Cazengler, Lindabîmé

    Linda Jones. Hypnotized. Loma 1967

    Linda Jones. Your Precious Love. Turbo Records 1972

    Linda Jones. Let It Be Me. Turbo Records 1972  

    Linda Jones. Never Mind The Quality… Feel The Soul. Sequel Records 1997

    Linda Jones. Precious. The Anthology 1963-72. Kent 2016

     

    L’avenir du rock

     - Fontaines de jouvence

     (Part Two)

             Tous les témoignages concordent. Tous, sans exception. Lawrence d’Arabie, Stanley et Livingstone, Sylvain Tintin, Richard Francis Burton ont tous croisé l’avenir du rock dans le désert et sont catégoriques : il est complètement givré. Irrécupérable. À force de marcher pendant des mois et des années sous un soleil de plomb, il a fini par perdre la boule, ce qui paraît logique.  Tous ont essayé de converser avec lui, de lui redonner le goût des échanges courtois, le goût des petits commérages, tous ont essayé de lui apporter un peu de réconfort moral, de lui redonner foi en lui, foi en l’avenir, foi en Dieu, foi en l’être humain, foi en la gauche républicaine, foi en la science, et quand il répondait qu’il préférait le pâté de foi, nul ne s’en offusquait, car, par 60 degrés à l’ombre, une boutade se dessèche et meurt aussitôt. Tous sont unanimes pour dire qu’il vaut mieux le laisser errer dans son coin, tous affirment que de vouloir lui porter secours ne servirait plus à rien. Les témoins vont même plus loin, affirmant que ça lui rend service de le laisser errer dans le désert, que ça lui donne un certain cachet, car sa peau se parchemine. Son visage est tellement hâlé, disent certain, que ses yeux de fouine paraissent délavés, comme s’ils étaient clairs, ce qui n’est évidemment pas le cas. Cette errance lui permet en outre de conserver sa ligne, au moins il ne risque pas de ventripoter comme la plupart des mâles de son âge, tous ces lascars qui se plaignent de grossir alors qu’ils bouffent comme des vaches, de toute façon, ce n’est pas l’avenir du rock qui ira critiquer les gros lards, car il rate jamais une occasion, même dans le désert, de rappeler que les gros sont les meilleurs, notamment le gros Black et Leslie West. Le pire, c’est qu’il ne parle plus que de Fontaines, dans une région où elles n’existent pas. Bref, tout le monde le croit foutu. Si l’avenir du rock entendait tous ces cons, il serait mort de rire.

     

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             Les Fontaines dont il parle sont bien sûr les Irlandais de Fontaines D.C. Il n’est pas le seul à prêcher dans le désert : Stephen Troussé en tartine six pages dans Uncut. C’est pas rien. Il commence par qualifier leur quatrième album Romance d’astoshing, et parle même  d’«apocalyptic sci-fi stadium rock». Ah ces journalistes ! Ce qui rend les Fontaines éminemment sympathiques, c’est leur trouille de la gloire. Le chanteur Grian Chatten prévient tout de suite : «I’m not mad keen to get that big.» Et il ajoute, haletant : «I really, really don’t want us to turn into dickheads.» On ne sait pas qui il vise à travers ça, mais il vise, c’est sûr. Chacun mettra les noms qu’il voudra. Mais il sait que la gloire arrive. Pourquoi ? «Because we’re really good.» Troussé parle d’un «winning charm and modesty», même s’il frôle l’absurdité.  

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             Quatre albums en cinq ans, ça va vite. Troussé parle d’une «volicity that puts their peers to shame» et de «quantum leap». Il a du vocabulaire, l’ami Troussé, puisqu’il qualifie Dogrel d’«astonoshing rush-and-push debut», A Hero’s Death d’«assured consolidation», puis Skinty de «staggering, surreal letter of love and poison». Mais Troussé se surpasse en qualifiant «Starburster» d’«huge rambling panic attack that sounded like Korn covering Happy Mondays’ ‘Wrote For Luck’». Il qualifie aussi Carlos O’Cornell de «flame-haired guitarist and conceptualist» des Fontaines. Dans son élan, Troussé se met à sortir les comparaisons oiseuses : il compare Romance à l’Ocean Rain des Bunnymen, au Disintegration des Cure, à l’OK Computer de Radiohead, et d’autres qu’on ne va pas citer pour éviter de gaspiller de la place. Il se dit encore frappé par le «Technicolor» des cuts de Romance. Il parle enfin d’un album cinematic.  

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             Il a raison, Romance est vite bardé ! Les DC sont les rois du barda. Comme ils visent la démesure, les Fontaines s’en donnent les moyens. Mais les premiers cuts manquent de magie. Ils labourent la bouillasse d’une pop épaisse. Et puis tout à coup, ça swingue dans les voiles : le mec chante son «Here’s The Thing» au doux tordu et ça percute. Voilà l’Irish power, Grian Chatten chante à la déconnade et ça explose de grandeur. Oh yeah, il chante à l’évaporée dévastatrice et mine de rien, il rentre dans le chou d’un lard très fumant, ça groove dans l’épidermic, ça rocke le booty, aw quel fantastique racket d’Irish finish ! S’ensuit une belle montée en neige nommée «Desire». Ça redevient sérieux, tu commences à te prosterner. T’as pourtant déjà entendu cette surenchère de la démesure chez Adorable, mais les Fontaines plongent très loin au fond du Desire, ils battent tous les records du Grand Bleu. T’es estomaqué. On les voit encore chercher leur voie avec «Big». Grian Chatten appuie bien son chant, il a le bon timbre, pas de problème, un timbre pas trop oblitéré. Il ne manque aucune dent au timbre. Irish power pop ! Ils font les Pixies avec «Death Kink» et tout re-bascule dans l’excès qualitatif avec «Favourite» qui sonne comme un vieux hit insistant. Ah comme Grian Chatten chante bien ! Cette pop ne pardonne pas. Il chante à l’accent tranchant. Pur genius !

             C’est vrai que l’album sonne comme une grande aventure. Conor Curley raconte plus loin dans Uncut qu’il tire son énergie du cinéma, un art qu’il juge plus puissant que le rock et la littérature. Chatten dit aussi qu’il est «bored of talking about music, bored of talking about books.» Il dit chercher une nouvelle voie et se dit obsédé par Mickey Rourke dans Rumble Fish.

             Les Fontaines sont aussi partis en tournée américaine avec Artic Monkeys. C’est drôle comme leurs références ne sont pas bonnes. Chatten dit avoir flashé sur Blur à Wembley. Au moins avec Dean Wareham, on parle des vrais trucs, c’est-à-dire Lou Reed et le Velvet. Là on est dans autre chose. Il s’agit sans doute d’un problème générationnel.

             C’est O’Connell qui sauve les meubles en avouant qu’il a produit le nouvel album de Peter Perrett, The Cleansing. Et Perrett se dit fasciné par la voix de Grian Chatten - They’re lucky to have a singer with such an iconic voice. A Voice is everything - Peter Pan sait de quoi il parle. O’Connell devient rudement intéressant lorsqu’il aborde la question de la culture irlandaise : «Il y a beaucoup plus dans notre histoire que les prêtres et les curés. The weirdness of pagan Ireland.» Puis il fait l’éloge des groupes de sa génération, «us, Gilla Band, Lankrum», et de «something very irish about dissonance as a concept.» Et bien évidemment, l’article finit par se casser la gueule avec l’irruption des Spice Girls et de U2. C’est là que Chatten sort son fameux prêche contre les dickheads. Il se sent devenir narcissique, talking about myself, et bien sûr il sent que c’est le problème.  

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             Avant de conclure, il est bon de rappeler que Skinty Fia est un album raté. Ils font illusion le temps d’un «Big Shot» très Radiohead, mais les compos ne sont pas au rendez-vous. Il ne reste que la voix de Grian Chatten, cette voix intéressante au timbre profond, avec de jolis effets de baryton sur le so cold d’«How Cold Love Is». Mais globalement, rien n’accroche. Ils sont dans le manque à gagner, dans le laissé pour compte, dans le solde de tout compte, ils tentent encore de viser l’horizon avec «Roman Holiday», mais l’album devient un radeau de la Méduse. C’est la damnation du cerf, ils n’ont absolument aucune compo. Rien. Que dalle. C’est le l’arty-gros foutage de gueule et ça ne reprend vie à la fin qu’avec «Nabokov» qui est bien écrasé de son. Quelle tragédie. Cet album a dû traumatiser leur destin. 

    Signé : Cazengler, Fonteigne d’ici

    Fontaines D.C. Skinty Fia. Partisan Records 2021

    Fontaines D.C. Romance. Xl Recordings 2024

    Stephen Troussé : Last of the new romantics. Uncut # 330 - October 2024

     

    *

             La teuf-teuf fonce à donf. Pourquoi donc ? Parce qu’elle emprunte la 619 qui vous emmène à Troyes. Dont on peut dire qu’en France elle est l’équivalente rock de la mythique road 66. Un don des Dieux ! Moins longue que Le Don Paisible de Mikhaïl Cholokov mais au bout de la route, comme à la bataille navale, la case Trois B s’avère gagnante à tous les coups. Comment cela se fait-il, je n’en sais rien, faudrait demander à Béatrice la patronne par quel stratagème elle se débrouille pour ramener systématiquement  de bons groupes. Peut-être a-t-elle la main verte, mais sûrement the main feeling rockabilly.

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             Remarquez ce coup-ci elle avait deux bonnes cartes dans son jeu. Luky Will est déjà venu 3 B...   Le deuxième as depique elle ne le tenait pas dans sa menotte toute mignonnette, elle nichait dans la poigne la plus féroce du rocker le plus intrépide, vous avez reconnu Jerry Lou, le pianiste fou, une photographie sur laquelle l’indomptable Jerry Lee Lewis arborait fièrement le premier CD de Luky Will.

             Autant dire que je ne m’attendais pas une douce veillée de colonie de vacances, mes prédictions ont été comblées au-delà de toute espérance. L’est vrai que 3 B recevait la visite  d’un sacré groupe de coupeurs de têtes.

    THE COOPERS

    3B

    (Troyes / 21 – 03 – 2025)

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                Suis surpris dès mon entrée au 3 B. Peu de monde. La moitié des tables désertes. Une demi-heure plus tard je suis effaré. D’où sort cette foule ! Jamais vu autant, une marée humaine, tellement de presse que l’accès au bar sera interdit pendant tout le concert à ceux qui squattent les places près des musiciens, debout, chaises, et même assis par terre ! Ce n’est tout de même pas une soirée folk qui est prévue.

             Z’arrivent sourire aux lèvres, s’installent sans se presser, la pression monte, profitons du premier instrumental, un Chicago Blues mid tempo, un tantinet funky, ce n’est pas la tornade que l’on attend, mais non de Zeus, pas besoin de sortir de Polytechnique pour se rendre compte que l’on est devant de sacrés musiciens. Tout au fond Kevin, à l’affût derrière ses fûts, frappe mollement, mais quelle étrange décontraction, l’est toujours prompt à ouvrir ou clôturer n’importe quelle séquence, à sa droite c’est plus grave, je ne parle pas du bassiste, l’a une moustache terriblement sympathique, mais chaque fois qu’un de ses doigts touche une corde de sa basse, non, ce n’est pas une upright, plutôt une upsound, vous avez un son profond et moelleux, du chocolat fondu, est-ce pour cela qu’il est surnommé Pepito, juste devant lui, sous son chapeau, Lucky et sa Gretsch rouge-sang, tout ce que l’on peut dire c’est qu’il maîtrise salement sa bécane sanglante. Enfin à droite, Bruno aligné contre le mur, enfoncé dans le recoin vous pouvez ne pas le voir, mais pour l’entendre pas de problème, paisiblement assis sous sa casquette, ses doigts n’arrêtent pas de ricaner, chaque fois qu’il les pose sur son clavier, c’est comme s’il instillait un brin de folie foutraque dans l’ambiance qui ne parle pas à tourner à l’orage dès le deuxième morceau.

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             Faut comprendre, l’amateur très moyen de rockabilly connaît la plupart des morceaux, mais ils ont une manière très spécifique de les interpréter. Ne vous filent pas les titres à tire-larigot à la queue-leu-leu, bonjour-bonsoir voilà le boulot, non ils ne récitent pas leur leçon, ils interviennent à chaque instant, vous les reconstruisent, vous les dégobillent sans retard, mais vous les ressortent totalement métamorphosés. C’est qu’ils possèdent une arme invincible mais souterraine, ils swinguent comme aucun autre groupe de rockabilly, z’ont la pulsation primitive, mais ils ne le montrent pas, partent du principe que chaque morceau doit être mené comme un round de boxe, mais avec quatre boxeurs qui chacun à leur tour sort son uppercut dévastateur.         

     Lucky, il joue la surprise attendue, suspend son jeu, tourne la tête à droite eut à gauche comme s’il ne se rappelait plus de ce qu’il lui faut faire, mais quand il envoie le riff vous supputez dans votre pauvre cervelle la seconde exacte où il va le relâcher, pas maintenant, ni après, ni avant, à l’instant précis où il veut ( ne s’appelle pas Will pour rien), sur son Folsom Prison Blues vous donne une sacrée leçon sur la notion de la liberté de l’artiste, quand il veut, où il veut, il vous pose le bibelot à l’endroit exact où vous n’aurez jamais escompté qu’il soit là. Avec lui chaque écoute d’un seul morceau devient une aventure sonique.

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    Autre tactique. Celle de Kevin. Il tapote dans son coin. Vous pensez qu’il joue à la belote avec un comparse imaginaire. Le gars loin de tout, retranché dans son quant à soi. Ses camarades se retournent vers lui. Qu’est-ce que tu fous Kevin, on ne voudrait pas te déranger mais si tu faisais un petit truc ça nous aiderait bien, alors il leur adresse un petit sourire, le même que Napoléon avait jeté à Murat pour lui signifier qu’il pouvait mener la charge de ses douze mille cavaliers contre l’infanterie russe à Eylau, mais Kevin c’est la décharge, la canonnade en quinze secondes il vous jette le morceau par terre, l’emporte tout sur son élan,  rasé rasibus, et hop il vous refigure le building qui sort de terre transfiguré de pied en cap, vous impose sa vision du monde, et vous convenez qu’elle est beaucoup plus efficace que la vôtre. Ensuite mine de rien, il joue l’élève innocent qui n’a rien fait, ni vu, ni pris, l’œil aux aguets, prêt à repartir en guerre dès que nécessaire.

    Bruno, sur son piano Yamaha, l’est comme vous qui de temps en temps parsemez du parmesan sur votre plat de pâtes, distribue quelques notes pour accompagner, c’est sans préavis qu’il lance la galopade effrénée sur son clavier, ce qui ne l’empêche pas parfois, un doigt à demi replié de s’obstiner sans trêve sur une note qu’il doit avoir envie de détruire l’on ne sait pas trop pourquoi, c’est un peu comme l’étincelle, chère au président Mao Tsé Toung, qui était censée mettre le feu à toute la plaine, en tout cas avec lui, ça marche à tous les coups, le morceau accélère comme une fusée interplanétaire, z’avez l’impression qu’il penche d’un côté et que dans la seconde qui suit tout va s’effondrer happé par cette maudite descente vertigineuse, d’autant plus que l’air de rien Kevin tout en continuant à battre son beurre, attrape le clavier d’une main et le soulève pour accentuer la pente fatale, genre de facétie qui n’empêche pas Bruno de  continuer sa dégringolade de notes infinies.

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    Pépito met le paquet, à sa façon. N’attaque jamais de face. L’est comme ces motards qui se positionnent au cul de votre voiture et vous poussent à accélérer sans fin. Choisit un de ses camarades, et hop il se colle à lui, en toute innocence, un véritable boutefeu, vous avez l’impression qu’il suit la cadence, il l’englobe d’une sonorité voluptueuse, il suscite le désir d’une course éperdue et c’est parti jusqu’au bout de l’avenue, quand l’autre s’arrête il stoppe aussi sec pour mieux rappuyer sur l’accélérateur, l’a une préférence pour les Gretsch de Lucky, il passe à l’orange et la rouge ne l’arrête pas. 

    Le cercle se referme. Will ne se contente pas de sa guitare. Il mène le jeu. Au vocal, faut l’entendre débouler Good Golly Miss Molly, l’a le gosier de fer et de foudre, parfait pour  arracher les dégringolades sublimes, descendre les torrents foudroyants de Blue Suede Shoes et éparpiller  les éclats de grenade de Great Balls of Fire aux quatre coins du monde. En plus un véritable entertainer, en trois réparties il dope la salle qui n’en finit plus de hurler. D’un geste souverain il arrête la furie générale pour la catapulter un quart de seconde plus tard dans un grandiose tumulte.

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    Trois sets de feu. Etourdissants. Effervescents. Excaliburants. L’ordonne à tous de se lever et de danser. Et tout le monde obéit Dinguerie absolue le You Never Can tell de Chuck Berry avec Bruno et son piano bordel-line…. Béatrice la Patronne indique que l’heure… il est temps d’arrêter l’émeute. Les instruments sont posés à terre. Lucky s’empare du micro court se réfugier dans la densité du public, s’empare du micro et pratiquement a cappella il entonne I Saw The Light le gospel sacrilège d’Hank Williams que nous reprenons tous en chœur… c’est reparti pour trois classiques, l’on termine comme dans les années 70 avec un petit Johnny B. (very) Goode

    C’était la fin. Pas du tout, maintenant l’on passe aux riffs les plus célèbres, genre l’on fait feu de tout bois de Téléphone à Smoke on the Water

    Je m’arrête ici, pour que vous ne soyez pas jaloux. Merci à Béatrice et  aux Coopers. Ce n’était pas une soirée inoubliable mais un rock-choc immémorial.

    Damie Chad.

     

    *

    Ashen continue sa route. Profitent du printemps pour déposer un œuf dinosaurien dans nos pupilles, une nouvelle vidéo explosive. On ne les compte plus, sans compter Smell like Teen Spirit, ce fut Sapiens, Hidden, Outler, Nowhere, Angel, Chimera, Desire, toujours pas d’album, mais une stratégie qui porte ses fruits, Outler, commis par un groupe français, vient d’être crédité d’un million de vues sur Spotify. Voici donc le dernier opus, le dernier obus :

    CRYSTAL TEARS

    ASHEN

    (Official Music Video / Mars 2025)

    OUT OF LINE MUSIC

    Bastien Sablé a dirigé la vidéo qu’il a scénarisée en compagnie d’Ashen. Le site de Bastien Sablé est à visiter. Il a réalisé de multiples clips pour de nombreux (et nombreuses) artistes de la nouvelle variété française. De mirifiques décors, des mises en scène inspirées, dommage, selon mes goûts de rocker endurci, que les musiques ne soient pas souvent à la hauteur images qui les accompagnent.

    Mais pour celle-ci, la transcription mouvante de la  beauté formelle des hallucinations cryptiques échevelées est si parfaitement adaptée à l’univers spirituel darkside et à la violence fragmentale de la musique du groupe, que l’ensemble symbiotique s’inscrit sur les murs charbonneux de  notre nuit mentale en traits de feu sanglants significativement aussi éphémères qu’éternels…

    Où sommes-nous ? Dans une des sombres galeries des Indes Noires de Jules Verne, ou en un endroit encore plus dangereux, à ras-de-terre et de cendres des Champs Phlégréens, juste à la l’orée du porche de la caverne qui selon les Anciens conduisaient aux Enfers, au Royaume de la Mort, à moins que cette ombre noire qui chemine précautionneusement, son bras levé supportant un flambeau de lumière indistincte, ne soit un être humain vivant déjà mort. Cette ombre animale que l’on entraperçoit une demi-seconde ne serait-elle pas celle de Cerbère, le chien obturateur rendant impossible toute remontée.

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    Devant une muraille de schiste noir, le groupe joue, se démène, se trémousse assène la musique sous forme de lingots de plomb noircis, il crie, il hurle, il clame, il geint, il gesticule, il joue… son rôle de chambre noire de Chenonceau, Clem, l’Orphée mythique, n’est déjà plus qu’une âme, les vestiges remuants de ce qui a eu lieu, le vertige rampant de ce qui n’est plus, la dague est plantée dans le sol, en éclat de quartz, un éclair blanc de robe de reine morte, l’épée où se jeter et se percer le cœur, le groupe en transe paroxystique, et Clem qui s’approche précautionneusement, de la fleur de lys, de l’incisive géante d’un monstre antédiluvien, la forme blanche de la lance du Graal, folie noire, fantôme de pierre, albâtre qui grandit démesurément, le toucher, la toucher, est-ce lui, est-ce elle, cette Excalibur proéminente dont la lame froide arde et illumine, mais avant se reposer, se concentrer en soi, se poser les bonnes questions, faut-il s’adresser à lui, à elle, à soi-même, à cette énigme translucide, alors que l’on dit que la Mort est blanche, et ce menhir illuminatif, qui est-il ? Pourquoi ne serait-il pas moi. Serait-il l’autre. De l’autre côté du miroir. N’aurait-il pas la forme d’un cœur. Immortel puisqu’il ne bat plus. Confrontation avec l’autre de soi-même. Gerçure et brûlure à la jointure. L’orchestre exorcise sa fureur. Bersek de lui-même. Hurlement. Qui meurt là, qui tombe et s’affale sur la pierre druidique, qui titube et s’appuie sur le pilier christique. Communion. Extrême-onction sacrificielle. Le groupe massacre-t-il de désespoir sa musique noisique. Plus personne. Ne reste plus, sublime, immarcessible, que l’épée blanche qui semble s’élever vers le ciel. Serait-elle la représentation de l’aile d’un ange rilkéen. Celui élémental qui descend.

    Damie Chad.

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    Nota-Bene : L’œuvre au noir, la forme blanche n’évoque-telle pas la forme oblongue d’un cercueil, peut-elle être éblouissance. En quoi le tout se résorbe-t-il ! La forme blanche est-elle l’épée de la séparation ? De cet autre côté de nous-même que nous sommes et ne sommes point. Notre somme additionnelle n’est-elle égale qu’à la silhouette du 1 maladroitement tracée, cette frontière qui ne délimite qu’un même et unique royaume. Toute la douleur existentielle de cette dichotomie de nous-même qu’aucun scalpel de pierre ne parviendra jamais à séparer de nous-même car notre vie s’apparente si bien à notre mort que nous sommes tout aussi bien que nous ne sommes pas, ce tout que l’on voudrait ne pas être ou ce rien que l’on voudrait être.

    Une lecture plus simple, l’adieu à l’androgynie que l’on a été, que l’on a cru être et que l’on n’est plus. Cette coupure de l’autre qui n’est que la coupure de soi-même d’avec l’autre. Vouloir être dans une unique solitude et n’être plus que la solitude de soi-même. Un moins Un égale toujours Un. L’illusion posthume du 2. Le Un est toujours seul, séparé de sa propre multiplicité.

    Pour aider à réparer la fracture, Platon disait que l’on ne pouvait passer du Un au Deux, sans quoi le Un reste seul. L’a préconisé le principe de la dyade qui n’est autre que la reconnaissance du Deux, non pas en son unité, mais en sa dépendance à l’autre qui reste l’Un, ce qui de fait de la dyade le principe de la reconnaissance de la multiplicité infinie, qui n’est autre que le ravalement du Un, non pas en sa Unicité, mais en simple fraction élémentale de la répétition du Même.

    Le Même n’étant que la négation de l’unicité du Un. Or un Un qui n’est pas unique nous oblige à vivre  l’équivoque relationnel avec tout autre. A nous atomiser avec le n’importe quoi. Une espèce de suicide collectif métaphysique en quelque sorte. Commis par un seul.

    Damie Chad.

     

    *

    Vous avez des mots et des titres qui vous attirent plus que d’autres. J’avoue avoir pas mal barjoté sur le Midnight Rambler des Stones mais là je suis servi : un groupe qui se nomme Nightstalker, mais qui très vite aggrave son cas, ils sont grecs, d’Athènes, sont cités dans la mouvance de Rotting Christ, quant au titre de l’album jugez-en par vous-même,

    RETURN FROM THE POINT OF NO RETURN

    NIGHTSTALKER

    (Heavy Psych Sounds Sounds Records / Mars 2025)

             En langue anglaise ‘’starlker’’ désigne un rôdeur dont il vaut mieux se méfier, l’on ne sait ce qu’il manigance mais vous êtes sûr qu’il ne travaille pas au bonheur de l’humanité, il désigne aussi un chasseur lancé sur une piste qui n’appartient qu’à lui. Stalker c’est aussi le film du réalisateur soviétique – il eut quelques ennuis avec le régime – Andréi Tarkowski. Une étrange histoire d’un stalker mystérieux qui guide au travers d’une zone désolée et interdite deux voyageurs, un écrivain et un professeur, vers une mystérieuse cellule où vous atteindriez l’horizon zénithal de  l’absolu de vos désirs profonds… Le film est sorti en 1979, il a trouvé une étrange résonnance dans la zone interdite située autour de la centrale nucléaire de Tchernobyl explosée en 1986 dans laquelle certaines espèces animales semblent avoir développé une espèce d’armure biologique contre les radiations atomiques… Si vous partez du principe que l’Homme n’est qu’une espèce animale parmi tant d’autres, toutes les cogitations vous sont permises… Stalker est aussi le nom du blogue littéraire de Juan Asensio adonné à la dissection du cadavre de la littérature…  

             Le retour au point de non-retour doit-il être considéré comme une régression ou une avancée. Une deuxième chance ou la peur de s’enfoncer dans la logique d’un cheminement. De toutes les manières l’idée du retour n’implique pas-t-elle la notion de l’origine quel que soit le sens de votre marche qui, même si vous revenez sur vos pas, en reposant systématiquement chacun de vos pas dans vos propres empreintes vous oblige à dessiner l’idéelle figure d’un cercle nietzschéen…

             La pochette vaut le détour. Cette espèce de ville endômée, endoomée par une calotte humaine protectrice et emblématique – appréciez au-dessous l’espèce de péristyle morcelé, ces colonnes qui furent la fierté des cités grecques antiques et par-dessus le capillaire village rural  exhaussé sur les déclivités crâniennes du crâne, poussé tel un rêve, qui ne veut pas mourir et s’accroche désespérément aux superstructures de cet exo- squelette tombal et génital.   

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    Cette couve est d’Alexander Von Wieding, un illustrateur qui a beaucoup travaillé en  packaging et notices diverses en relation avec la production industrielle, amateur de blues depuis 2006 il s’est spécialisé pour la production de pochettes d’albums. Son Instagram regorge de photos de couves pour des groupes et des chanteurs dont j’ignorais l’existence. Idéal pour mesurer le gouffre de votre ignorance, car l’intérêt pour les images vous empêche de vous attrister sur vos manques de connaissances.

    Nightwalker fut fondé en 1989. Ce disque est leur septième album, ( + deux lives et quelques simples),

    Andreas Lagios : bass / Dinos Roulos : drums, percussions / Tolis Motsios : guitares / Argy : vocal, lyrycs, percussions.

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    Dust : si vous vous  attendez à une sereine méditation sur la poussière que vous êtes et sur la poussière que vous deviendrez, c’est râpé, la batterie bouscule vos synapses, des tourbillons sonores précipitent vos circuits cérébraux en une espèce de surdopéisation de vos neurones préférés.  Plus de chair  vous êtes comme sur la couve réduit à l’os de vos prétentions, comme quoi tout se passe dans votre tête, au-dehors tout se rétrécit, Argy vous prévient, tout a une fin, même ces jours que vous avez longtemps crus heureux. En quatre courtes strophes il vous indique le début de la catastrophe. Une seule consolation la guitare de Tolis, toujours ça de pris sur l’ennemi. Heavy Trippin’ : dur, dur docteur Arthur, un peu de méditation, la basse de d’Andreas vous y invite, mais les camarades haussent le niveau sonore, l’introspection silencieuse c’est terminé, pratiquement une confession publique obligatoire, modulée d’un vieux fond bluesy salement malmené, c’est beau comme du Verlaine mais ça remue comme Le Bateau Ivre de Rimbaud, vous avez vécu dans un rêve, du toc de chez toc-toc qui refuse la réalité, qui oublie le malheur de ses congénères, qui ne pense qu’à sa petite quiétude personnelle, c’est fou comme le temps s’allonge indéfiniment lorsque l’on tourne et retourne en soi-même, alors qu’autour de vous tout se désagrège à une vitesse supersonique. Il est temps de prendre les décisions qui s’imposent. Pour vous consoler les quinze dernières secondes du morceau sont superbes. Jamais entendu une semblable coda à décoder.

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    Uncut : je vous rassure, ils ne sont pas tombés dans un trip à l’acoustique, l’électricité ronronne à fond, à gros flocons, si vous ne me croyez pas vous avez une vidéo, en studio et sur scène, de vrais rockers ils jouent au billard à trois boules, pas à l’amerlok, toute la différence entre un traité d’Aristote et un roman naturaliste, ce dernier est bien plus simple mais nécessite moins d’aptitude intellectuelle, s’amusent aussi au flipper et z’ont des groupies à foison. Ce qui est un peu à contre-courant du scénario aujourd’hui fortement  conseillé parce qu’après qu’Andras nous a appris ce que l’on peut faire avec une basse, l’Argy, ce n’est pas de l’argile, l’est dur comme du granit, vous congédie sa copine sans fioriture, le temps des simagrées et des faux-semblants c’est terminé, pour les féministes concentrez-vous sur la machine de guerre de ce groupe, ils n’ont peut-être pas inventé le lait en poudre, mais c’est si puissant et si beau que dans vos cerveaux ils font pousser l’herbe qui nourrit les vaches.  Return from the Point of No Return : encore une vidéo, vous voyez l’Argy se livrer à ses petites activités matinales un peu de sport, un peu de bourbon, finit par se rouler un joint aussi gros qu’un bâton de maréchal, vous voyez le groupe jouer et

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    surtout vous entendez la mayonnaise, elle vous emporte sur le haut sommet de l’Empyrée, le Dinos, l’a la frappe dinosaurienne, vous berce dans les roulements incessants de ses toms, ne cédez pas à l’hypnose musicale, Argy est en train de mettre de l’ordre dans son existence, confond un peu son balai avec un char d’assaut, mais faut ce qu’il faut, ou vous êtes capable de retourner au point de non-retour ou vous ne l’êtes pas. Sachez repérer les cris en sourdine. L’art du hurlement souterrain n’est pas donné à tout le monde. Un morceau qui fait place nette. Shipwecked Powder Monkey : attention de l’eau dans les écoutilles, sont comme fatigués d’écoper, se reprennent vite, z’ont intérêt maintenant à se magner car ça entre par gros paquets, voici les temps de l’incertitude le moment où l’on s’aperçoit de l’équivalence de nos actes, que l’on fasse ceci ou cela, le résultat est identique, maintenant le groupe fonce en piqué et en escadrille, les choses t’échappent, vous filent les derniers enseignements, tu n’y peux rien, l’existe un point où l’avant devient l’après, à moins que ça ne soit juste le contraire, tu te dois avancer, mais c’est le temps qui te rattrape et te dépasse.  Guitare en chappe de plomb te percent les oreilles, te bercent dans ton incomplétude, dans ton impuissance programmée. Shallow Grave : cette basse trop grave, plus basse que la terre que tu as creusée pour enfouir tes rêves et ta volition,  voici donc le slow des grandes glaciations, la musique dodeline, au bout de la mort une renaissance, un rite de passage, les tisons de la guitare te réchauffent la musiquen se redressent tel un serpent prêt à se battre, fais le tour de tes anneaux mémoriels, ne te laisse pas enfermer dans le cercle vicieux de tes habitudes. Reviens à toi. Extrais-toi de ta propre tombe. Falling Inside : le retour en soi, une pierre qui dévale la colline, qui tombe, qui n’en finit pas de tomber, de plus en plus vite, le rythme s’accélère, il est trop impétueux pour que tu aies le temps d’avoir peur, le groupe explose littéralement, un élan dévastateur, créateur, tout au fond tu trouves ce que tu cherchais en vain depuis longtemps. En toi-même. Te voici redevenu toi-même. Tout voyage est intérieur. Tu es le retour et tu es en même temps le non-retour pour ne pas stagner. Flying Mode : le son est lourd, il ne trébuche pas, il s’amplifie, le tout est de ne pas s’appesantir en soi, de ne pas se confiner en une morale étriquée du bien et du mal, la zique prend son envol, faut savoir s’envoler, le chant devient encombré de parcelles de gai savoir, vivre ses rêves c’est déjà vivre, le cheval fou de la batterie trottine allègrement, bientôt il galope ardemment, rejoint par le reste de la horde, crinières pâmoisantes de guitares, toujours de l’avant, cris de joie, de victoire et de triomphe. Si vous restez à les écouter vous ne les rattraperez jamais.

             Enthousiasmant. A écouter attentivement, peuplé d’idées musicales inédites. Un groupe au sommet de son art. Testamentaire en le sens où les héritiers viendront boire. Source vive.

             Tellement bon que j’ai voulu en écouter davantage, j’ai choisi un titre choc :

    DEAD ROCK COMMANDOS

    (Small Stone Records / 2012)

    Pas tout à fait au hasard, d’abord une pochette d’Alexander Von Wieding qui n’est pas sans préfigurer un demi-quart de siècle à l’avance celle de Return from the point of no return, un peu moins réussie toutefois, quel sens donner à ce trognon de pomme déposé entre les mâchoires de cet animal monstrueux aux dents hyper développées de tyrannosaure, si ce n’est celle d’une éthique rock qui consiste à croquer la vie à pleines incisives mais en privilégiant uniquement les  meilleurs morceaux. N’est-ce pas normal que Kr(tnt ! qui vous propose chaque semaine les aventures de l’Avenir du Rock dans le désert d’Egypte se penchât aussi sur ces commandos du rock décédé, un titre d’autant plus énigmatique que si l’on en croit nos oreilles le cadavre en pleine forme s’agite beaucoup pour un moribond. 

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    Go get some : choc de zinc dézinguant, z’en remettent une couche et c’est parti pour le rock’n’roll, le vocal qui klaxonne comme une trompe pour vous avertir que l’avalanche déboule sur vous, trop tard vous êtes déjà enseveli dans les neiges éternelles, une guitare non décarbonée signale l’endroit de votre passage, de l’autre côté de la montagne noire. N’ayez crainte seulement une métaphore afin de vous inculquer la rudesse de l’art tonitruant de vivre rock’n’roll. Pas difficile vous cherchez à crever la gueule ouverte mais vous recracher les pépins de la mort pour ceux qui les ramasseront et s’en nourriront. Codicille de dernière importance : ou le rock ou le néant. La vie appartient aux excités. Soma : nouvelle somation. Vous la lancent à la balle dum-dum.  Très agréable, musicalement parlant si vous aimez le rentre-dedans, délectable aussi si vous suivez les conseils, pardon les ordres. Un combat au corps à corps, jouissance sexuelle tous azimuts, une guitare qui hennit de plaisir et le reste e la bande qui enfonce le clou dans les cercueils de chair. Dead Rock

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    Commandos : vous avez une vidéo pour vous aider à comprendre, le printemps qui s’éveille, la nature presque frémissante, déboulent en courant, tous habillés de noir, un moment pour comprendre qu’ils sont poursuivis, qu’ils sont vont être rattrapés, on se saisit d’eux, on leur recouvre la tête d’un voile blanc, sont emmenés sur les lieux de leur exécution, brutalement on les libère et on les place derrière leurs instruments, morale de l’Histoire, il y a commandos et commandos, les uns détruisent la planète et lobotomisent les populations et les autres se servent de leur musique pour se défendre et survivre. Riffs noirs et sombres à grandes enjambées vous assomment, eux aussi sont des commandos, les commandos du rock. Ceux qui cherchent à tuer le rock, ceux qui se battent pour qu’il survive. Le texte est beaucoup plus politique qu’il n’y paraît. One million broken promises : pompent plus vite et plus énergiquement que les shadocks, normal ce sont des shadrock, n’en profitent pas pour rejeter la faute exclusive sur le reste du monde, reconnaissent leurs torts, ils boivent, ils se droguent, reconnaissent qu’ils ont peur, qu’ils se dépatouillent mal, parce l’ombre de la mort les terrorise et que l’on meurt toujours seul. Rarement entendu une si grande probité intellectuelle chez les groupes heavy et metalleux. En plus ils vous l’assènent sans ambages et surtout sans repentir ni fausse honte.

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    Children of the sun : la vidéo vous évitera de croire qu’après une crise mystique subite le groupe se soit converti à l’idéologie hippie. Musique franche et directe assénée à pleines bouches, à pleins instruments, vidéo superbement mise en scène, toute simple mais pétillante d’intelligence, rock bien sûr mais avant tout une superbe pantomime des relations humaines, une traduction de cette complicité entre les individus qui les relie tels qu’ils sont avec toutes leurs différences. Les petites ironies de la vie, pour reprendre un titre de Thomas Hardy. Suffit de ne pas croire en la petite fleur bleue. Back to dirt : face B. Une lettre de bienvenue à un nouveau-né, elle n’est pas rédigée par Madame de Sévigné, la batterie vous met les points sur les i, la basse froisse le papier, le vocal bien fort pour que l’on n’ait pas besoin de le lui répéter quand il aura grandi, la guitare lui scie les planches pour son futur concert, on ne lui cache rien au petitou, il sort du trou de sa mère, il finira dans un trou de la terre, pour le reste débrouille-toi comme tu veux, un conseil fais-toi tout petit, et essaie de vivre jusqu’au jour de ta mort. Tu y passeras comme nous tous. Une tendresse en fer forgé. Keystone : une seule clef de voûte pour tenir une vie à peu près droite : le rock’n’roll. Qui balance pas mal avec des appuyés au forceps. Parce que t’es rock, t’en prends plein la gueule, tu t’en fous tu as toujours un temps d’avance sur les autres, mais surtout sur toi-même. C’est ainsi que je ne suis plus moi-même puisque je suis devenu moi-même. Me reste encore à apprendre à aimer. Rockaine : une guitare torturée, elle a dû écouter Jimi Hendrix, quel kaos dans sa tête, le moment du doute, tu t’es sorti de l’enfer pour entrer dans un autre, la batterie joue à l’éléphant dans le magasin de porcelaine, la basse repeint les murs en noir, obstination d’un pachyderme dans la toundra glacée qui essaie de trouver en lui-même un pâturage d’herbe fraîche, l’est pas près de brouter tout à son aise. The boogie man plan : mauvais plan. Encore plus violent que le précédent. Fait le point, l’a peur de tout, du quotidien et de l’exceptionnel. Un coup de projecteur sur Dead Rock Commando, encore une fois le groupe se démarque des autres, certes les instrus vous baladent dans un hachis parmentier saignant, vous aurez du mal à reconnaître vos oreilles embringuées dans ce vortex, mais au contraire de tous les groupes, il ne se cache pas derrière les mots, l’a la trouille de lui-même et encore plus des talibans. Talibang, le mot résonne, un défi civilisationnel, la déjante du rock’n’roll  face à la laideur du monothéisme sociétal. The underdog : entrée en fanfare, accueillez le héros, l’outsider que plus personne n’attendait plus, le voici, le voilà, il revient du vingt-quatrième dessous, faut entendre comme la batterie tape des mains, la guitare exulte, la basse monte haut, attention, les acclamations se voilent, l’outsider vous donne sa propre leçon de survie, vivez cachés, faites-vous oublier, rentrer dans un trou de souris, de toutes les manières pour les jeunes générations c’est trop tard. Affirmatif . Cinq sur cinq. Elles ne survivront pas.

             Musicalement, très brut de décoffrage. Du solide. Du résistant. Du béton armé. Peu d’imagination, mais c’est avec des pierres unidimensionnelles que l’on a bâti les pyramides. Question moral, il va descendre plus bas que les talons de vos santiags. Noir de chez noir. Ne vous reste plus rien à vous mettre sous la dent. Ah ! si un vieux trognon de pomme fossilisé. N’espérez rien. Claque rock. C’est que l’on appelle l’énergie du rock’n’roll ! A vous injecter en intraveineuse chaque soir, même dose au petit matin. Vous aurez de quoi opposer au cauchemar qui se profile à l’horizon. Médicamentation rock’n’roll du bon docteur :

    Damie Chad.