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black sabbath

  • CHRONIQUES DE POURPRE 711 : KR'TNT ! 711 : BOO RADLEYS / BOB MOULD / BLACK SABBATH / ACETONE / BELPHEGORZ / JOHN-MARY GO ROUND / HYPOCRISY / BLUES FOR NEIGHBORS / GENE VINCENT + DEKE DICKERSON

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 711

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    20 / 11 / 2025

     

     

    BOO RADLEYS / BOB MOULD

    BLACK SABBATH / ACETONE

    BELPHEGORZ / JOHN-MARY GO ROUND

      HYPOCRISY / BLUES FOR NEIGHBORS

     GENE VINCENT + DEKE DICKERSON

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 711

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Traînés dans la Boo

     (Part Two)

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             Dès les premières mesures, tu sens qu’ils vont rayonner. Les Boo Radleys sont de retour avec un Sice incroyablement ravi d’être sur scène. Rien de tel qu’un groupe anglais qui arrive sur scène. Les pas, les fringues, les allures, tout est typiquement anglais. Ils font autorité avant même d’avoir ouvert le bec. The Eggman approche du micro en souriant. Il est petit, mais c’est the Eggman superstar.

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    Il vient te chanter la suite de «Strawberry Fields Forver», c’est-à-dire «I Hang Suspended», il vient te chanter l’enchantement de Liverpool, il vient te gorger de magie, the Eggman, c’est Merlin, et tu sens aussitôt le souffle de la grande pop de Liverpool. Et ça va durer une heure comme ça, tu vas quitter ton enveloppe et regagner le monde magique que tu fréquentais assidûment à une autre époque, tu vas errer au fil des mélodies, porté par le sucre de Sice qui une fois encore s’infiltre dans ton âme pour l’imploser de bonheur, et crack il te craque «Barney And Me».

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    Alors ça gicle, ça jaillit, ça pulse du gimmick demented, Louis Smith qui remplace Martin Carr rajoute des cercles dans les cercles et ça devient aussi effarant qu’un hit de Brian Wilson, avec un Smith qui réitère les glissades démentes, qui joue gras, il a le gimmick du diable dans les doigts et il t’emmène au paradis. Avec Barney, Sice fout le feu au mythe de Liverpool - Now I’m getting older - Il monte encore d’un cran quand tu crois que ce n’est plus possible. Tout est dans l’I still can’t find the words - La trompette embarque Barney et tu te sens physiquement glisser dans une autre dimension. Et Sice qui sourit. Et Sice qui chante comme un dieu, sans jamais forcer. Tu vois ce petit bonhomme gratter sa Tele. Il sait qu’il a le pouvoir des hits derrière lui et donc il se sait le roi du monde pour une heure, just for one hour. Le public chante. Les fans sont tous là. Il règne dans la salle une réelle communion pop autour d’un groupe devenu légendaire par la seule qualité de sa pop, comme ce fut le cas pour les Beatles et Brian Wilson. Bon t’as des cuts en forme de passages à vide, mais Sice reste admirable de présence. Entre les cuts, il lit des petits mots rédigés en français et préparés à l’avance, il indique chaque fois le titre du cut pour que les gens aient un point de repère. Et pouf, «Wake Up Boo», cut de pop explosive, mais pas un hit. C’est pas Barney. «Wish I Was Skinny» sort aussi de cet album culte que fut Giant Steps. Sice est ses amis n’en font qu’une bouchée. 

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             Ils vont regagner la sortie avec un «Stuck On Amber» secoué par des relances de basse démentes. Sice plane sur la mélodie comme un papillon, il justifie et il explose - To get okay with me - Et ils vont boucler leur set avec une effarante restitution de «Lazarus», un cut tellement technicolor et orchestré qu’on ne pouvait imaginer le voir joué sur scène. Les paroles de Sice sont un délice de perdition, mais il règne sur ce final pharaonique une plénitude à laquelle personne ne s’attendait. Quand la musique atteint ce niveau d’excellence, l’air ambiant avale les âmes des gens. C’est ce qu’on appelle la communion et elle se fait bien malgré soi. L’enchantement siphonne les âmes, tout au moins est-ce l’impression que l’on se plaît à cultiver dans l’instant. Même si tu sais que ton âme ne vaut pas un clou, t’es content de te sentir dépossédé. En échange, tu récupères l’image d’un chanteur radieux et brillant, Sice Superstar, pour la coller dans ton album de souvenirs.  

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             Étonnamment, Keep On With Falling est un bon album, pour au moins quatre raisons, la première étant «I’ve Had Enough I’m Out». On a le Sice, c’est sûr, mais a-t-on le Carr ? Ils essayent et ça finit par décoller. On retrouve cette fantastique

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    énergie de la pop. Sice fait encore des miracles sur le morceau titre. Avec un cake comme Sice, ça reste délicieusement easy. Ce petit mec chante comme un dieu. Les Boos savent faire décoller l’hydravion d’Howard Hugues. Et puis voilà un premier coup de génie : «All Along». La clameur t’éclate le cortex, le cut se noie dans le bonheur, le Sice y va à coups d’all along et là t’as le phénomène Boos qui éclate au Sénégal. La quatrième raison s’appelle «A Full Syringe & Memories Of You», full blown de Boo, deuxième coup de génie Boo. Le Sice adore se rouler dans la Boo, c’est puissant, ça monte tout seul, il martèle son pilon pop et les forges explosent de bonheur, ça gicle partout, Sice y veille avec bonhomie. Ils retapent aussi dans le vieux mix de beat reggae et de trompettes («Here She Comes Again») et Sice remonte dans sa stratosphère chérie avec «You And Me». 

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             Avec Eight, Sice ramène sa fraise et son sucre. Il ramène sa voix chargée de sens. Il rétablit le règne des Boos avec «Hollow». Pure Beautiful Song. Sice est un être gracieux, il peut créer de la magie. Il décolle toujours de la même façon. On reste dans l’enchantement avec «Now That’s What I Call Obscene». Sice est comme un poisson dans l’eau. Encore une fantastique construction pop avec «A Shadow Darker Than The Rest». Pur génie pop. Le festin continue avec «Sometimes I Sleep». On appelle ça le génie vocal. Il rentre dans une faille mélodique et injecte sa magie. Tu sens une énorme pression arriver avec «Dust». Il est déjà là, le cut se présente comme une énormité bâillonnée, avec des accalmies et des rétributions illicites, et la voix de Sice porte tout ça mollement. C’est la voix qui fait tout, une voix en forme de nec plus ultra du fruit défendu, l’excelsior harmonique. Le power est bien dans les pattes des Boos de Liverpool, comme le montre encore «How Was I To Know?», ça te claque aux oreilles et la beauté te sidère. Eight est un album parfait. D’autant plus parfait que t’as un disc de bonus (alternates + des cuts Live at the Cavern). On y retrouve une alternate de «The Hollow». Sice est l’un des grands popsters anglais. Il s’applique derrière son micro et fait plaisir à voir. Il t’attaque ça au chant pur et l’Hollow s’envole. Sice l’enchanteur reprend le pouvoir et t’as tout le power des Boos au long cours. Ils montent «That Ain’t A Way Of Life» sur un dub, avec le Sice en écho. C’’est Tim Brown qui vole le show sur sa basse. Et puis voilà la triplette de Belleville, les trois bonus qui font le sel de la terre, Live At the Cavern, avec pour commencer un hommage au Roi George, «All Things Must Pass». T’as la trompette et ça devient mythique. Pire encore, voici le vieux «Spaniard» des Boos. Cette pop chaude ne tient qu’à un fil mélodique. C’est hallucinant de finesse et sublimé par la trompette mariachi. Aussi unique dans les annales de la pop anglaise que le fut «Strawberry Fields Forever». Le trompettiste s’appelle Nick Etwell. Nouvelle cavalcade de Boo avec «Find The Answer Within». Hallucinant de joie et de bonne humeur. Encore un drive de basse dément et la trompette. Sice part en tête, il est explosif de génie. C’est effarant d’élégance pop boréale, Sice et les Boos rivalisent avec John Lennon, cette merveille inaltérable entre dans l’histoire du rock anglais. Qui dira la grandeur de la pop invincible des Boos ?

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             Tu demandes au mec du merch ce que c’est. Il te dit : «Sice’s solo project!» Tu discutes pas, tu ramasses aussi sec. Le «Sice’s solo project» porte le doux nom de Paperlung et l’album celui de  Balance. Wow, quel album ! Si t’es fan de Sice et des Boos, alors tu te régales, dès «How Can You Sleep», t’as le big sound avec Sice on top, comme une petite cerise sur le gâtö. Tu lis vite fait les notes au dos et tu vois que Sice compose tout. Alors tu refais wow ! Car c’est fulgurant. Et tu l’entends chanter dans «The Days That God Sold You». Il s’étale à la surface de sa pop comme un petit caramel chauve et il revient dans la mélodie par le côté, alors ça sonne comme de la magie pop. Tu sens que ce groupe joue son va-tout. Ils rendent hommage à Aleister Crowkey avec «Do What Thou Will» et ça repart en mode big pop avec «The Ashes Of Your Life», et là t’as plus que tes yeux pour pleurer de bonheur, tu vois Sice monter au front la fleur au fusil - Are you happy/ In the ashes of your life - C’est la pop parfaite, la pop de Liverpool. Il sait monter une pop en neige comme le montre encore «A Cautionary Vision Of The Future». Il ne rate jamais son coup. C’est une grosse compo, comme «Spaniard» ou «Lazarus». Encore un coup de génie pop avec «What You Said». Sice l’emmène avec ferveur au firmament, t’as vraiment un envol. La voix de Sice donne un aspect flamboyant à la pop, il ne fournit aucun effort. Tout reste easy chez Sice. Il redécolle plus loin avec «Same Mistake». C’est d’une rare puissance mélodique, il file sur l’horizon, il chante la gloire de la beauté boréale, il chante comme s’il décrétait que le monde est monde. Sa voix te transporte. C’est l’ange de miséricorde qui chante «Where Were You Then?», c’est une bénédiction que de l’entendre tailler sa route vers l’horizon flamboyant, et pourtant Sice n’est pas un mec de carte postale, il est le Louis II de la pop anglaise. Cet album est son Neuschwanstein.

    Signé : Cazengler, Boo Raté

    Boo Radleys. Le 106. Rouen (76). 30 octobre 2025

    Boo Radleys. Keep On With Falling. BooSTR Records 2022

    Boo Radleys. Eight. BooSTR Records 2023

    Paperlung. Balance. Shifty Disco 2007

     

     

    Wizards & True Stars

     - Bob a du grain à Mould

     (Part One)

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             Bob Mould arrive tout seul sur scène avec sa Strato. Il a juste un petit ampli Fender derrière. Et pouf !, il commence à gratter ses poux à la volée. On n’avait encore jamais vu un bordel pareil, il gratte tout au pif, flic flac floc, de la main

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    droite, et il prince des combinaisons de notes de la main gauche, c’est un peu comme s’ils étaient deux ou trois, mais Bob est tout seul, il claque sa rythmique et ses solos à la bonne franquette et sort un son d’une densité extrême qui n’appartient qu’à lui. Il joue tout à l’esbrouffe mais son esbrouffe sonne comme un mystère impénétrable, plus on l’observe et plus on ne pige que dalle, et diable, il faut voir comme ça sonne.

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    Il n’a besoin ni de basse, ni de batterie, il fait son power-punk mélodique tout seul, il n’a besoin de personne en Harley Davidson. Au bout de deux cuts, il est rouge comme une tomate et il dégouline de sueur. Tu vois l’artiste à l’œuvre et franchement, tu te demandes comment il peut tenir ce train d’enfer, car tous les cuts sont quasiment des bombes atomiques, il tape dans le Dü, on chope au passage le vieux «Flip Your Wig», tiré de l’album du même nom, suivi d’«I Apologize», un vieux blaster qui date de l’album aux chiens, New Day Rising, le genre d’hit qu’on

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    vénérait à une autre époque. Le vieux Bob n’a rien perdu de sa niaque, on irait même jusqu’à dire qu’elle a empiré, il reste rivé à son micro et quand il part en solo-ramdam, il fait un petit tour de scène. Qui d’autre serait capable de jouer un set de 90 minutes tout seul à ce train-là ? On a beau chercher, on ne voit personne. Le vieux Bob devient à la fois une attraction et un héros, un funambule et un totem, un dieu vivant et un vieux punk, un golem des Amériques et un coureur de fond, un géant et un sorcier, il est tout cela à la fois et beaucoup plus encore, c’est un bombardier et un Cortez the killer, il repousse toutes les limites, il fait ce que personne n’a jamais osé faire avant lui, il pousse les aigus de sa Strato et sort un son d’une rare virulence, et toujours ce battage de maniaque, et cette purée fumante qui semble sortir à torrents.

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    Son arme secrète est le jet continu, le son brûlant, le chant extrême, quand il tape dans le Dü, ça ne rigole pas. Il va faire participer le public sur l’excellent morceau titre de son dernier album, Here We Go Crazy, et t’as des gens qui en connaissent déjà la paroles, car ça répond bien, et du coup, ce hit prend une ampleur considérable. Mais ça va encore monter d’un cran avec des vieux hits du Dü, l’effarant «Celebrated Summer», qu’il chante à l’efflanquée, il a sans doute trop forcé sur sa voix, il n’en peut plus, mais bon, c’est Bob Mould, il a besoin de repousser les limites, alors il trouve les ressources en lui, et bhammm !, il claque l’excellent «If I Can’t Change Your Mind» qui fut, t’en souvient-il, un hit massif au temps de Suger, et là c’est toute la salle qui chante pour lui, on aurait jamais cru que le Dü et Sugar avaient été si populaires en France. Et ça repart de plus belle avec un public allumé qui chante «Makes No Sense At All» à tue-tête et finalement, lorsque vient dans ta tête l’heure de conclure, tu te dis que ce vieux pop-punk vieillit admirablement bien. C’est même un modèle.   

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             Le nouvel album de Bob Mould s’appelle Here We Go Crazy. Cette petite merveille grouille de puces. Et ce dès le morceau titre qu’il attaque au sommet du genre. C’est bardé de son. Il retourne toujours la situation à son avantage. Quel

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    seigneur ! Son vieux power remonte à la surface. Il repasse en mode Dü pour «Neanderthal». Bob a tellement de génie que les mots te manquent. Face à cet éclat, tu vas devoir faire des efforts. Il monte chaque fois sa pièce montée au sommet de ce qui doit être fait. Il adore traîner ses cuts dans la bouillasse. «Hard To Get» rue comme un étalon indomptable. C’est d’une puissance exceptionnelle. T’as encore tout le son du monde dans «When Your Heart Is Broken». Le vieux roi du Dü grimpe encore au sommet de son lard fumant. Il fond son killer solo dans sa fournaise magique. Bob est une force de la nature et ses cuts sont à son image. Encore de la dégelée royale avec «Sharp Little Pieces». Avec Bob, ça n’en finit plus. Il chante d’en haut et ses poux coulent d’en haut. Avec lui, tu crois toujours entendre les Pistols, il sort un son bardé d’accords fondamentaux. Il repart comme si de rien n’était avec «You Need To Shine». Chauffer un album d’un bout à l’autre, c’est son métier. Même en mode ralenti, il est bon («Thread So Thin»). Il termine cet album éclair avec «Your Side». Il rassure son copain - I wanna be by your side - Bob est un protecteur, pas un barbare sanguinaire, comme on l’aurait cru.

    Signé : Cazengler, Bob Mou

    Bob Mould. La Maroquinerie. Paris XXe. 9 novembre 2025

    Bob Mould. Here We Go Crazy. BMG 2025

     

     

    Wizards & True Stars

    - Sabbath tous les records

     (Part Two)

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             Et si on pariait ? Geezer Butler sort son autobio, Into the Void: From Birth To Black Sabbath And Beyond, alors tu te dis que vu son pedigree, son histoire de Sabbath sera plus croustillante que celle de Mick Wall. Tu assois ton hypothèse sur deux autres évidences : un, Geez est le bassman/lyricist du groupe, donc, c’est vécu de l’intérieur et t’auras logiquement de l’intrinsèque véracitaire, celui que tu préfères. Deux, vu qu’il écrit les paroles, c’est forcément un styliste. Tu t’attends donc à un beau classique, à un ouvrage historique. T’en baves d’avance.

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             Première déconvenue : le book est tout rabougri ! C’est le format poche qui souvent coupe l’envie de lire. Même quand l’ouvrage en question est un classique littéraire, le format poche est un tue l’amour (excepté Folio ou 10/18). On préfère cent fois tenir un main une belle édition jaunâtre de la nrf. Non seulement le bouffant te flatte la paume, mais il te flatte surtout l’intellect. Dans le Geez rabougri, rien ne va te flatter l’intellect. On retombe dans ce qu’on déteste le plus : la collection des clichés du rock. C’est la même chose que d’aller voir les Pistols avec Frank Carter : l’horreur. Pas question de toucher à ça.

             Mais maintenant que le Geez est là, tu le lis. Eh oui, il est arrivé par la poste. Donc te voilà baisé. Tout est pourri : le format, les choix typo, le papier. T’as mal aux yeux avant d’avoir commencé à lire. C’est une corvée. T’es pas content. Tu vas lui trouver tous les défauts. Au moins ça changera des concerts de louanges habituels.

             Geez commence par rappeler qu’il a bossé 50 ans dans Sabbath, et quand on a bossé aussi longtemps dans un groupe, il y a, dit-il, pas mal de drama, et, ajoute-t-il d’un ton débonnaire, quand on bossait dans un «rock and roll band back in the seventies and eighties, the drama was turned up to 11.» Les autres disent 12, Geez préfère 11. Puis il rappelle que les music writers ont passé des décennies à cracher sur Sabbath. Voilà, le décor est planté : des hauts et des bas + la haine des critiques.

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             Bien sûr, Geez raconte son enfance à Aston, un quartier du centre de Birmingham, et ses deux premiers disks : le live de Muddy Waters, At Newport 1965, et un Dizzy Gillespie - Those two albums were my introduction to jazz and blues - Puis il se laisse pousser les cheveux like the Beatles. Il grandit chez les pauvres mais sa mère lui paye des Beatles boots et une collarless Beatles jacket  pour Christmas. Et bien sûr, il finit par récupérer une gratte pour gratter les chansons des Beatles. N’oublions pas que l’Angleterre est devenue pour tous les kids un pays magique grâce aux Beatles. Puis en 1964, le «Really Got Me» des Kinks détrône les Beatles dans la tête de Geez. Jusque là tout va bien. Le moral du lecteur remonte au fil des pages : ça grouille de petites infos passionnantes.

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             Avec ses quat’ sous, il finance le deposit d’une beautiful red Hofner Colorama et d’un Bird Golden Eagle amplifier, via Pay Bonds, la boîte qui fait les crédits pour les pauvres. En 1965, il voit le gig of a lifetime, les Beatles au Birmingham Odeon. Tout y passe, «Help», «We Can Work It Out», «Day Tripper» - No wonder everyone, inculding the blokes, was going hysterical - Puis en 1966, il voit les Stones au même endroit. Les Stones sont dans son trio de tête avec les Beatles et les Kinks, mais, s’empresse-t-il d’ajouter, les Stones «were almost blown off the stage that night by Ike & Tina Turner.» Détail capital. Il passe ensuite à Jack Bruce via Cream puis il chope Jimi Hendrix sur Top Of The Pops - These were heady time for a kid into his pop music - Eh oui, Geez, on a tous vécu le même déluge, mais c’était forcément plus violent en Angleterre.

             Bon, il est temps de monter un groupe. Geez cherche des kids pour jouer avec. Dans un magasin de musique, il tombe sur une petite annonce : «Ozzy Zig needs a gig. Singer with own P.A.» Il habite dans le quartier, à Aston, alors Geez le contacte. Et l’Ozz se pointe. C’est un skin, en tablier de ramoneur, pieds nus, avec un hérisson de ramoneur sur l’épaule et un petit chariot au bout d’une laisse. Geez n’y va pas de main morte - He was obviously a complete nutter - Un cinglé ! En plus, l’Ozz sort du ballon, car il s’est fait poirer sur un cambriolage.

             Le groupe de Geez s’appelle Rare Breed.

             Et c’est là que s’ouvre le bal des anecdotes. Geez commence par rappeler que l’Ozz fait caca sur demande. Un promoteur qui manque de respect au groupe va trouver sur le capot de sa Jaguar un étron de l’Ozz. Plus tard, dans les hôtels américains, l’Ozz fera caca dans les machines à glaçons. Tiens, encore une : Sabbath joue un soir dans une salle non chauffée, alors l’Ozz trouve des vieux bancs backstage et allume un feu pour se réchauffer, et quand le feu dégénère, les Sabbath essayent de l’éteindre en pissant dessus, «like some weird rock fire brigade». Enfin bref, on voit le niveau des anecdotes. Le book en fourmille. L’Ozz pisse un coup ici, l’Ozz fait caca là. Il y en a que ça fera marrer.

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    Tony Iommi jeune

             Puis Geez joint ses forces à celles de Tony Iommi et Bill Ward qui jouent dans un groupe nommé Mythology. Mais quand Geez dit à Tony Io que le chanteur du groupe sera l’Ozz, Tony Io fait : «Oh non, pas lui !». Il le connaît. Il dit que l’Ozz «had the kind of face you wanted to punch.»

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             Tony Io va être le boss, celui qui met tout au carré, surtout la gueule des fuckers. Quand Tony Io entre dans la pièce, tout le monde ferme sa gueule, y compris l’Ozz.

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    Earth

             Sabbath commence par s’appeler Earth. Jethro Tull essaye de récupérer Tony Io, en remplacement de Mick Abrahams, mais Tony Io ne le sent pas, «mainly beacause he didn’t like being told what to play.» Et pourtant Jethro Tull est en train de devenir énorme. C’est Tony Io qu’on voit jouer avec Tull au Rock’n’Roll Circus des Stones. Il porte un chapeau et tente de passer incognito. Pour les autres Sabbath, le fait que Tony Io décide de rester avec eux sera déterminant.

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    first gig !

             Et pouf, ils partent jouer au Star Club de Hambourg. C’est là qu’ils composent «N.I.B.».  Et c’est aussi là que Geez propose le nom de Black Sabbath. Alvin Lee qui est leur mentor dit que c’est trop glauque pour un nom de groupe et propose à la place Papa Sun. Mais les Sabbath n’en veulent pas - So Black Sabbath it was - And on 30 august 1969 we played as Black Sabbath for the first time, in Workington, Cumberland.

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             Leur premier album est un succès inespéré. Geez raconte qu’ils ont reçu une avance de 1000 £ et qu’elle est partie en frais de studio. Au final, il ne leur reste due 125 £ chacun. Leurs cachets sont ridicules : twenty quid gigs. Ils sont tellement pauvres qu’ils sont obligés de barboter des trucs dans les salles de concert - I nicked the carpet, Ozzy nicked the lightbulbs, and Tony nicked a big brass tea urn and sold it as scrap - Puis ils rencontrent le fameux Wilf Pine, l’un des gorilles de Don Arden. Un Don Arden qu’ils rencontrent à Londres pour signer un contrat. Geez nous donne tous les détails de la conversation, comme l’a fait Duke Fakir dans I’ll Be There: My Life With The Four Tops, lorsqu’il se retrouve face à Berry Gordy pour signer un contrat. Geez dit à Don qu’il doit lire le contrat avant de le signer, et Don lui dit non et lui dit de signer. Geez voit une ligne avec des pointillés qui dit : «The management will be paid... percentage.» Alors Geez demande de combien est le pourcentage. Et Don lui rétorque qu’il le définira plus tard. Geez lui demande s’il a quand même une idée, et Don pense que ça doit tourner autour de 20 %. Alors pourquoi ne pas l’écrire maintenant ? Et donc Sabbath ne signe pas. Un peu plus tard, Wilf Pine qui s’est fâché avec Don revient voir Sabbath et leur propose un co-management avec another fella called Patrick Meehan. Et hop, c’est parti.

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             Geez rappelle vite fait en passant que Tony Io n’est pas n’importe qui. Quand il a perdu deux doigts, son boss au boulot lui a filé un album de Django Reinhardt en lui disant qu’il avait eu le même problème, «but listen to what he can do.» Alors Tony Io a écouté Django et il est devenu l’un des grands guitaristes de rock de son époque, avec deux doigts en moins.

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             Geez rappelle aussi qu’ils ont enregistré le premier Sab en deux jours, puis Paranoid en cinq jours. Comme leur premier album s’est bien vendu, la record company leur fout la paix. Pas de connard d’A&R dans les pattes de Sabbath. Pour Geez, ces 5 jours de 1970 sont des jours magiques, nothing will ever sound like that again. Leur recette est simple : Tony Io gratte un riff de son invention, l’Ozz y greffe une mélodie, et Geez écrit les paroles. Et ils enregistrent aussi sec. Pas de problème. Puis ils décident de virer Don Arden et de faire équipe avec le duo Pine/Meehan. L’Arden les poursuit en justice et ça va durer dix ans. Et les music writers continuent de s’acharner sur Sabbath, mais les fans les soutiennent - That’s why Sabbath must be the most successful bunch of outsiders in music history - Geez oublie les Ramones. Il est un peu auto-centré, dans son petit format poche rabougri. Mais on l’aime bien quand même.

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             Fin 1970, Sabbath s’envole pour les États-Unis avec Wilf Pine. Geez est tout excité. Il se sent projeté dans l’espace. Dans l’avion, il y a des compatriotes de Birmingham, Traffic, mais les Traffic les ignorent complètement. Puis ça va commencer à déchanter quand ils arrivent dans leur premier hôtel new-yorkais : dans leur chambre, Bill et Geez voient des cafards se balader sur les deux lits. Au Forum de Los Angeles, ils ouvrent pour Mountain, un groupe qu’ils vénèrent. Geez donne pas mal de détails passionnants, de ce style : l’Ozz fout le souk dans sa chambre d’hôtel (his room was war-zone) et au checking out, le motel manager félicite les Sab, car dit-il, «you’re so well-behaved, compared to other bands.» C’est l’humour anglais, dans toute sa splendeur.

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             Lorsqu’ils enregistrent Master Of Reality, Tony Io a mal aux doigts après tant de concerts, alors il monte des cordes plus légères sur sa gratte et descend l’accordage de plusieurs tons, «which gave him a heavy, darker sound». Alors Geez descend aussi sa basse, «and suddenly Sabbath were heavier than ever.»

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             Les tournées vont finir par avoir la peau du groupe. Nouvelle tournée américaine en 1972. Bill Ward est devenu alcoolique, il descend une bouteille de vodka au breakfast. Mais bizarrement, ça n’affecte pas son jeu. Il chope ensuite une petite hépatite qui l’envoie au tapis. Il en réchappe de justesse. Quant à l’Ozz, il fait une conso de coke industrielle. Il s’en tord l’épiglotte. Malgré tout ça, Sabbath empile les disques de platine et remplit les stades, «doing sold-out arena tours, living in big houses and driving flashy cars.» Ils s’installent à Los Angeles et répètent dans une pièce à côté de la piscine. Et c’est là qu’on retombe dans les clichés. Miraculeusement, le Geez nous épargne les parties de cul.

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             Ils finissent par annuler une tournée américaine en 1973. Ils sont ra-ta-ti-nés. Ils s’arrêtent pendant un an et demi, ce qui est assez risqué à l’époque. Heureusement, Tony Io ne perd pas la main. Tout le biz de Sab repose sur lui. Et le Geez balance ça : «Je défie quiconque de citer trois better rock riffs tant ‘Iron Man’, ‘Supernaut’ and ‘Sabbath Bloody Sabbath’». Il n’a peut-être pas tout à fait tort. Puis ils vont se débarrasser de Patrick Meehan qui les baratine. Ils doivent lui verser un million de $ pour se sortir du contrat. Warner leur avance le million sur les ventes du prochain album. De toute façon, ils sont baisés de partout : par Meehan et par Warner - We were skint for the rest of the seventies - Et donc l’enregistrement de Sabotage tourne au cauchemar. Ça va durer dix mois. Ils l’appellent Sabotage «because we thought we were being sabotaged. That’s why it sounds so bloody angry.»

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             En 1978, les Ramones ouvrent pour Sabbath et se font huer chaque soir. En représailles, les Ramones ne jouent qu’un seul cut : ils le jouent plusieurs fois. Ils finissent par quitter la tournée. Puis c’est la catastrophe de Technical Ecstasy, «a pale imitation of Black Sabbath, too polished and too soft.» Geez raconte aussi que l’Ozz s’en prend aux animaux (poulets et homards), alors il est à deux doigts de lui mettre sa main dans la gueule.

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             Un jour, Geez apprend qu’il est viré de Sabbath. Bon, pas de problème. Quelques jours plus tard, il apprend qu’il n’est plus viré et qu’on l’attend à la répète. Il arrive et demande une explication. Personne n’est au courant. Viré ? Ah bah non. Le Geez n’a jamais eu d’explication. Du coup, il perd confiance en eux. Les brother bandmates ? Pffff - The dream was over. Welcome to reality - Puis ils partent enregistrer Never Say Die à Toronto - Another disastrous decision - De toute façon, ce sont des albums qu’on n’écoutera pas. On s’est arrêté à Sabotage, parce que l’album était en vitrine, qu’on adorait la pochette, et qu’on suivait Sabbath depuis le début.

             Le drinking de Bill et de l’Ozz est complètement out of control et ils passent leur temps à se battre comme des chiffonniers. Le Geez en a tellement marre qu’il prend l’avion plutôt que de monter dans le bus avec eux. Et puis il y a surtout «the Bill’s lack of hygiene». Bill pue comme un clochard. Et soudain, Tony Io décide de virer l’Ozz : «It’s not going to work with Ozzy anymore, it’s time to try somebody else.» Bill est chargé d’aller porter la bonne nouvelle à l’Ozz, de la même façon que Sterling Morrison fut chargé d’aller annoncer à Calimero qu’il était viré du Velvet. L’Ozz fond en larmes. C’est la fin d’une époque. On ne vire pas l’Ozz de Sab. Le Geez pense que Sab est foutu - Well that’s it. We’re finished - Il ne voit pas comment Sabbath peut survivre without Ozzy up front. C’est un peu comme les cuts des Ramones sans Joey, ça n’a tout simplement pas de sens.

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    Geez

             Ozzy nous dit le Geez s’est senti trahi. Le Geez qui a pour principale qualité l’opiniâtreté nous rappelle que les Sab sont quatre working-class kids from Aston qui ont changé the course of music et sont devenus one of the biggest rock bands in the world. Mais il sent qu’à cause de l’Ozz, Sabbath est mal barré. Aussi tente-t-il de justifier son éviction ! Il insinue qu’en restant dans Sabbath, l’Ozz aurait fini par overdoser. Et crack, il balance ça : l’Ozz avait besoin d’un choc pour se re-situer. Tu parles d’un choc ! C’est le passage le plus tendancieux de ce petit book qui grouille de passages tendancieux. On ne justifie pas l’éviction d’un compagnon de route. Sabbath et Pink Floyd même combat ? Comme Syd, l’Ozz savait très bien à qui il avait à faire : des bas de front qui ne rêvaient que de voitures de sport. L’horreur.

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    Black Sabbath avec Ronnie James Dio

             Tony Io avait déjà son idée en tête. Il voulait Ronnie James Dio qui venait de se faire éjecter de Rainbow. Et en 1980, Sabbath entame une tournée avec celui que Don Arden appelle le nain. Pas d’Ozz ? Personne ne sait comment vont réagir les fans. Les fans huent le nain mais le nain s’accroche. Puis Bill qui a des remords quitte le groupe en pleine tournée - Things went from bad to calamitous - Pas de problème, le nain connaît un batteur, le frère de Carmine Appice, Vinny, qui a joué avec Rick Derringer. Et hop, c’est reparti. Mais toute cette époque n’a bien sûr strictement aucun intérêt.

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    Vinny Appice

             Le nain veut toucher des royalties sur tout ce qu’il chante, alors le Geez se barre. Il ne peut plus supporter d’entendre le nain se plaindre. C’est là que Tony Io décide de le virer. Et voilà Sabbath sans chanteur, sans batteur et sans manager. Côté anecdotes, le Geez rappelle que Bill est un «combustible drummer», car pendant des années, les Sab se sont amusés à mettre le feu à sa barbe. Le Geez aime bien rigoler un coup : quand on lui demande s’il a vu Spinal Tap, il répond : «Seen it? I lived it.»

             Encore plus marrant : Tony Io ré-engage Meehan. What ? Le Geez refuse de lui serrer la pogne. Il demande à Tony pourquoi il a fait ça et l’Io lui répond : «He knows how to manage a band.» On profite du paragraphe pour apprendre qu’à l’époque, Don Arden est «sued to death by ELO» et qu’on vient l’arrêter pour le kidnapping et la torture de l’un de ses comptables, chefs d’accusation dont il sera acquitté. L’histoire de Sabbath est une histoire à rebondissements.

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             L’Ozz comme on sait a mené sa carrière solo et a épousé la fille de Don Arden, la fameuse Sharon. Et pendant toutes ces années, l’Ozz a publiquement insulté l’Io. Pire encore, «Sharon had sent Tony a bag of her daughter’s poo in the post.» Ils viennent tous des mêmes bas-fonds, ceux de Birmingam pour Sabbath, ceux de Manchester pour les Arden. Donc l’idée d’une reformation est mal barrée. Mais il y a un gros billet à la clé. Et Sabbath se reforme pour un Ozzfest, avec le batteur de Faith No More.

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             Et en 1998, ils enregistrent Reunion en Angleterre. Quel album ! T’as aussitôt le doom de Sab avec «War Pigs». L’Ozz harangue la foule. Oh le poids du Sab ! Ça sonne comme l’hymne définitif des seventies. Tony Io passe un long solo et le Geez laboure en profondeur. Et pouf, on revient au premier album avec «Behind The Wall Of Sleep». Le Power absolu ! C’est une heavy pureté évangélique. Te voilà de retour à La Saussaye. Ils tirent encore «NIB» du premier Sab. Ça prend feu. L’Ozz fait l’Oh Yeah ! Intangible ! Beautiful solo de Tony Io. Ah c’est un artiste. Tony Io est un entrepreneur entreprenant. Le Sab dégage un son qui t’emporte comme un fétu. L’Ozz hurle son «Sweet Leaf» au sommet de la montagne. C’est la fête du village en haut de l’Ararat. Les Sab sont terrifiants de power. L’Ozz est un chanteur complètement extraverti. Il est souvent à la limite du faux. Encore de la grosse purée fumante avec «Into The Void». Leur formule est vraiment au point. Il chante encore «Snowblind» à la pointe du progrès. Le power des Sab est magnifié par ces deux démons que sont l’Ozz et Tony Io. Et ça repart de plus belle sur le disk 2 avec la pluie d’acier de «Sabbath Bloody Sabbath». Sab on fire ! Quelle leçon d’heavyness ! Tony Io multiplie les départs en vrille d’excelsior. Tout est passionnant sur ce double live. «Back to the Beginning ! Thank you !», clame l’Ozz qui annonce «Black Sabbath». C’est la fondation du mythe Sab - Please/ Please God/ Help me - L’Ozz est d’une rare intensité et Tony Io fout le feu à la plaine. L’Ozz rechauffe la salle à coups de «louder ! Let’s fucking hear you guys !» et ça part en mode «Iron Man», l’hymne inter-galactique. L’Ozz annonce tous les cuts un par un, comme ça au moins t’es renseigné. Alors voilà «Children Of The Grave», Et en rappel, ils tapent bien sûr l’inévitable «Paranoid», c’est toute une époque qui remonte à la surface et qui va disparaître avec l’Ozz. C’mon ! Et derrière ce maelström, t’as la ventilation cardiaque du Geez.

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             Un peu plus tard, les Sab reformés enregistrent 13 avec Rick Rubin. Comme Rubin des bois produit, t’as du son. T’as même la chape de plomb, Rubin des bois fout le paquet sur le plomb. Ton casque saute. Rien de révolutionnaire, c’est du vieux Sab avec l’Ozz qui écrase bien ses syllabes dans le cendrier. Ils sont assez comiques, car à leur âge, ils jouent encore comme s’ils avaient 16 ans. Ils resservent grosso-modo le même raout. Ça fume et Tony Io n’en fait qu’à sa tête. La formule est restée la même, avec la purée de riffs et la voix perçante de l’Ozz. Rien n’a changé depuis le premier album. Tout repose sur un riff, et l’Ozz brode. Ils font du biz à la différence des Ramones qui faisaient du rock. Tony Io adore se fondre dans sa purée. Sur cet album tout est très paroxysmique. Rubin des bois fait monter les enchères. Le plus drôle, c’est que les deux autres ne comptent pas : ne comptent que l’Ozz et Tony Io. Sur «God Is Dead?» Tony Io gratte tout ce qu’il peut. Il plombe la chape de plomb. Et L’Ozz fait son bizz. Il est en pleine forme. Rien n’a changé en 50 ans. Il a bien appris à tartiner son chant et son God is Dead finit par devenir relativement crédible. Le riff raff de «Loner» sonne merveilleusement bien. Tony Io est aux anges, il gratte à qui mieux mieux, il gratte à mains nues, il incarne le riff raff mieux que n’importe quel autre guitariste anglais, il se joue de dessus et bricole des climats. Il fait encore du big Sab dans «Age Of Reason» et passe un killer solo Ionisé. Quand il se fâche, ça s’entend ! Encore du classic Sab avec «Live Forever», et t’as la belle voix d’Ozz à la surface du tagada de Tony Io. Ils battent tous les records d’heavyness avec «Damaged Soul». Tony Io tartine tout le gras double qu’il peut. On se croirait toujours sur le premier Sab. Ils n’en sont jamais sortis. C’est incroyable comme on est habitués à la voix bien appuyée de l’Ozz. Il hante bien l’heavyness du rock anglais. La formule de Sabbath est au point, comme celle des Ramones. C’est épais et bien appuyé. On peut écouter 13 les yeux fermés.

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             Ils repartent en tournée. Pas facile, car Tony Io fait des séances de chimio et il est un peu ratatiné. Mais ils ramassent 85 millions de $ - Not bad for a bunch of old fogeys who music writers had bashed for the best part of four decades - Puis vient le moment des adieux. Rien de très émotionnel, de la part de ces vieux working-class blokes from Aston. Some quick hugs and some «See ya». Et chacun repart de son côté. Et là le Geez se vautre : «Ignore the rumours, we’ll never do it again. Well the other three can do what they want, but for me, the Sabbath story is over.» Geez a 72 ans quand il écrit ça. On est en 2021. Il ne sait pas que quatre ans plus tard, il va remonter sur scène avec Sabbath à Aston pour un ultime concert.

    Signé : Cazengler, Black Savate

    Geezer Butler. Into the Void: From Birth To Black Sabbath And Beyond. Harper Collins Publishers 2024

    Black Sabbath. Reunion. Epic 1998  

    Black Sabbath. 13. Vertigo 2023

     

     

    Inside the goldmine

     - Acetone tu m’étonnes

             Il s’appelait Acheton, mais il n’avait rien à voir avec les Stooges. Et pourtant, la plupart des mecs de la classe l’appelaient Ron alors qu’en réalité il s’appelait Pierrot. Pierrot Acheton. Le matin, t’en avais toujours un qui lui balançait un truc du genre :

             — Alors Ron, ça solote ?

             — Vas chier dans ta rue !

             Acheton avait ce qu’on appelle un caractère bien trempé. Il valait mieux éviter de le provoquer. Il tolérait une petite vanne, mais pas deux. Il conduisait une moto anglaise qu’il avait bricolée lui-même, et portait un perfecto, ce qui à l’époque n’était pas encore très courant. Acheton était un punk avant les punks. Il vivait avec ses parents dans une ferme situé à 20 ou 30 km de la ville où se trouvait le lycée, aussi arrivait-il chaque matin en moto, et en perfecto, hiver comme été. Il avait poncé le réservoir de sa BSA pour enlever la couleur d’origine. L’engin était d’un beau gris métallique. Ça lui donnait un côté mystérieux. S’il t’avait à la bonne, Acheton t’emmenait faire un tour. Il sortait de la ville en longeant la Seine et rejoignait le circuit des Essarts, un circuit réputé pour ses virages en épingle. T’allais avoir la peur de ta vie. Acheton arrivait à fond sur la courbe, décélérait brutalement et penchait la moto pour prendre le virage. Il laissait traîner sa béquille pour faire jaillir des pluies d’étincelles. Même cirque à chaque virage. Il devait prendre son pied, mais pas toi. Il remonta tout le circuit, puis il fit demi-tour pour le redescendre, ce qui lui donna encore plus de vitesse. Et là tu fermais les yeux, tellement ça valsait, il basculait sur la droite, puis sur la gauche, et sortait du virage miraculeusement. Il s’arrêta en bas du circuit, cala la béquille et nous descendîmes de la moto. Il enleva son casque et éclata de rire :

             — T’es tout blanc ! Tu t’es chié dessus ?

             — Pfffff pas du tout ! On refait un tour ?

     

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             Pendant qu’Acheton conduisait sa moto en Normandie, Acetone construisait sa légende aux États-Unis. Après avoir salué la mémoire de ce vieux Pierrot Acheton, saluons celle de cet excellent trio américain.

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             Dans Uncut, Daniel Dylan Wray commence par dire qu’Acetone est le paradis des dichotomies : «promise and disapointment, calmness and noise, darkness and light, reverence and indifference, tender souls and hard drugs.» Ils sont trois : Richie Lee (le frisé, bass, chant), Mark Lightcap (le brun, poux, chant) et Steve Hadley (le blond, beurre). Ils sont arrivés dans le sillage de Nirvana en 92 et signés pour un très gros billet. Le mec d’Uncut les situe ainsi : «They floated between the stirring songcraft of Big Star, the guitar squeal of the Stooges and the woozy melodies of later-era Velvets, topped off with heavy lashings of country and touches of psychedelia, all wrapped up with a touch of sunshine-kissed dream pop and hypnotic, druggy grooves.» Avec ça, t’es fixé. Mais le succès n’est jamais venu au rendez-vous, et en 2001, Richie Lee s’est foutu en l’air. Un certain Sam Sweet a écrit une bio d’Acetone, Hadley Lee Lightcap. Épuisé. La vie est dure.

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             C’est Virgin qui les signe pour 400 000 $. Cindy sort en 1993. T’es vite impressionné par leur son : un joli laid-back bien épais, avec une légère disto sur la basse. Et ça monte vite au sommet de l’Ararat avec «Pinch». Richie Lee force sa petite glotte dans le feu de l’action - This is not a joke - Cet heavy rockalama te tombe dessus comme une pluie d’acier, ils deviennent quasiment hendrixiens dans la dégaine. T’en reviens pas ! Ils passent à l’heavy groove avec «Sundown». C’est «Season Of The Witch» avec le tonnerre de Zeus. Lightcap fout le feu à la plaine. Richie Lee attaque «Chills» au fast & wild bassmatic et Lightcap ramène une petite stoogerie. C’est hallucinant de violence sonique, ils savent brûler les étapes, brûler la chandelle par les deux bouts et même se brûler les ailes. Leurs déboulades sont des modèles du genre. Là tu dis oui. Et même wow ! Ils chantent «Louise» à la rosée de Ronsard, c’est très laid-back à la renverse, just close your eyes, mais pas de quoi en faire un fromage. Il faut ensuite attendre «Barefoot On Sunday» pour renouer avec l’Acetone genius. Lightcap se fâche et ça bascule dans Salammbô. Ça grimpe sur les murailles, ça bat tous les records d’énormité joyeuse, puis ça se calme, le temps de placer le petit chant moite. Ils travaillent des ambiances extraordinaires et Lightcap creuse des tas de tunnels sous le Mont Blanc.

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             La presse anglaise salue Cindy. Le mec d’Uncut qualifie le cut d’ouverture de bal «Come On» d’«unashamed hommage to The Velvet Underground’s ‘Ocean’». Il trouve aussi des traces du «Walk On By» d’Isaac le prophète dans «Sundown». Dans Mojo, David Fricke n’y va pas non plus de main morte sur Cindy. Il parle de «raw poise of psychedelic dreaming and desert-pilgrim crawl as if The Beach Boys’s Pet Sounds, Big Star’s Third and Spacement 3’s Playing With Fire were spinning on the same turntable - at Galaxie 500 speed.»       

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             Avec I Guess I Would, ils vont aller plus sur la country des Flying Burrito Brothers et John Prine. C’est un album de covers. Ils enregistrent leurs country ballad covers de George Jones, John Prine et Johnny Horton à Nashville. C’est un changement de cap assez radical. Fricke dit aussi qu’un «10-minute slow burn through Kris Kristofferson’s Border Lord was Acetone at their noisy and ascetic finest, spilked with Mightcap’s overloaded fuzz ans wah wah spasms.» 

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             Dès le «Juanita» de Gram Parsons, ils renouent avec le doux du mou du genou. C’est leur truc. Pas de panique, on a le temps. Ils tapent ensuite dans «The Late John Barfield Blues» de John Prine. Cut pépère, désuet, précieux, bien protégé. Tu sais dans quoi tu t’engages. Ils vont de la petite molesse du désert à la country de la torpeur en passant par l’«All For The Love Of A Girl» de Johnny Horton sans la voix de Johnny Horton, alors forcément, ça ne marche pas. Tu commences même à somnoler. Ça bascule dans l’heavy country soporifique. Ils se réveillent enfin - et toi aussi - avec le «Border Lord» de Kris Kristofferson. Lightcap ressort son artillerie lourde. Dommage que tout l’album ne tape pas dans ce registre. Ça aurait arrangé nos affaires. Ce Border Lord est le seul cut potable de l’album. Lightcap fait tout le boulot. Il se joue dessus en disto et en wah, c’est un démon !

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             Ils redressent bien la barre avec If You Only Knew. Même si ça part en mode mou-du-genou en suspension, au gnan-gnan de gnognotte, Lightcap arrive très vite avec des poux diaphanes. Ils cultivent bien la ramasse, c’est leur fonds de commerce. Ils passent à l’heavy groove de bon aloi avec «I’ve Enjoyed As Much As I Can Stand», cut délicieusement laid-back et chanté dans un souffle. Puis ils tirent l’overdrive pour passer en mode big pop avec «The Final Say». Lightcap explose enfin et ça devient terrific, ils déroulent le cut avec un power démesuré, et avec le chant d’un Richie Lee doux comme un agneau en surface. Ça prend des proportions extraordinaires. Ça redevient très sérieux avec «99», Lightcap pique sa crise. Ils atteignent le sommet du laid-back avec «Esque», ils hantent les profondeurs à coups d’have you been around. Et Richie Lee remonte à la surface d’«Always Late» comme une méduse psychédélique. Les trois cocos d’Acetone ont un univers réel, en dépit des défauts. Ils savent réchauffer une soupe aux choux. Richie Lee chante comme un fantôme qui ne va pas bien.  

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             En 1997, Virgin les vire et ils se retrouvent sur le label de Neil Young, Vapor Records, avec un album sans titre et un peu raté. Tu ne feras pas tes choux gras d’Acetone, même si Richie Lee pose bien les conditions du son, c’est-à-dire le mellow laid-back. C’est même parfois tellement laid-back que c’est presque beau. Tellement velouté. Ils sont dans l’after. C’est très plombé. Très retardé, mentalement parlant. Presque ennuyeux. Il faut attendre «Might As Well» pour frémir un petit coup. Richie Lee caresse un beau rêve de Croz. C’est pas loin du «Season of The Witch», celui de Stephen Stills. Real deal de groove psychédélique. Ils bouffent ensuite à tous les râteliers avec du tartignolle («Shobud») et de la country («All You Know»). Lightcap vole au secours de l’album avec un nouveau groove à la Croz, «Good Life». Ça redevient soudain très intéressant, et sa voix s’y prête mieux. Il a du moelleux dans l’accroche. «Dee» sonne comme une vague de chaleur», et Lightcap accompagne «Waltz» à la wah nonchalante. Hélas, il ne s’y passe rien. La plupart des cuts manquent de colonne vertébrale. «So Slow» est presque beau, mais trop laid-back. Tu sais que tu n’y reviendras pas. Ils excellent dans le gnan-gnan, ça peut plaire à certains, c’est bien là le problème. Cet album n’a vraiment rien de particulier. 

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             Par contre, York Blvd vaut le rapatriement. Richie Lee attaque «Wonderful World» en mode petit rock’n’roll animal et Lightcap te monte ça vite fait en neige. Grand retour du power trio de Cindy. C’est explosif ! Ils retrouvent la veine du «2000 Light Years From Home» des Stones. T’as l’impression d’écouter un groupe à la fois important et inconnu. Ils jouent «In» en apesanteur et «Like I Told You» sonne comme une belle psychedelia d’élan vital - Don’t waste your time/ On me - Il est gentil de la prévenir. Tu sens une réelle volonté d’en découdre dans «It’s A Lie». Ils ont le groove psyché dans la peau, c’est d’une rare puissance, bien sustainée par Lightcap. Ils créent du bon doom à trois, alors bravo les gars ! Lightcap est balèze, il fout encore le feu à «Bonds». Plus loin, «Vaccination» est tellement serpentin qu’il grimpe dans ta jambe de pantalon, puis ils glissent dans le mood de «Stay» comme des cadavres dans la fosse commune. Ils cultivent ce poids cadavérique assez enivrant. Les pestilences se mêlent aux rayons de lumière et le chant paraît mourant. Ils sont les rois des notes éparses. Et soudain, pouf, ils sont partis ! 

             Mark Lightcap donne une petite interview pour Uncut. Il indique par exemple qu’Acetone atteignit son pic au moment du dernier album, York Blvd - We were playing with complete fluidity - Pour expliquer le manque de succès, Lightcap dit qu’Acetone «sounded so out of step with everything else that was going on», mais ajoute-t-il, c’est précisément ce qui fait la force d’Acetone aujourd’hui, «the music doesn’t sound dated at all.» Et il rappelle que Richie «wanted to be a fucking rock star.» Mark Lightcap dit aussi qu’il reste pas mal de «red meat in the freezer», des «early demos, studio outtakes and some top-notch live recordings.» Miam miam.  

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             Et pour couronner le tout, t’as ce double album live, I’ve Enjoyed As Much As This As I Can Stand, paru en 2024. Il ne faudrait surtout pas le prendre à la légère. Tu t’ennuies un peu sur tout le balda, car ça reste très laid-back. Ça sonne même comme du laissé-pour-compte un peu moite. On attend que Lightcap se réveille. Il se réveille en B avec le morceau titre. C’est un hit lysergique et Lightcap part enfin en vadrouille. On tombe plus loin sur l’«All You Know» mélodiquement pur et digne des Byrds. Lightcap gratte ça aux arpèges lumineux dignes du Velvet. Puis t’as «Waltz» qui titube, ivre de vin et de liberté. En C, tu retrouves cette fantastique merveille de groove psychédélique qu’est «Barefoot On Sunday», suivi d’«I’m Gone/Misirlou», belle dérive acétonique. Ils t’embarquent pour la Cythère de tes rêves et finissent sur le riff d’«Interstellar Overdrive». T’as encore une belle bombe atomique en D : «Endless Summer», ils tapent ça en mode heavy groove qui ne plaisante pas. T’as là un pur power trio, digne des géants du genre.

    Signé : Cazengler, Assezcon

    Acetone. Cindy. Vernon Yard Recordings 1993

    Acetone. I Guess I Would. Vernon Yard Recordings 1994 

    Acetone. If You Only Knew. Vernon Yard Recordings 1995

    Acetone. Acetone. Vapor Records 1997  

    Acetone. York Blvd. Vapor Records 2000

    Acetone. I’ve Enjoyed As Much As This As I Can Stand. New West Records 2024

    Daniel Dylan Wray : Acetone. Uncut # 319 - December 2023

    David Fricke : The toxic avengers. Mojo # 362 - January 2024

     

     

    L’avenir du rock

    - BelphegorZ fantôme du boogaloovre

    (Part Two)

     

             Si tu cherches à rencontrer des personnages excentriques, il n’existe pas de meilleur endroit que le désert. L’avenir du rock en a vu de toutes les couleurs, de toutes les tailles, mais il n’aurait jamais pu imaginer voir Belphégor surgir au sommet d’une dune !

             — Mais qu’est-ce que tu fous là, Belphégor ?

             — Ouuuuh !

             — Tu m’fais pas peur !

             Il est là ! Le fantôme du Louvre, par cinquante degrés à l’ombre, sous sa robe noire et derrière son masque de cuir. Interloqué, l’avenir du rock tente de se raisonner.

             — C’est impossible ! Pas lui ! Tout mais pas lui !

             — Ouuuuh !

             L’avenir du rock se tape une belle crise de surchauffe paranoïaque. Il se suspecte d’inventer des rencontres à des fins bassement éditoriales ! Il réfléchit à voix haute :

             — Suis-je prêt à faire n’importe quoi pour alimenter ma rubrique ? Aurais-je atteint un tel point de déchéance éditoriale ? Comment peut-on descendre aussi bas ? N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?

             — Ouuuuh !

             — Moi qui a veillé pendant une éternité à maintenir une éthique de l’errance ! Non ce n’est pas possible ! Je ne peux pas accepter une telle décrépitude !

             — Ouuuuh !

             L’avenir du rock n’a même pas de quoi laver son honneur, ni corde pour se pendre, ni calibre pour se tirer une balle sous le menton. La honte lui bat aux tempes. L’enfer !

             — Ouuuuh !

             Excédé par les Ouuuuh de Belphégor, l’avenir du rock ramasse une grosse pierre et la lui balance en pleine gueule. Rien...

             — C’est quoi ce bordel ?

             — Ouuuuh !

             L’avenir du rock en ramasse une autre et la balance. Rien... Les pierres passent à travers Belphégor. Il sent bien que sa raison vacille, il n’est pas dupe, mais en même temps, ça le rassure que Belphégor soit bel et bien un fantôme. Au moins, c’est cohérent. Sentant qu’il faut vite arrêter les conneries, il rompt le dialogue, reprend son chemin et lance en guise d’adieu :

             — De toute façon, t’es devenu ringard, Belphégor, toi et tes intrigues et tes sarcophages. Je préfère mille fois BelphegorZ !

             — Ouuuuh !

     

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             Comment peut-on ignorer l’existence d’un album aussi génial que Kill The Pain ? C’est le deuxième album des Marseillais de BelphegorZ. On les a vus jouer à la cave en 2019. Gros flash. Qualité de tout : des compos, du son, du chant, de tout ! La chanteuse s’appelle Tallulah X et on la retrouve dès «Lovedolls», brillante et furibarde. Elle peut shooter dans les montées. Avec BelphegorZ t’as tout de suite du

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    son. Ce mec Krees D est un sorcier de la prod ultime, il navigue à un très haut niveau productiviste. Tu tombes plus loin sur un «Vintage Girl Is Dead» noyé de son et t’as Tallulah qui shoute à la surface. Elle te fait rêver. Ça grouille de coups de génie sur cet album, dès le morceau titre et une fantastique énergie du son. Tu sens bien la profondeur du beat et les éclats pixiques avec du rebondi. Ce «Kill The Pain» vaut tous les hits anglais des années antérieures et on peut même dire qu’il les surpasse. Ils amènent «Sleeping On The Bus» en mode power pop, mais avec tellement d’allure. Tallulah est sublime d’opiniâtreté. Krees D a misé sur la bonne screameuse. C’est un album très dense, tous les cuts sonnent comme des aventures. C’est tout de même assez rare en France. Ils réinventent la new wave, ils lui donnent une nouvelle jeunesse et les solos de Krees D planent dans le son comme des vampires de Murnau. Avec «No Question Of Maybe», Krees D rejoue le coup de «Lust For Life» au cœur de son havoc. Il gratte tout ce qu’il peut pour regagner la rive. Quel cake ! On repasse aux choses sérieuses avec «Kinky Gaze». Elle remonte au premier plan pendant que Krees D gratte la cocote du diable. C’est une tension noyée de son, une fantastique résurgence du big time out. T’as encore un son énorme sur «She’s Dancing». Tu crois rêver ! Nouvelle superbe delivery avec «Psychedelic Sniper (Shoot The Pusher)». Tallulah reste en tête de gondole. On a là une wild pop-rock précipitée la tête la première. Quel festin de son ! Avec cet album, t’as la conjonction parfaite du super beat et de la chanteuse de choc.

    Signé : Cazengler, Belphégrave

    BelphegorZ. Kill The Pain. Closer Records 2023       

     

    *

    Ne pas confondre la 66 avec la 619. Je ne m’étendrai pas sur la mythique double six américaine. La 619 est certes moins célèbre mais elle possède l’avantage de vous conduire tout droit en plein Troyes devant la porte du 3 B. Souvent elle mérite l’appellation de Rockabilly Road, mais ce soir, elle s’est repeinte en bleue, sous les trombes de pluie, imperturbable la teuf-teuf grignote son chemin sur la Blues Highway.

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    JOHN-MARY GO ROUND

    3 B

    (Troyes / 14 – 11 – 2025)

              Faut savoir reconnaître ses erreurs. Pas les miennes, ce n’est pas que je n’en fais jamais c’est que j’ai toujours raison, non je ne parle pas de moi mais des gens qui nous sont chers, que nous révérons. Ainsi à mon grand regret, je me sens forcé de contredire, pas n’importe qui, mais Charles Baudelaire en personne, qui a commis une sombre erreur dans une de ses dernières pages écrivant cette phrase lapidaire : ‘’Un Belge ne marche pas, il dégringole’’. Or je peux désormais témoigner du contraire. L’individu auquel je me réfère est né à Namur. Or, quelle classe, quelle aisance, une allure aristocratique à vous couper le souffle, fallait le voir se mouvoir dans le 3 B, la prestance d’un tigre, un costume impec, une large cravate arborée comme l’oriflamme de la distinction innée. Sans une once de frime. Naturel. Mais ce n’est pas tout. Faites votre révérence, un bluesman ! Pas n’importe lequel, un mec qui se suffit à lui-même, d’ailleurs il n’a pas de musiciens, l’est tout seul, il n’a besoin de personne. Ni d’un Massey-Ferguson. Non, je n’exagère pas. Toutefois je dois concéder qu’il n’est pas tout à fait seul. L’est entouré d’une extravagante collection de guitares. Ça y est, l’est assis sur son tapis avec cette simplicité des maharajas qui dans l’Inde ancienne donnaient audience à leur peuple. Il ne nous reste plus qu’à l’écouter.

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    ( Photo : Rocka Rocky)

             L’avait déjà sa guitare (hi !hi !) sur ses genoux lorsqu’il s’est collé et monté autour du cou un de ces porte-harmonica qui firent dans sa jeunesse la gloire de Bob Dylan. Puis il s’est mis à souffler. La tempête du blues s’est déchaînée en une fraction de secondes, une volée de flèches indiennes s’est fichée dans nos corps, toute la colère noire des anciens esclaves réduits en esclavage nous est tombée dessus. Comment peut-on tenir cela entre deux lèvres, exsuder de soi une telle tourmente. C’est le moment de revenir à sa guitare. Plus tard lui-même l’a décrite comme un moule à cake orange. L’est vrai qu’elle est d’un orange vif. Oui, mais aux pétarades qu’elle a émises dès qu’il l’a posé ses doigts sur ses quatre cordes, pas besoin de plus, on se serait cru au départ du Bol d’or, perso dans ma tête je lui ai refilé un surnom, ‘’l’agent orange’’ que les amerloques répandaient sur les arbres pour leur faire perdre les feuilles, voulait-il vraiment nous faire tomber nos oreilles ? Il n’a pas réussi, car ce son torturé de mille carburateurs criblés de stridences malfaisantes, c’était le blues en personne qui nous fracassait les tympans, le blues dans toute sa violence, dans tout son appel à l’incoercible insurrection individuelle.

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    ( Photo : Rocka Rocky)

              Ce n’est pas tout. L’avait devant lui deux vastes pédales que ses pieds n’ont cessé d’actionner, l’une pour bruit sourd du destin qui s’avance vers vous, l’autre l’aigre tambourinade du rire sardonique du tueur qui vous décoche  le sourire assassin de sa face de mort. L’a changé de guitare. Une cigar-box, sur sa caisse un Etat prévoyant devrait exiger la mention : ‘’ Ecouter tue’’. Trois cordes, pas aussi mélodieuses que la lyre d’Apollon mais aussi tonitruantes que le tonnerre de Zeus. Le son est moins ronflant, crépite toutefois à haut débit comme un incendie de forêt transformant en torches effroyables les chênes multiséculaires. Un gros plan sur les doigts de notre imprécateur s’avère nécessaire : l’a de grosses paluches, dont un doigt – je vous laisse, dans un souci pédagogique de participation, deviner lequel -  revêtu d’une armure d’acier, vous scie à l’égoïne crissante les feulements des demi-tons nécessaires à l’implosion allusive du tumulte du blues.

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    ( Image : Duduche )

    Y a des gars qui ont tout pour eux. Non seulement il joue de la guitare mais en plus il  parle, avec cet art de fausse innocence qui plaît aux filles et lui allie la sympathie des garçons. Ne passe pas son temps à baratiner non plus. Se sert de la parole comme le pêcheur qui appâte le poisson. Une semi-phrase par ci par là, une fausse confession entre deux morceaux, il sait se mettre en scène, une espèce de théâtre vocal dans lequel Guignol au lieu de taper sur le gendarme porte ses coups auto-dérisoires avant tout sur lui-même.  Quand le public veut se mêler à la conversation l’a de la répartie, un sniper qui fait mouche à tous les coups.

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    ( Image : Duduche )

    Il chante. Le jeu diabolique de ses doigts retient et monopolise votre attention. Certes l’on se rend vite compte que l’on n’a pas affaire à un demi-sel de vocaliste. L’a toutes les intonations, les intumescences qui haussent le ton et les cassures qui vous précipitent dans les failles. C’est à la fin du troisième set, lorsqu’il s’accompagne sur son acoustique que l’on peut profiter de son timbre de voix. Assez unique, il scalpe les mots, les met à nu, les vide de leur chair, il les entrechoque tels des os de squelettes, les agite, les roule dans le cornet à dés de sa mâchoire pour mieux les recracher aux vents de la vie et de la mort. 

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    ( Image : Duduche )

    Trois sets torrides. Beaucoup de compositions. Quelques reprises. Particulièrement apprécié son Johnny B. Goode accouplé à son Oh, Boy ! de Buddy Holly. Ne soyez pas surpris, le rock’n’roll n’est qu’une autre forme du blues. Un héritier, un fils de mauvaise famille, particulièrement dévoyé. Un dilapidateur éhonté d’héritage. Des surprises aussi : je retiens avant tout cette espèce de ghost-blues qui s’en va chercher noise au noise tintamarrique le plus caverneux.

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    ( Image : Duduche )

    Une soirée de rêve. Avec ses cigar-boxes, la ferblanterie de son résona(hâ)teur, sa Fenderatiboisante, John-Mary Go Round nous a tous mis en boîte.

    Remercions, encore une fois, Béatrice la patronne pour cette soirée !

    Damie Chad.

     

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    Duduche and friends !

    *

    Un coup d’oreille dans les nouveautés. A mon humble avis, pas de quoi se jeter par la fenêtre du trente-septième étage en hurlant de joie. Faut suivre l’exemple de Napoléon, quand les jeunes troupes flanchent l’on recourt à la vieille garde. Ça tombe bien, voici des hommes d’acier, ils viennent de Suède, blanchis  sous le harnais du death metal, plus de trente années d’active et une quinzaine d’albums. Z’ont mis un peu la pédale douce, mais ils entendent vivre encore dangereusement, ils entament une nouvelle tournée, ils remastérisent petit à petit leurs anciens opus. Jour de chance ils viennent de  sortir la réédition remastirisée de leur onzième album.

    A TASTE OF EXTREME DIVINITIY

    HYPOCRISY

    (Nuclear Blast / 2025)

             J’avoue que le titre de l’album m’a attiré. Première fois que je trouve cette expression, ou peut-être ce concept, ‘’ d’extrême divinité’’. Qu’est-ce qu’une divinité extrême ? Selon un homme, l’extrême divinité doit correspondre à la sagesse. Philia sophia : l’amour de la sagesse – en fait il vaudrait mieux pour rester dans l’esprit grec dire l’amitié de la sagesse -  ne doit pas être confondu avec philein to sophon, que l’on pourrait traduire par ‘’aimer le sage’’, ne pas confondre le sage avec la sagesse, la sagesse est une manière d’être des hommes, le sage est ce qui touche au concept du divin. Qu’un groupe de death metal hante ces parages logosiques m’intrigue. Nous ne sommes point loin d’une réflexion méta-philo-sophéenne.

             Kristian Wåhlin a réalisé la pochette du disque. La meilleure manière d’entrer dans son univers est de taper son nom dans Discogs et de s’attarder sur les nombreuses pochettes d’albums metal qu’il a réalisées. Un véritable artiste. Bon voyage au pays de l’horreur et de la beauté. Kristian Wåhlin a aussi participé à plusieurs groupes metal.

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             Interpréter la couve de A taste of extreme divinity comme une anecdotique messe noire se déroulant  dans un décor médiéval serait une lecture avant tout superficielle. Nous sommes dans une autre dimension, celle des sacrifices sanglants où l’on immole aux Dieux non pas des animaux mais des êtres humains. Le sang des bêtes coule vers la terre, le sang des hommes est le seul lien qui permette d’apaiser la colère des Dieux. Il fut un temps – entre la charnière paléo-néolithique - où la colère des Dieux paraissait être l’expression de leur sagesse. Comment ne pouvaient-ils pas entrer en de violentes humeurs en regardant ces chétives créatures qui prétendaient les vénérer. Seuls les hommes morts satisfaisaient les Dieux. N’en concluez pas que ces anciens Dieux étaient cruels, ils n’étaient que les projections de nos insuffisances humaines, le fait de sacrifier ses congénères étaient un acte qui remplissaient les bourreaux de l’illusion d’être comme des Dieux, de les égaler, d’être en accord avec ses propres rêves.

             Ne vous rassurez pas en déclarant que ce genre de scènes se déroulaient en des temps dépassés. Que l’espèce humaine s’est au cours des millénaires et des siècles passés améliorée. Que cette sauvagerie préhistoriale est très loin derrière nous. Nous sommes encore pétris de cette barbarie. Cette violence, cette brutalité, cette soif de sang  confinée en nous n’est autre que la laine, la lhaine, dont sont tissés les fils de nos rêves.  Si vous croyez que j’exagère, portez vos regards sur les conflits qui se déroulent pas très loin de notre pays. Pas besoin de regarder les siècles passés, le présent immédiat suffit amplement. Ne comptez pas trop sur demain pour améliorer la situation !

             En règle générale je ne commente pas le nom des groupes. Toutefois Hypocrisy a bien choisi son nom. Ils ne cherchent pas plus à se vanter d’être de parfaits hypocrites qu’à dénoncer l’hypocrisie des relations humaines. Leur nom est un scalpel. Ils ne dissèquent pas les relations sociales des êtres humains mais ils mettent à nu la force innée et de bonne foi qui nous anime. Parfois, peut-être malgré nous, toujours de notre plein gré.  Certains essaieront de se dédouaner en parlant de force malfaisante. Ruse d’autruche qui accuse une hypothétique présence pernicieuse d’un Mal indépendant de notre volonté. Comme le dit le proverbe : qui s’excuse, s’accuse !

    Peter Tägtgren : vocals, guitars, claviers / Mikael Hedund : bass / Horgh : drums.

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    Valley of the damned : une batterie qui hache menu le moindre de vos espoirs sur un fond d’entonnoirs soniques encastrés les uns dans les autres, un véritable mur du son, un seul soulagement, lorsque le groingnement de Peter se tait vous avez l’impression que l’on cesse d’asperger de sel votre corps auquel on aurait méticuleusement arraché la peau, mais peut-on parler de soulagement car vous sentez sourdre du profond intérieur de votre chair vive la souffrance de la brûlure de votre rage qui se répand sur l’univers. Nous sommes après la bataille. Qui se poursuit. Sur un autre plan. Dans la vallée infernale des damnés, ils sont vaincus, précipités à terre, mais l’on n’arrête pas une idée, encore moins un principe, elle fait son chemin, peuplée d’ombres elle repart à l’assaut, y a-t-il seulement quelqu’un qui s’oppose à son avancée, ni vaincue ni triomphale, elle avance dans la profondeur de sa propre immortalité consubstantielle à la structure de l’univers ; Hang him high : ça débute par un chuchotement pour s’épanouir en oratorio magistral, un torrent de haine qui surgit de nulle part et englobe la terre entière, tintements, turpitudes de guitares, cœurs de moines fous, chant de joie vicieuse, grognements de suppliciés. Mais qui pendre au juste. L’assassin ou la victime. Celui qui veut tuer ou celui qui ne veut pas mourir. Peut-être même prend-il un plaisir masochiste à ne pas périr. Mais qui est-elle cette victime qui refuse de ne pas vivre, serait-ce lui ou le contre-lui, le crime n’est-il pas un miroir compassionnel où aucun des deux se refuse à se reconnaître dans l’autre puisqu’ils sont tous les deux  semblables sans réussir à n’en

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    former qu’un seul, car le moins n’a-t-il pas besoin du plus autant que le plus a nécessité du moins pour savoir qui il est. Western métaphysique. Sans générique de faim. Le pire c’est le chant qui vous entraîne dans la farandole. Solar empire : sortons de l’entre-deux ou de l’entre-soi, le morceau décolle comme une fusée intersidérale qui s’arrache à l’attraction terrestre avec une telle puissance qu’elle sera capable de parvenir jusqu’au bout de la présence du monde, jusqu’au rien, que nous sommes, quel est le maître de cet empire solaire, est-il vraiment nécessaire de l’envahir puisqu’il est partout et même en nous. Avons-nous vraiment envie de trouver quelqu’un au bout des étoiles, la guerre continuelle n’est-elle pas préférable à une solution qui n’existe pas, et si elle existait ne serait-il pas davantage impératif de la continuer encore et encore sans fin. N’avons-nous pas besoin d’un Dieu pour le combattre.  Ce morceau est un hymne à la gloire de la monstruosité humaine. Weed out the weah : il existe une Official Music Vidéo de ce  morceau, je vous rassure c’est simplement le groupe sur scène, très bien faite d’ailleurs, mais ce n’est pas une mise en images du thème traité dans les paroles, le programme est d’une simplicité absolue : il s’agit d’éliminer les faibles. Soyons clair : éradiquer tous les faibles c’est-à dire l’entièreté de l’engeance humaine, qui est au juste ce sacrificateur ultime, est-ce un Dieu ou un Diable, l’essentiel est qu’il fasse son travail, aucun besoin d’idéologie, juste la nécessité intime de chacun à ne pas exister. Guitares tranchantes comme fil d’épée, batterie épileptique, basse encore plus noire que votre âme. Un hymne à l’autodestruction qui n’ose pas dire son nom, le besoin non pas de ne plus être mais d’être forcé à ne plus être.  L’homme est-il un être si veule qu’il a besoin de

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    quelqu’un pour faire ce qu’il n’est pas capable de faire par lui-même. No tomorrow : vous l’avez voulu, le voici, le pire n’est pas de réclamer mais de regretter que quelqu’un vienne réaliser votre vœu le plus cher. Humain, trop humain a dit Nietzsche. Tel est pris qui croyait prendre. On appelait la mort, voici le supplice. Séance de torture médicalisée.  Serait-ce un Dieu qui opère. Pourquoi s’infiltre-t-il dans mon âme, c’est au pied de la lettre et de l’être que l’on voit le démiurge de nos contradictions. L’instinct de vie est-il plus fort que l’instinct de mort. Avoir tué Dieu, l’avoir poursuivi aux quatre coins du cosmos pour se retrouver face à soi-même dans sa propre petitesse. L’instant est pathétique mais comble de tout le background orchestral qui nous tombe dessus comme le méchant loup sur le pauvre petit Chaperon rouge, semble se délecter, serait-ce une pointe d’humour noir. Le sourire crispé de l’auto-dérision. Global domination : à trop chercher Dieu on le trouve. Ne ressemble pas aux saintes images bibliques, plutôt à un roman de science-fiction, des extraterrestres venus nous transformer en esclaves. Sur la table d’opération précédente, ils ne voulaient pas nous tuer, simplement oblitérer d’un coup de bistouri notre volonté. Faut écouter  et lire entre les sons, d’ailleurs il ne chante plus, il parle. Et si c’était un conte d’extrême-réalité, si nos extraterrestres n’étaient que des hommes comme nous. Qui voudraient établir leur suprématie sur leurs semblables. Peut-être même infectés par un virus échappé d’un laboratoire. (L’album original est sorti en 2009, faudrait-il le qualifier de prophétique !). Taste the extreme divinity : entrée digne d’un empereur romain recevant le Triomphe, il est temps de se pencher sur cette notion d’extrême divinité, ronde orchestrale infernale, danse des fous, la divinité fait partie de la farandole, le chant culmine en cris de folie, tout est en nous, la divinité et la folie, peut-être même la notion de divinité n’est-elle que l’autre nom de la folie qui nous habite, nous nous prenons pour des dieux, médicalement parlant nous ne sommes que des psychopathes, aurions-nous en nous, serions-nous en personne le Midnigth Rambler des Stones dans Let it bleed… That’s only rock’n’roll ! But we like it. Suivez la trace sanglante qui coule de votre corps. Alive : vivant. Reprendre conscience du cauchemar, retrouver la généalogie de cette infecte abomination intérieure. Le coupable est facile à trouver. C’est l’Eglise qui t’a perverti en t’inculquant cette idée d’un dieu supérieur auquel il faut obéir. On a fait de toi un esclave en infusant dans ton esprit la sainte croyance que c’était là le bien. On t’a perverti, tu ne sais pas vraiment ce que sont le Bien et le Mal. Dieu travaille à ta perte. Certes on en veut à ton intelligence lobotomisée à coup de patenôtres mais l’on envie aussi  ton argent. The quest : autant le morceau précédent est scandé selon un rythme pédagogiquement binaire  autant ici l’on est dans la nuance, on laisse chanter la basse toute seule et l’on passe à des explications plus complexes, certes tu bosses, tu trimes pour enrichir tes exploiteurs, mais toi stupidement tu guettes le signe du retour du Dieu qui ramènera la paix et la justice, tu y crois c’est pour cela que la musique se fait douce (presque) et persuasive, écoute comme l’on tente de t’endormir. Tamed (Filled with tears) :  nous voici dans la dimension collective de la

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    soumission, ce n’est plus moi ou toi, c’est nous, l’on s’accuse soi-même d’accepter la vie d’esclave aveugle qui nous est impartie, l’on accepte le sort qui nous est réservé, nous ne refusons pas, nous ne nous révoltons point, on a perverti notre jugement, les théories du complot sont partout, elles sapent notre jugement, déboussolés nous ne savons plus qui croire ni penser par nous-mêmes. (Encore une fois Hypocrisy se révèle très pertinent pour expliquer l’état de fait actuel !).  Sky is falling down : le ciel nous tombe sur la tête, l’instrumentation hennit de toutes ses forces, le  vocal s’égosille, urgence absolue. Non ce n’est pas le crépuscule des Dieux, voire la mort de Dieu, c’est la chappe de plomb qui s’intensifie, la société de surveillance s’alourdit, nous ne sommes qu’au début, le pire est à venir, une seule solution, se faire tout petit, s’enterrer dans son petit égoïsme vital pour survivre. Evidemment c’est le dernier piège.  The sinner : (bonus track) : un dernier cadeau, frères pécheurs repentez-vous, quelle chance voici une bonne guerre, rien de tel pour vous sauver que d’être offerts en holocauste sacrificiel, évidemment vous y courez la fleur au fusil, prisonniers de vos égarements, de votre lâcheté, de votre croyance. N’est-ce pas la démocratie, en laquelle vous croyez tant, qui vous envoie sur les champs de bataille… Les dernières paroles ont une valeur prophétique :

    Sacrifiés pour la démocratie

    Abandonnés sur les lignes ennemies

    Par le pays de la liberté

    Nous brûlons Nous brûlons Nous brûlons

     Nous brûlons !

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    Un disque de grande lucidité. Très intelligent aussi, qui ne sacrifie pas à un satanisme de pacotille. Qui ne diffuse pas un message mais qui débouche sur une analyse généalogique de la situation conflictuelle et politique actuelle en fouillant dans ce que certains nomment fallacieusement les religieuses racines chrétiennes  de l’Occident.

             Comme quoi c’est vraiment dans les vieux pots de fer que l’on prépare de bons brouets roboratifs.

    Damie Chad.

     

     

    *

             Faudrait écrire une monographie sur le rock polonais. Sur le rock de toutes les autres nations aussi, mais les polonais ne traitent pas du tout le rock comme les autres. Je serais bien en peine d’expliquer pourquoi et même comment. Je suis toujours surpris quand je kronique un groupe made in Pologne. Ils ne font pas tout à fait les choses comme l’on s’y attendrait. En voici la preuve.

    RIVERS OF LIVING WATER

    BLUES FOR NEIGHBORS

    (Musica Tenebris / Novembre 2025)

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             Aurais-je seulement remarqué ce groupe s’il n’y avait pas eu la couve. Tiens ça ressemble à l’intro de L’Homme des Hautes Plaines, le premier western réalisé par Clint Eastwood, l’hommage funèbre à Sam Peckinpah dont le nom commence à s’effacer sur la pierre tombale moussue d’un cimetière, sur laquelle la caméra se focalise un dixième de seconde de trop… Du coup je m’attendais à trouver des noms comme Son House, Robert Johnson, Howlin’ Wolf… bref toute la tribu bleuâtre. Ben non, font de l’humour noir et en profitent pour indiquer l’identité des invités…

             Mais ce n’est pas tout, z’ont accroché un chromo style chutes du Niagara dessinées par un enfant de sept ans. En relation directe avec le titre de l’album, cela coule de source.  Au-dessus un inquiétant vortex bleu sombre qui débouche sur quelques constellations lointaines qui brillent à peine dans la nuit noire des espaces infinis.

             Les deux pieds nickelés, le cul posé sur les pierres tombales qui grattent leur acoustique voici leurs identités : MG : vocal, lyrics, guitar, cajon et percussions, keyboards et synthés, harmonica, mandoline /  PO: lead guitar.

             Le duo est actif depuis 2020 ils ont enregistré l’équivalent de quatre albums. Se définissent comme deux gars fumant des cigarettes, vénérant de vieux fantômes issus d’un vieux fonds maudit de folk-blues. Leur appellation les définit comme jouant du blues dans leur cuisine (ave Caesar, Robert !) pour les voisins. Pour le moment nous dirons, vu leur âge, qu’ils jouent du blues moderne, ce qui nous l’avouons ne signifie pas grand-chose.

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    Make me a bird : une belle voix, une guitare blues oui, mais pas franchement devant, voici un blues des champs plutôt qu’un blues des villes, de forts relents folk, d’ailleurs si en France on ne s’embarrasse pas de détail, l’on utilise le terme générique de blues, aux states dans les années soixante le terme folk-blues s’est généralisé pour catégoriser le blues traditionnel acoustique. Ceci étant posé ne boudons pas notre plaisir, on se laisse avec plaisir bercé par le balancement hypnotique de cette lente ballade agreste pour cette histoire d’une miraculeuse renaissance espérée mais  impossible tant l’attirance pour le désastre est grande. La fin du morceau s’accélère, l’oiseau s’est transformé en moteur d’avion qui s’éloigne.

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    Gallows Pole : (évidemment l’on pense à Led Zeppelin, mais c’est un traditionnel européen extrêmement connu dans toute la partie nord de l’Europe, ce qui n’empêche pas Bela Bartok d’avoir inscrit l’air dans ses Rhapsodies hongroises. Il en existe de multiples versions, Lead Belly l’enregistra en premier à la fin des années trente, Dylan la reprendra dans les séances de The Freewheelin’ Bob Dylan, sous le titre de Seven Curse ) : Rafał Przewłocki: banjo ukelélé : harmonica lancinant en intro, il revient entre les couplets, les paroles sont d’une cruauté sans égale, le rythme est celui d’une corde de pendu qui se balance doucement, ils ont repris les paroles de la version de Lead Belly mais pour le final ils n’ont pas hésité : le vrombissement terminal du Dirigeable. We’re all private property : chantent à tour de rôle, ils ne se répondent pas, ils accumulent les constats, celui de notre monde actuel dominé par l’argent et le principe de l’appropriation de l’homme par l’homme, l’on se croirait aux temps de colère contestataires du folk initiés par Dylan et Joan Baez au début des sixties, les guitares sonnent haut, les voix résonnent d’urgence, l’on discerne toutefois en sous-main une lassitude désespérée qui confère une étrange beauté à ce morceau.  John the revelator : retour à la tradition, un gospel adapté par Blind Lemon Jefferson et sa femme Willie, genre de monument auquel il vaut mieux ne pas se confronter, aussi y vont-ils franco de port, vous balancent les invocations bibliques à bras le corps, s’en tirent très bien, toutefois on leur reprochera la brièveté de leur version, ils étaient partis pour un délire apocalyptique des plus démentiels, c’est dommage qu’ils

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     n’aient pas cédé à leur propre vertige vocal. It’s all that simple : z’ont le péchon, vous balancent le blues comme un hymne à la joie, avec un long passage de percussions  tapotantes des plus joyeux, z’y rajoutent une bonne pincée de guitares sautillantes. Roboratif certes, sachez toutefois goûter la subtilité, c’est juste un gars qui en train de vivre ses derniers instants. Guillotine song : Błażej Grygiel: bouzouki, basse, organette (petit orgue de barbarie) : le titre n’est pas engageant, les paroles encore moins, chantent ensemble mais laissent surtout jouer les instruments, c’est un peu la suite du morceau précédent, vous aviez le gars qui crevait dans son coin, et maintenant c’est la mort collective infligée aux citoyens de base. Une critique sociale acerbe, préfèrent se taire, mais l’on entend la colère gronder.  Different places : une douce plainte, celui d’un homme solitaire qui quitte notre monde destructif, qui s’en va ailleurs, dégoûté de la société, qui se retire, un peu à la William Thoreau, inutile d’en dire plus, le jeu des guitares est simplement plus éloquent. Greengrass : Błażej Grygiel: basse : vous voulez savoir ce qu’est devenu l’homme qui s’est retiré dans son jardin, tra-la-la-lère, on va vous la raconter c’est marrant, on lui a pris sa terre, tra-lalère, ils ont tout détruit, les guitares gambadent gentiment parmi les champs ruinés, gardons le moral, ils ne l’emporteront pas au paradis. Consolation du pauvre.

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    Cukoos : Rafał Przewłocki: banjo-ukelélé : ne pas toujours accuser les autres, n’est-on pas responsable de son propre malheur, un chant franc, un banjo cukooslélé envahissant, le mythe country du ramblin’man qui se débrouille pour survivre et finit par perdre. Forest blues : une guitare qui frissonne le blues, un chant courageux qui vous inciterait à l’optimisme, à la nuance près que les paroles sont d’un nihilisme sans égal, la vie n’a ni sens ni but, vaut mieux en rire qu’en pleurer. Mieux vaut la fermer et gratter son instrument.  Song for Dylan : Kamil Bieńczak : vocal, Rafał Przewłocki: cigar box : une voix grave, et une autre étranglée qui crie, un harmo d’une tristesse absolue, des interrogations métaphysiques à la Dylan, ni Dieu ni Maître, ni Diable ni Bien, la voie est étroite, l’accompagnement larmoie un peu  trop longtemps, les cris reprennent, mais peut-être vaudrait-il mieux la boucler.  Little Omie : ballade populaire tirée d’une histoire authentique : cette jeune femme enceinte noyée par son amant s’imposait pour un album titré Rivers of  living water, serait-ce de l’humour noir, en tout cas ils vous l’interprètent sans tirer la couverture à eux, tout simplement, sans fioritures. La fin instrumentale se perd dans l’introduction de God bellow : la suite philosophique du traditionnel précédent. L’harmonica en pointe pour appuyer là où ça fait mal : nihilisme, la vie n’a pas de sens, bien et mal ne sont qu’une même chose, tout retourne un jour ou l’autre en poussière.

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             Un beau disque de blues feutré. De folk foncé. Une vision pessimiste de l’existence. Un album miroir de notre monde.

    Damie Chad.

     

    *

    Le père de Deke Dickerson collectionnait les avions et les camions des années trente, il a refilé le virus de la collectionnite à son fils, né en 1968, qui très jeune a commencé à accumuler les disques tous supports, tous formats. Devenu guitariste émérite et compositeur, passionné d’americana, de rockabilly certes, mais pas que… Il a rédigé nombre de notices pour revues spécialisées et les rééditions de Bear Family. Acheteur compulsif, farfouilleur impénitent, ses achats peuvent être divisés en deux groupes. Les disques qu’il écoute et réécoute même si la gravure est amochée, et ceux qu’il n’écoutera jamais qu’il a achetés pour la beauté, la laideur ou l’incongruité de la pochette. Natif de l’état du Missouri il est très fier de posséder l’entièreté de la production rockabilly de son état fluvial. Sur une île déserte, il n’emporterait que le deuxième album de Gene Vincent. Un homme de goût.

    The Gene Vincent Files #14: Deke Dickerson

    on Russel Williford, Johnny Meeks, Gene and more.

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             Contrebassiste, drummer, Deke Dickerson  émet de bizarres cliquetis sur sa guitare avant de lancer le stomp. Quand j’ai eu environ treize ans, j’étais juste en train de découvrir le rock’n’roll, c’était juste le moment où les USA connaissaient un boum revival rockabilly. Naturellement les Stray Cats connaissaient une grosse popularité.

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    A l’époque ils avaient plusieurs hits dans les charts. Lorsque le phénomène a commencé à éclater, d’un seul coup, les compagnies ont commencé à republier des disques de l’ancienne musique des fifties. Comme je l’ai indiqué j’étais très jeune, peut-être treize ans, quand dans  la boutique de disque j’ai vu ce disque Gene Vincent, The Bop That Just Won’t Stop, c’était une de ces rééditions vinyl LP des

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    années 80, je l’ai achetée et ramenée à la maison, wow ! je voulais savoir ce que c’était ! C’était tout ce qu’il me fallait. J’ai aussi acheté Eddie Cochran, Legendary Masters Series, le même jour. J’en ai eu l’esprit tourneboulé durant les mois et les années après. Maintenant vous connaissez l’effet que ça a produit sur moi. Gene a toujours été identifié en tant qu’artiste rockabilly, mais il n’est pas tout à fait rockabilly. Vous savez ce qui est intéressant à ce sujet c’est que, c’est que son spectre musical est vraiment unique, c’est vraiment du rock’n’roll mêlé à des éléments qui viennent du swing, du jazz et ce cette sorte de tuf. Je ne voudrais pas le classer uniquement comme rockabilly. Tenez, le bassiste ne slappe jamais sa basse. Ils produisent des sortes d’arrangements jazz, spécialement dans le jeu de guitare de Cliff Gallup, toutefois en même temps c’est définitivement rock’n’roll. Aussi je ne sais pas comment vous pourriez classifier Gene Vincent, mais il est totalement unique parmi tous les artistes des années cinquante. Je ne suis pas tout à fait impartial car je suis moi-même un guitariste mais je suis totalement persuadé que Gene avait un grand talent  je suis certain que l’histoire de Gene Vincent se serait

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    déroulée  autrement s’il n’avait pas eu les Blue Caps et surtout Cliff Gallup au tout début, vous comprenez ? Je vais dire pour classer à part   un hit comme Be Bop A Lula, tout dans ce morceau est parfait, je ne peux rien imaginer que l’on puisse changer en lui, vous voyez, c’est vraiment la combinaison, l’amalgame de tous ces musiciens et de Gene, en ce studio-là, en ce moment précis, pour produire le surgissement de cet éclair musical miraculeux, quelques secondes de Deke et ses boys sur scène. Je pense qu’avec cette plongée dans un style de vie rock’n’roll, sans cesse en tournée, à mener une vie de dingue, à donner ses concerts, à se coucher tard la nuit, à ne pas dormir dans votre propre lit, je me souviens avoir lu une interview de Cliff Gallup dans laquelle il déclarait très franchement qu’il n’aimait pas être sur la route. Je pense que le rythme de vie Gene était trop fou. La conséquence en a été que tous ces gars, l’un après l’autre, se sont lassés d’être sur la route. Je pense que c’est pour cette raison qu’il a recruté ce groupe en 57,   imaginez-le entouré de tous ces jeunes gars comme Tommy Facenda et tous les autres. Ils avaient tous à peu près le même âge. Alors quand je pense au premier groupe, je pense que Cliff Gallup et Jack Neal étaient un peu plus âgés que le reste de la bande. Vous savez Gene a eu un

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    hit stratosphérique  avec Be Bop A Lula et qu’il avait un sacré amour pour la danse et le bop, mais je pense qu’en 59 ses disques ne se sont plus vendus. Je le sais car j’ai quasi obsessionnellement étudié Gene Vincent. Si vous regardez la place qu’il occupait en 56 et 57, le gros paquet de tournées rock’n’roll, il jouait dans des stades et des foires, des audiences énormes, et en 1959 il jouait dans des clubs VFW et des trucs à 200 places ou à peu près. Ça ne m’étonne pas que Capitol l’ait laissé tomber. Le gars a réalisé quelques bons disques pour une bonne raison. Vous savez quand vous faites des disques si forts, je pense que vous pouvez vivre sur cette lancée pour toujours. C’est une espèce de honte que Gene soit mort si jeune comme c’est arrivé parce que ses disques étaient si grands qu’il pourrait être signé n’importe où aujourd’hui s’il était encore en vie. La réalité de ses audiences en Angleterre et en Europe est qu’il a toujours bénéficié de cette  fidèle ferveur des teddy boys, ce public n’en avait rien à faire qu’il ne soit plus dans les charts. Ils savaient simplement qu’il était bon. Donc il a pu continuer à travailler là-bas, et ce public l’aime encore aujourd’hui. Vous savez alors que je commençais juste à jouer de la guitare, je collectionnais les disques et j’ai compris très tôt : il est très  important de posséder une copie des six albums originaux   Capitol, ceux sortis dans les années quatre-vingt

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    sont très recherchés, ce sont des copies originales des six LP Capitol, comme j’ai eu la chance de rencontrer et de jouer avec plusieurs Blue Caps, je les ai tous signés par eux. C’est quelque chose dont je suis très heureux car maintenant un bon nombre d’entre eux ne sont plus réédités. Je me suis rendu à  Los Angeles au début 1991 et j’ai formé un groupe nommé The Dave and Deke Combo. Nous jouions dans les environs faisant quelques shows, et nous nous sommes retrouvés à faire le backing group de Johnny Meeks. Oh, mec c’était incroyable pour moi, je n’arrivais pas à croire que j’étais en train de jouer avec un véritable Blue Caps. Imaginez-moi apprenant toutes ces morceaux, me préparant pour le set, enfin le jour de la représentation arrive, Johnny déboule et il a l’allure d’un gars tout à fait normal, aucune prétention de rockstar. C’est juste un vieux bonhomme, et il se comporte comme s’il venait jouer un gig comme un autre, vous voyez ! Quand il découvre que nous sommes de gros fans de Gene Vincent, je pense qu’il a été un petit peu décontenancé car Johnny offrait  des country gigs,  il avait l’habitude de jouer quatre heures entières de country music. Et quand il s’est aperçu que nous voulions jouer quelques morceaux de Gene Vincent, c’était pour lui une sorte d’entorse à son programme habituel. Mais une fois qu’il a commencé à se plonger dans ce matos, à la manière dont il a mené le jeu et conduit, d’avoir joué avec Johnny Meeks ça a été, ça été, le moment le plus inoubliable de ma vie. (court intermède de Deke et ses deux boys en concert jouant Baby Blue) Quand Elvis le premier a démarré fort, il est très vite devenu énorme, il dégageait une image qui était vraiment celle de la joie de vivre, vous comprenez, il était le rock’n’roll guy par excellence, Il se démenait sur scène, Gene avait ce truc en plus qui je pense fut plus tard  repris en d’autres styles de musique, c’était cette espèce de suspense et de danger, rehaussé par la douleur sur son visage, occasionnée par sa jambe blessée. Vous pouvez voir cela avec d’autres gars comme Jim Morrison, je veux dire qu’ils ont vu cela et copié cela dans leur propre musique, cependant des tas de garçons n’ont pas cherché à prendre le  truc d’Elvis, dans les sixties et les seventies. Je pense que l’image de Gene Vincent, vous savez toute cette aura qu’il dégageait grandement et qui a été reprise plus tard par

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     tout un tas de performers. ( il joue un peu de sa guitare). Je suis très honoré de faire partie de ces quelques gars qui peuvent dire : ‘’J’ai joué avec Russell Williford’’ qui est un peu le  dernier survivant des Blue Caps perdus. Il est le gars qui sur la couve du second album joue cette Fender Esquire Guitar, mais il n’a jamais enregistré avec

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    Russell Williford entre Gene  Jack Neal à la contrbasse

    Gene Vincent. C’était à l’époque un grand guitariste. Il a joué avec un maximum de gars  dans le Washington DC Aera, mais il n’a jamais enregistré avec Gene. Un nom un peu oublié, mais voici quelques années j’ai été approché par un gars qui tenait le Richmond Virginia Folk Festival et ils préparaient un truc sur des gars du Virginia Rockabilly nommés Virginia Rock, dans lequel ils présentaient The Dazzlers qui était un groupe de rockabilly de Virginie et le dernier gars qui était vivant des Rockets qui faisait Whoohoo et ils emmenèrent Russel Williford et ils m’ont désigné pour accompagner ces gars. Pour moi c’était : Whaou ! Russel Williford, Je n’avais jamais pensé que je pourrais rencontrer ce gars, et encore moins de jouer avec lui. (Durant quelques secondes il gratte sa guitare) C’est une honte que Gene n’ait pas vécu plus longtemps. Vous vous doutez que s’il avait pu vivre dans les années quatre-vingts, ou quatre-vingt-dix je pense qu’il aurait pu réaliser pleinement combien il avait influencé de gens et combien sa musique était importante pour eux. C’est triste, il est mort en 1971, c’était au plus haut de la culture hippie, l’acmé de l’acid rock et du hard rock, j’ai toujours pensé qu’il avait dû penser que le monde était fini, que la

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    musique était terminée et que personne ne se soucierait plus jamais de lui. Vous connaissez ces histoires que Ronnie Weiser raconte de Gene jouant ses gigs autour de L.A. pour quarante dollars ou quelque chose comme ça. Je pense toujours quelle honte pour un gars qui meurt ainsi en pensant qu’il a été oublié. C’est vraiment trop bête qu’il n’ait pu vivre dix ou vingt ans de plus il aurait pu être apprécié à sa juste valeur. (question inaudible). Une des choses les plus tristes que j’ai vues c’est ce documentaire dans lequel il est sur la fin des années soixante et il est en train d’essayer d’apprendre à son groupe ses morceaux et ils ne connaissent aucun de ces morceaux, et vous pouvez lire sur son visage ‘’ Oh m’y revoici encore une fois ’’. Vous le voyez jouant avec un combo de musiciens hippies qui ne connaissent pas ‘’ma musique’’. Toutefois je dois noter, que toutes ces dernières années, il y a encore tous ces jeunes gamins qui sont en train de découvrir le rockabilly et le rock’n’roll. C’est la même chose qui m’est arrivée, c’est probablement ce qui vous est aussi arrivé. La minute où vous avez entendu pour la première fois ces enregistrements classiques de Gene Vincent and the Blue Caps, vous êtes ‘’ Wow !’’, Cela est au-dessus de tout. Ainsi  pour continuer sur cette idée  je pense que ces disques  seront encore écoutés  dans cinq cents ans et l’on dira disant ‘’ wow, c’est fantastique, c’est grand’’. Le sujet n’est pas de savoir ce que pense Lady Gaga ou tout autre qui soit dans les charts populaires. Je pense réellement que quiconque aime que la musique s’empare de votre âme, quand il  entendra ces disques sera obligé de les apprécier. J’ai une très bonne histoire à vous raconter si vous désirez l’entendre   ‘’ Bien

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      sûr !’’. En 1996 les Blue Caps ont effectué une tournée dans les States, ils ont joué à Los Angeles, j’étais alors en possession de mon lot de disques signés. Je les ai vus à 18 heures et ils étaient tous entièrement ivres, je veux dire qu’ils ne pouvaient pas faire un pas l’un devant l’autre, jusqu’à minuit ou à peu près. Ils étaient entièrement cuits. Moi je cherchais à à obtenir des autographes, je faisais la queue derrière le club, Paul Peek était complètement ivre et il était en train de causer avec une certaine Judy, il était en train de la draguer, vous imaginez la scène, j’ai tendu mon disque à  Paul, ‘’ Hé ! Paul signe ce disque pour Dee’’. Il continue durant encore cinq bonnes minutes de discuter avec Judy. Puis il attrape le disque et il signe ‘’ Pour Judy, Paul Peek’’. Ainsi un de mes disques sans aucune bonne raison porte la dédicace  ‘’To Judy, Paul Peek’’. Le disque se termine comme il a commencé, Deke et son band sur scène ! 

    Transcription : Damie Chad.

    Interview was recorded around 2015 in Tilburg (NL) by Kenneth van Schooten, assisted by Gerard van Leeuwen.

    Notes 1 : Clubs VFW : Veterans of Foreign Wars : importante association de vétérans américains ayant servi au-delà des mers. Membre de la Navy, ayant navigué le long des côtes de la Corée, Gene devait avoir la possibilité de donner des spectacles dans les clubs de réunions disséminés sur tout le territoire américain.

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    Note 2 : The Dave and Deke Combo fut formé en 1991 à Los Angeles par Dave Stuckey et Deke Dickerson. Le groupe  se sépara en 1995 après avoir enregistré deux albums. En 2005 sortit un troisième album fruit de réunions occasionnelles dont le titre est à lui seul un résumé et tout  un programme : There’s Nothing like an old Hillbilly. Lost and found treasures (1991 – 2005).

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    Note 3 : Russell Williford (né en 1933) a croisé plusieurs fois Gene Vincent et les Blue Caps. En 1970 Gene se rend à un concert de Williford et lui fait part de son intention de reformer les Blue Caps… Gene lui demande s’il était partant pour cette aventure. Il est impossible de résumer en quelques lignes la vie de Russell, il a participé a de nombreuses sessions  entre autres pour Patsy Cline et Lefty Frizzel. Russell Williford a connu Cliff Gallup avant de rencontrer Gene Vincent.

     Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos

  • CHRONIQUES DE POURPRE 701 : KR'TNT ! 701 : BLACK SABBATH / TÖ YÖ / WILD BILLY CHILDISH / ZEMENT / WHEELS / SNAKES IN THE BOOTS / MISS CALYPSO / THE CORALS / GENE VINCENT+ WANDA JACKSON

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 701

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    05 / 09 / 2025

     

     

    BLACK SABBATH / TÖ YÖ

    WILD BILLY CHILDISH / ZEMENT

    WHEELS / SNAKES IN THE BOOTS

    MISS CALYPSO / THE CORALS 

        GENE VINCENT + WANDA JACKSON

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 701

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Sabbath tous les records

    (Part One) 

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             On se doutait bien que l’histoire d’Ozz allait mal finir, mais la nouvelle de son cassage de pipe en bois nous a tout de même surpris. C’est arrivé quelques jours après l’ultime concert de reformation de Sab à Birmingham. Encore une page d’histoire qui se tourne. On va bientôt se retrouver seuls. Ils seront tous partis. Rien n’est pire que de voir partir ses amis et de se retrouver seul.

             On a tous été fans de Sabbath, sans doute parce qu’ils étaient fans des Beatles. Il ne faut jamais perdre ceci de vue : dans les années 60 et 70, les Beatles furent au cœur de la vie de tous les kids anglais : ils ont eu cette chance extraordinaire d’avoir eu comme modèle un groupe parfait. En France, on proposait aux kids un autre genre de modèle : Johnny Hallyday. C’est pas la même chose.  

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             Dans Mojo, Keith Cameron assiste pour nous aux préparatifs de l’ultime concert de Sabbath, prévu le 5 juillet 2025 au stade Villa Park de Birmingham, à côté duquel les quatre Sab ont grandi - We all lived around that Villa ground - Le concert porte le doux nom de ‘Back to the beginning’. L’Ozz a 76 ans. Il ne tient plus debout. Parkinson. Son dernier concert date de 2018. Un Ozzfest à Los Angeles.

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             Puis l’idée d’un concert d’adieu a commencé à germer dans les vieilles cervelles vermoulues des quatre Sab. L’Ozz a donné son accord et il a repris l’entraînement avec son équipe d’assistants : respiration, altères, on imagine le travail. L’obsession de l’Ozz est de dire adieu à tout le monde avec un seul big show. Sharon Osbourne : «Well why don’t we just do one big show and you can thank everybody? So we’ve been working on it for nearly two years. You know, Birmingham has given Ozzy so much, he’s so proud of where he was born. He’s working his little old arse off to get there.»

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             Ça n’a pas été simple de rassembler les quatre Sab originaux, surtout Bill Ward, qui avait quitté le groupe depuis belle lurette. Geez indique qu’Ozz l’a appelé pour lui proposer de «finir là où tout avait commencé», et Geez lui a répondu qu’il était d’accord si Tony et Bill donnaient eux aussi leur accord. Alors l’Ozz appelle Bill et lui propose le deal - I’m gonna do one last time. Do you want to come and play? - Bill accepte, mais Tony Io n’est pas très chaud. Il commence par dire non - To be honest, when it was first mentioned to me, I said no - Tony Io se demande surtout si les quatre Sab sont encore en état de monter sur scène, myself included - We need to be good. We’ve got a good legacy, and I didn’t want to destroy it by everything not being right - Et voilà, c’est the end of the End, comme il dit. Tony Io n’est pas beaucoup plus frais qu’Ozz : il s’est tapé un petit cancer, et fait pas mal d’allers et retours à l’hosto. C’est l’âge. 77 ans, la zone de tous les dangers. On vient de lui retirer un gros truc dans la gorge et crack, il s’est coincé un nerf dans le cou - When you get to our age, things just go wrong - Il craint surtout qu’un des quatre Sab ne se casse la gueule sur scène après deux cuts. C’est le risque qui pend au nez des vieux crabes quand ils montent sur scène à l’âge de 77 ans. Faut savoir ce qu’on veut dans la vie.

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             Geez n’est pas beaucoup plus frais. En 2022, il était trop malade pour grimper sur scène avec l’Ozz et Tony Io. Et comme dit Cameron, «he’s currently working hard on his flexibility». Il a des crampes dans les mains. Il craint que ça ne lui arrive sur scène. Devant les fans, il aurait l’air d’un con avec ses cramps. Quant à Bill, il fait du fitness avec son drum crew. Ils ont tous des crews. Ils ne parlent que de crews. C’est l’apanage des vieilles superstars. Un crew sinon rien ! Bill bosse son leg power pour driver «Sabbath’s massive double bass drum attack.» Vazy Bill, drive ! À son âge, Bill a encore des choses à prouver. Il a lui aussi 77 ans - that’s a whole other world, 77 and playing 26-inch bass drums. One could call it lunacy - Tu l’as dit, Billy !   

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             Justement, Bill donne une grosse interview dans Uncut. Dans son introduction, John Robinson parle d’une «incredible unity of purpose». C’est bien vu. Bill rappelle qu’il a fait une petite crise cardiaque en 2017, et donc, il a dû mettre la pédale douce. Et surtout retrouver la forme, grâce à son crew. Puis il raconte la formation de Sabbath à Birmingham et leurs premiers cuts, «Wicked World» et «Black Sabbath». Ils répètent chez Tony - We wrote it and we played it - Puis ce sont les tournées en Europe, le Star Club d’Hambourg, les putes, le premier album, et patati et patata. Puis Robinson le branche sur les farces de Sab : c’est vrai Bill qu’ils mettaient le feu à ta barbe ? - They were pranks - C’est Tony qui avait le briquet. Bill n’a pas grand-chose à raconter, mais il fait un petit retour sur la pochette de Sabotage. C’est lui qui porte les collants rouges de sa femme sur la pochette. Comme il ne porte rien en dessous, on voit ses balls, alors il demande à l’Ozz de lui prêter son calbut, «which he more than happily did». C’est pourquoi l’Ozz porte une robe.  

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             Luke la main froide n’en finit plus de loucher sur la pochette de Sabotage, «the most psychologically damaged record (just look at the sleeve)». Et il ajoute, emporté par son élan : «Le Midland death trip d’Ozzy culmine en 1975 avec l’album Sabotage qui depuis la pochette jusqu’au contenu est l’un des albums de rock les plus étranges jamais enregistrés. Les paroles sont pour la plupart signées by Brummie shaman Terry ‘Geezer’ Butler.» C’est l’album chouchou des fans de Sab, à cause de cette énormité qu’est «Hole In The Sky», un nouveau modèle de riff anglais sorti du cerveau de Tony Io. Il fabrique du Sab en permanence, et quand l’Ozz ramène son chat perché, ça fait l’identité de Sab, avec en plus derrière les deux cavemen qui allument sec. C’est dans «Symptom Of The Universe» qu’on entend cracher les haut-fourneaux de Birmingham. Dommage que les petits épisodes prog viennent perturber le bel équilibre. Il semble que Tony Io ne gratte que des séquences mythiques, comme ces espagnolades de fin de parcours. Et puis avec «Megalomania», ils se rapprochent du premier album, ils sont si heavy et si présents ! Ils disposent d’une science inégalée en matière de redémarrage en côte et se payent en plus le luxe d’un final épouvantable aux lueurs du génie sabbatique. L’autre hit de Sabotage est le dernier cut de la B, «The Writ», un heavy blues chanté au chat perché d’Ozz, sans doute le perché le plus perçant de tous. Ils ont du panache, le monde entier le sait, on ne fait pas l’impasse sur le Sab, on les connaît par cœur, ces beaux cuts de Sabotage, sans doute les a-t-on trop écoutés. Avec «Am I Going Insane», ils sonnent comme Syd Barrett. Tout est beau et puissant sur cet album. Tony Io fait exploser des bouquets fatals sur «The Thrill Of It All», il soigne ses fins de loup. «Supertzar» est le cut qui a dû impressionner le plus la main froide, car on y entend des voix surgies du passé. On se croirait dans un film d’Eisenstein, c’est exactement la même ampleur catégorielle.

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             Dans sa colonne infernale, Luke la main froide avait raison de se prosterner devant les six premiers Sabbath de la période Vertigo - Without doubt some of the greatest rock’n’roll ever made. These records fucking swing, man - Ils font partie des albums fondateurs de l’empire du rock anglais. Tony Io est l’un des grands guitaristes classiques du rock anglais, il fait partie de ceux qui ont tout inventé. Ah comme on a pu adorer ce Black Sabbath paru en 1970 ! Chaque fois qu’on le réécoute, il fonctionne comme une machine à remonter le temps. Tous les cuts de l’album sonnent comme des classiques, cette belle et étrange musicalité s’installe avec «Behind The Wall Of Sleep». Rien à voir avec l’hard-rock, c’est de l’heavy pop dotée d’une mélodie chant d’une indicible qualité. Le génie riffeur de Tony Io prend forme avec «NIB» et l’Ozz entre dans l’histoire avec son fameux Oh yeah ! Fabuleuse énergie ! Très beaux longings de Tony Io, il est fabuleux d’à-propos. Ils ouvrent leur bal de B avec «Evil Woman Don’t Play Your Games With Me», monté sur un riff classique bien contrebalancé par le bassmatic du Geez. Ces quatre Brummies fabriquent du rock classique, et cette fois c’est le Geez qui vole le show. Ils finissent en beauté avec «Warning» et l’Ozz revient au chant après une longue absence, une si longue absence.  

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             Paranoid paraît la même année. On imagine l’ado Luke dans sa cave, secouant ses petits cheveux blonds au son de «War Pigs». Heavy, baby ! Voilà d’où vient toute cette culture heavy. Ils jouent à la respiration interrompue, c’est un peu emprunté, mais c’est Sab, alors respect. Ils réussissent l’exploit de créer un monde à partir d’un riff, puis ça part en virée seventies. Voici venu le temps des classiques avec «Paranoid» et «Iron Man». Le riff de Parano est tellement classique qu’on dirait du Led Zep. Bravo Tony Io ! Stop to fuck my brain, gueule l’Ozz et pendant ce temps, Geez fait un carnage. «Iron Man» est aussi monté sur un riff classique, et Tony Io le ralentit pour l’alourdir. Tout l’heavy métal vient de là, de l’Iron. Et cette manie qu’ils ont de partir en virée ! En B, on trouve deux autres pièces palpitantes : «Electric Funeral», d’abord, plus tarabiscoté, même si c’est monté sur un riff funéraire du grand Tony Io, un riff d’une portée universelle, c’est dire la grandeur de sa hauteur. Puis voilà «Fairies Wear Boots», un titre qui a dû beaucoup plaire à la main froide, mais ça se présente comme une jam, with no direction home, perdue dans la pampa, avec une succession de thèmes impies, et l’Ozz entre dans l’ass de la danse à l’impromptu, il s’installe dans l’ambiance du power Sab, c’est très fairy witchy, il raconte son histoire d’une voix étrangement perçante.

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             Paru l’année suivante, Master Of Reality a dû mettre la jeune main froide sur la paille. On retrouve notre cher heavy Sab dès «Sweet Leaf». Tony Io joue du gras double, ils sont dans leur élément, c’est saturé d’heavyness ralentie, mais après un moment, ça se barre en vrille prog, et ils reviennent on ne sait comment en mode rouleau compresseur. Le Geez fait vrombir sa basse. Sur toute l’A, le Sab se montre déterminé à vaincre, il fait même du boogie rock anglais avec «Children Of The Grave». Pas d’hit sur cet album, mais une constance sabbatique, comme le montre encore «Lord Of The World», ils restent dans leur formule, pas de surprise, Tony Io se place en embuscade et malgré les apparences, le son reste très linéaire. Ils reviennent au big sound avec «Into The Void». Chez Sab, ce n’est pas le gros popotin, mais le gros patapouf qui a le vent en poupe. Il est tellement gros, le patapouf, qu’il a du mal à respirer... Si on cherche des aventures, il faut aller voir ailleurs. Les kids adorent le gros patapouf de Tony Io.

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             La jeune main froide a dû beaucoup admirer la pochette du Black Sabbath Vol. 4. Quel rocking artwork ! Et hop ça démarre avec du classic Sab monté sur une nouvelle trouvaille Ionique. Pas question de s’énerver, il joue son riff en retenue et miraculeusement, on échappe cette fois au petit développement prog de mi-parcours. Tous les cuts de Sab sont montés sur un riff de Tony Io. Alors pour l’Ozz, c’est du gâtö. Il peut enfourcher son canasson et chanter «Tomorrow’s Dream» au chat perché. Tony Io remplit le son à ras-bord. Il lui donne de l’ampleur. «Changes» pourrait être un balladif de Croz, car c’est assez océanique. Peut-être s’agit-il du meilleur sob de Sab. Pour boucler l’A, Tony Io charge la barque de «Supernaut». Il est l’un des plus gros démolisseurs d’Angleterre et l’Ozz s’élance comme un loup à l’assaut de la caravane, ça joue pour de vrai. Tony Io a plus de son qu’avant, on voit qu’ils enregistrent à Los Angeles. La B se tient bien elle aussi, «Snowblind» reste du classic Sab. L’Ozz ne change rien à sa méthode, il va droit sur son petit chat perché. Tony Io boucle ce valeureux Snowblind à l’embrasée de Birmingham. «Laguna Sunrise» montre qu’ils sont capables de climat lumineux et d’espagnolades, et ce gros mélange de riffing et d’orientalisme qu’est «St Vitus Dance» montre qu’ils adorent danser avec Saint-Guy. Cet album surprenant s’achève avec «Under The Sun», classic package de Sab monté comme un millefeuille, bien bourré de crème au beurre et concassé à tous les instants comme le corps d’un malheureux soumis au supplice de la roue.

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             Paru en 1973, Sabbath Bloody Sabbath n’est pas le meilleur Sab. C’est du classic Sab, bourré de climats, de cocotes et de chat perché. L’Ozz se veut criard, mais il n’est pas toujours juste. Ils amènent l’«A National Acrobat» au heavy Sab, mais ça vire troubled troubadour un peu proggy.  Tony Io a du mal à renouveler le cheptel. Ses compos peinent à jouir. C’est encore dans la délicatesse diaphane qu’il excelle le mieux («Fluff»). Il revient à son pré-carré et à ses vieilles racines de mandragore avec «Sabbra Cadabra», on se croirait sur le premier Sab, tellement c’est bien foutu. C’est même l’hit de ce bloody album. Le «Killing Yourself To Live» qui ouvre le bal de la B semble lui aussi sortir du premier Sab. Merci Tony Io de ce retour aux sources. L’Ozz s’en donne à cœur joie. Ils font de la petite pop bien intentionnée avec «Looking For Today» et pour «Spiral Architect», Tony Io pompe les accords des Who dans Tommy. Cette fois, ils tombent dans le n’importe quoi, et ça finit par devenir trop poli pour être honnête. 

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             Pourquoi diable a-t-on ramassé Paranoid: Black Days With Sabbath & Other Horror Stories chez Smith il y a plus de vingt ans ? Certainement pas à cause de la couve et de ce mélange visuel complètement sabbatique de croix et de seringue (attention, le book est reparu avec une couve encore pire : une cuillère pleine de poudre et une seringue). Certainement pas à cause du nom de l’auteur : on savait que Mick Wall drivait Kerrang!, cet hebdo ou bi-hebdo metal qu’on n’approchait qu’avec des pincettes (c’était le seul canard anglais qui consacrait des pages aux Wildhearts). Et pourtant on a fini par lire ce book de Mick Wall. Et on l’a adoré. Pour deux raisons : Mick Wall écrit comme un cake. Et son book est un fantastique hommage à l’Ozz. Et pour saluer le départ de l’Ozz, on l’a relu, car le souvenir du bon moment était un peu fané et les notes de lecture ne semblaient pas trop fiables. Dans ces cas-là, on relit.

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             Alors attention, ce n’est pas exactement un book sur Sabbath. Mick Wall raconte ses années de junkie et ça démarre comme ça : «J’ai pris la seringue et l’ai plantée right in my arm. Habituellement, on ne pique pas une veine du premier coup, mais cette fois ça a marché. La chance était avec moi et je vis, fasciné, le petite nuage de sang remplir la seringue.» Mick Wall écrit dans un style direct, et comme Nick Kent, il s’est forgé un langage : «We called our works ‘guns’. I slowly squeezed the trigger on mine and waited for the bullet to hit. ‘Go on you slag!’.»  Il donne absolument tous les détails, dans un style à l’emporte-pièce, il traîne son addiction pendant un bon bail puis finit par décrocher pour pouvoir faire ce qui l’intéresse : écrire. C’est donc l’autobio d’un pur écrivain rock. Dans Apathy For The Devil, Nick Kent raconte qu’il est passé par les mêmes travers. Ça faisait semble-t-il partie du jeu.

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             Wall vit en coloc avec un certain Mandy - Like Mandy, I loved heroin. As drugs go, it was the best. Booze, coke, dope, even acid, they were social drugs, party tricks, something you shared with a crowded room. La différence entre le trip à l’acide et le trip on smack était comme celle qui existe entre le dernier blockbuster d’Hollywood et un small art-house movie from Europe. (...) Smack was for the conoisseurs of the anti-social, the solo artists and mavericks who stood for nothing - Et il ajoute ça qui permet de comprendre la suite : «Smack was not a recreational drug, it was a vocation.» Puis il décrit le glissement de l’addiction, car le smack cesse d’être un «personal statement and becomes purely a matter of day-to-day survival.» Ça se passe entre 1979 et 1980, endless junk summer. Il associe le smack au jazz - Willfully perverse, unashamedly self-absorbed, insistently élisist (il met un é), jazz was the perfect junk soundtrack. Like punk and speed, reggae and dope, Hendrix and acid.

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             Mandy prétend que ce n’est pas l’hero qui tue les gens, c’est la télé - Every fix we took was like a big, beautiful fuck-off to the world - Wall et Mandy voient le rite de l’hero comme le summum de l’anticonformisme. Plus loin, il rend hommage à Lou Reed et à «Heroin», «because when the smack begins to flow, it’s true, you really don’t care any more. There was no science to it. It was pure and simple. Smack was just the baddest and the best. Total white-out.» Comme il est écrivain, il peut sortir ça : «Smack was whaterver you wanted it to be.» Les mots n’ont plus d’importance. Il donne aussi pas mal de détails sur la marchandise : «Strickly Iranian brown was our mainman. Après la chute du Shah, by the end of 1980, London was awash with cheap, strong Iranian smack.» Mandy et lui bossent dans le music biz à Londres, et chaque jour, Wall raconte qu’il disparaît un moment dans les gogues pour se faire un fix - One fix at a time - Il va bien sûr se faire repérer et se faire virer. Il donne pas mal d’autres détails, comme par exemple la constipation - Not shitting for weeks on end becomes the norm - Il explique qu’il faut s’accroupir et s’aider soi-même avec les doigts. Mais le pire, c’est l’aspect financier. On vend tout ce qu’on a, même ses disques rares. En une semaine, il a refourgué ses 200 albums collectionnés pendant trois ans. Puis il vend sa machine à écrire, sa montre, ses bagues, son tourne-disques, sa télé, sa radio, et tous ses books.

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    Mick Wall

             Ce qui rend Mick Wall infiniment crédible, c’est bien sûr la qualité de son style. Quand on lui propose une grosse ligne de coke, Wall s’extasie ainsi : «Just go with the flow, baby! Chop ‘em out, Charlie! I was the Jean Genie, letting myself go...», et bien sûr t’entends sonner les accords de Ronno. C’est ça, l’écriture rock, ça sonne. Et quand il n’aime pas quelqu’un, il devient une sorte de Léon Bloy rock. Il évoque le Live Aid et pouf, qui arrive dans son viseur ?, «Geldorf himself. Who would remember Bob now, oher than as the big-headed, mouthy twat from the crappy Boomtown Rats.» Et puisqu’il est en plein dans la daube de Live Aid, il cible U2, «particulary in America, where Bono’s down-on-one-knee histrionics went down a storm.» Quand il devient célèbre grâce à Kerrang!, il ne se rate pas : «I was a cover story writer now, the fattest fat frog in the murky green pond.»

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             Lorsqu’il vit à Los Angeles et qu’il devient riche et célèbre, Mick Wall s’aperçoit qu’il ne bande plus beaucoup, alors il s’en explique très bien : «Il y avait des nuits when I could no longer get it up, que ce soit mentalement ou physiquement. Somewhere along the line, I’d lost a few steps. Pas à cause du smack - pas besoin d’être un junkie pour être fatigué de la chasse. Too much sun and not enough time, that was my excuse.» Et plus loin, il précise : «D’une certaine façon, j’avais de nouveau atteint ce point. Pas à travers l’hero cette fois, mais à travers une drogue plus puissante que le junk. I was high on life, man. And it was slowly killing me. J’ai essayé d’arrêter ça plusieurs fois, mais je n’avais plus d’énergie. À partir d’un certain point, même l’argent n’a plus d’intérêt. Je savais que je ne deviendrais jamais un millionnaire, mais une fois le loyer payé, à quoi peut-on bien penser ?»

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             Ailleurs, il vole dans les plumes des années 80, «the most stupid decade since the ‘50s. Les gens, me semblait-il, étaient prêts à payer pour n’importe quoi, aussi longtemps que c’était bien habillé. And the more stupid, the better. Look at Duran Duran. Look at Bowie and ‘Let’s Dance’. Look at JR and Joan Collins and Margaret Thatcher and Ronald Reagan... What a vulgar, unconvincing bunch of arse-sucking stupidity.» Pourtant, ailleurs, il rend hommage à Bowie qu’il rencontre pour une interview - What a great interview he gave, too - sharp, witty, full of fun, full of stories (...) He was just on it like a motherfucker. He was an interview-killing machine - Wall rappelle qu’«après Ozzy, Ziggy was my mainman. Il venait du futur et j’ai grandi en pensant que Diamond Dogs and David Live were the greatest, most underrated albums of the ‘70s.»

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             En attendant, il rencontre pas mal de gens, dont bien sûr toute la faune de Kerrang!, les Motley Crüe, les Guns N’ Roses et tous ces machins là. Il rencontre aussi David Crosby qui s’apprête à partir au ballon pour 5 piges et qui a le look of the condemned man. Puis Jimmy Page, avec lequel il a un échange intéressant. Wall lui demande pourquoi il est gentil avec lui, alors que tout le monde raconte qu’ils se conduit comme un «complete bastard», et Jimmy lui répond que cette gentillesse «is the other side of the coin. C’est comme la guitare électrique et la guitare acoustique, les gens veulent entendre le bruit le plus fort, alors que d’autres veulent entendre the more gentle acoustic side out. You’ve only ever seen the acoustic side of me.» Wall est tellement impressionné par la classe de Jimmy Page qu’ils vont rester amis. Et bien sûr, Wall va consacrer à Led Zep ce chef-d’œuvre mémorable qu’est When Giants Walked the Earth: A Biography of Led Zeppelin.

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             L’autre géant que Wall salue dans Paranoia est bien sûr Phil Lynott : «Tall as a vampire and dressed from head to foot in black leather, his fingers, wrists anf throat wrapped in a cluter of expansive bejewelled baubles, his dark afro framing his long, sly face like a publicity shot, Philip Lynott played the most convincing rock star I ever met.» Et bien sûr, il le compare à Jimi Hendrix - Maybe Hendrix was the original and the best, but Jimi wasn’t around any more - Quand Wall lui demande pourquoi il porte sa basse si haut, si c’est pour mieux jouer, Phil grommelle : «Naw. It’s so’s da girlies can gedda good look at me bollocks.» Wall rappelle que les punks respectaient Lizzy et que les Pistols se trouvaient backstage aux Lizzy gigs. Un soir, Phil Lynott propose à Mick Wall du Fleetwood Mac. Wall ne pige pas. Alors Phil précise : smack. Ils se font un petit snort ensemble. Et là t’as deux pages absolument magnifiques de rock writing.

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             Autre chapitre déterminant : Dave Brock. Un Dave Brock qui prend l’histoire d’Hawkwind très au sérieux. Voici comment Mick Wall l’épingle : «Alors que certaines pop stars - Phil Collins, say - vous font penser à des chauffeurs de bus, something about the greasy unwashed hair, the stringy beard, the decade-old jeans and rancid-looking fingerless leather gloves always made me think of Dave Brock as a dustman. Chaque fois que je voyais Dave, c’est comme si je le voyais jeter des sacs poubelles à l’arrière d’un big truck.» Mick Wall accompagne Hawkwind en tournée et un matin, au lobby de l’hôtel, histoire de briser la glace, Mick lance à Dave : «The bins are around the back, mate.» - Je m’attendais à le voir rire, ou au moins sourire, mais il me regarda, «his expression as inscrutable as the cosmos his music purported to explore» - La chute ne fit pas attendre. «You’re fired», he said and walked off.

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             On croise aussi des pages extraordinairement captivantes sur les rock critics - À quelques exceptions près, la plupart des journalistes rock que j’ai rencontrés étaient des gens ordinaires et décevants, generally of less-than-average intelligence - Et il ajoute ça qui tue les mouches : «None of them seemed to have much idea of what rock’n’roll might actually be about.» Eh oui, c’est bien ça le problème, même dans la presse anglaise. Il n’en sauve qu’un, Nick Kent - The dark prince. What hadn’t he written, done, been, said, thought, lost, won that wasn’t great? Nothing I could think of. Tall, rakishly handsome in a thin, permanently stoned way, his black raven’s hair cut like Keef’s and streaked with cat-piss yellow, paint-chipped fingernails, badly applied make-up, chandelier earring, the whole bit, Nick Kent was the man who invented the term ‘elegantly wasted’, not just on the page but in real life - Après Bowie, Phil Lynott et Jimmy Page, c’est le quatrième grand hommage du book, juste avant l’Ozz. 

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             L’Ozz, c’est pour ça qu’on est là. Mais encore une fois, ce book n’est pas Ozzé à 100%. Mick Wall brasse assez large, et c’est ce brassage qui à l’époque nous intéressait. Et c’est la raison pour laquelle on a décidé de suivre l’auteur à la trace, même si ensuite, il proposait des monographies, au sens plus strict du terme, mais quelles monographies ! Led Zep, Hendrix, Lou Reed, Lemmy, John Peel, les Doors, des books qui sont devenus, mine de rien, des ouvrages de référence, et dont on a bien sûr causé, soit ici-même (Doors, Lou Reed, Peely, Hendrix), soit dans les Cent Contes Rock (Led Zep). On reviendra plus tard sur son Lemmy et son Sabbath.

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             En 1980, Wall est embauché comme agent de presse de Sabbath et accompagne le groupe en tournée américaine. L’Ozz n’est plus dans le groupe, il s’est fait virer 18 mois plus tôt par Tony Io qui en avait marre de ses ‘antics’. Ils ont embauché Ronnie James Dio pour le remplacer. Wall s’amuse bien avec les Sab qui ne volent pas haut. Voilà ce qu’il dit de Bill Ward : «Dark panda-eyes, hair like a Christmas tree, full alky beard, big beer belly hanging over his spangly rock star belt.» Wall ne sait rien des drogues que prennent les Sab, à cette époque. Ils n’en parlaient jamais ouvertement - I suspected Tony was a coke man - Ils prenaient de tout dans les années 60 et 70, «but by 1980, in the aftermath of Ozzy’s dismissal for being too out of it, anything like that which still went on was kept strickly under wrap.» Ils ne touchaient plus à rien. Mais pour Wall, le Sab a perdu tout son charme - They were the most miserable and difficult bunch of bastards I’d ever had to deal with. Tetchy uncommunicative, grim; Truly Sabbath were an enigma for me - Il les voit comme des middle-aged men qui ont une upside-down cross to bear.

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    Sharon + Ozzy

             Avec l’Ozz, c’est une autre histoire. Mick Wall aura même une relation privilégiée avec lui - J’avais découvert qu’au-delà du masque de sad clown, Ozzy était l’une des très rares rock stars qui disait toujours exactement ce qu’il pensait - L’Ozz se confie à Mick et lui raconte qu’après sa détox d’alcool, il a encore un bar à la maison, «except it’s got no booze in it.» Diet coke. Et ça l’afflige. C’est comme d’avoir une table de billard sans les boules. Puis il reconnaît qu’il n’est ni un grand songwriter ni un grand chanteur - With me, it’s all the orher stuff, the mad fucking stuff - mais l’Ozz n’est pas dupe. Il sait ce que les gens pensent de lui et il fait avec. Il dit aussi qu’il a eu du mal à s’extraire «of that fuckin’ mess with Sabbath». Quand Mick Wall le rencontre, l’Ozz vit dans un seedy, second-string hotel de West Hollywood, «working his way through the ninety thousand dollars the band had given him when they told him to fuck off.» C’est bien que ce soit Mick Wall qui le dise. Dans la foulée, Wall rencontre Sharon qui explique pourquoi elle s’est attachée à l’Ozz : «Ozzy had always bugged me. Because he was lazy, he was insecure and... dumb!»

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             Wall revient sur ses premières amours : «I still loved my old Sabbath albums lile Paranoid and Master Of Reality the way I would always love The Man Who Sold The World and the first New York Dolls album.» Il rappelle aussi que Diary Od A Madman: The Uncensored Memoirs Of Rock’s Greatest Rogue fut son «first little success», comme il dit - Some of the worst writing I ever did was in this book - Il y collectionne en effet les anecdotes : l’Ozz qui pisse sur Alamo, l’Ozz qui trippe à l’acide et qui raconte qu’«il entre dans un pré and started talking to this horse. That was all right. Then the horse started talking back to me and I knew I was in trouble.» Ah la rigolade ! Et Wall de conclure : «The only rock star I could really relate to was Ozzy. Not just because he was funny, but because he was real. He was the only one I’d ever known who really felt his luck.»

             C’est avec cette image qu’on referme une page d’histoire nommé Ozzy Osbourne. Merci Ozz d’avoir enchanté nos adolescences.

    Signé : Cazengler, Black Savate

    Ozzy Osbourne. Disparu le 22 juillet 2025

    Black Sabbath. Black Sabbath. Vertigo 1970

    Black Sabbath. Paranoid. Vertigo 1970

    Black Sabbath. Master Of Reality. Vertigo 1971

    Black Sabbath. Vol 4. Vertigo 1972

    Black Sabbath. Sabbath Bloody Sabbath. Vertigo 1973

    Black Sabbath. Sabotage. Vertigo 1975

    Mick Wall. Paranoid: Black Days With Sabbath & Other Horror Stories. Mainstream 1999

    John Robinson : After forever (Bill Ward gets heavy). Uncut # 340 - July 325

    Keith Cameron : Into The Void? Mojo # 381 - August 2025

     

     

    L’avenir du rock

    - Pas trop Tö, Yö

    (Part Two)

     

             Boule et Bill observent l’avenir du rock du coin de l’œil.

             — On te voit venir, avenir du froc, avec tes Tö Yö...

             — On t’a vu faire tes petites photottes de branleur...

             — Tu vas même nous refourguer l’illusse que t’as déjà utilisée y’a un an !

             — Tu vas encore nous torcher une kro à la mormoille, comme d’hab’ !

             — T’es d’un prévisible qui fout la trouille...

             — Tout le monde s’en branle de tes Tö Yö...

             — À voir ta gueule, on sait qu’t’es en train d’chercher ton titre...

             — Ouais, t’as la gueule d’une poule qu’a trouvé un couteau !

             — Comme on est gentils, on va t’donner un coup de main, avenir du broc !

             — Tö Yö Tä pas cent balles ? Quesse-t’en penses ? Pas mal hein ?

             — Tö Yö ! Tö Yö ! Ferme ta gueule répondit l’écho !

             — Et ça : Thirty Seconds Over Tö Yö !

             — Et pis ça : Tö Yö Yö Stuff !

             — Et ça : Tö Yä Yä Twist !

             — Et pis ça : c’est ton destin, Yö Yö !

             — Et ça : Tö Yö La Tengö !

             — Et pis ça : Tö Tö Yö Lariflette !

             — Et ça : Tö Yö Kö Onö !

             — Et pis ça : Tö Yä Kä faire ci Tö Yä Kä faire ça !

     

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             L’avenir du rock les laisse parler. À l’heure où tu lis ces quelques lignes, ils y sont encore.  Passons aux choses sérieuses.

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             Tö Yö ? Tyva ! Ou plutôt t’y retournes. T’y come back (baby come back). Sont déjà venus dans la cave. En juin, l’an passé. Comme déjà dit, ce fut un set psyché aux frontières de l’exotisme et des japoniaiseries chères à Mallarmé. Sont les quatre mêmes, mais le son n’est plus le même. Tö Yö chevauche désormais un dragon. Et là, amigo, si tu veux voyager dans le cosmos, c’est l’occasion en or. Pas besoin de te schtroumpher, le son te monte droit au cerveau, par vagues, les vagues d’Hokusai, celles qui s’élèvent dans l’éternité graphique d’un artiste visionnaire. Ça prend même parfois la dimension extravagante d’une tempête au Cap Horn, telle qu’on se l’imagine, t’as l’impression que la cave tangue, tellement ces quatre Japonais sont puissants. En fait, c’est ta pauvre cervelle qui tangue, mais t’aime bien l’idée du Cap Horn. Ils reprennent les choses exactement là où Dave Brock les a laissées voici 50 ans avec Space Ritual, et ils vont plus loin, beaucoup plus loin. Ils font ce que des tas de groupes ne savent pas faire : mettre la virtuosité au service du dragon. Car leur

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    son, c’est le dragon. Quand les deux guitaristes grattent leurs gammes avec une infinie délicatesse, le dragon crache des flammes, le dragon crame les colonnes du temple, le dragon embrase ton imaginaire, soudain, la vraie dimension est à portée de main, tu peux toucher le dragon, t’en reviens pas de voir ruisseler cette pluie de feu sonique, t’en reviens pas de voir ces deux guitaristes lever des tempêtes comme d’autres ramassent des betteraves, t’en reviens pas de voir ce batteur fouetter la peau des fesses psychédéliques avec une vélocité criante de swing véracitaire, t’en

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    reviens pas de voir ce bassiste remonter les flots à contre-courant sur sa cinq cordes, barrant des accords en forme de barrage contre le Pacifique, t’en reviens pas de tous ce blasting flash et de toutes ces interactions entre les deux virtuoses, t’as l’impression de voir le rock renaître de ses cendres à chaque instant, t’es sidéré de toute cette affabulation lysergique précipitée dans l’écume d’Hokusai, ces mecs redonnent vie à un genre qu’on croyait éculé par tant d’abus, et du coup, le psyché remonte à la pointe du progrès, plein de vie, gorgé de sens, hallucinant, en avance

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    sur tous les peine-à-jouir, loin devant, t’as pas idée. Rarement un groupe aura autant fasciné la cave, ils n’ont même pas besoin de chanter, le dragon suffit, on attend juste qu’il se manifeste, et on va le voir cracher du feu jusqu’au bout du set. Il fait une chaleur à crever et t’es complètement flabbergasted. Pas d’autre mot possible.

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             Tu ramasses leur nouvel album au merch, Yosuieiho - Tö Yö Live At Shindaita Fever. T’auras pas exactement le dragon sur ce live, mais un simili-dragon, c’est déjà pas mal. Deux longs cuts sur chaque face. Leur «Jam» monte lentement, comme toutes les bonnes jams. Ils se la jouent délicate, en attendant le passage du Cap Horn. C’est très dedicated to the followers of the hollow.   Les Japonais jamment dans la soie, puis ça vire Krakatoa au Cap Horn, et là tu dis quoi ? Tu dis oui, mille fois oui, car ça valse dans les bastingages, le psyché krakatoate à gogo, ça Tö-Yöte dans les tuyaux, t’en as pour ton billet de trente. S’ensuit la très belle tension psyché d’«Untitled #1». Dans leur genre, ce sont des cracks, ils bouffent le psyché tout cru, ça croque de l’électron. Ah comme elles sont belles, ces interactions de poux, nos deux gratteurs s’en donnent à cœur joie, ils génèrent de longues giclées éjaculatoires. Tu veilles, tu penses à tout rien, tu écris des vers de la prose, tu dois trafiquer quelque chose en attendant le jour qui vient, sachant bien que près du passé luisant, demain est incolore. Ils attaquent leur B avec la belle exotica de l’«Untitled #2», un Untitled un brin Kill Bill, doux et floconneux comme la Seine sous le Pont Mirabelle. Puis avec «Li Ma Li», ils s’en vont brasser l’écume des jours à gestes larges, ça bassmatique aux galères, sur un beat lourd et lent, il n’existe rien de plus psyché sur cette terre que cet Untitled, c’est même du psyché limande dont la platitude s’étend à l’infini. Puis, sans prévenir, ça vire thermonucléaire avec une plongée en abysse, t’as le meilleur psyché du coin, ça bouillonne d’énergie avec un beat rebondi qui n’en finit plus de t’uppercuter sous le menton, les spasmes chevauchent les vagues qui percutent les storms de plein fouet. Cette affaire-là va très loin. 

    Signé : Cazengler, Tö Tö l’haricöt.

    Tö Yö. Le Trois Pièces. Rouen (76). 16 juillet 2025

    Tö Yö. Yosuieiho - Tö Yö Live At Shindaita Fever. Not On Label 2025

    Concert Braincrushing

     

     

    Wizards & True Stars

    - Le rock à Billy

    (Part Seven)

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             Après l’épisode Headcoats, Wild Billy Chidish repart de plus belle avec les Buff Medways, c’est-à-dire Johnny Barker et Wolf Howard. Ils virent les casquettes Sherlock et revêtent des uniformes anglais de la guerre de 14. On verra même Wolf porter un casque à pointe, histoire de bien rigoler avec la paraphernalia militaire. Buff Medways, c’est 5 albums, entre 2001 et 2005. Big Billy entre avec Buff Medways dans sa période Who/Hendrix.

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             This Is This est sans le moindre doute le plus hendrixien des albums de Big Billy. «Cross Lines» est une fabuleuse resucée de «Crosstown Traffic». Il recrée littéralement le mythe. Il monte aussi «Don’t Hold Me Back» sur les accords de «Fire». Même fin en soi à coups de let me stand by your fire, et t’as même la plongée en enfer. Ils sont encore en pleine hendrixité des choses avec «Till The End Of Time» et ils font monter plus loin «Don’t Give Up On Love» à l’hendrixienne, les chorus sont du pur jus d’Are You Experienced. Dans «Till It’s Over», tu crois aussi entendre dans les ponts des échos de let me stand by your fire. C’est un son très chargé, Big Billy y case tous les riffs hendrixiens qu’il a pu choper. Et puis rien n’est plus in the face que ce «No Mercy» d’ouverture de bal. C’est du mayhem ultime. Itou pour «This Won’t Change», attaqué au riff de basse sixties, un véritable chef d’œuvre d’attaque frontale. Et dans le morceau titre qui boucle le bouclard, Big Billy réussit l’exploit de sonner comme Richard Hell dans Dim Stars.

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             On sent une nette poussée vers les Who dans Steady The Buffs. Ils reprennent d’ailleurs «Ivor», qui n’est autre qu’Ivor The Engine Driver, qu’on entend via The Ox dans «A Quick One While He’s Away». Alors Big Billy tape en plein dans l’œil de la cocarde, avec des chœurs de folles, de l’énergie foutraque, et le moonisme de Wolf, tout y est ! Summum du genre ! Encore plus Whoish que les Who - You are/ Forgiving - Explosif ! Encore du killer Whoish avec «Strood Lights». Big Billy a fait ça toute sa vie, alors pas de problème. Il tape ensuite le «Misty Water» des Kinks en mode Buzzcocks. Rien ne peut arrêter Big Billy sur le chemin de la grandeur marmoréenne. Son «Well Well» n’est autre que le vieux «Baby Please Don’t Go» et il s’adonne à la suite à l’une de ses spécialités, le super-blast, avec «You Piss Me Off». Et le «Toubled Mind» qui ouvre la balda n’est autre que le vieux «Trouble Times». Il le recycle. C’est de bonne guerre. Il ne rate pas l’occasion de pousser l’un des plus beaux wouahhhhh de l’histoire du rock, histoire d’introduire un killer solo flash d’antho à Toto. Johnny Barker bombarde tout ça de bassmatic impénitent. «Archive From 1959» est purement autobiographique - Started school/ In nineteen/ Sixty five - Punk rock baby ! Et puis «Sally Sensation» va t’en boucher un coin. Les Buff Medways sont alors le plus puissant power-trio britannique.

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             Encore un wild wild wild album des Buff Medways : 1914. Triple hommage aux Who avec «Unable To See The Good» (pas de pire explosivité ! Coup de génie faramineux), «Just 15» (monté sur un bassmatic exubérant) et «Saucy Jack» qui n’est autre qu’«Happy Jack». Avec ça, t’es calé, mais il y a encore de la viande à avaler, comme par exemple ce vieux «All My Feelings Denied» qui date des Headcoats, monté sur une carcasse des Sonics. Big Billy indique qu’«Evidence Against Myself» est recorded live in the front room - The song is about my nature: I find a speck of dirt in my heart and hold it up for all the world to see - Et puis t’as «Nurse Julie» - Nurse Julie/ please talk to me - Complètement dévastateur, avec un killer solo tranché dans le vif, puis dans le riff. Tu tombes plus loin sur «Barbara Wire», un shoot d’heavy British Punk, très Buzzcocks. Avec «You Are All Phoneys», il dénonce tout le bordel - Rock stars/ Are phoneys - Il se paye un killer solo d’étranglement convulsif sur «Caroline». C’est sa grande spécialité. Sur l’encart, Big Billy indique qu’il enregistre avec deux micros - We don’t hide behind volume or celebrity - Et il déclare ceci qui vaut son poids d’or du Rhin : «We are not a rock group, we are not an garage rock group, we just play rock n roll in the tradition of Link Wray, British r’n’b and early punk.» À quoi il ajoute : «We are just happy to be good at what we do, we don’t need celebrity or all that junk. The Buff’s don’t go to parties et ne fréquentent pas les gens qui pourraient nous aider, on ne veut pas que nos chansons soient utilisées pour la publicité de bagnoles inutiles ou de marques de fringues qui font travailler les gosses with no piss break. We’re anti cool and plan to remain nobodies. Go and tell your friends that you’ve heard a real rock n roll group. May all beings be happy.» L’anti-star Big Billy signe ça en 2003.

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             Medway Wheelers est encore plus Whoish que 1914. Le solo d’«A Distant Figure Of Jon» est du pur Pete Townshend, et le bassmatic dévorant du pur John Entwistle. Big Billy attaque «Medway Wheelers» à la pure Whoisherie, c’est complètement enroulé dans «Substitute» et Graham Day te bassmatique ça en profondeur. Ils attaquent «Private View» aux chœurs des Who, c’est réellement explosé de chœurs et de Wolfmania : Wolf bat exactement le même beurre que Moonie. Rrrraplaplapla Rrrataplac ! En fait, Big Billy mélange les Who avec des stances à la Johnny Rotten. Il recycle aussi son vieux «The Man I Am» et l’attaque cette fois au riff proto. Big Billy n’en démord plus. C’est le roi de l’attaque frontale. Avec «Karen With A C», on voit bien que Wolf bat comme Moonie. Rrrraplaplapla Rrrataplac ! Big Billy chante son «22 Weeks» comme un vieux punk qui aurait trop écouté les Who. C’est bien enfoncé du clou ! On entend les accords de «My Generation» dans «Dustbin Mod». Graham Day fait encore des étincelles en B avec «You’re Out The Band Sunshine». On croit entendre la basse des Equals. Il te cloue bien la chouette à la porte du beat. Et puis tu vas te pourlécher les babines de ce «Poundland Poets» monté sur le beat du fondamental «Last White Christmas» des Basement Five. Que peux-tu attendre de plus d’un album de rock ? Rien.  

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             Pas question de faire l’impasse sur The Xfm Sessions. Tu sais pourquoi ? Parce que tu y trouves la seuls version enregistrée du «Fire» de Jimi Hendrix, que Big Billy joua au temps d’avant au Nouveau Casino. C’est l’une des covers définitives de l’histoire des covers, comme si l’élève dépassait le maître, et quel maître ! Cet album live est complètement Whoish, tu y retrouves «Strood Lites» que lance Johnny Barker au big bass drive, t’as aussi une cover d’«ATV», Action!/ Time!/ And vison !, il s’amuse bien le vieux Billy ! Wolf te bat sec le vieux «Troubled Mind», et Graham Day prend la basse pour bombarder «What You Got» et ramener des chœurs Whoish. C’est encore lui qui bassmatique «David Wise» et «Fire». Ce concert au Nouveau Casino fait partie des meilleurs souvenirs de concerts, avec ceux des Who à la fête de l’Huma et des Heartbreakers au Bataclan.

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             Nouvel épisode de la saga childishienne avec les Spartan Dreggs. Big Billy garde Wolf dans l’équipe et s’adjoint les services de Nurse Juju et de l’excellent Neil Palmer, qui du coup prend le lead, chant et guitare. Big Billy passe à la basse. Alors autant le dire tout de suite : les quatre albums des Spartan Dreggs sont un fantastique hommage aux Who. 

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             Sur Forensic R’n’b, t’as 7 cuts qui pourraient figurer sur un album des early Who. Ça commence avec le morceau titre en ouverture de balda. Ça a le mérite d’être clair : en plein dans le full blown Whoish, les Dreggs poussent l’art des Who dans les orties, même les chœurs sont purs. Et derrière, tas le bassmatic de Big Billy qui pétarade comme ce n’est pas permis. Palmer qui baigne les golfes clairs passe un petit solo inverti dans «The Ocean River Runs Around The Edge» et ça repart en mode infiniment Whoish avec «Tower Block» - My baby lives in a crumbling tower block - Neil Palmer est un puissant leader. «The Fishing Tameraire» est le Temeraire des Singing Loins. Ça joue de partout. Neil Palmer is all over. Et ça ré-explose de plus belle avec «Our Strange Power Of Speech», éclatant d’attaque frontale, avec des rosaces de solace, Maximum Forensic R’n’B ! Fais gaffe, la B va t’envoyer au tapis. Boom dès «Intertidal Marshland». Un mec siffle à l’intro comme chez les Dolls et ça part en mode power-blast. Retour aux Who avec «The Charcoal Burners Lament», ils raccordent les cocotes de Ricken avec des solaces étiolées. C’est glorieux. On reste dans l’éclat des Who avec «Scout-A-Boo» et de fantastiques montées aux chœurs. Ils font du rock Quadrophoniaque. «Are You A Wally?» sonne comme un hit de 1965 : Maximum R’n’B au Marquee ! Wolf a l’intelligence du beurre de Moonie, il recrée toutes les dynamiques explosives et Big Billy, via son tugboat bass, recrée le ramdam de The Ox. Alors le tour est joué. 

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             Hélas, Deggradation n’est pas aussi bon que le Forensic R’n’B. Ils sont dans un trip plus héroïque. Don Craine des Downliners Sect signe un petit texte au dos de la pochette, histoire de rappeler l’importance des Tales of the heroic age - From the Iliad to the Irish Mythological Cycle 1 - Le son s’en ressent. Big Billy fait du prog héroïque et ça coince, même si on retrouve le power pur dans «Grimen Mire». Big Billy rentre dans le chou de l’heavy heroic prog. On sauve encore «The Goose Girl» en B, mais pour le reste, ceinture. Palmer chante tout à la surface des golfes pas très clairs, comme dirait Bashung.

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             Histoire de bien brouiller les pistes, Big Billy fout un avion sur la pochette de Coastal Command. Encore quatre hommages aux Who : «A Shropshire Lad» (bardé d’éclats étoilés), «Punk Before Chips» (Punk before chips/ On Radio Six/ We’re the Spartan Dreggs!), «Transcending Utter Deggradation» (en plein dans le mille de la cocarde) et «We’ve Written Our Song (And Done Our Duty)», avec tout le power et les chœurs de lads des Who. Les Spartan Dreggs sont sans doute le groupe le plus entreprenant de Big Billy. Il défonce les annales d’«Eli The Baker» à la basse fuzz. Power incommensurable ! Et en B, t’as le morceau titre qui fracasse le freakbeat, ça claque dans tous les coins, Big Billy n’a jamais été aussi flamboyant !  

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             Dernier spasme des Spartan Dreggs : Archaeopteryx Vs Coelacanth. Album complètement Whoish, et ce dès «The Fen Raft Spider», où Wolf ramène tout le ramdam de Moonie et t’as en prime tout l’éclat des chœurs de lads des Who. Pareil avec «The Drawing Down Of The Blinds», très Who Sell Out, puis «A Romance British Song» et «The Insulted Choir», pure pop de frustration sexuelle et de gros pif boutonneux à la Townshend. C’est délicieusement imparable. Sur «Oak» Nurse Juju fait de belles harmonies vocales par derrière. Cut confus, bien brouillé de la piste. «Cure Of Love» qui est plus Downliners opère un beau retour aux sources. 

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             Il existe un autre album des Spartan Dreggs, Tablets Of Linear B, mais il fallait découper les coupons de deux autres pochettes des Dreggs pour l’avoir, alors laisse tomber.

    Signé : Cazengler, Bluff mais ouais

    Buff Medways.

    This Is This. Vinyl JapanJapan2001                                                                          

    Buff Medways. Steady The Buffs. Transcopic 2002

    Buff Medways. 1914. Transcopic 2002

    Wild Billy Childish & The Buff Medways. Medway Wheelers. Damaged Goods 2005

    Wild Billy Childish & The Buff Medways. The Xfm Sessions. Damaged Goods 2007

    Wild Billy Childish & The Spartan Dreggs. Forensic R’n’b. Damaged Goods 2011

    Wild Billy Childish & The Spartan Dreggs. Deggregation. Damaged Goods 2012 

    Wild Billy Childish & The Spartan Dreggs. Coastal Command. Damaged Goods 2012

    Wild Billy Childish & The Spartan Dreggs. Archaeopteryx Vs Coelacanth. Squoodge Records 2015

     

     

    L’avenir du rock

     - Zement c’est dément

             L’avenir du rock s’est encore fait ramasser par la Gestapo. Ces ordures ont tout essayé sur lui, mais rien n’a marché, ni les coups de barre à mine sur la bite, ni l’arrachage des ongles à la pince becro, ni le rat lâché dans sa culotte, ni les pieds plongés dans la friteuse, ni l’accrochage au plafond par les oreilles, ni l’obligation de manger le caca de l’Oberführer avec du ketchup, rien ! On ne parle même pas de la baignoire, du chalumeau ou des prélèvements de peau au scalpel, soi-disant pour lui fabriquer un abat-jour en souvenir. Chaque fois qu’on lui demande s’il connaît le chef de la Résistance, l’avenir du rock dit non, alors l’Oberführer lui dit qu’il ment, et comme l’avenir du rock déteste se faire traiter de menteur, il glapit :

             — Zement pas !

             Alors les brutes redoublent d’ingéniosité. Ils lui tatouent des croix gammées sur le front, ils le marquent au fer rouge sur les joues, ils lui greffent des boulons rouillés sous la peau.

             — Zement pas !

             Ça finit par les écœurer. Si vous souhaitez écœurer des bourreaux, suivez la recette de l’avenir du rock :

             — Zement pas !

             Ils finiront par en avoir marre avant vous.

             Ils essayent une dernière fois. Ils font venir un taureau pour sodomiser l’avenir du rock, puis ils l’enferment à poil dans un congélateur pendant une nuit entière et le réveillent en lui balançant l’huile bouillante de la friteuse dans la gueule, puis ils lui cousent une fermeture éclair sur la bouche pour qu’il la ferme quand il dit «Zement pas», puis ils tentent de lui greffer des nibards pour faire honte à sa masculinité, mais rien n’y fait.

             — Zement pas ! 

     

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             Tout le monde l’a bien compris : l’avenir du rock est prêt à faire n’importe quoi pour assurer la postérité d’un groupe dément comme Zement.

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             C’est une soirée à la cave qui va te remonter le moral, après le désastre binicole : Zement, en première partie des petites coquines argentines de Fin Del Mundo. Nous les saluerons un peu plus tard. En attendant, parlons un peu de Zement : des Kraut allemands, deux Johnny casquettes et un gros bassiste qui joue très peu. Celui qui gratte ses poux derrière un immense synthé germanique s’appelle Philipp, et comme on dit, l’habit ne fait pas le moine. Quand il arrive sur scène derrière son gros synthé et sous sa casquette, tu ne lui accordes pas la moindre chance. Tu te dis chouette, on va aller siffler une jupi vite fait au bar. Te voilà pris une fois encore en flagrant délit d’apriorisme, car Philipp est un crack : (long) cut après (long) cut, il réinvente un

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    genre qu’on prend difficilement au sérieux, le kraut de bic, sauf quand c’est Can the Can. Quand il est bien joué, le kraut de bic peut te monter au cerveau, et dans le cas de Zement, c’est exactement ce qui se passe. C’est le genre musical le plus insidieux de tous. Tu ne te méfies pas et soudain te voilà baisé. C’est exactement la même chose lorsque tu traînes avec une nympho : tu ne fais pas gaffe et soudain, tu t’aperçois qu’elle a mis la main dans ta culotte. Et il est trop tard. Zement t’engloutit, Zement te laboure, Zement t’assimile, Zement t’éclate au Sénégal, Zement te colonise, Zement t’asservit, Zement t’embarque pour un aller simple, Zement crée son monde, ce mec Philipp devient a hero just for one day, il gratte des poux qui prennent feu, il tellurique ta mère, il fait des grimaces d’un hérétique qu’on charcute au tison, et à sa droite, son pote Christian Budel bat une sorte de beurre de jazz somptueusement désarticulé, qui prend une tournure hallucinante lorsque Philipp embouche un sax pour Coltraner son kraut de bic, et franchement, tu te demandes vraiment ce que font ces deux superstars, ici, au fond d’une cave, en plein mois d’août. Ce qui t’affole le plus, c’est de voir que très peu de gens profitent de tout ce talent. On doit être une

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    petite vingtaine d’happy few, alors que t’avais des milliers de personnes qui assistaient à l’étalage de la daube binicole. Par ici, on appelle ça le monde à l’envers. C’est la même chose que de faire passer Kim Salmon AVANT Cash Savage, au Petit Bain. On vit aujourd’hui dans ce monde. Le plus difficile est de s’habituer à cette idée du monde à l’envers. Pour certains, ça ne sera pas possible.

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             En attendant, écoutons le Passenger que Philipp était tellement fier de vendre l’autre soir. Une fois passé le cap des deux premiers cuts, t’arrives au paradis de Philipp : «Making A Living» sonne comme de l’exotica germanique, ça monte doucement en pression hypnotique. L’hypno, ça marche toujours. Philipp est un fieffé musicologue, il ramène du sax sans sa soupe. Il exhorte au take off dans «Journeys To A Beautiful Nowhere». C’est vraiment très insistant, il gratte ses poux derrière ses machines, il installe un Wall of Sound derrière les spoutnicks. Puis il se fâche avec «Back To My Looping Cave». Il gratte les poux du diable et là ça devint sérieux, il se révèle tel qu’on l’a vu sur scène, un vrai killer, il en fait des kilos et bascule dans l’hyper violence, avec toute la dynamique du back to/ My looping cave, et ses poux prennent feu. Là ça devient extrêmement sérieux, Philipp fout le feu au Kraut, ça prend une tournure apocalyptique, l’effarant Christian Budel pulse tout ça au beat hypnotique. C’est avec «The Night We Saw The Holy Ghost» qu’il sort le sax d’Ornette et derrière, Christian bat le beat désarticulé avec la classe d’un squelette des catacombes. C’est du free à la dérive astrale. Diable, comme ce mec est brillant, il lance sa machine et fait haleter le sax, il a tout compris. Ça respire intensément, en free form, il se laisse complètement aller et t’as le vrai truc, au-delà du kraut de bic et des étiquettes à la mormoille. Il monte son free form en neige et comme Ornette, il te drive ça dans la nuit.

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             Intrigué au plus haut point, tu fous le grappin sur l’album précédent, Rohstoff, paru en 2021. C’est un pur album d’hypno. Mise en bouche avec «Goa», Christian Budel te bat ça dru, alors Philipp développe sa petite ambiance ambivalente. Le Goa s’accroche à toi comme un gros cancrelat hypnotique. T’as un beau drive de basse sur le «Soil» qui suit. Wow, ça zoue chez Zement, Philipp agrémente son hypno d’ambiances synthétiques extrêmement persuasives. Tout se tient sur Rohstoff, «Seine» aussi. Tout s’aboutit en toute logique, l’hypno t’obsède, tout s’absout, tout s’étire, tout s’admet, tout s’y met, tout s’omet et tout s’amène. Ils font du bon Can dira-t-on avec «Entzucken». Même power hypno, c’est subtil et bien pensé. Il ne se passe rien en surface, tout se trame dans l’attitude de la latitude, pas facile à expliquer. C’est du big bersek. Philipp sait monter son hypno en neige. Il regagne la sortie avec «Atem», une belle petite cavalcade. Tout est bien sérié, bien calibré, bien en avant toutes, tout est soigneusement délibéré, bien à dada sur le bidet, bien sanglé de frais, libre de toute contrainte, enclin à l’enclume. La claquemure est totale.

    Signé : Cazengler, Zement comme un arracheur de dents

    Zement. Le Trois Pièces. Rouen (76). 5 août 2025

    Zement. Rohstoff. Crazysane Records 2021

    Zement. Passengen. Crazysane Records 2025   

    Concert Braincrushing

     

    Inside the goldmine

     - Wheels on fire

             Will était ce qu’on appelle un surexcité. Et quand on a dit ça, on n’a rien dit. Il semblait écumer en parlant. De grosses veines saillaient dans son cou. Il répétait plusieurs fois la même phrase, et souvent, il claquait la table du plat de la main pour appuyer le dernier mot, avant de repartir dans une autre diatribe. Il avait les manies d’un speed-freak, mais ces sautes d’humeur répétitives semblaient naturelles, chez lui. Il avait ce qu’on appelait autrefois un tempérament sanguin, mais avec quelque chose de profondément malsain en plus. Tu te demandais parfois s’il n’allait pas te frapper. Ses mains volaient en permanence et il te fixait d’un regard noir. Comme tu fréquentais sa belle-sœur, il indiquait d’un ton menaçant à peine voilé qu’il valait mieux «que ça se passe bien avec elle», t’avais presque envie de rigoler, mais en même temps, tu sentais qu’il valait mieux éviter, car il était tellement imprévisible qu’il pouvait mal le prendre. Pour bien compliquer les choses, il avait pris la fâcheuse habitude de se pointer en pleine nuit. Quand on entendait tambouriner à la porte, on savait que c’était lui. Il savait qu’on était là car il avait vu la bagnole en bas. Il entrait, allait directement dans la cuisine chercher des bières et s’installait dans le canapé. Tu savais que tu n’allais pas pouvoir retourner te coucher. Il valait mieux essayer de prendre les choses du bon côté et faire semblant de s’intéresser à ses vitupérations intempestives. Et pour corser l’affaire, il guettait le moindre signe de malaise chez les autres, histoire de balancer un truc du genre : «Vazy, dis-le si ma gueule te revient pas !», ce qu’il fallait bien sûr éviter, car l’agressivité montait d’un cran et on le voyait serrer les poings, ce qui n’était pas bon signe. Il ne cherchait qu’une chose, en réalité : un prétexte pour frapper les gens qu’il n’aimait pas. Et à part lui-même, il n’aimait personne.

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             Avoir Will dans ton salon peut poser un problème. C’est tout le contraire avec Wheels. Will et Wheels n’ont qu’un seul point commun : l’art de créer de la tension, mais pour le reste, c’est le jour et la nuit : on accueille Wheels à bras ouvert, alors qu’on pousse un soupir de soulagement lorsque Will quitte les lieux.

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             Si tu veux écouter les Wheels, le mieux est de rapatrier la compile Big Beat sortie en 2012, Road Block. L’album fait partie des passages obligés, c’est-à-dire des albums indispensables, si tu en pinces pour le raw. Au dos du Big Beat, Grant Forbes amène quelques infos datées de 1966 (?) sur les Wheels. Il rappelle que le groupe vient du même endroit que les Them, Belfast. Puis ils sont allés s’installer à Bristol pour tourner dans le Nord de l’Angleterre. Les Wheels doivent leur réputation sulfureuse à Rod Demick et à sa «fantastic blues voice». Le mec au crâne rasé sur la pochette est l’organiste Brian Rossi, qui voulait se distinguer des «hordes of would-be

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    long-hairs». Les Wheels signent sur Columbia et sortent un premier single qui est une cover de «Gloria». C’est dirons-nous la cover des Athéniens qui s’atteignirent. Ils sont en plein dedans ! Leur deuxième single sera «Road Block» qui donne son titre au Big Beat. Tu y retrouves la tension des Them et le big bass sound, c’est du hot as hell. De l’autre côté de ce deuxième single, t’as «Bad Little Woman», un chef-

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    d’œuvre protozozo inspiré par la transe de Gloria. C’est de la pure folie d’its alriiiiite. Forbes indique que le single circula aux États-Unis et qu’il tomba dans les pattes des Shadows Of Knight qui s’empressèrent de le reprendre sur Back Door

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    Men. Et pour leur troisième et dernier single, les Wheels tapent une cover du «Kicks» signé Mann & Weil et popularisé par Paul Revere & The Raiders. Bizarrement, les Wheels en font un version poppy popette. Sur le Big Beat, tu croises une autre horreur, l’«Im Leaving» d’Hooky, et ça retombe en plein dans les Them, le Rod y va au that’s my home !, avec un final en mode Them apocalyptique, c’est du pur proto-punk digne de «Crawdaddy Simone». Déterré aussi, voilà «Send Me Your Pillow» un shoot de British beat chauffé à coups d’harp. Ce Big Beat est un vrai must ! On y croise aussi une mouture poppy du «Call My Name» de James Royal. Quatre bombes, c’est déjà pas mal pour un Big Beat.  

    Signé : Cazengler, Vil

    Wheels. Road Block. Big Beat Records 2012

     

    *

    Je ne pouvais pas rater ce concert. Jusqu’à ce que n’apparaisse son affiche j’ignorais jusqu’à l’existence de ce groupe, mais son seul nom raviva en moi un souvenir frémissant de lecture, une scène sise en Le Spectre aux balles d’Or, la suite de La Mine de l’Allemand Perdu, le douzième épisode des aventures du Lieutenant Blueberry, un scénario qui aurait été inspiré à Jean-Michel Charlier et Jean Giraud par le film L’or de MacKenna, un beau western (1969), je vous recommande la version française (Part 1 & Part 2) du générique, chantée par Johnny Hallyday, l’un de ses meilleurs titres.  Autre source d’inspiration  Les Chasseurs de Loups et Les Chasseurs  d’or de James Oliver Curwood. Tant que l’on cause de Curwood, allez faire aussi un tour sur son chef d’œuvre : Le Piège d’Or.

    Je vous résume succinctement la scène : un crotale criminellement introduit au fond d’une botte… Vous ne vous étonnerez donc pas si le groupe se nomme :

    SNAKES IN THE BOOTS

    3B

    (Troyes - 08 / 08 / 2025)

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    Sont trois, placidement alignés au fond du bar, z’ont de l’espace, vu la chaleur quasi-caniculaire l’on se dit qu’ils ont de la chance, un de plus z’auraient été serrés comme dans une cocote minute. En fait c’est nous qui avons eu de la veine, un vrai filon d’or, mais comme ils n’avaient pas encore joué une note, on ne le savait pas. Guitare, rythmique, contrebasse. Chanteur ? Vous voulez rire. D’abord ils n’en ont pas besoin. Ensuite tout le monde sait que le rockabilly ne se chante pas. Ne commettez pas un raisonnement stupide, non ce n’est pas un groupe instrumental. Le rockabilly a juste besoin d’un interprète. Ils en ont un. S’appelle Thibaud Lefaix. En trois titres l’a mis les pendules du rockab à l’heure. L’on en a oublié que ses doigts couraient sur la rythmique. Idem pour ses deux acolytes qui le flanquaient, un sur sa droite, un sur sa gauche. Ne vous inquiétez pas, ils s’occuperont de nous tout à l’heure.

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    Le rockabilly man ne cherche pas à chanter, tout réside en la parfaite adéquation entre la voix et la volonté de cette voix qui ne s’enkyste  pas  dans la recherche stérilement abusive de  la note juste – ce qui ne veut pas dire que l’on se doit de rechercher la fausse.  Il s’agit de mimer non pas le sens des paroles mais de maintenir l’intention explosive de l’exposition du récit de ce qui est en train de fondre sur l’auditeur. Lefay ne chante pas, il monte, il descend, il dégringole, il tranche, il rassure, il entre en transe, il clapote, il serpente, il minaude, il gronde, il galope, il stoppe, il winchesterise, ii rebelote, il séminole, il vérolise, il bêle, il blatère, il baraque, bien plus encore, et tout cela chrono en main en deux minutes. Vous avez reçu entre les deux oreilles, un film d’action trépidant, un dessin animé déjanté, mais maintenant c’est fini. N’en demandez pas plus. D’ailleurs le groupe ne vous fait pas le coup de faire briller l’enjoliveur de la malle arrière. C’est fini, alors ils arrêtent de jouer. Vous surprennent à tous les coups. En moins d’une seconde l’instrumentation se met en grève. Plus rien. C’est ça le rockabilly, le petit Chaperon rouge n’a pas le temps de se promener, le méchant loup sort du bois et la croque illico sur un tapis de coquelicots. Pas le temps de vous remettre de vos émotions ou de pleurnicher, c’est Barbe Bleue qui prend la suite et trucide sa septième épouse d’un coup de poignard intrusif et définitif.

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    A la fin du deuxième morceau, l’on demande à Stéphane Ferlay de monter le son de sa double bass. On n’aurait pas dû, fairplay il s’exécute. C’était introduire le renard dans le poulailler, l’a maintenant a quadruplex bass entre les pognes. Quel boxeur ! Quel swingueur ! Quel tapageur ! Stéphane il ne picore pas, il chicore. Ouragan sur le Caine non-stop !  Les hordes d’Attila sont lâchées, là où elles passent les poils de vos oreilles ne repoussent pas, mais quel régal ! A lui tout seul il est les Percussions de Strasbourg. Il doit confondre les cordes de son instrument de douce torture avec celles qui délimitent les rings de boxe. Il tonne, attention il n’en fait pas des tonnes, il ne joue jamais au matou-vu perché sur le toit de l’église en feu, l’est tout comme Zeus tout en haut de l’Olympe, il domine le monde. Silence, le morceau est terminé. Oui mais lui il n’a pas fini. Non il ne touche plus à sa contrebasse. Celle qui tabasse. Alors il vous achève, de deux mots qui tuent. De rire. La réflexion qui flexionne vos zigomatiques. Un pince-sans-rire qui ne le vous fait pas dire. Géant débonnaire désopilant.

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    ( Photos : Régis Laine)

    Suite aux propos précédents, il semblerait que Mathieu  Clairvoy en soit réduit à la portion congrue. Pourtant l’on n’entend que lui. Et sa guitare d’or. Une midasienne, tout ce qu’elle touche elle le transforme en or sonore le plus pur. Pas le gars qui tire la couverture à lui. Toutefois il ne se passe pas deux secondes sans qu’il n’intervienne. Avec un tel à propos que ça ressemble à une intervention d’urgence. D’orgence devrais-je dire si vous acceptez ce  très mauvais jeu de mot. Je passerai sous silence ces soli au maximum de quinze secondes. Comment peut-il bouter le feu à la forêt hercynienne de nos sensations en si peu de temps ! C’est la stricte loi du rockab. Ou vous vous y pliez ou vous adoptez un autre style de musique. L’a un truc en plus. Les fioritures irremplaçables, la chantilly  à l’arsenic sur la glace aux marrons, ou la bouteille de champagne emplie de nitroglycérine pour baptiser le destroyer, l’a les doigts qui patinent dans le platine et les tubulures du cerveau qui carburent aux hydrocarbures de l’inventivité la plus pure, le mec vous fait pousser à la queue-leu-leu  des bao(rock)abs soniques dans votre ouïe, des clinquances fabuleuses, des ronronnements de dinosaure, des feulements de tigre mangeur d’hommes, méfiez-vous vous appartenez à cette triste espèce de bipèdes en voie de disparition, un styliste, pas de brouillon, aucune rature, en plus il vous sert la pâture sans esbrouffe, sans esclandre, à croire qu’il ne s’est pas aperçu de l’uppercut qu’il vient d’envoyer au public.

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    Trois sets. Le premier vous n’avez jamais entendu cela de votre vivant. Ou alors c’est que vous avez une belle collection sur vos étagères, du Johnny Burnette, du Don Woody, du Carl Perkins, du Sony Fischer, du Buddy Holly, pas du revival à la Stray Cats, pas à la revisitation Cramps, proximité authentique, mais rien de mortifère, d’académique, de naphtalinaire, ils ont saisi l’esprit et la racine, n’érigent pas de mausolée, insufflent de la vie, de l’entrain, de la joie, l’on sent qu’ils aiment ça, ne jouent pas au papier calque, ni du papier calcre. Pas de triche. Fontaine de jouvence.

    Deuxième set un peu similaire au premier, cependant une imperceptible différence, mais c’est en écoutant le troisième que l’on comprendra ce qu’il préfigurait. Poétiquement parlant, sont passés de l’octosyllabe à l’alexandrin.  N’ont pas chevillé des rallonges à la tablature, mais les résultantes harmoniques sont différentes. En mentant un max l’on dirait : ce fut un set instrumental. Bien sûr il n’en fut rien, du rockabilly sans voix c’est comme un baiser sans noire moustache et même plus grave sans Cadillac rouge. Simplement z’ont laissé les aller les abrupts chemins de traverse du rockab dans quelques sinuosités instrumentales, rien à voir avec les longueurs d’une symphonie, simplement laisser couler le flot torrentiel sur son aire pour jouir de la vitesse pure de son impétuosité natale.

    Bref une soirée d’autant plus inoubliable que les connaisseurs étaient nombreux dans le public. Béatrice la patronne sait choisir les serpents les plus sauvages. Faut avoir déjà été mordu pour apprécier les morsures à leur  démesure.

    Viennent de Bretagne. Géographiquement le renseignement est bon. Mais z’ont dû être transfusés avec de l’ADN des Appalaches.

    SNAKES IN THE BOOTS

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    Brown Eyed Handsome Man : c’est par ce morceau de Chuck Berry qu’ils ont débuté leur show au 3B, n’avaient pas le piano de Johnnie Johnson, alors ils ont plutôt regardé du côté de Buddy Holly et son magistral saupoudrage de guitare, oui les pionniers c’est bien bon, mais faut parfois les booster pour les adopter à notre époque trépidante qui fonce vers sa propre autodestruction. Alors ils vous envoient un missile qui se dirige vers vous et vous fait exploser le palpitant. Devaient avoir un rendez-vous après la séance studio car ils sont pressés. Rien de mieux qu’une bonne baffée de gifles pour vous réveiller et vous avertir que vous n’avez pas vu passer le premier titre de cet EP dévastateur. You’re Barking Up The Wrong Tree : l’existe une compilation de Don Woody chez Bear Family, le titre est sorti en sorti en 1957, oui mais depuis les chiens aboient plus fort : si vous mettez en doute mes assertions éthologiques sur le comportement animal écoutez ce morceau, une espèce de piétinements de mille loups affamés qui foncent sur vous, et le meneur de la horde qui aboie à la lune qu’ils viennent de croquer. How come it : sur ce titre George Jones tangue salement comme un navire que l’océan submerge, nos serpents quittent leurs bottes et jouent au Léviathan, détruisent tout sur leur passage, ‘’hystérie collective incompréhensible toutefois fortement répréhensible dans un studio’’ a dû noter le commissaire alerté par les voisins sur son rapport. Red Ants in my Pants : Un original, apparemment des reptiles dans leurs pantoufles ne leur suffisaient pas, nous racontent un beau bobard qu’ils auraient des fourmis rouges (turgescentes ?) dans leur pantalon, perso aux bruits juteux (néanmoins délicieux) qu’ils émettent j’opterais pour un troupeau de brontosaures dans leurs salles de bain. Wild Wild Lover : un bel hommage à Benny Joy rockabillyman hyper doué, qui aurait pu, qui aurait dû… Dernière malchance, la camarde peu camarade ne lui a pas permis de profiter de la reconnaissance qui a pointé son nez à l’aube des années 80 : les Snakes en font une version torride, mais l’aspect gloomy de l’original aura votre préférence.

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             Un EP sauvage. Abattez sans sommation toute personne qui s’approchera de votre exemplaire à moins de douze mètres. Il est des plaisirs égoïstes qui ne se partagent pas.

    Damie Chad.

    P.S. : les deux derniers titres sont aussi disponibles sur le 45 t Snakes In The Boots sur Spare Time Records (FRS 011)sorti en mai 2023.

     

    *

             La vie de Maya Angelou (1928 – 2014) est un long fleuve torrentueux. Elle en décrit le parcours dans son autobiographie de sept volumes. Elle fut une activiste, une militante pour les droits civiques, sa vie mouvementée croisa celle de Malcolm X, de Luther King, de James Baldwin… des noms que nous avons déjà rencontrés à plusieurs reprises dans nos livraisons.

             Née pauvre et noire elle connut misère et petits boulots, prête à saisir toutes les occasions pour survivre. Notamment entraîneuse, danseuse et, détail qui nous intéresse particulièrement, chanteuse. Dans cette chronique nous nous pencherons sur le tome de son autobiographie qui conte cette période de son existence mais aussi sur les circonstances qui conduisirent plus tard au seul album musical qu’elle ait enregistré.

    CHANTER, SWINGUER, FAIRE LA BRINGUE

    COMME A NOËL

    MAYA ANGELOU

    (Noir sur Blanc Editions / 2024)

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             Le titre est attirant, avis aux amateurs de livres grivois il ne correspond ni aux saturnales, ni aux bacchanales qu’il semble nous promettre. Les amateurs de rock’n’roll se jetteront sur le QR code final ajouté par l’éditeur qui vous renvoie à une centaine de titres cités dans le bouquin, je ne cite que deux noms Wynonie Harris, John Lee Hooker, beaucoup de jazz aussi…

             Au début du livre Maya se voit proposé du travail par la patronne d’un magasin de disques. Bien sûr, défile toute une série d’albums que vous aimeriez posséder, mais là n’est pas la problématique. Elle est noire et son employeuse blanche. Qui fait preuve d’une attitude très déstabilisante. Tout dans ses actes démontre qu’elle est indifférente à la couleur de peau des clients et de sa vendeuse. Elle ne s’intéresse qu’aux individus. Voilà de quoi déconcerter une très jeune fille noire déjà mère d’un enfant.

             Toute la problématique des noirs américains, nous sommes à l’orée des années cinquante, vous saute à la figure.  Aujourd’hui nous dirions que les noirs se sentent racisés, ce qui ne veut rien dire car si les noirs sont racisés les blancs par simple contre-coup le sont aussi. Angelou se contente de décrire les stratégies des noirs vis-à-vis des blancs. Le passif de l’esclavage, OK ! Le poids de la ségrégation OK ! Mais malgré la lourdeur de l'handicap, les noirs subissent la dominance sociale des blancs mais en compensation ils exercent à l’encontre de leur monde clôturé une  indifférence totale. L’apartheid du pauvre en quelque sorte.

             Maya Angelou possède sa base-arrière de résistance mentale. Sa famille sa grand-mère, et sa mère qui lui ont transmis les rudiments d’une bonne conduite : l’on ne rencontre pas de problème dans son existence, si quelque chose vous pose problème, le problème c’est vous. Qui ne savez pas vous en dépatouiller.  En d’autres termes plus cruellement réalistes : affrontez les difficultés sans vous plaindre ou pleurnicher. Corollaire de ce conseil : Nécessité fait loi.

             Maya Angelou rêve d’un amant, mais aussi d’un mari. Elle en trouve un. Parmi la clientèle. Un blanc. Non, un grec. Sachez faire la différence. Un homme sérieux, qui travaille, qui s’occupe de son gosse qui bientôt l’appelle papa. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pas tout à fait. Elle finit par s’ennuyer dans son rôle de mère au foyer. Elle cherche un réconfort. Elle finit par le trouver. Non, pas un amant, Dieu en personne. Elle commence par fréquenter en cachette les diverses paroisses de son quartier. Une guerre idéologique couve dans le couple. Notre grec est athée. Pour elle retourner à l’Eglise, c’est retrouver une collectivité, du bruit, de la musique, du chant… mais surtout réintégrer l’ossature de la rédemption spirituelle du peuple noir. Les esclaves se sont assimilés au peuple hébreu de la Bible, prisonniers du pharaon ils n’ont pu traverser les aléas historiques que grâce à une fidélité exemplaire, à leur Dieu… Ce retour à la religion est d’autant plus curieux et symptomatique que Maya nous fait part de ses doutes quant à cette étrange mansuétude divine qui permet l’oppression de son peuple aimé…

             Une fois séparée de son mari la cellule familiale récupère le gamin pour qu’elle puisse travailler. Ce sera dans un cabaret, le Purple Onion, qui propose à sa clientèle des numéros chantés de striptease suggestif non intégral. Elle évitera ce genre d’attraction en proposant un numéro de danse. La direction insiste, en dehors de son passage sur scène elle devra se plier au rôle d’entraineuse. Question rémunération elle ne se plaint pas, toutefois pour un contrat en bonne et due forme elle devra adjoindre le chant à son attraction. Elle chante comme tout le monde mais ne sait pas placer sa voix, évidemment elle ne sait pas lire la musique… Le seul genre de musique sur laquelle  elle se sent capable, grâce à sa rythmique, de danser et de chanter lui paraît être le calypso. Elle sera présentée sous le nom de Miss Calypso.

             Le Purple Onion peut accueillir deux cents personnes. Elle parviendra à faire salle comble durant des mois… Nous devrions arrêter notre rapide résumé ici, car ensuite sa carrière se diversifie. On lui propose un rôle à New York dans une pièce de Truman Capote. Elle est acceptée mais elle refusera car elle est retenue pour la tournée européenne de Porgy and Bess l’opéra de George Gershwin (créé en 1935), la deuxième moitié du livre est consacrée à cette aventure intercontinentale, lecture passionnante pour tous ceux qui s’intéressent à la Musique américaine.

             La tournée s’achève, elle rompt son contrat avant les dernières représentations alertée par une lettre familiale : son fils âgé de neuf ans est gravement malade. Elle accourt à son chevet, maladie psychologique due à l’absence de sa mère. Elle lui promet de l’emmener partout avec lui. Le livre s’achève sur un contrat (très bien payé) qui spécifie un hébergement pour elle et son fils  à Hawaï. A croire que Maya Angelou est une vedette.

             Maya Angelou, est un véritable écrivain. Son récit est captivant. Peut-être en rajoute-t-elle un peu et en retranche-t-elle beaucoup… Mais en littérature tous les coups sont permis. Il suffit qu’ils soient exécutés avec style.

             Plus tard dans son existence elle partira en Afrique à la recherche des racines noires des noirs américains. Elle en reviendra dépitée mais convaincue que  la problématique du peuple noir des Etats-Unis ne pourra être surmontée que par le peuple noir d’Amérique, qui n’a plus trop rien à voir avec la situation des peuples noirs africains…

    MISS CALYPSO

    MAYA ANGELOU

    (Liberty  / 1956)

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             Soyons précis : Maya Angelou n’a-t-elle enregistré qu’un seul disque ? Oui et non. Parce qu’il existe une dizaine d’albums dans lesquels Maya Angelou lit ses poèmes. Elle est reconnue comme une des plus grandes poétesses d’Amérique.

              C’est vraisemblablement dans le tome suivant Chanter, swinguer, faire la bringue comme à Noël  qu’elle parle de l’enregistrement de son disque. Toujours est-il que la plupart des titres qu’elle cite lors de ces prestations au Purple Onion correspondent aux morceaux enregistrés sur cet album. Miss Calypso s’inscrit dans la lignée d’Harry Belafonte (né en 1927) surnommé King of Calypso qui sortit son album Calypso en 1956…

             La ressemblance des couvertures du livre et du disque est flagrante, celle du bouquin très classe, l’originale offre un décolleté davantage échancré…

    Maya Angelou : chant  / Al Bello : congas, bongos, drums / Johnny Tedesco : guitar.

    Run Joe : orchestration minimale, en comparant avec l’originale de Louis Jordan vous conviendrez que ce dépouillement permet surtout de mettre en valeur la voix de Maya Angelou mais avant tout de gommer l’aspect burlesque du morceau, certes ce n’est pas un drame shakespearien non plus, mais le vocal nous donne une sensation d’urgence inexistante chez son créateur. Oo-Dla-Ba-Doo : original de Maya, l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, juste l’envie de dire n’importe quoi, avec des percus derrière qui vous drossent le feu au cul. Scandal in the family : depuis

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    ( Toutes les photos tirées du film Calypso Heat Wawe (1957)

     dans lequel nous retrouvons Maya Angelou)

    l’adaptation française de Sacha Distel l’on ne saurait écouter avec sérieux ce scandale familial. L’original est d’Harry Belafonte. Mambo in the Africa : encore une fois gymnastique vocale, guitare téléguidée en sourdine, et la percu qui percute en douceur, le refrain est expédié sans frein. Since My Man Done Gone and Went : surprenant ça ressemble à un véritable morceau avec un début, un milieu une fin, y a même une intro mémorable (mais pas immémoriale) et un petit pont de guitare-jazzy, Maya  semble nous dire que la chanson n’est pas un simple assemblage syllabique, qu’elle aurait même peut-être un sens. Polymon Bongo : bongo partout, la musique polymorphe est faite pour remuer son arrière-train sur le polygone de tir, un bongo à vous rendre mongolo. Peut-être même bongolo. Neighbour, Neighbour :

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    un soupçon d’espagnolade caribéenne, très belafontien dans l’esprit, un voisin un peu trop entreprenant, rien de plus pour tenir la chandelle du vocal, les papillons de nuit s’y brûleront les ailes. Donkey City : non, ah non, Maya n’anone pas les syllabes, elle chantonne, elle ne tronçonne pas, elle ne hache pas, elle suit une ligne mélodique, à tel point que le morceau atteint presque les trois minutes, les percus filent doux, de la guitare s’échappent en douce quelques trilles de notes. Stone Cold Dead in the Market : attention à la concurrence sur l’original vous avez le combo de Louis Jordan mais celle qui partage le vocal n’est pas n’importe qui, Ella la diva Fitzgerald en personne, l’est vrai que cette dernière, pardon cette première, se met au niveau de Jordan, et non Louis à la hauteur d’Ella, la voix tranchante de Maya surplombe

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    l’original, l’est sûr qu’elle vient de tuer son mari ce qui lui donne du peps. Calypso Blues : de tous les titres précédents c’est le meilleur, emprunté à Nat King Cole, oui mais là où le roi Cole vous colle une chansonnette gentillette (écoutez en contre- exemple Havana Moon de Chuck Berry) Maya abandonne le calypso pour vous faire entendre le blues. Tamo : de quoi qu’elle cause on s’en fout, il y a ce mot Tamo qu’elle prononce de haut gosier, toute la force sur la première syllabe, toute l’énergie sur la seconde, vous n’entendez que lui, vous n’attendez que lui, elle aurait dû bannir tous les autres. Peas and Recel : Maya n’a peur de rien, encore une fois elle se confronte à Ella, qui nous concocte recette de cuisine à la sud-américaine avec trompettes bien embouchées. Celle de Maya est comme épurée, elle lâche ses mots à la manière de petits pois qui rebondissent dans la casserole, je ne prends pas de risque, pas match nul, mais match plein entre nos deux cuisinières au fourneau.

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    Down to Mexico (‘’Flo and Joe’’) : encore un truc volé à Nat King Cole, y’a pas photo, la guitare de Tesdesco enfonce le piano du brave Cole et la voix de Maya moins suave, davantage astringente mérite la palme. Push Ka Pee Shee Pe : Jordan possède sa fanfare, Angelou se contente de sa guitare jazz, Angelou n’a pas de de chœurs, sa voix lui suffit, elle est la trapéziste tournoyante dans les airs suspendue à quinze mètres du sol, Louis fait le clown au bas de la piste pour faire rire les enfants avec ses grosses chaussures rouges rutilantes comme des camions de pompiers…

              Tout compte fait je préfère les morceaux courts du début, genre d’exercice de gymnastique aux barres asymétriques qui essaient de se donner l’air de grandes chansons, même qu’’ils s’avèrent très souvent supérieurs aux originaux. Cet album s’écoute avec plaisir, mais il n’apporte rien de bien novateur.

    Damie Chad.

     

     

    THE COMPLETE RECORDINGS (2)

    THE CORALS

    (Around The ShackRecords 2020)

    THE LAST BUT NOT THE LEAST

             En novembre 1985 les Corals se réunissent pour enregistrer leur deuxième trente-trois tours. Le disque ne verra pas le jour. Il ne porte aucun titre, celui que nous lui attribuons sort tout droit de notre maladive imagination. Les morceaux devaient être réenregistrés, bien que le terme ne soit employé qu’une fois dans le livret ce sont en quelque sorte des démos. De véritables témoignages d’une époque qui s’achève… L’appel du rockabilly sera le plus fort pour Hervé Loison.

    Pierre Picque : lead guitar / Hervé Loison : bass guitar / Michel Francomme : rhythm guitar / Hubert Letombe : drums.

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    Hobo Rock : un soupçon de shuffle, normal, les hoboes sont les vagabonds du rail passagers clandestins des trains qui leur permettaient de traverser à les USA à la recherche de boulots (introuvables) de saisonniers… Ce sont les temps de misère noire, de la Grande Dépression, des luttes menées par les IWW… tout un pan de l’histoire souterraine des Etats-Unis. Le morceau roule tout seul, calibré à la perfection, mais au vu du titre l’on s’attendrait à quelques déraillements. Tribute To The Diggers : historialement un bond de quarante ans, nous voici avec les Diggers d’Emmett Grogan (lire son livre Ringolevio qui rend compte de cette épopée sociale) organisation anarchisante qui multiplia  spectacles, distributions de nourriture, lieux d’échanges dans le but de venir en aide aux populations de jeunes hippies attirées à San Francisco par l’idée d’une vie différente… le morceau jouit de quelques ruptures salvatrices, mais il paraît  bien en deçà de l’esprit de révolte activiste des Diggers. Spanish Guitar : qui dit guitare pense à l’Espagne, une manière pour les Corals de quitter les précédentes évocations sociales pour les vertiges égotiques de l’art pour l’art. Entre nous soit dit la veine espagnole n’est pas vraiment marquée, mais le morceau est de toute beauté. Une réussite qui démontre à l’excès que le groupe maîtrise désormais parfaitement son sujet. Coral’s Theme : vous convaincront de la justesse de notre approbation avec ce morceau de présentation : vous offrent la quintessence de ce que doit être un instrumental : d’abord la résonnance des cordes qui se doit de ne jamais être démentie ne serait-ce que d’un quart de seconde, enfin la présence de la batterie, jamais de prépondérance de m’as-tu-vu, toujours cette délicatesse d’effraction de gentleman-cabrioleur sur son pur-sang. Surfin Days : ici le son équivaut à la beauté du geste du surfer qui chevauche une grosse lame le sourire aux lèvres, la guitare et l’écume, la batterie et le ressac. Quand vous écoutez vous ne pensez plus aux filles aux seins nus sur la plage. Frankeinstein Hop ! : après les jours d’innocence les hurlements des nuits de terreurs, de l’ambiance, de l’adrénaline, des frissons, après le rêve, le cauchemar, ils se sont beaucoup amusés, vous envoient des giclées d’épouvante, un véritable film, vous ne vous plaignez pas de l’absence d’images, la bande-son est amplement suffisante. The Bullfighter : notre taureau de combat trotte allègrement dans les plaines herbacées de la country, la bestiole n’éventre personne, mais prisonnière dans le coral elle donne une impression de force tranquille que vous n’avez nullement envie de déranger. De toutes les manières elle vaque à ses propres affaires, aux coups de reins qu’elle donne doit être en train de saillir un troupeau de longues horns. Twangy Guitar : hé ! dis ! passage obligatoire à la duane quand tu te veux instrumentiste, pas question de rester en deçà de la frontière de la ligne séparation qui sépare les gratteux d’occasion de ceux qui caracolent sur les hauts de gamme, se plient à l’exercice avec imagination, ça twangue un max, mais chacun glisse sa propre lettre à la poste, ne vous laissent pas avec le résonnateur à fond la caisse, l’éloignent de temps en temps de vos tympans pour qu’il revienne en lonely cowboy encore  plus fort. California Road : une route pleine d’inconnu, vous démarrez avec le cœur qui twangue à mort, mais par la suite y a des coups de freins à vomir votre quatre-heures et virages desserrés surprenants. Je ne sais pas ce qu’ils ont fumé mais font preuve d’une imagination peu commune pour un combo purement  instrumental. Space Dreams : encore un incontournable à dépasser, le Telstar des Tornados qui en 1962 imposèrent non pas un son venu de l’’espace mais de l’imagination créatrice de Joe Meek… vous pouvez rêver mais il semble que les Corals aient confondu l’espace interstellaire avec les grands espaces, américains certes, toutefois le morceau le moins novateur de l’album. Coral Power : une belle cavalcade menée par le tambour d’Hubert, bien enlevée mais brève comme un coup de tampon ou un fer brûlant apposé sur la cuisse d’un animal pour lui montrer qui est le maître. Un paraphe de signature pour ceux qui possèderaient une âme sensible. Normalement ce titre devait clôturer cet album. Mac Bouvrie  tenait à écarter deux morceaux qu’il jugeait trop rockabilly. Dans leur infinie mansuétude, les Corals les ont rajoutés pour notre plus grand bonheur. Crazy House Bop : c’est vrai que ce Bop sent un peu trop Gene Vincent et vous avez des effulgences de guitare qui semblent sortir tout droit de Buddy Holly, des cris en sourdine inspirés de Dickie Harrell, et un rythme échevelé qui laisse à penser que nos instrumentistes regardent un peu ailleurs… Superbop ! Hot Foot Boogie : traversent leur boogie à trop grand pas pour être honnêtes. Le morceau dépasse à peine les deux minutes, le dernier tiers est un peu redondant. Peut-être n’ont-ils pas osé passer le Rubicon du rockabilly. Ne vous inquiétez pas, cela viendra bien vite. L’Histoire des Corals s’arrête-là.  

             C’est en octobre 2020 que les Corals se reforment à l’occasion de la mise en piste de ce Complete Recordings. Deux titres seront enregistrés.

    Fantastic Mac : morceau dédié à Mac Bouvrie disparu en 2014, d’autant plus hommagial que la plupart des enregistrements de son label sont malheureusement perdus. Trente-cinq ans plus tard the Corals n’ont pas perdu le son original mais l’est vrai que l’on peut ressentir des bribes de sonorité des premiers Beatles qu’affectionnait Mac Bouvrie. The Corals Bow Out : le dernier feu d’artifice, un peu Shadows, les Apaches sont en embuscade, les Corals tirent leur révérence.

             Nous n’avons fait qu’écouter les disques, si vous pensez avec raison que c’est une manière trop désincarnée, procurez-vous le CD, le livret vous racontera toute l’histoire des Corals. Photos et documents d’époque mais surtout le récit de leurs apparitions publiques avec les rencontres marquantes comme celle de Cavan Grogan

             Notons qu’Hervé Loison n’est pas le seul membre du groupe à avoir continué dans la musique. Hubert Letombe qui possède son propre studio d’enregistrement a particulièrement veillé à la qualité sonore  de ce Complete Recordings.

             Cette démarche est particulièrement importante quand on sait que les enregistrements des premiers groupes français du début des années soixante ne sont guère accessibles en leur intégralité…

    Damie Chad.

     

    *

    Quand j’entends le nom de Wanda Jackson, je ne peux m’empêcher à Phil des Ghost Highway qui l’accompagnèrent sur scène lors de sa dernière tournée en France, et de sa voix émue lorsqu’il me raconta comment elle se confiait et se raccrochait à lui dans cet étrange pays qui est le nôtre…

    The Gene Vincent Files #7: Wanda Jackson talking about the early days of her career and Gene Vincent

    L’on n’attend plus que Wanda, son orchestre fin-prêt sur la scène, on l’annonce, on ne verra pas, mais la voici assise, elle répond aux questions qui sont omises sur la bande-son, pour une américaine elle possède une voix très compréhensible, elle parle sans ostentation, on sent qu’elle a envie d’exprimer clairement ce qu’elle veut nous transmettre.

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    Le rock’n’roll a tout bouleversé. Nous les artistes, avions toujours enregistré des chansons avec l’intention de les vendre aux adultes. Mais à partir de 1955 ou 1954 le cirque a commencé.  Nous avons dû alors  évoluer et commencer à faire des chansons pour les adolescents et les jeunes. Car quand Elvis est arrivé sur scène, ce sont les jeunes filles qui achetaient les disques. Nous avons donc dû suivre le mouvement. C’était une période frénétique et confuse. Les artistes ne savaient pas quoi enregistrer. Nous cherchions à nous adapter. J’étais jeune à l’époque aussi. Tout ce que je sais c’est que c’était si frais et si nouveau. Ces chansons parlaient ou traitaient dans leur contenu de choses auxquelles un teenager devait se confronter. Les choses qui nous préoccupaient, les rendez-vous, les balades en décapotables, tout ce genre de choses, aller au bal de promo, et ainsi nous pouvions nous identifier à ce genre de chanteurs country appelés hillbilly, aucun d’entre nous n’aimait ce terme, mais c’est

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     comme cela qu’on les nommait. Mais quand Elvis jouait de la guitare et faisait ce nouveau style de truc, rien d’autre que du rock’n’roll, on a commencé à comprendre. Donc si vous jouiez de la guitare et chantiez ces chansons, vous étiez rockabilly. Il n’y avait probablement pas une très grande différence entre les morceaux, peut-être juste l’artiste qui les interprétait au début. Puis, bien sûr cela a évolué vers les années 60, les sons de la Motown, dans les groupes  ça a commencé à changer avec des concerts comme le Big D Jamboree à Dallas, puis il y a eu le Louisiana Hayride en Louisiane, le Town Hall Party en Californie, ces spectacles sont encore parmi les plus populaires aujourd’hui. Si vous pouvez mettre la main sur les vidéos, vous adorerez. Ce n’était pas difficile de jouer là-bas parce que j’étais un artiste country et la plupart d’entre nous l’étaient. C’étaient toujours du pur country. J’ajouterais simplement que je chantais Hard Headed Woman ou Let’s have a party. Rockabilly et Country sont comme des cousins germains, on peut difficilement avoir l’un sans l’autre, donc ils se mélangent très bien et je ne crois pas qu’aucun de nous ait eu des problèmes. Elvis Presley et moi avons eu des problèmes avec la grande vieille tradition qui était presque morte dans la région du coton et qui était très différente de ce que nous faisions et donc ce n’était pas une bonne expérience pour aucun de nous au début. J’ai signé avec Decca Records au bout de deux ans. J’étais encore au lycée mais je travaillais beaucoup avec Hank Thompson, je le considérais comme mon idole, il est devenu mon mentor, il était sur Capitol Records, donc pour moi Capitol Records était le plus grand label du monde et donc après que mon contrat

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    avec Decca a expiré j’ai signé, Hank m’a beaucoup aidé à obtenir un contrat, avec Capitol Records, c’était comme la réalisation d’une une utopie. En ce qui concerne les enregistrements de Capitol Records, j’ai enregistré sur la côte Ouest dans la fameuse Tower, puis à Nashville aussi. Du mieux que je m’en souvienne j’étais alors en tournée dans l’Ouest, j’avais besoin d’enregistrer, nous les artistes enregistrions beaucoup à l’époque, parce que nous devions produire  quatre singles et deux albums par an. En fait j’enregistrais à l’endroit où je me trouvais, on n’hésitait pas parce que les studios étaient  aussi bons l’un que l’autre.   Dans les années soixante on a commencé à utiliser davantage Nashville, je l’ai fait parce que le son de Nashville  était davantage apprécié par le public. Toutefois j’enregistrais quand même sur la côte, pour moi c’était un peu égal, mais Ken Nelson doit être le gars le plus gentil du monde, je veux dire qu’à travailler avec lui il pouvait vous apporter tellement ! Je peux dire que tout ce que j’ai appris sur l’enregistrement je l’ai appris de Ken, un grand producteur, je pense que ce que j’aime tant chez Ken, c’est que si je voulais faire une certaine chanson ou un certain type de matériel et qu’il ne comprenait pas pourquoi, il me permettait de le faire, il me disait ‘’si c’est ce que tu veux on va essayer’’, je ne pense pas que beaucoup de producteurs  soient capables d’agir ainsi, non je ne le pense pas. Je me souviens de la première fois où j’ai rencontré Gene Vincent, on était à une convention de disk jockeys, un très gros évènement à Nashville une fois par an, c’était le début de CMA, on l’a appelé ainsi plus tard, c’était une convention de DJ de tout le pays qui venaient rencontrer les artistes pour obtenir leurs disques et tout le reste, on a joué. Donc Capitol Records ainsi que toutes les autres maisons de disques avaient leur stand, toutes les portes étaient ouvertes, on pouvait juste aller et venir, ils offraient des boissons ou peut-être de l’eau, et on pouvait faire des photos. Donc Gene Vincent et moi nous nous sommes retrouvés au stand Capitol, on s’est rencontrés là pour la première fois, il était déjà

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    une grande star et je pense qu’on a fait une photo  je crois celle-ci (qu’elle montre du doigt derrière elle) mais je n’ai jamais eu l’occasion de travailler avec Gene, je suis désolée de ne pas l’avoir fait, mais c’est ainsi, je pense qu’il était comme tout le monde, nous étions de vrais gamins, nous nous amusions comme des fous, on faisait ce qu’on aimait et on devenait  célèbres et populaires, c’était tellement excitant, il était très sympathique, c’était agréable de lui parler, je me souviens, oui je me souviens, tu sais parfois, je ne sais pas comment les histoires commencent, c’est au

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     sujet de Let’s have a party, un mot là-dessus, je suppose que le son rappelait aux gens le groupe de Gene Vincent, les Blue Caps, je ne sais pas pourquoi exactement, tout d’un coup, j’entendais et je lisais des articles selon lesquels j’avais enregistré avec les Blue Caps, mais non c’était avec mon groupe et quelques musiciens de studio, au Capitol Tower que j’ai enregistré, ce n’était pas les Blue Caps. Oui, quand je pense à Gene Vincent je ne peux m’empêcher de penser à la première fois que j’ai fait une tournée en France. Nous avons vu les publications du journal et ils annonçaient que l’ouragan Wanda frapperait la côte ouest de la France pour ma tournée. Par la suite ils me surnommaient ‘’la Gene Vincent féminine’’ dans tous les articles qui me concernaient.  Je me demandais pourquoi. Je n’aurais jamais accepté d’être appelée l’Elvis Presley au féminin, ou quelque chose comme ça. Et voilà c’était imprimé. Mais ensuite j’ai compris grâce aux fans et aux gens avec qui j’ai travaillé. Ils répétaient que c’était le plus grand compliment que l’on puisse recevoir. J’ai dit comment se fait-il que les Français ne se soucient même pas d’Elvis. ni de Little Richard, ni de Chuck Berry ? Pour eux c’est Gene Vincent, donc être comparé à lui était le plus grand compliment qu’ils pouvaient vous faire . Que pensez-vous du fait, que les Européens, je pense que c’est bien connu, ne varient pas très facilement dans leurs habitudes, en tout cas  certainement pas aussi vite que les Américains. Nous, nous sommes tous toujours à la recherche de la prochaine grande nouveauté comme on dit, mais en Europe, ils chérissent ces, comment dire plus les gens sont vieux, plus les bâtiments sont vieux, plus les voitures sont de vieux modèles, ils continuent à aimer encore et encore, ils entretiennent ces vieux bâtiments de 700 ans et tout le reste, nous avons séjourné, dans des hôtels de cent ans toujours entretenus, au moins la structure, donc ils ne sont pas tellement si prompts à laisser partir quelque chose s’ils l’aiment, donc c’est une aubaine pour les artistes de cette époque comme moi parce qu’il n’en reste pas beaucoup, mais ils estiment vraiment ceux qui sont encore là et qui travaillent toujours, Jerry et moi et Sleepy Labeef, et beaucoup d’entre eux

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    parcourent les festivals. Oui quand nous avons appris que Gene Vincent était mort, je me souviens avoir pensé que c’était impossible, c’était que seulement à 35 - 36 ans il ne pouvait pas, ça devait être une erreur, et c’était assez dévastateur, parce que nous avions tous à peu près le même âge, et nous pensions qui si cela pouvait arriver, ça pouvait arriver à n’importe lequel d’entre nous, ce qui d’ailleurs est arrivé à certains, mais ce fut une grande perte pour l’industrie de la musique c’est sûr, cependant il a laissé beaucoup de bons souvenirs à beaucoup de gens et nous a laissé toute cette bonne musique qu’il a faite. 

    Damie Chad.

    Hank Thompson (1925 –2007) chanteur de country, bien qu’il fût admirateur du Western Swing de Bob Wills, il en proposa tout le long de sa carrière (quelques jours avant sa mort il était encore sur scène) une version un peu moins abrupte. Le rock’n’roll doit beaucoup au Western Swing.

    CMA = Country Music Assocciation, aujourd’hui nommé : CMA FEST, festival de musique country.

    Sleepy Labeef (1935 – 2019), chanteur de country et de rock’n’roll, tombé pratiquement dans l’oubli, le rachat des disques Sun par Shelby Singleton lui permit de revenir et de participer plus tard au renouveau du rockabilly.

    Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos