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  • CHRONIQUES DE POURPRE 699 : KR'TNT ! 699 : IMMEDIATE / EMBROOKS / BAD BANGS / ESTIVALERIES / GENE CHANDLER / JAKE CALYPSO TRIO / ACROSS THE DIVIDE / PATRICK GEFFROY YORFFEG / GENE VINCENT + JEFF BECK

     

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 699

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    28 / 08 / 2025

     

    IMMEDIATE / EMBROOKS / BAD BANGS

    ESTIVALERIES / GENE CHANDLER

    JAKE CALYPSO TRIO / ACROSS THE DIVIDE

    PATRICK GEFFROY YORFFEG

    GENE VINCENT + JEFF BECK

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 699

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Label bel bel comme le jour

    - L’immédiateté d’Immediate

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             Aux yeux des connaisseurs, Immediate reste le fleuron des labels du Swingin’ London. Parce que P.P. Arnold, parce que les Small Faces, parce que Chris Farlowe, parce que les Fleur De Lys, parce que Twice As Much, parce que Billy Nicholls. Et surtout parce qu’Andrew Loog Oldham. Dix ans avant les gens d’Ace, le Loog élevait son label au rang de mythe. Simon Spence raconte tout ça très bien dans un grand format sobrement intitulé Immediate, paru voici presque vingt ans et réédité depuis, sous une autre couverture. Le book est richement illustré, extrêmement bien documenté. Avec le temps, le jaune du titre et celui de la tranche ont pâli au point d’avoir presque disparu. L’éditeur a pelliculé, alors qu’il aurait dû prévoir un vernis UV. Quand ils ne sont pas protégés, le jaune et le rouge ne supportent pas la lumière crue qui rentre à flots dans la pièce où peut se dresser une bibliothèque.

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             Pour tout fan de rock anglais, ce grand format est un passage obligé. Spence brosse un beau portrait du Loog et de tout son roster. De la même façon que la Factory à New York, Immediate fut une usine à rêves. En 1965, c’est-à-dire au moment où le Loog monte Immediate, il est encore le manager des Stones. Il s’associe avec Tony Calder et décide de tout réinventer. Calder : «Our attitude towards the business in the UK was fuck them all, they were all old men.» Le concept est pur. Le Loog et Calder décident de se ré-approprier ce qui leur appartient : la rock culture. En même temps, le Loog construit sa légende urbaine. Il roule dans Londres à l’arrière d’une Chevrolet Impala bleue décapotée et drivée par le fameux Reg King. Keith Richards : «At a time when you didn’t see that many powder blue Chevys on the street.» Et Spence s’empresse d’ajouter que King et le Loog étaient bien évidemment «out of their heads on speed pills.»

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             Le Loog lance Immadiate avec l’«Hang On Sloopy» des McCoys, sorti aux États-Unis sur le label de Bert Berns, Bang! C’est Seymour Stein qui a présenté le Loog à Bert Berns. Spence décrit une party au Pickwick club de Soho, dont le patron n’est autre que Wolf Mankowitz, père du photographe des Stones, Gered. Parmi les convives se trouvent Linda Stein et Linda Goldner, la fille du fameux George Goldner qui fut l’un des magnats du Brill et l’associé de Leiber & Stollet dans Red Bird Records. Spence profite de l’occasion pour nous rappeler que Seymour Stein avait bossé pour Goldner au Brill. Et Linda avait été l’assistante d’Artie Ripp, boss de Kama Sutra Records, «hippest New York independant label», et, comme Goldner, en lien avec la mafia new-yorkaise. Sont aussi présentes Marianne Faithfull, «and Oldham latest discovery, ice queen Nico» - Faithfull et Nico, along with Oldham’s wife, Sheila, and Keith Richards’s girlfriend, Linda Keith, font tourner les joints de marijuana - Spence cite aussi «a young Steve Marriott who was hitting on Mick Jagger’s girl, Chrissie Shrimpton.» Les Stones et Pete Townshend sont là, bien sûr. La party célèbre la sortie de «Satisfaction» en Angleterre.  

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             Brian Jones avait rencontré Nico après un show des Stones à l’Olympia et avait flashé sur elle. Nico racontera par la suite que Brian la frappait et qu’un jour, il avait essayé de lui épingler une broche sur les lèvres vaginales. Et bien d’autres choses. Mais Nico se servait de Brian Jones pour approcher Oldham, qui connaissait sa réputation et qui savait qu’elle avait tourné pour Fellini dans La Dolce Vita. Le Loog la signa à Los Angeles pendant qu’il enregistrait «Satisfaction» avec les Stones. Il emmena Nico aux gogues pour lui faire sniffer «a line of high-grade speed». On va retrouver Nico et Brian Jones à Monterey. Ils louent une baraque en ville avec le Loog et sa femme Sheila. Brian était là pour présenter des groupes sur scène.

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             Nico enregistre l’«I’m Not Sayin’» de Gordon Lightfoot sur Immediate. Elle a 28 ans et elle est la plus vieille le jour de l’enregistrement au Regent Sound de Denmark Street, là où le Loog a enregistré les premiers hits des Stones. Derrière Nico, on retrouve Brian Jones, Jimmy Page, John Paul Jones et Art Greenslade. Le Loog fait constamment appel à Jimmy Page et John Paul Jones. Puis Brian Jones va présenter Nico à Andy Warhol. Elle lui donne son single Immediate et décroche en retour un job dans le Velvet.

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             Le Loog s’acoquine avec Allen Klein. Il flashe sur son look de gangster. Klein déclare à la presse : «Andrew manages the Rolling Stones and I manage him.» Dans un premier temps, tout se passe très bien : Klein récupère 600 000 £ chez Decca et fait miroiter des millions de £ sur les deux années à venir. Alors le Loog s’achète une black Rolls Royce Phantom 5 pour 19 000 £. Après la Reine et John Lennon, il est le troisième à pouvoir se payer cette caisse de luxe en Angleterre. Mais comme Reg The Butcher King vient de se faire sucrer son permis, c’est un certain Eddie Reed qui va la conduire. Le Loog admire aussi Klein pour son «business brain» : «Allen Klein knows how to convert my ideas into cash. Without his business brain, I would go nowhere.» Comme il se sent bien épaulé, le Loog multiplie les déclarations fracassantes dans la presse : «The Rolling Stones are still social outcasts. We work on the principle that if you are going to kick conformity in the teeth, you may as well use both feet.» Oui, taper des deux pieds dans les dents de la conformité.

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             Parmi les potes du Loog, on retrouve Peter Maeden, le premier manager des Who. Puis Chris Stamp et Kit Lambert lui ont «racheté» les Who et ont installé leur burlingue dans le même immeuble que celui d’Immediate, à Ivor Court. Une rumeur dit que les Who vont signer sur Immediate. Pete Townshend file «Circles» à Immediate et ce sont les Fleur De Lys qui l’enregistrent, avec Jimmy Page sur la fuzz, apparemment. Mais finalement, Townshend va rester avec Lambert & Stamp, qui vont très vite se débarrasser de Shel Talmy. Les Who ont eu du pot de s’en sortir après s’être débarrassé de trois des personnages les plus pointus de l’époque, Peter Maeden, le Loog et Shel Talmy.

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    Brian + Anita

             Puis le Loog va installer ses bureaux au 63-69 New Oxford Street. Après trois ans de tournées incessantes, les Stones font un break pour prendre des vacances : Jagger va au Mexique, Keef reste à New York, Bill va en Floride, Charlie va aux îles grecques et Brian Jones descend avec Anita à Tanger.

             La période 1966-1968 est l’âge d’or d’Immediate. Gered Mankowitz parle de «fantastic creativity» - The music and the energy were fantastic - Le Loog est l’enfant terrible du music biz - We were having hits, making great music - Tout le personnel d’Immediate est jeune. La presse n’en peut plus, le NME titre sa double page : «Oldham: Talented. Insulting. Outrageous.»

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             On lui file «an advance copy» du Pet Sounds à paraître. Le Loog flashe, «listening to it entirely in hotel rooms from Manchester to Stockholm.» Il veut rivaliser avec Pet Sounds et décide de tenter le coup avec Twice As Much. Twice As Much ? Oui, un duo flairé par le Loog. Deux petits mecs, Andrew Skinner et David Rose. Le Loog sait qu’il lui faut des auteurs maison, alors il recrute Billy Nicholls et Twice As Much. Il met le paquet sur le premier Twice, Own Up. L’enregistrement lui coûte 26 000 £. Trois semaines. Grand orchestre. Art Greenslade qui signe les arrangements dit que l’album est directement inspiré par Pet Sounds, qu’il est sorti avant Sgt Pepper, «and I thought it was better.»

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             Alors on vérifie ce que raconte Greenslade. Own Up est un Immediate qui vaut largement le détour. Les Twice y font pas mal de covers : «Help» (joli shoot de Beatlemania, ils y vont au won’t you please, c’est tapé à l’up-tempo bénéfique), «We Can Work It Out» (Beatlemania toujours), «As Tears Go By» (en plein dans l’œil du cyclope) et surtout l’«Is This What I Get For Loving You Baby» de Spector/Goffin/King : c’est l’Immediate Sound du Brill. Big time explosif ! London Brill ! Ça vaut tout le Brill du monde. Prod du Loog. T’as le beat des reins, l’écho des chœurs et les violons. T’es frappé par l’ahurissante qualité de la prod. C’est même digne de Brian Wilson. Encore du London Brill avec «Night Time Girl». Quel haut de gamme ! Cette fois, on frise le Gary Usher. On tombe ensuite sur «Life Is But Nothing», une belle compo des Twice que le Loog a refilé à Del Shannon pour Home & Away. Envol immédiat encore avec «Happy Times». T’as là la Sunshine Pop de London town. Encore une merveille digne de Brian Wilson.          

             Dave Skinner dit qu’il n’a jamais touché un sou sur Own Up, mais il admet volontiers que le Loog était très méticuleux - Own Up was his baby and he put a lot of effort into it - L’album n’a pas aussi bien marché que Pet Sounds, mais des gens comme Steve Marriott l’ont salué.

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             T’as un autre Immediate des Twice : That’s All. C’est quasiment un album hommage à Brian Wilson. Tu retrouves «Do You Wanna Dance» dans un petite medley et ça explose véritablement au grand jour avec «True Story». Ils ne sont pas aussi balèzes que Tony Rivers, mais c’est pas loin. Encore du Beach Boys Sound avec «Simplified» et «Step Out Of Line». Quelle clameur et quelle excellence harmonique ! Ils tapent ensuite dans Burt avec «You’ll Never Go To Heaven» - You’ll never go to heaven/ If you break my heart - Il dit ça avec une telle douceur mélodique qu’elle va craquer. Là, ils te donnent le vertige. Ils terminent avec une cover de Mann & Weil, «The Coldest Night Of The Year». Magnifique mélasse pop - Baby it’s cold out there - T’en reviens pas de tant de brillant Brill Sound et de tant de clameurs wilsoninennes.

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             C’est Gered Mankowitz qui surnomme Pat Arnold ‘PP’. Le plan du Loog était de la lancer comme il avait lancé Chris Farlowe, en demandant à Jagger de la produire et de lui composer des hits. Au début, elle est accompagnée en tournée par «a little four-piece band called the Nice». Le Loog voit P.P. comme un croisement entre Ronnie Spector et Aretha. Il demande aux Small Faces de l’accompagner en studio sur une belle version d’«Angel In The Morning», un hit signé Chip Taylor. 

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             Spence attaque ensuite le cœur du mythe Immediate : les Small Faces. Ça passe bien sûr par Don Arden, qui est alors «the most successful and influential British promoter ever», celui qui a ramené en Angleterre Gene Vincent, Sam Cooke, Jerry Lee, Little richard, Bo Diddley, Chucky Chuckah, Ray Charles et Fatsy. And many many more. Arden dit qu’il a trouvé les Small Faces, qu’il les a enregistrés et qu’il en a fait des Top Ten stars in six weeks - That’s all it took, six weeks - Il paye deux mecs, Brian Potter et Ian Sammy Swamwell 25 £ par semaine pour composer des hits et ça donne «Watcha Gonna Do About It». Quand les Small Faces refusent de continuer à chanter les cuts de Sammy, Arden les traite d’«ungrateful bastards». Marriott & Lane commence à composer pour le Loog et c’est là qu’il commence à les prendre très au sérieux. Il les signe et le premier single sur Immediate sera «Here  Come The Nice» (qui devait d’ailleurs s’appeler «Here Come The Nazz»). C’est aussi le 50e single Immediate.   

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             Puis arrive le drug bust des Stones à Redlands. Libres sous caution, les Stones enregistrent «We Love You», et John Lennon vient faire les chœurs. En attendant de connaître le verdict du tribunal, les Stones enregistrent une vidéo qui doit être diffusée sur Top Of The Pops si on les envoie au ballon. C’est filmé dans une église. Marianne Faithfull, Keef, Jagger et Brian Jones jouent le procès d’Oscar Wilde. Les Stones n’iront pas au ballon, mais la tension entre Jagger et le Loog devient plus que palpable. Jagger prend très mal le fait que le Loog lui refuse un tiers des parts d’Immediate. En plus Jagger ne supporte pas Steve Marriott, qu’il voit comme un rival. Ça s’envenime. Jagger refuse de continuer à bosser avec le Loog. Fin des haricots. Allen Klein rachète le contrat du Loog avec les Stones pour 700 000 £.

             Alors basta. Le Loog reprend le chemin d’Ararat avec Del Shannon. Un Del qui entre en studio avec le Loog et qui déclare : «So for three or four weeks; I had the time of my life with Andrew. He had let us his Rolls, I liked him because he was very adventurous.»

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             L’album qu’ils enregistrent ensemble s’appelle Home & Away. C’est un album de producteur. Del est un bon, mais le Loog est un super-bon. Del swingue son «Mind Over Matter» comme un crack, mais le Loog l’orchestre comme un super-crack. Billy Nicholls compose «Cut & Come Again» et le Loog en fait une belle lampée mélodique. Quelle allure ! C’est orchestré avec des trompettes mariachi. S’ensuit un «My Love Has Gone» hyper-orchestré, du pur jus de silver sixties. Puis Del tape dans une compo de Twice As Much, «Life Is But Nothing». Tout ici est très typé, très Loogué, très orienté sur le Totoring. Quel son ! Quelle profondeur de champ ! Del fout bien le paquet ! Tout est gorgé de remugles de pop anglaise. Et puis voilà la cerise sur le gâtö : «Runaway», le cut qui fascinait tant le Loog, le premier hit de Del qui date de 1961. Le Loog le remet au goût du jour et l’arrose de crème anglaise, et là t’as une prod de génie avec du flamenco à contre-courant, le fleuve t’emporte, c’est d’une rare puissance et Del s’abandonne - I wonder/ I wahwahwah !

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             Mais Liberty, le label américain de Del, ne voit pas l’intérêt d’Home & Away et en interdit la parution ! L’album ne sortira que 20 ans plus tard. Le pauvre Loog collectionne les projets avortés. Après le fiasco de Del Shannon, voilà le fiasco de Billy Nicholls qui a pourtant du monde derrière lui : Steve Marriott, Cat Stevens au piano, Nicky Hopkins, John Paul Jones et Art Greenslade. Mais Would You Believe ne marche pas. Ironiquement, l’album est aujourd’hui devenu l’un des collectors (comme disent les cons) les plus chers. Si tu veux une copie d’époque sur Immediate, sors ton billet.

             Tous les spéculateurs savent bien qui est Billy Nicholls. Et bizarrement, ce n’est pas l’album du siècle. Réputation surfaite ? Va-t-en savoir. Billy propose une pop entreprenante de pah pah pah et piétine un peu les plates-bandes des Small Faces. Alors pourquoi aller mettre un gros billet là-dedans ? Son «Life Is Short» n’est pas celui des Cramps. C’est de la pop aérienne qui finit par devenir magnifique. Tu commences à frémir pour de bon avec «Feeling Easy», une authentique Beautiful Song, fabuleusement orchestrée et ouatée aux chœurs d’artichauts. Billy se spécialise dans l’angélisme. Il navigue à un très haut niveau, comme le montre encore «London Social Degree». Son «Portobello Road» est traité sur le même mode, mais ça manque de magie. Ses cuts sonnent comme des grosses tartes à la crème. Et puis soudain, tu tombes sur deux coups de génie : «Being Happy», la vraie power pop d’Immediate, cette fois ça glisse dans la psychedelia, Billy avance en crabe dans le temps du cut. Et puis à la suite, t’as «Girl From New York» attaqué à l’heavy fuzz. Billy chante dans un coin. C’est puissant et bien fondu dans la fuzz. Billy se prend parfois pour Brian Wilson, mais il est trop anglais pour ça. Billy n’est pas Tony Rivers. Il peut aussi se laisser tenter par la Beatlemania, mais il est trop indépendant pour ça. Il ne vit que pour ses good vibes et pour un son gorgé de coups d’acou.

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             Après Billy Nicholls et Twice As Much, le Loog embauche Mike d’Abo, «another teenage songwriter». Il avait remplacé Paul Jones dans Manfred Mann. «Mighty Quinn», c’est lui. «Build Me Up Buttercup» pour les Foundations, c’est encore lui. Le Loog est convaincu que d’Abo est son Jimmy Webb. Bingo ! Il a du flair, le Loog car il met d’Abo en contact avec deux des plus grands chanteurs anglais, Rod The Mod et Chris Farlowe. Évidemment, Jagger est jaloux de Rod The Mod. Le Loog avait demandé à Jagger de produire un single de Rod sur Immediate, mais Jagger avait dit non. D’Abo compose «Handbags And Gladrags» pour Chris Farlowe et ça devient l’un des plus beaux hits de l’histoire du rock anglais.

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             Tout ça est bien joli, mais le Loog a un problème : il cherche à retrouver le buzz qu’il avait avec les early Stones. Ce sont les Small Faces qui vont le lui donner. Spence souligne l’«unstoppable enthusiasm of Steve Marriott». Le Loog ajoute : «The best of Mick and Keith in one vibrant soul».  C’est Marriott qui redonne au Loog le goût de vivre - Again he was happy to be a part of the industry of human happiness - (qui fut un temps le slogan d’Immediate). Le nouveau single des Small Faces est «Tin Soldier». Marriott : «Tin Soldier is the real us.» Spence évoque ensuite une tournée désastreuse en Australie et en Nouvelle Zélande avec les Who. Les premières failles dans les Small Faces apparaissent au cours de cette funeste tournée. Marriott ne supporte plus Ronnie Lane : «I’m not going on with that arsehole again. I’m not having that cunt nick my money anymore. He’s never written a fucking song, he’s a fucking arsehole, he treats me like a piece of shit and I’m not finishing this fucking tour.» On admirera le langage fleuri du père Marriott. De retour à Londres après cette tournée désastreuse, Pete Townshend a juré de ne jamais retourner en Australie. En dépit des gros billets qu’on lui proposait, il a tenu parole.

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             L’âge d’or d’Immediate, c’est aussi l’âge d’or des Small Faces : «Lazy Sunday», «Itchycoo Park», et n’oublions pas le puissant «Rollin’ Over» en B-side de «Lazy Sunday». Et puis bien sûr Ogden’s Nut Gone Flake, «Europe’s biggest selling and most critically acclaimed album of 1968», mais qui ne se vend pas aux États-Unis. Pourquoi ? Parce que CBS et Clive Davis. Le Loog a fait la connerie de signer un contrat de distribution pour les États-Unis avec Clive Davis et Clive Davis se bat l’œil d’Immediate et du Loog. Rien à cirer. Pas de promo. Pas de rien. Le Loog et les Small Faces commencent à douter d’eux-mêmes. Steve Marriott tombe en panne d’inspiration - Marriott’s  nut really had gone flake - Spence se marre bien. 

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             Nouveau problème avec CBS et Clive Davis qui font zéro promo du Kafunka de P.P. Arnold. Le Loog est obligé de libérer P.P. pour qu’elle aille tenter sa chance ailleurs, sur un autre label. Elle signe sur Atlantic. Puis le Loog est obligé de libérer Chris Farlowe de son contrat. Il signe lui aussi sur Atlantic pour les États-Unis et Polydor pour l’Europe. Alors les rumeurs vont bon train : Immediate est en perte de vitesse ? Le Loog essaye de relancer la machine avec The Nice. Après avoir coulé P.P. Arnorld, Chris Farlowe et Twice As Much aux États-Unis, Clive Davis coule The Nice. Le Loog signe un nouveau «prodige», Duncan Browne, qu’il voit taillé pour le marché américain. Mais ça foire complètement. Give Me Take You se vend seulement à 900 ex aux États-Unis.

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             Et quand on l’écoute, on comprend pourquoi. C’est un bide. Rien qu’en voyant la pochette, t’as envie de te barrer. Mais t’as besoin de savoir ce que le Loog a dans le citron, alors tu l’écoutes. Dès le morceau titre d’ouverture de balda, tu sens que t’es baisé : c’est du médiéval. Puis Duncan Browne se prend pour Nick Drake avec «Ninepence Worth Of Walking». T’es encore plus mal barré. Quand t’écoutes tout ça, tu te dis que t’iras jamais acheter un album de ce mec-là, et pourtant c’est exactement ce que tu viens de faire, alors tu te traites de pauvre con. Tu ne vas sauver que deux cuts sur l’album : «On The Bombshell» (pur jus de Beatlemania, une vraie merveille), et «The Death Of Neil» (vaguement Beatlemaniaque, hanté par des fantômes et des fantastiques chœurs des anges du paradis, et là tu t’enorgueillis de t’être fait avoir).

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    Clive Davis

             Pour le Loog, le contrat de distribution avec CBS est une catastrophe. Il indique que si Clive Davis a planté Ogden, c’est parce que les Small Faces ne voulaient pas tourner aux États-Unis. Le Loog : «It became apparent the CBS policy was recoup and bury. CBS slogan for the time should have been ‘We want it and we’ll bury it’ It was criminal.» Le Loog va trouver Clive Davis à New York. La réunion ne se passe pas très bien. Le Loog accuse Davis et son bras droit Walter Yetnikoff «of not knowing their arse from their elbows.» Le Loog va ensuite chez Davis le menacer de faire sauter le bus qu’il prend pour aller bosser chaque jour. En représailles, Davis fait interdire l’accès des bureaux CBS au Loog. Pouf, terminé. Fin de la discussion.

             Alors que le Loog entrevoit la mort de la pop, Calder essayer de relancer le label avec des compiles de blues. Il est même question pour Immediate de signer Fleetwood Mac. Calder raconte que le Loog est allé déjeuner avec Clifford Davis, le manager de Fleetwood Mac, «he calls me and says: ‘The deal is off. He cuts his roll with the wrong knife. I won’t sign the cheque.’» Évidemment, le Loog a trouvé un prétexte. Il ne voulait pas de Fleetwood Mac sur Immediate.

             Comme il a installé des bureaux Immediate à New York, il y passe beaucoup de temps. Ses principales fréquentations sont la coke et Richard Harris. Il voit aussi son vieux poto Totor.

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             À Londres, Immediate tourne au ralenti, avec notamment Twinkle qui fricote avec Mike d’Abo. Elle ne sort qu’un seul single sur Immediate, «Micky»/«Darby & Joan», qu’on retrouve sur un petite comp RPM, Girl In A million - The Complete Recordings. Hey hey hey, Twinkle arrache bien son Micky du sol, et les chœurs font «Baby I need you !». Elle a encore du son sur «Darby & Joan», mais la pauvre compo n’a rien dans le citron. Pour rester dans le même univers, elle tape aussi une version sucrée de «Sha La La La Lee». Avant d’arriver sur Immediate, elle était sur Decca et elle tire sa réputation de «Terry» : elle s’y prend carrément pour les Shangri-Las. Elle tape pas mal de pop sans conséquence sur l’avenir du genre humain et il faut attendre «Ain’t Nobody But Me» pour danser le jerk - Come on over to my house ! - Elle est tellement sucrée qu’elle en devient conne. Puis elle s’en va friser les Ronettes avec «Tommy». Cette pop est presque belle tellement elle ambitionne de te plaire. Elle fait aussi sa France Gall avec «A Lonbely Singing Doll», une cover du «Poupée De Cire/Poupée De Son» de Gainsbarre. Mais pour le reste, c’est compliqué, car rien n’accroche véritablement. Elle  tente encore le coup du sucre candy avec «Tommy», mais si on cherche une bombe, alors il faut aller farfouiller sur le disk 2. Et là tu tombes sur «Smoochie», un hit pop d’entrain suprême, elle duette avec un mec, et là t’as le groove subliminal du London town des jours heureux. Il faut aussi saluer «Ladyfriend», une compo qui se tient bien à table, richement produite et flûtée jusqu’à l’oss de l’ass. Elle ramène son sucre dans une cover d’«I’m A Believer», mais le coup du sucre ne marche pas systématiquement. Globalement, elle n’avait aucune chance. Elle tente encore le coup de la pop-chaleur humaine avec «Little Piece Of Heaven», mais ça reste plan-plan. Tu ne garderas que deux souvenirs d’elle : «Smoochie» et «Micky». C’est déjà pas si mal. T’en as plein qui ne pourraient pas en dire autant.

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             Pendant ce temps, le Loog lève le pied. En laissant filer Fleetwood Mac, il montrait à quel point Immediate et le music biz ne l’intéressaient plus. Il est arrivé exactement la même chose à Uncle Sam avec Sun - He lost interest - C’est l’époque Amen Corner et franchement, ça n’intéresse pas du tout le Loog. Ni les Nice. Plus rien à cirer. Pourtant Amen Corner enregistre une cover d’«Hello Susie», un hit signé Roy Wood, avec Shel Talmy. Personne n’est dupe - Privately, Oldham admitted Amen Corner did not excite him. Mis à part Fairweather Low, il ne connaissait pas les noms des autres membres du groupe. «I went to see Amen Corber live in Cardiff after the hit», dit Oldham, «and I thought to myself if this is show business what the fuck am I still doing there.» - En plus, le Loog est fatigué d’auto-financer ses projets avec le blé qu’il a récupéré de la vente de son contrat avec les Stones. Il tente encore un joli coup de Jarnac en essayant de récupérer Scott Walker, mais Scott est un peu trop bizarre pour Calder qui ne comprend rien à ce qu’il raconte. Scott parle de philosophie et de Jacques Brel. Calder pense que Scott Walker aurait pu être bien meilleur que Sinatra. Il fallait cependant racheter un contrat et devant l’énormité du prix demandé, le Loog a préféré laisser tomber. Et la tension est remontée d’un cran entre le Loog et Calder. Le seul sur lequel ils parviennent encore à s’entendre, c’est Steve Marriott.

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             Ça tombe bien : Marriott vient de monter Humble Pie. Tournées américaines. Le Loog perd pied, «burnt out like a light bulb», dit Keef. Immediate finit par se casser la gueule. Le Loog : «I started losing interest in the whole thing about six months after I parted company with the Rolling Stones. By that time, Immediate had proved its point, so it became pretty boring. The last thing I was interested in was Humble Pie.» Et Marriott rend un sacré hommage au Loog, à propos de la liquidation d’Immediate : «Oldham was great about it. He just said, ‘we’re going under, mates’. He warned us all. He said, ‘get out now and sort sourselves out, get other labels because I don’t want any of you going down with the company.’ He was a great bloke, a right old blagger, but underneath all the front he was a very nice man.»

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             Quand plus tard le Loog essaye de récupérer les masters qu’il finança jadis sur ses fonds propres, il traîne en justice les labels qui font du blé avec ses disks, dont Sanctuary et Charly. Sanctuary demande à des gens comme Kenny Jones, Blue Weaver (Amen Corner) et Jerry Shirley de témoigner contre le Loog. Voir cet abruti de Shirley témoigner contre lui l’a profondément choqué. Le Loog dit qu’il n’en revenait pas !  D’autant qu’il lui avait trouvé un super job en Italie après la fin d’Humble Pie. Le chanteur des Poets George Gallagher sera l’un des rares à témoigner en faveur du pauvre Loog. Le punk Gallagher est même choqué de voir comment le juge traite le Loog : «I wish I had had the bottle to just say the old man Pumfrey, ‘you dirty corrupt old bastard it’s a waste of time me being here my friend has no chance.» Non seulement le Loog perd son procès et ne récupère pas ses masters, mais il est condamné par l’old bastard à payer les frais de justice, 370 000 £. L’horreur !  

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             La meilleure illustration musicale de L’Immediate book serait sans doute l’Immediate Mod Box Set parue en 2005, sur, ultime ironie du sort, Sanctuary ! En trois CDs, la box fait le tour du propriétaire. Des trois, le disk 1 est le plus infesté de puces. P.P. Arnold fait bien des ravages avec «Everything’s Gonna Be Alright», qui sonne encore comme le jerk du diable, elle te pulse ça à l’hey hey hey ! Elle reste dans le rentre-dedans avec «Speak To Me», une sorte de nouveau sommet du r’n’b in London town. Autre coup de génie Immédiat : les Fleur De Lys avec «Come On». Les Fleur De Lys sont les rois du Swingin’ London, so come on ! Et puis vers la fin, tu tombes sur Own Gray & Maximum Breed et «Sitting In The Park», un pur miracle productiviste finement teinté de reggae. Autre miracle productiviste : Twinkle avec «Mick». Le Loog sort une prod à la Totor. T’as tout là-dedans, Totor et le sucre de rêve. Autre coup de Jarnac : Sonny Burke Outfit et «All You». Lui, on ne sait pas d’où il sort, mais il est bon. C’est de l’heavy London r’n’b tapé au shuffle d’orgue. Du full blown. On reste dans le full blown avec l’instro des Mockingbirds, «Skit Skat» : fantastique énergie et bassmatic du diable. Restons en enfer avec un duo d’enfer, Rod Stewart & P.P. Arnold et «Come Home Baby» : le meilleur + la meilleure, ça fait des étincelles. C’est Motown in London town. En plus ça rime. Ils parviennent à monter le génie en neige. Et puis tu retrouves la Goldie des Gingerbreads avec «Headline». La prod du Loog lui donne des ailes. N’oublions pas de nous incliner devant les Small Faces avec «Talk To You» et Chris Farlowe avec «The Fool».

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             Un Chris Farlowe qui hante le disk 2 avec «Think» et «Look At Me». Avec lui, c’est vite plié. Ce shouter fou domine toute la basse-cour. Il est même bien plus puissant que Rod The Mod. Et avec la prod du Loog, ça prend des proportions qui te dépassent. Petit shoot de protozozo avec The Poets et «Don’t Do It» : t’as le stomp de Glasgow. Ces mecs savaient rocker un boat. Joey Vine pique sa petite crise dylanesque avec «The Out Of Towner». Nouveau coup de génie avec Twice As Much et «Step Out Of Line». Real deal de London pop. On retrouve la patte du Loog dans la prog. C’est magnifique. Le Loog est tellement fasciné par Totor qu’il réussit à produire des merveilles inexorables du calibre de «Step Out Of Line». On se régale aussi de Cyril Davies & The R&B All Stars et «Someday Baby» : grosse énergie. Ces mecs groovaient comme des démons. Quelle belle leçon de swing ! On croise aussi P.P. Arnold, spectaculaire de Soul Sistery dans «If You See What I Mean», et les Small Faces avec «Feel Much Better» où Stevie Marriott ramène son sucre avarié.

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             Alors, et le disk 3 ? Il réserve sa part de bonnes surprises, à commencer par Outer Limits et «Sweet Freedom». Belle assise. La voix est sûre. Accents Whoish certains. Tu retrouves aussi le chouchou du Loog, Billy Nichols, avec «The Girl From New York City» qu’il tape à la fuzz d’Immediate. Big time out ! Et puis t’as toutes les valeurs sûres : les Fleur De Lys avec «Circles» (ils tapent en plein dans les Who à coups de drag me down, ils font partie des meilleurs de leur temps), les Small Faces avec «Don’t Burst My Bubble» (double attaque aux power chords et au shuffle de Mac, cette fournaise est unique en Angleterre), Chris Farlowe avec «My Way Of Giving» (même lui, il finit par sonner comme les Small Faces, là t’as tout, le hot, l’argent du hot, le shuffle et la classe), et plus loin «Moanin’» (le géant travaille son Moanin’ en technicolor, le Loog lui fait une prod de rêve, même avec du sitar), et puis, comme cerise sur le gâtö, t’as le «Tin Soldier» des Small Faces, un hit qui s’annonce monstrueux dès les premières mesures. P.P. Arnold revient taper un petit coup de Chip Taylor avec «Angel In The Morning» (aussi repris par Evie Sands et Merrilee Rush). Elle le tortille bien entre ses doigts.

    Signé : Cazengler, Immidiot

    Immediate Mod Box Set. Sanctuary Records 2005

    Duncan Browne. Give Me Take You. Immediate 1968

    Twice As Much. Own Up/That’s All. Green Tree Records 1993

    Twinkle. Girl In A Million. The Complete Recordings. RPM Records 2019

    Del Shannon. Home & Away. Zonophone 2006

    Billy Nicholls. Would You Believe. Immediate 1968

    Simon Spence. Immediate. Black Dog Publishing 2008

     

     

    L’avenir du rock

     - Pas d’embrouilles avec les Embrooks

             Le gros avantage d’errer dans le désert, c’est qu’on rencontre des gens qui vous posent toujours la même question : que cherchez-vous ? L’avenir du rock voit se dessiner au loin la silhouette d’un homme. Il approche. L’avenir du rock le reconnaît : Stanley, sous son casque colonial, par 50° à l’ombre, quand il y a de l’ombre... Le voici à quelques mètres. L’avenir du rock lui lance d’une voix guillerette :

             — Vous cherchez toujours Livingstone, I suppose.

             — I do, sir, and you, que cherchez-vous ?

             — Midi à quatorze heures !

             — Good luck ! See you later, sir alligator !

             Et chacun repart dans sa direction. Tiens voilà Sylvain Tintin !

             — Cherchez-vous toujours votre léopard des neiges, cher périgrinateur rimbaldien ?

             — Certes oui ! Plus que jamais ! Et vous avenir du rock, que cherchez-vous dans cette contrée effroyablement désolée ?

             — Oh je cherche la petite bête. L’auriez-vous aperçue, par hasard ?

             — Non, vous savez bien qu’un coup de dé jamais n’emboutira le placard !

             — Alors, à bon entendeur, salut !

             Et chacun repart dans sa direction. Le jour suivant, l’avenir du rock voit arriver une joyeuse équipe guerriers islamistes à bord d’un pick-up Toyota. Un drapeau noir claque au vent. Ils foncent droit sur l’avenir du rock et freinent à quelques centimètres dans un gros nuage de poussière. Le chef du gang descend avec sa grosse kalach et braque l’avenir du rock.

             — Haut les mains, espion américain !

             Le barbu commence à fouiller le suspect, mais il n’a pas grand chose à fouiller, car l’avenir du rock ne porte plus qu’une feuille de vigne jadis offerte par Sylvain Tintin en gage de fraternité erratique. L’avenir du rock profite de l’occasion poser la question rituelle :

             — Vous cherchez quoi ?

             — Les embrouilles, et toi petite bite américaine ?

             — Les Embrooks !

     

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             The Embrooks ? Ha ha, t’en rigoles d’avance ! Non pas du groupe, mais tu rigoles à l’idée des conneries que tu vas pouvoir raconter. Car ce soir-là, t’as sous les yeux, allez, le meilleur groupe du monde. Enfin l’un des meilleurs groupes du monde, mais ce soir c’est LE meilleur groupe du monde, car ça se passe en Angleterre. Et les meilleurs groupes du monde sont toujours meilleurs en Angleterre.

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    The Embrooks ? Sont trois. Mole, Miss Lois Tozer et Alessandro Cozzi Lepri. Font les Who à trois. Trois délicieuses bêtes de Gévaudan. Le mix parfait de passé, de présent et d’avenir du rock. Ils sont hallucinants de qualité. En une heure, ils prennent d’assaut ton hit-parade personnel et deviennent tes héros. Si tu veux voir et entendre un trio puissant, parfait, capable de décoller sans prévenir, c’est eux. Les Embrooks t’embrookent, les Embrooks t’hookent, les Embrooks te désencrootent, ils te toorloopinent, ils te dérootent le cargoo, ils foutent le sook dans ta médina, ils coopent à travers tes champs, ils te rajootent des étages, ils t’égoottent la cervelle, ils te mettent au cloo, ils te flootent la tubercule, ils te moolent le grain, ils t’adoobent la moole, ils te roolent la poole, ils te toochent comme les Who te toochaient jadis, ah il

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    faut voir Mole derrière son micro, en train de chanter comme un dieu et de laboorer inlassablement ses cordes de basse, comme le firent en leur temps John Entwistle ou Jack Bruce. Mole est la rockstar anglaise parfaite, il ne chante que des cuts parfaits, des cuts que zèbre à coups d’éclairs l’effarant Alessandro, un Alessandro qui déborde de power, qui plaque ses accords avec de fabuleuse moues de dépit, il ne couvre mais le son, mais il le nourrit en intraveineuses, il joue sans doute le meilleur

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    freakbeat anglais qu’on ait entendu depuis le temps d’Eddie Phillips et de l’early Pete Townshend. Ça claque, le son est plein, tu sens monter les vagues de violence sonique et c’est beau à pleurer, tout tient incroyablement débout, t’as l’impression d’avoir sous les yeux une énorme machine et en même temps un trio capable d’une infinie délicatesse. Et puis derrière ces deux cracks, t’as Miss Lois au beurre, et elle remet tout au carré, avec une frappe sèche d’une puissance extravagante. Tout est sur-dimensionné chez eux. C’est une Moonie au féminin. Le set dure plus d’une heure, il fait une chaleur à crever, et elle ne montre pas le moindre signe de fatigue.

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             Le plus drôle de toute cette histoire, c’est que t’as vu les Embrooks à Paris voici vingt ans   et que t’en gardais pas un bon souvenir. Tu les trouvais trop pop à l’époque, trop light. D’ailleurs tu le dis à Alessandro qui paraît surpris, mais quand tu lui dis qu’aujourd’hui ils sonnent exactement comme les Who, il est ravi. Il se dit même a bit Pete Townshend. Et ne cache pas son admiration pour les deux premiers albums des Saints.

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             Quand t’écoutes We Who Are, leur dernier album en date, t’es bluffé. En guise d’hors d’œuvre, t’as deux coups de génie, «Going But Not Gone» (fantastique montée en puissance, pur jus d’indéniabilité des choses de la vie, real full bloom, Mole chante très haut dans la voûte), et «Nightmare» (t’es tanké par le drive de basse demented, ça fonce dans la nuit avec un bel éclat freakbeat et t’as toujours ce beurre présent de frappe sèche). Ils tapent une cover des Hollies, «Have You Ever Loved Somebody», mais avec le power des Who : t’as un couplet pop de rêve et l’envolée aux harmonies vocales. C’est explosif de beauté Whoish. En B, ils restent chez les Who avec «Til Tomorrow», avec toute l’énergie sous la peau du beat, et ça continue en mode Whoish avec «I’m Coming Home» et un Alessandro qui tartine, il joue liquide dans l’urgence du freakbeat, ses licks coulent entre deux eaux, effet sidérant. Tu restes au paradis avec «Baby From The South» et là t’as tout : l’attaque foudroyante, le killer solo flash, et ça se barre même en vrille d’apocalypse. En comparaison, les Who font pâle figure. Te voilà encore une fois avec un big album dans les pattes. Tu continues de baver avec «Hang Up» et sa fantastique tension, oh et puis t’as ce killer solo flash qui jaillit et qui te monte droit au cerveau. Ils se dirigent tous les trois vers la sortie avec «You Can If You Want», un nouveau shoot de wild as fuck qui tombe du ciel. C’est un gros mélange d’early freakbeat et de Stonesy, t’entends des échos de «2000 Light Years From Home», c’est leur truc, away from anybody. That’s alright.

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             Une autre bombe : Our New Day. Ils l’attaquent en mode Whoish avec «Standing Upside Down». Power pur et beurre scintillant. Ils sont le plus grand Whoish band d’Angleterre. Ce que vient confirmer le «Bad Flight» d’ouverture de bal de B, qu’Alessandro claque sur les accords des Who, c’est du Whoish blast à l’extrême. Ils font aussi de la Mad Psychedelia avec «Seeing Her». Mole y fait éructer sa basse. Ils restent l’un des plus beaux power trios d’Angleterre, comme le montre encore «You’ve Been Unfair». La frappe sèche et précise de Lois est un vrai régal, elle dynamite un son déjà sur-vitaminé. Et puis t’as tous les coups de génie, à commencer par «Say Those Magic Words», un full blown de Brill pop qui explose au firmament. Pire encore, ce «No Matter What You Say», wild gaga en mode Embrooks, monté sur un drive sur-puissant, le drive sixties par excellence, Mole fonce en roue libre, son bassmatic prend une tournure hallucinante. Et puis voilà le stomp des Embrooks, «Not A Priority», effroyable de tatapoum avec toutes les envolées Whoish. Saluons aussi la wild attack de «Springtime», tapé à la strangulation massive. 

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             Il se pourrait que Yellow Glass Perspections soit l’un des très grands classiques du rock anglais. Il s’agit d’un Munster de 2004. Alessandro nous confiait que Marc Z était sur le coup. Ce Munster est avant toute chose un hommage aux Who. Pas moins de trois cuts Whoish là-dessus, tiens, par exemple ce «Show Me A Little Smile» qui monte, comme ça monte chez les Who. T’as tout le power acidulé avec le bassmatic bien rond. T’es encore pris d’assaut par «Happy Fickle Girl». Mole y va à coups d’I need your love. Ils tapent dans la démesure extra-sensorielle. Who toujours avec ce «Nothing’s Gonna Work» saturé d’énergie, de power pur d’heavy psychedelia - I’ve got plenty of friends now baby/ I’m attractive now baby - oh la violence des beignets ! Mad psychedelia toujours avec «Emilia Burrows» qui part en trombe, ça grouille de vermine luminescente, c’est la Mad craze d’Alessandro ! Un Alessandro qui passe un killer solo flash d’antho à Toto dans «A Note In My Drawer». Stupéfiant ! Encore plus stupéfiant, le Pure Brit Sound de «The Twisted Musing Of Sir Dempster P. Orbiton (Deceased)», authentique merveille, psychedelia d’un éclat rare, presque Huysmanienne, sertie comme la tortue d’un final apocalyptique. Et t’as encore ce psyché d’une rare violence, «The Time Was Wrong», avec les chœurs des Who dans l’extrême onction d’une fournaise divine. C’est dingue ce que les Embrooks sont brillants ! Mais attends, c’est pas fini ! Il reste les covers, et là, c’est du trié sur le volet, à commencer par le «Francis» de Gary Walker & The Rain, real deal de freakbeat anglais. Puis tu tombes plus loin sur le «Feel Like Flying» de John Du Cann, au temps de The Attack. Dévastateur ! Ça balaye les barricades ! Et la cerise sur le gâtö est cette cover du Mike Stuart Span, «Children Of Tomorrow», sans doute l’une des plus grosses clameurs de Mod craze, avec la basse de Mole haute dans le mix, c’est glorieux et imbattable, les notes de basse blossomment, une clameur pareille ça n’existe que chez les Who et les Embrooks, ces trois-là sont des démons, Alessandro n’en finit plus d’exploser l’uppercut du cut, ça cisaille à l’extrême dans la mélasse, ça gicle partout en gerbes jouissives extra-sensorielles  d’Oooh how can it be?

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             Pas question de faire l’impasse sur 45 & High Times. Ce double CD est une vraie caisse de dynamite. Tu retrouves leur incroyable perspicacité psychédélique dès «Fight Fire» qu’ils jouent dans l’écho du temps de Syd. Cover de John Fogerty ! Le disc 1 continue de monter doucement en température avec «If You Let Me Go», pur jus de Mad Psychedelia, «Keep It Quiet», véritable apanage du power trio à l’anglaise, «More Than Ever» (Don’t you know/ I need you more than ever). Ils tapent une cover des Red Square, «Your Can Be My Baby», puis le «No No No No» des Sorrows. Alessandro passe un wild killer solo dans le «Think About It» des Yardbirds. «Jack» sonne tout bêtement comme un coup de génie : ils font les Who à la puissance 1000. Ça joue dans tous les coins. Mais comment fait Miss Lois pour battre tout ça ? S’ensuit ce qu’on appelle par chez nous une cover irrémédiable : le «Dawn Breaks Trough» des Barriers ! Puis on retrouve les hits hors compétition, «A Note In My Drawer» (Alessandro te gratte ça à l’arrache, c’est de la Mad Psychedelia à l’état le plus pur. T’as tout : les thrills, les frills, les la-la-la, la wah et les zones d’ombre), «The Time Was Wrong» (encore en plein dans les Who, monté aux harmonies vocales dévastatrices), et «Children Of Tomorrow», en plein dans la ligne du parti, joué à outrance, oh how can it be !

             Le disc 2 propose un radio show et là tu vas tomber de ta chaise, avec «Standing Upside Down» (c’est les Who !, ils sont furax, surtout Alessandro, surtout Lois), le «Feel Like Flying» des Attack (saturé de disto, ça bat tous les records), «Nothing’s Gonna Work» (wild as fuck et noyé de disto), «Jack» (saturé de power, ils foncent dans la nuit et Lois relance en permanence, c’est le pire freakbeat d’Angleterre), et une petite cover des Small Faces «Me You And Us Too» (Mole fait son Stevie Marriott. Magic !)

    Signé : Cazengler, grosse embrooille

    Embrooks. Beatwave 9. The Pig. Hastings (UK). 18 juillet 2025

    Embrooks. Our New Day. Voxx Records 2000

    Embrooks. Yellow Glass Perspections. Munster Records 2004

    Embrooks. We Who Are. State Records 2018

    Embrooks. 45 & High Times. Munster Records 2005

     

     

    L’avenir du rock

     - Bang Bangs (My baby shot me down)

     

             Une fois de plus, l’avenir du rock s’est fait piéger. Trop magnanime. Le voilà contraint de répondre aux questions d’un journaliste :

             — Quel est pour vous le meilleur big bang de l’histoire du rock, avenir du toc ?

             — Ben Bang !

             — Quoi Bang ?

             — Ben oui, Bang ! Philadelphie, 1969 !

             — Vous êtes sûr ?

             L’avenir du rock se lève pour quitter la salle et le journaliste le supplie de se rasseoir. Il reprend d’un ton plus diplomatique :

             — Soyez cool, avenir du froc, banguez-nous la meilleure rock song de l’histoire du rock !

             — Le Biff Bang Pow des Creation, repris l’autre jour à Hastings par Thee Ac-Shuns !

             — Biff baff boff...

             — Quoi biff baff boff ? Et une baffe dans ta gueule, ça fait bof ou ça fait bang ?

             — Bon d’accord, avenir du rot, ne vous fâchez pas. Vous savez, nos lecteurs sont des gens ordinaires. Vous avez peut-être bien un autre rock en stock ?

             — Oui, «Bang Bang (My Baby Shot Me Down)», la version de Terry Reid qui vient tout juste de casser sa pipe en bois. Comme ça on fait d’une pierre deux coups pour ton torchon, amigo. Bang bang ! Ça te va ?

             — Oh merci, avenir du rut !

             Émoustillé, le journaliste enchaîne :

             — Avec quel rock book calez-vous votre armoire normande ?

             — Lester Bangs, les deux tomes.

             — Et maintenant la question bingo, gringo : quel est le groupe qui vous fait banguer comme un âne en rut ?

             — Bad Bangs !

     

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             Comme Gyasi voici deux ans et les Bury l’an passé, t’as un groupe (ou deux) qui sauve(nt) le festival. Cette année, ce sont les Bad Bangs d’Australie (et Hooveriii de Californie). Elles sauvent Binic du naufrage. En 2025, il faut savoir que Binic propose du rap blanc en guise d’Airplane Man et là, tu dis non. Bon, bref, t’es pas là pour parler de dégénérescence programmatoire. T’es là pour rendre hommage aux Bad Bangs qui t’ont bien remonté le moral. Deux filles aux grattes et deux petits

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    mecs en section rythmique. Et là tu dis oui, car ça joue. La blonde s’appelle Sophia et la brune Shelby. Et elles y vont, elles occupent l’espace, elles tapent une pop-rock fougueuse et bardée d’allure, elles sont fraîches comme des gardons sauvages, elles redonnent du sens à ton imaginaire, aw my Gawd comme ça joue, aw my Gawd comme elles ont tout bien compris, elles tapent des cuts easy, d’une incroyable

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    fluidité, eh oui, amigo, le rock peut rester simple à condition d’être joué par les Bad Bangs, et sur le coup elles deviennent tes idoles. Leur seul défaut serait d’être australiennes. T’aurais voulu qu’elles soient anglaises comme les Chemtrails de Manchester parce qu’elles ont tout simplement un talent fou. Le jour et la nuit avec le reste de la prog, t’en reviens pas de tant de classe, même si les shorts qu’elles

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    portent ne sont pas beaux. Sophia claque des gimmicks d’une effroyable efficacité, elle remonte tout le courant du rock’n’roll, elle développe des vélocités insoupçonnées, tu lui trouves toutes les qualités du monde, joue ma poule, c’est toi la reine du rodéo, elle est surtout la reine de Binic, car à part Bert Hoover, personne ne joue avec autant de classe et autant de froide détermination. T’as sous les yeux une vraie petite reine de rock et elle partage bien sa couronne avec sa copine Shelby qui

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    danse de l’autre côté. Tu ne connais pas les cuts, mais ils sonnent quasiment tous comme des hits et tu sais que la première chose à faire une fois rentré au bercail, c’est de débloquer les crédits en comité restreint pour financer le rapatriement d’urgence de toutes leurs Bangeries.

             Et comme jamais un coup de dés n’abolira l’épinard, voilà qu’on les retrouve à la prog de la cave trois jours plus tard. Inespéré ! On avait vu le nom des Bad Bangs dans la prog de Braincrushing, mais on ne savait pas qui c’était. Après les aventures binicoles, on savait.

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             Alors on les voit et on leur dit qu’elles étaient les best of Binic et ça les fait bien marrer. C’est comme quand tu dis au guitariste des Embrooks que son groupe sonne comme les Who : c’est pas du compliment à la mormoille. Alors après avoir sauvé Binic, elles sauvent la cave. Rien ne les arrête, elles finiront par sauver le rock, tu verras. Et tu les vois remettre leur fabuleux petit cirque en route et tu retombes dans leur panneau, t’adores tomber dans ce genre de panneau, d’ailleurs tu ne vis que pour ça. T’auras passé ta vie à chercher les bons panneaux pour y tomber. Et quand t’y tombes, t’y tombes pour de vrai. Tu t’y jettes. L’incroyable énergie des Bad Bangs est intacte, elles reclaquent tout leur répertoire, elles déclenchent exactement les mêmes petites éruptions de fraîcheur capiteuse, elles tissent exactement les mêmes interactions, elles brûlent exactement la même chandelle par les deux bouts, t’en reviens pas de voir exploser tout ce nirvana sous ton nez, mais dans la cave, c’est mille fois pire, car plus condensé, plus ramassé, plus punchy, t’as un vrai panneau, t’y tombes pendant une petite heure et t’en savoures toutes les miettes. Tu vois ces deux petites gonzesses créer un monde avec deux fois rien, et de les voir à l’œuvre te réconcilie une fois encore avec la vie. Tout n’est pas perdu.

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             Comme l’album est au merch, tu le ramasses. Il s’appelle Out Of Character. Oh quelle surprise ! Mis à part le «Contest» d’ouverture de balda, l’album n’a rien à voir avec le set. Tu ne retrouves le vif argent et la fast pop scénique que dans ce «Contest», un Contest qui file bien sous le vent, que t’es content d’avoir dans ton salon, Sophia étrille son petit gimmick échevelé et derrière, t’as le fringuant Tim Ryles qui te bat ça super sec. En lisant les notes de pochette, on voit que Shelby compose tout. L’autre gros cut de l’album s’appelle «Taste», très pop, mais ça passe comme une lettre à la poste, et tu retrouves leur goût de l’ampleur pop. Ce Taste vibre dans l’azur marmoréen. Et puis la B bascule dans la pop, une pop atmosphérique qui n’a rien à voir avec ce qu’elles font sur scène. «For A Fool» se laisse goûter et nos deux sauveuses conservent leur fraîcheur de ton, même si les dynamiques ont disparu. La B est nettement moins soutenue. Ça se termine avec un «Wild Mess» qui s’étire lentement. Le petit conseil qu’on pourrait leur donner serait de faire paraître un Live At Braincrushing 2025.  

    Signé : Cazengler, bad bunk

    Bad Bangs. Binic Folk Blues Festival (22). 26  juillet 2025

    Bad Bangs. Le Trois Pièces. Rouen (76). 29 juillet 2025

    Bad Bangs. Out Of Character. Blossom Rot Records 2024

    Concert Braincrushing

     

     

    Estivaleries 2025

     - Beaty, Binic & Bouncy

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             The Pig est un pub sur le front de mer, à Hastings, juste après l’Hastings pier. C’est là que se tient le Beatwave, petit festival Surf Beat Garage. Tu entres, t’as le bar à gauche et la scène à droite. Quatre groupes le vendredi et une dizaine le samedi. Et au fond, t’as un beau merch de rêve. Tes billets de 10 £ ne font pas long feu. Les mecs du merch ont tout. Tout Childish et tout le reste. Prix normaux, 20 £. Pas la peine d’aller cavaler chez les disquaires. T’as quelques Français dans le public, dont des connaissances. Tout est sympathique, bon esprit et comme trié sur le volet. T’auras jamais ça en France. Disons que t’auras autre chose.

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             Tête d’affiche du vendredi : The Embrooks. Tête d’affiche du samedi : The Baron Four. L’avenir du rock se les réserve. On va causer du reste. Sacré reste, baby Lemonade !

             Les deux petits chocs révélatoires du vendredi portent les doux noms de Sundae Kups et de Thee Ac-Shuns. Wild surf pour les Kups et Mod craze pour les Shuns, pardon, pour les Ac-Shuns. Et là tu te pinces car tu crois rêver.

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             Un vrai délire de rêve devenu vrai, tiens voilà les Sundae Kups habillés en infirmiers avec au centre une infirmière complètement dingue qui gratte son surf en bousculant les autres du cul, elle claque ses gammes et tombe à genoux, ils jouent tout leur set aux frontières du chaos et passent de sacrés classiques à la casserole ! Wow, ils sont là pour te rappeler que le surf est avec le rockab le genre le plus wild qui soit, à condition de respecter les règles et foncer à 100 à l’heure sans craindre ni la mort ni le diable. Les Kups sont des modèles du genre, ça tient miraculeusement la route, le seul truc qu’ils cassent, c’est une corde, mais tout est là, la Surf craze et tout le chaos de la fin du rock. Même si t’as déjà vu des groupes de garage-surf, il est probable que celui-là soit le plus extrémiste de tous. T’as ta dose. Si t’aimes les dingues, t’es au paradis. Ne perds jamais de vue que le rock est avant toute chose une affaire de chaos. 

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             Avec Thee Ac-Shuns, tu bascules dans l’autre craze, la Mod craze, la vraie, la pure. Sont trois sur scène mais tu n’as d’yeux que pour Zac, coupe early Small Faces, Ricken, fute tartan rouge, boots et classe naturelle, et pouf, t’en reviens pas, démarrage en trombe sur le «Biff Bang Pow» des Creation, il te mouline ça au mieux des possibilités, et chante haut et sec comme Kenny Pickett, et du coup l’oriflamme du rock anglais claque comme jamais dans l’azur immaculé de ton imaginaire. Sur l’instant, tu comprends un peu mieux le truc de base : le rock anglais est ta raison d’être, et Zac l’incarne à la perfection. T’as sous les yeux une rock star parfaite, un Mod anglais qui hérite de tout le Saint-Frusquin des Small Faces et des Creation, le mec a le power et la classe, alors c’est parti pour un heure de dream come true, comme on dit là-bas. Il enfile ses hits inconnus comme des perles, il tape le «Baby What’s Wrong» des Yardbirds, le «Rowed Out» des Eyes, t’en reviens pas d’entendre tout ces cuts magiques qui n’ont jamais pris une ride. L’an passé, Thee Ac-Shuns s’appelaient Thee Shuns. Pas de disk, apparemment. Juste du good clean fun, comme dit Kim. De voir un mec comme Zac sur scène, ça te rassure. The show must go on. Alors tu retournes au bar en attendant la suite.

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             On ne sauve pas grand-chose du Binic 2025. L’avenir du rock se réserve les Bad Bangs et Hooveriii. Il ne reste plus que les Darts et Public House. Évidemment les Darts. Nicole machin a renouvelé tout son cheptel : trois nouvelles collègues en CDD. Comme dirait un bon pote, vu qu’elles tournent pas mal, elles pourraient au moins s’acheter des collants neufs. Bon d’accord, les trous ça fait partie du look, mais quand même. Ceci dit, rien de nouveau sous le soleil des Darts depuis leur dernière escale au Petit Bain, ça reste le gaga d’orgue qu’on connaît par cœur et qui manque singulièrement d’originalité. S’il ne s’agissait pas de gonzesses, on les qualifierait volontiers d’has been. Mais l’originalité n’est pas le propos de Nicole machin. Son propos c’est la gymnastique, elle court sur place et elle essaye même de faire courir Binic sur place. Chou blanc, mais ça aurait pu marcher. Elle fait toujours le même show, un show parfaitement adapté à Binic-gueule-de-bois du début d’après-midi. On ne peut pas imaginer de show plus adapté, plus bon enfant, plus passe partout. Ça pourrait être du cliché, mais c’est bien foutu. Elle fait partie de celles qu’on respecte encore un peu. T’oses pas dire que t’es content de revoir les Darts parce qu’il pourrait y avoir des groupes bien pires. Mais t’inquiète pas, le pire est à venir : on va te servir sur un plateau d’argent du rap blanc, et un mec en casquette qui est «disque du mois» dans Rock&Folk. Et d’autres trucs encore pires. Et là, tu vas te demander ce que tu fous à Binic. Jacques : «Dommage pour Binic. Qu’est-ce qu’ils ont fait à notre festival ?». Eh oui, amigo, il fut un temps où Binic sonnait comme LA référence. Hello Gildas.

             Bon, t’as Left Lane Cuiser, mais pas sur la grande scène ! Ça n’a aucun sens. Dans un bar, mais pas sur cette scène immense. Bon, t’as Civic, mais ça ne fonctionne pas. Pas sur la grande scène, ça n’a aucun sens. Bon t’as Public House avec le mec des Stiff Richards, mais tu t’en fous, ça te fait passer une heure, mais il n’y a rien de plus que ce que tu sais déjà.

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             Bon t’as Killer Kin avec un petit mec en calbut, une brune avec une Flying V et un bassiste en casquette de New York Doll à la petite semaine, t’avais encore jamais vu un tel ramassis de clichés, aussi bien visuels que gimmickaux, mais rassure-toi, t’en as qui vont trouver ça bien. C’est le groupe idéal quand t’es amputé du cerveau.

             Bon t’as les Zombeaches qui se battent pour imposer leur set, mais ils sont loin du compte. Tellement loin... Pour s’imposer, il faut une vraie voix, des compos, un son, sinon, c’est compliqué.

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             La tête d’affiche du dimanche soir ? Les Spoon Benders de Portland, Oregon. Le spot du dimanche soir est habituellement réservé aux cracks. Pas cette année. Bon, ça joue, chez les Benders, ils tirent bien le diable par la queue, mais t’iras pas acheter l’album. T’en as déjà des centaines, voire des milliers, les albums de tous ces groupes que tu ne réécouteras plus jamais et dont tu n’as plus aucun souvenir. Tu les voyais sur scène et quand t’étais pas convaincu, tu te disais qu’il fallait leur donner une chance en écoutant leur album, alors tu ramassais tous ces albums condamnés à l’oubli, tu traînais tes sacs de Binic jusqu’au Cosmic, en passant par le Béthune Rétro, t’écoutais tout ça, et puis tu les entassais, les piles prenaient la poussière et l’oubli finissait bien sûr par tout avaler. Pendant cinquante ans, tu n’as eu qu’une seule obsession : comment faire vivre tout ça ? Il est peut-être temps de laisser tomber. Comme on dit pour plaisanter : la corde est prête, mais le plus dur reste à faire : trouver une poutre. Rien n’est mort que ce qui n’existe pas encore. Apollinaire.

    Signé : Cazengler, Estivalery Ricard Destin

    Beatwave 9. The Pig. Hastings (UK). 18, 19 & 20 juillet 2025

    Binic Folk Blues Festival (22). 25, 26 & 27 juillet 2025

     

     

    Inside the goldmine

    - Chandler mais pas Raymond

             Rien ne peut être pire que de s’appeler Chandeleur. Pourquoi ? Parce qu’on se fait traiter de crêpe tout au long de sa vie. Dès l’école, le pauvre Serge Chandeleur eut à subir les vannes de ses petits copains, Ouh la crê/ pe ! Ouh la crê/ pe !, chantaient-ils à tue-tête dans la cour de récré. Pour éviter de retourner à l’école, Chandeleur ne trouva rien de mieux que d’avaler la mort aux rats que son père disposait dans la cave. Le petit Serge resta alité quelques semaines, puis il se brisa les doigts de pieds d’un bon coup de marteau pour prolonger sa convalescence. Mais ses copains d’école venaient chanter ouh la crê/ pe ! Ouh la crê/ pe ! sous la fenêtre de sa chambre, alors il comprit que pour ne plus les entendre, il devait se crever les tympans, ce qu’il réussit à faire à l’aide d’une aiguille. Quand son père, las lui aussi des moqueries incessantes, finit par se pendre dans le garage, on interna le petit Serge dans un centre spécialisé pour gosses dérangés, et il passa son adolescence sous sédatif et muré dans son silence. Quand les autres ados du centre découvrirent qu’il s’appelait Chandeleur, ils se jetèrent à leur tour sur le malheureux gamin. Ils commencèrent par l’enduire de Nutella, Oh la crê/ pe ! Oh la crê/ pe !, puis la nuit suivante de jus de citron, Oh la crê/ pe ! Oh la crê/ pe !, et le soir suivant, ils l’enduisirent de beurre et de sucre en poudre en poussant d’atroces hurlements de rire. Oh la crê/ pe ! Oh la crê/ pe ! Les infirmiers le passaient au jet le matin et tout rentrait dans l’ordre jusqu’au soir. Et quand la nuit tombait, Chandeleur était terrorisé, car il savait que tout allait recommencer. Ces enfoirés eurent l’idée saugrenue de l’enduire de colle super-glue et de l’envoyer au plafond. Il y resta collé, comme le font parfois les crêpes lancées trop haut. Quand le lendemain matin, les infirmiers le trouvèrent collé au plafond, ils ne purent s’empêcher d’éclater de rire, ben mon pèpère Chandeleur, quesse tu fous là-haut ? Ils eurent un mal fou à le décoller. Voyant la tournure que prenaient les choses, la direction du centre décida de le mettre à l’écart pour le protéger, et il passa le reste de son adolescence sous camisole, enfermé dans une cellule capitonnée. On craignait surtout qu’il ne se crevât les yeux pour ne plus avoir à supporter le spectacle de ses tortionnaires et des infirmiers morts de rire. Comment en vouloir aux infirmiers ? Comment ne pas éclater de rire ?

     

             Tiens voilà un nouveau dicton : dans la vie, il vaut mieux s’appeler Gene Chandler que Serge Chandeleur. Ça te sera très utile si tu veux briller en société.

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             Dans son autobio, Carl Davis rappelle qu’il a rebaptisé Eugene Dixon ‘Gene Chandler’, d’après le nom du l’acteur Jeff Chandler qui joue le rôle de Cochise dans La Flèche Brisée - A new star was born - «Duke Of Earl» fut un hit en 1962. Pour la promo de son hit, Gene Chandler se baladait en cape, haut de forme et tuxedo, une idée à lui. Carl Davis le trouvait un peu trop sûr de lui, raison pour laquelle ils se sont frités. Puis Carl Davis a demandé à Curtis Mayfield d’écrire des hits pour Chandler. Il existe trois époques Gene Chandler : la première, celle du Duke Of Earl (Vee-Jay & Constellation, le label d’Abe), puis Brunswick et enfin Chi-Sound.            

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            Jetons un petit coup d’œil sur la période Brunswick. En 1967, Carl Davis sort The Girl Don’t Care. T’es très vite écœuré par la qualité de cet album. É-cœu-ré. Gene Chandler flirte avec Motown sur «(I’m Just A) Fool For You». C’est un chef-d’œuvre productiviste. Il fait son crack du boom-hue sur «Gonna Be Good Times». C’est du big time de r’n’b. Encore du big dancing r’n’b avec «Bet You Never Thought», et tu danses encore le jerk pour de vrai avec ce «Buddy Ain’t It A Shame» qui sonne comme un coup de génie. Petite cerise sur le gâtö : il duette avec Barbara Acklin sur «No One Can Love You (Like I Do)». On appelle ça un duo d’enfer.

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             There Was A Time paraît un an plus tard. Le morceau titre est bien sûr la reprise de l’hit de James Brown. Oh la puissance des ténèbres ! Il tape en plein dans la frenzy, il y va le Gene, il a ça dans la peau. Il faut avoir écouté cette cover au moins une fois dans sa vie pour ne pas mourir idiot. Avec ce Brunswick, tu te retrouves une fois encore au cœur de la grande Soul de Chicago, la Soul de Carl Davis. Soul de rêve encore avec «Never Give You Up». T’en titubes de bonheur, t’es dans l’entre-deux de la Soul intercontinentale. Tu ne sais plus quoi faire de tes mots. Quand arrive «(Sweet Sweet Baby) Since You’ve Been Gone», tu te lèves et tu danses. Sweet sweet font les chœurs ! T’as cette incroyable élégance de la musique noire.  Tiens encore un groove de charme irrépressible avec «Fooling Around». Quel crooner ! Il boucle cet album faramineux avec une cover du «Lonely Avenue» de Doc Pomus. Il te groove ça vite fait à la hussarde black. C’est digne de Ray Charles. Même excellence épidermique, superbe surchauffe.

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             The Two Sides of Gene Chandler est le troisième et dernier Brunswick du grand Gene Chandler. Sans doute le meilleur des trois. Parce que «Familiar Footsteps», extraordinaire d’à-propos, il vise l’horizon, il chauffe son Footspets à l’extrême, Gene Chandler est le singer suprêmo. Puis il tape directement dans Burt avec «This Guy’s In Love With You». Il honore Burt, il te jazze le Burt, il y va au I need your love et revient à coups d’I want your love. Et ça continue avec «If You Love Me». Plus loin, il te jazze les Beatles avec une cover d’«Eleanor Rigby», il est précis dans son jazz d’all the lonely people. Quelle classe ! Puis t’as une cover de Nicoletta, «The Sun Died». Il est mort, le soleil. Non, c’est pour rire. Cover de Ray Charles. Encore un coup de génie avec «Honey», un vieux hit pop, repris en France par Nana Mouskouri et ses lunettes. And honey I miss you !

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             Bon alors, si tu veux écouter les duos Gene Chandler/Barbara Acklin, tu peux les choper sur une compile Westside, The Brunswick Years 1966-69. Trois singles au total, but Gawd, ce sont des bombes. T’as le fast r’n’b de «Love Won’t Stare», ils sont délicieux, tous les deux. Barbara est une cracke épouvantable sur «From The Teacher To The Preacher», et avec Gene derrière, ça devient irréel de qualité. Mais le sommet de la dynamite, c’est leur version de «Little Green Apples» : ils basculent tous les deux dans le génie black, ils te groovent l’âme de la Soul et t’as Barbara qui monte au sommet de l’émotion, là où aucune Soul Sister n’est jamais allée, et Gene le crack s’en vient conforter Barbara la cracke. Wow, Barbara Acklin, super angel !

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             Chandler refait surface en 1980 avec ‘80, que sort Carl Davis sur son label. Donc prod Carl Davis, donc gage de qualité. Dans «Does She Has A Friend», Chandler se demande si elle a une symphony. Le point fort du balda n’est autre qu’«All About The Paper», un joli diskö funk de haut rang, oui, car c’est fin, plein d’esprit et de chœurs de petites blackettes. Pur Black Power des jours heureux ! Chandler boucle son balda avec un beau cut de Curtis, «Rainbow ‘80». Beau ou pas beau n’est pas le problème, car ça groove sur le Chi Sound. On sauve un cut en B : «Let Me Make Love To You», une Beautiful Soul de Chi Sound, bien nappée de chœurs et de violons, dans les règles d’une prod magique de Carl Davis. 

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             La pochette d’Here’s To Love paru l’année suivante n’inspire aucune confiance. Et pour cause. C’est très diskoïdal. Pourtant on accueille la slow dancing Soul d’«I’ve Got To Meet You» à bras ouverts. Puis on voit Chandler emmener «Almost All The Way To Love» par dessus les toits.  En B, il tape un cut de Sam Dees, «For The Sake Of The Memories», et comme c’est du Sam, ça se tient merveilleusement bien. Il enchaîne avec le slow dancing d’«Almost Daylight», il y excelle. Le slow dancing pourrait bien être son péché mignon. Dans «God Bless Our Love», il monte son iiii-hi par_dessus les toits et devient un fantastique crooner de God bless our love. Encore de la haute voltige de Soul sophistiquée avec «God Send». Gene Chandler s’élance dans les étoiles, et là, tu le prends vraiment au sérieux

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             C’est Robert Pruter qui signe les liners au dos de 60’s Soul Brother, une fière compile Kent de 1986. Elle te sonne les cloches dès «Bet You Never Thought», une dancing Soul violonnée par Carl Davis. Voilà le real deal du Black Power de Chicago. Tout est classique mais solide sur cette compile. Les gens d’Ace ne font pas n’importe quoi. Gene Chandler chante à l’accent tranchant. «(I’m Just A) Fool For You» est plus Motown, mais monté sur un driving beat. Le Gene est brillant, comme le montre encore l’heavy slowah de «What Now». En B, il tape une cover du «There Was A Time» de James Brown. Mythe pur. «From The Teacher To The Preacher» frôle la pop, mais quelle classe ! Tout est très volontaire chez l’early Gene Chandler, comme le montre encore «Pretty Little Girl», véritable hit de juke.

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             Tu croyais faire une bonne affaire avec Get Down With The Get Down - The Best Of The Chi-Sound Years 1978-83, une petite compile Westside. Hélas, c’est la période diskö. Même si Gene Chandler chante comme un crack, il n’a pas les compos. Il faut attendre «Skate Aka Miss Crazy Legs» pour se lever et danser un petit coup vite fait. Il revient enfin à la Soul des jours heureux avec «Let Me Make Love To You», et il va re-basculer dans le diskoïdal avec «All About The Paper», et de façon plus sensuelle avec «When You’re #1».

    Signé : Cazengler, Chandlair vicié

    Gene Chandler. The Girl Don’t Care. Brunswick 1967

    Gene Chandler. There Was A Time. Brunswick 1968

    Gene Chandler. The Two Sides of Gene Chandler. Brunswick 1969

    Gene Chandler. ‘80. Chi Sounds Records 1980

    Gene Chandler. Here’s To Love. Chi Sounds Records 1981

    Gene Chandler. 60’s Soul Brother. Kent/Ace Records 1986

    Gene Chandler. Get Down With The Get Down. Westside 1999

    Gene Chandler. The Brunswick Years 1966-69. Westside 1999

     

    *

    On ne parle plus beaucoup d’Harry Belafonte, c’est dommage mais je ne m’étendrai pas davantage sur cet artiste, il fut aux USA dans les années 56  - 57 le propagateur de ce rythme de danse aux racines africaines qui naquit dans les années 30 sur l’île de Trinidad, à l’époque les mauvais augures prophétisaient que cette mode allait renvoyer le rock’n’roll dans les poubelles de l’Histoire, desquelles il n’aurait jamais dû sortir. Il n’en fut rien. Entre nous soit dit, je n’ai rien contre le calypso, la preuve : entre cette fin d’après-midi la teuf-teuf roule allègrement pour m’emmener au concert du :

    JAKE CALYPSO TRIO

    3 B

    (Troyes  - 12 / 07 /2025 )

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    Du monde partout, sur la terrasse au petit courant d’air frais très agréable, à l’intérieur je me faufile jusqu’à ma place favorite les jours caniculaires un gros ventilateur infatigable dans mon dos. Devant moi, il y en a trois autres qui ventilent, mais de l’air chaud, employons les termes idoines, le souffle torride du simoun, pas le genre de mollassons à ralentir  sous prétexte que le changement climatique bla-bla-bla, ce qui n’aiment pas le rock’n’roll n’ont qu’à s’enfermer dans leur frigidaire.

    Frère Jake, nous met en garde, attention les fans de rockabilly du 3B, le trio Calypso, c’est un peu différent et sans attendre il envoie la semoule qui roule à perdre la boule, c’est instantané en trois secondes l’on change de lieu et d’époque, c’est comme vous arrivez aux sources du Nil. N’y en a pas qu’une, ça vient de partout, de tous les côtés, ce n’est pas tout à fait le Nil, mais ce n’est pas nihil, non ce n’est pas rien, pas encore du rock’n’roll, mais l’âme du rock en gestation, vous avez tout en une seule fois, le blues et son delta, le country et ses collines, une cavalcade rouge, des linéaments africains, un crocodile du bayou n’y reconnaîtrait ses petits, mais vous avez tout l’ensemble de la musique américaine sur un plateau, tous les ingrédients mélangés, vous tirez un spaghetti et le plat de macaroni déboule dans votre bouche, quel gumbo trop beau, essayons d’y mettre un peu d’ordre. Ne sont que trois mais quel terrible tintouin !

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    ( Image Michel Joubier )

    Jake joue de la guitare. Ce que je viens d’écrire est un mensonge. S’il était cuistot il vous passerait les plats. Comme il est guitariste il vous passe les plans. Imaginez, visualisez une espèce de galopade incessante, un rumble de fond qui ne cesse pas un quart de seconde. Sur cette foutrasie incessante il placarde ses interventions, faut les chopper au mental, jamais plus de quinze secondes, souvent beaucoup moins, mais à chaque fois que ce soit une claire guirlande, un bémol clignotant, une dissonance mirifique, il vous espante, il vous trucide, il vous atchoule, et chaque fois il en rajoute, ce petit haussement d’épaule, ce sourire goguenard, ce petit plus qui vous montre que le monde est plein de surprises, c’est Jake le Cake, il s’amuse comme un gamin devant sa glace avec son balai, en plus il baragouine, il ne chante pas en anglais, il vous sort une espèce de hachis parmentier de génie, aussi sanglant que les abattoirs de Chicago, il bouffe ses mots à merveilles, il roucoule comme le méchant loup au fond du bois qui se pourlèche les babines à l’idée de bouffer tout cru le petit chaperon rouge, la grand-mère et le chasseur. N’oubliez jamais que le blues est rouge comme la vie et noir comme la mort. Z’en plus, se sert d’une arme de déstucturation massive : l’harmonica, à ce mot vous pensez blues, attention il y a blues et blues celui des trilles claro-rifflante des années cinquante, puis l’autre, qui regarde moins vers la luminosité, celui qui germe et pousse dru dans la terre des cimetières du Sud, qui refuse de s’élever vers le soleil mais qui parcourt les sillons des terres de misère.

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    ( Image Rocka Billy )

    N'est pas seul. Sur sa gauche, Ben le Driver, le dos contre le mur, il s’occupe de sa big mama. Il joue serré. Les poings au plus près de cordes. Il rassure, il assure les risques et les périls, les crimes et les châtiments, sans ciller, imperturbable, à la limite vous ne prenez pas garde au roulement caverneux qui sort de son engin bulldozérique, le son entre dans votre cerveau et s’installe comme s’il était chez lui, oui mais quand sans prévenir ses deux acolytes vous font une anacoluthe de silence, vous entendez les quintuples barrissements suprêmes et percussifs de son upright qui vous envoient au tapis sans vous demander la permission. Ben ne slappe pas, il boxe.

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    ( Image Rocka Billy )

    Nous avons vu la basse, voici le sommet dévastateur de l’isocèle qui vous ensorcèle. Thierry Sellier. Petite batterie. Le kit minimum de survie. Mais grand tapage. Tape de la baguette droite mais la gauche est redoutable. Elle survient toujours à bon escient, mais jamais vous ne vous y attendiez. Un coup de semonce. C’est tout, et amplement suffisant. Mallarmé refusait de mettre le troisième point de suspension, il disait que deux  suffisaient. Thierry se contente d’un seul. Mais après cet uppercut vous êtes comme la poule sur le mur qui fait cut-cut codec ! Je vous les présente un par un, mais je ne devrais pas. Jouent ensemble. Z’ont le son, ils se contentent de jouer à saute-mouton par-dessus. Sont si terriblement au point, qu’ils peuvent tout se permettre. Même pas besoin d’un clin d’œil d’avertissement. Réactions psychotiques, chacun intervient, pas à bon ou à mauvais escient, les deux autres réagissent comme ces essaims d’oiseaux qui brusquement sans préavis   virent à gauche ou voltent à droite sans que vous puissiez comprendre comment ils réalisent ces tours de magie…

    Oui ils font des reprises, de Big Mama Thorton par exemple, ou de Johnny Rivers que plus personne ne cite aujourd’hui, et des trucs de leur propre cru. Aucune différence. Ils donnent leurs versions à eux, leur interprétation, leur compréhension de ce qui a lieu, il cinquante ans, il y a un siècle, ils ne copient pas ils créent, ils ne reprennent pas, ils vous filent leur tambouille de cannibales, ils vous font cuire dans leurs propres chaudrons.

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    ( Image Chris Dufeutrelle )

    Un premier set bluesy, un deuxième hillbilly, un troisième rockabilly. Des dominantes. Mais pas du platé-toc. Des pépites issues de leur concession dans leurs robes de quartz ou leurs gangues d’alluvions. Une revisitation de notre musique. Et puis surtout, cette joie, ce plaisir incoercible de ce bouquet de feux d’artifices. Un final extraordinaire, un Thierry hors de ses gonds, métamorphosé en catapulte, un Ben insatiable et Jake qui vous conte l’histoire de Jake Calypso sur un bateau. Aucun des trois ne tombe à l’eau. Qui reste-t-il ? Pardi, sans sourdine : le Jake Calypso Trio !

    La soirée s’achève parce tout s’achève en ce bas monde. Une ambiance de fou. Ils ont tout donné. On a tout pris, on ne vous a rien laissé. Tant pis pour vous.

    Remercions encore une fois Béatrice la patrockne !

    Damie Chad.

     

    *

    Juste quelques mots sur le FB d’Across The Divide, en introduction à une vidéo, pas grand-chose mais de grande résonnance :

    « C'est fini » Un an après l'enregistrement. Rester motivé et productif peut parfois être difficile, mais nous sommes là, conscients. Merci à ceux qui sont encore là, qui nous écoutent et qui entretiennent la flamme.

    Ce n’est pas un adieu définitif, toutefois l’on ne peut s’empêcher de penser que ça y ressemble. Quand l’ombre menaça de la fatale loi Tel vieux rêve, dixit Mallarmé

    Nous les suivions depuis longtemps, dans notre livraison 320 du 22 / 03 / 2017 nous assistions à leur  prestation au Brutal Night, nous avons rendu compte de leurs différentes productions, précédemment dans notre livraison 664 du O7 / 11 / 2024 de leur single Away.

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    Hier après-midi, un détail a attiré mon attention. Tiens, mais pourquoi donc ont-ils changé la couve d’Away, ce fond noir, ce bleu glacial, cette feuille comme congelée, cette goutte de sang, cette nouvelle image jure un max avec l’ancienne vidéo d’obédience romantique, ces arbres géants pétrifiés dans leur beauté séculaire  qui évoquaient la nervalienne forêt de Mortefonaine, pour être précis l’image penchait davantage vers la pérennité de la mort que vers l’idée fontaine vivifiante…

    UNAWARE

    (YT / Avril 2025)

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    Une couve de même typologie que la précédente, les mêmes motifs, les mêmes couleurs froides, le bleu, le noir, mais l’ensemble se présente autrement, un rameau porteur de feuilles mais qui s’offre presque comme une main tendue. A y regarder de près le ciel n’est pas noir mais bleu-noir, l’on distingue un très mince croissant de lune d’où l’envie de recopier le dernier vers du sonnet de Mallarmé : Que s’est d’un astre en fête allumé le génie. Ne présumons pas une victoire abrupte pas, disons le signe d’une germination encore en puissance, cette force inconsciente de la nature, invisible, imperceptible à l’œil nu mais qui s’accroît d’elle-même en elle-même, un rameau de la nuit dirait Henri Bosco dont les efflorescences sont issues de l’ombre la plus noire.

    Vous ne pouvez pas plus simple. Vous ne pouvez pas trouver plus beau. Une ellipse. Une parabole. Un geste. Un acte. Du noir. Et du Blanc. Et c’est tout. Toutefois félicitons Julien Guesdon, cadreur – monteur c’est ainsi qu’il se présente sur son Instagram. Donc Across The Divide sur scène. Pas vraiment. Ce n’est pas un groupe qui nous est présenté. Mais tous les groupes. Du monde et d’ailleurs s’il existe d’autre ailleurs. ce pourrait être n’importe quel groupe et pourtant ce n’est qu’Across The Divide. Je ne joue pas sur les mots. Ce que vous voyez ce n’est pas le groupe mais ce qu’il est en son essence quand il dit qu’il n’est que la traversée du fossé. Du grand fossé. Celui qui sépare le noir du blanc, la mort de la vie. Le chant du cygne. Est-ce pour cela qu’ils portent un T-shirt blanc et que tout le reste est noir. Blanc ou noir c’est toujours le cygne qui fait signe. Le signe insigne. Qui ne peut pas être pris pour un autre.

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    Combien sont-ils ? Ils sont un groupe. Mais vous ne les apercevez jamais ensemble. Chacun séparé des autres par le fossé de la solitude humaine qui n’est que l’autre face de notre plénitude. Une dramaturgie. Ils apparaissent. Une musique qui bourdonne, une ombre blanche qui stabilise une silhouette, puis une autre, puis une autre, êtes-vous sûr d’avoir bien vu, puis le titre en blanc sur l’écran noir écrit en gros, UNAWARE, et le ballet déboule, chacun saisi dans ses propres attitudes, rivé à son instrument, ils bougent, s’entrecroisent mais semblent  ignorer ceux qui font de ne même à leurs côtés, la musique lyrique, la voix qui grogne comme l’ours polaire en colère sur son glaçon, ainsi sommes-nous tous confrontés à nos propres

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    thématiques, dérivant en nous-mêmes si loin de nos semblables,  prisonniers aveugles de cette tour d’ivoire de nos rêves d’existence que nous avons élevées pour être encore au plus près de nos vies menacées par ce grand fossé que nous avons creusé de nos propres mains, pour être encore plus isolés, au plus près de nous-mêmes, la musique devient encore plus violente, plus forte, ils hurlent, ils tapent, veulent-ils briser le cristal métaphysique qui les sépare des autres, être enfin réunis en l’unité d’un groupe enfin agrégé, ou simplement tester la solitude du grand verre dans lequel Marcel Duchamp les aurait renfermés pour faire sourire la Joconde, Lhéritier tient son micro comme s’il implorait des puissances éternelles, Weber s’acharne sur

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    sa caisse sombre et Biodore sourit énigmatiquement, montée exponentielle, les fauves enfermés dans leurs cages rugissent, tourniquets, moulinets, les visages se perdent dans la pénombre, prédomine la blancheur de leurs toges t-shirtiques qui enveloppent leurs torses, parfois l’on croit qu’ils vont s’arrêter mais ils repartent au combat de plus belle, comme s’ils étaient des anges blancs à l’âme teintée de folie noire, l’on ne sait à qui ils s’adressent, contre qui vitupèrent-ils, ils semblent prendre acte de leur impuissance à n’être qu’eux-mêmes, mais ils repartent en pantins désarticulés qui obéissent à des mouvements dont ils auraient perdu la maîtrise.

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    Silence. La musique s’arrête. Les voici décontenancés, surpris, stupéfaits comme si quelque chose  plus forte que leur rage les tenait à sa merci, ils ont perdu, mais la foule gronde, une extraordinaire vague d’acclamations les submerge. Musique céleste. Récompense des Dieux. Alors ils titubent, ils ahanent, ils lancent leurs dernières forces dans la bataille, il pourrait paraître qu’ils s’inclinent comme pour remercier le public. La lumière s’éteint. Comprenez que le noir absolu les a happés. La vidéo est terminée.

    Interprétez la métaphore à votre gré.

    Merveilleux clip de finitude humaine.

    Damie Chad.

     

    *

            Dans notre dernière livraison 698 au tout début de l’été nous chroniquions The Trial of Socrates de Thumos, opus instrumental en relation avec divers dialogues de Platon, philosophie et littérature ont souvent fait bon ménage avec la musique. A l’orée de cette saison 2025 – 2026 voici donc une vidéo de Patric Geffroy Yorffeg évoquant   Edgar Allan Poe.

    LES JOURS DE L’AUTRE

    HOMMAGE A EDGAR ALLAN POE

    PATRICK GEFFROY YORFEGG

    (YT / 04 – 07 – 2025) 

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             Patrick Geffroy Yorffeg, à la trompette, dans son décor habituel, in persons. Notez le ‘’S’’. Musicalement plusieurs, trompette basse et trompettes en  sourdine et synthétiseurs. Et puis surtout l’autre. Convoquez l’aile noire du Corbeau n’est pas sans danger. Ce vieux plumage terrassé, Dieu disait Mallarmé. Car on en est là lorsque l’on évoque la figure tutélaire d’Edgar Poe. Au cœur de la dissonance Sans doute est-ce pour cela que la trompette se dédouble, elle se bat sans merci avec son ombre et avec sa propre absence qui n’est autre que la présence d’une autre trompette qui n’est que le signe d’autre chose, une chose noire et impalpable, chiffon visqueux qui bat de l’aile, peut-être est-elle de cette consistance de l’âme perdue qui reste palpitante à ras de terre mais qui ne peut plus prendre son envol, qui se dérobe à chaque instant mais dont des haillons de tissus accrochés à vos doigts sanglants sont la preuve ineffable que alentour de vous quelque chose a bien eu lieu.

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             Attardez-vous sur cette notion d’instrument. Fût-il de musique, qu’est-ce qu’un instrument instrumente ? Avant de répondre, au fond de l’image fixez vos yeux sur le fauteuil vide. Et si sa vacuité n’était que la marque de l’absence du vide. Ne vous laissez pas emporter par ce frémissement de basse, sans quoi vous finiriez enseveli, l’instru-tourmente le son, il est le fils et le géniteur du désastre sonore, le son se perd dans les insupportable cliquetis du néant qui refuse de se faire passer par du bruit. Ne prêtez pas votre oreille, le désastre l’exige tout entière, comme le don ultime à l’indicible qui se fait nuit dans les cornets indistincts des naufrages, le spectacle du maelström n’est qu’ écume et  fureur pour celui qui se contente de le regarder, mais celui qui s’aventure dans le monstre furieux n’entend plus la pulsation mortifère de son sang qui gargouille dans ses propres veines, car il n’est nul besoin d’aller à la rencontre du gouffre, l’abîme est déjà en vous depuis le premier jour de votre gestation, toute rencontre physique avec l’autre ne réside-t-elle pas en une coagulation métaphysique de chair et de sang, érigée en signe de désespérance comme un récif au milieu de la mer  perdu au milieu de la mer, sur lequel vous finirez par vous fracasser car vous êtes vous-même l’écueil de votre propre existence. De votre inexistence à n’être pas ce que vous désireriez être.

             Patrick Geffroy Yorfegg nous offre une musique vertigineuse qui se perd en son propre vertige. Il souffle pour mieux aspirer à être l’inatteignable. Il est des limites infranchissables qu’il convient de franchir, sans quoi elles reviennent toujours et s’établissent en vous en tant que vos propres limites. Souffler dans une trompette, souffler dans un oratorio de trompettes n’est-ce pas le geste désespéré, l’ultime ressource sourcée au plus profond de vos entrailles qui permettrait  d’envoyer au loin l’obstacle qui vous arrête car il n’est que vous-même.

             En ces six minutes et cinquante-neuf secondes, j’admire celle qui manque, qui fermerait le septuor, Patrick Geffroy Yorffeg va jusqu’au bout de lui-même et jusqu’au bout ultime de la musique, que se passerait-il s’il jetait une  note supplémentaire, briserait-il par ce  murmure le mur de la musique ou celui du silence, dans quoi accèderait-il, si ce n’est peut-être en lui-même, tel que sa propre éternité le changerait. 

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             Dans la barque d’Arthur Gordon Pym, Yorfegg a admis un passager clandestin. Un compagnon de passage, d’ultimité, il ne pouvait s’adjoindre meilleur Capitaine pour explorer les eaux du dessus et les eaux du dessous. Le fantôme d’Edgar Poe tient le cap sans que  la barre ne varie, Yorffeg souque ferme, il souffle et suffoque sous le foc du désir intérieur, au cours de la traversée le flot musical périclite, il se désagrège pour mieux renaître de ses cendres bruiteuses, où nous mène-t-il, certes il nous manque la seconde dernière celle qui ne reviendra pas, tant pis pour nous, mais c’est pour cette dernière, en l’honneur de laquelle, qu’elle apparaisse ou n’apparaisse point, coup narquois d’éventail, qu’il a cérémonieusement noué une cravate noire. Toute musique poussée en ses derniers retranchements n’est-elle pas mortelle.

    Damie Chad.

     

    *

    Vacances terminées nous reprenons notre série documents Gene Vincent. Nous pensons qu’il est inutile de rappeler aux kr’tntreaders le rôle de Jeff Beck dans notre musique…Yardbirds, Jeff Beck’s Group, Beck Bogert and Appice, notre Cat Zengler a évoqué à plusieurs reprises tout ce parcours, plus sa carrière solo en tant que franc-tireur de la guitare.

    The Gene Vincent Files #4 : Jeff Beck talking about Gene

     and his admiration for Cliff Gallup.

    Où sommes-nous, des voitures défilent sur une quatre voies, serions-nous au Palomino Club à Hollywood, ça y ressemble mais aux States, comme ici, les abords des villes sont interchangeables… un panneau lumineux nous apprend que nous sommes au House of Blues – si nous sommes en Californie nous serions donc à Anaheim - en dessous le nom de Jeff Beck est entouré d’ampoules clignotantes, depuis la première image nous l’entendons parler, le voici calé sur une banquette de restaurant ou de pub, T-Shirt blanc, veste en Jeans, cheveux longs, visage découpé au surin.

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    Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez entendu pour la première fois Gene Vincent ? Oui c’était autour de 1956 alors que Be Bop A Lula était un grand hit, je pense qu’il était numéro 1 dans les charts américains, ou alors classé très haut, ma sœur qui avait quatre ans de plus que moi possédait un tourne-disques et c’était un des premiers disques qu’elle avait achetés, aussi je le passais et le repassais sans cesse, et je n’avais jamais entendu une sorte de chant aussi  frénétique, mais il ne hurlait pas, mais il y avait cette sorte de tension, presque un chuchotement comme s’il était en train de parler, et il y avait cet écho claquant que je n’avais jamais entendu, et cette guitare incroyable et ces deux solos de guitare dans un 45 tours pop, deux solos brillants que j’ai aussitôt étudiés, des solos de Cliff, des solos de Cliff Gallup, totalement obsessionnels, je ne savais même pas les caractéristiques de la guitare qu’il fallait pour produire un tel son, et finalement j’ai découvert que ce n’était pas Russel Williford dont la photo était sur les affiches du film, mais si vous achetiez un autre album sur la couverture vous aviez Johnny Meeks mais c’était Cliff qui jouait toute cette fournaise qui littéralement me rendit fou, je ne pensais même pas à cette époque que je jouerais de la guitare mais d’écouter Cliff Gallup, d’entendre ce truc, son travail sur ces albums m’a permis de réaliser que toutes ces insultes à l’encontre des rock’n’rollers, qu’ils ne savaient pas jouer de la guitare, je l’ai entendu différemment quand mes oreilles se dressèrent et l’ai commencé à tenter de copier Cliff et quoiqu’il fût difficile d’imiter ce style parce que vous savez la musique que nous avions l’habitude de jouer était plus proche des Ventures, vous savez un style proche de la musique de danse, mais  cette nouvelle sorte de musique s’est greffée dans ma manière de jouer, tu l’entendais si souvent, que toi-même tu devenais Cliff … La première fois que je l’ai vu, c’était je crois en soixante,  la toute première fois que Gene est venu en Angleterre, je pense que c’était en 1960 à Kingston (banlieue de Londres) au Granada (spectacle organisé par la télévision privée du même nom)  il portait un costume vert et c’était le Gene que je connaissais, mais

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    où étaient les Blue Caps, il y avait quelques gars, que je n’ai pas reconnus, et nous étions, moi et un ami, des fanatiques des Blue Caps, nous étions choqués de voir que Gene et ses Blue ne ressemblaient pas aux Blue Caps que nous ne pouvions confondre avec cette formation, mais bien sûr nous sommes restés, c’était incroyable et le combo était aussi bien que possible, mais nous étions désappointés de ne pas voir Cliff, ni   Wee Williams le guitariste rythmique, ni Dickie Harrell, nous étions profondément déçus, ce n’était pas ce que nous attendions, après ce premier concert alors que quelques groupes de filles hurlaient en face de moi proclamant qu’elles partaient à la recherche de Gene pour le rencontrer, je sais que vous n’êtes pas comme moi mais je ne pouvais pas supporter l’idée que n’importe qui puisse rencontrer mon idole, je ne voulais pas m’approcher aussi près, je voulais juste le voir sur scène au Majestic Spotlight, sous les feux de la rampe, comme je l’avais vu dans les films. The Girl Can’t Help It, c’était la meilleure image, non seulement de Vincent mais du rock’n’roll, à coup sûr c’était un grand film, un peu comédie, un peu drame sur la fin quand les gangsters tentent de vous avoir… Tom Miller il me semble, mais quel film, encore maintenant il est fantastique, ce fut pour moi le truc qui a réellement compté, pas seulement d’entendre Be Bop A Lula, ou le tourne-disques de ma sœur, mais d’avoir vu le film avec ma sœur qui m’avait emmené, ô merci soeurette, puis Hot Road Gang que j’ai vu ensuite, Gene était en plus un très  bon acteur, diablement bon, pas du tout embarrassé de sa personne comme vous pourriez l’imaginer, je veux dire ce que Gene incarnait à lui tout seul, comme s’il était prêt à renverser la table, à tel point que par la suite il s’est effondré à la suite de la sortie de Bluejean Bop qui ne fut pas un aussi grand succès, et à partir de là il a été pris dans une spirale descendante, il a allumé le feu à Londres et n’a jamais remonté le courant, quand il est venu en Angleterre, on ne pouvait pas s’en rendre compte, c’est ainsi que moi j’ai pu le voir, il était énormément populaire, il était cornaqué par Jack Good, il n’avait jamais porté de cuir noir ni le médaillon avant que Jack Good ne lui ait dit, tu ne peux pas porter ces vêtements de péquenaud, je pense que Jack

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    Jack Good + Gene vincent

    Good était davantage un dramaturge, un entrepreneur de théâtre qui imposait sa propre vision de  Gene, et ça a marché parce que tout le monde aimait Gene. Je n’ai jamais été particulièrement fasciné par tout cela, vous pouvez facilement décider que Jack a tué Gene ou qu’il l’a créé,  logiquement  cela lui a valu de nombreux passages à la télé qu’il n’aurait jamais eus sans cela, assis devant mon poste je le regardais sur l’écran, je pensais que ce spectacle ne donnait pas à voir  ce qu’était vraiment l’authenticité de Gene, la véritable chose c’était Gene lui-même, dans la grisaille d’une semaine anglaise habituelle ce truc n’arrive jamais, je veux dire qu’il y avait des saxophones frayant leur chemins et des orgues un peu partout, ce n’était pas le rockabilly pur et dur que nous nous aurions aimé entendre, c’était l’habituel divertissement familial et Gene arrivait avec ses gants noirs quelque peu terrifiants, mais c’était un truc de toute manière peu élaboré, ces programmes n’avaient aucun effet sur  moi, il aurait dû me laisser produire cette merde, j’aurais renvoyé les autres à leurs habitudes, et mis les Blue Caps sur scène nous délivrer un spectacle qui aurait cassé la baraque, et je les aurais payés proprement, je les aurais surveillés, je ne les aurais pas au sens médical du mot  quittés des yeux, parce que je les aurais juste laissés à eux-mêmes, ils avaient apparemment un manager qui avait vraiment l’habitude de peser de tout son poids, je ne suis pas en train de lâcher quelques noms mais je sais que ce que je dis est la vérité, vous savez j’ai entendu de toute première main que lorsque les coiffures ont évolué, passant de ces grappes graisseuses sur le front à ces cheveux souples,  du coup Gene a pris un coup de vieux, la mode avait changé du tout au tout,  même si les fans de rockabilly pur et dur, les fans de rock’n’roll n’auraient jamais adopté cette coupe à la scarabée,  prédominaient alors les vents du changement avec Bob Dylan, les Beatles et les Stones,  et Gene était comme d’avant-hier, et même s’il a survécu, et est devenu incontournable dans la mémoire du rockabilly, il a quand même été laissé sur le côté de la route, car datant d’antan  comme vos Johnny Tillotson et Bobby Vee, et tous les autres, ils ont disparu avec l’arrivée des Beatles, c’est incroyable car ils ont quand même surnagé et ils ont acquis et vécut dans ce statut de notoriété de fondateurs, mais le vieux Gene, je veux

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    dire, vous savez c’est aussi la façon de la manière dont il est mort, il ne voulait pas que ses jambes soient correctement soignées, les gens ont eu le réflexe de le qualifier d’ ’’infirme’’ quand ils ont vu qu’il avait une jambe en mauvais état, il n’était pas sexy, vraiment, sur scène il ressemblait juste à un tueur psychopathe. ( question inaudible) Je l’ai aimé à la manière de Peter Grant qui a géré Zeppelin et par la suite moi-même, nous avons eu droit à quelques anecdotes révélatrices à son sujet, il n’était pas facile de travailler avec lui, il était agressif et buvait, et d’autres trucs du même genre, mais il a toujours offert un spectacle de grande qualité, l’une des meilleures paroles est celle de Johnny Meeks, il a dit que quand Gene est mort il n’a même pas pu mourir correctement, il a dit qu’il n’est pas parvenu à tenir ce rôle correctement, sa vie était empêtrée dans une telle tourmente, le truc anglais c’est ce qui l’a probablement tué, le fait qu’il avait juste derrière lui  une carrière et un public pour le soutenir, mais il en était revenu à ses débuts, à jouer dans des pubs et à survivre, je ne pouvais pas supporter de voir son déclin, mais il était reconnu, comme je l’ai dit les Beatles ont tout balayé, à moins qu’il ne fasse un contrat avec Little Richard, vous savez il y a eu le phénomène rétro des années cinquante, mais il a été laissé plus ou moins dans le désert de Londres, de l’Angleterre, puis de l’Allemagne, de la France, la France était grande, il était grand là-bas, enfin le Beatles, pour commencer  ils ont commencé par se faire les dents dans des boîtes de nuit en Allemagne, de vrais taudis, vous savez jouer et se taper dix heures dans le camion et Vincent était là, ils étaient tous complices, ils aimaient tous cette pression, ils aiment Vincent, ils aiment sa mystique, vous savez, la façon dont il délivrait ses chansons, menaçant, rampant sur scène, sa façon dont il balançait son micro, Rod Stewart a chopé le truc, vous savez le moment où il tenait son micro en l’air, c’était tout le truc de Vincent, mais beaucoup de gens, j’en suis sûr, même si vous parlez aujourd’hui à beaucoup de gens qui savent tout sur les Beatles, vous répondront,

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    mais qui diable est ce Vincent, vous savez c’est triste parce qu’il n’y a pas vraiment d’informations approfondies à portée de main, vous savez maintenant vous regardez la télé, il y a 5 600 chaînes de conneries et aucune mention sur quoi que ce soit qui évoque l’histoire du rock’n’roll, non pas que je ne puisse trouver quelqu’un mais parce que je ne vois aucun concert de Cliff, il n’y a pas une seule séquence de film de Cliff Gallup ce qui est incroyable, vous savez pour un gars qui n’a été dans le groupe que neuf mois, il ne reste aucune séquence de tournée, euh c’est quoi le Big Show, Perry Como oui c’est ça, un gars l’a perdue, il l’a juste jetée, un préposé aux archives, il a dit je n’en ai plus besoin maintenant, de toute façon, c’était une sorte d’excuse, un truc pour frimer,  j’en ai entendu parler… C’était aussi le style de Cliff et les Playboys étaient là aussi, ils connaissaient l’ambiance exacte et le son dont nous avions besoin, l’attitude sur la batterie, la contrebasse, at avant que vous vous en rendiez compte nous avions un bon son comme les Blue Caps, les Blue Caps originaux et aussi il me manquait un album, avec ceux-là derrière  moi, je l’ai donc enregistré moi-même, c’était une idée stupide, en double package avec un orchestre

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    original, ils ne pouvaient même pas me sortir un album,  alors je me suis dit, bon ça au moins c’est un album sincère, vous savez il m’a fallu des années et des années pour perfectionner le style, quelqu’un pourrait aussi bien l’entendre dans ce cadre, donc c’était un hommage à Cliff, vraiment il n’y avait personne à qui vous pouviez parler dans l’industrie de la musique, vous connaissez James Burton à cause d’Elvis mais les héros que j’admirais vraiment étaient Cliff Gallup, Paul Burlison qui était sur les premiers disques du Rock’n’Roll Trio, et Johnny Burnette, il n’y avait pas beaucoup de rockers purs et durs à l’époque de Scotty Moore,  il n’y en avait que trois, triste que les gens n’aient pas la capacité d’apprécier ce qui s’est passé auparavant, ils ont en quelque sorte tout aplani au bulldozer comme si cela n’avait jamais existé, dans le but d’assister à quelque chose de nouveau, vous savez que les fans des Beatles ne se seraient pas sentis dépaysés  dans un concert de Vincent, vous savez et je me suis dit, que se passe-t-il avec vous, cela fait partie des éléments constitutifs de la raison pour laquelle nous sommes ici.

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    Damie Chad.

    P. S. : le nom de Johnny Tillotson n’est guère connu par chez nous, il fut une grande vedette aux Etats-Unis et en Angleterre, chanteur et compositeur, son It’s Keep Right On A Hurtin’ fut repris par Elvis. Nous lui consacrerons prochainement une chronique. Bob Dylan dresse dans ses Chroniques un bel hommage à Bobby Vee qu’il accompagna sur scène dans sa jeunesse, auprès duquel il apprit les rudiments du métier. Rappelons qu’après la mort de Buddy Holly, ce fut à Bobby Vee qu’échut la lourde tâche de continuer la tournée en tant que tête d’affiche…

             Dans la dernière partie de son monologue Jeff Beck évoque l’enregistrement de Crazy Legs par Jeff Beck & The Big Town Playboys, que nous chroniquerons quand nous aurons terminé cette série de documents en consultation libre sur la chaîne  YT : VanShots – RocknRoll Videos.