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CHRONIQUES DE POURPRE - Page 2

  • CHRONIQUES DE POURPRE 687 : KR'TNT ! 687 : DOUM DOUM LOVERS / DEAN WAREHAM / TERRY MANNING / ISAAC HAYES / DARRELL BANKS / LITTLE RICHARD / TELESTERION / CONIFER BEARD

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 687

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    24 / 04 / 2025

     

    DOUM DOUM LOVERS / DEAN WAREHAM

    TERRY MANNNING / ISAAC HAYES

    DARREL BANKS / LITTLE RICHARD  

     TELESTERION / CONIFER BEARD

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 687

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    L’avenir du rock

    - Doum Doum Doum Doum

    (Part Two)

             L’avenir du rock boit un coup au bar. Boule et Bill déboulent.

             — Ça va, avenir du frock ? T’as la trique ?

             — Da da !

             — Tu parles allemand, maintenant ? Tu sais bien qu’on peut pas schmoquer les boches... C’est pour nous provoquer, dis ?

             — Di di !

             — Dis-voir Boule... Franchement, t’as déjà vu un mec aussi con que l’avenir du toc ?

             Boule ricane un coup et lance :

             — Ah tu peux dire qu’y bat tous les r’cords, c’t’av’nir de mes deux... Sur la tête de ma mère, y a pas pire locdu ! C’est-y pas vrai, av’nir de mes couilles, qu’t’es un locdu ?

             Bill ajoute aussi sec :

             — Tiens j’te parie qu’y va t’répondre ‘du du’ !

             En plein dans le mille...

             — Du du !

             — Y nous prend vraiment pour des bidons !

             — Don don !

             — À part sortir ses petites conneries à la mormoille, y sait rien faire d’aut’ !

             — J’te parie qu’y va nous brancher sur les Dum Dum Boys et des Doum Doum Lovers... Tu vois pas qu’y prépare le terrain ?

             — Alors av’nir du kraut, t’en connais d’autres des Lovers machin ?

             — Everly Lovers !

     

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             Un an après un premier concert dans l’Eure, tu retrouves les Doum Doum Lovers sur scène dans la salle des fêtes du trou du cul du monde, quelque part dans l’Eure. T’en reviens pas de voir un groupe aussi bon se produire si loin de la civilisation. Et du coup, t’en conclus que c’est tant mieux. L’underground est sain et sauf, il respire le bon air de la campagne. T’es tout de suite frappé par l’énergie des Doum Doum. Non seulement elle est restée intacte, mais elle a prospéré. Kinou bat de plus en plus sec et net, et Jean-Jean rocke le boat comme Popeye the sailor. À deux, ils restituent l’extraordinaire exubérance du rock sixties - le temps de l’innocence - ils remettent du rose aux joues de cette vieille mythologie éculée par tant d’abus, ils redonnent du sens à la nostalgie, mais avec un punch qui en dit long sur la pureté de leurs intentions. S’il fallait les résumer en deux mots, ce serait fraîcheur de ton et brio. Leur set passe comme une lettre à la poste : pas de temps morts, rien que du bon flux. Cette incroyable fluidité est un modèle du genre.

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             Alors attention, il y a une petite nouveauté : ils viennent d’enregistrer Doum Doum Covers/ Subtle Songs For Lovers qui, comme son nom l’indique, est un album de covers, et pas des moindres. Ils commencent par taper le «Primitive» des Groupies dans leur premier tiers de set, et ça prend aussitôt des proportions considérables, car Jean-Jean le travaille bien au corps, il en fait jaillir la moelle, il en écrase bien les syllabes, et pendant qu’il gratte ses poux, tu grattes tes puces, car ça sent bon le fond de la caverne et les Cramps. Te voilà sur orbite. Tu vas encore valdinguer avec une superbe cover du «Five Years Ahead Of My Time» des Third Bardo, un autre sommet du genre, repris entre autres par Monster Magnet, les

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    Nomads et bien sûr les early Cramps. La version des Doum Doum est assez monstrueuse, Jean-Jean ramène les basses du diable sur sa gratte, il donne au Five Years une profondeur de champ jusque-là inégalée et prend son pied à jouer le thème dans l’épaisseur du son. Sa version vaut largement les trois pré-citées. Il enchaîne avec un autre killer-track, le «Trip» de Kim Fowley, et là, pareil, il te laisse comme deux ronds de flan, car il rappe comme Kim, sur le plus monstrueux des beats sixties, il te stompe ça vite fait bien fait. Non seulement le choix de covers est imbattable, mais le rendu vaut tout l’Or du Rhin, il passe chaque fois en force sans forcer, c’est quasiment un tour de passe-passe. Du pur Houdinisme ! Rien n’est plus

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    génial qu’une reprise bien sentie. T’as le cut et l’argent du cut. À deux, parviennent à défoncer la rondelle des annales, avec cette incroyable fraîcheur de ton qui les caractérise. Ils tapent encore le «Do You Love Me» des Contours, produit à l’aube des temps par Berry Gordy, une petite furibarderie qu’on aurait tendance à confondre avec celles des Isley Brothers. Ce démon de Jean-Jean passe en mode heavy blues pour taper l’«How Long Blues» de Leroy Carr et sort pour l’occasion un son de basse sur la gratte qui rappelle le son qu’avait Dave Edmunds au temps d’«I Hear You Knocking», ce son bien sourd qui t’entre aussitôt sous la peau. Ils

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    continuent de taper dans l’haut de gamme avec la version française de «Bird Doggin’», celle de Noel Deschamps, «Pour Le Pied», rebaptisée ici «Pour Le Fun». Kinou l’attaque de front, sur un ton mal intentionné et redonne vie à ce vieux hit entré en fanfare dans la légende. 

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             Petit conseil d’ami : saute sur les Doum Doum Covers, Subtle Songs For Lovers. Cet album entre dans la caste des très grands albums de covers. Tu veux des noms ? Cliff Bennett & The Rebel Rousers et Got To Get You Into My Life, Master’s Apprentices et Apprenticeship In The Garage 1966, Milkshakes et 20 Rock’n’Roll Hits Of The 50’s & The 60’s, Lazy Cowgirls et Radio Cowgirls, Mono Men et 10 Cool Ones, Melvins et Everybody Loves Sausages, Liverbirds et From Merseyside To Hamburg, The Memphis Blues Cream et 706 Union Avenue, Raveonettes et Sing, Robyn Hitchcock et 1967 Vacation In The Past, Junior Parker et Love Ain’t Nothin But A Business Goin’ On, Headcoats et Brother Is Dead But Fly Is Gone, Dirty Deep et A Wheel In The Grave EP, pour n’en citer que quelque-uns. On ne parle même pas des grands adorateurs du Velvet (Galaxie 500, Feelies, Subsonics), de Dylan (William Loveday Intention, aka Wild Billy Childish) ou des Stooges (Union Carbide Production ou encore Sour Jazz). Voilà dans quoi sont entrés les Doum Doum Lovers avec Doum Doum Covers. Ils t’en donnent un avant-goût sur scène, mais sur disque c’est encore pire. T’es tanké dès l’«Her Big Man» des Brigands. Fabuleuse rockalama, ampleur immédiate. Le drive est un modèle du genre. Et ça continue comme ça sur 13 autres cuts triés sur le volet. Ils tapent tous les deux dans l’un des fleurons de la crème de la crème, «A Question Of Temperature» des Balloon Farm, Kinou attaque ça au jungle beat et le Balloon prend tout de suite une fière allure. Le son est plein comme un œuf. Il faut les voir se jeter dans la bataille de la Temperature ! T’es vite frappé par la profondeur insolite des basses. Jean-Jean chante son «Nobody Knows You» à la Kim Fowley, un Kim qu’on retrouve à la fin avec «The Trip», Jean-Jean taille bien sa route sur un heavy beat surchargé de testo, il pousse bien le Kim dans ses retranchements, t’assistes à une fantastique foire d’empoigne. L’album va plus loin que le set : qualité ahurissante de l’écho et des basses, et ça cuivre à outrance. On se croirait revenu au temps où Chris Bailey ramenait des cuivres dans les Saints, ça prend un relief hallucinant. Ce Doum Doum Covers est un vrai coffre de pirate chargé de trésors : Jean-Jean rocke le beat du vieux «How Long Blues» de Leroy Carr et Kinou attaque sa cover de «Bird Doggin’» avec une belle violence salutaire : elle passe par Noel Deschamps et c’est cuivré de frais. Ils jouent l’«I’m Going All The Way» des Squires à bout de souffle, c’est gratté et battu à la hussarde, avec une énergie considérable et un brouet d’acou, et soudain, Jean-Jean siffle. Il re-siffle sur l’«1-25» des Haunted et ça prend un volume extravagant. T’as un solo de sax dans le «Do You Love Me» des Contours et il tape le «Primitive» des Groupies au heavy groove de basse. Kinou ramène tout le ramdam des sixties dans «La Machine», un vieux hit de Dani, et ça repart en mode stoogy pour le «Why» des Dirty Wurds. Jean-Jean nous dira après le concert qu’il tire ses covers des Peebles. Et puis bien sûr, tu retrouves le puissant «Five Years Ahead Of My Time» qui reste le cut chouchou de tous les becs fins. Cui cui !

    Signé : Cazengler, Dumb Dumb Loser

    Doum Doum Lovers. Saint-Léger-de-Rôtes (27). 6 avril 2025

    Doum Doum Covers. Subtle Songs For Lovers.

    L’avenir du rock - Doum Doum Doum Doum (Part Two)

     

    Wizards & True Stars

     - Wareham câline

     (Part One)

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             Non, Dean Wareham ne sort pas d’une (divine) chanson de Michel Polnareff, mais c’est tout comme. Dean Wareham fait partie des êtres visités par la grâce - Pour la vi-iie/ Ou peut-être plus/ Pour la vi-iie/ Ou peut-être moins - L’association Polna/Real Dean est assez automatique. Encore un titre de rubrique qu’il n’est au fond pas besoin de justifier.

             Dean Wareham est le real Dean. Et ce dès Galaxie 500, dès Luna et dès Dean & Britta. Galaxie 500, c’est une galaxie de 5 albums qui te font tourner la tête, car leur manège à toi c’est eux, et l’ouverture de ce Bal des Laze se fait avec l’aujourd’hui de toujours, Today.

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             Today éclot aussitôt avec «Flowers» et son attaque saignante de clairette transfigurée. Et t’as cette basse azimutée qui entre dans le son, c’est quelque chose ! De toute évidence, ils cultivent l’excellence, le Velvet Spirit, t’as aussitôt les dynamiques, c’est complètement extravagant de classe et de puissance. L’autre coup de génie de cet album s’appelle «Tugboat», un Tugboat fabuleusement monté en neige, ça ne pardonne pas. Le real Dean développe son petit biz, c’est un spécialiste de la montée en neige, et avec lui ça va vite, il te gratte tout ça en note à note inflammatoire et te fout l’Ararat en rut. Il développe encore son biz dans «King Of Spain», avec des syllabes élastiques et sa clairette doucereuse. Dans «Crazy», tu le vois cavaler ventre à terre à travers la plaine, en toute allégresse. Il peut se montrer très échevelé, et bien sûr, il joue la carte de la surenchère. Il gratte encore des poux divins dans «Pictures» et dans «Parking Lot», il y coule même une rivière de diamants. Il navigue au même niveau que Tom Verlaine, voilà, c’est pas compliqué. Le temps d’un cut comme «Don’t Let Your Youth Go To Waste», il devient le roi de la pop de velours et il entre au chant comme le ferait Nico. Il déverse encore des flots de clairette pure dans l’effarant «Temperature’s Rising», et ça monte comme la marée. Alors le real Dean s’en va jouer sa belle explosion finale. Il nous fait le coup quasiment à chaque fois.

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             L’idéal est de croiser les écoutes et les ré-écoutes avec la lecture d’une bien belle autobio, Black Postcards: A Memoir. Le real Dean s’y confesse avec un réel talent d’écrivain. L’homme est complet. On est en sécurité. T’as dans les pattes un Penguin book de 300 pages, composé en corps 10 mais bien interligné, ça va, tu ne t’esquintes pas trop les yeux. Le real Dean raconte essentiellement sa vie en tournée, et c’est passionnant, car il promène sur le monde un regard curieux et bien rock, il ne nous épargne rien des vans et des hôtels, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe. Et bien sûr, il rencontre tous les gens intéressants, depuis Kramer jusqu’à Sonic Boom, en passant par Dave Berman, le mec des Silver Jews.

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             Il a quatre ans quand il subit son premier choc esthétique avec le «Georgy Girls» des Seekers, qui en Nouvelle Zélande étaient aussi énormes que le Beatles. Il les compare à Chad & Jeremy et aux Mamas & The Papas - Si nous passons toute notre vie à essayer de retrouver la magie de l’enfance, alors j’ai passé la mienne à essayer de recréer ce que j’ai éprouvé à l’écoute de «Georgy Girl», un mélange de beauté, de tristesse et d’extase - Et là tu sens l’écrivain, car en trois mots, il définit l’art des Galax. Il se souvient aussi que son père avait ramené à la maison l’Here Comes The Sun de Nina Simone, où se trouve ce qui reste selon lui la meilleure version de «My Way». Petit, il avait aussi flashé sur le Cocker’s Happy de Joe Cocker, où se trouve la fameuse cover de «With A Little Help From My Friends» - which he did far better than the Beatles - Il salue aussi les «Elvis’s live performances from the 1970s as some of the greatest recordings of the era. Les critiques se moquaient du King bouffi, mais qui avait un meilleur groupe en 1973 ? David Bowie ? I don’t think so. Les Rolling Stones ? Ils étaient bons, mais Get Yer Ya-Ya’s Out ne vaut pas That’s The Way It Is, un album live d’Elvis enregistré à Vegas et Nashville.» La famille Wareham quitte la Nouvelle Zélande pour l’Australie, puis en 1977, part s’installer à New York. Le real Dean a 14 ans. Il va acheter ses disques chez King Karol Records, 85e rue et 3e avenue, où bosse Bryan Gregory from the Cramps. Puis il découvre via son frère Anthony les Modern Lovers, Magazine, puis les Feelies, dont il qualifie le Crazy Rhythms de perfect record. Au lycée, il se passionne pour la philo, et cite Platon, David Hume et Bertrand Russell. Puis en cours d’Allemand, il flashe sur Bertol Bretch et Erwin Piscator. Il prend quatre cours de guitare, assez, dit-il pour apprendre quelques gammes pentatoniques lui permettant le soloing. Il flashe aussi sur le Paisly Underground, et notamment le Sixteen Tambourines de The Salvation Army, The Days Of Wine & Roses du Dream Syndicate et le Third Rail Power Trip de Rain Parade, le groupe de David Roback. Le real Dean a de bonnes bases. 

             Un jour, il flashe sur a «beautiful old car - a Galaxie 500.» Et hop c’est parti.

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             Dans Mojo, Roy Wilkinson claque six pages galactiques. Il chapôte en qualifiant les Galax de «neo-psychedelic jewel of late ‘80s American indie rock», grands amateurs des «two-chord beatitudes of the Velvet Underground». Le real Dean se dit bien sûr fan du Velvet. Avec Luna, il a joué en première partie du Velvet lors de la tournée de reformation. Et selon Wilkinson, les Galax sont devenus l’«archetypal cult band».

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             Les Galax se sont rencontrés à l’école, on Manhattan’s Upper East Side. Damon Kurkowski & Naomi Yang sont des «grad students at Harvard.» Comme Damon, le real Dean voulait jouer dans les Clash. Naomi en pinçait elle aussi pour le British punk. Damon & Naomi étaient en couple et le sont encore. Naomi apprend à jouer de la basse en écoutant les basslines de Joy Division qu’elle trouve «beautiful, perfect». Première répète en mai 1987. Ils commencent par taper des covers, «Where Have All The Flowers Gone» de Peter Paul & Mary, «I Can See Clearly Now» de Johnny Nash, «Just My Imagination» des Temptations et «Knocking On Heaven’s Door» de Bob Dylan. Ils jouent leur premier gig chez Dean - It was the best gig of my life - Un gig de 20 minutes, «and it was just perfect.» Le real Dean adore la perfection. Il ne vit que pour ça.

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             Damon flashe sur un album d’Half Japanese, découvre que c’est produit par un certain Kramer. Il lui téléphone. Kramer a déjà bossé avec les Butthole Surfers et les Fugs, puis il va sortir Ween et Daniel Johnston sur son label Shimmy Discs. En plus, son Noise New York Studio est abordable. Il enregistre le premier single des Galax, «Tugboat/King Of Spain», Tugboat étant un hommage à Sterling Morrison devenu a «real life tugboat captain», c’est-à-dire capitaine d’un remorqueur. Kramer se dit encore plus fier de Today, le premier album des Galax : «A living dream, like reading William Blake for the first time.»   

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             C’est la collaboration avec Kramer qui va faire basculer les Galax dans la légende. Kramer est une figure de légende dans l’underground : il a joué dans Schockabilly, dans Bongwater et dans B.A.L.L. Kramer a installé son studio au quatrième étage du 247 West Broadway, «just a wooden floor and brick walls.» Il a un 16 pistes. Kramer est un mec très maigre, «the skinniest  man I ever met», nous dit le real Dean, «and he smoked weed vigourously.» Le real Dean ajoute qu’il est fier de sonner comme Galaxie 500, et non comme les groupes qu’ils admirent tous les trois à l’époque, «Modern Lovers, Big Star, The 13th Floor Elevators, Love, Joy Division, or the Feelies.» Ailleurs, il cite encore les Moderne Lovers et Young Marble Giants comme des héros.

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             Leur premier album leur coûte 750 $ - it is still my favorite Galaxie 500 album - Ils se chamaillent un peu sur les crédits, le real Dean estimant qu’il a composé pas mal de trucs - chords, melodies, lyrics - alors pourquoi tout partager en trois ? Mais Damon et Naomi veulent tout partager en trois. Ils menacent de quitter le groupe si le real Dean n’accepte pas le partage à trois, «and that I should find another backing band.» Premier petit bras de fer. Page suivante, le real Dean se dit fier de faire partie d’un groupe avec Damon & Naomi, mais cet épisode lui laisse un drôle de goût dans la bouche «a new taste in my mouth». Il ajoute qu’avec ce type d’incident, le friendship is dead - Your friendship had been poisoned. Kaput !

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    Kramer

             Kramer est un mec bizarre. Il profite que le real Dean ait le dos tourné pour essayer de se taper sa poule, Claudia - That was Kramer - Kramer trouve Claudia hot, alors il tente le coup, mais le real Dean se marre : «I should have punched Kramer in the nose, but I knew he didn’t stand a chance of stealing my girlfriend away from me.» Le real Dean a de la chance, il peut dormir sur ses deux oreilles.

             Quand le real Dean et Kramer acceptent de participer à un benefit acou pour un fanzine, Damon & Naomi protestent : le real Dean n’a pas le droit de jouer sans les Galax. Damon dit que les décisions doivent être prises à trois. Mais le real Dean va faire quand même le benefit. Quand les Galax sont en tournée, Kramer monte sur scène avec eux, et au bout d’un moment, Damon & Naomi ne veulent plus de lui sur scène. Il monte quand même sur scène à Glastonbury. C’est Kramer. Il n’en fait qu’à sa tête. Damon & Naomi sont livides. Ils ne lui adressent plus la parole. Ça amuse beaucoup le real Dean. Un real Dean qui n’aime pas trop les grands festivals - On a joué sur la même scène que Melissa Ethridge, but missed her show. On a aussi raté les shows de Lenny Kravitz, Midnight Oil and all kinds of other stupid shit - Puis arrive the meatball incident. Les Galax dînent au restau avec Kramer, et Naomi commande  des boulettes d’agneau. Kramer s’en offense. Il est végétarien. Il dit à Naomi : «Have you ever looked into the eyes of a little lamb?» - Naomi told him to go fuck himself - Mais bon, c’est Kramer qui fait le son des Galax.

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             Puis les Galax simili-prennent feu avec On Fire, et au chant t’as un real Dean qui sonne vraiment comme Nico, et c’est pas peu dire. Il cultive bien cette ambiguïté, il s’ancre résolument dans la banane du Velvet, et fait monter le relentless comme la marée. Il peut aussi chanter comme une folle préraphaélite («Tell Me»), mais il ne manque jamais de ramener la purée de gras double au sortir d’un cut. Il base la véracité de ses couplets sur le son des clairettes et la pureté des intentions, il rivalise d’ailleurs de pureté intentionnelle avec les Feelies. Et le voilà qui entre à la vipérine dans «When Will You Come Home», et se met à gratter comme un sale crack, un Lou Reed amphétaminé et il développe sa petite affaire avec un gras de clairette toxique qui fait de lui un véritable Wizard. Tout est juteux et organique, sur cet album. Naomi Yang prend l’«Another Day» au chant. Ça a l’air mou du genou, mais en vérité, c’est très puissant. Le real Dean la rejoint sur le tard et fout le feu à la plaine. Il s’implique toujours de façon extraordinaire. Il refait sa Nico dans «Leave The Planet». Tous ses cuts sont infestés, sa psyché est une merveille de mimétisme velvétien. Le real Deal devient de plus en plus blonde germanique avec «Plastic Bird» et toujours ce final apocalytique. Toute la fin d’album est remontée des bretelles. Les échappées sont géniales, avec derrière ce son de basse toujours indépendant, dans son rôle de contrefort mélodique. Voilà un album qu’il faut bien qualifier de princier. On a pu détester ce côté mou du genou à l’époque, mais à la revoyure, il apparaît que c’est du très grand art. Le real Dean est le roi des échappées somptueuses, le final d’«Isn’t It A Pity» est un modèle du genre, une vraie fin en soi, élégiaque et magistrale. 

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             Pour beaucoup, On Fire est le keystone des Galax. Dans la presse rock, on comparait le real Dean à Neil Young, ce qu’il réfute. Il préfère citer les influences de Jonathan Richman et des Feelies. C’est Kramer qui le pousse à forcer sa voix : «Kramer pushed me to double things in falsetto.» C’est après On Fire que les tensions sont apparues. Damon & Naomi vivent à Cambridge, Massachusetts et le real Dean à New York, et le «200-mile drive» l’exaspère. Damon sent que le son des Galax bascule, «from self-consciousness to decadence.»

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             L’année suivante, ils rééditent l’exploit d’On Fire avec This Is Our Music. On y retrouve les mêmes composantes : le mimétisme velvétien et les échappées belles. «Fourth Of July» sonne comme un cut du Velvet. Le real Dean reste dans cette ambiance, avec un bassmatic joliment libre, et puis il part en vrille de velvétude. Il refait sa Nico sur «Spook», à coups de nearly lost my mind sur les accords d’«All Tomorrow’s Parties». Il tape ensuite «Summertime» sur les accords d’«Heroin». Même son d’intro, c’est comme suspendu entre rêve et réalité, et t’as toujours l’explosion finale. C’est vraiment la marque de fabrique des Galax. Coup de génie encore avec «Listen The Snow Is Falling». Noami prend le chant et c’est beau car elle ramène de la chaleur féminine. «Listen The Snow Is Falling» est aussi pur que «Pale Blue Eyes», et bien sûr, t’as la fin de cut apocalyptique, c’est complètement dévastateur avec un real Dean qui explose comme une bombe atomique. Ils enchaînent ensuite deux autres bombes atomiques, «Sorry» et «Melt Away». C’est la bassline qui t’emporte la bouche sur Sorry, Naomi gratte une incroyable mélodie souterraine. Le son des Galax, c’est l’éther d’une voix, une jolie dentelle de clairette et un bassmatic mélodique. Ce bassmatic omniscient qu’on retrouve dans Melt, elle devient la jouvence de la Galaxie, un Melt où le real Dean file vers son final en forme de firmament psyché subliminal, il atteint l’osmose de la psychose, c’est absolument stupéfiant d’universalisme. Ils sont tout simplement faramineux, écœurants d’élégance, surtout Noami et son bassmatic ouaté et mélodique qui donne une profonde identité au son des Galax. Serait-elle la maîtresse d’œuvre ? Elle va chercher des notes de bas de manche qui donnent des couleurs aux joues du cut, elle lui donne vie, et comme si tout cela ne suffisait pas, t’as des trompettes de Jéricho.

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    Damon & Noami

             Le real Dean appelle Damon & Noami pour leur dire qu’il veut quitter le groupe. Mais il reste encore un peu, pour quelques concerts. Et ça va tourner à l’obsession. Il ne peut plus les supporter - I want to live my life without you in it - Il répète encore qu’il aimait «Damon’s fluid, jazzy style on the drums, and Naomi’s simple and melodic bass parts. I liked Damon’s poetry and Naomi’s miniature paintings. But they were driving me crazy.»  

             Des dates sont bookées au Japon et Damon appelle le real Dean pour le lui annoncer, mais il reçoit une fin de non-recevoir : le real Dean quitte les Galax. Damon & Naomi sont choqués.

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             Le quatrième et ultime album des Galax s’appelle Copenhagen. C’est une sorte de best live et fatalement on retrouve ces merveilles que sont «Fourth Of July» qu’ils jouent à cœur ouvert, sans cacher leurs sentiments, «Summertime» où on croit entendre Nico chanter, «Sorry», monté sur un bush de beurre et un bassmatic minimaliste, «When Will You Come Home» où le bassmatic crée encore de l’enchantement et bien sûr le real Dean part en vrille d’excelsior. Tu retrouves aussi le sublime «Listen The Snow Is Falling», très Pale Blue Eyes, pur ô so pur ! Et bien sûr ils tapent une cover du Velvet : «Here She Comes Now». Ils y vont doucement mais sûrement, ils en font un traitement d’une pureté sidérale, et le real Dean revient en plein Nico avec «Don’t Let Your Youth Go To Waste», tiré de Today, cut signé Jonathan Richman, c’est du pur gothic Velvet, ils récréent exactement les conditions du gothique new-yorkais, tas le Grand Jeu warholien et t’as la basse de Naomi Yang qui descend en travers dans le mood, alors la température monte et le real Dean déclenche une fois de plus son champignon atomique.

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             Les Galax sont eux aussi passés par les Peel Sessions. On y retrouve toutes ces merveilles velvétiennes que sont «When Will You Come Home», «Flowers» et «Dont’ Let Your Youth Go To Waste», le real Dean refait sa Nico et passe des grands solos de wah, avec une fébrilité délibérée, quel pâté de foi ! Ça flirte en permanence avec le voile de la Factory, et l’acid freakout de Lou Reed. Ils poussent même le bouchon jusqu’à sonner comme un power trio, et après le dernier couplet de «Dont’ Let Your Youth Go To Waste», le real Dean part en vrille délétère, en Velvétien accompli. On trouve aussi sur ces Peel Sessions une cover du «Submission» des Pistols, d’où l’intérêt des Peel Sessions. Cover dévastatrice, mais sans la voix, bien sûr. Ils tentent l’ampleur. L’autre coup de génie est ce «Blue Thunder» sorti de nulle part et d’une beauté purpurine, bien monté aux harmonies vocales et que ne manque pas d’exploser l’atomique real Dean.

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             Si tu veux aller au fond de la Galaxie, c’est avec Uncollected (Rareties) paru en 1996. C’est vraiment le fond de la Galaxie. Tu y retrouves toute cette mélasse compassionnelle et ces harmoniques de basse qui te plaisaient tant dans les albums. Tu y croises «Blue Thunder» et son fantastique relent velvétique, tu le sens dès les premières mesures, et la belle bassline de Naomi Yang vient te caresser l’intellect, ils chantent à deux et font éclater leur Sénégal avec un sax in tow, et puis bien sûr le real Dean claque un solo final en forme de débinade apoplectique. Le real Dean a toujours cette voix de nez, cette voix de Nico masculin, il est encore pointu sur «Song In 3», il fait son Perlimpinpin et te tire-bouchonne un final explosif. Il challenge encore le Velvet avec «I Can’t Believe It’s Me», il sort des entourloupes à la Lou, il devient tellement Velvetien que ça finit par te troubler. C’est Naomi qui chante «The Other Side». Elle est magnifique, dommage qu’elle ne chante pas plus souvent. Et bien sûr, ça se barre en crouille-marteau de Dean machine. Il collectionne toutes les variations extraordinaires, et la rose n’en finit plus d’éclore au matin. Et voilà le pot aux roses de Ronsard : une version live de «Rain/Don’t Let Your Youth Go To Waste». D’où l’intérêt d’aller chercher ces petites compiles de fonds de tiroirs, car c’est là que se trouvent les vraies pépites. Comme par exemple la version d’«Anarchy In The UK» sur l’album live de Wild Billy Childish & the Blackhands, ou encore la version live at the Roundhouse d’«On Parole» par Motörhead, sur The Boys From Ladbroke Grove. Le «Rain» du real Dean est un sommet du genre - The first time in New York, dit-il avant d’attaquer directement en mad psyché, I don’t mind, et il part en killer killah killoh de mad freakout surnaturel. Il révolutionne le genre, il surjoue l’excelsior, le real Dean est un géant des catacombes, le Golem de la Mad, puis il bascule dans son Youth et ça prend des tournures pourfendues, des allures pantelantes, ça moud les épithètes, c’est exponentiel de panache, t’en suffoques d’extase, et ils font ça à trois ! Et le real Dean se livre une fois encore à une lutte finale explosive. Il est véritablement l’un des génies soniques du XXe siècle, qu’on se le dise !

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             Et pour surenchérir sur le thème «fond de la Galaxie», vient de paraître le mighty Uncollected Noise New York ‘88-’90, qu’on pourrait presque qualifier de tribute au Velvet. On n’y trouve qu’une seule cover du Velvet, «Here She Comes Now», sur le disk 2, bien amenée à l’élan lysergique. Le real Dean est un inconditionnel, il soigne sa Velvetude, il épouse le Lou au chant, il recrée les dynamiques infernales et ça menace d’exploser sous la cendre. Le real Dean fait d’«Here She Comes Now» un monstre d’élégance gothique, un chef-d’œuvre d’intégrisme Velvetique, et Damon Kurkowski bim-bam-boome au beurre, il bat bien la coulpe du Velvet, et t’as en plus ce bassmatic éhonté de Naomi Yang derrière, et petite cerise sur le gâtö, le real Dean qui te gratte les poux du diable, il ressuscite les basses œuvres du Velvet, il tisonne le cœur du pâté de foi et ça prend feu sous tes yeux, c’est de la dévotion extrême qui bascule dans le surnaturel, dans une clameur de la chandeleur. Il n’y a que le real Dean (et Glenn Mercer) pour rendre ainsi hommage au Velvet. Sur le même disk, tu retrouves «Blue Thunder» qui pourrait très bien être un cut du Velvet. Les accords d’intro et la mélodie chant sont typiques du Lou, en plus c’est saxé dans l’âme. Le real Dean réussit son coup avec cette mélopée sublime et il passe un solo de dingoïde en fin de cut. T’entends encore le bassmatic génial de Naomi Yang dans «Fourth Of July». Toujours du très haut niveau, avec le final inflammatoire. Le real Dean se met en branle dans la stratosphère. Il refait encore sa Nico dans «Moonshot». Il retrouve tout l’éclat gothique de l’égérie warholienne. Ne manque plus que l’harmonium. Il te gave comme une oie. C’est d’une densité extraordinaire. Sur le disk 1, tu trouves pas mal d’inédits, tiens, par exemple de «See Through Glasses» qui tape en plein Velvet, gratté dans l’absolu, avec le feu sacré du final explosif. Pareil avec «On the Floor» : inédit et wild as fuck, avec son final apocalyptique. Tu crois entendre le Lou dans «Can’t Believe It’s Me». Lou y es-tu ? Le real Dean est en plein dedans. On retrouve aussi le «King Of Spain» du premier album, Today. Le real Dean refait son Lou d’accent pincé. Et plus loin, sur «Song In 3», il refait le coup double, c’est-à-dire sa Nico et le final de poux demented. Tu retrouves encore cette voix de Nico devenue folle dans «I Will Walk», un autre inédit. Il retombe en plein dans le Lou avec «Cold Night» et la Méricourt entre en lice comme d’habitude à la fin du cut. Et pour finir ce faramineux disk 1, le real Dean sort «Ceremony» de sa manche, la cover de Joy Division, mais ça se met en route exactement comme un hit du Lou, et le real Dean rajoute sa mélodie chant au sommet du mimétisme. Si ce n’est pas de l’art, alors qu’est-ce que c’est ?

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             Dans son book, le real Dean évoque des tas de gens intéressants, à commencer par Calvin Johnson, le mec des Beat Happening, «qu’on appelait the Andy Warhol of Olympia, Washington, an unrepentant punk rocker and leader of the International Pop Underground. Calvin’s punk did not mean wearing a leather jacket and playing loud and fast.» Il ajoute que Calvin avait «a magnetic stage presence and a unique rock voice and wrote great songs that were both innocent and rebellious, but not twee.» Le real Dean voit aussi à l’époque Pussy Galore, «with four guitarists and no bass player», et Bob Bert qui bat le beurre sur un réservoir d’essence. Mais ce qui frappe le plus notre cher real Dean, c’est la tension qui règne dans le groupe - comme s’ils ne supportaient pas d’être ensemble dans la même pièce. Depuis j’ai appris qu’il y avait de la tension dans tous les groupes - Il voit aussi GG Allin dans la rue - Certaines personnes le voyaient comme the essence of rock and roll, a true bad boy, the second coming of Hank Williams. But Hank Williams n’a jamais pris de laxatifs avant de monter sur scène, so he could strip naked and poop on the stage - Il rencontre aussi un journaliste du Melody Maker, Bob Stanley - He was in a band too. They were called St. Etienne - Quand le real Dean lui demande quel instrument il joue, PolyBob lui répond : «It’s hard to explain.»

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             Le real Dean qui a du goût rappelle que les Screaming Trees était son «favorite Seattle band» - They were far more melodic than their peers - Et pouf il embraye sur l’apologie de Lanegan qu’il compare à Jimbo - Like Morrison, Lanegan  was a handsome and charismatic drunk, with long brown hair - Il ajoute que Lanegan était déjà ivre au sound-check de 16 h, et il adorait la cover que faisait Luna du «Don’t Let Your Youth Go To Waste» de Jonathan Richman.

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             On croise dans le book un petit paragraphe sur le mythe du premier perfect album. Le real Dean cite deux exemples : l’Is This It? des Strokes et le Marquee Moon de Television. Et crack, il embraye aussi sec sur le Velvet qui, après le premier perfect album, en ont fait «three more perfect, yet different.»  Oh et puis Lee Hazlewood ! - J’ai rencontré Lee Hazlewood quelques années plus tard et lui ai demandé comment il obtenait his great vocal sound. He said you put echo on the reverb (or was it reverb on the echo?), instead of on the voice itself, so that the voice retains its presence while still having a huge echo sound... like the voice of God - Par contre, le real Dean n’aime pas 16 Horsepower, avec lesquels il joue en Suisse - I’d never heard of them, and I confess I didn’t like them. I mean, I didn’t know them personallly, and I didn’t like their music or their instruments or their porkpie hats - Avec lui, c’est vite réglé. Par contre, il adore Stereolab, avec lesquels il joue à Barcelone - Sterolab was one of the best live bands in the world, one of those bands that comes along once in a while and changes the whole music scene (...) They were derivative on the one hand, but also startingly original - Il rend hommage à Carol Kaye qu’on entend jouer de la basse sur tous les gros hits californiens d’antan, et plus loin à Sonic Boom qu’il rencontre à Cleveland - Sonic was one of the two brillant minds behind Spacemen 3 - et il ajoute ça qui vaut son pesant de pesos : «Sonic is definetively a hedgehog», c’est-à-dire un hérisson. Ils vont d’ailleurs enregistrer ensemble tous les trois avec Britta un EP de remixes de L’Avventura - Sonic said thaht L’Avventura was one of the all time great albums - On voit tout ça dans le Part Two.

             Le real Dean est aussi pote avec David Berman qui sort tout juste de rehab «for addiction to crack» - Berman told of his descent into crack hell, qui en fait s’est terminée au Vanderbilt Hotel, où il prit une suite, ingested large quantities of crack and Dilaudid and Xanax, and contemplated suicide.

             Et puis cette façon qu’il a de régler leur compte aux cons : «Assis dans mon lit, je regardais le documentaire sur Metallica, Some Kind Of Monster. It was painful to watch. Le film montre ce qu’il y a de pire dans un groupe : l’impossibilité de prendre des décisions, le vote permanent, les discussions, les réunions. Metallica écrit des lyrics en comité. C’est dur à regarder. James Hatfield et ses bandmates ne sont pas des gens très sympathiques.» Et plus loin, il ajoute que «Metallica and U2 and REM are far more than rock and roll bands. They are institutions, corporations. And corporations have lives of their own.»  

             On n’en finit plus de croiser l’écrivain Wareham dans Black Postcards: A Memoir. On reconnaît souvent les grands écrivains à cette façon qu’ils ont de nous faire revenir deux pages en arrière pour relire un passage intriguant. Si tu veux remettre le souvenir du passage au carré, il faut revenir sur l’exacte formulation. L’exacte formulation est l’apanage des grands écrivains. Et derrière sa modestie, se cache le grand écrivain Wareham. Ceci par exemple : «But I don’t know culture from counterculture. Questions like that confuse me, and they don’t help when writing songs. Let the rock ctitics read Adorno and Anthusser. I will study Pops Staples and the Chocolate Watchband.» T’es plus dans Rock&Folk, amigo, t’es dans les pages du book d’un real deal nommé real Dean. Ça change tout. Pour «parler» du rock, il faut une certaine distance, disons une certaine hauteur. Tu l’as non seulement dans les pages du real Dean, mais tu l’as en plus dans ses albums. Fascinant personnage.

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    Terry Tolkin

             Il évoque sa rencontre avec Terry Tolkin, l’A&R de Rough Trade aux États-Unis - I liked Terry instantly. We liked a lot of the same music - Wire, Joy Division, the Comsat Angels, New Order, Lydia Lunch and Sonic Youth - Monsieur le bec fin continue de faire feu de tout bois. Il a aussi la chance d’être invité à faire la première partie du Velvet reformé, et la façon dont il évoque cet épisode te fait autant rêver que ça l’a fait rêver : «Recevoir le coup de fil pour faire la première partie du Velvet Underground fut un moment étrange. Je croyais avoir rêvé. Mais quelques semaines plus tard, je me suis retrouvé dans un dressing room à l’Edimburg Playhouse, avec Lou Reed, John Cale, Moe Tucker et Sterling Morrison qui répétaient ‘Venus In Furs’.» C’est pour lui une façon d’exprimer un accomplissement. Il le couronne un peu plus loin d’un autre souvenir, cette fois à Berlin, où il passe la soirée avec Sterling Morrison : «Notre soundman Gordon nous avait trouvé de l’ecstasy, which made the night even more special. Je me souviendrai toujours de ce retour à l’hôtel en Mercedes taxicab, on écoutait un live Velvets bootleg on German radio, enjoying the strange confluence of events, et je savourais la chance que j’avais d’être sur cette tournée.» Voilà ce qu’est le véritable écrivain rock, il te fait monter avec lui dans le Mercedes taxicab pour écouter le Velvet dans la nuit berlinoise. Ce book n’est fait que de ça : de souvenirs triés sur le volet et écrits dans un anglais parfait. 

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             Pour les besoins d’une meilleure compréhension, le real Dean cite Isaiah Berlin et sa théorie sur la différence qui existe entre le renard et le hérisson : «Le renard sait beaucoup de choses, dit Berlin, mais le hérisson ne sait qu’une seule chose, one big thing.» Alors notre real Dean développe : «Certains artistes sont des renards, Aristote, Pouchkine, Goethe, Picasso, Paul McCartney, Beck, they can do all kinds of dazzling things. Mais d’autres artistes sont des hérissions : Hegel, Nietzsche, Dostoïevski, Jackson Pollock, and Keith Richards. They stick with one idea.»

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             Quand avec Luna, il enregistre son cinquième album, il sait que c’est pas très bon. Il sort alors la théorie du cinquième album : tous les groupes se vautrent, sauf les Beatles - We were not the Beatles. No we were not - Il ajoute que la plupart des groupes ont de la chance quand ils passent le cap des deux premiers albums, et il développe : «Vos albums ne peuvent pas tous être great. Si vous avez de la chance et du talent, vous pouvez sortir une série d’albums remarquables, comme l’ont fait Bob Dylan, les Rolling Stones ou Stereolab. But it can’t continue forever.» Il propose ici une expertise, et s’appuie sur les bons exemples. 

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    Peter Hook concert hommage à Joy Division

             Mais ce qui te rassure le plus, en fait, c’est son humour. Un humour très très très sharp. Il se souvient par exemple d’un des premiers concerts des Galax au 9:30 Club à D.C., et là, pas de pot, il casse une corde dès le premier cut. Il doit alors emprunter la Les Paul Junior de Dave Rick which sounded all wrong. «I had a revelation at that moment. I would buy a second guitar, to be used in the event that I broke a string. That’s what the pros do.» Et ça qui est encore plus hilarant : les Galax font une cover du «Ceremony» de Joy Division, et Peter Hook montre à Naomi «the correct way to play ‘Ceremony’. Then, he gave Kramer a ride back to the hotel in his Jaguar XII2. Apparemment, il avait reconduit Ian Curtis chez lui le soir de son suicide. I wondered if it was the same Jag.»

             Plus loin, il se fend bien la gueule avec le fameux Josuah Tree. U2 a dit-il a passé un an en studio à expérimenter des trucs avec Daniel Lanois, Eno et Steve Lillywhite. Pas de problème pour des millionnaires. Et puis il te balance ça, alors que tu ne t’y attends pas : «I have a theory : if you put four monkeys in the studio for a year with Lanois and Eno and Lillywhite, they would make a pretty good record, too.»

             Il évoque aussi le bordel des backstage passes et l’after-show, et des «stupid questions about what kind of distorsion pedals we use», et crack, il lâche le morceau : «Certains groupes confient à un crew member la mission d’aller distribuer des backstage passes aux filles les plus jolies, mais pour nous, se livrer à ce type de pratique était une façon de mordre le trait. We may have been dogs, but we were not pigs.» Il se souvient aussi des insultes dont sont capables les Anglais, en concert - There are always a couple of English blokes who want to lob funny insults at you : «Don’t let your midle age go to waste!».

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             L’encore plus idéal est de voir le real Dean sur scène. Coup de chance, il débarque à Paris ! Alors t’y cours. Sur scène, avec ses vêtements clairs, il a une petite allure de manager, mais un manager décontracté qui bosserait dans une agence de com, une sorte de Directeur Artistique. Looké mais sans en avoir l’air. Il porte des lunettes de vue et ses cheveux grisonnent. Une petite soixantaine. Mais il a toujours fière allure. Sa copine Britta ressemble toujours à une ado, avec son petit nez

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    minuscule et son corps parfait. Elle va passer l’heure à tenter d’imiter Noami Yang dont les basslines enchantèrent jadis nos oreilles, mais ce n’est pas exactement le même jeu. Noami Yang voyageait beaucoup plus sur son manche. Britta tape majoritairement ses lignes au bas du manche et joue avec une infinie délicatesse. Pour le real Dean, c’est extrêmement confortable. Il est comme Lou Reed et le gros Black : il a ses manies. Le Lou voulait Moe et le gros voulait Kim. Comme tout est joué en mélodie, les lignes se croisent. Le bel encorbellement des lignes mélodiques est leur fonds de commerce.

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    Alors, autant l’avouer maintenant : t’es là pour ton shoot de Velvet Sound. Et tu vas l’avoir avec «Friendly Advice», montré sur un riff de basse monolithique, et là tu renoues avec la magie du Velvet. T’as ta dose. Ta big dose ! And I guess that I just don’ know. C’est en plein dans le mille du gonna try for the kingdom. C’est même au-delà de la magie. Tu vis l’instant à mille pour cent. Les notes te roulent sur l’épiderme, tu remercies les dieux du rock de t’offrir un tel festin de frissons, le real Dean est de dernier mec au monde capable te d’offrir ce cadeau insensé : la recréation du Velvet Underground. And I feel like Jesus’ son. Et ça va loin, car au fond là-bas, t’as Matt Popieluch qui fait son Sterling Morrison. «Friendly Advice» tape en plein dans l’œil du cyclope. Comme par hasard, Sterling Morrison jouait sur

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     ce «Friendly Advice» tiré du Bewitched de Luna. On le sait maintenant, le real Dean ne fait jamais rien au hasard. Ce «Friendly Advice» niché au cœur du set restera gravé dans ta mémoire jusqu’à la fin des temps. Le real Dean tire aussi deux cuts du premier Galax, «Flowers», toujours aussi sidérant de classe, et en rappel, «Tugboat», toujours aussi imparable, avec ces montées en température dont le real Dean s’est fait une spécialité. Sur scène, ce sont des cuts qui ne pardonnent pas et qui foutent le feu à ton imaginaire. Ils tirent aussi trois cut d’On Fire, le mighty «Snowstorm», «When Will You Come» et en rappel «Strange». Le real Dean te charge si bien la barcasse que tu coules sans crier gare et t’es bien content. Tu glou-gloutes au paradis. Tu te retrouves un peu plus tard dans les rues du XIIIe ivre de Velvetude. T’en fais des bulles, tellement t’exultes.

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    Signé : Cazengler, qui dort Dean

    Dean Wareham. Petit Bain. Paris XIIIe. 8 avril 2025

    Galaxie 500. Today. Aurora Records 1988

    Galaxie 500. On Fire. Rough Trade 1989    

    Galaxie 500. This Is Our Music. Rough Trade 1990 

    Galaxie 500. Copenhagen. Rykodisc 1997

    Galaxie 500. Peel Sessions. BBC 1996

    Galaxie 500. Uncollected (Rareties). Rykodisc 1996

    Galaxie 500. Uncollected Noise New York ‘88-’90. Silver Current Records 2024

    Roy Wilkinson : Made of... Mojo # 371 - October 2024

    Dean Wareham. Black Postcards: A Memoir. Penguin Publishing Group 2009

     

     

    Manning depression

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             Qui dit Ardent dit Terry Manning. Et comme Terry Manning vient de casser sa pipe en bois, allons faire un petit tour à Memphis pour lui rendre hommage.

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             Terry Manning arrivait d’El Paso où il avait joué dans le Bobby Fuller Four. Robert Gordon : «Son père était un pasteur qui déménageait souvent et Terry harcela ses parents pour qu’ils s’installassent à Memphis, ce qu’ils finirent par faire. Une semaine après leur installation, Terry se rendit chez Stax, frappa à la porte et dit : ‘Here I am’.»

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             Il va rester 20 ans chez Ardent, où bossa aussi Jim Dickinson. Terry travaille avec la crème de la crème de Stax, les Staple Singers, Booker T. & the MGs, Isaac Hayes. Il est le bras droit de John Fry qui sous-traite alors énormément pour le compte de Stax. John Fry indique que Dickinson cultivait un beau scepticisme envers le music business - which probably provided some guidance for a lot of people - Dans les pages d’It Came From Memphis, on trouve un bel hommage à Reggie Young, dont la façon de tirer les cordes de guitare aurait influencé George Harrison. À 20 ans, le jeune Young était déjà un vétéran. C’est lui qui jouait sur «Rocking Daddy» d’Eddie Bond, avant de jouer dans le Bill Black Combo et de mettre en place de son d’Hi Records. Justement, le Bill Black Combo tourna avec les Beatles et c’est là que le jeune George loucha sur la technique de Reggie.

             Robert Gordon rappelle que Terry Manning introduisit Chris Bell dans le microcosme Ardent de musiciens et de producteurs, tous jeunes, précise l’auteur, tous affamés d’avenir et de son.

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             Quand en 1968 Dickinson quitte Ardent, il prend le prétexte d’une mauvaise ambiance - a prevailing negativity - mais il ajoute que c’était entièrement de sa faute. Dickinson reviendra chez Ardent en 1972 pour finir son album Dixie Fried que John Fry va lui mixer à l’œil. Pour conclure sur sa période ingé-son chez Ardent, Dickinson affirme que John Fry est le meilleur ingé-son qu’il ait connu - He is a brillant tracking engineer and he’s the best mixer - Bon alors évidemment, après on a l’épisode Alex Chilton. Dickinson dit qu’à l’époque il n’a pas flashé sur les deux premiers albums de Big Star, mais il a fait Third en tête à tête - Head to head - avec Alex.

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             Dickinson ajoute qu’il connaît Chris Bell depuis qu’il est gosse. Un Bell qui comme Andy Hummel viendra commencer à traîner chez Ardent, mais après le départ de Dickinson. C’est la genèse de Big Star. Sur la compile Thank You Friends -The Ardent Records Story figure «Psychedelic Stuff» : Bell lui sonne les cloches, et comme tous les Ardent believers, il cherche des noises à la noise. On retrouve aussi Alex Chilton avec un «Free Again» noyé de bénédiction country, joué aux accords d’arc-en-ciel et claqué à la pedal steel aérienne. Terry Manning ramène là-dedans une dimension du son jusque-là inconnue : the Ardent thang. Justement on l’entend le Manning faire le méchant dans «Rocks». Il se met en colère avec sa petite voix anglaise, mais c’est avec «Guess Things Happen This Way» qu’il rafle la mise, car c’est complètement cisaillé du bulbique, Terry saute à l’assaut du rock, c’est shaké à coups d’accords anglais, il barde son cut de big barda, de huge bassmatic et de wild Memphis drive. Du coup, il devient l’un des géants du Memphis Beat.   

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             Terry Manning intervient assez longuement dans le booklet de Thank You Friends -The Ardent Records Story. Il rappelle qu’il est, comme Dickinson, un amateur de British Beat et raconte dans le détail la genèse d’Ardent, sur National Road. Il est d’ailleurs le premier salarié d’Ardent et il doit tout faire : ouvrir le matin, préparer les bandes, passer un coup de balai. La réceptionniste n’est autre que Mary Lindsay, la femme d’un Dickinson que Terry qualifie de director of entertainment. Il devait vraiment régner une belle ambiance là-dedans ! Tout le temps libre est utilisé pour expérimenter - That period was a lot fof fun. We had no rules, and did whatever we wanted, for better of for worse - John Fry laisse volontiers les clés. Il fait confiance à ses amis. Terry Manning apporte aussi un éclairage sur la transition Box Tops/Big Star : au temps des Box Tops, Alex souffrait de l’autorité de Chips Moman et de Dan Penn qui rejetaient systématiquement ses compos, alors Alex voulait un peu d’air, et cet air, il l’a trouvé chez Ardent, avec le copain Terry. Pour finir avec National 1960s, saluons l’immense Sid Selvige et son «Miss Eleana», car voilà un enjôleur de première catégorie. Comme le Penn, il sait tartiner un slowah.

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             En 1970, Terry Manning, enregistre Home Sweet Home sur son petit label Enterprise, qui dépend de Stax. Il démarre sur une grosse version du «Savoy Truffle» des Beatles, comme par hasard. Terry joue ses grosses lignes de basse comme un beau diable. Il joue tous les instruments, comme Todd Rundgren. Et puisqu’il bosse chez Ardent, il croise les pistes ardemment. Il rentre dans le chou des Beatles, mais il rallonge sa soupe à la truffe pendant de longues minutes, c’est dommage, car il ruine tous ses efforts. Chris Bell ramène son grain de sel dans «Guess Things Happen That Way» : technique somptueuse et originale. Chris Bell reste l’un des plus fervents interventionnistes de Memphis. Fabuleuse version du «Trashy Dog» qui sera repris par Alluring Strange, le groupe de Misty White. Big bassmatic. Ah comme c’est bon, joué ainsi à la rude énergie du beat. Terry attaque sa B avec une solide version de «Choo Choo Train». Il la prend plus punk, il la cisaille et la chante à l’énervée de comptoir. Il en fait une version têtue comme une bourrique. On tombe plus loin sur un «Sour Mash» instro assez puissant, et il boucle son bouclard avec un «Wanna Be Your Man» chanté à la force du poignet. Terry tente de créer l’événement. Pas facile. Il y a déjà beaucoup d’événements down there in Memphis.

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             Norton fit paraître en 2012 un truc plus ancien du Memphis boy : Terry Manning & The Wild Ones, Border Town Rock N’ Roll 1963. Bon, c’est du document d’archives et la plupart des cuts rassemblés par Norton ne ressemblent à rien. Le jeune Terry fait du garage en parpaing. Avec ce genre de disk, Norton se tire une belle balle dans le pied. Quand on écoute «You’re In Love», on se dit en rigolant que c’est l’une des pires mormoilles qui soit ici-bas. On se demande comme Billy Miller a pu sortir un disk aussi désastreux et le vendre quinze euros. Ça dépasse l’entendement, voyez-vous. Mais il faut cependant écouter ça jusqu’au bout, ne serait-ce que pour voir à quelle sauce ils nous servent «Sweet Little Sixteen». Arnaque parfaite. Si Billy a voulu prendre les gens pour des cons, c’est réussi. On reste dans l’agonie avec «Boney Maronie». Ça fait du bien de temps en temps d’écouter un disk bien pourri. On a là l’une des pires arnaques de tous les temps. Fuck it. On adore la mention : «All titles previoulsy unissued». Et pour cause.

    Signé : Cazengler, Terryne de campagne

    Terry Manning. Disparu le 25 mars 2025

    Terry Manning. Home Sweet Home. Enterprise 1970

    Terry Manning & The Wild Ones. Border Town Rock N’ Roll 1963. Norton Records 2012

    Thank You Friends. The Ardent Records Story. Big Beat Records 2008

    Robert Gordon. It Came From Memphis. Pocket Books 1995

     

     

    Wizards & True Stars

     - Gousse d’Hayes

     (Part Three)

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             Après un Part One consacré à la mighty box The Spirit Of Memphis, puis un Part Two consacré à Wrap It Up - The Isaac Hayes & David Porter Songbook, une compile Ace parue en 2022, Isaac le Prophète est de retour avec un Part Three de nouveau consacré à une compile Ace, Hot Buttered Singles 1969-1972.

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             Tony Rounce se charge des 16 pages du mini-booklet. Il n’a pas grand chose à raconter, hormis le fait que Jim Stewart ne voulait pas laisser Isaac le Prophète chanter, lui disant : «your voice is too pretty». Méchant connard ! Par contre, lorsque le DJ Alvertis Isbell, c’est-à-dire Al Bell, arrive au pouvoir chez Stax en 1968, ce sera un autre son de cloche. Al adore la voix d’Isaac le Prophète. Il voit même un market en lui. Lors d’une party bien arrosée et donc avec un gros coup dans la gueule, Isaac le Prophète, le père Crop, Duck Dunn et Al Jackson entrent en studio et enregistrent Presenting Isaac Hayes, qui n’est pas un album très commercial, loin s’en faut.

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             Après la rupture avec Atlantic et la perte de leur catalogue, Al Bell et Stax décident de repartir à zéro en 1969 avec 27 albums. Oui, 27 albums d’un coup. Allez hop tout le monde au boulot ! Al Bell demande bien sûr à Isaac le Prophète de participer à cette orgie de renaissance et Rounce se marre : «There was little expectation that his second album would change the face of black American music forever.» Eh oui, il évoque bien sûr Hot Buttered Soul, l’un des albums les plus révolutionnaires de l’histoire de la rock culture, avec Highway 61 Revisited, Electric Ladyland, The Velvet Underground & Nico et The White Album. Isaac le Prophète a carte blanche. Comme le studio Stax est over-booké, Isaac le Prophète va chez Ardent avec les Bar-Keys et le fils de Rufus Thomas, Marvell Thomas qui est pianiste. En quelques heures, ils mettent à plat Hot Buttered Soul. C’est là-dessus que tu croises la version longue du «By The Time I Get To Phoenix» de Jimmy Webb, dont une version courte figure que la compile Ace - I’m talking about the power of love, man - C’est un cut historique, c’mon c’mon c’mon, tu rentres dans la profondeur du Black Power, et t’es bien raccord avec la photo d’Isaac le Prophète enchaîné qui orne la pochette. Car c’est monté sur un lourd battement de cœur et un claquement hypnotique de cymbale, tu attends un peu et Isaac t’allume ça au chant, il injecte le power du Black Power dans le petit cul blanc de Jimmy Webb et ça devient mythique. Oui, tu plonges dans les tréfonds d’un paradis, et le Prophète te magnifie cette chanson parfaite à coups de call my name. Comme Phoenix fait un carton, Bell est obligé d’en sortir une version single de 7 minutes. Même chose pour «Walk On By» qui en fait 12 et qui redescend à 4 minutes pour le single. C’est d’ailleurs «Walk On By» qui ouvre le bal de cette compile prophétique. T’as l’immédiateté du Prophète - If you see me walking down the street - Il gronde son walk on by avec le pouvoir terrible d’un dieu de l’Antiquité.

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             Isaac le Prophète tape encore dans Burt avec «I Just Don’t Know What To Do With Myself» et «The Look Of Love». Il emmène les cuts de Burt en mode Stax avec des chœurs de filles. Tout ici est extrêmement arrangé, très aventureux, Isaac attaque Burt à la sourde, histoire de challenger la mélodie. Il rivalise de génie vocal avec Dusty chérie, tu le vois remonter le courant de la mélodie à la force du poignet. Ses compos ne sont pas en reste, comme le montre «Winter Snow», qu’il module à merveille d’une voix profonde. Il vise la pop par dessus les toits. Il fait aussi un chef-d’œuvre de l’«I Stand Accused» des frères Butler de Chicago. Il prend bien «Never Can Say Goodbye» par en dessous, puis tu tombes nez à nez avec «Theme From Shaft».

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             Isaac le Prophète comptait bien décrocher un rôle dans le film de Gordon Parks, mais comme Parks a déjà confié le rôle à Richard Roundtree, il demande à Isaac de composer la B.O. Boom ! «Theme From Shaft», amené à la cymbale, comme Phoenix, et repris à la wah black. C’est du grand art. On connaît Shaft par cœur, mais le fouetté de cymbale fascine toujours plus, t’y peux rien. Damn right ! Il y va le Prophète, il te groove ça entre les reins et ça te bat la coulpe au right on ! Rounce parle d’une «truly iconic piece of music.» Il a raison, l’asticot. Le double album Shaft reste nous dit encore Rounce LE «Stax’s best-seller and one of the best-selling soundtrack albums ever.» Isaac le Prophète a sauvé Stax. Provisoirement. Les fucking banquiers blancs allaient finir par avoir la peau de ce vaillant label black.

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             Le «Do Your Thing» de la compile est encore une version tronquée, qui passe de 20 minutes à 3, Isaac le Prophète chante ça d’une voix de catacombe. On croise ensuite une cover instro du «Let’s Stay Together» d’Al Green. Isaac y joue du sax et mine de rien, il vise la grandeur totémique urbaine. Il prend ensuite «Soulsville» à la voix mâle. Rounce annonce bien sûr une suite. On piaffe d’impatience. Cui cui cui ! Ou coin coin coin, c’est comme tu veux.

    Signé : Cazengler, Isac à main

    Isaac Hayes. Hot Buttered Singles 1969-1972. Ace Records 2024

     

     

    Inside the goldmine

    - Compte en Banks

             Durrell n’avait rien à voir avec l’écrivain anglais du même nom, Lawrence Durrell. On lui posait chaque fois la question et il répondait d’un air mauvais, que non, il n’était pas l’écrivain machin, mais par contre, il se forçait à sourire pour ajouter qu’il a-do-rait Francis Carco, qu’il avait chez lui une pièce en-tièèèèèère consacrée à Francis Carco, entière, t’as bien entendu ?, en-tièèèèère !, et il poursuivait en racontant qu’il possédait des traductions de Carco dans toutes les langues, même en japonais, en arabe et en serbo-croate, ben oui, pomme de terre, me regarde pas comme ça, en serbo-croate !, ça t’épate, hein ?, et il donnait tous les détails de ses in-quarto décorés d’eaux fortes, il citait les noms d’obscurs illustrateurs de presse, il se vantait aussi de posséder des tirages de tête dédicacés par l’auteur, il gesticulait, levait les bras au ciel, baragouinait que Carco ceci et cela, et que si t’étais pas content c’était pareil, il se rapprochait de toi et t’attrapait par le col pour te grogner sous le nez d’une voix sourde : ah tu connais pas Carco ?, ben dis donc, on est pas sortis de l’auberge avec une patate comme toi, et il repartait de plus belle, te branchait sur le Lapin Agile, sur Dorgelès et Mac Orlan et paf, il t’expliquait la bohème dans le moindre détail, toute la bohème de Montmartre, et avec un mec comme Durrell, ça durait la nuit entière, on vidait les cubis et on clopait tous les paquets de clopes, plus Durrell buvait et plus il s’agitait, il ressemblait à un volcan équipé d’ailes de moulin, mais un volcan qui menaçait à chaque instant d’entrer en éruption, et soudain, il éruptait, les baies vitrées tremblaient, des flots jaillissaient de sa gueule grande ouverte, et pis t’as Guillaume Apollinaire qui chante son Pont Mirabeau au bout de la table et pis t’as Max Jacob qui réajuste son monocle entre deux crises de rire, et pis t’as Utrillo qui boit comme un trou, oui, comme un trou !, et pis t’as Pascin qui songe déjà à se pendre, mais qui donne la change, le change, oui mon gars, le change ! Et toi espèce de cloporte, sers-moi donc à boire ! ventrebleu, qu’est-ce que c’est qu’cette baraque où ya plus rien à boire !, et soudain, ivre de colère et de délire volcanique, il donna un coup de poing sur la table tellement violent que les verres et les bouteilles tombèrent, il se leva d’un bond, pareil à Poséidon, renversa la table, et décida d’aller boire un dernier verre en ville avant d’aller se coucher.

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             Vaut mieux avoir Darrell à sa table que Durrell.

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             Darrell Banks est l’un des princes de la Northen Soul, il est donc logique qu’il s’en vienne briller inside the goldmine. Dans ses liners pour Kent, Tony Rounce parle d’une «short but brillant career» : quatre ans, deux albums et une poignée de singles - Elle commença avec le succès de son premier single, «Open The Door To Your Heart», en juillet 1966, et s’acheva avec la balle d’un flic en civil en février 1970 - En fait Darrell se tapait une certaine Marjorie Bozeman que se tapait aussi le flicard. Un jour, Darrell se pointe chez Marjorie, le flicard est là, une petite shoote éclate, le flicard sort son calibre et bam bam, une balle dans le cou et une autre dans la poitrine. Rounce oublie de nous dire si le flicard est blanc. Par contre, il précise que le flicard n’ira pas au trou, ce qui laisse supposer qu’il est effectivement blanc.

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             Rounce ne tarit pas d’éloges sur le pauvre Darrell, il parle de «best Southern and Northern Soul ever found on tape», et qualifie Darrell d’«one of the hardest acts to follow in the entire history of popular music». Rounce ne mâche pas ses mots et comme c’est l’un des plus grands spécialistes de la Soul, on prend ses paroles pour argent comptant. Parmi les supposées influences de Darrell, Rounce cite les noms qui brûlent les lèvres, ceux d’Archie Brownlee et de Clarence Fountain, les lead singers respectifs des Five Blind Boys Of Mississippi et des Blind Boys Of Alabama.

             Basé sur la côte Est, Darrell commence par écumer la scène de Buffalo, dans l’état de New York, puis il ira enregistrer à Detroit pour le compte d’Atlantic/ATCO. Rounce revient sur «Open The Door To Your Heart» qui pour lui est le hit Soul parfait, un hit qui sera repris par Jackie Wilson, Freddie Scott et Tyrone Davis.

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             C’est d’ailleurs «Open The Door To Your Heart» qui ouvre le bal de B de Darrell Banks Is Here. Ce bel ATCO de 1967 se doit de figurer dans toute discothèque digne de ce nom. Sur les dix cuts de l’albums, tu as huit coups de génie, voilà, c’est aussi simple que ça. Boom dès «I’ve Got That Feeling», un heavy r’n’b, avec Darrell, ça ne traîne pas. FSB ! Fast Soul Brother ! Et ça repart de plus belle avec «Look Into The Eyes Of A Fool», il te claque là un groove d’entre-deux, et il se coule dans la pocket d’«Our Love Is In The Pocket», un wild r’n’b franc du collier. En B, boom dès l’«Open The Door To Your Heart», Tony Rounce a raison de s’exciter sur ce big heavy r’n’b tapé au Darrell Feel de much time for my baby. Véritable crash test, pur r’n’b genius, le Darrell y va au sweet to me. Toute la B rôtit en enfer, le vieux Darrell embarque son «Angel Baby (Don’t You Ever Leave Me)» au yeah yeah yeah. Darrell Banks est un démon. Son «Somebody (Somewhere Needs You)» est plus classique mais wham bam quand même, car quel fast r’n’b, Darrell fonce au triple galop. L’heavy Darrell est de retour avec «Baby Watcha Got (For Me)», il ronfle comme un gros moteur Stax, il développe la même énergie que Sam & Dave, avec le côté aristocratique en plus. Power absolu ! Ça se termine avec «You Better Go». Darrell est une fine lame. Il est même la prunelle des yeux du r’n’b. Il chante comme s’il était un empereur sur son char.

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             Pas la peine d’aller cavaler après Here To Stay, l’album de Banks qui vaut la peau des fesses, il se trouve sur une belle compile Kent, I’m The One Who Loves You - The Volt Recordings. Avec le nom qu’il porte, Darrell Banks est un artiste tout de suite crédible. Il travaille ses grooves au raw, comme le veut la tradition Stax de l’époque. Mais curieusement, il n’a pas de hits. Il s’aventure sur les traces du grand Percy en reprenant «When A Man Loves a Woman». Bon, il n’a pas le même genre de guts, pas du tout. Il reste dans les limites de la bonne interprétation, comme si le génie ne l’intéressait pas. Ça nous fait des vacances. On se repose. Ras le bol des immenses artistes et des creveurs d’écrans. Avec Banks, on est tranquille, comme avec le Crédit Agricole. Il est le bon sens de la Soul près de chez toi. Il faut attendre «Beautiful Feeling» pour le voir enfin monter là-haut, pas à Rio, mais sur l’Ararat. Sa heavy Soul peut devenir stupéfiante. Il y fait un Big Atmospherix violonné à outrance. Tout s’écroule sous le poids de la Soul. On finit par comprendre que Banks navigue à un très haut niveau. Les petits hits de juke ne l’intéressent pas. Dans «Never Alone», il est même dépassé par les Sisters. Les bonus valent le détour, notamment «I’m The One Who Love You», un heavy r’n’b viollonné dans l’axe de l’angle, et comme il ramène toute sa niaque de Soul Brother, ça devient excellent. Il fait un peu de funk avec «Mama Give Me Some Water», mais c’est un funk à la mode Jean Knight et King Floyd, le funk Malaco. Il tape à la porte de derrière avec «My Life Is Incomplete Without You», et il casse la baraque pour de vrai avec «Beautiful Feeling», orchestré dans l’âme de la Soul. 

    Signé : Cazengler, Banks postale

    Darrell Banks. Darrell Banks Is Here. Atco Records 1967  

    Darrell Banks. I’m The One Who Loves You. The Volt Recordings. Kent Soul 2013

     

    *

            En règle générale l’oiseau bâtit son nid là où il se pose. Certains affirmeront que ce lieu mythique se trouve près des eaux puissantes et boueuses puissantes du Mississippi et qu’il se nomme la terre du blues. Ils n’ont pas tort. C’est une belle contrée originaire. D’autres diront que la zone d’élection est plus vaste, qu’elle est partout et nulle part sur pratiquement la moitié d’un continent, ils parlent de country et de folk. Eux non plus n’ont pas tort. Ils désignent un pays mythique par excellence. Mais pour moi, je fais partie de cette génération de jeunes européens pour qui le domaine d’Arhneim d’Edgar Poe qui confine à l’absolu touche à cette terre impalpable et génitrice, surnommée les pionniers du rock.

             Ses frontières sont floues, l’on peut les traverser sans s’en rendre compte où l’on met les pieds. Peu à peu il disparaît des cartes géographiques musicales, les rois du rock ont vite perdu leurs royaumes, en moins de dix ans ils sont devenus des princes en exil. Mais souvent l’on ne sait jamais si l’on marche sur des cendres ou des semences. Toutefois si l’on explore les sables des mémoires ensevelies l’on ne tarde pas à retrouver des traces, des artefacts, et des témoignages des principaux saigneurs de cette époque de gloire tapageuse et fulgurante. Cette semaine ce sera :

    THE MAN YOU COULD SEE ON THE SEA !

    THE MAN YOU COULD SEE ON THE  SKY !

    LITTLE RICHARD !

             C’est une vidéo qui m’est tombée inopinément sous l’œil. Je ne l’avais jamais regardée. Je n’aime pas les blablas officiels, les récupérations posthumes, les votes pour élire le plus grand ceci, le plus grand cela… Soyons franc, une petite dent (de cachalot colérique) contre le Rock’n’roll Hall of Fame. Depuis les premières nominations de l’année 1986. Du beau monde : Elvis Presley, Chuck Berry, James Brown, Ray Charles, Sam Cooke, Fats Domino, The Everly Brothers, Buddy Holly, Jerry Lee Lewis, Little Richard. Je sais bien que Gene Vincent n’a pas bénéficié de la même aura auprès du public américain que du public européen… En plus il n’y a pas non plus Eddie Cochran… Erreur monumentale qui sera réparée l’année suivante, 1987, avec toute une floppée de pionniers, Eddie Cochran bien sûr, mais aussi Bill Haley, Bo Diddley, Carl Perkins, Ricky Nelson, Roy Orbison… Pour Gene Vincent faudra attendre… 1998 !

             Otis Redding sera intronisé en 1989, son introducteur sera Little Richard. J’aime beaucoup Otis Redding mais j’avoue que j’ai regardé pour Little Richard. Otis est arrivé comme un cheveu sur la soupe. Des anglais. Certes l’on adorait les Rolling Stones, les Yardbirds, les Animals et tous les autres Britishs, mais ces englishes malgré leurs éminentes qualités possédaient une tare secrète. Ce n’était pas de leur faute, mais enfin le pays du rock’n’roll c’était quand même l’Amérique, aussi quand a déboulé Otis, ah, cette version de Satisfaction qui remettait la pendule des Stones à l’heure, mais aussi Wilson Pickett, Sam and Dave, Eddie Floyd, Arthur Conley et tous les autres, avec en prime champion toutes catégories James Brown, c’était bien le retour du rock’n’roll ! On l’appelait Rhythm’n’Blues mais ce n’était pas gênant, juste une question d’orchestration, priorité aux cuivres, rien  d’incompatible, ça groovait un max à faire s’effondrer la Tour de Babel sur ses bases… C’était bien parti pour un nouveau tour de piste, hélas tout a recommencé comme avant, un malheureux avion qui s’écrase, exit le rhythm’n’blues, la veine noire et palpitante du rock s’évanouit, ce sont les britains d’outre-manche qui colonisent les terres d’outre-atlantique…

             Que Little Richard soit l’introducteur d’Otis Redding au Hall of Fame tombe sous le sens. Tous deux sont originaires de Macon in Georgia. Le premier 45 tours d’Otis Fat Girl / Shout Bamalama sorti en 1961 est la preuve d’une filiation musicale indéniable…

             Juste quelques dates  qui ont de l’importance pour ce qui suit : Otis est né en 1941, il est mort en 1967. Little Richard est né en 1932. Otis Redding est intronisé en 1989, Little Richard a donc cinquante-six ans.

    LITTLE RICHARD INDUCTS OTIS REDDING

    INTO ROCK’N’ROLL HALL OF FAME

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             L’a de la gueule, de profil sur l’image arrêtée, chevelure bouclée, fine moustache, lunettes teintées, col de chemise noire, l’arrive sur scène sanglé dans une vaste veste de teinte sombre, verreries éparses clignotantes sous les projecteurs, tend la main à Jerry Wexler tous bras ouverts, accolade, le voici devant le pupitre sur lequel repose quelques feuilles de papier, il se penche vers les micros, c’est là que l’on s’aperçoit que les musicos entrevus en deux quarts de seconde ne sont pas là pour sonner de pharamineuses trompettes d’accueil, sans préavis Little Richard entonne I can’t turn you loose, quelle attaque, quelle voix, quel mordant, il n’a pas l’arrière-volupté du timbre d’Otis mais il vous transforme le titre  en un hymne de haute piraterie, s’appuie des deux mains sur le pupitre, et chante avec cette facilité déconcertante avec laquelle vous tournez votre petite cuillère chaque matin dans votre bol, les cuivres freinent à mort derrière comme quand vous faites une queue de poisson sur l’autoroute pour que le poids-lourd verse son chargement sur la voiture qui le suit, l’on sent que l’on va entrer dans le dur, déception, nous n’avons droit qu’au premier couplet ! Pas de panique nous n’allons pas perdre au change avec ce qui suit.

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             L’a terminé sur quatre ou cinq de ces pioulets – c’est ainsi qu’en Ariège que l’on surnomme le cri du poulet qu’un renard attrape par le col – qui firent sa célébrité, s’incline, l’a un de ces sourires de carnassier, oui mais attention c’est un nègre qui tient sa revanche – celle de tout un peuple longtemps soumis en esclavage – longtemps, trente ans qu’il n’avait chanté ainsi, et maintenant vous allez l’entendre pousser ces cris de femme blanche - le peu de public que l’on entrevoit est constitué de blancs – il rigole et la foule s’esclaffe, fermez-là, elles font oh ! et  les noires WHOU ! (comme les louves affamées a-t-on envie d’ajouter), il se sent bien, real dit-il, lui et Otis viennent du même endroit, et hop il enchaîne sur Sittin’ at the dock of the bay (la dernière chanson d’Otis sortie tout de suite après sa mort) je fais remarquer que tout en rigolant de la blancheur de ses dents colgate il a suggéré trois notions importantes, la sujétion, le sexe et la mort,  chante le hit avec le même désenchantement détaché qu’Otis, les lyrics ne sont pas joyeux, fait une drôle de gueule quand il l’interrompt, certains mo(r)ts portent plus que d’autres, alors il éclate de rire, rappelle qu’il n’a pas chanté depuis tant de temps, cite Tina Turner, fermez-la, et moi aussi je devrais chanter comme elle le fait si bien, vous devriez m’enregistrer, et je vis encore, je suis encore présentable, fermez-la, prenez-moi en photo, laissez l’homme noir, appuie sur le bouton que tu me voies tel que je suis, vous savez Otis et moi provenons de la même cité, il farfouille dans ses deux feuilles, non il ne lira rien, car il vient de là lui aussi, pourquoi riez-vous, j’ai été le premier gars de Georgie à devenir célèbre, parce que je suis le plus ancien, l’ancêtre et très jeune, James Brown je l’ai sorti de prison, maintenant il retourne dans le Sud, je pense que je devrais y aller avec lui – James Brown est alors en prison, condamné à six ans, il ressortira au bout de trois ans pour conduite en état d’ivresse et détention d’armes en feu – Vraiment je hais ce qu’ils ont fait à James, il est fantastique, il est le Godfather, si l’on me laissait pourrir autant de temps, il n’y aurait pas d’autre alternative, James doit se ressaisir, nous devons tous nous ressaisir. Vous savez Otis a commencé par Shout Lamabama, vous connaissez cette chanson, le rock’n’roll est all around the world, vous connaissez ma voix un peu haute, vous souvenez-vous, et il entonne I’ve been lovin’ you too long, mais il arrête trop vite, j’aime ses chansons, j’étais son idole, il aimait ces petits roulements dans ma voix, il en donne un exemple mais il ne peut s’empêcher de débloquer le turbo et se lance dans un whooooo ! à réveiller les derniers loups des Appalaches. Je me sens bien mais je n’ai que de l’eau sur ma table ! Rajoute quelques Wloo, celui-ci dédicacé à Phil Spector. Il enchaîne sur Fa-Fa-Fa-Fa…( Sad Song), l’on aimerait qu’il aille jusqu’au bout, mais il revient à Otis, son père était un preacher et lui aussi était un preacher, c’était un grand chanteur, je l’ai rencontré à New York, je ne l’ai pas rencontré à Macon, je lui ai donné cinquante dollars au Statler Hilton Hotel, je lui ai donné un autographe, et je lui ai filé une marque pour venir me voir dans ma chambre, je lui ai dit que j’avais besoin de parler, il m’a dit oui, mais il n’a pas voulu que je ferme la porte, Little Richard

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    explose de rire, je ne voulais rien faire juste l’entendre chanter, il a composé de grands morceaux, j’ai souhaité qu’il soit au Hall od Fame, mais il est parti, il a contribué à la musique du monde, et il est un pilier du rock’n’roll, quand je l’ai entendu interpréter Lucille ( 1964) j’ai cru que c’était moi, il se tourne vers l’orchestre, tiens un petit peu de Lucille, l’en fredonne un demi-couplet, il sonnait comme moi, j’ai cru que c’était moi, et quand j’ai su que c’était lui j’ai su que c’était un des plus grands chanteurs et un des plus grands compositeurs, dans lesquels je m’inclus, et aussi Jimi Hendricks, tous sont avec moi, James Brown, les Beatles, et Mick Jagger que je n’ai jamais rencontré, mais il était avec moi, te souviens-tu Mick que tu étais venu et que tu dormais sur le plancher car il n’y avait pas de lit pour lui, il ne peut pas oublier car c’était dur, il était dans la chambre de Bob Dill car la mienne était pleine comme un œuf, il s’esclaffe, l’était juste en train de faire son intéressant, il n’était pas si mort que ça, parfois il faut savoir s’arrêter, je ne suis pas en train de dire que le gagnant est méchant, ce soir le gagnant c’est Otis, nous tenons à remettre à Otis et à sa famille, elle doit être là, cette grande, grande récompense, et

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    je suis heureux d’être là et que c’est la première fois que j’ai chanté Lucille il y a trente ans et j’ai chanté le rock’n’roll depuis trente ans. Bonne nuit. Bon Dieu, une femme toute menue se glisse dans ses bras. Prenez-moi en photo avec cette lady, elle prend la parole dans quelques instants, tendez la main à ce monsieur, elle prend des mains la statue que Wexler lui remet, encore une photo avec la statuette, Zelma l’épouse d’Otis s’approche du micro, elle parle, pas très longtemps, mais l’on ressent son émotion et son chagrin encore présent si longtemps après la disparition d’Otis. Elle ne peut continuer, Little Richard l’accompagne doucement…

             Sans commentaire.

    Damie Chad.

     

    *

             590, 594, 617, voici un moment que nous suivons Telesterion. Vraisemblablement pas avec une attention soutenue puisque qu’au mois de septembre dernier nous avons laissé passer sa dernière production. Apparemment Demeter ne nous en a pas voulu. En effet Telesterion se donne pour but unique de chanter pour la déesse. Nous avons cru au début que Telesterion était un groupe grec, il s’agirait d’un seul individu qui serait américain. Voici donc, avec Thumos, deux groupes de la grande Amérique qui se consacreraient au legs de la Grèce Antique. Comme par hasard tous deux possèdent la même maison de disques…

    THEMESPHORIA

    TELESTERION

    (Snow Wolf Records / Septembre 2024)

             Les Themesphoria remonteraient-elles à près de mille ans avant notre ère sous forme de pratiques rituelles liées à l’agriculture dans le bassin méditerranéen… Ce qui est certain c’est que les Themestoria étaient des fêtes liées aux cérémonies des Mystères d’Eleusis. Il en reste encore des traces aujourd’hui dans nos sociétés modernes lorsque l’on explique à nos chérubins qui veulent tout savoir, on leur raconte que leur papa a planté une petite graine dans leur maman… Civilisation avancée nous entrevoyons le problème de la génération selon les progrès de nos médicales connaissances gynécologiques… les premiers peuples sédentaires s’inquiétaient davantage de leur survie alimentaire qui dépendait avant tout de la fertilité du blé… pour la problématique enfantine on aviserait plus tard…

             L’on a un peu tendance à rire jaune lorsque l’on prend connaissance des fameux mystères du sanctuaire sacré proche d’Athènes. Tant de bruit et de silence pour des évidences à la portée de nos élèves de CM1 ! Que la graine doive périr pour donner naissance à un épi de blé nous l’admettons, que cette force naturelle qui conduit la graine à périr pour renaître sous forme d’épi porteur de grains qui retombés en terre accepteront leur rôle de graines, la description de ce phénomène nous l’assimilons sans trop de peine, que le processus germinatif de la graine soit assimilé et associé à l’idée de force vitale propulsée par le phallus, nos lointains ancêtres, pas plus bêtes que nous, y ont souscrit sans difficulté. N’étaient point du genre à cacher ce témoin du désir turgescent.

             Tous ces processus nous ne les entrevoyons que sous leurs aspects platement réalistes.  La science nous a fait perdre le mystère des choses. Les grecs recouvraient de métaphysique la physique des choses. Humaines, trop humaines, les choses ne possédent que maigre valeur. La graine, symbolisée par Perséphone obligée de passer les mois d’automne et d’hiver sous la terre dans le royaume souterrain d’Hadès son mari, retrouvait le soleil durant  la majeure partie de l’année près de  sa mère, la déesse Déméter. Que trois Dieux soient mêlés au processus germinatif, voilà de quoi lui concéder une certaine majesté…

             Si vous avez du mal à sentir la présence des Dieux rôder autour des choses, consolez-vous, la plupart de vos concitoyens ne discernent point les idées platoniciennes au-dessus du moindre phénomène. Ne soyez pas désespérés, Aristote lui-même n’a jamais manifesté une grande créance aux théories de Platon.

             Si les Mystères d’Eleusis étaient ouverts aux femmes comme aux hommes, les femmes mariées (et peut-être de bonne famille) avaient seules le droit de participer aux Themesphoria. Est-ce à cause de cette suppression de la moitié des témoins que le secret de ces rites nous est mal connu, malgré leur réputation de cancanière à la langue affûtée, peut-être les femmes ont-elles su rester discrètes…

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             En règle générale les Themesphoria se déroulaient fin octobre et duraient trois jours. Certaines cités grecques optaient pour une période pouvant atteindre dix jours… Telesterion a opté pour quatre stases. Toutefois il rajoute cinq rites choisis parmi ceux que pratiquaient les prêtres chargés du culte. Nous y reviendrons.     

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             Différentes lectures de la signification des Themesphoria peuvent être proposées. Il en est une très rassurante :  ce seraient des cérémonies qui siéraient à la majesté des femmes mariées et à leur statut de génitrices. Dans la série ayons de beaux enfants forts et virils ils sont les garants de la survie future de la  Cité, les Grecs étaient très fortiches… Maintenant quand on touche au sexe des femmes une autre version transparaît. Lors de cérémonies liées aux cultes de la fécondité, par exemple durant les Lupercales  romaines, menées par les prêtres du dieu Faunus, les jeunes hommes s’armaient de lanières et se dispersaient dans la ville pour fouetter au hasard les femmes désireuses de tomber enceintes, nous ne sommes pas loin de jeux érotiques sado-érotiques… Pensons au scandale suscité par Jules César pour s’être introduit dans les cérémonies secrètes en l’ honneur de la Bonne Déesse ( = Fauna = Céres = Demeter) interdites aux hommes, durant lesquelles nos Dames de haute vertu s’adonnaient à de fortes libations alcoolisées et à certains jeux érotiques étrangement semblables à des orgies. Pour les curieux nous recommandons la lecture attentive du Dialogue des Courtisanes par Pierre Louÿs, nous ne donnerons pas ici la traduction de ce terme grec de ‘’Bobôn’’ désignant cet ustensile que ces péripapéticiennes utilisaient pour prendre un peu de plaisir dans cette vallée de larmes que serait notre séjour terrestre.

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             Nous pensons que nos lecteurs ont plus ou moins entendu parler de Perséphone fille de Déméter kidnappée par Hadès le Dieu des Enfers. Sa mère en larmes et désespérée s’en vint se plaindre à Zeus. Rappelons-nous que Perséphone est aussi la fille de son père : Zeus. Cette histoire est peu metooesque. Puisque sur les conseils de Zeus, malgré les ignobles épreuves à laquelle le dieu des Enders  soumit son cops innocent, Perséphone consentit à régner en compagnie de son mari sur le monde des morts. Phénomène d’emprise !  Comme quoi Eros et Thanatos…

             Il est toutefois un autre personnage lié de très près à cette histoire. Il s’agit d’une des plus vieilles déesses, Hécate, les rockers la connaissent car elle préside aux carrefours, endroit où toutes le mauvaises, mais aussi les bonnes rencontres peuvent se produire. C’est dans un carrefour que le diable in person apprit à Robert Johnson les adéquates positions des doigts sur les cordes d’une guitare. Dans notre modernité Hécate ne jouit pas d’une bonne réputation… c’est pourtant elle qui a  permis à bébé Zeus de ne pas être englouti dans le ventre de son père Kronos… C’est aussi elle qui servante de Déméter s’occupa du bébé Koré, signifiant jeune fille, premier nom que sa mère lui donna et qu’elle abandonna lorsqu’elle devint Perséphone, l’épouse d’Hadès.

             Lorsque Déméter désemparée ne savait plus quoi faire devant la mystérieuse disparition de sa fille, Hécate prit les choses en main, elle l’emmena chez Hélios le kronide  qui la dirigea vers Zeus… Mais avant que Zeus n’eût donné à Hadès l’ordre de libérer Perséphone, Déméter avait reçu accueil et assistance auprès de la reine Métaneiré à qui elle ordonna de faire bâtir dans la ville d’Eleusis un temple en son honneur. C’est de retour de son entrevue avec Zeus qu’elle initia le roi Kéléos et ses fils Triptolémos, Polyseinos, Eumolpos, Dioclès, aux rites secrets qui seront enseignés dans son temple à EleusisLeconte de Lisle dans ses traductions des Hymnes Homériques emploie le terme orgie pour désigner le contenu de ses rituels secrets…  Ce sont ces cinq rites dont Themesphoria nous indique qu’ils sont accomplis par les prêtresses de Déméter.        

             La couve de l’Ep dont nous n’avons pas réussi à découvrir la provenance nous semble moderne, empruntant autant à l’Art Moderne d’un Aubrey Beardsley  qu’à la bande dessinée, elle tranche avec celles des précédents artefacts de Telesterion.

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    Skira : qui en grec signifie ombre : cela pourrait s’intituler l’angoisse, la descente dans le noir des Enfers de Koré emportée par Hadès, des pas dans une galerie, quelqu’un qui porte un corps pesant, vision auditive toute hominienne, des chœurs incessants pour donner à cette interprétation la grandeur fastueuse de l’évènement en train de se dérouler, une espèce de contre-initiation charnelle, l’ouverture des grenades sanglantes du sexe percé de Perséphone, l’intuition qui lui est prodiguée de la signification de l’acte accompli, en dehors de toute limitation individuelle, la portée symbolique, de ce grain de grenade qu’elle a avalé qui l’a rendue immortelle puisqu’elle ne peut plus mourir, car même les Dieux immortels peuvent mourir s’ils ne peuvent plus se nourrir d’ambroisie et de nectar, nourriture sacrée des Dieux suscitée par les bienfaits de Déméter… Plus que l’épisode mythologique du rapt de Koré, l’ombre ici n’est qu’une des figures de la mort inéluctable. Anodos : joyeuses pincées de cordes et trot percussif, si skira désignait la descente de Perséphone dans la mort, anodos signifie montée, vers le soleil, le retour de Perséphone vers Déméter, le cycle de la vie qui se libère des liens du cycle de la mort, la fleur qui s’offre au soleil, la végétation qui renaît, l’éblouissance des forces de la nature, l’assurance du triomphe de la vie. Ce premier jour des Themesphoria donnait lieu à un défilé triomphal, sans doute y promenait-on les futures victimes animales  offertes à la déesse : chiens (pensez à Hécate et à Cerbère) et porcs (particulièrement utilisés dans des rites de fertilité dont Déméter et Koré  étaient de droit les principales bénéficiaires. Des morceaux de porcelets étaient enfouis dans des fossés creusés dans les champs, pour être récupérés plus tard et servaient alors d’offrandes sur les autels de la déesse afin qu’elle favorise les futures moissons. Tout parallèle avec le grain de blé transformé en épi s’impose naturellement.). Nesteia : rythme sans force. Musique grave et retenue. Ce deuxième épisode des Themesphoria surprend, il s’agit d’un jeûne propice au recueillement et à la réflexion. Toutefois il était conseillé de participer à cette cérémonie en ayant auparavant suivi durant trois journées une abstinence que l’on ne peut qualifier que d’ordre sexuel. Etait-ce pour ne pas se présenter à la cérémonie suivante le corps fatigué, les membres las, les chairs comblées… toujours est-il que l’on ne peut ne pas remarquer que le flux musical se charge d’une certaine tension, d’un tambourin insistant, d’une accumulation organique d’impatience comprimée. Kalligeneia : la troisième journée était vouée à fêter cette déesse censée vous aider à engendrer de beaux enfants, robustes et en pleine santé. S’agissait-il simplement d’offrandes de fleurs, de bijoux, de chevelures, dans l’espoir d’être exaucée ou d’une initiation sexuelle sous forme de mimes, ou de pratiques plus exhaustives. Nous n’en savons rien. Nous notons toutefois que ce morceau accumule séquences d’attente et moments de libération, certes l’ambiance n’est guère priapique et reste cantonnée dans un registre grave et contenu, il s’agit bien d’entrevoir cette initiation comme des instants sacrés et solennels qui confère à des gestes somme toute jouissifs une dimension énigmatique et mystérieuse que les non-initiées étaient censées ne pas connaître…

             Cet EP de Telesterion est d’un abord moins évident que les enregistrements précédents. Il demande quelques connaissances de base sans lesquelles il est difficile de pénétrer le sens ultime de cette musique qui reste celle de l’évocation de pratiques cultuelles de l’ancienne Grèce. Aujourd’hui le regard que nous portons sur ces cérémonies bâties à leur époque sur des observations archaïques les plus triviales, plongeant leurs racines dans la période néotlithique, nous les recevons après des siècles d’édification mythologiques d’une grande complexité car constituées de couches historiales diverses, elles-mêmes modulées par toutes ces réflexions raisonnantes léguées par la philosophie et la pensée sophistique du legs de la Grèce Antique.

    Damie Chad.

     

     *

             Sans être un linguiste réputé il y a des noms de groupe qui se traduisent facilement exemple : conifer beard = barbe de conifère.  Ce qui ne vous empêche pas de barjoter : les sapins étant des conifères voici votre barbe de conifère qui se transforme en barbe de sapin, par un subtil glissement vous obtenez barbe de sapeur. Du coup en gambergeant dans votre tête vous imaginez les sapeurs de la Grande Armée entrant dans l’eau froide de la Bérézina pour construire les ponts salvateurs, vous voici transporté en Russie, bingo ! justement le groupe qui porte le nom de Conifer Beard est de nationalité russe. Soyons précis : de Yelabouga (80 000 habitants) située sur un  affluent de la Volga à plus de neuf cents kilomètres de Moscou. Tout concorde, trois grands types costauds nantis d’une barbe, toutefois avouons-le  fièrement, plus modeste que celle des sapeurs de Napoléon, des adeptes de stoner rock. Des brutes épaisses sympathiques. Enfin presque. Sur leur Instagram vous avez une photo tous les trois debout devant une isba recouverte de neige accompagnée d’un texte écrit en Russe. Quand on pense que Tolstoï enfant parlait mieux le français que le russe, l’on se dit que l’on n’aurait pas besoin d’un traducteur pour comprendre. Or justement le texte traduit reste passablement compréhensible. Ce n’est pas que le traducteur soit mauvais, ce n’est pas que nos conifer men soient des analphabètes, c’est que nous sommes en présence d’un texte poétique. Bref des types qui méritent le détour, alors sans plus attendre l’on se penche sur :

    Странствий Сказ

    CONIFER BEARD

    (Février 2025)

             Oui nous les avons déjà rencontrés dans notre livraison 622 du 30 / 11 / 2023, et vous avez raison ce Странствий Сказ signifie bien RECIT DE VOYAGE. Nous sommes donc dans la grande tradition du récit de voyage russe dont le chef-d’œuvre reste  La Steppe (Histoire d’un voyage) d’Anton Tchekhov. Nous voici partis pour un étrange voyage.

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             Je ne suis pas un spécialiste de l’art graphique du vingt-et-unième siècle mais je ne crois pas m’avancer beaucoup en assurant que le 31 décembre 2299 la couve de ce disque ne sera pas élue comme une des dix images totémiques des cent dernières années qui se seront écoulées. Toutefois que signifie cette utilisation du blanc et noir alors que les productions précédentes de Conifer Beard ont toutes bénéficié d’une impression quadrichromique. Il ne faut point d’après moi expliciter que cette absence de couleur soit due à un manque de moyens pécuniers. Le groupe a voulu qu’il y ait une coalescence d’intention entre la pochette et le thème de l’album. Certes des centaines de verstes parcourues dans une sombre forêt recouverte de neige peut être facilement représentées en noir et blanc, mais il est deux sortes de voyages, ceux qui se déroulent en pleine nature et ceux intérieurs que l’âme effectue après le trépas. Le blanc du linceul et le noir funèbre s’imposent alors d’eux-mêmes.

    Artem Kornilov : guitar / Arsenil Kornilov : bass / Robert Nurunov : drums. Se partagent tous les trois le vocal.

    Зачин : Départ : apparemment nous sommes dans un avion, un vieux coucou, les vitres ouvertes, ou dans une voiture puisque l’on entend des cris d’oiseaux, un chœur lointain de femmes éplorées retentit, hurlements de loups, à moins que ce ne soit des chiens qui hurlent à la mort, des talonades de pas pressés, une cloche qui tinte rapidement, et bruits rassurants un combo de rock qui s’en vient tailler la route. Ясный Сокол : Faucon clair : vous avez une belle turbine rock de bon aloi, ça défile à mort, pas le temps de s’ennuyer, la batterie qui scande le rythme et les guitares qui brodent et surfilent à mort, vous êtes heureux, pourvu que ça dure jusqu’à la fin pensez-vous. Justement la voix, pas du tout ennuyeuse, elle se maintient sur la cime de la rythmique sans problème, mais si vous prêtez un tantinet attention à ce que cette voix un peu voilée vous suggère elle vous oblige à vous poser   une question, nous trouvons-nous au début ou à la fin, je sais c’est un peu le mystère de l’âme russe, et ce faucon qui vole vers le ciel et dont les ailes claires cachent la rougeur du soleil naissant, quel est ce dialogue qui s’instaure entre ce qui paraît être un chevalier médiéval et ce faucon de grande sagesse qui instruit l’âme – soyons réaliste avez-vous déjà vu des chevaliers à la pesante armure voler dans le ciel – qui s’envole dans le ciel après un dernier regard jeté vers le souvenir des siens aimés et chéris. Les guitares s’étirent  vers l’infini et le moteur de la vie s’emballe comme s’il savait que le voyage sera encore long. Pour ceux qui ont peur de se morfondre vous avez sur la vidéo un paysage de forêt enneigée qui se déroule sans fin. L’immensité de la taïga russe. С зарёй : L’aube heureuse : l’impression que la guitare joue au billard à trois boules avec la batterie, ne vous inquiétez pas pour savoir qui est la boule rouge, pour poser la question d’une autre manière si celui qui parle est un chevalier blessé qui chevauche à travers la forêt poursuivant un rêve perdu de fidélité, ou alors est-ce son âme en partance vers on ne sait trop quoi  qui se pense représentée en chevalier  cheminant vers le vide de la mort. Doit discuter ferme avec lui-même pour savoir s’il est encore vivant ou déjà mort, c’est que l’on ne peut représenter la mort qu’avec les mots et les images des vivants, ce qui, vous en conviendrez, aide à produire une certaine équivoque. ДухМакабра : L’esprit de mort : La chevauchée continue-t-elle de plus belle, si l’on en croit le rythme imperturbablement appuyé la galopade se poursuit mais le vocal comme légèrement reculé dans la musique, comme un intervenant, qui prend la parole sans se soucier de ceux qui sont en train de parler, tient un discours totalement identique mais pas tout à fait pareil, tiens cette cowbell qui résonne ne nous ordonne-t-elle pas de faire attention au temps qui passe, ne sommes-nous pas dans l’éternel présent d’un éternel retour qui revient incessamment sur lui-même. Mon cercueil n’est-il pas encore un jeune sapin  qui pousse dans la forêt enneigée, combien de fois n’ai-je pas serré la main de Dieu, je suis mort et la mort me suit, elle m’accompagne comme un serviteur fidèle, mais encore une fois voici l’heure fatidique, celle du retour. Пепел Станет Огнем : Feu de cendres : la guitare sonne comme les trompettes qui annoncent le retour du héros, l’est comme le phénix qui renaît de ses cendres, mais le rythme s’avère moins triomphal, comme si le retour n’était pas aussi certain, le retour n’est-il pas aussi le retour de la séparation, ce qui a été perdu une fois, est-il perdu pour toujours, est-ce pour cela que nous ne parvenons jamais à recoller les deux morceaux de la porcelaine la plus précieuse, le feu qui brûle le phénix n’a-t-il pas raison du phénix par le simple fait qu’il soit matière inflammable. Le morceau s’arrête brutalement, serait-ce pour ne pas répondre à la question. L’espoir fait-il vivre ou mourir.  Исход : Résultat : le vent se lève et souffle, quelqu’un aiguise une lame, chœur féminin, est-ce le chevalier qui se prépare au combat, sont-ce les derniers grésillements d’un feu qui finit de se consumer…

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             Nous n’en saurons pas plus. Le mystère du voyage reste ouvert ou fermé. Ce qui revient au même. Une culture russe nous aiderait peut-être à mieux comprendre, par exemple cette cabane sur pilotis est-elle une allusion à l’isba de Baba Yaha sur ses pattes de poulets… Existe-t-il une légende d’un chevalier russe entreprenant un tel périple…

             Ce qui est sûr c’est qu’avec cet EP Conifer Beard nous tient par la barbichette et nous file une tapette à démantibuler un ours.

    Damie Chad.

     

     

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 686 : KR'TNT ! 686 : COWBOYS FROM OUTERSPACE / SCREAMIN' MONKEYS / BOYS WONDER / HAROLD BRONSON / RAM JOHN HOLDER / / IMPERIUM DEKADENZ / MIDNIGHT ROSES / GALVÄO / PATRICK GEFFROY YORFFEG

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 686

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    17 / 04 / 2025

     

     

    COWBOYS FROM OUTERSPACE

    SCREAMIN’ MONKEYS / BOYS WONDER

    HAROLD BRONSON / RAM JOHN HOLDER

    IMPERIUM DEKADENZ / MIDNIGHT ROSES

    GALVÄO / PATRICK GEFFROY YORFFEG

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 686

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Un Outerspace qui porte bien son nom

    (Part Two) 

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             Avec Weird Omen et les Dum Dum Boys, les Cowboys From Outerspace appartiennent à la trilogie supérieure des French Cakes. Bientôt trente ans que les Cowboys labourent l’imaginaire rock et portent, non pas la flamme olympique à travers la France, mais le flambeau du Gun Club à travers la France, ce qui est tout de même beaucoup sexy, reconnaissons-le. Ils perpétuent le rumble Death Partysan et te collent un coup de «Goodbye Johnny» en fin de set, histoire de te rappeler qu’à une autre époque, le Gun Club et les Cramps étaient les rois du monde. De notre monde. Dans son costard noir, Michel Basly incarne à la perfection la grandeur du mythe Jeffrey Lee Pierce. Il lui donne même une petite allure de dandy spectral. Ça sent bon les bas-fonds marseillais et les secrets murmurés au coin du bar. 

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             Si tu veux voir un vrai power trio à l’œuvre, c’est eux. Avec cette section rythmique de rêve, Michel Basly peut dormir sur ses deux oreilles. Il peut claquer ses riffs et réveiller le spirit de Jeffrey Lee, il peut screamer dans la nuit et foutre le feu au bush. Il a les coudées franches. Il hante plus qu’il ne chante, il cache son jeu avec une apparente sobriété, mais sous la cendre couve le feu, il n’en finit plus de rappeler à quel point le Gun Club était synonyme d’apocalypse, à quel point Jeffrey Lee Pierce savait réveiller un dragon pour mieux le chevaucher, à quel point ce démon savait le tenir le dragon en laisse pour le lâcher au moment opportun. «Death Party»

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    et «Sister Ray» même combat. Et quasiment trente ans après leurs débuts, les Cowboys alimentent la même fournaise, avec une sorte «d’expérience» en plus, une patine d’apocalypse qui rend leur set encore plus traumatisant. Comme le firent les Gallon Drunk en leur temps, les Cowboys privilégient bien sûr les cuts atmosphériques, histoire d’embarquer les cervelles pour Cythère-sur-Styx, à défaut d’embarquer les corps, car on ne danse pas sur les Big Atmospherix des Cowboys, on glisse comme des corps dans le mood, ou dans la tombe, c’est du pareil au même, il s’agit là d’envoûtement, de messe noire, de voodoo, ça te plonge dans la confusion et ça te tire sur la paillasse, ça te compresse la cage et ça te trie les globules, les rouges d’un côté, les blancs de l’autre, comme au temps de la Révolution bolchévique, ça te purge de toutes tes fucking prérogatives et ça t’oblitère bien la gueule, ça te parle au plus profond, ça te malaxe les zones reculées du cerveau, c’est un rock qui s’infiltre en toi, t’en perds ton étanchéité, dis-lui adieu, tu ne résistes pas longtemps, ce rock te jette un sort, alors tu dis «chouette !», t’es bien content, car rien n’est pire que le rock qui ne jette pas de sort et qui ne t’oblitère pas la gueule. Pas besoin de t’agenouiller et d’implorer qu’on t’oblitère la gueule. Ça se fait automatiquement.

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             Là t’es servi. T’es même gavé. T’en as pour ton billet. Tu te goinfres. Si Jeffrey Lee le héros voyait ça, il serait bien content. Comme en ont les Cramps et le Velvet, Jeffrey Lee a des bons héritiers, des mecs qui font bien le poids, et qui ont du répondant, du charisme et du son. De la prestance et de la fière allure. Des mecs qui savent porter le feu sacré. Michel Basly parle même d’un nouvel album. Il serait temps, le dernier date de dix ans. Comme si les Cowboys s’étaient épuisés à la tâche. Peut-être en avaient-ils marre d’être les meilleurs. Le plus stupéfiant, quand tu les vois sur scène, c’est que rien n’a changé. La magie est intacte. Bazile Gonzalez roule sa poule sur sa basse et toise les gens comme au temps jadis, et derrière Mr Henri bat le beat à la main renversée. Ils sont tous les trois encore plus royalistes que le fucking roi.

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             En attendant Godot, tu ne perds pas ton temps à écouter cette compile parue en 2019, The Worst Of... On Vinyl Now. La pochette singe bien celle d’Elvis. Si t’as un faible pour la dynamite, ce Worst Of est fait pour toi.

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    Tu y retrouves en B cette «Luna» qui fit fantasmer la France entière (ou à peu près) voici 20 ans, au temps de Bones Keep Smilin’, Basly gave sa Luna de son, il lui bourre le mou, et tu assistes à de fabuleuses montées en surchauffe. Quelle fournaise ! Et encore une fois, quelle chance elle a Luna de se faire bourrer le mou. Tiré du même album-fournaise, t’as «Such A Long Time». Basly chante ça au sommet de son registre, et c’est vraiment digne de Jeffrey Lee Pierce. Complètement allumé ! Encore plus allumé, t’as «I’m Waiting (For Nothing To Come)», tiré de Super Wight Dark Wight. Les Cowboys adorent rôder dans l’ombre et puis vers la fin, Basly devient complètement dingue. Si tu veux entendre un screamer fou, c’est lui. En A tu retrouves ce fast ventre à terre «She Said She Loves Me» tiré de leur premier album sans titre. C’est plein comme un œuf. T’as l’impression qu’ils sont déjà au sommet de leur art. Puis t’as trois cuts tirés de cet album infernal qu’est Choke Full Of, «Choke Me Up» (power punk-blues tentaculaire, avec cette énorme tension), le si brûlant «Let’s Get Wild», et l’indomptable «Dancin’ Machine», gorgé de blasting power. Un sommet du genre. Ah ils savent descendre au barbu ! Basly fait son Otis avec «I’ve Been Loving You (Too Wrong)» et tu le vois se barrer en ultra-vrille de coyote marseillais, fabuleux shout-off de guitar-slinger, et il te sert sur un plateau d’argent une belle fin apocalyptique. La cerise sur le gâtö est une cover démente de «Lo End Buzz», tiré du premier album sans titre des Chrome Cranks. C’est ta récompense quand t’arrives au bout de la B. Basly renoue avec la folie de Peter Aaron, il tape en plein dans le mille, c’est de l’ultra poussé-dans-les-orties, il a la voix qu’il faut pour ça. Il sait merveilleusement bien dérailler.

    Signé : Cazengler, cobaye from outerspace

    Cowboys From Outerspace. La Péniche. Chalon-Sur-Saône (71). 29 mars 2025

    Cowboys From Outerspace. The Worst Of... On Vinyl Now. Lollipop Records 2019

     

    L’avenir du rock

     - Too much Monkeys business

     (Part Two)

             — Alors, c’est vrai, c’qu’on dit, avenir du rock ?

             — De quoi tu parles ?

             — On m’a dit que t’allais souvent au zoo...

             — Et alors ?

             — Tu vas mater les animaux en cage ? Tu s’rais pas un peu baisé, comme mec ?

             — Désolé mon pote, mais je préfère mille fois mater la tronche des animaux plutôt que la tienne.

             — Pffffff.... Tu causes comme une vieille pute qu’a perdu tous ses clients. 

             — Pas du tout, si tu les voyais, tous ces animaux, tu serais agréablement surpris. Tiens, je prends un seul exemple, Thee Michelle Gun Elephant... T’es tout de suite en extase devant leur force tranquille, leur majesté garagiste, leurs riffs d’ivoire et leurs barrissements hystériques. 

             — Un Michelle Gun Elephant, ça trompe énormément !

             — Non seulement t’es moche, mais t’es con. Tiens je vais te donner un autre exemple. Les Buffalo Springfield, tu vois ce que c’est ?

             — Oui, ceux que Buffalo Bill s’amusait à canarder...

             — Quand tu les vois, t’es effaré par leur prestance. Ils sont gigantesques ! Ils régnaient jadis sans partage sur les plaines de la Californie, les Buffalo Killers ont eu leur peau mais leur spirit est intact. Ils ont cette majesté qui fait tellement défaut à la plupart de nos contemporains.  

             — Un coup d’épée dans le Buffalo du lac ?

             — T’aime bien les petits jeux de mots à la mormoille... Ça nous fait un point commun.

             — T’as d’autres chouchous, avenir de mes deux ?

             — Oui, les Deadly Snakes ! Ah si tu voyais leurs riffs ramper, tu les sens monter dans la jambe de ton pantalon, sssshhhhhh, quelle sensation mortelle ! Quel groove empoisonné...

             — Pas trop mon truc. T’aurais pas autre chose de plus sympa ?

             — Les Screamin’ Monkeys ! Tu veux du wild as fuck ? Avec eux, tu vas sauter partout.  

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             Welcome in the chaloneeese jungle ! Tu entres sur le territoire des Screamin’ Monkeys et ça va screamer mon kiki. Sont six sous des branches. Petite chaleur tropicale. Cris d’animaux. Masques de singes, comme au temps béni des Hammersmith Gorillas. Et wham bam dès «Jungle Keepers» le morceau titre d’un premier album qu’il faut bien qualifier de puissant, et même de rentre-dedans. Six, c’est jamais trop lorsqu’il s’agit de kicker les jams, motherfucker. Alors ça kicke dans les brancards, ça monkeyte entre tes reins, ils mettent un peu de temps à chauffer leur marmite de cannibales, on les sent nourris aux bonnes intentions. Pas facile de monter sur scène après les Cowboys. C’est une sorte de défi. Ils vont le relever. Encore une fois, c’est leur territoire.

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             Ils virent les masques à la fin du premier cut pour redevenir humains. Tous sauf Zu qui va battre le jungle beat en Monkey jusqu’au bout du set. Tout le

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    ramdam des Screamin’ repose sur le doublon Fouine/Franck, avec un Fouine qui fait du Keith Streng-sans-gratte à la puissance mille et Franck qui prend parfois le lead au chant tout en claquant sa riffalama fa fa fa. La combinaison des deux Screamin’ est explosive et peu commune, c’est un luxe que d’avoir deux excellents shouters dans un groupe. Ils fonctionnent comme une locomotive infernale, ils tirent derrière eux tout le groupe, et cut après cut, le set finit par décoller, comme le fit jadis le gros hydravion d’Howard Hugues. Ils tapent des cuts plus rock’n’roll comme «Belinda»,

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    ou plus heavy comme leur vieux «Cosmic Farmer» qui date de Mathusalem, avec un panache qui n’a d’égal que leur enthousiasme viscéral, ils puisent aux mêmes sources que les Fleshtones et les groupes Crypt, avec en plus, dans certains cuts, de capiteux échos d’early Stonesy et même des Yardbirds. Tu sens remonter la sève du mighty British Beat, ça sent vraiment bon le rave-up. C’est là que tu commences vraiment à les prendre au sérieux, car peu de groupes ont cette facilité à récréer d’antiques ferveurs, surtout celles qui viennent d’Angleterre. C’est peut-être dû au fait que les

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    deux guitaristes jouent en clairette de  Fender, Strato pour le mec des Buttshakers qui vient de rejoindre le groupe, et Tele pour Franck. Les deux grattes propulsent les Screamin’ dans la stratosphère du meilleur garage qui soit, poussées au cul par le jungle beat de Zu et les ultra-buzy basslines de Marco, qui pour les rendre plus royalistes que le roi, les joue au doigt. Et pour couronner le tout, t’as Jano derrière son clavier et derrière tout le monde, aussi discret qu’un Monkey qui guette sa proie, perché sur sa branche.

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             Quant à Fouine, il tourticote tout ce qu’il peut, il maracasse la baraque et fait son Jagger à la petite semaine, il performe et s’agite le vocal, il monte sur tous les coups, soutient Franck quand vient le temps des chœurs, il sait poser sa voix et s’élève au-dessus de tout soupçon. Fouine fait du foin. Fouine fait le fou. Fouine fout le camp. Fouine fait pas semblant. Fouine fun fun fun !

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             Les Screamin’ recyclent tous les vieux coucous, «Poison Vivi», «Band Of Freaks», «Wakes Me Fever», «Ginger Twister», mais c’est avec les fleurons de l’album qu’ils raflent la mise, et notamment «That’s Not Mine», l’hit le plus spectaculaire : c’est même encore plus flagrant sur l’album, il faut voir comme ça

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     taille la route au chant, Franck arrache la victoire à coups de that’s not mine yah yah ! «Basic» est encore un cut de Screamin’ Screamer qui sait écraser son champignon en plein virage. «Basic» sonne comme un modèle du genre, un énorme classique. T’as beau avoir écouté des tonnes de grands albums garage, il y aura toujours des mecs pour recréer l’événement, et le «Basic» des Screamin’ crée l’événement. L’autre cerise sur le gâtö de cet album est le grand retour du «Cosmic Farmer». Cette gigantesque fournaise te dévore tout cru. Ils t’amènent ça à l’abattoir vite fait. Autre surprise de taille : «Not Alone» est son attaque stoogienne. Là, Franck part en solo et creuse vite fait bien fait un tunnel sous le Mont Blanc. Encore une belle surprise avec «Shuttle» : Fouine se montre plus sculptural au chant et t’entend des chœurs qui te renvoient directement à l’«Heart Full Of Soul» des Yardbirds. Elles est pas belle, la vie ?

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             Tu les vois aussi aller chercher la bonne petite braise sous la cendre avec «Cross The Line», et le «Band Of Freaks» qui refait surface en B est beaucoup plus Fleshtony, avec toutes les ficelles de caleçon. Saluons aussi le morceau titre d’ouverture de balda et ses belles dégelées riffiques, et t’as cette voix qui monte tout de suite au sommet du cocotier, ah il est bon le Fouine. Quel fabuleux ramdam ! Quelle belle clameur ! C’est encore une fois très Fleshtony, mais en plus joyeux et en plus vivace. Les élèves ont dépassé les maîtres. Ils terminaient leur set (avant rappel) avec l’exubérant «Boogaloop». Sur scène, ça devient incontrôlable. Ils terminent leur rappel avec leur vieille cover de «California Sun» dont les Dictators firent leurs choux gras, voici 50 ans. Proto-punk, baby.

    Signé : Cazengler, c’est parti monkey-key

    Screamin’ Monkeys. La Péniche. Chalon-Sur-Saône (71). 29 mars 2025

    Screamin’ Monkeys. Jungle Keepers. Pop The Balloon 2025

     

     

    L’avenir du rock

     - The Boys are back in town

             L’avenir du rock adore aller faire ses courses chez madame Prévertinette, l’épicière du fauboug Saint-Martin. Panier au bras, il pousse la vieille porte vermoulue et la petite clochette irise l’air tiède d’un carillonnage levantin.

             — Bien le bonjour, madame Prévertinette, comment tallez-vous bien ?

             — Oh je me sens comme une demi-pinte de bon sang, avenir du rock ! Que me vaut le plaisir de votre visite ?

             — Les contingences, madame Prévertinette, les contingences ! Elles me ramènent chaque fois vers vous comme le fleuve ramène le fétu à l’océan !

             — Quel flatteur vous faîtes, avenir du rock ! Comment puis-je satisfaire à vos contingences ?

             — Pour commencer, il me faudrait une pelote de ficelle, deux épingles de sûreté, un monsieur âgé et une Victoire de Samothrace.

             Elle farfouille dans ses étagères et dépose les désidératas de l’avenir du rock sur le comptoir. Puis elle tape soigneusement les prix sur sa vieille caisse enregistreuse.

             — Vous faudra-t-il autre chose ?

             — Une mouche tsé-tsé, un homard à l’américaine, un jardin à la française, deux pommes à l’anglaise...

             Elle refarfouille de plus belle et dépose ses trouvailles sur le comptoir. Elle tape les prix et lance d’une voix de Castafiore lunatique :

             — Et avec ceciiiiiii ?

             — Un face-à-main, un valet de pied, un orphelin, un poumon d’acier, un soleil d’Austerlitz, un siphon d’eau de Seltz, un vin blanc citron !

             — Ah il faut que je descende à la cave chercher le soleil d’Austerlitz, je le garde toujours au frais, voyez-vous...

             Elle disparaît par une trappe située derrière le comptoir et réapparaît quelques minutes plus tard couverte de toiles d’araignées.

             — Et avec ceciiiiiii ?

             — Des piles Wonder !

             — Elles n’existent plus, avenir du rock, mais en compensation, je vous propose les Boys Wonder ! Vous m’en diiiirez des nouvelles !

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             Effectivement, l’avenir du rock est aux anges. Et comme le destin ne fait jamais rien au hasard, Shindig! annonce le retour des space-age mod-rock pionneers, the Boys Wonder. T’y crois pas ? Alors écoute Question Everything. Ça vient de sortir. On appelle ça une réhabilitation résurrectionnelle. L’un des groupes les plus brillants de son temps sort enfin de la tombe.

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             Quand t’entends «Goodbye Jimmy Dean», tu ne comprends pas qu’un tel groupe soit passé à l’ass. Intro à la Who et t’as aussitôt le poids du son, c’est-à-dire le power. C’est le Wonder power, à base de concordes de grattes explosives. Encore plus Whoish : «Platform Boots». Ce sont les accords de «Substitute». Terrific ! Ils font du glam-punk Whoish, on se croirait en 1966, au Marquee. Maximum R’n’b ! En plein dans la cocarde ! Encore du pur Whoish avec «Lady Hangover», ils tapent en plein dans ce glam d’étranglement convulsionnel qui fit la grandeur des early Who. «Song of Sixpence» pourrait sonner comme un hymne Mod. Pure Mod craze ! Ils sont aussi capables de sonner comme les Small Faces. La preuve ? «Soho Sunday Morning», avec le soupçon d’accent cockney qui les rend crédibles. Ben Addison est un pur et dur. Et puis, il pleut des coups de génie comme vache qui pisse : t’as «Shine On Me», monté sur la cocote du diable et t’as un killer solo flash enroulé dans le son. Même chose avec «Elvis 75», encore un défonce-moi-Johnny, allumé au glam power et t’as un  killer solo flash qui vient trouer le cul d’Elvis 75. Oui, flash, vraiment flash ! Ils jouent l’intro de «Friday On My Mind» sur «Hot Rod» et ça part ventre à terre, ils tapent dans le glam power avec des moyens énormes et une prod qui n’a pas froid aux yeux. Et t’as même le killer solo fantôme d’Écosse, wooooh, wooooh ! C’est dire l’étendue du registre. On s’extasie en permanence de la classe et de l’aisance du Ben. Leur «Now What Earthman» est encore d’une rare puissance, même si cette pop ne sait pas dire son nom. Le Ben chante son «I’ve Never Been To Mayfair» par dessus les toits. Il chante comme un dieu et fait de son Mayfair une authentique Beautiful Song. Et ils te claquent «We All Hate Honesty» à la cocote insidieuse, la pire de toutes, l’insidieuse anglaise. 

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             Dans Record Collector, Lois Wilson parle de «stuff of legend», de cuts «brash, bold and irreverent», et de lien entre «the Who’s art school mod» et «the Sex Pistols’ cartoon fury». Et sur scène, t’avais tout le bataclan, l’exploding drum kit et le guitar-smashing. Boys Wonder était le groupe des jumeaux Ben et Scott Addison. Père pianiste et contre-bassiste de jazz. Sinatra sur le record player - Then came glam and the Sex Pistols - Alors wham bam ! Ben flashe sur les Pistols : «They had the look, the sound, the shock impact.» Ils montent un premier groupe, Brigandage, Ben on drums, Scott on bass - Sex Pistols with a female singer - Elle s’appelait Michelle Archer. Ils décrochent la couve du NME et enregistrent une Peel Session. Brigandage splitte et ils récupèrent deux mecs d’Haircut 100 pour monter Boys Wonder. Ils récupèrent un peu plus tard Tony Barber on bass. Ils se réclament des Who, des Fifth Dimension ou encore de Slaughter & The Dogs, en fait de tout ce qu’ils aiment bien. Ils travaillent leur look - Carnaby tat and boot boy chic - portent des futes en tartan, «and monster fringe haircuts by Vidal Sassoon.» C’est Eddie Piller qui les met en contact avec Seymour Stein. Un Stein qui fait venir Andy Paley des États-Unis pour les produire, Mais Ben trouve qu’Andy est trop obsédé par les Beach Boys. Leur single «Now What Earthman» sort en 1987 et floppe. Puis Sire les droppe. Allez hop, à dégager !

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             Après le split, les jumeaux remontent le groupe avec un mec de Doctor & The Medics et le batteur de King Kurt, Rory Lyons. Ils enregistrent le mini-album Radio Wonder. C’est de la dancing pop d’une incroyable audace, mais en même temps, c’est un suicide commercial. Tu retrouves pourtant l’excellent heavy rock bien forcé du passage qu’est «Eat Me Drink Me». Sur ce coup-là, ils ont tellement de son !

             Nouveau split. Ils réapparaissent deux ans plus tard dans Corduroy, un Acid Jazz band, avec Dad Man Cat, un album d’instros. Corduroy fait l’objet d’un chapitre à part. 

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             Clive Webb rappelle dans Shindig! que les frères Addison étaient en avance sur leur temps. Enracinés dans le mod-rock sound des sixties, ils préfiguraient la Britpop et tous ces groupes, Menswear, Supergrass, qu allaient connaître le succès. Aujourd’hui Ben Addison affirme que la Britpop was completely unspectacular. L’un des fans de Boys Wonder, Vic Reeves, va même jusqu’à proclamer : «The greatest band that never was, is now the future.» Eh oui, si les Boys Wonder sont si bons, c’est sans doute parce qu’ils ont commencé par flasher sur le glam et le punk des Pistols. Web dit aussi que Brigandage était annoncé comme «the next Sex Pistols». Eddie Piller devait signer les Boys Wonder sur son label Countdown, un sous-label de Stiff - Terry Rawlins and I absolutely loved the band - Piller venait de signer les Prisoners et Making Time, et il lui fallait un troisième groupe. Mais Stiff s’est cassé la gueule et Countdown a coulé avec. Piller voyait les Boys Wonder comme des «proto-mods and punk rockers, they were just spectacular.» C’est là que Piller les a refilés à Seymour Stein. Toutes les conditions étaient donc rassemblées. Mais ça n’a pas marché.    

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             L’histoire est d’autant plus triste que le groupe fut brillant. C’est aussi l’avis d’Eugene Butcher, dans Vive le Rock. What happened? Ben re-raconte l’histoire et précise que de jouer à Londres était à l’époque bien plus facile qu’aujourd’hui. On pouvait garer le van devant la salle et coller des affiches. Ça bloquait du côté des record labels. Comme les Boys Wonder ne rentraient dans aucune catégorie, les record labels ne voulaient pas d’eux. Ben dit aussi qu’en plus des Who et des Sex Pistols, ils adoraient Tom Jones, Todd Rundgren et les compositeurs, which is why we ended up forming Corduroy.

    Signé : Cazengler, Pile Wonder (usée)

    Boys Wonder. Question Everything. Townsend Music 2024

    Boys Wonder. Radio Wonder. Flat Records 1989

    Clive Webb : Beyond Question. Shindig! # 156 - October 2024

    Where Are They Now? Boys Wonder. Vive Le Rock # 116 - 2024

    Under The Radar : Boys Wonder. Record Collector # 567 - Christmas 2024

     

     

    Wizards & True Stars

     - Harold on I’m coming

     (Part Two)

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             Comme on s’est bien régalé de The Rhino Records Story: Revenge Of The Music Nerds, on en redemande. Harold Bronson a écrit deux autres books, My British Invasion (sur lequel on reviendra un autre jour) et Time Has Come Today - Rock And Roll Diaries 1967-2007, sur lequel on va se pencher immédiatement.

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             L’Harold prend en fait comme modèle le Journal d’Andy Warhol. Il reste très factuel et ne s’embarrasse pas avec la dentelle de Calais. Il fait une sorte de carnet mondain du rock qui s’étale sur 30 ans, et comme il vit en Californie, il rencontre tous les gens qu’il faut rencontrer. Il brosse pour chacun d’eux un portrait sommaire d’une justesse remarquable. Pas d’effets de style, pas d’analyse ni de dérives introspectives : il voit le mec pour l’interviewer et dit ce qu’il faut savoir de lui. C’est la qualité de ses choix et le nombre extraordinaire d’artistes rencontrés qui fait la force de ce book.

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             En 1969, il a 19 ans et il voit les Kinks dans un gymnase. Il les trouve «sloppy, sang out of tune», «but they were exciting and a lot of fun.» Toujours en 1969, l’Harold lit un chronique des Stooges dans Rolling Stone. Un certain Ed Ward les décrit comme «loud, boring, tasteless, unimaginative, childish, obnoxious...» Et l’Harold d’ajouter à la suite de cette exécution en règle : «Yet, there’s a positive conclusion: ‘the fun is infectuous.’» L’Harold indique ce jour-là qu’il est «curious about the Stooges, a quartet from Michigan with a debut album on Elektra Records.» Mais à l’époque, les rock-critics américains ne supportent ni les Stooges ni le MC5. C’est bien que l’Harold rappelle à quel point ces pommes de terre de rock-critics américains ne comprenaient rien. 

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             L’Harold ne rate jamais l’occasion de rappeler quels étaient ses singles préférés. En 1970, il en pinçait par exemple pour Spirit («1984»), Blodwyn Pig («Dear Jill»), Dozy Beaky Mick & Tich («Tonight Today», il oublie Dave Dee), Savoy Brown («A Hard Way To Go»), les Seeds et d’autres qu’on ne connaît pas. Il balance une autre liste en 1973 : cette fois se sont des albums, Aloner de Scott Walker, Birthday Party d’Idle Race, Wyane Fontana et The Herd. On sent poindre le bec fin.

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             Comme il est fan des Them, il va voir Van The Man en 1971 au Santa Monica Civic Auditorium, mais Van le laisse froid. Aucun contact avec le public. Plus intéressant : Emitt Rhodes. Il trouve l’album sans titre d’Emitt meilleur que le premier album solo de McCartney, et crack, l’Harold précise que comme McCartney, l’Emitt enregistre tout tout seul «in his home studio, a shed behind his parents’ garage.» T’as pas besoin d’en savoir plus. Tout est là : prodigieux Emitt Rhodes one-man band. Quinze ans plus tard, en 1985, l’Harold rencontre l’Emitt qui vit à Hawthorne, là où vivait aussi la famille Wilson. Il a encore un garage au fond du jardin et son home studio. L’Emitt fait écouter des trucs à l’Harold qui aime bien ce qu’il entend, mais l’Harold trouve l’Emitt déprimé. Ce journal fourmille de petites rencontres avec d’extraordinaires artistes. On a déjà dit ici même à quel point Emitt Rhodes était génial.

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             Qui dit Californie dit bien sûr Van Dyke Parks. En 1971, le Philadelphie Daily News demande à l’Harold de retrouver Parks pour l’interviewer. En 1968, nous dit l’Harold, Parks avait enregistré Song Cycle, un album qui avait coûté une fortune à Warner Bros et qui s’était mal vendu, alors Parks a déprimé : «I was a genius one month and the next I was for sale for a cent. Both were débilitation and I was devastated psychologically.» Alors bien sûr, l’Harold le branche sur Brian Wilson et Smile. Parks dit avoir écrit tous les lyrics, sauf ceux de «Good Vibrations». Puis les Beach Boys ont décrété que ses lyrics étaient «undecipherable», c’est-à-dire indéchiffrables, «and they fired me.» Pouf, à dégager !

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             En 1971, l’Harold en pince pour Badfinger, «one of my favorite contemporary bands». Il adore leur ressemblance avec les Beatles de 1966. Mais sur scène, ils manquent de charisme et d’«excitement». Ils papotent avec l’Harold après le concert, et confient qu’on les a obligés à faire cette tournée américaine, sinon on leur coupait les vivres. Il faut rappeler que l’histoire de Badfinger est une tragédie : deux d’entre eux vont finir par se pendre, parce qu’ils ne supportaient pas de s’être fait rouler. Et Joey Molland vient tout juste de casser sa pipe en bois. Amen.

             L’Harold en pince aussi pour Peter Asher, qui fut célèbre avec Peter  & Gordon, mais aussi pour avoir été A&R chez Apple (celui des Beatles, pas l’autre) : c’est lui qui leur amène James Taylor que McCartney aime bien. L’Harold profite du paragraphe Apple pour rappeler que chaque Beatle avait ses chouchous. Le roi George amène Jackie Lomax. C’est Mal Evans qui ramène les Iveys, futurs Badfinger, chez Apple.

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             L’Harold rencontre aussi Black Sabbath dans une superbe villa de Bel Air. Ozzy lui dit que leur groupe préféré reste les Beatles, mais ils sont aussi fans des Troggs («Wild Thing») et bien sûr du «Really Got Me» des Kinks. L’Harold rencontre aussi Paul Revere et Mark Linsday, beaucoup plus vieux que tous les autres, beaucoup plus professionnels, mais ils impressionnent l’Harold par leur candeur. En Europe, peu de gens savent que Paul Revere & The Raiders furent en leur temps des superstars aux États-Unis.

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             Tiens ! Voilà Mickie Most ! Qui qu’y fout là ? L’Harold va l’interviewer à Londres en 1972. Il lui trouve «a baby face» et des «wavy, orange-tinted hair». Mickie raconte l’enregistrement d’«House Of The Rising Sun», en 1964, quand il récupère les Animals à la gare à 7 h 15 (ils ont voyagé dans l’overnight sleeper train) et les amène au Kingsway Studio à 8 h pour une session de 3 heures, à 20 $ l’heure. Crack, à 8 h 15, ils ont fini d’enregistrer le single ! Sur le temps restant, ils enregistrent leur premier album. Ils reprennent le train de 12 h 30 pour rejoindre la tournée avec Chucky Chuckah et Carl Perkins à Southampton. Voilà le grand art de l’Harold : résumer en quelques lignes un épisode historique. C’est clair et net, bien mieux raconté que dans les bios des Animals. Mickie Most dit aussi à l’Harold que sa force «is in picking material to be released as singles.» Mickie Most évoque aussi Beck Ola et Truth, et des deux, il préfère Truth. Personne ne composait dans le Jeff Beck Group, ils étaient obligés de taper des covers. Mickie Most rappelle que Jeff Beck et Rod The Mod ne s’entendaient pas très bien. Autre détail considérable : en juin 1970, Mickie Most est à Detroit avec Jeff Beck et Cozy Powell pour enregistrer chez Motown avec «the company’s celebrated house band, but nothing was finished.» Autre détail considérable : Jeff Beck reprochait à Mickie Most ses horaires. Alors Mickie met le point sur les zi. Pour lui, la famille était plus importante que le biz, alors, il mettait un point d’honneur à rentrer à l’heure chez lui pour dîner en famille. C’est pourquoi il a décliné l’offre qu’on lui faisait de produire les Stones : ils n’avaient aucune discipline et commençaient à enregistrer à minuit. Mickie évoque aussi Donovan qu’il a fabriqué de toutes pièces et qui un jour lui a dit : «I can do it better without you.» Et crack, même chose avec Lulu qu’il a fabriquée aussi de toutes pièces, et il lit dans la presse qu’elle cherche un nouveau producteur. Alors Mickie en a marre : «I’ve had enough of these people, because most artists are slags», c’est-à-dire des garces. Et furibard, il ajoute : «Ils se servent de vous. Vous leur prêtez du blé qu’ils ne vous rendent jamais. C’est horrible.» C’est là qu’il arrête de produire les groupes pour monter «a nice little record company in England», RAK. Et cRAK !

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             L’Harold rencontre Gus Dudgeon. Le Gus fait l’apologie d’Andrew Loog Oldham qui n’a encore que 19 ans quand les Stones enregistrent «Poison Ivy» et «Fortune Teller» : «He was great at creating an atmosphere in the studio.» L’Harold termine d’ailleurs son journal avec l’Andrew, qu’il rencontre en 2007. Après son départ, le Stones avaient perdu une grande partie de leur mystique. L’Harold lui demande quelles sont les sources de son éloquence et l’Andrew cite les Nat Hentoff’s jazz liner notes, et celles qu’Hentoff a rédigées pour le Freewheeling Bob Dylan. Il cite aussi deux books d’Anthony Burgess, Clockwork Orange et The Wanting Seed. C’est après avoir lu les deux tomes de mémoires d’Andrew que l’Harold a pris la décision d’écrire l’histoire de Rhino - After all, if I don’t write the history of the label, who will?.

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             Qui dit Californie dit bien sûr Rodney Bigenheimer, the Mayor of Sunset Strip, comme le surnommait Kim Fowley, un mayor qui lors de son premier trip en Angleterre, a séjourné chez Rod The Mod. L’Harold rencontre aussi Nicky Hopkins qui évoque l’enregistrement d’Exile, dans le Sud de la France - It took four months and was enormoulsy boring - Quand il en a eu marre des Stones, il est parti rejoindre le Jeff Beck Group. Il joue sur 4 cuts de Truth. Puis il en a marre du studio et part en tournée avec le Jeff Beck Group. Tout allait bien jusqu’au moment où Jeff Beck a disparu. Il est rentré à Londres sans prévenir les autres. Hopkins dit que Jeff avait une «split personality» - One side of him wanted to be an egotistical rock star; the other side wanted to rush back to Surrey and be an auto mechanic.

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             De la même façon qu’il était curieux des Stooges, l’Harold est curieux des Dolls qui débarquent en Californie en 1973, au Whisky. Il les compare aux Stones - Lead guitarist Johnny Thunders has cast himself as an animated Keith Richards - L’année d’après, il voit au Whisky d’autres rock stars fondamentales, les Raspberries - The captivating vocal harmonies never sounded better - Il  interviewe aussi Edgar Winter dont on a oublié le fabuleux Entrance. L’Edgar dit à l’Harold qu’à l’époque, il était influencé par Cannonball Adderly et John Coltrane - it was too weird for people and didn’t sell - C’est drôle comme on oublie tous ces artistes qui étaient si importants à cette époque. En 1975, l’Harold voit Suzy Quatro au Roxy - Onstage, leader-of-the-pack Suzi screams her tiny lungs out, plunking an oversized bass guitar - C’est merveilleusement résumé. Il rappelle qu’elle vient de Detroit et qu’elle vit désormais (grâce à Mickie Most) dans le Sussex, au Sud de Londres. L’Harold lui demande comment une Detroit girl s’adapte à Londres - «I’m adaptable», Suzi said - Il croise aussi Cub Koda dans le backstage du Starwood. Cub dit à l’Harold qu’il le connaît bien, via ses articles et Mogan Davis & His Winos. Alors l’Harold dit à Cub qu’il est fan de Brownsville Station depuis leur premier album qu’il avait chroniqué.

             En 1975, l’Harold flashe comme tout le monde sur Barry White - The effect he has on women defies logic - Il salue bien bas son «basso profundo» et dit qu’en fait, il chante très peu et que sa «Musak create a perfect mood for love-making.»

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             En 1976, il a la chance de flasher sur «by far the most imaginative figure in soul music», George Clinton. Clinton rappelle que Parliament était un «doo-wop group stylized after the Tempations.» Signés sur Motown, mais pendant les 5 ans du contrat, rien n’est sorti sur Motown. Quand l’Harold demande quelle différence existe entre Parliament et Funkadelic, Clinton répond : «Parliament is more vocal, more disco with horns, more conservative; Funkadelic is more guitars, no horns, more free-form feelings, more harsh and wild. There’s a crisscross, but generally Funkadelic get more pussy than Parliament.»

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             L’Harold reste chez les géants avec Kim Fowley. Pour lui rendre hommage, l’Harold organise un Kim Fowley Day chez Rhino. Kim fait le DJ. L’Harold voit Kim comme «Frankestein monster» - He’s tall, six-foot-five, with a high forehead and recessed eyes - Et bam, c’est le cœur battant du book ! Kim Fowley s’adresse à un client : «Hey asshole, do you jack off? Now, when you’re in the presence of a god, you fuck him, fight him, leave or shut your mouth.» L’Harold rapporte tout le monologue de Kim Fowley et c’est somptueux - I have a Lynyrd Skynyrd single I’ll play for you in a minute. Be cool - Puis, il parle d’un album sur Deram de l’Andrew Loog Oldham Orchestra, avec Gary Brooker, Mick Jagger «and Kim Fowley from Westwood. John Paul Jones plays bass and Jimmy Page guitar. This is the single recorded at Regent Sound in the same studio where they cut «Not Fade Away» and all that crap.» Puis il passe Soft Machine - This is on the Cyclop label - et il ajoute que «Kevin Ayers and Kim Fowley share lead vocals» - Le cut s’appelle «Shadows In The Sun», précise l’Harold. Plus loin, Kim Fowley déclare : «There’s no funk here, except in my underwear.» Puis il passe le «Gloria’s Dream» des Belfast Gypsies - I was a member of two legendary 1960s groups. One group was from Ireland. One of the guys in the group is ugly and short. His name is Van Morrison - Et il explique que «Gloria’s Dream» fut enregistré après le départ de Van the Man.

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             L’Harold évoque la connexion Randy California/Jimi Hendrix. Randy a 15 ans à ce moment-là et Jimi Hendrix veut l’emmener à Londres, mais les parents de Randy s’y opposent. L’Harold rappelle aussi que Rhino a financé la sortie de Potatoland, avec un comic book et des posters, mais l’album ne s’est pas vendu, ce que Randy leur a reproché. L’Harold rencontre aussi Shel Talmy et le branche sur la reformation des Small Faces. Stevie Marriott proposait d’enregistrait «Looking For A Love» (un hit des Valentinos en 1962, repris par le J. Geils Band en 1972) et «Don’t Lie To Me» (un blues de 1940 par Tampa Red, retravaillé par Chuck Berry puis repris par les Stones). Marriott voulait en plus enregistrer chez lui, mais à l’époque, dit Shel, il prenait trop de dope - to the point where he went berserk - Et il ajoute, la mort dans l’âme : «Those sessions were the hardest thing I ever tried to do, but it broke down and nothing was finished.» L’Harold conclut son petit chapitre Small Faces 1980 en signalant la parution de deux «dreadful albums» sur Atlantic. On retrouve «Looking For Love» sur le premier, et «Don’t Lie To Me» «is unreleased.»

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             L’Harold rencontre aussi Sean Bonniwell en 1983 - Sean, once a good-looking pop idol, is now a bearded hippie who appears older than his 42 years. Ils m’ont fait écouter des Music Machine tracks inédits et j’ai été impressionné - Après Music Machine, les Standells ! L’Harold nous explique que c’est Jackie DeShannon qui a poussé Dick Dodd qu’elle trouvait bon à remplacer Gary Leeds qui quittait les Standells pour rejoindre les Walker Brothers à Londres. Il fut en fait un meilleur chanteur que Larry Tamblyn (un Tamblyn qui vient tout juste de casser sa pipe en bois). Avec le succès de «Dirty Water», ils se retrouvent avec les McCoys en première partie, sur la tournée 1966 des Rolling Stones. Dick Dodd se souvient d’une bataille de tartes à la crème dans l’avion de la tournée, initiée par Brian Jones. Autre détail fondamental : les Standells ne veulent pas enregistrer le «Tainted Love» d’Ed Cobb. Alors Cobb le file à Gloria Jones. Mais c’est Soft Cell qui va décrocher le pompon avec «Tainted Love» en 1982. En l’an 2000, Dick Dodd qui est à la ramasse appelle chez Rhino pour demander un job de disquaire, mais sa demande met l’Harold mal à l’aise. Dodd vient quand même chez Rhino déposer son curriculum. L’Harold le lit et voit que Dick la superstar a été vendeur de bagnoles et employé dans un entrepôt. Ainsi va la vie.

             Un jour l’Harold approche de Jeff Beck. Comme il a entendu dire que Jeff Beck est extrêmement timide, il fait gaffe en se présentant. Alors Jeff baisse le regard et fixe le sol - His social discomfort made me feel uncomfortable, as though my mere presence was causing him pain. I moved on. T’as pas besoin d’en savoir plus sur Jeff Beck. Plus tu avances dans la lecture de ce book, plus tu le perçois comme essentiel.

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             L’un des grands avantages de vivre en Californie est de pouvoir rencontrer Sal Valentino.   L’Harold rappelle tout de même que le premier album des Beau Brummels fut produit par Sylvester Stewart, futur Sly Stone. Puis Autumn vend leur contrat à Warners et le drummer John Petersen quitte le groupe pour rejoindre Harpers Bizarre. En 1967, il ne restait plus que Sal Valentino, Ron Elliott et le bassman Ron Meagher. On connaît la suite de l’histoire : Triangle, Nashville et Bradley’s Barn. Autre légende californienne : P.F. Sloan qui préfère qu’on l’appelle Phil. L’Harold le rencontre chez lui, car Rhino envisage de sortir un Best Of.

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             L’Harold dîne avec Jac Holzman sur Broadway et le branche sur les Stooges - Iggy had a subtle danger. Il se jetait du haut de la scène, espérant que les fans allaient le rattraper, ce qu’ils ne faisaient pas toujours - Plus loin, Jac ajoute : «Je trouvais que le mix original de l’album des Stooges était trop poli, étant donné ce que j’avais vu sur scène.» Puis la sentence tombe : l’album ne s’est vendu qu’à 32 000 exemplaires.

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             L’Harold rencontre Herbie Flowers, le bassman légendaire qui a joué sur «Space Oditty», «Rebel Rebel», et des tonnes d’autres hits. Il a fait partie du dernier line-up de T. Rex, «which he rates as the best band he has played in.» On peut l’entendre nous dit l’Harold dans Dandy In The Underworld, le dernier album de Marc (Bolan, pas l’autre). Flowers rappelle au passage que Tony Visconti se tapait des montagnes de coke pendant les sessions de Diamond Dogs. C’est lui, l’Herbie, qu’on entend derrière le Lou dans «Walk On The Wild Side» - Lou only said three words to him, «My, that’s divine.» Herbie was paid £12 ($36) for the three-hour session.

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             Avec Kim Fowley, l’autre superstar de l’Harold, c’est bien sûr Arthur Lee. L’Harold le rencontre en 1980. Il lui demande si «Signed D.C.» concerne le drummer Don Conka et le roi Arthur répond : «Oh no, man. It’s about Washington D.C.» L’Harold sent bien que le roi Arthur se fout de sa gueule, mais il se régale de ses traits d’esprit. Le roi Arthur raconte qu’il avait vu les Byrds, et il savait qu’il pouvait sonner comme eux, «so Love got into folk-rock on the first album.» Puis il écoute Miles Davis et Tony Williams, «and so Da Capo was jazz-influenced.» L’Harold rencontre aussi Bruce Botnick qui a enregistré Love en 1966 - Ils sont arrivés au Sunset Sound Recorders et ont joué les morceaux les uns après les autres - Et Botnick se marre : «Arthur Lee played drums on the record. He was unusual, on acid 24 hours a day. In fact, everybody in the band was out of it.» Botnick donne aussi tout le détail de Forever Changes, «enregistré at Sunset Sound, Western and Leon Russell’s house.» En 1981, l’Harold découvre qu’Arthur Lee est chauve. On raconte qu’il s’était mis un gel pour raidir les cheveux, qu’il avait pris de la dope et qu’il s’était évanoui. Quand il s’est réveillé, le gel était resté trop longtemps et ses cheveux tombaient. Il a affiché son look chauve en 1972 sur la pochette de Vindicator. Pas de problème. Un jour en 1982, l’Harold reçoit un coup de fil du roi Arthur : «Il avait l’air drunk. Il m’accusait d’avoir sorti le Love Live Album sans avoir proposé de contrat. Je lui ai répondu que c’était faux, que je lui avais payé une avance et qu’il avait signé un contrat. Il ne me croyait pas. Alors je lui ai dit que j’allais lui Xeroxer une copie et la lui poster. Whew!».  

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             L’Harold se fait virer de Rhino en octobre 2001, quand Warner rachète Rhino - There was no «thank you» from the Warner Music Group, no gold watch, no party, no celebration of the great company we created. La mort pendant la vie.

    Signé : Cazengler, Bronson of a bitch

    Harold Bronson. Time Has Come Today - Rock And Roll Diaries 1967-2007. Trouser Press Books 2023

     

     

    Inside the goldmine

     - Le ramdam de Ram John

             Jean Rome était de tous nos clients le plus attachant. Il nous confiait le budget d’une revue trimestrielle de R&D diffusée en six langues. Il était en effet le patron de la R&D d’une multinationale, et donc les budgets étaient tellement conséquents qu’ils permettaient de financer des reportages sur des sites de production à l’étranger, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. Ces budgets nous permettaient aussi de rémunérer des experts, lorsque la complexité des sujets dépassait les compétences de notre ami Lucas, journaliste scientifique et rédacteur en chef de cette revue. Jean Rome était un homme assez jeune, brillamment diplômé. Il offrait l’apparence d’un manager classique, avec ses cheveux coupés en brosse, toujours en costard cravate. Ses lunettes à montures écaille qui lui donnaient un faux air de Roy Orbison. On le prenait pour un homme austère, mais en apprenant à le connaître, on découvrait des aspects de sa personnalité extrêmement intéressants. En réunion, on entendait parfois un bruit étrange, un genre de ‘pouet’. On ne le savait pas à l’époque, mais le ‘pouet’, c’était lui. Il nous avoua plus tard qu’il avait dans la poche l’un des jouets de son chien, une espèce d’os en plastique qui fait ‘pouet’ quand on le presse. Personne n’aurait jamais pu imaginer que ce ‘pouet’ venait de lui. Autre chose : pour animer la revue et illustrer les phrases sorties, il voulait une mascotte.

             — Tiens, pourquoi pas un mouton par exemple ? Le mouton des Technodes ! 

             On lui dessina sur le tas un mouton à l’œil roublard, mais Jean Rome ne le trouvait pas assez trash.

             — Ne peut-on lui mettre du rouge à lèvres et des talons aiguilles ?

             — Vous êtes sûr ?

             — Mais oui, voyez-vous, le mouton peut accoster un passant, moi par exemple, et lui proposer la formule du peroxyde nitrique pour 20 euros. Je vous donne mon billet que le lecteur, émoustillé, entrera dans l’article, voyez-vous.

             — On ne mord pas un peu le trait ?

             — Mais non, tenez, pour l’article suivant, on va mettre le mouton au lit, en train de se faire sodomiser, voyez-vous, et dans la bulle, on mettra : «Oh oui chéri, nos atomes d’hydrogène et d’azote font bon ménage !» Ça fera un tabac, voyez-vous.  

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             Pendant que Jean Rome révolutionnait la presse scientifique, Ram John injectait une puissante dose de blues au Swinging London qui n’en demandait pas tant.

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             Ram John Holder est l’une des têtes de gondole de la belle box Gotta Get A Good Thing Goin’, une sorte d’antho miraculeuse de la musique noire en Angleterre. Il n’est pas né dans le Mississippi, comme on pourrait le croire, mais en Guyane Britannique, qui est de l’autre côté du Suriname, la Guyane hollandaise devenue indépendante. Avant de débarquer à Londres, il a fait en 1962 le folk singer à New York, et plus précisément à Greenwich Village, où Dylan, Tom Paxton et Richie Havens l’ont côtoyé. En 1963, il écume le circuit folk de Londres et Paul Jones produit son premier single «Just Across The River». Il y est accompagné par Jack Bruce, Keith Emerson, Mike Hugg et Mike Rooms.

             Puis il commence à composer pour la BBC. Ram John Holder est surtout connu comme acteur dans des séries anglaises.

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             Belle pochette que celle de Black London Blues, un Beacon de 1969. Ram John a des allures de black street punk du coin de la rue. Il porte des lunettes noires et un fut en velours. La photo est prise à Brixton. Avec «Brixton Blues», il situe son quartier, il tape un fast heavy blues sauvage et bien underground. On l’entend aussi jouer lead sur le puissant «Too Much Blues». Son London blues est classique mais excellent. Il visite tous les quartiers, le voilà maintenant rendu à «Ladbroke Grove Blues», c’est assez wild, avec un violon sinueux et un big bassmatic. Ram John est une sorte de tenant de l’aboutissant. Il passe au fast wimpy blues avec «Wimpy Bar Blues», c’est le black British blues racé, drivé sous le boisseau du London fog. Ce mec est bon, il surgit hors de la nuit - My wimpy and my coffee were getting cold - Il chante son blues au perçant lancinant. Le voilà maintenant rendu au «Piccadilly Circus Blues», il pianote en bon punk black de Ladbroke Grove - Baby don’t walk out on me/ Yes she did - Il rentre à Hampstead avec «Hamsptead To Lose The Blues». Ram John pose un problème : il ne s’inscrit dans aucun schéma. Il se contente de planter les graines du punk boogie blues de Ladbrooke Grove. Son London Blues flirte avec le primitivisme. Il peut chanter à la renverse, tomber dans l’excès, courtiser la misfortune et avouer qu’il est à dix shillings près.   

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             Pochette moins sexy pour Bootleg Blues. Il quitte Londres pour aller faire un saut à Paris («Low Down In Paris»), petit heavy blues de went down to Paris to rest a little while - Comment allez-vous/ Avez-vous les Champs Élysées - Gros réveil en fanfare avec un «London Paris Rome Blues Express» embarqué au heavy groove des anciens, c’est-à-dire Isleys & co, c’est bardé de son et Ram John y va au heavy rumble d’hey going up the station. Retour à Hamsptead avec «Hampstead Blues», une merveille d’étalage cadencé, Ram John tient son blues en alerte à la note suspensive. Il fait un saut à Moscou avec «The Blues In Moscow» - Went over to Moscow/ To erase my trouble in mind - Il tape ça à l’heavy blues - But my friend the blues was my public hinde - Il termine ce très bel album avec «Freedom I’m Ready». Grosse énergie et chœurs de reggae. On comprend mieux pourquoi cet album est tellement recherché. 

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             You Simply Are Ram John Holder date de 1975. Ce black de London town est le roi du groove urbain et orbi. Il peut aussi aller sur la pop avec des chœurs comme le montre «Love You Love Me». Il trimballe son look exotique de black shades et de tunique africaine sur fond de briques rouges. Il est accompagné sur cet album par Kokomo et des chœurs d’anges. Il peut taper dans l’exotica de luxe. La viande se planque en B, et ce dès «Cool Earth Woman». Il excelle dans ce genre difficile qu’est le British groove. Il en maîtrise bien les fluides. Il se vautre dès qu’il cherche à faire la pute avec de la pop, et se rattrape aux branches dès qu’il fait son Richie Havens («Love What You See»). Le coup de génie se trouve au bout de la B : «London Ghetto». Il ramène des percus et du mystère à la Shaft, ça part en groove de belle espérance, alerte et bien black. Finalement, on apprécie cet album bien diversifié, hérissé de pointes de charme authentique. Il termine avec «Battering Ram», un raw groove extraordinaire. Aw comme Ram est raw !

    Signé : Cazengler, ramier

    Ram John Holder. Black London Blues. Beacon 1969 

    Ram John Holder. Bootleg Blues. Beacon 1970           

    Ram John Holder. You Simply Are. Fresh Air 1975

     

    *

                ’Je suis l’Empire à la fin de la décadence’’ proclamait Verlaine dans Jadis et Naguère, se complaisant à voir passer les grands barbares blancs, le bougre s’en vantait, il fit même école, mais lorsqu’un groupe de black metal atmosphérique joint les deux termes historialement oxymoriens dans leur dénomination, je vais voir. Le concept opératoire d’Imperium Romanum motivant mon intérêt.

    DIS MANIBUS

    IMPERIUM DEKADENZ

    (Season Of The Mist / 2016)

            Une rencontre fortuite a permis à Pascal Vannier et Christian Jacob a réunir leur force pour former la cheville ouvrière du groupe allemand Imperium Decadenz. Tous deux avaient été marqués par le Caligula de Tinto Brass sorti en 1979. Le personnage de Caligula a de toujours suscité le scandale, le film pimenté de scènes pornographiques non tournées par son réalisateur suscita bien des  polémiques. Comment aurait-il été accueilli en 2025 !  

             Certains lecteurs s’étonneront qu’un personnage tel Caligula ait pu susciter un engouement si fort que Pascal Vannier ait choisi le surnom de Vespasien autre empereur romain et Christian Jacob celui d’Horaz, notre bon poëte Horace selon notre langue françoise. Deux figures respectables de l’histoire romaine, mais enfin… Vraisemblablement ont-ils pensé que les individus sont transitoires mais que la forme politique de l’Imperium a, bon an mal an, rassemblé durant des siècles sous son égide protectrice des millions d’hommes. Ceci se discute. Surtout ces temps-ci où l’on assiste à l’éclosion de thèses expliquant que les invasions barbares ne sont qu’un mythe…

             Loin de ces querelles idéologiquement byzantines cet album ne  s’intéresse point aux actes et paroles des habitants de l’Empire mais à ses morts. L’on traduit souvent l’expression Dis Manibus inscrite, ou signifiée par les lettres DM, sur les stèles funéraires par aux Mânes des Morts, mot à mot il vaudrait mieux lire aux Mânes des Dieux.  Clarifions au plus vite ce dilemme, les mânes sont les âmes des morts, n’imaginez pas des fantômes ou des zombies, plutôt des présences qui pérennisent l’union des morts et des vivants. Mais les cendres des morts enfouies dans la terre ou gardées dans des tombeaux ne se promènent que fort rarement parmi nous, peut-être l’avez-vous remarqué, les romains avaient une explication. Lors de la crémation les hommes se transformaient en Dieux. Il vous plairait bien de passer le restant de votre mort à biturer et bâffrer nectar et ambroisie dans les demeures de l’Olympe, hélas les morts ne se métamorphosent qu’en des dieux inférieurs qui logent en bas dans de froides cavernes souterraines. C’est d’ailleurs pour cela qu’il existait des rites destinés à garder un contact avec eux pour qu’ils ne nous oublient pas.  Il faut concevoir la présence sur-terrestre des Mânes comme une force adjacente qui vous influait et insufflait courage, volonté et désir de maintenir la possession de ce territoire que vos ancêtres vous avaient légué.

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    In Todesbanden : funèbre, l’on serait tenté de traduire en pensant au Livre de la Mort des Egyptiens ‘’dans les bandelettes de la mort’’, mais ce bruit imperceptible, cette espèce de gratouillement de plus en plus présent, qui accompagne la marée, est-elle descendante ou montante, n’évoque-t-il pas le grouillement incessant des larves sur le cadavre.  L’on pressent que la suite ne sera pas joyeuse. Only Fragments Of Light : roulement, chute précipitée, une longue descente, sarclage méthodique des dernières images préoccupantes de l’existence, éboulements rapides de tous les désirs, chute irréversible, comme un feu qui brûle les mauvaises herbes et les branchages coupés de l’existence, ne reste plus qu’une lumière cristalline, la musique semble vouloir disparaître, elle s’éloigne tout en restant présente soutenue par les ogives des chœurs, le dernier cri qui résonne dans le monde des vivants, à moins que ce ne soit qu’un écho perçu dans le monde des morts, procession chantée, enchantée, la lumière du jour est remplacée par celle de la nuit, plus froide, plus claire, elle n’illumine pas mais elle brille dans une étrange fixité immobile, me voici dans une autre nuit transparente, reflet inversé de la noirceur terrestre, l’âme s’est réfugiée dans son propre rêve, car la mort rêve à son retour, un jour le rêve remontera, il surgira  à la surface d’une autre lumière, la mort me vomira et je reviens. Still I Rise : étrange victoire, je suis mort, je suis au fond du fond mais je m’élève, j’obéis au mouvement des marées, à la marche incoercible des cycles de l’univers qui règle les étoiles, je laisse derrière moi tout ce que j’ai été, toute ma personnalité, tous mes actes, tout moi, mais je suis une pierre arrachée à son destin qui ne tombe plus mais qui monte, je traverse les abîmes, des mondes inconnus, des grèves grises ensauvagées, rien ne me retient, la batterie s’emballe, les guitares galopent, je monte sans fin, serais-je un soleil de la nuit noire et absolue, ma voix s’évase, tant de grandeur dans mon chemin d’altitude infinie, roulement effroyable des tonnerres en gestation. Un chant clair et pur résonne, est-ce un rayon de soleil ou une plainte déchirante. Dis Manibvs : peut-être suis-je en train de tourner en moi-même, de revenir aux derniers instants de mon trépas qui sont aussi tes derniers instants car si je meurs à moi-même toi aussi tu t’éloignes de moi, tu te détaches de moi, mystère insondable, qui meurt au juste celui qui s’en va ou celui qui reste, dans quel sens le bateau part-il, dans quelle nuit entre-t-il, comme une sirène de navire qui s’arrache à la terre, l’instant décisif, retrouvailles avec sa propre solitude, la musique monte et éclate comme une angoisse indicible. Rien de ce qui a eu lieu, ne s’effacera jamais. Pantheon Spells : silence des orgues, souffle indistinct des Dieux, à quel moment suis-je, après ou avant leurs éloignements, ils sont là tout près, se sont posés immuables dans ma méditation, que veulent-ils, que disent-ils, leurs voix a la douceur des colombes d’Aphrodite. Vae Victis : malheur aux vaincus, les Dieux m’avertissent, la ville est en flammes, la cité saigne, déjà l’on emmène les longues files des esclaves, ceux qui sont morts durant les combats n’ont-ils pas échappé à la honte, à la déportation, à l’esclavage, au sort commun des hommes, mais les vainqueurs rient et boivent, violent et tuent, la musique court comme la violence, la batterie affute le raffut, elle pousse au cri et au crime, le vocal grondant hurle et chuchotte à pleins poumons, sont les plus heureux ceux qui ont eu accès à  la connaissance suprême, au savoir divin des morts et des Dieux. Volcano : il existe une vidéo fabriquée par un fan du groupe qui a illustré le morceau avec des images prises au péplum  'Pompeï réalisé par Paul W. S. Anderson. Les images raviront les fans des films à grand spectacle, elles ont l’intérêt de démontrer que la musique du groupe est à la hauteur des scènes dantesques proposées… les malheurs du titre précédent peuvent être imputés aux hommes, race prédatrice par excellence, la responsabilité de la destruction  de Pompéi peut être rejetée sur les Dieux Immortels… après la scène de recueillement dans le Panthéon, les deux titres qui le suivent donnent à réfléchir sur la mansuétude des Olympiens… grondements vésuviens en ouverture, de la batterie surgissent les pierres propulsées sur la cité et ses habitants. Le texte est assez ambigu, la ville est-elle détruite à cause de l’insolence de ses citoyens, ont-ils voulu rivaliser avec l’éclat des Dieux en bâtissant une ville d’une beauté sans pareille dans laquelle la luxure et la débauche seraient reines… ambiance mélodramatique, chœurs et background imprégné d’une tristesse un peu surfaite. Le sujet mythique de la catastrophe a parasité le groupe, l’on voit les paysages mais la mort semble passer au second plan.  Somnia :

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    instrumental. Le sommeil de la mort. Le repos éternel. La dormition inéluctable. Le titre assez court demande plusieurs écoutes pour être apprécié à sa juste valeur. Le cliquettement répétitif d’une note claire monopolise l’attention, mais la mort n’est-elle pas monotone et ennuyeuse, il empêche de goûter au travail d’orfèvre auquel se livrent les musiciens, derrière la flèche de l’if élancé se cache les rêves mouvants des morts dans leurs tombes. Pure Nocturnal Rome : une promenade nocturne dans Rome, dans la Rome d’aujourd’hui, ne vous étonnez pas du tumulte de l’orchestration et de la voix qui rugit comme un lion enfermé dans les cages du Colisée, ce n’est pas que le promeneur arpente les avenues encombrées de voitures c’est qu’il marche dans le passé de Rome, qu’il médite sur son histoire, qu’il déambule dans ses rêves, il refuse d’être dupe de ses propres mythifications, Rome vénale et luxurieuse portait en elle ses propres tares, et sa décadence, n’oublions pas que le groupe se nomme Imperium Dekadenz, l’Empire et la Décadence étroitement emmêlés, la putain et la beauté, pour qui sait les voir les Nymphes dans les bosquets sacrés dansent toujours en l’honneur des Dieux, et le sang versé par les légions pour établir la suprématie de l’Imperium ruisselle toujours sur son âme comme une énergie principielle et nécessaire. Son esprit s’abreuve à cette source mystique inépuisable. Seikilos : le texte de ce morceau provient d’une épitaphe (deuxième siècle après Jean-Claude) découverte en Anatolie inscrite sur une colonne placée sur la tombe de l’épouse (ou du père) d’un certain Seikilos. Elle est célèbre car les vers sont surmontés de notes de musique qui permettent de jouer et de chanter la mélodie. Elle est précédée des mots suivants non pris en compte par le groupe  mais qui personnellement  m’émeuvent davantage que le poème :  ‘’La pierre que je suis est une image. / Seikilos me pose ici, / d'un souvenir immortel signe durable. ». L’adage proverbial : ‘’La mort est certaine, la vie ne l'est pas’’ la remplace. Vous trouverez sur le net de multiples interprétations du poème de Seikylos. Imperium Dekadenz propose la sienne, version black metal qui n’a pas à rougir de sa création, si  au début elle se cale sur la pureté agreste des reconstitutions les plus’’ fidèles’’ le grondement en sourdine qui l’accompagne  laisse deviner que le groupe ne renonce pas à son électricité emphatique, les chœurs qui suivent malgré leur volume ne déparent en rien la mélodie de Seikilos, quant aux murmures d’outre-tombe qui suivent et l’ampleur sonore crépusculaire qui s’amoindrit pour finir par muer en un ultime grésillement de mèche de bougie qui vient de s’éteindre. 

             Nous ne savons rien de Seikilos, mais il semble que c’est sa voix qui traverse les siècles pour porter témoignage par ce thrène mortuaire l’ultime hommage des ombres à la grandeur d’un passé auprès duquel notre présence en ce monde ressemble à des haillons dérisoires dépourvus de pourpre.  

             Un album de toute beauté dont la thématique ne plaira pas à tous. La mort effraie tout le monde, la notion d’Imperium tous les autres.

             Je ne pouvais pas quitter  Imperium Dekadentz si rapidement, j’ai choisi un deuxième album qui me semble encore davantage réussi que le précédent. Mais encore plus noir…

    … DIE WELT WARD KALT UND LEER

    (… ET LE MONDE DEVINT FROID ET VIDE)

    IMPERIUM DECADENZ

    (Season of Mist / Février 2006)

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    Einklang : étrange, einklang signifierait harmonie, mais les sons de cet instrumental doivent être une transcription phonique du cri discordant du cygne, je suis gentil en présentant ainsi ce vacarme issu d’un chantier de démolition, ou d’un atelier sidérurgique, pure noise, on aimerait bien comprendre les quelques mots marmonnés vers la fin du morceau, mais nos maigres connaissances de la langue de Goethe ne nous permettent pas de les déchiffrer. Nous n’avons pas évoqué la pochette, saisissons l’occasion pour reconnaître que le paysage informe qui nous est offert est particulièrement décrit par ce concert bruitique. Glanz der Klinge : après le kling-klang-klong de l’ouverture nous voici confronté au glangk – il existe une science rejetée par la phonétique moderne qui dote chaque lettre d’une signification phonique précise, Mallarmé l’a quelque peu exposée et utilisée dans Les Mots Anglais, et René Ghil (injustement oublié), l’a expérimentée dans une entreprise poétique totale que l’on peut qualifier de wagnérienne unissant le sens, la couleur et le son des mots – mais revenons à la clinquance éclatante de ce morceau dans lequel s’entrechoquent les épées, la victoire, le triomphe et la mort. Les paroles pourraient être interprétées comme un duel entre deux individus, mais c’est avant tout un combat singulier contre la mort, que l’on perdra un jour, et le combat de l’Empire contre sa propre Décadence, la leçon est simple la mort vaut mieux que la décadence, tant que l’on est vainqueur l’on contient  l’ennemi au loin. La mort possède sa beauté, l’on ne saurait résister à son baiser sanglant froid et incapacitant. Halls of lust : hurlements d’agonie, une chape de plomb musicale vous emprisonne, quelle différence, le temps a passé, les mœurs ont changé, l’âme des morts ploie sous les chaînes du péché, nous sommes à la fin de l’Empire, aux temps de la décadence, désormais les héros sont condamnés à croupir et à souffrir sans fin aux plus profonds des cercles de l’Enfer, le morceau s’écroule sur lui-même, éboulis de souffrance et de torture, l’on ne vit plus mais l’on ne meurt plus, désormais la mort n’offre plus de refuge, elle n’est que la continuation d’un monde déserté sans joie, les guitares galopent à l’infini, sans espoir. Of All Ends : bourdonnement d’une mouche géante, celle qui se pose sur les âmes des cadavres, hurlements, si ce n’est pas l’Enfer c’est sa promesse, ses châtiments, sa condamnation éternelle, les hurlements de terreur des damnés ne montent-ils pas jusqu’à vos oreilles, un seul conseil, qui ne vous délivrera pas du mal, oubliez vos dieux, tout s’effondre la musique tourne au supplice noisique, plus d’espoir n’est permis, une fois vos Dieux abandonnés vous pourrez vous vanter d’être morts… Ce qui est très fort dans l’écriture de ce morceau et du  précédent, c’est que le dieu chrétien n’est jamais nommé, il ne sert à rien de dénoncer ses ennemis, ce qui nous a perdu ce ne sont pas leurs attaques, c’est notre faiblesse, notre propre décadence intérieure, l’amoindrissement de notre volonté, notre mollesse… For Those Who Sleep Eternally : instrumental, pourquoi serait-il long, quelques notes tristes et fragilles comme un vent glacé qui souffle sur nos tombes. Fields Of Silence : seul en soi-même, dans les champs du silence, infini et peut-être éternel si je ne rassemble pas mes forces, si je n’habite plus mon rêve, si je le laisse échapper, si je ne parviens pas l’éjecter de lui-même comme une bulle qui doit percer la terre qui me recouvre, splendide épode, chant du recouvrement du rêve de l’Imperium, mort et triomphe d’une idée formée avec la lymphe désagrégée de mon esprit, de ma chair, de mon cerveau. L’infini espoir du retour. Meine Reise Durch die Zeit : instrumental, la traversée du temps, sein und zeit, là où se trouve le temps se trouve l’être heideggerien qui ne meurt pas, mais qui reprend le chemin du retour. Schwarze wâlder : une bise glaciale souffle, me revoici, est-ce moi ou un autre, cela n’a que peu d’importance, la même bulle de rêve squatte nos cerveaux, la forêt noire m’accueille, j’ai quitté l’Imperium, le rivage et la pensée ensoleillée de la Grèce, désormais je suis chez moi dans cette terre septentrionale, en l’Allemagne désormais originelle, si près du rêve d’Hölderlin, un chant s’élève, atteindrat-il dépassera-t-il, subsumera-t-il ces hautes futaies… Gefrone Wunden : c’était un chant qui se voulait de renaissance et triomphal, hélas le rêve porte encore mes propres meurtrissures, les blessures gelées ne cicatriseront jamais, autour de moi le monde est semblable à celui que j'ai quitté, ce n’est pas la différence des paysages qui me terrifie, si je crie c’est que j’aperçois que la lèpre qui obscurcit l’esprit des hommes est entâchée de la même décadence, que l’Imperium est définitivement perdu, qu’en le perdant j’ai aussi perdu l’espoir du retour, que ma tentative a échoué. L’on ne s’éveille jamais d’un rêve avorté. ...und die Welt ward kalt und leer : aboiement d’un chien abandonné perdu dans la forêt des ombres, engendrera-t-il un jour des loups qui refonderont Rome, pour l’heure c’est le chant crépusculaire d’un monde effroyablement voué à se perpétuer dans sa désuétude, s’il y a retour c’est le retour du même, alors que l’on espérait le retour de l’Autre celui qui brille au loin de mille éclats, mais nous voici condamnés au long temps de la décadence, à faire semblant de vivre dans un monde froid et gelé. Hostile à l’Homme…

             Imperium Decadenz davantage imperiumal que décadent !

    Damie Chad.

     

    *

             L’on sait toujours ce que l’on cherche, l’on ne sait jamais ce que l’on trouve. Rappelons-nous notre soirée du 27 mars dernier kroniquée dans notre livraison 683 avec The Coopers groupe rockabilly débordant d’une énergie folle. La Gretsch  de Lucky Will avait mis le feu… sur lequel avait amplement soufflé les trois autres pompiers pyromanes de nos Tonneliers. Lucky Will est comme notre vieille lune, il possède deux faces, et même davantage, mais l’avantage chez lui c’est qu’il n’en cache aucune. Rockabilly man certes mais avant tout guitar man, pas de frontière infranchissable pour lui, pas le genre monomaniaque à s’enfermer dans un étroit territoire… Mon idée première était de m’intéresser au Lucky Will ultra-électric   par exemple   il s’amuse  avec If You Want Blood d’AC / DC… Oui mais le démon de la perversité m’a retenu sur une vidéo insistante sur son FB…

    AWAY

    MIDNIGHT ROSES

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             Quelle couve ! Plus glamour vous ne trouverez pas. Je connaissais La Tulipe Noire d’Alexandre Dumas, mais le roman ne tient pas la comparaison avec cette rose noire arquée dans son fourreau de désir noir… à ma grande honte, obnubilé par cette splendide créature phantasmatique  m’a fallu deux longues minutes pour m’apercevoir qu’elle n’était pas seule, hombre dans l’ombre, apparaît l’énigmatique silhouette de Lucky Will, déguisée en truand des années trente… certes nous sommes loin d’une ambiance typiquement rock’n’roll mais qui résisterait à ne pas humer d’un plus près les arômes subtils des fortes fragrances de cette tubéreuse et stuprureuse image  atteignant au statut iconique…

             Cette splendide création photographique est d’Anna Azarov, je me permets de reproduire une courte citation de son site (à visiter) : directrice de la création. Son objectif est toujours de capturer l'essence des artistes (…)    avec lesquels elle travaille, et de donner à leurs histoires une voix visuelle. Démarche sysnesthésique par excellence qui nous agrée…

    Remi Hiblot : producer & mix engineer , drums / Nicolle Rochelle : vocals / Lucky Will : lead guitar / Patrick Hiblot : bass.

    Away : attention attachez vos ceintures, quelques notes de guitares sèche sur lesquelles, fragiles une voix funambule se déplace avec facilité, quelques sauts de fil tendus parfaitement maîtrisés et nous débouchons dans le delta du fleuve en lequel le ruisseau du début s’est transformé à notre insu, jusqu’à lors nous ne sommes pas surpris, tout se passe selon les règles de la chanson grande dame – une chanson d’amour, une rupture, sans cri, sans scandale, sans coup de feu, un cœur brisé mais la volonté de survivre – touchée mais pas coulée, l’on est entre gens de bonne compagnie, oui mais quelle plasticité dans cette voix, une véritable leçon de chant, douée, très douée, elle vous mène là où elle veut par le bout de l’oreille, quand la vidéo est terminée, vous la remettez pour voir comment elle se débrouille pour les changements de tempo, une diction de rêve, une sereine facilité, une frégate toutes voiles dehors qui se joue des récifs, vous concluez par une évidence : cette fille est capable de chanter n’importe quoi et d’assurer en tout.

             C’est bien de donner son opinion c’est mieux d’apporter les preuves. Suffit de suivre son instinct, bon sur Away elle se l’est jouée Judy Garland, alors au hasard l’on tape évidemment la version de Gene Vincent,  celle que Garland préférait à sa propre interprétation, Over the Rainbow. Coup double, une vidéo au Paris Boogie Speakeasy, les Harlem Drive (piano, contrebasse, clarinette,) Nicolle Rochelle au chant. L’est plus jeune, ça date de 2012, elle s’amuse, chapeau grenat sur la tête, une voix pointue à trouer les tickets de métro, elle se balance, elle se dandine, elle minaude, elle joue à la petite fille, dans sa robe blanche, elle sourit, elle rit, elle vous fait le coup de la candeur innocente qui en connaît beaucoup plus de vous. Fausse sagesse proustienne pour gens huppés qui n’ont jamais lu A l’Ombre des Jeunes filles en Fleur. Deuxième déduction : elle sait roucouler comme un rouge-gorge mais attention  c’est une actrice.     

             Nicolle Rochelle n’est pas une inconnue. Elle est née dans le New Jersey, Paris est un peu son port d’attache, elle a joué dans de nombreuses séries pour la télé américaine, un détail qui va rendre fou les amateurs des Beatles, à huit ans elle a tourné avec  Ringo Star-  je sais ce n’est pas le meilleur des quatre mais vous ferez difficilement mieux – elle danse et elle chante. Beaucoup de jazz.  Elle a joué les rôles de Joséphine Baker, de Billie Holiday… l’on ne compte plus les formations de jazz qui l’ont accueillie. pour ceux qui préfèrent le blues et le rhythm ‘n’ blues, pas de problème elle adore les versions musclées. Faut l’entendre reprendre avec Lucky Will à la guitare, I’ d Rather  Be Blind d’Etta James cette générosité avec laquelle vous remplissez les verres des copains à l’apéro…

    C’est vrai que ce n’est pas du rock, c’est vrai que c’est un peu la vie en rose, mais quel talent, quelle artiste !

    Damie Chad.

     

    *

             Je me suis encore fait piéger. Par mes propres contradictions. Voici peu je m’insurgeais contre les one man bands. Et pouf je n’ai pas pu résister à la beauté fascinante de ses yeux. Ce n’est pas une jeune fille qui m’enverrait une œillade tropicale. Juste un serpent. En plus sur le dessin il ne nous montre qu’un seul œil. Un peu jaunâtre. C’est surtout la position du reptile qui m’a interrogé. 

    EL MOVIMIENTO PERPETUO

    GALVÄO

    (Avril 2025)

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             Puisque nous sommes au Portugal il existe quelque chance pour que l’artwork signé, par Suzi Silva soit une chanteuse de fado qui porte ce nom, soit une graphiste qui possède une palette de styles très différents, mais aucune des deux ne revendique expressément cette couve. Si le mouvement peut être exprimé sous la forme d’un pendule, le fameux symbole du serpent qui se mord la queue exprime toutefois la même idée. Suzi Silva n’a pas dessiné le fameux glouton à l’appétit éternel sous sa forme habituelle, il est manifeste que notre ophidien fatigué de mimer un tuyau d’arrosage est en partance et en promenade, pour un voyage perpétuel…

             Pedro Pires qui reste le maître d’œuvre de du projet Galväo, entre 2021 et 2024 il a déjà sorti un EP et deux singles, nous laisse entrevoir son projet : un morceau qui ne comporte pas de structure répétitive et  qui se déplace par ce que l’on pourrait définir comme des dérivations musicales incessantes. Serait-on proche du free-jazz, Pedro ne le dit pas, il pense plutôt à notre existence qu’il faudrait considérer comme une avancée en ligne droite soumise à de nombreux zig-zags existentiels, dépendant et de nos désirs et de multiples rencontres  evènementielles qui sans arrêt modifient notre cheminement.

    Pedro Pires : guitarre, basse, mix et master / Filip Gäddnäs : batterie.

    El Movimiento Perpetuo : est-ce que le serpent vient vers nous, ou est-ce nous qui nous nous en rapprochons, des tapotements pratiquement imperceptibles au début, nous pouvons nous demander pourquoi nous ne les entendons pas depuis toujours, puis la basse, puis toute la quincaillerie guitarique qui se superpose aux tapotements, cisailleries de cymbales, nous sommes dans la continuité mais ce n’est plus pareil, tintements de clochettes, que sonnent-elles, que peuvent-elles indiquer, que la plasticité auditive se transforme mais que le rythme même s’il semble s’accélérer par l’effet de couleur des timbres induit un changement irréversible, assomptions lyrique des cordages, l’on sent que c’est parti pour ne plus revenir, la basse prend le relai et accélère comme un train dans un tunnel, maintenant avec ces tubulures de zinc nous osons parler de galvanisation, une impression de vitesse d’une fusée qui fonce dans l’espace, cliquettements infinis des cymbales, rupture, reprise, le mouvement perpétuel ne   saurait s’arrêter, faisons lui confiance, essayons de trouver dans ces changements de voie, dus à une manipulation d’aiguillage, ne serions-nous pas prisonnier d’une expérience à la John Cage, ce  n’est pas la répétition d’une même note qui crée en nous le mouvement par un séquençage auditif qui nous prouve que si la nature a horreur du vide notre cerveau agit de même, dans ce cas présent ce zigzagage incessant mouvemental s’inscrit en nous comme image de l’immobilité du silence entrevu en une  stase perpétuelle, un énorme boa dont les anneaux musculeux retiendrait par son étreinte monstrueuse l’étendue du monde en l’empêchant de s’enfuir éternellement en avant, ouf ralentissement, les boogies d’un train qui reprennent souffle et force, rien ne bouge et rien n’est pareil, sirène de cargo s’éloignant au loin sur la courbure de la terre qui devient de plus en plus présente alors qu’il est devenu invisible, mais le voici qui file dans un potin d’enfer comme un hors-bord vers la ligne d’horizon qui recule en une certaine stabilité qui lui permet de prendre de la vitesse, serions-nous dans un miroir sonore qui nous réfléchirait notre écoute, mais ce qui est encore notre chair, notre bras droit, devient dans notre reflet notre bras gauche, maintenant l’on file à toute vitesse, serions-nous prisonnier d’une espèce d’envers du Bolero de Ravel, tempo non temporisateur inexorablement invariable et crescendo circulatoire infini qui nous projettent dans l’infini d’une spirale, une espèce d’aleph zéro qui engloberait à lui-seul toutes les variations cercliques superpositoires, car les cercles de l’Enfer ne forment que l’Enfer quand on y pense, la pensée nous tourne la tête et nous détourne de notre appréhension acoustique, nous fuyons, nous nous nous fuyons nous-mêmes pour ne plus nous arrêter, car nous comprenons que nous arrêter équivaudrait à notre mort. D’ailleurs si le morceau s’arrête alors qu’il devrait se perpétuer sans fin, n’est-ce pas pour nous empêcher de mourir…

             Etrange expérience, doit-on considérer Galväo comme un bienfaiteur de l’Humanité.

             Il est vrai que nous avons entendu Pires.

    Damie Chad.

     

    *

             En toute occasion il est important de terminer en beauté. Donc ce sera Patrick Geffroy, un solitaire digne des cimes d’Engadine. Nous l’avons déjà rencontré dans Kr’tnt ! avec sa trompette, avec ses tableaux, ses textes, jouant dehors en pleine nature, ou chez lui. Cette fois encore dans son antre, mais ailleurs aussi, dans un ailleurs culminatif du jazz, du free, du noise… Une œuvre majeure.

    LA PEAU DE L’APOCALYPSE

    PATRICK GEFFROY YORFFEG

    ( YT / Chaine : TheXynos7 / Avril 2025 )

    (Flûtes , flugelhorn, piano, trompettes, synthé)

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             L’image est floue, un peu décalée de la réalité, grise, colorée, sous-exposée, soumise à des tressaillements souterrains,  Yorffeg-Orphée image de lui-même se déplaçant, glissant d’elle-même en elle-même, imaginons ces vieux films de Chaplin qui seraient passés en vitesse ultra-lente pour qu’elle puisse se superposer à elle-même tout en ne coïncidant pas exactement avec ses propres contours, mais comme cherchant à se retrouver, imaginez un cercle qui ne recouvrerait pas son centre, le monde vacille, il ne tombe pas, il ne s’écroule pas, il agonise debout, refusant de se coucher selon les injonctions sonores, une marionnette qui aurait coupé ses fils et qui tituberait dans une extrême solitude. Au moment où j’écris cela pépie le chant d’oiseau d’une flûte – l’on pense à Milosz dans le jardin de Fontainebleau – qui

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    résonnerait dans le vide d’une aurore qui n’existe pas – il se fait tard dans le jour du monde disait l’oiseleur – et la partition sonore s’en va à vau-l’eau dans son propre grabuge, un cygne submergé qui hausse le col pour jeter un regard aigu sur la dégénérescence du monde. Cruelle pantomime, entre cuisine et salle de travail, dernière scène d’Orphée arpentant les couloirs immarcescibles de sa propre déperdition à la recherche de la peau de Calypso, la déesse éteint la lumière, la pâleur se mue en l’œuvre au noir de son propre cheminement, ne subsiste plus que processionnaires des rondos de piano aux notes fêlées qui s’égouttent de leur propre rouille clopinante dans un silence que l’on entend davantage car l’on est encore dans les paumes de la musique qui n’existe plus. Est-ce pour cela que l’on revient au début

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    sa cacophonie synthétique à intégrer en soi-même en tant que kaophanie révélatrice que quelque chose est en train d’avoir lieu dans le manquement de sa déchirure-même, puis ces glissements de trompettes jazz, dernier adieu à ces silhouettes de phares immobiles qui s’éloignent tandis que la mer sonore de l’innommable  sophomorité nous entraîne, nous n’avons plus de mots pour crier mais il reste la fragmentation éclose de notes cassées qui meuglent et lamantinent sur le rivage inatteignable des rêves inaccessibles naufragés, quelque part argonautes sur une mer aux vagues siziphiques qui ne roulent aucun rocher, revoici l’Yorfegg-Orphique en tache rouge sanglante qui se meut dans le vide de sa propre pourpre pour réapparaître au détour inopiné du labyrinthe qui palpite dans l’absence de ses battements rythmiques. Assomption de notes funèbres pour sonner en douceur endurcie la fin de ce qui ne se termine jamais car résidant en l’infini de sa propre finitude…

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             Une pièce magistrale, une œuvre totale, trafic d’organe vocal réduit au seul  souffle de son émission instrumentale, turgescente activité sexuelle, bande-son éjaculatoire d’images onanistes fantomatiques. Appeau pour une apocalypse.

             Passée, future, déjà advenue en elle-même.

    Damie Chad.

     

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 685 : KR'TNT ! 685 : MONSTERS / FOAM ARTIFACT / MC5 / COURETTES / KIM WESTON / ROCKABILLY GENERATION NEWS / KRIMARKISIA / ERIC CALASSOU / POGO CAR CRASH CONTROL

    KR’TNT ! 

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 685

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    10 / 04 / 2025

     

    MONSTERS / FOAM ARTIFACT

    MC5 / COURETTES / KIM WESTON

    ROCKABILLY GENERATION NEWS

    KRIMARKISTA  / ERIC CALASSOU

    POGO CAR CRASH CONTROL

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 685

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

     - Monsters class

    (Part Three)

     

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             Ils nous font le coup à chaque fois : ils arrivent comme des membres d’une fanfare municipale, en vestes de gala rouges et pantalons noirs, et ils se congratulent par avance en se serrant la main avec de francs sourires. La seule différence avec les autres fois, c’est qu’il en manque un. Les Monsters ne sont plus que trois. La scène du Supersonic est tellement riquiqui qu’il n’y a de place que pour une seule batterie, alors que le power des Monsters repose sur la double batterie. Mais ta déception ne va pas durer longtemps.

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            Beat-Man commence par démonter les grilles de sa colonne d’ampli pour avoir le son plus direct des haut-parleurs. Il branche sa gratte, crack, et c’est aussitôt l’hallali ! Bim bam boom ! Tout ce que tu veux ! Beat-Man, c’est Zeus, il bouffe le rock tout cru, il tonne du blast à la tonne, il te tombe sur le râble avant que t’aies eu le temps de dire ouf, tu prends «Searching» en pleine poire, t’es au début et à la fin du rock, t’es au cœur du problème, t’es dans l’absolue réalité du blast, dans l’absolue nécessité de l’instant, Beat-Man te cloue à la porte de l’église, il te trashe les globules,

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    il te gave comme une oie, en seulement deux minutes, il te donne tout ce que tu peux attendre d’un concert de rock : la folie, le power, la véracité, la violence, la pureté, la magie, tu peux rameuter des milliers des mots pour tenter de situer la grandeur de Beat-Man, il t’échappera encore, car il est extraordinairement puissant. Il est l’incarnation de Zeus, c’est sûr, mais aussi celle du diable, un diable rigolard qui grésille d’intensité, qui dégouline fièvres malignes, qui se fond dans le rouge des spots, qui défie les lois de la physique, qui broie les atomes de l’air, Beat-Man, c’est du rock nucléaire, il est le White Light White Heat des temps modernes, il fracasse

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    les correspondances, il éclate les déconfitures, il carbonise les carlingues, il éviscère la véracité, il tire sur la corde comme un dingue, il démonte la gueule des limites, oui, c’est un diable magnifique qui propose de temps en temps des «heavy metal songs» qu’il joue avec une abnégation trucidaire, il t’aplatit l’imaginaire et te laboure la cervelle avec des solos encore plus heavy et déviants que ceux de Leigh Stephens au temps de Blue Cheer, et tu vois son œil briller. Son trash-rock est un trash-rock qui ne pardonne pas, qui ne revient jamais sur ses pas, c’est un sommet du genre, il porte le blast à incandescence, Beat-Man bat Lemmy et tous les cracks du genre à la course. Beat-Man is the Last Punk Standing, comme dirait Wild Billy Childish, son dernier concurrent.   

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             Beat-Man est le seul à savoir chanter aussi bien la mort («Dead»), qu’il enchaîne avec cet épouvantable blaster qu’est «Smell My Tongue». Quand il fait distribuer des sous-bocks, c’est pour faire chanter la salle avec lui sur «Yellow Snow Drink» et tout le monde y va de bon cœur - I’m gonna kill/ Myself/ Tonight - Ça le fait bien rigoler - I took my gun/ And shoot me up space - Et ça repart pour de nouveaux sommets, alors tu vois cette silhouette hallucinante se détacher dans le feu des spots, il se jette tout entier dans le chaos, comme s’il voulait repousser les limites de l’apocalypse.

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    Beat-Man reprend à son compte toute la mythologie du blast - c’est-à-dire Stooges/Motörhead/Saints/Lazy Cowgirls/Turbonegro /Dan Melchior/JSBX/ Headcoats/Hot Snakes - mais à la puissance mille. Tu sens ça lorsque tu passes une heure à ses pieds. Tu sens cette énergie hors du commun.

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             On retrouve tous les temps forts du set sur You’re Class I’m Trash. Toute la folie scénique s’y trouve, t’as 9 blasters sur 13 cuts, c’est un sommet du genre, il enchaîne «Gimme Germs», «Smell My Tongue», «Carpool Lane», «Dead» et «Stranger To Me», Beat-Man n’en finit plus de partir en vrille de la mort qui tue, dans le Louder Than Death cher à Lemmy, ton cœur balance au rythme de Beat-Man, Deeeeaaaaaad ! Et tu l’entends partir en vrille extra-liquide de solace d’excelsior, il ramène dans l’actu la disto liquide de Blue Cheer. Tout cela est extravagant de classe trash. Il ne dépasse pas les bornes, il les explose. Beat-Man est un blaster fou. Et ça continue ventre à terre avec «Electrobike Asshole» et ce «Get Drunk On You» encore plus barré. Puis il s’en va faire le diable dans «Devil Baby», I want you child, c’est atrocement génial, bombardé de son, dommage que Saint-Jean ne soit plus là pour écouter ça, car c’est le gendre d’apocalypse qui lui plairait. Beat-Man bat encore tous les records de trash avec cette dégueulerie qu’est «My Down Is Your Up». C’est l’un des albums du siècle. Comme le disait si bien Paul Alessandrini autrefois, pèse le pour et le contre et cours chez ton disquaire.

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             En 2017, Beat-Man fit une fois de plus trembler la terre avec M. En effet, une bombe se planque en B : «Nothing You Coward», pure merveille de beat intensif, d’autant que Beat-Man part en killer solo flash intersidéral. Et juste avant ça, il réinvente le garage moderne avec «Happy People Make Me Sick». Beat-Man s’y défosse d’un glou-glou à l’Anglaise, il fait son Eddie Phillips, c’est une véritable merveille et un honneur pour le lapin blanc que d’écouter ça - Get out of my fucking way/ You make me sick - et ça continue ainsi ad vitam aeternam. Une merveille des temps modernes. Puis dans «Too Pretty To Be Loved» qui sonne un peu prog, Beat-Man passe un solo de commotion atrocement bon, complètement congestionné de la ciboulette. Toute la folie du garage est là. Pas la peine d’aller chercher ailleurs. Et ça monte encore d’un cran terrible avec un «You Will Die» pris au heavy beat et d’une intensité qui dépasse carrément l’entendement. Le pauvre entendement n’a jamais vu ça de sa vie. Beat-Man pousse des cris sauvages, c’est embarqué à la basse, alrite, avec toute la folie de disturbance dont est capable ce Monster. Alors que s’abat la colère de Dieu sur la terre, il se dresse dans le tonnerre de l’apocalypse. Mais quand on attaque l’album normalement, c’est-à-dire par «Baby You’re My Drug», on se dit que c’est bon de retrouver ce vieux compagnon de délire. Beat-Man crée bien son monde. Ce cut d’ouverture de bal nous submerge aussitôt, tel une marée de gélatine noire et glacée. Avec «I Can’t Stop», les deux batteurs enterrent le beat au plus profond des catacombes. Encore une belle leçon de garage avec «Not Enough». Beat-Man ne prêche pas dans le désert et il passe au heavy sludge de dégoulinage d’exaction dépréciative embusquée avec l’effarant «I Don’t Want You Anymore». Oh, il y pique même une authentique crise de tituberie bulbique. Il termine cette A pulmonaire avec «Bongo Fuzz», un bel instro fuzzé de frais et gavé de basse. Quant au beat, c’est un rêve.

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             Dommage, l’album du Reverend Beat-Man & The New Wave paru en 2018 est un peu raté. Blues Trash n’a de blues trash que le premier cut de l’A, «I Have Enough». Il dit qu’il en a marre de ses mensonges et de what you tweet. Il dit son ras-le-bol sur un beat des catacombes beaucoup trop prévisible. Beat-Man tourne en rond. Il reste dans le boogaloo craouette pour «I’m Not Gonna Tell You». Mais ça ne veut pas décoller, même si coule une belle morve de fuzz sur nos gueules énamourées. Puis, petit à petit, il nous emmène dans une sorte de Balajo. Il va même se mettre à sonner comme la Mano Negra, ce qui est très ingrat. Comme il n’a plus grand chose à raconter, il ahoote ses souvenirs de Wolf. En B, il devient littéralement calamiteux. Il se prend pour Nick Cave («If I Knew»), pour Nico («Then We All Gonna Die»), pour Joujouka («Looking Right Through») et pour Kurt Weill (le dernier titre en allemand).

    Signé : Cazengler, Munster

    Monsters. Supersonic Records. Paris XIIe. 25 mars 2025

    Monsters. M. Voodoo Rhythm 2017

    Reverend Beat-Man & The New Wave. Blues Trash. Voodoo Rhythm 2018

    Monsters. You’re Class I’m Trash. Voodoo Rhythm 2021

     

     

    L’avenir du rock

     - Arty Artifact

             L’avenir du rock adore participer aux jeux télévisés. Il choisit de préférence les plus cons, comme par exemple le Jeu des Mille Arti.

             — Avenir du rock, comment nomme-t-on dans les milieux autorisés les chœurs des New York Dolls ? Vous avez dix secondes...

             Tic tac tic tac...

             — Les chœurs d’artichauts !

             Le public rassemblé dans le studio applaudit.

             — Avenir du rock, comment surnomme-t-on chez les experts en la matière le ramdam de Motörhead ? Vous avez dix secondes...

             Tic tac tic tac...

             — L’artillerie lourde !

             Ovation !

             — Avenir du rock, voulez-vous tenter le banco ?

             — Banco !

             — Voici donc la question du banco : comment qualifie-t-on à l’Académie Française les windmills de Pete Townshend ?

             Tic tac tic tac...

             — On dit qu’il articule ses clavicules !

             Nouvelle ovation !

             — Avenir du rock, voulez-vous tenter le super-banco ?

             — Super-banco !

             — Voici donc la question du super-banco : attention vous êtes prêt ? Donnez-moi s’il vous plaît le nom du groupe dont tout le monde aimerait parler, et qui, en attendant, mousse comme un crabe dans les ténèbres de l’underground ?

             Tic tac tic tac...

             — The Foam Artifact !

     

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             Sidérant ! Alors attention, ce n’est pas l’avenir du rock qui est sidérant. C’est The Foam Artifact, un power trio psychédélique basé à Rouen.

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             Dans les haut-parleurs, une voix suave annonce la début du concert et invite les voyageurs à se présenter au point d’embarquement. Plutôt que de monter à bord d’un aeroplane, comme dirait Alex Chilton, tu descends à la cave. Plutôt que d’être accueilli par une hôtesse sexy, t’es cueilli au menton par une belle fricassée d’accords de clairette. Ça n’a l’air de rien, dit comme ça, mais tu sens aussitôt le petit truc qui fait la différence. Ça sent bon le bingo. Dès les premières mesures. Ils sont trois et s’appellent The Foam Artifact. Il n’existe rien de plus psychédélique que ce nom. Ça mousse déjà dans ta pauvre cervelle. Ces trois petits mecs jouent comme des diables échappés d’une boîte de Pandore qui aurait appartenu à Syd Barrett. Et ça mousse !

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    Ça n’en finit plus de mousser ! Ils ont récupéré toutes les dynamiques du Grand Œuvre barrettien, mais ils les recyclent à leur façon, avec une niaque de punch qui en dit long sur la taille de leurs racines. Tu apprendras un peu plus tard que ces démons d’Artifact sont trois frères, les frères Lebois. Au beurre t’as Arthur, qui bat sec et net et sans bavure. Celui qui gratte ses poux là-bas s’appelle Benjamin, il passe parfois des solos approximatifs, mais il reste délicieusement bon esprit. Et puis t’as Martin le bassmatiqueur de choc, la colonne infernale du trio, le grand ravageur des Vendées, l’avaleur de sabre/cracheur de feu, l’ahurissant voltigeur du roi,

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    l’implacable pétaudière-man, le bass-killer d’ultra-choc, le petit prince de l’overdrive, l’explorateur du full-blown circonstanciel, l’artisan du psych-drenched psychosis, mais un psych-drenched psychosis comme tu n’en vois plus beaucoup, et il relance en permanence, il vit sa psychosis de tout son corps, il marque les temps forts en grimaçant comme un guerrier barbare qui viendrait tout juste de planter sa hache dans le crâne d’un moine, il n’en finit plus de labourer l’overdrive, de viruler à coups de slabs de psych-rock energy, il tape dans un registre tellement haut de gamme qu’on est obligé de penser à Jack Bruce, il développe un easy-going volubile avec des combinaisons de gammes atomisées, t’as vraiment l’impression que le cosmos tourne autour de lui, il est le point central du maelström, il dégage à lui seul plus d’énergie de psych-out so far out que tous les groupes connus dans ta philosophie, Horatio.

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             Et plus les Foam avancent dans leur set, plus le niveau d’énergie monte. Ça monte comme la marée. Avec le temps et l’expérience, tu finis par te focaliser sur le point central des groupes. Ici, c’est Martin Lebois, un autre soir ce sera Rudolf De Borst dans les Datsuns, et le soir d’après, ce sera Michel Basly dans les Cowboys. Quand tu tombes sur des artistes de cette qualité, tu ne les perds plus de vue un seul instant. Une heure, ça passe très vite, alors, tu rentres dans les détails. Disons un détail par seconde. Et tu ressors de l’atanor avec 60 détails en or greffés à ta cervelle. Tu ne te nourris plus que de détails. Tu laisses les généralités aux autres.

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             Coup de pot, les Foam ont enregistré un album. Pas de label. Pas de titre. L’album s’appelle The Foam Artifact. Que de la musique. Informations minimales mais musique maximale. Et tu retrouves dès «Jinx» cette belle dynamique montée sur le dos du bassmatic et ils basculent aussi sec dans le so far-out, avec un thème bien syncopé. Les poux se barrent dans le passé et notre héros du jour, Martin Bass Balam claque un hard drive bien domestiqué. Par contre, ils tapent à la suite un «Gelatin» plus poppy popette, avec un son de gratte quasi Taxi Girl, aïe aïe aïe. Heureusement que Martin Bass Balam joue à rebrousse poil. Et ça repart de plus belle avec «Scream Of The Church» et cette basse qui dévore la laine sur le dos du cut, cette basse qui gronde et qui double dans les virages, cette basse qui danse avec les loops et qui circonvule en continu, cette basse qui sort du cut et qui revient aussitôt, cette basse qui hoquette en quinconce et qui percole au pont d’Arcole, cette basse qui ergote dans le gaz, ce mec joue carrément la carte du tentaculaire linéaire, il est incroyablement fertile, il est à lui seul une vraie force motrice. Au fil des cuts, ils deviennent de plus en plus anglais. Ils tapent un rock extrêmement sophistiqué mais ça tient la route car les dynamiques sont implacables. Tu vois rarement des encorbellements aussi développés. Quelle clameur ! En B, ils restent dans cette esthétique du rock psyché suspendu au plafond, ils jouent envers et contre tout. «The Vault» restera dans les annales pour son attaque de laboureur envenimé et pour son architecture échevelée, oh bien sûr, une architecture n’a jamais eu de cheveux, mais c’est une image qui permet d’illustrer l’audace. C’est important, l’audace.

    Signé : Cazengler, Foamage

    The Foam Artifact. Le Trois Pièces. Rouen (76). 31 mars 2025

    Concert Braincrushing.

    The Foam Artifact. The Foam Artifact. Not On Label 2022

     

     

    Wizards & True Stars

     - Kramer tune

    (Part Four)

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             À peine enterré, Wayne Kramer refait surface un peu partout, chez les libraires, chez les disquaires et dans les kiosques à journaux. Ça fait plaisir de voir un héros revenir d’entre les morts. Oh yeah ! Kick out the tombs, motherfucker !

             Ton kiosquier va t’attraper par le collet pour te coller le museau sur trois de ses canards : Uncut, qui publie un vaste extrait de MC5: An Oral Biography Of Rock’s Most Revolutionary Band,  puis Vive Le Rock qui publie une fantastique interview de Don Was, et puis Mojo qui chronique l’album posthume de Brother Wayne, Heavy Lifting.

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             Les plus palpitant des trois est bien sûr l’interview de Don Was. Hommage direct à Brother Wayne, illustré sur la double d’ouverture par un portait plein pot de Brother Wayne avec les yeux fermés, souriant, les deux mains croisées sous le menton, comme s’il était en paix. Un héros en paix. Fantastique image ! Duncan Seaman salue la parution d’Heavy Lifting, le nouvel album du MC5 et signale au passage que Don Was, un vieux poto de Brother Wayne, y joue de la basse. Eh oui, qui dit Detroit dit Don Was, un Don Was qui se souvient de 1965, quand il était ado : «I saw them open for the Dave Clark 5 at the basketball arena in Detroit when they were wearing suits, they were the Motor City 5.» Il les a vus tellement de fois au Grande and around Detroit qu’il ne se souvient plus du décompte. Comme John Sinclair, Don Was est fan de Coltrane, mais il voyait un «crossover with what MC5 were trying to bring to rock.» Don Was est vite fasciné par le MC5 qu’il voit jammer avec des members of Pharoah Sanders’ band. Et il te sort ça, sans ciller : «Ce dont je me souviens de ce soir-là, c’est que je n’avais encore jamais entendu un truc pareil, et aujourd’hui, c’est-à-dire 50 ans plus tard, je n’ai encore jamais revu un truc pareil.» Don Was estime que le MC5 sortait un son qu’on ne pouvait cataloguer et qui défiait toute forme de genre, de formule ou de mode - That was the noblest thing you could do as a musician - C’est Don Was qui parle et ce qu’il dit n’est pas de la gnognote. Il insiste aussi pour rappeler que Mitch Ryder fut le premier blanc à sonner comme un black Soul singer et que Jack Scott fut en son temps the epitome of rock’n’roll, «and that’s kind of the essence of Detroit music and MC5 is the same thing.» Don Was rappelle ensuite qu’il a joué de la basse sur la tournée MC50. Brother Wayne lui a filé une bande avec les pistes de Michael Davis et Don Was s’est ingénié à les jouer note pour note. Il a découvert que Michael Davis et Dennis Thompson groovaient, avec des R’n’B syncopations, et il explique que les Stooges, c’était encore pire - They were like a primitive version of James Brown’s band - Après la fin du MC5, Brother Wayne a tenté de maintenir l’«ethos of the MC5 alive, and I think he spent a lifetime trying to do that. He walked the walked till he died, unflinching.»

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    Don Was

             Puis Don entre plus dans le détail de ce qui nous intéresse : la nature humaine. Voici un tout petit extrait de son éloge de Brother Wayne  : «He was one of my better friends in life. His soul was true. He was an honest cat.» Il ajoute plus loin : «I loved playing with him because he was a soulful cat and he had a deeply rhythmic pocket.»        

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             Uncut propose un vaste extrait de l’Oral Biography, donc tu lis pas l’article, autant lire le book. Dans un encadré, Rob Tyner raconte comment Jimi Hendrix lui a sauvé la mise. Eh oui, Rob flippait à cause de son afro et quand il a vu arriver la pochette d’Are You Experienced, tout est rentré dans l’ordre : son afro est devenu extrêmement cool. Tout le monde le félicitait, alors Rob a pu devenir Rob - The MC5’s music was symbolic of my freedom - Et plus loin, t’as Bob Ezrin qui revient sur Heavy Lifting, «the first new album to bear the band’s name since 1971’s High Time.» Brother Wayne et Brad Brooks avaient commencé à composer des cuts, en réaction au «shocking murder of George Floyd». En 2021, ils avaient 15 cuts «about what was going on in the world». Et Brad de préciser : «‘Barbarians At The Gate’ was about the insurrection, ‘Heavy Lifting’ was about a desperate man forced into crime and ‘Change Not Change’ is about the homeless situation in Oakland.» Ils enregistrent les démos avec Brad Brooks au chant, Don Was on bass et Abe Laboriel Jr on drums - And Wayne was raging on guitar - En 2023, l’album est prêt, et Brother Wayne entend «the final mixes».

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             Andrew Perry ne file que 3 étoiles à l’Heavy Lifting. N’importe quoi ! Et ça continue de tremper dans le grand n’importe quoi quand Perry rappelle que Bob Ezrin est connu pour avoir produit le Wall de Pink Floyd, le Destroyer de Kiss et tous les mauvais albums d’Alice Cooper, des albums que le Perry ose qualifier de ‘70s classics. Ah tu parles de classics ! Alors qu’il est là pour évoquer le MC5 ! L’autre problème de l’Heavy Lifting, ce sont les invités : Tom Morello, et pire encore, Slash. Don Was joue quasiment sur tous les cuts et Dennis Machine Gun Thompson bat le beurre sur deux d’entre eux.

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             Ton disquaire vient justement de le recevoir, l’Heavy Lifting. Il ne t’en parle pas, il se contente de pencher le buste en arrière et de mimer Brother Wayne en train de passer l’un de ces ultra-killer solos flash dont il avait le secret. Tu vas en entendre des killer kill kill sur l’Heavy Lifting, dans «Black Boots», par exemple, ça joue au plein-comme-un-œuf, Brother Wayne charge sa barcasse comme il l’a fait toute sa vie. Il en passe un autre dans «Barbarians At The Gate», le cut n’est pas jojo, mais le killer kill kill l’est. C’est William Duvall qui chante «The Edge Of The Switchblade». Ça décolle et ils duettent comme des démons. Et voici enfin un cut digne du Five : «Twenty Five Miles». Brother Wayne sait conduire une charge. Il contrebalance l’interspace du cut, c’est de très haut niveau. 50 ans après l’âge d’or, il sait encore claquer un heavy Detroit rock, il a des cuivres et il arrose tout ça de napalm d’or, comme dirait Yves Adrien. Nous voilà de retour dans l’esprit de la vieille fournaise, walk on ! C’est d’une rare puissance. Brother Wayne ramène la Stonesy d’«I Hear You Knocking» dans «Boys Who Play With Matches» et quand il part en killer kill kill, il se joue dessus. Machine Gun Thompson bat le beurre sur «Blind Eye», et il bat comme si sa pauvre vieille vie en dépendait. Encore du brillant wild Detroit rock avec «Can’t Be Found» et Brother Wayne part en killer kill kill de régurgitation d’une violence inégalée, t’as les poux des démons qui se croisent dans la fournaise et tu retrouves le spirit du Five au max de ses possibilités. Arf, tes mots s’épuisent à suivre tout ce bordel. Cet album boudé par la presse anglaise se termine avec «Hit It Hard», un funky boot sur lequel le bassmatic de Don Was fait la pluie et le beau temps. Alors attention, il y a un deuxième disk : un live du MC50, enregistré à Hambourg et à Seattle en 2018, avec Marcus Durant qui fait son cirque sur «Ramblin’ Rose», puis ça passe au Kick - Right now it’s time to ? - «Kick Out The Jams» ! Le hit absolu, motherfucker. Le beat n’a jamais été aussi épais. S’ensuit un «Come Together» qui repart à l’aventure. Quel power ! Brother Wayne in on fire. Il n’existe rien d’aussi explosif en Amérique. Sur «Motor City Is Burning», Marcus Durant fait de son mieux. Il s’implique sérieusement. Ici, tout est chauffé à blanc. Oh la violence de l’attaque dans «Gotta Keep Movin’» ! Encore en plein Five et le Marcus est bon sur ce coup-là. Marc Arm prend le chant sur «Future/Now». C’est comme d’ajouter du feu au feu, fire on fire, Marc Arm + Five = Boom ! C’est d’une puissance extravagante. Ils tapent aussi un «Shakin’ Street» tiré du deuxième album. Ça ne rate pas le coche, puis «Sister Anne», orchestré par un démon nommé Brother Wayne. C’est une délectation que d’entendre Brother Wayne gratter ses vieux poux, ça fait du bien d’entendre ça une dernière fois, surtout quand il fait sa pirouette d’absolute virtuoso.

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             Ton libraire va sauter sur son comptoir, et sur l’air de «Ramblin’ Rose», il va te vanter les mérites de MC5: An Oral Biography Of Rock’s Most Revolutionary Band. Bon tu vas lui dire que tu connais l’histoire par cœur, mais comme c’est une Oral History, tu te dis que l’angle change et que ça va kicker les jams dans ta vieille cervelle de névropathe. Et c’est exactement ce qui se passe.

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             Deux personnages volent le show dans le book : Rob Tyner et John Sinclair. Tu vois mieux la raison pour laquelle le MC5 était un groupe révolutionnaire : Sinclair et Tyner sont deux esprits révolutionnaires. Au même titre que Brother Wayne. Au même titre que Fred Sonic Smith (qui n’apparaît pas dans les interviews). Au même titre que Dennis Thompson. Tous ces gens sont passionnants. On est presque obligé de les prendre un par un.

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             Dans l’intro, l’accent est mis sur Rob Tyner qui grâce à ses «eccentricities and contrarian spirit» a permis de transformer le «small-time cover band the Bounty Hunters en MC5, a world-class unit qui allait rivaliser avec des gens comme Janis Joplin, Jimi Hendrix et les Doors.» À tout ça, il faut ajouter l’influence de James Brown et l’«exploratory spirit des jazzmen d’avant-garde» comme John Coltrane et Sun Ra, «that provided the inspiration that made the MC5 truly unique». Brother Wayne sait aussi qu’il existe une grande différence entre la musique des noirs et celle des blancs : «The Black music had more drive. That’s how we wanted to play.» Et il ajoute : «Once we found this great rhythm section, we started working on this concept of drive - The music had to have this forward power.»  

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             Tyner raconte son premier contact avec le groupe : Brother Wayne guitare, Fred basse et Leo beurre. Comme Fred veut jouer de la gatte, Tyner prend la basse. Puis il est viré. Mais Fred insiste pour qu’il revienne dans le groupe, car il adore sa nuttiness - A guy with a lot of crazy ideas and shit - Alors Tyner revient, mais comme lead singer. Comme Rob a des idées, on lui demande  ensuite s’il a des idées de nom pour le groupe. Oui, il en a deux - One was the Men. I liked that because it was very macho. The other one was the MC5. Wayne didn’t like the Men at all, so MC5 it was. He asked, «What’s it stand for?» and I said, «The Motor City 5, I guess.» - On voit tout de suite le niveau de Rob Tyner. Comme il est fasciné par McCoy Tyner, le pianiste de John Coltrane, il se baptise Rob Tyner. Il indique aussi que Brother Wayne est devenu Kramer en hommage au pianiste de blues Floyd Kramer. Rob aime bien les Anglais, mais pas les plus connus, il dit sa préférence pour les plus obscurs, comme les Troggs, ou encore les Pretty Things. Il dit aux autres : «Look at these guys. They play weird music and have hit records. Let’s be more like that.» Rob reconnaît aussi le power de Motown qui entre en conflit avec la British Invasion, «which was all lily-white». Alors le MC5 choisit la manière forte pour s’imposer : ils s’habillent en noir et jouent très fort - And then when we hit those first couple of chords and it was so fucking loud, it really grabbed people’s attention - On appelle ça la naissance d’une nation. Celle du MC5. Ils jouent en première partie du Dave Clark 5 - The DC5 meets the MC5 - Pour Rob, c’est l’apothéose. Mais comme Rob est un peu gras, ça pose un problème d’image. Et puis, il est un peu vieux : 20 ans - The band was like, ‘You’re over the hill, you’re too old.’ I was old at twenty! - Il craint en plus de perdre ses cheveux, comme l’a fait son père très jeune. Michael Davis ajoute que Rob n’avait pas la stature d’une rock star - He wasn’t skinny. He wasn’t pretty. He just had all this shit going against him. But what he did have was drive - Eh oui, Rob veut chanter dans un groupe de rock et rien ne va l’en empêcher. Ils composent «Looking At You» ensemble, Rob parle d’une «spontaneous composition» et d’une ambiance qui lui a permis de «créer et de chanter les paroles on the spot like a jazz player.» Quand le groupe recrute Dennis Thompson, Rob est content, car il le sent capable de «real wildness» - I really liked Dennis, but he was weird - Il lui trouve une «college mentality», il le trouve aussi «very mathematical», mais c’est ce qui l’intéresse le plus, car Rob pense que les «mathematical concepts had potential in our ‘avant-rock’.» Il reste persuadé que de mettre un crazy drummer avec un agressive guitar player, «you can do something with that.» Rob fait aussi le portrait de Fred Sonic Smith : «He had this stoic thing: never show emotion and never show pain. He never liked school or working, but he did have a deep affinity for the guitar, and that was engouh. That’s enough for a person.» Magnifique portrait.

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             La copine de Brother Wayne qui s’appelle Chris Hovnanian brosse elle aussi un joli portrait du groupe : «Wayne looked goofy, Rob was overweight, and Fred was sort of ugly like a Rolling Stone. Michael was handsome.» Elle ajoute que tout le monde a peur de Fred qui ne dit jamais rien.  

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             C’est Rob qui a l’idée d’enregistrer des versions live de leurs covers : «We Gotta Get Out Of This Place», «Gloria» et compagnie. Mais «those little rats» de Shadows Of Knight leur ont brûlé la politesse, alors Rob propose un autre cut de Van the Man, «I Can Only Give You Everything».

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             Le groupe décolle et fait route avec l’activisme de John Sinclair. Rob rappelle qu’à l’époque le blé n’était pas très important, Ils étaient dans un trip de partage, «this heavy anti-materialism thing» qui bien sûr est passé de mode. Rob : «Travel light, live fast, die young, all that stuff, and don’t bother about this money jazz.» Autre notion fondamentale chez Rob : le drive. Il voit Big Brother et il trouve qu’ils n’ont pas de rhythm section - There was no drive - C’est la différence avec la Detroit music qui a un «drive underneath it». D’ailleurs, quand le MC5 vient jouer à San Francisco, Rob sent bien que les gens ne les apprécient pas - They were not gonna get the Detroit groove - Il aborde aussi la question du cul. Il est le seul à être marié dans le groupe, alors les groupies, ça ne l’intéresse pas - I was in it for the art - Alors que les autres sont dans le groupe pour le sex & drugs & rock’n’roll.

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             Rob revient aussi sur la Convention Démocrate de Chicago. Norman Mailer qui assiste au concert qualifie le MC5 d’«electro-mechanical climax of the age», ce qui fait bien marrer Rob car il fut électrocuté sur scène ce jour-là. Son point de vue sur le White Panther Party vaut tout l’Or du Rhin : au début, il les trouve poilants - I just thought they were hysterically funny - parce que le Party nomme des ministres, Steve The Hawk Harnadek est nommé Minister of Fucking in the Streets. C’est parce qu’il les trouve funny and not being too heavy qu’il adhère, «and I was all for it.»

             Et puis il y a Detroit. No Summer of Love in Detroit, Brother Wayne parle plutôt d’un Summer of Fear and Paranoia. Et puis les émeutes, et puis les cops. On frappe à la porte de John Sinclair, il ouvre et se retrouve avec un flingue «pointed right in my face.» What the fuck ?

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             Là- dedans se coule le tombeur de ces dames, Michael Davis, dont on a ausculté l’autobio (I Brought Down The MC5) ici même en 2019. Brother Wayne décrit le beau Michael ainsi : «He was a beatnick, he liked downtown, he was an artist, a hipster, he smoked reefer.» Chris Hovnanian rappelle qu’il avait de la gueule, he looked great. Et elle trouve ça dur que le MC5 l’ait embauché uniquement parce qu’il était incredibly handsome. Michael Davis était un peintre et c’est Brother Wayne qui l’a convaincu de jouer de la basse. Ce que confirme Davis : «Yes I was the ladies’ man.» Il en profite pour présenter les autres : «Fred was the quiet tough guy. The Charles Bronson of the band. Wayne was the show-off - the guy that was always in your face (...) Rob was our beacon of enlightment and Dennis was like a little caveman. He was Bamm-Bamm.» Davis voit le groupe comme «five individuals contributing to a whole kind of art piece. It wasn’t just the music - it was the look, it was the attitude, it was the words, it was the clothes, it was the performance, it was kind of eberything. So, I looked at the thing like a huge painting, like working on a living sculpture. The MC5 was never just a rock’n’roll band.» Davis dit plus loin que le MC5 ne respectait pas beaucoup de groupes, à part les Who. Mais globalement, pas d’Américains. Il est encore plus radical lorsqu’il affirme que le MC5 s’est à ses yeux arrêté le soir où ils ont enregistré Kick Out The Jams au Grande Ballroom. Il voyait le MC5 comme un groupe expérimental. Après le 31 octobre 1968, c’est fini, le groupe va devenir prévisible - We knew what we were supposed to sound like - Il ne supporte plus de jouer dans ce groupe, aussi éprouve-t-il un soulagement énorme lorsqu’il quitte le MC5 en févier 1972 - It had been a totally ecstatic experience in the early days, but it became an absolute nightmare.

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             Ce qui intrigue John Sinclair au début, c’est le «street-punk intellectualism» de Rob Tyner, alors il va voir le MC5 en concert, et bien qu’étant un fan de jazz, il apprécie énormément le groupe - I saw they were doing the same sort of things as Coltrane and the other free jazz artists. yeah, they were playing rock and roll, but with more creativity and improvisation - Et crack c’est parti, Sinclair adhère au party. Il rappelle qu’il a grandi avec les pionniers du rock, puis il est passé au jazz - By 1960, rock music was a dead issue to me - Il n’aime pas non plus Motown qui sonne trop bubblegum à ses oreilles. Il ne jure que par Archie Shepp et Cecil Taylor. Et crack, le MC5 ! Il voit Brother Wayne comme le «leader of the band, but Rob was the brain of the outfit» - When they did «Black To Comm», man, that fucking killed me. That was right up my alley - Puis Sinclair va devenir le manager du MC5 - I can take responsability for this - Sinclair se souvient comment le MC5 a écrabouillé Big Brother - We killed Big Brother & The Holding Company - Pour ça, ils disposaient de l’arme fatale, «Black To Comm», «that we used like an atomic bomb at the end of the set.» Sinclair dit aussi que dans le van, en allant au concert, ils écoutaient James Brown Live At The Apollo et le Live At Birdland de John Coltrane - The energy and the power of James Brown. He was the model - Sinclair évoque les Stooges à sa façon - The Stooges. Ce n’était pas un nom choisi au hasard. The concept of the stooge was he disdn’t care. Ils ont créé un wall of sound et Iggy dansait devant. C’était le concept, and it worked. When you’d see the fucking Stooges, it was incredible. Jaw-droppin. It was funny. Blood Sweat & Tears avaient entendu parler du MC5 et ne voulaient pas d’eux en première partie. Mais on leur a baisé la gueule en mettant les Stooges en première partie - En réalité, John Sinclair ne les supporte pas : «These Stooges assholes, they’re just lunatic fringe.» Les Stooges en ont autant à son service : ils trouvent le White Panther Party «humourous and sorta stupid.»

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             Sinclair rappelle aussi qu’avant le MC5, les Rationals et Bob Seger avaient déjà enregistré des disks - Great records, in my estimation - Quand il voit débarquer Danny Fields, il ne le perçoit pas comme un «money-grabbing record industry guy», il lui trouve de la classe «and certainly artistic integrity. Unusual indeed.»

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             Ce que raconte Danny Fields dans ce book est passionnant. Il dit venir d’une scène cool, «the Andy Warhol crowd, and I loved the Velvet Underground, and we were very cool. Sinclair was the opposite of cool. He was high-energy and an imposing figure. He was a magnificent specimen of power poetry.» Et plus loin il ajoute : «I just thought he was a great guy.» Il découvre ensuite le MC5 sur scène, «but their music didn’t change my life. Kramer must’ve suspectd that, because the Stooges did change my life.» Il trouve les Stooges plus modernes - The MC5 were full of energy and the songs were catchy. More traditional. The Stooges, on the other hand, were on the edge of the cliff of modern musical taste. To me that was art - Quand il appelle Jac Holzman pour lui vendre les deux groupes, il dit au téléphone : «I’ve just seen two bands that changed my life.» Jac demande pour combien on peut les avoir et Danny Fields fixe les prix :  20 000 $ pour le MC5 qui commence à être connu, et 5 000 pour les Stooges qui ne sont pas encore connus. Jac lui dit : «Do it.»

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             John Sinclair n’aime pas Jon Laudau, le mec qui va reprendre le MC5 en main pour Back In The USA et couper les liens avec le White Panther Party, et donc Sinclair - Landau couldn’t accept who they were. He wanted them to sound like Booker T. & The MGs, which was absurd - Landau avait produit Brouce Springsteen, et ils allaient bien ensemble ces deux-là «because Springsteen doesn’t sound anything like rock ‘n’roll.» Et crack ! C’est tellement vrai. Et Sinclair en remet une couche : «When he (Landau) finished with them, they didn’t sound like the MC5. They sounded  like the Monkees.» Et crack ! Comme Zola avant lui, Sinclair accuse : «Il a brisé la confiance qu’ils avaient en eux et d’une certaine façon, il a favorisé leur auto-destruction, parce qu’il a réussi à détruire leur identité. Il avait aussi réussi à les convaincre de couper les liens avec les White Panthers.» C’est vrai que Landau a complètement reformaté le groupe. On a eu du mal à l’époque à passer de Kick Out The Jams à Back In The USA. Ce n’est plus tout à fait le même groupe. Avec Back In The USA, on a perdu la sauvagerie du Live.

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             Rob voit Back In The USA comme un «bizarre New Wave album six years ahead of its time.» Cheveux plus courts, cuts plus courts - Everything was compact. Really clean and right to the point - Il parle aussi de discipline et surtout d’un «return to the basics», c’est-à-dire le groupe qu’ils étaient au début.

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             Sinclair en veut aussi beaucoup à Lester Bangs qui, dans une chronique de débutant pour Rolling Stone, avait massacré Kick Out The Jams. Des années plus tard, Bangs s’est excusé auprès de Sinclair, en lui disant que Kick Out The Jams était devenu son album favori, mais le mal était fait. Sinclair : «That fucking asshole! Couldn’t he see? He ruined their whole career! He killed this music that became his favorite. It was his fault that we hired Landau. Et c’est à cause de Laudau qu’ils se sont rabougris. They voluntary surrended their power.» Eh oui, il a raison Sinclair : le MC5 a rendu les armes.

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             Brother Wayne intervient toujours à bon escient dans cette Oral History. Voilà comment il règle le compte de Cream  : «On a eu une petite confrontation avec Cream. Ils sont arrivés et ont joué ces solos interminables. Ils improvisaient pendant des heures. À l’époque, j’écoutais John Coltrane improviser. Il peut improviser pendant vingt minutes et continuer de capter votre attention. Je suis désolé, mais Eric Clapton est incapable d’improviser pendant vingt minutes et continuer de capter votre attention. On s’ennuyait. Et ça me foutait en rogne parce que je voyais que le public appréciait. I thought, This is bullshit» Que fait-on dans ces cas-là : on lui serre la pogne. Merci Brother Wayne de dire les choses comme elles doivent être dites. Clapton ? Boring.

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             Brother Wayne se souvient aussi qu’avant d’embaucher Rob, il envisageait s’embaucher this kid Bob Seger - I know he could do the job - Il songeait aussi à Scott Morgan, «somebody that’s a good singer that looks good, and we’ll do the rest.» Et puis c’est Fred qui penche pour Rob. Brother Wayne se souvient aussi de sa première rencontre avec Mick Farren, qui supervisait le Phun City festival, dans le sud de l’Angleterre. Farren voulait le MC5 à l’affiche, alors ils sont venus. Brother Wayne va trouver Farren pour causer du cachet - I wanted to get paid before we played. He said, «Money? Uh... There is no money.» I said, «We’re four thousand miles from home and you tell me there insn’t any money?» He said, «No, no money. It’s a free festival.» - Ça ressemble à la rencontre de deux titans.

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             Ron Asheton fait pas mal d’apparitions dans le book. Il se souvient de son premier contact avec le MC5 au Grande Ballroom : à l’époque, il jouait de la basse dans les Chosen Few. Il ajoute plus loin que les Stooges ont pu exister grâce au MC5. Ils avaient en commun le même mépris pour les groupes célèbres. Et le même respect pour les Who - I’d seen the Who at the Cavern Club en 1965, and for me, the MC5 were the first musicians that carried that kind of attitude locally. They were cultivating a whole new situation - Ron qui a oublié d’être con, se dit surpris d’avoir, avec les Stooges, duré plus longtemps que le MC5, surtout avec «the limited talents that we had at those times. They really burned out fast.» Puis quand il les voit engager le bras de fer avec le business, il sait qu’ils sont foutus - They really were street guys, and that’s why they died the way they did. They were the real essence of Detroit - Ron admirait surtout Rob. Il le voyait comme le fils spirituel de John Sinclair - Kramer et Thompson s’engueulaient tout le temps. Ils se criaient dessus - Et ça qui résume tellement bien le contexte : «You get the combination of Fred Smith, Dennis Thompson and Wayne Kramer together, and it was like fucking mixing nitroglycerin. They were roughhousing guys, lots of punches... and arguments all the time.» Ron voit aussi que le MC5 se moque de Rob, mais il l’aime bien, car ils sont tous les deux pareils, des outcasts. Ron admire aussi le MC5 pour leur goût des excès, «alcohol or anything. Drugs. And fighting». Alors que dans les Stooges, «we never, ever came to blows. But those guys would just wreak havoc.» Ron les voit aussi s’adonner aux joies du «rocket reducer», «which is basically sniffing glue.» Il assiste ensuite à la transformation du groupe, entre le premier et le deuxième album - The MC5 really started to become a caricature of themselves - Il voit Dennis Thompson battre si vite que personne dans le groupe ne pouvait le suivre, «and then Michael Davis started getting high and that’s when it really started coming apart.» Il n’empêche qu’aux yeux de Ron, Dennis Thompson «is the greatest drummer in rock’n’roll.» Il voit aussi les ravages qu’occasionne Landau dans le groupe. Il les entraîne comme une équipe de foot, a sports team. Il les oblige à manger des steaks et de la salade - Then he took them in the studio and just sterilized them - Ron est le plus féroce avec Landau - All Landau did was take everything out of it. Not like I dislike the album (Back In The USA), but it’s not something that I put on either. I can tell you that the Stooges were all very disappointed  with that record.

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             On croit connaître l’histoire du MC5 par cœur. Mais non. Qui se souvient de ce que disait Norman Mailer du MC5 ? Mailer décrivait leur son comme «the sound of mountains crashing... an electric crescendo screaming as if at the electro-mechanical climax of the age.» C’est Mailer qui attire l’attention sur le MC5. Leni Sinclair qui est la femme de John rappelle aussi un truc capital : chaque fois que son mec John était arrêté par les flics, il devenait plus radical, ce qui terrorisait le groupe - The band were not political revolutionaries. Cultural revolutionaries, yes - Retour aussi sur l’incroyable connerie de Lester Bangs qui dans Rolling Stone, osa dire que les «bozos» du MC5 ne savaient pas jouer, et qu’ils ne valaient pas mieux «que ces groupes amateurs, les Seeds  et Question Mark & The Mysterians.» Ces insultes datent de 1969. Jamais pu encadrer cette buse de Bangs. Cet article combiné à la page de pub payée par Sinclair (Fuck Hudson’s) a failli couler le MC5, un groupe génial qui prenait son envol. Elektra les a virés. Pas grave, Atlantic va les récupérer.

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    ( Fred Sonis Smith )

             Puis ils entrent en guerre avec Bill Graham à cause de ce concert pourri au Fillmore East.  En plus, on ne les supporte pas sur la Côte Ouest. Pire encore à Seattle, où on les hait. Sinclair : «They really hated us in Seattle. I’ll tell ya. That’s the one I remember the most vividly. We opened for Jethro Tull, the worst band in the world. Oh, they just hated us!». Dennis Thomson raconte qu’au breakfast, Ian Anderson et Fred Smith avaient un «philosophical debate about music, and Ian called Fred a stupid fucking bloody colonialist.» Alors Fred a attrapé son verre de jus d’orange et l’a balancé dans la gueule d’Anderson. Brother Wayne se souvient aussi d’avoir rencontré Anderson - I thought the guy was about as intelligent as a mailbox.

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             C’est Jerry Wexler qui signe le MC5 sur Atlantic, sur la recommandation du rock critic Jon Landau qui à l’époque bosse pour Rolling Stone. Impressionné par leur revolutionary spirit, Wex les signe pour 50 000 $ - it seemed to good to be true - Mais à l’époque, le groupe finançait la communauté de John Sinclair, le White Panther Party, 37 personnes vivant dans le «three-story Ann Arbor hippie complex.» Le groupe profite de cette avalanche de blé pour quitter Ann Arbor et s’installer dans une baraque à Hamburg, Michigan, à 100 bornes d’Ann Arbor. Loin du White Panther Party et de tous ses parasites.

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             Et c’est là à Hamburg qu’entre en scène celui que Dennis Thompson appelle «the Hitler who came in and reduced the powerful MC5 into a goddam wedding band. I called him a facist dictator.» Eh oui, avec l’arrivée de Landau, le MC5 va perdre ce qui faisait sa spécificité : l’énergie insurrectionnelle. Landau commence à faire le ménage dans le groupe. Il trouve que Michael Davis ne sait pas jouer. Il demande à Brother Wayne de jouer les lignes de basse. Thompson est furieux : «Back In The USA exemplified everything we weren’t because it was trying to be so perfect.» Et il enfonce son clou : «We sacrified power to perfection.» Fred n’aime pas non plus la façon dont l’album se fait, mais il ne dit rien. Laudau a pris le pouvoir. Tout le monde ferme sa gueule. Fred fait tout de même savoir à Hitler qu’il n’est pas question de virer Michael Davis. Pour Dennis Thompson, cet album est la fin des haricots - That was the death of the MC5, as far as I’m concerned - L’enregistrement de l’album se passe mal. Brother Wayne est le seul à prendre la défense d’Hitler. Hitler a mis tout le groupe au régime sec. No alcohol. No LSD. Il leur fait bouffer des yaourts. Il les oblige à faire du jogging. Il dit à Rob qu’il doit prendre des leçons de chant. À Rob ! Il dit à Michael : «Michael you’re not good enough to play.» Voilà le travail ! Dennis Thompson revient à la charge : «If you don’t have Michael Davis playing bass, you don’t have the MC5 anymore. You were selling everybody a lie. You had the MC4.» Il est bien le petit Dennis. C’est lui qui dit les choses comme il faut les dire. In the face. L’histoire du MC5 est une tragédie. Après Bangs, Landau les a complètement bousillés.

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    Ronan O’Rahilly va essayer de les sauver en les faisant venir en Europe. Mais le groupe est alors entré en zone d’auto-destruction. Ils engagent Dee Anthony comme manager, mais ça ne marche pas. Anthony leur fait un procès et garde tout leur blé. Fred commence à composer. «Shakin’ Street» et Tonight», c’est lui. Ils se mettent à bosser sur High Time, le troisième album. Le producteur d’appelle Geoffrey Haslam, un mec qui a bossé avec le Velvet. L’ambiance est de retour.  Le power aussi. Dennis Thompson est ravi - Another album and we would’ve been killing it - Mais Atlantic les vire. Brother Wayne appelle ça the final blow - No record company, no manager, and no Jon Landau or Danny Fields to support us - Ronan O’Rahilly les fait venir en Angleterre pour le Phun City festival de 1970. Brother Wayne ajoute que Fred adore O’Rahilly. C’est là que débarque l’hero - Hell we were the MC5, and we could conqueer any drug. But smack was stronger than any person - Comme tout le monde, Dennis commence avec les «penny caps» puis il finit avec les «little red gel caps» - Before anyone knew it, the bad, the belligerent, and dangerous MC5 were reduced to becoming a bunch of damn junkies. It stopped us cold and cooked everyone’s nuts - Dennis ajoute que Fred et Wayne avaient aussi le même problème. Pour eux, l’hero est le seul moyen de balayer les angoisses - If you didn’t want to look at all the pains, heroin washed it away. We were all tired of the pain.

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             O’Rahilly réussit à leur aménager un contrat avec Philips Records en Hollande, mais le label veut voir le groupe sur scène. Ils sont sous Quaaludes quand ils montent sur scène, et c’est une catastrophe. Rob réussir l’exploit de se casser la gueule en voulant sauter sur une plate-forme. Fin du contrat. Brother Wayne dit aussi que Michael se faisait plus de blé en dealant de la dope à Detroit qu’en jouant dans le groupe, alors il a commencé à ne plus venir aux concerts. Il a même raté son avion pour l’Angleterre. Lorsqu’il est arrivé, il ne jouait pas très bien, alors il a fallu le virer. Michael est rentré aux États-Unis. Ouf, il n’en pouvait plus du MC5.

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             O’Rahilly leur trouve one baraque en Angleterre et Brother Wayne croit que le groupe peut redémarrer. Mais Dennis n’est plus en état de rien du tout. Il va scorer toutes les nuits. Brother Wayne ne peut rien lui dire, parce qu’il fait la même chose - Even Rob was having issues with his Quaaludes and weirdness - La désintégration du groupe est extrêmement bien décrite. Ce sont des pages qu’il faut lire impérativement. C’est aussi à ce moment-là que le MC5 se retrouve à Wembley pour participer au grand festival de rock’n’roll. En accord avec Ronan, ils décident de re-capturer leur vieille énergie et de se déguiser. Mais sur scène, Rob reçoit une canette de bière en pleine gueule et commet l’erreur de la renvoyer - When he did that, it rained beer cans - Brother Wayne est furieux : «Just the wrong thing to do.» Et de conclure : «The show was a total disaster.» La malédiction du MC5 ! Seule note positive : dans la coulisse, Chucky Chuckah les filme avec sa caméra. Il aime bien le MC5. Il dira même à Wayne qui s’est peint le visage en or qu’il look like «a golden boy».

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    Becky and Rob Tyner

             Dennis finit par annoncer qu’il quitte le groupe. Il a peur de mourir et veut entrer en detox. En plus le groupe ne gagne pas un rond : «There’s no money in it, and nothing is working out. It’s all horrible.» Dans la foulée, Rob fait exactement la même chose : «You know what? I’m not going either.» Quelques jours plus tard, au cours d’un repas, Fred et Brother Wayne tentent de convaincre Rob de repartir en Angleterre où les attend Ronan. Quand Rob dit non, Fred se lève et lui met son poing dans la gueule. Beky Tyner ordonne à Fred de quitter sa maison sur le champ. Elle ajoute que Brother Wayne devenait menaçant : il fréquentait des gangsters on the East Side et comme Rob et elle avait la trouille, alors ils ont dû déménager vite fait.

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             Fred et Brother Wayne débarquent en Europe. Ronan leur a booké un world-class tour de six semaines. Mais il y a un problème : ils n’ont pas de chanteur. Brother Wayne pense à Bob Seger, puis à Scott Morgan. Mais ils ne sont pas disponibles. Tant pis, ils montent sur scène à trois, avec un batteur qu’ils ne connaissent pas. C’est vraiment la fin des haricots. Le public se plaint. Où est Rob Tyner ? Fred et Brother Wayne essayent de chanter les hits du MC5, mais ils n’y arrivent pas. Ils jouent tout en Mi, mais ils n’arrivent à chanter en Mi, comme le faisait Rob. Le MC5 vit ses derniers spasmes. Fred veut appeler le groupe Ascension, en l’honneur de John Coltrane. La mort dans l’âme, la formation originelle du MC5 donne un concert d’adieu au Grande Ballroom. Brother Wayne : «I remember it being so bad that I left in the middle of the set. I went over to Fred and said, «Fred, I can’t do this anymore.» I unplugged and walked out, copped, went home, and got loaded. We were unbelievably bad. Michael was so out of it that the tempos were gone. There was no energy. I remember «Looking At You» just disintegred on us.»  À quoi Dennis ajoute, la mort dans l’âme : «There was a time when we played the Grande and there was 1,500 people butt to butt, and at our last show, there were maybe 300 people. And we sucked.»    

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              Brother Wayne rappelle les three or four things qui ont brisé les reins du MC5 - Premier coup quand Elektra a précipité la sortie de notre premier album. Deuxième coup : lorsqu’on a perdu John Sinclair as a manager. Troisième coup : when we couldn’t get Landau to manage us. The dope. We discovered heroin, and that proved to be our greatest downfall.

    Signé : Cazengler, Kramerde

    MC5. Heavy Lifting. Earmusic 2024

    Brad Tolinski. MC5: An Oral Biography Of Rock’s Most Revolutionary Band.

    Andrew Perry : Five alive! Mojo # 572 - November 2024

    Ready to testify. Uncut # 332 - December 2024

    Duncan Seaman : The heart of rock’n’roll. Vive le Rock # 117 - 2024

     

     

    L’avenir du rock

     - Elle court elle court la Courette

    (Part Two)

             L’avenir du rock sent venir l’embrouille : il aperçoit au loin cet abruti de Livingstone qui descend la dune avec sa barbe, son casque colonial, son short, ses chaussettes en laine et ses grosses pompes de crapahuteur. Ah putain, quelle misère !, se dit l’avenir du rock en approchant de l’intrus.

             — Alors, pomme de terre, vous avez décidé de me gâcher l’errance dans le désert ? Vous n’allez tout de même pas me dire que vous cherchez Stanley ? Vous m’avez déjà fait le coup une fois, alors ça suffit ! Vous me rendriez le plus grand service en fermant votre gueule !

             Choqué par l’agressivité de l’avenir du rock, Livingstone n’ose rien dire. Il observe le détritus qui se tient devant lui. Depuis leur dernière rencontre, l’état de l’avenir du rock s’est considérablement dégradé. Il ressemble désormais à un reliquat de fausse couche. D’énormes cloques lui boursouflent le crâne et ses yeux sont réduits à deux fentes purulentes. Des poils qui ressemblent à des poils de cul lui dévorent la figue desséchée qui lui sert de visage. Un filet de bave finit de sécher au coin du trou qui lui sert de bouche, et ce qui reste de ses fringues ne cache pas grand-chose de son immense détresse physiologique. Le pire est ce vermicelle qui lui pendouille entre les jambes. Ce pauvre hère qui erre semble plus ratatiné qu’une escalope oubliée au fond d’une poêle restée sur le feu. L’avenir du rock ne s’en rend pas compte, mais il offre à ses rares interlocuteurs le spectacle à la fois atroce et grotesque d’une extrême dégradation, et Livingstone n’est pas loin de penser qu’elle est aussi physique que mentale. Putain, quelle misère, pense-t-il. Comme il n’y a plus rien à ajouter, et tous les deux écœurés par l’inutilité de leur rencontre, ils reprennent leur chemin. Quelques mètres plus loin, pris de remords, l’avenir du rock se retourne et lance :

             — À propos de Stanley : Sylvain Tintin m’a dit qu’il l’avait croisé voici quelques mois...

             — Où donc ?

             — Par là...

             — J’y Courette !

     

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             Pendant que l’estime de Livingston remonte dans la cervelle abîmée de l’avenir du rock, les Courettes courent toujours. Leur nouvel album paraît et la presse déroule le tapis rouge. Cette fois, c’est un tapis rouge plus que bien mérité : The Soul Of The Fabulous Courettes est un album en forme de coup de Jarnac spectorien. Allez hop, six pages dans Shindig!. Distance idéale pour sortir des sentiers battus et des clichés habituels. Martin et Flavia Courette ne sont pas n’importe qui. Ils redorent pas mal de blasons avec leurs petits bras et leurs petites jambes.

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             Kate Hodges n’y va pas de main morte : «The hardest working band in garage showbiz.»  Les deux Courettes se sont rencontrés dans un van de tournée au Brésil : lui tournait avec son groupe Columbian Neckties et elle avec le sien The Autoramas. Elle n’était pas ravie à l’idée de passer deux semaines coincée dans le van avec neuf mecs. Puis elle s’aperçoit que Martin a la même collection de disques qu’elle. Alors ça matche. En 2015, elle quitte le Brésil pour s’installer au Danemark. Flavia profite de l’article pour rendre hommage à Totor : «He connects rock’n’roll history. You have his work with the Beatles, George Harrison and John Lennon, Ike & Tina Turner. You have punk-rock with The Ramones. And The Beach Boys, as Brian Wilson was a big fan.» Elle raconte qu’ils sont allés visiter le studio A d’Hitsville USA, à Detroit, et le Stax Museum à Memphis. Au Brésil, Flavia se souvient d’avoir vu Nirvana quand elle avait 11 ans, les Ramones quand elle en avait 13. Elle achetait des CDs d’occase, Beatles and Seeds - so that was my mix: ‘60s, B-rock, a bit of riot grrrl - Et puis ils ont un fils. Elle rappelle qu’ils ne vivent que des tournées. 

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             C’est James Sharples qui les interviewe dans Vive Le Rock. Ils bénéficient d’un joli fond rouge, pour les images. Flavia repart sur le thème du «rock’n’roll transatlantic love story» de 2013. Elle n’ira s’installer au Danemark que deux ans plus tard, après une «2-year long distance relationship». Elle est fière de son petit bilan : «En 11 ans, on a formé les Courettes, on s’est mariés, on a eu un fils, enregistré quatre albums et parcouru le monde en jouant notre musique, touring non-stop around Europe, UK, USA, Canada, Japan and Brazil.» C’est vrai que ça impressionne. Et ça doit même en boucher un coin aux ceusses qui brament que le rock est mort. Avec une équipe comme les Courettes, le rock ne s’est jamais aussi bien porté. Flavia dit aussi sa fierté d’avoir développé son «own Wall Of Sound production». Martin parle du nouvel album en termes de «garage soul Wall Of Sound milestone». Un Wall Of Sound qu’ils ont déjà testé sur Back In Mono, leur premier album spectorish. Ils voulaient enregistrer Back In Mono Two, mais encore plus évolué. Pas facile ! Alors que Back In Mono était dédié aux girl-groups, The Soul Of est nous dit Flavia plus axé sur Motown, Sonny & Cher, Nancy & Lee, avec des coups de douze pour établir un lien avec la psychedelia californienne. Quel brouet ! Elle ajoute qu’en plus d’Hitsville USA et du Stax Musieum, ils ont visité the Sun Studio, Graceland, Al Green’s gospel church in Memphis, Chess Studio à Chicago et Laurel Canyon en Calfornie. Ça s’appelle un pilgrimage. En plus, l’album est en stéréo, and has a bigger sound.  

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             Eh oui, elle a raison de parler d’un bigger sound. The Soul Of The Fabulous Courettes semble réinventer une deuxième fois le Wall Of Sound. Dès «You Woo Me», on est frappé par l’incroyable profondeur de champ du son. T’as Gottehrer dans le team de prod. Prod encore avec «Boom Boom Boom», là t’es en plein Totor, le son est plein comme un œuf, avec les castagnettes dans l’écho du temps d’avant - Boom boom boom out of my chest - La La Brooks des Crystals vient duetter avec Flavia sur «California», pour un shoot de pop silver sixties, et ça explose comme au temps du Brill. C’est l’objectif. Inutile d’ajouter que les coups de génie pullulent sur cet album, à commencer par ce «Keep Dancing» fantastiquement pop, Flavia est tellement bonne ! Coup de génie encore avec «Wall Of Pain», en plein Brill, elle sait créer les conditions du génie pop, ça monte en neige, elle renoue avec la grandeur du genre, te voilà revenu dans le giron de Totor et des géants du Brill ! Encore de la pop de Brill avec «Stop Doing That», c’est d’une perfection qui dépasse les bornes. Avec «Shake», elle tape dans le drive de gaga minimaliste, elle danse d’un pied sur l’autre et descend au barbu pour se gratter la fuzz. Cet album qu’on peut sans rougir qualifier de faramineux se termine avec «For Your Love» qui n’est pas celui qu’on croit, c’est une Beautiful Song bâtie sur le principe scientifique de l’envolée, elle la joue en réverb avec des effets lointains et ça rosit les joues du charme. Ça monte et c’est beau comme une érection.    

    Singé : Cazengler, court toujours

    Courettes. The Soul Of The Fabulous Courettes. Damaged Goods 2024

    James Sharples : Boom Boom Boom. Vive Le Rock # 116 - 2024

    Kate Hodges. Mr & Mrs Soul. Shindig! # 155 - September 2024

     

     

    Inside the goldmine

    - La conquête du Far Weston

             Aussitôt la première partie de catch sur le ring drapé de Baby West, ce fut l’accord parfait.

    Cette partie laissait présager d’un brillant avenir relationnel, au moins au plan organique. Il ne tarissait plus d’éloges. Jamais il n’avait goûté pareils délices. Jamais aucune femme, disait-il, n’avait hissé si haut le pavillon des plaisirs coupables. Éperdu de reconnaissance, il confia à Baby West que sa queue vibrait encore du souvenir de ses attentions. Baby West croulait littéralement sous le poids des compliments. Elle n’en demandait pas tant. Il alla jusqu’à lui raconter que sa science tactile relevait de l’expertise. Il lui fit tourner la tête en lui affirmant qu’elle incarnait à la perfection la compagne qu’il faut souhaiter à tout homme, si, si, insistait-il, alors qu’elle tentait de résister. Baby West était une brune plutôt petite, un peu rondelette, aimant bien rigoler, et d’une simplicité émouvante, d’origine très modeste. Ses dix frères et elle sortaient d’un roman de Zola. Il prit l’habitude de lui rendre visite deux fois par semaine, et il redoublait chaque fois de compliments tous plus exaltés les uns que les autres. Il lui disait qu’il n’était pas possible d’être aussi bien reçu et butiné avec une telle gourmandise. Il la félicitait, mais il félicitait surtout ses lèvres et ses doigts qu’il qualifiait de doigts de fée. Pendant de longs mois, il fut accueilli comme dans un rêve. Sitôt la porte refermée et sans autre préambule, Baby West s’agenouillait, le déboutonnait et enfournait ce qu’il avait de plus précieux, avec une voracité exemplaire. Tout en elle indiquait qu’elle adorait ça, car elle roucoulait, elle couinait des miam miam et des shlurrrps qui en disaient long sur l’incongruité de son imaginaire érotique. Elle œuvrait avec un luxe de tripotages inégalable. Personne n’aurait pu résister à une telle emprise. Il lui était impossible de s’arracher à cette étreinte, et la fatalité finissait souvent par le prendre de vitesse. Alors, pour meubler la soirée, il lui redisait sa fascination pour son expertise, il la bombardait de questions, il voulait savoir comment elle pouvait connaître sur le bout des doigts tous les ressorts de la masculinité. Elle répondait qu’elle n’en savait rien. Pour elle, c’était naturel. Elle n’avait que ce mot-là à la bouche. Naturel. Cette notion de naturel lui déplaisait profondément, mais dès qu’il prenait l’apéro, il oubliait ses réticences, sautait dans sa bagnole et retournait la voir. 

     

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             Apparemment, Kim Weston n’a pas eu beaucoup plus de chance avec les hommes. Les relations sentimentales sont toujours très complexes, et même imparfaites. L’harmonie n’est pas toujours au rendez-vous. Quand on vit une relation de couple privée d’expertise, on va voir ailleurs. Et on tombe sur une Baby West qui n’a hélas que son expertise à offrir, rien d’autre.   

             Deux choses à propos de Kim Weston. Un, elle figure parmi les très grandes stars de la chanson américaine, beaucoup trop surdimensionnée pour un label comme Motown. Deux, elle fut la poule de Mickey Stevenson, un Mickey Stevenson qu’on retrouve systématiquement crédité comme producteur sur tous les albums solos de la grande Kim Weston. 

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             C’est Mickey Stevenson qui la repère à Detroit et qui l’envoie étudier l’art dramatique et le chant à New York. Quand elle revient à Detroit, elle n’enregistre qu’un seul album sur Tamla, la fameux Take Two en duo avec Marvin Gaye. Kim est alors la poule de Mickey Stevenson, l’A&R de Motown, qui d’ailleurs produit l’album et compose pas mal de cuts, dont ce petit coup de génie planqué en B, «I Want You ‘Round», une espèce de slow-groove crapuleux dégoulinant de magie vocale, ce qu’on appelle communément une merveille inexorable. Mickey Stevenson et Sylvia Moy composent aussi l’«It Takes Two» d’ouverture de balda, véritable shoot de fast pop de Soul, on assiste à un bel échange entre Marv et Kim. C’est encore le trio infernal HDH qui rafle la mise avec «Baby I Need Your Loving», pur jus de Motown, Marv et Kim la jouent fine, baby baby, ils te groovent ça vite fait. Tout est beau chez Mickey Stevenson, sa prod éclate au Sénégal. Marv et Kim reviennent sonner les cloches de la B avec un «Till There Was You» signé Frank Wilson. C’est le slow groove des jours heureux et ça monte droit au firmament, Kim le prend à l’azur marmoréen et Marv au velours de l’estomac.

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             Quand Mickey Stevenson se fâche avec Berry Gordy et qu’il quitte Motown, il emmène Kim avec lui et la signe sur MGM. Un premier album solo paraît en 1966 : For The First Time. On voit tout de suite que Kim peut monter en puissance, façon Broadway. Elle vise la grande Soul d’art total, une Soul extrêmement arrangée et chantée à la Nina Simone. Mais elle est certainement trop sophistiquée pour les fans de Soul. Elle jazze son «Walking Happy» jusqu’à l’oss de l’ass. Elle ouvre son bal de B avec une cover de «The Beat Goes On». Elle te jazze le beat vite fait - Drums keep pounding/ A rhythm to the brain - elle injecte tout Broadway dans cette merveille intemporelle. Fantastique allure de boys keep chasing girls to get a kiss et de cars keep going faster all the time. Elle tape aussi dans Brel avec «If You Go Away», version américaine de «Ne Me Quitte Pas». Elle te l’embobine vite fait. Elle défonce encore la rondelle des anales avec «Come Rain Or Come Shine», du Broadway pur, quasi-Minnelli. Il faut aussi la voir claquer son come back to me dans «Come Back To Me», elle s’y montre fabuleusement jazz, avec un punch monstrueux, elle s’en va chanter la suite à la pointe de l’octave, elle règne sans partage. God save the Kim !

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             Avec un titre pareil, This Is America ne peut être que du Broadway patriotique. Alors Kim chante au large. Elle n’a aucun problème à aller taper dans l’intapable avec «The Impossible Dream» de Jacques Brel. Elle est plus forte que le Roquefort. Elle n’a rien à faire dans les bacs de Soul : c’est une jazzeuse de Broadway. En B, elle reste merveilleusement proche de Lisa Minnelli et de Shirley Bassey avec «Touch The Earth». Kim est délicieuse.           

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             Nouveau album de duo en 1969 avec Johnny Nash. On écoute Johnny Nash & Kim Weston pour deux raisons fondamentales : la cover de «The Letter» et «Baby Don’t You Leave Me». Comme ils ont tous les deux des voix très féminines, on s’y perd un peu. Nash chante soft et Kim l’épouse bien. Nash est même beaucoup trop soft, les violons n’arrangent rien. Par contre, ils y vont franco de port sur «Baby Don’t You Leave Me», ils te groovent une fabuleuse fondue de voix avec un guitar slinging bien acide par derrière. Et comme toujours avec Mickey Stevenson, ça reste de la pop sophistiquée. La cover de «The Letter» se planque en B, ils en font une mouture bien tendue, nerveuse, fougueuse à souhait, chantée à deux voix. Ils font aussi de la belle pop de langueur monotone avec «Stranded In The Middle Of No Place», une pop bien perlée, lumineuse et même extatique.

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             La pochette de Kim Kim Kim est un peu bizarre, le montage photo est sous-exposé, on ne voit pas grand-chose. Il semble que Kim soit dans la période Miriam Makeba/Nina Simone. Au dos, on voit que Mickey Stevenson s’est dessiné un petit logo touchant : Mikim, qui symbolise l’union de Mickey & Kim. On retrouve la grosse présence de Kim dès le «You Just Don’t Know» d’ouverture de balda. Elle bouffe la Soul de Volt toute crue. C’est énorme et même spectaculaire de voir Kim dans tous ses états. Elle remplit l’espace aussi facilement que le font Shirley Bassey et Lorraine Ellison. Avec «What Could Be Better», elle est à la fois tentaculaire et océanique. Mais c’est en B que se joue véritablement le destin de Kim Kim Kim, elle commence par élaborer la Soul de «Buy Myself A Man», elle tartine jusqu’en haut, là où se perd le regard. Puis elle tape dans Solomon avec «Got To Get You Off My Mind», avec un léger parfum de gospel, et comme tu as Patrice Holloway dans les chœurs, alors ça swingue. Elle passe à la classic Soul de r’n’b avec «Soul On Fire», mais ce n’est pas son truc. C’est du Volt Sound très orchestré, mais elle n’est pas aussi fulgurante qu’à Broadway. Elle boucle sa B avec «The Choice Is Up To You (Walk With Jesus)», elle est vraiment faite pour le Porgy & Bess, pour les ambiances des couches supérieures.   

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             Paru en 1970, Big Brass For Poster pourrait bien être son meilleur album. Il s’agit en fait d’un album de covers, c’est du trié sur le volet. Elle tape pas mal dans les Beatles, avec le «Something» du roi George, elle le prend au slow groove de Broadway, elle en fait une version swinguée qui alterne le soleil et la pluie, c’est inspiré au plus haut point. Dommage qu’on ne sache pas le nom du guitar slinger. Elle tape aussi dans «Eleanor Rigby» : big Broadway bush ultra-cuivré, elle chante comme mille diables. Elle fait aussi une version sensible de «Don’t Let Me Down», c’est toujours très Broadway, plein de possibilités, elle chante les bras en croix, au carrefour des grandes avenues du monde, elle chante à si pleine voix qu’elle éblouit, wow, quelle pugnacité ! Comme Eugène Boudin, elle est la reine des ciels. Avec «Something I Can Feel», elle est aux frontières de Burt. Même pureté mélodique. Elle rivalise de grandeur tutélaire avec Lisa Minnelli dans «My Man». Même groove de jazzeuse impénitente, elle s’en va gueuler my man à la pointe sidérale de l’octave. Et puis comme si tout cela ne suffisait pas, voilà qu’elle tape dans «Windmills Of Your Mind». Pas de magie plus blanche que celle de Michel Legrand. Comme le Vanilla Fudge et Dusty chérie, elle explose le cercle magique, elle l’explose de fond en comble, elle en fait une abominable aventure subliminale. On se retrouve tout bêtement au paradis, au cœur du fin du fin, dans l’antre palpitant du saint des saints, elle donne de la grandeur à l’odeur de sainteté. Encore une autre cerise sur le gâtö ? Oui, avec sa vision de «Sound Of Silence». Chez Kim, tout fond dans la bouche, and the vison that was planted in my brain/ It still remains, elle le gronde dans le giron de sa féminité profonde, dans l’éclat de sa concupiscence, Kim est une carne, elle élève le Sound of Silence au rang de sub-chef-d’œuvre, au rang d’enchantement technicolor, elle lui donne des lettres de noblesse.

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             Quand on croise Investigate dans un bac de Soul, on se dit : «Tiens, Kim Weston vire diskö !». Elle a une vraie tête de Diskö queen. Mais si on jette un coup d’œil au dos, on tombe sur le logo de Motorcity, le label de Ian Levine. Soit on fait «Ha ha !», soit on fait «Ho ho !», en tous les cas, on ramasse Investigate pour l’investiguer. Bon, c’est vrai qu’elle attaque en mode diskö, mais elle le fait sans conviction. On se penche un peu plus sur les crédits et qui qu’on voit ? Le nom de Sylvia Moy qui compose avec Ian Levine. Ça, c’est du crédit ! Mais tu vas aussi croiser les noms de Stevenson/Norman Whitfield qui signent «It Should Have Been Me», alors Kim se met à enchanter cet album. Comme la compo est superbe, Kim fait monter la neige. Elle boucle son balda avec du HDH, c’est-à-dire du Holland/Dozier/Holland, «Take Me In Your Arms», du heavy Motown de Motorcity et c’est excellent. Fantastique énergie rythmique ! Idéal pour une louve comme Kim. Et paf, en B, elle tape le fameux «Dancing In The Street». Dans ses mémoires, Mickey Stevenson, co-auteur de ce hit avec Marvin Gaye et Ivy Jo Turner, raconte qu’ils proposèrent Dancing à Kim mais ça ne collait pas. Martha Reeves qui était là sauta sur l’occasion et en fit le hit mondial que l’on sait. Alors Kim prend sa revanche avec cette mouture extraordinaire, elle y va au pouvoir absolu, c’est du pur sweet sweet mucic/ Everywhere, elle prend sa revanche sur Martha, c’est complètement à sa main. Puis elle tape dans HDH avec «Helpless. Elle est parfaitement à l’aise avec HDH. Elle est tellement brillante !

    Signé : Cazengler, Kim Veston

    Kim Weston. For The First Time. MGM Records 1966

    Marvin Gaye & Kim Weston. Take Two. Tamla 1966

    Kim Weston. This Is America. MGM Records 1968            

    Johnny Nash & Kim Weston. Major Minor 1969  

    Kim Weston. Kim Kim Kim. Volt 1970

    Kim Weston. Big Brass For Poster. People Records 1970 

    Kim Weston. Investigate. Motorcity Records 1990

     

    *

    _ Docteur Damie je suis venu parce que je me sens mal !

             _ Je vois bien, vous avez une mine de déterré, d’ailleurs si je m’écoutais au lieu de perdre mon temps à vous examiner je devrais plutôt vous refiler un permis de vous inhumer vivant, en remplissant votre tombe vous combleriez le trou de la Sécurité Sociale.

             _ Docteur Damie, s’il vous plaît, j’en appelle à votre conscience et à votre réputation d’humaniste j’accepterais de tripler le prix de la consultation !

             _ Vous m’excuserez moi j’en appelle à votre devoir de citoyen qui n’entend point augmenter la dette nationale. Sacrifiez-vous pour le bien commun !

             _  Docteur Damie, je consens à faire un effort, je vous promets une somme de 1000 euros si vous daignez vous occuper de moi !

             _ Bon ! si vous me prenez par les sentiments, mais ne le dites à personne !

    _ Merci Docteur !

    _ Ne perdons pas de temps, tirez la langue et dites 33 !

    _  … v…vi… vin… vin … neu… neuf ! C’est tout ce que j’arrive à dire docteur, croyez-vous que ce soit grave…

    _ Désespéré, vous ne passerez pas le mois de juin !

    _ Docteur, je vous en prie, une intervention chirurgicale, je ne sais pas moi, il n’y a donc aucune chance de survie !

    _ Ne comptez pas sur la chance, seule la science peut vous sauver !

    _ Docteur Damie, dans toute la  ville l’on dit que vous êtes formidable et que votre science est grande.

    _ C’est doublement exact, je sais bien que la plupart de mes collègues devant la gravité de votre cas préfèrerait vous tirer une balle dans la tête que de tenter la seule prescription possible, la fameuse RGN 33 AMJ !

    _ Docteur je suis prêt à tenter l’impossible, expliquez-moi tout !

    _ C’est une méthode américaine mise au point par un certain docteur Huey Smith, le gars ne faisait pas de détail, pour le calmer ses collègues n’arrêtaient pas de lui dire piano-piano ! L’est vrai que son traitement était ébouriffant !

    _ Peu m’importe de souffrir, docteur Damie !

    _ Je ne suis pas sûr que vous survivriez, un certain docteur Mitchell voici quelques années a repris sa méthode, une manière un peu plus douce, les résultats se sont quelque peu améliorés, enfin tous les avis ne concordent pas…

    _ Docteur prescrivez, prescrivez, je vous en prie, tenez je signe un chèque de 200O Euros !

    _ Bon, faisons vite avant que vous ne changiez d’avis, vous souffrez du syndrome Pneumonia Rock And Boogi-Woogie Flue. La fameuse méthode contraceptive RGN 33 AMJ. Vous m’en direz des nouvelles. Tenez la voici, je sais, c’est un peu lourd, quarante-huit pages, écoutez-moi bien, vu votre niveau intellectuel je vais vous la commenter, vous suivrez mes recommandations à la lettre, c’est votre survie qui en dépend, c’est compliqué, l’important pour réussir c’est de saisir l’ordre chronologique d’application…

    ROCKABILLY GENERATION NEWS

    N° 33 / AVRIL / MAI / JUIN

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             Donc l’ordre chronologique, nous filons tout de suite page 30. Décoction de racines, mise au point par le chercheur Julien Bollinger. Avant le Rock‘n’Roll qu’y avait -il ? Le Blues ! Et avant le Blues ? Là on descend au fond du fond. Plus roots vous ne trouverez pas. La preuve l’est né en 1874 ! Certes des gars qui chantaient, ça ne devait pas manquer à l’époque , mais d’Henry Thomas on possède des enregistrements (1927- 1930) ! Vous le connaissez même si vous ignoriez jusqu’à son existence, Going up the Country c’est lui (sous le titre Old Country Stomp). Faut l’écouter. Guitare et une espèce de flûte de Pan, c’est fou comme ça ne sonne pas vieillot, preuve qu’au travers du blues, du folk et du rock il existe une continuité étonnante. L’article est super bien écrit, fourmille de renseignements et de réflexions.

             Attention, traitement de fond, page 3 à 15, soit douze piqûres fournies par le laboratoire Jean-Louis Rancurel, un truc ultra-vitaminé, les années Golf-Drouot. Une potion magique, emplies de photos inédites, je pique par exemple celle de de Nancy Holloways ou celle de Vince Taylor l’ange noir tout vêtu  de blanc, Bill Halley, Gene Vincent, Eddy Mitchell et Johnny Hallyday, plus tous les autres, et bien sûr celui par l’absence duquel rien ne serait arrivé : Henri Leproux, Rancurel le décrit exactement de la même manière, grande modestie et intègre dévouement, que Joëlle, une amie chère qui avait relaté dans son émission radio Âme Rock Café, sa rencontre avec Henri accompagné de sa femme Colette, tous deux esseulés, tristes mais dignes, dans un salon du livre attendant pour signer leur livre et partager leur passion… Grâce à l’interview de Sergio nous suivons cette épopée mythique des commencements du rock français… une histoire qui court des pionniers à la renaissance rockabilly… comme par hasard il n’y a pas eu grand monde pour s’opposer à sa fermeture administrative…

             Pour raffermir le cœur, siège des émotions, n’oublions pas qu’il a deux côtés, donc pour le premier ventricule une double potion. Pages : 42-43 : la journée d’hommage à Crazy Cavan, concert des Rhythm Rockers avec Joe Grogan, le fils Cavan au chant. N’oublions pas qu’au début des seventies ce sont les Teds en Grande-Bretagne qui ont perpétué contre vents et marées pop le good old rock’n’roll !

             Soyons juste, n’oublions pas le deuxième ventricule, les ricains n’ont pas tardé à reprendre le flambeau au début des eighties, donc quatre pages d’une bonne rasade de Stray Cats, pas eux en personne, pages 24-27 mais Christophe Pillemy, un fan oui, mais un fan-collectionneur, vous en rencontrez un max dans les milieux rock, une maison remplie d’une multitude de disques, de photos, d’objets, le genre de démarche incompréhensible pour les gens non passionnés, nous rappellerons que chacun poursuit son bonheur là où il le trouve…

             Super bien foutu ce numéro, vous traversez un siècle et demi (1974-2025) de rock’n’roll sans vous en rendre compte, et il reste encore vingt pages d’actualité. Car le rockabilly ne se limite pas aux Stray Cats dont Christophe Pillemy a retracé l’influence sur nombre de groupes en pleine action aujourd’hui. Par exemple les Rhythm Aces, ils sont en couverture, ils squattent la double page centrale, et vous les retrouvez en concert à la fin du fascicule, des britichs de passage à Quimper, ils se racontent, surtout Peter, beaucoup de cheminement rock’n’roll, et pour finir une histoire d’amour que l’on ne lit que dans les romans. Qu’est-ce que le destin ?

             Une extraordinaire soirée au Cirque Electrique avec nos Ghost Highway, et une mirobolante floppée d’invités. Une Teddy Cats Party à Strasbourg avec Nelson Carrera (il n’a aucun mérite, il possède une voix de rêve qu’il maîtrise avec un art époustouflant), mais encore Nightingale and the Haydock, Badcraft, Big Dood and Hot Swingers, il y en a d’autres mais vous êtes assez grands pour les retrouver…

             Vous avez eu le passé et le présent, pour le futur, il porte un nom : Jc Le Lascar, Parmain n’est pas terminé que notre Lascar lance un nouveau festival :    Rockin Montsoul… Le rock’n’roll a la vie dure !

             Ce numéro est un peu comme l’œuf cosmique du rockabilly, en plus Sergio Katz n’a pas oublié de joindre ses splendides photos !

             Si vous ne l’avez pas, c’est peut-être que vous ne le méritez pas !

    Damie Chad

    Editée par l'Association Rockabilly  Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois),  6 Euros + 4,72 de frais de port soit 10,72 E pour 1 numéro.  Abonnement 4 numéros : 39 Euros (Port Compris), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( Rajouter 1,10 € ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de tous les magazines... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents ! 

     

    *

             Les mots nous attendent-ils ? Toujours est-il qu’ils nous attirent. Surtout lorsqu’ils accompagnent une image qui n’a apparemment rien à voir avec leur signification. Certes si l’on prend pour idée que les chevaux de Neptune ont un rapport certain avec la mer représentée par cette couve envoûtante… 

    THE LIGHT KEEPER

    TRIMARKISIA

    ( Bandcamp / Février 2025)

             J’ai d’abord pensé avoir affaire à un trio, le préfixe ‘’tri’’ induisait cette hypothèse qui s’est vite révélée fausse. Le groupe s’est vite réduit à un one man band. Je ne suis guère favorable à ce genre de formation solitaire. Un a priori, je l’accorde. Autant un vieux bluesman – ces vieux étaient en réalité très jeunes – penché sur sa guitare me séduit, autant je me méfie : les musiciens d’aujourd’hui ayant à leurs dispositions de multiples objets technologiques, ne parlons pas de l’aide de l’IA, une pétition de principe je l’admets. 

             Pour ceux qui adorent les chevaux, la trimarkisia était une technique militaire employée par les cavaliers celtes. Il s’agissait de combler les pertes subies dans le combat durant la bataille-même. Le principe était simple. Chaque cavalier possédait deux aides, plus une ou deux montures d’appoint tenus en réserve derrière les unité combattantes, chargés illico presto de remplacer, si j’ose dire jusqu’à épuisement du stock, le cheval ou le maître blessé ou tué… Plus tard au Moyen-Âge, nous aurons le Chevalier et l’Ecuyer…

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    La couve est un tableau d’Albert Pinkham Ryder (1847 – 1917) peintre américain qui usa d’une technique particulière, alternant sur ses toiles des couches à séchage lent avec d’autres à séchage rapide. Une étrange lumière se dégage de ses tableaux, dont la conservation se révèle très difficile, la superposition des couches créant une grande instabilité… Pour donner une idée des résultats obtenus par Pinkham, ce paraphe est précédé de la reproduction d’une de ses œuvres : Te Race Track

    Notre one man band se nomme Wilhem Osoba.  Le seul renseignement que j’ai pu obtenir est celle de son implantation géographique en la bonne ville d’Albi située en pleines terres occitanes. Un peu surprenant quand on regarde la marine choisie pour  illustrer ce premier EP. N’oublions pas que les voyages, sur terre, sur mer, parmi les étoiles se déroulent avant tout au travers du philtre de notre imaginaire.

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    The Light Keeper : l’expression ‘’light keeper’’ perd de sa poésie lorsque l’on la traduit en français par le gardien du phare. Une voix rugueuse, orageuse, elle se fraie un chemin parmi les vagues de la musique conquérante qui souligne davantage qu’elle ne tente à submerger la nef vocale, sepulcra vox en laquelle se reflètent les fantômes du passé, le paysage sonore, tourbillons d’écume sur les récifs noirs, phare dans la tempête qui ruisselle autant des assauts des vagues que des eaux des  rêves que la marée emporte ou ramène, ainsi s’échappe la folie mouvante des solitaires confrontés à eux-mêmes dans un dialogue sans fin avec la force élémentale. Last Days of Rain : les derniers jours de pluie sont les plus longs, aussi larges que l’immensité blafarde du ciel embrumé, aussi impitoyables que les assauts répétés  des flots éternels de l’océan.  La nuit s’est perdue. Le jour glauque est revenu. La guitare s’étire tel un écheveau de laine grise, viennent les moments espérés de dormance, la voix moutonne une drôle de berceuse, l’appel à un sommeil calfeutré dans la coque de l’oubli des sensations et du rêve éveillé. Aven : le gouffre sans fin des tristesses résolues et non révolues, presque un chœur d’espoir funéraire, tomber sans fin dans le puits sans fond du songe. Un voyage immobile au cœur de soi-même, une chevauchée infinie sur des terres gastes qui reculent sans cesse, le rythme s’alourdit, presque un chevalier à la tête de son ost, parti reconquérir son royaume, celui qui n’existe pas dans ce monde-ci et peut-être même pas  dans celui de l’ailleurs, mais chevaucher sans arrêt, ressentir au moins le sentiment de pouvoir saisir, s’emparer et se situer enfin dans l’éternité de son rêve. Le gouffre de l’émoi est encore plus profond au tréfonds de moi. When the Sun No Longer Rise : comme un bruit une guitare qui vrombit, est-ce pour annoncer la fin du voyage, le bout du tunnel qui débouche sur l’inconsistance de toute existence, la voix est plus lourde, celle d’un soudard désemparé qui ne croit plus en son but, au fond du trou, le rêve s’est évanoui, ne pousse que la solitude, le mépris de l’amour des hommes et la haine de cette espèce malfaisante dont il n’est qu’un exemplaire interchangeable, la batterie se déchaîne comme un tigre acculé contre un mur, qui sait que le combat n’aura jamais de fin, faute de combattants insaisissables par ses griffes lasses.

             L’on aimerait que la dérive intérieure continuât, que l’opus ait une dizaine de pistes à parcourir. Lyrique, romantique.

    BLAK MOUNTAIN

    (Bandcamp / Mai 2024)

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    The keeper of the light, titre ô combien ironique, avait été précédé par un single. Avant la métaphore de la mer il y eut donc celle de la montagne. La couve est une photographie due à Wilhem Osoba. Preuve que les métaphores collent à la peau de ses rêveries solitaires.  Peut-être même s’y substituent-elles.

    Pour rebondir sur le dernier mot de l’écoute du disk précédent, rappelons-nous qu’à son apparition le mot romantique désignait les paysages de montagnes pittoresques, motifs dignes d’un peintre inspiré par leur aspect désolé et tourmenté. Préfiguration naturelle des âmes angoissées qui les parcouraient, analysant  le miroir de leurs culminances écrasantes comme le reflet de la démesure de leur esprit tourmenté.  

    A écouter comme un long poème instrumental, un chant glacé et torrentueux figé en lui-même, une longue ascension vers un paysage choisi, celui d’une âme altérée de grandeur qui se perd dans l’intumescence de sa volition à égaler la majesté écrasante des sommets, de plus en plus violent au fur et à mesure que la montée se fait rude et l’oxygène rare, dans le secret espoir peut-être que dans cet air plus subtil l’âme se désagrège, que les images constitutives d’une mémoire hantée des anciens combats celtiques s’aérisent, que l’esprit s’élève plus haut que le charnier natal des aigles qu’il  dépasse, maintenant la pâte sonore s’assombrit et perd un peu de de sa virulence alors que le tissu  mental s’évade dans la sphère de nouveaux éons, et que vues de bien plus haut les sombres montagnes irradient de la lumière rouge d’une lune sanglante revigorante, qui insuffle dans le tissu mental du rêve la lymphe et la force des anciens combats, suprême baptême de sang d’un nouvel héros investi d’une royauté imaginaire mais ancestrale.

    De toute beauté.

    Damie Chad.

     

    *

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            Ceci, ci-dessus, n’est pas le portrait-robot d’un terroriste mais d’un terrockriste, comme nous les aimons, nommé Bill Crane, effectué par Eric Calassou. Nous atteignons ici à notre première diffraction mentale. Bill Crane et Eric Calassou sont une seule et même personne, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient identiques, nous avons déjà consacré plusieurs chroniques, concerts et disques à Bill Crane, groupe dont Eric Calassou fut l’inspirateur et le catalyseur. Puis Eric Calassou partit vivre en Thaïlande, il croyait en avoir fini avec le rock’n’roll, mais une fois que le poison du rock  vous a contaminé vous pouvez connaître des périodes de dormition mais il finit par agir directement sur les centres vitaux de votre cerveau dont il reprend le commandement, et bientôt depuis son pays lointain, Eric Calassou s’est remis à enregistrer tout seul avec sa guitare de nouveaux albums de rock que nous avons bien entendu chroniqués.

             L’histoire pourrait s’arrêter-là. Hélas, c’est ici que débute la deuxième diffraction mentale. Evidemment, Kr’tnt ! n’a pas hésité à plusieurs reprises à visiter cette seconde aventureuse faille, en effet Eric Calassou s’adonne aussi à la photographie. Commence même à être reconnu, la fameuse et luxueuse revue canadienne Hintology publie certains de ses clichés. Pour notre part nous avons déjà consacré deux chroniques à cette activité calassouréenne. L’on pourrait presque écrire calassouvereine tant elle semble étendre son royaume sur sa perception du monde, quoique le terme calassouveraine   serait encore davantage approprié puisqu’elle nous oblige quelque peu à changer notre propre vision et à adopter sa manière de voir.

             Nous allons dans cette chronique essayer de frayer notre chemin de compréhension entre figuration représentative et abstraction photographique. Osons une comparaison auditive : toute la différence entre la musique et le bruit. Osons une comparaison balzacienne : toute la différence entre par exemple : Les scènes de la vie de province de La Comédie humaine et le suprême tableau réalisé par le peintre Frenhofer dans Le Chef d’œuvre Absolu. 

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             Nous commencerons par cette scène de la vie Thaïlandaise, une vue figurative des plus banales, rien de spécialement exotique, semblable à celle que nous pourrions rencontrer en France. Si ce n’est ce coloriage bigarré qui heurte notre vision. Surexposition, sous-exposition, manipulations diverses, on s’en moque. Sommes-nous dans une espèce de surréalisme tape-à-l’oeil, ou d’hyperréalisme à la va-vite, là n’est pas le problème, simplement l’inquiétude qui pointe en nous : notre regard sur le monde, en l’occurrence celui de l’artiste, est-il notre propre représentation du monde ou est-il façonné par la volonté du monde à se présenter à nous sous tel ou tel aspect. Qui commande l’autre. La question semble bizarre : nous regardons le monde, mais nous oublions que le monde lui-aussi à sa façon nous regarde. Essayons d’échapper à ce vertige en regardant un cliché a priori davantage réaliste.

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             Enfin chez nous ! Une photo pour illustrer un morceau instrumental nommé White Sky d’Eric Calassou paru sour YT. Tout est normal : le ciel est blanc, ces fils que nous subodorons électriques sont une parfaite illustration de ce que le rock est une musique électrique. Z’oui, mais cette photo ne nous adresserait-elle pas un message, ces fils électriques ne désigneraient-ils pas une portée musicale ou les lignes d’un cahier, rien d’explicite certes, toutefois n’est-ce pas une représentation qui nous fait signe qu’elle n’est qu’une représentation de quelque chose qui ne correspond point à ce qu’est exactement cette chose.

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             Le grand saut. What is it ! Un détail minuscule de ce que nous appelons la réalité auquel nous ne prêtons généralement aucune signification, à cause même de ce qui nous semble être son insignifiance, ici mis en exergue, pour qu’elle nous fasse signe. De la photographie abstraite si l’on veut, qui nous oblige à lui donner un sens tiré de notre façon d’appréhender le ‘’ réel’’, de la rattacher à tout prix à celui-ci, ne serait-ce pas un pullover de laine, ou le labourage d’un champ, ou une vue d’un désert de sable… C’est fou comme l’abstraction nous oblige à parcourir différentes représentations du réel. Tout comme nous entendons le bruit de la noise music en la comparant, à la définition de ce que nous nommons l’harmonie de toute musique. Nous appréhendons ainsi une chose qui s’offre à nous par ce qu’elle n’est pas. Serions-nous tous des platoniciens qui s’ignorent, mirant les ombres des Idées  que nous ne voyons pas. Ne possédant même pas les mots qui seraient capables de les nommer.

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    Nous terminerons par cette dernière photographie que nous baptisons sûrement à tort : gouttes d’eau sous verre, mais nous-mêmes ne portons-nous pas un prénom et un nom qui ne nous nomme qu’imparfaitement. Posons-nous la question suivante, si notre  nominalisme nominalise le réel sans l’atteindre, comment pouvons-nous atteindre celui-ci et comment celui-ci peut-il établir un contact avec nous. La représentation d’une chose est incapable de nous atteindre par sa vérité, le seul moyen de conversation que nous pouvons envisager est celle de son apparence, ce reflet que nous nommons beauté, celle-ci dépendant autant de l’individu que la chose se montrant. Nous clorons cette chronique en citant John Keats : A thing of beauty is a joy for ever.

    Encore faut-il être capable d’entrevoir la beauté en nous et au travers des choses. Cela demande certainement effort et réflexion.

    Sur le FB et l’Instagram d’Eric Calassou se trouvent des centaines de photographies. Un chercheur, un effracteur, qui nous dévoile les trésors qu’il arrache à la monstration du réel.

    Damie Chad.

     

    *

             Le problème n’est pas de faire un disque. Mais d’en faire plusieurs. Le problème n’est pas de faire plusieurs disques, mais de ne pas se répéter. Ni de décroître. Ni de se renier. Le problème n’est ni de se répéter, ni de décroître, ni de se renier.  Le problème est d’ouvrir un chemin solitaire. Que d’autres plus tard emprunteront. Des suiveurs.  

    NEGATIVE SKILLS

    POGO CAR CRASH CONTROL

    (Wagram Music / Mars 2025)

             Dix ans déjà ! Un premier EP de rage adolescente. Suivi de trois albums. Déprime Hostile : déclaration de guerre au monde entier, Tête Blême : coups donnés et reçus, Fréquence Violence : hymne à la survivance. Entre temps ils ont grandi. Ils ont jeté leur gourme riffique. Ils ont porté le feu aux quatre coins de l’hexagone with the wind. Et après ?

             Bref on les attendait au tournant. Le groupe au couteau entre les dents, qu’il vous plantait sans hésiter entre les omoplates. Comment allaient-ils vieillir. Pardon assumer le passage de leur adulescence à leur pleine jeunesse.

             Faut être juste. Comparés aux autres ils bénéficient d’un terrible handicap. Malgré leur nom anglais ils sont français ! Autant dire qu’ils n’étaient rien. Alors ils sont partis à New York. Pas pour faire du tourisme, mais pour regarder le rock’n’roll depuis l’autre côté, pas par le petit bout de la lorgnette. En ont profité pour changer de look et profiler leur musique autrement. N’ont pas traversé l’océan sans rien dans les poches. Ont emmené des valises remplies à ras-bord de leur fourbi habituel : hardcore, punk, grunge, metal, post-tout ce que vous voulez et before-tout ce qui viendra. Savaient crasher en plein vol, hors de tout control, mais désiraient en quelque sorte un œil extérieur, celui de Jon Markson – moi ce j’aime chez lui c’est le nombre de groupes à K7 qu’il a enregistrés – pour mettre un peu d’ordre dans leur cambuse, n’oubliez pas que nos physiciens modernes nous apprennent qu’un enfant qui range sa chambre ajoute du désordre dans l’univers.

             Lors de ma première kronic sur Don’t Get Sore, la vidéo jetée en pâture à la fin de l’année dernière pour calmer l’impatience des fans j’avais remarqué que les Pogo me semblaient aborder un changement musical que je comparais à celui effectué par les Howlin’ Jaws. En découvrant dernièrement la pochette de Negative Skills, j’ai sursauté. Attention je n’insinue pas que les Pogo ont copié les Jaws, la ressemblance est toutefois flagrante, je pense qu’une rupture esthétique musicale si elle est accomplie et assumée totalement se répercute aussi sur d’autres plans, vestimentaire ou capillaire par exemple, et dans ces deux cas précis par un bouleversement esthétique graphique. Est-ce que cette parenté entre les deux pochettes est due à un simple effet de mode ou à des relations beaucoup plus subtiles et souterraines qui conjuguent la mode éphémère aux allures comportementales des modes existentiels de vie. Nous abordons ici à des analyses qui exigeraient pour être développées des données rendues impossibles à recueillir par la difficulté de les  collationner d’une manière fiable.  Nous retombons ainsi dans l’oiseux et vieux débat du hasard ou de la nécessité.

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             Les Howlin’ ont goupillé leur artwork avec l’aide de l’Intelligence Artificielle. Les Pogo ont fait appel à Cogume3li. Je ne sais avec quoi elle travaille. ‘’Cogumelos’’ est le terme portugais pour désigner nos champignons. Apparemment quand l’on visite son Instagram l’on est sidéré mais pas halluciné. Entre dessins d’inspiration japonaise et érotisme pré-nubile bon marché. Pour ne pas être méchant disons que nous sommes en présence d’une forme d’arte povera populaire. Joli. Mais joli n’a qu’un œil. Encore faudrait-il l’ouvrir.

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    You Came to Me :  l’on s’attend à un coup de balai sur les araignées, qu’elles descendent du plafond et qu’elles viennent nous mordre. Pour une ouverture c’est un peu raté. Z’ont bridé le cheval. Le pire c’est que lorsque le morceau se termine l’on s’aperçoit que l’on a décroché depuis un bon moment et que l’on s’est ennuyé.

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    Don’t Get Sore : pas de souci, voici la véritable entrée de l’album, le précédent si je me souviens bien est un de tous premiers morceaux qu’ils ont repris dix ans après, dans la série on déambule dans le vieux vestibule ont-ils à la manière de Marcel Proust tenté de retrouver le temps perdu, le nouveau programme, la carte du chef, pour bien comprendre vous avez une vidéo grand écran qui vous aide à entrevoir le déroulement des festivités, quelques vues de New York et un montage scénarisé à outrance. D’ultra-courtes séquences qui se télescopent et se bousculent, chacun a droit à ses cinq secondes de célébrité, z’ont augmenté la vitesse de la célèbre déclaration d’Andy, une idée de la modernité, la rencontre des êtres, ce qui a eu lieu se continue, quoique brisée, encore dans le passé et le futur, ces trois stases temporelles elles-mêmes mélangées,  une idée nouvelle se partagent le vocal, chacun y va à sa manière, entre confidences, murmurations, et envols de clameurs, l’en est de même pour l’accompagnement, se déglingue de tous les côtés, bye-bye les grandes galopades dans les vastes plaines, un puzzle qui se disperse sitôt reconstitué, ces derniers temps le réel  a beaucoup changé, l’est sûr que cette désarticulation ressemble davantage au déploiement historial actuel. Comme Toi : ce coup-ci ils ne

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    mélangent pas les cartes, la vidéo vous raconte l’histoire du début à la fin sans oublier le milieu, une soirée entre potes déchirés par l’amitié et quelques adjuvants, puis l’embrouille avec un autre groupe, un zeste de violence et tout se termine comme ça avait commencé, trois potes, ensemble. La musique est douce, la voix est fluide, presque endormeuses, les jours heureux d’une jeunesse d’aujourd’hui comme toi. Regardez-nous, écoutez-nous, nous sommes comme vous. L’on n’a rien contre, mais déjà vingt-cinq pour cent de l’album entendu et pas de horde barbare à l’horizon. Ah, c’est vrai, ce sont les nouveaux Pogo. Shallow Time : tiens, les voilà, Constantin Cavafy avait raison de déclarer que ces gens – il parlait des barbares - que ces gens-là étaient, auraient pu être, une solution. Un cri, et les hordes mongoles déboulent, les Pogo mènent la harde famélique, vont nous bouffer tout cru, le rock c’est beaucoup sado et un peu maso, on l’aime comme cela, mais qu’est-ce que l’on croit, les temps changent, ils ont besoin d’un peu de temps tranquillou, ils ne hurlent pas, ils modulent, ils chantonnent, une guitare nous envoie de la marmelade, les giclées d’arsenic du vocal ne sont plus qu’un bon souvenir, se métamorphosent en douces mélopées enchanteresses. Je Mettrais Bien le Feu : ça y est la batterie fout bien le feu au bûcher funéraire, mais pourquoi ce vocal de messe basse, auraient-ils peur que l’on entende leurs raisons de tout brûler, dommage car leurs motivations nous plaisent, mais au lieu de nous les susurrer à l’oreille, ils devraient les gueuler bien fort, même la zique est en sourdine, boutez the fire, on vous passe nos briquets et nos allumettes, peine perdue, ils manquent d’essence et d’énergie. 10 Miles Away : un petit moment qu’ils nous balladent, l’on commence à fatiguer, l’on suit mais un peu de loin. Ten miles away.  Quelle est la Diff ! : on a eu raison de ne pas s’arrêter en route. Enfin un morceau dans le prolongement de Don’t Get Sore, ce n’est plus l’ancien Pogo, mais le nouveau, le volcan n’explose pas mais les coulées de lave engloutissent tout ce qui se trouve sur leur passage. Sur la fin un long pont de Tancarville que l’on pourrait qualifier de noise savamment orchestré. Cerveau Mort : pas besoin de mourir pour trouver du nouveau. Quel fouillis, inutile de chercher votre cervelle dans ce fouillis sonore, il y a longtemps qu’elle s’est débinée de votre occiput, quel ramdam, une véritable confiture pour les cochons fouilleurs que nous sommes. Roulons-nous dans la boue de cette bauge. Hatewatch : encore une mine antipersonnel balancée sur le parquet de la salle-à-manger, d’un côté ça tangue comme un catamaran sur une mer grosse et dans toutes les autres directions vous avez une pléthore de bruissements souterrains annexes qui vous ravissent, pardon qui vous dévissent les oreilles.  Même des barrissements de phoques barrissent sur la banquise. Un délice. Negative Skills : n’ont pas raté le titre éponyme, z’y vont de toutes leurs forces, vous bazardent leur triste philosophie de la vie avec un entrain qui vous réveillerait les morts dans les cimetières. Chantent et jouent à gorge déployée. Est-ce Que ça Vous Parle ? : n’ont pas été piqués par la mouche tsé-tsé mais par la tarentule de la folie. L’on retrouve nos bon vieux Pogo qui vous passent dessus avec leur bulldozer sans prendre la peine de s’arrêter pour vous demander s’ils sont sur la bonne route. J’ai Grave le Seum : ils ont la haine et ça s’entend, commencent vraiment à maîtriser leur nouvelle manière, une symphonie vocale éclatée et une zique à l’emporte-pièce de la vie insuffisante qui suit le mouvement sans oublier de le dépasser. 

             Une première face expérimentale pas tout à fait au point, mais une B qui attire et attise l’approbation.  A moins que ce ne soit un virage annoncé mais pas encore prononcé.

    Damie Chad.