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CHRONIQUES DE POURPRE - Page 47

  • CHRONIQUES DE POURPRE 528 : KR'TNT ! 528 : ROD STEWART / ROCK HARDI / GRYS-GRYS / ALICE CLARK / ILS / ROLLING STONES / CRIUM DELIRIUM / ROCKAMBOLESQUES

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 528

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    04 / 11 / 2021

     

    ROD STEWART / ROCK HARDI / GRYS-GRYS

    ALICE CLARK / ILS / ROLLING STONES

    CRIUM DELIRIUM / ROCKAMBOLESQUES

     

    Hot Rod - Part One

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    Tous les gens qui ont vécu les sixties et les seventies aux premières loges ont dans leur cœur une petite place pour Rod Stewart. Son passage dans le Jeff Beck Group fit pas mal d’étincelles. Il amena ensuite les Faces au tout premier rang de l’aristocratie du rock britannique et enregistra en parallèle une série d’albums solo - the Mercury albums - qui ont marqué certaines mémoires au fer rouge. Bon alors après, ça se gâte terriblement, puisqu’il s’en va faire fortune aux États-Unis, perdant au passage toute sa crédibilité de British rocker. C’est dingue comme ses fans lui en voulaient à l’époque, même John Peel lui en voulait, alors t’as qu’à voir. Mais ça n’empêchait pas les plus fidèles d’entre-nous de laisser traîner une oreille, car quand même, Rod The Mod avait ce qu’on appelle une voix, et on espérait secrètement son retour aux affaires, mais pas celles de l’immonde période diskö, non, celles de l’amateur de grosses compos. En gros, il a connu le même destin qu’Elvis : un gâchis extraordinaire de talent à des fins d’enrichissement personnel. Mais si on lit son autobio, l’animal s’avoue volontiers convaincu d’avoir eu raison de vendre son âme. D’ailleurs, chaque fois qu’il est confronté à une situation compromettante, il s’arrange pour la retourner à son avantage, et c’est chaque fois un peu limite. Mais bon, c’est Rod. Il a tous les droits, même celui de nous prendre pour des cons.

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    Prenons un exemple : tout le monde lui a craché dessus durant l’époque diskö-pants de «Da Ya Think I’m Sexy». Pour se justifier de ce désastre, il cite les ventes, des millions d’exemplaires vendus à travers le monde, les plus grosses ventes de sa ‘carrière’. Voilà le travail. Il en déduit que si ça plaît à des millions de gens, ça veut dire que c’est pas si mal after all. Il pratique cet art dialectique typiquement anglais qu’on appelle le cynisme. Ah tu m’accuses de ceci ou de cela, eh bien je vais te dire gentiment pourquoi tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’au coude, my friend. Il est même un grand spécialiste de cette tournure d’esprit, car évidemment, il ne supporte pas la moindre critique, surtout depuis que la reine l’a décoré. L’autre épisode puant dont il tente de se justifier est bien sûr celui de la fin des Faces. Plonk Lane l’avait flairé depuis longtemps, il voyait bien que ce pingre de Rod gardait pour lui ses meilleures compos - the Mercury albums - et comme Plonk n’avait pas digéré la trahison de Steve Marriott, il se méfiait de Rod comme de la peste. Au point de finir par quitter les Faces. Mais Rod est la réincarnation d’un renard, car il rejette la faute sur Woody, sans l’accuser directement, mais bon, vous savez, Woody jouait déjà avec les Stones, et ça n’est un secret pour personne, oui, oui, Woody était fait pour jouer dans les Stones, alors vous comprenez, sans Woody, les Faces n’avaient plus de sens, et donc voilà, direction Hollywood after all. Et puis vous savez, le climat là-bas, c’est pas pareil, vous avez le soleil. L’épisode le plus glauque est celui du old fart, c’est-à-dire le vieux pet. C’est ainsi que Johnny Rotten le surnommait dans une émission en 1977 - En 1977, Johnny Rotten called me an old fart. Not to my face, mais dans une émission de British télévision. J’avais 32 ans, donc je n’étais pas si vieux que ça. Et je n’étais pas non plus un pet, si vous voulez mon avis, et vous pouvez vérifier quand vous voulez - Il faut dire que Rod avait provoqué les punks en déclarant dans le NME : «There are no fucking safety pins falling of me.» Ce qui, ajoute-t-il, était provoquant, et c’était l’intention. Il se sort de cette histoire déplorable avec deux pirouettes : la première en rappelant qu’il était numéro 1 dans les charts anglais avec «I Don’t Want To Talk About It», juste devant «God Save The Queen». Le problème c’est que tout le monde se rappelle de God Save et pas de ton single, Rod. Deuxième pirouette : il rend hommage au mouvement punk : «Je ne dis pas que le punk m’a appris des choses, musicalement. Très peu, en fait. J’aimais l’attitude, le côté ‘vas-y et joue’. D’une certaine façon, c’était dans l’esprit des Faces. Mais pas la musique. La musique que j’aimais était la Soul, le rythm’n’blues, le folk, avec un peu de rock’n’roll pour faire bonne mesure. En même temps, le punk ramenait aux réalités. Il y avait tout à coup une poche de résistance. Il y avait un défi, un vrai public, un public très bruyant.»

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    Sacré Rod, il faut voir comme il embobine le lecteur. Comme il embobinait toutes ses gonzesses, car en gros, il a passé sa vie à draguer des grandes blondes, à les épouser et à les tromper aussitôt, et chaque fois, il trouve la bonne excuse pour se justifier, un truc du genre ‘oh la la je ne suis vraiment pas fait pour le mariage’. Tout ça pour dire que la deuxième partie de son autobio est un vrai calvaire, car Rod ne parle quasiment plus de musique, seulement de ses mariages et de ses divorces à répétition, le tout mélangé à des piscines et à des voitures de sport. Autant dire que ça pue, mais il est important de savoir que ça existe. Toujours la même histoire. Tant qu’on ne sait pas tout, on ne sait rien. Et l’histoire d’un mec comme Rod est une histoire importante qui encore une fois, jette un éclairage sur un destin comparable à celui d’Elvis. Disons pour simplifier qu’il s’agit à la fois d’un suicide artistique doublé d’une fantastique réussite commerciale. On vit dans ce monde, il est grand temps d’en prendre conscience.

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    L’autobio est entrelardée de courts paragraphes qu’il appelle Digressions. Les thèmes en sont ses passions, comme par exemple les trains électriques, l’art de se coiffer ou encore les voitures de sport. On a chaque fois tout le détail. Il est un peu l’inventeur avec Ginger Baker de cette imagerie de la rock star roulant dans Londres en Lamborghini. Dès qu’il a des sous, Rod craque. Il va s’acheter un bolide. Quand il signe son solo deal avec Mercury, il récupère 1.300 £, le prix d’une brand-new yellow twin-seater Marcos sports car. En 1964, il avait économisé sou à sou pour s’acheter une MG Midget (£430, précise-t-il), mais son père lui avait chipé ses sous pour payer une facture. Puis en 1968, il fit ce qu’il appelle le grand bond en avant avec a white Triumph Spitfire. Après la Marcos jaune du solo deal, il passe à une autre Marcos : a 2500 Ford V6 in silver grey - They were all the go in those days - Et en 1971, alors que l’argent coule à flots avec son solo deal, il se paye sa première Lamborghini : a Muria S - This Muria was a considerable investment: £6,500. Pensez qu’une maison comme celle que j’ai achetée à Muswell Hill valait à cette époque £5,000. My car valait donc plus cher que my house - Peu de temps après, il se paye une white Rolls-Royce, just for the heck of it. Quand en 1971, après le succès de «Maggie May», il s’installe à Windsor, il se paye une Lamborghini Espada. Après, ajoute-t-il, il y a eu deux ou trois autres Murias - Jeff Beck ricanait à propos de mes Lambos et de mes Ferraris. Il préférait les hot rods qu’il montait lui-même. Je les trouvais assez laids, avec ces gros pneus stupides à l’arrière et des gros pots d’échappement. Give me a Lambo, any day - Puis il part s’installer aux États-Unis et après avoir hésité pour une Corvette, il opte pour a Shelby Cobra. Il a aussi roulé en Porsche, mais au fond de son cœur, il préférait les Italian cars, for the beauty of them. En 2002, il sa paye une Enzo Ferrari pour rouler en Angleterre. Il adore rouler dans Londres en Ferrari. Il se paye ensuite une Ferrari Testarossa, une red Lamborghini Diablo et en 2009 a pale-blue Murciélago. Il précise un peu plus loin que sa passion était contagieuse, car lorsque les Faces ont signé avec Warner Bros., ils ont tous acheté des sports cars : «Ronnie bought a silver Mercedes 190SL, Kenny an MGA, Woody a red Jaguar and Mac a Triumph TR6.» Voilà, comme ça on sait tout.

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    Globalement, Rod suit la chronologie de sa mythologie. Il flashe sur Dylan en 1962 - Which is when I got to hear Bob Dylan’s first album. Now that really did move the earth - Il ajoute que cet album ne lui a pas seulement ouvert un horizon, il lui a dessiné son horizon - No other album has worked on me this way since - On comprend mieux pourquoi Rod a passé sa vie à truffer ses albums de reprises de Dylan. Puis il flashe sur Long John Baldry - un grand blond avec une voix énorme, un homme terriblement séduisant. Il avait du charisme à revendre et une énorme présence scénique. Il avait 23 ans quand je l’ai rencontré, juste cinq ans de plus que moi. Il s’exprimait à la perfection et il était toujours très bien habillé, il portait souvent a silver sharkskin three button suit with high-heeled boots - Comme des rumeurs circulent sur sa relation avec Baldry, Rod s’en sort avec une nouvelle pirouette : «C’était aussi un prodigieux buveur de vodka et un pratiquant invétéré de ce qu’il appelait the madness, ce qui était le nom de code pour des actes stupides in the name of fun. Il était aussi gay, et il m’a fallu du temps pour comprendre ce que ça voulait dire.» Il raconte ensuite qu’il s’est souvent retrouvé seul avec Baldry qui sortait de la douche avec une serviette nouée autour des reins, ou même parfois rien du tout - And this didn’t even register to me to my naiveté, as a signal - Plus loin, il se tire encore d’un mauvais pas avec Elton John : une photo les montre tous les deux à poil, mais dans des baignoires séparées, pas dans la même baignoire, il ne faut pas déconner. Baldry, c’est donc l’époque Hoochie Coochie Men, puis The Steampacket the first British Supergroup, un coup monté par Giorgio Gomelski autour de Long John Baldry, avec Brian Auger, Julie Driscoll et un Rod the Mod encore débutant. Julie Driscoll nous dit Rod travaillait alors pour Giorgio : elle ouvrait le fan mail des Yardbirds. Elle avait 18 ans et se disait passionnée de Motown. L’album de Steampacket est sorti sur le label du gros Giorgio en 1970, soit cinq ans après la bataille. Il présente un intérêt purement anecdotique et bien sûr les fans de Long John Baldry l’ont harponné au passage, pour l’entendre shouter sa fantastique version de «Cry Me A River». C’est Brian Auger qui ouvre le bal d’A avec «Back At The Chicken Shack», un big shuffle typique de l’early Trinity. Ricky Brown et Mickey Waller composent la section rythmique, mais c’est Vic Briggs à la guitare jazz qui vole le show. On l’entend encore faire des siennes dans le «The Inn-Crowd» qui suit et Rod the Mod vient duetter avec Jools dans «Baby Take Me». Il monte ensuite au créneau pour une version bien soulful de «Can I Get A Witness». Voilà, c’est à peu près tout ce qu’on peut en dire.

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    Rod profite de l’épisode Steampacket pour évoquer Sam Cooke : «Sam Cooke était devenu le real deal pour moi à cette époque, notamment deux albums, Night Beat (1963) et Sam Cooke At The Copa (1964).» Le groupe a duré un an - And we looked great, dressed to the nines, a complete fashion parade, on imagine le travail. Quand il est viré du groupe au terme d’un séjour à Saint-Trop, Rod monte Shotgun Express avec Peter Bardens et Beryl Mardsen, a gutsy singer from Liverpool. Il précise aussi que le guitariste s’appelait Peter Green et le batteur Mick Fleetwood.

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    Il touche enfin la terre ferme avec Jeff Beck. Enfin presque ferme, car les choses ne sont pas aussi simples qu’il y paraît - On a dit que je haïssais Jeff Beck, mais ce n’est pas vrai, ni pendant les deux ans et demi du Jeff Beck Group, ni depuis. Il y eut c’est vrai des périodes pendant lesquelles on devait faire des efforts pour se supporter. Le Jeff Beck que j’avais rencontré au Cromwellian était un type sérieux, très self-conscious et parfois assez brutal. Il pouvait être distant, mais à cette époque, il était déjà une rock star, ce que je comprenais. Nous allions former un groupe ensemble, son groupe, mais il y avait deux front-men, aussi existait-t-il une petite rivalité. On se respectait, c’est sûr, moi pour son jeu de guitare et lui pour ma voix et on savait qu’ensemble we could produce music that was pretty extraordinary - Pretty extraordinary ? C’est une évidence. Encore une fois, le Jeff Beck Group de Truth et de Beck-Ola est l’un des meilleurs groupes qui ait jamais vu le jour en Angleterre. Led Zep n’a jamais pu se hisser à leur niveau. Puis Rod entre dans le détail de la genèse et ce sont les pages les plus fascinantes de son autobio. Il rappelle que Jeff Beck voulait Jet Harris et Viv Prince comme section rythmique - Harris looked great, he had a big peroxyde hairdo, mais il était encore en convalescence après un accident de voiture, et il avait quelques problèmes avec l’alcool. Le jeu de batterie de Viv Prince faisait passer Keith Moon pour un conservateur. Jeff disait vouloir un hooligan à la batterie et Prince collait parfaitement, peut-être même un peu trop, d’ailleurs. On répétait dans une pièce au dessus du pub Prince of Wales on Warren Street et après une demi-heure de jam en mode twelve-bat blues, Jeff décida que ça n’allait pas et il les vira tous les deux - Rod finit par ramener son vieux copain Mickey Waller qui jouait avec lui dans Steampacket. Truth nous dit Rod fut enregistré en mai 68 à Abbey Road, en deux sessions de deux jours. Rod avoue que le Jeff Beck Group aurait pu devenir aussi énorme que Led Zep, qui, précise-t-il bénéficiait d’un gros avantage : des compos originales. Le Jeff Beck Group a tourné cinq fois aux États-Unis, où ils avaient bâti leur réputation, sur les traces des Yardbirds. Mais l’argent se fait rare. Mickie Most et Peter Grant managent Jeff Beck et donc le Jeff Beck Group. Un comptable nommé Derek Nibb verse des salaires de misère à Rod et Woody. Quand ils viennent voir Nibb le matin pour empocher leur salaire, Nibb les fait parfois poireauter jusque dans l’après-midi. Et puis en 69, Jeff Beck vire Woody, sous prétexte qu’il passe son temps à se plaindre et c’est la fin des haricots.

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    Grâce à cette expérience, Rod avait réussi à trouver son équilibre artistique, à avoir confiance dans sa voix, à s’approprier les chansons, une confiance qui avait grandi au cours de la période Long John Baldry et qui s’était cristallisée avec le Jeff Beck Group. Il savait alors qu’il avait un style à part, ce qu’il appelle distinctiveness.

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    Il entre ensuite dans la période des Mercury albums. À cette époque, Mickey Waller joue dans Steamhammer et quand Rod les voit sur scène, il flashe sur les deux guitaristes, Martin Pugh et Martin Quittenton. Ce sont eux qu’on entend sur les Mercury albums. Ils enregistrent le premier album en un peu plus d’une semaine. Il ressort «Man Of Constant Sorrow» du premier album de Bob Dylan et flashe sur l’«Handbags & Gladrags» que Mike d’Abo a promis à Chris Farlowe. Mais Rod insiste tellement qu’il finit par l’obtenir. Puis c’est Gasoline Alley et Every Picture Tells A Story, qui sera délogé de la tête des charts par l’Imagine de John Lennon. Côté ventes, Bridge Over Troubled Waters sera le seul album à surpasser Every Picture Tells A Story. Et bien sûr, Rod indique que «Maggie May» grimpe tout de suite en tête des charts, avant d’être délogé par «My Sweet Lord». Il est assez fier du niveau de ces mises en concurrence.

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    En parallèle démarre le wild ride des Faces avec Woody et les trois rescapés des Small Faces. Rod commence par raconter la fin, chacun voyage séparément et séjourne dans des hôtels différents, et chaque fois qu’ils s’adressent la parole, ça explose - But while it worked - God it was brillant! - Rod règle ses comptes avec Jag à qui il pose la question un jour de 1974 dans une party - Me: «Are you going to nick Woody from us?», Mick: «I would never do that.» - Mais les dés étaient jetés. Et quand Ronnie Lane quitte les Faces, Woody et Rod ont concluent qu’ils ont perdu le moteur du groupe. Avec Mac, Rod n’est jamais à l’aise. Il pense que des trois rescapés des Small Faces, Mac est le plus traumatisé, et il n’accorde pas sa confiance à Rod, the bloody singer. Mais bon le groupe fait comme dit Rod du good-time rock’n’roll. C’est leur slopiness qui les rend vulnérables et d’une certaine façon, entertaining. Rod avoue que les Faces utilisaient les fringues et l’alcool pour masquer leur manque d’assurance. Comme ils ne répétaient pas assez, ils préféraient monter bourrés sur scène, comme ça au moins, il n’y avait pas de problème. Rod rappelle aussi qu’au temps des Faces, le prog se répandait en Angleterre et il voyait les Faces comme l’antidote à ce poison de synthés et de mock-symphonies.

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    Pour l’illustration sonore de l’épisode Faces, on peut s’écouter un Rod Stewart & The Faces Live In London paru en 2007. Les Faces y font feu de tout bois, ils sonnent comme une grosse bécane, sans doute la plus grosse bécane de l’histoire du rock anglais. Avec «Take A Look At The Guy» on est en terrain connu. Seuls les Faces peuvent claquer des boogies aussi ravageurs. Ils chauffent leur «Sweet Little Rock’n’Roller» à blanc. On ne peut pas imaginer plus blanc que ce blanc-là. Rod the Mod adore aussi se vautrer dans le Rather Go Blind, et les Faces redoublent de facéties. On le sait, les Faces sont des facétieux. Ils sortent une monstrueuse version d’«Angel». Woody en fait trop, c’est dommage. Quand on a un chanteur comme Rod à côté, on le laisse chanter. Et le stade chante avec lui. Avec «I Can Feel The Time», on sent l’énergie d’un groupe in full flight. Puis ils font tout sauter avec «You Wear It Well». Ce fantastique shouter rentre dans le lard du Wear it well et l’apothéose s’ensuit avec «Maggie May», le hit anglais par excellence, en ce temps-là. La foule connaît les paroles de Maggie, alors c’est elle qui chante le premier couplet - It’s late september/ And I should be back at school - Version mythique - I know I keep you amused but I feel I’m being used/ Oh Maggie I couldn’t have tried any more - On avait tous ces paroles en mémoire à l’époque, avec celles de «Jumping Jack Flash» et d’«All Along The Watchtower». Dommage que cet abruti de Woody la ramène, il brise le charme. Quant aux quatre albums officiels des Faces, ils sont épluchés dans l’hommage à Woody mis en ligne en janvier dernier sur KRTNT.

    Côté dope, Rod ne rentre pas trop dans le détail. Ce n’est pas Johnny Thunders. Allez, un peu de coke au temps des Faces. Il en prend parce que bien sûr elle est gratuite. Par contre, Rod ne fume pas, il a peur d’esquinter sa voix - Cocaine was best of all - Quand avec Woody ils s’aperçoivent qu’ils ont des trous dans la paroi nasale, il se fabriquent des suppositoires de coke - Bingo, on a découvert que ça fonctionnait très bien - Il nous suffisait d’aller dans la salle de bains and insert the required medication French-style, via the Harris - Puis quand il se marie avec Dee, il devient un peu parano et interdit la dope à la maison, à cause des descentes de police qui devenaient de plus en plus fréquentes to poor old Keith Richards. Mais globalement, Rod veille toujours à garder le contrôle. Il ne veut pas se retrouver legless or face down and comatose. Vers la fin du book, il avoue qu’il n’a jamais acheté un seul gramme de coke. On le savait radin, mais pas à ce point. Même quand il veut payer un verre, c’est impossible, car il y a toujours quelqu’un qui veut lui en payer un.

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    C’est pendant qu’il vit avec Dee, de 1971 à 1975, qu’il change de mode de vie : «Maggie May» fait de lui une superstar. Il se retrouve au centre de l’attention, comme il dit. Il relate aussi un épisode bizarre qui se déroule au Tramp en 1977 : il relève un défi adressé par Keith Moon : booze and coke all nite long - Moon was always dangerous - Mais bien sûr Rod ne tient pas. Moon l’entraîne ensuite chez Woody, puis dans une party où ils ne sont pas invités et enfin chez lui à Chertsey et là Rod dit stop, ce qui fout Moony en pétard : «You fucking ponce, Stewart. Come back here and finish what you started.»

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    Rod s’arrête parfois devant son miroir pour faire le point : «God, j’adorais mon job à cette époque, et je l’adore toujours. Qui n’aimerait pas être une rock star ? Surtout dans les années 70. J’avais fait mon apprentissage dans les sixties et j’ai connu la consécration dans les seventies, une époque où tout était entièrement nouveau et surprenant. Personne n’avait vécu ça avant nous.» Rod s’installe aux États-Unis et redémarre avec Atlantic Crossing. Tom Dowd trouve que les Faces ne sont pas assez bons pour jouer sur les cuts que veut enregistrer Rod et propose les MGs à la place. C’est là qu’il entame sa période d’américanisation. Il perd tout son cachet de rocker anglais. Il perd aussi tous ses fans anglais. Il le sait puisqu’il en parle. Il évoque aussi tous les albums pourris qu’il enregistre à la suite, avec des chansons que lui impose la maison de disques - I was beginning to think of myself as entirely a voice to hire - Jusqu’au moment où il réussit à redresser la barre grâce à Clive Davis qui est le seul à trouver intéressante l’idée du Great American Songbook, à une condition : ramener le son des grandes orchestrations. Rod va en faire cinq volumes, sur lesquels on reviendra dans un Part Two. Car ces cinq volumes sont d’une certaine façon la cerise sur le gâtö.

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    Avec simplement deux boxes et si on manque de place, on peut faire le tour du propriétaire : Rod Stewart - Reasons To Believe: The Complete Mercury Studio Recordings et surtout The Rod Stewart Sessions 1971-1998 qui date de 2009. La deuxième box propose carrément quatre CDs de versions inédites des grands classiques du hot Rod. Ça commence par une early version de «Maggie May». Il se carapate vite fait dans la couenne de sa mélodie. Ce hit n’a rien perdu de sa grandeur totémique, surtout pour les adolescents qui montaient à Londres en stop et qui entendaient Maggie May dans les bagnoles. Tiré des sessions de Never A Dull Moment, voilà une early version d’«Italian Girls», co-écrit avec Woody. C’est le full blown des Faces, à l’âge d’or du rock anglais. C’est déjà très ouvragé, à tous les niveaux. On retrouve l’énergie du chant dans une alternate de «Lost Paraguayos», Quittenton gratte sa gratte et la basse entre dans la danse. Tiré de la même session, voilà «I’d Rather Go Blind» chanté au sommet du lard suprême. La beauté du chant n’en finit plus de subjuguer. S’ensuit une version fantastique d’«Angel», avec Woody in tow. Hendrix toi-même ! Dès qu’il ouvre le bec, Rod te fend le cœur. Il installe le rock anglais dans la lumière mythologique d’un espace préraphaélite. Les cuts tirés des sessions semblent toujours sonner mieux que ceux des albums, ils sont plus raw, moins lisses. Tiré des sessions de Smiler, voilà «Farewell» monté sur le modèle de Maggie May. Puis Rod the Mod rend hommage à Dylan avec «Girl From The North Country». Pas de meilleur hommage sur le marché. C’est écrasant de verdeur fanatique. Il est chaque fois au mieux de l’interprétation, comme le montre encore sa reprise du «You Make Me Feel Like A Natural Man» composé par Goffin & King pour Aretha. Il est fabuleusement juste. Immense artiste. Trop facile d’aller le critiquer. Il faut l’écouter chanter. Puis on entre dans la période Atlantic Crossing. Il enregistre une partie des cuts à Miami et l’autre à Muscle Shoals. Il chante avec un feeling écœurant. Le big cut est bien sûr «Tonight’s The Night», le hit absolu. Avec le disk II, on entre dans la période résolument américaine et Rod va y perdre des plumes. «Rosie» est enregistré à Los Angeles avec, entre autres, Steve Cropper et Carmine Appice. C’est autre chose. Rod fait le show tout seul. Il essaye de recycler son factory wall en Amérique, mais ça ne marche pas. Derrière lui, on sent la grosse équipe. Trop grosse. On perd la finesse de Mickey Waller. Rod continue de vouloir faire du boogie («Hot Legs»), mais c’est du boogie en plastique. C’est un peu comme si les musiciens américains tournaient le boogie des Faces en dérision. Rod redevient un chanteur d’exception lorsqu’il chante seul en s’accompagnant à l’acou : «You’re In My Heart». Il reprend de l’altitude avec «I Was Only Joking» - I’m not different alfter all - Hot Rod is back. Encore une merveille avec «Scarred & Scared», il dispose du même pouvoir que Dylan pour pousser une mélodie vers le firmament. Il se montre encore déchirant d’insistance avec cette reprise de Frankie Miller, «When I’m Away From You». Heureusement, tout n’est pas bon dans cette période d’américanisation. Quand il n’a plus de bonne chanson à se mettre sous la dent, il peut devenir pénible. Sa version du «Maybe Baby» de Buddy Holly est de toute évidence l’une des plus belles. Dans les pattes de Rod, ça devient énorme. Retour fracassant au vieux boogie avec «I Guess I’ll Always Love You». Il démarre son disk III avec un «Thunderbird» tiré des sessions de Tonight I’m Yours. Il se croit tout permis, même de faire du gospel. Le pire, c’est que c’est excellent, yeah yeah. Puis il s’enfonce dans le raunch de Los Angeles. Aucun des musiciens n’est connu. Terminé le temps de Jeff Beck et de Woody. Rod joue avec des pros de studio et ça s’entend, même si la voix est toujours là - Dancing alone - Mais quel chanteur ! Les pros de studio essayent de sonner comme des Anglais. Rod chante «Sweet Surrender» comme un dieu, il faut bien se rendre à l’évidence. Tout est superbe dans cette box, dès qu’il ouvre le bec, Rod est magnifique. Comment un mec peut-il être aussi doué ? Il fait le show, quoi qu’il arrive, il chante tout à l’arrache subliminale. Dans «Heaven», il ne reste plus que la voix. On n’écoute même plus ce que font les autres, derrière. Sur le disk IV, on trouve deux hommages à Bob Dylan : «The Groom’s Still Waiting At The Altar» et «This Wheels On Fire». Il enrichit sa fascination pour en faire du heavy dylanex. Cette box est de la dynamite. Le Wheels on Fire est tellement puissant qu’il donne la chair de poule. Rod le tape au heavy grrove. On tombe aussi sur le vieux hit de Python Lee Jackson, «In A Broken Dream», mais dans une version réactualisée. Seul un mec comme Rod peut allumer ça, alors il l’allume au power pur, comme il allume Dylan - Everyday I spend my time/ Feeling fine/ Drinking wine - Voilà le génie de Rod The Mod, il en rajoute, il lève ses petites tempêtes, il sort là une version dévastatrice. Il charge tous ses balladifs à l’extrême, comme le montre encore «Kiss Her For Me». Ça finit toujours par devenir extraordinaire. On tombe plus loin sur un «On And On» assez puissant, Rod prend feu. Il reprend aussi le «Rocking Chair» de Noel Gallagher et un cut de Paul Weller qui s’appelle «The Changing Man». Quel mélange ! Rod fout le feu partout.

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    L’autre box permet de faire le tour de l’époque Mercury qui est sans doute la plus intéressante après celle du Jeff Beck Group. Rod Stewart - Reasons To Believe: The Complete Mercury Studio Recordings regroupe sur trois CDs les cinq albums avec lesquels Rod The Mod a démarré sa carrière solo, en parallèle avec sa carrière dans les Faces. Vu d’avion, on est bien obligé de parler de carrière, mais en 1969, Rod The Mod se contentait encore de chanter et il fallait le voir taper dans la Stonesy avec «Street Fighting Man», il le cramait d’entrée, il le prenait à la Rod, droit dans l’œil, le sol vibrait, les Stones rêvaient sans doute de swinguer aussi bien, ça jouait derrière aux accords déconstruits, mais Rod chantait ça dans l’os du jambon, shhhh, il envoyait la Stonesy rôtir en enfer, il tournait Jag, Keef et le rock’n’roll band à la broche, il faisait de «Street Fighting Man» une sorte de version définitive. Voilà pourquoi on le prenait au sérieux. Oh cette façon qu’il avait d’attaquer ses vieux cuts, avec «Blind Prayer» il incendiait la nuit. Il était le brasero du rock anglais, ce que confirmait encore cette version somptueuse de «Handbags & Gladrags» qui rivalisait de power surnaturel avec celle de Chris Farlowe. Il pouvait aussi taper le boogie à l’anglaise («An Old Raincoat Will Never Let You Down»), puisqu’il avait Woody on bass et Mickey Waller au beurre. Ils restaient dans la foulée de Truth et de Beck Ola qui font partie des joyaux de la couronne d’Angleterre. Il fallait aussi le voir enflammer le lament de «Cindy’s Lament», un vrai killer, et ça repartait de plus belle avec Gasoline Alley, un album tout aussi impressionnant, avec cette version d’«It’s All Over Now» amenée à la déboulade de platform boots et chantée d’une voix de roi du rock, c’était tout simplement imparable d’I used to love her/ But it’s all over now. Rod The Mod était déjà devenu un artiste extraordinaire. Il rendait hommage aux Small Faces avec sa vision de «My Way Of Giving», pur jus de British Mythology. Il rendait un peu plus loin un autre hommage, cette fois à Eddie Cochran, avec «Cut Across Shorty», il lui rentrait dans le lard et le Shorty prenait feu aussitôt. Comme Jerry Lee, Rod The Mod travaillait toutes ses chansons au corps pour se les approprier. Et puis on arrivait à une sorte de sommet de l’art avec Every Picture Tells A Story, il devenait à la fois roi du rock et roi d’Angleterre, il fracassait des slowahs comme «Seems Like A Long Time» ou «Amazing Grace» et on glissait doucement jusqu’à «Maggie May», le hit de non-retour, le hit broyeur de cœur, l’overdose de nostalgie, l’Angleterre éternelle de notre adolescence, le plus puissant de tous les hits, le wake up magique du late september, fantastique swagger du rock de Rod, il le balançait au Rod island de Maggie, et ça montait encore d’un cran avec «Mandoline Wind» d’une pureté sans égale, il lançait ses mandolines et les frissons ravageaient tout, mais ça allait encore monter d’un cran avec l’«(I Know) I’m Losing You» des Tempts, il tapait cette fois dans le gros lard, il retrouvait les climats cataclysmiques de Beck Ola, il explosait son losing you et en livrait une mouture insurpassable. Avec Never A Dull Moment, il donnait l’impression de se calmer, mais «Lost Paraguayos» intriguait par son aisance instrumentale, ces guitares espagnoles donnaient le vertige, il semblait que tout, jusqu’à la moindre note, était hissé au sommet de l’art. Qui mieux que Rod the Mod pouvait cultiver l’insoutenable légèreté de l’être ? Il roulait son «Italian Girls» dans une farine de Stonesy, il chantait ça à la volée de bois vert et attaquait son hommage hendrixien («Angel») au raunch pur. Il semblait être en quête d’éternité, ce qui est la clé de la métaphysique de l’art. Avec «I’d Rather Go Blind», il fabriquait l’archétype du heavy blues de Soul, jamais aucun blanc n’avait chanté comme ça. Il attaquait Smiler avec un gros clin d’œil à Chuck, «Sweet Little Rock’n’Roller», c’est là qu’on entendait aboyer Zak, le chien de Mickey Waller et la machine infernale se mettait en route, par de meilleur shoot de down home boogie down, on avait là le boogie anglais dans toute sa magnificence, hyper-chanté, hyper-joué, Rod et ses amis battaient bien sûr les Stones à plates coutures, il bouclait toutes ses phrases au ollah, comme un matador. Il retrouvait son aura de boss absolu avec «Sailor», il explosait aussi Sam Cooke avec «Bring It On Home To Me», non seulement il l’explosait, mais il le magnifiait, il se marrait en plein couplet, bring out your sweet lovin’, il avait tous les pouvoirs, en plus du pouvoir royal, il disposait des pouvoirs du mage. Et puis comme dans toutes les boxes, il y a quelques bonus pour lesquels on se damnerait, du genre «You Put Something Better Inside Me» ou encore «Every Time We Say Goodbye».

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    Voici quelques temps paraissait dans Uncut une interview assez pointue de celui que Michael Bonner appelle the rock’s most celebrated playboy. Rod y rappelle qu’il a beaucoup aimé l’argent et la célébrité - Who wouldn’t? - Il répond ça à chaque fois, comme si au fond il avait un peu honte d’avoir tellement frimé. Mais bon, il n’est pas le dernier à rappeler qu’il a les moyens de sa frime. Et comme il aime bien rappeler qu’il n’est en fait qu’un fils de North London plumber parvenu au sommet, Bonner s’en émeut. Rod n’aurait donc que peu d’estime de lui-même ? Allons allons, calme-toi, Bonner. Un Bonner qui poursuit sur sa lancée et qui a sans doute lu l’autobio, car il révèle que Rod est construit sur deux valeurs, la famille et le foot. Il oublie le blé. On voit bien qu’il tente d’assainir la réputation de Rod. Il va lui falloir douze pages pour ça, et ce n’est pas gagné. Après la famille et le foot, arrive Dylan. Oui, on le sait, un Bonner n’arrive jamais seul. Le problème c’est que Bonner amène Dylan comme une caution intellectuelle. Rod évoque le first Dylan album qu’il écoutait night and day, mais il avoue s’être ennuyé quand il a vu Dylan sur scène. Il met d’ailleurs dans le même sac Van Morrison, qui passe deux heures sur scène sans lever la tête. Rod va même jusqu’à avouer que ses filles auxquelles il avait payé des places pour voir Van étaient sur leurs portables au bout de deux cuts. Et il nous refait le coup de la pirouette : «But he is great, so is Bob.» Comme il n’a pas fait d’études, Rod avoue avoir appris l’art d’écrire des chansons en écoutant du folk. Bonner le branche sur le Jeff Beck Group et les tournées américaines, et là ce frimeur de Rod raconte qu’il étaient meilleurs que Sly & The Family Stone - gave them a run for their money - et il ajoute : «We blew the Grateful Dead way off the stage.» Bonner tend ensuite une perche grosse comme une poutre à Rod à propos de Led Zep qui leur a volé leur thunder. Et Rod avoue que c’est vrai, Jeff Beck le vivait mal, Jimmy Page, John Paul Jones et Robert Plant venaient les voir jouer sur scène et prenaient des notes. Pour Rod l’explication est simple : «We had the same manager, Peter Grant. Prick he was.» Ce gros malin de Bonner branche Rod sur l’album que Robert Plant et Alisson Krauss ont enregistré ensemble, Raising Sand. Alors, oui Rod aimerait trouver la girl pour duetter sur du stripped down comme ça - Bonnie Raitt would be great - Il y pense. Chaque chose en son temps, mon bon Bonner. Rod rappelle dans la foulée qu’il a vendu 27 millions de Great American Songbook, alors t’as qu’à voir ! Quand Bonner prend l’exemple de Ronnie Lane qui a fini sa vie dans une caravane, Rod dit que oui, la caravane ça plaisait à Ronnie, mais lui il préfère avoir ses quatre baraques : une à Hollywood, une en Floride, une à Londres et une autre dans le Sud de la France. C’est tout Rod. Il ajoute que tout ça est destiné à ses gosses et qu’il a bâti cette fortune uniquement avec sa voix. Et il n’en finit plus dit-il de trouver ça amazing.

    Signé : Cazengler, Rote tout court

    Rod Stewart. Reasons To Believe: The Complete Mercury Studio Recordings. Mercury 2002

    The Rod Stewart Sessions 1971-1998. Warner Bros. Records 2009

    Rod Stewart & The Faces Live In London. Immortal 2007

    Rock Generation Vol. 6. The Steampacket. BYG Records 1970

    Michael Bonner : Never A Dull Moment. Uncut # 250 - September 2018

    Rod. The Autobiography. Century 2013

     

    Rock Hardi moussaillon ! - Part Two

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    Fanzine libre et autonome, Rock Hardi continue son petit bonhomme de chemin, va de ferme en château, chante pour du pain, chante pour de l’eau, Rock Hardi est heureux et libre enfin.

    Le point d’orgue du 58 est sans aucun doute l’interview d’Alain Feydri qui ne nous apprend rien de plus que ce qu’on sait déjà de sa modestie, de son refus du piédestal, de cette façon qu’il a rejeter les lauriers sur les autres, de son horreur des compromissions et de sa sainte constance contestataire, avec tout le décorum qu’il faut, surtout lorsqu’il évoque le Figaro et les rockers sombrés dans la beaufitude. On profite pleinement de ces six pages et de cette faconde périgourdine pas si éloignée du long fleuve tranquille de sa prose, une prose qui ne veut pas dire son nom et qui fait bien entendu le charme discret de son Bourgeois Blues. Lorsqu’il évoque ses anciennes admirations, il ressort les noms d’Alain Dister, de Jean-Noël Coghe, de Jocelyne Boursier, des noms avalés par l’oubli, et puis bien sûr Garnier, mais ça s’arrête là, il veille à ne pas faire trop étalage de sa culture littéraire qu’on devine planquée derrière le rideau de pourpre de sa bonhomie. Curieusement, ces six pages prennent tout leur sens, puisqu’il s’agit de l’interview d’un vétéran du fanzinat par un fanzinard, et c’est d’autant plus remarquable qu’il s’agit d’un propos qui se tient. On ne passe pas à travers, comme c’est hélas souvent le cas. Quand on avait retrouvé Gildas à Binic en 2019, dans la maison qu’il louait avec ce qu’il appelait «l’ambassade toulousaine», l’Azerty Blues d’Alain Feydri trônait sur le buffet. On tourne la page et sur qui qu’on tombe ? Gino & The Goons, un groupe que Gildas passait régulièrement dans le Dig It! Radio Show. Et quand il passait régulièrement un groupe, ça voulait dire ce que ça voulait dire. Le chapô a raison de dire que ce groupe reste confidentiel. Gino & The Goons sont basés en Floride et Tim Warren leur donne un coup de main au mastering. Gino dit aimer les Stones, Dead Moon, Link Wray et des tas d’autres gros trucs, il en a la bouche pleine. Ah ces Américains ! Ils ne savent pas s’arrêter. Par contre Dan Sartain sait s’arrêter, il fait preuve d’une étonnante modestie. Il a sans doute cassé sa pipe très peu de temps après cette interview. On y apprend qu’il travaillait à une époque dans une pizzeria et qu’il est ensuite devenu propriétaire d’un salon de coiffure (barber shop). L’homme paraît incroyablement désintéressé. Il rend un hommage furtif à John Reis, via Swami Records. C’est avec lui qu’il a enregistré deux de ses meilleurs albums (Dan Sartain Vs The Serpientes et Join Dan Sartain). On apprend plus loin que le film sur les Country Teasers - This Film Should Not Exist - n’est pas de Nicolas Drolc mais de Massimo Scocca et Gisella Albertini, qui avaient suivi la tournée Crypt en 1995. Ils avaient filmé en super 8. Mais comme ils ne savaient pas monter, c’est resté à l’état de rushes. Alors Drolc leur a proposé de «reprendre» le projet. C’est vrai que le résultat est surprenant, c’est un vrai film rock avec toutes les qualités de ses défauts. On en a parlé ici en novembre 2020. Drolc reconnaît que c’était «intelligemment filmé». Là où Drolc devient bon, c’est quand il explique qu’il n’a pas de retours presse pour la promo de ce film - mis à part les fanzines - parce que dit-il, «toute la presse musicale branchouille parisienne se fout éperdument des Country Teasers depuis 25 ans.» Bien vu. L’underground reste l’underground et c’est sans doute ce qui le sauvera. L’autre morceau de résistance du 58, c’est bien sûr l’interview de Little Bob que les Havrais appellent ‘Ti Bob. On peut même parler d’une interview fleuve. Chaque fois qu’il prend la parole dans la presse, Bob raconte des histoires rocambolesques, il entre dans les détails et on sent nettement le vécu. Il revient sur les deux Mont-de-Marsan (76 et 77) pour balancer quelques anecdotes croustillantes, on se croirait dans la cour du lycée, puis il attaque sur les tournées en Angleterre à l’époque où les punks anglais crachaient sur les musiciens : il nous sort l’histoire hilarante des 500 crachats sur Téléphone, en première partie des Ramones à l’Hammersmith. Il n’est pas très charitable pour Marc Zermati qui de son côté ne l’était pas non plus pour lui, mais ça c’est leurs histoires. Bob est tellement en verve que Rock Hardi doit lui couper la chique, il a déjà douze pages, donc il faut réduire la cadence. Alors Bob fait un crochet au Havre pour saluer les François Premiers, puis il raconte son concert à Matignon pour l’ancien maire du Havre qui était alors Premier Ministre. Tout cela nous replonge bien sûr dans des vieux souvenirs de concerts, notamment un set à la salle Sainte-Croix-des-Pelletiers, early seventies, où entre deux morceaux Bob demandait au public : «Est-ce que vous m’aimez ?», il faisait son Johnny et ce n’était pas du meilleur goût. Et puis un autre souvenir, plus tard, à la Villette, un copain appelle pour dire qu’il y a les Pretties sur scène, ah bon ? Alors on y va, mais c’est un set des Blues Bastards et effectivement Phil May apparaît pour faire les chœurs pendant les rappels. Épisode très bizarre, une sorte de monde à l’envers. Sur le CD du 58, on trouve deux cuts de Bob. Mais Gino & The Goons raflent la mise avec leur heavy Dig It! stuff. «Do The Get Around» est bien explosé, ces mecs sont des gros dingues de trash gaga-punk, c’est vite plié des gaules, Gildas ne s’était pas fourré le doigt dans l’œil, on a tout là-dedans, la dégueulante et les guitares qui saturent, pas de pire équipe sur cette pauvre terre ! L’autre grosse surprise, ce sont les deux cuts des Needs d’Aix qui ont aussi leur interview. Ils sont bons, ils jouent au bord de la perte d’équilibre, c’est noyé de son et ce mec épelle ses lettres dans le chaos, D, O, R, A. Encore mieux : leur «Dead Fish» est digne des Heartbreakers. Chapeau bas.

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    On reste dans les ténèbres de l’underground avec le 59 et El’Blaszczyk. Pour se rappeler comment ça s’écrit, il faut juste mémoriser le sz-cz, après ça revient tout seul. Là, on entre non pas sur les terres du Comte Zaroff mais sur celles de Mono-Tone, le label underground par excellence. Et comme le chapô parle de Dada, c’est dans la poche. Et en plus, El’Blaszczyk se réclame de «Vian, Yanne, Averty et Mocky». Il a tout bon. D’où sa nostalgie. Nostalgie d’une époque qu’il aurait voulu vivre. Passion pour les apéros démodés et pour les apéros atomiques du futur. Puis dans le feu de l’action, il cite des héros du temps passé : Boby Lapointe, Pierre Vassiliu et Ricet Barrier, Hector et Henri Salvador, Ginette Garcin et Arletty, et puis Fernandel pour «sa diction hyper-articulée». Ça fait des bulles dans Rock Hardi ! On trouve d’ailleurs deux cuts d’El’Blaszczyk sur le CD du 59, «Pop Scoteka» et «To Jest Drogo». C’est du rococo aquatique, pour y entrer, il faut chausser des palmes et ne pas oublier le tuba. Plus loin, Alain Feydri interviewe les Toulousains de Don Joe Rodeo Combo, qui disent vouloir marier Link Wray à Baudelaire et qui en sont à leur troisième album. Démarche intéressante et références intéressantes (MC5, Gainsbourg, Count Five). Alors on écoute «Rien Dans le Cœur» pour se faire une idée. Joli coup, c’est bien foutu, bien monté, bien introduit dans la vulve du son.

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    Puis Rock Hardi salue bien bas le nouvel album des Demolition Doll Rods, qui arrive quatorze ans après la bataille. On sait tout de la reformation et bien sûr Larry Hardy fait paraître l’album sur son label. On y reviendra, c’est sûr. Quant à Paul Roland, il n’évoque pas Fernandel ni Boby Lapointe, mais Bram Stoker et MR James. Il rappelle qu’il fut dans les années 80 sur New Rose et Bam Caruso, ce qui fait de lui un artiste culte, un de plus. Comme on ne le connaît que de nom, on profite des deux cuts que propose le CD : dark folk capiteux, ce mec cherche la petite bête dans les dark shades. C’est un autre monde, loin là-bas, comme dirait Huysmans, mais avec un étrange goût de revienzy. Oh ! Voilà les Psychotic Youth, reformés à la demande de Kurt Baker, un autre chouchou de Gildas. Comme le monde est petit. Les Psychotic Youth furent à une époque les rois de la power-pop. Attention, cette équipe de popsters suédois compte parmi les plus puissantes du monde. La compile Bamboozle parue en 1994 offre un joli panorama des Psychotic possibilities. Bien bombardée au bassmatic, leur reprise du mythique «When You Walk In The Room» de Jackie DeShannon pourrait bien te faire tomber de ta chaise, on t’aura prévenu. Par contre, «Summer Is On» sonne trop pop, trop sunshine, à force de bonne humeur et de dents blanches. Disons qu’ils passent leurs Nerves. «MTV» ne manque pas de power et «Mercy» confirme l’excellence de la globalité. Si on en pince pour les Nerves, Psychotic Youth est une bonne adresse. On sent même une certaine virtuosité poppy dans «Elevator Girl». Ils évoluent à un très haut niveau frénétique, c’est sûr. Ils finissent l’A avec l’excellent «Hang Around», pur jus de juke. Ils reviennent en B niaquer «How Long Will It Take». C’est une compo de Peter Case, ce qui ne surprendra personne. Ils passent au blasting pop-punk avec «Hot Red Girl», très joué, très rythmé, très sain. «Speak The Same Language» sonne aussi comme un hit et ils stompent «The Girl’s Alright» à l’exaction psychotique, ce qui paraît logique pour des Psychotic Youth. Le conseil qu’on pourrait donner serait de ne pas les perdre de vue. Ce que fait très bien Rock Hardi, qui en plus balance dans le CD un joli shoot de «Take You Down». Avec ça, ils sont tout de suite au power-top de la power-pop, avec du son, des chœurs et de la wah qui giclent dans tous les coins. Et juste avant eux Johnny Jetson casse bien la baraque avec un «Love Me For My Car» bourré de ferraille et de swagger, il fait un glam de dépouille et c’est excellent. Il récidive aussitôt après avec «Knocked Out», il ramone le créneau de la cheminée, c’est-à-dire qu’il joue avec le feu du power gaga-punk. Et puis Rock Hardi tend son micro à Nicolas Moog dont le big Underground fait actuellement la une de l’actualité bédéto-éditoriale. Tout le monde en parle, une expo est même prévue au 106, avec un concert du groupe de Moog, Thee Verduns. Moog parle d’un ton très direct, sans fioritures, il n’aime ni les patrons, ni les banquiers et dessine dit-il pour survivre.

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    Un peu plus loin figure la chronique d’une compile intitulée Sous Le Soleil Du Midi. Belle coïncidence, puisqu’on en a rencontré l’instigateur voici deux semaines chez Parallèles, aux Halles. L’homme est très attachant et très féru, et la moindre des choses est d’écouter cette compile qu’il n’hésite pas un seul instant à offrir. Elle raconte l’histoire «du temps où Montpellier rockait», le temps du «french punk rock» des années 80, et l’époque où Raph a monté son studio, La voix de son chien. Dans le petit texte de présentation, il rend hommage à OTH et aux TV Killers qui sont dit-il les parrains du projet, et qui ont chacun deux cuts sur la track-list. Trois choses. Un, à l’écoute de l’ensemble, on sent pointer un réel enthousiasme. Comme la scène toulousaine, celle de Montpellier devait être joyeuse et bourrée de cette énergie festive qu’on appelle aussi l’énergie de l’apéro. Here we go ! On va voir jouer des groupes pour s’amuser. Deux, on trouve pas moins de six hommages à Johnny Thunders, tous bien calibrés, à commencer «You Can’t Get Your Arms Around A Memory» repris par le Général Alcazar, oui oui, celui de l’Oreille Cassée. On trouve un peu plus loin une solide version de «Pipeline» signée Jeff Dahl, aussi solide peut-on dire que celle qui ouvre le bal de So Alone. The Electric Buttocks trashent l’«All By Myself» des Heartbreakers, on ne sait pas si c’est délibéré, mais ça passe comme une lettre à la poste, comme quoi il faut parfois savoir se montrer inonoclastic. Puis la Deconnection tape le «Treat Her Right» qui se trouve sur Copy Cats, ils sont bien dans l’énergie de l’hommage, quelle belle avoine ! Les Mystery Boys s’éreintent à vouloir jouer l’un des cuts les plus difficiles à jouer, «Personality Crisis», et ça se termine avec Chris Waldo et un «In Cold Blood» gratté dans l’aléa. On aimait bien Johnny Thunders à Montpellier, c’est la deuxième bonne nouvelle de la compile. Trois, on a droit à une petite révélation. C’est la raison pour laquelle on écoute les compiles. Cette fois, la révélation s’appelle Splurge. Comme OTH et les TV Killers, ils ont deux titres, dont un «Watch Out» qui ouvre le bal. Après une intro de basse incertaine, le Watch Out est vite rattrapé par les requins, c’est-à-dire la guitare disto et le chant qui veut bien. On dresse l’oreille car le mec chante bien. Splurge est heavy on the sludge. Ils sortent une véritable purée à l’anglaise. Ce que va confirmer «You». Le mec chante à l’héroïque, comme Johnny Rotten. Fantastique qualité du chant doublée d’une fantastique qualité du jeu de guitare. Sinon Raph jouait avec son groupe les Rabbit Stoïks un heavy punk de la nuit tombée qui tenait bien la route. On entend aussi les Circlips ferrailler leur «Bill Gates» et il faut attribuer une mention spéciale au batteur des Brain Sneakers car il bat «Bad Girl» à la diable vauverty. On entend rarement des mecs battre aussi sec et sick. On l’entend moins dans «Crazy Hospital» car ce brûlot est couvert par les guitares. On ne peut pas tout avoir.

    Signé : Cazengler, Rock Hardu

    Rock Hardi # 58. Fanzine libre et autonome.

    Rock Hardi # 59. Fanzine libre et autonome.

    Sous Le Soleil Du Midi. La Voix de Son Chien 2021

     

    L’avenir du rock

    - La nuit tous les chats sont Grys-Grys

     

    En quête d’exotisme, l’avenir du rock se paye un voyage en Jordanie. Petit, il a lu et relu Coke En Stock et il s’est juré qu’il irait visiter Pétra, la cité sculptée dans la roche, quand il serait grand, et qu’il ferait ça à cheval, comme Tintin et le capitaine Haddock. Il arrive à Amman, pose son sac à l’hôtel et se rend au marché pour acheter un cheval. Mais ce n’est plus la saison. On lui propose un dromadaire. Bon d’accord. Le lendemain à l’aube, il part en direction de Pétra avec un équipement léger et sa boussole. Bon, la boussole, c’est de la frime, il n’a jamais su s’en servir. Il faut savoir que l’avenir du rock a ses petites manies, comme tout le monde.

    À la sortie de la ville, un paysan lui indique la direction.

    — Wallah wallah, sahib !

    Il fait route pendant tout le jour, dodelinant au sommet de son dromadaire comme Lawrence d’Arabie. De temps en temps, il sort sa boussole, mais il ne comprend rien. Le soleil se couche et il se retrouve en plein désert. Comme il a la trouille des serpents et des araignées, il reste perché sur son dromadaire pour somnoler. Bien sûr, il se casse la gueule. Il ordonne au dromadaire de s’agenouiller pour pouvoir remonter.

    — Yallah !

    Il remonte en selle.

    — Yalloh !

    Le dromadaire se redresse.

    Pendant trois jours, l’avenir du rock erre dans le désert. Il ne se doute même pas qu’il est arrivé en Syrie. Et pouf, pas de pot, il tombe sur une patrouille de l’État Islamique qui l’accuse d’être un espion américain.

    — Amelican ! Amelican !

    Ils le ramènent au camp pour le décapiter. L’avenir du rock n’a pas besoin de comprendre l’arabe pour savoir ce qui lui pend au nez. On le jette dans une cabane après l’avoir roué de coups.

    Pas de remords. Se planter, ça arrive à tout le monde, même à l’avenir du rock. Pour dédramatiser, il sort sa phrase favorite : La nuit tous les chats sont Grys-Grys... Après tout, finir comme Danton et Robespierre, c’est quand même plus classe que de finir dans un Ehpad à la mormoille.

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    En 2019 paraissait le premier album sans titre des Grys-Grys, l’album du phare, comme on dit chez les Bretons, puisqu’on les voit photographiés au sommet d’un phare. Ils sont toujours dans le british Beat, mais avec un parfum psyché extrêmement capiteux. «The Day» n’est pas très loin des Sorrows. Sous la peau du beat, ça gronde d’excellence, notamment dans «Brother Tobio». Ils se livrent à de sacrées remontées d’intérêt général. Mais ça commence vraiment à chauffer en fin d’A, avec «Got Love», qui est lancé comme Boom Boom, avec un rentre-dedans de revienzy à l’anglaise. Et ça continue avec «Satisfy The Lord Of Anarchy», un exercice de style digne du raunch des early Stones. Pas de problème, les Grys-Grys savent couler un bronze. C’est même un sacré coup de génie. Le festin se poursuit en B avec l’effarant «In A Loop». Ils rentrent dans le lard de la mad psyché et les ponts sont dignes non pas de la rivière Kwaï, mais de la rivière Who, alors t’as qu’à voir. Ah mais ce n’est pas fini ! Voilà qu’arrive au galop «She Just Left» un solide boogie blast embarqué à coups d’harmo, bien râblé et joué dans la chaleur de la nuit. Quelle violence, c’mon ! Ils sont en plein essor avec «Daylight Robbery», un boogie rock à la sauce sixty-five, leur son tient du meilleur teenbeat anglais, all the rage, ils naviguent au même niveau que les Downliners, les Pretties et les early Stones. Encore une horreur d’exaction parégorique avec «It Ain’t Right». Ils labourent les côtes du lard et alimentent la polémique. Rien de ce qui est excellent ne leur est étranger.

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    Leur deuxième album paraît sur Norton cette année et s’appelle To Fall Down. Pochette fantastique, l’image rivalise de grandeur tutélaire avec celle de la pochette du deuxième MC5, photo noir et blanc de backstage fumant, wow wow wow, back in the USA ? On se frotte les mains, miam miam, on lance l’A et on tombe sur un «I’m Going Back» assez classique qui peine à gicler, même s’il sonne bien les cloches. Comprenez qu’on attend des miracles de ces mecs-là. Pas facile de vouloir créer la sensation en permanence, ce n’est pas automatique et ce n’est pas non plus un métier. Il faut être béni des dieux pour ça. Ça devient poppy avec un «Tell Me» qui ne fonctionne pas et «Watching My Idols Die» renvoie sur l’Heart Of Stone des early Stones. L’A retrouve enfin des couleurs avec un «See Me Frown» plus psyché, chauffé à coups d’harmo, un Frown qui renoue avec les sixties et l’évangélisation de la jeunesse américaine par les tenants et les aboutissants de la vieille Angleterre. Tu cherches la viande ? Elle est là, en B, avec «Milk Cow Blues», amené au Downliners stomp, en fourbasse, par en dessous. C’est là qu’ils sont bons, dans le raw de l’heavy British beat, dans l’aube claire du rock anglais, ils sont dans le Don Craine et le Phil May de l’origine de tout. L’autre hit de l’album est le morceau titre qui referme la marche. Belle cavalcade, ils restent dans la fière allure avec une basse bien sous-jacente et un killer solo flash salement envenimé. Ils adorent le son bien ferme sous la peau du beat, avec des guitares dans le coin de l’oreille, comme celles des Groovies et des descentes de chant dignes de celles de Roy Loney.

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    Ce serait bête de faire l’impasse sur les premiers singles des Grys-Grys qui étaient certainement les plus explosifs. Bon exemple avec «Left Unseen/It’s Mighty Crazy», joli slab de fuzz punk rave up, ultime purge de surge, digne des géants du genre, surtout le Mighty Crazy de Lightning Slim que les Grys-Grys font sauter à la dynamite.

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    Les Grys-Grys auraient splitté. L’avenir de rock a raison, la nuit tous les chats son Grys-Grys.

    Signé : Cazengler, gras-gras

    Grys-Grys. Les Grys-Grys. Groovie Records 2019

    Grys-Grys. To Fall Down. Norton Records 2021

    Grys-Grys. Left Unseen. Dirty Water Records 2015

     

    Inside the goldmine

    - Alice au pays des merveilles

    Allongé sur la plage, il scrutait l’immensité du ciel. Il réalisa soudainement qu’il n’était pas grand chose, comparé à cette immensité et ce sentiment lui plut énormément. Par contre, sa bite en érection le ramenait aux réalités terrestres. Il avait tellement la trique qu’il voyait le gland pointer sous l’élastique du maillot de bain. Il faisait déjà chaud sur la plage, il sortait de l’eau. Il venait de passer sa première nuit dans les bras d’une gonzesse. Son esprit et son corps d’adolescent étaient encore en chantier. Elle s’appelait Alice et elle l’avait invité dans sa tente au camping. Elle venait de Cherbourg et sa mère tapinait sur le port. Alice avait des seins extraordinaires et il ne comprenait toujours pas pourquoi elle avait opté pour lui, et pas pour l’un de ces beaux mecs un peu plus vieux, comme Mao et Philou qui avaient du poil sur la poitrine et des grosses rouflaquettes. Ces mecs se baladaient sur la plage avec leurs paquets de clopes glissés dans l’élastique du maillot de bain. Ils venaient des banlieues et portaient des tatouages dans le dos et sur les bras. Ça nous faisait tous rêver. Il se remémorait toutes les secondes de cette première nuit, il se revit se glisser dans le duvet qu’elle avait ouvert, puis il la revit défaire son soutif et tout le bataclan à la suite, la motte, la main, laisse-moi faire, et puis la voix de sa mère dans la tente voisine, fermez-vos gueules, on voudrait bien dormir. Il sentait que sa bite allait exploser. Alors pour calmer le jeu, il retourna à l’eau et nagea un peu. Puis il revint s’étendre sur le sable mouillé, et se mit à chanter un truc qu’il aimait bien et qui passait à la radio cet été-là - J’avais dessiné sur le sable/ Son doux visage qui me souriait/ Puis il a plu sur cette plage/ Dans cet orage, elle a disparuuuu - Il ne comprenait rien à ce sentiment nouveau fait d’attirance sentimentale et de désir animal, alors il se mit à hurler : «Et j’ai crié/ Crié/ Aliiiiiice/ Pour qu’elle revienne/ Et j’ai bandé/ Bandé/ Oh j’avais trop la triiiiiique !».

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    Évidemment, Alice Clark n’a rien à voir avec l’Alice de la plage abandonnée. Alice Clark est une petite black que Lewis Carroll aurait pu choisir s’il avait bien sûr possédé un tourne-disque. Pour ceux qui la connaissent, Alice Clark c’est Alice au Pays des Merveilles. Il n’existe qu’un seul album d’Alice paru en 1972, un album sans titre. Et puis Ace qui fait toujours bien les choses a sorti en 2010 The Complete Studio Recordings 1968-1972, sur lequel on s’est tous jetés.

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    Attention, Alice Clark est un peu à part. Le mec qui la présente pour Ace, Dean Rudland, parle d’acid jazz et de modern soul scene et bien sûr ce sont les Anglais qui l’ont redécouverte dans les années 90, ce qui a fait flamber le prix de l’album paru en 1972. L’album original vaut aujourd’hui 500 euros. Par chance, il a été réédité. En tout, elle n’a enregistré que quinze cuts, dont dix figurent sur son unique album. Comme les Crystals, avec lesquelles elle partageait d’ailleurs le même manager, Alice venait de Brooklyn. Elle tenta de percer pendant trois/quatre ans, puis nous dit Rudland, elle s’est retirée du biz pour s’occuper de ses enfants. Rudland a fini par retrouver sa trace via l’un de ses sept petits-enfants, Ace Clark, qui explique qu’Alice a cassé sa pipe en bois assez jeune, en 2004 et qu’elle n’a jamais su qu’elle était l’une des reines des dance-floors britanniques. Reine tout court serait-on tenté d’ajouter.

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    Oui, rien qu’à la voir, que ce soit sur la pochette de son album ou sur celle de la compile Ace : elle a le port d’une reine de Nubie et des seins extraordinaires, comme l’autre Alice, justement, celle de Cherbourg. Dès l’«I Keep It Hid» de Jimmy Webb, on assiste à un stupéfiant concassage du rythme, le son s’étale dans l’éclat d’un matin magique, elle transforme la Soul en mer étale, avec une fabuleuse dynamique d’acid jazz - Maybe someday - C’est l’un des sommets de l’art. L’autre coup de génie s’appelle «It Takes Too Long To Live Alone». Elle attaque son groove de jazz de front, elle se swingue à la vraie vie, elle est dans cette puissante certitude, dans les tréfonds du sensible, elle chante à l’intelligence pure du son, elle ne module que des pulsions et des émotions, elle en jette partout, elle rayonne d’espoir, elle devient une merveille inexorable, elle poussent des ahhh qui atteignent les zones érogènes. Avec l’«Hey Girl» d’Earl de Rouen (qui est le percussionniste de Donny Hathaway), elle entre dans le lard de la Soul par le jazz, c’est stupéfiant d’audace, elle va droit sur Sarah Vaughan. Et le solo de sax vaut bien ceux de Charlie Parker.

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    L’autre info essentielle, c’est que l’album est sorti sur le label de Bob Shad, Mainstream. Shad était un amateur de jazz qui se mit à sortir des albums de rock quand il a vu que ça se vendait, notamment le premier album de Big Brother, puis il est passé à la Soul avant de revenir à ses premières amours, le jazz. Et Alice. On trouve aussi trois cuts de Bobby Hebb sur l’album, notamment l’excellent «Hard Hard Promises» qu’Alice chante par dessus les toits, elle pousse son bouchon tant qu’elle peut. Hebb signe aussi l’excellent «Don’t You Care», embarquement pour Cythère immédiat, elle swingue sa Soul comme une reine de Java, elle grimpe au sommet des bouquets de cuivres, elle fonctionne au vif argent, elle court dans le son comme le furet, elle brille de mille feux, elle règne sans partage sur l’acid jazz, don’t you care ! Elle tape un autre hit d’Hebb, «Charms Of The Arms Of Love», plus groovy, elle s’y faufile néanmoins comme une déesse, et là on arrive une fois encore au paradis. Et puis voilà les inédits, «You Got A Deal» de Billy Vera, on se croirait sur un album d’Aretha, c’est exactement le même son, elle monte bien sur ses grands chevaux. Autre merveille arrachée à l’oubli : «You Hit Me (Right Where It Hurt Me)», qui est en fait son premier single, paru en 1968. Elle déroule bien sa Soul sur l’horizon, avec une belle basse voyageuse dans les parages. Comme Aretha, elle va chercher sa viande de Soul, c’est très au dessus de la moyenne. Sur la B-side de ce premier single se trouve «Heaven’s Will (Must Be Obeyed)», une heavy Soul visitée par la grâce. On comprend que les Anglais aient craqué. «Never Did I Stop Loving You» figure un single Acid Jazz paru en 2004 : elle entre dans le lagon du groove comme Marvin, et derrière elle ça joue au jouissif définitif, avec des échelles de cuivres et une basse qui fait le grand écart, alors elle s’abandonne aux montées de fièvre et coule Broadway dans l’éclat de la Soul, un mec derrière bat le beurre du diable à la cymbale, elle claque son loving you à l’Aretha, avec les coups de reins de Nina Simone et l’exubérance en plus. Never ! Cette femme sait se fondre dans l’or du Rhin. Avec «Say You’ll Never (Never Leave Me)», elle se lance dans une Soul aventureuse, elle occupe tout l’espace, elle module au fil du chant une Soul qui ne demande qu’à éclore, elle réussit même l’exploit de chanter comme une jeune prodige, à l’accent innocent.

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    Signé : Cazengler, tête à clarks

    Alice Clark. Alice Clark. Mainstream Records 1972

    Alice Clark. The Complete Studio Recordings 1968-1972. BGP Records 2010

     

    *

    Diable un groupe américain qui portent un nom français, Forêt Endormie ferait-il des émules ! En plus une pochette pleine nature ! Quoique si on zieute d'un peu plus près, d'accord pour les arbres et le ciel bleu, mais cette espèce de brume quasi-invisible avec cette drôle ( pas du tout rigolote ) ambiance, hum-hum serais-je sur une fausse piste, d'autant plus que ça ne colle pas avec le label P. O. G. O. Records, les accointances du rock avec le mystère Symboliste et les climats à la Debussy, ce n'est pas tout à fait le rayon de Pour des Oreilles Grandes Ouvertes, tape en règle générale plutôt dans la tonitruance, d'autant plus que Curse ne se traduit pas par course forestière et encore moins par promenade champêtre, mais par malédiction. Ce qui change la donne. De surcroît, ces derniers temps ILS a fait beaucoup de bruit dans le Noise. Esgourdes fragiles abstenez-vous de cette chronique. Inutile de me chercher noise, car vous trouverez. Tant que l'on est dans les traductions, sachez que le nom du groupe ne se traduit pas, l'est nécessaire d'effectuer une translation, chacun la sienne, moi je propose le mot FILS ( pas celui ou ceux du papa, ceux de la couturière ) euphoniquement, orthographiquement il s'en rapproche, et puis les fils se faufilent là où ils en ont envie, et s'ils ne sont pas d'accord avec un de leurs points d'arrivée, il ne leur reste plus qu'à couper un fil pour recouvrer leur liberté pleine et entière. De fil en aiguille et d'aiguille en anguille ( EELS en anglais ) on ne perd pas le fil...

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    ILS n'est pas un groupe de débutants, z'ont déjà jeté leur gourme dans plusieurs formations, apparemment il leur en restait, n'avaient pas épuisé les stocks de la prime jeunesse. Les Etats-Unis regorgent de groupes hardcore, dépliez la carte, ILS provient de l'Oregon tout en haut, à gauche, comme par hasard au-dessus de la Californie – sacré nid de frelons – séparé du Canada par l'Etat de Washington. Port d'attache : Portland, cité verte et populeuse, cherchez l'erreur, sise au confluent de la Columbia et de la Willamette, de l'eau et des arbres, tout pour calmer les esprits, apparemment pas en assez grande quantité pour apaiser notre quatuor infernal. Comme quoi les mêmes causes ne produisent pas obligatoirement les mêmes effets. Relisons Aristote.

    Revenons à cette constatation de nuées de groupes de rock, c'est idem dans de nombreuses expressions artistiques, littérature, peinture, cinéma, graphiste, etc... sans doute en fut-il de même dans les siècles précédents, au prorata de la population préciserons-nous, à part que de nos jours avec la surmultiplication des moyens techniques et de communication, les artistes creusent souvent dans une même direction, leur pré carré est cerné de près par une foultitude de concurrents, l'on n'est pas loin des concessions de quelques mètres carrés attribuées aux mineurs lors de la ruée vers l'or. Rares sont les pépites de dix mille carats... la poudre d'or de la notoriété s'avère rare et volatile... Conséquence le public se retrouve confronté à un vaste choix qui l'emmène à explorer et à s'enfermer en un style qui lui agrée particulièrement. L'état de la création rock ressemble à ces marchés de producteurs locaux dont les étals finissent par s'uniformiser. Il est si difficile de leur établir une identité propre que l'on en vient à définir les groupes, non pas selon leur apport intrinsèque différentiel, mais en citant les noms de formations desquelles ils se rapprochent, ou dont ils se sont inspirés... Les générations rock se renouvellent vite, à tel point que les différents styles se talonnent de près et s'emmêlent les guiboles, ce pointillisme stylistique trahit la richesse et l'impasse du genre Metal... Ceci n'est pas une critique, aujourd'hui peinture et graphisme, pour ne prendre qu'un seul exemple, connaissent la même extravagante dilution... Pourquoi présenter tel groupe et pas un autre... Ne nous cachons pas derrière l'arbre qui cache la forêt de nos incertitudes en répondant que justement la prochaine fois nous en évoquerons un autre... Ce qui nous intéresse dans ILS ce n'est pas leur musique, mais leurs musiques en leur unicité, se servent à volonté de tout ce qui a précédé, hard, heavy, metal, punk, hardore, et poussent le tout vers le point de non-retour du noise, celui-ci entendu non pas comme rupture bruitiste du début du siècle précédent, mais comme un ressourcement de et dans l'agonique pâmoison finale de la musique classique européenne, celle-ci se complaisant à délaisser la mélodie pour ne garder que les dissonances extraverties du rythme. Le metal suit une courbe parabolique parallèle à l'aventure jazz... A la recherche de son point oméga. Chardinique, en quelque sorte, mais dépouillé de toute connotation christologique, réduit à sa plus simple expression conceptuelle.

    PAIN DON'T HURT

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    ( P. O. G. O. Records / 02 / 01 / 2019 )

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    La couve est sans appel. Sont prêts à engloutir la pomme du monde. Une faim si dévorante que le dentier aux lèvres en ailerons de requin s'est évadé de sa gangue de chair humaine qui l'abritait. Poursuit son chemin tout seul, n'a peur de rien,

    Vocal : Tom Glose / Guitar : Nate Abner / Drums : Tim Steiner / Bass : Chritopher Frey )

    No luck : grabuge à l'horizon, pas de chance vous êtes juste sous la ligne d'horizon, à l'endroit exact où la voûte stellaire et la croûte terrestre entament un duel à mort. La musique dégouline sur vous comme une vomissure visqueuse qui glisse et se renouvelle sans cesse, un torrent de déglutition dégoûtante, que vous aimeriez retenir dans vos deux mains afin de boire à cette diarrhée kaotique, et là-dessus surnage le cadavre pustuleux d'un chat écorché encore vivant, c'est la voix de Tom Glose qui vous emporte où vous voulez plus profond que l'enfer, plus haut que le paradis, il crie comme le tigre griffe et entaille, au loin résonne l'éperon triomphant d'une guitare. It's no lard, but it's just a cyst : j'essaie de vous rassurer par ces quelques mots explicatifs, souvent ILS accole aux trois lettres de son nom trois autres, PDX, qui comme chacun sait sont le sigle qui en aéronautique désigne l'aéroport de Portland, dans le même ordre d'idée ILS désignent aussi un système d'atterrissage sans visibilité... maintenant elles ont aussi une autre signification, médicale, biologique, elles désignent le processus qui consiste à instiller dans le corps d'une souris de laboratoire une bouture d'un cancer humain, pas de panique ce n'est pas du saindoux, c'est juste un kyste ! Douze secondes d'un coureur de Formule Un qui appuie un peu sur son accélérateur ( peu écologique ) en attendant que le signal du départ soit donné, en fait tout irait bien, le moteur BDG ( Bass, Drums, Guitar, mémorisez je ne répèterai pas ) ronronne à fond, une régularité exemplaire, hélas, ils vous en veulent, z'ont prévu de ne pas vous laisser vous assoupir, alors Tom Glose se surpasse, l'a la glossolalie ultra rapide et puissante, à lui tout seul il empêche un arrondissement de Paris de dormir en toute quiétude, les mecs tirés de leur sommeil se croient enfermés dans un cauchemar, se jettent par la fenêtre pour y échapper. Une chance pour vous, les morceaux ne sont pas longs, vous éviterez le grand plongeon. Northstar : tout le monde le sait mais je le rappelle, l'étoile polaire est le signe scintillant de l'axe invisible qui a permis aux extraterrestres de descendre sur terre pour apporter la civilisation aux brutes préhistoriques que nous étions, tendez l'oreille vous entendrez le frou-frou furtif de leurs entité frôlant l'axe du monde, hélas ils ne descendent pas, ils remontent, dégoûtés de notre humanité, le Gloseur de service tente de nous l'expliquer calmement ( tout est relatif ), mais la population de la planète ne l'écoute pas, alors sa voix se charge d'acrimonie indigeste, il hurle, il prophétise tous les malheurs qui roulent en avalanche sur nous. Sûr qu'à l'entendre dégoiser si abruptement l'on perd et le nord et l'étoile, chamboule notre comprenette, ne nous reste plus qu'à nous cacher sous le lit comme les chiens qui ont peur de l'orage. Curse : un malheur n'arrive jamais seul, la malédiction est prononcée, elle est scandée et martelée très fort au début, mais la batterie roule les galets de la mer sur vos pieds et un océan de guitares déferle et emporte tout sur son passage, ne reste plus rien qu'un brouillamini de stridences qui finissent par s'éteindre. For the shame I bring : imaginez que dans un cimetière un million de mammouths congelés dans le permafrost sibérien se réveillent et entreprennent de marcher sur les riches pâturages de l'Europe occidentale, le Gloseur est sur l'échine du plus vieux pachyderme, la basse imite le grondement de cette armada, et la batterie lance la horde au triple galop. Nous en veulent en mort, l'on ne sait pas pourquoi, ils renversent les immeubles et ravinent les autoroutes, non contents de notre sort nous commençons à avoir honte de nos propres faiblesses. Ouf, ils sont déjà passés, arpentent l'Atlantique, laissons-les à leur œuvre de colossale destruction. Il ne nous reste plus qu'une seule solution après ce cataclysme sonore, il nous faut tenter de survivre ! Guère facile.

    CURSE

    ILS

    ( P. O. G. O. Records 147 / Vicious Circle / Juillet 2020 )

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    Vocal : Tom Glose / Guitar : Nate Abner / Drums : Tim Steiner / Bass : Adam Pike )

    Les petits futés l'auront remarqué de leur œil de lynx, sur dix titres cinq étaient déjà sur le premier opus. Fallait ouvrir les deux globules, le bassiste a changé, ils ont réenregistré le club des cinq, à leur manière, quand ils repeignent leur cuisine, ne se servent pas du pinceau, usent du bulldozer.

    Bad parts : d'après moi, ils font un concours à celui qui fera le plus de bruit, à la batterie Steiner ne se retient plus, à la guitare Nate Abner compresse les riffs, et la basse Adam Pike tire le cordon funèbre pour arrêter les convois funéraires qui passent au triple galop dans la rue, un jeu comme un autre, quant à Tom il vous envoie le vocal à la figure, il doit confondre avec un nid de vipères, n'empêche qu'ils font des efforts, z'ont réussi à tenir une rythmique sans que le train ne déraille. Curse : la Malédiction 2, ce coup-ci Tom vous découpe les mots au chalumeau, derrière ils se font tout petit, jouent en pointillés, pas trop fort, pas vite du tout, n'ayez crainte les mauvais côtés de leurs individualités délétères reprennent vite le dessus et l'on sombre corps et bien dans un immonde charivari, la guitare a attrapé la tremblante du mouton enragé, Steiner doit avoir quelques comptes à régler avec l'Humanité, ce doit être ce que nous conte Tom dans sa bouillie de grumeaux de gros mots irradiés. Don't hurt me : miracle un vrai riff introductif, c'est vrai qu'ils sont sages sur ce morceau, bien sûr il ne faut pas faire attention à ce type bloqué dans un embouteillage depuis trois heures et qui klaxonne comme un madurle, les bonnes vieilles habitudes se radinent au bout de trente secondes, ne peuvent pas tenir un morceau jusqu'au bout, c'est plus fort qu'eux, il faut qu'ils le salopègent, qu'ils le transforment en un truc inécoutable, le genre de vacarme dont on se sert pour réveiller les zombies dans leur cercueil. Quand vous serez six pieds sous terre, cela vous semblera délectable. No luck : pas de chance pour l'auditeur moyen, ils remettent leur titre fétiche en jeu. Inutile de gloser sans fin sur Tom, le roi des screamers, le gars s'est fait greffer des cordes vocales en tungstène, puissance et célérité, les mambas noirs lui sortent de la bouche pour venir siffler dans vos oreilles, bonjour les acouphènes, vous n'avez pas de chance. Petites natures ! Noose : le mec on lui passé un nœud coulant autour du cou pour le faire taire une bonne fois pour toute, gigote sans fin comme le balancier de la pendule de votre arrière grand-mère qui vous hypnotisait quand vous étiez petit, n'en borborygme pas moins à croire qu'il fait la causette dans le salon de Madame de Récamier, doit un peu choquer la maîtresse de maison avec son organe vocal turgescent qui gueule aussi fort que les douze têtes de l'hydre de Lerne, les trois copains essaient de faire un boucan de tous les diables pour couvrir sa voix écrabouillée de stentor asthmatique, en vain. White meat : si vous n'avez jamais été invité à une soirée d'anthropophages sur l'île de Pâque, vous en avez au moins un aperçu sonore, plus un mec qui hurle à la manière d'un cowboy qui crâne devant un millier d'indiens qui bandent. Leur arc sur lui. Tant pis pour lui il a mérité toute cette haine. Des catastrophes comme cela vous n'en entendrez pas souvent dans votre vie. Dixième fois que vous repassez le titre, au suivant s'il vous plaît, par pitié, on veut tout entendre au moins une fois avant de mourir. Northstar : ces troublions vous leur payez un voyage en première classe sur Alpha Ursae Minoris , vous croyez en être débarrassés, plus ils s'éloignent dans leur fusée interplanétaire plus vous les entendez. Le Gloseur ébranle le zodiaque et le BDG par derrière attise sa vindicte. Nom de code : conjuration de l'Etolie Polaire. Casket race : les cinglés cinglent vers l'île au trésor, des pirates au sabre dégoulinant de sang, le capitaine Abner a changé d'avis au dernier moment, il ordonne de virer de cap, l'a décidé de trancher à la guitare électrique la baleine blanche, Adam Pique martèle les coutelas, Tim Steiner crève ses peaux à coups de harpons, sur la dunette la voix du bosco domine le tumulte de la tempête. It's not lard, but it's just a cyst : guitare d'Abner en apnée, elle hoquete gravissimo, manque d'oxygène, Pike a beau pomper sur sa basse rien n'y fait, l'opéré vous pousse de ses râles de mourant à déterrer les morts, c'est la fin, l'abreuve d'injures le chirurgien, pour l'endormir définitivement Tim le bourre d'horions. La scène tragique se termine brutalement. On n'entend plus rien. Qui a succombé ? For the shame I bring : encore un effort, c'est le dernier titre, the last but not the least. Ne veulent pas qu'on les oublie, n'ont rien à craindre. On se croirait dans un film de guerre. Finissent en beauté. Poussent les cris et les instrus comme Attila lançaient ses huns sur l'empire romain. Hélas il n'y aura personne pour les arrêter. Débauche sonore totale.

    MY LOW

    ILS

    ( Août 2020 / Bandcamp )

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    My low : un morceau à part, pour Milo le fils de Chris Dunn, qui a quitté cette vallée de larmes. La pochette le représente. De quoi récolter dix mille dollars au profit de son gamin orphelin... La tonalité est grave, mais Chris était un véritable rocker, aussi Adam Pike et Tom Glose qui ont écrit le morceau, n'hésitent pas à balancer la sauce. Evoquent le temps passé ensemble, n'était-ce qu'un rêve. Parfois il est bon d'exorciser son incompréhension en hurlant... Bel hommage caritatif. Sans mièvrerie.

    P. S. : Les sommes recueillies par la chanson sont intégralement reversées à la cagnotte, le lien est sur Bandcamp.

    NO LUCK

    ILS

    ( Vidéo YT : 2020 )

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    Vous les avez entendus, vous aimeriez les voir. Deux minutes et une poignée de secondes suffisent. Une vidéo, manifestement ce n'est pas David Lynch qui s'est chargé du cadrage. Un téléphone portable y a supplée largement. L'image remue un peu, sont dans une petite pièce, ce qui limite les décrochages, première surprise, Tom Glose a une gueule d'intellectuel, ses lunettes de travers lui donnent l'air d'avoir un grind de folie. Vous vous demandiez comment Tim Steiner frappe si fort, quand vous voyez le gabarit, style convoi exceptionnel dont la largeur bloque les trois voies de l'autoroute à lui tout seul, la réponse est évidente. D'Adam Pike vous n'apercevez que sa basse, un peu plus de chance pour Nate Abner sous son bonnet. A moins que ça ne soit le contraire. N'en font pas trop, vous vous attendez à une scène d'Apocalypse Now, et ce n'est qu'un groupe qui répète dans son coin. Oui mais quel groupe ! Fulminant.

    Damie Chad.

    Voir : interview sur New Noise Magazine.

     

    ROLLING STONES

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    Etrange phénomène dû au dérèglement climatique ? Pourquoi les pierres deviennent-elles moins dures ? Pas toutes, uniquement celles qui roulent. Pas n'importe où, pour le moment cet étrange phénomène ne touche que l'Angleterre, et des deux grands édifices pierreux de la Grande-Bretagne, un seul en est victime. Stonehenge est épargné, mais le deuxième amoncellement rocheux du pays, célèbre sur toute la planète paye un lourd tribut. Certes depuis longtemps l'on a remarqué que le massif stonien était victime d'un effritement ravageur, Brian Jones, Mick Taylor, Bill Wyman et dernièrement Charlie Watts se sont au fil des années détachés de la montagne des chauds cailloux. Toutefois pour rassurer nos lecteurs les analyses scientifiques sont formelles le climat n'est aucunement responsable de cette dégradation.

    Pour le dire clairement les Stones m'ont déçu. Les esprits acariâtres en rajouteront, belle lurette que les Stones ne sont plus les Stones, depuis... vous complétez avec le titre du dernier album après lequel d'après vous ils sont entrés dans l'ère du déclin. N'ont pas tout à fait tort. Mais si l'on a aimé les Stones, certes c'est leur musique mais aussi leur cynisme, leur manière à eux d'être Stones, d'être un groupe qui n'a pas respecté l'espèce d'idéologie rock qui voudrait que l'on soit moralement irréprochable, que l'on soit en rupture avec le Système, jamais de son côté... Un rêve d'une extrême naïveté si l'on pense une demi-seconde aux intérêts colossaux financiers en jeu. Les Stones l'ont assumé, les tournées apporte-monnaie qui se chiffrent en dizaine et centaines de millions de dollars, ils n'ont pas craché dessus. Une conduite amorale, les fans de la première heure renâclent mais le troupeau en son entier finit par emboîter le pas.

    Une déclaration a mis le feu aux poudres. Z'ont rayé un morceau de leur set-list, non pas parce qu'il serait musicalement dépassé ( impossible ! ), non pas parce qu'il ne leur plairait plus ( raison acceptable ). Non, pour des raisons morales ! Pourrait choquer les âmes de certains citoyens. Pas le riff, les paroles. Que voulez-vous Brown Sugar serait un peu ambigu, cause de la drogue ( pas grave ), des marchés d'esclave de la New Orleans, et de sévices corporels infligés à jeune femme noire par ses maîtres blancs. Evocation d'un passé carrément condamnable. Ne l'exaltent pas, ne le cachent pas.

    Oui mais voilà les USA vivent une époque étrange, suite au mouvement Black Lives Matter, suite à la présidence de Donald Trump qui a révélé les soubassements arriérés de la mentalité raciste d'une partie de la population blanche, s'est installée dans les universités du pays, une espèce de bien pensance de gauche, entée sur les principes de l'anti-racisme et d'un féminisme virulent, ce que l'on a pris l'habitude de désigner sous le terme de Woke culture, une espèce de maccarthysme intellectuel, une police de pensée qui dénonce, pétitionne et interdit toute attitude, tout écrit, toute évocation qui mentionneraient des faits historiques ou des idées philosophiques qui pourraient blesser ou attenter à la dignité de certaines personnes... Ses partisans se déchaînent sur les réseaux sociaux ( ici en l'occurrence le site d'abonnement IORR It's Only Rock'n'roll ) en les inondant de virulents messages... L'on n'est pas loin des caricatures du prophète... La liberté de pensée est un luxe qui se paye cher.

    Donc exit Brown Sugar. C'est vrai qu'une plainte portée contre l'interprétation du morceau lors de la tournée américaine pourrait coûter quelques millions de dollars. Mais la déception des fans n'est pas à négliger, Jagger s'est lancé dans les excuses vaseuses du consensus mou, puisque certains peuvent être choqués, nous supprimons le sucre dans le café noir du récital, ce n'est pas nous, c'est de la faute à eux. Puis s'est embourbé dans un pieux mensonge, nous sommes fatigués de la jouer depuis cinquante ans à tous les concerts, enfin s'apercevant que Satisfaction et Jumpin' Jack Flash devraient logiquement suivre le même sort, le Jag s'est résolu à prendre une pose qui correspond davantage à l'image Rolling Stones, dont le logo tire une langue impertinente au monde entier. Il n'est pas exclu qu'on la rejoue un de ces soirs si l'occasion se présente... C'est bien beau, pour ne pas dire c'est bien beauf, mais sur ce coup-là les Stones ne sont pas à la hauteur .

    Damie Chad.

    P. S. : la woke culture commence à étendre ses méfaits dans l'université française. Mais là les Stones n'y sont pour rien.

     

    RAUNCHY BUT FRENCHY ( 5 )

    Un souvenir inoubliable. Toute une époque. Ça n'a pas duré longtemps, entre mai 68 et l'élection de Giscard D'estaing. Six ans de folie. La jeunesse en éruption. Une mosaïque de révoltes. Le pouvoir a su se reprendre, prétextant l'augmentation du prix du pétrole le Capital nous a servi ce qu'il fallait pour faire peur, la Crise, plus tard ce fut la couche d'ozone, puis le chômage, le dérèglement climatique, le terrorisme, les méfaits du carbone, le Covid, ces gens ont de l'imagination et des media aux ordres, le citoyen lambda a la trouille, il serre les fesses, encaisse et n'ose plus l'ouvrir, essaie de s'insérer tant bien que mal dans le Système qui ne veut que votre bien. Que vos biens, votre fric, vous réduire à la misère, vous transformer en esclave consentant...

    Quittons le cauchemar actuel, retournons au rêve post-soixante-huit, un seul mot le résume, galvaudé au plus haut point, la fête, et ce fut vraiment une fête, les corps se libérèrent, les esprits s'ouvrirent et se radicalisèrent, s'il y eut une époque qui réponde au mot d'ordre sex, drugs and rock'n'roll, ce fut bien celle-là.

    Crium Delirium est un des groupes français qui fut une des figures de proue de ce mouvement. L'on occupait la faculté de lettres de Toulouse, à l'époque implantée au centre ville. L'après-midi festive avait commencé sur les treize heures, cour centrale, un gratteux a entamé San Francisco de Maxime Leforestier, repris en chœur par une partie de l'assistance, pas vraiment le pied... Crium Delirium a débarqué, l'était attendu, ont déchargé le matos et commencé à l'installer, et ont lancé la zique sans préavis, si mes souvenirs sont bons – la scène se passait en 1972 – z'étaient quatre, pas de chanteur, z'ont pondu ( guitares-batterie ) un magma qui s'apparentait au jazz, un truc qui n'éclatait jamais mais qui augmentait votre pression intérieure. Deux heures plus tard, se sont arrêtés de jouer sans esbroufe, s'est alors déroulé un étrange mouvement de masse, près de six cents personnes, sans concertation, sans meneurs, ont pris d'assaut le grand amphithéâtre, la foule s'est assise et les vociférations ont débuté, pleine gorge, plein poumon, trois quarts-d'heure ininterrompus de folie stridente, quelques pupitres et bancs de bois en ont fait les frais. Défoulement général... et puis l'on est ressortis tout contents, tout heureux... It's was the good time !

    LIVE CONCERTS 1972 - 1975

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    CRIUM DELIRIUM

    ( Legend Music / 1994 )

    Lionel Magal est avec son frère Thierry à l'origine de la formation. Mais celle-ci n'est que la pointe de l'iceberg, Foxx le lion fut un activiste de ce que l'on appelait la contre-culture que l'on désignait aussi par le terme d'Underground, on en avait plein la bouche pour pas un rond... Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il a vécu intensément, il raconte tout cela dans un livre de collages paru en 2012, le Psykedelic Toad Book, paru en 2012. L'était important à l'époque de faire la route de visiter le monde, et surtout d'arpenter l'intérieur de soi. Une démarche qui recoupe celle d'un Rimbaud et de l'antique alchimie. Le microcosme de votre cervelle se doit être en inter-action avec le macrocosme de l'univers. Depuis Hendrix, l'expérience était un mot magique. Notre foxxy-man débuta par le théâtre-action, une espèce de happening qui demande la participation du public, car il est bon de briser les barrières qui séparent les professionnels des individus... l'est sur scène au Centre Américain de Paris lorsque débarque plus fous que lui, la Hop Farm, communauté hallucinatoire hippie, dont il invitera la quarantaine de membres à venir dormir chez lui. C'est parti pour une croisière au long cours qui les mènera jusqu'en Afghanistan, puis en Inde. Ce n'était que la reprise du fameux voyage en Orient cher aux romantiques de Lamartine à Nerval, mais là on poussait un peu plus loin...

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    Retour d'Inde Lionel et Thierry remettent en route leur groupe Crium Delirium, avec lequel depuis 1968 ils visitaient les caves parisiennes. Ce coup-ci c'est le grand départ, le groupe joue partout où on l'accueille et même là où on ne l'a pas demandé, rencontres musicales tous azimuts, de Nico à Steve Hillage, de Captain Beefheart à Miles Davis... des concerts qui regroupent tous les freaks du coin - profitez de l'occasion pour vérifier votre orthographe, ne confondez pas chichiteux avec shishiteux – le groupe ne s'appelle pas Delirium par hasard... En 1970 Maître Renard participe à la création d'Actuel et en 1981 à celle de Radio Nova, par la suite on le retrouve un peu partout, sur Canal + et aux quatre coins du globe...

    Crium Delirium, vivra aussi en communauté, lorsque le groupe cessera ses activités il peut être fier de ne pas avoir collaboré avec le système marchand que leur idéologie réprouvait. N'auront enregistré aucun disque. Ce n'est qu'en 1994 que sortira chez Legend l'album Power to the carottes, Live concerts 1972 - 1975, réédité en 2012 sous le titre de Live Concerts Psykedelick. Le groupe reformé remontera sur scène au Cirque Electrique en 2011 et 2012 pour leur quarantième anniversaire...

    Guitare : Thierry Magal / Drums : Lionel Magal / Bass : Daniel Léonard / Synthétiseur : Loy Ehrlich / Percussions : Victor Angel / Saxophone, flûte : Patrice Quentin

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    Aventures chez l'om : au mieux cela correspond aux notes graves de l'entrée de la Tétralogie de Wagner ( la version de Furtwangler s'impose ) et pas du tout l'entrée tonitruante d'Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, non c'est l'om initial pas très catholique si je puis me permettre à moins que ce ne soit le dernier des hOMmes, bref un truc malingre, torsadé et fuselé, Crium ( prononcez criom, crihomme si vous êtes du midi ) mugit comme il peut pour se mettre au diapasOM de l'illusiOM cosmique. N'oubliez pas que nous sOMmes en plein deliriOM cosmique et que les carottes sont cuites. Ouverture lutins : guitare allègre, les lutins sont là et batifolent dans l'herbe folle, une voix vocalise ( que pourrait-elle faire d'autre ) laissez vous emporter sur les ailes du rêve, de temps en temps la guitare miaule et la voix l'imite, peut-être pour coller à la réalité du monde, rien n'est moins sûr. Shilum baba : si vous croyez planer durant huit minutes... le début est abrupt, ça se calme un peu, et vous voici embarqué dans une fuite jazz au pas accéléré, les cymbales en apesanteur qui s'écrasent à terre, la guitare qui couine, preuve que le matou d'Alice s'est coincé la queue dans l'entrebâillement de la porte, tapis volant avec adjonction de moteur, font semblant de camer pardon de calmer le mouvement mais les moustaches du greffier frisent un max, z'avaient manifestement le shit peu somnolent, la guitare sonne comme une trompette dans laquelle une souris serait rentrée par erreur, elle qui pensait s'introduire dans une trompe d'éléphant pour vous ronger le cerveau. Peut-être est-ce pour cela que vous entendez des bruits bizarres.

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    Montlery guitare : un peu moins de jazz, un peu plus de rock, en roue libre, puis on ralentit pour négocier une courbe et plein pot par la suite, des pneus de guitare crissent pas de chance d'impressionner nos preux cyclomotoristes, tiens en plus ils ont posé le chat sur le porte- bagage, l'a la frousse mugit comme une baleine, à perdre haleine. Menuet / Paris ORTF : z'ont dû arriver à la cour du Roi Soleil, Louis XIV esquissant quelques pas devant le grand bassin, scène idyllique... '' Villes champignons'' : ( Bass : Thierry Robert / synthétiseur : Jean-Paul Demarque ) : ...qui ne dure pas longtemps, changement de programme, c'est maintenant qu'ils nous refilent leur intro de Also sprach Zaratoustra, à leur manière, apparemment le héros nietzschéen a grignoté des champignOMs hallucinogènes, car leur jazz boursoufflé a de l'hélium dans l'aile, délire grave, éructe des bruits étranges et marche lourdement, se reprend, volète parmi les pâquerettes, sont tous heureux du résultat, allégresse générale, l'un d'entre eux, ce doit être Lionel se met à chanter, l'appuie un peu fort sur ses baguettes, je comprends pourquoi à Toulouse ils étaient restés cois, la voix est quelconque, gâte un peu la musique. Quand vient le soir : ( voix + écriture : Joe Corbeau ) : moment japonais, la flûte décrit la courbe du lac et du croissant de lune, la voix en apesanteur passe mieux, Un vol de corbeaux disparaît dans la nuit. Roanne gig : synthé qui imite le piano, z'ont changé de style, c'est du tout doux, à l'ambiance romantico-sentimentale, la basse apporte le noir nécessaire, cris d'oiseaux dans les arbres, chacun pousse son instrument tour à tour, une espèce d'impro pour que chacun puisse démocratiquement s'exprimer, le matou s'en donne à cœur joie, s'en vient roucouler sur le croissant, Lionel énervé essaie de le faire taire à coups de mailloches mais il s'obstine, il se retire dans ses appartements en prenant son temps, il pousse de tendres gémissements mais non ses maîtres possèdent un muscle cardiaque de silex tranchant. Peanuts butter : l'on reste dans la même ambiance, des sons, des bruits, des tintements, un vocal intermittent, peu à peu se mettent d'accord pour lancer un riff à peu près potable, presque une digression musicale, doit y avoir une vache qui a quitté son pâturage et qui s'en est venu goûter aux honneurs de la scène, elle agite sa cloche parfois en dehors du rythme parfois en plein dedans, cela ressemble aux longueurs qui encombraient les plages de bien des albums de l'époque... quand ça se termine Marguerite a dû être contente de retrouver son étable. Nous aussi.

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    Les '' Road managers'' : tiens un rythme de rock, l'on croirait entendre les Beatles sur Back in the URSS, un petit côté humoristique qui se veut désopilant, question chant, c'est un peu le niveau zéro, tout le monde ne peut pas être Au bonheur des dames. Stone à rouler : on a eu peur qu'ils se prennent pour les Stones, mais non, tapent dans le free, mais plutôt ordonné, en fait cela ressemble à des chutes de studio des Fab Four, tout se calme après un gros éclat de voix superfétatoire dont on n'aime pas le suppositoire, et l'on repart dans une de ces improvisations qui se mord la queue, z'ont dû avoir l'idée en regardant le chaton, nous on s'ennuie un peu. enchaînent sur une ritournelle aigrelette de Boîte à musique : qui fomente et fermente dans le grave qu'une mouche vient troubler de son vrombissement agaçant, le synthé fait des vagues, patchwork, cut up musical, l'on verse tout ce qui passe dans l'esprit dans le chaudron et l'on sert chaud. Gros pets terminaux. Antibes : une espèce de symphonie à la Jethro Tull rehaussé de mouvements de menuets joués à la trompette. L'on s'approche de Dada mais l'on ne galope pas assez vite. Radium : qui n'irradie pas, quand on n'a plus rien à dire l'on laisse parler les autres, l'on s'amuse à pousser le curseur et l'on surfe sur les stations radio. Asks Freeco sax wah wah : un sax qui jappe, puis finit par miauler, serait-ce le matou déguisé. Night in Tabarka : La nuit tombe sur Tabarka et l'ennui finit par s'appesantir sur nous.

    La dérision est un art d'un maniement aussi dangereux que le sabre d'abordage, parfois c'est elle qui vous découpe en rondelles et vous rend dérisoire. Les sept derniers titres sont pesants. Donnent l'impression que Crium Delirium n'avait plus rien à dire. Je ressors de ce disque déçu. Le groupe s'est-il fourvoyé dans une impasse qui l'a mené à l'échec ? J'aurais dû m'en douter, si vous ramassez un papillon mort et que vous rouvrez les ailes pour retrouver la fragrance de son vol, elles se déchirent, et les lambeaux colorés sont emportés par le vent...

    Damie Chad.

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    UNE TENEBREUSE AFFAIRE

    EPISODE 05

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    LE CERCLE

    C'était hallucinant. Dans le noir de la nuit, l'ombre de Charlie Watts se chargea d'une opacité encore plus ténébreuse, à tel point qu'elle se détacha si distinctement sur le fond du ciel nocturne que celui-ci par un contraste saisissant sembla plus pâle. Plus tard nous en convînmes tous, nous y voyions comme en plein jour. Lorsqu'il passa devant moi, les chiens grognèrent, leur poil se hérissa, mais ils n'aboyèrent pas. Je posai la main sur l'échine de Molossito, il tremblait de peur et Molossa n'en menait pas plus large. De la gent humaine personne n'osa bouger, plus tard le Chef m'avoua qu'il n'avait même pas songé à allumer un Coronado. Charlie marchait sans se presser, il descendit la pente jusqu'au niveau du Chef devant lequel il effectua un demi-tour et entreprit de remonter la côte. Que voulait-il ? A quel jeu se livrait-il ? J'étais sûr qu'une fois qu'il m'aurait dépassé il disparaîtrait, mais non, il effectua un demi-tour et recommença son manège. Quarante-sept fois. Nous avions l'impression que parfois il s'approchait de nous à nous frôler de ses pieds, pour nous dévisager. Ou alors il s'éloignait de quelques pas sur le côté, comme l'on prend du recul pour mieux ajuster son regard. Il amorçait son quarante-huitième passage, ce fut Joël qui rompit le charme, il se leva et cria : '' On l'entoure tous en rond, en formant une ronde'' . Charlie s'arrêta indécis, nous eûmes tôt fait de l'entourer, '' On le touche, on le touche !'' hurla le Chef, et chacun s'avança les bras tendus, nous ne touchâmes que nos propres mains, réunies en faisceau, nous ne saisîmes que du vide, Charlie Watts avait disparu.

    Les exclamations fusèrent, il y eut des cris de déception ( les garçons ) et d'effroi ( les filles ), mais aussi des rires ( là, je ne sais pas ). C'était incroyable, l'on en discutait encore à l'heure où blanchit la campagne. Le soleil se levait, nous explorâmes les buissons, le bois, la prairie, rien, aucun indice, aucune trace. Bizarrement, l'échec avait soudé l'équipe. Personne ne songeait à renoncer. L'énigme était trop intrigante. L'on convint de se retrouver le soir même à vingt heures tapantes. Pas question de rester inactifs entre temps, l'on se partagea les tâches qui écouteraient l'intégralité de la discographie des Stones, qui farfouilleraient dans les livres consacrés à leurs musiques et à leurs augustes personnes, qui se renseigneraient sur les apparitions de fantômes, qui chercheraient dans l'ensemble de la presse régionale... Quant à nous, le Chef déclara qu'il avait à se livrer à Paris une expérience du plus grand intérêt, ayant un rapport certain avec le fantôme de Charlie Watts, et qu'il était sûr de ramener du nouveau. Des regards envieux nous suivirent lorsque nous montâmes dans la Lambor.

    L'EXPERIENCE

    Je brûlais d'impatience, à quelle mystérieuse expérience le Chef se livrerait-il. Durant tout le trajet il n'en souffla mot, il se contenta d'allumer Coronado sur Coronado. Je pensais qu'il se mettait en condition. Aussi fus-je très surpris une fois la Ghini stationnée pas très loin de notre repaire quand il m'annonça que j'étais le sujet de l'expérience. Lui se contenterait de garder les chiens dans la voiture. Ma tâche n'était pas très compliquée, elle n'exigeait aucune force physique ni aucune intelligence particulière. Je n'ai pas aimé son intonation lorsqu'il souligna ces deux derniers mots d'un sourire ironique.

      • Je vous octroie dix minutes, au bout desquelles les cabotos et moi vous rejoindrons. Ouvrez la grille et vos deux yeux. Ce n'est pas très difficile. Juste un peu d'observation. Inutile de pénétrer dans la baraque en planches, ou dans l'abri atomique. Exécution immédiate, agent Chad je compte sur vous.

    Je m'exécutais. Il n'y avait rien à voir de spécial, le jardin d'une quarantaine de mètres de côté s'étendait devant moi. De l'herbe, quelques arbustes, un fourré de ronces, du lierre rampait sur terre, quelques fleurs, quinze ans qu'il n'avait pas été travaillé, rien de surprenant dans ce qui s'offrait à ma vue. Dans mon dos j'entendis le ricanement du Chef, Molossa sur ses talons, Molossito se débattait entre ses bras.

      • Alors agent Chad, l'on fait chou blanc dans le potager ! Par bonheur Molossito est plus intelligent que nous, c'est en le regardant batifoler lors de notre précédente visite qu'il a découvert ce que je m'interdis de nommer le pot aux roses, voici donc la deuxième séquence de notre expérience !

    Le Chef posa Molissito à terre qui fila droit dans un des quatre coins pour arroser le pied d'un gros buisson, puis il traversa l'espace ventre à terre pour relâcher un jet d'urine sur les restes d'un parterre plutôt mal en point, après quoi très consciencieusement il aspergea de quelque gouttes de pipi la végétation plutôt maigrelettes des deux angles restants.

      • Chef, c'est terrible !

      • Le mot est faible, agent Chad, nous sommes embarqués dans une drôle d'histoire, nous ne sommes pas au bout de nos peines !

      • Oui Chef, ça va mal !

      • Vous pouvez le dire agent Chad, ça va malvaceae !

      • Chef vous pensez que...

      • Nous n'avons plus le temps de penser Agent Chad, sifflez les cabots, l'on repart à toute blinde sur Limoges !

    UNE NUIT EFFROYABLE ( Part 1 )

    Nous devions nous retrouver à vingt heures, mais à dix huit heures tous les étudiants étaient déjà présents. Ça caquetait dur en ingurgitant force fournées de chips. Joël distribuait des sandwichs :

      • Au minimum trois chacun, prenez des forces, j'ai l'intuition que la nuit sera mouvementée !

      • Au-delà de toutes nos espérances cher Joël - la voix grave du Chef résonna d'une manière si lugubre que les conversations cessèrent aussitôt – mes amis les résultats de la terrible expérience à laquelle nous nous sommes livrés, l'Agent Chad et moi-même, cette après-midi à Paris sont sans appel, nous n'avons pas le temps de tout vous expliquer, nous devons avant tout vous devez vous préparer à l'épreuve la plus terrible de votre existence. Je ne retiens personne, ceux qui veulent rentrer chez eux, qu'ils le fassent, sans honte et sans regret, je vous laisse trois minutes pour vous décider, après ce très court laps de temps, il sera trop tard.

    Il y eut un silence de mort. Personne ne bougea. Pas une seule défection, nous avions affaire à des garçons et des filles courageux. Le Chef reprit la parole :

      • Nous nous sommes séparés ce matin, vous vous étiez organisés en groupe de travail, auriez-vous trouvé quelque chose d'intéressant ?

    Seules deux mains se levèrent, deux filles qui se présentèrent :

      • Françoise et moi Framboise, avons cherché du côté de Sympathy for the devil, et en farfouillant nous sommes tombés sur le personnage d'Aleister Crowley et cette anecdote étrange où il devient invisible, peut-être cela a-t-il quelques relations avec les apparitions et les disparitions subites de Charlie Watts ?

    Le groupe fut agité d'un étrange remous, peut-être certains pensaient-ils qu'ils auraient mieux fait de rentrer à la maison pour regarder la télévision entre Papa et Maman, mais le ton ferme du Chef leur permit de comprendre que ce rêve était désormais inaccessible :

      • Une bonne piste, mais ce n'est pas la bonne, pour Crowley il ne s'agissait pas de se transformer en homme invisible, mais d'interférer avec la conscience des passants qu'il croisait et de leur ordonner de ne pas le voir. Une simple question d'autosuggestion ! Non ce soir, vous vous en apercevrez, vous intimerez à Charlie Watts les ordres que vous voudrez, il restera insensible à vos désidérata. Je puis déjà vous révéler ce qui va se passer. Hier soir nous avons guetté Charlie Watts et tenté de l'arrêter, mais ce soir c'est Charlie Watts qui tentera de nous attraper !

    A suivre...

     

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 527 : KR'TNT ! 527 : JOHN DOE / ROCKABILLY GENERATION NEWS / DEAN CARTER / MONSTER MAGNET / BARON CRÂNE / MONA CABRIOLE / BARABBAS / ROCKAMBOLESQUES

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 527

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    28/ 10 / 2021

     

    JOHN DOE / ROCKABILLY GENERATION 18 & 19

    DEAN CARTER / MONSTER MAGNET

    BARON CRÂNE / MONA CABRIOLE / BARABBAS

    ROCKAMBOLESQUES

     

    John a bon Doe

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    Depuis disons l’origine des temps, X a toujours occupé une place de choix dans les étagères. Il était d’usage de rattacher X au punk-rock angelino qui n’était pas fameux, mais justement, X s’en démarquait par une certaine originalité de ton, par un chant à deux voix et surtout le style flashy de Billy Zoom, un fier caballero qui sentait bon le rockabilly. La légende voulait que Billy Zoom ait accompagné Etta James et Big Joe Turner. L’autre point fort d’X était John Doe, un mec de Baltimore qui préféra s’installer à Los Angeles plutôt qu’à New York pour monter un groupe. Et bien sûr le point faible d’X était Exene qui, pour dire les choses franchement, chantait comme une casserole, mais bon, elle était la poule de Doe et avait donc voix au chapitre. L’ensemble était claquemuré par un gigantesque batteur, le hard-hitting et bien nommé D.J. Bonebrake.

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    Donc Doe rencontre Exene dans un arts centre nommé Beyond Baroque, coup de foudre, puis il passe une annonce et c’est parti mon kiki d’X. Billy Zoom enquille l’X, suivi de Bonebrake, puis les clubs, Madame Wong, le Masque et le Whisky où traîne parfois Ray Manzarek. Dans le répertoire d’X se trouve «Soul Kitchen» et c’est joué tellement vite que le vieux Ray du cul ne le reconnaît pas, c’est sa femme qui sursaute : «Ray, y jouent une Doors song !». Du coup Manzarek s’intéresse au groupe et propose de les produire. Voilà, c’est aussi bête que ça.

    Doe pense que Manzarek s’intéresse aussi à eux parce qu’Exene et lui écrivent de la poésie, comme le faisait Jimbo. Oh oh...

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    Sur Los Angeles, leur premier album paru en 1980, X nous touille une belle cover du «Soul Kitchen» des Doors. Ils l’amènent au big sound et même si celle folle d’Exene chante comme une casserole, ça passe - Still one place to go - Ils le font à deux voix, learn to forgive, et Billy zoome bien son solo. L’autre belle pièce palpitante de ce premier album est le morceau titre, bien sûr. En duo ils sont excellents, ils dégagent une énergie considérable. Par contre, le reste de l’album n’est pas très révolutionnaire. Ils grattent la plupart des cuts envers et contre tout. Leur force, c’est le rejointement de Doe et de cette fille qui ne chante pas vraiment bien. Mais ils font leur truc et ça leur donne du mérite. Le fait qu’elle chante si mal fait-il partie du concept punk de Los Angeles ? Va-t-en savoir. En général quand c’est elle qui attaque, c’est foutu d’avance, comme c’est le cas avec «Nausea». Manzarek qui produit aurait dû la faire taire. Doe n’en finit plus de faire son petit exacerbé pour cacher la misère dans «Sugarlight» et «Johnny Hit & Run Paulene». Ils terminent avec «The World’s A Mess It’s In My Kiss» : ça joue aux échanges collatéraux, c’est bardé de bons passages d’accords et de troc de voix, par chance la voix d’Exene se fond dans celle de Doe, alors ça devient supportable. Autant lui est bien, autant elle insupporte, mais comme chacun le sait, il s’agit du problème d’un grand nombre de couples. La pauvrette ne fait pas souvent l’affaire.

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    Pas de hits sur Wild Gift paru l’année suivante, mais un excellent «White Girl». Doe rentre bien dans le lard du cut. «Beyond And Back» est plus rockab, monté sur l’excellent drumbeat de Bonebrake. Eh oui, c’est Bonebrake qui par sa constance, fait le son. Tout ici est monté sur le même modèle : Doe lance les dés et la folle vient le rejoindre dans la couche conjugale et ce n’est pas toujours du meilleur effet. Heureusement que Billy Zoom et ce batteur génial sont là. C’est bien Banebrake qui fait l’X. Ils collectionnent aussi les cuts catastrophiques comme «We’re Desperate» ou «Some Other Time». Elle se prend pour la passionaria de la Californie et fait mal aux oreilles. Dommage pour Doe qui essaye de monter un projet culte et qui se retrouve avec un projet cucul la praline. On s’emmerde comme un rat mort à l’écoute d’«Adult Books». On souhaite surtout qu’elle ferme sa boîte à camembert. C’est un peu le même problème que celui d’Oates dans Hall & Oates : dès qu’Oates ouvre le bec, il ruine tout. Quel gâchis ! Ils ont un bon guitariste mais dès qu’elle la ramène dans «Universal Corner», elle ruine tout. Le pire c’est qu’ils croient faire de l’art. Ils ont bien failli décrocher la timbale avec «It’s Who You Know» car Billy Zoom s’y prend pour Ron Asheton, mais ça s’écoule assez rapidement. Pourtant il y a du son.

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    On trouve sur leur troisième album Under The Big Black Sun un coup de génie intitulé «The Have-Nots», c’est-à-dire les défavorisés. C’est un festival d’envolées, une suite de couplets hargneux et de refrains chantés à deux voix - Dawn comes soon enough/ For the working class/ It keeps getting sooner or later/ This is a game that moves as you play - On ne croise pas tous les jours des cuts d’une telle classe. Ça sonne comme les plus grands hits des Stones - At Jocko’s rocketship or the One Eye Jack/ My Sin & The Lucky Star/ A steady place to study and drink - Il faut voir comme c’est balancé et John Doe descend dans le giron du Juju avec ce génie vocal qui va le rendre légendaire. Dommage que tout l’album ne soit pas de ce niveau. Le reste de l’album est très punk. En fait, c’est Bonebrake qui vole le show dans «Motel Room In My Bed», «How I (Learned My Lesson)» ou «Because I Do». On note que Ray Manzarek continue de les produire. Dommage qu’Exene chante si mal. Elle fait mal aux oreilles dans «Riding With Mary». Mais prod de rêve. Ils se tapent une petite crise d’exotica avec «Dancing With Tears In My Eyes». Ça leur va comme un gant. Billy Zoom y fait la pluie et le beau temps.

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    Le More Fun In The New World qui sort l’année suivante est un bel album. Nouveau coup de génie avec le morceau titre en ouverture de bal d’A. C’est leur grand hit. Fière allure, joli riff de Billy Zoom et c’est chanté à deux voix. American power. C’est d’ailleurs leur seul big hit de big time. Après, ça se dégrade. Ça ne tient que par Bonebrake. Une fois de plus, Ray Manzarek signe une prod superbe, comme enveloppée. Mais dès qu’Exene chante, ça ne va pas. Dommage, car le son plaît beaucoup, avec un Bonebrake bien au devant du mix. Il faut attendre «Make The Music Go Bang» pour frémir un coup. C’est joué à la clameur. Ils tiennent une bonne formule : clameur de voix, big Bonebrake et petits éclairs de Les Paul en or. Bonebrake fait encore des siennes en B avec «Devil Doll». Comme ce mec bat bien ! Il est sec et net et sans bavure. Billy zoome quand il faut. C’est encore Bonebrake qui porte «Painting The Town Blue» à bouts de bras. Leur «Hot House» renvoie aux assauts de l’Airplane. Mais le reste de l’album ne vaut pas tripette. Ils s’amusent avec le funk dans «True Love Pt #2» : on se croirait chez les Talking Heads. On n’est pas là pour ça.

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    Quelques énormités sur Ain’t Love Grand, un album dépossédé de sa pochette et quasi dépossédé de son bal d’A. Les compos peinent à rafler la mise du docteur Artémise. Ils tentent de revenir aux fondamentaux, mais ce n’est pas chose facile. Peut-être espèrent-ils que «My Godness» soit une bonne chanson ? Sont-ils assez crédules pour en arriver là ? Le bal d’A se réveille avec le stomp d’«Around My Heart» mais les X s’épuisent à vouloir sauver les meubles. Ah le matérialisme ! C’est en B que se joue le destin de l’album avec «What’s Wrong With Me». Dès qu’ils attaquent à deux voix, ça redevient du pur jus d’X, avec un Billy qui zoome. Joli shoot de twin attack avec un what’s wrong with me jeté en pâture aux fauves et un Billy qui n’en finit plus de zoomer. Ils font ensuite une belle reprise de l’«All Or Nothing» des Small Faces. Il manque la voix, mais Doe pousse bien son petit bouchon. Il va chercher son meilleur chat perché. Encore du vrai rock d’X avec «Little Honey» et un Doe au devant du mix. Cut sauveur de meubles. Doe est capable d’énormités, il est bien entouré. Vroom et voilà «Surpecharged», back on X avec du L.A. beat on the rocks et les riffs malsains du grand Billy Zoom. Ça ne demande qu’à exploser.

    Malgré tous ces efforts, X ne décolle pas et Billy Zoom annonce qu’il quitte le groupe, car il a besoin de croûter. Il reprend son vieux job in electronics, fixing amps and stuff.

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    Rien à dire non plus de la non-pochette de See How We Are. On les sent plus déterminés que jamais sur l’«I’m Lost» d’ouverture de bal. Leur heavy pop bombastique n’a jamais été aussi explosive. Heureusement, Doe prend le lead et elle reste derrière. Elle a déjà fait assez de dégâts comme ça. Doe veille bien au grain. Un certain Tommy Gilkyson remplace Billy Zoom. Mais dès qu’Exene attaque un cut, le cauchemar recommence, comme c’est le cas avec «You». Cette fois, ils vont plus sur la power-pop et s’autorisent quand même un petit shoot de punk’s not dead avec «In The Time It Takes», chanté à deux voix et propulsé par nuclear Bonebrake. Merveilleuse giclée ! Avec «Surprise Surprise», ils se prennent pour Blondie alors t’as-qu’à voir ! Wow comme cette folle chante mal ! Ils cherchent leur voie comme d’autres cherchent des truffes.

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    Le premier live d’X est un double album, comme celui des Doors : Live At The Whisky A Go-Go On The Fabulous Sunset Strip sort en 1988, sur Elektra, comme celui des Doors. Mais ils ne proposent pas de reprise des Doors, comme ils le feront sur les live albums à venir. Ils profitent de ce bon live pour repasser au peigne fin tous leurs hits à commencer par «Los Angeles» qui développe une fabuleuse énergie avec son raté de beat en bam/bam/bam si judicieux. Doe does it right et elle arrive dans le chant, alors ça fonctionne. Ils font une magnifique restitution de «The New World», un de leurs hits les plus vaillants, porté par le tapis magique d’un accord de guitare et amené à deux voix, scandé au pur power. Exene réussit l’exploit surnaturel de nous casser les oreilles avec «Surprise Surprise». Elle fait sa Blondie et dès qu’elle force, elle est fausse. Il y a quand même pas mal de déchets dans le punk-rock angelino («Because I Do», «My Godness»). Doe charge la mule de «Blue Spark» et ça devient excellent. Tout est monté sur le beat turgescent du big Bonebrake. Cut after cut, il bat sec et net. «Devil Doll» va vite en besogne. X n’est pas le genre de groupe à traînasser pour admirer le paysage. Ils filent comme des bolides. «Hungry Wolf» sonne comme un bel assaut frontal et dans «Just Another Perfect Day», Exene se prend pour Jimbo, alors on voit d’ici le désastre. «Unheard Music» est l’un des phares dans la nuit car joué à la heavy cocote et touillé aux deux voix confondues. Le riff est d’une rare splendeur. Leur truc c’est d’entretenir la braise et ils sont passés maîtres dans cet art qui remonte à la nuit des temps. Ils restent sur leur élan avec «The World’s A Mess», chanté à deux voix et porté par le power beat de Bonebrake-Tinguely le perpétuel. Ce superbe batteur semble toujours naviguer au haute mer, tellement il est puissant. Une sorte de magie règne sur le «White Girl» qu’on retrouve en D. C’est le grand hit d’X avec «The Have-Nots» qui brille par son absence. «White Girl» est une merveille sculpturale, dévorée en interne par les incidences du riff.

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    Allez, on va dire qu’Hey Zeus est un bon album. Cinq bons cuts sur onze, c’est extrêmement honorable, n’est-il pas vrai ? Ils y claquent leur bouquet habituel et on craint par dessus tout de voir la folle apparaître. Pour «Big Blue House», ils renouent avec le déroulé de «The New World», même ambiance, pacifiée aux deux voix. On adhère facilement. Ils forgent leur caractère. X est alors encore un jeune groupe, ça peut se comprendre, after all. Ils adorent lancer leurs attaques à deux, comme l’Airplane avant eux. Ce «Big Blue House» est presque bon, ils tentent la percée musicologique et c’est une bonne idée. Ils font aussi un «New Life» bien powerful. Doe s’arrange toujours pour retomber sur ses pattes. Ce mec est un cador, il refuse de se résigner et donc il chante à outrance. Back to the heavy chords avec «Country At War» et back to the chant à deux voix. Doe tente de créer sa mythologie et il le fait avec une belle notion de la niaque, la folle est parfaite quand elle se fond dans le chant avec lui. Se fondre, tel est le secret du sombre Doe. Ils restent dans le heavy rock avec «Into The Light». Il faut suivre Doe, il est comme Allah, il connaît le chemin. La formule d’X ? La belle engeance de la prestance. Ils tartinent leur heavy pop de Mulholland & Vine et c’est excellent. «Lettuce & Vodka» sonne comme un retour de manivelle punk, ils le tapent à deux voix, comme d’usage, c’est bien construit, pur jus d’X avec de l’interaction. Ils sont tellement dans leur élément qu’on s’en prosterne, c’est plein de clameurs, Remember ! Remember ! C’est elle qui lance «Baby You Lied» et bizarrement, elle est bonne. Alors c’est à n’y plus comprendre, voyez-vous.

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    Paru deux ans après Zeus, Unclogged est encore un album live. Pochette foireuse, mais on y trouve enfin une version live de «The Have-Nots», jouée au groove de jazz-rock et là Doe fout le paquet - And the Hi-Di-Hi & the Hula gal/ Bee-hive Bar and the / Ziron Lounge/ Gi-Gi’s Cozy Corner/ And the Gift Of Love - Doe joue avec les noms des bars au stop and drink, au sit ans sip, au rest in pieces - Dexter’s New Approach and the/ Get Down Lounge - c’est tellement puissant que ça balaye tout le reste, même le puissant «White Girl» d’ouverture d’X shuffle et ce riffing qui rafle bien la mise & cette fille qui vient chanter en contrepoint & Bonebrake on the vibraphone. Ils tapent aussi leur «Burning House Of Love» au heavy country honk et c’est excellent. Doe est l’un des rois du country honk, il sort ici une mouture énorme. Quant au reste, c’est un peu comme d’habitude. Dès qu’Exene la ramène, c’est pas terrible. Quand on l’entend chanter «Because I Do», on se doute bien qu’elle doit être assez vulgaire dans la vie de tous les jours. On ne va pas rentrer dans les détails. Chaque fois qu’elle ramène sa fraise, elle gâte la marchandise, comme c’est le cas avec «Lying In The Road» ou «The Stage». Et c’est encore pire dans «True Love», car ils jouent à coups d’acou et les guitares ne cachent plus la misère.

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    Un autre Live In Los Angeles paraît en 2005. On y retrouve tous leurs vieux coucous sauf le plus important, «The Have-Nots». Bon ils nous font quand même la grâce de reprendre «The New World», avec les accords scintillants de Billy Zoom et le doublé de voix au chant. Quel beau hit ! Billy joue dans le gras du groove. Sur ce live, cette folle d’Exene ruine un sacré paquet de cuts, comme «Nausea» ou «Year 1». Dommage, car sur scène, X tourne à plein régime, c’est même très impressionnant. C’est encore elle qui chante «We’re Desperate» et «Beyond And Back», c’est insupportable, alors Doe vole à son secours, c’est sa raison d’être et celle d’X, Doe est le chevalier blanc du punk-rock angelino. Quand ils chantent à deux voix, ça peut devenir énorme, tiens comme cette version de «White Girl», soutenue à la grosse cocotte de Billy qui s’en va soudain slasher à travers la pampa. Billy multiplie encore les exactions avec «The Unheard Music», power pur et la fête se poursuit avec un mighty «Los Angeles» attaqué à deux voix. Tout ce qu’ils chantent à deux voix sonne merveilleusement bien. Encore un bon exemple avec «I’m Coming Over», bien meilleur en version live qu’en version studio. Doe continue de faire la pluie et le beau temps dans «Blue Spark». Leur tenue dans «Johnny Hit & Run Paulene» ne laisse rien à désirer et Bonebrake fait des ravages dans «Motel Room In My Bed». Ils jouent leur carte du LA punk à fond de train. Puis ils virent quasi-stoogy avec «It’s Who You Know», Billy fournit tout le fourniment. Ils finissent par jouer par dessus les toits, donnant à leur «Devil Doll» une allure de rockab incendiaire. Cette concoction Bonebrake/Billy Zoom peut se révéler explosive. Doe monte au créneau pour «The Hungry Wolf» et c’est excellent, car tendu à se rompre. Billy bat la campagne, son énergie bat tous les records. Dommage qu’elle chante «The World’s A Mess It’s In My Kiss», car c’est un beau cut, bien anxieux, bien punkish, mais chanté au trempé de sueur, insidieux au possible et Billy fait son festival, il virevolte dans les hauteurs du LA punk, c’est dingue ce que ce mec amène comme élégance dans l’exercice de sa fonction. Et voilà, la fête s’achève avec «Soul Kitchen». Ils passent les Doors à la moulinette d’X. Dommage que cette pauvre folle chante l’intégralité du cut. C’est une insulte à la mémoire de Jimbo.

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    Album du grand retour et album inespéré avec Alphabetland paru sur Fat Possum en 2020. On pourrait aller encore plus loin : si tu achètes un seul album d’X, c’est forcément celui-ci. C’est plein de son dès le morceau titre d’ouverture de bal. Trop de son ! Ils sortent tout leur power d’antan et le sur-mastérisent. Aw comme ces mecs sont bons ! On retrouve la formule gagnante Doe/Zoom/Bonebrake et quel bonheur de voir Billy le killer partir en maraude. Avec ce morceau titre, on est bien obligé de crier au loup. Ces mecs ont tellement de son qu’ils injectent des doses énormes, et l’amateur va droit au tapis. Voilà l’exemple type du cut qu’on réécoute plusieurs fois dans la foulée tellement c’est bon, bien construit, bien posé sur le beat, bien au-delà des critiques, «Alphabetland» emporte les barrages, le solo de Billy Zoom est à tomber de sa chaise, wow comme on est content de les retrouver en si bonne forme. Leur niaque de punk’s not dead est intacte comme le montre «Free». Avec Doe au drive, ça vire monster beat. C’est violent et plein d’allant définitif et bien sûr ce démon de Billy Zoom allume la mèche. Zoom kill kill ! La gourmandise punk d’X est unique au monde. Nouveau coup de génie avec «Water & Wine». Avec le temps, Exene s’est améliorée et là ça devient sérieux. Chant à deux voix, l’art sacré d’X, pur jus de punk angelino, on peut difficilement espérer meilleure résurrection, c’est de la dynamite. Ils enchaînent avec le big heavy rock de «Strange Life». Avec un mec comme Doe, il faut s’attendre à tout, surtout à ce rock chanté à deux voix et infesté de riffs. C’est encore du genius à l’état pur, terrific de power sous le vent. Ils ont leur truc et c’est profondément bon. On y croit dur comme fer, Zoom kill kill incendie à bras raccourcis et les cuts deviennent fascinants. Doe monte le LA punk comme un théâtre et on assiste au spectacle. Ils sont quasiment les seuls à savoir jouer l’angelino punk de façon aussi passionnante. Même quand ils déboulent à 100 à l’heure, on les suit sans discuter. Ils reprennent le chant à deux voix pour «Star Chambered» et ça redevient fabuleux, comme débordé par l’extérieur, overwhelmé dans l’œuf de l’X. Exene chante mieux alors Doe ramène du répondant de défenestration. On a là le power à l’état le plus pur. Nouveau coup de génie avec «Angel On The Road». Fondu de voix superbe, ils développent encore plus d’énergie qu’à leurs débuts, comme si c’était possible. Évitez de voir les photos presse récentes, car les X ont pris un méchant coup de vieux, il faut juste se contenter d’écouter cet album mirifique. Ils proposent le punk-rock de la modernité avec une justesse de ton et un fondu de voix inégalables. Ils terminent avec «Goodbye Year Goodbye» qui sonne comme une belle dégelée d’immense punk-rock angelino.

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    En 1995, Doe entame en parallèle une carrière solo avec The John Doe Thing et un premier album qui s’intitule Kissingsohard. Pour ça il s’entoure du fils Waronker et du jazzman Smokey Hormel. Force est d’avouer que c’est un excellent album et ce dès le «Falling Tears» d’ouverture de bal. Back on the heavy beat, comme dirait l’autre, ce heavy rock californien passe comme une lettre à la poste, bien léché aux guitares et hanté par des distos souterraines. Doe does it right. Avec «Safety», ils passent en mode encore plus heavy et c’est goûtu. Doe plonge dans l’histoire du rock, il arriverait presque à sonner comme les Small Faces. On s’accroche à sa chaise car voilà qu’arrive un solo déterminant. De toute façon, Doe est toujours déterminant. Il est déterminant quoi qu’il fasse. Il passe en mode heavy trash punk avec «Love Knows». Il est parfaitement à l’aise dans cette soupe angelinotte. Il a comme on dit des chevaux sous le sabot. Puis il s’en va chanter «My Godness» à la clameur viscérale. C’est à nous de suivre. Il faut faire vite, car il chante bien. Il développe une véritable énergie tellurique. Il touche toujours au but. Tous les cuts de l’album touchent au but, c’est assez désarmant. Il ressort la grosse artillerie un peu plus loin avec «TV Set», il chante à la glu de chant, à la Jimbo, il colle à son thème avec une classe indécente et s’offre le luxe d’un solo de père fouettard. Il s’offre même un deuxième luxe, celui d’une montée en puissance à la fin, il porte tout ça à la seule force du chant. S’ensuit l’encore plus fascinant «Beer Gas Rise Forever». Cette façon qu’il a de coller au chant ! Il reste en permanence dans l’instinct du chant c’est très spectaculaire car digne des Doors, il pousse une sorte de push ultime. Et tout est bon jusqu’à la fin, jusqu’à ce heavy «Liar’s Market» compressé dans le son.

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    Cinq ans plus tard, The John Doe Thing récidive avec Freedom Is. Sur cet album, Doe claque du vieux doom. On suit ce mec de toute façon, quoi qu’il fasse. Il demande à son friend de le catcher - Catch me - C’est du heavy Doe d’évidence. Avec cet album, il vise le big atmospherix. Il tape ses compos comme s’il était le roi du hit-parade et ça prend vite des tours. Il balaye les vagues de l’océan, il est d’une certaine façon le Victor Hugo du rock californien. Avec une belle barbe, il ferait illusion. Quel power ! On ne compte pas moins de cinq big cuts sur cet album, ce qui semble être la vieille moyenne d’X. À commencer par «Telephone By The Bed», une heavy pop qui sonne comme la marée du siècle. Doe sait lever des légions avec de superbes coups de guitare. Il gratte à la sauvage, il a toujours été bon dans le fast drive de chords. Il enchaîne cette merveille avec une autre merveille, «Ever After». C’est encore une fois du pur Doe, bien poussé dans les extrêmes, bien secoué du cocotier. Il passe à l’exercice délicat de la Beautiful Song avec «Ultimately Yes». Irréel car tellement mélodique. Quasi Buckley dans l’âme, angle mélodique parfait. Il faut écouter ce mec car il est bon comme le pain chaud. Il accroche toujours plus, cut after cut, on sent comme une progression. Il amène son «Smile & Wave» au vieux boogie claqué d’accords certains et il chante le mords aux dents. Somptueuse rockalama. Mais son terrain de prédilection reste le punk-rock, comme le montre «Too Many Goddam Bands». Il adore foncer dans le tas. Vas-y mon gars Doe, fonce ! C’est l’un des grands fonceurs de Californie et en plus, il chante à la petite ramasse de la rascasse. Il fait son cirque et il faudrait presque que ça se stabilise pour qu’on comprenne. Ce mec manie la puissance avec la poigne d’un forgeron du moyen-âge, il travaille l’acier de sa pop au marteau. Doe l’excellent guy s’enfonce dans «Totally Yours», il fait son business, after all, Doe est bon mais il reste Doe.

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    En 1990 il attaque une carrière solo avec Meet John Doe. Pour le meeter, on le meet, pas de problème. Il propose d’emblée du big sound et comme ce mec chante bien, ça crée de la confiance. Il envoie ses vieilles clameurs, il a du métier et même une vision, alors forcément ça coule de source. Une petite gonzesse l’accompagne sur les montées en puissance, comme dans l’X. Doe sait très bien ce qu’il fait. Il y a du Vulcain en lui, une science très ancienne de la forge. Le son de cet album nous submerge, cet enfoiré sait nous cueillir au menton et personne n’ira se plaindre. Il fait du big Doe de charme, c’est un rocker chaleureux et bienveillant auprès duquel on aime bien se pelotonner, si on est une gonzesse, bien sûr. Cut après cut, il va chercher des vieux réflexes de son, c’est très spécial, après on fait comme on veut : soit on apprécie, soit on ferme les écoutilles. Chacun cherche son chat. Il faut cependant attendre «The Real One» pour frémir. Doe propose là un retour de manivelle de belle pop atmosphérique. Il faut bien dire que ses envolées valent le détour. Il embraye aussi sec sur «Take #52», une Beautiful Song digne de Fred Neil. Doe adore exceller, il a les moyens de sa justesse. Et comme si cela ne suffisait pas, il enchaîne avec «Worldwide Brotherhood», un cut quasi-anglais tellement c’est plein d’esprit de son. Quelle dégelée royale, baby ! C’est un big heavy sludge, une pure énormité, il s’en va hurler sa hurlette là-haut sur la montagne et c’est salué par des guitares dévoyées. Bon après, c’est moins convaincu, il fait ses petits trucs dans son coin et il a raison. «Touch Me Baby» sonne comme du petit boogie MTV et on sent ici un léger manque de sincérité. Oh pas grand chose, mais quand même.

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    Doe fait des albums délicieux, comme le sont ces petits gâteaux spongieux aux pépites de chocolat. L’un des meilleurs exemples serait sans doute Dim Stars Bright Sky. Eh oui, à l’autre bout du monde, Doe crée de la magie. «Always» relève du génie pur, can’t keep my heart from burning, dit-il en groovant sa ramasse, il a une façon très spéciale de dériver, driving in circles, my hands like that clock they move one by one, il faut l’entendre chanter ça, il dérape dans l’excellence du groove, just gave up drinkin’/ Drivin’ away, il épouse le feeling de ses paroles, cette façon qu’il a de dire I always dream of you fait penser à Mercury Rev, et il revient inlassablement à cette formule magique, coming a long way from you/ But I always dream of you. Impossible de résister à ça. On croise rarement des chansons qui montent aussi massivement au cerveau. L’autre coup de génie de l’album s’appelle «This Far», un balladif éclatant de pop. Doe avance à couvert et s’en va exploser sa pop avec une voix qui ne frime pas. C’est sa force, le pouvoir du lousdé du Doe, il explose son «This Far» avec cette majesté qu’il montrait déjà au temps de «The Have-Nots», c’est le génie vindicatif de Doe, il ne la ramène pas, il n’est là que pour les chansons. Sur le reste de l’album, il fait du gratté d’acou au coin du feu. Il a du texte, alors pas de problème. Certains cuts n’ont rien dans la culotte, mais c’est pas grave. Doe fait régner une ambiance spéciale. Il sait donner du temps au temps. Son «Closet Of Dreams» finit par convaincre. Et même s’il démarre son «Forever For You» sur le drumbeat des Champions de Queen, il sauve les meubles en chargeant sa mule de pop. Il sait hanter un son. Il a même un cut qui s’appelle «Magic». Il sait faire décoller un cut du sol. On croit que ça ne va pas marcher et si, il y parvient systématiquement. Il va ensuite chercher de sacrés rebondissements et on finit par tomber immanquablement sous le charme. Il tourne la pop de «Backroom» en pop lumineuse et l’album est tellement réussi qu’on le réécoute dans la foulée, histoire d’être bien certain de n’avoir pas rêvé.

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    Du coup, on se retrouve en état d’alerte quand arrive un nouveau Doe solo. Forever Hasn’t Happened Yet ne déçoit pas les attentes, bien au contraire. Dommage que les notes de pochette soient illisibles. Doe s’entoure ici d’une belle équipe de copains, à commencer par Grant Lee Phillips et Dave Alvin. Ils démarrent avec un vieux delta blues de Los Angeles, «The Losing Kind». C’est assez puissant et ça tue bien les mouches. Et pouf, violent coup de génie avec «Heartless», power atroce, on se croirait à Memphis, on a du son plein les oreilles, quelle désaille ! C’est même digne du ‘68 Comeback. Dave Alvin l’allume au bulbic. Une certaine Veronica Jane vient duetter avec Doe sur «Mona Don’t». Elle se positionne en contrepoint du big Doe qui reste en mode soft-power. C’est d’un balèze qui va loin. Il explose son rock avec une aisance indécente. «Mona Don’t» est apoplectique de son et de présence. Doe booste son rock sans forcer sa glotte. Il duette plus loin avec Neko Case sur «Hwy5». Elle lui donne la réplique comme au temps de l’X, c’est infernal, plein de jus et ça tourne à l’horreur congénitale avec du killer solo flash à la clé. Pour réussir ce coup de Jarnac, il passe en mode sludge d’overdrive. Ce mec règne sur son empire, ne vous faites pas de souci pour lui. Il groove son «Worried Brow» comme n’ont jamais su groover les Doors, il est dans l’absolu du groove, dans l’expression du génie contenu. Et pour «Your Parade», il s’adjoint des poulettes éplorées qui viendront le rejoindre dans le lit du fleuve. Il adore mêler sa bave à celle des poules, mais c’est commun à tous les hommes. Il sait aussi se montrer pur côté roots, comme le montre «There’s A Black House», il passe en confiance et s’adjoint les services de Kristin Hersh. Ce sacré Doe est rompu à tous les métiers. Il explose le rock de «Ready» sans préambule. La reine Kristin revient duetter avec le roi Doe et ça devient monstrueux de classe, ils règnent tous les deux sans parage sur le monde du rock californien.

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    Ça finit par devenir une manie chez Doe, les big albums. En voilà encore un : A Year In The Wilderness. Paru en 2007, toujours sur Yep Roc, comme Chuck Prophet. Attention à «Hotel Ghost», Doe allume la gueule de son cut au one two et pouf, ça te saute à la jugulaire, tu as là le summum du power rock angelino. Il enchaîne aussi sec sur «The Golden State». Cet enfoiré a tout le son dont on peut rêver. Il étend son empire quand il veut. La poule qui chante avec lui s’appelle Kahtleen Edwards et elle est bonne, les voilà tous les deux jetés dans le feu de Dieu, ils sont au delà de toute expectative, chant à deux voix et tu tombes de ta chaise, you are the hole in my head ! Pour calmer le jeu, Doe fait un peu d’Americana avec «A Little More Time» et soudain tout explose à nouveau avec un «Unforgiven» riffé en pleine poire. C’est la spécialité de Doe, le son d’un autre monde avec la voix d’Aimee Man dans le flux. C’est profondément génial. La voix d’Aimee Man apparaît à peine et il faut le voir poursuivre son épopée d’unforgiven. S’ensuit une autre énormité, «There’s A Hole», aussi funeste que les précédentes. Personne ne peut résister à ça. Doe bombarde son cut de stomp et il faut s’accrocher au mât. Il clame there’s a hole et c’est grandiose. Il combine deux powers, le power du son et le power du Doe. Un brin de power pop pour digérer ? Voilà «Lean Out Yr Window», mais avec du big sound. Ça reste brillant et dirigé vers l’avenir. Quel power-popper, il ne se refuse aucun luxe ! Il boucle son affaire avec un «Grain Of Salt» assez explosif. Il réussit à créer la sensation dans le gratté d’acou.

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    En 2009, Doe enregistre Country Club avec les Sadies. Franchement, il ne pourrait pas rêver de meilleur backing band. Dès «Stop The World & Let Me Off», Travis Good traverse le son au piercing country honk, c’est d’une grande beauté avec tous ces clap hands, le son est comme traversé d’éclairs de wild country, pas de meilleure concoction, ils envoient leur démesure voler over the rainbow. Alors après, ça devient beaucoup plus classique, mais bien chanté. Avec sa voix chaude, Doe inspire confiance, il ne fait pas partie de cette clique de cuistres à la mode. On entend pas mal les frères Good dans cette aventure, ils en connaissant un rayon en matière de country roll. On pourrait même se plaindre du trop de son. Doe duette avec Margaret Good dans «Before I Wake». C’est embêtant tous ces duos, on a l’impression que Doe finit par se prendre pour une superstar. On reste dans le zyva Nashville Mouloud avec «I Still Miss Someone», mais la country de Doe ne marche pas à tous les coups. On s’ennuie sur certains cuts, comme si les Sadies mettaient leur magie en veilleuse. Nouveau try out avec «Take This Chains From My Heart» et cet album dont on attendait monts et merveilles se réveille enfin. Il faut cependant attendre «Are The Good Times Really Over For Good» pour retrouver l’apanage des country men. Travis Good joue comme un diable, ce qui est en général mieux qu’un dieu. Il joue même à la folie du craze et ça explose enfin. Doe reprend ensuite le «Detroit City» de Jerry Lee - I want to go home - Oui, il ose.

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    Paru en 2011, Keeper est certainement l’album le moins sexy de Doe. Le problème c’est que Doe sonne comme un vieux copain. Il développe son petit velouté de proximité, une Americana un peu feutrée en manque de crédibilité artistique, ce n’est pas gagné d’avance. D’autant que la pochette est assez m’as-tu-vu, du style oh regarde comme je suis beau avec ma chevelure de wild punk-rocker légendaire. Ses départs de cuts en mode rock sont toujours aussi bons, il a de l’expérience, il sait faire passer des idées. Au dos du digi, on le voit contempler une colline, et à l’intérieur, il pose dans le désert, avec une Mercedes derrière lui, une erreur que ne commettrait pas Jonathan Richman. Sur cet album, Doe peine à rétablir la confiance. Il semble en panne d’inspiration. C’est compliqué. Il chante le heavy blues de «Moonbeam» de l’intérieur du menton, comme Jimbo. Voilà ce qu’il a compris de Jimbo. Il tente de reconquérir son audimat avec «Handsome Devil», mais c’est mal barré. On se croirait chez Moon Martin. Il sauve ce pauvre album avec «Jump Into My Arms». Il renoue enfin avec l’avenir, grâce à ce cut bombardé au drive de basse évanescent. Doe est un artiste qu’on écoute jusqu’au bout, mais c’est parfois à ses risques et périls, car franchement la fin d’album n’est pas jojo.

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    En 2010, Doe duette avec Exene sur Singing And Playing. Faut-il redouter le pire ? On entre dans cet album comme on entre dans la mer glacée, de la pointe des pieds. Exene rentre dans le lard d’«It Just Dawned On Me» et Doe vole aussitôt à son secours. C’est une habitude de vieux couple. Cette pauvre Exene chante tout ce qu’elle peut, et le chevalier Doe veille sur elle. Ils attaquent ensuite «Never Enough» au coin du feu. Doe essaye de mettre son Enough en valeur et il y parvient à coups de relents d’Americana et le chant à deux voix prend du volume, comme au temps d’X. Doe tient bien la dragée haute, il jerke bien son chant, il gratte sa gratte comme un vétéran de toutes les guerres. Il réussit même à imposer Exene dans «Beyond You». Elle se met à sonner comme Joan Baez. Doe doit vraiment la respecter car elle s’améliore. Et pouf, voilà que Doe se prend pour Dylan avec «See How You Are». Il va vite en besogne. Rien de plus Dylanex que ce cut. Doe a bon dos dans la version live de «See How You Are» qui suit, il gratte tous ses poux et comme Dylan, il rajoute des couplets dans le feu de l’action, alors ça devient très spectaculaire.

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    L’année suivante, Doe se lance dans un nouveau numéro de duo avec Jill Sobule sur A Day At The Pass. Il y a du monde derrière : Don Was on bass. Le problème c’est que Jill Sobule n’a pas la voix de rêve. Il semble que Doe adore les filles qui n’ont pas trop de personnalité vocale. Il est assez brillant dans son rôle de Doe protecteur. Sa présence réconforte. Le problème avec Jill Sobule c’est qu’elle se prend pour la reine du rodéo et ça devient vite agaçant, elle n’a ni l’ampleur de Lorette Velvette et encore moins celle de Loretta Lynn. Elle gueule plus qu’elle ne chante. Ouf, Doe reprend les choses en mains avec «Walking Out The Door». On se croirait à Nashville tellement les clameurs country sont belles. Et pouf ça déconne avec «Baby Doe». Elle sonne comme les reine des Exenes, c’est très MTV, Jill n’est pas Lucinda, il lui manque un truc. Doe et Sobule, ce n’est pas non plus Campbell & Lanegan. Back on punk avec «Never Enough» qu’on a entendu sur l’album précédent. Doe revient à ses sources - Crazy for a junk/ And it’s never enough - C’est inespéré, il tape dans le tas et revient aux réalités. Il claque ça à la tension angelinotte, il ramène tout le touffu de son vieux boisseau. Mais comme dans X, dès que Jill Sobule refait surface, tout s’écroule. Doe reprend le micro pour allumer une belle cover de Big Star, «I’m In Love With A Girl». Les seuls cuts jouables de cet album sont ceux de Doe. Jill Sobule ne s’en sort bien qu’avec le dernier cut «I Kissed A Girl» car elle chante à la bonne énergie et tout l’orchestre la soutient. Peut-être que sa voix est trop sucrée, trop soluble pour une Sobule. Elle ne pourra jamais s’imposer.

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    Nouvel album solo en 2016 avec The Westerner. Les photos du booklet sont d’un ridicule inespéré. On y voit Doe chevaucher dans les collines, comme un guerrier en maraude. Un mec de l’acabit d’Akaba ne devrait pas se prêter à une telle mascarade, c’est comme s’il s’éclatait au Sénégal avec sa copine de cheval. Il porte pour la circonstance un complet noir brodé de flèches blanches, alors t’as qu’à voir. Mais avec «Get On Board», Doe does it right. Il entre dans son cut à la folie Méricourt. C’est un adroit dévastateur, il joue ce riff liquide qui te coule dans l’oreille, il sait doser son Doe, quel bel enfoiré ! Le riff semble glouglouter dans le son et ça monte doucement mais sûrement, comme la marée. Il sait encore créer la sensation. Here we go ! Chaque fois on attend des miracles de Doe mais il faut bien avouer qu’ils se raréfient. Avec «Get On Board», l’autre gros coup s’appelle «Drink Of Water», un cut violent, digne du temps de l’X, classique mais typical, punk-rock de bonne instance, monté au big beat des temps révolus. Sinon, il fait des balladifs de mec qui vieillit mal et qui se croit romantique. Il cherche à créer la sensation avec de vieux serpents à sonnettes, même si comme dans «My Darling Blue Skies», il ramène des guitares spectrales et du big sound. Mais cette fois ça ne marche pas. Il essaye pourtant de pousser grand-mère dans les orties, mais cette vieille folle résiste. Il commet en outre l’erreur de faire chanter Debbie Harry dans un bordel sans intérêt. Avec «Alone In Arizona», il va chercher des trucs un peu atmospherix à la mormoille. Pauvre vieux Doe, on ne peut plus faire grand chose pour l’aider, à part lui filer 20 euros pour un disk pourri. Il faut parfois se montrer généreux, ça permet d’aller au paradis quand on crève. Il joue sa dernière carte avec «The Rising Sun», mais ça ne marche pas. Il a semble-t-il perdu l’instinct des grands coups d’éclat, dommage, d’autant plus dommage que ses collègues Mould et Prophet continuent eux de créer la sensation.

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    Doe participe à d’autres projets, comme celui des Flesh Eaters. Il y joue parfois de la basse, comme sur cet album qui date de 1981, A Minute To Pray A Second To Die. On se fie à la belle pochette, mais attention, le chanteur Chris D est encore pire qu’Exene. Une véritable catastrophe. D’autant plus incroyable qu’on retrouve dans le groupe des pointures comme Dave Alvin et Bonebrake aux maracas. «Digging My Grave» est gratté au vomi punk de San Francisco. C’est le pire des mauvais plans : un super-groupe rassemblé autour d’un mauvais chanteur. Une vraie casserole. On se demande ce qui attire Doe chez les casseroles. Quand on écoute «Satan’s Stomp», on ne comprend plus rien. Comment les Flesh Eaters ont pu atteindre une telle renommée ? Chris D mériterait la médaille de pire chanteur de tous les temps. Et tous ces pauvres mecs autour de lui essayent de bâtir un univers musical intéressant, mais dès qu’il ouvre le bec, tout s’écroule. Le pire, c’est quand il va chercher les aigus. On souffre pour de vrai. Cet album sonne comme un calvaire. Il n’existe rien de pire.

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    Par contre, I Used To Be Pretty, est une bombe atomique. Cet album des Flesh Eaters date de 2019. Bon d’accord, Chris D chante toujours aussi mal, mais derrière, les Flesh Eaters ramènent tout le barda d’un régiment, le son monte à la folie du sax et ces poussées ne sont pas sans rappeler celles de Van Der Graaf, et comme Bonebrake bat le beurre, on imagine la gueule du beat. Le chant se consume dans une ambiance d’alerte rouge. Ces Flesh Eaters ne sont pas de la gnognotte, jugez-en par vous mêmes : Bonebrake au beurre, Dave Alvin des Blasters à la gratte, Doe on bass et l’infernal Steve Berlin on sax. Et c’est lui qui infecte tout, dans la pure tradition du Fun-Houser Steve MacKay. Il fout le feu en permanence. Et Dave Alvin n’en finit plus de passer des killer solo trash. Fantastique shoot de chique que ce «My Life To Live». C’est Dave Alvin qui allume cette stoogerie. Dommage que Chris D chante comme un con. Mais encore une fois, il a derrière lui une énorme pulsation. Les Flesh Eaters tapent aussi quelques somptueuses reprises à commencer par «The Green Manalashi» de Peter Green. C’est travaillé au heavy sax de perdition, très prog dans l’esprit. Steve Berlin vole le show avec ses phrasés statiques de slave jazz on the run et bien sûr l’autre allumeur d’Alvin vient craquer sa noix. Ils tapent aussi une cover bien hot du «Cinderella» des Sonics, hey hey hey hey, Chris D chante si mal que ça finit par passer, il rivalise de raw avec Gerry Roslie et bien sûr Dave Alvin fait son Paripa. Ils atteignent une sorte de summum explosif avec la cover de «She’s Like Heroin To Me». C’est monté en neige et explosé dans la descente. Chris D fait son Jeffrey Lee Pierce comme il peut. Alvin, Doe et Berlin jouent comme les pires démons de l’univers, wow quelle giclée, avec Bonebrake qui bat tout ça comme plâtre. Berlin n’en finit plus de passer des coups de free demented. «Miss Muerte» sonne comme un hit des Sonics. Dave Alvin is on fire, alors oui, on y va, d’autant que Steve Berlin arrose tout de free incendiaire. Encore un fabuleux freak-out avec «The Yougest Profession». Avec un mec comme Dave Alvin dans les parages, il faut rester sur ses gardes. Ce mec fout le feu, au sens propre. Il reste à la croisée des Stooges, du Gun Club et des Sonics. Il explose en permanence. Alvin + Berlin = white heat. Avec «Pony Dress», ils sonnent comme Pere Ubu et revendiquent le power saxé. Dave Alvin y passe un nouveau killer solo flash et Doe multiplie les remontées de basse. Tout ce capharnaüm se termine avec «Ghost Cave Lament», un cut éminemment atmosphérique arrosé au sax de non-recevoir. C’est du vieux mathos maintenu en attente, ils font monter la sauce sur 13 minutes. Dave Alvin dessine des arabesques, Doe a bon dos et Berlin couve sous la braise. De toute évidence, il se prépare à exploser.

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    Du coup, on ressort le Live des Flesh Eaters enregistré en 1988 avec la même équipe, notamment Steve Berlin. Ils font déjà ce heavy prog rock à la Van Der Graaf. Avec son sax, Steve Berlin lève un vent de folie. C’est dingue comme Doe aime les mauvais chanteurs. Chris D est toujours aussi insupportable. Avec «Divine Horseman», ils se rapprochent de Captain Beefheart. Steve Berlin est l’instigateur de cette mélasse extraordinairement vénéneuse. Pour la reprise du «Cinderella» des Sonics qui boucle le bal d’A, Chris D compense son pas de voix en braillant. En B, on le voit s’accrocher à «My Destiny» comme un alpiniste suspendu au-dessus du vide. Il crie avec la même rage angoissée, argghhhh, pas lâcher prise, pas lâcher prise... Doe sauve les meubles en chantant «Poison Arrow». Ambiance stoogienne. En fait ils chantent à deux, on entend même le riff de «Cold Turkey», alors t’as qu’à voir.

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    En 1985, Doe monte un nouveau projet avec Dave Alvin, Bonebrake, Exene et le stand-up man Johnny Ray Bartel : the Knitters. Poor Little Critter On The Road sort sur Slash en 1985. Cet excellent album nous offre une sorte de retour aux sources. On se croirait presque chez les Blasters tellement le slap est beau, notamment en B, avec «Love Shack». Bartel monte au slap comme d’autres montent au braquo. Dommage que ce soit Exene qui chante. Ils passent en mode Wild Cats avec «The Call Of The Wreckin’ Ball», ils fouettent cocher et filent ventre à terre. Tout ce qu’on peut dire, c’est : wow ! Alors wow ! Ils font aussi de la gothic Americana avec «Baby Out Of Jail», un genre dans lequel s’illustrera Blanche un peu plus tard. Et le duo d’enfer Bonebrake/Bartel embarque «Rock Island Line» pour Cythère. Aller simple. No way back. En A on les voit encore tailler de belles croupières à l’Americana, notamment avec le morceau titre d’ouverture de bal. Exene chante presque bien. Ils optent aussi pour la soft country avec «Walkin’ Cane». Ils l’attaquent en mode doux comme un agneau et le finissent en mode heavy rockab de bonne aubaine. Bonebrake nous bat «Poor Old Heartsick Me» sec et net, histoire de nous rappeler qu’il est l’un des meilleurs batteurs américains. Les Knitters bouclent leur bal d’A avec un beau hit d’X, l’imparable «The New World».

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    Il existe un autre album des Knitters paru en 2005 : The Modern Sounds Of The Knitters. Le cake sur l’album c’est Bonebrake, car il faut l’entendre driver le beat de «Long Chain On». Fabuleuse musicalité. Stand-up + Dave Alvin, ça donne un truc peu commun dans l’exercice de l’excellence. Ils font aussi une reprise de «Burning House Of Love» en mode Americana. Doe est parfait dans le rôle, il chauffe sa cambuse et Dave Alvin arrive pour tout démolir sur fond de takatak de stand-up. Ces mecs ramènent toute l’énergie du wild rockab avec des voix doublées d’X, alors ça part comme une fusée. C’est un album de rockab et de twin attack d’X. Ils font aussi une cover du «Born To Be Wild» de Steppenwolf. C’est un hymne qu’ils mythifient en le musclant au deuxième tour, mais en mode rockab. Ils en font une version démente, pleine de variantes, une stupéfiante ré-interprétation, drivée au rockab craze, avec Dave Alvin dans le feu de l’action. Ils reviennent aussi à l’Americana avec «In This House That I Call Home». Doe le gave de big beat et c’est claqué à la stand-up. Ils restent l’Americana avec «Dry River». C’est tellement plein de son que cet album devient une aubaine pour l’oreille. On entend Exene chanter sur deux trois cuts, mais ça tient par la qualité du backing. Ils tapent «The New Call Of The Wreckin’ Ball» au rockab de LA. Doe sait gérer les descentes aux enfers, même avec Exene dans les pattes. Bonebrake is all over the beat. Ces mecs se rendent-ils de la chance qu’ils ont d’avoir un batteur comme Bonebrake ? Dave Alvin allume «I’ll Go Down Swinging» en mode rockab mais cette folle d’Exene ruine le chant. Bon, la vie n’est pas facile.

    Signé : Cazengler, John Daube

    X. Los Angeles. Slash 1980

    X. Wild Gift. Slash 1981

    X. Under The Big Black Sun. Elektra 1982

    X. More Fun In The New World. Elektra 1983

    X. Ain’t Love Grand. Elektra 1985

    X. See How We Are. Elektra 1987

    X. Live At The Whisky A Go-Go On The Fabulous Sunset Strip. Elektra 1988

    X. Hey Zeus. Big Life 1993

    X. Unclogged. Infidelity Records 1995

    The John Doe Thing. Kissingsohard. Forward 1995

    The John Doe Thing. Freedom Is. Twah! 2000

    X. Live In Los Angeles. Shout Factory 2005

    X. Alphabetland. Fat Possum Records 2020

    John Doe. Meet John Doe. DGC 1990

    John Doe. Dim Stars Bright Sky. Shock Music 2002

    John Doe. Forever Hasn’t Happened Yet. Yep Roc Records 2005

    John Doe. A Year In The Wilderness. Yep Roc Records 2007

    John Doe & The Sadies. Country Club. Yep Roc Records 2009

    John Doe. Keeper. Yep Roc Records 2011

    John Doe & Jill Sobule. A Day At The Pass. Pinko Records 2011

    John Doe & Exene Cervenka. Singing And Playing. Moonlight Graham Records 2010

    John Doe. The Westerner. Cool Rock Records 2016

    Flesh Eaters. A Minute To Pray A Second To Die. Ruby Records 1981

    Flesh Eaters. Live. Homestead Records 1988

    Flesh Eaters. I Used To Be Pretty. Yep Roc Records 2019

    Knitters. Poor Little Critter On The Road. Slash 1985

    Knitters. The Modern Sounds Of The Knitters. Zoe Records 2005

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    Sylvie Simmons : Way out West. Mojo # 322 - September 2020

     

     

    Talking ‘Bout My Generation

    - Part Five

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    Les numéros de Rockabilly Generation se suivent et se ressemblent, tous aussi vivaces les uns que les autres, à l’image d’un genre musical encore très vert qu’on aurait tort de vouloir enterrer. Bientôt 70 ans d’âge, mais bon, le rockab, comme d’ailleurs le gospel, est à la racine de tout et un peu partout dans le monde, des groupes en perpétuent la tradition avec un art qu’il faut bien qualifier de consommé. Pas de meilleur avocat du diable que Rockabilly Generation qui depuis 2017 réussit à maintenir un équilibre éditorial entre les hommages aux vieux de la vieille et les portraits de nouveaux venus : non seulement on révise nos classiques, mais on fait en plus des découvertes.

    Dans le N°19 qui vient de paraître, deux articles remettent en route la machine à remonter le temps. En voiture Simone ! Quatre pages sur un Béthune Rétro sauvé des eaux, comme Boudu. Occasion manquée. Trop compliqué de toute façon. En feuilletant ces quatre pages, des tonnes de souvenirs sont remontés d’un coup à la surface, comme si un bouchon quelque part avait lâché. Toutes ces années, tous ces groupes, c’était un peu réglé comme du papier à musique mais diable comme on adorait garer la bagnole à Mazingarbe, à quelques kilomètres de Béthune. On y louait des chambres chez une dame charmante qui avait un poisson lune dans sa vitrine. Et de là on filait droit sur le beffroi, on regarait la bagnole derrière la Poste et on partait ensuite à l’aventure en bavant comme des limaces, car chaque année c’était la foire à la saucisse, avec des tas de groupes connus et d’autres parfaitement inconnus, c’était le temps de la foison, on ne savait plus où donner de la tête, on retrouvait les disquaires qu’on voyait chaque année, toujours les mêmes, on naviguait d’une scène à l’autre pour voir jouer les groupes, parfois ça tenait, parfois ça ne tenait pas, mais il y a eu pas mal de grosses révélations, comme par exemple les Anglais de Sure Can Rock, les Playboys de Rob Glazebrook, encore des Anglais, ou encore les Desperados de Californie qui étaient sur Wild, les Portugais Roy Dee & The Spitfires, et combien d’autres, des tas d’autres, et puis tiens les Wise Guyz, surtout les Wise Guyz, Jake Calypso et Don Cavalli, mais c’est vrai que l’affiche du Béthune Rétro miraculé de cette année fait rêver puisqu’on y retrouve la crème de la crème, Jake Calypso, Barny & The Rhythm All Stars et les Spunyboys. Et puis dans le chapô on nous annonce l’annive des 20 ans du Béthune Rétro l’an prochain. Il va falloir en glisser un mot à l’oreille du fantôme de Laurent, savoir si ça l’intéresse d’aller recasser une graine chez les Deux Frères.

    Alors on feuillette, Billy Fury, oui mais bon, et crac sur qui qu’on tombe ? Jerry Dixie. Ah le monde est petit ! Rencontré l’une de ses frangines, à l’époque où elle bossait à la Défense, disons dans les années 2000, et la relation a eu la peau dure, puisqu’elle existe encore bien qu’étant devenue sporadique, pour cause de délocalisation. Elle fut en quelque sorte une fiancée, mais son caractère explosif rendait toute idée de vie commune impossible, alors on ne se voyait que pour passer du bon temps. L’un des premiers cadeaux qu’elle fit fut un single d’un certain Jerry Dixie.

    — Jerry Dixie ? Tu connais pas ?

    — Ben non...

    — C’est mon frère. Il est à Sartrouville, à dix minutes d’ici.

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    Sur la pochette, Jerry gratte sa gratte. Il a le même sourire que sa frangine. Comme elle n’a pas de tourne-disque, il faut attendre le lendemain pour l’écouter. Ça s’appelle «Rockin’ At The ‘93’». Grosse surprise à la première écoute, car on s’attend à une espèce de country mou du genou de Sartrou, mais pas du tout ! C’est un sérieux blend de rockab, Jerry est dedans vite fait, bien fait, au beat d’Hey rock qui ne traîne pas en chemin. On se serait cru au Texas ! On se revit quelques jours plus tard.

    — Tu en as d’autres, des disques de ton frangin ?

    — Oui, tiens, j’ai ça...

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    Le CD s’appelle Dixie Rockabilly & Country. Pareil, sur la pochette Jerry gratte sa gratte. Il attaque avec «Hey Mr Songwriter», il est assez possédé, il a le hiccup facile. Une merveille ! Et ça continue avec «A Lit’ Bit Of Your Time», superbe tenue de route, c’est une révélation. Diable, comme ce mec est bon ! Il sait jerker le bop. Le guitariste s’appelle Patrick Verbeke, mais ça on va le découvrir un peu plus tard en menant l’enquête. On découvre aussi que ce CD Rollin’ Rock Switzerland est une compile de ses deux albums, Jerry Dixie Originals et By Fan’s Request. Tout au long de l’écoute, on s’effare de la qualité du son et du chant. Dans «Don’t Let The Bad Times Get You Down», ça banjotte comme dans le Kentucky. Jerry Dixie chante avec autorité, avec de vrais accents de Texas cat, son «Turn Away From Me» est une merveille imparable, il chante ça d’une voix profonde et si américaine. Et voilà qu’il tape «A Wall Of Coldness» au yodel. Il est d’une crédibilité à toute épreuve, on sent bien le fan qui a épongé toutes ses idoles. Pour un coin comme Sartrou, c’est carrément du super-stardom. Il est dans l’esprit, en plein dedans, il sonne comme Hank Williams ou Webb Pierce, c’est terrific de qualité. Il prend «How Long Will It Take» au louvoiement, il passe sous le boisseau du groove, il devient le real deal, the Sartrou working class hero, il est dans le feu de sa passion pour cette culture. On retrouve le fameux «Rockin’ At the ‘93’» suivi d’un «Big Sky Big Country» joué à la lumière du big sky. Il se tire une balle dans le pied avec «Back To Montana», car il pompe «Blue Suede Shoes» et redresse la barre aussitôt après avec l’excellent «On This Boxcar» - Travellin’ West - Jerry a du pot, il est toujours bien accompagné, tout est solide sur cet album, baby don’t you let me down, il a le son et il emmène son «Country Yodel Blues» au paradis, c’est bardé, absolument bardé de barda, il fait ce qu’il veut de sa voix. Et quand il reprend le «Jamabalya» d’Hanky, il est dessus, forcément.

    Elle ajoute :

    — Il a tout.

    — Tout quoi ?

    — Tous les disques de rock.

    Ah bon ? Effectivement quand on demande des copies de disques ou de films à Jerry, il a quasiment tout, surtout les films rares comme Rock Baby Rock It de Murray Douglas Sporup où on voit Roscoe Gordon, Johnny Carroll et d’autres fantastiques performers tombés dans l’oubli, les trois volumes des Collins Kids at Townhall, Carnival Rock de Roger Corman où on voit Bob Luman accompagné de James Burton, Teenage Millionaire de Lawrence Doheny où l’on voit Jackie Wilson, Chubby Checker, Dion et le Bill Black Combo, et le plus précieux cadeau de tous, un DVD sur lequel Jerry a compilé tous les scopitones de Vince Taylor. Jerry a frôlé la mort avec un cancer et c’est miraculeux de le voir en si bonne forme. Ce mec est un pur et dur, de ceux qu’on appelait autrefois les rockers de banlieue, working class jusqu’au bout des ongles. Il a tout simplement consacré sa vie à la musique qu’il aime, sans jamais se fourvoyer. Zéro frime. Fantastique constance de la prestance. Alors chapeau. Et merci à Rockabilly Generation de lui dérouler le tapis rouge. C’est à travers ce type de rencontre que ce canard forge sa réputation.

    L’autre bonne nouvelle, c’est la page 42 : trois visuels qui annoncent la reprise des festivals rockab à travers la France. Retour à la terre ferme.

    Et dans le N°18 paru avant la trêve estivale, on trouvait à la suite d’un hommage au grand Ray Campi le portrait d’un jeune amateur de Bluegrass, Benjamin Leheu. Inconnu au bataillon bien qu’il fut un temps basé en Normandie. Depuis, il s’est marié et s’est installé en Norvège. L’interview est passionnante, il évoque sa rencontre avec Hot Slap et il dit aussi avoir flashé sur l’excellent Pokey LaFarge qu’on a vu à plusieurs reprises sur scène à Rouen. C’est vrai qu’avec son look on pense à Pokey mais aussi à l’australien C. W. Stoneking, un autre géant du rootsy club. Tout ça pour dire que l’ami Benjamin a bon goût. Il cite aussi Hank Williams, bien sûr.

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    Très passionnant aussi le portrait d’Olivier Clément, on se dit tiens connais pas, on lit, on lit, et pouf on arrive à la fin sur la discographie. Quatre pochettes dont une connue au bataillon. Mais il est ici cet album ! On ressort de l’étagère le Dixie Stompers paru sur AWA en 1990 et qui, parce qu’il est bon, a échappé aux purges. On y trouve de jolies choses. Leur «Rock & Bop Blues» d’ouverture du bal de B est un pur chef-d’œuvre rockab. Vraiment digne de Charlie Feathers, monté sur une walking bass et hoquets à gogo. Aussi beau dans l’esprit, voilà «Loving Girl», vraiment joué dans les règles du lard fumé. Encore du wild rockab avec «Two Tones Shoes», embarqué au driving stomp. Ils terminent cette B exemplaire avec «Blue Jean Girl», classique mais solide. C’est un album très canadien dans l’âme. Les Stompers savent se fondre dans le rockab bien tempéré. Bravo, Olivier Clément ! On est donc bien content d’avoir lu son histoire.

    Signé : Cazengler, dégénéré

    Rockabilly Generation. N°18 - Juillet Août Septembre 2021

    Rockabilly Generation. N°19 - Octobre Novembre Décembre 2021

    Jerry Dixie. Dixie Rockabilly & Country. Rollin’ Rock Switzerland

    Dixie Stompers. #1. Awa 1990

     

    Inside the goldmine - Qui dort Dean

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    Le chasseur de loups sortit pour aller chercher de l’eau à la rivière. Soudain des coups de feu éclatèrent. Nate et son frère Nick se jetèrent au sol. Les balles pleuvaient. Ils devaient être des centaines dehors à canarder. Nate renversa la grande table pour se mettre à l’abri. Impossible de lever la tête pour jeter un coup d’œil, les balles sifflaient en permanence. Ces balles de gros calibre arrachaient chaque fois des éclats de bois. Il y eut une accalmie et Nate se rapprocha de la fenêtre. Il vit le corps du chasseur de loups criblé de balles à bison. Il était réduit en charpie. Là-bas, près de la rivière, des hommes sortirent du couvert en poussant un chariot chargé de foin. Ah ces chiens veulent nous enfumer ! Nate vida ses deux colts sur le chariot et réussit à abattre les deux hommes qui le poussaient. Le tir de barrage reprit aussitôt. Les balles sifflaient à nouveau dans la pièce. Nate se tourna vers son frère. Nick avait pris une balle dans le cou. Il était foutu. Nate tenta de jeter un coup d’œil par la fenêtre et vit qu’on poussait à nouveau le chariot en feu. Il vida ses colts mais le chariot avançait toujours. Il n’eut pas le temps de recharger ses barillets, le chariot heurta la cabane qui prit feu. Alors Nate écrivit rapidement une lettre d’adieu qu’il plia et glissa dans la poche de son gilet. L’intérieur de la cabane prit feu. Ça devint irrespirable. Nate s’empara d’un tabouret en bois et sortit en tirant, comme il avait vu faire Butch Cassidy et Sundance Kid dans un film, au cinéma municipal. Il s’écroula criblé de balles. Les mercenaires vinrent s’assurer que Nate et Nick étaient bien morts puis ils décampèrent. Jim Osterberg et Ella Fitzgerald arrivèrent un peu plus tard sur les lieux du drame. La cabane n’était plus qu’un tas de cendres. Ils virent Nate étendu au sol, les bras en croix. Malgré les centaines d’impacts de balles, il restait le plus bel homme d’Amérique. Jim vit quelque chose dépasser de sa poche. Il s’agenouilla. Oh on dirait une lettre ! Alors qu’Ella s’était mise à chanter un gospel, Jim déplia la lettre pour la lire à haute voix : «Il semble que je n’aie pas beaucoup de chances de m’en tirer. La maison est en feu. J’espère que vous penserez à écouter Dean Carter. Adieu Ella et Jim si jamais je ne vous revois pas. Nathan D. Champion.» Jim serra les dents tandis qu’Ella levait lentement les bras au ciel. Le chagrin leur broyait le cœur.

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    Bon c’est vrai, cette histoire est épouvantable, mais le message de Nate Champion est clair : il faut écouter Dean Carter. Pour ça, rien de plus facile : il existe une compile Big Beat parue en 2002, Call Of The Wild. Comme l’affirme Alec Palao dans le booklet, Carter was a wildman coughing up some of the most insane platters known to men. Dean Carter propose en effet l’un des plus affolants mélange de rockabilly sauvage et de stomping garage beat. Basé à Champaign, Illinois, Dean Carter aurait pu s’appeler Dean Frantic, ou encore Dean Relentless-Rocking-Drive. Il monte dans les early sixties les Lucky Ones avec Arlie Miller, Dave Marten (bass) et Kookie Cook au beurre. Pour conserver leur indépendance, Arlie Miller et Dean Carter montent un studio d’enregistrement - the Midnite Sound - et un label, Milky Way. C’est là qu’Arlie Miller devient une sorte de sorcier du son, un équivalent américain de Joe Meek. Il va produire durant les mid-sixties an incredible batch of pumped up, crazed recordings. Dean Carter qui tient à ne rien faire comme les autres gratte un dobro douze cordes. Sur la version complètement barrée de «Jailhouse Rock» d’ouverture de bal, Dean Carter est accompagné - en plus du basic backing - d’un accordéon, d’un ukulélé et d’une clarinette. Il enregistre «Mary Sue» avec Jerry Merritt, le guitariste de Gene Vincent. Carter pousse Mary Sue dans le push du pire extrême, dans un rockab-gaga complètement allumé digne de «Bird Doggin’», c’est violent, tendu au bassmatic, Carter chante le dos au mur, à la Little Richard, le feu au ventre et Merritt claque des notes de Mosrite ! Puis Carter démonte carrément la gueule du rock avec «I Got A Girl», on entend jouir un mec sous le riff carnivore, ouyyhhhh, jamais les Cramps n’ont approché ce niveau de sex craze, ha ha ha, la wah lance le solo pendant que l’autre continue de se branler, han han han, c’est extrême et, désolé les gras, insurpassable. «I Got A Girl» est le hit le plus ultime en matière de branlette gaga-punk, han han han car c’est du pur sex, un vrai coup de pieu dans le cul du cut. Puis Carter t’aplatit la «Rebel Woman». Il est le pire de tous, loin devant Lux et Vince Taylor, can’t you see. Il passe au tribal fracassé pour le morceau titre, pas de quartier. Dean Carter et Arlie Miller proposent une sorte de rock révolutionnaire, ils ne prennent rien au sérieux, on entend des guitares déglinguées dans «Sizzlin’ Hot», ils massacrent tout à la tronçonneuse, ils dévorent tout au no way out, ils pratiquent le so far out mieux que personne («Love’s A Workin’»), on entend partout des guitares excédées, des guitares à bout de nerfs. Et les racines rockab sont toujours là («Don’t Try To Change Me»). Oui, c’est là, in the face, I’m like a rolling stone, suivi d’un départ en solo de désaille. Carter propose aussi la version la plus punked-out de «Fever». Retour en grande pompe au wild rockab avec «I’m Leavin’». C’est inespéré, plein d’esprit du spirit. Ce mec est fou, il fait du James Brown dans «Dr Feelgood», il gueule dans son micro et derrière les folles font les folles, hey you ! Ça stompe dans le jus de juke, Dean Carter t’envoie une fois de plus au tapis. Tous ses cuts tapent dans le mille. Avec «You Tear Me Up», il plonge dans le deep groove et c’est à pleurer tellement ça écrase Elvis. Tout le génie de Dean Carter tient dans sa fantaisie, ou plutôt dans sa liberté de ton. Il monte tous ses cuts en neige sur un Milky Way dada. «Run Rabbit Run» est un mélange dément de rockab et de filles qui font yeah yeah ! Avec «Black Boots», il danse le jerk dans le club, il se prête au Grand Jeu du brouet gaga. C’est noyé d’espoir. Et quand il sort son dobro («Dobro Pickin’ Man»), c’est pour faire du Tony Joe White punk. Incroyable mais vrai ! Oh la violence du son ! Comme s’il réinventait le raw to the bone. Il fait du big Elvis groove avec «The Lucky One» et reste dans une sorte d’excellence lunaire. Et quand il rend hommage à Gene Vincent, ça donne «Boppin’ The Bug». C’est en plein dedans. Vibrant et stupéfiant de véracité. Retour au wild rockab avec «Forty Days». Pur wild cat sound ! Il termine avec un «Sock To Me Baby» à la Mitch Ryder, mais ça va loin cette histoire, parce qu’il sonne exactement comme Mitch Ryder.

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    Il existe un moyen de creuser l’histoire du Milky Way : une autre compile Big Beat : The Midnite Sound Of The Milky Way. On y retrouve notamment les mecs de Lucky Ones qui accompagnent Dean Carter, Kookie Cook et Dave Marten. Grosso modo, l’ambiance sur cette compile est aussi excitante que sur celle de Dean Carter. Cookie Kook vole le show avec «Don’t Lie» - Don’t lie to me babe - Il y va, bien insidieux, oh no no. Comme chez Dean Carter, on a un son très travaillé et une incroyable énergie. «Revenge» est le hit de l’asile de fous. Et avec «Misery», Cookie Cook fait du wild garage complètement sci-fi d’exaction, c’est gratté à la ramasse gaga du Milky Way et défenestré à coups de wouah. Cookie Cook est le plus enragé de tous. C’est un démon, avec «I Feel Alright», il tente d’égaler Dean Carter, mais Cookie n’est pas Dean. On a bien sûr un vieux départ en solo wild gaga. Il revient vers la fin avec «Ooby Dooby», un shoot de rockab pur. Une merveille, au niveau de la qualité du son. Ça boppe ! Clean as hell. Ils ramènent la crème du bop mythique, yeah yeah, font les filles. Leur version monte au firmament. Dernier coup de Jarnac de Kookie : «Space Monster», il y fait le boogaloo et pour ça, il est au bon endroit. Autre bombe : «Rebel Woman» par The 12th Knight, ça joue à la heavy fuzz, on plonge avec ça dans l’enfer de la fuzz du midwest, la pire fuzz de l’univers. Autre merveille inexorable : «Low Class Man» par The Four A While. Ils rampent juste derrière. C’est d’une modernité stupéfiante. George Jacks refait une version mouvementée de «Rebel Woman» et plus loin, il casse la baraque avec «Look». Et voilà le fameux sub-teen gaga band, the Cobras, avec «Try». Teenage délinquance et vrai son, poppy mais Midwest. Dave Marten s’en sort bien avec «You Gotta Love Me», il a envie d’elle, c’est un obsédé. Saluons aussi The Grapes Of Wrath qui avec «I’m Gonna Make You Mine» élèvent la pop du Midwest au rang d’art majeur, avec à la clé, un joli killer solo flash.

    Signé : Cazengler, Dean Carton (pâte)

    Dean Carter. Call Of The Wild. Big Beat Records 2002

    The Midnite Sound Of The Milky Way. Big Beat Records 2004

     

    L'avenir du rock -

    Dave ne Wyndorf que d'un œil - Part Three

     

    — C’est vrai ce qu’on dit, avenir du rock, que vous faites trois pas en arrière pour prendre de l’élan ?

    — Qu’y a-t-il de mal à ça ? Je ne vois pas où est le problème...

    — On vous imagine plus faire trois pas en avant que trois pas en arrière.

    — L’un n’empêche pas l’autre. Pourquoi voulez-vous que ça soit mieux dans un sens que dans l’autre ?

    — C’est la portée symbolique, voyez-vous. C’est un peu comme si vous reculiez pour mieux sauter...

    — Mais voyons, ça n’a pas de sens. L’élan n’a rien à voir là-dedans. L’élan est assez grand pour se débrouiller tout seul. L’élan se prend ou ne se prend pas ! C’est un peu ce que disait André Malraux, non ?

    — Oui, c’est vrai, mais quand même, vous devriez soigner un peu plus votre image... Pourquoi voulez-vous prendre de l’élan ?

    — Le problème n’est pas de prendre ou de ne pas prendre de l’élan, c’est l’élan qui décide, je viens de vous l’expliquer ! Je parle dans quelle langue ?

    — Vous vous débrouillez toujours pour arranger les choses à votre sauce. Ce n’est pas très fair-play de votre part.

    — Oh écoutez, vous êtes bien gentil, mais si vous étiez à ma place, vous feriez exactement la même chose.

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    L’avenir du rock ne voit pas que derrière ces questions se planque un reproche. Un groupe vieux de trente ans comme Monster Magnet a-t-il toujours droit de cité ? Alors on va répondre ce que répondrait l’avenir du rock : un groupe comme Monster Magnet a tous les droits, de la même façon que d’autres groupes n’en ont aucun.

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    Le faux double album trois faces paru cette année, A Better Dystopia, est un faux double album de reprises. Dave Wyndorf décide d’y repousser les frontières du Hell-gaga sci-fi. Il entre comme un shoot d’héro dans les artères du mythe viscéral avec un «Born To Go» d’Hawkwind complètement dévasté, complètement ravagé de l’intérieur, martelé dans les grandes largeurs, les Monsters monstérisent à outrance et voilà qu’un riff de basse inédit traverse ce flow déconcertant. D’ailleurs, Dave Wyndorf le dit à Duncan Fletcher : «I am totally in love with late ‘60s, early ‘70s paranoid songs.» Il propose la soupe aux choux de temps modernes - rrrrrrrrrru... rrrrruuuuu ! - une soupe à base d’acid-fried gaga, de heavy-psych, de proto-punk et de paranoid rock. On vient de l’espace pour goûter la soupe du Glaume Wyndorf, l’un de ceux que Fletcher qualifie à juste titre de true survivors, fervent croyant, nous dit Fletcher. Wyndorf croit au rôle de la popular music - a positive, redemptive, spiritually-guiding force - Une croisade qu’il mène depuis trente ans maintenant et qu’il mènera jusqu’au bout, donc ne te fais de souci pour la santé du rock, Wyndorf que d’un œil. Fletcher Honorama indique aussi d’où Wyndorf tire son inspiration : «From comic books, freak culture, bong culture, hot-rod culture, chou culture, pulp fiction, B-movies and writers such as William Burroughs and Hunter S. Thompson.»

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    Il va donc bourrer cet album de screams, comme le veut la tradition du mirifique paranoid psychosis. On réalise une fois de plus que Monster Magnet est le dernier grand Power gang américain. Eux seuls sont capables de relever le défi du «Solid Gold Hell» des Scientists. C’est un peu comme s’ils plongeaient dans leur élément. Wyndorf chante sur la réserve, juste derrière le voile de riff, et ça n’en est que plus toxique. Il cultive la tension, dans l’esprit du cut. Il lui donne une allure princière, au sens barbare de la chose, comme s’il chantait du haut d’un trône. «Solid Gold Hell» est probablement le cut le plus dérapé de l’histoire du rock. La voix de Wyndorf résonne dans des couloirs d’albâtre. Il déclame sous des voûtes, c’est désespérant d’ancienneté. On attend en vain le break de basse historique, mais les Monsters font autre chose. Le «Be Forwarded» qui suit nous vient d’un groupe nommé Macabre et le «Death» qu’on trouve en B est celui des Pretties. Avec «Mr Destroyer», ils renouent avec les clameurs de Sabbath, ces grands explorateurs du néant. Wyndorf chante vraiment comme le magicien d’Ozz du premier Sab et s’en vient flatter les plus bas instincts. Il précise au passage que c’est une reprise d’un groupe nommé Poobah. Bah dis donc ! Avec «When The Wolf Sits», on le retrouve perché au sommet du beat comme un loup de granit. Il chante à la clameur vespérale et redore le blason fracassé du power rock. Monster Magnet n’en finit plus d’abattre du terrain. On l’entend aussi chanter comme Edgar Broughton dans «Situation», ce sont exactement les échos de voix qu’on entend dans «Love In The Rain», alors t’as qu’à voir ! Le scream arrive au trot en C avec «It’s Trash». Wyndorf y hurle comme il n’a jamais hurlé et la guitare grelotte de notes de fulgure. La surprise vient de «Motorcycle (Straight To Hell)», une reprise de Table Scraps. Eh oui, nous y voilà. L’avenir du rock dans l’avenir du rock, comme autant de poupées russes. Hormis Birmingham band, Wyndorf ne dit rien de particulier de Table Scraps. Avec ce shoot de Motorcycle, Monster Magnet vise comme jamais il ne l’a fait le nec plus ultra de la brutalité bien ordonnée.

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    Pourquoi taper dans ce vieux son, demande Fletcher Honorama. Wyndorf répond que the ‘60s was an honest-to-God musical renaissance. Il ajoute que ce genre de phénomène ne se produit pas tous les jours. Fletcher Honorama ne comprend pas très bien, alors Wyndorf éclaire sa lanterne. Il explique que les mecs de l’honest-to-God musical renaissance ont inventé un art conceptuel qui n’existait pas avant, le rock’n’roll, un truc auquel personne n’avait pensé - We will be a band of brothers, a band of thugs, basically reinventing themselves to be characters or caricatures.

    Signé : Cazengler, Dave Wynmorve

    Monster Magnet. A Better Dystopia. Napalm Records 2021

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    Duncan Fletcher : The long trip home. Shindig! # 116 - June 2021

     

    BARON CRÂNE

    LES BEAUX JOURS

    ( Octobre 2021 / Bandcamp )

    Guitar : Léo Pinon-Chaby / Drums : Léo Goizet / Bass : Olivier Pain.

    Artwork : Nora Simon

    Baron Crâne, vu en concert à la Comedia de Montreuil, le Baron avait subjugué l'assistance, performance méritoire parce qu'à la Comedia le public il aime beaucoup le punk et le rock'n'roll destroy, et ils nous avaient servi une soupe au goût indéfinissable qui très vite se révéla être une ambroisie, un truc tantôt doux comme la tunique de soie de l'empereur de Chine et tantôt dur comme le fer de Lagardère qu'il vous aurait enfoncé dans l'œsophage. Un délice de rocker. Tout cela est raconté dans notre chronique 429 du 12 /09 / 2019. Bref ce quinze octobre 2021 ils sortent un album.

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    Ne fixez pas vos yeux sur la couve. Ce n'est pas qu'elle est moche, laide ou ratée, c'est qu'elle risque de vous saper le moral pour la semaine. Non elle est belle, elle rappelle ces intérieurs luxueux que peignaient Jacob Ochtervelt au dix-septième siècle, la scène respire la sérénité, une maman qui offre une tulipe à sa fille, attendrissant, si vous aimez les bêtes en voici deux, un chat et un chien qui s'amusent, serait-ce pas une allégorie pour signifier que la paix règne parmi les hommes. Arrêtez-vous là. Négligez de jeter un coup d'œil par les deux portes grand-ouvertes, vous seriez glacés d'effroi. L'on imagine un paysage campagnard, des vaches qui paissent paisiblement dans un halo de douce quiétude, c'est l'horreur absolue, ni une catastrophe, ni un cimetière, ni la guerre, tout bonnement le kaos ! Un paysage sens dessus dessous, les blocs monstrueux du monde entassés, fracassés, les uns sur les autres. Vous ne voulez pas le croire, et pour ne plus subir cette agression mentale, vous retournez, l'objet. Erreur fatale, ce que vous entrevoyiez, chers Caspard Friedrich en herbe, vous saute maintenant au visage, le gigantesque tohu-bohu deboule sur à vous plein-cadre, rien ne vous échappe, la terrible réalité de votre futur est là. Symbolisé par la petite fille qui s'est approchée de ce monstrueux empilement de glace, de rocs et d'écume ( suprême une entre les épaves abolit le mât dévêtu ) elle tient toujours sa rose à la main, ne priez pas pour elle, méditez. Le Baron nous signifie-t-il que la vie présente des hauts et des bas ( version optimiste ) qu'en ces temps pandémiques rien n'est assuré ( version réaliste ), que l'Humanité court à sa catastrophe ( version écologiste ), que nous sommes tous mortels ( version nihiliste ), que la sérénité de la beauté n'éclipse pas le grandiose fracas de son apparition ( version, celle que nous préférons, hölderlinienne ).

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    Danjouer : murmures des profondeurs venus des fonds de la mer, menaces des abysses qui enflent et pointent vers la surface, rupture battériale, trop classiquement rythmique pour être honnête, une vague qui caresse vos mollets pour mieux vous entraîner en avant sur les crêtes stridentes des guitares, jusqu'à la rupture incitatrice, break infini d'insistance de Simon Lemmonnier devenu moteur de cette force déferlante qui emporte tout et décroît lentement. La bête s'éloigne en sa tanière, avez-vous rêvé l'illusion des monstres qui grouillent dans la tourbe votre cerveau reptilien.( Simon Lemmonier : additionnal drums ) Larry' s journey : il existe une curieuse vidéo disponible sur YT réalisée par François-Xavier Dubois, une mise en images, une proposition de signifiance symbolique de ce morceau que je vous conseillerai d'écouter d'abord sans support visuel, les rockers purs et durs risquent d'être déçus, l'a un peu la facture jazz d'un opus de Thelonius Monk mais revisité en instrumentation rock, grossi et allongé au macrocospe, et quelque peu joué en accéléré, peut-être pour que les béotiens accoutumés aux riffs du rock basique se rendent compte qu'il existe aussi une subtilité titubante dans la musique. Qu'elle oscille toujours entre son et silence, entre séquence lente de la basse et séquence rapide de guitare, le tout martelé sur les tambours. Une plume d'ange qui vole sur le trou noir de l'Homme et ces mues successives, amoureux, sportif, jeune cadre dynamique soumis à la fureur innocente du sexe et à cette violence contenue qui n'attend que la moindre occasion pour se manifester, une vidéo quelque peu rilkéenne mais filmée à hauteur de nos instincts. Quarantine : le plus bel instrument n'est-il pas la voix humaine, ici elle colle à l'instrumentation comme si elle voulait la supplanter, ne lui laisse que quelques secondes pour poser les transitions successives, puis elle se métamorphose, combat du python et de l'anaconda, le réticulé enserré dans les anneaux géant de l'eunecte se tait, le vainqueur desserre ses anneaux, moment d'apaisement, le chant renaît en berceuse qui devient cri et rage lorsque la musique reprend sa puissance, l'on ne sait qui remportera la lutte, l'on dit qu'elle continue encore, qu'elle est sans fin. ( Cyril Bodin : vocal ); Mercury : raquellement de saxophone, une plainte sidérale, changement de climat, Quarantine était violent-prog, retour au jazz-infusion, montée en paliers, les instrus de base du rock s'entrelacent, tantôt ils marchent sur la pointe des pieds, tantôt la batterie bouscule le fragile équilibre, tout vacille, et l'on se trouve sur le long chemin de l'exploration expositive de la mélodie que Baron Crâne déroule selon un déploiement quasi-symphonique, et l'on retombe dans un solo sexyphone du bon vieux temps dans les terrains contigus du be-bop et de la new-thing, sur ce la batterie se radine avec ses gros sabots, très vite la guitare jalouse s'en vient zébrer de clinquances assourdissantes les roulades percussives, c'est l'alliance inespérée de la montée en les lointains de la puissance, si haut dans le ciel vide que ne nous parviennent que les ultimes traces sanglotantes du saxophone qui s'éteint. ( Guillaume Perret : saxophone ). Inner chams : attention, complexion complexifiante, le tutti entrelardé, séquence suivante la même chose mais en descendant d'un étage, en douceur pour les oreilles du chat qui n'y reconnaît plus ses petits, maintenant le Baron n'y va plus de main morte, vous balance des riffs épais comme des tranches de saucisson pour sandwich graisseux et plantureux, profitez de l'aubaine car ça ne dure pas longtemps, le méli-mélo jazzistique revient au premier plan, tous ensemble mais si serrés que l'on ne sait plus qui est qui, et l'on repart plein gaz avec cette guitare qui fuit et entraîne tout à sa suite, galopade de batterie et piqué de basse, le bolide se déplace à grande vitesse, jusqu'à la brisure brutale, avec ces tambours qui essaient encore une fois de se lancer dans un solo mais la guitare assourdissante leur coupe l'herbe sous les pieds, ils en sont réduits à se transformer en rythmique folle, tandis que la basse halète tel un chien lancé à la poursuite de la voiture de son maître, une fusée interplanétaire fonce dans le vide, attention au brusque atterrissage, l'on pensait débarquer sur un nouvelle étoile, l'on se retrouve à patauger dans notre pauvre cabosse. Merinos : une batterie en sourdine sur un rythme qui n'est pas sans évoquer le tempo impassible du boléro de Ravel, tout de suite survient la flûte avec ce son comme gêné aux entournures, comme si le souffle transportait trop de scories humaines, et la grosse artillerie écrase tout, quelques coups de marteau-pilon de la batterie pour clore la séquence, hoquètements cordiques et l'on se retrouve en apesanteur jazzistique du plus bel effet, l'on commence à comprendre la structure du morceau lorsque tonnent les canons stéréotypées des effets de manche du hard rock, qui se fragmente pour nous emmener dans un jazz-funk qui se fragmente afin de s'installer sur le devant de la scène, succès signalé par les gutturalités d'une basse annonçant le moment de décompression attendu, et l'on repart en guerre jusqu'à ce que la flûte pointe le bout de son museau, elle instaure un calme méditatif, vite renvoyé aux oubliettes par les gros pataugas du rock primaire qui s'amuse à détériorer la planète en écrasant arbres et cités en flammes. ( Roby Marshall : flûte ); Les beaux jours : pourquoi tant de haine dans le morceau précédent, pourquoi cette mer de glace triomphante, l'album ne s'intitule-t-il pas les beaux jours ! Les voici dans le dernier titre éponyme, après tout ce vacarme une voix humaine s'interroge sur l'inéluctabilité de la catastrophe matérialisée par l'ampleur sonore, alors la chansonnette hausse la voix, elle hurle la mélodie pour couvrir le vacarme du dehors, moment de prairie indolore, claquements sonores de mitraillettes battériale, lors la voix reprend et réussit à recouvrir le vacarme, elle se hisse à la crête du tsunami qui s'avance, elle ne veut pas abdiquer, elle refuse l'évidence, impose pratiquement le silence à l'hostilité qui la menace, tout est en suspend dans ce long solo de guitare qui tente de s'éterniser, la basse chantonne par-dessous, un instant d'éternité plane sur les eaux de l'angoisse, et le morceau s'achève doucement comme si l'optimisme avait triomphé. Un instant d'éternité, certes, oui mais pour combien de temps ? A moins que ce ne soit le truc de l'autruche qui truche et triche. ( Léo Pinon-Chaby : vocal ).

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    Un bel opus, pratiquement un concept album. Avec cette ambivalence et peut-être même cette trivalence rock-prog-jazz. Abouti et qui se cherche. Les invités ne sont pas là par hasard et mensongèrement l'on serait presque tenté de dire par amitié, sont une nécessité, les ambitions du Baron Crâne excède les strictes limites du simpliste trio de base. Difficile avec un matériel humain si primal, même lorsque l'on est doué, d'atteindre l'envergure de l'aile d'un ange. Nous ignorons vers quoi Baron Crâne se dirige, z'ont allumé notre curiosité, elle ne risque pas de s'éteindre.

    Damie Chad.

     

    *

    J'ai revu Mona. Sur le marché de Provins. C'est Denis le bouquiniste, le seul mec de la place qui vende de la bonne came, chez lui point de légumes avariés d'appellation Bio, qui me l'a tendu. Pas Mona, le bouquin. Pour toi, qu'il m'a dit et enlevant son pouce qui cachait le coin gauche il a ajouté Polar et Rock 'n' roll. Deux euros, je ne risquais pas de me ruiner. J'ai pris, j'ai li, j'ai vi. La chronique est après cette introduction. Avant cela, je vous cause un peu de Mona. Vous vous en foutez. Bande d'ignorants, derrière Mona, se cache Elvis. Pas évident à discerner, moi-même je n'en savais rien, du moins je le croyais, pourtant Platon l'a affirmé, on n'apprend rien, on se souvient. M'a fallu un méchant pense-bête pour que la mémoire me revienne.

    Bizarre ce nom d'éditeur, La Tengo Editions, qui est-ce, un petit tour sur le net et comme Hank Williams, I saw the ligth. Suis tombé en plein sur la liste de leurs publications, une première puce à l'oreille, ah c'est eux qui publient le mook, le Schnock, la revue des vieux de 27 à 87 ans, je suis jeune ( d'esprit ), aussi ne l'ai-je jamais volé ni acheté. Et puis aussi la revue Charles plutôt axée sur la politique, et enfin parmi d'autres Mona. Non ce n'est pas un magazine pour jeunes filles prépubère, mais une héroïne de roman policier. L'a un prénom passe-partout, mais le nom de famille qui suit est facile à mémoriser : Mona Cabriole.

    Dix livres parus entre 2009 et 2011. Pourquoi la série ne s'est-elle pas poursuivie jusqu'à nous ? Question d'autant plus pertinente que sur la quatrième de couverture l'est marqué encadré en un filet rouge : '' Mona Cabriole, 20 arrondissements, 20 auteurs, 20 romans, une collection de polars rock au cœur de Paris ''. Je n'ai pas de preuve, vous fournis un indice lourd de sens, le titre du dixième opus ne laisse présager rien de bon : Requiem pour Mona. Dans tout roman policier il faut chercher à qui ne profite pas le crime, les ventes n'ont pas dû avoir été pharamineuses, en haut lieu on a décidé d'arrêter les frais, pauvre Mona !

    Vous allez me trouver cynique, je suis triste pour Mona, snif ! Snif ! Mais je regrette Olivier. Olivier Brut, couturier styliste chargée d'habiller Mona, autrement dit de graphiter le packaging – ainsi parlent les anglais – bref chargé de la charte graphique des couvertures. Trois couleurs, noir pour le polar, rouge pour le sang, blanc pour la pâleur des cadavres, un exercice de style, c'est net, Brut s'en tire bien, esquisses glauques et fantomatiques, trois coups d'aplats filiformiques et il vous résume le book en trois coups de pinceaux. L'est doué le monsieur.

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    Sensibilité rock oblige, un tour sur son blogpost s'impose, vous découvrirez que vous le connaissez déjà, s'est chargé de plusieurs couvertures chez Camion Blanc, non pas les hideuses qui alignent en format timbre-poste des pochettes de disques, mais par exemple celle de 24 Histoires pour Lemmy dans lesquelles on trouve au hasard ( qui fait bien les choses ) Pierre Mikaïlloff, Alain Feydry ( voir recension de son livre Listen to me, Portrait de Buddy Holly in KR'TNT 522 du 23 / 09 / 2021 ) et cerise sur le gâteau un certain Patrick Cazengler. Un super boulot, tout est classé méthodiquement, j'ai déjà pris la décision d'écouter des disques que je ne connais pas uniquement parce qu'il s'est chargé des illustrations.

    Donc ils avaient repris la tactique de la série ( près de trois cents titres ) Le Poulpe : un auteur différent pour chaque nouveau bouquin. Ainsi le premier Tournée d'adieu est signé de Pierre Mikaïloff, ex-membre des Désaxés dont nous avons présenté ses biographies de Noir Désir et d'Alain Bashung, mais ce n'est pas lui qui nous intéresse, c'est le huitième tome de Stéphane Michaka, Elvis sur Seine, dument – parce qu'Elvis est notre vice – répertorié dans notre livraison 188 du 08 / 05 / 2014.

     

    LE CINQUIEME CLANDESTIN

    MARIN LEDUN

    ( La Tengo Editions / 2009 )

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    Marin Ledun a reçu toute une flopée de prix plus ou moins prestigieux pour une grande partie de ses livres, romans ou essais. L'écriture de celui-ci ne m'a guère convaincu, elle court mais pas assez sèchement, elle ne claque pas comme des coups de feu. Chez La Tengo Editions l'on a dû partir d'un principe-clef : les amateurs de rock écoutent disques et CD's par centaines mais ne sont pas des lecteurs de Proust ou de Joyce. Leur faut du fast-food, vite expédié. Z'auraient quand même pu refiler à Mona Cabriole une monture de ce nom, l'ont doté d'un scooter encore échappe-t-on à la mode de l'électrique, nous voici privés de pétarades Triumphales, en 2009 ce n'était pas d'actualité. Aujourd'hui elle serait dotée d'une trottinette.

    L'action ne trotte pas, elle galope, en un jour et une nuit Manon vient à bout d'un réseau de chair fraîche. Pourtant l'organisation maffieuse bénéficie de protections occultes. Les flics ferment les yeux, la mairie de Paris n'y voit aucun mal, on sous-entend fortement que dans les hautes sphères du pouvoir... Oui c'est politique. Le sujet est explosif, le sort réservé aux clandestins dans notre pays. Et spécialement dans le cinquième arrondissement. Surtout des jeunes africaines jeunes et jolies. Sans papier, sans boulot, des proies idéales... Critique un peu de gauche mais sans illusion révolutionnaire, les petites mains et les gros saligauds qui se chargent de la sale besogne finiront en prison, l'on s'en doute, la morale est sauve, l'on n'est pas dupe, les supérieurs ( soi-disant ) inconnus ne seront pas inquiétés et une fourmilière détruite, dix autres se reformeront aussitôt. La loi de l'offre et la demande. La main invisible du marché.

    Et le rock'n'roll là-dedans. Soyons franc, l'est un peu plaqué. Manon Cabriole est une passionnée de rock dur et de punk pointu. Son groupe préféré semble être Nofx, les néophytes ne sont pas entièrement perdus, des pointures comme Bowie, Metallica ou The Clash figurent au tableau. Aux moments cruciaux un refrain approprié tourne dans sa tête, des paroles qui rythment l'action, expriment l'urgence de la situation et définissent l'implication existentielle, pour ne pas dire éthique, de l'héroïne, transcrites en langue originale, mais traduites en bas de page en notre idiome national par Eloïse Bouton, je ne la connais pas mais elle m'a évité deux ou trois contresens et nombre d'inexactitudes.

    Vite lu, vite oublié. Espérons que quelques lecteurs peu sensibles aux fracas rock'n'rolliens se soient précipités vers leurs disquaires...

    Damie Chad.

     

    RAUNCHY BUT FRENCHY ( 4 )

     

    LE CHIEN DE BARABBAS

     

    N'accusez pas votre mémoire, ne relisez pas les Evangiles in extenso, jamais vous n'y trouverez mention du chien de Barabbas. En plus il est mort, Barabbas bien sûr, mais je parle du chien qui n'appartenait donc pas au Barabbas biblique mais à Barabbas, le groupe, qui a enregistré en 2014 un album intitulé Messe pour un chien.

    '' Barabbas, messe'', par la grâce de ces deux mots votre esprit a tilté : ça sent le christianisme ! Attendez je vous refile l'effectif du groupe : Basse, choeurs : Saint Jérôme / Batterie: Saint Jean Christophe / Guitare : Saint Stéphane / Prêche : Saint Rodolphe. Par et pour le Saint Riff Rédempteur, c'est leur cri de guerre !

    Après tout pourquoi pas, il existe une telle pléthore de groupes qui se réclament de Satan que se présenter sous une invocation christologique apparaît comme un gimmick commercial de plus. N'existe-t-il pas aussi aux Etats-Unis des groupes qui se définissent en tant que rock-chrétien, blue-grass-chrétien, metal-chrétien, etc... il y en a pour toutes les chapelles ! Dans les années soixante un groupe devait avoir un son à lui, dans les décennies suivantes la nécessité d'une image est devenue très importante... Posons la question à gros sabots de bois : les Barabbas ont-ils la foi ! Durant leur enfance oui, mais l'âge venant et la laideur du monde s'appesantissant sur leur conscience, ils ne croient plus qu'ils croient. Que chacun porte sa croix ! Le personnage de Barabbas est ambigu, lorsque Pilate propose de gracier ou Barabbas ( voleur et criminel ) ou le Christ ( beau parleur ), le peuple choisit Barabbas. Le malandrin l'emporte sur l'agneau innocent. Quelle leçon à en tirer : que les petits malins s'en tirent mieux que les autres ?

    Venons-en au chien. Il a appartenu à un de nos quatre saints. Je ne donne pas son nom au cas étonnant où il aurait été un mauvais maître. Il n'a pas eu une belle mort, épuisé, incapable de marcher, il s'est traîné lamentablement durant de longs et douloureux mois, avant que Dieu ne l'accueille au paradis. J'ai embelli la fin de l'histoire pour nos lectrices trop sensibles. Barabbas n'a pas échappé à la fatalité de leur nom, le CD est dédié à leur chien, une belle idée à la Trente Millions d'Amis, mais ce n'est qu'un prétexte ( je suis acerbe ) ou qu'un symbole ( je joue à l'intello ) de la destinée humaine. Il est vrai que beaucoup de nos contemporains mènent des vies de chien.

    MESSE POUR UN CHIEN

    BARABBAS

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    La malédiction de Sainte Sélène : l'on s'attendait à une introduction grandiose, l'on n'est pas déçu, il est facile de décrire le doom comme du metal funéraire, sur le livret du CD de vaniteuses têtes de morts, l'humaine et celle du bouc diabolique, agrémentent la citation d'Isaïe que Saint Rodolphe psalmodie sur la pompière grandiloquence funèbre, le doom emprunte souvent beaucoup plus à la musique classique qu'à ses origines metalliques, non les basses n'y vont pas doucement, en l'écoutant n'oubliez pas la mort est votre seul avenir. Le couteau ou l'abîme : ça ne s'arrange pas, une seule différence, la musique plus violente, oppressante, belle idée cette espèce d'écho sur la voix, un moine qui chante sous la voûte d'un monastère, pratiquement du chant grégorien, les paroles ne sont guère jouissives, vous avez le choix, entre la mort et la mort, sympathique mais un peu limité, le discours habituel du nihilisme chrétien, toutefois un gros blasphème, j'ai tout de suite rédigé une lettre de dénonciation à la Congrégation de la Sainte Inquisition, n'accusent-ils pas Dieu d'être insensible aux prières humaines, la batterie a de ces bruits sourds de trappes qui s'ouvrent pour que le pendu bascule dans le trou qui se dérobe sous ses pieds, la guitare siffle à la manière de ces lames de guillotine qui se hâtent de descendre afin de vous trancher le cou, z'avez aussi une basse qui ricane en catimini, et puis ils ne se retiennent plus, sur la fin se prennent pour les Chevaliers de l'Apocalypse et l'Armagueddon à eux tout seuls. Si vous ressortez vivant de cette écoute, passez-moi un coup de fil pour fêter le miracle. Du doom pompier certes. Mais pyromane. Moi, le mâle omega : nos très chers frères persévèrent dans l'erreur fatale, le morceau débute comme une diatribe nietzschéenne et se finit après un solo incendiaire en un space-opera très grand spectacle, quatre minutes de rythme amphétaminisé, que dis-je amphétamaximisé, à fond les ballons, la baudruche humaine rêve et se gonfle tellement fort qu'elle repousse les limites de l'univers. Du stoner du tonnerre. Judas est une femme : pas tout à fait des paroles pour les féministes, quant à la musique lourde comme une condamnation à perpétuité il vaut mieux ne pas en parler, est-ce la punition de Dieu, le mâle Omega ( ô méga man ) a rencontré la femelle Alpha, la donzelle ils vous la passent au rouleau compresseur, cent fois en marche avant, cent fois en marche arrière, z'ont la colère noire et folle, appuient de toutes leurs forces sur leurs instruments, l'orgueil blessé se transforme en bouillie de rage martelante, un petit moment de répit, la basse qui se moque et tire la langue à cette bouillie sanglante, et puis ils finissent de l'aplatir et de l'aplanir. Ils ont la haine.

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    La beauté du diable : n'ont pas peur d'aborder les sujets dérangeants. Ne sont pas des Saints, c'est pour cela que Dieu leur pardonnera. Peut-être. Vous racontent l'histoire du petit chaperon rouge, vue du côté du loup qui n'hésite pas à satisfaire ses appétits, sans honte ni regrets. Musique d'une lourdeur effrayante, un rock bulldozer qui dérange les anges, Fallait oser. Ils l'ont fait. Flamme incoercible du désir. Les paroles noyées sous un magma sonore en émoi. Chaud brûlant. Priez ! : vous pouvez prier, mais cela ne sert pas à grand-chose, inutile d'écouter les paroles, vous connaissez la chanson, la musique suffit, elle est lourde et sans espoir, la batterie roule et tourneboule dans l'exaspération, priez tant que vous voulez la guitare en rigole, elle en verse un long solo de larmes, Dieu n'est même plus nommé, son inutilité est patente. Que les saintes brebis attendent la mort qui approche. Son pas lourd résonne dans tout le morceau. Le sabbath dans la cathédrale : pire que la messe des fous, la perversion extrême, longue intro, la procession s'avance vers le chœur de la cathédrale, les corps sont aussi nus que les âmes, c'est la grande liesse, le grand coït, vont s'aimer les uns dans les autres, impies et impitoyables, pervertissent tous les rites sacrés, ne respectent rien, rythme lourd de bacchanale gorgée de stupre et de sang. Danse de l'ours sauvage, de plus en plus rapide, de plus en plus folle. Joie ô joie. Glissade terminale. Vielle tradition catholique qui emprunta beaucoup au paganisme. Messe pour un chien : tiens on revient au chien, comme au tarot. Changement d'ambiance, la musique pleut, elle s'élève, se voudrait légère, retombe, se relève, claudique, le pauvre animal n'en peut plus, la fin est plus que proche, il rêve son dernier rêve, les portes d'ivoire de la mort s'entrouvrent, ambiance mélodramatique,mais le drame n'est pas devant lui, il est derrière lui, tout ce qu'il n'a pas réalisé en sa pleine jeunesse, que voulez-vous l'on n'est pas toujours le loup qui se rue sur le petit chaperon rouge, c'est trop tard pour le regretter, il est mort, il est maintenant immortel, il court dans les jardins de l'éternité, la musique s'apaise, elle est devenue légère, elle trotte allègrement même si des ondes de tristesse la submergent, peut-être existe-t-il un point d'équilibre où tout s'égalise, ou rien n'a d'importance, où l'on atteint l'insoutenable légèreté du non-être. Roulement de tambour. Tout est terminé. Missa est. Allons en paix !

    Superbe ! Un des meilleurs albums de rock français que je n'aie jamais entendu. Percutant, décapant, dérangeant, racinien, avec unité de temps, de lieu, et de personnages, une dramaturgie terriblement efficace. Question christianisme, ils n'y vont pas avec le dos de la louche du premier moutardier du pape, passent le dogme au kärcher, n'hésitent pas sur les images choc : '' Dieu est mort, en tombant d'un nuage, c'est moi qui l'ai poussé '' !

    Une mention spéciale pour Saint Rodolphe, l'a son phrasé à lui, n'imite ni les rosbeefs ni les amerloques dans sa manière de poser les intonations, se contente d'être lui, ce qui est rare.

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    Pour la couve, elle s'imposait, l'entrée du cimetière des chiens d'Asnières, manifestement inspirée par les arcs qui bordent Le Canope, pièce d'eau des ruines de la villa d'Hadrien de Tivoli, l'artwork est de Benjamin Moreau, je ne m'attarde pas dessus car j'ai prévu une chronique sur ses activités graphiques et musicales.

    Un petit bonus : Messe pour un chien est paru en novembre 2014, mais dès mai 2014, trois préproductions de trois morceaux sont sur Bandcamp. La couve nous en dit davantage sur ce chien mort et enterré dont le destin est une des inspirations de l'album.

    FINAUD / 1954 – 1969

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    Selene : moins d'emphase, moins d'envol, moins symphonique, davantage rock, davantage terre à terre ce qui correspond à cette notion d'enterrement que la mort de Finaud suscite. Sifflements de guitare à mettre en relation dans notre imaginaire occidental avec la course échevelée les chiens d'Hécate aboyant à la lune par les froides nuits venteuses. Absence des lyrics. La beauté du diable : longue intro musicale, l'histoire du petit chaperon rouge sans les vocals, juste la partition en quelque sorte, rehaussée de chœurs lointains et inquiétants avant que Saint Rodolphe ne lance le chant, cette préprod n'a pas la force de celle proposée sur l'album, musique trop binaire, presque banale, il manque l'aura sulfureuse de l'œuvre accomplie. Judas est une femme : musicalement mieux réussie que les deux précédentes, de la lourdeur mais le chant un peu trop retenu. Moins de hargne, trop commun. En trois mois ils ont reçu la grâce de l'esprit malsain qui fait toute la différence.

    Damie Chad.

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    UNE TENEBREUSE AFFAIRE

    EPISODE 04

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    PETIT DIALOGUE ETYMOLOGIQUE

    Pour une fois, le Chef n'avait pas allumé un Coronado, du coin de l'œil je le voyais tripoter son téléphone portable, appareil dont il professait une sainte horreur et qu'il n'utilisait presque jamais, je calai le régulateur de la Lambor sur un pépère 180 lm / heure, il était temps d'un petit briefing sur les évènements qui s'étaient déroulés depuis le début de cette aventure que je pressentais exceptionnelle.

      • Désolé de vous interrompre Chef, que pensez-vous de ces apparitions de Charlie Watts, je sais bien qu'avec les Roling Stones l'on peut s'attendre à tout, entre nous soit dit il exagère un peu Charlie, huit jours dans le trou et hop il se promène à l'air libre comme vous et moi !

      • Agent Chad le fantôme de Charlie Watts n'est pas un problème, c'est un fantôme qui se conduit comme un fantôme, vous-même agent Chad quand vous l'avez saisi par le bras, vous vous êtes aperçu qu'il n'avait aucune consistance, donc c'est un fantôme, la cause est entendue.

      • Admettons-le Chef, mais vous ne trouvez pas étrange qu'en haut lieu, on fasse appel à nos services et que l'on nous congédie quelques heures plus tard.

      • Je reconnais que c'est un peu vexant, croyez-moi ils nous rappellerons d'ici peu !

      • Chef, ne seriez-vous pas par trop optimiste !

      • Pas du tout, ils voulaient un fantôme, nous leur apportons la preuve de son existence, ils n'ont plus besoin de nous, ils nous jettent aux orties ! Notez toutefois qu'il n'a jamais été question de couper notre ligne de crédit. Sont prudents, nous gardent sous la main.

      • Ils sont donc contents d'avoir un fantôme !

      • Exactement ! Toutefois l'affaire me semble totalement bien tordue, agent Chad, un fantôme c'est gérable, souvenez-vous du gars qui a sifflé votre Bourbon, il venait de voir Charlie Watts, et le préfet de Limoges qui a laissé échapper qu'il y avait eu dis-sept apparitions de fantômes sur le territoire national, reconnaissez qu'une vingtaine de Charlie Watts qui déambulent dans toute la France, de quoi déclencher une hystérie collective, à quelques mois des élections présidentielles, voilà vingt chiens inattendus dans le jeu de quilles des politiciens !

      • Si je comprends bien Chef, vous insinuez que le SSR est manipulé, que les autorités nous ont dirigés sur Limoges pour nous éloigner de Paris !

      • Certainement Agent Chad, mais de tout cela, nous reparlerons, une chose diantrement plus grave me tracasse, pourriez-vous lâcher votre volant et vérifier sur votre portable l'étymologie d'hibiscus.

    Je m'exécutai promptement. Par acquis de conscience je visitai une dizaine de sites naturalistes, et quelques dictionnaires latins, grecs et syriaques.

      • Chef, Hibiscus vient du grec ibiokos qui signifie guimauve.

      • N'accordez aucune créance aux renseignements que véhicule le net, d'après mes connaissances ornithologiques il signifie cul d'ibis. Ne me regardez pas avec ces yeux en rond de frite, personne n'ignore que le cul de l'ibis rouge est d'une couleur rouge plus foncée que le reste de son plumage, méditez cela, Agent Chad, peut-être cela vous sauvera-t-il la vie d'ici peu. Cela mérite que j'allume un Coronado.

    RETOUR A LIMOGES

    Quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous descendîmes de la Ghini arrêtée sur la lisière du Bois du Pendu, de loin, sur le moment nous crûmes qu'assis tous en rond, ils jouaient à pipi au lit. A peine nous virent-ils que le cercle se désintégra et une horde de jeunes gens se jeta sur nous, les garçons nous tendaient la main avec gravité, les filles nous embrassaient avec ferveur, Molossito et Molossa eurent droit à mille caresses, ça jacassait de tous les côtés, certains poussaient des hourras, d'autres en chœur répétaient sur l'air des lampions, Les héros ! Les héros ! Les héros !. Le Chef alluma un Coronado, Joël se détacha du groupe et fit les présentations :

      • Damoiselles et Damoiseaux un peu de calme, l'heure est grave, le SSR a délégué ses deux agents les plus brillants, il est nécessaire de les mettre au courant des derniers évènements.

    Joël avait motivé ses étudiants. L'enthousiasme de cette jeunesse avait outrepassé ses désirs. Non, ils ne se relaieraient pas pour guetter l'apparition de Charlie Watts, d'un commun accord ils avaient décidé de rester dans le bois autant de temps qu'il serait nécessaire. A midi tapante, ils étaient fin prêts, pas très loin de la lisière ils avaient profité d'un large creux de terrain pour dresser une quinzaine de tentes, sur un feu de bois glougloutait une grosse cafetière, des cartons emplis de duvets s'entassaient dans un coin, piles de sandwichs, boîtes de conserves, paquet de biscuits jonchaient l'herbe, on attendait Charlie de pied ferme, il ne se présenta pas.

    Le soir tomba, l'on mangea, la déception se lisait sur les visages, l'humidité transperçaient les vêtements, Le Chef prit la parole :

      • A neuf heures, je veux tout le monde au lit - il y eut des cris de protestation qui cessèrent vite - je ne veux rien entendre, pas un bruit, pas un mot, pas un rire, au lit ne signifie que vous dormirez, surtout pas, vous veillerez prêts à intervenir à mon signal, que personne ne sorte de sa tente avant que je n'en donne l'ordre, je ne m'étonne pas pas que vous ne l'ayez pas vu de la journée, trop de vacarme, trop de bruit, restez habillés, gardez vos chaussures, ne baissez pas la fermeture éclair de vos abris, n'ayez pas peur, l'agent Chad et moi-même sommes armés, nous sommes prêts à toute éventualité. Nous veillerons sur vous.

    L'autorité naturelle du Chef produisit son effet, à vingt et une heure pile, plus un seul piaillement de fille, pas le moindre beuglement de garçons. Les consignes avaient été suivies à la lettre. Enfin presque, à vingt-trois heures le marchand de sable était passé, la colonie en son entier dormait de son plus profond sommeil. A ma grande honte je dois l'avouer, le Chef et moi, fûmes bientôt assaillis par une douce somnolence et nous ne tardâmes pas à sombrer dans une profonde torpeur...

    Ce furent Molossito et Molossa qui nous réveillèrent en nous léchant le visage, il était près de deux heures du matin, nous fîmes rapidement le tour de tentes pour arracher la troupe des bras de Morphée, en trois minutes nous étions tous regroupés autour du foyer éteint, le Chef donna ses instructions à voix basse :

      • Interdiction de se mettre debout, vous vous déplacez en rampant, une fois hors du cercle des tentes, on se couche dans l'herbe, tous en ligne, vous laissez dix mètres de distance entre vous, l'Agent Chad prend la tête de la file de gauche, moi celle de droite, Joël au centre, gardez les yeux braqués sur la lisière, silence absolu, je rappelle la nuit est froide, la lune est absente, la brume est là, le bois est sombre. Action immédiate !

    L'herbe était mouillée, mais nous ne le sentions pas, l'excitation était à son comble, chacun imaginait ce qu'il redoutait, Molossa et Molossito s'étaient couchés à mes côtés. Nous n'y voyions rien, la truffe de Molossa se posa sur ma joue, nous étions les plus près du sommet, Molossa poussa Molossito de son museau, il démarra au galop, sans bruit, il cogna dans chaque visage, tout le monde comprit que le moment fatidique se préparait, à une trentaine de mètre, la noir de la nuit devint plus sombre, de cette noirceur mouvante se dégagea une forme, qui peu à peu prit une certaine consistance, l'ombre sembla hésiter, Molossa grogna dans mon oreille, je la reconnus, Charlie Watts entreprit de descendre la colline...

    A suivre...

  • CHRONIQUES DE POURPRE 526 : KR'TNT ! 526 : WILKO JOHNSON / BOB DYLAN / CUTTHROAT BROTHERS / CARL HALL /MARLOW RIDER / CALIGULA / JOHNNY HALLYDAY / ROCKAMBOLESQUES

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 526

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    21 / 10 / 2021

     

    WILKO JOHSON / BOB DYLAN

    CUTTHROAT BROTHERS / CARL HALL

    MARLOW RIDER / CALIGULA /

    JOHNNY HALLYDAY / ROCKAMBOLESQUES

     

    Wilkoko bel œil

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    Si on cherche des infos de première main sur Dr Feelgood, on en trouvera dans Don’t You Leave Me Here, l’autobio de Wilko Johnson. Mais attention, Wilko ne parle pas que de musique. Il évoque surtout ses deux cancers, celui qui a emporté la femme de sa vie Irene et celui qui a bien failli l’emporter lui aussi. Une tumeur à l’estomac. Inopérable.

    — Combien de temps il me reste à vivre ?

    — Oh onze mois si vous faites une chimio, sinon neuf mois.

    — Fuck, je ne veux pas de chimio !

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    Wilko est un rocker. Il garde sa dignité. Il est condamné, autant finir en beauté, sur scène. Mais un chirurgien va en décider autrement : le Dr Huguet pense qu’on peut opérer. Et hop, Wilko monte sur le billard. On a tous les détails. Même ceux de la convalescence, avec les séances d’aspiration du contenu de l’estomac par le nez, car pendant un temps, Wilko n’a plus d’intestin, ça doit ressortir par en haut. L’infirmière ? She does it right. Elle ne s’appelle pas Roxette, mais c’est tout comme. Tout ça pour dire que Wilko fait partie des miraculés. Il avait réussi à s’habituer à l’idée de la mort - I felt free. Free from the future and the past, free from everything but this moment I was in - Il continue à tourner avec ses deux amis, mais il sent venir la fin - Toutes ces routes, tous ces concerts, et maintenant ça se termine, là sur scène avec la main de la mort sur mon épaule - En plus, Wilko écrit bien, dans un style très dépouillé qui correspond parfaitement à l’idée qu’on se fait du musicien. Il raconte par exemple l’attente avant le concert : «On a généralement deux heures à tuer dans la loge avant de monter sur scène. Je les passe à tourner en rond, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Pourquoi dans ce sens ? Je ne sais pas. Si j’essaye de tourner dans l’autre sens et que je me mets à réfléchir, je repars en sens inverse.» Quand il décrit Canvey Island la nuit, son style s’enflamme : «At night, it was a blaze of electric lights, with huge flames pouring from the stacks. When the sky was overcast the flames would reflect on the clouds above, casting a flickering Miltonic light over the island as if it were a remote suburb of Hades.» (Une multitude de lumières électriques éclairaient la nuit et les cheminées crachaient d’immenses flammes. Quand le ciel était couvert, la lueur des flammes se réfléchissait dans les nuages, répandant sur l’île une lumière vacillante digne de Milton. On se serait cru dans la caverne des enfers).

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    Wilko commence par raconter son enfance à Canvey Island, qui est une sorte d’île aménagée sous le niveau de la mer, dans l’estuaire de la Tamise, tout près de Southend-on-Sea. Les digues nous dit Wilko furent construites par un ingénieur hollandais au XVIIe siècle, mais en 1953, elles cédèrent et l’île dut être évacuée. Wilko l’a vécu comme un gros cauchemar. L’autre gros cauchemar, c’est son père qu’il hait, car il est mauvais. Sa mort sera un soulagement. Il hait aussi l’école. Sa première idole, c’est bien sûr Mick Green, le guitar slinger des Pirates de Johnny Kidd. C’est l’une des meilleures filiations qui soit. Il est tellement fasciné par le son de Mick Green qu’il apprend à jouer de la guitare en écoutant ses disques, et c’est là qu’il se forge un style, ce qu’il appelle son chopping sound. Mais avant Mick Green, il y a Irene, sa fiancée de toujours à Canvey Island - Irene Knight was the most beautiful human being I ever knew - Avec Wilko, c’est à la vie à la mort - She was part of me. She was my better half. Everybody loved her - Évidemment, quand un cancer l’emporte, Wilko comprend qu’il ne peut pas vivre sans elle. Il passera le restant de sa vie à penser à elle.

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    Comme le firent de nombreux Anglais dans les early seventies, Wilko se paye en voyage en Afghanistan, puis aux Indes. C’est une sorte de voyage initiatique qui passe bien entendu par les drogues locales, les plus puissantes du monde. C’est à Bombay qu’il rencontre Mr Kardoom. Tous les soirs, ils s’assoient ensemble face à la mer pour contempler les étoiles. Le rituel est simple : Mr Kardoom demande deux roupies à Wilko puis il envoie un boy chercher de la ganga. Il dit que c’est bon pour la santé. Puis il mélange la ganga avec du black haschich et allume le chillum : «Il tira une bouffée qui le fit tousser et une pluie d’étincelles tomba du chillum. Soon we were all helpless.» Et plus loin, Wilko décrit son hallucination : «Ils élevèrent leurs bras pour former un mandala riche en couleurs. Au centre se tenait Mr Kardoom qui me fixait dans le blanc des yeux : ‘You walk in the sky ?’ ‘Yes’ I said et le mot résonna sans fin sous mon crâne.»

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    Avant de devenir le Feelgood que l’on sait, Wilko et ses copains accompagnaient Heinz, qui eut sa petite heure de gloire dans les early sixties, grâce à Joe Meek. Heinz est tout le temps bourré sur scène et les Feelgood qui font les chœurs font : «Heinz bakes the meanest beans !» au lieu des «Bop-shoo-wop» prévus. Ils se retrouvent avec Heinz en ouverture du fameux festival de Wembley, en août 1972, à la même affiche que Chickah Chuck, Jerry Lee, Little Richard, Bo Diddley, Bill Haley et le MC5. Wilko est fasciné par Wayne Kramer et sa façon de danser sur scène en imitant James Brown. C’est là qu’il comprend l’importance de ce qu’il appelle the physical action and dynamics in playing rock’n’roll. Et comme ce jour-là Wayne Kramer s’était peint le visage en or, Wilko fera de même, for a couple of gigs.

    Au commencement, tout le monde il est beau tout le monde il est gentil. Lee Brilleaux could be hysterically funny. Sparko était un stoïque, un personnage imperturbable with a cynical grin and a great talent for sleeping. Quant à Figure, il pouvait rire à s’en couper le souffle et se tenir appuyé au mur des deux mains. Quand Wilko écrit ses chansons, c’est avec la voix de Lee en tête.

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    Dès le premier album, le fameux Down By The Jetty, Wilko engage le bras de fer avec Vic Maile qui voulait l’enregistrer par étapes, comme le font généralement les ingés son : section rythmique, puis guitare puis chant. Wilko refuse. Il veut un son live. Il refuse catégoriquement de falsifier le son de Feelgood. Wilko ne lâche rien - We recorded all the tracks in one or two takes and used no overdubbing - Cette intransigeance lui vaudra par la suite bien des ennuis. Les autres Feelgood ne pourront pas la supporter longtemps. Mais l’histoire donnera raison à Wilko : quel son ! Tout le son est là dès «She Does It Right». C’est tout simplement l’épitome de l’apanage du Feelgood Sound. Wilko fait tout le boulot à lui tout seul et Figure bat ça si sec. Tout est là, dans le sec du traitement, dans le battage de riff Tele. Les deux outstanders sont en B, à commencer par «Keep It Out Of Sight», bien taillé dans le vif, puis «Cheque Book», joué en coupe réglée, battu droit devant. On note au passage l’incroyable vitalité du droitisme. Par contre, Wilko massacre «Boom Boom» et un cut nommé «That Ain’t The Way To Behive». Il n’a pas de voix, c’est vraiment stupide de sa part, d’autant qu’il dispose d’un bon chanteur. Beaux slabs aussi que ce «Roxette» gratté à l’os et «I Don’t Mind», battu sec sur la Tele. C’est là où Feelgood prend tout son sens. «All Through The City» fait partie des cuts non valorisés et pourtant quel festival. Brilleaux brille de tous ses feux en le prenant à la bonne arrache.

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    On les sent lancés. La même année, United Artists fait paraître Malpractice. On dirait même qu’ils montent encore d’un cran dans la sagacité riffique, ne serait-ce que pour ces trois bombes que sont «I Can Tell», «Back In The Night» et «Because You’re Mine». Ils ouvrent avec cette belle cover de Bo Diddley : Wilko riffe «I Can Tell» au claqué des cavernes de Canvey avec le raunch épouvantable de Lee Brilleaux en tartine supérieure. Ils jouent comme les quatre doigts de la main. «Back In The Night» flotte dans l’azur immaculé comme l’étendard de Feelgood. Même si ça sonne comme un boogie global, ça reste du fantastique Feelgood System, joué avec un sens de la mesure affolant de pertinence. On pense évidemment à l’«I Hear You Knocking» de Dave Edmunds. Même sens du peaufiné de retenue. C’est en B qu’on trouve l’excellent «Because You’re Mine». Wilko le bat à l’enragée sur sa chère Tele financée par Irene. Il devient un peu le roi de la rythmique britannique, au même titre que Mick Green dont il descend en droite ligne. Fabuleux batteur de riffs, il joue avec une hardiesse et un courage dont on ne trouve d’équivalent qu’au temps des chevaliers. Ce fabuleux tailleur de taille et d’estoc claque et tire trois notes pour faire monter la viande sur l’os, il joue à la cocotte de basse-cour royale et fait le show à lui tout seul. Il n’a besoin de personne en Harley Davidson. On le voit aussi gratter sec «Another Man». Il redéfinit le sec plus ultra de la cisaille. Il joue tous ses cuts avec un sens du sharp qui écharpe le sherpa titulaire. Ils font aussi un gros clin d’œil à Mudddy avec une version de «Rolling & Tumbling». Wilko nous riffe le boogie du delta à l’âpre dextérité. Il muddyse Muddy à Canvey, charge ses riffs de limon et organise la mainmise de la Tamise. En B, ils tapent aussi dans le fameux «Watch Your Step» de Robert Parker, mais avec la touche Feelgood, ça prend un sacré relief. Et cette Tele hyper motivée de Wilko n’en finit plus de bousculer les lois de l’équilibre naturel. Oh il faut aussi saluer la reprise du «Don’t You Just Know It» de Huey Piano Smith - Ah-ah-ah hey oh ! - Ça trépide dans d’intrépides turpitudes terminologiques, avec un solo de gras double signé Koko bel œil, roi de la cisaille invétérée et de la note qui grelotte au petit matin. Ce démon profite de Huey pour multiplier les effets de tagada sur sa Tele.

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    Il se bat aussi pied à pied pour sauver le son de Stupidity que United Artists et les autres Feelgood voulaient bricoler. No Way ! On garde le so si son sec du set. Wilko a raison de se battre pour préserver l’intégrité du Feelgood Sound, car l’album arrive en tête des charts - So my intransigence had given Dr Feelgood their biggest ever records, but it had set me apart from the others - C’est vrai qu’il va payer cher son intransigeance, mais l’album est bon, on les voit foncer comme un train fou avec «Talking About You» et sortir une belle version de «Stupidity». Mais Wilko prend le chant pour «20 Yards Behind» et casse les reins du set. Ils relancent avec «All Through The City». On reconnaît le son de Wilko dès les premières secondes. Admettons qu’il ait un son unique au monde. Avec «She Does It Right», il sort l’un des riffs les plus urgents de l’histoire du rock anglais. Nous n’en finirons plus de le vénérer pour ce coup de maître. Ils attaquent la B avec un «Going Back Home» pas aussi déterminant que «She Does It Right», mais solide. Avec le riff d’«I Don’t Mind», il harponne le cut et toute la bande à Bonnot. Wilko, c’est Moby Dick qui entraîne le vaisseau du capitaine Achab dans les abysses. Ils font pas mal de boogie plan-plan («I’m A Hog For You Baby» et «Checking Up On My Baby» et terminent avec un autre riff historique, celui de «Roxette». Tout est dit avec ce sens aigu de l’attaque. Wilko est un sharper de l’Himalaya. Il peut jouer sec sans ciller, il amphétamine le ruckus du rock.

    La fin de Dr Feelgood est dramatique. Quand CBS organise une grande tournée américaine, deux camps se forment : d’un côté les drinkers, Lee Brilleaux et les deux petits gros, et de l’autre Wilko, shooté aux amphètes dans sa chambre - A great antipathy grew between us - Lemmy affirmait que les speed-freaks et les alcooliques ne pouvaient pas s’entendre. Wilko ne dort pas, il passe ses nuits à tourner en rond dans sa chambre d’hôtel, trying to write new songs. Car c’est lui qui fournit le groupe en chansons, et jamais personne ne lui file un coup de main. La situation tourne vite au cauchemar dans un groupe, quand on ne se parle plus - J’étais complètement isolé dans ma chambre, out of my mind, alors que les autres étaient en bas au bar en train de parler de moi - Wilko raconte qu’il entendait parfois à travers les murs des chambres d’hôtels les tirades alcoolisées des autres qui passaient leur temps à lui chier dessus. Il est arrivé un moment où Lee et Wilko ne pouvaient plus rester dans la même pièce. Il donne bien tous les détails, comme ces attentes à l’aéroport, où les trois autres sont au bar en train de siffler des tequilas et Wilko tout seul assis à une table à se demander ce qu’il fout là. Puis la shoote éclate à propos de «Lucky Seven» qu’ils ont enregistré sans Wilko. Wilko dit que ce n’est pas une Feelgood song. Le lendemain matin, il est viré de Feelgood - I say I was forced out. I didn’t leave - Et pouf, le pauvre Wilko se retrouve tout seul, sans groupe ni management, et les autres gardent le nom et ses chansons - I was destroyed. Exactement le même destin que celui de Brian Jones.

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    Alors faut-il écouter l’album maudit, Sneaking Suspicion, paru en 1977 ? D’une certaine manière oui, car dans le morceau titre d’ouverture de bal, on retrouve le big popotin à la Wilko. Les autres apportent leur contribution, c’est sûr et Wilko cocote dans son coin, comme un vilain petit canard. Et puis, il recommence ses conneries : il chante «Paradise» alors qu’il dispose d’un bon chanteur. C’est aussi lui qui chante «Time And The Devil». Ça ne se passe pas aussi bien qu’on le voudrait. On note cependant l’excellente musicalité d’ensemble. On pourrait même les croire unis comme les quatre doigts d’une main de pirate. Il attaquent la B avec «Lucky Seven» signé Lew Lewis, c’est-à-dire le cut qui a foutu Feelgood par terre, la fameuse pomme de discorde. On sent qu’au plan composital Wilko tourne un peu en rond avec son «Walking On The Edge». D’ailleurs, il tourne en rond dans sa chambre à Rockfield. Il est un peu le Xavier de Maistre du rock anglais. Il voyage autour de sa chambre pendant que les trois autres sifflent des verres au bar. Ils terminent avec une version bien percutée du pimpant «Hey Mama Keep Your Big Mouth Shut» de Bo, mais bon, la messe est dite.

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    Parmi les grands amis de Wilko, il faut compter Mick Farren, Lemmy et Wayne Kramer. Farren est l’un des premiers à saluer Feelgood dans le NME et Wilko a la chance de passer des nuits avec Mick et sa femme Ingrid, à écouter Dylan et à discuter de William Burroughs - I loved Mickey, he had a good heart and all the idealism of the 1960s still lived within him - Wilko joue d’ailleurs sur deux cuts de l’album Vampires Stole My Lunch Money. Avec Lemmy et Mick Farren, ils forment le trio de choc : «Lemmy was good company, intelligent and witty, and he had a kind of twisted wisdom. As fellow speed-freaks (Mick Farren reckonned I was the only bloke who was able to keep up with Lemmy), we often spent whole nights rapping.»

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    Wilko démarre sa carrière solo avec les Solid Senders. Il ne s’étend pas trop sur l’épisode - Bonnes critiques mais faibles ventes - You know when things ain’t right, they all go wrong - Virgin lâche aussitôt le groupe. Vic Maile avait prévenu Wilko : tu perds ton temps avec ces trois mecs-là. En effet, ils n’ont pas l’air très avenants, comme le montre la pochette de Solid Senders. L’album fait partie de ceux dont on se dispense facilement, surtout quand on tombe sur le «Blazing Fountains» d’ouverture de bal d’A : c’est atrocement mal chanté et trépidé du popotin. Leur boogie n’a aucun avenir. Ils font même du reggae. Wilko devait aller très mal pour sonner comme ça. L’album est catastrophique. Le plus drôle est qu’il chante si mal qu’on le reconnaît immédiatement. Et quand ce n’est pas lui chante, ça perd tout le peu d’intérêt qu’on peut trouver à cette écoute. «Burning Down» est le seul cut à sauver en B, de même que «I’ve Seen The Signs», une chanson de pub mal chantée mais plutôt captivante, qui sent bon la dérive.

    Wilko joue un temps dans les Blockheads de Ian Dury et finit par récupérer Norman Watt-Roy, le bassman des Blockheads - Norman Watt-Roy was an Anglo-Indian who seemed to live for playing the basss, getting stoned and laughing - Wilko brosse toujours des portraits fabuleux des gens qu’il rencontre. Voici le portrait qu’il brosse de Charlie Chan, un photographe qui est aussi un cancérologue, et qui va sauver Wilko en le mettant en contact avec le Dr Huguet : «A ubiquitous, vociferous and alarming character, he seemed to be everywhere at once.»

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    Ice On The Motorway sort en 1980 sur Underdog, un label qui est un peu la suite de Skydog. Les nommés Strutter & Nines accompagnent Wilko. Il impose un drôle de style avec une curieuse manière de chanter et un beat encore plus tranchant qu’au temps de Feelggod. Comme il n’a pas de voix, il chante un peu à l’exacerbée. C’est très spécial, il doit se prendre pour une rock star, ce qu’il est, d’ailleurs. Il joue son «Down By The Waterside» sur place, dans l’instant T. On le voit mener sa barque à la godille dans le morceau titre. Ses cuts étranges finissent vraiment par captiver. On arrive donc en B tout ouïe pour «When I’m Gone». Il ressort sa vieille formule d’efficacité maximaliste. Wilko ne veut pas disparaître du paysage aussi jette-t-t-il tous ses œufs dans le même panier. Il ultra-joue épaulé par un bassmatic avantageux. Pas de hit sur cet album, rien que des cuts solides joués pour de vrai, pas pour de faux. Il tape quand même dans son vieux «Keep It Out Of Sight» et le chante avec une mauvaise hargne de collégien. Il finit par émouvoir. Sa façon de prononcer sight est très belle, très anglaise. Il boucle avec le cut le plus surprenant de l’album, une reprise du fameux «The Whommy» de Screamin’ Jay Hawkins, screamée en long, en large et en travers. Stupéfiant !

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    En 1984, Wilko tire la couverture à lui avec Pull The Cover sur Skydog. C’est un jeu de mots qui ne fonctionne qu’en anglais, car c’est un album de covers, c’est-à-dire de reprises. Wilko tape dans Dylan avec «I Wanna Be Your Lover», mais sa voix monte trop haut dans le mix et ça pose un problème esthétique. On reste dans le bon boogie avec «My Babe». Les gens qui accompagnent Wilko maîtrisent bien leur volumétrie. Ça passe mieux quand la voix de Wilko disparaît dans le forfait. Il attaque sa B avec une reprise de Junior Wells, «Messing With The Kids», mais il s’arrange pour le massacrer au chant. Il n’a ni la voix ni le swagger. C’est un cut fait pour un white nigger, non pour un Koko bel-œil. La seule cover qui passe est celle du «Mendocino» de Doug Sahm. Il chante comme une brêle et massacre cette merveille, mais c’est ce qui donne un cachet iconoclaste à cet incroyable désastre. Quand il évoque l’épisode de cet album, Marc Zermati reste très circonspect.

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    Trois ans plus tard, Wilko enregistre Call It What You Want et met sa Tele noire et rouge sur la pochette. Il démarre avec «Looked Out My Window» et chante si faux que ça fait mal aux oreilles. Mais en contrepartie, il fouette ses cordes comme un cake. Il est parfait dans le rôle de fouette cocher. Et quand il part en solo, c’est toujours à l’effervescence. Norman Watt-Roy le soutient avec du gut à revendre. Chez Line, ils sont si pauvres que l’intérieur du leaflet n’est même pas imprimé. Mais au fond, a-t-on besoin de commentaires ? Pour rester en cohérence, Wilko gratte sa chique dans son coin et se fout des commentaires. On croise plus loin une version d’«Ice On The Motorway» atrocement mal chantée. Quel gâchis ! Il part en killer solo flash dans «Willy Billy» et sauve les meubles. Norman Watt-Roy amène «Muskrat» au heavy doom de bassmatic. Ce mec est une bombe sexuelle, il joue au gros beat de percute. Hélas, le pauvre Wilko chante comme une casserole. On imagine la gueule des mecs présents au concert. Il faut dire que le son de Feelgood est là. Dommage que Wilko chante. D’ailleurs ils reprennent «Back In The Night». Ils font d’autres reprises comme «Messin’ With The Kid» et «Casting My Spell». C’est avec «Think» que Wilko rive le clou du disk. Il taille dans la falaise, à la dure, avec ses petits outils. C’est très impressionnant. Il sait se lancer dans un enfer sans trop s’exposer. «Some Other Guy» est à cet égard exemplaire de déballonnage. Il joue son va-tout au sharp, comme toujours. C’est Norman Watt-Roy qui fait le show dans «I Wanna Be Your Lover». Heureusement qu’il veille au grain.

    Son deuxième grand amour après Irene, c’est le Japon - I feel in love with Japan straight away - Et le hasard des tournées fait parfois bien les choses : Wilko est très populaire au Japon et lors d’une tournée, qui fait sa première partie ? Dr Feelgood ! - Croyez-moi, ils n’étaient pas très bons (they were feeble) - it was sad to see them. We didn’t talk.

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    Sur Barbed Wire Blues paru en 1988, Wilko se permet de sonner encore mieux que Dr Feelgood. Il fait tout le Feelgood à lui tout seul. Il n’a besoin de personne en Harley Davidson. Pareil avec le «Livin’ In The Heart Of Love» d’ouverture de bal : c’est de la pure raclure de Feelgood avec des chœurs de studio. Pendant ces deux minutes, Wilko redevient le roi du monde. Tout Feelgood, c’est lui. Il parvient chaque fois à recréer la sensation. Il tartine bien son chant, c’est un malin, un bon samaritain, le digne héritier de Mick Green. Ils tapent «Waiting For The Rain» au heavy groove et ce diable de Norman Watt-Roy ramone son bassmatic comme une brute épaisse. Il fait le show sur son manche. «I Keep It To Myself» sonne comme un sacré retour en force. Ils savent rester classiques dans la structure, mais ils avancent avec un sens aigu du cahin-caha. Chez eux, c’est la main dans la main. Il faut entendre Norman Watt-Roy cavaler au pouet pouet dans «Take Me Back». Il cavale en crabe comme Charles Laughton dans Quasimodo. Il pouette tout ce qu’il peut dans le bénitier avec une fantastique énergie divisionnaire. Retour au pur Feelgood sound avec «The Hook (Little Darling)». Wilko fait la pluie et le beau temps, il claque des accords sourds comme des pots et roulez jeunesse ! Il termine cet album passionnant avec «Out In The Traffic», un rumble très salubre. Avec un mec comme Wilko, on se sent en sécurité. Surtout si on a lu son book. Ce mec impose en plus un sacré respect. Il roule dans la fournaise de sa petite pétaudière avec un Norman Watt-Roy fidèle au poste et un certain Salvatore Ramundo au beurre. Wilko passe un solo tranchant à la Mick Green, il écharpe le chorus à coups de sharp. L’un des pires d’Angleterre.

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    Encore un album live avec Don’t Let Your Daddy Know paru en 1991. On retrouve la même équipe, avec un Norman Watt-Roy en forme et un Wilko qui chante toujours aussi mal. C’est Watt-Roy qui ramone la cheminée d’«Everybody’s Carrying A Gun». Le son de «Barbed Wire Blues» est tellement aigrelet qu’on craint pour sa santé. En écoutant le boogie romp du morceau titre, on se dit que tout va bien tant que Wilko ne chante pas. Watt-Roy broute la moule du cut mais hélas, Wilko revient au chant et ruine tout. Il ne s’en rend même pas compte. Dès qu’il ouvre le bec, tout s’écroule. Il n’a pas de voix. Pourquoi ne l’empêche-t-on pas de chanter ? Ça lui rendrait service. Il revient à son vieux «Keep It Out Of Sight». On attend la niaque de Lee Brilleaux et Wilko ramène sa voix aigrelette. Quelle déconvenue ! Derrière, les deux autres tentent de sauver les meubles. Wilko part en petite maraude de gratté de gratte. Mais il revient au micro et c’est la catastrophe, même si Watt-Roy bombarde au pouet de bassmatic. «Cairo Blues» est l’un des cuts les moins pires, car Wilko chante de l’intérieur du menton. Mais il faut rester honnête : c’est insupportable.

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    Attention, il existe deux albums portant le même titre : Going Back Home. Le premier date de 2003, et le deuxième est celui qu’il enregistre en 2014 avec Roger Daltrey. Sur celui de 2003, on retrouve la même équipe, Wilko, Norman Watt-Roy et Salvatore Ramundo. Rusé comme un renard, Wilko attaque «Beauty» au laid-back pour bien cacher son absence de voix. Norman Watt-Roy pouette ça bien. Il faut dire au Ramundo frappe sec dans «She’s Good Like That». C’est un album étrangement travaillé côté son. Dès qu’il cesse de chanter, Wilko devient intéressant. Il va chercher des accords de revoyure dans ses transits intestinaux et derrière, Norman Watt-Roy pouette comme un roi. Ils n’en finissent plus de faire du Feelgood. Ils ne s’en lassent pas. Avec «I Really Love You Rock’n’Roll», Wilko revient à son petit trépidé de Canvey. Il n’en sortira jamais. Il est très fort, car il trouve toujours des gens pour l’accompagner, même s’il n’a pas de voix. Il chante «Underneath Orion» comme il peut, c’est très galvaudé. Il garde bien ses prérogatives. Pas question de toucher aux oraisons de son so si son sec. D’un strict point de vue boogie, c’est infernal. Le seul problème reste la voix. Un vrai carnage. Avec «Slippin’ And Slidin’», il retombe dans les catacombes du pub-rock mal chanté. Petite tentative de retour à Feelgood avec «Down By The Waterside». Wilko fait son Lee Brilleaux et devient pathétique. Il termine en chantant «Some Kind Of Hero» comme un chiffonnier. C’est même assez effarant de candeur destructive.

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    Quand Roger Daltrey vient trouver Wilko en 2014 pour enregistrer l’album Going Back Home avec lui, c’est avant l’opération. Wilko n’a plus que quelques semaines à vivre et Daltrey lui dit :

    — Je ferai tout ce que tu voudras.

    — Bon, okay, lui dit Wilko, We’ll have to do it quick !

    Pour un album vite fait, c’est plutôt réussi. Going Back Home est un sacré smash in the face. Cet album faramineux démarre en trombe avec le morceau titre. On est aussitôt agressé par l’énormité du son. Impossible de résister à ça. Roger et Wilko overwhelment. C’est assez dément. Belle association de dynamiques. Rog chante au sommet du lard et Wilko riffe à la raff. L’autre sommet de l’album s’appelle «Keep On Loving You», fantastique shoot de R’n’B avec un Wilko qui casse bien la cadence des accords. Ils optent pour le rentre-dedans. Wilko joue avec une rare férocité. Il tape dans son vieux «Sneaking Suspicion». Il wilkote tout sur son passage et Rog surchante son shoot. Wilko cocote comme un démon alors ça devient fascinant. On retrouve la grandeur d’un son unique. Wilko joue le rock à l’avenant et Daltrey chante avec un power mille fois plus éclatant que celui de Lee Brilleaux. La puissance riffique atteint un degré jusque-là inconnu. Daltrey ne fait qu’aggraver les choses - Midnight on the river/ In the light of the flames - Superbe envolée - Sneaking suspicion/ Creeping up inside of me - Wilko vient riffer dans le lard du contrepoint. Nouveau coup de génie avec la reprise de «Keep It Out Of Sight» - If you wait until your time is right/ Keep it out of sight - C’est noyé d’orgue, Rog se jette dans la bataille et Wilko riffe comme au bon vieux temps. Ces mecs chevauchent les walkiries des temps modernes. Encore du pur jus de Feelgood avec «All Throught The City». Rog se plie aux lois du vieux Wilko, ça riffe comme à Canvey, ils sont dans le vieux son ultra tendu, dans le vieux son de Tele noire et rouge. Wilko reprend aussi son vieux «Ice On The Motorway». Rog joue bien le jeu, c’est un brave mec. Du coup, il nous remonte dans l’estime. Rog et Wilko font bien la paire. Ils ont du métier et n’ont fait que du rock anglais toute leur vie. Le vrai truc. Ils sont effarants de tenue, de wah c’mon ! Wilko cisaille comme un dingue. Ils sortent un son fabuleusement enjoué, la meilleure cocotte du coin. Wilko ne lâchera jamais la rampe. Rog chante «I Keep It To Myself» comme un dieu. Ils tapent aussi une belle version du «Can You Please Crawl Out Your Window» de Dylan. C’est à nouveau un extraordinaire mix de son et de talent. On voit rarement des combinaisons aussi flashy en Angleterre. La chanson est belle, elle frise le Baby Blue, Rog descend la côte avec son pote Koko. Gros niveau. On comprend que Shindig ait retenu cet album pour le numéro du 50e anniversaire.

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    Encore un album explosif : Red Hot Rocking Blues, paru en 2005. Wilko annonce la couleur avec le morceau titre, un shoot de r’n’b doté de tout le swagger de Feelgood. Exactement le même. Troublant, n’est-ce pas ? Wilko donne une nouvelle leçon de boogie et derrière lui Norman Watt-Roy pouette comme un pétomane. On sent le trio à son apogée. Tout ce qu’ils jouent sur cet album est saturé de son. Ils sortent un son très volontaire, très carré de menton. Ils tapent dans Leadbelly avec «The Western Plains». Wilko chante ça au chat perché, avec une approche terriblement solide du heavy beat de youpee-yeah et du Feelgood Sound à la clé. Il chante ensuite l’«He Ain’t Give You None» de Van Morrison à la vie à la mort puis il tape dans Fats avec une version fantastique d’«Hello Josephine». Quelle révélation ! Wilko refabrique de la légende. Et voilà qu’ils tapent une cover d’«Help Me» au shuffle de Booker T. Assez bien vu. Ça groove à la vie à la mort de la mortadelle et ce démon de Norman Watt-Roy drive le brouet à la brouette. Wilko se jette dans la mêlée avec une certaine aura, mais il ne pourra jamais rivaliser avec la version d’Alvin Lee qui se trouve sur le premier album de Ten Years After. Il claque «Casting My Spell» à la petite claquemure de Canvey et se fend d’un nouvel hommage de choix, cette fois avec le «Talking About You» de Chikkah Chuck. Il nous gratte ça à l’accord de Tele et il revient à Van Morrison avec «Ro Ro Rosie». Il fait du Van feelgoodien, c’est assez gonflé. Il chante ça d’une petite voix fine. C’est très spécial, très dépouillé et très bienvenu. Il reste dans le Van avec l’insubmersible «Brown Eyed Girl». Il met toute sa bravado dans l’exotica du Van. Il chante à la voix scintillante et sort une version étonnante. Cet album marque bien son territoire et nos trois amis s’entendent comme larrons en foire.

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    En 2007, Julien Temple contacte Wilko : il souhaite raconter l’histoire de Dr Feelgood. C’est cette histoire que raconte l’excellent Oil City Confidential. Julien Temple boucle avec ce film sa fameuse trilogie de la renaissance du rock anglais : Feelgood, Sex Pistols et Joe Strummer. Direction Canvey Island, cette île située dans l’estuaire de la Tamise. Pour donner une dimension biblique à son film, Temple démarre les pieds dans l’eau, avec des images de la grande inondation de Canvey Island datant des années cinquante. L’île est en dessous du niveau de la mer, alors forcément, quand une digue cède, la mer reprend ses droits. Comme Temple sait raconter une histoire, il commence par le B-A-BA de Feelgood : le son de Wilko. Pas de médiator ? - Je n’arrivais pas à la tenir, alors j’ai appris à jouer sans - Wilko redit sa vénération pour Mick Green qui jouait à la fois la rythmique et les solos - Pas facile de reproduire ses trucs, I tried, I tried, I tried, c’est comme ça que j’ai trouvé mon style - Et tout Feelgood repose là-dessus, l’originalité d’un style directement inspiré de celui de Mick Green. Pas mal pour un mec qui voulait d’abord devenir écrivain, puis peintre, au retour de son voyage aux Indes. Il faut l’entendre parler, son accent est merveilleusement décadent : pour dire ‘in those days’, il prononce ‘in thoze dailles’. Les autres Feelgood l’embauchent et le groupe commence à aller jouer à Londres. Ils portent encore les cheveux longs, jusqu’au moment où Wilko fatigué d’avoir les cheveux collés sur la figure les coupe. C’est là que va naître le look sharp, costards, cravates et hot r’n’b. Sparks et Figure ressemblent à des petits truands. Mais Temple tue son film avec une overdose d’extraits de vieux films d’action en noir et blanc qui n’amènent que des brusques accélérations de rythme. Une sorte de violence à la mormoille, avec des coups, des chocs et des cris. On aurait préféré voir plus de footage de Feelgood. Les choses prennent une tournure infernale avec «She Does It Right», les voilà en couve du NME, juste avant de signer leur contrat. C’est Andrew Lauder qui les signe sur United Artists et c’est parti, up a storm, premier album, photo de pochette à Canvey et tournée anglaise. Pas de problème, ils ont les chansons, ils enchaînent avec «Keep It Out Of Sight» et le deuxième album, jusqu’au moment où Wilko tombe en panne. Pas de nouvelles chansons ? Pas de problème les gars, on va faire un album live. Mais sur scène, on voit les limites du système Feelgood. Wilko fait trop de comédie, alors que Lee Brilleaux joue son rôle de chanteur à la perfection. Summer 76, Feelgood est devenu le plus grand groupe anglais. Wilko sniffe son speed dans son coin et les autres boivent comme des trous au bar. Et ça tourne en eau de boudin, Lee ne plus supporte plus Wilko, il voudrait bien l’étrangler. Au bout de six ans, le Feelgood System meurt de sa belle mort. No more songs. On entend même dire vers la fin du film que Wilko a deux femmes. C’est contraire aux règles du groupe.

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    En 2015, Julien Temple va tourner un autre film avec Wilko, The Ecstasy Of Wilko Johnson. C’est en gros l’histoire de la maladie, telle que racontée dans My Life - Don’t You Leave Me Here et de la résurrection. Mais ça ne fait pas double emploi, car Wilko raconte cette histoire avec une simplicité désarmante - My life coming to an end - On a le son de sa voix en plus. On lui annonce qu’il lui reste dix mois à vivre. Julien Temple entrelarde ce long monologue d’extraits de films, mais des extraits de luxe, cette fois, qui vont jusqu’au Nosferatu de Murnau. Wilko raconte un voyage au Japon et nous montre un monastère au-dessus de Kyoto. Il est au Japon for a couple of farewell gigs, et, comme au Havre, il termine son set avec «Bye Bye Johnny». Puis il fait un farewell tour of England avec Norman Watt-Ray dans une ambiance énorme - This could be the last one - Évidemment, les gens pleurent, comme au Japon. Wilko raconte ses insomnies - It’s 3 o’clock at night and you think of your body - Puis il met bien les pendules à l’heure - I absolutely do not believe in God. I don’t believe in survival after death. Death is oblivion - Et il passe directement à l’astronomie, sa passion - I’ve a dome on my roof - et il cite Venus, sa planète favorite. Sur la jetée, Wilko joue aux échecs avec les mort. Il évoque aussi Johnny Kidd - I was devoted to it - Il dit aussi avoir cessé de s’informer, ni journaux ni télé, I’ve got no future, so what’s the point ? Il évoque bien sûr la disparition de sa femme - The mystery of love is greater than the mystery of death - et pendant le dixième mois de son sursis, il enregistre son fameux album avec Roger Daltrey. Et pouf, voilà qu’en 2014 il apprend qu’il est opérable, et donc sauvable. C’est reparti. Albums et tournées !

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    En 2018 paraît un nouvel album du trio sauvé des eaux, Blow Your Mind. Wilko ne perd pas la main car dès le «Beauty» d’ouverture de bal, on sent venir l’énormité. C’est un retour direct au Feelgood Sound. Il joue avec son sens aigu de la cisaille et de la petite entourloupe. Ce mec est très puissant. Il a su créer un univers sonore reconnaissable entre mille - Your beauty doesn’t fade/ Your beauty shall remain - Il nous sort du sharp de rêve. On reste dans le pur jus de Feelgood avec «Take It Easy», un cut qui aurait très bien se trouver sur Down By The Jetty. C’est exactement le son de «Roxette», Wilko est gonflé de revenir avec le même riff, mais comme on l’aime bien, on ferma sa gueule. «Say Goodbye» sonne comme un vieux boogie, mais c’est beaucoup plus que ça : Wilko percute le beat du boogie. C’est son truc, avec Watt-Roy derrière en franc-tireur. Wilko envoie ses merveilleux accords de Tele exploser dans le beat. C’est très impressionnant, même lorsqu’on est habitué aux prodiges. Il faut aussi l’entendre claquer des accords dans tous les coins avec «Blow Your Mind». Ce mec est parfaitement à l’aise dans la vie après la mort. S’ensuit un «Marijuana» claqué d’entrée de jeu. Il ne réinvente pas le fil à couper le beurre, mais ça reste du bon Zyva Mouloud de feel so good. Pas de surprise non plus avec «Tell Me One More Thing». Difficile de se réinventer avec des cicatrices sur toute la poitrine. Norman Watt-Roy et un shuffle d’orgue ramènent de la viande, un gros paquet de viande. Wilko propose enduite un «That’s The Way I Love You» monté sur le beat de «Let’s Work Together». Et il en profite pour s’adonner à son péché mignon : la cisaille. Et comme le montre «I Love You The Way You Do», ces trois mecs savent enfiler le cul d’un cut de boogie. Il swinguent ça comme des vétérans de toutes les guerres. On les voit ensuite driver le butt d’«I Don’t Have To Give You The Blues» à la bonne franquette de Canvey. Plus que tous les autres, Wilko est habilité à swinguer le boogie d’Angleterre. Une fois encore, on sent le trio en pleine possession de ses moyens. Sur cet album, on ne s’ennuie pas un seul instant.

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    Voici peu, Wilko donnait une fort belle interview à Ian Fortman dans Classic Rock. D’emblée, Fortman se dit impressionné par Wilko - a personality defined by raw charisma and sheer likability - et le voit aussi alerte qu’un amphetamine meerkat, c’est-à-dire un suricate qu’on appelle aussi la sentinelle du désert. Il ajoute que Wilko est l’un de ceux dont on reconnaît immédiatement le son, et ils ne sont pas des masses à pouvoir se prévaloir d’un tel privilège. Wilko rappelle que les voyages lui ont ouvert les yeux : son premier trip aux Indes, mais aussi les tournées avec Feelgood. Il adore l’Espagne et affirme que les Espagnols savent faire la fête. Pour lui, une fiesta de procession serait impossible en Angleterre. Il dit aussi aimer le Japon et les Japonais à la folie. L’année où un médecin le jugea condamné où il fut confronté à la mort fut dit-il la plus intense de sa vie. Il se sentait la plupart du temps en état d’éveil avancé - Most of the time I was in a state of heightened conciousness - Il regardait autour de lui et trouvait tout très beau. C’est durant cette période qu’il s’est produit au Fuji Rock Festival devant des gens qui le savaient condamné. Pendant un an, il a vécu avec l’idée qu’il allait mourir. Il se disait : «N’espère pas un miracle. Just get on with it.» Puis arrive l’épisode de Charlie Chan et du Professeur Huguet qui dit pouvoir l’opérer et le sauver. Wilko sortit du rendez-vous et se mit à rigoler dans la rue - It was so stupid - Ce genre de chose n’arrivait jamais, même dans les contes de fées. Pour conclure, il confesse qu’il éclate en pleurs chaque fois qu’il pense à Irene, disparue depuis quinze ans.

    Signé : Cazengler, Wilkon

    Dr Feelgood. Down By The Jetty. United Artists Records 1975

    Dr Feelgood. Malpractice. United Artists Records 1975

    Dr Feelgood. Stupidity. United Artists Records 1976

    Dr Feelgood. Sneaking Suspicion. United Artists Records 1977

    Solid Senders. Solid Senders. Virgin 1978

    Wilko Johnson. Ice On The Motorway. Fresh Records 1980

    Wilko Johnson. Pull The Cover. Skydog International 1984

    Wilko Johnson. Call It What You Want. Line Records 1987

    Wilko Johnson. Barbed Wire Blues. Jungle Records 1988

    Wilko Johnson. Don’t Let Your Daddy Know. Bedrock Records 1991

    Wilko Johnson. Going Back Home. Mystic Records 2003

    Wilko Johnson. Red Hot Rocking Blues. Red Hot Records 2005

    Wilko Johnson & Roger Daltrey. Going Back Home. Chess 2014

    Wilko Johnson. Blow Your Mind. Chess 2018

    Ian Fortman : The gospel according to Wilko Johnson. Classic Rock # 254 - October 2018

    Wilko Johnson. My Life. Don’t You Leave Me Here. Abacus 2017

    Julien Temple. Oil City Confidential. DVD 2010

    Julien Temple. The Ecstasy Of Wilko Johnson. DVD 2015

     

    Dylan en dit long

    - Part Four

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    Ce n’est pas parce qu’on les connaît par cœur qu’il faut se priver du plaisir de revoir les Dylan movies. On peut même jouer au petit jeu du big shot : neuf heures de visionnage ininterrompu, quatre Dylan movies à la queue leu-leu, No Direction Home, Don’t Look Back, I’m Not There et Masked And Anonymous, histoire de bien comprendre une chose une bonne fois pour toutes : Dylan est un artiste qui met son intelligence au service de ses fans, et non au service des médias qu’il méprise profondément. On finit aussi par comprendre que le lien qui nous unit à lui n’est pas un lien ordinaire. Il serait selon toute vraisemblance d’ordre spirituel.

    Dit comme ça, c’est très con, mais on se surprend parfois à écouter attentivement ses paroles, de la même façon qu’on écoutait au temps jadis les paroles d’un sage. Les gens dit-on écoutaient attentivement les paroles de ce hippie qui sillonnait la Palestine, voici deux mille ans. Dylan suscite le même genre d’intérêt, on attend qu’il nous dise les choses qu’on a besoin d’entendre, que ce soit dans les paroles d’une chanson ou dans le court monologue qu’il déclame en voix off à la fin de Masked And Anonymous, lorsqu’il est assis au fond du bus qui l’emmène vers une taule - I was always a singer and maybe no more than that. Parfois ça ne suffit pas de comprendre le sens des choses. Sometimes we have to know what things don’t mean as well, c’est-à-dire qu’on a parfois besoin de savoir que les choses n’ont pas de signification. Mais vous ne devez pas ignorer que la personne que vous connaissez est capable d’amour. Tout finit par disparaître, surtout l’ordre bien établi of rules and laws. The way we look at the world is the way we really are. Truth and beauty are in the eyes of the owner, c’est-à-dire que la vérité et la beauté sont dans tes yeux. I stopped trying to figure things out a... long... time... ago - Il dit ça d’une voix si profonde qu’elle résonne en nous.

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    Après Alias (Pat Garrett & Billy The Kid), Jack Fate (Masked And Aonymous) est le deuxième grand rôle de Dylan. Mais le film de Larry Charles co-écrit par Dylan, est un peu confus, on ne peut pas trop parler d’intrigue. L’histoire se déroule dans un pays latino soumis à une dictature stalino-garcia-marquezienne. Larry Charles donne l’un des rôles principaux au gros John Goodman qui fait bien l’impresario véreux et l’autre à Jeff Bridges qui fait mal le journaliste foireux, deux acteurs qui, souviens-toi, firent les beaux jours du Big Leibowski. Tous les personnages sont en fait des personnages allégoriques et on reconnaît la patte de Dylan qui dans ses chansons en fait intervenir constamment : le rainman, le ragman, Shakespeare he’s in the alley, the joker and the thief, the two riders approaching, Cinderella, Einstein déguisé en Robin Hood, the Phantom of the Opera, Mr Jones, donc il n’est pas surprenant de voir se pointer Oscar Vogel (Ed Harris avec le visage peint en noir), Animal Wrangler (Val Krimer descendu de son nuage morissonien), Bubby Cupid en veste en peau de serpent, comme Brando, et qui ramène tiens comme c’est bizarre la guitare de Blind Lemon Jefferson - That’s one of the guitars that started it all - Tout se déroule en fait comme dans une chanson de Dylan, l’histoire n’a pas d’importance, ce sont les événements qui mènent le bal, un punch up ici, un dialogue au fond d’un bus là. Dylan écoute notamment un jeune mec qui raconte des histoires de révolution et de contre-révolution sans rien dire, jusqu’au moment où le bus est arrêté par des guérilleros sur une route de campagne et le jeune mec se fait descendre, une façon pour Dylan de nous dire qu’au fond tout ça ne sert à rien, les révolutions et les contre-révolutions. Elles ont toujours existé et elles existeront encore longtemps après que les poètes aient disparu, c’est dans la nature humaine de n’être pas content de son sort. Jack Fate le sait, mais à quoi bon l’expliquer ? Il faut voir la classe du Dylan vieillissant, à peine sorti d’un cachot, en chapeau western blanc, costard clair, étui à guitare et housse de costume sur l’épaule. Il monte dans le bus du wrong way sur fond de «Like A Rolling Stone». On l’a sorti d’un cachot car le gros Joe Goodman a besoin d’une tête d’affiche pour un concert de charité. Mais où sont les superstars ? Dylan se moque un peu du showbiz.

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    La plus grande partie du film est tournée dans un immense studio de cinéma. On y voit des caravanes qui servent de loges, une scène et une foule de gens. Ce sont évidemment les plans musicaux qui font la force de Masked. Elles sont en plus admirablement filmées. Pour «Cold Irons Bound», Dylan est cadré penché au micro, à l’avant du groupe, comme une figure de proue, il chante à l’éreintée et gratte une Strato, soutenu par un superbe backing-band, et là il redevient l’icône que l’on sait. Pareil avec «Down In The Flood», il porte une chemise western noire et gratte sa Strato pointée vers le sol. Il fait aussi de l’Americana avec «Diamond Joe» - You better come and get me Diamond Joe - le batteur fouette un carton, ça stand-uppe et ça banjotte, youpee ! Dylan monte encore d’un cran avec une incroyable version de «Dixie» - Away from Southern Dixie - Il chante ça au chat perché magique et il casse encore la baraque un peu plus loin avec «I’ll Remember You», l’un de ces balladifs extrêmement mélodiques dont il a le secret. Mais là où tout explose, c’est dans la scène de la petite black. Une femme ramène la gamine sur scène et explique qu’elle a appris toutes les chansons de Dylan par cœur. Quand Dylan lui demande pourquoi, la femme dit qu’elle le lui a demandé. Bon, la gamine chante «The Times They Are A Changing» a capella et Dylan dit en voix off : «The sacred is in the ordinary.»

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    Vu d’avion, on s’aperçoit que le film de Larry Charles est un peu à part des trois autres. Oui, car Todd Haynes emprunte à Scorsese qui lui-même emprunte à Pennebaker, les trois films s’alimentent les uns des autres. Ces trois ectoplasmes hybrides et gélatineux s’auto-dévorent. Il faut saluer le génie de Scorsese, l’audace de Pennebaker et surtout le courage de Todd Haynes, car franchement son I’m Not There fut assez difficile à avaler à l’époque de sa sortie. Trop arty ? Trop fictionnel ? Trop pas assez ? Trop trop ? Courageux l’Haynes, car il a opté non pas pour un seul acteur, mais cinq acteurs chargés d’interpréter le rôle de Dylan à différentes époques de sa saga. Comme dans Masked, Dylan porte chaque fois un nom différent. Il commence par s’appeler Woody Guthrie. Un petit black nommé Marcus Carl Franklin fait Woody, c’est-à-dire le Dylan échappé du pays des mines de fer que nous montre Scorsese, et comme l’Haynes opte pour la fiction, Woody est black, mais il parle un wild slang de hobo et saute dans des freight trains pour aller de Pittsburgh à Sioux Falls, et de Kansas City à Nashville, il trimballe sa guitare dans un étui ‘Kill Fascists’ et demande aux clodos du freight s’ils connaissent Carl Perkins. Il indique aussi qu’il a onze ans. L’Haynes crée une belle dynamique avec cette scène, idéale pour illustrer la genèse du mythe, celle d’un kid qui saute du nid pour partir à l’aventure. La symbolique est très forte. Elle préside au destin de Jack Fate. Et comme l’a fait Larry Charles dans Masked, l’Haynes nous sonne les cloches avec une première scène musicale, sans doute la meilleure du film : Woody, Richie Havens et un autre black grattent on the porch une version absolument démente de «Tombstone Blues», mais quand on a dit démente, on n’a rien dit. L’Haynes voulait toute l’énergie du wild kid et il l’a. Certains objecteront que le cut ne correspond pas à l’époque, mais si, car Dylan dira plus tard dans Chronicles qu’il a beaucoup emprunté à Robert Johnson et ce que font les trois blacks on the porch, c’est du pur Robert Johnson. Richie a une grande barbe grise, mais il faut le voir fracasser Dad’s in the alley/ He’s looking for food/ Mum’s in the kitchen/ Se ain’t no shoes - Woody black passe comme une lettre à poste. Les clodos le balancent dans une rivière et il est sauvé par Mr & Mrs Peacock. Ils doivent bien exister quelque part dans l’une des chansons. Woody black chante «Blowing In The Wind» dans le salon des Peacock. Jusque là, l’Haynes a tout bon. Woody black dit aux Peacock qu’il va aller à Hollywood - I’ll make it big/ Just like Elvis Presley - ça sonne comme une parole de chanson. Et bien sûr, Woody black débarque à New York et va rendre visite au vrai Woody dans l’hosto du New Jersey. Dans son film, Scorsese nous montre le vrai Woody sur son lit d’hôpital. Tout cela se tient merveilleusement. L’Haynes entrecroise les époques et les personnages, pour respecter l’esthétique dylanesque.

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    Christian Bale joue Jack Rollins, c’est-à-dire l’early Dylan de Greenwich Village, the troubadour of conscience. Alice Fabian fait Joan Baez. Elle indique que Jack arrête le protest en 1963, car il comprend alors qu’on ne peut pas changer le monde avec une chanson. L’Haynes emprunte la scène du Steve Allen show à Scorsese. Puis une autre scène, à Greenwood, Mississippi, où il chante devant un public de fermiers en salopettes. L’Haynes entrecoupe Jack Collins avec Arthur Rimbaud qui déclare ne pas aimer le mot poète - Call me a trapezist - Bon ça se complique avec Charlotte Gainsbourg qui n’est absolument pas crédible avec son anglais de Française. Fait-elle Suze ? Non plutôt Sara puisqu’ils ont des enfants. L’Haynes l’appelle Claire. Fond sonore : «Visions Of Johana». Et le Dylan de Sara est un acteur de cinéma joué par Health Ledger. Plans du Village, I Want You, petits seins de Charlotte. Ils achètent une moto. C’est elle qui conduit. C’est là où on perd un peu le fil. À trop vouloir triturer l’entrecuisse de la fiction, celle-ci perd la boule. L’Haynes mord le trait avec Jude Quinn, c’est-à-dire Cate Blanchett qui fait le Dylan 65 et qui n’est pas crédible, malgré ses efforts désespérés pour paraître mythique. Elle mise tout dans la coiffure. Newport Festival 65, Dylan goes electric, «Maggie’s Farm», booooo ! La voix de Cate Quinn n’est pas juste et l’Haynes nous fait une illustration visuelle du «Ballad Of A Thin Man» - Something’s happening in there but/ You don’t know what it is/ Do you Mr Jones ? - Cate porte le costume pied de poule de l’Albert Hall, Stars & stripes en déco de fond de scène. L’Haynes nous fait le coup de la druggy scene dans un décor d’Orange Mécanique, mais adieu crédibilité, Cate se came et ça ne passe pas car Dylan n’est par un drug wreck. On le voit aussi avec Ginsberg demander au Christ de descendre de sa croix - Boy tu vas te faire mal ! - Une femme fout le feu à ses cheveux dans la rue, comme dans un film de Kusturica - I accept chaos. I’m not sure wether it accepts me - L’Haynes tape en plein le mille et il brouille encore les pistes avec un Billy The Kid qui ne sort pas de chez Pekinpah, mais d’un délire de reconstitution baroque. Cette fois, Richard Gere endosse l’affaire. Mister B n’est pas Mister Jones. Mister B descend au village d’Halloween. Une girafe passe dans la rue. Les musiciens of the British Empire jouent dans un kiosque, ça se désinterprète à l’infini, comme dans une chanson de Dylan, Going To Acapulco, the smell of fear, waiting for the end of the world. Et puis lorsque Dylan devient chrétien, Christian Bale fait son retour pour un joli numéro de gospel bleu sur scène - I keep pressing on - Il est accompagné d’un groupe et de choristes noires, et ça passe comme une lettre à la poste. Pendant ce temps, Billy the Kid s’évade de sa taule et saute dans le freight train de Woody black. C’est là que l’Haynes situe l’accident de moto dans les bois. Puis Cate radine sa fraise pour mettre les points sur les i. Everybody knows I’m not a folk singer. Elle préfère qu’on parle de traditional music.

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    Scorsese opte pour la chronologie pure et dure et prend un peu plus de trois heures pour nous éclairer sur le Dylan qui s’étend de l’enfance jusqu’à l’accident de moto en 1966. Le génie de Scorsese consiste à filmer Dylan en plan serré de trois-quart plongeant et de le laisser parler. Comme dans Chronicles, il raconte ses souvenirs, ses rencontres et livre ici et là quelques traits d’esprit. Pour illustrer l’interview, Scorsese intercale de fabuleux plans d’archives. Dylan évoque son premier 78 tours et hop Hank Williams apparaît en noir et blanc ! Il chantonne «Cold Cold Heart» et on prend alors un sacré shoot d’Americana. Ça change la vie quand on démarre avec Hank Williams. Puis Dylan les évoque tous un par un, Johnny Ray qui faisait du voodoo et l’incroyable Webb Pierce avec sa gueule de gros bonbon dans son costume Nudie, une sorte de préfiguration kitschy kitschy de Gram Parsons. Dylan sort ensuite Muddy Waters de ses souvenirs et indique que c’est le son et non les gens qui l’ont frappé - That’s the sound that hit me - Gene Vincent, bien sûr, extrait d’un concert au Town Hall, mais le monde d’alors nous dit Bob était terriblement conventionnel. Il pense que c’est le temps et le progrès qui ont balayé le monde où il a grandi, le monde de Duluth et des mines de fer du Minnesota dont il fallait s’échapper sous peine d’anéantissement. D’autres portraits magiques suivent, l’incroyable John Jacob Niles qui gratte une espèce de grande harpe en chantant comme une nymphette évaporée et la violente Odetta qui gratte sa gratte en portant sur ses épaules de destin du pauvre peuple noir. Tout cela est d’une incroyable cohérence. Dylan révèle ses racines et tout s’éclaire. Tu as une bonne mémoire, Bob ! Oui, j’apprenais les chansons en les écoutant une fois. Il se marre et ajoute : ou deux fois.

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    Tiens voilà Woody. Mais il n’est pas black. Ah bon ? - Woody, a particular sound - Puis hommage à Joan Baez - She reached some place in the back of my mind - Si ça n’est pas l’hommage d’un homme génial à une femme géniale, alors qu’est-ce que c’est ? On est donc à Greenwich Village, le même Village que celui de l’Haynes, terre de liberté absolue, Dave Van Ronk qui chantait «House Of The Rising Sun» avant Dylan, Maria Muldaur, Fred Neil, Tiny Tim et Suze Rotolo qui est restée tellement belle, Scorsese la filme et lui rend grâce. D’autres encore, toujours vivants comme Liam Clamsy des Clamsy Brothers, quatre Irlandais qui chantaient du folk highly highloo à pleine gueule et qui portaient des gros shetland torsadés blancs. Ce ne sont que des personnages de légende, Scorsese fait de son film un vrai conte de fées. Liam Clamsy dit à Bob : «No fear, no envy, no meanness», ce qui veut dire en gros, pas de peur, pas de convoitise, pas de malveillance, à quoi Bob répond : «Right !». Ah ça te plaît Bob, ces trucs-là ! Il va même s’y conformer. Comme il se conforme aux conseils de sa grand-mère (ce n’est pas le but du voyage qui compte, mais le chemin à parcourir). Puis il parle du regard, mais il en parle à sa façon, avec une sorte de mystère translucide : «Les performers ont dans le regard un truc que les autres n’ont pas. I wanted to be that kind of performer.» Il dit aussi chercher the language that I had not heard before. Et puis voilà Pete Seeger, l’homme qui voulait trancher les câbles au festival de Newport, parce que Dylan et ses amis de Chicago jouaient trop fort. Ah la légende, elle ne te fait pas de cadeau, Bob ! Bob et Suze qui marchent dans la neige du Village, Mavis qui ne dévoile pas le secret de sa liaison avec Bob, Don’t Think Twice It’s Alright, et puis voilà Ferlinghetti car pas de Village sans Ferlinpinpin, et les voilà qui déboulent à Greenwood, Mississippi, dans le film de l’Haynes, Bob et Pete Seeger the communist. On peut dire que les archives ont bien reconstitué le film de l’Haynes : ce sont exactement les mêmes paysans en salopettes. Mais Bob s’arrête là, Joan Baez continue toute seule à mener le combat des civil rights. Elle va aux manifs. On lui demande si Bob viendra. Ben non. Bob est ailleurs - He was Charlie Chaplin, Dylan Thomas, Woody Guthrie, he was constantly moving.

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    Trois grandes étapes : Newport Folk Festival 63, Newport Folk Festival 64 et Newport Folk Festival 65. C’est là que se joue le destin du monde qui nous intéresse. Dans le 63, il y a Cash, mais surtout the mighty Wolf devant 15 000 personnes, les Staple Singers et le duo Bob/Joan Baez qui chante à l’unisson du saucisson with God on our side. Bouleversant ! C’est là qu’on le traite de Voice of our generation.

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    Dans le 64, il chante «Mr Tambourine Man» et dit : «Cash was a religious person to me». Joan est toujours dans les parages. Tambourine Man ne plaît pas au puristes. Dylan plus commercial ? Il donne sa version de l’équilibre : ne jamais oublier qu’on est en constante évolution. Dans le 65, il attaque avec «Maggie’s Farm», Pete Seeger attrape une hache et veut trancher les câbles, mais l’Haynes fait intervenir deux mecs qui lui sautent dessus pour le maîtriser. Dans le public, des gens gueulent. Hooo ! Traitor ! En anglais, un traitor n’est pas un traiteur. Scorsese filme Seeger qui se dit très contrarié. «Like A Rolling Stone» sonne comme une insulte aux oreilles des folkeux. Dylan et ses copains de Chicago font trois chansons et quittent la scène. Mais il accepte de revenir avec une acou pour chanter une chanson.

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    Le Newport 65 marque donc une rupture. Politiquement, Bob marque sa différence - I was an outsider - Il ne veut pas rentrer dans les combines des partis de gauche américains. Puis Scorsese emprunte des plans à Pennebaker pour illustrer la zone London 65. La caméra suit Bob partout et à la fin, il n’y fait plus attention. Ginsberg, Donovan, Joan est toujours là, elle trouve que Bob change - It was awful - et crack, elle sort sa gratte pour chanter devant Scorsese «Love Is Just A Four-Letter Word». Elle joue ça au picking d’Americana et diable comme cette femme est restée belle.

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    Scorsese entre alors dans la zone magique, studio Columbia, Tom Wilson, Bloomy, «Like A Rolling Stone», Al Kooper raconte ses souvenirs - Bob said turn the organ up - Ah il est fier le Kooper ! Il n’était pas censé jouer de l’orgue mais Bob en pinçait pour son son d’orgue. Tiens, Bob a le même petit menton que Phil Spector ! Quoi ? 50 couplets dans «Like A Rolling Stone» ? Il existe en effet une version longue. Malgré la magie du son et des chansons, le public de Forest Hill hue Bob qui se marre : «Les gens chantaient en chœur ‘Like A Rolling Stone’ et aussitôt après la fin de la chanson, ils se remettaient à huer.» Scorsese emprunte une autre conférence de presse à Pennebaker. C’est hilarant - Ce métier est surreal, alors je fais des chansons surreal - Dylan doit affronter à Londres comme à Paris l’immense bêtise des journalistes. Puis à un moment, il dit stop à l’impresario Grossman. Il a en ras le cul des tournées et des conférences de presse à répétition. Je veux rentrer chez moi ! Motorcycle crash. Il ne repartira en tournée nous dit Scorsese que huit ans plus tard.

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    On aurait dû commencer par Pennebaker car comme le disent si bien les Anglais, he started it all. C’est le pionnier du Dylan movie. C’est dans ce film cultissime que Mick Farren a trouvé le titre de son livre : à l’arrière d’un taxi, Dylan dit à Grossman : «Give The anarchist a cigarette!». Parole d’évangile, Farren d’Angleterre fait allégeance. Don’t Look Back raconte la tournée anglaise de 1965. Tournée d’acou et d’harmo, Dylan seul sur scène en veste de cuir noir. Greenwich Village débarque au Royaume Uni. Un Dylan mille fois plus rock’n’roll que n’importe rocker anglais. Il a tout : la gueule, le gratté de jambes écartées et le power du contenu. Dylan l’anti-baltringue, Dylan le messie, mais si, comme dirait Eve Sweet Punk Adrien. Sur cette tournée, le comité restreint d’Albert Grossman, Joan Baez, et Bob Neuwirth accompagne Dylan. Il répond comme il peut aux questions pénibles des journalistes anglais qui visiblement ne comprennent rien à rien, car ils n’ont pas la moindre notion de métaphysique. Dylan attache une importance considérable au sens des mots et il ne veut pas parler pour ne rien dire, mais bon, le monde devient pop en 1965. Le seul entretien intéressant aura lieu avec un journaliste métis de BBC Afrique : il annonce quatre questions qui semblent intéresser Dylan, du moins le voit-on sur son visage - Comment avez-vous démarré, Bob ? - Et pouf, Pennebacker balance l’extrait filmé du concert de Greenwood, Mississippi, devant les fermiers en salopettes. Ce merveilleux documentaliste qu’est Pennebaker a choisi le mode road movie pour cristalliser la fascination qu’exerce Dylan sur lui, un road movie en noir et blanc séquencé par trois catégories de plans : ceux des chambres d’hôtel, les extraits de concerts et les rencontres avec les fans. C’est extrêmement bien foutu, jamais complaisant, Dylan est toujours au centre de l’image. On le voit plusieurs fois prendre «The Times They Are A Changing» au gratté dylanex et paf, il passe ses coups d’harmo qui sont des moments extraordinaires. Dylan y sacralise l’expression d’un art purement américain et donne, mieux que ne le fera jamais une guitare, l’idée de l’espace américain, ou pour rester plus prosaïque, l’idée d’une tradition musicale purement américaine. L’homme se révèle messianique, ça crève les yeux, surtout quand il chante ce chef-d’œuvre de sensibilité mélodique qu’est «The Lonesome Death Of Hattie Carrol». On se régale aussi des plans filmés dans les chambres d’hôtels. On y voit Joan Baez chanter un «Turn Turn Turn» qui n’est pas celui des Byrds pendant que Dylan tape un texte à la machine. C’est encore un point commun avec Eve Sweet Punk Adrien, taper à la machine. Les deux messies, mais si, tapent à la machine. Dans l’un des hôtels, Dylan encontre Alan Price qui confirme qu’effectivement il n’est plus dans les Animals. C’est comme ça, dit-il laconiquement. Dylan rencontre aussi Donovan qui chante au doux du folk anglais, en s’accompagnant à l’acou. Impressionnant, bien sûr. Beau lui aussi, bien sûr. Pour rétablir sa suprématie, Dylan lui demande la guitare pour attaquer au strumming pesant «It’s All Over Now Baby Blue». On pourrait intituler cette scène ‘le choc des titans’. Dylan remonte sur scène pour chanter «Don’t Think Twice It’s Alright». Pure magie. L’autre séquence emblématique du film est le «Subterranean Homesick Blues» d’intro, lorsque Dylan jette un à un les grands formats où sont dessinés certains mots clés de son texte. Allen Ginsberg se tient en arrière plan, comme une sorte de caution intellectuelle. Il existe une autre version de ce Subterranean filmée devant un parc. Les plus fortunés d’entre nous auront certainement rapatrié la box deluxe qui propose un deuxième DVD : Dylan 65 Revisited. Ce sont les outtakes de Don’t Look Back, on n’y apprend rien de plus, on voit un peu plus les villes, Sheffield, Liverpool, Leicester, Manchester, le Royal Albert Hall et surtout Nico qui pour une raison x ne figure pas - ou à peine - dans Don’t Look Back.

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    Mais le meilleur film sur l’early Dylan est sans doute Inside Llewyn Davis des frères Coen, un Llewyn Davis qu’interprète le brillant Oscar Isaac. Bizarrement, il ressemble à Scorsese jeune, tel qu’on le voit à l’arrière du taxi de Travis Bickle dans Taxi Driver. Sans doute un clin d’œil. Les frères Coen on recréé l’ambiance du Gaslight de Greenwich Village et les prestations de Dave Van Ronk, l’une des grandes idoles de Dylan. On voit même sur scène les Clamsy Brothers avec leurs gros shetland torsadés blancs. Vers la fin du film, on voit Dylan sans le voir, assis sur scène face au public, en plein Freewheelin’. Ce film est un petit chef-d’œuvre d’honnêteté intellectuelle et de justesse de ton. Les frères Coen veillent surtout à reconstituer la grande précarité qui caractérisait le quotidien de ces chanteurs de folk débarqués à New York, dont Dylan faisait partie : pas de pied-à-terre, on dort à droite et à gauche, on vit d’expédients et on chante des chansons extraordinaires qui comme le dit Dylan dans Chronicles racontent toutes des histoires extraordinaires. Les frères Coen ont aussi l’intelligence de ne pas couper les chansons. Oscar Isaac chante «Hang Me, Oh Hang Me» et entier. L’autre scène clé du film est l’enregistrement en studio de «Please Mr. Kennedy», avec Oscar Isaac, Justin Timberlake et Adam Driver. Live, one take ! Oscar Isaac est un chanteur guitariste extraordinairement doué, il joue en live, comme le rappelle T-Bone Burnett dans les bonus du film. Si on s’intéresse à Dylan, il faut impérativement voir Inside Llewyn Davis.

    Signé : Cazengler, Bob Divan

    D.A. Pennebaker. Don’t Look Back. 1986

    Martin Scorsese. No Direction Home. 2005

    Todd Haynes. I’m Not There. 2007

    Larry Charles. Masked And Anonymous. 2003

    Joel & Ethan Coen. Inside Llewyn Davis. 2014

     

    L’avenir du rock - En travers la gorge

     

    Chaque jour à la même heure, l’avenir du rock promène son chien. Alors qu’il se dirige d’un pas nonchalant vers le fleuve, un homme l’interpelle :

    — Excusez-moi, monsieur, ne seriez-vous pas l’avenir du rock ?

    — Parfaitement. Mais à qui ai-je l’honneur ?

    — Oh, je suis l’avenir de l’humanité. Enchanté de faire votre connaissance.

    — Pareillement. Je dispose d’un petit quart d’heure, voulez-vous m’accompagner ?

    — Avec plaisir, d’autant que je souhaiterais connaître votre sentiment...

    — À quel propos ?

    — Eh bien, à propos de l’humanité. J’admire votre optimisme... Pourquoi n’êtes-vous pas contagieux ?

    — Posez donc la question aux épidémiologistes ! On n’entend plus qu’eux depuis un an ou deux, cette épouvantable bande de charognards sera ravie de vous apporter des réponses. Mais si j’étais à votre place, j’éviterais de perdre mon temps à m’interroger sur l’humanité...

    — Soyez plus clair !

    — Mais enfin, vous êtes bouché ou quoi ?

    — Si vous continuez à me parler sur ce ton, je vais vous en coller une, vous allez voir !

    — Chez moi, on appelle un chat un chat, que ça plaise ou non. Vous voulez vraiment que je vous dise le fond de ma pensée ? L’humanité ? Aucun espoir. Voilà c’est dit ! L’avenir de l’humanité, ah ah ah ! Regardez-vous !

    Excédé, l’avenir de l’humanité frappe l’avenir du rock qui s’écroule sur le dos. Le chien se barre avec sa laisse.

    — La prochaine fois, vous éviterez de m’insulter !

    Et l’homme disparaît comme il était apparu. L’avenir du rock se relève et appelle son chien. Rien. Il rentre chez lui sans chien avec le pif en sang.

    — Bon la journée commence bien ! C’est le moment ou jamais d’écouter les Cutthroat Brothers !

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    En gros, la chemise de l’avenir du rock est dans le même état que les blouses des deux Cutthroat Brothers, tels qu’on les voit sur la pochette de leur premier album. C’est vrai qu’avec ces deux mecs-là, l’avenir de l’humanité est mal barré. Par contre, l’avenir du rock n’a jamais été en de si bonnes mains. Ce premier album sans titre paru en 2019 est une véritable bombe atomique, une de plus. On doit la découverte de ce duo dégueulasse à Gildas qui lors des ultimes sessions du Dig It! Radio Show en distillait la substantifique moelle, ah il fallait entendre ce son couler comme un filet de bave vénéneuse. Ces atroces Brothers sonnaient comme une révélation, ils donnaient du relief à ces sessions pourtant bien fournies.

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    Le premier album des Cutthroat Brothers n’a pas de titre et date de 2019. Ils ont l’air de sortir un film gore, avec du sang plein leurs blouses de chirurgiens et leurs bras couverts de tatouages. Le hit de l’album s’appelle «Potions & Powders». Donny Paycheck sait swinguer un heavy beat, et son mid-tempo est hanté par le bottleneck de Jason Cutthroat. Le «Kill 4 U» d’ouverture de bal d’A est assez déstabilisant, car riffé dans le lard fumant. Assez imparable. S’ensuit un «Skeletton Rides» têtu comme une bourrique. Ils travaillent leurs cuts dans la matière du son, c’est très spécial, infernal et fin à la fois. On finit par se faire avoir et par crier au loup. Ils ont ce sens du beat rebondi extraordinaire. On les voit camper sur leurs positions en B, avec «Psychic Chemist», du tout droit gratté au bottleneck, ils savent pousser un beat dans les retranchements du far out so far out.

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    Leur deuxième album s’appelle Taste For Evil et date de la même année. Il est important de savoir que le batteur Donald Hales (aka Donny Paycheck) est l’ancien batteur de Zeke, un nom qui parlera aux amateur d’extrême gaga-punk, celui qui adore foncer tout droit dans le mur. Quant à son frère Jason Cutthroat, il sort tout droit d’un film de George A Romero, et ce n’est pas peu dire. Rien qu’avec le morceau titre d’ouverture de bal d’A, la messe (noire) est dite. Aw, voilà le rock de tes rêves inavouables, ces deux mecs te ravalent la façade, ça joue puissant et par en-dessous, ils se glissent dans ta culotte mon gars et tu vas danser un drôle de jerk. Power & genius, voilà leurs deux mamelles. On dira la même chose du «Shake Move Howl Kill» qui suit, car c’est gratté dans le gras du bide, pas de pitié pour les canards boiteux, ils jouent aux riffs délétères, ces mecs te pillent la ville. Donald Hales retrouve ses marques avec l’effarant «Candy Cane» embarqué au punk’s not dead. Il riffent «Get Haunted» dans l’acier du coffre. On rêve d’écouter chaque jour des albums de ce calibre. Donald Hales amène «Out Of Control» au big drumbeat, ils remontent leur courant comme des Oasis ensanglantés, ils plongent leurs mains collantes dans les entrailles du big heavy rock, c’est assez intenable et leur délire finirait presque par friser le glam. Ils claquent leur «Black Candle» au hey hey hey, ils trempent cette fois dans le heavy boogie down, ils sonnent comme une hémorragie, ces dingues du rebondi créent leur monde. Il survolent ensuite notre pauvre monde avec «Medicine», une sorte d’extase ultraïque dévastatoire qui n’en finit plus de nous rappeler qu’il faut suivre ces deux mecs à la trace, car leur sens aigu du raw est le nouveau modèle du genre.

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    Et pouf vient de paraître leur troisième album, The King Is Dead. Pochette signée Raymond Pettibon. Ça rappellera des bons souvenirs. Cette fois, ils ont appelé Mike Watt en renfort pour rejouer tous les cuts de l’album précédent. Mais avec Mile Watt, ça sonne différemment. Le «Killing Time» d’ouverture de bal d’A est forcément stoogy avec Mike Watt dans les parages et son heavy bassmatic. Du coup Donny Paycheck bat le beurre comme Scott Asheton. Ils ont aussi des petits élans rockab comme le montre «Medicine» ou encore le «Black Candle» qui referme la marche de la B. Solid as hell et cool as fuck, ces mecs ont du son à revendre et une fantastique présence. Jason Cutthroat chante le morceau titre à la voix de psychopathe dégoulinant de stupre, ça joue sous un sacré boisseau, avec un son spongieux, profond et mal famé. «Out Of Control» sonne comme un hit inter-galactique, ah comme c’est bien rebondi, merci Jack Endino pour ce son de bass & beurre, c’est chanté avec retenue, comme feutré. Ces trois mecs cumulent les avantages : ils sont excitants, géniaux, épais et fiers à la fois. On entend rarement un son de batterie aussi touffu. Le «Get Haunted» qui ouvre le bal de la B paraît bien bas du front, têtu comme une bourrique, buté et obtus, comme joué par des dieux barbares, c’est le son des tribus antiques avec des éclairs soniques en forme de lames tranchantes.

    Signé : Cazengler, frotte-cul brother

    Cutthroat Brothers. Cutthroat Brothers. Lonestar Records 2019

    Cutthroat Brothers. Taste For Evil. Hound Gawd! Records 2019

    Cutthroat Brothers & Mike Watt. The King Is Dead. Hound Gawd! Records 2021

     

    Inside the goldmine - Hall or nothing

     

    Originaire de Pau, Alvaro Pétoniac s’était promu aventurier. Et la dernière région du monde qui permettait d’exercer ce métier était bien sûr la forêt amazonienne. Il fallait se défier des apparences car il n’avait rien d’une caricature. Il alla dans les faubourgs de Saint-Laurent retrouver des piroguiers qu’il connaissait. Il fallait négocier un prix. Il nous rejoignit une heure plus tard pour annoncer que le départ aurait lieu le lendemain, au lever du soleil. À notre grande surprise, les piroguiers étaient des blacks à peine sortis de l’adolescence.

    — Ce sont des Saramacas, nous dit Alvaro, des descendants d’esclaves marrons. Leur village se trouve en amont sur le fleuve. On y prendra du couac.

    Nous nous installâmes à bord de la pirogue. Nous n’emmenions que le strict minimum, c’est-à-dire un change, des barres vitaminées, du tabac, un petit lecteur de CD à piles, un seul CD et des médicaments qu’on entassait dans une touque, petit tonnelet en plastique dont le couvercle se visse hermétiquement. Il était fréquent de voir les pirogues chavirer dans les rapides, aussi était-ce le seul moyen de conserver les affaires au sec. Les piroguiers étaient au nombre de trois. Théo le ‘chef’ se tenait à l’arrière à la barre du moteur, et les deux autres à l’avant pour prévenir du danger des rochers. Nous remontâmes le fleuve pendant deux jours et bivouaquâmes la première nuit sur la rive côté français. Alvaro nous expliqua que de l’autre côté, le Surinam était en guerre civile. La deuxième nuit, nous accostâmes du même côté. Les trois piroguiers partirent à la chasse et revinrent avec un toucan abattu d’un coup de fusil à air comprimé. Ils le firent cuire dans une espèce de soupe très claire mélangée à du rhum et bien sûr, nous n’y touchâmes pas. Lorsque la nuit fut d’encre, la forêt sembla se mettre à vivre. Soudain nous vîmes apparaître un étrange personnage. Black, petit, chétif, difforme, il rappelait par certains côtés l’empereur d’Éthiopie, Haïlé Sélassié. Nous n’avions pas entendu arriver sa pirogue. Derrière lui se tenait un Indien de deux mètres au torse ceinturé de cartouchières et brandissant l’un de ces fusils mitrailleurs qu’on ne voit généralement que dans les films de type Rambo. L’Indien était le sosie de Chef Bromden, tout droit sorti du Vol Au Dessus d’Un Nid de Coucous. Alvaro nous murmura qu’il s’agissait de guérillos indépendantistes et nous ordonna de fermer nos gueules. Haïlé Sélassié approcha du feu et avec un grand sourire édenté, il déclara en broken English : «Give me youl money, youl cigalettes, youl passpolts and also ze woman.» Alvaro tenta de négocier, mais il n’y avait rien à faire, Chef Bromden venait d’armer sa culasse. Nous ouvrîmes les deux touques pour en sortir l’argent et les cigarettes. Nous lui donnâmes aussi le lecteur et le CD. À la vue du CD, son visage s’illumina. Calhol ! Calhol ! Yo, my gawdah ! Il nous serra à tous main et ne repartit qu’avec l’argent et les cigarettes.

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    Le cas Carl Hall est un mystère. Comment se fait-il qu’un Soul Brother de cet acabit soit tombé dans l’oubli ? D’autant que Jerry Ragovoy l’avait pris sous son aile pour produire les merveilles rassemblées sur l’indispensable You Don’t Know Nothing About Love - The Lomax/Atlantic Recordings 1967-1972. Pourquoi indispensable ? Tout simplement parce qu’il s’y niche pas moins de dix coups de génie, et c’est vraiment le moins qu’on puisse dire. Les preuves ? Les voilà : dès le morceau titre d’ouverture de bal, on entend screamer un Soul screameur extraordinaire. C’est un fou de la glotte libérée, il hurle bien au-delà du grand doom de sexe. Voilà un screamer puissant et érotique, un rut-man exceptionnel. C’est un génie de l’intensité. Il hurle comme un goret de Camaret - You don’t know nothiiiing - Il revient par miracle à la raison pour dire don’t try. C’est un coup à faire exploser toutes les braguettes. Il s’en va hurler au sommet du slowah et ça te vibre les oreilles. Bill Dahl parle d’un stratospheric four-octave vocal range. Du jamais vu. Dahl soupçonne même que l’intensité de sa voix était a little too over the top.

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    Ça continue avec «Mean It Baby», même registre, génie de l’implacabilité des choses, il monte aussitôt à l’assaut - Hey girl you’re making your mind - Pure Soul de rêve ultra chantée, ultra classique et salement bien foutue. Comme ce mec peut être bon, ça va bien au-delà de toutes les espérances du Cap de Bonne Bombance. Carl Hall est une bête de Gévaudan, il explose les viscères des annales de la Soul. Tu veux du scream à la vanille ? Alors écoute «Just Like I Told You» et tu auras ta dose - Remember what I said - Et on retombe inexorablement dans le génie avec «He’ll Never Leave You». Il part en hurlette carabinée, il fait de la Soul hurlée à bon escient et ça gicle. Ce mec ne lâche rien, il consume toutes les couches de la stratosphère une par une, il va bien plus loin que Wilson Pickett, il transcende le screaming («It Was You (That I Needed)»), il incarne l’énergie de Dieu sur la terre. Il sait aussi faire la Soul de plume dans le cul («The Dam Busted») et danser comme le dieu Pan tout en hurlant à la revoyure. Il bat même Little Richard à la course («I Don’t Wanna Be (Your Used To Be)»), eh oui, il faut se faire à l’idée que Carl claque tout pour de vrai. Il est bel et bien le stratospheric four octave phenomenon. Et quand on écoute «Dance Dance Dance», on ne comprend pas qu’un géant comme Carl soit resté dans les catacombes de l’underground de la Soul. Tiens, encore un cut complètement explosé de hurlette démentoïde : «Sometimes I Do». One two, one two three, piano, bass, Carl ramène sa fraise et c’est atrocement bon, dansant et hurlé à la sauvageonne d’entente cordiale, il se paye même un petit coup de vrille d’oh yeah de carabinette fustigée et il screame tout ça à tue-tête. Il dégage Little Richard en touche et fait de l’ombre à Wilson Pickett. Et le voilà qui tape dans «The Long And Winding Road», il part jusqu’à l’horizon du vieux monde. C’est parce qu’il tape dans la démesure du scream que ça prend tellement de sens. Derrière, les filles font chauffer la marmite. Ah comme ce démon chante bien ! A long time ago et il s’arrache la glotte au sang tellement il pulse le beat turgescent de la mélodie, ça palpite au firmament et Carl fait régner dans cette cover cousue de fil blanc un violent parfum de magie. Il fait exactement le même genre de boulot qu’Aaron Neville. Il est certainement le secret le mieux gardé d’Amérique, un buried treasure enterré vivant. Tout le monde n’est pas aussi doué que the Bride de Kill Bill, celle qui contre toute attente a réussi à ressortir d’une cercueil enterré à dix mètres sous terre. Et comme dirait Dickinson, I’m not gone ! Carl passe à la postérité avec un hit de Soul pop intitulé «It’s Been Such A Long Way Home», mais il faut bien dire qu’avec un chanteur comme lui, ça prend des proportions homériques. Il transforme une modeste chanson en abomination concomitante, c’est même concomité aux mites, dévoré de l’intérieur, cette Soul pue le ponton des esprits de Seltz, le langage rue dans les brancards, il se veut pégasien, il s’arrache de la pampa de Léo, il cherche à gagner le cercle d’Aurore, oui, elle, la boréale, l’art d’Hall impose son règne dans les cervelles et curieusement, un mec coupe les cuts en disant okay, ce qui les rend inexploitables. Carl Hall reste victime d’on ne sait quoi. Trop brillant, sans doute. Puis il profite de «Time Is On My Side» pour ridiculiser le pauvre Jagger. Voilà comment se chante ce vieux Time. Si Jagger avait entendu cette version, il est évident qu’il n’aurait jamais osé taper dedans. Carl sonne exactement comme Aretha lorsqu’elle lâche la rampe, c’est le même genre de génie à la puissance dix, ou la puissance qu’on veut, à toi de choisir l’exposant, car Carl vrille l’Aretha, c’est dire si son stratospheric four-octave vocal range va loin. Incroyable témoignage que ce disque et un mec fait okay pour bien sabrer le cut. Carl tape encore dans les classiques avec «Need Somebody To Love». Il l’explose. C’est du psych-Soul d’exaction parabolique, il hurle dans le giron des girouettes, voilà encore un cut extraordinairement orchestré et rongé par une basse dévorante. Quel démon ! Ça se termine avec un «Change With The Seasons» de pure perfection et on entre dans un nouveau planétarium d’extension universelle, le son s’ouvre comme la Mer Rouge devant Moïse, ou comme un crâne sous la hache d’un barbare viking. Carl nous vrille à la fois sa Soul et les esprits, il va plus loin que tu ne l’imagines, et il te salue bien.

    Signé : Cazengler, Hall de gare

    Carl Hall. You Don’t Know Nothing About Love: The Loma/Atlantic Recordings 1967-1972. Omnivore Recordings 2015

     

    JIMI FREEDOM

    MARLOW RIDER

    ( Clip YT / Octobre 2021 )

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    Waow ! Quelle est cette panthère noire qui s'avance royale dans la jungle urbaine montreuilloise, first french city rock, méfiez-vous, méfillez-vous, cette indolence hautaine cache quelque chose de pas très rose, cette coiffure aux mèches inflammables rouge sang, ne serait-ce pas une prêtresse vaudou, à la regarder vous en oubliez ces morsures de guitare qui rythment sa marche, elle entre dans un bar et tout le monde reconnaît La Comedia divine grotte trockglodyte chère aux amateurs de rock'n'roll, bloquez l'image quelques secondes pour admirer son profil d'impératrice romaine, réenclenchez, vous découvrez ce qu'elle regarde, Tony Marlow et sa guitare, n'essuyez pas vos lunettes, cette vapeur mauve insidieuse qui baigne l'image n'est pas de la buée sur vos verres colorés, elle est la marque purple déposée voici plus d'un demi-siècle par Jimi Hendrix, Tony interprète un des morceaux de First Ride, premier album de Marlow Rider, glisse la caméra, Fred Kolinski trône derrière la batterie tel un juge des enfers, il ne joue pas, à chacun de ses mouvements, il donne l'impression d'émettre un jugement définitif sur toutes les actions de votre vie passée, à la contrebasse Amine Leroy tape cent coups férir, il est la vie, il est l'énergie, ne vous laissez pas emporter par la voix ample de Tony, tenez à l'œil l'égérie fatale au profil d'aspic, ses doigts laissent tomber une étrange poudre blanche dans trois verres posés sur le comptoir, et maintenant elle s'approche de la scène, tentatrice, nos trois hommes n'osent refuser, elle a enlevé ses lunettes noires, et ses yeux verts de vipère maléfiques les ont ensorcelés, ils trempent leurs lèvres dans ces flûtes emplies d'un liquide, bleu, rose et jaune, et brusquement tout change, Marlow n'a plus une guitare mais trois, Kolinski possède trois têtes tout aussi inquiétantes et impassibles, même vos oreilles sont obligées de croire vos yeux, ce ne sont plus des notes qui sortent de la guitare de Tony mais des coups de poignards acérés qui vous transpercent les synapses, la sorcière effectue quelques passes maléfiques, la musique grince à la manière de ces vis qui crissent sous le tournevis qui les emprisonne dans la gangue de bois des cercueils qui vont emporter votre raison, les doigts bougent et la réalité se distend et se distord, les images deviennent chaotiques, le son s'étire en miaulement de chat de gouttière en quête de femelle consentante qui fait durer la donation du plaisir ultime, vous n'y pouvez plus rien, vous êtes vous et vous êtes un autre, vous n'habitez plus vos chaussures et vous marchez en un pays inconnu, respirez tout redevient normal, un piège évidemment, montagnes russes acidulées, les altitudes qui suivront vous paraîtront plus élevées quand vous vous envolerez une deuxième fois, tout bouge, tout tourne, la diablesse s'est multipliée par trois, elle est devenue une trinité trismégiste, maintenant Kolinski à quatre têtes, la féline noire est devenue chef d'orchestre, d'un geste ample des deux bras elle pousse le combo vers les cimes de la folie, Kolinski tape plus dur, Amine possède cinq têtes et il se démène sur son up-right-bass comme s'il les avait toutes perdues, tous trois reprennent l'invocation au dieu mauve, '' Jimi Freedom '' hurlent-ils en chœur, pris d'une fureur démoniaque, une transe tourbillonnante emporte et triture les ondes sonores, votre conscience explose, mille de ses fragment explorent l'infini des espaces sidéraux, et lorsque tout s'arrête, ils ne sont pas tirés d'affaire, ils restent figés dans leur surmultiplication satanique, la mystery girl franchit le seuil de l'antre, non sans jeter un dernier regard aigu comme une flèche sur le tohu-bohu immobile qu'elle laisse derrière elle. Purpural psychadelic !

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    Damie Chad.

    Je vous livre le nom du grand sorcier manipulateur des images : Olivier Forest, fondateur du festival international de films sur la musique, pas tout à fait grand-public, des programmations alléchantes puisqu'elles privilégient '' les figures singulières, les odyssées électroniques et les cultures souterraines '' Olivier Forest est en outre programmateur de Grand Voisin, une salle de cinéma non commercial située à Paris.

     

    CHÂTEAU-THIERRY - 15 / 10 / 2021

    PUB LE BACCHUS

    MARLOW RIDER

    Marx l'a dit, de la théorie critique ( exemple : l'écoute de disques ) il est nécessaire de passer à la pratique ( exemple : concert live ) afin de garder les deux pieds ancrés dans la réalité. Nous lui faisons confiance, n'est-ce pas lui qui a déclaré, je cite de mémoire, : '' Un spectre hante l'Europe : le spectre du rock'n'roll '' . Voici pourquoi la teuf-teuf mobile bis fonce sans retenue sur la route de Château-Thierry, toute fière de sa nouvelle technologie, à peine tournez-vous la clef, qu'elle vous avertit que l'ordinateur de bord N° 1 et l'ordinateur de bord N° 2 sont en bon état de fonctionnement. C'est super vous croyez piloter un avion de chasse. Longtemps j'ai cru que le département de Marne était une zone désertique, je l'ai parcouru je ne sais combien de fois sans rencontrer la moindre voiture, même pas une âme humaine désespérée tentant l'auto-stop, mais non ce soir je ne cesse de croiser des véhicules en goguette.

    Sabine grand sourire aux lèvres ouvre la porte du Bacchus, tout de suite l'on se sent bien, l'on est presque chez soi. A part que chez moi il n'y a ni billard, ni les Marlow Rider qui s'apprêtent à donner un concert.

    MARLOW RIDER

    Ce sont eux, les mêmes que sur le clip, je le jure, Tony Marlow, sanglé dans sa veste d'officier de commando, sourire aux lèvres et tout fringuant, le charme indéniable de la tenue militaire. Amine Leroy contrebasse noire et chemise rougeoyante, Fred Kolinski statufié derrière ses fûts. Débutent par Debout, pour mettre les choses au poing, nous avertir qu'il est temps de se réveiller en notre ère de liberté étriquée, car demain il sera trop tard. Le deuxième set commencera par Shut up, fermez vos gueules en bon français, dédiés aux politiciens et aux docteurs véreux. Marlow Rider ne mâche pas ses mots. Ni sa musique.

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    Dans l'angle coincé entre un piano et le mur Fred ne bénéficie pas du meilleur emplacement, faut se tordre un peu le cou pour l'apercevoir, pourrait se plaindre, bouder, faire grève, peu lui chaut, il est devant, il est derrière, il l'est partout, à tel point que vous pourriez l'oublier, l'a transformé ses baguettes en truelles, et en maçon diligent et imperturbable il monte un mur, le fameux mur du son, une courtine, une enceinte de château fort, il ne pose pas les pierres, il les range avec une minutie précisionnelle extravagante, infatigable, n'empêche que l'air de rien, malgré sa tâche quasi-obsessionnelle il tient ses deux comparses à l'œil, ne les enferme pas dans la tour de guet qu'il érige, ne les tient pas prisonniers, depuis les remparts, il les laisse vagabonder à leur guise aux alentours de la place-forte, sont sous sa protection, ils ne risquent rien, tout leur est permis.

    J'ai dit mur, vous pensez à rigidité. Allez vous rhabiller. Si Fred use du fil à plomb pour ses édifications, Amine le transforme en élastique. Son engagement sur Sunshine of your love - n'est-ce pas un crime que de penser qu'une malheureuse contrebasse rockabillienne serait aussi à l'aise dans la monstruosité électrique de Cream – chacun des slaps d'Amine est un coup de boutoir, la muraille se gondole, elle recule et s'avance, elle bouge, elle ondule, elle twiste, elle se dérobe, elle revient, sous les doigts d'Amine la pierre s'anime, elle se mue en piliers torsadés, en cathédrale gothique, elle respire, elle palpite, elle se colorise, elle vous ensorcelle.

    Fred et Amine s'amusent comme des petits fous. Sont complices, marchent la main dans la main, jouent au chat et à la souris, Fred marque le point, Amine rajoute la virgule par dessous, la phrase n'est pas terminée, Fred en frappe trois en surplus, péremptoires et décisifs, genre c'est moi qui commande et toi qui obéis, alors Amine rajoute la suspension, échoïsation auditive, la pierre retourne à son état primitif de magma brûlant, elle n'est plus qu'un liquide qui se répand, vous enserre, se glisse, s'insinue en vous et une chaleur bienfaisante vous saisit, agite votre corps d'une fièvre chaude, vous atteignez un état second de béatitude, la beauté fougueuse du rock'n'roll vous submerge et vous emporte en un autre pays.

    Pour Tony Marlow cette pâte brûlante est un véritable tapis de pourpre, magique et volant, infesté de reptiles, une ordalie de guitariste, qu'il se doit de traverser avec aisance et imagination. Fender et solitude d'un côté, compagnons siens et complicité de l'autre. Sans eux il ne serait rien, avec eux il est torero au milieu de l'arène confronté à la ménade de taureaux sauvages qu'ils lâchent sans arrêt sur lui.

    Au four du chant et au moulin virevoltant de la guitare, Tony. La voix, il la prend à bras-le-corps, claire, nette, précise, s'en sert comme d'un couteau dans un duel à mort, chaque mot se doit d'être jeté, un coup de poignard donné de face mais que vous recevez dans le dos, un truc qui troue la peau, un appel bref qui résonne longtemps en vous dans les profondeurs de vos sensations. Qu'il chante en français ou en anglais. Ou alors en cette autre langue, cet espéranto du rock'n'roll qui s'appelle guitare. Car il n'est jamais trop guitard pour s'en servir.

    Quel festival ! Ce qui prime c'est la joie, de jouer et de la maîtrise, cette attention soutenue, les doigts qui obéissent à l'œil qui les surveille juste pour jouir de leur facilité à se mouvoir sur les cordes. Marlow est en grande forme, de temps en temps il descend de scène et gambade parmi le public, sourire aux lèvres et dextérité en bandoulière.

    Quel jeu ! Eruptif ! Pas de riffs, à la place une forêt touffue de notes, d'une précision absolue, non Tony ne joue pas de la guitare, il parle, s'exprime avec, l'a la hargne sèche, courte, brève, sans regret ni rémission, une explosion épileptique, dense et crue. L'a les mots blessants, les notes brutales qui vous cueillent au plexus et vous déstabilisent, un jeu radical, une oreille sur la batterie et l'autre sur Amine, Tony dans sa solitude exaltée de guitariste joue collectif, faut voir Tony et Amine se tirer la bourre, Amine a des coups de folie, il saute, trépigne la danse le scalp, lance les jambes en l'air en athlète de full-contact, dans ses instants la Fender gronde et s'étire, mi-tigre cruel, mi-chat langoureux, rien ne se calme mais Amine se rapproche de sa contrebasse pour la rassurer.

    Avec Fred c'est différent, tout est question de cadence et de respiration des plongeurs en apnée, celui qui descendra le plus profond : Tony, et celui qui restera le plus longtemps sous l'eau : Fred. Fred est le maître de l'horloge, l'impartit le temps et Tony objectivise cette durée, la remplit jusqu'à la gueule dune sarabande multicolore infinie, le prisonnier peuple sa cellule de rêves étincelants, de tours de passe-passe éberluants, et le gardien s'avoue vaincu un quart de seconde, cet atome de temporalité dont Tony s'empare pour pousser le bouchon de ses doigts un peu plus haut sur le manche, un peu plus bas au plus près de ses entrailles, mais Fred sans pitié abat le gong du ring, un à un, égalité partout. Balle au centre.

    Donc deux sets. Hendrixiens en diable et psyché infernal. Un Hey Joe, version française d'Hallyday, douceur mélodique des chœurs de Fred et Amine, un All along the watchtower - un brasier incandescent – un Red House monstrueux, une Vapeur mauve envoûtante, Marlow reprenant le timbre si particulier d'Hendrix, cette voix d'arbre creux qui sonnait si incisivement... Surtout pas de la copie. Le sang vicieux du vieux rock'n'roll et du rhytm'n'blues sont là, souvenons-nous que Jimi a accompagné Little Richard, et aussi cette ductilité péremptoire propre au rockabilly, cette alliance du chant irradiant et de l'instrument définitif, aussi les racines, témoin ce Crossroad hyper électrique de Robert Johnson, mais encore cette bluette – souvenons-nous qu'étymologiquement ce terme de vieux français est à l'origine du mot blues – Juste une autre chanson, ce slow sixties dans lequel la guitare de Tony résonne de toutes les tristesses et toutes les nostalgies mortifères du blues.

    Je terminerai par ce Fire apocalyptique, Tony Marlox au zénith, comment parvient-il à jouer à cette vitesse avec une si grande précision, sans s'embrouiller les doigts, c'est en ces instants que l'on prend conscience du rapport entre la tête et la main digitale, qu'un solo est autant une chose mentale que tactile, que ça se construit comme une pensée philosophique, pas à pas, en réorganisant tout l'acquis expérimental précédent pour le métamorphoser en nouveauté souveraine... Je vous laisse méditer.

    Ne croyez pas que je n'ai à dire que du bien de nos trois musicos. Sont de sacrés tricheurs. Non, ils ne jouent pas en playback, pire Tony planque un as de cœur dans son manche. Un trio de trois, subito ils sont quatre, peu de temps il est vrai, mais quand Alicia F quitte le stand de merchs pour chanter par deux fois en duo avec Tony sur Mutual appreciation et Born to be wild, et en solo I fought the law son titre fétiche, la merveille tombe sur vous, Quel naturel, quelle présence sur scène, juste poser la voix avec cette facilité déconcertante avec laquelle vous disposez les assiettes sur la table avant le repas, puis elle s'éclipse sans bruit pour ne pas se faire remarquer. Sortie totalement ratée, car les applaudissements crépitent et son nom est répétée bien fort.

    Sûr qu'il y a des disques qui peuvent changer une vie. Par contre certains concerts, celui-ci en était un, sont un flirt avec l'éternité .

    Damie Chad.

     

    CALIGULA

    French group de Montpellier formé en 2020, le nom m'a attiré, j'espère ne pas les rater lors de leur passage à Troyes le 11 décembre prochain, en leur tournée actuelle avec Bonecarver, au local des Boyans Coppers MC ( 77 Avenue Leclerc 10440 La Rivière de Corps ) Un premier titre sur Bandcamp en mai 2020, une superbe vidéo en mai 2021, et ce 23 Octobre sortie de leur premier EP Riddles.

    ELEVATION OF DILUSION

    CALIGULA

    ( Vidéo / WorldWide / Mai 2021 )

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    Rien de moins original et donc de plus difficile qu'un groupe de metal en train de jouer. Vous en regardez une vidéo, vous êtes conquis. Vous en visionnez mille, vous faites la moue. Tout vous semble mou. Mais là, chapeau bas. Brice Hinker c'est sous sa direction qu'a été réalisée l'artefact. L'a gardé tous les codes, la lumière bleutée, les musiciens pris un par un en train de jouer, dispatchés de tous côtés... Mais là le résultat est prodigieux. Comment a-t-il réalisé ce miracle. L'a d'abord mis beaucoup de noir dans son bleu, davantage d'opacité et moins de froideur. Les artistes porteurs de tenues noires, ne se détachent pas tant que cela du fond de l'image. Je devrais dire du fond des images. Le clip se présente en effet sous forme d'un montage très serré. Quand votre rétine a imprimé la vue qui monopolise son attention, il est déjà trop tard, l'on est passé à autre chose. Un deuxième secret, l'a été magnifiquement servi par la structure du morceau. L'on en viendrait à croire que d'abord il monté le synopsis des articulations des images et qu'ensuite le groupe a composé le titre en suivant scrupuleusement la cadence proposée. Evidemment il n'en est rien. Un deuxième atout, la voix du chanteur, ce mec ne growle pas, il possède une meute de loups sauvages disséminées en ses cordes vocales. Chaque fois qu'il émet son grondement l'on se croirait dans un roman de James Oliver Curwood en train de traverser les solitudes glacées du grand nord. Wild, very wild.

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    A ses débuts, Caligula se définissait comme un beatdown band. Avec raison. Ce n'est pas un hasard si dès la première image apparaît la batterie. C'est vrai que la frappe est dure, mais sèche, elle ne gronde pas, c'est-à-dire qu'elle ne s'amplifie pas pour mieux se dégonfler par la suite, un uppercut sur la mâchoire qui vous casse l'os mais c'est tout. Pas besoin de cinéma, pas besoin de s'appesantir, on vous frappe ailleurs, sur une autre partie de votre corps, aussi sèchement. Des manches de guitares percent l'obscurité, sont brandies telles des épées révélées par un éclair de lune dans un duel de nuit. Vous entrevoyez des torses, des T-shirts dont vous ne parviendrez jamais à déchiffrer le nom du groupe qu'ils affichent. Taches claires de bras et de visages, deux yeux noirs d'oiseau de proie qui vous fixent, et puis la photo de groupe, ce n'est pas souriez vous êtes filmés, mais quatre corps se tordent en même temps, quatre pattes terrifiques, avec derrière le corps velu des fûts, vous pressentez plus que vous ne voyez, l'ensemble forme une gigantesque araignée qui court vers vous, le cauchemar ne dure qu'une seconde, mais l'opérateur a pitié de vous, les images suivantes s'humanisent, on entrevoit des bustes et des visages d'êtres humains, c'était pour vous réconcilier avec la vie, profitez-en car ça ne durera pas, les images se désagrègent, le laps de temps qui les sépare est encore plus bref, chant et musique deviennent plus sauvages, non ce ne sont pas des hommes, mais une horde barbare qui fond sur vous pour vous anéantir, des cris qui sonnent comme des ordres, la musique est d'autant plus violente que les images ralentissent, guitares en haches d'abordage s'arrêtent une éternité au-dessus de votre tête, illusion votre crâne est fendu, une pomme dont un couteau sépare les deux moitiés, les images s'emballent, s'inversent, des éclats d'instruments braqués en gros plans vous tronçonnent la vue, tintamarre tonitruant de guitares, ils ne tirent pas sur les cordes, elles sont des enclumes et les bras tapent dessus tels des battoirs avec lesquels on assomme les bœufs dans les abattoirs. Vous les apercevez mieux, vous n'en êtes pas plus heureux, l'ennemi s'est rapproché, de brefs silences, des tambours de guerre, la blancheur d'une guitare, le maître hurleur plante ses yeux torves de hibou fou sur vous, sur sa gauche une rayure arc-en-cielique un peu trop rouge met en valeur la cruauté de son regard, un cri inhumain dans le lointain s'élève et s'éloigne, vous n'êtes pas digne de leur vindicte, vous ne seriez qu'un trophée indigne de leur valeur guerrière, sous le tumulte de la voix des doigts passent lentement au-dessus de cordes, à quoi bon se presser, leur victoire est certain, il faut savoir faire durer le plaisir de l'agonie, maintenant ils trempent leurs museaux féroces dans vos entrailles, ils se les disputent, se battent, la joie mauvaise du carnage, pas de véritable fin, les images s'arrêtent parce qu'il n'y a plus rien à montrer, le combat cesse quand il n'y a plus de combattants.

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    Prodigieux. Brûlant, une pile de centrale atomique en suspend. Une froideur monstrueuse qui vous pétrifie.

    Damie Chad.

     

    RAUNCHY BUT FRENCHY ( 3 )

    STATUT & STATUES DE STAR ( 1 )

    JOHNNY HALLIDAY

     

    Fin septembre, je roulais vers l'Ariège. Encore deux ou trois cents kilomètres, et je pestais, j'arpentais une zone morte, l'auto-radio n'arrivait pas à capter la moindre station, revenait sans cesse se fixer automatiquement sur France-Inter, y avait un mec qui parlait, racontait que vous ne trouveriez pas plus écologique qu'une Harley-Davidson dont le moteur ne tournerait plus jamais. Sur le coup je me suis demandé, quelle sorte de guy pouvait avoir intérêt à acheter une Harley qui ne roulerait pas. Vaudrait mieux s'offrir une bicyclette pensais-je, pourtant je déteste les vélos et n'arrive qu'à réprimer à grand-peine l'envie d'écraser les vélocipédistes que je croise... je ne comprenais rien, c'était un artiste qui parlait, un certain Bertrand Lavier, décrivait sa statue, fort mal, ce n'est que le lendemain en regardant chez un ami sur le net que je me suis aperçu que la représentation que je m'étais faite de l'objet était fausse, j'imaginais un manche de guitare horizontal de six mètres de long sur lequel était posée une moto, le gars devenait lyrique, une figuration de la route, de la liberté, du rock 'n' roll, en fait j'étais comme le gamin qui a récolté un zéro à son interro de math, il a trouvé le résultat du calcul algébrique, enfer et damnation, au lieu de le faire précéder du signe ''plus'' il a disposé le signe ''moins''. L'image est sans appel le manche de guitare mesure bien six mètres de long mais il est planté tout droit à la verticale, et surmonté d'une Harley ( fat boy pour les connaisseurs ), non elle ne roule pas sur les frettes. Au détour d'une phrase j'apprends que c'est un hommage à Johnny Hallyday. Je suis en retard de quinze jours, la statue a été inaugurée le 09 septembre dernier, en présence de Laeticia et d'Anne Hidalgo en même temps que l'esplanade Johnny Hallyday, sise près de Bercy, non la moto ne s'est pas décrochée durant la cérémonie, elle n'est pas tombée sur la politicarde, c'eût été marrant. Jouissif. Cela aurait certainement plu à Eddy Mitchell qui déclara lors d'une interview que ce monument était une catastrophe.

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    Personne ne possède le savoir universel. Bertrand Lavier explique qu'il a dû se documenter sur Johnny Hallyday qu'il ne connaissait pas bien. Je ne lui en veux pas, pour prendre mon cas personnel j'ignorais tout de Bernard Lavier. Me suis renseigné. Dans les encyclopédies on le classe parmi les réalistes, des descendants, des répétiteurs, des copieurs de Duchamp qui s'imaginent que l'art est dans le pré de la facilité, mettent en scène, exhibent les objets de notre quotidien, dans ma nomenclature à moi j'appelle cela l'art de centre aéré. Je sais de quoi je parle. J'ai dirigé de ces structures durant des années. Les journalistes s'extasient devant l'une des dernières sculptures de Lavier, une enclume posée sur un réfrigérateur, pour rester dans la musique il a aussi peint un piano en bleu... Un ange passe, aux ailes cassées.

    Ce n'est pas que je sois réfractaire à l'art moderne, mais que l'on privilégie l'idée, le symbole, ou même ces deux notions considérées en tant qu'acte efficient capable de transformer le monde et même de le changer radicalement au dépend de la création d'une forme nouvelle me laisse songeur... Ne croyez pas non plus que je sois heureux lorsque l'art vise à la reproduction de l'identique. Qui n'est qu'un autre aspect du réalisme.

    Le totem laviérien n'est pas le premier hommage sculptural rendu à Johnny Hallyday. En voici un autre. Très différent. Il n'est pas situé à Paris, reine du monde, mais en Ardèche. Ce département dont Stéphane Mallarmé qui y résida disait qu'il résumait toute sa vie : l'Art et la Dèche.

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    Les artistes auraient-ils meilleur goût que les fans ? Suffit-il d'aimer pour mieux exprimer son amour ? Ce jour-là Pierre Regottaz âgé de soixante-seize printemps avait le cœur gros. Il rentrait de Paris où il s'était rendu pour assister aux cérémonies du 09 / 12 / 2017 initiées en l'honneur de la disparition de Johnny. Le bourg de Viviers est une terre hallydayenne, c'est-là que résidait Huguette Clerc, la mère du chanteur, Long Chris évoque cela dans son livre A la cour du roi Johnny. Comment l'idée est-elle venue à l'esprit de Pierre Regottaz, je n'en sais rien, Johnny se devait d'avoir sa statue à Viviers. Un geste de fan. Un geste de fans. Une souscription est ouverte, trois cents participations, afin de permette au sculpteur Daniel George de se mettre au travail. La statue sera réalisée en résine, elle avoisine les trois mètres, elle sera inaugurée le 24 juin 2018. Beaucoup de monde. Beaucoup de déçus. Le constat est sans appel, elle ne ressemble pas à Johnny, pas le corps, la tête, à tel point que Daniel George opine du chef - sachez apprécier ses sculptures de terre cuite, matière qui selon ses craquelures d'argile donne une patine d'outre-monde presque d'outre-tombe à ses représentations de jeunes femmes – il en recommencera une autre. Est-elle meilleure que la précédente ? L'idée de base était de reproduire un Johnny de cinquante ans. A mon humble et péremptoire avis, z'auraient dû profiler un Johnny bien plus jeune, car à rentrer dans l'immortalité autant que ce soit dans la pleine jeunesse... Le fait que la statue soit exposée devant une pizzeria n'aide pas à la contemplation extatique. Mais au moins le rapport avec Johnny s'impose beaucoup plus. Je ne pense pas que ce soit la meilleure œuvre de Daniel George, loin de là, mais elle respire une honnêteté empreinte d'une naïveté populaire bien plus authentique que l'esbroufe de la précédente. C'est mon avis et je le partage. Existe-t-il une véritable différence entre art officiel et art populaire ?

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    Daniel George sculpteur sur bois n'a pas oublié de munir Johnny de la croix qu'il portait régulièrement autour du cou, Jean-Pierre Coniasse, chanteur et sculpteur sur bois a revu la babiole en grand, armé d'une tronçonneuse, il a laissé le personnage Johnny de côté mais a gardé le bijou directement taillé dans un tronc d'arbre, doit avoisiner les deux mètres, quoique je ne sois nullement chrétien, ce Christ crucifié avec sa guitare me semble porter bien davantage que les œuvres de Daniel George et de Bertrand Lavier, un peu de l'esprit ( pas saint du tout ) iconoclaste et rebelle du rock... La chanson de Johnny Jésus Christ (est un hippie, il aime les filles aux seins nus) fut à sa sortie ostracisée sur les ondes officielles...

    La plus ancienne statue de Johnny que je connaisse remonte à plus de vingt ans avant sa mort. Alain Dua a assisté à plus de cent cinquante concerts de Johnny. Un mordu, un fan. L'a même suivi jusqu'aux USA. Une expéditions mémorable, deux mille admirateurs français traversant l'Atlantique en avion pour assister à un concert de Johnny à Las Vegas. Mythologie elvisienne oblige ! L'évènement avait troublé les amerloques. Mais pas le concert. De même pour les fans. Johnny s'était trompé de set-list. L'on attendait un tour de chant d'Hallyday, l'on eut droit à Johnny interprétant des succès américains, de Creedence Clearwater Revival à Elvis. Les américains avaient la même chose chez eux, mais en original. Quant aux fans ils n'ont pas reconnu leur Johnny trempé et dégoulinant de sueur qu'ils attendaient. Ce n'était pas Johnny-rentre-dedans mais Johnny-y-va-mollo. Le CD Live du concert vous laisse un goût d'inachevé dans la bouche, un creux à l'estomac que plusieurs écoutes ne gomment pas. Johnny en aura conscience, il enverra un billet gratuit d'un de ses prochains spectacles à tous ceux qui avaient fait le déplacement.

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    C'était un coup foireux, pourtant Alain Dua rentre de Las Vegas gonflé à bloc, désireux de rendre un hommage à son idole dont il est fan depuis plus de trente ans. Premier concert en 1962. Ce sera une statue en bois. Ce n'est pas un hasard. Alain Dua est propriétaire d'une entreprise d'abattage de bois. Il fournit le bois à deux copains sculpteurs, pas n'importe quoi, du Cèdre du Liban. Pour Johnny on aurait plutôt opté pour du séquoia. Elle est achevée en 1997, et placée devant son entreprise sise à Challes-les-eaux en Savoie. Les fans viennent s'y recueillir et y déposer des fleurs. Johnny en personne et en tournée l'a vue et appréciée.

    C'est la plus belle de toutes. Ce n'est pas Johnny rocker, mais Johnny country. Peut-être même Johnny HillbiIly, tient sa guitare comme un fusil. Il ne ressemble pas à Hallyday mais à Daniel Boone. A un cowboy, avec sa main à la ceinture. L'esprit de l'Amérique, la grande, la mythique, la mythifiée, oui c'est une représentation de l'Amérique, non pas parce que l'on reconnaît facilement le chanteur, mais parce que ce morceau de bois incarne à la perfection l'imagination de Johnny lorsqu'il pensait à l'Amérique. Certes elle n'est pas parfaite, il vaut mieux la voir sur un certain angle que sur d'autres surtout dans sa rusticité toute nue, débarrassée de ses grands panneaux blancs quasi-publicitaires qui soulignent au grand feutre rouge ce que la statue évoque toute seule d'elle-même.

    Ne soyez pas en pleurs parce que cette chronique se termine, il existe d'autres statues de Johnny, vous en reparlerai en une prochaine livraison...

    Damie Chad.

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    UNE TENEBREUSE AFFAIRE

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    EPISODE 03

    RETOUR A PARIS

    C'était l'Elysée. Notre présence immédiate s'avérait indispensable. Joël nous reconduisit à notre véhicule. Nous n'avions pas à nous inquiéter, aussitôt rentré il motiverait un groupe d'étudiants dans le but d'organiser une surveillance H24, un poste de guet relevé toutes les trois heures, avec rondes régulières sur la lisière du Bois du pendu. Le fantôme de Charlie Watts n'avait qu'à bien se tenir.

    Le moteur de la Lambor lancée à fond à contre-sens sur la bande d'arrêt d'urgence fit merveille. Nous n'eûmes qu'a signaler un incident minime, une anecdote subalterne qui risque d'arracher un sourire aux lecteurs de ces lignes. Dès que nous quittâmes le périphérique, nous nous retrouvâmes bloqués sur un boulevard, à l'arrêt, dans un encombrement monstrueux. Nous n'avancions plus. Le Chef alluma un coronado :

      • Agent Chad, savez-vous comment Alexandre le Grand a forcé le passage du Granique ?

      • Bien sûr Chef, il a lancé son cheval en premier dans le fleuve et la cavalerie a suivi !

      • Bien, agent Chad, je vais donc suivre cet illustre exemple, vous jouerez le rôle de la cavalerie, tenez-vous prêt.

    Tranquillement le Chef ouvrit la portière, descendit sur la chaussée, et s'en alla frapper à la vitre d'une ambulance deux ou trois voitures plus loin.

      • Ne vous dérangez pas, dit-il de son ton le plus aimable, je viens juste vous emprunter votre gyrophare aimanté, qui ne vous sert à rien, puisque vous êtes arrêté.

    Mais le gars ne l'entendit pas ainsi, il descendit de son véhicule et s'interposa entre le Chef et son gyrophare.

      • Vous êtes totalement fou ! Je transporte un blessé grave et je ne vous permets pas de...

      • Veuillez me pardonner, répondit le Chef d'un sourire avenant, je comprends votre situation, je puis y remédier facilement, sans préavis il ouvrit la porte latérale, sortit son Beretta 92 et aligna trois bastos pile dans le crâne du blessé qui cessa de geindre.

      • Voilà, il est mort, transportez-le immédiatement à la morgue, vous gagnerez du temps, vous n'avez plus besoin d'attendre des heures aux urgences !

      • Oh ! merci - le gars admiratif lui tendait de lui-même le gyro – prenez-le, ma femme sera si contente de me voir rentrer de bonne heure pour une fois !

    Autour de nous les voitures affolées se serraient les unes contre les autres ou se faufilaient sur les contre-allées pour s'écarter du Chef qui revenait vers moi pistolet ( packin' mama ) au poing, il reprit sa place à mes côtés non sans avoir pris le temps de poser le gyrophare sur le capot, je profitai de l'espace dégagé pour, klaxon à fond, arracher la Ghini, quelques minutes plus tard nous franchissions le portail de l'Elysée. Mais après cet intermède cocasse, passons aux choses sérieuses.

    UNE ENTREVUE ERUPTIVE

    Le Président du Sénat squattait déjà le bureau du Président de la République tragiquement disparu. Il n'en avait pas l'air plus heureux, le visage blême il arpentait la pièce sans rien dire, les chiens qui s'étaient sagement assis sur son bureau le suivaient du regard, étonnés. Manifestement il avait pris un rail de cocaïne aussi long que la ligne de chemin de fer qui dessert la ligne Paris-Cherbourg. Nous avait-il seulement aperçus ? Le Chef alluma un Coronado, juste pour passer le temps.

      • Ah, enfin vous voilà !

    Ce n'était pas à nous qu'il s'adressait, mais à une espèce d'individu tout maigre, tout chétif, la figure ravagée de tics qui venait de prendre place dans un fauteuil en face de nous et qui de toute l'entrevue n'ouvrit pas la bouche. Le Président en personne nous fit l'honneur de procéder à notre interrogatoire :

      • Alors vous l'avez-vu ce Charlie Bats ? aboya-t-il

      • Bien sûr, généralement quand on charge les agents du SSR d'une mission, nous l'accomplissons !

      • Vous l'avez donc attrapé !

      • L'agent Chad ici présent l'a saisi par le bras.

      • Il est donc notre prisonnier !

      • Pas du tout !

      • Comment cela ?

      • Pour une simple raison, ce n'est pas un être humain, c'est un fantôme !

      • Ah ! Ah ! Parfait, parfait ! Si c'est un fantôme nous n'avons plus besoin de vous. Vous pouvez disposer. Un autre service plus adéquat que le vôtre s'en chargera. N'oubliez pas de prendre vos cabots sur mon bureau !

    LE SANCTUAIRE

    Nous étions un peu abasourdis, nous nous installâmes dans la Lambor, mais lorsque je demandai au Chef la direction à prendre il n'eut pas le temps de répondre, Molossito et Molossita se mirent à aboyer frénétiquement, je compris immédiatement, il suffisait de se laisser guider. Les braves bêtes avaient leur code secret, chacun de leur côté le museau collé à la ville ils aboyaient lorsqu'il fallait emprunter une nouvelle artère, deux jappements de Molossito je tournais à gauche, un seul aboiement de Molossita je virais à droite. Evidemment ils ignoraient superbement les sens interdits, ce qui mettait un peu de sel dans cette traversée de Paris qui nous mena jusque dans le dix-huitième. Brutalement ils se turent je me hâtais de stationner devant l'entrée d'un garage. A peine furent-ils sur le trottoir qu'ils s'enfuirent à fond de train, de loin nous les vîmes entrer dans une boutique.

    • C'est donc vous les maîtres de ces deux adorables toutous - les deux secrétaires de l'agence de location d'appartements, elles avaient coiffé la Sainte-Catherine depuis au moins quarante ans, étaient à genoux en train de les caresser - Molissito leur léchait la figure avec fougue, ils sont venus ce matin, nous avons eu du mal à comprendre ce qu'ils voulaient, à la fin nous les avons suivis, se sont dirigés tout droit vers la vieille ruine, c'est ainsi que nous l'appelons, en si mauvais état que nous ne la proposons plus depuis longtemps à la clientèle, nous pensons que c'est le jardin qui leur a plu, des chiens très intelligents, ils ont fait le rapport avec le logo sur le panneau délavé ''A Louer''' posé sur la grille et celui qui est peint sur notre devanture. Depuis des années personne n'en veut, le propriétaire est mort depuis une dizaine d'années, un vieux toqué, aucun héritier ne s'est manifesté, nous vous la cédons pour un euro symbolique, voici la clef, c'est juste entre le numéro 17 et 19 de la rue.

      L'adresse était étrange, mais nous trouvâmes facilement. Une grille rouillée fermait un étroit passage qui débouchait sur un jardin envahi d'une folle végétation, contre un mur était adossé une masure de planches au toit goudronné crevé mais les chiens la dédaignèrent et se faufilèrent parmi les hautes herbes folles et les arbustes touffus, ils s'arrêtèrent devant ce qui dégagé d'un amoncellement de branches d'arbres qui le dissimulait se révéla être un trou dans lequel ils sautèrent sans hésitation. Nous les imitâmes, ce n'était pas bien profond et fûmes tout étonnés de nous trouver devant une porte blindée muni d'un volant que je me dépêchai de tourner. Nous entrâmes. Le vieux n'était pas si fou que cela, un gars prévoyant, l'avait aménagé un abri anti-atomique dans son carré de choux, assez spacieux, l'on se serait cru dans un sous-marin !

      - Une cache idéale, s'extasia les Chefs, félicitations les cabotos, retournons vite à la boutique signer le contrat !

      - Nous savions que vous aimeriez, s'exclamèrent les secrétaires, la baraque est un peu vétuste certes mais si romantique, Colette donne un biscuit aux toutous !

      Ils le croquèrent sur la banquette arrière de la Ghini, le Chef venait de recevoir un SMS : Charlie Watts fait des siennes, venez vite, RDV Bois du Pendu. Joël.

      A suivre...