KR’TNT !
KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME
LIVRAISON 684
A ROCKLIT PRODUCTION
FB : KR’TNT KR’TNT
03 / 04 / 2025
UNDERTONES / LAMBRINI GIRLS
TEX PERKINS / LOVLY EGGS
JOHNNY SAYLES / ORGO / CHAT PILE
MARLEY HALE / SECRET AGENT
Sur ce site : livraisons 318 – 684
Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :
Wizards & True Stars
- Les Undertones en font des tonnes
(Part Three)
Pour ceux qui écoutaient le John Peel Show en 1978 sur les ondes moyennes, le nom des Undertones reste la référence absolue. T’avais cette voix de délinquant sexuel qui attaquait à coup d’Are teenage dreams so hard/ To beat, et c’était dans la poche : «Teenage Kicks» allait rester l’un de tes singles favoris. Avec Laurent (hello Laurent), on est allés voir les Undertones kicker la Maro en 2013, et ce soir-là, ils claquèrent deux fois leur «Teenage Kick», comme le fit historiquement Peely en 1978, alors qu’il venait de recevoir le single. On était tous deux sortis sonnés de la Maro, on titubait dans la rue Boyer. C’est à peine exagéré.
Les Undertones occupent une place à part dans la petite mythologie du British punk : ils ne sont ni les Damned, ni Stiff Little Fingers, ni les Buzzcocks, ni les Pistols. Les autres, on n’en parle même pas. Les Undertones sont restés les kids qu’on voit sur les premières photos de presse, des kids incroyablement talentueux et modestes, avec des sourires dents de lapins, des fossettes, et des doc Martens. Tu les observes sur la photo du rang d’oignon, Michael Bradley n’a pas changé, même s’il a pris un petit coup de vieux. Derrière, Billy Doherty rigole lui aussi de bon cœur. Bon, Feargal est parti, mais c’est pas grave. Ensuite tu vois Damian O’Neill, avec son incroyable sourire de kid rock. Et derrière lui, au fond, son grand frère John O’Neill se marre un peu, mais pas trop. Aujourd’hui, il gratte sa gratte au fond de la scène. Même s’il est tout déplumé, il reste le génie des Undertones. C’est lui qui a pondu tous les hits. Cot cot ! John O’Neill ! Et tous les punks anglais ont rêvé de composer des cuts aussi balèzes que ceux de John O’Neill, mais à part Brian James, Jake Burns, Pete Shelley et John Lydon, aucun d’eux n’est jamais arrivé à la cheville de John O’Neill. Les Undertones proposaient un détonnant mélange de fraîcheur et de power, mélange qu’on retrouve d’ailleurs dans «New Rose» et dans Spiral Scratch. Avec la goutte de sexe d’I wanna hold her wanna hold her tight, ce mélange constitue l’essence même du rock.
En plus de leur désarmante facilité à pondre des hits, ils n’offraient aucune prise à la frime. Ils sont les rois du Zéro frime. Tu ne les aurais jamais vu frimer à la une du NME en costards à la mode et cols relevés, comme le firent les Clash. Quelle horreur quand on y repense ! Les Undertones sont restés d’éternels Irish ados et c’est exactement ça que tu vois sur scène 47 ans plus tard. Ils sont certainement les seuls à pouvoir réussir un tel exploit. Et proposer un set de 90 minutes complètement explosif. C’est le seul mot qui te vient à l’esprit pendant le set : explosif ! Pas un seul déchet, à peine un morceau lent, et tout le reste déboule à vive allure, la moyenne d’un cut restant en dessous des 3 minutes. Wham bam !
Coup de pot : ils jouent deux fois dans les parages. Le premier soir au Trabendo et le lendemain au Havre. Alors tu fais en sorte que. Pas question de rater un tel festin. Quand t’arrives un peu à l’avance pour ce genre de concert, tu tombes fatalement sur les vrais fans, ceux qui viennent de loin et tu ne vois plus le temps passer, car tu parles la même langue. Et ça devient magique quand arrivent les Undertones qui viennent de terminer leur soundcheck et qui sortent faire un tour dans le quartier. Papotages. Et photos. Pas de problème.
Si par chance, tu t’installes aux pieds de Damian O’Neill, tu verras jouer l’un des meilleurs guitar slingers de notre époque. Il gratte une Gibson les Paul Standard Double Cutaway, pas la plus courante, et n’a que deux petites pédales d’effets au pied, autant dire rien, mais il gratte les poux du diable. Oh bien sûr, ça ne veut rien dire, les poux du diable, disons qu’il claque des gimmicks d’une simplicité enfantine et repasse d’un tour de main en power chords, tu n’y vois que du feu, et franchement, l’efficacité de son jeu te bluffe. C’est un style extrêmement dépouillé qui te renvoie à la fameuse technique de dessin de Cocteau qui préconisait d’en enlever plutôt que d’en rajouter. Damian O’Neill en enlève et claque du killer flash en permanence. D’où l’insolence de ce power. D’où le son des Undertones. Et jamais de grimaces de frimeur. Il n’a l’air de produire aucun effort. On appelle ça la classe naturelle. Son seul défaut serait peut-être de voler le show. Eh oui, tu n’as d’yeux que pour lui. Il incarne le punk-rock anglais comme l’a incarné Brian James.
Derrière lui, Billy Doherty bat le beurre en mâchouillant son chewing-gum, et de l’autre côté, Michael Bradley gratte sa Ricken bien pépère, pas de problème, et là-bas au fond, ce vieux génie déplumé de John O’Neill continue de riffer sa Gibson SG comme s’il avait douze ans. Et au milieu de tout ça, t’as Paul McLoone qui chausse les godasses de Feargal Sharkey. Pas évident. Il s’en sort plutôt bien, il multiplie les postures circonstancielles, il aime bien faire le David Jo, par exemple, et l’un dans l’autre, il remplit bien sa mission qui est de donner vie au vieux ramdam juvénile des Undertones. Pas toujours facile de trouver un chanteur qui fasse le poids.
Ils démarrent en trombe avec «Jimmy Jimmy», te voilà tanqué, ils te calent «Teenage Kicks» au beau milieu du set, tout le monde chante en chœur, et pour regagner la sortie, ils vont enchaîner l’impeccable «Hypnotized», «I Know A Girl», «Listening In» et soudain, Damian O’Neill déclare : «This one is for David Johansen !», il siffle, gueule «c’mon boys !». Et tu prends «Get Over You» en pleine poire, eh oui, c’est monté sur les accords des Dolls. Damian O’Neill joue exactement comme Johnny Thunders ! Ils ont une trentaine de cuts en tout, et reviennent pour un rappel apocalyptique, «Here Comes The Summer», «Jump Boys», alors tout le monde Jump, surtout au Trabendo, puis c’est «Really Really» et pour finir le so perfect «Perfect Cousin», I’ve got a cousin called Kevin !
Les deux concerts sont très différents. Au Trabendo, ça valsait de partout, alors qu’au Havre, c’est resté un peu pépère. Les Undertones semblaient se nourrir de l’énergie du public parisien. Tu sentais les vibes dans l’air. Tout sonnait incroyablement juste. Perfect Concert.
This one is for Thierry & Anne.
Signé : Cazengler, Undertorve
Undertones. Trabendo. Paris XIXe. 14 mars 2025
Undertones. Le Tetris. Le Havre (76). 15 mars 2025
L’avenir du rock
- Les Lambrini ne lambinent pas
— Dis donc, avenir du rock, paraît qu’t’es allé voir l’concert des Lambrini ?
— Ah bah ouais !
— T’as pas l’air très lambruni...
— Ah bah si !
— T’as bien lambretté alors...
— À fond !
— C’est drôle, j’te voyais pas comme ça...
— Comme quoi ?
— Ben, lambritable...
— Ben si, comme tout l’monde. Et toi, t’es pas lambritable ?
— Ça dépend avec qui. Et pis ça dépend aussi d’l’angle eschatologique, ça dépend d’comment tu mates le mur d’l’éternité...
— Tu m’fais marrer, tu noies la poissecaille dans l’eau. La lambritabilité, c’est un automatisme pschychique de la pensée, tu piges ? C’est pas toi qui décides, c’est la lambritabilité qui décide pour ta pomme.
— Ton baratin veut rien dire, avenir du toc ! T’es vraiment qu’un escroc !
— Vazy répète...
— T’es qu’un putain d’escroc !
— Vas te faire lambritter chez les Grecs !
— T’es complètement lambruti, avenir d’mes deux !
— Et fier de l’être. Tiens, j’lève mon verre à la santé des lambris !
Encore l’autre jour dans la queue pour un concert à la Maro, t’entendais des mecs dire du mal des Lambrini Girls, mais vraiment du mal, des choses du genre «elles savent pas jouer», «elles passent leur temps à jacter», «leur dernier album c’est de la...», «jamais vu des connasses pareilles», tout ça mélangé avec «Les Russes seront bientôt Porte de la Chapelle», et toutes les autres conneries que les gens qui se prennent pour des experts amplifient en les colportant, alors ça devient assourdissant, tu te retrouves au beau milieu d’une caisse de résonance et tu ne sais plus s’il faut désespérer ou éprouver du chagrin pour ces pauvres gens qui ne se rendent plus compte de rien. Les cervelles seraient-elles donc à ce point inféodées ?
Et bien sûr, les Lambrini Girls n’ont rien à voir avec ce que les cons racontent. Il faudrait même remercier les Girls d’exister. Elles te consolent. Elles te remontent en même temps les bretelles et le moral. Elles te ramènent à la maison. Elles te sauvent la muse. Elles t’arsouillent et te dédouanent. Elles t’intéressent et elles t’avertissent, du coup t’en vaux deux et t’es bien content, elles t’excitent et te réveillent, elles t’affranchissent et te remettent tout à plat, elles t’épatent à la sauce tomate, elles t’embarquent pour Cythère, elles te redressent la barre, elles t’éclatent au Sénégal, elles t’intronisent et t’atomisent, elles t’oblitèrent à terre et t’accaparent de marché, elles t’inspirent le pire et t’aspires le meilleur, elles t’importent dans leur monde et t’exportent aussi sec, elles t’éduquent aux grands ducs et t’impliquent à pic, il faudrait même inventer des mots pour les situer, tellement elles échappent à tous nos pauvres petits clichés à la mormoille. Lambrini Girls ? C’est du trash-out so far out, du wash out, du smash out, du girl-punk in the face, elles réveilleraient les morts de la tranchée - Debout les morts ! - elles tapent dans l’essence même du rock, le viscéral exacerbé, le vital extraverti, le vivace excédentaire, la virulence excuriatrice, elles font jaillir la vie à jets continus, comme peu de groupes savent le faire, elles font du rock en rut, c’est un trio du printemps, un groupe de sève qui monte et qui monte, en orgasme continu, t’en reviens pas de les voir gicler.
La petite blonde qui gratte ses poux et qui harangue les foules s’appelle Phoebe Lunny. Elle sort tout droit d’un roman de Dickens, avec sa petite bouille d’arsouille et son énergie de délinquante juvénile, elle passe son temps à ruer et à brailler ses rafales de textes, elle court pour occuper le grand espace de la scène. C’est Kurt Cobain au féminin.
Elle fait comme Moïse avec la Mer Rouge, elle demande à la foule de s’ouvrir, alors elle saute de la scène, blomp, enfourche la barrière et s’en va traverser la salle pour créer de l’événement. Et elle en crée fabuleusement. Quand elle remonte sur scène, poussée au cul par les mecs de la sécurité, un roadie lui repasse la bandoulière et elle repart de plus belle au wash out de big time. Sa copine Lilly gratte une basse fuzz, et derrière t’as un batteur fou déguisé en fille, Jack Looker. Encore un lien avec Nirvana. Kurt adorait s’habiller en femme. Jack porte du rouge à lèvres et des collants troués. Trash out, baby ! La powerhouse des Lambrini, c’est Jack the lad ! Fantastique batteur anglais, de type Paul Cook ou mieux encore : l’Eddie des Vibrators.
Elles démarrent leur set avec l’explosif «Big Dick Energy» que tu retrouves sur leur premier album, Who Let The Dogs Out. Pur trash punk de Stay the fuck away from me ! Looker push the push, elles montent leur trash en neige, c’est un sommet du genre. Phoebe Artful Dodger se marre avec cette histoire de grosse bite, elle ricane à coups de Cos it’s not that big ! T’as l’impression que la messe et dite, mais ça va continuer de débouler avec un autre temps fort de l’album, «Bad Apple», une espèce de summum de l’harangue, elle cultive l’art antique de la dégelée verbale, il pleut du rut comme vache qui pisse, elles font encore plus de ramdam qu’un groupe américain à deux guitares, elles concentrent tellement de power que t’en oublies la faiblesse des compos, tout tient par l’énergie viscérale, et ça vire au prodige.
Tu les vois claquer des rafales dans «No Homo» et la basse fuzz repend le dessus dans «Filthy Rich Nepo Baby», alors ça buzze dans le bush. Phoebe Artful Dodger applique toujours la même recette : elle appelle à l’émeute sur le couplet et le monde s’écroule à la suite. Elle n’a même plus besoin de gratter ses poux, la dynamique lui échappe et c’est la salle qui fait le reste. Elles bouclent leur set avec une espèce de rap-punk, «Cuntology 101» dont il n’y a rien à dire, hormis le fait qu’elle fait l’apologie du cunt.
L’énergie est intacte sur Who Let The Dogs Out. Tu retrouves toute cette arrogance géniale, tout le festival de Jack the lad, la belle basse fuzz de Nepo Baby, l’explosif wash-out de «Big Dick Energy», tu retrouves aussi les rafales de «No Homo» et quelques cuts qu’elles ne tapent pas sur scène, par exemple le terrific «Nothing Tastes As Good As It Feels», grosse énergie punkoïde, elles restent dans la ligne du party, c’est même wild as super-fuck ! Et t’as ce «You’re Not From Round Here» emmené ventre à terre. Viva the Lambrini Girls !
Signé : Cazengler, Labruti Girl
Lambrini Girls. Le 106. Rouen (76). 21 mars 2025
Lambrini Girls. Who Let The Dogs Out. City Slang 2025
Wizards & True Stars
- Explication de Tex
(Part One)
Certains rock books sont des classiques. Comme on les cite à chaque fois, on ne va pas recommencer. Et puis t’en as d’autres qui sont des bêtes, comme Tex by Tex Perkins. A Beast of a book, un vrai book de Gévaudan ! T’as pas le temps de t’enfuir, il est déjà sur toi.
Il y a deux préalables à cette lecture : un, avoir écouté les Beasts of Bourbon, et deux, les apprécier pour ce qu’ils sont, l’un des groupes les plus génialement bestiaux de l’histoire du rock.
Tex Perkins écrit comme il chante, avec la rage de l’emporte-pièce. Il écrit le rock comme il le chante, avec un dévolu magistral. Comme les Saints, il est originaire de Brisbane, mais curieusement, il ne parle pas d’eux.
Si tu veux tout savoir sur les Beasts, c’est là. Kim Salmon avait lui aussi creusé la question dans son autobio, mais Tex va beaucoup plus loin. On entendrait presque le son de sa voix, le son de sa rage, le son de son rock. Tex est l’une des plus brillantes incarnations du rock. Et ce n’est pas un hasard si les Beasts furent au temps de leur gloire «a lazy, insolent, cocksure, sneering, lascivious, threatening bunch of men» (dixit Rowland S. Howard). Pour bien situer les choses, Tex parle des Beasts comme d’un «ugly rock’n’roll band» face à «an angry mob». D’où la pochette de Low Life : Tex est au sol, sanguinolent. Il s’est fait canarder sur scène par l’angry mob.
Il a des roots impeccables : son grand frère Brisbanais écoute les Modern Lovers, Iggy, le Velvet, les Sex Pistols, «all that difficult stuff, but also loved Jerry Lee Lewis, Gene Vincent, and a very little known rockabilly cat called Ronnie Self.» Bonne école, Tex ! En 1980, il découvre les Ramones sur scène. Puis il flashe sur The Idiot d’Iggy - I didn’t own this copy of The Idiot. The Idiot owned ME - Comme Chris Bailey, il rappelle que Brisbane battait tous les records de répression et que les skins locaux lui couraient après dans la rue pour lui casser la gueule.
Puis il découvre les Scientists - It was a bit like the first time I heard The Cramps. It was OF COURSE - Il met des cap - THAT’S HOW IT’S DONE - Et il fulmine : «They looked like the perfect rock band. Wild hairdos, weird clothes and a gang mentality.» On ne peut plus l’arrêter, le Tex - The Scientists had The Stooges’ heavy riffing, the swamp sound of The Cramps and Creedence Clearwater Revival - Puis il va faire la connaissance d’un Kim qui s’intéresse aux autres et qui est curieux. Tex passe les autres en revue : «Boris Sudjovic était le mec affable du groupe. Brett Rixon se planquait derrière une frange de cheveux et ne parlait que lorsque c’était absolument nécessaire. Tony Thewlis avait une fuzz box et la coupe de cheveux de Johnny Thunders, donc il n’avait rien de plus à ajouter. J’ai appris à connaître et à aimer Boris. He was a big guy with big hair and he wore shirts louder than the bands he was in.» Tex pèse ses mots. Pour lui, les Scientists étaient the best band in the country.
Les Scientists sont allés à Londres et sont revenus au bercail, après leur désintégration. Tex devait lui aussi s’installer à Londres pour chanter avec Kid Congo, mais il a été renvoyé au bercail par les douaniers anglais.
Tex monte les Beasts avec Boris et Spencer P. Jones, l’ex-Johnnys dont il faut célébrer l’album Highlights Of A Dangerous Life - They played New York Dolls-style rock’n’roll that had cowboys song titles - Car oui, car wow, quel album ! Highlights Of A Dangerous Life démarre en mode Dolls avec une cover de «(There’s Gonna Be A) Showdown» et Spencer P. Jones claque le Dollsy beat. Il sait aussi claquer le Crampsy beat, comme le montrent «Move It» (tu crois entendre Nick Knox), «Deadmen From Boot Hill» (fabuleuse ferveur, limite rockab) et «Slip Slap Fishing», merveilleux clin d’œil aux Cramps. «Injue Joe» se veut savant et entraînant, et le country rock de «Green Back Dollar» en B est comme visité par la grâce. Spencer est un crack. Sur «Way Of The West», le batteur Billy Pommer Jr vole le show. Et le crampsy drive de «Montain Man» ramène les Johnnys à bon port.
Tex repère un article sur le Gun Club dans un magazine - La photo qui illustrait l’article nous les montrait partageant une bouteille de whisky and the headline was ‘Beasts Of Bourbon’. I looked at it and said ‘there’s a band name’ - Tex ajoute que des gens ont cru qu’il s’agissait d’un détournement du «Beast Of Burden» des Stones - That’s bullshit. At that stage I hadn’t even heard the song - Ils montent un répertoire vite fait bien fait avec des covers des Cramps, du Gun Club, des Stones, des Stooges, de Creedence et des Dolls. Comme ça au moins, les choses sont claires. Le premier batteur des Beasts n’est autre que James Baker, un big brother qui a 11 ans de plus que Tex. Et puis il y a Kim Salmon.
Le premier Beasts date de 1984 et porte le joli nom de The Axeman’s Jazz. Tex indique que le titre de l’album sort d’un book, The Myths And Legends Of New Orleans. The Axeman’s Jazz est l’histoire d’un serial killer qui opérait à coups de hache pendant la Première Guerre Mondiale et qui en dehors des coups de hache vouait une passion pour le jazz. The Axeman écrivit paraît-il une lettre au journal local pour indiquer qu’il n’entrerait jamais chez des gens qui écoutent du jazz. Musicalement, les Beasts ne cachent pas leurs influences : Cramps avec «Lonesome Bones» et «Love & Death», Creedence avec «Grave Yard Train» et puis bien sûr la Stonesy d’«Evil Ruby». On se croirait sur Exile, le Tex se prend pour le Jag, avec du gut en plus. Mais à l’époque on ne voyait pas bien l’intérêt de la Stonesy australienne. Avec «Lonesome Bones», ils ne se cassent pas la nénette, ils reproduisent exactement le son des Cramps. «Grave Yard Train» est une cover, ils tirent le cut de Bayou Country, sans doute le meilleur album de Fog. Swamp pur, amour de jeunesse de Kim. Et «Drop Out» sonne comme un coup de génie, arrosé d’un joli bouquet de killer kill kill bien aussie. Le «Save Me A Place» qui ouvre le bal de la B est du pur Scientists Sound. Encore une histoire de cimetière. Tex rapporte qu’en studio, Spencer P. Jones était tellement défoncé qu’il joua «Lonesome Bones» couché au sol, sur le dos et qu’il tomba dans les pommes à la fin du cut - I didn’t know it then but it would never be this simple and pure again - Pour lui, The Axeman’s Jazz est the purest of the Beasts’ albums. C’est son préféré - It’s also for me a document of one of the best days of my life. Il y a une petite photo des Beasts à la fin du chapitre Axeman : c’est dingue ce que Tex ressemble à Lux !
C’est avec Sour Mash que Tex s’impose en tant qu’énorme chanteur. Il attaque avec cette reprise de Captain Beefheart, «Hard Work Drivin’ Man», il tape ça à l’heavy guttural de cromagnon. Il reste dans cromagnon pour «Hard For You», il ramène toute l’humanité primitive de la caverne humide. Le reste de la viande est en B, avec «Pig», Tex y devient le roi des cromagnons fondamentaux. Il est à ranger sur l’étagère du haut avec Wolf et Captain Beefheart. Pire encore : «Driver Man», monté sur l’heavy drive de basse de Boris le Scientific. Cut énorme, gluant, préhistorique ! Le Tex refait encore du cromagnon avec «This Ol’ Shit». Ah comme il est raw, l’animal !
Leur meilleur album pourrait bien être Black Milk. Parce que «Bad Revisited» (le Tex évoque une place called bad, t’a les couinements du Kim, croahhh croahhh, pur Scientific thème). Parce que «You Let Me Down» (oh les chœurs de lads, le bassmatic fantôme, la dérive congénitale et le Tex !). Parce que le morceau titre, qui sonne exactement comme le «Walking On Guilded Splinters» de Dr. John. Parce qu’«I’m So Happy I Could Cry» qui sonne comme «Pale Blue Eyes» avec en guise de cerise sur le gâtö une envolée belle apocalyptique du killer kill kill Kim. Parce que «Let’s Get Funky», fantastique coup de chapeau à Hound Dog Taylor ! Parce que «Blanc Garçon», coup de Cajun d’I am bonnet blanc garçon/ With nothing to do. Et parce qu’«Execution Day» qui sonne comme un classique d’on my execution day, avec sa bassline alerte et fantasque. Pour toutes ces raisons, Black Milk est un album culte.
En juin 1991, les Beasts tournent aux États-Unis. Tex : «We were horrible. That was our stock and trade. We dealt in horrible.» C’est la formation avec Tony Pola et Brian Hopper qui ont remplacé James Baker et Boris. Tous les Beasts sauf Kim sont incontrôlables - Tony was outrageous - L’hero est entrée dans la danse - He would do anything to score - Pire encore, Brian Hooper - Brian was wiry and good looking and dressed like Ray Liotta in Goodfellas. Brian était l’un de ces mecs qui ne se contentent pas d’un peu, he couldn’t be just a little stoned. Like Tony, Brian would think it a good idea to get hammered on smack JUST BEFORE WE WENT ON STAGE. Tony pouvait jouer, mais Ol’ Brian on the other hand would be close to passing out on stage and playing like shit - Kim parle très bien de tout ça dans Kim Salmon & The Formula For Grunge. S’il quitte les Beasts, c’est à cause des excès.
Très beau spécimen d’album que The Low Road. Ce sont les Beasts avec Tony Pola et Brian Hopper, c’est-à-dire les Surrealists. Dès «Chase The Dragon», on voit qu’ils ont un sens aigu du son. Ils lâchent une fantastique dégelée de riffs gras et le Tex fait bien son cromagnon. Les grattes de Kim et de Spencer P. Jones se chevauchent comme des dragons en rut. Sur «Just Right», Kim sonne comme Jimi Hendrix. Wow le Kim power is all over ! Ça sert de base au groove du Tex. Et Kim n’en finit plus de titiller l’Hendrixité des choses. Nouveau coup de génie avec «Straight Hard And Long», le Tex y claque ses onomatopées et ça bascule dans la Stoogerie. Les plongées sont spectaculaires, t’as le Kim dans toute sa splendeur. Et ça culmine avec «Something To Learn To». Leur profondeur de champ est invraisemblable, leur son est d’une ardeur épouvantable, ils sont certainement les seuls au monde à proposer un tel melting-pot, c’est épais, fouillé par Kim et arraché au gut par le Tex à coup de you’re my love and you’re my dealer. Tu sors de là ahuri.
From The Belly To The Beasts porte bien son nom : ce double album est un monstre. Le Blue Disc est du live ‘91 & ‘92. Ils tapent «Love & Death» à l’heavy blues de bulldozer, avec la Méricourt du Kim au fond du son. Puis ils tapent une cover du «LSD» des Pertties pour en faire un «ESP», suivi du «Dead Flowers» des Stones, et le Tex enfonce le Jag au well I’m sitting here. Il bouffe le Jag tout cru. Puis il bouffe Lemmy et Johnny Burnette tout crus avec sa cover de «Train Kept A Rollin’». Le Tex fonce dans le tas du train. C’est la plus raw de toutes les covers du Train. Il fait passer les Yardbirds et Johnny Burnette pour des enfants de chœur ! Encore pire : cover incendiaire du «So Agitated» des Electric Eels, avec un solo liquide du Kim. Et tout explose avec «Dirty Water» et son attaque mortelle de la mortadelle. Le Tex enfonce Dick Dodd et t’assistes à un fantastique développement de love that dirty water ! Et ça continue sur le Red Disc avec l’heavy trash de «Chase The Dragon». Ils s’enfoncent dans la désaille monumentale avec «Driver Man» et la basse s’en va jazzer dans le chaos. Et t’as le Kim qui plonge encore dans les enfers avec «Save Me A Place», puis les Beasts battent tous les records d’heavyness avec «Black Milk». Et c’est pas fini ! Le Kim fout encore le feu à la plaine dans «Drop Out», il abat un boulot extraordinaire, on n’entendrait plus que lui si on n’y prenait garde. On reste dans le meilleur sonic trash de tous les temps avec «Straight Hard & Long». Il n’existe rien de plus extrémiste que cette purée australienne. Gros clin d’œil à Hound Dog Taylor avec un cover extravagante de «Let’s Get Funky». C’est du Hound Dog extrémiste, dans une version longue et complètement hypno, ponctuée d’ah ah du diable, c’est-à-dire le Tex. «Execution Day» sonne comme un hit intercontinental, magnifié par le guitarring du Kim qui part en vrille excédentaire. Fin de la fête avec l’ahurissant bulldozer de «Good Times». Good times ha ha ha ! Tu sors de là encore plus ahuri qu’avant.
Tex : «From about 1984 to 1999 every band I was in had junkies in it.» Et il ajoute : «Dans le groupe, au début des années 90, juste après que Charlie Owen ait remplacé Kim Salmon, there was heroin everywhere.» Tex évoque aussi les annulations de tournées à cause des overdoses - The junkie line-up of the Beasts came later. That’s when it became a truly scary, dark and ugly rock’n’roll band. And despite everything, for the most part, we were playing good.
Encore un album qu’il faut bien qualifier de monster : Gone. Pas de Kim là-dedans. Spencer P. Jones et Charlie Owen se débrouillent très bien tout seuls. Dès «Saturated», Tex te sature. Il chante à la glotte saturated. Il est le grand screamer de l’impossible. Les Beasts sont sans le moindre doute le groupe le plus extrême de l’histoire du rock. Ils attaquent «Fake» au pilon des forges. Ahurissant ! Personne ne peut résister à ça ! - Don’t know myself/ I’m a fake ! - Puis ils plongent dans la Stoogerie avec «Makem Cry». Ce sont les accords des Stooges et du MC5. Peu de groupes peuvent atteindre ce sommet du trash. Ils sont sous la fournaise exactement. Plus loin tu croises une autre fournaise : «I S’pose», Ils sont bien meilleurs sans Kim. Ils lâchent des vents uniques de sonic trash. C’est ultra-electric ! Ça joue à la cisaille divine. Encore plus cisaillé des tibias, voilà «What A Way To Live», back to the Beefheart groove, le plus dangereux de tous. Tex a ce pouvoir. Il est en plein dedans. Les Beasts re-déboulent avec «Is That Love». C’est du gros panache barbare. Quelle violence ! C’est l’équivalent sonique d’une attaque de barbares au Moyen-Âge, avec les cris de Tex qui couvrent ceux des brebis qu’on anéantit. Tu ne te lasses plus des Beasts et de leur paquet d’inventivité de sonic trash. Ils sont épouvantables de grandeur tutélaire, avec des guitares qui taillent dans le vif, wow le solo d’«Is That Love», t’as rien au-dessus en termes de brutalité, et c’est qui fait leur génie. Et ce beat énorme de pilon renvoie à celui de Pussy Galore, mais Tex est mille et mille fois plus puissant que Jon Spencer. Pas de commune mesure. Il a le pouvoir des dieux de l’Antiquité.
Low Life est un Live qui te permet de réviser tes leçons. On y retrouve des cuts de Gone, comme «Saturated» ou «Make ‘Em Cry», tapé à l’ancienne mode du high energy, avec un killer solo d’incendie urbain. Tout ici est monté dans l’absolue démesure de la pyromanie. On retrouve aussi «Fake» - I’m a fake ! - Il n’en démord pas. Le son et la voix : c’est ça, les Beasts, le power immédiat et le Tex qui défonce tout de suite la rondelle des annales. Et voilà l’imparable «Chase The Dragon» drivé au riff de non-retour. C’est chanté à outrance, c’mon ! Get on the foam/ Chase the dragon ! Ils font quasiment du Nathaniel Mayer avec «Just Right», te voilà encore un pleine Stoogerie. S’ensuit l’un des hits de l’Internationale Beasterie, «Straight Hard & Long». Over and over again/ I start to explode, et ça bascule dans un blast débilité qui déboîte aussi sec dans le virage, et t’as le Tex qui écrase son chant extrémiste. Ah il faut avoir écouté ça au moins une fois dans sa vie. Et ça repart de plus belle avec «Ride On». Tex est le pire de tous, il faut le voir allumer, et Spencer P Jones se convulse avec du killer digne de Kim. Il fout le feu au bush avec son killah kill kill, il joue au plus près de l’enfer sur la terre, il est même encore plus incisif que Wayne Kramer, et pour finir t’as le Tex qui remercie le publie en gueulant : «Hey thank you ! Thank you !». Avec «Drop Out», les Beasts ont plus de son que n’en ont jamais eu les Stones. Tex bouffe le monde tout cru. C’est le pire des carnivores, il ne te laisse aucune chance. Ils terminent ce Live effarant avec leur cover de «Let’s Get Funky» - I feel like/ I feel like/ Gettin’ funky - C’est l’apocalypse. Awite ! Tex est un démon, en voilà la preuve, ha-ha-ha-ha, ça bat sec et ça brûle partout.
Little Animals est encore une bête des Beasts. Pour trois raisons : «Don’t Care About Nothing Anymore», «I’m Gone» et «Too Much Too Late». C’est du sans Kim, mais Pola, Hopper et Spencer P. Jones rockent encore le boat derrière le Tex. «Don’t Care About Nothing Anymore» est bien drivé sous le boisseau australien avec un solo caverneux. Dans «I’m Gone», le Tex fout bien le feu au bush. C’est même fabuleux de véracité crématoire. Ils t’amènent un son que les autres groupes n’ont pas, avec des solos en forme de serpents. Chaque solo est tordu, au sens psychiatrique du terme. Encore du gros biz des Beasts dans «Too Much Too Late». Ils ont le génie du son destroy oh boy, là t’as un vrai son de guitare, le mec qui gratte derrière le Tex est un real killer killah, il dérape bien dans les virages et claque un vrai solo de fin du monde. Là t’es obligé de prendre les Beasts au sérieux. Ils semblent même encore meilleurs depuis le départ de Kim. Jamais t’auras autant de son que sur cet album. Les poux sont fabuleux d’incartade et de too muchy much. Ils repartent à la bonne bourre avec «The Beast I Came To Be». Ils ont le beat de la main lourde. Ils sont à maturité. Leur crédo c’est d’activer des bombes l’une après l’autre. Voilà encore un cut explosé de clameurs. Ils tapent leur «Sleepwalker» à l’heavy blues primitif. Il n’existe rien de plus funambulique que ça. Le Tex referme la marche avec «Tanks», thanks for the water, thanks for the wine, il va chercher son meilleur baryton, thanks for the heroin and the cocaine too. Il remercie aussi pour l’acid et l’ecstasy. Thanks !
En 2019, Kim Salmon remonte les Beasts (sans les Bourbon) pour attaquer le XXIe siècle. Il récupère Boris Sujdovic et Tony Pola pour remplacer les morts, c’est-à-dire Spencer P. Jones et Brian Hooper. Par miracle, Tex vit encore. L’album démarre en puissance avec «On My Back». Ils récupèrent tout le souffle des vieux Beasts. Kim les met en coupe réglée, come inside, il screame comme un démon de l’antiquité. Malheureusement, tout l’album n’est pas du niveau de ce brillant starter. Tex reprend le lead sur «Pearls Before Swine». Les Bêtes traitent ensuite «My Shift’s Fucked Up» à l’heavily heavy pachydermique et bien vulgaire. Quand ça va mal, ça va mal. L’album se réveille en B avec «Drunk On A Train» heavily sonné des cloches, avec tous les oooh-oooh de Stonesy qu’on peut bien imaginer. On retrouve un peu plus loin un shoot de Stonesy dans un «What The Hell Was I Thinking» monté sur les accords de «Dead Roses» - You used to be a prostitute/ You can send me dead flowers for my wedding - Et pour le reste, on repassera.
Dans Tex, Tex évoque aussi son retour à Londres pour rejoindre Kid Congo et Patricia Morrison. Il n’est pas tendre avec ce projet foireux : «It was terrible.» Il enfonce son clou : «I thought, Wow this is... kinda boring.» Il s’explique : «Les groupes comme The Birthday Party étaient réellement excitants en 1981 et 1982, mais en 1985, that whole Nick Cave thing was really stale and pompous to a lot of us. And that whole goth thing with lots of makeup? Sisters Of Mercy and those bands? It was just horrible.» Et il embraye sur le Kid : «The band Kid and Patricia were putting together was heading towards being a bit London and a bit goth and a bit shit. I didn’t dig it at all so I stuck it out for a few months and then skulked back to Australia.» Bien évidemment, si le Kid flashe sur Tex, c’est à cause de sa ressemblance avec Lux. Une petite image en apporte la preuve formelle.
Tex évoque d’autres personnages légendaires : The Legendary Stardust Cowboy, qu’il accompagne en tournée australienne, et P.J. Proby, un Proby qui monte sur scène complètement défoncé - to a level of drunkenness that was a kind of madness.
Puis il entre dans une zone de calme, entre 1991 et 1995, avec The Cruel Sea. Il parle de magie. Il se plaint de la qualité des reviews dans la presse : elles étaient tellement élogieuses, «it got ridiculous. It got to the point I didn’t believe them.» Il rappelle un point essentiel : «Having all come from the underground we were suspicious of success.» Il n’a qu’une seule explication pour ce succès : «We were the right band at the right time. We arrived in the post-Nirvana shake-up, smack in the middle of a whole bunch of changes in music, and we worked because we were playing good, true, honest music that people reacted to on a grassroots level.» C’est Tony Cohen qui les produit - He would mix louder and louder and with more and more reverb - everything was at full volume - The Honeymoon Is Over album is tweaked and fiddled to within an inch of its life and probably worth every twist of the knob. On y revient dans un Part Two. The Cruel Sea tourne en première partie des Stones en 1995 - It was the Voodoo Lounge tour of Australia - Pour Tex, les Stones «are THE greatest band of all time and have given me more joy, more pleasure, more inspiration than anyone else - mais en 1995, comme d’ailleurs beaucoup de fans des Stones, il en avait marre : «A was a bit blasé about the whole thing.»
Tex consacre un petit chapitre à Iggy, histoire de dire tout le bien qu’il pense de lui. Tex adore les trois albums des Stooges, «all three are absolutely vital.» Et il ajoute ça qui en dit long sur les mensurations de son fandom : «The Stones have more great songs but Iggy is where I live. Deep down, everything I do has a little Iggy in it.» C’est fabuleusement bien dit. Tex rappelle aussi qu’à la grande époque, Iggy faisait la moitié du show avec le pantalon en bas des jambes, et ça limitait ses mouvements, «when he wanted to move, big dick and saggy arse swinging.»
Tex évoque un autre projet qu’il aime bien, Tex Don & Charlie. Charlie jouait dans les New Christs et Tex l’admirait - I watched this guy play incredibly soulful rock’n’roll guitar - Et hop, ça se termine en studio avec Tony Cohen, Shane Walsh on stand-up et Jim White des Dirty Three au beurre. Il indique en outre que Sad But True est l’un de ses albums favoris. Il leur faudra 12 ans pour en refaire un autre.
Il fait aussi allusion à You I Am, et il s’acoquine avec Tim Rogers dans T’N’T (Tim & Tex) pour enregistrer My Better Half. Tex n’en finit plus d’accumuler les projets. La fin du book pullule de projets. Tu te demandes si tu vas réellement écouter tout ça. Il monte encore The Ape avec des petits jeunes. Il a des cuts en réserve - Je ne pouvais pas les proposer aux Beasts Of Bourbon, it wasn’t dark enough for the Beasts but it was too heavy for The Cruel Sea - Allez hop ! The Ape ! - In some ways, The Ape record is the most ‘me’ album that I’ve ever made - Il en profite pour rappeler que «the Beasts’ music is dark and ugly», mais que «The Ape’s music is heavy but it has a grin rather than a scrowl.» Il ne peut pas être plus précis : «It’s got the sense of fun that can be found in the Cruel Sea and then there’s bits of Beasts heaviness about it but it’s not as nihilistic.» Et plus loin, il enfonce son clou : «A 10-song rock’n’roll album with a grin.» Sacré Tex, il nous en aura fait voir de toutes les couleurs.
Signé : Cazengler, Tex toy
The Johnny. Highlights Of A Dangerous Life. Mushroom 1986
Beasts Of Bourbon. The Axeman’s Jazz. Big Time 1984
Beasts Of Bourbon. Sour Mash. Red Eye Records 1988
Beasts Of Bourbon. Black Milk. Red Eye Records 1990
Beasts Of Bourbon. The Low Road. Red Eye Records 1991
Beasts Of Bourbon. From The Belly To The Beasts. Red Eye Records 1993
Beasts Of Bourbon. Gone. Red Eye Records 1996
Beasts Of Bourbon. Low Life. Red Eye Records 2005
Beasts Of Bourbon. Little Animals. Albert Productions 2007
Beasts Still Here. Bang! Records 2019
Tex Perkins. Tex. Pan Macmillian 2017
L’avenir du rock
- Egg toi et le ciel t’aidera
(Part Two)
L’avenir du rock savait qu’il faisait une grosse connerie en acceptant l’invitation de Jeremiah Johnson.
— Viens prendre l’apéro, avenir du rock, je te présenterai des copains Crows.
— Je croyais que les Crows voulaient te faire la peau...
— C’est la trêve des confiseurs.
Il neigeait abondamment sur les montagnes du Colorado. Jeremiah Johnson avait installé son bivouac sous un grand sapin, à l’orée d’un petit bois. Il jeta quelques bûches dans le feu et sortit une bouteille de Ricard de la sacoche de son cheval pour la faire dégeler au-dessus du feu.
— Y vont pas tarder, les oiseaux se sont tus... Tiens, en voilà un là-bas.
En signe d’amitié, le Crow décocha une flèche qui alla se ficher dans l’épaule de Jeremiah Johnson. Ploc ! L’avenir du rock allait se lever pour se barrer, mais Jeremiah le rassura :
— T’inquiète pas, avenir du rock, j’ai l’habitude, avec ces mecs-là.
Il arracha la flèche de son épaule, plic !, et la brisa sur son genou, en signe de paix. Le Crow approcha, fit «Ugh» en levant la main et prit place autour du feu. Jeremiah lui servit un double Ricard sec.
— Attention, Jeremiah, il y a un message attaché à la flèche
— Oui je sais. Il s’appelle Fesse Bouc. Il vient d’ouvrir une messagerie pour les visages pâles.
— Quoi ?
— Il envoie des messages en tirant des flèches. Cherche pas à comprendre. C’est les Crows.
Un autre Crow tira une flèche, ploc !, dans la cuisse de Jeremiah qui l’arracha, plic ! Le Crow prit place autour du feu. Jeremiah le présenta :
— Çui-là, y s’appelle Egg Poché.
— Pffffff. C’est la misère, ton apéro, Jeremiah Johnson. Je préfère Lovely Eggs.
Franchement, t’en reviens pas de voir non seulement la qualité des albums des Lovely Eggs, mais aussi la qualité du silence qui les entoure. T’as rien sur les Lovely Eggs, même dans les canards anglais. Que dalle ! heureusement que KRTNT est là pour réparer cette injustice. Et pourtant, Holly Ross est une véritable superstar.
Le nouvel album des Lovely Eggs s’appelle Eggsistentialism. Rien à voir avec Sartre. T’entends l’Holly ruer dans les brancards dès «Nothing/Everything». Ils font tous les deux des Raveonettes à la puissance 1000, c’est pulsé au riff d’orgue séculaire et t’as l’everything qui s’étale dans l’étoile d’une mer étale, juste au-dessus de la surface du paradis, c’est une authentique bénédiction, l’aboutissement intellectuel de la pop. L’Holly est fantastiquement pure et magique. Elle chante au sucre sacré d’I still go around. Elle te fait l’everything du firmament. Elle est complètement folle, cette gonzesse, elle te tombe dessus dès «Death Grip Kids», une vraie furie, c’est pas la reine du rodéo mais plutôt la reine de la dégelée royale. Avec «My Mood Wave», elle te fait du Jackie DeShannon à la puissance 1000, elle vibre de toutes parts - I don’t know where I should begin - Nous non plus, on ne sait pas. Elle joue avec le trash-punk dans «I Don’t Fucking Know». Même en mode trash-punk elle pousse à la roue mélodique. Elle reste fabuleusement pop sur «Echo You», même avec des machines. Son sucre candy force l’admiration. Son power perce les blindages. Elle nage comme seuls les dauphins savent nager. She’s a hero/ Just for one day. Elle boucle avec «I Am Gaïa» et fait sa Nico. Cut dense, profond et gothique, joli brouet d’I won’t cry for more. T’attends la suite et tu ne caches pas ton impatience.
Signé : Cazengler, bec d’egg
Lovely Eggs. Eggsistentialism. Egg 2024
Inside the goldmine
- Sayles et poivre
Chaque fois qu’un mec commençait à le charrier sur son nom, Jacky Sel se mettait en pétard.
— Oh Jacky, quand est-ce que tu remontes en scel...
Paf !
Il n’a pas eu pas le temps de finir. Il a reçu le poing de Jacky Sel en pleine gueule.
— C’est la dernière fois que j’te l’dis, mon con joli, me charrie pas sur mon blaze ! La prochaine fois, j’te défigure, t’as pigé ? Ta mère enne’te r’connaîtra pas !
Mec ou gonzesse, même tarif. Cette petite conne est arrivée au bar et s’est crue autorisée à charrier Jacky Sel.
— Oh Jacky, t’es le sel de ma vi....
Paf !
Elle s’est retrouvée le cul par terre.
— C’est la dernière fois que j’te l’dis, connasse, me charrie pas sur mon blaze. La prochaine fois t’auras les deux yeux au beurre noir.
Et puis un jour, un gros malabar s’est pointé au bar. Il faisait deux mètres de haut et pesait dans les 200 kg. Pour aggraver les choses, il portait des bracelets de force aux poignets et des tatouages russes sur les mains et dans le cou. De toute évidence, il venait se payer Jacky Sel. Il déclara d’une voix forte, pour que toute la salle entende bien :
— J’vas béqueter un œuf dur... Passe-moi l’sel !
Il y eut un murmure dans la salle. Le malabar se tourna vers les gens un affichant un grand sourire édenté. Jacky Sel ne disait toujours rien. Le malabar en rajouta une petite couche :
— Ça t’va bien les ch’veux poivre et sel...
Nouveau murmure. Alors le malabar décida de brûler les étapes :
— T’es un vrai demi-sel, Jacky Sel.
Jacky voulut frapper, mais le malabar lui saisit le poignet, attrapa l’autre bras de Jacky, leva le pauvre Jacky au-dessus de sa tête et le jeta au sol de toutes ses forces. Crack ! Dos brisé. Jacky se retrouva dans un fauteuil roulant. Dans la rue, les gens se vengeaient de lui en ironisant à voix haute, pour qu’il entende : «Oh Jacky est dans un sel état.»
Johnny Sayles n’a pas eu à subir les mêmes tourments que Jacky Sel. Des farceurs lui ont peut-être demandé s’il était on Sayles, c’est-à-dire en vente, mais il ne risquait pas de se faire traiter de demi-Sayles.
C’est dans la compile Move With the Groove qu’on peut découvrir l’effarant Johnny Sayles. Si tu veux t’effarer, alors écoute cet album effarant paru sur Dakar en 1972, Man On The Inside. Rien qu’à voir la classe du Johnny sur la pochette, tu claques déjà des doigts. La classe du black ! Et la classe des cuts ! Boom dès «Snake In The Grass» - They call me/ Snake in the grass - et il rigole de bon cœur. C’est Johnny, les gars, ha ha ha, il est fabuleux. Si t’en pinces pour le groove, c’est là. Il enchaîne avec deux autres coups de génie, «Good Golly» et «Troubles A Comin’». Il fait de l’heavy Soul avec le power des Four Tops sur «Good Golly». Il a des chevaux vapeur dans le tiroir, et avec son Troubles, il passe au heavy somebody, c’est orchestré à outrance. Willie Henderson produit cette merveille. Johnny attaque sa B avec une autre triplette de Belleville : «Voice From The Inside», «Ooh Baby» et «I Understand. Ce magnifique Soul Brother claque son Voice au deep Soul funk. Puis il fait du Tempts avec «Ooh Baby», il a toute la résonance, tout l’expéditif, tout le considérable des Tempts. Et tout explose avec «I Understand», un solide r’n’b fabuleusement repris par les chœurs, mécanique intense avec la voix du dandy Johnny qui brille au firmament.
On reste dans The Chicago hard Soul style avec The Johnny Sayles Story, magnifique compile sortie de nulle part. Il amène très vite un gros shoot de Black Power avec «You Did Me Wrong», heavy blues de va-pas-bien - I can’t blame you baby - Il est bon, le petit Johnny sorti de nulle part - Want somebody ! - Avec «Tell Me Where I Stand», il passe au harsh r’n’b, il y va au I need you baby et on découvre le pure genius of Johnny Sayles avec «The Girl I Love». Les filles qui sont les Duetts font hey hey hey et ça devient énorme, fabuleux brouet d’heavy Soul, le black dude Johnny est un héros de la Soul. Encore un fabuleux r’n’b de good time Johnny avec «I’m Satisfied», on fond comme beurre en broche. Il explose l’heavy blues avec «Nothing But Hard Rocks», il est intense d’eveytime I look around. Il revient à son cher r’n’b de destruction massive avec «The Concentration» - Move it mama - et l’encore plus wild «Anything For You». Avec «Deep Down In My Heart», il passe à l’heavy gloom défenestré, il se cale sur des chœurs de folie pure, toujours les Duetts. Johnny sait rebondir sur le deep. Comme il a fait partie des Five Du-Tones, il a gardé un penchant pour l’hard Soul. Son «Little Mae» est aussi incendiaire qu’un hit des Tempts.
Signé : Cazengler, demi-sel
Johnny Sayles. Man On The Inside. Dakar Records 1972
Johnny Sayles. The Johnny Sayles Story. Official
*
Peut-être ne vous êtes-vous jamais demandé ce qu’il y avait – j’aurais pu dire la suite - après la fin, les derniers lyrics de The End. Des Doors. Laissez tomber l’aspect musique envoûtante. Pensez plutôt à la poésie de Jim Morrison. J’ai longtemps rêvé sur un passage très précis du poème : ‘’The killer awoke before dawn / He put his boots on / He took a face from the ancient gallery / And he walked on down the hall / He went into the room where his sister lived,’’.
J’ai toujours pensé que le début de ce couplet était le nœud démiurgique du poème, beaucoup plus que le meurtre du père et le viol de la mère qui le suit. D’abord une remarque d’ensemble, nous sommes davantage dans une demeure seigneuriale, voire princière, que dans un intérieur familial américain, même de l’upper-classe. Plus près de la maison d’Usher d’Edgar Poe que des réceptions huppées de Fitzgerald. Beaucoup plus précisément, trois questions : pourquoi avant l’aube ? Est-ce une scène de nuit ou d’avant la naissance du jour. Symboliquement cela affecte la portée du texte. Est-elle de mort ou de naissance ? Est-ce la fin, ou le début ? Quel visage, quel masque le tueur décroche-t-il ? Celui du sacrificateur, celui de l’enfant ? Enfin troisième interrogation qui déplace jusqu’au sens du poème. Pourquoi entre-t-il dans la chambre de sa sœur ? Tout de suite après il rend visite à son frère. Assistons-nous à une cérémonie d’adieu, ou cette dernière visite fraternelle et point sororale est-elle évoquée pour ne pas s’attarder sur la précédente… pour que toute votre attention vous conduise, soit focalisée, au plus vite sur les deux forfaitures suivantes…
Je me suis couché hier soir en souhaitant écrire ce matin une kronic sur un groupe français, c’est mon côté nationaliste, pléthore de nouveautés chez Mister Doom 666, de toutes les nationalités, jusqu’à un groupe indonésien, je sursaute, coup sur coup, assailli par deux expressions en langue rimbaldienne. La première cache un groupe américain, mais la seconde m’esbaudit, au titre si particulier j’intuite que non seulement ils sont français mais qu’ils chantent aussi en français ! Tout compte fait je m’aperçois qu’ils de nationalité suisse.
Je suis heureux. Je ne savais pas encore où je mettais les pieds.
s’allier à l’errance
ORGO
(Bandcamp / Mars 2025)
Magh : vocal, bass / Wolfli : drums, backing vocals / Julien : guitars / Bertruand : guitars.
Orgo regroupe des habitués de la scène des musiques extrêmes suisse, ils proviennent de différents groupes : Calcined, Sixokondo, Churchill, Challenger. Le groupe s’est formé en 2021. S’allier à l’errance est leur premier EP.
Eux-mêmes se définissent en quelques mots que certains trouveront aussi sibyllins que l’essence de la poésie : ‘’Le soulagement arrive, mais le vide aussi. Hallucinations fébriles entre résilience et effondrement. Sans fin. Inévitable. Orgo déterre une geôle sonore. Blafarde et dissonante. Un espace sombre où la raison se promet à la potence.’’
Dans son Discours de la Méthode, Descartes a écrit ‘’ je pense donc je suis’’ mais dans Les Méditations Métaphysiques il rédige autrement sa formule : ‘’Ego sum, ego existo’’ (je suis, j’existe ou alors moi je suis, moi j’existe). Dans Les Principes Philosophiques en jeune coq de la philosophie moderne il tient à marquer la renaissance de la gaya scienza grâce à la griffure de son ergot ‘’Ego cogito, ergo sum’’ (Je pense donc je suis). Ce n’est pas le mot raison sis à la fin du précédent paragraphe qui fonde cette allusion à Descartes, mais le nom du groupe ORGO qui en latin signifie en toute simplicité : ‘’avec orgueil’’. Selon le nom groupe l’on peut ainsi dire que le fait de penser fonde l’orgueil de l’avènement de l’Être. Je vous laisse méditer quant aux conséquences, par exemple heideggériennes, de cette interprétation.
Il est une notion que nous ne prenons pas en compte celle d’’ego’’, nous nous contenterons de signaler, presque hors-propos, toutefois il existe une chaîne d’or qui relie certains évènements, certains concepts, et surtout certains évènements conceptuels, même si les esprits distraits auront du mal à remonter la logosité concaténationnelle qui les rassemble, ainsi par exemple l’inscription Et ego in arcadia, pour laquelle nous renverrons dans ce blogue-ci au travail atlantidéen et platonicien effectué par le groupe de metal : Thumos. Incidemment cette idée d’enchaînement logique renvoie par-delà Descartes à la chaîne des notions causales des conséquences d’Aristote.
Ne dites pas que la pochette est un gribouillage infâme et informe, que votre petit neveu de dix-huit mois fait aussi bien. Alors que vous pensez aussi mal. Essayez de vous en tenir à de sommaires constations. Il y a noir et du blanc. Il y a un dessus, peut-être un ciel nuageux, peut-être une terre marécageuse. Il y a un dessous. Peut-être de l’eau, peut-être l’ouverture d’un soubassement souterrain. Vous avez l’essentiel. Quelque chose vous manque-t-il, c’est que vous n’avez pas comme Gérard de Nerval, traversé deux fois vainqueur l’Achéron.
Je vous engage à lire les lyrics, depuis près de quinze ans que je kronique des disques, je ne me suis jamais trouvé face à un texte d’une telle densité poétique.
Catenae Fortunae : ne pas confondre cette chaîne fortunée ave la chaîne d’or, au sens du mot latin la fortune s’avère bonne ou mauvaise, tout dépend de votre sort, ou il est bon, donc vous êtes en vie, ou il est mauvais : donc vous êtes mort. Il n’y a pas à tergiverser. Gardez cette dichotomie en tête pour écouter ce morceau. Z’ont mis trois tags pour vous prévenir de vous engager sur ce sentier (ultra)sonore et ombreux : doom, sludge, noise. Bruyant, un peu cacophonique, monumental, expérimental, pyramidal, terrible, effrayant, magnifique. Non le mixage n’est pas mal fait, si le vocal semble lointain ils n’ont pas oublié de tourner à fond le bouton, Magh hurle de toutes ses forces, mais il est loin très loin, alors autant écouter et en prendre de la graine de grenade comme s’amusait à le proclamer Perséphone. Le désir de la mort n’est pas la mort du désir. Avez-vous essayé de séquestrer un cadavre. N’est-ce pas un mot qui ne veut rien dire, un être mort n’est-il pas aussi vivant qu’un être vivant, à moins que ce ne soit le contraire, il y a lui , il y a elle, nous fûmes deux, ô sœur, je le maintiens dixit Mallarmé, le gardien de la porte qui s’ouvre et se ferme dans les deux sens, dans les caves du manoir les arbres poussent leurs racines au plus profond des caveaux, leur manière à eux d’indiquer le chemin , une boîte oblongue et odorante, une très petite sœur était morte, j’avais eu qui sent bon son cercueil dixit Saint-John Perse, puis-je retenir encore à moi l’âme sœur que les ombres me réclament, ce n’est pas qu’elle est presque morte, c’est qu’elle est presque vivante, déjà sur l’autre rive, Eurydice perdue à jamais.
Le signe du fugitif : si le premier morceau est éprouvant, le second, ce mot signifie qu’il n’y en aura pas de troisième, parce que contrairement à The End il n’y a pas d’interstice, pas de porte de sortie, pour reprendre une expression qui colle aux Doors, l’ultime donc, est strictement infernale. Un tintamarre pandémonial, les ombres sont là autour de vous, un flot ininterrompu de présences ombreuses vous assaille, nulle part ailleurs vous ne trouverez davantage de clameurs bruiteuses, impossible de sortir, le cortège vous poursuit, une seule solution, s’enfuir. Toutes les issues sont bouchées ne reste que la fuite en vous-même, ce qui n’empêche pas un capharnaüm de hurlements de retentir en vous, osmose, l’extérieur de vous pénètre en vous, vous êtes entre les deux rives, peut-être dans le rêve impossible d’une double présence éternelle, celle d’une jonction nuptiale et hiérogamique du frère avec sa sœur, vous avez passé, de la vie à la mort, vous êtes cadavres, peut-être à deux ne possédez-vous qu’un corps unique, mais la mort vous pèse, le cercueil vous plombe, elle veut sortir de cette étreinte, de votre embrassement, peut-être est-ce la Mort que vous avez enchaînée en vos bras, la Mort n’est-elle pas votre sœur d’âme, on n’enferme pas la Mort, elle s’échappe de vous, peut-être a-t-elle été l’intercesseuse de votre union à votre rêve, à votre désir solitaire, mais le rêve de votre sœur est-il en elle, ou en vous, peut-être même n’êtes-vous que le rêve de votre sœur, de cette sœur rêvée, ce qui vous appartient n’est-il pas à elle, n’est-il pas elle, d’ailleurs son rêve, votre rêve n’est-il pas au-dehors de vous et de tous les autres, n’est-il pas déjà de par sa nature en fuite, vogue-t-il immarcessible au-dessus de la ville, au-dessus de la poussière des morts, ces ombres dont vous vous êtes enfui, l’une dans l’autre et vice inversé, pour devenir cette poussière irradiante dont votre forme n’est qu’une constellation luminescente que vous seuls pouvez voir car en elle seule réside votre double royaume. Kaos. Kaos. Kaos.
Après une telle écoute, il ne vous reste plus qu’une chose à faire, relire Annabel Lee d’Edgar Allan Poe.
Ou mourir.
C’est ainsi que vous vous allierez à l’errance.
Damie Chad.
*
Certains titres d’album vous attirent plus que d’autres. Naïvement j’aurais pu croire qu’il parlait de Moi et de mon pays. Hélas mon esprit un peu retors a subodoré un soupçon d’ironie politique dans l’intitulé. Je suis allé voir, pourtant la pochette n’est guère engageante, oui mais au premier coup d’œil j’ai deviné que c’était un paysage américain. Qui refuserait un voyage dans la grande Amérique, le pays du rock’n’roll !
GOD’S COUNTRY
CHAT PILE
(Flenser Records / 2022)
J’ai dû déchanter, j’avais cru moi qui adore les félins que j’étais tombé pile sur un chat, mais non, Chat Pile désigne les tas de déchets toxiques rejetés et entassés par l’industrie… Deuxième déconvenue en cherchant à savoir qui ils étaient je me suis aperçu que je j’avais déjà effectué voici deux ans cette démarche, dois-je me lamenter sur ma mémoire défaillante ou y voir la preuve de la non-existence du hasard dans mes recherches sonores… Une bonne nouvelle : New Noise qui continue de paraître en kiosque - et qui en est au numéro 74, après un brutal et inexplicable chute des ventes voici deux ans, nous en avions parlé - les suit pratiquement depuis leur début. Ils seront en concert au Trabendo le 28 avril de cette année 2025.
Viennent d’Oklahoma City in Oklahoma. Etat situé entre le Texas et le Kansas, pétrole et gaz de schiste n’aident pas à le classer parmi les régions les plus écologiques du monde… Consolation de taille qui vous réconciliera avec la région : les parents d’Eddie Cochran étaient originaires de l’Oklahoma.
Passons donc sur la couve attention, ce paysage industriel déprimant colle parfaitement au sujet de l’opus. God’s Country est leur premier album, leurs précédents splits et EP’s avaient attiré l’attention sur eux, mais ce full lenght leur permit d’atteindre une notoriété nationale et internationale, ils ont depuis acquis un statut professionnel.
Raygun Busch : chant / Luther Manhole : guitare / Stin : basse / Cap'n Ron : batterie.
Slaughterhouse : ça se passe en Oklahoma, aussi ailleurs, pour la visite touristique vous n’êtes pas sur la bonne file, par contre la musique d’ambiance colle au plus près du sujet. Si vous ne savez pas ce que signifie slaugther je vous donne l équivalent en français, L 214, oui l’association Loi 1901 qui filme en catimini dans les abattoirs, qui dévoile le sort réservé aux animaux, des images qui choquent, je vous rassure Chat Pile ne vous filent que le son, l’on peut dire que la batterie de Cap’n Ron abat le boulot de toutes ses forces, en poésie ça s’appelle de l’harmonie imitative, le bruit de la masse qui s’écrase sur la tête d’une vache, ou qui démantibule le crâne d’un cheval, vous ne voyez pas mais vous entendez, quant à Raygun Busch il ne chante pas, il clame, il déclame, il proclame, il dit le meurtre, il décrit les yeux des animaux, il vous asperge d’un peu de sang, il constate que Dieu qui voit tout n’intervient pas, n’accusez pas les manouvriers, bien sûr ils frappent, mais les coups s’insinuent dans leurs têtes, le pire c’est qu’ils y résonnent indéfiniment, qu’ils refusent d’en sortir, idem pour les cris qui débordent des oreilles, les hommes et les animaux aimeraient être ailleurs, mais ils sont là. Condition ouvrière, condition animale. Bourreaux et criminels. Mort et remords. Un peu gore pour une intro. Musique industrielle, carnage vocalique. Bienvenue dans les hécatombes de notre modernité civilisationnelle. Why : ils vous le précisent en fin de morceau, l’histoire se passe en Amérique. Remarquez, s’ils étaient en France ils diraient qu’elle se passe en France. Un beau bruit charivarique, sur le plan vocal il commence en parlant doucement, comme personne ne lui répond il s’énerve un peu. Beaucoup. A la folie. Il est vrai qu’il pose une question insupportable, à devenir fou, pourquoi y a-t-il des gens qui vivent dehors dans le froid. Alors qu’ils habitent un pays riche. Entre nous ils connaissent la réponse, vous aussi, mais la posez-vous à voix assez haute pour être entendu… Ce qui suit, ils ne disent pas mais j’ai toujours trouvé bizarre que les gens autour de moi s’émeuvent davantage du sort des animaux que celui des hommes. Pamela : vous respirez, enfin une histoire d’amour ! Tout de suite c’est moins bruyant, basse et guitare émettent une espèce de mélopée mélancolique, le Raygun Bush n’a plus de timbre, devrait prendre de la vitamine C, l’histoire est triste, lui il est mort, il s’est noyé dans un lac, elle le pleure, ah ! c’est sa maman, ah ! il s’est suicidé, mais pourquoi ce bruit de ferblanterie et pourquoi cet arrêt si brusque, devraient être davantage compatissant et laisser pleurer cette pauvre femme, qui n’a qu’une envie, de mourir à son tour… hien, quoi, que dit-elle, que sous-entend-elle, qu’elle va se venger, que ça va saigner. Ils ont raison de couper le son. La police n’a pas besoin d’être prévenue. Je compte sur vous pour vous taire. Soyez complices. Soyez solidaires.
Wicked Puppet Dance : une special music video, n’appelez pas pour autant vos enfant, oui c’est du guignol, avec une marionnette, elle se permet de peindre le nom de Karl Marx sur un mur, ce genre de gribouillage pourrait inciter les moutards à lire et leur donner des idées, et puis pourquoi la commande de la marionnette épouse-t-elle la forme d’une croix, cela signifierait-il que le marionnettiste est Dieu, et que l’Homme serait envoyé se faire crucifier par son Dieu tout puissant, et pourquoi la pauvre marionnette pisse tellement de sang que l’urinoir déborde et que l’hémoglobine inonde la terre. Vous conviendrez que cette vidéo est quelque peu séditieuse. Contentons-nous d’écouter sans voir. Ça grince, ça tangue, ça frappe, pourquoi ce ton excédé, pourquoi cette rage d’expression, il n’en peut plus, il pète un câble, Dieu le regarde, Raygun Bush préfère se taire. L’a raison. L’on n’est jamais trop prudent. Le gars a craqué. A envoyé une bastos de la mort dans la tête de celui qui l’emmerdait. Son propriétaire, son patron, son député, ce n’est pas précisé. Peut-être même a-t-il tiré sur Dieu. La vengeance du prolétariat, ça fait toujours plaisir. Oui j’avais averti que c’était politique, alors ne venez pas vous plaindre si cela ne vous convient pas. L’y a laissé peut-être la vie aussi. Oui mais quelle jouissance de s’être vengé d’une existence qui ne vous appartient plus, des sons de trompette, la batterie a attrapé le rythme par la queue et ne le lâche pas. Cahotique et mélodramatique dans la deuxième partie. C’est un morceau de rattrapage pour ceux qui n’ont rien compris aux deux précédents, alors ils vous versent toute la gomme sur la gueule, tout se passe dans la tête d’un seul personnage, quand vous avez un pistolet dans la main, c’est pour s’en servir, contre les autres, contre soi-même, tel est pris qui croyait prendre, les limites de l’action individuelle, si la destruction est aussi une création, il ne faut pas confondre destruction et auto-destruction. Marx versus Bakounine. Tropical Beaches, Inc : laminoir automatique, attention ne pas passer sous les rouleaux compresseurs qui vous attendent, il hurle, il ne veut pas, les autres appuient de toutes leurs forces pour hâter l’inéluctable, l’employé dont l’entreprise n’a plus besoin, ne comprend rien rend à cette logique économico-libérale qui ne vous rend pas plus libre, qui vous éjecte des rouages qui n’ont plus besoin de vous. S’égosille de peur et de haine. En vain. Trois légers sifflements terminus comme quelqu’un qui a coupé la communication et qui vous laisse dans votre solitude. The
Mask : attention ça barde, pas de pitié, pas de prisonnier, furax et féroce, le gars utilise les grands moyens, la force, l’est prêt à tuer, alors il tue, haine et jouissance, de face ou dans le dos, oui c’est violent, le morceau est court, faut savoir être expéditif. Ou c’est moi qui meurs, ou c’est vous. Banque-route de cadavres. Hold on and hold-up. Comme les animaux à l’abattoir. I Don’t Care If I Burn : peu de bruit pour une fois, juste des pas, il ne hurle pas, presque une berceuse, il chantonne un peu, de la jubilation, il est près de son but, il est derrière lui, il ne vit que pour le tuer, il en crierait de joie, et il arrive, juste le tuer pour être en paix, enfin, avec soi-même. Grimace-Smoking-Weed : tout compte fait, il ne s’en tire pas mal, il abat sans faille ceux qui se mettent devant lui, peut-être pas dans la réalité, peut-être dans ses rêves, dans ses pensées, dans ses ruminations, musique implacable pratiquement la même qu’au tout début, n’est qu’un vaincu, l’a trop fumé, prend trop de produit, se débat contre ses hallucinations, l’homme purple qui ne le quitte pas, qui lui colle à la peau, alors il s’adresse à ce fantôme encombrant de la réalité, il le chasse, il lui claque la porte sur le nez, attention c’est la grande scène finale de l’opéra, fout tout le poids de sa voix persuasive dans la balance, l’a quelque chose de très important à faire. Se jeter par la fenêtre. Rassurez-vous, elle n’est pas très haute. L’on n’échappe pas à son destin social.
Pessimiste. Violent. Radical.
Damie Chad.
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Les filles ne sont plus ce qu’elles étaient, je ne parle pas des françaises parfaites et sans défaut, mais des américaines, surtout les chanteuses et spécialement celles qui gravitent dans les roots zones de la country music. Soyons justes, elles chantent comme des tourterelles mais qu’est-ce qu’elles trimballent comme mal-être. Les deux chroniques précédentes ne sont pas joyeuses, je me suis dit que chez Western AF, je trouverais luxe, calme et volupté. Un paradis baudelairien. J’avais oublié que chez Baudelaire l’Enfer et le Paradis ne sont qu’une même contrée.
DRUNK ON YOU
MARLEY HALE
(YT / Western AF / Février 2025)
Y a ceux qui font la fermeture des bars et ceux qui font l’ouverture. Les couche-tard ne sont pas nécessairement des ivrognes, mais les lève-tôt ne sont pas obligatoirement d’honnêtes travailleurs. Bref une belle intro, l’ouverture du bar Jones, une chaise, une table on ne la voit pas, mais elle commence à parler, elle explique comment et pourquoi elle a écrit the song, je résume en deux mots : alcool et peine de cœur. Guitare, veste en jeans, cheveux ondulé, visage de jeune fille un peu naïve mais petits sourires désabusés. Une belle voix, plutôt classique, idéale pour les histoires à l’eau de rose, oui mais les mots bleutés qu’elle prononce tout doux sont chargés de toutes les brisures du blues.
J’ai voulu en savoir plus, née à Austin, élevée en Californie du Nord, son père qui écoute du Led Zeppelin lui donne ses premières leçons de guitare à dix ans, aujourd’hui elle est basée à Brooklyn autrement dit à New York où voici plus d’un demi-siècle un certain Dylan fit son trou. L’on trouve quelques traces d’elles sous le nom de Marley Collins. Elle aime aussi Karen Dalton. Ecoutons son premier EP.
Le titre sonne fièrement. Une belle proclamation de foi féministe. La couve instille le doute : cette fille qui tangue et se laisse aller dans les bras de son cavalier ne donne pas l’impression d’une prédatrice sûre de sa capture. Semble en attente.
BY MY OWN WAY
MARLEY HALE
( / Juillet 2024)
Aidan Cafferty : bass on all songs except "Good Man" / Kai Barshack : drums / Antonio Romero : fiddle, Piano / Sam Talmadge : electric, acoustic, and baritone guitar / Jack McLoughlin : pedal steel / Dylan McKinstry : bass on "Good Man" / Marley Hale : vocals
To those at my window : vous avez lu la liste des accompagnateurs, c’est une erreur, de véritables acteurs, ils créent le décor, l’ambiance et le commentaire, du coup Marley ne chante pas, elle interprète les rôles, elle et lui, rien à voir avec la nudité de chez Jones, c’est pourtant la même histoire, mais transformée en comédie humaine balzacienne, en trois minutes vous n’avez que l’analyse d’un seul personnage, le regard qu’elle porte sur les hommes, des cinq morceaux de cet Ep il est l’unique dans lequel c’est elle qui mène le jeu, même si elle comprend et souffre de savoir qu’elle ne correspond pas à ses rêves à lui, et qu’il pourrait s’accrocher à ses rêves à elle, ce qu’elle ne veut pas, car la quille des bateaux du songe ne doit pas trop s’approcher des rochers de la vie réelle… Le violon vertigineux vous emporte sur les rives du naufrage. Drunk on you : cette version bien plus belle que celle de western AF, la même lenteur, le même rythme certes mais la discrète orchestration change tout, sa voix n’a plus besoin de pleurer puisque la la steel le fait pour elle, alors elle peut se poser comme une mouette goudronnée dégoulinante de désespoir s’abat sur le rivage pour survivre dans la propre mort de sa vie impossible. Valse lente, car dans ces moments-là l’homme de chair impossible à qui je pense est plus beau que moi. Chanson à boire sans soif. Avec ou sans alcool. Dear girl : vous avez une Official
Video, même sans le savoir, dès les premières notes vous sursautez : vous êtes dans un western, non pas une pellicule avec John Wayne ou avec une flèche brisée dans le dos, un film, de la génération d’après, un spaghetti bolognaise rouge d’hémoglobine, pelloche déchirée de chez les ritals exacerbés, les musicos vous la font à la Ennio Morricone plus un soupçon funèbre de mariachi, pour les images aucune fusillade, une fille qui erre dans la nuit, qui s’y frotte mais qui ne s’y pique pas, le combat est à l’intérieur, elle déambule dans la noirceur lunaire, elle se bat contre un terrible ennemi : la solitude. On your knees : la ballade country rock par excellence, pour une fois c’est sa voix qui mène le bal, les autres tiennent la chandelle derrière elle-même si le vent du violent la fait vaciller très fort, la bougie du désespoir, le cierge de l’attente vaine que l’on laisse brûler près du cercueil de l’existence, quelle force dans ses lyrics, au détour d’un vers il y a toujours une balle qui vous atteint en plein cœur.
Good Man : l’Official Music Video n’est pas jojo, un couple qui danse, pas du rock acrobatique, une espèce de lindy hop mou, sur la bande-son les musicos essaient d’installer une ambiance country sans western, en l’écoutant l’on se dit que si le rythme de la valse se retrouve dans le blues, elle est aussi l’épine dorsale de la country, je parle et vous aimeriez savoir ce qu’elle chante (divinement) une histoire toute simple, la grande leçon de la tristesse de la vie acceptable, faute de grive l’on se contente de merle. C’est pareil pour les hommes. Nous ne dirons pas que c’est identique pour les filles, car nous ne voudrions pas être mufle. Because we are a good man.
L’existe une version live de To Those at my window, et de On your kees, la voix et le violoniste, c’est d’ailleurs ce dernier qui joue le cavalier du couple sur la vidéo de Good Man.
Cet EP est magnifique.
Damie Chad.
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LES DOSSIERS SECRETS DU SSR
(SERVICES SECRETS DU ROCK’N’ROLL)
LA CONNEXION MEXICANO-AMERICAINE
A peine ai-je entrebâillé la porte que Molossa et Molossito se sont précipités sur leur canapé préféré :
_ Enfin de retour Agent Chad, je vois que l’équipe est au complet, êtes-vous parvenu à vous procurer les documents que je vous ai envoyé chercher, vous avez mis un temps fou !
_ Chef, les mexicains ne sont guère loquaces, caramba ! tout juste si au bout de soixantième mojito ils entrouvrent la bouche… Ensuite ils y tiennent comme si c’était des photographies de la Madre de Dios en monokini, mon rafalos a dû en éliminer une soixantaine avant que je puisse m’en emparer, les voici.
Le Chef s’apprête à allumer un Coronado, il le soupèse, le palpe, hume la robe, le repose, en choisit un autre dans le tiroir de son bureau, le caresse, craque une allumette, exhale enfin avec volupté un nuage de fumée aveuglant :
_ Agent Chad, ne perdez pas de temps, l’affaire est importante, j’attends votre rapport, montrez-moi la première photo !
_ La voici Chef !
_ Quoi un disque des Ramones si j’en juge par le dessin !
_ Pas tout à fait, ils ont utilisé les pistes drummiques de l’album Rocket To Russia des Ramones, puis ils ont rajouté leur sauce, j’ai dû faire un détour jusqu’en Turquie pour m’en procurer un exemplaire !
_ Nous serions donc face à un gang aux ramifications internationales !
_ Oui Chef, regardez le deuxième document, ces gars-là ne se cachent pas, ils jouent à visage découvert !
_ Pedro Pistola ! Vous avez leur véritable identité ?
_ Bien sûr : Rick Jeschke Deli : guitar / Rack Guerrero Aguirre : bass / Alis Emerson : drums
_ Beau travail Agent Chad, qu’avez-vous d’autre ?
_ Tenez ce document n’est-il pas étonnant !
_ Diable, quelque chose me trouble, j’y vois comme un rapport avec l’album Agent of Fortune des Blue Oyster Cult, par contre la connexion n’est pas évidente, Ramones ça sent le chicano, mais le Culte de l’Huitre bleue…
_ Regardez celui-ci, cela vous aidera !
_ Moros en la Costa, ne se mouchent pas avec la manche, ces palmiers sortent tout droit de Miami, s’attaquent aux USA !
_ Ont déjà traversé, entre 2017 et 2022, le pays jusqu’aux grands lacs, ils ont une base à Chicago.
_Pas étonnant, tous les chats sont noirs en Illinoirs, nous sommes face à une maffia tentaculaire, des gars dangereux !
_ Plus que vous ne le croyez chef, ils font régner la terreur, la loi du silence, si tu parles t’es mort, en voici la preuve !
_ Des gars sans pitié, j’aimerais bien savoir la came qu’ils refourguent chez les amerlocs !
_ J’ai récupéré un spécimen !
_ Laissez-moi allumer un Coronado et examinons la bestiole :
LOOSE LIPS, SINK SHIPS
SECRET AGENT
(Triple Agent Records / Juin 2023)
Ferme ta gueule, tout ira bien. Excusez-moi pour la grossièreté de ma traduction. Mot à mot : Lèvres ouvertes, bateaux coulés. Formule anglaise. Durant l’Occupation nous en avions une similaire : Les murs ont des oreilles. En ces temps-là le gouvernement britannique avertissait sa population : tout renseignement glané par l’ennemi peut entraîner la perte d’un navire, or l’Angleterre étant une île…
I'm Not A Spy (I'm Your Guy) : carrément une vidéo où on les voit en pleine action, félicitations Agent Chad, ne lésinent pas sur les moyens, c’est rempli de jolies femmes, les pékins doivent tomber dans le panneau comme des mouches, z’ont un commando spécial Chef, El Vez and his Elvettes, je vois c’est entre Elvis et les Claudettes de Claude François, El vez Chef, c’est celui qui chante avec son bouc, l’a une voix de crooner insidieusement molle, vous endormirait presque, si j’en crois mes yeux la tête pensante de Secret Agent, c’est ce mec qui caresse mollement sa guitare, et la fille à la basse et une autre à la batterie, cela aide à comprendre certaines des photos que vous avez apportées, les paroles sont codées, calquée sur un film idiot qui n’a jamais remporté de succès, hum, hum, j’ai une intuition Agent Chad, l’on ne voit pas la marchandise qu’ils font circuler, vraisemblablement de faux Coronados, des succédanés sans nicotine, à bas prix, de fades cigarillos sans âme, ni sortilège. Passons à la suite. Love In A Post War : ah, attention apparemment ils ont aussi des produits davantage roboratifs, savent noyer le poisson, le poison aussi, toujours le gandin devant qui fredonne, la batteuse bétonne mou, mais le mec à la guitare il sait se servir de ses doigts, nous avons affaire à un chimiste de laboratoire assez doué, doit être capable de vous concocter un Coronado à goût de poireau. Pouah, vous empaquettent le tout avec une chansonnette, une canzionata de amor Jeffe ! World To Burn : holà, Agent Chad, misent sur toutes les gammes, même le pantouflard du blues vous prend une voix à faire frémir une classe de maternelle, ils en ont pour tous les goût, après l’amour mou, vous menacent de faire sauter la planète, et le guitariste est vraiment un gars dangereux, manie sa guitare comme un Parabellum, à six coups, ce guy est une véritable vipère vicieuse, en plus l’a pris un synthé à ses côtes pour les effets spéciaux. Disguise : voyez-vous Agent Chad, se vantent de porter des masques, ils se moquent du monde, vous avertissent carrément qu’ils vous vendent de la merde, écoutez-moi ce vocal langoureux del cantaor, et derrière le guitar héros qui vous pond des picotis-picotas comme s’il vous offrait des biscuits d’apéritifs au vitriol, vous vous attendrissez, l’imbécile se dit, je suis sûr que c’est du caca boudin qu’il me tend, mais je le prends car il me fend le cœur, pour un peu je pleurerais, par amour ou par pitié, je ne sais pas, mais je vais lui prendre trente doses, pour le mois qui vient.
_ Agent Chad, j’espère que vous avez annihilé ce nid de crotales, ne me dites pas que vous les avez laissé vivre !
_ Chef j’ai pensé que les tuer serait une punition trop douce, je me suis mis en cheville avec la CIA, sont en prison pour le reste de la vie, regardez voici un cliché de leur internement. Remarquez la CIA n’est plus ce qu’elle était, dans leur cellule ils leur ont donné le droit de monter un groupe, z’ont quand même supprimé le chanteur d’occasion, vous pouvez entendre la guitare, un drôle de mélange, une espèce de psyché surf, sans tsunami ni requins, même pas une scie-sauteuse pour démantibuler la planche, enfin, ça a le mérite d’exister, je vous laisse la bande, je m’en vais, j’ai promis à Molossito et Molossa un resto steak frites, z’en ont assez d’avoir eu à ingurgiter durant huit jours des taccos au piment !
Rapport 292 – Archives Secrètes du SSR / Agent Chad.