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weird omen

  • CHRONIQUES DE POURPRE 636: KR'TNT 636 : DICTATORS / WEIRD OMEN / BOB DYLAN / DAVE ANTRELL / JIM WILSON / RAWDOG / AVATAR / THUMOS / ROCKAMBOLESQUES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 636

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    14 / 03 / 2024

     

    DICTATORS / WEIRD OMEN / BOB DYLAN

    DAVE ANTRELL / JIM WILSON

    RAWDOG / AVATAR / THUMOS  

    ROCKAMBOLESQUES

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 636

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    Sous le joug des Dictators

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             C’est dans l’orbituary d’Uncut, en février dernier, qu’on est tombé sur quatre lignes annonçant la disparition de Scott Kempner. Qui ça ? Balancé comme ça, au débotté, c’est un nom qui ne parlera pas à tout le monde. Sauf aux fans des Dictators. Si tu retournes la pochette de Go Girl Crazy, tu verras Scott Top Ten Kempner allongé à poil sur son lit, même chose pour Stu Boy King. Par contre, Andy Shernoff et Ross The Boss FUNicello sont habillés. On parle toujours du premier album des Ramones, mais on oublie chaque fois de citer le Go Girl Crazy des Dictators paru un an avant, un album qui est le véritable précurseur de la scène punk new-yorkaise. «The Next Big Thing» est le premier hymne punk new-yorkais. Nous allons donc rendre hommage à ce groupe extraordinaire et à Scott Kempner. Pour info, Ross The Boss et Andy Shernoff continuent de tourner et d’enregistrer avec les Dictators, enfin, ce qu’il en reste, cinquante ans après.

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             Pas compliqué : les Dictators sont arrivés au bon moment. En 1972, les Beatles avaient jeté l’éponge et les Stones venaient d’enregistrer «Exile», leur dernier grand album. Les Who et les Kinks allaient entamer une sorte de déclin, mais aux États-Unis, ça bardait avec les Flamin’ Groovies, les Stooges et le MC5. Les Dictators s’inscrivirent dans cette mouvance. Andy Shernoff commença par publier un fanzine, Teenage Wasteland Gazzet, puis comme beaucoup de kids de sa génération, il se mit à la recherche d’autres kids pour monter un groupe. C’est aussi bête que ça. Des millions de kids ont tenté leur chance dans les années 60 et 70. Si Andy est aujourd’hui auréolé de légende, c’est tout simplement parce qu’il savait écrire des chansons et qu’il avait su dénicher les bons partenaires. Cette histoire ne vous rappelle rien ? John Lydon avait lui aussi déniché LE bon guitariste et LE bon batteur. En prime, il savait lui aussi écrire des chansons. On appelle ça l’alchimie d’un groupe. Ça tient souvent à très peu de choses.

             Comme les Pistols un peu plus tard, les Dictators eurent à affronter le mépris et parfois la haine d’un public qui ne comprenait par leur démarche. Ross The Boss s’en foutait et il jouait. À sa façon, il jouait les traits d’union entre la culture rock classique américaine et la modernité des Dictators. Andy Shernoff se réclamait à la fois du MC5 et de Brian Wilson, un modèle que reprendront aussi les Ramones. 

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             C’est aussi Ross qui trouva, pour un loyer de 200 $, la fameuse maison isolée de Kerhonkson où s’installa le groupe. Il n’y avait rien ni personne à dix kilomètres à la ronde. Comme ils n’avaient pas un rond, les Dictators allaient voler leur bouffe dans un super-marché. Richard Blum qui était un pote à eux travaillait à la Poste. Il venait le week-end faire la cuisine pour ses copains. Richard qui était un personnage haut en couleurs inspirait énormément Andy.  Jusqu’au jour où Richard devint Handsome Dick Manitoba, un nom inventé par Andy dans «Tits To You» - Manitoba était le surnom d’un détective dur à cuire, Handsome venait de Handsome Jimmy Valiant et Dick de Richard.

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             Et puis un jour leur copain Richard Meltzer ramena le fameux Sandy Pearlman à Kerhonkson pour lui faire écouter le groupe. Wow ! Sandy Pearlman qui était déjà le manager de Blue Oyster Cult allait par la suite devenir celui des Dictators.

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             Toute la genèse des Dictators est racontée par Scott Kempner à l’intérieur de la pochette d’Everyday Is Saturday, un double album rétrospectif édité par Norton en 2007. Comme toujours chez Norton, ce disk est incroyablement bien documenté. En effet, Scott Kempner - qui se faisait appeler Top Ten sur la pochette de leur premier album - y raconte dans le détail l’histoire du groupe. Il explique que Richard Blum était le living breathing manisfesto des chansons d’Andy Shernoff - There is only one Richard Blum - On retrouve sur Everyday Is Saturday tous ces hits qui vont faire la grandeur des Dictators, «Weekend» (avec son riff pompé chez Buddy Holly), «Master Race Rock» (jolie partie de campagne bien tartinée du foie et cornichonnée aux gimmicks), «California Sun» (qui date de 1973), «What It Is», «Stay With Me» (hit parfait poursuivi par un riff dévastateur) et un «I Just Want To Have Something To Do» très proche des Ramones. 

             Kempner rappelle aussi que pour leur premier concert, les Dictators jouèrent en première partie des Stooges et de Blue Oyster Cult dans un collège du Maryland, devant 7000 personnes.

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             Quand Go Girl Crazy est arrivé en France en 1975, on a fait chapeau bas. Car quel album ! «The Next Big Thing» qui fait l’ouverture est l’un des grands hits intemporels de l’histoire du rock - I used to shiver in the wings/ But then I was young/ I used to shiver in the wings/ Until I found my own tongue - Disons qu’on a chanté ça autant de fois que le maybe call mum on the telephone des Stooges ou l’And that man that comes on the radio with nothing to say des Stones, ou encore l’I’m a tip-top daddy and I’m gonna have my way de Charlie Feathers, ou encore l’I’m taking myself to the dirty part of town/Where all my troubles/ Can’t/ Be/ Found des Mary Chain. Oui, toutes ces flasheries mémorielles zèbrent la nuit des temps et ça court-jute dans la fricassée. Mais attention, sur la B de Go Girl Crazy, quatre énormes hits guettent le chercheur de truffes. Et pas des moindres. Les Dictators jouent «California Sun» à l’écho des duelling guitars - And I boogaloo - Et on assiste à une merveilleuse montée en puissance sur fond de beat tribal - When I’m having fun in the California sun - S’ensuit un «Two Tub Man» bien senti. Handsome Dick Manitoba fait une intro spectaculaire - The thunder of Manitoba ! - Si on cherche le punk new-yorkais, c’est là et surtout pas chez les Dead Boys. Autre bombe : «Weekend», pièce d’ultra-power pop noyée de guitares et bardée d’apothéoses de chœurs de la la la élégiaques. Ils bouclent ce disque mémorable avec le fameux «(I Live For) Cars And Girls» bien glammy dans l’esprit et trempé d’envolées dignes des Beach Boys. Les compos d’Andy Shernoff sont déjà classiques et supérieures à la fois.

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             Deux ans plus tard paraît Manifest Destiny, un album mal vu car en 1977 tout le monde veut du punk, et les Dictators font autre chose que du punk, comme d’ailleurs Television, Blondie et tous les autres. «Heartache» est une vraie pépite de power pop. Andy Shernoff a même pensé à rapatrier les pah pah pah des Who. Encore une fantastique tranche de pop palpitante à la Shernoff avec «Sleepin’ With The TV On». Ce mec a véritablement un don, il sait ficeler les beaux hits underground. Le «Disease» qui suit sonne comme un opéra des Kinks, avec un vieux parfum glammy. Ross The Boss ramène la dimension épique et prend un vieux solo à la Ritchie Blackmore. Alors le rythme s’emballe pour le meilleur et pour le pire. Mais il est bien certain que le public ne pouvait pas leur pardonner une telle incartade. Quoi ? Des Américains qui se prennent pour un groupe anglais des seventies ? On trouve en B une autre trace de cette tendance. En effet, «Stepping Out» sonne comme l’un des cuts du premier album de Sabbath. Les Dictators ont une légère tendance à flirter avec le heavy-prog anglais des Contes de Canterbury, avec des guitares qui jaillissent du fond du lac. Pour Ross, c’est du gâteau, il prend de beaux solos de prog en quinconce à la Buchanan de l’Essex et même du Middlesex. Il était évident que cet album n’allait pas plaire. Et pourtant, Ross the Boss jette tout son poids dans la balance. On le sent âpre au gain dans «Young Fast Fantastic» et ils finissent cet album troublant avec une reprise bien sentie de «Search And Destroy». On retrouve le son des Dictators, la turbo-machine du rock new-yorkais. C’est du pur jus de glu de détroitisation forestière. Les Dictators ont tout : les bras, les jambes et les cervelles en feu. Ross balaye le vieux standard d’Iggy au lance-flammes. Il est dix mille plus violent que Williamson.

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             L’un des plus gros hits des Dictators se niche sur Bloodbrothers, paru un an plus tard. Personne ne peut résister à l’appel de «Baby Let’s Twist». Pourquoi ? Parce que monté sur des accords de Next Big Thing, et la fantastique allure reste leur mesure. Les Dictators disposent d’une faculté assez rare : celle de savoir exploser au grand jour. Le grand art d’Andy Shernoff est de savoir composer des hits qui hittent le top. Même chose pour «The Minnesota Strip» embarqué au heavy gimmick funicellique d’ambiance universelle. Ross The Boss sait créer l’événement, il tape dans la violence de la pertinence, et c’est poundé à l’heavyness impénitente. On a encore un hit avec «Stay With Me», valeureuse envolée de pop rock typique des années de braise new-yorkaise. L’«I Stand Tall» qui ouvre le bal de la B des cochons somme glammy. Andy Shernoff nous le stompe à l’élégie de Pompée le pompeux. Ils bouclent l’album avec une fantastique reprise des Groovies, «Slow Death». Nos amis dictatoriaux savent groover un vieux classique incantatoire.

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             Il faudra attendre vingt ans avant de pouvoir se remettre un disque des Dictators sous la dent. Quand D.F.F.D parut en 2001, tout le monde croyait le groupe disparu. Eh non, la charogne bougeait encore. Et quelle charogne ! Cet album grouille de hits, à commencer par le fabuleux «Who Will Save Rock’n’Roll» - My generation is not on starvation - Voilà encore un hymne dictatorial d’envergure planétaire, n’ayons pas peur des grands mots. Même chose avec «What’s Up With That». En voilà encore un qui sonne comme un hit d’entrée de jeu. C’est joué au maximum des possibilités, avec ce mélange très spécial de pop et de sur-puissance qui n’appartient qu’aux Dictators. «It’s Alright» est aussi un cut visité par le requin Ross. Il sait entrer dans le lagon. Ross the Boss est l’un des plus grands guitaristes de l’histoire du rock américain, qu’on se le dise ! On retrouve en B un nouveau clin d’œil aux Anglais avec «Avenue A», car on y entend des petits chœurs à la Clash - oh-oooh-ooh - au coin de la rue. Pour Ross le démon, c’est du gâteau. Ils tapent ensuite dans le gaga sauvage avec «The Savage Beat», mais ils rajoutent une pointe de pop dans le refrain. Merveilleuse surprise que ce «Jim Gordon Blues» joué aux gros arpèges psychédéliques. Encore un coup de génie signé Andy Shernoff et Ross the Boss. On est bien obligé de parler ici de génie car tout est incroyablement mélodique. On a le gras de la guitare, l’élégance de la prestance, la persistance de la préséance et l’omniscience de l’évidence. 

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             Ce n’est pas compliqué : tout est bon sur Viva Dictators paru en 2005. On ne trouve malheureusement que des hits sur cet album. Les Dictators jouent live à New York City et ça fait quelques étincelles. Handsome Dick Manitoba essaye de chanter comme Johnny Rotten sur «New York New York», alors on rigole. C’est avec «Avenue A» qu’on voit à quel point les Dictators veulent sonner comme des punks anglais. Andy Shernoff embarque ça au gros drive de basse et les chœurs rappellent ceux des pauvres Clash. Heureusement, ils enchaînent avec «Baby Let’s Twist» claqué à l’accord d’intronisation. C’est digne du Really Got Me des Kinks, on a le même tarpouinage définitif, des accords qui te clouent la papillon à la lune ou le cœur du vampire au solstice d’été, baby let’s twist, c’est monstrueux de génie pop. Merci Andy ! Ce cut ronfle comme le moteur de la BMW que Tav conduit dans Uriana Descending ! Vroaaarrrrhhhh ! Même chose avec «Weekend». Ce cut est beaucoup trop puissant pour être honnête. Andy Shernoff signe encore ici un hit planétaire. Ross tape ça aux accords acidulés. C’est puissant comme la Rover de Roberte et ça claque comme l’étendard zoulou planté au sommet du Kilimandjaro. On tombe plus loin sur l’inénarrable «Next Big Thing», le hit ultime par excellence. Ross nous roule ça sous l’aisselle du chord, et Manitoba le bouffe tout cru, argfffhh ! Ça monte, ça monte et ça coule sur les doigts. Pareil pour ce beau «Minnesota Strip» amené par des riffs de messie, mais si. Quelle énergie ! Typical Shernoff ! Ils enfilent les hits comme des perles, puisque voici «Who Will Save Rock’n’roll», chanté au débrayage maximaliste. Ross fout le feu à la plaine entière. C’est encore la preuve de l’existence d’un dieu des dictateurs. Croyez-le bien, c’est un hit flamboyant, digne de toutes les grands heures du rock anglais. Puis ils nous claquent «What’s Up With That» à l’accord souverain - Eh oh oh oh ! - Ils savent taper dans les meilleurs power-chords de propulsion nucléaire. C’est la power-pop dont on rêve chaque jour que Dieu fait. Ross n’en finit plus de claquer ses beignets. «I Am Right» est un pur cut de batteur, c’est le royaume au grand Patterson, et Stay» tape au très haut niveau composital. C’est pris à la gorge du punk, mais c’est aussitôt étoilé par du gimmickage de power-pop. Alors bien sûr, Ross le génie explose au firmament des guitar gods. Ils finissent ce disque ahurissant avec deux vieux coucous tirés du premier album, «Two Tub Man», stomper des enfers de train fantôme, et «I Live For Cars And Girls», chanté au glammy gloom par Andy the beast. Ouhhh-ouuh-ouuh ! On se croirait chez les Beach Boys. C’est vraiment le meilleur compliment qu’on puisse leur adresser.

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             En 1981 est sorti sur ROIR un album live des Dictators élégamment intitulé Fuck ‘Em If They Can’t Take A Joke. On y retrouve les gros classiques comme «The Next Big Thing», «Weekend» et «Minnesota Strip», mais ce sont les deux belles reprises du Vevet et des Stooges qui font le charme de cet album. Ils tapent une fantastique reprise de «What Goes On». Andy chante et Ross se fend d’un solo somptueux. Dans «Search And Destroy», Ross n’a absolument aucun mal à faire son Williamson. D’autant qu’il est soutenu par une belle rythmique pulsative. Wow, quelle reprise ! Pas de meilleur hommage à Iggy & the Stooges.

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             Scott Kempner a enregistré deux albums solo. Le premier, Tenement Angel, date de 1992. Il a une tête de collégien sur la pochette. Il attaque au deep boogie rock de New York City avec «You Move Me», c’est excellent et on lui donne immédiatement l’absolution. Il enchaîne avec un «Bad Intent» du même acabit, mais en même temps, pas de surprise. Le Scott ne tient que grâce à sa réputation de Dictator. Et voilà le big bad rock d’«ICU» gratté à la cocote malade, au dirty groove urbain, ICU pour I See You. Ça accroche terriblement. Mais on sent qu’il s’épuise au fil des cuts, il ne parvient pas à maintenir l’attention de son auditoire, et il faut attendre «Lonesome Train» pour retrouver le grand Scott. Il coule un Bronx, et passe un solo lumineux comme pas deux. Puis il va continuer son petit bonhomme de chemin avec «Precious Thing» le bien senti et un «Livin’ With Her Livin’ With Me» très bon enfant, presque Moon-Martinesque. Rien de plus que ce que tu sais déjà. Il fait parfois son Springsteen («Do You Believe Me») et c’est pas terrible. Disons que c’est le mauvais côté du New York City Sound. On préfète - et de loin - le côté Dolls et Velvet. Son «(Just Like) Romeo & Juliet»  sonne comme du Southside Johnny, bien cuivré de frais. C’est très convenu, très bien foutu, si étrangement prévisible et si terriblement NYC. Il termine avec «I Wanna Be Yours», du classic stuff cousu de fil blanc. On perd le Dictator. C’est atroce. On se croirait à une fête de mariage.  

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             En 2008, il sortait Saving Grace, un album très new-yorkais, chargé de gros balladifs dictatoriaux et de power pop à propulsion nucléaire («Baby’s Room»). Le hit de l’album pourrait bien être «The Secret Everybody Knows», plutôt bien bombardé du beat, on sent le vieux Dictator chez Scott, il sait pondre un heavy rock superbement balancé, envenimé par un wild solo trash. C’est encore le solo qui enlumine «Blame Me», un balladif sauvage entrepris par un solo au long cours d’une belle intégrité de gras double. Le Scott est un merveilleux artiste. Il se croit au Brill avec «Love Out Of Time», il en a les épaules. «Stolen Kisses» est plus rocky road, avec une grosse intro en disto, le Scott y va, son claqué d’accords est typiquement new-yorkais. Retour au Brill avec «Heartbeat Of Time» assez puissant et romantique. Puis il passe au heavy Brill à la Dion avec «Here Come My Love», limite grosse compo. Le Scott a du répondant. S’ensuit la belle power pop bien propre sur elle de «Between A Memory & A Dream» et ses clairons de belles grattes dans l’écho urbain. Il boucle tout ça avec «Shadows Of Love». C’est un album qu’il faut saluer bien bas.  Scott Kempner vit son rêve, il gratte des poux d’une rare intensité, il casse du sucre sur le dos de la mélodie et lui sucre bien les fraises, il lui court bien sur l’haricot, c’est un potentat du pot aux roses, il savonne ses pentes, il sucre sa dragée haute, il n’en finit plus d’étinceler comme un sou neuf. Sacré Scott, il ne lâchera jamais sa rampe. 

             En 2015, on se faisait une joie d’aller voir jouer les Dictators au Trabendo, mais le destin qui sait parfois se montrer si cruel en décida autrement, puisque la date prévue faisait quasiment suite au désastre du Bataclan, et le concert fut purement et simplement annulé. Dans le même ordre d’idée, le concert du quarantième anniversaire de Motörhead au Zénith fut lui aussi interdit par les zautorités de la mormoille. Une sorte de chape maudite venait de s’abattre sur Paname. À travers les masses nuageuses d’un soir de novembre, on voyait se dresser dans le ciel la silhouette décharnée de la grande faucheuse. La seule vision de son sourire macabre et du muet claquement de ses haillons donnait déjà la chair de poule, mais l’éclat lugubre de sa lame de faux achevait de nous glacer les sangs.

    Signé : Cazengler, dictatorve

    Dictators. Go Girl Crazy. Epic 1975

    Dictators. Manifest Destiny. Asylum Records 1977

    Dictators. Bloodbrothers. Asylum Records 1978

    Dictators. Fuck ‘Em If They Can’t Take A Joke. ROIR 1981

    Dictators. D.F.F.D. Dictators Multimedia 2001

    Dictators. Viva Dictators. Dictators Multimedia 2005

    Dictators. Everyday Is Saturday. Norton Records 2007

    Scott Kempner. Tenement Angel. Razor & Tie 1992

    Scott Kempner. Saving Grace. 00.02.59 2008

     

     

    L’avenir du rock

     - Et spiritus sanctus, Omen

    (Part Two)

             Lorsqu’il était petit, l’avenir du rock vivait dans un bel immeuble construit en grandes pierres de couleur claire. L’abbé de l’église voisine y faisait du porte-à-porte, exhortant les ménagères en bigoudis à lui confier leurs rejetons pour des cours de catéchisme. Ces cours présentaient deux défauts aggravants : ils se déroulaient d’une part le jeudi-après midi et privaient donc l’avenir du rock de ces escapades dans les terrains vagues dont il était si friand, et d’autre part, la lecture d’épais chapitres de la Bible tuait dans l’œuf toute forme d’attention. Grâce à cette lecture, l’avenir du rock reçut sa première notion d’ennui mortel, ce qui par la suite allait lui rendre bien des services. Le sort des cours de catéchisme fut bientôt réglé et l’avenir du rock fit un retour triomphal dans les terrains vagues. Il continua d’y cultiver une passion naissante pour la trashitude. Mais l’abbé n’en resta pas là. Il devait être payé à la commission par le Vatican, car il revint à la charge et grimpa quatre à quatre les étages du bel immeuble construit en grandes pierres de couleur claire et exhorta de plus belle la ménagère en bigoudis. Cette fois, il abandonna la pédagogie biblique pour miser sur un sujet plus brûlant, l’enfer qui menaçait sa progéniture si elle ne se rendait pas chaque dimanche matin à la messe de dix heures. La situation présentait encore deux défauts aggravants : la messe coupait court à toute velléité de grasse matinée, et d’autre part, il fallait enfiler ces horribles «habits du dimanche» qui faisaient beaucoup rire les passants dans la rue. Cette disgrâce rendit bien service à l’avenir du rock, car c’est là qu’il reçut sa première notion de look. Il comprit clairement qu’il y avait look et look, surtout le look à éviter. Contraint et forcé, il se rendit donc à la messe dominicale. Il s’enfonça sous la voûte de pierre d’une vieille église penchée, trempa la main dans le bénitier et eût toutes les peines du monde à surmonter sa stupéfaction lorsqu’il atteignit la nef. Un spectacle ahurissant l’y attendait. Dressé derrière un autel, un chanoine barbu aux yeux jaunes palabrait dans un dialecte inconnu. Étendue sur l’autel se trouvait une femme nue très poilue, si trash que l’avenir du rock sentit poindre au fond de sa culotte du dimanche une petite érection pré-pubère. Le chanoine Docre célébrait sa messe dans un épais tourbillon de fumées noires, tout son aréopage d’enfants de cœur toussait, et lorsqu’il leva les bras au ciel, l’assemblée brailla comme un seul homme, et spiritus sanctus, Omen !

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             Rien de plus Weird que ce souvenir de messe noire. Weird Omen ! En plein dedans. Sur scène, leur messe atteint une dimension qu’il faut bien qualifier d’huysmansienne. Aussi vrai qu’Huysmans fut en son temps considéré comme l’avenir du genre littéraire, nul doute que Weird Omen incarne celui du rock. C’est une évidence qui crève les yeux.

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             Pourquoi ? Parce que. Parce que power trio sax/poux/beurre, parce qu’accès direct à la modernité sauvage, parce que tu as tout Roland Kirk et tout le Steve MacKay des Stooges de «1970» dans la menace sourde de «1250», parce qu’aussi des relentless relents du «Starship» de Sun Ra pulsé par le MC5 lors d’une nuit d’apocalypse au Grande Ballroom de Detroit en 1969, parce que ces bien belles attaques frontales tiennent la dragée haute à tes principes éculés par tant d’abus, parce que «Shake Shake» te shake l’hip et le cocotier en même temps,

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    parce que le nouveau batteur Dam-o-maD bat le beurre des enfers et chante un «Runaway» qui va te hanter des jours entiers comme une sorte de «Sister Ray» avec sa fin apocalyptique emmenée en mode wild roller coaster par Fred le bien nommé, parce qu’un Sister Ray en fute de cuir noir ne gratte pas de fuzz mais des poux de clairette tout en twistant d’une seule rotule, ce qui contrebalance la folie Méricourt d’un Fred Kirk tentaculaire,

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    parce que «Jungle Stomp» tressauté dans les charbons ardents et roté au Kirking d’assaut frontal, parce que tu ne trouveras jamais tout ça chez les autres, tu trouveras autre chose bien sûr, mais pas ce mic mac de mish mash épouvantablement jouissif, si merveilleusement en plein dans le mille, parce que l’Omen crée une mad frenzy qui dépasse le langage, parce que Sister Ray demande qu’on lui foute la paix avec «Leave Me Alone» et une insistance purement velvetienne,

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    parce que l’insistance est, comme l’hypno du Velvet, la clé du problème, l’accès aux nues, le Graal du sonic trash, parce qu’encore mille raisons, parce qu’il savent atteindre un au-delà des genres connus, parce qu’ils poussent grand-mère gaga-punk dans les orties, parce qu’ils sortent du rang et qu’on a toujours adoré voir des gens sortir du rang, parce qu’ils écrasent les clichés gaga au fond du cendrier, parce qu’ils ne respectent rien excepté le lard fumant, parce qu’ils sont incapables de tourner en rond, parce qu’ils prennent la suite des Stooges et du Velvet sans jamais les imiter, parce qu’ils voient le son comme une transe et rien d’autre, parce qu’il savent l’apprêter pour mieux l’imploser, parce qu’ils créent leur monde et c’est un monde où tu te sens en sécurité, parce que tu respires un air brûlant.

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             Leur dernier album sans titre est un festin pantagruélique de son, bim badaboum dès le «Lost Again» d’ouverture de balda, classic Omen, superbe développement, ils s’auto-montent en neige à grosses giclées de relentless. Ils visent clairement l’apocalypse.

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    On assiste ensuite à un curieux phénomène : «No Brainer» prend feu et le chant l’éteint provisoirement. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises car voilà le brûlant «Shake Shake», une stoogerie intense jouée au fond de la chaudière. L’Omen ne fait rien comme les autres. Globalement, ils excellent en matière de tenue de route et de vents brûlants. Tout est monté sur le même tempo de relentless absolu, et en visant l’apocalypse, ils se propulsent tous les trois vers l’avenir. Le rock de l’Omen brûle comme un feu sacré, terriblement stoogy dans l’âme. On retrouve en B ce beat rebondi et la propulsion nucléaire dès «Frustration». Ils caressent l’absolu du doom avec «IXO» et le saxent jusqu’à l’oss de l’ass. Tous leurs départs sonnent comme des appels à l’émeute. Ils ne s’en lassent pas, et nous non plus. Ils terminent avec «Leave Me Alone», un heavy groove de baryton à tonton et ça gratte des poux à la pelle, ça ramène du punch à la tonne, l’Omen ne baisse jamais les bras et ça part en raw gut from the undergut.

    Signé : Cazengler, Weird hymen

    Weird Omen. Le Petit Bain. Paris XIIIe. 27 février 2024

    Weird Omen. Weird Omen. Get Hip Recordings 2023

     

     

    Wizards & True Stars

    - Dylan en dit long

    (Part Six)

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             Bob Dylan et Martin Scorsese sont maintenant des vieux crabes. Scorsese a 80 balais et Dylan 81. Mais ce sont eux qui créent l’événement avec la parution en 2019 de Rolling Thunder Revue: A Bob Dylan Story. Pour eux, créer l’événement n’a rien de nouveau : ils ont fait ça toute leur vie. Il n’existe pas beaucoup de gens qui pourraient prétendre en faire autant. Scorsese n’en finit plus de dire qu’avant d’être le réalisateur de génie que l’on sait, il est avant toute chose fan de rock. L’énergie de ses films, y compris ceux consacrés à la mafia new-yorkaise, vient du rock. Bon, ça lui arrive de se vautrer, par exemple avec The Last Waltz ou Shine A Light, mais personne d’autre à part lui n’aurait osé balancer l’«I Ain’t Superstitious» du Jeff Beck Group dans Casino ou «Jumping Jack Flash» et les Ronettes dans Mean Streets.

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             Le team Dylan/Scorsese n’en est pas à son coup d’essai. No Direction Home: Bob Dylan est un classique du cinéma rock. Dylan y raconte ses débuts à Greenwich Village. Avec Rolling Thunder Revue: A Bob Dylan Story, Scorsese tape dans une autre époque, 1975, date de la fameuse tournée, et il restaure pour les besoins de son film celui qu’a tourné à l’époque un certain Stefan Van Dorp. Scorsese l’interviewe dans le film. Comme tout le monde, Van Dorp a pris un sacré coup de vieux, et il a son franc parler. Il n’est pas forcément aimable. Mais on s’en fout, on n’est pas là pour les amabilités. On est là pour Dylan qui, à l’âge de 34 ans, a déjà tout vu, tout lu, tout vécu, mais il lui faut encore inventer, comme il le dit si bien, face à la caméra de Scorsese, en 2005 : «Life is about creating yourself. And creating things.» Dylan est sans doute la plus pure incarnation de cette vérité. Alors pour continuer d’avancer, il a l’idée d’une Revue, The Rolling Thunder Review, Allen Ginsberg parle d’un «medecine show of old». Dylan voit plus «a kind of jugband». Pouf, il rassemble des musiciens pour monter une tournée informelle qui bien sûr sera déficitaire, trop de monde dans les deux bus pour des petites salles, mais Dylan y croit, il va même jusqu’à se transformer physiquement : il se farde de visage de blanc, comme un personnage de la Comedia Dell’Arte et se coiffe d’un chapeau fleuri. Dans le fard, Scorsese voit plus le Baptiste des Enfants Du Paradis, dont il incruste une scène dans le film, la scène où Baptiste debout devant un miroir en pied barre d’une croix blanche son reflet. Scorsese sait cuisiner les mythes.

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             Dylan conduit l’un des deux bus. Il part à la découverte de l’Amérique insolite, on the road with non pas the Memphis Blues Again, mais with the Rolling Thunder Review. Et le Thunder qu’il transporte avec lui porte un nom : Mick Ronson. Dylan a chopé le thunder de Ziggy Stardust et sur scène, Ronno fait des étincelles. Tous les plans scéniques sont extraordinaires, à commencer par une version explosive d’«Isis» - Isis/ Oh Isis/ You’re a mystical child/ What drives me to you is what drives me insane - On retrouve le hellraiser, le Dylan punk d’Highway 61, croisé avec le grand glamster d’Angleterre - I still can remember the way that you smiled/ On the fifth day of May in the drizzlin’ rain - Alors bien sûr, ce n’est pas un hasard si «Isis» se retrouve dans la première partie du film. Le thème du film, c’est l’énergie. C’est tout ce qui intéresse Dylan. Quand quarante ans plus tard, Scorsese lui demande ce qu’il retient de cette tournée, Dylan qui vieillit magnifiquement bien lui répond qu’il ne sait pas - What all that Rolling Thunder is all about ? I don’t have a clue - Alors Scorsese lui demande comment ça tient, et Dylan lui répond : «Energy». Scorsese ajoute : «Isis, this is the power. This is how it works.»

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             Sur scène, Dylan a du monde : Roger McGuinn qu’on voit vers la fin, Joan Baez qui vient duetter, une violoniste, Scarlet Riviera, on voit aussi des plans magiques de Ramblin’ Jack Elliott qui, pour Dylan, est plus un sailor qu’un singer. Sam Shepard fait aussi partie de l’aventure, en tant qu’observateur, Dylan dit qu’il a «a special clue of the underground». Le groupe fait une version assez demented d’«It Takes A Lot To Laugh It Takes A Train To Cry». Dylan tape aussi une version fleuve d’«Hard Rain’s Gonna Fall», rien n’a changé depuis l’âge d’or de ces chansons, on voit Dylan extrêmement concentré et en même temps très expressif, le fard blanc et le khôl autour des yeux n’y changent rien. Entre deux plans de Van Dorp, Dylan brosse pour Scorsese des petits portraits de ses invités, tiens comme Ronnie Hawkins, ou encore Allen Ginsberg - Il avait déjà obtenu du succès en tant que poète - Dylan précise pour ceux qui ne le savent pas que devenir poète à succès n’est pas évident, surtout à notre époque - Dylan continue avec Ginsberg - «He said : «The best minds of my generation destroyed by madness.» Very few poets have done that. Robert Frost, maybe : «But I have promises to keep/ And miles to go before I sleep.» And Whitman said : «I’m large. I contain multitudes.» - Dylan aurait aussi pu nous aussi sortir le fameux «Rage rage against the dying of the light» de Dylan Thomas, d’où vient d’ailleurs son nom. Mais il n’a peut-être pas osé. Ou trouvé ça trop facile. Il ajoute dans la foulée que les temps ont bien changé, the times they are a changin’ - Les poètes d’aujourd’hui don’t reach into the public counciousness that way. Aujourd’hui, les gens se rappellent de paroles de chansons, «Your cheatin’ heart will make me weep.» - Et il cite encore deux ou trois exemples. Scorsese filme Dylan et Ginsberg sur la tombe de Jack Kerouac. Dylan : «On The Road... He was talking about the road of life.» Il rend plus loin un hommage suprême à Joan Baez : «Joan Baez could sing anything. By a matter of fact I could hear her voice while sleeping.»

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             Et puis on assiste à une autre scène magique : «The Lonesome Death Of Hattie Carroll» sur scène. Joan Baez lui dit que c’est sa plus belle chanson. Dylan est en colère quand il la chante. Hattie Carroll est une servante black battue à mort par un blanc qui ne fut condamné qu’à six mois de ballon, alors ça fout Dylan en rogne. Et puis tiens, encore une autre scène magique et là tu serres la pince de Scorsese car tous les artistes qu’il nous montre sont des artistes exceptionnels : Joni Mitchell, accompagnée par Dylan et McGuinn dans une version de «Coyote» - No regrets, coyote/ We just come from such different sets of circumstance - Elle attaque au jazz vocal pur et c’est envoûtant. Dylan reste impassible. Il gratte avec elle, et derrière McGuinn gratte lui aussi comme un con. Van Dorp fait même un gros plan sur les ongles sales de Joni Mitchell. 

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             Et puis l’an passé, Dylan publiait son deuxième book, The Philosophy Of Modern Song. Un book attendu comme le messie. Ah la gueule du messie ! Premier gros défaut : le book paraît au moment des fêtes de Noël. Dylan gros cadeau tombé au beau milieu des agapes de foie gras et d’huîtres de la beaufitude ? Magnifique mauvais plan. La pire des associations. Dylan objet de consommation. En proie à une forme extrême de dégoût, on attendra six mois pour rapatrier l’objet et chasser les odeurs. Deuxième gros défaut : il n’y a rien de Modern dans ta Philosophy, Horatio Dylan. On va dire pourquoi.

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             Dommage, car le book se présente comme un bon régal. Format quasi-carré, pagination bien dodue de 300 pages, un ensemble graphiquement parfait, doté d’une iconographie tellement riche qu’elle donne un peu le vertige, surtout quand on est du métier. Le graphiste a soigné toutes ses doubles, il obtient de chaque image le rendement maximum, et traite les pages de texte à l’ancienne, avec des éléments décoratifs typo classiques qui rappellent ceux qu’on utilisait autrefois dans le Rolling Stone américain, qui était alors un modèle du genre. Les graphistes américains avaient compris que rock et typo faisaient bon ménage. Le designer du Dylan book s’appelle Coco Shinomiya, par contre, les images ne sont pas légendées. Coco obtient de certaines images un rendement extraordinaire (Roy Orbison, Little Walter, par exemple) et fait glisser le Dylan book dans la cour des grands, celle des livres d’art. Il utilise en plus un couché mat qui n’est pas très propice aux effets puisqu’il les apaise, ce qui rend la performance d’autant plus fulgurante. Et cette fois, le book n’est pas imprimé en Chine mais à Glasgow. 

             Un book, c’est comme un disk : ça s’examine, contenu comme contenant. On passait jadis du temps sur les pochettes d’albums à en extirper le moindre détail, comme on passe encore du temps aujourd’hui à estimer le grammage d’un bouffant ou à identifier la fonte d’un corps de texte. Les différences entre un Garamond et un Times sont infimes, mais en même temps déterminantes, puisque le Times fut dessiné pour la presse et le Garamond pour l’édition classique. Gallimard n’utilise que du Garamond. Pour le Dylan book, Coco Machin utilise aussi le Garamond. C’est une fonte qui joue avec ton œil. Même une petite édition de poche Folio, ça s’examine, car tu as un graphiste qui a fait des choix typo et d’illustration de couve pour rendre ta lecture agréable, il veille à ce que la qualité du contenant soit à la hauteur de celle du contenu.

             Trêve de balivernes. Bon tu baves en attaquant la lecture du Dylan book et très vite, tu commences à renâcler. Dylan travaille une notion de la modernité qui est la sienne, et peut-être pas la tienne. Il plante son décor dans des temps très anciens, et conçoit la modernité comme le principe novateur qui a permis de décoincer l’Amérique des années 50. Pour illustrer son concept, il choisit tous les vieux imparables, Hank Williams, Little Richard, Little Walter, Dion, Jimmy Reed et d’autres, complètement inconnus et qui ne peuvent plus intéresser les gens d’aujourd’hui. Dylan fait de l’histoire, ce que Kim Fowley appelait l’archéologie du rock, alors c’est foutu, car ça ne peut plus intéresser les kids. Dylan est un vieux bonhomme, il ne voit même plus l’avenir du rock. Il s’appuie sur ses valeurs sûres. C’est toute la différence avec Gildas, qui au seuil de la mort, clamait haut et fort qu’il y aurait encore des groupes avec des guitares, et il citait des noms. Pas de problème, il avait tout compris : place aux jeunes. Chez Dylan, c’est plutôt place aux squelettes. Même pas envie d’aller écouter les trucs dont il vante laborieusement les mérites. Il précède quasiment chaque texte d’un délire qui n’accroche jamais, et on se demande ce que ça a pu donner en français : c’est déjà imbuvable dans la forme originelle, alors on imagine ce que ça donne, une fois passé par les fourches caudines de la traduction, qu’on appelle aussi ici les abattoirs. Chlack, allez hop, ch’t’en débite une épaule, ch’t’en taille une cuisse, t’es payé à la carcasse, alors tu débites. Enfin bref, Dylan a pris un coup de vieux, il s’enfonce dans les ténèbres, comme tous les érudits, une fois passé le cap des 80 balais. Dans la cervelle, ça fait flic floc, et c’est normal. The Philosophy Of Modern Song se situe aux antipodes de Chronicles, un chef-d’œuvre lu et relu, ce qui rend la déception d’autant plus criante.

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             On attendait de Dylan qu’il nous parle des gens, et non pas de ce qu’il ressent en écoutant leurs disks. Bon, on ne va pas trop charger la barcasse, car le vieux Bob a encore des éclairs de génie, surtout quand il rend hommage à Hank Williams. Il se permet un petit aparté sur les temps modernes : «C’est le problème avec un tas de truc aujourd’hui : maintenant tout est engorgé, on est tous gavés comme des oies. Toutes les chansons n’ont qu’un seul thème, il n’y a plus de nuance ou de mystère. Alors les chansons ne font plus rêver les gens, les rêves suffoquent dans cet environnement privé d’air.» Bien vu, Bob. Discours de vieux, mais bien senti. Il poursuit sur sa lancée. Attention, poussez-vous, le voilà qui arrive : «Et ce ne sont pas seulement les chansons - les films, les émissions de télé, même les fringues et la bouffe, tout est soigneusement marketé. Sur chaque ligne du menu, tu as douze adjectifs, chacun d’eux étudié pour taper dans le mille de ton sociopolitical-humanitarian-snobby-foodie consumer spot.» Il pique une méchante crise et il a raison, car c’est exactement ce qui se passe. On nous gave comme des oies en permanence, dès qu’on est «connecté». Big Brother is watching you. Et le vieux Bob repart sur l’Hank : «There’s really nobody that comes close to Hank Williams.» Le problème c’est qu’on le savait déjà. Mais dit par Dylan, c’est mieux - Si vous songez aux standards qu’il a enregistrés, et il n’y en a pas des tonnes, he made them his own - Il sait dire pourquoi l’Hank a du génie : «La simplicité de cette chanson (Your Cheatin’ Heart) est la clé. Mais c’est aussi la force tranquille d’un chanteur comme Hank. La chanson semble lente parce qu’Hank ne laisse pas l’orchestre le dominer. La tension qui existe entre le near-polka rhythm et la tristesse dans la voix d’Hank mène le bal.» Il profite du passage à l’Hank pour rendre hommage à Willie Nelson, «le seul qui pourrait être vu dans le voisinage d’Hank.»

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             Son hommage à Little Walter vaut aussi le déplacement : «Il est aussi connu comme étant l’«electric blues harmonica originator, the master craftman and the prime mover.» Le vieux Bob ajoute que Little Walter s’appropriait les idées des autres pour en faire les siennes, et il cite l’exemple de «My Babe» qui existe depuis longtemps sous la forme du gospel song «This Train» - Walter a changé les paroles and made a classic performance out of it - Le vieux Bob retrouve sa grandeur d’antan en développant : «‘Key To The Highway’ est un update d’une chanson de Big Bill Broonzy. The key to the highway is a key to the cosmos, et la chanson entre et sort de ce royaume. La clé est celle qui permet de sortir de la ville. Elle devient de plus en plus petite dans le rétroviseur, une cité que vous êtes content de quitter à jamais. Quand Walter chante ‘I’m going back to the border where I’m better known’, il y croit dur comme fer. Il en a assez de Michigan Avenue et de Lakeshore Drive et de the Sears Tower. Little Walter ne se faisait pas appeler the back Door Man et il ne s’intéressait pas aux gamines de 19 ans. De tous les artistes signés sur Chess, il a dû être le seul qui ait eu véritablement de la substance. He could make anybody sound great. Il était évident qu’il n’allait pas vivre vieux.» Et là, on retrouve le Dylan génial du Theme Time Radio Hour, lorsqu’il brossait les portraits tragiques des géants du blues et du rock.

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             Il revient aussi sur le «Feel So Good» de Sonny Burgess pour donner l’une de ces leçons de culture rock dont il a le secret : «C’est un disque extrême, plus black que black, plus white que white. Il n’existait pas de nom pour ça dans les fifties, aussi personne ne savait comme vendre ces trucs-là, jusqu’au moment où le disc jockey de Cleveland Alan Freed inventa le terme ‘rock and roll’, inspiré d’une poignée d‘earlier risqué records’. Black and white country boogie and rhythm and blues, des deux côtés de la barrière, utilisant le même terme en forme d’euphémisme à peine voilé pour la copulation. Inutile de dire qu’avec ce terme, la vente de cette musique en fut grandement facilitée.» Puis le vieux Bob fait entrer les drogues dans le rock and roll, il évoque les drogues légales qui ne répondaient plus à la demande - Si tu te demandes comment une nation peut s’écrouler, regarde les dealers. Drug dealers in every city with bull’s-eyes on their backs, daring anybody to shoot them - On perd le Sonny et il y revient heureusement à la page suivante - Savoir si Sonny Burgess a lui-même composé «Feel So Good», ou si Sam Phillips a recyclé un cut de Little Junior Parker, comme il l’avait fait pour Elvis avec «Mystery Train», c’est un point de détail qui a disparu dans les sables du temps (lost to the sands of time). Sonny Burgess avait derrière lui a sweaty, sinewy band qui jouait derrière un grillage de poulailler soir après soir dans une série d’off-the-highway bucket-of-blood joints - Et il ajoute, magnanime : «This is the sound that made America great.» Il dit ça, car ailleurs il explique pourquoi l’America n’est plus great du tout. Mais alors plus du tout. C’est peut-être ici qu’il refonde sa notion de modernité : quand tous ces artistes dont il parle ont émergé, ils ont déniaisé ce pays peuplé de blancs cupides et racistes. Le rock’n’roll et le blues étaient alors d’une effarante modernité, celle qui allait révolutionner le monde et les vies des gens de notre génération. En avançant dans la lecture du Dylan book, la lumière se fait.

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             Fantastique portrait de Jimmy Reed avec sa guitare blanche et son gros costard. Big Boss Man ! «Jimmy Reed, the essence of electric simplicity.» Au-dessus de cette phrase, Coco Machin met l’image de Don Corleone. Le vieux Bob tire l’overdrive : «Tu peux jouer des centaines de variations du twelve-bar blues et Jimmy Reed devait toutes les connaître. Aucune de ses chansons ne touchait le sol. Elles bougent en permanence. Il était le plus country des blues artists des fifties. Il était habile et laid-back. Pas de béton des villes sous les pieds. He’s all country.» Et il ajoute plus loin : «No Chicago blues, rien de sophistiqué, léger comme une plume, il vole dans l’air et roule sur le sol. Dans le rock ans roll, le roll appartient à Jimmy Reed.» Et pour dire encore à quel point Jimmy Reed est un cas unique, le vieux Bob ajoute : «Aussi grand qu’il soit, Little Walter serait complètement déplacé sur un disk de Jimmy Reed. Pareil pour Jimi Hendrix. Et ce serait encore plus dur pour Keith Richards d’y trouver un truc à faire.» 

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             On se doutait bien que Bob allait saluer Dion. Il résume son parcours en une belle formule et rappelle qu’il a enregistré ces derniers temps un album the blues, «réalisant un de ses plus vieux rêves en devenant some kind of elder legend, a bluesman from another delta.» Comme tous les fans de Dion, le vieux Bob est frappé par la qualité de sa voix, «a breathtaking bit of vocal harmony» - et quand la voix de Dion éclate dans le pont, elle capture un moment de shimmering persistence of memory avec un éclat tel que les mots ne sont plus d’aucun secours - Et c’est là où le vieux Bob enquille son registre philosophique avec un brio purement dylanesque : «La musique s’inscrit dans le temps, mais elle est aussi intemporelle. On en fait des souvenirs, mais elle incarne aussi la mémoire. Quelle que soit la façon dont on la voit, la musique se construit dans le temps comme une sculpture se construit dans l’espace. Lorsqu’on vit avec elle, la musique transcende le temps, de la même façon que la réincarnation transcende la vie, en la vivant encore et encore.» La résonance de ces cinq lignes est d’autant plus énorme que ce sont les dernières lignes d’un book qu’on aurait voulu plus explosif, plus définitif. On s’est tout bêtement gouré de modernité. Celle du vieux Bob est bien plus fine que la nôtre. On s’est bien mis le doigt dans l’œil. Pendant toute sa vie, le vieux Bob t’a un peu forcé à réfléchir. Tu n’allais pas jerker sur ses chansons, tu tendais l’oreille pour essayer d’entendre le message. Et ce book tellement détesté au premier abord finit par s’imposer à son tour. Interroge-toi sur la notion de modernité. Mieux que ça : questionne tes propres notions. Le vieux Bob t’enseigne un truc de plus : tu découvres que tes notions sont figées, et le plus souvent ringardes. T’es plus dans l’coup papa, t’es plus dans l’coup, comme le chantait si gaiement Richard Anthony. Ce n’est pas le vieux Bob qui est largué, c’est toi. Mais au moins, tu secoues ton cocotier.

             Alors tu y reviens. Tu vas piocher dans John Trudell et boom, tu tombes en plein dans la dimension tragique du vieux Bob - Dans un square de Mankato, Minnesota, on peut voir une plaque commémorative indiquant que 40 Santee Dakota Indians ont été pendus dans les années 1870 - Le vieux Bob sort cette histoire pour rappeler que John Trudell est un Santee Dakota Indian. Attends, c’est pas fini - À la fin des années soixante-dix, John a conduit un cortège de tribus indiennes sur les marches du Capitole. Le lendemain, la caravane dans laquelle il vivait on the Duck Valley Reservation du Nebraska a été incendiée. On avait mis un cadenas sur la porte. La femme de John qui était enceinte, ses trois enfants et sa belle-mère ont brûlé vifs. Ceux qui ont foutu le feu n’ont jamais été inquiétés. Ça vous donne une idée du gouffre dans lequel John allait puiser pour écrire ses chansons - Le vieux Bob conseille de creuser un peu sur John Trudell - Il le mérite. Et quand tu l’as fait, creuse dans sa musique. L’idéal est de commencer avec AKA Grafitti Man, rempli de direct performances de John accompagné par son Oklahoma Soul brother Jesse Ed Davis.

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             AKA Grafitti Man est un album de rock classique américain, magnifique de power sourd. Quand on écoute «Rockin’ The Res», on comprend que le vieux Bob ait craqué. John Trudell chante sous le boisseau, à l’intestine, comme un Lanegan apache. Il s’y connaît en termes de «Restless Situation». Sacré veux Bob, quand il évoque le Trud, il sait de quoi il parle. Jesse Ed Davis joue à l’indienne sur «Baby Boom Ché». Comme le Trud fait autorité, ses cuts s’imposent invariablement. Avec «Bombs Over Baghdad», le Trud te prévient du danger. Mais c’est avec «Rich Man’s War» qu’il rafle la mise. Fantastique heavy boogie blues déclamatoire ! Il entre en littérature. On le voit à la suite chanter «Somebody’s Kid» avec une réelle profondeur de champ. Il est très à l’aise dans tous les domaines, y compris le heavy blues de «Never Never Blues». Dans «Beauty In A Fade», il croise l’indien avec le blues et y tartine un talk-over de telling story man. Édifiant !

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             Bob recommande aussi Bone Days. L’album est un peu plus indien, le Trud fait chanter un Grand Sachem dès «Crazy Horse» - We hear what you say - Même combat que celui de Buffy Sainte-Marie - One earth/ One mother - Chanson politique, plaidoyer pour un retour aux valeurs indiennes - We are the savage generation - Il a raison, le Trud, the people lose their minds. Il ramène encore de l’indien dans le morceau titre, avec en plus des percus, c’est fin et terriblement indien, le Trud est fabuleux de prescience, il partage son boisseau avec toi et fait chanter un Grand Sachem. Sinon, il reprend son bâton de pèlerin d’US rocker mais il reste en permanence tenté par les chants indiens sur des mid-tempos. Il chante son «Undercurrent» avec la voix d’un homme épuisé par la vie et les injustices, et une petite gonzesse vient duetter avec lui. Il emmène le dirty boogie de «Carry The Stone» sur le sentier de la guerre, il joue gras et ramène son Grand Sachem dans le gras du bide, avec des vieux relents de Stonesy. Il attaque encore son «Lucky Motel» au chant indien, avec en plus un sitar. Quel mic mac ! Il a cette manie géniale de chanter dans le groove, en mode story-telling. Et le Grand Sachem revient une dernière fois hanter «Doesn’t Hurt Anymore».

             Pour conclure sur John Trudell, Bob se fend d’un petit paragraphe éclairant : «Si l’on y réfléchit bien, la seule chose qu’on a tous en commun, c’est la souffrance, et seulement la souffrance. On vit tous des deuils, qu’on soit riche ou pauvre. Il ne s’agit plus des biens ni des privilèges, il s’agit de l’âme et du cœur, mais il y a des gens qui n’ont ni âme ni cœur. Ils n’ont pas de repère sur le bord du fleuve, pour leur indiquer la vitesse à laquelle ils avancent et vers quoi ils se dirigent. Et l’aspect le plus triste de cette histoire, c’est qu’ils n’iront jamais écouter John Trudell.»

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             Bob n’est au fond pas si vieux que ça. Dans son hommage à Warren Zevon, il salue Ry Cooder, car c’est Ry qu’on entend sur «Dirty Life And Times» - Ry Cooder is a man with a mission. Il n’existait pas de carte quand il cherchait la connexion between Blind Lemon Jefferson and Blind Alfred Reed, the place where conjunto met the gutbucket blues, où même un béquillard peut faire le duck walk. Ry lived and breathed it, apprenant au pied des maîtres et transportant le savoir comme des graines de région en région. Il a amélioré chaque disk sur lequel il a joué et beaucoup de ceux sur lesquels il n’a pas joué - En lisant ces quelques lignes, Ry Cooder a dû être drôlement ému. Bob rend aussi un hommage extraordinaire au Dead, un groupe qu’on ne peut comprendre que si on est américain : «Puis il y a Bob Weir. Un rythmique pas du tout orthodoxe. Il a son propre style, pas si différent de celui de Joni Mitchell, mais dans un autre genre. Il joue d’étranges accords augmentés et des demi-accords à des intervalles imprévisibles qui s’accordent bien avec le jeu de Jerry Garcia, qui joue comme Charlie Christian et Doc Watson en même temps.» Bob situe les concerts du Dead «in Pirate Alley on the Barbary Coast, right there by the San Francisco Bay.»

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             Il s’entiche aussi des Fugs rappelant, et il n’a pas tort, qu’acheter les albums des Fugs «c’était comme d’acheter ceux de Sun Ra» : «You had no idea what you would get.» Certains albums nous dit Bob sonnaient bien, «avec des gens qui démarraient et qui s’arrêtaient en même temps», et sur un autre album, on aurait dit qu’ils étaient enregistrés «avec une boîte de tomates en conserve accrochée au bout d’un manche à balai.» Il ajoute que les liners étaient parfois en Esperanto, te mettant au défi d’y comprendre quoi que ce soit. Bob salue leur «CIA Man» - live and slick and weird and primitive - Il rappelle dans la foulée que les Fugs tirent leur nom du roman de Norman Mailer, The Naked And The Dead, paru en 1948. La censure obligea Mailer à remplacer le mot Fuck par Fug, et les Fugs viennent de là. Bob se marre car les Fugs voulaient s’appeler les Fucks, mais ils ont opté comme Mailer pour la voie de la raison.

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             L’écrivain Bob profite d’un hommage au «Poison Love» de Johnnie And Jack pour deviser sur l’amour : «‘Poison Love’ is illicit love. Contrairement à ce que pense la plupart des gens, payer pour le sexe, c’est la meilleure affaire qu’on puisse faire. Les relations complexes coûtent beaucoup plus cher. Il vaut mieux aller chez les putes, ce n’est pas l’amour parfait, mais il y a beaucoup moins de problèmes. Vous n’irez pas chanter ‘poison love’. En payant pour baiser, vous avez ce que vous cherchez (si vous avez de la chance) et vous repartez indemne. Rien ne vous atteindra. Comme ils disent an Australie, pas de soucis. Poison love, c’est ce qu’il y a de pire. Ça peut vous tuer. Des tas de gens ne peuvent pas vivre sans une dose quotidienne de poison love.»

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             Petit hommage à Sam Phillips via le «Take Me From The Garden Of Evil» de Jimmy Wages. Bob ne sait pas qui joue de la guitare, c’est peut-être Luther Perkins - This is a Sam Phillips record. Raw and fearless as anything Sam ever recorded - Et plus loin, Bob dit que «Take Me From The Garden Of Evil» «might be the first and only gospel rockabilly record. This is evil as the dictator, evil ruling the land, call it what you will. Jimmy sees the world for what it is. This is no peace in the valley.» Quand Bob s’enflamme, le book prend feu. Il n’existe de Jimmy Wages rien de plus qu’une poignée de singles, un sur Sun et deux sur Norton. Merci Bob !

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              Dans un hommage à Webb Pierce, il brosse un sacré portait de Nudie : «Puis Nuta devint Nudie et quitta New York pour s’installer à Hollywood, où il fabriqua des costumes de danseuses sertis de pierreries de pacotille, puis tailla pour les hillbilly stars des costards de lumière qui électrifièrent les fans de Nashville à Bakersfield. Il broda des wagons sur Porter Wagoner et des toiles d’araignées sur Webb Pierce. Il couvrit Hank Williams de notes de musique et Elvis Presley de lamé or.» Et voilà qu’arrive Gram Parsons - Vous n’imaginez pas à quel point Nudie fut ravi de voir arriver Gram Parson, stoned au cannabis et rigolard, le représentant d’une génération qui croyait avoir inventé l’usage des drogues. Gram commanda un Nudie suit à thème. Des gens qui se situaient à la droite d’«Okie from Muskogee» furent surpris que Nudie accepte de faire ce costard, mais il avait un côté pratique, et comme ses dollars étaient aussi verts que son cannabis, Gram eut son costard. Bob the story-teller a encore frappé. 

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             L’hommage à Ricky Nelson est particulièrement balèze - Rick was part of a generation that had Buddy Holly, Little Richard, Chuck Berry, Gene Vincent, Fats Domino, and others, that made people from all nations, including commie countries, fall in love with America - Et le plus impressionnant de tous les portraits est sans doute celui qu’il fait de Townes Van Zandt, un Texan maniaco-dépressif soigné à l’insuline et aux électrochocs - Les traitements ont détruit une partie de sa mémoire, ce qui donne certainement à ses chansons such a skeletal detached feel - Alors Bob fonce dans la nuit : « Les rêves d’Elvis Presley furent remplacés par une passion pour les chansons plus tristes d’Hank Williams. Il erra et il but. Le Texas grouillait de musiciens qu’il fallait voir. Guy Clark, Gatemouth Brown, Jerry Jeff Walker, Butch Hancock, Doc Watson, Lightnin’ Hopkins, Mickey Newbury, et Willie Nelson. Newbury l’amena à Nashville, où il le présenta à Cowboy Jack Clement, un homme qui connaissait les comportements extrêmes, puisqu’il avait produit Jerry Lee Lewis. C’est ainsi que débuta un prolifique, tumultueux et finalement désastreux chapitre dans le vie de Townes, qui s’acheva dans des procédures, des accusations et des bandes effacées. L’un des moyens de mesurer la grandeur d’un compositeur est de voir qui sont ses interprètes. Townes has some of the best - Neil Young, John Prine, Norah Jones, Gillian Welch, Robert Plant, Garth Brooks, Emmylou Harris, and hundreds of others.» Et bien sûr, comme tous les ouvrages en forme de galerie de portraits, celui-ci gagne à être lu et relu. 

    Signé : Cazengler, Bob Divan

    Bob Dylan. The Philosophy Of Modern Song. Simon & Schuster 2022

    Martin Scorsese. Rolling Thunder Review: A Bob Dylan Story. DVD

    John Trudell. AKA Grafitti Man. Rykodisc 1986

    John Trudell. Bone Days. Deamon Records 2001

     

     

    Inside the goldmine

     - Antrell du désir

             Pas facile de savoir ce que Nave avait au fond de crâne. Ceux qui le connaissaient un peu cédaient à la facilité en disant de lui qu’il battait le nave. Jolie manière de dire qu’ils ne savaient rien de celui qui ne savait rien, ou qui ne voulait rien savoir. Il n’existe pas de rôle plus difficile à jouer au quotidien. Ne rien vouloir savoir ni entendre et conserver en même temps un semblant de sociabilité ? Essayez et vous verrez bien. La réserve est le plus souvent une disposition naturelle. Quand on l’observe chez quelqu’un, on l’apprécie. On l’interprète même comme une forme d’intelligence. Elle nous repose du caractère extraverti des commères du village, qui sont le plus souvent des gens assommants et d’une bêtise hallucinante. C’est l’une des raisons pour lesquelles on recherchait la compagnie de Nave, il nous reposait du chaos environnant, même s’il restait une sorte de soupçon quant à l’automatisme psychique de sa réserve. Non seulement il ne voulait rien savoir mais le moindre début d’aveu le mettait mal à l’aise. Il s’empressait d’écourter, disant qu’il ne voulait pas entendre la suite, surtout si l’aveu se faisait sous le sceau du secret.

             — Mais Nave, tu as peur de quoi ?

             — Si je tombe dans les pattes de la Gestapo, je ne dirai rien, puisque je ne sais rien. Tu comprends ?

             — Mais Nave, si tu tombes dans leurs pattes, pauvre imbécile, tu vas quand même mourir...

             — Oui, je sais bien, mais au moins je vais mourir héroïquement, pas comme une balance.

             — Et si tu tombes dans les pattes du KGB ?

             — Je subirai l’épreuve du sérum de vérité et là, ils verront bien que je ne sais rien. Donc je ne risque rien.

             — Tu as tout prévu...

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             Pendant que Nave bat le nave, Dave bave. Dave rêve d’un avenir de popstar. Comme des millions de kids à travers le monde, en 1970. C’est sur une compile Garpax qu’on a découvert l’existence de Dave Antrell. Quand on le voit en gros plan sur la pochette de son unique album solo, il n’est pas jojo, avec sa petite moustache et son bouc miteux, mais on change d’avis quand on l’entend chanter «Lost A Dream».

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    Avec ses faux accents de Donovan, il aurait pu devenir énorme. En tous les cas, «Lost A Dream» sonne comme un hit obscur. On se régale aussi du beau climat de Beatlemania qui y règne. Ce cut catchy est en deux parties. Curieusement, les deux cuts figurant sur la compile Happy Lovin’ Time (Sunshine Pop From The Garpax Vaults) n’apparaissent pas sur l’album. Le «Straight From A Rainbow» qui ouvre le balda aurait pu lui aussi devenir un hit, car voilà de l’excellente pop californienne. On se croirait chez les Monkees. Tout le gratin du Gold Star est derrière lui : Hal Blaine (beurre), Carol Kaye et Joe Osborne (bass), Al Casey (guitar), avec en plus tous les cuivres et tous les violons dont peut rêver une popstar en devenir. C’est très upbeat, très enjoué. Beaucoup d’allure. Encore un album et un artiste qu’il faut arracher à l’oubli. Il repart à l’assaut des charts avec «Midnight Sunshine», une pop énergétique. Antrell du désir se donne les moyens, mais il restera inconnu au bataillon. Forcément, son album est sorti sur un label obscur : Amaret. Et puis au fil des cuts, on se heurte aux aléas du monde pop : parfois c’est bon, parfois ça ne l’est pas. Mais avec Antrell du désir, c’est toujours bien foutu. Il devient plus ambitieux en B avec «The Clock Strikes Twelve». Franchement, il navigue au même niveau que Jimmy Webb. Il va chercher des subtilités dans les harmonies vocales et veille à ce que tout soit judicieusement orchestré. Rappelons qu’il compose tous ses cuts. Encore de la belle pop d’élan vital avec «Children Of The Sun». Ce n’est pas celui des Misundestood. Antrell du désir s’élance du haut de la falaise pour bondir dans l’azur immaculé. C’est un vrai jaillisseur, digne de Wim Wenders. Il sait parfaitement bien jouer la carte de l’élévation, comme le montre encore «Sunser», mais il n’y a rien de révolutionnaire chez lui, juste de la grande ampleur. Il termine ce bel album avec «I’m Taking No Chances», très upbeat, straight to my nerves, il est bien décidé à jerker sa pop, il le fait avec l’exigence d’un grand compositeur. Dommage qu’il en soit resté là. Il aurait dû persévérer, même s’il n’a pas une tête de popstar.

    Signé : Cazengler, Dave Entrave (que dalle)

    Dave Antrell. Dave Antrell. Amaret 1970

     

    Wilson les cloches

    - Part Two

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             Pour bien prendre la mesure du génie sonique de Jim Wilson, il est essentiel d’aller fureter dans la ribambelle d’albums qu’il a enregistrés avec Mother Superior, puis avec Henry Rollins. On parle ici d’une œuvre, qu’il faut ramener au niveau des celles de Wayne Kramer/MC5 et des Pixies. Pendant dix ans, Jim Wilson fit des étincelles en mode power trio avec Mother Superior, puis en l’an 2000, il accepta d’entrer au service du capitaine de flibuste Henry Rollins : grand bien lui fit, car après nous avoir cassé les oreilles avec Black Flag, Henry Rollins revint à de meilleurs sentiments au contact de l’inflammable Jim Wilson. Les clameurs d’abordage du Rollins Band allaient éclairer les années 2000.

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             Retour en 1993, quand paraît le premier album de Mother Superior, Right In A Row. Le jeune Jim nous avertit dès «Shake This Fever» : il est déjà le roi de la heavyness, et ses deux bras droits, Marcus Black et Jason Mackenroth sont déjà très affûtés. Soutenu par une section rythmique prodigieusement alerte, le jeune Jim ramène toute la viande du monde. La photo du trio qu’on trouve dans la boîboîte nous les montre tous les trois, ados américains avec des jeans en lambeaux et des cheveux longs. À les voir, on ne croirait jamais qu’ils puissent sortir un son pareil. Le ton est donc donné avec «Shake This Fever» et le bal des surprises ne fait que débuter. Mother Superior est le power trio à l’état le plus pur, et en plus, le jeune Jim chante pour de vrai. Pendant qu’il tartine son gras double, ses deux bras droits jouent un squelette d’heavy blues. Ils sont MILLE fois meilleurs que Cream. Le jeune Jim attaque «Goin’ Up In Smoke» et dévore le Smoke aussi sec. Il gratte une disto dévastatrice, il remplit le spectre, il crée du vertige en permanence, il s’installe au sommet du smart, il bâtit un mur du son et prend feu lorsqu’il part en solo. Pur sonic genius ! Il tape ensuite «Body & Mind» en mode Season Of The Witch, c’est dire l’ampleur de sa vision conceptuelle, et enchaîne avec «Shitkicker» qu’il prend au chat perché. Il chante ça à bout de souffle et battrait presque les Zizi Top à la course. Le jeune Jim ne casse pas la baraque, il la fracasse. Le voilà parti en mode heavy balladif avec «Stop Putting Me Down». Il le pousse bien dans les orties, et sur le tard du cut, il part en maraude. C’est un pisteur apache, rien n’échappe à son tomahawk. Il faut aussi le voir attaquer «No Doubt (In My Mind)» à l’anglaise. On croit entendre Paul Rodgers. C’est exactement la même langue-tentacule qui entre dans la vulve du son. Heavy Soul de heavy rock. Et il repart en mode heavy blues avec «PW Blues» à la grosse entente cordiale - I got a woman yeah/ She’s never satisfied - Il traite le vieux thème en profondeur - She never do no good - Il se plaint d’elle et plonge dans les abysses du blues. Il n’en finit plus de plonger. Le spectacle qu’il offre est extraordinaire. Il termine cet album effarant de qualité avec un «Strange Combination» gratté à coups d’acou en mode Led Zep III. Puis il se fâche et lâche ses légions de démons, histoire de tailler le cut en pièces aux accords anguleux d’atonalité. Et pour finir, il te recrache comme un noyau. 

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             Avec sa pochette ratée, Kaleidoscope n’inspire pas confiance. Sauf que boum badaboum, il t’envoie vite fait au tapis. Jim Wilson positionne dès «Got To Move» son Kaleidoscope dans le heavy rock blues des seventies - Now dig this ! - Alors tu dig. Tu te dépêches pour ne pas rater la parole d’évangile. Jim Wilson joue son heavy blow off à la façon de Mountain. Il réunit tous les poncifs. C’est un champion du full blown. Le coup de génie se trouve à la fin : «You Think It’s A Challenge». Il y fait du heavy Jim, il saute sur les remparts, il te wash out tout le heavy blues rock, il ramène tout le gras double des seventies. Cette pure merveille devient aussi précieuse que la prunelle de tes yeux. Encore de la heavyness avec «Must Be A Curse». De toute façon, tu le suis partout. Avec son gotta move on down the line, il bascule dans sa chère heavyness et gueule à s’en arracher les ovaires. Son «When I’m Alone I Feel Like Cryin’» est quasi-hendrixien. Tu crois rêver. Avec «Girl On My Mind», il passe au petit gratté de slowah, mais il te fait un heavy slowah de force 10. Il excelle à exprimer ses sentiments. Il sait aussi cavaler ventre à terre comme le montre «Count Me Out». C’est l’apanage du Jim : il sait faire sonner un sugar lips. Il en a la bave aux lèvres, et en prime, il te passe un killer solo flash. Il s’amuse bien avec son rock’n’roll blast. Cet album est une véritable aventure.

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             Les ceusses qui ont chopé Deep à l’époque sont des gros veinards, car maintenant, l’album vaut la peau des fesses. Very big album, produit par Henry Rollins. Bienvenue au pays de l’heavyness, et ce dès «DTMMYFG?». Alors on se demande ce que veut dire ce mystérieux acronyme. Jim Wilson pose simplement la question : Did The Music Make You Feel Good? Depuis l’origine des temps, Jim Wilson a le génie de la mise en bouche. Il sait poser les conditions de l’heavyness électrique. Tout aussi heavy as hell, voilà «Superman». Il accompagne toutes ses descentes en enfer de fabuleux camaïeux de notes et s’en vient planter son solo dans le cœur du cut. Personne ne peut aller plus loin que Jim Wilson dans l’exercice de cette fonction. Il manie l’heavyness à merveille, c’est sa came. Le solo coule tellement de source qu’il semble sortir de lui. Mine de rien, tu te retrouves là dans l’un des meilleurs albums de cette époque. Puis il pique une crise de speed avec son morceau titre, sa barbichette prend feu, le cut fonce comme un train fantôme devenu fou, c’est exceptionnel de wild drive. Avec «Fascinated», il ne perd pas de temps : il descend aussi sec au barbu. Ce mec est un desperado, il a déjà le chapeau et la barbichette à moitié cramée. Puis ils va sortir sa triplette de Belleville, trois coups de génie enchaînés : «What I Heard Today», «Crawling Back» et «Crazy Love». Il plonge directement dans sa bassine d’huile bouillante pour What I Heard. Personne ne l’a poussé. Il adore faire le beignet. Il prend l’heavyness complètement à contre-emploi. Il en devient génial. Il fait de l’Hugo sonique face à l’océan. Voilà sa mesure. Comment se fait-il que si peu de gens aient vu qu’il avait autant de génie ? Son What I Heard balance dans le ressac, Jim Wilson titube dans les décombres, il abrase tout aux vents de sable, il chante à contre-courant du contre-courant, c’est très spécial, très Wilson, il est l’Hugo de l’heavy rock, dressé face aux tempêtes de Guernesey. Il repart à l’assaut des éléments avec «Crawling Back», non seulement tu t’agenouilles devant lui, mais tu dresses l’oreille pour ne pas en perdre une seule miette, il chante à la pointe du beat, c’est stupéfiant, il t’emballe ça à la violence subterranéenne du don’t. Et restes dans son jardin magique avec «Crazy Love». Mais le jardin prend feu, c’mon ! et ça monte en pression à mesure qu’il ramène tout le son du monde.

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             Encore une pochette ratée pour l’album sans titre, Mother Superior, paru en 2001 et produit par son boss Henry Rollins. Tu aimes le blast ? Alors écoute «Zero’s Back In Town». C’est bombardé de son, cadenassé dans l’hardcore de no way out. Ça joue à la vie à la mort, avec un petit côté démonstratif, il faut bien l’admettre. Mais ça reste violemment bon. Ils tapent dans l’extraordinairement bon avec «Pretty Girls». Jim Wilson paye ses dues à Sabbath et aux autres cakes de l’heavyness des seventies. Il allume la gueule du mythe. Le «Whore» d’ouverture de bal est une belle énormité. Jim Wilson embarque sa whore pour la Cythère des enfers, avec un killer solo flash à la clé. Wow, quelle dégelée ! Nouvelle dégelée avec «Worthless Thing». Jim Wilson a un sens aigu de l’invasion. Il t’envahit vite fait. Il parie sur le stomp et rafle la mise. Il mixe la cavalcade avec le killer solo d’arrêt mortel et le wild as fuck. Autant dire que ça mousse. Il faut aussi le voir claquer son «Fell For You Like A Child» sous le couvert d’un certain boisseau.

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             Côté pochettes, ça s’améliore brutalement avec celle de Sin. C’est le plan des fameuses pochettes rouges (Slade Alive et le Grand Funk de Grand Funk Railroad). Au plan musical, Sin est un tout petit peu moins dense que les albums précédents. On croise une «Jaded Little Princess» montée sur les accords du «Sweet Jane» de Lou Reed. C’est exactement la même ambiance, le même swagger de boulevard. L’autre morceau phare de Sin est un heavy blues, «Spinnin», une belle descente au barbu. Jim Wilson n’oublie pas la règle d’or de Clovis Trouille : sous la robe de bure palpite le plus pur des barbus. Jim Wilson transforme son heavy blues en chute du Niagara, c’est un vrai déluge de son. Il fait du Superior supérieur avec «Strange Change». Wayne Kramer traite Jim Wilson de «missing link between Little Richard and a 100 Watt Marshall Amp». «Strange Change» est de l’heavy jus de jouvence avec une wah en contrepoint. Sur cet album, tout est une fois de plus drivé à la gratte. Il joue encore sa carte de heavy dude avec «Ain’t Afraid Of Dying», il chauffe sa baraque aux éclats subliminaux et passe avec «Fool Around» au big balladif. Il arrose toute la stratosphère de son, il devient presque black à force de romantisme downhome. Jim Wilson a du génie. Globalement, tous ses cuts ont de la tenue. Il chante bien et il sait placer ses riffs. Il n’engendre que de la délectation. Il faut le voir dans «Rocks» exploiter des rythmiques de bon aloi ! Il n’en finit plus d’injecter de l’heavy load dans ses cuts. Il termine avec l’excellent «Fade Out Wounded Animal» - I’m a wounded animal/ I’ve a bleeding heart.

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             Wayne Kramer produit 13 Violets. Il faut donc s’attendre à un festin de son. Et à des coups de génie, comme par exemple «*****» joué aux power-chords de marche arrière, pas de pire marche arrière que celle-ci, et tu as un refrain de chœurs de renvois, un vrai piétinement de Bérézina, une hérésie du rock moderne. Ça continue avec «Queen Of The Dead» et là, ça cavale au sommet du genre, ce démon de  Jim Wilson te taille un hit sur mesure - She’s all I want/ Queen of the dead - Il te plaque ça avec une candeur démente, comme si de rien n’était. Encore une belle énormité avec le morceau titre, noyé de power, même la voix se noie dans le remugle, ça gouille de dynamiques, ils sont passés à autre chose. Si tu tends l’oreille, tu entendras aussi des accents de Cream. Et voilà la triplette de Belleville : «Turbulence», «Fuel The Fire» et «Did You See It». Tu prends la dégelée de «Turbulence» en pleine poire, avec Jim Wilson, ça ne rigole pas, il envoie la disto maximale en éclatant de rire, ha ha ha, puis il attaque son «Fuel The Fire» à l’anglaise classique et pose là-dessus un chant très anglais, en mode heavy blues rock, puis il dégomme son «Did You See It» à coups d’accords à contre-temps. Ce sont les accords des Creation. Tout est bardé de barda, pur sonic trash ! Jim Wilson a de l’envergure. Il sait aussi caresser la comète du groove de Soul, comme le montre «Everything Is Alright». Pour ce faire, il ramène des cuivres. Il est tellement surprenant qu’il échappe à tous les radars. Il construit son œuvre. On devrait le décorer pour ça. Il met ses idée en scène. Ses idées valent de l’or. Avec «Kicked Around», il vise la cavalcade par dessus l’horizon. Rien que ça.

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             Moanin’ est probablement le meilleur album de Mother Superior. Ils n’arrêtent pas. Tu as au moins trois coups de génie, là-dedans, et une Stoogerie. Tiens on va commencer par elle : «A Hole», tout un programme ! Lancé comme une attaque, mais avec les riffs des Stooges. Et Jim Wilson plonge dans le fleuve de lave, c’est du big Motha fondu dans les Stooges. Extraordinaire ! Il faut avoir entendu ça au moins une fois dans sa vie. Il fait à la fin de l’album une version démente de «Jack The Ripper». Quelle avalanche ! Tu n’as pas le temps de t’enfuir. Ça prend des allures folles à la Asheton. Jim Wilson est un génie du mal. Pas de pire fournaise. Coup de génie encore avec «This Song Remains Me Of You», Jim Wilson fout le feu dans l’intro, il t’explose cette belle love song en bouquet d’harmonies doublé d’un heavy shuffle de gaga demented. Alors il part en vrille et te démolit tout le jeu de quilles. Encore une fois, il te tombe dessus et tu n’as même pas le temps de dire Omen. Killer Jim Wilson ! Il finit en solo d’apocalypse et t’aplatit pour de bon avec un solo de wah qui n’en finit pas. Cette fois, tu te jures que tu n’y mettras plus les pieds. Mais trop tard, car voilà «Get That Girl», vite expédié en enfer, en mode Basement Five - Watch out ! - Il te dégueule dessus, ce power trio détient tous les tenants des aboutissants. Jim Wilson se situe à l’extrême limite de la saturation. Et voilà «Little Mother Sister» qui va annoncer la suite. Jim Wilson en profite pour lâcher une armée de démons sur la terre, avec un solo qui s’étrangle de rage. Son «Fork In The Road» est complètement dévastateur, et soudain, on réalise que Jim Wilson porte la barbichette du diable. Il passe au Punk’s Not Dead avec «So Over You». Listen ! Ils te fondent dessus comme des démons échappés d’un bréviaire, c’est plein de vie et de fantastique énergie, away sail away, il lui demande de dégager vite fait. Même sa cocote pue l’enfer, comme le montre «Erase Her». Il lâche des nuages de soufre, il concentre tous les maux de la terre, ses solos sont des modèles de tisonnage, Jim Wilson et une bête de l’Apocalypse, il pue à la fois la Stoogerie et la chair brûlée, et encore une fois, il claque un solo digne de ceux de Ron Asheton.

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             Three Headed Dog est un bon album, même s’il est un peu moins dense que la brute immonde qui le précède. Jim Wilson annonce la couleur d’entrée de jeu avec «(I’m) Obsessed». C’est comme qui dirait réglé d’avance : il va te chauffer la cambuse pour l’hiver. C’est un roi des fournaises. Il ne jure que par les pelletées de braise et ses descentes au barbu restent spectaculaires. Avec «False Again», il fait du Fast Eddie Clarke, il joue à la surface des flammes. Il amène «Shady Lady» comme une marée du siècle. Ses power-chords deviennent historiques. Il ralentit un peu le mouvement avec «Today That Day», il tape un heavy slowah comme le fait si bien Reigning Sound. Jim Wilson a tout le power du monde au creux de ses mains. Il redevient un démon pour «Panic Attack». Il fait de l’heavy punk de Motha, très buté, stop/start, et ils repartent au Goddamnit. Son seul vice est de vouloir t’emmener chaque fois en enfer. Mais c’est pour ton bien. Jim Wilson est aussi un chanteur puissant : il distille le poison de son power à petites doses dans le fond de sa gorge, comme le montre «Sleep». On se rend malade à force de fréquenter des artistes aussi doués. Il tape son «Left For Dead» à l’énormité prévalente, il le noie dans la purée. Spectacle dégoûtant. Il termine avec un «Standing Still» d’une déroutante qualité artistique.

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             Grande, le dernier album en date de Mother Superior, est paru en 2008 sur un petit label toulousain, Kicking Records. Grande bénéficie d’une très belle pochette, bien dans l’axe Mère Supérieure des surréalistes. Il s’agit d’une collection of Mother Superior songs old, new borrowed and blues, comme l’indique le dos de la pochette. Le coup de génie de l’album est la cover d’«Happiness Is A Warm Gun», chef-d’œuvre lennonien tiré du White Album. Jim Wilson cocote bien sa purée d’I need a fix/ Cause I’m going down. Il surgit comme un saumon dans le Mother Superior jumped the gun, puis il se fait sécher au soleil d’Happiness - And I feel my finger on your trigger/ I know nobody can do me no harm - C’est bien que des grands artistes comme Jim Wilson puissent rendre hommage à John Lennon - Well don’t you know that happiness is a warm gun momma ? - Ceci dit, on trouve pas mal de petites énormités sur cet album bien né, comme par exemple «Five Stars», puissant, joué en retenue, avec un riff alourdi qui affale au longeant par bâbord. «Brain Child» va plus sur l’heavy doom, un empire que Jim Wilson aime à bâtir, mais on n’en voit guère l’intérêt, comme dirait Martin Guerre. Le «Meltdown» qui ouvre le bon bal de B sent bon la Stonesy, mais aussi Free, dans l’idée du riff.

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             Et puis tu as toute la période Rollins Band, qui démarre en l’an 2000 avec l’épuisant Get Some Go Again. Tout n’est que blast, luxe et volupté sur cet album. Ça grouille de puces. Hommage stupéfiant aux Groovies de «Teenage Head» avec «Monster». Jim Wilson descend en mode heavy Leigh Stephens dans les Groovies de Roy Loney et ça donne un sommet un lard fumant. Rollins chante jusqu’au bout de ses forces et Jim Wislon cloue le cut au ciel lors d’un sacrifice d’une effroyable noirceur. De toute façon, tu comprends dès «Illumination» que le ciel va te tomber sur la tête. Rollins raconte qu’il traverse des yellow deserts et pose son yeah, c’est un féroce screamer, et bam !, Jim Wilson part en vrille de no way out. Bienvenue du paradis du sonic blast ! Ici tout prend feu sans qu’on sache pourquoi. Rollins scande son morceau titre - Get some/ Get some - et l’attaque de plein fouet. Il chante vraiment comme un capitaine de flibuste, ce n’est pas une vue de l’esprit. Il chante à l’abordage, il monte à l’assaut du rock, c’est très physique, et Jim Wilson lève des tempêtes. Ils tapent «Thinking Cap» au heavy beat tribal et ça ressemble très vite à une invasion, yeah, la menace est là, dans la voix de Rollins, il chevauche en tête, sur un petit cheval, c’est lui Attila, menton rouge de sang. Tant de power te fait rêver. Ah ah, Rollins se marre. Et tu vois «Change It Up» s’écrouler aux accords de trombose, ils tapent dans toutes les configurations - Life’s so Short ! - Nouvel assaut avec «I Go Day Glo», Rollins shoute tout à la force du poignet et enfonce ses Oh Yeah Oh Yeah comme des clous dans des paumes. S’ensuit un hommage cinglant à Lizzy avec une cover d’«Are You Ready». Et ça continue de brûler jusqu’à la fin, les accords de Jim Wilson éclosent comme des Fleurs du Mal dans «On The Day», «You Let Yourself Down» explose à coup d’all nite long, Jim Wilson noie «Brother Interior» dans les poux et Jason Mackenroth bat le beurre du diable dans «Hotter & Hotter». Il arrive un moment où ta cervelle jette l’éponge. Trop c’est trop.

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             Attention, il existe une version enhanced de Get Some Go Again : sur le CD2, tu as quatre killer cuts et des vidéos. Franchement, ça vaut le détour, même si on vient de faire une petite overdose avec le CD1. On se régale de la grosse cocote cra-cra de Jim Wilson sur «Side By Side». Il t’installe au cœur de la heavyness et part en sale vrille dégueulasse. Il refait le coup dans «100 Miles» avec un killer solo flash qui restera dans les annales. Et voilà le clou du spectacle : une version live de «What Have I Got», montée en épingle d’Ararat dans un déluge apocalyptique. En bon pirate tatoué et barbare, Rollins stone fait son monster basher - What Have I got?/ Nothing much at all.

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             Un autre double CD paraît 5 ans plus tard sur le label d’Henry le pirate, 2.13.61 Records : Get Some Go Again Sessions. Sur la pochette on peut lire : Henry Rollins & Mother Superior. On a pendant des années considéré ce double CD comme l’un des plus explosifs de l’histoire des explosions. On y retrouve bien sûr tous les hits de Get Some Go Again, mais bruts de décoffrage. On a l’impression d’écouter l’album de blast définitif. Il faut entendre Rollins stone attaque «Monster» au I’m a monster, entendre la chape de plomb d’un «Illumination» heavy as hell, avec un Rollins stone qui hurle tout ce qu’il peut, l’encore plus brutal «Thinking Cap», gratté dans le chaos d’une fournaise extrême, c’est gorgé de power avec un Jim Wilson qui rôde dans le chaos, et puis tu retrouves le «Change It Up» tapé au blast de funk, gratté aux accords de fer blanc, des accords qu’on n’entendra jamais ailleurs. Sur la version d’«Are You Ready», tu as Scott Gorham qui vient foutre le feu à Lizzy. C’est son métier. Et ça devient encore plus mythique avec «Hotter & Hotter» car Wayne Kramer entre dans la danse, il est l’œil du cyclone, ça en fait deux avec Jim Wilson, c’est battu à la Mother par ce fou de Jason Mackenroth. C’est lui le propulseur nucléaire. Et ça monte encore d’un cran avec «LA Money Train» - So Jason are you ready ? - Yeah ! Wayne Kramer reste dans la danse et Rollins stone lance son talking blues - All aboard - Ça gratte aux funky guitars. Pur genius d’Henry Rollins qui en fait est un spécialiste du talking blues. Ah il faut avoir écouté ça au moins une fois dans sa vie - Yeah I get so tired of all the drama - C’est un texte fleuve qu’il swingue à la force du poignet - Sometimes I think it’s all over/ No more Coltrane/ No more Duke/ No more Monk, Jimi, Otis, Aretha, Daisy, or Sly/ And no one seems to stop and wonder why/ And I turn on the radio and it makes me wanna cry/ Because I know it’s never gonna come around again/ And it makes me cry because I know that there’s so many people who’ll never get to hear Mahalia Jackson, Mississippi Fred McDowell, Lightning, Lemmon, Curtis, Marvin, and the Reverend Al Green - Il se plaint de la médiocrité qui s’est abattue sur la terre - The airways are clogged and it’s not looking good/ In fact it’s looking pretty mediocre out there/ But I digress - «LA Money Train» est l’un des très grands chefs-d’œuvre de l’histoire du rock américain, tous mots bien pesés. C’est la raison pour laquelle il faut choper les Get Some Go Again Sessions. Après, ça continue avec «Side By Side» et sa grosse cocote, cut palpitant de power occulte à la Sabbath, avec un Jim Wilson qui part en rase-motte délétère, suivi de «100 Miles» heavy as hell d’I want your blood. Impossible de faire plus heavy. Rollins stone étale son power dans la purée de Mother. Jim Wilson atteint encore à la démesure avec «Summer Nights», il reste ce guitar hero si prodigue de beauté et de violence. Ils attaquent le disk 2  avec «Yellow Blues», idéal pour ces Bêtes de l’Apocalypse que sont Rollins stone et Mother. Puis ils plongent «Don’t Let This Be» dans un bouillon d’heavyness. Ils sont au sommet du genre. Ils aplatissent tout le rock, le beat avance à pas d’éléphants. Plus heavy, ça n’existe pas. Rollins stone hurle dans la cave de l’Inquisition. Ça fout la trouille. Et tout se barre en sucette dans «Coma». C’est du grand art dégénéré. Rollins stone pousse les hurlements d’un loup qui serait devenu fou. Jim Wilson te tombe encore dessus avec «Hold On». Il continue de dérouler la pire heavyness d’Amérique - You must hold on/ Cold nights/ Long nights - On croise encore une version d’«Illumination», ce heavy groove urbain tailladé d’incursions massives, enfin bref, ça ne s’arrête pas. Ils bourrent le mou du rock jusqu’au bout.

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             Le Nice qui sort en 2001 est ce qu’on appelle ici une abomination. Un album explosé d’entrée de jeu avec un «One Shot» digne du MC5, avec en plus tout le poids de Rollins stone dans la balance - You take one shot - et Jim Wilson plonge aussitôt le cut vivant dans la bassine d’huile bouillante. Tu as là l’un des sommets du rock américain. Un de plus. Pas compliqué : tu as trois coups de génie enchaînés, «One Shot», «Up For It» et «Gone Into The Zero». Ah le power inexorable d’«Up For it», une vraie dégelée royale de stay up for it et ça se répand all over avec «Gone Inside The Zero», Rollins stone se jette dedans, c’est de plus en plus explosif, il n’existe rien de plus dense ici bas. Rollins stone installe encore la suprématie de l’heavyness avec un «Hello» qu’il scande, hello darkness ! Il passe au rap avec «Your Number Is One», il va chercher des vibes sous le boisseau, et soudain il surgit, one ! One !, et le saumon Jim Wilson gratte dans l’arc en ciel des légendes celtiques. Il faut aussi saluer les dynamiques acrobatiques de Marcus Blake et de Jason Mackenroth. Des lèpres d’heavyness ravagent «Stop Look Listen» et Maxayn Lewis vient faire des chœurs dans «I Want So Much More». Pur power de Rollins stone - I want get some ! - Trompette ! Demented ! Encore de l’heavyness maximaliste avec «Hangin’ Around», Rollins stone écrase bien le champignon d’oh yeah, il ramène tout l’oh yeah qu’il peut dans la soupe aux choux de la mère supérieure. Tu vois Jim Wilson se faufiler comme une couleuvre de printemps dans les moiteurs de l’épaisseur et soudain, ça prend feu ! Avec Wayne Kramer, il est le géant incontestable du wild sonic fire. Encore plus heavy, comme si c’était possible, voici «Going Out Strange», ça culmine jusqu’au vertige. Le vertige, c’est leur fonds de commerce. Ça cloue dans les paumes à coups redoublés. Et ça s’arrête enfin avec «Let That Devil Out» monté sur un groove de jazz bass de Marcus Blake. Furia del diablo. Blake te monte ça en épingle demented.

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             A Nicer Shade Of Red paraît aussi sur 2.13.61 Records, le label de Rollins stone. Ce sont des albums difficiles à trouver. Dans la distribution des rôles, Rollins n’est pas crédité vox mais throat. Départ en trombe avec «Too Much Rock & Roll». Jim Wilson te travaille ça au tison ardent et Rollins stone lance l’assaut à coup d’Oh yeah. C’est vite plié à coups de clameurs extravagantes. Retour aux affaires sérieuses avec «Marcus Has The Evil In Him». C’est l’enfer sur la terre, ils creusent des tunnels dans ta cervelle. Jim Wilson zèbre tout ça d’éclairs, comme Zorro. On reste dans les affaires sérieuses avec un «Nowhere To Be But Inside» battu à la vie à la mort. Rollins stone mène son bal à l’énergie pure et Jim Wilson en rajoute. «10X» est heavily evil ou evily heavy, c’est comme tu veux. Punks’ not dead avec «Always The Same» - You/ Dont/ Like me/ It’s always the same - Assaut magnifique de punkitude américaine, l’une des rares qui soit éligible, d’autant que Rollins stone te la monte en neige et que Jim Wilson te l’explose au killer solo flash. Qui saura dire la grandeur de Mother Superior ? «Raped» sonne un brin hardcoreux, à cause du titre, sans doute. Idéal pour la bande son d’Irréversible - Fuck you/ Fuck me - Le Rollins y met toute sa gomme de gommeux californien. Puis ils tapent une cover d’«Ain’t it Fun» des Dead Boys, Jim Wilson y fout le feu, c’est plus fort que lui. Puis il renoue avec sa dimension antique dans «You Lost Me», cris d’éléphants de combat et clameurs de boucherie, c’est lui Jim Wilson qui fait l’éléphant. Rendu fou par les centaines de flèches fichées dans sa peau, il piétine tout. On peut dire que Rollins stone a de la veine d’avoir ces trois mecs-là derrière lui. On retrouve l’excellent «Your Number Is One» en version longue. Les Mother sont très complets : Jason-beurre du diable, Marcus-God bassmatic et Jim Wilson-défi permanent aux dieux de l’Olympe. Ils tapent le cœur de cut aux percus et Rollins scande son one one the only one. Tu es vraiment content d’être là. C’est encore Marcus Blake qui claque l’intro de «Such A Drag» et Jim Wilson se farcit le shuffle d’orgue - Sometimes it’s such a drag - et ça vire talking blues de Rollins stone le héros. 

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             Encore un 2.13.61 Record qui vaut le détour : The Only Way To Know For Sure. Car ce sont des versions live de toutes abominations pré-citées. Tu retrouves «Up For It» que Jim Wilson lance au riff insistant et ça devient addictif. On se retrouve au sommet du genre, comme avec les Screaming Trees. Sur «What’s The Matter», Jason Mackenroth bat comme un démon abandonné du diable. Rollins stone annonce ensuite «Tearing» - This song is called Tearing Me Apart yeahhhhh ! - et il se jette à l’eau comme Tarzan sur Jane. Pour une raison X, «Illumination» n’atteint pas le niveau de la version studio et ça repart ventre à terre avec «Hotter & Hotter». Rollins stone ne parvient pas à créer sa magie, c’est Jim Wilson qui vole le show. Il flotte comme un vampire au dessus de la fournaise. S’ensuit la fantastique dégelée d’I’m A monster. Ça devient enfin très sexy. Puis ça explose avec «Stop Look Listen», ça joue dru, à la pluie de feu, ils te collent au mur. Ces mecs n’en finissent plus de gagner les régions supérieures de la fournaise intégrale. Encore un appel à l’émeute avec «All I Want», Rollins stone grimpe sur la barricade, please please ! Puis il rentre à coups d’hello dans le chou de son vieux «Hello». Nouvel assaut avec «One Shot», Rollins stone semble chanter avec une meute de loups, ça bombarde encore plus qu’au temps du Bomber de Motörhead. Explosif ! Et ça grimpe en apothéose avec «Going Out Strange». Rollins stone chevauche un dragon, avec toute la heavyness du monde derrière lui - I don’t care going out strange - Big man Rollins assomme ses cuts d’un coup de poing, comme l’ancêtre de Jerry Lee qui assommait un bœuf d’un seul coup de poing et que décrit Nick Tosches dans Hellfire. L’autre image qui saute aux yeux : Rollins stone jaillit des torrents comme un saumon pourri et tatoué. Puis Jim Wilson tape «Thinking Cap» aux accords des Stooges sous un boisseau de plomb - You’ve got soul/ If you don’t/ You wouldn’t be in there - Acclamations ! Rollins stone fait un prêche demented puis il tape sur la tête du beat de «Get Some Go Again». Il est probablement la pire brute d’Amérique. Riff raff de no way out et ce dingue de Jim Wilson refout de feu. Ils terminent cette virée infernale avec un «Your Number Is One» qu’annone Rollins stone et bien sûr, c’est claqué du beignet, on voit ce saumon géant tatoué tituber dans les fumées du groove. 

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             Alors attention, c’est encore un enhanced CD, et le disk 2 est encore pire que l’1. Rollins stone l’attaque avec «Gone Inside The Zero» - Shut your mouth now cause it’s gonna be a little bit introspective - C’est du hardcore, le pire, atrocement violent, puis ils embrayent le destroy oh boy de «Nowhere To Go But Inside», Jim Wilson is on fire et les deux fous derrière fourbissent le pilon des forges. Ils enchaînent deux covers fatales, l’«Are You Ready» de Lizzy et le «Do It» des Fairies. Rollins stone lâche sa meute. Il explose la rondelle de Lizzy en mille morceaux. Ah ces Américains, ils ne respectent rien ! Power demented pour Do It, ultime hommage apocalyptique. Ils bouffent les Fairies tout crus. Il n’existe pas de pire power que celui de «You Don’t Need». Les Mother sont les Demeter du rock, les mères de la terre, et avec le Rollins stone, ils règnent sans partage sur la terre comme au ciel. Rollins stone réclame encore du rab avec «I Want So Much More». Il est aux abois. On l’admire pour sa violence verbale. Cet album relève du surnaturel, le mélange des deux powers (Mother + Rollins) échappe aux normes. On frise encore l’overdose avec «Always The Same», tout flambe jusqu’à l’horizon, les villes et les plaines, puis «We Walk Alone» s’en va rôtir dans les flammes de l’enfer, Rollins stone se hisse au sommet du genre et tout finit par s’écrouler dans les flammes avec «Marcus Has The Evil With Him», trop heavy beaucoup heavy, les cocotes se mêlent et Rollins pousse. C’est atroce.  

    Signé : Cazengler, Mother Inferior

    Mother Superior. Right In A Row. Not On Label 1993

    Mother Superior. Kaleidoscope. Top Beat 1997

    Mother Superior. Deep. Top Beat 1998

    Mother Superior. Mother Superior. Triple X Records 2001

    Mother Superior. Sin. Muscle Tone Records Inc. 2002

    Mother Superior. 13 Violets. Top Beat 2004

    Mother Superior. Moanin’. Bad Reputation 2005

    Mother Superior. Three Headed Dog. Rosa Records 2007

    Mother Superior. Grande. Kicking Records 2008

    Rollins Band. Get Some Go Again. DreamWorks Records 2000 

    Rollins Band. A Nicer Shade Of Red. 2.13.61 Records 2001

    Rollins Band. Nice. Steamhammer 2001

    Rollins Band. The Only Way To Know For Sure. 2.13.61 Records 2002 

    Henry Rollins & Mother Superior. Get Some Go Again Sessions. 2.13.61 Records 2005

     

    *

             Y a des chiens plus méchants que d’autres, celui-ci jouit d’une étrange particularité, qui l’eût cru, il est cru. Les esprits rationnels affirmeront que tous les chiens sont crus à moins que vous ne les fassiez cuire. Oui mais j’insiste celui-ci est particulier, il possède deux têtes. Ne criez pas que je raconte n’importe quoi, c’est un chien dans l’air du temps, il respecte la mixité sociale, une tête féminine, une tête masculine. Si vous ne me croyez pas relisez la chronique 382 du 15 janvier 2019, pas en entier il suffit de se rapporter à celle qui s’intitule :

    RAWDOG

              Un concert à La Comedia, avant que l’ordre moral libéral – comme ces deux mots riment très bien ensemble - ne réussisse à faire fermer cet antre de liberté, bref z’étaient deux sur scène, une fille-un gars, j’avais beaucoup aimé, or ils viennent de sortir une vidéo, que voulez-vous quand la meute aboie, l’on se rameute pour voir :

    FILE MOI TON GUN

    (Vidéo Clip Officiel)

    z23436filegun.jpg

             La zique balance sec. Les images sont vacancières. On joue au ping-pong. Non le tueur n’est pas loin, oui il est tout près. Dès qu’il se montre, on s’amuse comme des gosses. Balançoire et trampoline. Un véritable jardin d’enfants. La traque commence. Le jeu du chat et de la souris. Se prennent pour des agents secrets (doivent lire Rockambolesques toutes les semaines). Je vous laisse découvrir la fin. En plus il y en a deux. Soyons logique si Rawdog a deux têtes pourquoi n’aurait-il pas deux arrière-trains. La dernière est la plus marrante. Plus le générique est long, plus il est bon. La première est beaucoup plus subtile. Pose les questions embarrassantes, quand on joue n’est-ce pas pour de vrai ? D’ailleurs le vrai est-il exactement le contraire du faux, à moins que ce ne soit le faux qui ne soit que l’autre face du vrai. Les psychanalystes vous demanderont si le désir a besoin d’être assouvi pour être désir. Le désir de mort peut-il survivre ? Tiens, ils l’ont sorti le premier Mars. Le mois de la guerre. Les stratèges en chambre déclareront que ce clip pose les bonnes questions. Et que contrairement à eux ils apportent la bonne réponse.

             Un an et demi qu’ils n’avaient rien sorti. Par curiosité l’on est allé grapiller par-ci par-là d’autres vidéos.

    BLURRED

    (Vidéo Clip Officiel)

    z23437blurred.jpg

             Attention changement d’ambiance, c’est le morceau qui a donné son titre à leur premier album sorti en 2014. Belle couve, m’évoque le texte   Sur le théâtre de marionnettes d’Heinrich Von Kleist, nous en reparlerons dans une future livraison dans laquelle on se penchera sur l’album. Le dico me propose de traduire Blurred par flou, le mieux serait de transformer cet adjectif en participe passé, Floué me semble rendre mieux l’atmosphère qui se dégage de cette vidéo. Normalement sur scène Audrey joue de la batterie et Mike de la guitare. Ceux qui auront aimé File moi ton gun risque d’être désorientés, certes c’est carré, bien ficelé, mais comparé à Blurred, c’est un peu comme si vous passez des Bijoux de la Castafiore d’Hergé à La Chartreuse de Parme de Stendhal. Déjà exit la couleur, elle cède la place au noir et au blanc. Il vaudrait mieux dire au rouge.

             Encore une fois c’est subtil. Mais pas de la même manière. Ici on ne s’amuse plus. En plein drame. Rien de pharamineux ou d’extraordinaire. Deux êtres qui se quittent. Rien de plus banal. Tout reste dans le non-dit. Faut se fixer sur les détails, une branche d’arbre qui gouttège, des bibelots enveloppés dans du verre ou du plastique, des poupées enfermés dans leur cages, et le piano qui résonne qui s’accapare l’espace sonore et mental, Audrey martèle les touches, voudrait-elle enterrer son mal qu’elle ne s’y prendrait pas autrement, c’est d’ailleurs ce qu’elle fera quand elle enfouira la hache de paix et de guerre symboliques dans le sol, ils sont encore deux mais ils suivent  des chemins parallèles qui ne se rencontreront plus jamais, qui s’écartent définitivement, lui effondré dans un fauteuil, l’atmosphère est lourde, il joue de la guitare comme d’un violoncelle, funèbre. Deux instruments, deux manières d’exprimer le désespoir.

             J’ai dit subtil et j’ai dit : non-dit. Prenez le temps de regarder cette vidéo. Toutes les cinq secondes arrêtez l’image et examinez attentivement. Faut remercier Elise Colette et Laura Icart pour la réalisation. Une merveille de minutie. De précision. Remerciez-moi pour cet intermède. J’espère que vous en avez profité pour écouter la voix d’Audrey. Elle doit ressembler à celle d’Eurydice. No happy end, il n’y aura pas d’Orphée. Même pas pour la retenir. On ne se bat pas contre l’inéluctable. Nous sommes dans l’attente. Elle viendra. Elle a toujours son apparence de tranchant de guillotine.

             Quatre minutes et vingt-cinq secondes, une fenêtre ouverte sur le bord de l’éternité.

             C’est aussi beau que certaines élégies de Nico.

    LES BRUTES

    (Clip Vidéo)

    (Enregistré et filmé en live le mardi 29 avril

    2018 A Mains d’œuvres Saint-Ouen 95)

             Le titre sortira sur leur EP Julia en mars 2019. Belle couve. Sont dos à dos. Le corps marqué de traces sanglantes. Un EP très politique. Niveau sociétal et mondial. Rien à voir la vidéo qui précède. De véritables caméléons, au bon sens du terme. Possèdent une large palette. D’inspiration et d’expression.

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             Plus noir que noir. Live ici ne signifie pas en public. Pas besoin de stopper l’image pour admirer les détails. Juste le minimum : Audrey à la batterie, Mike à la guitare. Superbe prise de vue, sont ensemble mais si vous le désirez, vous pouvez n’en regarder qu’un des deux.  Un vieux larsen des familles qui traîne et c’est parti. Audrey est époustouflante, elle frappe, elle cogne, le son tournoie comme une valse qui ne saurait plus s’arrêter. Remet une pièce dans le jukebox avant qu’il ne s’arrête, jette de l’essence sur l’incendie. Je suis surpris, j’ai commencé par lire les paroles données sur la vidéo, elles sont en français, m’étais dit un truc pour Audrey, un bidule sur les bonnes femmes maltraitées, crac, tant pis pour moi c’est Mike qui envoie les lyrics, ce n’est pas qu’il chante mal mais le meilleur est à venir, une fois qu’il envoyé le texte dans les cordes du ring, se donnent tous les deux à fond, ça caracole dans le rock’n’roll, ils ouraganent à mort avec ces demi-secondes d’arrêt, genre, ne faudrait pas croire que l’on ne maîtrise pas, un délice, l’on se croirait dans le jardin d’Octave Mirbeau, tellement ça fait du bien. Z’ont joué comme des brutes mais avec la finesse des ballerines.

             Faut remercier toute l’équipe qui a participé à cette splendeur.

    SUR LA ROUTE

    (Clip Officiel)

    Un titre issu de leur EP Riding The Monster, chevaucher le tigre aurait dit Julius Evola, sorti en novembre 2022. Une super belle couve. Très arty. Qui ressemble à presque rien. Remettez l’image dans le bon sens et vous aurez une bonne photo. Avec le clic pour l’incliner sur la droite, ce n’est plus la même chose. L’impression d’une chute irréversible. Le monster à monter n’est pas commode à maîtriser.

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    Se débrouillent pour toujours pour avoir ces clips originaux. Ce coup-ci ils ont trafiqué. Une paire de ciseaux et un vieux film, The carnival of souls, de Herk Harvey. Suffit de taper sur internet pour le voir en version intégrale et originale.

    Rien qu’au titre on sait qu’on est en Amérique. Rien à voir avec le roman de Kerouac. L’ambiance est beaucoup plus trouble. Les lyrics ne racontent pas le film. Z’ont pratiqué la technique des OGM, vous prenez une plante et vous lui transplanter des gènes adaptatifs particuliers d’un autre végétal qui la rendront plus solides.  Ici vous avez les images du film et la musique. A la limite une vulgaire bande-son chargée de faire passer le film d’une manière plus appétissante. Le ketchup dont vous arrosez le chou-fleur qui sans lui serait bien fade. Attention, il ne faudrait pas le chou-fleur vous rende le ketchup agréable. L’est vrai que les images sont magnifiques et qu’elles captent l’attention. C’est alors que Rawdog sort son arme secrète. Envoûtante. Elle se fond en vous, porter plainte pour manipulation mentale, vous pourriez le tenter, aux States, pas par chez nous. Vous êtes déjà sur le clip et vous n’avez rien remarqué, quels mauvais détectives vous feriez, le chien cru vous a roulé dans la farine, vous faut un moment pour que vous réalisiez, non ce n’est pas Audrey qui est responsable, c’est sa voix, vous voyez les images, mais maintenant elles ne correspondent plus à l’histoire originelle, elles vous guident, vous ne savez pas où, pourtant c’est infiniment simple, sur la route, vous la suivriez jusqu’au bout du monde, vous être prêts à vous taper  six allers retours sur la 666  rien que pour le plaisir d’entendre ce chant de sirène… Hélas, Rawdog interrompt votre enchantement, et ils vous refilent, ils vous l’écrivent en gros, ils débranchent la musique, une scène du film pour vous arracher à vos rêveries, elles auraient pu comme dans le chef d’œuvre de Herk Harvey vous faire passer de l’autre côté. Je ne crois pas que vous auriez aimé.

    Rawdog vaut le détour. Grunge, punk, pop, vous aurez du mal à les cataloguer. Un groupe différent des autres. Créatif.

    Damie Chad.

     

    *

                    La pochette m’a arraché la vue. Ce n’est pas une nouveauté, l’est mis en ligne en ce début de mois de mars 2024 par Symphonic Black Music Promotion. Un vieux groupe, plus de trente ans. Des Belges. Le metal regorge d’univers perdus, mais un groupe de metal oublié n’est-il pas aussi un univers perdu, une de ces anciennes lointaines planètes oubliées qui n’ont été qu’une étape ensevelie dans les légendes de la conquête des mondes des rêves nervaliens… aliens… aliens… aliens… répète l’écho des mémoires endormies…

    MEMORIAM DRACONIS

    AVATAR

    (Wood Nymph Records / 1996)

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    Vous ne l’avez jamais vu, vous ne le connaissez pas, vous voulez rire ou vous moquer du monde, il en a plus de deux cent cinquante à son actif, entre 1994 et 2024. Vous ne me croyez pas, faites un tour (attention ce sera long) sur son site ou sur discogs il suffit de taper son nom et bonjour le défilé de pochettes d’albums metallisés, rien qu’en parcourant rapidement j’en ai déjà repéré quelque unes qui étaient déjà passées sous mes yeux et dont je n’ai encore à ce jour jamais écouter les vinyles ou les CD qu’elles renferment. Kris Verwimp, une fois n’est pas coutume pour changer un peu, je vous refile une photo d’une de ses expos, j’aurais pu choisir un mur tapissé de ses artworks, j’ai privilégié le public, des amateurs d’art et de rock.

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    Pour la couve je vous laisse choisir entre les deux interprétations suivantes : l’image est une représentation de la chute de Rome, tout le monde sera d’accord là-dessus. Pour cadrer avec le sujet de l’opus, l’on veut bien croire que le Chef barbare muni d’une longue épée soit une représentation de Dracon, le problème ce sont ses guerriers. Faute de genre, ce sont des guerrières qui mettent à mal les derniers légionnaires qui tentent vainement de s’opposer… Nos ligues féministes ne manqueront pas de nous expliquer qu’en s’emparant de la capitale de l’Empire nos Amazones mettent fin des siècles de domination phallocratique symbolisé par le pouvoir romain.

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    Les adversaires de cette première thèse affirmeront au contraire que si Dracon puissance du Mal absolu est aidé dans ses conquêtes par des hordes féminines, c’est que rien de bon ne saurait arriver par la femme, qu’elles sont définitivement vouées de par leur nature intrinsèque à servir les forces du Mal…

    Hyberia : bass / Anjelen : guitar / Izaroth : synthétiseur / Azadaimon : percu / Occulta : vocals, guitar.

    …Memoriam draconis - Intro : notes claviériques, comme du vent soufflé sur les traces de pas de ce fameux Dracon qui ne serait plus qu’une ombre légendaire, un souvenir rongé par les dents usées du temps, est-ce pour l’effacer ou la ressusciter. Il semblerait que cette intro musicale se refuse à une vision grandiose, un peu comme le travail des archéologues qui travaillent sur un chantier de fouilles d’exhumation d’une civilisation anéantie en grattant précautionneusement le sol avec une petite cuillère. Par quel miracle pourrait-on faire tout un monde disparu dans une cuiller à dessert… Mists of evil : orages, pluie soutenue, guitare acoustique, sans préavis, le metal fond sur vous, soutenue par la voix djentée du Serpent, mais qui parle, ne serait-ce pas le Draco lui-même qui marcherait sur ses propres traces, par où passe-t-il, si l’Empereur Julien a pris le chemin des onagres,  Draco a choisi la voix nébuleuse des songes encartés dans les esprits humains, la route est incertaine, de larges pans de synthétiseur s’amusent à brouiller les pistes, un seul refuge pour Draco, rentrer en lui-même, en ses propres souvenirs, en sa propre existence qu’il a laissée derrière lui, n’est-il pas le Serpent à tête de loup qui ondoyait au-devant des troupes barbares qui combattirent Rome, et les légions ne s’emparèrent-elles pas de cet insigne, qu'elles arborèrent fièrement, Draco partout, Draco sur tous les versants, écoutez le basculement pirouettique de la batterie qui ne sait plus de quel côté se tourner, le synthé bat de l’aile frénétiquement, au plus profond de la plaie, arracher les moindres fibres de toute sollicitude humaine, il venait de la lumière élyséenne, la déesse du Ciel l’a trahi, il s’est débattu contre elle, contre lui-même il s’est libéré. A most excellent charm in solemn endurance : le Serpent connaît l’ancienne formule blasphématoire assyrienne du refus des biens terrestres, il crache son mépris, il s’inocule son propre venin, il récite la sentence définitive qui le coupe du monde, le synthé pleure, la batterie délire, les guitares sont en déroute, l’irrémédiable est accompli, pas de retour possible en arrière, il a franchi la ligne qui le sépare des hommes, l’est empli d’une autre plénitude. Petite musique de nuit. Profonde. The eternal nothingness : grondement de chœurs mortuaires, annonciation des âges noirs, la batterie lance l’assaut, le Serpent donne de la voix, il précède les armées conquérantes qui s’abattent sur l’humanité, le fléau du destin moissonne les hommes, épopée d’égorgements et de sang, rideaux de désespérances, les synthés tissent les linceuls du désespoir, la course se précipite, une cavalcade de plus et l’on tombera dans l’abîme, si vous êtes de la race humaine, vous avez du souci à vous faire, des envolées angéliques chantent le confiteor de votre malheur, l’ennemi pousse déjà ses chevaux sur le tapis de pourpre de vos cadavres, le serpent ondoie parmi les vents du carnage. Le malheur de tous fait le bonheur du Serpent. Il exulte. Il triomphe.

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    Seduced by necromancy : juste une imprécation, le monde est mort, mais des voyageurs traversent le désert de cendre, ils cherchent le pays situé de l’autre côté des étoiles, ce sont les thuriféraires en quête du royaume de Cthulthu. Peu d’appelés, encore moins d’élus. Seule la poésie par la voix du poème pouvait rendre compte de cette frontière. Emperors of the night : le Serpent exulte, il danse, il est entré dans le pays qu’il recherchait, il a obtenu réparation, il est devenu immortel, il est un empereur de la nuit, un dieu du mal, la batterie hache menu la tête des innocents, les claviers tissent des tentures rutilantes, joie tous azimuts, bal du masque de la mort rouge, la cruauté est le seul délice qu’il s’autorise, il ne parle plus, il ne déclame plus il vomit, grandes orgues des requiems éternels à épandre sur toute la surface du monde. Sands of scheol : tonnerre, le serpent crache, il prend l’un et il prend l’autre, car si l’un est : il est aussi l’autre, Draco se compare à lui comme un Serpent rampant dans la poussière de l’Enfer, la batterie totalement folle, les orgues derrière en renfort, plus un poème lu, une voix off, pour décrire l’intérieur et l’extérieur, le microcosme et le macrocosme, le créateur et la créature. Le moment du doute et du Dieu unique. Mais si le Dieu est un, il est aussi faiblesse et cela amoindrit sa puissance. Hymn to the ancient ones : notes grêles et graciles accompagnent les éructations du Serpent, avant le Dieu unique, il y en eu d’autres, les grands anciens, le Serpent les nomme, non ils ne sont pas lovecraftiens, ils résidaient en Mésopotamie, rappelons-nous que dans l’épopée de Gilgamesh c’est le Serpent qui mange la plante d’immortalité empêchant ainsi le héros de devenir immortel. Serait-ce la revanche du Serpent. D’ailleurs le Serpent n’est-il pas le fils de Tiamat la déesse du chaos originel. Reviendrions-nous au début de l’histoire, ne serait-ce pas elle qui aurait trahi Draco. Le Serpent se mord-il la queue… Star castle : le Serpent éructe, sont-ce ses derniers mots, parle-t-il de lui-même à la troisième personne, tant sa propre grandeur le dépasse, tonnerre processiorial, enfouissement au fond des profondeurs, le Serpent est mort et enterré, il parle encore, n’est-il pas devenu dieu en se trempant dans le bain maternel originel, naissance d’un nouveau culte, farandole musicale, la batterie batifole et les synthés font des boucles comme des enfants qui soufflent des bulles avec  leurs jouets, le Serpent ne parle plus, sa puissance n’a plus besoin de sa parole pour accéder à l’être. Il réclame le seul impôt qu’on lui doit, dévotion et adoration. Alors il frétille d’aise dans son tombeau. La batterie scelle les sceaux inviolables de son enfermement en lui-même. The mines of Moria – Outro : autant les deux minutes de l’intro furent courtes, autant l’outro instrumentale frise les dix-sept minutes. Avatar vous donne le temps de réfléchir et de méditer. Heure de gloire pour les synthés qui obscurcissent le ciel. Avatar a-t-il eu la prescience que ce serait leur premier et dernier album, des chœurs s’embrasent, ont-ils voulu tout mettre, tout dire, un sacré mélange mythologique, z’ont fourré tout le frigo dans le sandwich, histoire, littérature, rappelons que Moira est une cité tolkiénique de la Terre du Milieu qui deviendra l’apanage de Sauron, entremêlements de mythes primordiaux orientaux, grand espace de silence, n’arrêtez pas, ce n’est pas fini, ce n’est pas un blanc ou une erreur technique, ce coup-ci ils ont sorti les violons et l’on est en plein musique classique, z’ont soigné le générique, comme des notes de clarinettes, parodions Alfred de Vigny, rappelons-nous que le Serpent a une tête de loup, c’est pour cela qu’il est aussi un loup pour les hommes, seul le silence des Dieux est grand.

             Souvenez-vous du Serpent. Soyez sûrs qu’il ne vous oubliera pas.

    Avatar a enregistré un deuxième album Millenia qui ne fut jamais finalisé, le groupe se sépara en 2000.  Les bandes sont sorties en 2011. En 2004 est paru un EP (démo) quatre titres intitulé The Avatar, par le groupe The Avatar revendiquant une filiation avec notre Avatar. Réuni en 2000 The Avatar ne dura guère…

    Il est difficile de classer Avatar, pas vraiment heavy, pas du tout progressif. Le projet a vraisemblablement été monté trop vite, trop d’idées, pas assez de maîtrise. Dommage ce groupe promettait. Nous paraît comme une corne d’abondance, ouverte à tous et aujourd’hui négligée. Remercions Symphonic Black Music Promotion d’avoir attiré notre attention.

    Damie Chad.

     

    *

    SNOW WOLF Records vient d’éditer un disque titré : Salvation : a Fundraiser for ESMA and the animals of Egypt. ESMA est l’équivalent de notre Société Protectrice des Animaux. Tous les fonds récoltés seront intégralement versés à cette association égyptienne.

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    Trente groupes ont participé à cette bonne action. Parmi eux THUMOS.

    LACHES

    THUMOS

    (SWR / Bandcamp / 01-03 – 2024)

    Comme nous aimons les bêtes en général et Thumos en particulier nous avons voulu voir et écouter. C’est voir qui nous a posé le plus de problème, laches nous ne connaissons pas ce mot anglais, peut-être ont-ils emprunté un vocable français pour stigmatiser la lâcheté des gens qui abandonnent leur chiens ou leurs chats avant de partir en vacances. OK, mais pourquoi n’ont-ils pas posé l’accent circonflexe sur le ‘’a’’, n’ont pourtant pas l’air d’être idiots chez Thumos, doit y avoir anguille sous roche. Eureka, ai-je dit en sortant de ma baignoire dans laquelle j’étais entré afin de trouver la solution de cette insoluble énigme. La langue anglaise ne possède pas d’accent, suffit d’en rajouter un sur le ‘’e’’, je suis sûr qu’il y a du Platon dans cette embrouille. J’ai donc ressorti, je l’avais rangé après ma chronique sur Atlantis de Thumos mon volume des Œuvres Complètes de Platon sous la direction de Luc Brisson, pas de problème le Lachès œuvre de jeunesse de Platon n’attend que moi.

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             Au moins me dis-je, Platon et moi avons un lien commun, tous deux nous étions jeunes, lui quand il a écrit son dialogue et moi quand je l’ai lu. Justement, je n’ai aucun souvenir de ce que ce dialogue traitât de la cause animale… D’où relecture. Le moins que l’on puisse dire est que l’on ne s’appauvrit pas en lisant Platon. Socrate, Nicias et Lachès, ces deux derniers  sont des généraux athéniens renommés discutent d’éducation. Est-il bon que les jeunes garçons s’entraînent à la guerre. Assurément affirme Nicias. Lachès répond que les maîtres d’armes ne sont pas toujours les meilleurs sur le champ de bataille. Mais qu’est-ce que le courage ? C’est simplement tenir son rang dans la mêlée décrète fermement Lachès. Oui, mais la tactique militaire ne nous enseigne-telle pas que parfois il faut savoir reculer pour mieux contre-attaquer par la suite rétorque Socrate. Et cela ça s’apprend, ajoute-t-il, le tigre ou tout autre animal sauvage dangereux qui vous bondit dessus est-il courageux, ou simplement conscient de la supériorité de sa force ? En fait le tigre est téméraire car il ignore tout de vos armements. Le tigre est aussi naïf qu’un mioche de six ans qui croit pouvoir arrêter un soldat… L’on ne parle plus d’animaux dans la suite du dialogue. L’on y voit surtout Socrate se contredire pour le plaisir d’ébranler un adversaire qui se sert d’arguments qu’il tient d’une précédente rencontre avec… Socrate.

             Lachès : Ça tonitrue et ça fanfaronne quelque peu au début, ensuite l’on a l’impression d’une partie de quille chacun des protagonistes essayant de renverser à coups de boules bien placées celles qui appartiennent à ses contradicteurs. Arrêt. Lachès le valeureux repart bille en tête, l’exemple du parfait militaire pour qui les choses sont simples. Mais en face de lui Nicias sûr de lui ne rompt pas le combat, l’est certain qu’avec l’aile de la cavalerie socratique qui ne manquera pas de se porter à son secours l’ennemi se débandera, les chevaux de Socrate avancent à pas feutrés ça y est ils tombent sur les arrières de l’ennemi et commencent à fracasser quelques crânes qui n’ont pas fait preuve d’assez d’intelligence et de savoir…  Le sujet est sérieux, l’on y parle de guerre, mais Thumos et Platon s’amusent à cette joute oratoire, ce ne sont que paroles en l’air sans conséquence, la guerre c’est plus sérieux que ces jeux de rôles. Thumos a su exprimer l’intense jubilation de cette Grèce antique qui ne se payait pas de mots car consciente d’utiliser de la fausse monnaie.

    Damie Chad.

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

     

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    Un taxi m’a déposé au bas du local. J’ai essayé de faire la bise à Joséphine pour la remercier de cette attention, elle s’est dérobée, je n’ai fait que mon devoir s’est-elle défendue… Je l’eusse préféré moins professionnelle. Les filles sont des êtres incompréhensibles. Tout compte fait je préfère les chiens. J’ai raison, à peine le chauffeur s’est-il arrêté Molossa et Molossito ont bondi de joie, elles m’attendaient sur le trottoir. Je monte les escaliers entouré de leurs aboiements.

    Le Chef m’accueille avec un grand sourire :

             _ Agent Chad pour fêter votre retour, exceptionnellement j’allume un Coronado, asseyez-vous vite, une dure matinée nous attend. Faites taire ces chiens, je n’aurais pas dû les inviter hier soir au restaurant pour leurs efficaces interventions durant votre promenade. Ils se prennent pour des cadors, toutefois je dois reconnaître que notre deuxième vague d’assaut s’est comportée avec bravoure comme nous l’attendions. J’ai demandé à l’Elysée de les inscrire à la prochaine promotion du Mérite National. Nous ne sommes pas en odeur de sainteté apparemment en haut-lieu, l’on m’a répondu qu’ils aimeraient mieux les inscrire dans un chenil de la SPA ! Mais je cause, je cause, nous n’avons pas de temps à perdre, nous avons rendez-vous, allez me voler une voiture sur le champ.

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    Je conduis doucement, une question me taraude, l’accueil du Chef m’a paru étrange, l’a beaucoup parlé, comme s’il avait voulu m’empêcher de formuler une question, je la pose :

             _ Chef vous avez raison, les chiens se sont magnifiquement compotés, par contre la troisième vague d’assaut, je n’ose pas dire qu’elle a brillé par son absence, mais je ne vous ai pas beaucoup vu !

             _ Agent Chad, ne vous fiez pas aux apparences, je peux vous certifier que sans mon action vous seriez actuellement mort. Je vous le prouverai d’ici quelques minutes, tournez à gauche s’il vous plaît, au bout de l’avenue ce sera la troisième à droite. J’ai juste le temps d’allumer un Coronado !

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    Une rue étroite, aux façades grises. Le Chef m’ordonne de me garer près d’une vitrine poussiéreuse. Sur la porte d’entrée trois lettres gravées sur une plaque de marbre MIT. Nous suivons un couloir miteux. Les chiens reniflent avec inquiétude. Nous voici dans un bureau. Nous n’avons pas fait trois pas à l’intérieur que l’agent d’accueil se porte avec vivacité à notre rencontre.

             _ Messieurs, je suppose les membres du SSR, nous vous attendions avec impatience. Voulez-vous me suivre. Je vais vous conduire jusqu’au bureau du Professeur Longhair, il est actuellement en conversation téléphonique avec la Maison Blanche.

    De l’extérieur la maison ne payait pas de mine, maintenant elle paraît immense, plus nous progressons dans les nombreux couloirs, plus l’on avance je m’aperçois que l’impression de vétusté crasseuse de l’entrée cède la place à un luxe que je qualifierai d’insolent. Nous croisons beaucoup de monde, sont tous et toutes accrochés à leur portable dans lequel ils chuchotent avec circonspection. Drôle d’ambiance.

             _ Veuillez vous donner la peine d’entrée s’il vous plaît, non ne les empêchez pas de descendre de ces fauteuils, sur les quatre deux leur sont réservés. Ils l’ont bien mérité, je vous laisse le Professor Longhair arrive dans deux minutes.

    L’attente se prolonge un peu, le Chef en profite pour allumer un Coronado. Molossa et Molisso étendus de tout leur long dans les larges banquettes de cuir dorment profondément. Une porte face à nous s’entrouvre, le Professor Longhair entre engoncé dans une longue blouse blanche :

             _ Joséphine !

             _ Calmez-vous Agent Chad, ce n’est pas Joséphine, mais le professeur Longhair, du MIT, le Massachussetts Institute of Technologie, je précise qu’elle a l’oreille du Président des USA et de la CIA, c’est par l’entremise de cette dernière que j’ai réussi à la contacter, elle est reconnue par l’élite de la communauté scientifique du monde entier.

             _ Je ne comprends pas Chef, vous sous-entendez que lorsque je l’ai aperçue hier dans sa ravissante mini-jupe rouge, elle n’était pas là par hasard ?

             _ Non, cher Monsieur Chad, je vous attendais, plutôt nous vous attendions, moi bien sûr mais aussi les deux malabars sur le trottoir d’en face, bien sûr aussi le faux camion de pompiers, ah ! les agents de la CIA se sont amusés comme des fous à brûler les feux rouges grâce à leurs sirènes…

             _Vous voulez dire que c’était un coup monté, que vous êtes joué de moi pour je ne sais quelle raison stupide.

    Le Professor Longhair lève la main pour arrêter mon flot de paroles, elle me sourit, son sourire ressemble à sa mini-jupe rouge, mais son visage redevient sérieux.

             _ Cher Chef, allumez-donc un Coronado nous allons aborder les choses sérieuses.

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             _ Damie, vous permettez que je vous appelle Damie, vous êtes un homme exceptionnel, dans tout le territoire des Etats-Unis, sur trois-cent quarante millions d’habitants, je n’en connais que sept, huit en comptant très large, aussi doués que vous.

    Dans ma tête je me dis qu’un voyage aux States s’impose, un Rafalos dans chaque poche, je retrouverai ces sur-doués et les abattrai sur le champ, je ne suis pas d’un naturel jaloux mais je n’aime pas l’idée que Joséphine ait déjà remarqué ces huit individus, j’éliminerai tous ces rivaux potentiels sans pitié… Professor Longhair me voici !

             _ Voyez-vous Damie ce dont votre Chef nous a averti a suscité notre attention mais…

             _ Chef, je ne comprends rien, que leur avez-vous raconté ?

             _ Rien de bien inquiétant, Damie je vous rassure. Des gens victimes d’hallucinations il en existe plusieurs millions dans le monde. Peut-être sommes-nous tous, moi comprise, victimes de tels troubles à des degrés plus ou moins graves, tenez ceux qui vont systématiquement au cinéma tous les jours et qui se croient cinéphiles manifestent peut-être tout simplement le désir inconscient de devenir une star internationale du cinéma, comme vous Damie.

             _ Sachez que je déteste le cinéma et que je n’y vais jamais !

             _ Ce n’était qu’un exemple Damie, votre point faible, ce n’est pas le cinéma, vous avez encore un esprit jeune, presque enfantin, vous aimeriez avoir le pouvoir de traverser les murs, alors vous imaginez que des gens traversent les murs et comme vous êtes jaloux vous les accusez de tous les maux !

    Ulcéré, Je me tourne vers le Chef :

    _ Enfin Chef dites quelque chose, le gars que l’on a abattu dans le mur, l’on a bien retiré son cadavre de la muraille, et les meurtres du restaurant, et les bandits qui nous avaient pris en chasse, vous les avez bien trucidés, dites-le, témoignez en ma faveur !

    _ Justement Damie c’est ce qui fait de vous un cas exceptionnel, même nous dans la grande Amérique nous avons été incapables d’en dénicher un, nous avons dépensé des millions de dollars, épluché toutes les archives du FBI, quelques illuminés, quelques simulateurs oui, une personne intelligente comme vous, jamais !

    _ Chef, témoignez en ma faveur, j’en ai assez d’entendre les élucubrations du professor Longhair !

    Le Chef en profite pour allumer un Coronado :

             _ Agent Chad, je ne vous cache pas dans toutes nos aventures, depuis le début il est un détail qui m’a paru étrange : ce sont vos chiens que l’on a retrouvés sur le palier, pourquoi les Briseurs de Murailles, ne les ont-ils pas tués, au lieu de nous les rendre. J’ai longuement médité, j’ai mené ma propre enquête, en vain jusqu’à ce que je tombe dans la Revue Science sur un article du Professor Longhair, elle y développait d’étranges théories, j’ai pris contact avec elle, pour votre bien Damie !

             _ Oui Damie, j’ai émis dans cet article qu’un jour l’on devrait, si mes hypothèses étaient justes découvrir quelqu’un comme vous. Vos hallucinations, vos imaginations d’individus qui traversent les murs, je m’en moque, mais vous avez franchi une barrière, fait sauter un verrou spirituel, vous avez un tel désir de la possibilité de traverser les murs, que vous persuadez, des individus, que vous ne connaissez pas, dont vous ignorez jusqu’à leurs existences à monter une association de briseurs de murailles, et votre force mentale est si forte qu’ils deviennent capables de traverser les murs, cher Damie vous êtes ce que l’on pourrait appeler un Génie Supérieur de l’Humanité !

    A suivre…

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 444 : KR'TNT ! 444 : LA CRAMPE / WEIRD OMEN / SUICIDE COLLECTIF / DAVE VAN RONK

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 444

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR'TNT KR'TNT

    26 / 12 / 2019

     

    LA CRAMPE / WEIRD OMEN

    SUICIDE COLLECTIf / DAVE VAN RONK

     

    VOUS EN AVEZ DE LA CHANCE !

    LA LIVRAISON 444 ARRIVE EN AVANCE !

    PAR CONTRE NOUS SERONS UN PEU RANCES

    POUR LA 445 QUI SERA EN PARTANCE

    APRES TROIS JOURS D'ERRANCE...

    BONNES VACANCES !

    KEEP ROCKIN' AND DANCE !

     

     

    La Crampe tear sa crampe

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    Elle a tout compris. Elle s’appelle Fanny et elle tear it up, comme dirait Johnny Burnette. Ce qu’elle tear n’est pas ce que vous croyez, elle tear up le mad genius de Lux Interior, elle entre dans le mondo bizarro des Cramps à coups de cello et de bravado vocale et si nos souvenirs sont exacts, elle fait ce que fit Lux pendant trente ans : mener sa bacchanale à la bravado pure et dure. Fantasy, power and boogaloo, telles sont les trois mamelles de ce vieux mythe que sont devenus les Cramps.

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    Pari gonflé : jouer les cuts des Cramps au violoncelle, ça pourrait presque passer pour une belle arnaque intellectuelle. Quoi ? Pas de fuzz ? Pas de heavy beat ? Tout repose sur une allégresse vocale hors normes, un sens aigu du va-comme-je-te-pousse, une espèce de démesure cabaretière sans foi ni loi, un rigoletto savamment décomplexé, elle allume son buzz buzz à la hussarde, elle poivre on Saddle up à la régalade, elle dégouline d’allure véracitaire, elle est l’une des plus crédibles crampoulettes qui se puisse imaginer ici bas. Oui, on peut dire qu’elle a pigé l’essentiel : le mad genius de Lux Interior repose principalement sur l’interprétation. Quand Lux tape dans «The Crusher», il devient un catcheur mexicain plus vrai que nature, rrrrrahhhh, de la même façon que De Niro devint Jake La Motta pour les besoins de Ragging Bull. Quand Lux tape dans «Goo Goo Muck», il gratte ses puces comme le faisait King Kong dans sa forêt de Skull Island, avant que Carl Derham ne vienne le capturer. Quand Lux tape dans «She Said», il s’enfourne un gobelet dans la bouche pour rivaliser de dinguerie fulminante avec le plus dingue d’entre les dingues, Hazil Adkins, et il y parvient. Fanny y parvient elle aussi, elle balance une version de «She Said» qui vaut son pesant de hou hi ha ha/hou hi ha ha, elle s’en donne à cœur joie et chante ça à la glotte folle, bien épaulée par le tatapoum d’Olive, son drumbeat man planté de l’autre côté de la scène et qui donne au passage une brillante leçon de désinvolture.

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    L’autre notion fondamentale des Cramps sur laquelle Fanny s’est penchée, c’est bien sûr celle du mondo. Les Cramps surent en leur temps créer un univers à base de films fantastiques, de singles rares, de voodoo, d’exotica et de sensualité, en conformité avec le fameux sex & drugs & rock’n’roll qui sous-tend l’esprit d’un phénomène socio-culturel moderne qu’on appelle le rock. Le sexe des Cramps n’est jamais vulgaire, les drogues des Cramps sont tellement discrètes que personne n’en parle. La Crampe, c’est exactement le même esprit. Fanny démarre son set enveloppée dans un manteau et dix minutes plus tard elle trouve qu’il fait chaud - It’s hot in here, isn’t it ? - Elle tombe le manteau et devient Chihuahua Pearl, l’aventurière de saloon qu’on croise en petite tenue dans les aventures de Blueberry, et pouf voilà Fanny en corset et bas résille, il ne lui manque que le cigare et le colt Cobra 38 special planqué dans la bottine à boutons. Cette esthétique de saloon bitch renvoie directement à Ivy. Fanny et Ivy même combat ! T’as voulu voir Vesoul et t’a vu la Crampe !

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    Mais ce n’est pas tout. Elle pousse encore le bouchon en fabriquant le décor. Ça tombe bien, dans le civil, elle travaille le métal, elle brase et elle soude, she welds it up ! Son pied de micro pourrait en effet sortir tout droit du cerveau purulent de HR Giger : avec une chaîne de moto, elle fait de l’Alien pur et dur. L’objet haut de deux mètres pèse une tonne. Pareil pour la chaise haute sur laquelle elle s’installe pour jouer, c’est un objet d’art pensé/soudé/limé/poncé à la Tinguely, weird-weld iron shoot, mêmes réflexes à base de récup et de confrontation avec la matière, même sens de la possibilité d’une île, lorsqu’un objet condamné à disparaître trouve sa vocation dans l’incongruité. Le pompon est sans doute la lampe tournante installée au fond sur l’ampli basse : posée sur la platine d’un petit tourne-disque rescapé des sixties, elle démarre une nouvelle carrière en arrosant la scène de lumière rococo. Avec tout ça, les cuts des Cramps arrivent forcément comme la cerise sur le gâteau. Rien n’est plus capiteux, plus exaltant que l’expression de la cohérence artistique. Songez-y. D’autres très grands artistes ont aussi compris cela, l’importance qu’il faut attacher au décor. Quand on voyait Beat Man (en solo, avec sa petite lampe, sa valise et ses instruments de bric et de broc) ou Queen Adreena (ambiance de catacombe avec des linceuls sur les amplis), on ne pouvait pas s’empêcher de penser à Kantor et à son obsession maladive de l’acte créateur. Chez lui, les objets du décor jouaient un rôle capital. Pas de Classe Morte sans les bancs d’école. Avec toute la modestie qui lui incombe, Fanny inscrit la Crampe dans cette prestigieuse lignée. La Crampe sur scène ? C’est quasiment gagné d’avance. On reconnaît les grands artistes à leur capacité à lever une pâte de temps, c’est-à-dire l’heure de spectacle. Et c’est sans doute beaucoup plus difficile en matière de rock que d’avant-garde théâtrale, telle que la concevaient tous ces grands maîtres de l’épate contextuelle que furent Kantor, Barba et Peter Brook.

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    Pour conclure le déballage de Raymond la Science, citons Tav Falco, passé lui aussi maître en épate contextuelle (sidérante prestation au Silencio, on y reviendra) : «Les Cramps furent un groupe de rockabilly post-moderne qui par sa grandeur incarna le Théâtre de la Cruauté, tel que défini par Antonin Artaud.»

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    Hou hi ha ha ! On est en plein dans le Théâtre de la Cruauté, aucun doute, hou hi ha ha ! Pour En Finir Avec Le Jugement de Dieu, c’est les Cramps en 1947, alors vous lui réapprendrez à danser à l’envers comme dans le déliiiiire des bals musette, and I need a new kind of kick ! Et cet envers sera son vériiiitable endrrroit ! Bon, Fanny ne reprend pas «New Kind Of Kick» sur scène, mais elle attaque son set à l’arrache malgache, Craaaaamp Stomp ! C’mon baby, get ya high as King Kong twat, elle ne gratte pas ses puces mais son violoncelle à coups d’archet, elle module ses attaques sur le tatapoum d’Olive et comme les deux font bien la paire, ça tourne vite au beautiful ramdam de bric et de broc ! Rien de plus crampsy que cette débauche de beat hagard et grincheux, le crin-crin amène une overdose de bringueballage déambulatoire. Leur ramdam monte vite au cerveau. Pas besoin de prendre des trucs. Elle enchaîne avec «The Way I Walk», clin d’œil superbe à l’immense Jack Scott récemment disparu, c’mon baby love me right. Fanny fait couiner la mythologie (ça lui fait du bien), elle fait grincer les portes vertes et voilà qu’elle s’en va faire sa bad bad girl avec un «Like A Bad Girl Should» transformé pour le coup en rengaine insistante et prodigieusement balancée. Elle tombe sur le râble du refrain avec des ahhhh orgasmiques assez troublants, ça devient même complètement surréaliste puisque la voilà encore plus royaliste que la reine en bad girl de cartoon américain - Bad bad/ bad bad girl ! - Magique élan prolétarien, hommage stupéfiant aux Cramps. Elle buzze ensuite un coup d’«Human Fly» et l’introduit à la couinante supplétive, vite reprise par le heavy beat tribal à dix balles d’Olive. Ils invoquent si bien l’esprit des Cramps qu’il en devient palpable.

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    C’est presque un numéro de médium. Elle s’en va sculpter le chant au sommet des ninety-six tears et replonge dans l’enfer délicieusement grinçant de l’infernale transmutte combinatoire. Rock tonite ! Buzzzzz ! Rock it right ! Dommage que Lux ne puisse pas voir ça. Le cello et la caisse claire se livrent un combat sans merci dans «The Most Exalted Potentate Of Love», l’un des cuts les plus âpres des Cramps. Quasi-intouchable. Wow, ils en sortent la plus honorable des versions couinantes et trébuchantes, le cello parvient même à orientaliser la moelle de la Potentate qui n’en demandait pas tant. Et comme si ça ne suffisait pas, elle file droit sur «Faster Pussycat», un cut encore plus difficile et certainement le plus ambitieux jamais entrepris par les Cramps. Épique et perché, Faster ne se laisse pas dompter, Fanny et le Professor qui tente lui aussi de s’y frotter peinent à en tenir les rênes, comme si Lux était le seul au monde à pouvoir l’interpréter, alors Fanny se bat avec son Faster, elle parvient miraculeusement à rester juste et passe le beau break instru à coups d’archet rageur, fabuleux brouet de crin-crin qui encore une fois transporte les Cramps au château de Versailles parmi les emperruqués et les fardés de la cour. Barry Lyndon meets the Queen of Pain ! Fantastique énergie ! Ils dégagent à deux autant d’énergie qu’une centrale nucléaire et elle finit à la hurlette de Hurlevent, dans un délire de tortillettes extrapolatoires. Il faut aussi la voir driver un Saddle Up emmené au beat des reins en rut, salement cadencé, Olive le tape à la cloche de bois, baby rock tonite, rien de plus crampsy que ce shoot infernal de buzz buzz. Elle joue «Fever» toute seule et maîtrise bien la jazzification des choses, parfaitement à l’aise sur les contretemps de ce drive cellico-jazzy. Elle swingue le chant comme si elle avait passé toute sa vie à se produire dans les clubs de Harlem - Fever in the morning/ Fever all through the nite - et Olive revient pour le dernier couplet, tac-tac en place pour un tact de fin. Ils finissent la conquête du bar avec la triplette de Belleville «You Got Good Taste»/ «What’s Inside A Girl»/ «She Said», véritable shoot fulminant. Il faut voir l’Inside couiner et tatapoumer comme si de rien n’était. Olive ramène pour l’occasion toute la dynamique du rockab, il tape à la relance insistante et bigne sa cymbale au coin du bois, comme un bandit de grand chemin. Au point où on en est, on pourrait même insinuer que leur version de «She Said» est la plus sauvage de toutes, tellement Fanny se jette avec la bataille dans la balance, elle chante de toutes ses forces et ça explose à tous les sens du terme. Un régal pour un rockab comme Olive qui joue ça au fouetté de huitième de cavalerie, Hopalong, c’est lui, et pendant ce temps Fanny hou-oute à s’en arracher la rate. Tank youuu, tank youuuu ! Elle est délicieusement drôle, tout le bar rigole. Pour finir, elle atteint le summum de l’American despair avec un «Lonesome Town» joué à la scie musicale ! Sans doute le moment le plus sensiblement intense de son show. Elle dérive dans la mélodie et fait pleurer sa vieille scie rouillée. On croyait ce numéro réservé à l’élite. Fanny va vous scier quand vous la verrez. Vous voilà prévenus.

    Signé : Cazengler, la Crêpe

    La Crampe. Le Ravelin. Toulouse (31). 7 décembre 2019

     

    Et spiritus sancti, Omen

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    S’il est un groupe qui a su créer son monde, c’est bien Weird Omen. Comme Jim Jones, ils font appel à Jean-Luc Navette pour dessiner la pochette de Surrealistic Feast, leur troisième album.

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    Au vu du médium, on sait exactement ce qui nous pend au nez. On entre alors dans cet album comme on entre dans le cabinet du médium, «A Place I Want To Know». Un son distinct de naissance, distinct de sang, distinct de lignée, cisaillé dans l’âme des tibias, stupéfiant et dépenaillé à la fois, hardi mais brutal, un vrai punch-up. Comme si on recevait un coup à l’estomac. Ils ne sont que trois mais ils dépotent tout le volume de l’enfer à coups de pouet pouet. Dans l’esprit, ça flirte avec le chaos de Fun House, avec une vielle impression de jamais vu, de fumées, de lumière rouge, les trois Weird Omen explosent au quart de tour avec des pauses en forme de chutes du Niagara, le son tombe du ciel comme un déluge, cataplasmé par une frappe in-cro-ya-ble-ment frappadingoïdale. Il s’appelle Rémi Lucas et il réincarne à lui seul deux siècles de forges du Creusot, mais il faut imaginer ces forges amphétaminées. Power & drive. S’ensuit un «Wild Honey» d’une très rare violence et ils reviennent jiver le cabinet branlant du médium avec «Please Kill Me», une sorte de heavy groove garage de Johnny fais-moi mal assez obsédant. Un démonologue dirait que ça sort de la cuisine du diable. Ça parait en effet chanté au fond des bois, et ce solo digne d’entrer dans la petite boutique des horreurs entre en collision avec une turbulence de saxophone. Devant un groupe qui sort un son pareil, on ne peut faire qu’une seule chose : s’agenouiller pour prêter allégeance. Tiens puisqu’on parle du diable, voici «The Goat». C’est là qu’ils révèlent leur vraie nature : ce sont des fous du son. Ils ne vivent que pour le heavy sludge, mais un heavy sludge qui ne doit rien à personne, même pas aux Stooges et encore moins à Monster Magnet. Leur son sent la terre humide et les coups de wah dégagent l’âcre odeur du génie putride. Ils chantent «Trouble In My Head» à plusieurs voix, ils crucifient leur garage au Golgotha, sous un ciel noir comme le cul d’un esclave nègre. S’ensuit un «Out Of My Brain» battu et riffé comme plâtre, leur garage n’a plus rien à prouver. Ils sont déjà si loin devant. Ils battent encore tous les records de démesure avec un «Earthworm» tapé à la définitive. «Earthworm» explose à la face du monde. Les vagues de son déferlent sur «Earthworm» et avec sa guitare, Martin Daccord part en vrille de néant absolu. On plonge avec délice dans le bain d’acid de «Collection Of Regrets», nouveau hit heavy et conquérant, sans foi ni loi. Les clameurs tombent du ciel et tu ne peux rien y faire.

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    Si on aime les très grands disques, il faut écouter Breakfast Before Chaos. Un cut comme «Stranger» donne une idée assez juste de la modernité, une modernité de baraque foraine, avec une forte odeur de friture. «Stranger» frit vivant devant nous, les Weird Omen sortent un son saigné aux quatre veines et nous mettent de la stoogerie plein la vue. On prend la wah en pleine gueule, c’est un son qui avance à marche forcée, chaussé de plomb. Effarant ! Même quand ils proposent un petit garage vite fait comme «Extatique», c’est wild au-delà de toute espérance, et le diable sait si l’espoir fait vivre. Retour aux incendies volontaires avec «Back From WBB», véritable downhome d’overwhelmed Weird Omen. Avec ce huge shoot d’overdose, ils passent de l’autre côté du miroir. «Transcontinental», c’est Bo Diddley accompagné par les éléphants de Salammbô. Ils sortent un son bourrelé de démesure, ils chantent au sucre de My Friend Jake, ils saturent tout d’allant définitif, ils touillent leur fournaise à coups de tridents soniques - I hate you ! - Ils enchaînent avec un «Saturday Nights Are Gone» encore plus insensé, Fred Rollercoaster joue du sax errant et paf, ça explose, on s’en doutait, mais quand ça explose chez eux, mieux vaut s’accrocher à la rampe, ils travaillent la tempête au long cours, le sax fracasse le plafond de verre, ils font sauter leur Saturday comme on faisait sauter la Sainte-Barbe autrefois, à coups d’overdose de claquemure cataclysmique. Seuls les Weird Omen sont capables de fourbir un final screamé comme celui de Saturday. Ils sont aussi capables de gras double («Complications») et d’arpèges sixties («I Think I’m Going Down»). Mais ils préfèrent plonger dans la folie et «Tumblin’ Down» sonne comme l’au-delà du rock français, c’est le Weird Sound à base de wah et de crises, une sorte de summum de mad frenzy. «Don’t Know Why You Go Away» monte tout seul en température. Sur cet album, chaque cut est frappé au maximum des possibilités. Le son happe et fond systématiquement. Le Weird Sound rôde dans le marigot comme un vieux croco. Quand il ouvre le bec, c’est trop tard, t’es baisé. Ils terminent cet album faramineux avec «Sunday Drowning» et son bouquet de clameurs. Ça couine dans l’air brûlant, comme si des milliers de guerriers sortaient d’un désert de l’Antiquité. Les Weird Omen jouent en cinémascope chamanique.

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    On peut aussi se jeter sans risquer l’ennui dans leur premier album, Last Train For Love, paru sur Beast à l’époque. Ils y proposent un garage plus classique («Thousand Times A Day»), mais très bien gaulé et un solo de sax demented vient désailler l’organisation de ce garage d’arrache. Les deux gros coups de l’album s’appellent «It’s Up To You» et «Action Time». Ils visent chaque fois le burst out maximaliste, avec toute la bravado dont on peut rêver quand on aime le blast off. C’est comme toujours chez eux tapé à l’insistance et le sax vient toujours envenimer les choses. Ça pourrait devenir un principe, mais chaque cut est tellement libre qu’il semble crier vive l’anarchie ! Sur «Action Time», le sax vient même krakatoer le beat à coups de délires de free. C’est chauffé à blanc comme au temps de Steve MacKay. C’est encore le sax qui vole le show dans «Bag O’ Bones». Il règne en maître sur l’Omen et ça devient même très spectaculaire, il s’étrangle de fureur apocalyptique, Fred scalpe le son comme savait si bien le faire Rahsaan Roland Kirk. Ce morceau de bravoure se révèle indécent de véracité viscérale. C’est aussi le sax free on the loose qui embarque «Do The Boogie». L’Omen donne une belle leçon de garage avec ces coups de sax tressautés à la folie. Ces mecs ont du son au-delà de toutes les espérances du Cap de Bonne Aventure. On se régalera encore plus de ce «Lumber Jack» chanté de l’intérieur du menton et déchiqueté par un solo de sax sourd. Le sax de Fred Rollercoaster plonge «Be My Rose» dans une profonde comatose, c’mon be my rose, le son coule en intraveineuse et ça explose à chaque coup de c’mon pour le meilleur et pour le pire. Ils terminent cet album tentaculaire avec un «(You’ve Got To) Hide Away» en hommage aux Beatles. Joli coup, en tous les cas, l’émotion est au rendez-vous.

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    Les trois albums suffiraient largement à rendre un homme heureux, mais c’est sur scène que l’Omen donne une petite idée de ce que peut vouloir dire le mot démesure. Wagner, John Coltrane, les Stooges comptaient jusque-là parmi les rois de la démesure. Il faut maintenant ajouter l’Omen à cette caste. Les voir sur scène est une expérience plutôt physique qu’il faut recommander à tout amateur de real deal.

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    L’Omen échappe littéralement à toutes les étiquettes. Ni rock, ni punk, ni garage, ni trash, ni wave à la mormoille, ils ne sont plus qu’un souffle, ils balayent toute forme de classification, ils vont loin, bien au-delà de tout ce qu’on sait du garage ou des Stooges, ils développent un son en fusion permanente, ils fondent les structures des cuts comme s’il fondaient le bronze des statues.

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    Des trois, le plus spectaculaire est le batteur, penché sur ses fûts, comme aux aguets, comme prêt à bondir, fabuleusement animal, repoussant continuellement les limites du blasting, il bat par rafales jusqu’au-boutistes, il va au bout du bout du maximalisme, il bat tous les records de violence et shoote dans le cul des cuts la plus belle dose de powerhouse qu’on ait vu ici bas. Si on voulait le comparer à d’autres batteurs, ce serait impossible, il est infiniment plus wild que Mickey Dee ou Jerry Shirley et n’a de point commun avec Manah (le batteur des Lullies) que le fait de jouer en short et de porter des tatouages superbes sur tout le torse et les bras. Remi Lucas est le far-out drummer par excellence, il ne se contente pas de jouer la loco, il joue la loco dingue, ses rafales sont les pelletées de charbon que jette à la volée dans la chaudière un mécano possédé par le diable. Si les deux autres n’étaient pas aussi spectaculaires, il ferait quasiment tout le show à lui seul.

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    Wow ! Il faut voir Fred fondre ses notes de baryton dans l’infernal tohu-bohu que génère ce power-trio éruptif, il se plie et se déplie dans les rafales comme s’il cuisait à la chaleur d’un four, il ne joue qu’en termes de clameurs d’émeutes urbaines, ça va même encore plus loin car il fait barrir son sax, il sort un son tragiquement organique, celui de l’éléphant de combat horrifié de voir des fantassins numides tenter de lui cisailler les tendons des quatre pattes pour l’abattre avec son howdah bourré d’archers, et pendant que les barrissements trouent le cul des annales, le groover en casquette groovy plaque sur sa Phantom des volées de power-chords que le courant emporte comme des fétus de paille, ça glougloute dans la marmite des enfers, ça n’en finit de rougeoyer au fond de la cave, leur son trouve l’environnement idéal, comme si Hadès pressé de faire trembler la terre, avait convié l’Omen à lui rendre hommage en célébrant l’immense portée de sa colère.

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    L’Omen ne laissera personne indifférent. Mieux qu’une cuirasse, leur sauvagerie les protégera des imbéciles. Mais ils sont beaucoup trop bons pour une scène comme la scène française. On se souvient que Gallon Drunk tenta le diable à Londres à une époque. Même chose avec James Chance qui mit jadis le feu à la scène new-yorkaise. Mais aucun d’eux n’a jamais atteint le niveau de volatilité inflammatoire de l’Omen.

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    Signé : Cazengler, Weird Omerde

    Weird Omen. Le Trois Pièces. Rouen (76). 4 décembre 2019

    (Encore merci aux Délicieuses Récidives)

    Weird Omen. Last Train For Love. Beast Records 2013

    Weird Omen. Breakfast Before Chaos. Beast Records 2016

    Weird Omen. Surrealistic Feast. Dirty Water Records 2019

     

    SUICIDE COLLECTIF

    full EP 2019

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    Vous trouvez le monstre sur You Tube ou sur le FB de Pogo Car Crash Control à la date du 09 / 11 / 2019. Ce n'est pas une vidéo. Il vaut peut-être mieux car rien qu'à voir le dessin – ne manquez pas de vous en délecter - de Baptiste Groazil qui s'affiche et qui ne bouge pas de toute la bande-son l'on aurait pu s'attendre au pire s'il s'était chargé d'animer l'immonde dégueulis qui coule comme une glaireuse fontaine de jouvence maudite, tout le monde se souvient des clips qu'il a réalisés pour les Pogo. Je suis malade rien qu'à la pensée du compte-vomi dans lequel j'aurais été obligé de patauger.

    Les esprits incisifs demanderont : pourquoi les Pogo diffusent-ils ce premier EP de Suicide Collectif ? C'est la faute de Lola, en tant que fille elle devrait savoir qu'il ne faut jamais laisser les garçons tout seuls, sans quoi ils s'ennuient, tournent en rond, ne savent pas quoi faire, et finissent par devenir incontrôlables. Ce qui pour des Crash Control s'avère doublement nuisible. Bref pendant qu'elle s'occupait parallèlement avec Cosse, les trois boys ont emprunté la diagonale de la folie, z'ont rendu visite à leurs copains une bande de singes psychédéliques qui les ont laissé s'amuser dans leur studio avec Fred ( pas du tout ) Lefranc du collier, et des mains pas très nettes aux manettes.

    Bref voici le résultat final : une abomination. Comme on les aime. Attention les morceaux se suivent sans séparation.

    Fuckin' Party : ( débute au début ) : vous avez de la chance, cela ne dure que soixante-douze secondes, les plus dures de votre existence. Un coup de batterie, ne comptez pas sur cet avertissement salvateur pour vous prendre la poudre d'escampette, vous n'avez même pas le temps de sauter par la fenêtre ouverte de votre chambre de bonne au dix-huitième étage, pouvez même plus ouvrir la bouche pour vous plaindre, vous êtes irrémédiablement englué dans une diarrhée sonore dont vous n'avez jamais eu l'idée qu'il puisse en exister de si dégoutante, une avalanche de merde gluante qui vous transforme en statue d'étron liquide. Une musique compressée à l'extrême – vous savez à ce degré où l'eau perd son humidité et devient une tempête de sable saharienne - et un vocal à l'arrache catapulté à la fronde. N'espérez pas vous en sortir vivant, vous n'êtes déjà plus de ce monde. Ça s'arrête comme ça a commencé. Très mal. Très brutal. Optimal. She said : ( commence à 1' 13'' ) : vous croyiez que la suite ne pourrait pas être pire, que vous aviez mangé votre pain noir empoisonné au cyanure et à l'ergot de seigle, funeste erreur, pour She Said, ils ont défoncé toutes les portes de tous les asiles de la terre, une sarabande terrifique, certes vous avez un moment de répit, quand l'avion de chasse descend en piqué sur vous et vous envoie deux missiles air-sol pour vous refaire le portrait, hélas ce bienfait céleste ne dure même pas six secondes, tout de suite après ça reprend en plus sauvage, en plus condensé, ne vous demandez pas qui est cette She qui vous chie en pleine face vos quatre mensonges, vous la reconnaissez vite, vous êtes de l'autre côté de la rive noire, c'est Perséphone en personne à fond les mégaphones qui vous semonce et sermonne méchamment. Mais ce n'est pas là le plus terrible. C'est en sous-main, les guys se moquent de vous, prêtez bien l'oreille, alors que vous subissez les pires avanies, rôde au-dessous de tout, une allégresse vicieuse, une jubilation festive qui traduit le plaisir qu'ils prennent à vous faire du mal. Sont visiblement contents d'eux, alors l'escadrille du cynisme vous abandonne à votre triste sort et fonce à l'infini dans l'horizon sanglant de vos rêves détruits. All inclusive : ( démarre à 2' 55'' ) : un bourdonnement prolongé pour débuter, un peu comme le début de la Tétralogie wagnérienne l'om du malheur métaphysique dont êtes prisonnier, et puis une accélération foudroyante, des cris de haine qui vous tombent dessus à la manière des flèches agoniques d'Héracles sur les oiseaux de Stymphale, le soleil est devenu aussi noir que votre âme et des vociférations telluriques vous emmurent les tympans à tout jamais, et toujours cette aigrette aigrelette de presse-purée moqueur qui grince comme si l'un des rares neurones de votre cervelle tentait vainement de résister à ce traitement de choc, mais non vous serez pas le grain de sable qui enrayera l'engrenage de ce retors rotor surpuissant. La maison ne fait pas de crédit, pas de remise de peine, par contre tout est compris dans le prix. Sévices irréprochables. Mother faces 30years in prison : ( attaque à 4' 28'' ) : tiens c'est les soldes, ils ont décidé de liquider leur complexe d'œdipe. Ils ont raison, c'est comme cela que l'on grandit. Batterie endémique aussi puruleuse que les sept plaies d'Egypte, guitares tournoyantes et la voix traitée en meute de chiens qui se disputent la dépouille sanglante de la biche – pas plus innocente que vous puisqu'elle ne mérite pas de vivre - dépecée. Ne vous laissent même pas un os à moelle à sucer pour vous remercier de les avoir écoutés jusqu'au bout.

    A écouter en boucle. Si vous êtes clautro évitez, le son vous emprisonne comme des petits pois dans leur cosse. Idem si vous ne supportez pas les cris et les bosses. Attention pour les cadeaux sous le sapin. Plutôt Père Fouettard que Père Noël. Déconseillé pour Tante Agathe. Faudra qu'un jour ils sortent ce bébé vagissant sur un vinyl. Ce sera le 45 tours le plus nocif du rock français. Un objet digne de vous. A la condition expresse que vous soyez dignes de lui.

    Ce qui n'est pas donné.

    Damie Chad.

     

    MANHATTAN FOLK STORY

    DAVE VAN RONK

    Avec Elijah Wald.

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    Le guitariste qui a inspiré le film Inside Llewyn Davis des frères Coen que je n’ai pas vu. Dave Van Ronk décédé en 2002, reste une figure incontournable du folk américain. Un activiste, peu connu du grand public par chez nous, si ce n’est par les fans de Bob Dylan, les paléontologues de la musique populaire américaine le définissent comme le chaînon manquant entre Woody Guthrie et le Zimmerman. Van Ronk n’a pas pu terminer ses mémoires, la grande faucheuse l’ayant transféré au pays des ombres. C’est Elijah Wald qui a donc bouclé le bouquin en s’aidant des bandes de préparation et des interviews réalisées auprès de nombreux acteurs de la scène folk qui l’ont croisé et mené à divers titre des carrières dans cette branche de la zique contestataire. L’on peut le regretter, Van Ronk n’étant pas dépourvu d’humour n’est guère tendre avec lui-même. L’auto-dérision semble être sa seconde nature.

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    Né en 1936 - un an après Gene Vincent pour mieux signifier les bifurcations entre rock et folk - très vite abandonné par son père, pourvu d’une mère souvent absente, Dave Ronk passe papido sur ses premières années, ce n’est pas qu’il veuille les biffer de sa vie, révèle son pragmatisme, c’était comme ça, un point c’est tout, pas de pleurs, pas d’auto-apitoiement, ni d’introspection psychanalytique à la petite semaine. Plonge directement dans sa vie. L’a compris que son faux statut de petit-bourgeois très au-dessous de la moyenne ne le mènera pas bien loin. Suit son instinct d’adolescent, qui le conduit surtout dans des impasses. C’est qu’il veut devenir musicien. Une intention louable. Mais il n’est pas doué, gaucher contrarié, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux question agilité des doigts lorsque l’on s’obstine à pratiquer un instrument… Mais il s’obstine d’autant plus qu’il abandonne l’apprentissage du solfège trop rébarbatif et du même coup le piano. Se rabat sur la guitare - influence de Charlie Christian - qu’il remplacera par le banjo. Un instrument qu’il aura du mal à maîtriser.

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    Ce n’est pas qu’il préfère le banjo à la guitare. Avant tout un choix idéologique. Le petit gars de Brooklin s’est naturellement orienté vers le jazz. En ses débuts il ne se pose pas de problème, il aime tout ce qui est bon, d’Amrstrong à Charlie Parker pour prendre des noms symboliques. Il rencontre Clarence Williams - compositeur de Crazy Blues, le premier blues officiel enregistré par Mama Smith, chasseur de tête pour Okeh qui découvrit Bessie Smith - Clarence lui apprend à écouter des disques, à reconnaître le style de chaque soliste, à comprendre comment ils résolvent les problèmes qu’ils se posent… parallèlement Dave profite de toutes les occasions pour jouer sans oublier de s’initier à la marijuana. A seize ans il décide de devenir musicien de jazz professionnel.

    Déclaration de guerre musicale, il s’engage du mauvais côté. Le monde du jazz s’est scindé en deux camps irréconciliables. Les anciens contre les modernes. Les tenants du premier jazz contre les amateurs des novateurs de la deuxième génération. Jazz trad contre be-bop. Il s’est enferré dans une mauvaise route. S’aperçoit qu’il en arrive à défendre par principe des musiciens qui refourguent les vieux plans éculés aux véritables aventuriers et créateurs. Il est difficile d’avouer que l’on s’est trompé. Cela ressemble à une trahison. Quand on y pense n’est-on pas trahi que par soi-même ? Honteuse palinodie ou stérile entêtement ? Une seule solution pour échapper à un tel marasme psychologique, se trouver, pour ne pas parler d’issue de secours, une porte de sortie…

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    Il n’est pas un bon musicien de jazz. On le tolère avant tout parce qu’il se charge de la tâche ingrate et infamante pour tous les musicos de jazz : le chant. L’a une grosse voix - qui lui sert à couvrir ses insuffisances instrumentales - dont il use à volonté. C’est une copine qui lui demande de l’accompagner à Greenwich Village, une première visite qui laissera des marques… Et surtout cette découverte de visu de ce style de jeu de guitare qu’il ne connaissait pas : le finger-picking qui lui ouvre de grandes perspectives… Certes il ne sera jamais un grand instrumentiste, se débrouillera, mais son atout maître dans ce nouveau monde sera sa voix sonore.

    UN PEU DE POLITIQUE

    Petit intermède boulot de marin bien payé, le pied quand le job de musicien vous a souvent laissé le ventre vide… Mais le revoici à Greenwich Village avec une belle guitare. Pour la musique vous attendrez un peu, Dave Ronk est décidément un être idéologique. Le folk est-il de gauche ou de droite ? Grave question, mon bon monsieur, il est avant tout un ramassis de chansons que tout le monde connaît. Si vous voulez chanter, vous puisez dans le pot commun, un point c’est tout. Il existera même un folk d’extrême-droite, les fameuses racines ancestrales de la race blanche. Par contre s'est creusée une sacrée différence entre le folk rural et le folk urbain. La même qui parcours les milieux occitanismes en France, entre les tenants de l’occitan, artificiel idiome moderne créé de toutes pièces par les intellectuels au dix-neuvième siècle et les tenants du patois, pardon des patois, car chaque village possède ses vocables et ses expressions qui lui sont propres, les modernistes s’exprimant en un strict et honteux volapuk non représentatif…

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    Ceci posé, Dave Ronk survit dans un milieu de marginaux, des gens sans travail ou des étudiants en rupture d’études. Naturellement de gauche serait-on tenté de dire. Commence par rendre hommage au Parti Communiste américain, qui a été au cœur des luttes sociales et qui a subi de plein fouet le maccarthisme, en perte de vitesse, parce que la répression l’a durement touché mais surtout parce que toute une nouvelle génération avide de liberté ne se reconnaît plus dans ce qui se passe en URSS, la révolte hongroise sonnera le glas de bien des illusions… Par contre-coup les luttes syndicales menées depuis les années 10 par les IWW lui paraissent participer d’une philosophie libertaire beaucoup plus tentante, Woody Guthrie n’a-t-il pas participé guitare en main aux grèves des cueilleurs de fruits dans les grands domaines californiens. C’est décidé, Dave Ronk sera anarchiste ! Jusqu’à ce qu’un vieux militant lui demande perfidement s’il a lu Kropotkine ( et tous les autres ) dont il ignorait jusqu’à l’existence. Dave s’aperçoit qu’il a besoin de lire… Nous sommes en 1956, toute cette mouvance gauchisante sera au rendez-vous des luttes pour les droits civiques aux côtés des noirs.

    En 1957 ouvre le Café Bizarre, le premier muni d’une véritable scène spécialement ouverte au folk, elle sera inaugurée par Odetta, toute jeune mais qui possède déjà une légitimité artistique au moins égale à celle d’un Pete Seeger. Dave ouvre la deuxième partie du spectacle. Odetta le félicite et lui demande une cassette qu’elle passera à Albert Grossman le propriétaire du Gate of Horn, le cabaret folk par excellence, sis à Chicago. La démo ne parviendra jamais à Odetta, et notre Dave ( je m’y voyais déjà ) Ronk après d’interminables semaines d’attente monte en stop à Chicago. Grossman l’écoute mais lui fait remarquer qu’il fait un peu pâle figure comparé à Big Bill Broonzy, Josh White, Brownie McGhee et Sony Terry… Retour à la case départ.

    MONTEE EN PUISSANCE DU NEO-FOLK

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    1957 et 1958, furent cruciales. Le mouvement néo-folk commença à s’organiser. Izzy Young ouvre le Folklore Center, un petit magasin de disques et de livres consacrés au folk qui ne tarda pas à devenir un lieu de rendez-vous et de discussion. Le panneau des petites annonces servit à de multiples rencontres… Une base organisationnelle c’est bien, un vecteur de diffusion des idées c’est mieux. Ce fut Lee Shaw Hoffman qui créa le magazine Caravan. Dave Ronk n’hésite pas nous donner de larges extraits de ses éditoriaux, le premier une attaque en règle contre le catalogue Elektra qu’il accuse de n’offrir que du bon vieux folk traditionnel peu urticant, et le deuxième une défense de Pete Seeger à qui certains reprochaient son engagement militant pro-communiste. La théorie c’est bien, la pratique c’est mieux. Tous nos jeunes artistes sont en manque de concerts, se formera la Folksingers Guild Retribution destinée à organiser la défense et la promotion de ses adhérents. Un conglomérat d’amateurs certes mais au milieu de cette armada mexicaine peu douée certains espèrent devenir de véritables professionnels. Leurs concerts regroupent entre trente et deux cents personnes. Dave Ronk fait partie du haut de panier. Le monde bouge, certaines émissions de radio spécialisées commencent à faire appel à eux. The times they are a changin’ comme dirait l’autre.

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    N’empêche que le revival folk se fait attendre. Malgré l’aide du vétéran Paul Clayton, la situation de Dave ne s’arrange point. Plus tard Clayton deviendra le mentor de Dylan qui lui empruntera beaucoup pour Don’t Think Twice. Van Ronk participera à quelques anthologies foireuses parviendra à arracher à Kenny Goldstein un contrat pour Folkway. Le trente-trois tours enregistré en un jour, avec pour seul additif à une voix haut perchée un micro et une guitare pas plus maîtrisés l’un que l’autre, n’est pas un chef d’œuvre. Bien plus passionnante s’avère la rencontre avec Sam Brill l’homme qui avec son bouquin Country Blues relança l’intérêt pour le blues et déclencha la recherche à travers tout le pays des vieux bluesmen que tout le monde croyait morts.

    ESCAPADE CALIFORNIENNE

    Un plan d’enfer, un copain qui lui refile l’adresse d’un restau-concert à Los Angeles, cent vingt cinq dollars la semaine. Ce qui nous vaut un remake de On The Road de Kerouac, la traversée des States sous la neige. L’arrive à San Francisco. Tout le long du chemin, il s’est aperçu que la chasse aux barbus est ouverte, à Frisco les autorités n’aiment pas tout ce qui ressemble de près ou de loin à un beatnick… Il rencontre Mimi Baez à l’époque beaucoup plus connue que sa cadette Joan… Se laisse un peu vivre, la scène folk de Frisco est envahie d’étudiants friqués qui dispensent une musique ennuyeuse et médiocre. Beaucoup de syndicalistes, d’anarchistes, et de gauchistes. L’est comme un poisson soluble dans l’eau frelatée d’un aquarium… Sous l’injonction téléphonique de Terry sa petite amie, il file enfin à Los Angeles profiter de la place promise, la paie est bonne, mais ce n’est pas le plus important, c’est-là où il apprend le boulot, chante six soirs par semaines jusqu’à cinq sets par soirée. Il rentre à New York. Dresse le bilan : positif : a fait la connaissance d’une légende vivante du folk New Yorkais qui s’était tiré faire fortune sous les palmiers, Ramblin’ Jack Eliott, négatif : par rapport à la côte du Pacifique, New York est en retard question folk, partout l’on trouve des établissements qui programment à grands flots du folk, alors que dans la Grosse Pomme, découvrir un lieu où jouer s’avère difficile. Quand on se prend pour l’avant-garde et qu’ailleurs l'herbe est plus verte, il y a comme un bleime.

    MONTEE EN PUISSANCE

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    Rien n’a changé mais tout a évolué. Dave revient à New York sur la fin de l’été 1958, dans les deux années qui suivent a lieu une véritable révolution culturelle. De nombreux café-houses vont ouvrir. Ce n’est pas le folk qui en sera le premier bénéficiaire, mais les beatniks, ces poètes vociférant aux proclamations séditieuses attireront la clientèle des touristes qui débarquent en masse. Mais le spectre spectaculaire de la poésie est des plus limités, cris et chuchotements accompagnées de tamponnades de bongos finissent par lasser, les folkleux sont appelés à la rescousse. Van Ronk rappelle que les beats sont des amateurs de jazz et que plus subtilement le folk est le cousin germain du blues. Lui-même a fait de grands progrès à la six-cordes. Le fautif en est Gary Davis auquel il rend un magnifique hommage. Ce prêtre aveugle et baptiste qui accompagne ses sermons à la guitare est aussi un adepte de la musique du Diable. Chez lui, en privé, il n’hésite pas à jouer Cocaïne Blues. Possède une âme charitable, ne connaît pas la musique, mais lors de ses leçons de guitare, il ralentit les riffs pour que l’élève Dave puisse voir là où, et comment, il faut poser les doigts pour obtenir l’effet recherché.

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    Les coffee-houses ouvrent, ferment, changent de patrons, sont sous la surveillance suspicieuse de la police mais le mouvement est ascendant. Dave va de l’un à l’autre, d’abord adepte du Commons il jettera son dévolu sur le Gaslight qui paye mieux. N’en fait pas une description idyllique, un trou à rats - ceci n’est pas une métaphore - d’une saleté imbuvable, un ancien entrepôt de charbon - qui vous propose pour le prix d’un whisky un café imbuvable, quand vous avez bu une tasse vous n’en prenez pas une deuxième, vous quittez les lieux sans demander votre reste, ce qui est parfait car vous pouvez accueillir une nouvelle fournée de touristes décidée à s’encanailler… L’on sent que Dave est devenu un des principaux personnages de Greenwich, il a ses entrées partout, est souvent chargé de la programmation. Il est aussi pratiquement le seul survivant des années de bohème précédentes. Les étudiants originels ont repris leurs études, de partout arrivent des étrangers doués et qui en veulent… Les grandes voix du folk new yorkais proviendront des états lointains…

    L’EXPLOSION FOLK

    Un petit nouveau venu passe au Café Wha ? Arbore un nom destiné à devenir célèbre : Bob Dylan. Un maigrichon, bourré de tics, une voix calamiteuse, une guitare intermittente, un harmonica essoufflé. Un mytho. Ce n’est pas le plus grave, dans le métier on réinvente son passé pour les besoins de la cause. Comprendre : l’effet escompté sur un groupe d’auditeurs particuliers. Par contre le Bob possède deux qualités essentielles, certes il vous raconte des craques mais vous êtes sous le charme, mais le plus gravement génial c’est que le gars il a compris que l’on ne gagne qu’avec les armes que l’on possède, les siennes sont rouillées et tordues, tout autre penserait s’en défaire mais lui non. L’assemble tous ses manques et toutes ses défectuosités en un mix unique, un tract incapacitant métamorphosé en tremblements de prophète, une voix abominablement nasillarde, un harmonica asthmatique et une guitare bringuebalante, ce juif rachitique a du génie, un véritable charmeur de serpents qui tient le rôle du serpent. Brûle les étapes, commence par squatter le canapé de Dave - ce qui n’est pas un exploit, son appart est une ruche à amis et à folkleux démunis, Terri lui sert d’imprésario, il se débrouille l’on ne sait comment pour avoir une cohorte de fans fidèles qui le suivront partout, est vite remarqué par Albert Grossman qui lui signe un contrat chez Columbia.

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    Dave en profite pour tracer un intéressant parallèle entre l’itinéraire de Ramblin’ Jack Elliott, fils de bonne famille new yorkaise parti courir les routes californiennes avec Woody Guthrie, alors revenu sur la côte est pour profiter du boom-folk, et Dylan.

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    Quelques pages sur l’affaire de The house of the rising sun. Le morceau c’est une découverte de Dave sur un vieux disque appartenant à Hally Wood, un enregistrement de Georgia Turner effectué dans le Kentucky par Alan Lomax. Dave en a peaufiné l’arrangement, et compte le mettre sur son prochain disque, dans la série ce qui est à toi ne ferait pas de mal dans mon escarcelle Dylan l’enregistrera sur son premier trente-trois. Gros froid entre les deux amis. Se réconcilieront, mais rien ne sera plus comme avant. Pour la petite histoire The Rising Sun n’était pas un bordel de la Nouvelle-Orleans mais une prison. Un nom qui fleure bon, enfin qui pue, la rédemption chrétienne. Le Pénitencier de Johnny est donc assez proche de l’esprit originel, Saluons l’intuition d’Hugues Aufray qui composa les paroles…

    Comme le livre est censé raconter la carrière de Dave, revenons à lui, l’est au plus haut de la vague. L’est invité dans la ville de Cambridge, la hype de l’intellingentia américaine, qui se pare de la plus prestigieuse des universités : Harvard… dont de nombreux étudiants s’adonnent au folk. Ronk ressort son vieux couplet prolétarien anti-petits-et-grands-bourgeois sans problèmes… N’empêche qu’il est obligé de reconnaître que la mouvance cambridgienne très old-folk et peu ethno-folk compte tout de même quelques cadors, Bob Gibson par exemple, dans ses rangs. L’en profite pour passer ses nerfs sur le néo-folk féminin, toutes ces filles chantent dans le style des générations précédentes, Joan Baez la première. Ses préférences vont à Joni Mitchell. Dans le village Grossman a dans l’idée de monter à un bon vieux trio à l’ancienne, ce sera Peter Paul and Mary qui attirera le grand public au folk. En plus ils auront la bonne idée de reprendre The River un morceau de Dave, ce qui lui vaudra un bon paquet de royalties. Dave ne crache pas sur la monnaie, question romantisme de la misère il a déjà donné.

    OLD BLUES AND NEW SONG

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    L’argent arrive. Dave signe chez Mercury, auparavant il enregistre deux galettes chez Prestige, une de jazz trad, et une de jug band. Qui ne marcheront pas fort, mais l’on revient toujours à ses premières amours, le passage du jug band au Newport Jazz festival sera un fiasco, vite oublié avec la clique de revenants qui firent leur apparition, jugez du beau monde : Mississippi John Hurt, Skip James, Sleepy John Estes, Robert Wilkins, Fred McDowel, Fury Lewis, Booker White, Yank Rachell et jusqu’à Son House et Lonnie Johnson. Dave les croise en tournée, joue avec eux, les côtoie de près, et nous livre de savoureuses anecdotes que les amateurs de Blues apprécieront.

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    Et Dylan se mit à l’électricité. Ce n’était plus du folk, mais ce n’était pas le plus grave. Se mit à écrire ses propres morceaux lançant ainsi la mode des « auteur-interprètes-compositeurs » ce qui lui faisait franchir le Rubicon qui sépare le folk de cette sous-musique pour laquelle Dave n’emploie pas le mot rock afin de l’étiqueter. Le plus fou c’est que Dylan n’était pas le premier, avant lui Tom Paxton et Phil Ochs l’avaient précédé, Paxton dans l’expression lyrique et Ochs selon une couleur politique beaucoup plus prononcée. Mais Dylan était beaucoup plus doué. L’avait le style qui faisait la différence. L’avait aussi de la jugeote, comprit vite que des textes en faveur des droits civiques et contre la guerre au Vietnam ne seraient plus d’actualité lorsque ces deux causes seraient périmées. Contrairement à Dylan, Ochs et Paxton n’avaient point lu et soigneusement annoté la collection des poëtes français de la bibliothèque de Dave. Le Zim avait pris des leçons chez Rimbaud et Mallarmé. Cela densifia quelque peu ses textes. Dylan avait des facilités : travaillait vite et bien, si vite qu’il se convainquit que personne ne ferait la différence entre un beau couplet et un charabia pondu au fil de la plume. Si Dylan l’avait écrit et si vous ne compreniez pas, c’était de votre faute. On ne prête qu’aux riches… Dave ne mâche pas ses mots. Les dylanophiles n’apprécieront pas. Dave vous refile la recette : rédigez n’importe quoi et prétendez-vous artiste ! Toutefois Dave se mettra à écrire quelques unes de ses chansons : nous en donne un exemple inspiré de Villon. Ce n’est pas mal du tout, Dylan aurait pu le signer…

    THE END

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    1967-1968, l’attrait de l’argent a changé la donne, le rock devient hégémonique, lorsque Dave le puriste consent à former un groupe il est trop tard… Les dix années suivantes seront difficiles, retour à la case départ, refaire les cafés, redonner des leçons de guitare, accumuler les dettes… La machine se remettra en route grâce à l’Europe, nouvelles tournées, mais cela c’est Elijad Wald qui le raconte, Dave Van Rock s’arrête au début de la fin, son projet n’était pas de rédiger une autobiographie mais de rendre compte de la mouvance new yorkaise de la grande panique folk. Essaie de rester debout, se retranche dans la fierté de son intégrité, mais quand il mesure son destin à celui de Bob Dylan, la nostalgie est dure à combattre, l’aura fait ce qu’il aura aimé, ce qu’il aura pu. Pour la plupart d’entre nous il est difficile de faire mieux. Et même aussi bien.

    Damie Chad.