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macy gray

  • CHRONIQUES DE POURPRE 697 : KR'TNT ! 697 : WEIRD OMEN / MACY GRAY / ACE / EDDIE HOLMAN / WILD BILLY CHILDISH / ROCKABILLY GENERATION NEWS / ROCKMANDIE / GENE VINCENT

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 697

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    03 / 07 / 2025 

     

    WEIRD OMEN / MACY GRAY / ACE

    EDDIE HOLMAN / WILD BILLY CHILDISH

    ROCKMANDIE / GENE VINCENT

      

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 697

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

    L’avenir du rock

     - Es spiritus sancti, Omen

    (Part Three)

     

             Chaque fois qu’il va se recueillir sur une tombe, l’avenir du rock se fend d’une petite élégie taillée sur mesure. Par exemple, sur la tombe de Gene Vincent :

             — Es the girl in red blue jeanstus, Omen !

             S’il va sur la tombe de Lou Reed, c’est pour balancer ça qui n’est pas mal :

             — Es couldn’t hit it sidewaystus, Omen !

             Peut-on pardonner l’avenir du rock d’aller tripoter «Be-Bop-A-Lula» ou «Sister Ray» à des fins éditoriales ? Pendant qu’on se pose la question, il continue d’hanter les cimetières. Il arrive sur la tombe de Jimi Hendrix et se fend de ça, dont il est particulièrement fier :

             — Es the night I was bornus/ Lordus/ The moon turned a fire redus, Omen ! 

             Et comme ça se passe la nuit, la lune devient rouge. Au moins, on ne pourra pas accuser l’avenir rock de bidonnage. 

             S’il va sur la tombe de Lux Interior, c’est bien sûr pour énoncer une suite lunaire :

             — Es turnus into a teenage Goo Goo Muckus, Omen !

             Et s’il se rend à Graceland pour se recueillir sur la tombe d’Elvis, il va déclarer le plus solennellement du monde :

             — Es blue moonus/ You saw me standing alonus, Omen !

             Pendant que l’avenir du rock fait le malin sur les tombes et s’escrime à vouloir cirer les pompes de Weird Omen, t’en as qui se demandent quel type d’élégie on prononcera sur sa tombe une fois qu’on l’aura enterré. Un truc du genre :

             — Es avenirus du roquefortus, Omen !

             Ou encore mieux :

             — Es connardus sancti, Omen !

     

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             Parlons de choses sérieuses. L’organique. Weird Omen. Tu ne peux pas ramener les mots habituels. Le pulsatif organique de Weird Omen remet tout à zéro.

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    Le seul mot habituel qui peut survivre dans cette fournaise, c’est wild-as-fuck, ou encore hot-as-hell, qui veut dire la même chose. Tout Weird Omen descend en droite ligne de la barbarie sonique de «Sister Ray», des transes de Trane et de celles de Steve MacKay au temps de Funhouse, mais en mille fois plus avant-gardiste. En mille fois plus fusionnel, leur son fond littéralement sur scène et Fred Rollercoaster

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    l’alimente en pulsant son son, il souffle et bat comme un gros cœur, il thr-thr-throb et il p-p-p-pant, son out-of-breath frise l’outta-mind, il vacille en permanence au bord du gouffre, il nourrit le rock pour un faire un monstre, il en fait un Moloch qui dévore la Maro, il fond tout, surtout les cervelles qui ne peuvent pas résister à des chaleurs pareilles, et bizarrement tu te sens bien, car t’auras jamais ça ailleurs.

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    Weird Omen te sert sur un plateau d’argent cet art supérieur du rock en fusion qui est de leur invention. Tu savoures le privilège de goûter ces rares instants d’ouverture sur l’avenir, t’es en prise directe sur l’une des formes les plus parfaites d’aboutissement de l’art moderne. T’as à la fois le passé, le présent et l’avenir du rock, t’as l’hypnotisme du Velvet et la folie Méricourt de Trane, t’es dans l’excès de pureté purpurine, t’es dans la réinvention de l’atome du rock, t’es dans l’expérience définitive, t’es en plein reformatage de ta cervelle, t’es dans le voyage au chœur de

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    l’enfer, c’est-à-dire le white heat originel, tu prends le vieux big bang en pleine gueule et tu t’en réjouis de tous les atomes de ton corps, t’es dans la lutte finale, t’es dans la sidération sidérale, t’es dans l’implosion managériale, t’es dans un fabuleux voyage de non-retour, t’es d’accord sur tout, absolument tout, t’es d’accord avec la moindre goutte de Weird Sound, t’es d’accords avec la Gretsch blanche de Sister Ray, t’es d’accord avec la frappe sèche du fantastique Dam-O-maD, t’es d’accord avec les chaînes de Fred Rollercoaster, t’es encore plus d’accord avec le sang sur son

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    visage, t’es d’accord avec Daccord, t’es d’accord forever, t’en finis plus d’être d’accord, t’en finis plus de d’accorder des accords, t’en finis plus de courir après l’image, t’es d’accord avec le fait qu’un coup de dé jamais n’abolira le hasard de l’image, alors t’y vas de bon cœur, t’es dans la transe de leur transe, t’es porté et même transporté par cette mer de lave spirituelle, t’es fluxé par les ondes du vif argent, et t’as ce mec à un mètre qui n’en finit plus de tournoyer sur lui-même et de pouetter dans son sax pour la postérité.

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             Bien sûr, il faut écouter Blood toutes affaires cessantes. C’est un album brutal et bienvenu, classique et sauvage, parfaitement en phase avec ce qu’on voit sur scène, le white heat en moins. Une belle dose de Stoogerie remonte du riff raff de «Middle Class». Sister Ray chante avec un bel accent décadent. On retrouve encore l’esprit de la fournaise de Fun House dans «Slumlord». Flamboyant ! Demented ! Play it loud ! Le sax défonce tout ! Les colonnes du temple dansent le twist ! Le «Substitute» qui suit n’est pas celui des Who : t’as encore un cut bardé de clameurs et les montées en température sont exemplaires. La B est encore plus jouissive, et ce dès «Lord Have Mercy», qu’ils jouent en ouverture de set : c’est de la dégelée en intra-veineuse. Tu ne t’en lasses pas, alors ils t’en donnent encore. Toujours cette santé insolente avec «Wake Up». Même le ventre-à-terre est bien chez les Weird Omen. Ils te montent «All Wrong» sur une structure gaga classique, mais avec le pilon des forges en plus. Et puis Fred Rollercoaster injecte une monstrueuse dose de modernité dans «Won’t Last Long». Et ça continue comme ça jusqu’au bout de la B, avec un «Can’t Explain» qui n’est pas celui des Who, mais qui est aussi brillant, avec des nappes de clameurs extraordinaires, et tu regagnes la sortie à quatre pattes avec le morceau titre, un instro scintillant, une sorte de cerise sur un gâtö brûlant. 

    Signé : Cazengler, Weird hymen

    Weird Omen. La Maroquinerie. Paris XXe. 4 juin 2025

    Weird Omen. Blood. Beast Records 2025

     

     

    Wizards & True Stars

     - Macy Star

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             Tu connaissais le nom de Macy Gray, mais ça s’arrêtait là. Tu la connaissais comme tu connais Roberta Flack ou Natalie Cole. Tu peux même te vanter d’avoir tous leurs albums, comme tu as tous ceux de Smokey Robinson ou de Curtis Mayfield : ils sont là car dans ta tête de fou, tu t’es imaginé qu’un jour tu leur consacrerais un book, alors pour ça, il faut tout écouter. Ramasser tous ces albums est un travail de longue haleine qui s’étale sur vingt ou trente ans. Et puis un jour tu décides d’attaquer la pile des Smokey, parce qu’il est actuellement en tournée en Angleterre. Tu trouves des prétextes. Attaquer l’écoute d’une œuvre n’est pas aussi simple qu’on croit.

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             Pour Macy Gray, c’est beaucoup plus facile : elle est devant toi, sur scène, à quelques mètres seulement. Il te faut un certain temps pour t’habituer à cette idée : Macy Gray en chair et en os juste devant tes yeux de merlan frit.

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             Macy est devenue une lady d’un certain âge, mais elle n’a rien perdu de son extraordinaire charme black. Elle fait sa diva jazz derrière son micro. Elle porte des gants, une robe longue très chamarrée et un boa. Et paf, elle te groove the night away comme peu d’artistes savent le faire. Elle charrie des accents d’Aretha, de Sarah Vaughan, de Roberta et de Natalie, et met en route un processus alchimique qu’on appelle aussi le Grand Œuvre de la Soul, elle ergote, elle glisse, elle couine, elle sort, elle hoquette, elle miaule, elle revient dans le groove en rigolant, elle a des petits gestes de diva nerveuse, et elle revient toujours avec un sourire extravagant. Quatre surdoués l’accompagnent : un bassmatiqueur de génie, perruqué de frais, sur une six cordes, une petite gonzesse métis gratte ses poux sur une Strato toute neuve, et derrière sur une estrade, t’as encore deux perruqués de génie, un simili-Spike Lee aux claviers qui te pianote le jazz quand ça lui chante, et un batteur de jazz qui te groove tout ça en profondeur. Bien sûr, tu vas être obligé d’avouer que t’es dépassé par le niveau de ces gens-là. Et même obligé de constater que t’as mis les pieds au

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    paradis sur la terre. Car tu ne peux rien espérer de mieux que ce qui se passe sur scène ce soir-là. Macy Gray est l’une des géantes de notre époque. Elle fête le 25e anniversaire de son premier album, On How Life Is. T’es knock-outé par sa version de «Sunny». Elle rend le plus beau des hommages à l’immense Bobby Hebb, elle lui jazze la couenne avec une passion animale, tu vois rarement des artistes jazzer ainsi

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     la matière d’une chanson. Elle fait avec «Sunny» ce que Rodin fit avec l’argile : il fait corps avec la matière. L’argile fait partie de lui. Rodin est toujours le premier artiste qui vient à l’esprit lorsqu’on évoque ce travail qui consiste à pétrir la matière pour en faire une œuvre. Mais on pourrait choisir le nom de Godard qui pétrissait lui aussi avec ferveur la matière de l’image et du récit cinématographique, ou encore le nom de Coltrane qui pétrissait jusqu’au délire les immenses possibilités de ses gammes de sax, où encore Mallarmé qui a tellement pétri la métrique qu’il a fini par inventer la modernité et ouvert un champ infini de possibilités. Macy Gray pétrit la Soul de jazz comme James Brown a pétri l’hard funk, elle donne corps à un groove hallucinant de la même façon que Turner donnait corps à la lumière à travers le fog, elle hisse son art aussi haut que le fit James Joyce en son temps avec le sien, elle y met toute sa rage de la même façon que Céline mit la sienne à inventer un genre littéraire pour dire tout le mal qu’il pensait du genre humain. Mais contrairement à Céline, Macy Gray ne cède pas au désespoir. Elle préfère rire et faire chanter les blancs agglutinés à ses pieds.

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             Elle tape une autre cover, celle du «Creep» de Radiohead et les gens chantent avec elle le so special. Elle y met autant de jazz qu’elle en mettait dans «Sunny». Elle te fait tourner la tête. Ton manège à toi, c’est elle. Elle va changer trois fois de robe dans la soirée. Chaque fois elle revient avec des pompes de couleurs différentes. Et trois fois, elle reprend sa magie là où elle l’avait laissée.

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             On ne l’a pas vraiment su à l’époque, mais On How Life Is est un very-very-very big album. Elle t’embarque aussitôt «Why Don’t You Call Me». Elle t’y creuse un tunnel sous le Mont Blanc, elle a du sucre et du chien à revendre. Quelle fabuleuse palette black ! Cet album grouille de coups de génie, tiens par exemple cet «I Try» qu’elle attaque au sucre proéminent et descriptif. Elle est sans doute la plus sucrée des Soul Sisters, avec Esther Phillips. Elle sait charger sa barque et devient prodigieuse au finish. Sur «Still», elle sonne comme Rod The Mod, comme une Soul Sister altérée, elle chante au sucre fêlé, c’est une Rod black, mais elle est beaucoup plus carnassière que Rod, elle mord dans la matière et propose un final apocalyptique en mode timbre fêlé. On n’avait encore jamais entendu ça ! On retrouve aussi le «Caligula» qu’elle tape sur scène, mais ce qu’elle en fait aujourd’hui est nettement plus sexy. Elle éclate le groove d’«I Can’t Wait To Meetchu» au sucre pré-pubère black. Elle est fabuleuse d’à-propos ! Elle finit avec une «Letter» qui n’est pas celle qu’on croit. Voilà l’hit du disk ! - So long everybody/ I have gone beyond the moon - Adieu génial - It’s worth the stay yeah yeah yeah ! Tu t’étrangles de bonheur à écouter ça  - So long everybody/ Mama don’t be sad for me/ Life was a headache/ And now I’m really free.  

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             Tu vas encore te régaler avec The Id. «Boo» sonne comme un hit, avec son léger côté «Season Of The Witch». Elle bascule ensuite dans l’heavy dancing blast avec «Sexual Revolution». Elle adore aller jerker. Avec sa voix d’ingénue libertine, elle est ravageuse. Elle est encore plus juvénile avec «Hey Young World Pt 2». Tu ne te lasseras jamais de sa fraîcheur congénitale. Elle est délicieusement jeune, elle se répand à la surface du monde. On retrouve son sucre candy black de génie dans «Sweet Baby». Pur génie vocal ! - Sweet sweet baby/ Life is crazy ! - Elle passe en mode heavy groove avec «Gimme All Your Lovin’ Or I Will Kill You». Elle te rompt toutes les digues et elle t’emporte, elle est fabuleusement intrusive, c’est à la fois heavy et sexy, c’mon ! Elle est épuisante d’heavy Soul sexuelle. Elle pourrait te rendre dingue. Elle groove encore comme une reine dans «My Nutleg Phantasy». Elle incarne à la perfection le concept de Soul moderne. Elle se dirige vers la sortie avec «Forgiveness», elle swingue le groove de la 25e heure. C’est un moment historique. Quelle modernité ! Modernité de son, mais aussi d’interprétation, elle groove vers l’avenir, elle donne à chaque cut une couleur particulière, un sens unique.          

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                  On a du mal à entrer dans The Trouble With Being Myself. C’est une Soul à la mode, une sorte de funk en chou-fleur. Macy sait dresser une table, pas de problème, mais elle n’as pas les compos. Elle nous remonte dans l’estime avec «Things That Made The Change», elle y groove sa chique en douceur et en profondeur. Elle flirte un peu avec l’hip-hop («She Don’t Write Songs About You») et passe au balladif totémique avec «Jesus For A Day». Elle se met à rêver - If I could be/ Jesus/ for just a day - et c’est là qu’elle t’hooke. Elle cherche encore sa voie avec «Happiness». Si elle avait des grosses compos, elle ferait un malheur, comme va le montrer son tribute à Stevie Wonder. Elle attaque son «Speechless» en mode Otis/Tenderness, avec le même sens de la faufilade. Mais elle n’a pas les bonnes compos.

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             Sur Big, Macy a une belle invitée : Natalie Cole. Bhaaam ! Elles duettent direct sur «Finally Made Me Happy». Elles s’en sortent à merveille et elles t’émerveillent la prunelle de tes yeux. Elles te servent sur un plateau d’argent l’apocalypse du paradis. Après c’est plus compliqué. Macy tape de l’heavy groove, mais trop à la mode. Elle revient au groove juvénile avec «What I Gotta Do», elle balance des oh yeah de rêve, des purs joyaux de la couronne, elle est exceptionnelle d’allure et d’oh yeah. Elle remet bien son sucre juvénile en avant dans «Glad You’re Here» et on la sent bien contente sur «One For Me». Mais c’est son sucre qu’on préfère, celui de «Strange Behaviour», un sucre délicieux qu’elle étale bien sur le groove. Son opiniâtreté l’honore. Elle ramène encore son sucre de rêve dans «Get Out». Elle y drive un magnifique drone de Soul. Elle tient tout à la seule force de sa candeur candy. Elle re-duette dans «Treat Me Like Your Money» avec un super-rapper nommé Will.I.am.

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             The Sellout n’est pas son meilleur album. On la sent pourtant déterminé à groover. Elle se montre très diskö queen sur «Lately», yeah yeah, c’est brillant, de toute façon. Sur «Kissed It», elle est accompagnée par Velvet Revolver, c’est-dire Duff McKagan et d’autres guignols des Guns N’Roses. Cut bien corsé, monté sur un beat glam punk. Ces mecs ne rigolent pas. On la sent à peine éveillée plus loin sur «Let You Win». Elle ramène une traînasse de ton fantastique. Mais globalement, tu restes sur ta faim. Ainsi va la vie.

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             En 2012, Macy fait deux albums de covers, Covered et Talking Book. Le choix de covers qu’elle propose sur Covered est discutable, mais en même temps typiquement américain. On l’a déjà remarqué : les Américains n’écoutent pas les mêmes disks que nous. Elle tape par exemple une cover de Metallica qui n’a aucun intérêt. Par contre sa cover du «Wake Up» d’Arcade Fire vaut le détour, car elle y ramène son sucre magique et nous mitonne un final explosif. Elle ramène encore son sucre magique dans «Bubbly». C’est un bonheur que d’entendre Macy chanter. Elle tape aussi dans l’avant-gardisme new-yorkais avec une cover du «Maps» des Yeah Yeah Yeahs, suggestion, dit-elle dans les liners, de sa fille aîné Aanisah. Il faut aussi écouter le «Really» final, car c’est un sketch hilarant : Macy prend la tête d’une animatrice radio en lui demandant d’annoncer «the great Macy Great», mais ce n’est jamais assez bien, alors Macy la reprend encore et encore, et l’animatrice finit par gueuler bullshit !, et par l’envoyer sur les roses. Et puis voilà le coup de génie de l’album : cette reprise du «Creep» de Radiohead qu’elle tapait l’autre soir sur scène. Choix déterminant. Le Creep lui va comme un gant - I wish I was special/ So fucking special - Elle balance un weirdo de rêve - What the hell I’m doin’ here - Elle incarne la perdition à la perfection et elle résonne de toute son âme, elle monte le cut en enfer, la-haut vers la lumière aveuglante, elle te retape tout ça au wish I was special, c’est d’une rare puissance, what the hell I’m doin’ here ! 

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             La même année, Macy rend un spectaculaire hommage à Stevie Wonder en reprenant l’intégralité de Talking Book. T’as au moins quatre covers géniales, à commencer par «You Are The Sunshine of My Life» qu’elle te groove vite fait, yeah, elle le prend au sucre tiède. Son yeah baby est d’une rare pureté. Son approche du grand art de Stevie Wonder est passionnante. Elle se fond délicieusement dans «You & I (We Can Conqueer The World)», elle lui donne de la voilure. Elle monte ensuite à l’assaut de «Tuesday Heartbreak». Macy forever ! Il faut la voir se jeter dans la bataille ! Elle devient ta favorite, avec Esther Phillips. Elle explose à coups de yeah is alrite ! Et puis bien sûr, tu l’attends au virage pour «Superstition». Au lieu de l’amener au riff de gratte, elle l’amène au groove de basse. Mais l’esprit est là. 

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             The Way ? Fuck, quel album ! Elle ramène ce sucre challengeur qui te prend aussitôt à la gorge. On entend derrière elle un sacré guitariste. Il s’appelle Jason Hill et fait des étincelles sur «Bang Bang». Elle passe au r’n’b des familles avec «Hands», c’est calibré pour la victoire, mais attention, voilà le hit : le morceau titre, une belle pop de Soul évolutive. Alors là oui ! Elle fait exploser son hit au so happy, hey ha ha ! - Take my hand and show me - et les chœurs ajoutent : «the way !». Là t’as l’hit de tes rêves. T’est vite précipité dans le lagon d’argent de Macy Gray. Hey baby ! Nouveau hit avec «Queen Of The Big Hurt», un heavy r’n’b de haut rang, elle le descend à l’escalier, elle te fait tournicoter la tête, elle est superbe ! Elle se lance ensuite avec «Me With You» dans l’heavy groove de tes rêves, c’est d’un lancinant qui finira par avoir ta peau. Puis elle repart en mode heavy pop avec «Need You Now». Quelle candeur ! C’est vraiment brillant. Elle descend littéralement dans la pop et te claque ça à la pure opiniâtreté. Ce beat de clap-hands est une merveille, elle lance le beat infini et l’accompagne, awite ! Okay, don’t fortget me now. Elle est stupéfiante ! 

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             Stripped est un album plus jazzmatazz. Macy sort sa plus belle traînasse pour t’ensorceler. Elle descend dans son «Sweet Baby» avec une rythmique Stonesy de type «Sympathy For The Devil», suivie par la trompette de Wallace Roney. Elle est accompagnée par des musiciens de jazz et la stand-up de Daryl Johns te buzze le jive d’«I try». Elle jazze dans tous les sens : latéralement («Slowly»), tranversalement («She Ain’t Right For You») et ça culmine de jazzmataszz dans «Nothing Else Matters». Russell Malone y coule un pur jazz solo à la Wes Montgomery et Wallace Roney rajoute un solo de trompette digne de ceux de Miles Davis. Elle termine avec le puissant jazzmatazz de «Lucy», hey baby would you be my man, elle y va au easy baby. Magnifico ! Jazzy, Michel !

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             Macy a encore un invité de marque sur Ruby : Gary Clark Jr. ! Il intervient sur le final de «Buddha». Elle entre au sucre d’hovy-hovy hov ! et fait de son Buddha une merveille tentaculaire. Et bien sûr Gary Clark Jr. arrose tout ça de sonic genius. Elle interpelle le white man dans «White Man», hey white man, un bassmatic puissant lui pulse les hanches et ça vire jazz festif avec une trompette. Elle repart en mode round midnite dans «Tell Me» et ramène son sucre fatal. Fabuleux feeling ! C’est fracassant de véracité, elle nous plonge dans les années 20 avec un solo de sax. Elle attaque plus loin «When It Ends» au sucre avancé - I can’t fake it - Elle reste intense dans l’expression de sa véracité fêlée. Elle se montre encore délicieusement intrusive avec «Jealousy», elle t’arrime la proue et tu ne peux plus la quitter. Encore plus pur, voilà «Shinnanigins» qui sonne comme un  hit de Magic Macy. Même dans les balladifs («But He Loves Me»), elle sort l’un des meilleurs répondants d’Amérique. 

    Signé : Cazengler, Macy beaucoup

    Macy Gray. Le 106. Rouen (76). 24 mai 2025

    Macy Gray. On How Life Is. Epic 1999  

    Macy Gray. The Id. Epic 2001                

    Macy Gray. The Trouble With Being Myself. Epic 2003 

    Macy Gray. Big. Geffen Records 2007 

    Macy Gray. The Sellout. Concord Records 2010 

    Macy Gray. Covered. 429 Records 2012

    Macy Gray. Talking Book. 429 Records 2012 

    Macy Gray. The Way. Happy Mel Boopy 2014 

    Macy Gray. Stripped. Chesky Records 2016

    Macy Gray. Ruby. Artistry Music 2018

     

     

    Label bel bel comme le jour

    - Jusqu’à l’oss de l’Ace

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             Dans un monde idéal, chacun d’entre nous se jetterait toutes affaires cessantes sur le book de David Stubbs, Ace Records: Labels Unlimited. Ce grand format est à la fois un point de départ et un passage obligé. Tu n’as même pas à te poser la question : tu le vois, tu le ramasses et tu le lis.

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    Ted Carrolll

             Ce ne sont pas les Aventures Extraordinaires d’Arthur Gordon Pym, mais celles de Ted Carroll et Roger Armstrong, qui, dans la culture rock britannique, occupent le même rang qu’Andrew Loog Oldham, Brian Epstein ou encore Guy Stevens. Ils sont les architectes du British Gai Savoir, les Prêtres du Culte de la Red. Dans l’inconscient collectif britannique, le mot ‘Ace’ occupe la même place que le mot ‘Beatles’.

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             L’ascension des gens d’Ace s’est faite en trois étapes : le stall, Chiswick puis Ace. Arrivé d’Irlande, Ted Carroll s’est installé à Londres pour booker des concerts et vendre des disks sur son market stall, à Soho. Il commence par récupérer un stock de «London American 45s» - I often had 50 copies of very rare records, like «Say Man» by Bo Diddley - Il les vendait £1 ou £2, et ils valent aujourd’hui plusieurs milliers de £. Il indique qu’il y avait la queue sur son Rock On stall - It was the London 45s that attracted them... The London label was the Holy Grail back then - Ted Carroll jette les bases de son biz : la vente de disks rares à des gens passionnés. Tout passe par la qualité des sources. Il démarre avec le London label, puis va bientôt ramener des États-Unis des paquets de singles parus sur des labels encore plus légendaires. Nick Garrard qui manageait les Meteors venait sur le Rock On stall échanger des singles Sun contre les Frankie Lymon sur Columbia que Ted recherchait.

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             Parmi les clients du Rock On stall, il y avait McLaren, Lenny Kaye, Joe Strummer - Joe Strummer was in all the time - Jesse Hector was here from day one - Il se souvient aussi de Jimmy Page, accompagné de BP Fallon, venu acheter «a load of Sun 45s at the Golborne Road stall.» Il voit aussi passer Lemmy et John Peel. En 1973, nous dit encore Stubbs, Phil Lynott allait immortaliser le stall dans «The Rocker» - I get my records from the Rock On stall/ Rock’n’roll/ Teddy Boys/ He’s got them all.

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             Ils vont passer du stall à la boutique, le fameux Rock On shop de Candem. Nick Garrard va s’installer à l’étage au-dessus de Rock On, et tenir la boutique jusqu’à la fin : il n’ouvrait plus que le samedi et le dimanche - Bob Dylan came in spent a load of money, mainly on Gospel albums. Same thing for the Cramps. Ils arrivaient à 18 h, juste avant la fermeture, on fermait et on restait deux heures avec eux.

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             Puis l’idée vient de monter un label. Ted cherche des groupes qui puisent aux mêmes sources que le Rock On stall : «Low budget, local but fired up with the same essential, rough’n’ ready real-time energy of early rock’n’roll.» Ce sera le pub-rock. Pour lancer Chiswick, il sort le «Brand New Cadillac» de Vince Taylor qui est alors très recherché - On l’a bien vendu, parce que les disquaires cherchaient un single du calibre de «Jungle Rock» - Ted dit en avoir vendu 10 000 ex pretty quickly. Charly avait en effet raflé la mise en rééditant le «Jungle Rock» d’Hank Mizell.

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             Ted et Roger sortent le single des 101ers, puis le «Gorilla Got Me» Gorillas, «led by an extraordinarily extroverted Jesse Hector.» C’est l’époque de ses grandes déclarations dans le NME : «It’s quite simple. I’m special. Very soon, the kids are going to rely on me the way they once did with Jagger, Townshend and Hendrix. New stars must emerge and I know  I’m the logical successor.» Roger voit Jesse Hector comme «one of the most amazing stage performers you ever saw.» Et il enfonce bien son clou : «He was extreme rock’n’roll - even the punks liked him. Sniffin’ Glue put him on their front cover.»

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             Autre fleuron de Chiswick : les Damned. Vicki Fox : «The Damned were Roger’s indulgence. They were his babies.» Pourtant, ils vont démarrer sur Stiff avant de revenir dans le giron de Chiswick pour Machine Gun Etiquette et un single banni par la BBC, «Smash It Up», car considéré comme une incitation à la violence. Rien qu’avec les Damned et les Gorillas, Chiswick était dans le fin du fin du rock anglais.

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             Pour illustrer musicalement la racine de cette belle aventure, l’idéal serait d’écouter The Chiswick Story, une petite box rouge sortie sur Ace en 2023. Non seulement elle illustre parfaitement l’histoire des premiers pas de Roger Armstrong et de Ted Carroll dans le biz, mais elle fait en plus office de machine à remonter le temps.

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             Ted Carroll vend ses disques sur son stall à Soho Market et Roger Armstrong bosse pour lui. En 1974, ils décident de monter un label et ils écument les pubs pour trouver des groupes. Comme ils sont tous les deux des becs fins, ils en bavent : les groupes intéressants ne courent pas les rues. Ils flashent sur un groupe nommé Chrome. Puis arrive Jesse Hector, leader des Hammersmith Gorillas, qui trimballe «an extreme mod Small Faces image with Elvis moves and Hendrix guitar.» Jesse enregistre «Moonshine» et «Shame Shame Shame» et Chrome qui est devenu le groupe de Mike Spencer enregistre «I’m A Man» et «Walking The Dog». Mais ces deux singles ne verront jamais le jour. Chiswick s’installe à Pathway, un petit studio d’Islington, où Arthur Brown a enregistré «Fire». Chrome est devenu The Count Bishops. C’est là qu’est enregistré l’EP Speedball, considéré à juste titre comme le point de départ d’une nouvelle époque. Tiré à 1 500 ex, l’EP est vite sold out, grâce à Larry DeBay qui le vend «from the trunk of his battered Peugeot.»

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             Ce sont d’ailleurs les Count Bishops qui ouvrent le bal de la petite box rouge, avec une version bien wild de «Route 66» et un «Teenage Letter» bien décidé à en découdre. Rien de révolutionnaire là-dedans, mais Chiswick est lancé, et les acteurs de cette saga fondamentale sont en place : Ted Carroll, Roger Armstrong et Larry DeBay. La deuxième galette Chiswick (S2) sera la réédition du «Brand New Cadillac» de Vince Taylor, qui, bizarrement, ne figure pas sur la box. Le troisième single Chiswick (S3) sera le «Keys To Your Heart» des 101ers. Strummer quitte le groupe aussitôt et monte les Heartdrops qui vont heureusement changer de nom pour devenir les Clash. Tu peux entendre le vieux Joe et ses riffs de Tele sur la box, mais diable, comme ça vieillit mal.

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             Les Hammersmith Gorillas ont déjà enregistré «You Really Got Me» sur Penny Farthing, le label de Larry Page, et ils enregistrent le S4 de Chiswick, «She’s My Gal». Jesse laboure bien son rock. C’est puissant mais ce n’est pas un hit. Le S5 sera le «Train Train» des Bishops qui se sont débarrassés ET du Count ET de Mike Spencer, qui est, selon McLaren, l’ancêtre de Johnny Rotten : incontrôlable. Alors qu’en 1976 le punk fait rage à Londres, Chiswick se tourne vers Rocky Sharpe & The Razors pour pondre leur S6, «Drip Drop». Laisse tomber. Puis c’est au tour de Little Bob Story et du «diminutive dynamo Roberto Piaza» d’entrer en lice pour le S7 et une cover d’«I’m Crying». Bon, ils sont bien gentils les singles Chiswick, mais ça ne vaut tout de même pas «New Rose» et «Anarchy In The UK».

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             Dans ses copieux liners (bizarrement datés de 1991), Roger Armstrong indique qu’en 1977, les Gorillas «were being seen as the future of rock’n’roll in the NME.» Il rajoute ça qui vaut le détour : «they were what rock’n’roll was really about: standing on your head while playing guitar with your feet.» Il se moque un peu de Jesse, qui, souviens-toi, fut à cette époque le roi de la surenchère. Mais en dépit de ses stage perfomances, ajoute Armstrong, «Jesse Hector was essentially in permanent retreat from success.» Le S8 est le «Gatecrasher» des Gorillas, avec «Gorilla Got Me» en B-side, un gros stomp, et c’est Butler qui vole le show avec son brillant bassmatic. Et voici qu’arrive chez Chiswick une autre superstar de l’underground, l’ex-chanteur des John’s Children, «a serious psycho-mod band» : Andy Ellison qui monte avec Martin Gordon et Ian McLeod les Radio Stars. Le S9 sera le «Dirty Pictures» des Radio Stars, glammy en diable. Armstrong rigole : «Radio Stars were on the way to their 15 minutes.» Il rappelle ensuite que les Radiators From Space furent le premier groupe punk irlandais. Les voilà sur Chiswick avec le S10 «Television Screen» dont il n’y a rien de spécial à dire. Rolling Stone dit à l’époque que ce S10 est le meilleur single punk, et Armstrong estime que c’est quand même un peu exagéré. Il ajoute que Phil Chevron est devenu un Pogue et que Steve Rapid dessine des pochettes pour U2. Le S11 sera le «We’re So Dumb» des Skrewdrivers, «four lads from Blackpool», qu’on a vu déclencher une bagarre à Mont-de-Marsan. Ils ne sont pas sur la box.

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             Le S12 est encore un Bishops. Mais le S13 sera «Motörhead» par Motörhead - the first ever Heavy Metal 12’’ single and quite possibly the best - On l’entend sur la box, Lem attaque au Lem, yeah yeah yeah Motörhead ! Twink ramène sa fraise avec les Rings et un S14, «I Wanna Be Free» produit par Paul Cook - Just walking in my brown shoes/ I’m knocking on your door/ Just knockin’ on your door - «a strange cross between the New York Dolls and Brit-yob-punk», nous dit l’Armstrong, qui ajoute que le groupe est photographié devant la vitrine de Rock On, «now a shop in London’s Candem Town.»

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             On reste dans les grands singles avec le S15, Johnny Moped et «No One», l’archétype du punk anglais, l’un des rares singles qui n’a jamais rien perdu de sa verdeur initiale. L’Armstrong ajoute que Johnny Moped, «the person, was one of the most charismatic performers ever to come out of Croydon.» Captain fera partie de la troisième mouture de Johnny Moped, qui se décrivaient comme a «big funky mundane band.» Just about right. Dave Hill est le S16 : laisse tomber. Retour des Radio Stars avec le S17, «No Russians To Russia». Andy y fait son Ziggy, mais ça n’en fait pas un hit pour autant. Le S18 est un Skrewdriver lui aussi écarté de la box pour des raisons qu’explique très bien l’Armstrong. Retour des Radiators From Space avec le S19, et en octobre 1977, le punk et Elvis sont morts.

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             Chiswick va commencer à battre de l’aile et le catalogue se détériore : on passe des Gorillas à Johnny & The Self Abusers. Petit flash sur Whirlwind et «Hang Loose», mais le «Darling Let’s Have Another Baby» de Johnny Moped déçoit. Avec «Million Dollar Hero», les Radiators dégagent la même énergie sautillante que les Vibrators : simple, précis et efficace. Retour de Johnny Moped avec une cover iconoclaste de «Little Queenie» chantée d’une jolie voix de fiotte.

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             Le dernier spasme de Chiswick se fera avec le «Love Song» des Damned et le «Radioactive Kid» des Meteors. Les Radios Stars sont toujours dans la course, mais n’ont pas d’hit. Rocky Sharpe & The Razors, c’est sans espoir. Le son des Nips et de Whirlwind vieillit très mal. Puis tout va basculer dans une new wave à la mormoille avec des trucs ineptes comme Two Two et Jakko. T’en reviens pas d’entendre des trucs aussi nuls. Ted et Roger ferment la boutique en 1983 pour se consacrer pleinement à Ace. 

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    Roger Armstrong

             En 1991, Roger Armstrong conclut amèrement : «The days of pop music being about a good tune with a decent arrangement, played with a bit of fire and enthusiasm and played on the radio was gone.»

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             Ted et Roger enterrent Chiswick pour lancer Ace qui est devenu une institution, mais pas n’importe quelle institution. Stubbs résume bien l’éclat d’Ace : «Dans un music business qui est devenu sur-dimensionné, médiocre et malsain, Ace est une véritable exception - small, immaculate, clean, rare quality. Good rocking, good people, good stories. This is theirs.»  

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             Ace est un label de réédition. Le choix du nom d’Ace ? En partie en hommage au British label Sue qui avait emprunté son nom à celui d’un label légendaire américain. Ace est aussi un hommage à l’Ace de Johnny Vincent. Et c’est là que Ted et Roger vont redoubler de génie excavateur. On leur recommande de contacter Pappy Daily, le boss de Glad Music, specialisé en hillbilly et en rockab. Après un coup de fil à Pappy, Ted prend l’avion pour Houston et revient avec un contrat - Daily avait un bureau bourré d’original master tapes de George Jones, Sonny Fisher, Lightnin’ Hopkins, Johnny & the Jammers (Johnny & Edgar Winter), Sleepy La Beef and many more - C’est là qu’Ace va devenir Ace. Puis ils entrent en contact avec Modern Record à Los Angeles et décrochent une licence qui leur donne accès «to a whole slew of seminal blues recordings by artists such as BB King, Elmore James, Howling Wolf, Ike Turner and Pee Wee Crayton.» Et crack, Stubbs embraye sur les Bihari Brothers, Jules, Joe, Lester & Saul. Modern est la maison mère d’RPM, Flair, Meteor et Kent. Stubbs affirme que Modern est l’une des «top-selling R&B companies in America.» C’est sur Modern que sont sortis les premiers cuts de Wolf et d’Ike. BB King disait de Modern : «The company was never bigger than the artist. I could always talk to them.» Stubbs ajoute que le dernier Bihari encore vivant, Joe, fait toujours du biz avec Ted et Roger. En 1990, Ace achète Modern et entame l’inventaire des master tapes, «a process that continues to this day». Du coup, Ace va se retrouver au sommet de l’hipdom. Au pied de la page, tu louches sur les pochettes des Ikettes et de Z.Z. Hill. Ce book est une vraie caverne d’Ali-Baba. Puis Ace démarre des sous-labels, Cascade et surtout Kent Records, gros clin d’œil au Kent de Modern. C’est là qu’Ady Croasdell entre en lice. En 1982, Ted lui demande de compiler la crème de la crème du Kent/Modern catalogue : ce sera For Dancers Only. Puis t’as 6T’S Rhythm’n’ Soul Society: In the beginning et l’avènement de la scène Northern Soul à Londres.

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             S’ensuit le lancement de Big Beat, avec les Meteors. Roger Armstrong les voit comme une «punky version of rockabilly with attitude.» Puis arrivent les Milkshakes et Guana Batz. Mais le fleuron du label, ce sont les Cramps. Lorsqu’Alec Palao entre en lice, Big Beat devient «a veritable index of sublemely scuzzy rock’n’roll excentricity». Palao fait comme Ted : il compile des CDs, il traque les propriétaires des master tapes, et retrouve les groupes pour les interviewer. Sur Big Beat, t’as les Chocolate Watchband (Hello Jean-Yves), The Music Machine, Strawberry Alarm Clock, les Fugs, les Zombies, dont l’Odessey & Oracle continue de briller au firmament du rock anglais. C’est aussi Palao qui a mis en boîte la collection Nuggets From The Golden State. Il a même réussi à jouer de la basse dans ce qui reste des Chocolates et a réussi à sortir les early demos des Charlatans. Mais son holy grail reste les Zombies. La box 4 CD des Zombies sur Big Beat, c’est lui - Rightly lauded as one of the best box sets ever.

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             Ace va aussi licencier Westbound Records à Detroit (et ramasser le label Spring au passage) pour avoir accès à un trésor de seventies Detroit funk : Ohio Players, Funkadelic, Detroit Emeralds, The Fatback Band, Joe Simon et Millie jackson. Ace a littéralement sauvé tous ces albums légendaires, menacés d’extinction par la diskö. Alors bien sûr, une fois que tout ça ressort sur Ace, il faut pouvoir suivre financièrement, mais chaque rapatriement te comble d’aise. Et tu replonges de plus belle dans le catalogue d’Ace. Jean-Yves disait qu’il allait le consulter en ligne chaque jour. En 1985, Ace rachète le catalogue Contemporary Records, qui appartient à Fantasy. Grâce à Creedence, Fantasy avait fait fortune (un peu aux dépens de John Fogerty) et racheté des labels légendaires de jazz, Prestige Records, Milestone Records, Riverside, Contemporary ainsi que Stax.

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             Grâce à Fantasy, Roger Armstrong peut aller farfouiller dans les archives de Stax. Il va transférer environ 130 heures «of early Atlantic period Stax material to DAT». Roger dit en avoir eu des frissons, notamment à l’écoute de la session tape de «Dock Of The Bay». Il a aussi découvert des albums INÉDITS de Booker T & The MGs, Carla Thomas, William Bell, Baby Johnson et Mable John. Rien que des bombes, surtout le Mable John.

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             Et Stubbs attaque un chapitre intitulé ‘Deep Soul’. C’est là qu’entre en lice Dave Godin et sa mythique série Deep Soul Treasures. Quatre volumes en tout. Godin est une véritable star, un excentrique originaire de Sheffield - an Esperanto speaker, an ardent socialist, animal rights activist - bref, un drôle de zig. Il est aussi disquaire et music journalist. C’est lui qui invente les deux formules «Deep Soul» et «Northern Soul». C’est lui qui fait les choix sur des compiles, il sait ce qui est «over the top». Ady Croasdell le qualifie de «pioneering spirit». Pour Godin, seule compte l’intensité de l’interprétation. Bettye LaVette lui fait le plus beau des compliments : «He has added years to my artisitc life.»

             Roger Armstrong rappelle qu’un CD Ace n’est pas simplement un CD - You get the music, you get the packaging, you get the photos, you get the notes, the stories - Avec les compiles Rhino, les complies Ace sont les objets les plus complets qui soient ici-bas. Tu n’achètes pas une compile, tu achètes un concept - with a linking narrative that tells both a literary and musical story - Stubbs en arrive au point essentiel : Ace est avant toute chose de la littérature. Balzac et Mable John même combat !

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             Pour enfoncer le clou littéraire, t’as un dernier chapitre intitulé ‘Selected A-Z of Artists’, et tiens, on en prend deux au hasard : les Cramps et les Damned. Roger Armstrong signe les deux - The most exalted potentates of rock’n’roll have been distilling the shimmy and the shake since 1976, mutating its second cousin, rockabilly, in a familial cross-breeding of surf and psyche to produce a musical monster that frightened the life into Frank N Stein. Add to this Film Noir and Horror, and late night TV, and you have the incredible phenomena that are the Cramps. Ivy Rorschach (big shimmering guitar) and Lux Interior (big loud vocals) populate Crampsville, a place where few have dared to tread - Et aussitôt après, il embraye sur les Damned : «They were politically incorrect and perfectly proud of the fact. They were concerned with chaos and carnage and were by far the best band in town - the ultimate no no  for the punk fashionistas.» 

    Signé : Cazengler, fat Ass

    The Chiswick Story. Ace Records 2023

    David Stubbs. Ace Records: Labels Unlimited. Black Dog Publishing 2007

     

     

    Inside the goldmine

     - Holman river

             Nul n’a jamais mieux porté son nom qu’Hellman. Il semblait cristalliser en lui tout ce qui peut exister de pire dans la nature humaine : la concupiscence, la malveillance, le goût des intrigues, la cruauté naturelle, un sens aigu de la violence morale, et la liste pourrait être encore beaucoup plus longue. Il arrive un stade dans l’insanité où l’échelle des valeurs s’inverse, et ce qui peut paraître sombre aux yeux des autres devient alors grandiose. Il incarnait une sorte de cancer moral, de dégénérescence de la raison. Il avait senti cette tendance en lui très jeune, et plutôt que de la combattre, il l’avait cultivée. Ses premières victimes furent ses parents, puis les copains d’école dont certains sont sans doute restés traumatisés à vie. Ou simplement sourds, car Hellman les attachait à un arbre et leur coinçait un gros pétard rouge à cinquante balles dans chaque oreille. Boum ! Et la liste pourrait être encore beaucoup plus longue. Lorsqu’Hellman s’est engagé dans la Légion pour aller combattre en Afrique, il se portait bien sûr volontaire pour les missions de «pacification». Ses instruments préférés étaient le lance-flamme et la machette. Il utilisait aussi une perceuse. Et la liste pourrait être encore beaucoup plus longue. Alors qu’il atteignait des sommets inégalés, même par les nazis, la Légion l’a viré. Rentré en métropole, Hellman grenouilla un temps dans les milieux de la publicité. Il s’y sentait à son aise, requin parmi les requins, et il se mit à dévorer tout ce qui grenouillait dans ses parages, la concurrence, puis ses propres associés, avant de liquider ses principaux clients. On retrouva un Dircom crucifié dans les bois de Fontainebleau, la PDG d’une multinationale «suicidée» dans sa baignoire avec des poignets tranchés, et la liste pourrait être encore beaucoup plus longue. Hellman resta persuadé jusqu’à la fin de ses jours qu’il irait au paradis, puisqu’il avait passé toute sa vie en enfer.  

     

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             À l’exact opposé d’Hellman, on trouve Holman. Pendant qu’Hellman cultive sa fascination pour l’enfer, Holman en cultive une autre pour le paradis.

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            C’est dans Les Coins Coupés de Philippe Garnier que tu croises la piste d’Eddie Holman. Ce black de Virginie est assez inconnu au bataillon et il vaut vraiment le détour. Son premier album s’appelle I Love You aux États-Unis et Lonely Girl en Angleterre. Bon, le pressage anglais est très bien, la pochette est même plus jolie, Eddie Holman y subit une sorte de traitement préraphaélite qui lui adoucit les mœurs. Diable, comme ce black est beau ! Et diable, comme il chante bien. T’es vraiment ravi d’avoir cette galette dans les pattes, ne serait-ce que pour «Since I Don’t Have You», car tu le vois monter au sommet de son Ararat qui s’dilate, et t’entends un fabuleux falsetto de la Soul, Eddie se livre à un extravagant délire de pointe de glotte. Il t’enchante encore avec «I’ll Be Forever Loving You», il sait se glisser sous le boisseau, il chante encore à la pointe de la glotte et c’est si savamment orchestré ! Eddie propose aussi des grosses compos, comme «I Love You» et «Don’t Stop Now», en B, cette Soul de chat perché assez pure. Il fait partie des anges de miséricorde, au même titre qu’Aaron Neville et Eddie Kendricks. Quel fantastique Soul Brother !

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             Encore plus fantastique : A Night To Remember, un Salsoul de 1977. Eddie est le roi du satin jaune, une évidence qui crève les yeux dès «You Make My Life Complete». Sa voix coule de jus. Il est extrêmement pointu en matière de satin jaune. Il darde effrontément. C’est un Sam Cooke en plus pointu. Il repart en fantastique allure avec «Time Will Tell», il chante par-dessus les toits, il y va à la glotte ailée, il faut le voir clouer sa note au ciel ! T’en reviens pas d’entendre un ange black aussi survolté. Dans «Immune To Love», sa Soul fond comme neige au soleil. Eddie est un rêve de Soul Brother devenu réalité. Même en mode diskö, il peut faire merveille («This Will Be A Night To Remember»). Il passe à la dance des jours heureux avec «Somehow You Make Me Feel». Eddie ne chante que pour le bonheur universel. C’est un magicien d’Oz, un ange de la Soul Music, son Somehow est d’une pureté absolue, il fond sa Diskö Soul dans un océan de bonheur. Il sait faire sonner toutes les harmoniques de sa voix, il décroche pour monter et se fond dans sa propre purée mirifique, c’est assez stupéfiant.

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             Pas question de faire l’impasse sur United. Car il s’agit d’un album de Soul spirituelle. Le morceau titre est une chanson de foi, même chose pour «Eternal Love» et tout le reste de l’album.  Eddie chante son pâté de foi, mais sans le gospel, il fait une Soul de falsetto, la plus pure qui soit, comme celle d’Aaron - Thank you Jesus/ Thank you Lawd - Il navigue très haut dans la pureté azuréenne. Il fait un couplet entier à la pointe du chat perché. Tout est très puissant sur cet album, aw Lawd ! Et ça continue avec «Give It All To The Lord» et «I Asked Jesus». En B, il vire r’n’b avec «Thank You For Saving Me» et même heavy r’n’b avec le dancing «Holy Ghost». C’est du diskö funk en plus gras. Ça se savoure.

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             Encore une compile géniale : Hey There Lonely Girl. Pas facile à déterrer, mais ça vaut le coup. Huit coups de génie sur quatorze cuts ! Qui dit mieux ? Avec un ange comme Eddie, ça n’est pas surprenant. Il monte sur son Ararat dès le morceau titre d’ouverture de bal. Comme ça au moins, t’es fixé. Et pouf, il embraye aussi sec sur «Am I A Loser». Eddie est un fabuleux archange du chant pointu. Il cultive la pureté absolue. Encore une fois, on est obligé de le situer au niveau d’Aaron Neville, d’Eddie Kendricks, de Johnny Adams et de Ted Taylor. Il navigue exactement dans la même catégorie. Il se situe dans l’azur de la Soul, la Soul azuréenne, pour être plus précis. «Since I Don’t Have You» sonne comme un exploit, un véritable élan vers le paradis. Avec «It’s All In The Game», Eddie te prévient : «Many A Tear Has To Fall.» Et on retrouve l’excellent «Don’t Stop Now» qu’il monte au ah-ahhhh dès la première mesure, il chauffe sa pointe à blanc et atteint un sommet de pureté inégalable. Ce pauvre Eddie n’en peut plus de génie vocal. Il fait s’envoler l’I cried/ I cried/ I cried de son «I Cried», c’est du délire. Puis il s’en va tortiller sa Cathy dans «Cathy Called». Il règne sans partage sur l’empire du smooth paradisiaque. Avec «I’ll Be Forever Loving You», il se jette à la tête de l’Is it yes et atteint des sommets de fraîcheur dans la grandeur, il te fait tourner la tête, et à cette altitude, les mots se font rares. Il attaque encore son «Surrender» à la  pointe extrême de son registre, et l’«I Need Sombody» qui suit n’est pas celui de Question Mark, mais un Need Somebody du paradis, il reste là-haut tout du long, c’est une merveille définitive.

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             Eddie’s My Name grouille aussi de puces. Tu n’en finis plus de tomber de ta chaise et ça commence avec «This Can’t Be True», ce malade d’Eddie grimpe au sommet dès l’intro, il yodelle au paradis, en fait il crée le paradis de la Soul chez Cameo Parkway. Il attaque encore «You Can Tell» au sommet de son art, il rivalise de génie supérieur avec Aaron Neville. Il groove tout à la pointe du smooth. Il est aussi radieux que Ted Taylor. Il te groove plus loin «Don’t Stop Now» à la folie, il tape tout au falsetto de génie. C’est l’une des plus belles Soul(s) de tous les temps, chantée à la pointe de la falsette. Encore un challenge d’effarance concomitante avec «Never Let Me Go». Il te grimpe ça au paradis vite fait. L’altitude, c’est son truc. Il monte sur tous les coups. Il chauffe un couplet entier d’«You Know That I Will» à la pointe de la glotte. C’est un prodigieux hystérique. Il monte encore sa glotte en neige sur «I’m Not Gonna Give Up». Il n’en finit plus d’épater la galerie et le voilà qui bascule dans l’heavyness des Tempts avec «I’ll Cry 1000 Tears». Fulminant ! Quelle gigantesque giclée de Black Power ! Et dans tout ce délire, il ramène encore de la couleur. Eddie Holman devrait être aussi célèbre que Sam Cooke, Johnny Adams et Ted Taylor. Il dispose exactement de la même appétence pour le génie. 

    Signé : Cazengler, Holmain au panier

    Eddie Holman. I Love You. ABC Records 1969

    Eddie Holman. A Night To Remember. Salsoul Records 1977

    Eddie Holman. United. Charly Records 2024

    Eddie Holman. Hey There Lonely Girl.  

    Eddie Holman. Eddie’s My Name. Goldmine Soul Supply 1993

     

     

    Wizards & True Stars

     - Le rock à Billy

     (Part Five)

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             Thee Headcoats, ça veut dire les casquettes à carreaux Sherlock : en dessous des casquettes, t’as Wild Billy Childish, Bruce Brand et toute une ribambelle de bassmen dont le premier sera le Prisoner Allan Crockford. C’est lui qu’on entend sur The Earls Of Suavedom, le premier Headcoats sorti sur Crypt en 1989.

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             C’est là, à cet endroit précis, que tu entres dans la petite mythologie du garage britannique. Le vrai de vrai. Le real deal. Big Billy attaque au «No Escape» des Seeds. Il pose ses conditions. Il tranche dans le tas. Avec «I’m A Headcoate Baby», il pose la première pierre d’un empire de killer solos flash. Big Billy est le garagiste le plus intègre du rock world. Crockford bombarde «Alone» au bassmatic, comme il sait si bien le faire dans les Prisoners, et Big Billy dégringole littéralement son «Everyday» à coups de syllabes d’e-ve-ry-day. En B, t’as de chœurs de filles qui font «Man/ You are so suave», sur «My 7th Girl Eve» et Big Billy jette tout son heavy poids dans la balance de «The Killing Hold». Yah ! Le ton est donné : c’est parti pour une belle vingtaine d’albums. Big Billy ne fait pas dans la demi-portion.

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             Crojack remplace Allan Crockford sur Headcoats Down. Cette fois, l’album sort sur Hangman, le label de Big Billy, avec un montage marrant de photomatons sur la pochette. On retrouve le son des Seeds dans «Please Little Baby», oui, c’est pompé sur «Pushing Too Hard», les montées en température sont celles de Sky Saxon. En B, «Wily Coyote» est monté sur l’«Oh Yeah» des Shadows Of Knight. Comme ça au moins, les choses sont claires. Big Billy attaque le «Smile Now» d’ouverture de balda à la fuzz et à la Themmania, et c’est monté cette fois sur «Farmer John». C’est donc l’album garage sixties des Headcoats. Les yeah you feel alright de «You’re Looking Fine» sont de la pure early Stonesy, celle de Brian Jones. Coup de génie avec «I’ll Make You Mine» monté en mode protozozo, bien drivé par un fat bassmatic - I think that you girl/ Ha ha/ I’ll make you mine - Encore du protozozo avec «Young Blood» au bout de la B - I wanna be/ .... a young blood - Toutes les conditions sont rassemblées. C’est du proto-punk extra-sensoriel arrivé après le punk, mais proto dans l’âme.    

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             Il sort trois albums en 1990 : un Crypt, Beach Bums Must Die, un Hangman, The Kids Are All Square et un Sub Pop, Heavens To Mugatroyd Even It’s Thee Headcoats. Le bassman du Crypt s’appelle Olly Dalat. What an album ! Ils re-claquent le «Young Blood» de l’album précédent et re-sonnent comme les Seeds sur «You Broke My Very Mind». C’est encore un album de mighty coups de chapeau : aux Yardbirds avec «Headcoats On Backwards», aux Sonics avec «All My Feelings Denied» (monté sur «The Witch»), aux Beach Boys avec le morceau titre, à Bo avec «I Ain’t Never Found» (monté sur «I’m A Man», aw aw yeah yeah), et à Screamin’ Jay Hawkins avec «No Such Animal» (et tous les bruits de bouche). Il fait aussi de l’indien avec «Pow Wow» et les tambours de guerre de Bruce - C’mon pow wow with me - et il atteint les sommets du genre gaga avec «Murder On The Moors», transpercé par un solo de sax, puis en fin de B, avec «Give Me The Apple Eve» tapé au big fuzz out, et ça balaye tout. Il plonge dans sa friteuse de killer fuzz. C’est du grand art sauvage.

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             Sur The Kids Are All Square, ce sont les Headcoatees qui volent le show. Dès «Wild Man», t’as l’essaim. Elles ont le power ! Nouveau coup de Jarnac avec «Round Every Corner» - Round every corner/ I’ve been looking for you - Girl power ! Holly, Ludella, Kyra et Bongo Debbie cassent littéralement la baraque. Et ça repart de plus belle avec «Give It To Me». «MELVIN», c’est «Gloria», «Meet Jacqueline» et «Boysville», c’est du Bo ! En comparaison, les Headcoats sont complètement éteints, même si Big Billy te prévient, Well I’m a gamekeeper, child ! On sauve le «Monkey’s Paw», car c’est un shoot de wild gaga de la pire espèce. Mais le reste du set est trop classique, même si «I Can Destroy All Your Love» est bien remonté des bretelles.

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             Joli blaster que cet Heavens To Mugatroyd Even It’s Thee Headcoats paru sur Sub Pop en  1990. On y retrouve l’excédé «Girl From ‘62», le plus puissant des gagas Brit, nourri au protozozo avec des jus demented. C’est le sommet du summum d’I walk the line wouahhhhh ! Big Billy forever ! On y retrouve aussi son vieux «I Don’t Like The Man I Am» qu’il tape au British Beat des origines. Et bien sûr le «Troubled Times» d’I need you girl to ease... My troubled mind. Big Billy n’en finit plus de monter à l’assaut des crêtes. Ses killer solos témoignent de sa bravoure. Il sait tailler une route et claquer du killer à la ramasse. Il n’a plus rien à prouver. Il craque une allumette pour «Girl Of Matches», uhhhh et puis ahhhhh, ça cisaille dans les tibias, killah kill d’ahhhh, il soupire d’aise et toi aussi - Burn ! I’m gonna burn you ! - Il te claque le pire gaga de l’univers avec «We’re Gone». Il vise l’absolu de l’Ararat et te sert un final d’apocalypse de wah. Tu ne peux pas faire mieux. Tu crois que c’est fini et tu prends «Rusty Hook» dans la barbe. Comme son nom l’indique, t’es hooké. Big Billy est le roi du gaga stomp. C’est du stash parfait. Big Billy est sans doute le seul à savoir le faire aussi bien, chant + killah kill kill, il applique toujours la même formule, c’est un privilège que de l’accompagner au long de ses dizaines d’albums géniaux. Wild Billy Childish est la dernière grande aventure du rock anglais.    

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             En 1991, il file un CDI au bassman Johnny Johnson. Alors voilà encore un album génial : Headcoatitude. Deux clins d’œil aux Kinks : «It’s Gonna Hurt You (More Than It Hurts Me)» et le morceau titre, montés tous les deux sur les power chords de Dave Davies, avec la même plongée en killer solo flash à la clé. Big Billy fait même le wouahhhh qui amène le pire killer kill kill d’Angleterre, le modère restant le solo de «You Really Got Me». Si tu veux écouter un guitariste anglais, c’est lui, Big Billy, héritier direct de Dave Davies. Il refait du protozozo à la Them avec «I Don’t Like You», il est sur les traces des Downliners, c’est assez hard, il tape le big stomp préhistorique - Yes I know/ Yes I know - et zyva au killah kill kill. Il fait les Them d’«I Can Only Give You Everything». Son «My Dear Watson» d’ouverture de balda est ce qu’on appelle par ici du Pure Brit, monté sur un early British Beat sautillant. Pas loin de l’early Stonesy. Et revoilà l’un des hits de Big Billy : «Troubled Times». Il attaque ça au protozozo - To ease/....my troubled mind - Il reprend à son compte tout le wouahhhhh de la Méricourt des Pretties et des Downliners. Puis il te gratte «By Hook Or By Crook» à la primitive féroce. Chaque album de Big Billy est gorgé d’idées et d’hommages.      

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                 La même année, il sort un album en forme d’hommage à Bo : WOAH Bo In The Garage. Il repasse tous les vieux hits au peigne fin, «Who Do You Love» (fabuleuse débauche de moyens), «Diddy Wah Diddy» (les Medway kids foncent dans le tas de Bo au Diddy Wah), «Dearest Darling» (mambo du diable, Big Billy fout bien le feu, wouahhhhh !) et «Road Runner» (bip bip ! Fantastique attaque, la cover la plus wild). C’est le paradis de la guitare rythmique. Même dans l’heavy mambo d’«I Can Tell», Big Billy passe un killer solo d’antho à Toto.

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             Deux albums en 1993 : The Good Times Are Killing Me et The Wurst Is Yet To Come. Good Times est encore un album solide. Les chemises à carreaux ont remplacé les casquettes Sherlock. Big Billy ramène toute sa hargne et Bruce bat de plus en plus sec. Toujours la même formule : relentless + killer solo. Ils savent même blaster. La preuve ? «It Was Too Late», avec un solo d’étranglement convulsif. Ils rendent un bel hommage à Linky Link avec un «Double Face» monté sur «Rumble». Avec «I’ll Be Out Of Here», Big Billy enfonce son clou dans la paume du beat et son solo bascule dans la folie. Retour au protozozo avec le morceau titre : effarant de niaque viscérale, t’as là le gaga des roots d’are killing me. Il passe le plus sauvage killer solo de tous les temps, celui qui s’étrangle tout seul. Retour à la violence et à Dave Davies en B avec «House On The Water». Et pour «At The Bridge», il reprend la mélodie chant d’«Anarchy In The UK» et son accent cockney fait illusion - Got to build my bridge - Et il boucle son infernal bouclard avec une palpitante cover du «Strychnine» des Sonics, comme s’il se lançait sur les traces de Lux.

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             C’est un Bruce éméché qu’on voit sur la pochette de The Wurst Is Yet To Come, un live enregistré en Allemagne. Ils tapent dans tous leurs classiques, «Troubled Times», «Oh Yea» (sic), hommage à Bo via les Shadows Of Knight, hommage encore à Linky Link avec «Jack The Ripper» et «Comanche»,  à «Louie Louie» avec «Smile Now», et ils repartent en mode protozozo avec «Prity Baby» (sic). Dans «Cowboys Are SQ», Big Billy passe le wild solo de la concasse définitive. Quelle leçon de sauvagerie ! Et voilà l’hommage suprême à Bo via les Pretties : «Keep Your Big Mouth Shut».

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             Allez hop ! Deux albums en 1994 : Conundrum et Live At The Wild Western Room London. Le Conundrum tient bien son rang, c’est l’album punk des Headcoats avec pour commencer un «Every Bit Of Me» qui sonne comme un cut des Damned, car monté sur «New Rose». En B, t’as «I’m An Idiot» que Big Billy attaque à la Pistolmania, c’est l’harangue d’«Anarchy In The UK» - I’m an idiot sixties revivalist ! - Suivi d’un «Hoping» qui est du pur Punk’s Not Dead que Bruce bat à la cloche de bois. Clin d’œil à Bo avec «Crazy Horse», bien arrosé  de coups d’harp. Big Billy reste fidèle à ses racines. Le coup de génie de l’album s’appelle «Girl From 62», un blaster phénoménal qui remonte bien les bretelles du rock anglais. Même genre de blast que «Crawdaddy Simone». Et encore du Medway punk embarqué à la pure hargne avec «Watch Me Fall». Big Billy est plus en plus énervé. Pourquoi n’est-il pas encore enfermé ?  

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             Live At The Wild Western Room London n’est pas un album mais un alboom. Big Billy est complètement hystérique sur le «No Escape» des Seeds. Il enfonce le clou des Seeds dans la paume de l’Escape. On n’avait encore jamais vu ça ! L’«Every Bit» qui suit est le pire blast de l’univers connu des hommes. Il tape plus loin dans les Clash avec une «What’s My Name» tiré de leur premier album. C’est déjà un blast, mais Big Billy en fait un super-blast. Il bouffe les Clash tout crus. Ça dégénère encore avec «Lie Detector». Ce live est l’un des pires. Puis il claque les accords de «The Good Times Are Killing Me» sans aucune pitié pour les canards boiteux. C’est de l’abattage. Il n’existe rien de plus foncièrement wild-gaga que le Good Times de Big Billy. Puis c’est au tour des Headcoatees de monter sur scène, Holly, Ludella, Kyra et Bongo Debbie, accompagnées bien sûr par Big Billy, Bruce et Tub Johnson. «Wild Man» ? Quelle folie ! C’est l’hallali ! Elles tapent dans Bo avec «Meet Jacqueline» et Big Billy claque l’une des intros du XXe siècles sur «Don’t Try & Tell Me». Il n’en démord pas. Il claque même un killer solo de clairette et repart en impénitence. C’est un vrai délire. Après, t’as le «MELVIN» monté sur les accords de «Gloria» et «Davy Crockett» sur ceux de «Farmer John». Tout y est. Cet album suffit à ton bonheur. 

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             On reste dans la même formule avec Thee Headcoats Featuring Thee Headcoatees et The Sound Of The Baskervilles. Big Billy met ses pouliches en avant et ça donne un album assez sauvage. Il commence par claquer l’une des intros du siècle passé pour lancer «Just Like A Dog». Rien de plus violent que cette charge, et bien sûr t’as le wouahhhh suivi du killer solo flash. Les Headcoats sonnent comme les Sonics avec «All My Feelings Denied» et «Sex & Flies» sonne comme du pur jus de Sex & Drugs & Rock’n’Roll. Encore un blast épouvantable avec «Lie Detector». Big Billy est le roi d’Angleterre, mais personne n’est au courant. C’est très bizarre, cette histoire. Sur ce coup-là, Big Billy est pire que Johnny Rotten et Frank Black à leurs apogées respectives. Ce sont les Headcoatees qui se tapent la B, c’est-à-dire Kyra, Ludella, Holly et Bongo Debbie. Elles commencent par s’exploser la rate à coups de «Strychnine» et de some folks like water, puis elles basculent dans le génie gaga avec «I Was Led To Believe», backed par le meilleur backing band du monde, Big Billy, Bruce et Johnny Johnson. Belle cover de «Big Boss Man» et Big Billy tape encore l’une des intros du siècle passé sur «It’s Bad». Les filles shakent bien leurs hips.    

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             Trois albums en 1996 : In Tweed We Trust, Knights Of The Baskervilles et une collaboration avec les Downliners Sect, Deerstalking Men. Avec sa pochette très stylée, In Tweed We Trust fait partie des meilleurs albums des Headcoats. Il jouent cette fois à la disto maximale dès «Everybody’s Wiser Now», ça larsène bien dans les brancards, attention, t’es chez les rois du Medway blast. Et Big Billy claque encore un modèle de killer flash de la désaille. Encore une intro killah pour «Too Afraid». Big Billy n’en démord pas. Avec «Want Me Win Me», il te propose un marché : c’est à prendre ou à laisser - Are you with me/ Are you against me - Mode «Oh Yeah» pour «This Day To Bust», en plein dans les Shadows of Knight, il rassemble toutes ses influences dans son lard fumant. En B, il pique une belle crise de Punk’s Not Dead avec «I’m Hurting». Imbattable. Killer solo convulsif. Il refait les Sonics. Puis il fait son Johnny Rotten avec «The Man With Eyes Like Little Fishes» et «Sex & Flies». C’est l’harangue d’«Anarchy». Il gratte en prime des poux d’une rare violence.

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             Knights Of The Baskervilles est encore un bel album classique des Headcoats avec une B qui grouille de puces : «What You See Is What You Are», «What’s Wrong With Me» et «This Wond’rous Day». Il attaque son What You See au screamo-proto digne des Sonics et ça vire blaster. C’est Johnny Johnson qui amène «What’s Wrong With Me» au fat drive de basse et Big Billy bascule dans un pur jus d’exacerbation. Bruce bat «This Wond’rous Day» bien sec, alors pour Big Billy c’est du gâtö et il bascule dans la folie du just because. Le balda sonne aussi comme l’enfer sur la terre, dès «She’s In Disguise» et ils rendent hommage à Bo avec le morceau titre - Ha ha ha Weez the English gentlemen of rock’n’roll - Big Billy monte son weez the Knights of the Baskervilles sur l’«Oh Yeah» de Bo. Puis il récupère les accords de Dave Davies pour un cinglant «By The Hairs On My Chinny Chin Chin», il travaille ça à la Headcoat motion et, crois-le bien, c’est explosif.

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             Big Billy innove encore en montant un projet collaboration avec Don Craine et Keith Grant : Thee Headcoats Sect, c’est-à-dire les Headcoats et les Downliners Sect. On les voit tous les cinq sur la pochette de Deerstalking Men, Bruce, Don Crane, keith Grant, Bib Billy et Johnny.  Ils tapent deux covers des Sonics, «Strychnine» et «The Witch».

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             The Jimmy Reed Experience est un hommage à Jimmy Reed en format réduit, c’est-à-dire en 25 cm. Il tape chaque fois en plein dans le mille, il renoue avec le vieux boogie blues à la ramasse de Jimmy Reed, mais il vaut peut-être mieux écouter les originaux. Big Billy n’apporte rien sur ce coup-là. Allez, soyons généreux et sauvons l’«Ain’t That Loving You Baby» qui est assez raunchy. 

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             The Messerschmitt Pilot’s Severed Hand restera dans les annales pour quatre raisons : un, «We Hate The Fucking NME» que Big Billy attaque une fois de plus sur les accords de Dave Davies. Pure Hate ! Deux, «I Suppose I’m A Poseur» qu’il attaque sur les accords de «My Generation» - I don’t want to kiss your mouth - C’est d’une rare violence verbale. Trois, «Where Are The Children That Hitler Kissed?», monté sur la fuzz des Them et bien killed au kill kill, on peut lui faire confiance pour ça, il ne rate jamais une occasion de foutre le feu. Et puis quatre, «I Wanna Stop This World» qu’il attaque au I-I-I wanna qui vaut bien celui du Stepping Stone des Pistols. Il fait bien son Rotten d’I-I-I. Et pour finir, t’as ce classic Punk’s Not Dead des Headcoats, l’imparable «Punk Rock Ist Nitch Tot», grand hit punk devant l’éternel.  

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             Brother Is Dead But Fly Is Gone est aussi l’un des meilleurs album des Headcoats. Pourquoi ? Parce que c’est un album de covers géniales. Il attaque avec «Louie Louie» qu’il gorge de violence et de yeah yeah yeah. Big Billy est complètement hystérique sur ce coup-là. Il enchaîne aussi sec avec une cover définitive du «Boredom» des Buzzcocks. Il tape en plein dans le mille du early punk spirit. Il attaque sa cover de «Diddy Wah Diddy» en mode MC5. Toutes les covers sont comme montées en neige. Il fait les Small Faces en mode punk («Watcha Gonna Do About It»), il fait du Richard Hell à bâtons rompus («Love Comes In Spurts») et tape le «Don’t Gimme No Lip Child » de Dave Berry en mode heavy protozozo. C’est encore pire en B : il tape dans le «1977» des Clash, puis dans le «You Gotta Lose» de Richard Hell, il essaye de recréer la folie de Quine, mais ce n’est pas facile, et il termine avec l’«Agitated» des Electric Eels, qui lui va comme un gant, vu qu’il est aussi fondu que John D Morton. Big Billy pousse des screams terribles et s’écroule dans le killah flush de flash.            

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          Le deuxième album de Thee Headcoats Sect s’appelle Ready Sect Go. Pareil, ils sont tous les cinq sur la pochette sapés comme des gentlemen. Bruce vole le show sur «Down In The Bottom». Big Billy le vole sur «Ain’t That Just Like Me», un wild shoot de Beatlemania passé en mode sauvage. Comme ce sont les Downliners qui chantent, on sent qu’ils n’ont pas la même niaque vocale que Big Billy. Mais Keith Grant fait bien son protozozo sur «I’m A Lover Not A Fighter». En B, ils réinventent le British Beat des origines avec «Mean Red Spider» de Muddy et font de l’early Stonesy avec «I Got Love If You Want It» et l’harp fantôme de Johnny Johnson. Et puis t’as ce superbe hommage à Bo avec le morceau titre.  

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             Belle pochette que celle d’I Am The Object Of Your Desire. Dans son pantalon moulant à carreaux, Big Billy s’y fait sacrément désirer. Et pouf, il fait son Johnny Rotten avec «An Image Of You», c’est puissant, d’autant que c’est gratté à la basse fuzz. Il passe un atroce killer solo dans le morceau titre qui est plein comme un œuf, et sonne plus loin comme les Yardbirds dans «In A Dead Man Suit». Tout est tellement carré chez Big Billy ! Il puise dans les vieux accords du «Dropout Boogie» de Captain Beefheart pour claquer son «Come Into My Mind». Il bascule ensuite dans le pire des primitivismes pour gratter «I’m A Desperate Man». Puis il éclate au Sénégal avec «Strange Looking Woman». T’as le beurre et l’argent du beurre qui éclatent avec les poux, c’est somptueux, et même écœurant de qualité. S’ensuit un autre fabuleux amalgame : «Your Lying Means Nothing To Me», un shoot de Childish Bo à la Sect. Puis il plonge en pleine Bomania avec «The Same Tree». Ça explose comme aux plus beaux jours de l’empire Bo-romain, c’est-à-dire The Black Gladiator, Big Billy te gratte ça à la sévère de Chicago et c’est arrosé de coups d’harp. Merveilleuse apothéose !

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             Le Live At The Dirty Water Club est un pur blaster. «Girl From 1962» te saute à la gorge, t’as même pas le temps de dire ouf. En fin de balda, le carnage reprend avec «Shouldn’t Happen To A Dog». Big Billy n’est pas près de se calmer. Il fait un coup de Bo vite fait avec «I Can Tell» et le carnage reprend en B avec «You Make Me Die». Il gratte de Dave Davies racket et ça blaste all over. Il n’y a que lui pour blaster comme ça en Angleterre. Et ça continue dans la même veine avec le vieux «Lie Detector», et les deux autres font «ah ah !». 

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             Irregularis (The Great Hiatus) est l’album de la reformation, vingt ans après le Live At The Dirty Water Club. Et quel album ! Ils attaquent au power max avec «The Baker Street Irregulars». C’est le British Beat des temps modernes et John Riley passe toujours ses beaux coups d’harp. On reste dans le génie Headcoaty avec «Full Time Plagiarist» (clin d’œil à cet abruti de Jack White) et tout le poids du gaga sauvage d’Angleterre. Big Billy n’a rien perdu de sa belle verdeur. Clin d’œil encore à Bob Dylan avec «The Ballad Of Malcolm Laphroaig». Big Billy y ramène toute la harangue de William Loveday Intention. Il gratte de riff de «Baby Please Don’t Go» sur «Mister H. Headcoat» et ça bascule dans l’anticipation. Suite des aventures extraordinaires en B avec «Tub’s Help Out». Big Billy se montre une fois de plus l’héritier de Bo. Encore du pur Bo avec «Oh Leader We Do Dig Thee», et avec «One Ugly Child», nos trois cocos se payent des descentes au barbu vertigineuses. On regagne la sortie avec «The Kids Are All Square» monté sur les accords de Louie Louie - Looking everywhre/ The kids are all square !

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             Grosse cerise sur le gâtö : la compile Elementary Headcoats - The Singles 1990-1999. L’une des compiles phares du XXe siècle. Tout y est : le génie sonique de Wild Billy Childish («Troubled Times» - we live in troubled times), «(I Don’t Like) The Man That I Am» (Christ almighty ! Fucking hell !), «Shouldn’t Happen Today» (wild as fuck, gratté à la vie à la mort), «Girl From 62» (walk the line, oh yeah et il plonge dans le killering), «Every Bit Of Me» (porté à incandescence, rien de plus bravache que cette ganache de gaga sauvage). Et puis t’as Bo à tous les étages en montant chez Billy : «Be A Sect Maniac», «She’s Got A Strange Attractor» (monté sur un Diddley Beat de génie). T’as du Pure Brit avec «(We Hate The Fucking) NME» (Be a prick in the NME), et Billy sort sa fuzz, comme d’autres sortent l’artillerie, avec «Thoughts Of A Hangman» (Pas de pire fuzz que celle-là. Big Billy fait toujours tout mieux que les autres). «Louie Riel» n’est autre que «Louie Louie» et «Don’t Try And Tell Me» est monté sur une carcasse des Seeds. Et ça repart de plus belle sur le disk 2 avec de nouveaux coups de génie immémoriaux : «I’m So Confused» (power suprême), «When You Stop Loving Me» (rien de plus radical en Angleterre), «Thief» (punk de British Beat arrosé de coups d’harp), «I’m Hurting» (wild as fuck et t’as le k k kill en prime), et ces trois covers de génie, «No One» (cover inespérée d’un artefact du punk anglais, Johnny Moped), «Louie Louie» (claquée au wouahhhh, encore pire que celle d’Iggy) et «No Escape» (il est en transe, cover explosive). Deux shoots de Punk’s Not Dead avec «Shadow» et «The Messerschmitt Pilot’s Severed Hand». Et il refait son Johnny Rotten dans «Organic Footprints» : c’est monté sur Anarchy. Mais avec Big Billy, ça surchauffe !

    Signé : Cazengler, Billy Chaudepisse

    Thee Headcoats. The Earls Of Suavedom. Crypt Records 1989

    Thee Headcoats. Headcoats Down. Hangman Records 1989      

    Thee Headcoats. Beach Bums Must Die. Crypt Records 1990

    Thee Headcoats. The Kids Are All Square. Hangman Records 1990 

    Thee Headcoats. Heavens To Mugatroyd Even It’s Thee Headcoats. Sub Pop 1990   

    Thee Headcoats. Headcoatitude. Shakin’ Street Records 1991          

    Thee Headcoats. WOAH Bo In The Garage. Hangman Records 1991

    Thee Headcoats. The Good Times Are Killing Me. Vinyl Japan 1993 

    Thee Headcoats. The Wurst Is Yet To Come. Tom Produkt 1993

    Thee Headcoats. Live At The Wild Western Room London. Damaged Goods 1994  

    Thee Headcoats. Conundrum. Hangman’s Daughter 1994

    Thee Headcoats Featuring Thee Headcoatees. The Sound Of The Baskervilles. Overground Records 1995       

    Thee Headcoats. In Tweed We Trust. Damaged Goods 1996

    Thee Headcoats. Knights Of The Baskervilles. Birdman Records 1996

    Thee Headcoats Sect. Deerstalking Men. Hangman’s Daughter 1996

    Thee Headcoats. The Jimmy Reed Experience. Get Hip Recordings 1997

    Thee Headcoats. The Messerschmitt Pilot’s Severed Hand. Damaged Goods 1998 

    Thee Headcoats. Brother Is Dead But Fly is Gone. Vinyl Japan 1998                          

    Thee Headcoats Sect. Ready Sect Go. Vinyl Japan 1999 

    Wild Billy Childish & His Famous Headcoats. I Am The Object Of Your Desire. FOTBMFA 2000

    Thee Headcoats. Live At The Dirty Water Club. Hangman Records 2001

    Thee Headcoats. Irregularis (The Great Hiatus). Hangman Records 2023

    Thee Headcoats. Elementary Headcoats. The Singles 1990-1999. Damaged Goods 2000

     

     

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    ROCKABILLY GENERATION NEWS

    N° 34 / JUILLET/ AOÛT / SEPTEMBRE 2025

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            Jean-Louis Rancurel frappe d’entrée. L’étend son empire sur vingt-cinq pour cent du territoire, un quart de la revue rien que pour lui. L’a un appétit de requin, pardon de ricains, car il n’est pas tout seul, on ne les appelait encore des pionniers en ces temps-là, ils étaient simplement des légendes vivantes, de leur époque. De véritables découvertes, dans votre tête ça se mélangeait un peu, les ricains bien sûr, avec dans le sillage de la comète les Englishes qui en profitaient un peu pour venir grenouiller un peu dans le bénitier du rock français. La hiérarchie n’était pas claire, ce sont les premiers groupes de chez nous qui ont révélé à un public d’adolescents à peine sortis de l’enfance qu’il existait une musique bizarroïde qui s’appelait le rock’n’roll… Ceux qui avaient de la chance pouvaient acheter Disco Revue, encore fallait-il la trouver au fin-fond des provinces éloignées. Oui mais là ça se passe à Paris. Jean-Louis Rancurel faisait ses débuts de photographe rock. Sans diplôme, mais avec le cœur et l’instinct. Au bon endroit, à la bonne heure. L’a pu capter une bonne moitié des pionniers du rock, jugez du peu : Gene Vincent, Chuck Berry, Little Richard, Jerry Lou et Bill Haley. Faut l’entendre relater sa perception, qui est un peu celle de toute une frange générationnelle, ses entrevues, les conditions imposées et l’impact de ces premières prestations qui tournèrent la tête de multiples jeunes gens… Lisez, regardez, comme disait Paul Claudel qui n’était pas un rocker : L’œil écoute ! Les photos parlent de nos rêves. C’est rempli d’anecdotes, je ne vous en raconterai aucune, nous saluerons les noms de François Jouffa, de Bob Lampard et de Jacques Barsamian qui ont tous été des passeurs.

    N' y a pas que les ricains dans la vie. Francky Gumbo est un petit gars bien de chez nous. Un grand Monsieur. Je n’ose pas dire qu’il est un super guitariste rock’n’roll, car il me demanderait de biffer ‘’super’’. Pas la grosse tête. Oui il s’y connaît un peu, mais il ne se décrit pas comme un cador. Se raconte sans prétention. Son père était un passionné de Gene Vincent, de Vince Taylor, et de tous les autres. Il jouait de la guitare, il lui a refilé les rudiments, z’ensuite il a bossé beaucoup, parce que sans internet les tutos étaient rares et chers… oui il est connu, on l’appelle parfois pour un studio, mais il n’est pas un musicien de studio, il aide, il rend service, il participe, fait le job, mais pas le gars à tirer la couverture à lui. Y a plus grands que lui. Cliff Gallup par exemple son jeu unique, et Eddie Cochran… pas le genre de zombie à focaliser sur les soli, tiens celui-ci il peut le jouer, mais il ne l’intuite pas souverainement, sa guitare, sa moto, portrait d’un solitaire qui ne se compare qu’à lui-même, l’on sent un homme d’une densité extraordinaire, rock, country, oui il se débrouille, un artiste qui refuse d’être dupe de son talent si tant est qu’il accepte ce mot, son père avait raison, ne regarde pas où tu mets les doigts, ils se poseront d’eux-mêmes là où il faut… l’a tout un parcours derrière lui, l’a accompagné les Capitols, un groupe capital, je me souviens d’une version inimitable de Baby Blue, un soir en concert…

    Encore un petit gars bien de chez nous. Ne vous méprenez pas sur l’adjectif petit, vient de fêter se quatre-vingt ans. L’était déjà dans les rails à l’époque relatée par Jean-Louis Rancurel, l’était un ami d’un gars qui plus tard s’est appelé Johnny Hallyday… Entre 1960 et 1964 Jean-Claude Coulonge était le batteur des Centaures groupe rock’n’twist, un de toute cette première couvée historiale, des lanceurs de graines pour reprendre une expression de Jean Giono… N’a jamais quitté la galère et les galas, notamment au début de ce siècle avec Les Vinyls… Rémi le batteur des Spunyboys, quand il frappe vous comprenez qu’il cogne, m’a affirmé qu’il avait été marqué par la vigueur du style  Coulongien… Encore un gars qui vit ses rêves rock’n’roll jusqu’au bout.

    Hier soir je me demandais, mais de qui va nous parler dan ses Racines Julien Bollinger ? N’a peur de rien notre Bollinger, l’a choisi une figure controversée. Par les imbéciles. Pas n’importe qui, dans les Encyclopédies il est souvent cité comme ‘’ l’inventeur’’ du rock. Ike Turner. L’on ne dira jamais assez l’influence qu’il exerça sur Sun et sur Elvis Presley (et bien d’autres qui lui doivent leurs carrières)… Non il n’a pas inventé le rock mais il a été partout où le rock a eu besoin de lui. Un activiste dans l’âme. Les plaintes portées par Tina Turner pour violences conjugales lui ont causé beaucoup de tort. Julien Bollinger apporte quelques explications. Je ne suis pas sûr que par ces temps de féminisme exacerbée il soit entendu. Dans ce blogue notre Cat Zengler s’est étendu cette affaire nauséabonde... Sans Ike Turner le rock’n’roll aurait tout de même existé, mais porterait-il cette force explosive qui l’anime…

    Les pages restantes sont principalement dévolues aux festivals. Nous nous attarderons uniquement sur Rock Around The Atomium (Bruxelles) fin mai de cette année. Le programme met l’eau à la bouche. L’a l’air d’avoir été concocté avec savoir et sapience. Organisé par Patrick Ouchène et sa fille Crystal Dawn. Juste le temps d’évoquer deux concerts exceptionnels au 3 B à Troie. La maman de Crystal est aussi belle que sa fille ! Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la photo de Sergio qui le prouve.

    Merci à Sergio et à toute son équipe pour le travail accompli. Cette revue Rockabilly Generation News est un miracle sans cesse renouvelé à chaque numéro.

    Damie Chad.

    Editée par l'Association Rockabilly  Generation News (1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois), 6 Euros + 4,72 de frais de port soit 10,72 E pour 1 numéro.  Abonnement 4 numéros : 39 Euros (Port Compris), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( Rajouter 1,10 € ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de tous les magazines... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les fascicules précédents ! 

     

    *

    PREMIERE INTRODUCTION

    POUR LES ESPRITS DE GEOMETRIE

             Rien de tel qu’un peu de géométrie pour affiner notre perception du monde. Je vous rassure, nous nous contenterons d’une leçon de base. Vous reconnaîtrez immédiatement l’axiome suivant : Deux droites parallèles ne se rencontrent jamais. Oui, si Thalès l’a dit vous pouvez le croire. C’est lui qui a fondé les prémices mathématiques. L’est même dans la liste des Sept Sages de la Grèce Antique.  Bref le gars parfait. C’est-là où le bât blesse. Comme disent les ânes que nous sommes. Quoique d’une intelligence redoutable les Grecs possédaient un esprit tordu. Or par définition, selon ce qui précède, une droite grecque ne peut être droite, définie par un esprit de guingois elle ne peut être  ne serait-ce qu’un tout petit peu, tordue. Or si les droites sont tordues, peuvent-elles être vraiment parallèles.

             Vous conviendrez que cette problématique n’est pas évidente à développer. Nous risquons de nous perdre en propos oiseux. Les vacances s’approchent, je ne voudrais pas qu’au bord d’une plage, insensibles aux jeunes filles dénudées qui se prélassent sur le sable à proximité de votre parasol, votre esprit accaparé se perde en des ratiocinations infinies, qu’au mois de septembre vous rentriez chez vous dépité de n’avoir su résoudre ce problème, insatisfait de vous-même, déçu de ce séjour méditerranéen, en proie à des pensées suicidaires…

             Je pense avoir résolu ce problème. Ce n’est pas que je sois plus intelligent que vous, c’est dernièrement dans une boutique de bouquiniste que mon œil a été attiré, par le jaune vif d’une couverture. J’aime le jaune, c’est là mon moindre défaut. Aussi me suis-je approché, et c’est là cher kr’tntreader que je m’aperçois avec stupéfaction que c’était un livre sur le rock ! Comme quoi le rock’n’roll mène à tout.

    DEUXIEME INTRODUCTION

    POUR LES ESPRITS DE FINESSE

    Le jarl Chad est fièrement dressé à la proue de son drakkar. Le vent cingle violemment la grande voile à bandes sang et rouge. L’équipage entassé pêle-mêle ronfle bruyamment. Les durs guerriers sont fatigués. Ils ont tué, brûlé, assassiné, violé sans merci durant de longues heures. Il ne reste plus âme qui vive dans les ruines fumantes des igloos, les cadavres de deux cents ours polaires et de quatre cent cinquante rennes tous égorgés pour le seul plaisir de les voir souffrir jonchent le sol glacé du Groenland. Ce n’est pas pour rien que dans tout l’Occident le jarl Chad est surnommé la cinquième extinction.

    Un léger toussotement interrompt les suprêmes pensées du Jarl Chad. C’est Leif Turlusson, le pilote. Il tient à la main une antique carte qu’il avait dérobée dans le musée de Byzance deux ans auparavant lors d’un simple, même pas dix mille victimes, raid distractif.

    _ Vénéré Chad il y a un problème, la carte précise que nous devrions traverser des centaines de kilomètres sur terre avant d’arriver en Normandie.

    _ Merdum, catastrophum, asinus profundus !

     Le jarl est un lettré il connaît le latin mieux que ne le parlait Cicéron ; il s’est saisi de la carte, il lui jette un coup d’œil dédaigneux :

    _ Saperlopipetum comme disait Fantometta, la Normandie est beaucoup plus à l’intérieur des terres que je le pensais, pas de problème, une broutille, nous passerons par la Séquana, la Saona, le Rhodanum et l’Iserum. Pour gravir les Alporum on réquisitionnera quelques milliers d’indigènes jusqu’au lac Lemantum. Vois-tu Leif Turlutttutson, pas de quoi se lamenter pour si peu. Nous en profiterons pour ravager ces contrées qui osent se mettre entre nous et la Normandie.

    L’équipage réveillé hurle trois fois hourra, tous se jettent avec frénésie sur leur épée pour en aiguiser le tranchant.

    C’est ainsi que trois mois plus tard Le Jarl Chad à la tête de son équipage assoiffé de pillages et de violences entrait en Romandie…

    Douze siècles après, des scribes éblouis racontent encore cette épopée qui a laissé une trace sanglante dans la mémoire de l’Humanité.

    ROCK’N’ROLL EN ROMANDIE

    CHRONIQUE DES ANNEES SOIXANTE

    CHRISTIAN SCHLATTER

    (Editions Plantanidia / 1984)

     

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             Il est totalement vrai qu’en sortant de ma boutique, j’étais sûr d’avoir acheté un bouquin sur le rock en Normandie. C’est en le déposant sur le siège de ma voiture que j’ai corrigé ma fautive lecture Rock en Romandie ! Qu’importe, Normandie ou Romandie, c’est toujours du rock ! Je le croyais dur come du fer. Je ne me doutais pas que je m’apprêtais à vivre une étonnante expérience de parallélitude extrêmement déconcertante.

             Mais commençons par le commencement. Christian Schlatter est né en suisse en 1945, l’avait quinze ans en 1960 lors de l’éclosion du rock sur ce qu’avec dédain les britanniques nomment l’Europe continentale. Soyons honnêtes les Anglais possédèrent un peu d’avance. Attention sur la quatrième de couverture, il est précisé que le gars a connu Jerry Lee Lewis, Gene Vincent, Vince Taylor, Hallyday et Les Chaussettes Noires. Mais il ne s’est pas contenté d’être un témoin, il a aussi été un des acteurs des évènements qu’il rapporte.

    Avant même d’avoir ouvert l’ouvrage j’ignore tout de son contenu mais je sais que j’y trouverais des tas de noms de groupes inconnus.

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             Je ne me trompe pas. Mais dès la courte introduction je sursaute, Christian Schlatter annonce qu’il a fait partie des Aiglons. Les Aiglons, bien sûr je connais, je ne savais pas, ou j’ai totalement oublié qu’ils étaient Suisses, je les croyais français, la Compil Histoire du Rock Français les a annexés sans tergiverser… Stalactite leur premier titre passait régulièrement dans Special Blue Jean sur  Radio Andorre, un instrumental, c’était la mode à l’époque. Parce qu’il y avait les Shadows et surtout parce que le son nouveau des guitares électriques avait percuté jeunes et adultes, l’on aimait, l’on exécrait, mais c’était une sonorité nouvelle, choquante, inhabituelle, fascinante, pour parodier Lovecraft, la couleur (musicale) tombée du ciel. L’instrumental rock dans les années soixante était un art encore plus difficile que le Sonnet. L’est presque impossible de se démarquer. C’est facile de ressembler à tout le monde. Stalactite est savamment orchestré. Faut être un esthète rock pour apprécier ce genre de petits bijoux, si vous êtes musicos faut être sans cesse aux aguets une oreille sur la concurrence. Conséquence pour garder un public qui ne soit ni de niche ni d’aficionados, les groupes instrumentaux reprenaient les slows à succès, les plus courageux comme les Aiglons, les composaient eux-mêmes, dans les deux cas l’esprit rock se perdait, c’était là flirter dangereusement avec les groupes de balloche…

    Mais il n’y a pas eu que les Aiglons. Toute une kyrielle. Avec des noms du tonnerre. J’aimerais avoir le talent de Louis Aragon qui a composé de superbes ballades en citant les noms des villages de France. Je pourrais ainsi composer quelques chefs-d’oeuvre en énumérant les dénominations des premiers groupes sixties de France, de Belgique et de Suisse romande… Pour la petite histoire Aragon et Elsa Triolet ont été les rares spécimens de la haute intelligentzia française à avoir accueilli sans aménité Johnny Hallyday

    M’abstenant d’écrire un roman je me contenterai donc d’évoquer rapidement quelques-uns des tout premiers groupes romands. 

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    Honneur aux Volcans de Montreux, ils furent les premiers à enregistrer en 1964 un disque, 45 tours quatre titres, et à connaître un destin 100 % rock à la James Dean  puisque leur leader Jean-Pierre Sandoz se tua au volant de sa voiture… Le groupe essaya se survivre sous le nom Les Clandestins, influence Beatles-Stones, mais le cœur n’y était plus.

    Lucifer et ses Anges Blancs ce qui ne les gêna pas pour adopter un style Chaussettes noires furent très vite rappelés au paradis, en 1963 le groupe fut victimes de multiples changements, se métamorphosèrent en Lucifer et les Black Men, en 1964 c’était fini et bien fini, mais beaucoup de musiciens qui transitèrent dans le groupe se retrouveront plus tard dans d’autres formations…

             Les Loups Blancs, d’eux ne subsiste que leur réputation. Ils semblent s’être inspirés directement des américains et vraisemblablement des Shadows  puisqu’ils étaient un groupe instrumental.

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             Les Sorciers remportèrent le deuxième Coupe Suisse de Rock de Renens ce qui leur permit d’enregistrer deux disques, des instrumentaux, le son est maigre, chez Barclay. Ils se séparèrent à lin de l’enregistrement du second… Ces groupes sont instables les musiciens naviguent de combo en combo.

             Un groupe de Renens : se nommèrent d’abord les 5 Rocks (re-bonjour les Chaussettes) puis les Misfit’s très américanophiles : Holly, Vincent, Cochran, Valens et un nouveau guitariste Lucien Dardell entiché d’Hank Marvin et de Big Jim Sullivan, les Misfit’s passèrent au Golf-Drouot, intéressèrent Barclay, mais l’équivalent de notre service militaire leur fit rendre les armes.

             Une redoutable odeur nauséabonde accompagne les cinq paragraphes précédents. Pas d’inquiétude c’est ici qu’alertés par ces effluves de chaussettes sales que nous retournons à nos parallèles particulières puisqu’elles adoptent des particularités normalement attribuées aux sécantes, y aurait-il eu un rock’n’roll made in Switzerland si le french rock’n’roll n’avait pas montré l’exemple… Eddy et ses attributs vestimentaires de bas-étages ont servi d’exemple et de modèle, les Chats Sauvages ne suscitèrent pas de telles vocations. Nos romandiens ne bénéficièrent pas d’un, Golf-Drouot, au tout début ils se contentèrent d’un qu’un modeste café le Cyrano, un nom qui tout de suite vous tire flamberge au vent, miraculeusement situé au centre  Lausanne à quelques encablures d’une boutique de disques… Quelques amateurs ou esprits avisés prêts à tout pour gagner de l’argent essayèrent d’aider à la structuration du mouvement. Plusieurs concours mettant en compétition les groupes furent organisés pour échauffer les passions et motiver le public. Le vieux coup de l’os à ronger qui occupent les foules. Les résultats ne furent pas à la hauteur, les groupes élus ne reflétaient pas la hiérarchie des talents. D’autres préférèrent ouvrir des salles de danse ou de concert où les groupes pouvaient venir jouer régulièrement. Pratiquement gratuitement…

             La Guerre des Groupes raconte cette époque formidable… Beaucoup d’appelés et pas d’élus. Le service militaire, les études motivèrent les changements d’itinéraire. Un phénomène beaucoup plus insidieux, l’on est toujours trahi par soi-même, au bout de deux ou trois années se posait la question cruciale : ou tu tournes en rond, ou tu deviens professionnel. Encore fallait-il sentir que l’on en était  capable… Dès 1963, la donne change, la difficulté se corse, tant bien que mal on parvenait à imiter les ricains mais les groupes venus d’Angleterre changent les règles du jeu, Beatles et Rolling Stones, produisent une déflagration sonore, nos premières rock’n’roll stars prennent un sacré coup de vieux. Ces pionniers qui  croyaient faire partie de la pointe novatrice du rock’n’roll se retrouvèrent relégués dans le club des has-been…

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             Le deuxième chapitre est consacré à un seul groupe : Les Faux-frères. A l’origine ils sont deux, admirateurs des Everly Brothers. Des bosseurs, déjà en 1958, après les cours ils se mettent au travail. Faut étoffer le son, voix et guitare c’est un peu maigrelet. Sont rejoins par trois musiciens. Le groupe est remarqué par Albert Raisner qui leur offre un passage à Age Tendre et Tête de Bois, plusieurs maisons de disques parisiennes s’intéressent à eux, Claude Lederman qui manage  Claude François veut lancer les deux chanteurs à condition qu’ils balancent les trois musiciens, refus général, Vogue publie leur premier 45 tours avec Be Bop A Lula, les Everly en ont donné aussi leur version. Les Faux-Frères sautent le pas, ils choisissent de devenir professionnel. Sont à Paris, passent souvent au Bilboquet, tapent le bœuf avec Johnny Hallyday et Brian Jones ! Nous sommes en 1966, Raisner fait des promesses qu’il ne tiendra pas, en 1968 le groupe se sépare… De toutes les formations présentes dans le book, ce sont ceux qui seront allés le plus loin dans le métier.

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             Mais le plus intéressant reste à venir : les Aiglons. Pratiquement la moitié de l’ouvrage leur est dévolue. L’on pourrait reprocher à Christian Schlatter de tirer la couverture à lui ou sur son propre groupe. Il n’en est rien, il ne se met jamais personnellement en avant mais son témoignage est le seul document d’une telle importance sur les premiers groupes des années soixante, de France ou de Suisse qui nous soit parvenu. Du moins parmi tous ceux qui sont passés sous mes yeux. Il existe quelques interviews assez fouillées certes, mais là nous avons droit à un véritable récit réflexif. Rien à voir avec une hagiographie, pas le moindre règlement de compte, pas uniquement des faits non plus. C’est en avril 1962 que François Schlatter rencontre trois copains qui viennent de perdre leur batteur. Embauché d’office. Des gamins, d’un même quartier. Possèdent un atout. Leur guitariste, un autoritaire, un colérique, un perfectionniste, qui cent fois sur l’ouvrage leur met le nez dans leur caca. Les résultats sont là. Un coup de téléphone au Golf-Drouot, uniquement parce qu’ils sont suisses Henri Leproux les convoque pour le quatre janvier 1963. Ils ne remportent pas le tremplin mais sont remarqués par Ken Lean, directeur artistique chez Barclay leur promet de faire signe… Retour en Suisse, un peu dubitatifs… Z’ont tort. Coup de téléphone  de Kean Lean qui les convoque à Paris… pour enregistrer un disque ! Stalactite doit beaucoup à Ken Lean. Schlatter raconte qu’ils auront du mal à le reproduire à l’identique en concert. Début juin les auditeurs de Salut Les Copains plébiscitent le titre. Tout s’enchaîne très vite : réunion avec les parents qui acceptent de laisser s’envoler les petits pour trois ans. La belle vie à Paris… Juillet 63, ils participent à l tournée des Plages, non pas en Romandie mais en Normandie, organisée par RTL.. Sont en train de manger leur pain blanc mais ils ne le savent pas. En octobre 1963 l’enregistrement du deuxième disque sera difficile, moins rock que le précédent…

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             Dans notre livraison 695 du 19 / 06 / 2025, nous évoquions le passage de Gene Vincent accompagné par les Sunlights à Bruxelles le 10 octobre 1963. Les Aiglons faisaient partie du package de cette tournée ‘’ Âge Tendre’’. Encore deux parallèles qui se recoupent. Les Aiglons pactisent avec Gene. Schlatter dresse un beau portrait de Gene, être sensible qui donnait l’impression de ne pas être heureux, miné par le chagrin de la disparition d’Eddie Cochran et chagriné d’être séparé de sa petite fille…

     

             En décembre 1963, Ciné-Monde attire l’attention sur cinq groupes étrangers : les Beatles, les Shadows, les Spotnicks et les Aiglons… Incroyable mais vrai, ce sont les Beatles qui détiennent l’avenir du rock et pas les Aiglons… En 1964 les Aiglons refusent de devenir l’orchestre attitré de Claude François… le vent tourne, les amitiés se fissurent, l’argent est un grand désagrégateur… les  Aiglons retournent à leurs chères études, une désastreuse tournée en Allemagne vite interrompue, en octobre 1966 le groupe s’autodissout…

             Le livre est à lire, l’iconographie abondante, à signaler une photo de Gene Vincent que je ne connaissais pas… l’histoire d’une génération, racontée par un activiste rock qui n’a jamais désarmé.

             Les parallèles finissent par se rejoindre dans les cimetières.

    Damie Chad.

    P.S. : Il existe une cassette qui reprend certains morceaux évoqués dans le livre.

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    A la rentrée une kro d’écoute de cette génération.

            

    *

    The Gene Vincent Files #3: Harvey Hinsley, guitarist

    for Hot Chocolate talking about Gene Vincent.

             Hot Chocolate n’est pas mon groupe préféré. Je préfère des boissons un tantinet corsées. L’est vrai qu’ils avaient été remarqués par John Lennon, Qu’ils ont été pris en main par Mickie Most, par la suite ça s’est gâté, z’ont fait du funk et du disco. Je puis comprendre qu’il faut manger, qu’on a le droit d’évoluer, voire de régresser, mais aller jouer au mariage de Charles et de Diana, du coup j’ai du mal à tremper mes lèvres dans cette tasse de thé tiède… Z’oui mais si vous tapez le nom d’Harvey  Hinsley sur Discogs, vous tombez sur un double CD (cinquante-six morceaux) Roller Coaster : Git it ! A tribute to Gene Vincent, (Vol 3) with Eddie Cochran. Avec un morceau des Sprites, groupe mythique français ! Le genre de pemmican qui vous réconcilie avec la vie.

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    Cela a commencé  quand je me suis rendu dans une boutique de disques en ville, j’ai acheté un single, un 78 tours, de retour une autre fois, je ne pouvais même pas imaginer ce que j’allais choisir, le vendeur m’a dit : tu achèteras ce disque la prochaine fois, je demandais lequel et il me le fit écouter, je pensais que c’était un disque bizarre, il y avait  quelque chose d’intéressant dans ce truc, all rigtht et je suis sorti sans l’acheter. Il s’écoula environ six mois avant que je ne revienne dans la boutique : ‘’je suis revenu pour le disque dont vous m’aviez dit que je reviendrais l’acheter’’, ‘’Ah oui, lequel était-ce ?’’, ‘’ C’était Be Bop A Lula’’, ‘’ Ah, celui-là, j’étais sûr de que de toutes les façons vous voudriez l’acheter’’ J’ai fini par acheter 5, 7 8 exemplaires de ce disque, j’ai eu  trois Race with the Devil et cinq Be Bop A Lula, à force de les faire tourner ils s’usaient, en cette lointaine époque les aiguilles étaient lourdes et les disques crachotaient terriblement, j’en ai racheté cinq exemplaires, je me souviens de sa voix perchée, de son écho,  de sa voix brillante et je pensais que même si c’était aigu et brillant, et cette guitare, j’aimais cette guitare, j’adorais le truc en son entier, vous savez ces coups de frotté, oui j’aimais tout, je me souviens, à chaque fois je trouvais cela totalement inhabituel, bien sûr plus tard… En ces temps-là vous pensez bien que tout le monde trouvait cela bizarre, qu’à l’époque l’on ne savait pas quoi penser de ce truc, vous l’encaissiez en pleine poire, peu importe, plus tard vous compreniez… ce choc m’a considérablement affecté de la manière suivante, j’ai acheté les disques, qui m’ont coûté 14 guinées, chacune de  ces guinées coûtait 14 schillings, vous ne le savez pas mais 14 guinées c’était une guitare acoustique, une Zénith, ça m’a coûté un bras, et la première fois que je l’ai eue entre les mains  j’ai commencé à travailler Woman Love, c’et en G pas en B, mais Woman Love, de cela on s’en moque, c’était, c’était Woman Love ! j’ai compris que je travaillerai d’abord en B, je pensais que ce serait plus facile, j’ai démarré de cette manière, puis je suis passé à Be Bop A Lula, puis j’ai continué sur Race with the Devil, jusqu’à ce que je réussisse, j’ai bossé, bossé comme un fou, ensuite j’ai rejoint mon premier groupe, j’avais dix-huit ans, j’ai converti le groupe à Gene Vincent,

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    nous faisions aussi du Buddy Holly, Rave On par exemple, et toute cette came que nous aimions, j’ai convaincu le chanteur à apprendre le répertoire de Gene Vincent, et tout le set n’était que du Gene Vincent, ainsi je pouvais jouer tous les soli, nous avons passé une super-période… j’adorais la manière dont Gene chantait, par exemple Up a Lazy River, il le chantait doucement, personne d’autre ne pouvait le chanter ainsi, croyez-moi il le chantait si joliment doucement, avec cette brillante guitare par-dessus, et cette manière à lui de chanter, je pensais que je ne pourrais jamais trouvé un individu qui ait pu mieux faire. Je n’ai jamais aimé cette chanson et je ne l’aurais jamais aimée si je ne l’avais jamais entendue par Gene, il était dans son cuir noir, il était comme une exhalaison de son cuir noir, j’ai vu des photos de l’album Blue Jean Bop album, il porte sa veste de sport et sa guitare, il ressemble à n’importe quel artiste de country, et quand il était dans son cuir noir, je n’ai jamais été intéressé du tout par l’ensemble de sa personnalité, je ne me suis jamais soucié de ces anciennes apparences sur les scènes d’avant, pour moi j’écoutais un disque et j’entendais juste un son brillant, et pour moi s’il s’était tenu debout dans son pyjama en chantant et en sonnant bien, je ne m’en serais pas plus soucié que s’il était en train de bosser en face de moi… aussi quand je l’ai entendu dans ce théâtre je pensais me retrouver dans le son de ceux qui sont indiscutablement dans le haut du panier, aussi n’ai-je été  impressionné qu’ à demi, très  heureux de voir Gene, mais désappointé par les Blue Caps,  parce que j’avais toujours apprécié le groupe, mais pour être honnête avec ce set et cette formation, je ne savais pas quoi penser de cette formation, quoiqu’ il l’ait remaniée, et même si c’ était encore brillant avec Johnny Meeks… mais   ce dont je me souviens c’est que je l’ai rencontré dans un autre théâtre, un de mes amis le prit à part et je vis que c’était une personne comme tout le monde, il discutait avec de parfaits anonymes,  avec des gens non connus et il me fit venir backstage et me signa un autographe que j’ai toujours gardé, j’avais dix-huit ans, comment était-il – vous savez j’étais venu en pensant rencontrer une personnalité exceptionnelle mais il était très cool, pas du tout arrogant , parce que je suis arrivé en disant ‘’ Gene, je suis Harvey’’ j’ai senti l’ambiance ‘’ j’ai tous vos disques Gene’’ après quoi j’étais comme fou, mon Dieu qu’ai-je fait, il était si gentil, il m’a appelé monsieur et m’a beaucoup remercié, j’ai apprécié vraiment sympa… je n’ai jamais pensé qu’il pouvait être agressif, de par sa personnalité, par la manière dont il s’exprimait en ses chansons, avec un tel sentiment, spécialement les plus douces, beaucoup de personnes se plaignaient de ses slows, disant qu’est-ce qu’il est en train de faire Peg O My Heart, et Waltz of the Wind, pourquoi il fait ces trucs, qui sont si ridicules, ce sont de très grandes choses qui prouvent qu’il pouvait faire n’importe quoi, il pouvait faire du rock’n’roll et chanter des ballades, dans les deux registres il assurait, il chantait parfaitement, aujourd’hui les gens se corrigent avec l’auto tune, Gene était juste dans le ton, il chantait joliment, il avait une voix très belle, et Cliff Gallup était capable de tout jouer, il jouait aussi les slows… c’est ainsi que je pensais à l’époque, aussi maintenant j’imagine Gene comme si je l’avais vu pleurant sur scène, et je n’aurais pas été étonné, je n’aurais pas voulu être impressionné d’une autre manière, j’ai juste pensé qu’il était un gars paisible… quand je l’ai rencontré il était calme, et j’ai pensé qu’il était comme cela d’après ses disques, c’était un gars tranquille et même timide, c’est ainsi que je tiens à   parler de lui, il n’était pas un gars outrageant. Quelques-uns ont essayé d’acter cela, mais vous savez je l’ai rencontré la première fois lorsque j’avais 18 ans, et ensuite probablement vers 23 ans, avec  ( Marshall Jim ? Chas Chandler ?) et les propriétaires de Chess (?)et Mick Underwood.  Gene voulait un groupe pour l’accompagner pour quelques sessions sur TV Manchester, et je pense que nous étions déjà pris ou qu’ils ne voulaient pas nous payer ou que quelque chose a mal tourné… Chas (?) s’est tourné vers moi : Voici Harvey votre plus grand fan Gene, j’ai répondu que j’étais heureux, quand on nous a demandé de l’accompagner,  mais pourquoi n’avez-vous pas les Blue Caps avec vous, c’est tout ce que je pensais, pourquoi n’avez-vous pas les Blue Caps, il a répondu en quelque sorte, que ne connaissais pas les dessous du deal, que tout allait mal… j’ai demandé

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    mais qu’est-il arrivé à Cliff Gallup, pourquoi ne l’avez-vous pas gardé avec vous, il m’a répondu qu’il en avait assez de tourner et qu’il ne voulait pas reprendre la route… je ne connaissais pas grand-chose de Johnny Meeks, et je ne sais même pas si à l’époque je connaissais le nom de Johnny Meeks, car je n’étais pas trop sûr de connaître les noms de ceux qui étaient dans le groupe, les photographies étaient trompeuses, vous pouviez voir Russel Williford et penser que c’était Cliff qui n’était pas là, et si vous regardez plus tard les photos en 1957, vous lisiez Grady Owens et selon moi il ressemblait à Russel Williford, alors que je pensais qu’il était Cliff Gallup, je me suis longtemps demandé  ce que Johnny Meeks venait faire dans l’affaire… j’étais en pleine confusion, je ne savais pas qui était qui et qui n’était pas dans la formation, j’avais tout faux,… Jeff Beck et moi pensions que Russel Williford était Cliff Gallup, tous deux pendant des années nous fûmes trompés par ce micmac, j’ai alors demandé à Gene, pourquoi n’as-tu pas les Blue Caps avec toi, sais-tu ou ne sais-tu pas les dessous de l’affaire, ne peux-tu pas venir avec ton groupe, ou est-ce trop de tracas de faire venir ton groupe, ou en fait te serait-il impossible de contrevenir aux statuts des premiers jours, est-ce que tu ne peux pas contrevenir à la loi, c’est un sacré embêtement si tu es dans l’impossibilité de les faire venir… Je décide de ma propre guitare et tout un tas de gars peuvent décider de leurs propres guitares, nous pouvons tous choisir une Fender ou agréer une autre marque, ainsi nous avons juste à choisir nos propres guitares, je pense que les gens peuvent avoir autant  d’intérêts que moi et Gene en aurait probablement eu tout autant… il lui aurait fallu un véritable  manager capable d’organiser proprement le groupe et de le traiter proprement, si ce n’est pas le cas, si  les groupes ne sont pas traités proprement, alors ils vous quittent… vous devez traiter chacun raisonnablement, j’ai appris cela avec

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    mes guys, si vous payez votre groupe avec de l’argent pourri ils s’énervent, ils accumulent de la rancœur, si vous les payez raisonnablement et que vous faites en sorte que chacun reçoive décemment  son dû, ça ne peut pas tourner au vinaigre et ça ne peut pas aller mal…   Gene et les Blue Caps  ont dû recevoir une volée de sales coups, ils n’ont pas reçu de salaire et différentes problèmes ont motivé leur départ, si bien que maintenant Gene ne peut même pas compter sur un seul des anciens, les choses ont empiré, et il est découragé, je ne sais pas, je pense juste qu’il ne pouvait manager ses propres affaires tout seul, il n’était pas très au point pour ce job, certes je n’oublie pas que je ne le connais pas très bien, certains ont dû le percer à jour,  pour ma part sa naïveté m’a sauté aux yeux, il s’est présenté à moi avec cette naïveté qui le caractérise… c’est un scandale, voyez  le gaspillage, il aurait pu partir en disant que chacun est parti après avoir joué sa dernière carte,  vous êtes dans le jeu et une minute plus tard vous êtes hors-jeu, vous essayez de revenir durant des années, ce n’est pas facile, je me souviens d’avoir entendu dire, je n’en ai pas été surpris,   que Gene buvait beaucoup, vraiment beaucoup, probablement vous vous doutez que sa vie tournait mal, avec le temps il a bu à cause de ça, il a eu un ulcère à l’estomac, et toute la suite, pour être honnête avec vous, je n’ai pas été surpris, pas surpris du tout, si vous le comparez à Elvis,  il n’a pas partagé le même destin, mais encore aujourd’hui je pense que Gene était  l’homme  je pense d’un tas de femmes, je me souviens des filles, ou des femmes d’autrefois qui ont acheté le premier album et quand elles l’ont vu : elles ne l’ont pas aimé, parce que vous savez la manière dont il regardait les yeux en l’air, il regardait le ciel et elles ont pensé qu’il était fou,  le peuple des femmes ne l’a pas aimé, je n’ai jamais connu une femme, ce sont toujours les hommes qui ont aimé Gene, quelques femmes bien sûr l’ont aimé, mais surtout les hommes, je pense que vous savez que vous avez besoin des femmes, ce sont les seules qui vont aux concerts et poussent des cris, vous pouvez penser qu’il a eu des femmes, il en a eu quelques-unes mais pas tant que ça. Elvis possédait, et Gene aussi, une voix aigüe, et je ne sais pas si les femmes aiment les voix aigües chez les hommes, mais Elvis avait aussi sa voix grave, elles ont tendance à aller vers ces voix profondes par lesquelles les hommes ne sont pas spécialement attirés, je veux dire que vous pensez que nous sommes attirés, je veux dire que vous pouvez vous demander pourquoi nous nous  soucierions de ces voix aigües, mais j’aime ces voix aigües, je veux dire que j’aimerais pouvoir chanter comme cela, je donnerais n’importe quoi pour pouvoir chanter comme lui. Si je pouvais chanter comme Gene, jouer comme Cliff, ce serait grand de chanter comme Gene, mais il n’y a pas beaucoup de gens qui soient capables de chanter comme ça.

    Damie Chad

    A suivre.