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CHRONIQUES DE POURPRE

  • CHRONIQUES DE POURPRE 698 : KR'TNT ! 698 : JOHN CALE / BIG BYRD / PRIMAL SCREAM / WILD BILLY CHILDISH / DARANDO / THUMOS

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 698

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    10 / 07 / 2025

     

     

    JOHN CALE / BIG BYRD / PRIMAL SCREAM

    WILD BILLY CHILDISH  / DARANDO

    THUMOS

      

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 698

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

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    TRISTE NOUVELLE POUR LES ROCKERS

    PRIVES DE LEUR BLOGUE FAVORI

    JUSQU’A LA FIN AOÛT

    HEUREUSE NOUVELLE POUR LES ROCKERS

    LE CAT ZENGLER ET DAMIE CHAD

    REVIENDRONT ENCORE PLUS FORTS

    ENCORE PLUS ROCK !

    BONNES VACANCES !

     

    Wizards & True Stars

    - Cale aurifère

    (Part Six)

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             Comme dirait Arletty, «Paris 1919 est tout petit pour un si grand album.» Arletty parle bien sûr du book que Mark Doyle consacre au Paris 1919 de John Cale. Il vaudrait mieux parler d’un mini-book, celui qui rentre dans toutes les poches et qui plafonne à 120 pages. Arletty a raison : comment peut-on imaginer un book aussi petit pour un si grand album ?

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             Deuxième interrogation : pourquoi aller rapatrier un book qui chante les louanges d’un album dont on sait déjà tout depuis 50 ans ? La réponse est simple : la kro du book dans Record Collector était tellement enthousiaste qu’on a voté le rapatriement immédiat en conseil restreint.

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             Le mini-book arrive aussi sec. Pouf ! Tu le lis d’un trait d’un seul. Tu ressens exactement la même délectation que celle éprouvée en 1973 ou 74 au moment de l’achat. Avec cet album incroyablement littéraire, John Cale te donnait à sa façon un avant-goût du paradis des cervelles : t’avais la beauté des mélodies et Dada. Avec ceux qu’on cite habituellement (Bringing It All Back Home/Highway 61 Revisited/Blonde On Blonde, Let It Bleed, le Piper de Syd, les 3 Velvet, Are You Experienced/Axis Bold As Love/Electric Ladyland, le Live At The Star-Club de Jerry Lee, le White Album, The Spotlight Kid/Clear Spot, les deux premiers Stooges et les deux Dolls), cet album est celui qui t’a le plus marqué, à l’époque. Il ne se passe pas un an sans que tu ne le ressortes de l’étagère pour t’assurer que l’illusion du paradis des cervelles reste palpable.

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             Doyle est un homme fantastiquement documenté. Il sait en plus dire ce qu’il éprouve à la ré-écoute de Paris 1919. C’est toujours ce qu’on recherche quand on lit une kro : voir si ta vision coïncide avec celle du kroniqueur. Quand Doyle dit que «l’album s’améliore à chaque écoute», on est d’accord avec lui - It is a classic grower album - Il s’aperçoit que ça ne fonctionne pas avec tous les groupes qu’il aime bien et qu’il cite (Silver Jews, New Phonographers, TV On The Radio). Peu d’albums tiennent le choc de la ré-écoute. Paris 1919, dit-il, n’a jamais pris une seule ride. Et plus il ré-écoute l’album, plus il le trouve strange.

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             Comme Prévert, Doyle fait l’inventaire de Paris 1919 : «Classical music, avant-garde music, rock’n’roll, highbrow litterature, lowbrow litterature, history, geography, death, drugs, violence, beauty, ugliness, loneliness, and every point on the compass are packed into its thirty-one minutes.» Il a oublié les ratons laveurs, mais c’est pas grave. Et puis t’as cette pochette qui montre Calimero «like the ghost of an Edwardian dandy.» C’est crai qu’il rayonnait. Il passait de l’ombre du Velvet à la lumière de Paris 1919. Dylan avait tenté exactement la même transformation, mais il n’était pas aussi beau que Calimero.

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             En fin stratège, Doyle commence par situer le contexte de l’album. Calimero vient d’arriver en Californie : il passe du statut d’avant-gardiste de choc à celui de salarié chez Warner Bros, «avec un planning, des réunions, un budget, une nouvelle femme, une maison et un chien» - He had kicked heroin and gotten hooked, instead, on cocaine - Doyle dit bien les choses, il est essentiel de rappeler que la coke coulait à flots à cette époque. C’est tout de même drôle que Calimero ait réussi cette transformation, car il venait de Fluxus et fréquentait l’un des meilleurs dealers new-yorkais, La Monte Young, un protégé de John Cage. Eh oui, ça ne rigolait pas au 275 Church Street, avec les ear-twisting drones, les intense light projections and Young’s narcotics, t’avais le cocktail parfait. Un cocktail que t’allais d’ailleurs retrouver dans le Velvet. Le groupe d’avant-gardistes s’appelait The Dream Syndicate.

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             Doyle attaque ensuite l’épisode de la rencontre Lou/Calimero qu’on connaît pas cœur, mais qu’il prend plaisir à redéfinir : d’un côté le Lou avec ses «gritty, literary tales of urban squalor» et de l’autre Calimero avec ses idées d’avant-garde et ses «noise and drones and paranoid dread.» Au contact du Lou, Calimero apprend un truc essentiel : l’art d’écrire des chansons. Et ce qui fascine le plus Calimero chez le Lou, c’est sa réelle dimension littéraire. Calimero découvre que la pop peut être autre chose que du «silly kids’ stuff». Pour lui c’est une révélation. Les chansons du Lou sont tout sauf du silly kids’ stuff. Calimero comprend qu’on peut allier la poésie à la musique. Et puis le Lou sait décrire des personnages sur le temps court d’une chanson, comme le fait si bien Ray Davies en Angleterre. Calimero fait une autre découverte de taille : «For all their reputation as confrontational chaos-merchants, the Velvets were also capable of great beauty and delicacy.» Calimero va s’en souvenir. Il en fera même un fonds de commerce. Paris 1919 est le fruit de cette révélation.

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             Peu avant Paris 1919, Calimero avait bossé avec Nico. Il avait appris à arranger dans un esprit particulier, «weary, sophisticated, European», un esprit qu’on retrouve bien sûr tout au long de Paris 1919. Calimero n’a pas la voix de Nico, mais une voix plus chaude, plus riche, «slightlly (but only slightly) less alien», et Doyle balance ça qui est criant de vérité : «I do think it’s accurate to say that Nico has haunted Cale for much of his life.» Doyle rappelle encore que sur Mercy, son dernier album, Calimero a enregistré «Moonstruck (Nico’s Song)», dont les «swelling strings, eerie harmonium and downbeat lyrics» constituent la preuve «of continuing hauntings». Et Doyle enfonce son clou de manière somptueuse, en indiquant que sur Mercy, les cuts sont tous des collaborations avec d’autres artistes, «but this one is not - unsless perhaps we count Nico’s ghost.» Et là le mini-book prend une dimension faramineuse. Doyle est tellement imprégné du génie de Calimero qu’il transforme son mini-book en chausse-trappe révélatoire.

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             Quand Calimero fait écouter au Lou les albums de Nico qu’il vient de produire, il l’avertit : «Listen to this. This is what you could have had.» Et bien sûr le Lou est bluffé, allant même jusqu’à qualifier ces albums de «most incredible albums ever made.» À ce stade des opérations, on patauge dans la mythologie la plus épaisse : le Lou, Calimero et Nico. T’as très peu de conglomérats aussi intenses dans l’histoire du rock. Il en manque un : Warhol ! Tiens justement le voilà. Doyle le ramène vite fait en citant Calimero : «Andy fut très important dans mon développement à cette époque, parce qu’il montrait l’exemple d’une ‘fervent pursuit of an extraordinary work ethic’. Art is work. Work is art.» Doyle rappelle que l’endroit où bossait Warhol s’appelait la Factory pour une bonne raison : «amid the chaos of gossip, amphetamines and aluminium, Warhol and his collaborators were working all the time. Silkscreens, films, happenings.»

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             Lors d’un voyage à Londres avec Nico, Calimero rencontre Nick Drake et l’accompagne sur deux cuts de Bryter Layter. C’est aussi à cette occasion qu’il rencontre Joe Boyd, qui a aussi bossé avec Nick Drake et Nico sur Desertshore. C’est Boyd qui va ramener Calimero chez Warner Bros. Il réussit à convaincre Mo Austin d’embaucher Calimero pour écrire des Bandes Originales de films. Du coup Calimero découvre un monde étrange de «folkies, hippies, pop singers, top-shelf session musicians, one-off eccentrics like Randy Newman and Van Dyke Parks, troubled geniuses like Phil Spector and Brian Wilson, and outright freaks like Frank Zappa and Captain Beefheart.» Pendant un temps, Calimero vit chez Joe Boyd et sa copine Linda Peters. Ils ne traînent pas trop dans les salons, ils préfèrent rester à la maison pour jouer au ping-pong ou aller voir un concert des Bee Gees dont l’album Trafalgar vient de sortir. Doyle pense que leur influence sur Paris 1919 est palpable. Doyle a raison de s’attarder sur Warner Bros et Reprise, car c’est ce qui appelle «an extremely hip label» - The quintessential Los Angeles record label of the early seventies - C’est un label qui sait prendre des risques (Randy Newman, Zappa, Captain Beefheart). Leur A&R Andy Whickham écume Laurel Canyon. Joni Mitchell, James Taylor et Neil Young sont sur Warner. Les Doobie Brothers, Alice Cooper et America font rentrer les sous. Joe Boyd rappelle que les locaux de Warner à Burbank sont une «cramped old warehouse» et que les transactions se font dans les gogues.

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             Calimero s’est marié avec l’une des GTOs, Cindy Wells - The most destructive relationship I ever had - Pamela Des Barres avait fait entrer Cindy Wells dans les GTOs parce qu’elle apportait «a really important twisted element». Elle est en plus ce qu’on appelle une menteuse pathologique. Elle va faire pas mal de stages en HP.

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             C’est Chris Thomas qui produit Paris 1919. Calimero l’a repéré grâce à au Live With The Edmonton Symphony Orchestra de Procol Harum. Doyle pense que Chris Thomas a réussi à lisser le son de Calimero. Terminé le «reckless  trashing». C’est un nouvel univers qui s’ouvre, avec les «ghosts of his past life - You’re a ghost la la la la - Lou Reed’s literary songcraft, Warhol’s drive, Nico’s droning across a frozen landscape - Oui, le morceau titre de Paris 1919 est la chanson des fantômes, avec un véritable entrain européen, bourré de Tuileries, de Beaujolais et des Champs-Élysées.

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             Doyle claque tout un chapitre sur le thème de Dylan Thomas, un Thomas nous dit Doyle qui fut à Calimero ce que Muddy Waters fut aux Stones et Buddy Holly aux Beatles. Calimero et Dylan Thomas sont tous les deux nés au Sud du Pays de Galles. Calimero pense que c’est la langue musicale de Thomas qui, petit, l’a orienté vers la musique. Un Dylan Thomas dont le cassage de pipe en bois est extrêmement rock - Thomas’ death elevated him from legend to myth - Doyle met soudain le turbo en saluant le «self-destructive wild man» que fut Dylan Thomas, un destructeur d’appartements, «serial affairs, nasty fights, and far too much champagne.» Il fit scandale à New York, mais en même temps, il fascinait les gens. Il est devenu le prototype du «misbehaving celebrity-artist», un modèle pour ceux qui vont suivre. Il est devenu le cliché du «rock’n’roll poet». Il est une rock star avant les rock stars. Et là Doyle prend feu, du moins sa plume : «Non seulement did he live fast and die young d’une manière qui allait elle-même devenir un cliché rock, mais sa vie et ses vers ont inspiré plusieurs générations de musiciens. Bob Dylan lui a emprunté son nom. Et beaucoup d’autres, comme Tom Waits, The Cure ou St Vincent se sont prosternés devant son autel.» Calimero est arrivé à New York dix ans après la mort de Dylan Thomas. Il y croisait son fantôme au Chelsea Hotel. Calimero s’y était installé avec sa femme Betsy Johnson, au temps du Velvet. C’est là au Chelsea Hotel que Dylan Thomas a glissé «into his fatal coma». Doyle souligne enfin la propension qu’avait Calimero à imiter le process d’auto-destruction de son modèle. Il s’agit d’une parenté purement intellectuelle : le mode de vie et la pratique de l’art sont INDISSOCIABLES.   

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             Au moment de Paris 1919, Calimero est devenu un artiste complet : «Il a fait son apprentissage avec the desperados of the classical avant-garde, redéfini le rock’n’roll avec le Velvet, dressé la carte d’un nouvel univers sonique avec Nico.» Doyle retrouve l’influence de Thomas dans les textes de Calimero, c’est pour lui essentiel de le souligner - Thomas is still here in the pacing and rhythm of his songs, in the preference for sound over sense - Voilà qui explique tout : les paroles des chansons de Paris 1919 n’ont souvent pas de sens, mais t’as des tas de mots qui sonnent. Doyle prépare le terrain pour Dada. Dans «Hanky Panky Nowhow», Calimero vante les vertus des «planning lakes» - Those planning lakes/ Will surely calm you down - mais on ne sait pas ce que sont les planning lakes. Dans «Andalucia», il yodelle son amour, mais on sent bien que quelque chose ne va pas - It doesn’t sound like a very happy moment - Comme nous tous, Doyle ressent lui aussi une «vague inquiétude» à l’écoute de cet album.

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             Et boom ! Le mini-book explose ! Dada ! Doyle brosse un portrait en pied de Tzara le héros et rappelle le truc de base : «Dada is a notoriously difficult thing to define.» Pour une fois, on va laisser ça en anglais. Doyle bataille bien avec Dada, il se retrousse les manches et déterre de vastes extraits des manifestes, il rappelle l’importance du nihilisme et de l’urgence à détruire. Doyle rappelle aussi la différence qui existe entre Dada et le Surréalisme - Dada was action, movement and abstraction - par contre, le Surréalisme était «something definite», et surtout, un mouvement doté d’un beau despote. Doyle trace le parallèle évident entre le Paris de Tzara et le New York de Calimero : ils arrivent tous les deux pour révolutionner l’art. New York nous dit Doyle «is where Dada will be reborn». À New York, ça palpite comme une bite au printemps, «Beat Poetry, Bebop, Pop Art», et badaboom voilà Fluxus ! En 1960, George Maciunas défend l’idée d’un art en mouvement constant. Art as movement, art as effervescence. Dans les rangs de Fluxus, on retrouve bien sûr La Monte Young, Terry Riley, Allan Krapow et Yoko Ono. Les gens de Fluxus suivent le modèle de Dada, avec des «provocative, head-scraching performance designed to shake people out of their complacency.» Tout y est : les manifestes, l’excentricité et l’anarchic humor. Maciunas voulait purger le monde du «dead art», «imitation, artificial art, abstract art, illusionistic art, mathematical art.»

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             À son arrivée à New York, Calimero participe à l’interprétation des Vexations d’Erik Satie pendant dix-huit heures. Doyle : «The 1960s in other words, was Cale’s Dada period, his Paris 1919. It reached its apogee with the Velvet Underground. Black-clad and unsmiling, the Velvets  alterned, as the Dadaists had done, between assaulting the audience with ungodly noise and boring them to death with drones and repetition. But it wasn’t just about noise. Often, especially when Warhol was involved, it was about spectacle.» Doyle monte encore d’un cran en évoquant des scènes du Velvets’ Dadaism - The nonsense vocals, the noise, the agression, the Wagnerian catharsis - it was the Dada dance of death updated for the rock’n’roll age - Ce sont des pages tellement intenses et tellement criantes de vérité qu’elles t’envoient au tapis. 

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             Mais le Lou n’aime pas trop la tension de l’art as effervescence. Doyle pense qu’il a viré Calimero pour ça. Il voulait faire des albums plus commerciaux, «but Cale wanted to keep the flux fluxing, so he got the boot. Sans lui, le Velvet est devenu un groupe différent : still edgy but much less Dada. C’est je crois ce que les gens veulent dire quand ils disent que Cale amenait un avant-garde spirit to the band. They mean he brought the Dada spirit.» Tout est dit.

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             En Calimero bouillonnait le Dada spirit, mais aussi l’énergie de Dylan Thomas, sans oublier cette fascination pour Nico, et donc les fantômes. C’est tout cela qu’on retrouve dans Paris 1919. Et dans tous ses autres albums, ajoute Doyle l’extra-lucide. Doyle ajoute que Calimero allait revenir à Dada pendant les seventies avec de la provoc sur scène : masques de hockey, poulets décapités - His unruly stage shows were what happens when you mix Dada with cocaine and booze - Dans What’s Welsh For Zen, Calimero définit Paris 1919 comme «an example of the nicest ways of saying something really ugly.»

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             Doyle finit par lâcher le morceau : Paris 1919 est plus surréaliste que Dada, il parle même d’un «shimmering Surrealism of Cale’s Paris 1919». Il affine en précisant que le Surréalisme est un filet permettant de pêcher l’inconscient, un filet qu’utilisaient aussi George Clinton et Captain Beefheart, «et ce que Cale a pêché is a kind of historical unconscious, the half-suppressed dreams and nihtmares of a wasted cicilization. So of course there are ghosts here.»

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             Comme il a raison, Doyle, Paris 1919 est un album délicieusement européen. «Child Christmas In Wales» ? Grandeur et décadence joyeuse. Et puis t’as ces chansons mélodiquement pures, «Hanky Panky Nohow», «Andalucia» et puis aussi «Half Past France», cette belle ode à la nonchalance qui s’écrase dans un merveilleux nuage misanthropique - People always bored me anyway - Et puis t’as surtout «Paris 1919», «the Everest, the Mona Lisa smile, the masterpiece within the masterpiece.» Doyle n’en finirait plus. Heureusement que c’est un mini-book.

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             Oh et puis t’as deux chroniques de concerts dans la presse anglaise. C’était au mois de mars à Londres, et à Glagow. Belle actu ! Stephen Troussé en trousse une demi-page, et qualifie Calimero d’«octogenarian art-rocker, still at the peak of his piratical powers.» C’est bien troussé ! Même si après, il radote la vieille anecdote du poulet vivant sacrifié sur scène. Tout le monde s’en fout. Troussé estime du haut de sa grandeur magnanime que Calimero a atteint le paradis, loin des excès du passé. Même les journalistes anglais racontent des conneries. Il note toutefois que the old wildness is alive, notamment dans ses deux derniers albums, Mercy et POPtical Illusion. Visiblement, les Londoniens ont plus de chance que les Normands, puisque Calimero les gratifie d’un «Hello London, nice to see you.» Troussé salue aussi Dustin Boyer «on free-roaming guitars». Dressé derrière son clavier, Calimero mène le bal. Troussé le voit comme l’Achab de l’avant-rock, qui sillonne «the seven seas of one of rock’s more confounding back-catalogues». Troussé se fend d’un final magnifique, en référence au «Frozen Warnings» que Calimero sort de l’oubli sur scène : the song at the heart of The Marble Index. Troussé parle d’une glacial masterpiece - The song could be a transmission from the deep dark past - or the distant future - but John Cale has never sounded so thrillingly alive - Wow ! 

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             Grahame Bent rend lui aussi hommage au vieux Calimero. Bent commence par le qualifier d’«one of the most significant survivors of the ‘60s, an important contributor to the decade’s seismic reverberations.» Calimero attaque son set écossais avec le «Shark Shark» tiré de POPtical Illusion. Bent cite les deux clins d’yeux à Nico : «Frozen Warnings» et «Moonstruck (Nico’s Song)». Les Écossais ont du pot, car Calimero revient fracasser une cover de «Waiting For The Man». Et Bent conclut son hommage de manière extrêmement seigneuriale : «John Cale reminds one and all that he’s beyond tidy classification and still ahead of his time.»

    Signé : Cazengler, John Cave

    John Cale. Paris 1919. Reprise Records 1973

    Mark Doyle. Paris 1919. 33 1/3. Bloomsbury Academic 2025

    Graham Bent : John Cale live at the Pavillon Theatre, Glagow. Shindig! # 163 - May 2025

    Stephen Troussé. John Cale live at Royal Festival Hall, London. Uncut # 336 - May 2025

     

    L’avenir du rock

    - Bye Bye Big Byrd

             Boule et Bill déboulent au bar. Ils encadrent l’avenir du rock qui sirote sa Jupi.

             — Ah bah dis, avenir du rock, on t’a vu hier soir au concert du Brian Jonestown !

             — Bah oui, Bill !

             Boule pose la main sur l’épaule de l’avenir du rock et lui dit :

             — On a vu ta grosse gueule de raie au premier rang. J’parie qu’t’as trouvé ça bien...

             L’avenir du rock retire la main de Boule de son épaule et lâche d’une voix lasse :

             — Bah oui, Boule...

             — On t’a aussi vu acclamer les mecs de la première partie, les Big Byrd, c’est ça ?

             — Bah oui, Bill...

             — Alors on te voit venir avec tes gros sabots... Tu vas essayer de nous les refourguer dans ta putain de rubrique !

             — Bah oui, Boule...

             — Chuis sûr qu’tu vas nous sortir toutes tes vieilles ficelles de caleçon !

             — Bah oui, Bill...

             — Tu vas nous faire le coup du Byrd dans les épinards ?

             — Ou encore le coup du Byrd en broche, ha ha ha ha !

             — Ou alors le coup du Byrd Doggin’, ha ha ha ha !

             — Ou bien le coup du Surfin’ Byrd, ha ha ha ha !

             — Ou encore le Byrd et l’argent du Byrd, ha ha ha ha !

             — Ou tiens, le coup du Ronnie Byrd, ha ha ha ha !

             — Tiens, j’te parie qu’y va essayer l’coup d’l’œil au Byrd noir, ha ha ha ha !

             — Ou alors le coup du Radio Byrdman, ha ha ha ha !

             À les voir se marrer comme des bossus, l’avenir du rock finit par rigoler avec eux :

             — Qu’est-ce que vous pouvez être cons, tous les deux. Vraiment cons comme des bites ! Vous n’avez pas inventé le fil à couper le Byrd !

     

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             Contrairement à ce qu’indique le titre, les Big Byrd n’ont rien à voir avec le «Bye Bye Bird» des Moody Blues. Ni avec le «Big Bird» d’Eddie Floyd. Ils n’ont rien à voir non plus avec les Byrds. Ils se réclameraient plutôt des parkas. Parki ? Parka !

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     Vroom vroom ! Le mec de Big Byrd aurait pu arriver sur scène en scooter. Une vraie dégaine de Mod anglais. On apprendra par la suite que le groupe est suédois, mais en attendant, on tombe sous leur charme, fuck, il faut voir comme ils groovent. Ils jouent en première partie du Brian Jonetown Massacre, donc ce n’est pas une surprise. Ils groovent même divinement bien. Tu t’en pourlèches les babines. Tu ne

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    sais alors pas d’où ils sortent, mais en deux cuts, ils se mettent la Cigale dans la poche. Tu te dis qu’il y a anguille sous roche : c’est impossible ! Des mecs aussi pros, aussi parfaits ? T’apprendras après coup que le parka man s’appelle Joakim Ahlund et qu’il grattait ses poux dans les fantastiques Caesars Palace, devenus les Caesars. Mais tout ça revient après coup. Sur scène, il se passe un truc tout de même assez rare : t’assistes au set d’une première partie révélatoire. En l’espace de 7 ou 8 cuts, ils te gavent comme une oie. My Gawd, comme ce mec est doué ! Comme ça sonne.

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    Te voilà revenu dans le meilleur des mondes. C’est assez vertigineux. Derrière parka man, t’as un mec à la basse, Frans Johansson, un autre aux claviers et encore un autre au beurre, mais on ne voit que parka man. Il porte des lunettes noires. Tu ne

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     sais rien de ses cuts, t’as jamais entendu parler des Big Byrd, mais tous ces cuts sans exception te flattent l’intellect. Tu découvriras encore par la suite que le premier album des Big Byrd est sorti sur A Records, le label d’Anton Newcombe. Il n’y a donc pas de hasard, Balthazar.

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             La première chose que tu fais en rentrant au bercail c’est de réunir un conseil extraordinaire et pour voter à l’unanimité le rapatriement des Big Byrd records. 

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             Pas surprenant que They Worshipped Cats soit sorti sur A Records : on se croirait chez Brian Jonestown ! T’es hooké dès le groove psyché d’«Indian Waves». Joakim et ses Big Byrd ont un sens aigu de l’hypno stratosphérique. Et ça continue avec l’harsh attack de «Tinitus Aeternum», gros shoot de vandalisme protozozo zébré d’éclairs psycho, le tout bien noyé d’écho. Quelle claque ! On retrouve Anton Newcombe dans le morceau titre. T’y retrouves aussi tout le power hypno du monde. Puis ils s’en vont tous chanter «Vi Börde Präta Mën Dët Är För Sënt» au sommet du lärd, ça sonne comme un hït, avec un fil mélodique impäräble. Ça dégouline littéralement de légendarité. T’en reviens pas de tant d’hauteur de vue. Encore de la clameur suprême avec «Just One Time» et de l’harsh attack dans «White Week». Joakim ne vit que pour l’up-tempo. T’entends même des échos de Beatlemania. Puis tu tombes sur le pot-aux-roses : le fast instro de «1,2,3,4 Morte» qui fonce à travers la nuit. Somptueux de power max. Puis ils entrent en vainqueurs dans ton imaginaire avec un nouveau coup de Jarnac, «Back To Bagarmossen». Quelle attaque ! Quelle majesté ! Encore de l’heavy groove de rêve digne d’Hawkwind ! Imbattable ! C’est du roule-ma-poule à travers toute l’histoire du (bon) rock, c’est du tout cuit, t’as le poids du power et le choc des chimères. Tu les laisses venir, alors ils viennent, ils sont tellement les bienvenus que t’en perds ton latin, c’est tout de même incroyable de voir ces demi-dieux se prélasser au soleil du groove marmoréen, et t’as des drones de trash qui traversent la scène, ce mec Joakim a du génie, on l’a bien compris l’autre soir à la Cigale, il aurait pu voler le show d’Anton Newcombe, mais comme Joakim est un mec élégant, il est resté en retrait.

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             Iran Irak IKEA n’est pas l’album du siècle, oh la la, pas du tout, mais on sent le métier derrière la pop, et t’es vite embarqué par l’hypnotique «Tried So Hard». Ils sont à l’aise avec l’hypno à gogo, c’est à la fois puissant et névralgique, tu savoures la qualité de l’hypno, c’est même une hypno de qualité supérieure. Ils vont plus sur Babaluma avec «A Little More Dumb». Ça sonne ! En B, ils vont plus sur le poppy poppah de la barbe à papah («Fucked Up I Was A Child») et avec «Eon», on se croirait chez Taxi Girl. On sent pourtant le métier derrière tout ça.

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             Bel album que cet Eternal Light Brigade. C’est tout de suite sexy, t’entends ronfler le bassmatic de Johansson. Une chose est sûre : t’as du son. Ils tapent en plein dans le Brian Jonestown Massacre avec «I Used To Be Lost But Now I’m Just Gone». C’est même effarant de similitude. Même chose pour le «Desolation Raga». Même école de pensée. Tu te sens sur la terre ferme. Et parka man te claque de beaux arpèges décolorés au sommet du beat. Parka man a un don, c’est indéniable. Il sait allumer un  cut de manière informelle, comme le montre encore cet instro du diable, «Katamaran». Ce bel instro hypno file sous le vent. Parka man sonne comme une superstar, il sait poser sa voix. On tombe plus loin sur un joli blaster nommé «Feels Like Wasting My Life Is Taking Forever». Ils savent allumer la gueule d’une pop. Parka man a du style, il adore les cuts imparables et l’ampleur considérable. Puis t’as Johansson qui embarque tout le monde en voyage intersidéral avec «I Gave It All Up To You». T’étonne pas si tu te sens complètement barré. C’est normal. 

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             Diamonds Rhinestones And Hard Rain ? On peut y aller les yeux fermés. T’as une belle entrée en lice lysergique avec «Mareld». Tu sens bien qu’ils ont un truc, ils se positionnent très vite dans la Mad Psychedelia, celle des géants comme le Brian Jonestown Massacre ou les Bardo Pond. Il faut bien ça pour tenir 10 minutes avec de la crédibilité. «Mareld» est un cut fantastiquement intense et qui monte bien en pression. Te voilà arrimé. Ils passent en mode hypno pour «Lycka Till Pa Farden» et on reste dans l’ambiance des coups de génie avec le morceau titre, amené au groove de swinging bassmatic, et cette fois ce démon de Joakim Ahlund chante. T’entends là l’un des meilleurs groupes de la galaxie moderne. Ces mecs excellent ad nauseam. Ça sonne comme l’un de ces cuts d’avant concert que tu ne connais pas et qui te résonnent dans l’âme. Les Big Byrd sont dans leur monde d’heavy-groove hypnotique, comme s’ils se reposaient après les tempêtes des Caesars. Le groupe est vraiment bon. Il touche à tout. Doigts de fée. Sens aigu. Vraies fines fleurs de Java.

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    Dans la foulée, tu ressors tous tes Caesars de l’étagère. Ces cracks du boom-hue démarraient en trombe en 1997 avec un excellent album, Youth Is Wasted On The Young. L’hit s’appelle «My Abuction Love», un hit chanté à la cantonade effervescente, monté sur un fil mélodique très britannique à la Oasis. C’est solide et terriblement british. Better than Liam. Ces mecs sont des fous. Leur fonds de commerce, c’est l’ultra-power pop, et dès «Sort It Out», ils s’engagent de plein fouet, ils chantent comme des bites en rut, c’est extrêmement exacerbé, axé sur l’énergie sexuelle. Trop de rut. C’est même écrasant de rut. Ils sont dans l’excès du genre, atrocement puissants. Leur son n’en finit plus d’exploser dans «Let’s Go Parking Baby». Leur surplus d’énergie les condamne aux galères. Avec «I’m Gonna Kick You Out», ils ramènent le meilleur son de Suède, ils jouent au riff dévasté, tout est saturé de puissance sonique. Leur puissance repose sur le principe d’un effroyable surplus. S’ensuit un «You’re My Favorite» solidement débouté du bulbe. Ils proposent avec cette nouvelle résurgence un sale garage suédois, une sorte d’abomination idoine cisaillée à vif. On croirait entendre des mecs de Manchester. Ils sont aussi les rois du Big Atmospherix comme le montre «Optic Nerve». Ça chante à l’Anglaise, ils manient l’explosif comme des experts. Ce mec chante à contre-courant avec la puissance d’un saumon d’Écosse. Fantastique chanteur érodé. Ils explosent le plafond de verre de la pop. Quelle fête pour l’esprit ! Avec «Anything You Want», ils foncent dans la nuit urbaine sans ceinture, sans foi ni loi, c’est très sexuel, très suédois. Ils reviennent au burst de power-pop avec «She’s A Planet». C’est mecs n’en finiront plus d’exacerber les choses. On tombe plus loin sur un autre bombe intitulée «You Don’t Mean A Thing To Me». Explosé du beat. Trop de son. Gorgé de graines de violence. Ultra-joué. 

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             Cherry Kicks pourrait bien être l’un des plus grands albums de rock de l’an 2000. Il s’y niche pas moins de cinq classiques power-pop du style «Subburban Girl». L’énergie pulse dans les veines du cut, c’est embarqué à la petite folie. Ces mecs ne font pas n’importe quoi. Ce sont des diables sortis de nulle part. Voilà encore un cut puissant et ravageur. S’ensuit un «Crackin’ Up» demented are go à gogo. Du son rien que du son ! Si on aime le son, c’est eux qu’il faut aller voir. Leur «One Cold Night» est noyé du meilleur son d’attaque frontale. Ils sont déterminés à vaincre l’inertie des oreilles occidentales. Alors ils chargent leurs roueries atroces, les percées se font spectaculaires, au-delà du supportable. Encore de la fuckin’ power pop avec «Spill Your Guts». Ils sont dans l’énergie extravagante, c’est explosé d’avance et sans sommation. Ils sont bons, bien au-delà des expectitudes. Ils frisent en permanence le génie pur. Avec «Oh Yeah», ils reviennent à quelque chose de plus pop, mais ça reste très capiteux, cette pop monte bien au cerveau, elle devient même un peu folle comme souvent chez les Caesars. Ils ne ratent jamais une occasion de tout dévaster. Ils n’ont aucune patience pour la vergogne. «Punk Rocker» se veut plus kraut dans l’esprit. Ils suivent leur petit bonhomme de chemin hypnotique. Encore un cut qui interpelle quelque part : «Fun & Games» qu’ils attaquent avec un Hey girl de bon aloi. La tentative d’envolée psyché est vite écrasée par un troupeau de pachydermes. La puissance de la production renvoie une fois encore à Oasis. On croit qu’ils vont se calmer en approchant de la fin du disk. Pas du tout ! «From The Bughouse» explose littéralement. Ils ont tellement de son que Bughouse devient une horreur congénitale. C’’est un tourbillon de potage instantané. Ils effarent même la revoyure et jouent au vermillon du bon vouloir, ils envoient valser la power-pop dans les orties. Encore plus terrifiant : «Only You». Ils y deviennent impétueux et jouent une sorte de stomp de bottes à clous.

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             Sur Love For The Streets paru en 2002 se trouve un coup de génie intitulé «Do Nothing».  C’est l’apanage emblématique du powerful. Il n’existe rien d’aussi dément sur cette terre. C’est ponctué à la petite note numérique, dans une ambiance heavy et musculeuse - I tied to make her see me - Fabuleux - I’m trying hard to help myself but I just do nothing - Hit fondamental. L’autre grand cut de l’album s’appelle «Jerk It Out». Leur appétit carnassier remonte à la surface, c’est excellent car joué avec des facilités intrinsèques. «Let My Freak Flag Fly» sonne aussi comme un hit. Voilà une pop-song parfaite, chant idoine et accords chatoyants soutenus à l’orgue. On se goinfre aussi de «Candy Kane», et de l’incroyable poppabilité des choses. Ça sonne comme un hit de radio pirate. Ces mecs visent le chart-toppisme d’undergut. On sent la fermeté d’un grand groupe et on savoure leurs orchestrations faisandées. Quand on écoute «Mine All Of The Time», on sent clairement le groupe qui bosse pour percer. Mais ça ne marche pas à tous les coups. Bosser pour percer n’a jamais mené à rien. Ils jouent avec le feu dans «Burn The City Down», cut insurrectionnel traité au poppisme californien ensoleillé - Let’s burn the whole city down/ Burn it to the ground - C’est admirable de parti-pris et ça sonne comme un hit californien. Ces mecs écoutent très certainement des bons disques. 

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             Paper Tigers a failli partir à la revente, mais la réécoute lui a sauvé la mise. Les Caesars ne sont pas des empereurs romains, mais des Suédois. On a un petit problème pour suivre l’ordre des morceaux car la pochette arty brouille un peu les pistes. Mais dès «Spirit» qui ouvre le balda, on sent le souffle d’une pop-psyché de haut rang. C’est bardé de son et ça monte vite en température. Encore de la pop enjouée avec «It’s Not The Fall That Hits». Oui, on peut même parler d’une pop de bonne haleine et de dents soignées. Même chose avec «Out Here», excellent brouet de pop puissante. On peut en dire autant de «May The Rain» et de «My Heart Is Breaking Down». Quant au morceau titre qui referme la marche de l’A, il renvoie aux Beatles. On retrouve cette solide pop de panier garni en B avec «Your Time Is Near». Tout cela tient admirablement bien la route. «Winter Song» évoque les rues de Londres en hiver et la mélodie pince le cœur. S’ensuit un fantastique «We Got To Leave» digne des grands hits de pop californienne, avec son envolée, et voici encore une pure énormité avec «Soul Chaser», solide, tendu, foison à gogo. C’est du niveau des très grands disques de pop américaine, on pense bien sûr aux Beach Boys. Pur génie pop ! Ils bouclent avec «Good And Gone», pur jus de genius cubitus, all along all along, good & gone, avec des unissons vibrés qui renvoient directement au Teenage Fanclub.

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             Très peu de groupes atteignent le niveau d’un album comme Strawberry Weed. Il faut se méfier, les coups de génie y pullulent. À commencer par «Turn It Off», qui sonne encore mieux qu’un hit d’Oasis. C’est joué à la violence pénultième. Le génie des Caesars s’abreuve à l’Oasis. Pur esprit de make me glad. Ils font du pur jus d’Oasis, so empty, so sad, then make me glad, le tout vrillé par un solo démento et bien sûr, des gouttes de notes nous ponctuent tout ça aux petits oignons. D’ailleurs, cet album s’annonce bien, car dès «Fools Paradise», il défoncent le fion du rock paradise. Les Suédois ne rigolent pas avec ça. Souvenez-vous des Vikings. Ils enfilaient tout ce qui avait un trou entre les jambes, comme dirait Dickinson. C’est le géant Ebbot Lundberg qui produit cette horreur poppy avenante. Encore de l’Ebbot avec «Waking Up», gros shoot de pop énervée secoué de falling down et de shame, tout est ramoné dans la cheminée, ça ramone sec, c’est absolument dément d’instance et troué au cœur par un killer solo explosif. On reste dans l’énormité avec «She’s Getting High», shot down in your face de lapin blanc, solide et événementiel, ces mecs tirent le rock vers un vallalah d’excellence, ils ramènent tout l’overtime du monde dans leurs notes suspendues et ça prend de sacrées couleurs ! On va de surprise en surprise, comme d’ailleurs sur tous les albums des Caesars. Voilà qu’on tombe sur «Boo Boo Goo Goo», un cut riffé à la Viking, there you go again, ces mecs ont le diable dans le corps, ils maîtrisent toutes les ficelles de caleçon, impossible de les régenter, ils sont trop parfaits, et le cut se barde d’accidents techniques qui voudraient passer pour des excès de virtuoses. «In My Mind» sonne exactement comme le hit universel inespéré. Ils nous pulsent ça aux power-chords. Ces mecs disposent d’une sorte de génie américain, ils sont dans le blow-out, et visent l’excellence du brio. Quelle révélation ! Ils cultivent une sorte de gourmandise pour le beautiful heavy sound. Ils jouent «Crystal» au garage rampant et se montrent mille fois supérieurs à tous les groupes garage qu’on voudra bien imaginer, sauf les Nomads, évidemment. Avec le morceau titre, ils font de la pop claquée de l’intérieur, hantée par des accords de rêve. Comme c’est un double CD, l’aventure se poursuit avec «New Breed», power-pop martelée au popotin suédois et éclairée par un solo en arpèges de crystal clear. Plus on avance et plus ce groupe fascine. Et voilà «No Tomorrow» saturé de bassmatic. Ils défoncent la gueule des fjords. Encore une fois, ça sonne comme un hit inter-galactique, ça chante à la chevrotante et ils n’en finissent plus de briller au firmament. Ils en deviennent fatigants. Ils maîtrisent les sciences occultes du son et du stomp et s’emploient à délivrer des solos d’embrasement congénital. Ils n’ont que des ressources inépuisables. Ils sont aussi brillants que Jook. Merveilleux cut que cet «Easy Star» béni des dieux : on s’y sent comme dans un lagon, on s’y baigne indéfiniment, tout n’y est que luxe, calme et volupté tahitienne des fjords. Ils nous rament «Up All Night» aux galères du rock. Ils savent traverser un océan à la rame. Ces diables sonnent une fois de plus comme Oasis et sortent pour l’occasion la plus terrible cisaille du monde. Et puis on peut en prendre un petit dernier pour la route : «New Years Day», big shoot d’heavy pop défenestré.

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             39 Minutes On A Bliss est une sorte de compile, et dans le cas des Caesars, ça vaut le détour. Chez ces gens-là, tout est monstrueux, gonflé, rempli de son jusqu’à la gueule. «Sort It Out» sonne comme une explosion de pop craze. Ces Suédois jouent comme des dingues et ils resplendissent au firmament de la pop. On pourrait même les qualifier du groupe majeur du monde moderne. Ils développent une fabuleuse énergie et nous plongent dans des abysses fructifiantes. Ils pulsent à outrance et se croient invincibles. Voilà leur force. Avec «(I’m Gonna) Kick You Out», ils proposent un garage pop incroyablement qualitatif et explosé aux clameurs d’unisson. Ils pourraient servir de modèle. S’ensuit un «Let’s Go Parking Baby» claqué vite fait. Quelle santé de fer ! Ces mecs se situent au-delà de toute mesure, bien au-delà de la power-pop. Les Caesars balayent tout sur leur passage. On espère secrètement qu’ils vont se calmer, car ce genre de disque n’est pas de tout repos. «Out Of My Hands» sonne comme un coup de génie. Quelle giclée ! Les accords sont grattés dans les règles de l’art caesarien. Ils claquent tout à l’absolue divination et ça tourne vite à la sorcellerie. Encore un coup d’éclat avec «Crackin’ Up». Ils explosent leur power-pop à discrétion, comme si la grenade tardait à exploser. Ils font deux couplets à sec et ça monte. Ils ont cette facilité à gérer les attentes. Un esprit hante ce groupe. «You’re My Favorite» sonne comme l’un des plus violents garage-cuts de l’histoire du garage. C’est chanté sale, mais avec du répondant de son. On entend des accents à la Johnny Rotten dans le chant. Ça se termine avec l’excellent «You Don’t Mean A Thing To Me». Cette fois, ça explose pour de vrai. Ils ont des ressources insoupçonnables. Ce cut rebondit dans les murs. Voilà du vrai garage énervé et incontrôlable, imputrescible et bienvenu dans la confrérie. C’est joué à l’ultimate de la tomate, claqué aux chords de no way out, avec un spectaculaire retour de manivelle dans le corps du texte.

    Signé : Cazengler, Big burne

    Les Big Byrd. La Cigale. Paris XVIIIe. 20 mai 2025

    Caesars Palace. Youth Is Wasted On The Young. Dolores Recordings 1997

    Caesars Palace. Cherry Kicks. Dolores Recordings 2000

    Caesars Palace. Love For The Streets. Dolores Recordings 2002

    Caesars. Paper Tigers. Dolores Recordings 2005

    Caesars. Strawberry Weed. Dolores Recordings 2008 

    Caesars. 39 Minutes On A Bliss. Dolores Recordings 2003

    Les Big Byrd. They Worshipped Cats. A Records 2014

    Les Big Byrd. Iran Irak IKEA. PNKSLM 2018

    Les Big Byrd. Eternal Light Brigade. Chimp Limbs 2022

    Les Big Byrd. Diamonds Rhinestones And Hard Rain. Chimp Limbs Recordings 2024

     

     

    Wizards & True Stars

     - Le rock à Billy

     (Part Six)

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             Et hop, Big Billy repart à l’aventure en 1985 avec l’ex-Milkshake & boss de la basse John Agnew, et un certain Del au beurre, qui n’est autre que Graham Day. Objectif gaga-blow, c’est-à-dire donner au garage anglais de nouvelles lettres de noblesse. Huit albums en quatre ans, au rythme de deux par an, c’est une bonne moyenne pour un intensiviste acharné comme Big Billy. 

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             Il commence par aplatir la gueule de Beware The Ides Of March à coups d’accords de Dave Davies dans «It Ain’t No Sin». Big Billy adore gratter les accords des early Kinks. Et en B, il recrée le mythe du proto-punk avec «Give It To Me». Il est obsédé par le protozozo, il n’en démordra jamais, et il inaugure sa nouvelle marotte : le wouahhhhhhhh qui lance un killer solo flash. Magnifique ! Et puis, tu croises aussi des clins d’œil à Linky Link («Rumble») et à Bo (version endiablée de «Road Runner»).

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             La même année sort l’album sans titre Thee Mighty Caesars. On les voit déguisés en empereurs romains. Bruce Brand remplace provisoirement Del au beurre. Quelle blague ! Par contre, on ne rigole plus avec le real wild deal de «Wily Coyote», ce shoot d’early British rock’n’roll. Puis Big Billy te gratte «It’s A Natural Fact» à la sourde, mais pas n’importe quelle sourde, la sourde féroce ! En B, ils ramènent tout le poids de l’Antiquité dans un instro dramatique, «Death Of A Mighty Caesar» et Big Billy revient à son obsession protozozo avec «Why Don’t You Try My Love». Ça barde sec ! Wouaaahhhh et puis t’as le solo d’ultra-fuzz qui s’étrangle dans sa bave.  

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             Les Caesars montent encore en puissance avec Acropolis Now. Big Billy reste fabuleusement déluré, il adore perdre le contrôle dans les virages, Wouaaahhhh ! Le balda reste assez classique jusqu’au moment où «You Make Me Die» te tombe sur la gueule. En vrai. Big Billy te monte ça sur les accords de Dave Davies. Il fait du post-protozozo. Ça marche à tous les coups. Pur esprit. La viande se planque en B. Petite coquine... Bam !, dès «Loathsome ‘n’ Wild». Big Billy taille la pire des routes, la route wild as fuck, t’en perds le contrôle des mots. Il monte plus loin «Despite All This» sur la carcasse de «Pushing Too Hard», mais au ralenti et on observe un violent retour au protozozo avec «I Don’t Need No Baby», un stomp de Medway. Tout le protozozo d’Angleterre est au rendez-vous. Il monte ensuite son «Dictator Of Love» sur un beau Diddley beat et sort le big fuzz out pour «I Was Led To Believe». Ça te nettoie les bronches. Big Billy creuse un tunnel sous le Mont Blanc avec sa fuzz et ça bascule dans la folie par inadvertance. Il faut avoir écouté ça au moins une fois dans sa vie. C’est du très grand art.  

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             Au dos de Thee Caesars Of Trash, tu peux lire : «For the last III years Billy, John and Graham have been at the forefront of the British garage scene influencing all who see and here (sic) them play, with over XVII LPs of experience between them they truly are Thee Caesars of Trash, play this records now and play it loud - Punk from Pompay.» Signé : William Loveday, nov ‘85. C’est l’album des covers de choc, à commencer par «Oh Yeah», magnifique clin d’œil aux Shadows of Knight, she loves me, tout y est, oh yeah, she’s my babe. En B, t’as «Not Fade Away», big Buddy/Bo flash-back via les early Stones, et puis une cover excédée de «Psycho». Saluons aussi ce pur gaga de la menace qu’est «It’s You I Hate To Lose», gorgé de tout le power de Dave Davies et serti d’un acre killer solo flash.

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             Big Billy repart de plus belle avec Wise Blood : dans «I Can’t Find Pleasure», il passe l’un de ses pires killer solos trash. S’ensuit «Come Into My Life», un heavy schloufff des Puissants Caesars. Pure heavyness impériale ! Avec «Signals Of Love», tu renoues tout simplement avec le pur génie d’Angleterre, et il repasse en mode dark gaga avec «I Self Destroy», et il y va à coups de yeah yeah I self destroy. Encore une sévère leçon de maintien avec le morceau titre. Si tu vas en B, tu vas tomber sur un bel hommage à Bo avec un «Kinds Of Women» bien allumé et riffé à la vie à la mort. Ce brillant album s’achève sur un «Signals Of Love (Slight Return)» qui tape en plein dans la première époque des Stones. Big Billy est le plus complet des artistes complets. Au dos, William Loveday, aka Big Billy, déclare : «It takes us under 2 days and under £300 to record an album... we were brought up in Punk Rock, that’s where our Rock’n’Roll comes from. The resulting music is raw and irreverent, shining out as a beacon of human decency against the over produced, over sophisticated, over commercialised, computerised pop that predomines todays airwaves.» Belle déclaration d’intention.  

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             Et si le Live In Rome était l’un des plus beaux albums live de l’histoire du rock ? Va-t-en savoir. Au dos, William Loveday rappelle que lui, John et Del ont toujours été «into Rome» : «The early Clash, Link Wray, Leadbelly and ancient Rome». Et donc, ils ambitionnaient d’enregistrer à Rome, puisqu’ils passionnés de Rome. Ils y tapent des covers du diable : le «Neat Neat Neat» des Damned (bien drivé par ce démon de John Agnew) et «Submission» (Big Billy fait bien son Rotten et tape en plein dans le mille de la Pistolmania). Mais il y a aussi du wild as fuck avec «Wily Coyote» et sa ferveur maximaliste, suivi de l’incroyable shout de «Give It To Me», claqué à l’Hofner Gibson copy. Wouahhhhh ! et Big Billy plonge dans les enfers d’un killer solo flash. «I’ve Got Everything Indeed» n’a aucune pitié pour les canards boiteux et Big Billy lance le killer solo flash de «Devious Means» non pas au wouahhhhhh mais au yahhh yahhh. Il a des variantes ! Et ça termine avec un «Baby What’s Wrong» qui pulvérise tout. Wild as Mighty Caesar fuck !  C’est stompé dans la paume du beat, en mode High Heel Sneakers.               

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             John Lennon’s Corpse Revisited est le premier d’une série de trois albums sur Crypt (les deux autres sont des compiles). Les trois albums bénéficient de pochettes fantastiques, bien soutenues aux tons primaires. Le cyan et le yellow flattent l’œil. Pour le Lennon’s Corpse, ils ont imaginé une parodie du montage de Sgt Pepper’s, et nos trois Caesars portent déjà les headcoats du projet suivant, Thee Headcoats. Démarrage en trombe sur le «Lie Detector» qui sonne d’office comme un immense classique gaga. Big Billy recycle les accords de «Louie Louie» dans «Confusion» et passe à la vitesse nettement supérieure avec un «Home Grown» digne des Who. On croise aussi deux covers du diable sur cet album, «Beat On The Brat» (bien troussée à la hussarde de what can you do) et «Career Opportunities» (Big Billy adore le premier album des Clash). Puis il fait éclater son génie gaga au firmament avec un vieux shoot d’early British Beat, «Because Just Because», sacrément cavalé, et «Somebody Like You», fantastique chasse à courre d’accords sauvages. Imbattable. 

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             Les deux belles compiles Crypt (English Punk Rock Explosion! et Surely They Were The Sons Of God) valent bien sûr le détour. Parce qu’on y retrouve tout ce qui fait le génie de Wild Billy Childish : «I Don’t Need No Baby», «I Was Led To Believe» (overdose de fuzz), «Now I Know» (monté sur le «New Rose» des Damned), «I’ve Been Waiting» (épais protozozo), «Loathsome ‘N’ Wild», et Kinds Of Women», qui est du pur Bo.

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             Sur Surely They Were The Sons Of God, tu retrouves «Signals Of Love» (fantastique profondeur), «I’ve Got Everything Indeed» (radical), «It Ain’t No Sin» (monté sur les accords de Dave Davies), «Why Don’t You Try My Love» (immense classique), «She’s Just 15» (les descentes de couplets sont typiques d’I wanna be anarchy/ In the city), «Don’t Say It’s A Lie» (monté sur la carcasse de «Brand New Cadillac») et «Give It To Me», monté sur une carcasse des Seeds, avec une belle diction à la Sky.

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             Un peu plus tard, Big Billy va sortir Caesars Remains, sous-titré Punk From The Vaults Of Suave. Pochette marrante : on voit Big Billy et John Agnew sauter en l’air avec leurs grattes. T’es content d’avoir rapatrié l’album car Big Billy y fait une cover sauvage d’un classique sauvage, le «1977» des Clash qui n’est pas sur leur premier album : Clashmania à la Big Billy ! Vertigineux de justesse ! Tu ne peux pas rêver mieux, c’est impossible. Et en B, ils reviennent aux early Kinks avec «Your Love» - The more I have/ The more I want - Le ‘baby’ de Big Billy est le modèle absolu. Tu veux chanter dans un groupe de rock ? Alors écoute comment se prononce ‘baby’.

    Signé : Cazengler, Mighty Cœnnard

    Thee Mighty Caesars. 39 Minutes On A Bliss. Dolores Recordings 2003

    Thee Mighty Caesars. Thee Mighty Caesars. Milkshakes Records 1985

    Thee Mighty Caesars. Acropolis Now. Milkshakes Records 1986

    Thee Mighty Caesars. Thee Caesars Of Trash. Milkshakes Records 1986

    Thee Mighty Caesars. Wise Blood. Ambassador 1987

    Thee Mighty Caesars. Live In Rome. Big Beat Records 1987                    

    Thee Mighty Caesars. John Lennon’s Corpse Revisited. Crypt Records 1989

    Thee Mighty Caesars. Caesars Remains. Hangman Records 1992

    Thee Mighty Caesars. English Punk Rock Explosion! Crypt Records 1988

    Thee Mighty Caesars. Surely They Were The Sons Of God. Crypt Records 1990

     

     

    L’avenir du rock

     - Baby Gillespie

    (Part Two)

             — Dis donc, avenir du rock, t’en as pas marre des vieilles lanternes ?

             — Ben non. C’est dans les vieilles lanternes qu’on fait les meilleures soupes !

             — Tu nous soûles avec tes pirouettes à la mormoille !

             — C’est fait pour !

             — Non mais franchement, t’en as pas marre de ramener tous ces vieux crabes, les John Cale et les Childish et les Newcombe et les Perrett ?

             — T’oublie les pot-au-lait, mon poto laid !

             — T’arriverais presque à nous faire marrer si t’étais pas aussi pathétique...

             — Pathénique ta mère !

             — Plus on t’enfonce l’épée dans le garrot, plus tu rues...

             — Je suis né dans la rue par une nuit d’orage, oh oui je suis né dans la rue !

             — Voilà qu’y nous fait le Johnny, maintenant ! T’as vraiment pas d’figure !

             — Tu te gures, mauvais augure ! J’ai plus de chasses dans la figure, Horachiotte, que n’en imagine ta pilosité !

             — On s’épuise à t’écouter déblatérer, alors qu’est-ce que ça doit être pour toi ! T’es pas rincé par tout ce débit de conneries ?

             — Pffffff ! C’est toi qui devrais être rincé par le sentiment ton inutilité. Franchement, j’aimerais pas du tout être à la place d’un mec de ton niveau.

             — T’inquiète pas pour ça avenir du rock. Si t’es content d’être un guignol, alors tant mieux pour toi. 

             — Le guignol te salue bien, mon con joli, et s’en va de ce pas à la Cigale pour aller se prosterner devant une autre vieille lanterne, Baby Gillespie.

             — Gillespitoyable !

             — Faux ! Gillespygmalion !

     

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             La statue que caresse Baby Gillespygmalion est en fait celle de Primal Scream, qu’il aura passé vie à conduire à la gloire. Quarante ans de Primal Scream, c’est pas rien. C’mon ! Alors les voilà, sous les ors et les stucs de la Cigale, Baby Gillespie et toute sa bande, une basswoman d’un côté et Neil Ines de l’autre, vétéran parmi les vétérans, sous un petit chapeau, arborant une belle liquette LAMF. Il joue tellement

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     fort qu’il couvre la voix du pauvre Baby Gillespie, qui n’a jamais eu de voix, mais qui a toujours été là, qui a toujours su danser derrière un micro, et ce depuis la nuit des temps du Scream. Et tu vas assister pendant quasiment deux heures au plus gros festin de Stonesy qui se puisse imaginer, Baby Gillespie rocke le boat de la Cigale et

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    la foule fait ouuuh-ouuh/ Ouuuh-ouuh oui, les ouuuh-ouuh/ Ouuuh-ouuh de «Sympathy For The Devil», les Parisiens adorent la vieille Stonesy et ça va atteindre des sommets avec «Medication» et plus loin l’imparable «Movin’ On Up», l’un des plus beaux hommages jamais rendus aux Stones, l’un de ces cuts que Keef aurait bien aimé pondre, mais trop tard, Baby Gillespie et ses amis sont passés par là. Oh et puis t’as encore ce «Country Girl» qu’on dirait sorti tout droit d’Exile On Main Street. Une vraie piqûre de rappel. L’un des pires shoots de Stonesy qu’on ait vu ici-bas depuis «Tumbling Dice», même genre de magie chaude, même genre d’appel à l’émeute des sens, même genre de message direct à ta cervelle. Et en rappel, Baby

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    Gillespie va atteindre le sommet de l’Ararat avec un puissant shoot de «Rocks», il n’a même plus besoin de chanter, on chante tous pour lui - Get your rocks off/ Get your rocks off honey/ Shake it now now/ Get ‘em off downtown - comme une profonde clameur sortie des bulbes inféodés, comme une sourde pulsion issue des profondeurs de la conscience collective, l’incarnation populaire de la Stonesy, toute la foule rock scande le sourd spirit de Rocks, Get your rocks off/ Get your rocks off/ Honey, comme une primitive respiration atrabilaire, ça sort du ventre rock, ça respire par les

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    bronches rock, ça pulse entre les reins du rock, ça gronde de plaisir sous la surface des peaux rock agglutinées, ça s’applique à swinguer la Soul de Shake it now now, le now now n’a jamais été aussi pur, aussi viscéral, le Get ‘em off downtown remonte loin aux sources, il faut imaginer des tribus tapies dans l’ombre des ruines des capitales, Shake it now now, et Baby Gillespie tend son micro, il en rit car ça sonne comme un miracle, on vit tous une sorte de moment d’éternité. T’as la Soul du rock. Now now.

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             S’il faut écouter le nouveau Primal Scream, Come Ahead ? Bonne question. La réponse est comme d’usage dans la question. Mais si t’as pas envie, t’es vraiment pas obligé. En réalité, tu le fais seulement par sympathie, car ça fait un bail que les albums de Primal Scream ne valent quasiment pas un clou. Baby Gillespie attaque avec un gospel qui bascule dans le diskö-beat : «Ready To Go Home» sonne en effet comme un étrange mélange évolutif. Il passe au funk avec «Love Insurrection» :

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    Baby Gillespie s’en va traîner dans le ghetto pour bricoler un funk blanc. Tu en penses ce que tu veux. Il retombe systématiquement dans les plans prévisibles, mais dans l’ensemble, les cuts sont bien foutus, noyés de son et de chœurs. Les deux blackettes qui l’accompagnent sur scène sonnent merveilleusement bien. Il atteint son sommet avec «Innocent Money». Il a énormément de son, ça groove bien dans la couenne du son, on peut qualifier la prod d’intense et revancharde, avec des belles pointes de chaleur. Puis l’album va perdre de l’altitude. Baby Gillespie bouffe à tous les râteliers : l’africain avec «Cursus Of Life» (percus de «Sympathy For The Devil» + les chœurs du funk), la romantica («False Flags», mais il n’a pas de voix), le groove interlope («Deep Dark Waters») et l’acid house («The Centre Cannot Hold», il a toujours du goût pour la sautillade sous ecstasy, ça n’a aucun strictement intérêt). Le niveau de l’album est tout de même relativement bas. C’est un album que tu ne recommanderais pas, même à ton pire ennemi.  Par contre, il faut aller voir Primal Scream sur scène pour ce moment d’éternité : Get your rocks off/ Get your rocks off honey/ Shake it now now/ Get ‘em off downtown !

    Signé : Cazengler, Primate script

    Primal Scream. La Cigale. Paris XVIIIe. 10 juin 2025

    Primal Scream. Come Ahead. BMG 2024

     

     

    Inside the goldmine

     - Darando a bon dos

     

             Durando avait un gros avantage sur nous autres, les pouilleux du lycée : il avait du blé. Non seulement il portait toutes les sapes à la mode, mais il avait en outre les cheveux longs, de beaux cheveux blonds coiffés comme ceux des Brian Jones. Ses parents lui foutaient la paix avec ça, ce qui n’était pas le cas des nôtres : ils passaient chez le coiffeur du quartier pour donner la consigne, «les oreilles bien dégagées». C’était une façon de nous castrer. Avec ces coupes à la con, on n’avait aucune chance auprès des gonzesses. Elles allaient naturellement vers les mecs à cheveux longs. La mode yé-yé battait son plein, et comme le disait si joliment Yves Adrien, «tous les garçons s’appelaient Ronnie», sauf nous, les pouilleux du lycée, affublés de nos hideux cabans et de ces pantalons de tergal qu’on nous forçait à porter, alors qu’on ne rêvait que de Levis en velours côtelé. Durando s’habillait chez Happening et se baladait dans les rues en costard noir à fines rayures blanches. Il complétait son look de dandy avec le col roulé blanc que portait Brian Jones dans Salut Les Copains. C’est à cette époque qu’on réalisa pleinement la différence qui existe entre le fait d’être bien né et celui d’être mal né. Nous devînmes des pouilleux envieux, et c’était pas terrible. Histoire de bien attiser nos frustrations, Durando organisait chaque week-end une surboum chez lui. Ses parents partaient en week-end à l’étranger et lui laissaient cette belle villa située sur la côte, pas très loin de Deauville. Il organisait ses surboums dans la cave et y passait les albums qu’il avait ramenés d’Angleterre. Il était dingue de James Brown, alors la cave devenait une étuve. Bien sûr, les gonzesses étaient là pour baiser, mais elles ne baisaient pas avec nous autres, les pouilleux du lycée. Malades de frustration, on restait agglutinés au bar et on vidait toutes les bouteilles pour bien se schtroumpher. Et ça nous rendait encore plus malades de voir Durando rouler des grosses pelles aux gonzesses qui l’approchaient pour danser avec lui. C’était plus qu’on ne pouvaient en supporter. Nous quittâmes la cave, sortîmes dans le jardin et fracassâmes la mobylette toute neuve de Durando.

     

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             Pendant que Durando éblouissait toutes les petites gonzesses de la côte normande, Darando sommeillait dans le marigot de l’underground. Ce n’est pas exactement le même destin, mais les becs fins auront une préférence bien marquée pour celui de Darando, fantastique pouilleux de l’underground le plus ténébreux.

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             C’est Alec Palao qui s’y colle. Au dos du booklet de Listen To My Song - The Music City Sessions, tu vois un doc signé : «To Alec from Darando». Alors qui est ce mystérieux Darando ? Un certain William Daron Puilliam originaire de Berkeley, dans la Baie de San Francisco. Darondo commence par idolâtrer les jazzmen et les Isley Brothers, Ray Charles, les Dells, et puis Motown. Bien sûr, Palao fouine dans les archives et digresse longuement sur le premier groupe de Darando, The Witnesses.

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             Darando montre très vite un penchant pour la flamboyance. Il roule en «white Rolls Royce Silver Cloud, complete with phone and hot plate». Il va dans les clubs, donne des gros pourboires aux serveuses qui le surnomment Daran-dough. Puis Palao arrive très vite aux fameuses Music City sessions et commence à jongler avec les «breathless teasing vocals» et les «gravelly baritone to wailing falsetto in the space of a measure». C’est vrai, si tu écoutes l’«I Don’t Understand It» qui ouvre le bal de Listen To My Song - The Music City Sessions, t’es frappé par la sauvagerie du chant et du son. C’est du proto-punk de black rock, vicieux, ravageur, unique ! Avec la pulsion demented du bassmatic. Il met encore la pression avec «I’m Gonna Love You», il la crée et l’alimente à coups d’in the morning et d’ouh when the sun goes down. Coups de génie encore avec «King’s Man» - I’m a king’s Man/ Do the boogaloo/ If you wanna doo - Il est complètement génial, il pousse le bouchon de la modernité à coups d’I feel good in the morning et de Get down baby, c’est une vraie pétaudière, funky beat suivi là l’harp, king’s man get down, il paraît épuisé. Ça continue avec «Qualified», amené aux petits accords funky, il pose son énorme voix sur le big fat beat de bass/drum. Durando est l’un des rois inconnus du Soul System. S’ensuit l’heavy downhome groove de «Sexy Mama», il s’étale comme un trave sur le beat, baby talk to me/ Love your sexy way, il fait les deux voix, la grave tranchante et la féminine, il crée du bright climax et du hot sex. T’as encore «Didn’t I», le slowah lubrique, même là, il est bon. Il sait feuler entre tes reins. Immédiate qualité de l’intermezzo encore avec «Luscious lady», il y rentre à l’accent incroyablement tranchant, c’est une Soul urbaine de classe supérieure. Puis il vire hard funk avec «Get Up Off Your Butt», mais c’est le Durando hard funk, il crée son monde au get up, il y va au get on down, avec un beurre historique. Quelle révélation ! Suite du festin royal avec «Gimme Some». Il se coule dans ta culotte comme le serpent du jardin d’Eden. Quel fantastique artiste ! Son «Do You Really Love Me» est incroyablement moderne, et «The Wolf» n’en finit plus de t’interloquer, car voilà un cut tellement étrange et lancinant, monté sur un fat bassmatic. Il sait aussi groover les sentiments, comme le montre «Listen To My Song». Il reste étrangement beau, même au lit.

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             Et puis t’as cet album extravagant de qualité, Let My People Go. Tu vois toutes les bagues de Darando et ses yeux injectés de sang. Et c’est rien en comparaison du morceau titre d’ouverture de balda, ce shoot d’heavy swamp-blues bien raw qui va tout de suite sous ta peau. Darando fait le Marvin des marécages, avec derrière lui une basse bourbeuse et des chœurs fantômes. Et ça continue avec «Legs (Part 1)», encore plus muddy, il fait la folle à la James Brown et les brrrrrrr de Screamin’ Jay. Le son est bourbeux, mais à un point dont on n’a pas idée. Darando groove le muddy, il n’existe pas de son plus primitif et plus vermoulu. Il travaille encore le groove de «Didn’t I» au corps, il feule pendant que ça violonne dans la couenne du lard. Avec «I Want Your Love So Bad», tu retrouves ce sens aigu de la dérive à la Marvin, mais avec un son incroyablement bourbeux. On entend même des échos magiques de «What’s Going On». La B s’ouvre sur «How I Got Over», un groove monté sur une pompe manouche, une véritable merveille d’exotica romanichelle, et ça vire big funk out avec «My Momma & My Poppa», c’est même jazzé dans l’âme. Darando combine James Brown avec le free. Admirable démon ! Et il se barre une fois encore dans le groove de «What’s Going On» avec «Listen To My Song». Il termine avec «Jive», un fantastique groove bourbeux, il chante ça à la glotte fêlée, bien perché sur son chat malingre, il défie toutes les lois, surtout celles de la pesanteur, baby you’re true/ True to me !

    Signé : Cazengler, Darandose

    Darando. Listen To My Song. The Music City Sessions. BGP Records 2011

    Darando. Let My People Go. Luv N’ Haight 2006

     

     

    *

    Dès que nous avons eu connaissance des premières œuvres de Thumos nous avons compris que nous étions face à un grand groupe. Une tentative musicale qui soit en même temps une expérience de pensée philosophique. Un art synesthésiste  novateur, révolutionnaire, puisque la musique est censée traduire par les sons ce que l’on ne peut pas dire avec le philtre trop grossier des mots. La musique serait donc l’art de l’indicible. C’est à l’auditeur de comprendre, de déchiffrer, l’intention du musicien. D’ailleurs très vite la musique s’est alliée avec le chant pour mieux se faire entendre. Thumos adopte une démarche inverse : sa musique, sans parole ajoutée, se charge, non pas de mettre en musique mais de de traduire  une pensée. Non pas une pensée toute simple, toute quotidienne, mais une pensée qui soit fondatrice de notre rattachement intellectif au monde. 

    Avec ce nouvel opus, Thumos s’est lancée dans une étonnante gageure, puisqu’il s’agit d’une immersion explorative, au travers du personnage de Socrate dans tout un pan de la pensée de Platon.

    Sans plus attendre lançons nous, en commençant par regarder les pochettes,  extérieure et intérieures, des deux CDs :

    THE TRIAL OF SOCRATES

    THUMOS

    (Snow Wolf Records / 04 -07 -2025)

    S’il fut un peintre politique en France c’est bien David. La vie l’avantagea : né en en 1748 et mort en  1825 , il connut la monarchie de droit divin, la Révolution, le Directoire, l’Epopée Napoléonienne et le retour des Bourbons… David qui avait voté la mort de Louis XVI, qui soutint Marat et Robespierre, refusa de rallier la cause royale, s’exila en Belgique. Où il mourut. Il reste aujourd’hui encore un personnage controversé, la modernité artistique n’est point trop friande de l’école Néo-Classique dont il fut le maître incontesté, son radicalisme révolutionnaire n’est plus à la mode.

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    Son tableau La mort de Socrate date de 1787. Il est à noter que le poëte André Chénier - il initia par la nerveuse souplesse facturielle de ses vers la flambée poétique de la grande lyrique française  du dix-neuvième siècle – est par ses conseils à l’origine de la force du tableau. Socrate n’est pas en train de porter la coupe de cigüe à ses lèvres, il tend vers elle une main quasi distraite, alors qu’au bout de son bras levé un doigt impératif  souligne sa volonté persuasive… Face à l’imminence de sa mort le calme royal exemplaire de Socrate contraste avec l’attitude atterrée et désespérée de ses disciples en pleurs. 

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    Pour se persuader de la force du tableau, il suffit de comparer avec la reproduction intérieure de  Mort de Socrate (1802), due au pinceau d’un ancien élève de David, François-Wavier Fabre (1766 – 1837).  Son Socrate assis sur son lit, la barbe blanchie n’est plus le maître impérieux, il présente l’aspect pitoyable d’un malade qui s’apprête à avaler une détestable potion médicamenteuse…

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    La deuxième couve intérieure est une reproduction de La Mort de Socrate de Charles-Alphonse Dufresnoy (1611 – 1668). Très différente des deux précédentes. Socrate assis boit la cigüe avec la même indifférence que vous avalez une tasse de café le matin en vous levant. Certes cela est censé démontrer que Socrate ne craint pas la mort. Celle-ci n’étant qu’un passage vers le monde des Idées… voire la vie éternelle. Cette toile nous semble avant tout établir un parallélisme de Socrate avec le Christ. Le disciple endormi n’est pas sans évoquer  la nuit de la Passion. Buvez ceci est mon sang a dit le Christ. Je bois, ceci est mon immortalité semble nous enseigner Socrate

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    Nous prendrons pour base l’édition Platon. Oeuvres Complètes publiées en français par les Editions Flammarion (sous la direction de Luc Brisson, 2008).  Au cours des vicissitudes de l’Histoire quarante-cinq dialogues, dont seize sont réputés douteux et même plus qu’incertains, nous sont parvenus…

    Sur les vingt-neuf qui restent Thumos n’en utilise apparemment  que seize. Comment ce choix opéré se justifie-t-il. Nous ne pouvons offrir qu’une réponse aussi incertaine que les ombres de la Caverne. Cette sélection a-telle été entreprise en axant principalement la focale sur le personnage de Socrate (qui n’a laissé, rappelons-le aucun écrit) ou sur le déploiement de la pensée de Platon dont le pivot essentiel reste le personnage de Socrate. Platon a été son élève, mais il était absent au moment de sa mort.

      Qui sont les musiciens de Thumos :   Δ (delta) / Ζ (zeta) / Θ (theta) / Μ (mu). Pour la petite histoire : les pages des Cahiers de Paul Valéry qui sont consacrées aux’’ choses divines’’ ont été réunies sous l’appellation Theta, la lettre T étant la première du mots Theos (dieu).

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    The Parmenide : en français, Parménide (Sur les idées) : ce n’est pas le premier dialogue écrit par Platon, alors pourquoi débuter par celui-ci.  Les exégètes s’accordent sur le fait qu’en cet ouvrage Platon devient vraiment Platon, avant sa rédaction, notre philosophe n’est qu’un épigone de Socrate qui fait ses classes. Pour Platon il ne s’agit pas de sauver le soldat Parménide (né au sixième siècle et mort au milieu du cinquième) mais de le tuer. Sa pensée est incapacitante. Résumons-là en quelques mots : à la question qu’y a-t-il ? il répond :  l’Un. Pour ceux qui ne pigent pas il rajoute : rien d’autre. Circulez, il n’y a rien à voir. En fait vous ne pouvez même pas circuler car l’Un est Un et ne peut être soumis à aucune variation. Sans quoi il n’est plus le Un mais l’Autre. Platon trouve la parade : certes il y a le Un, ombreusement matériel, mais il y a aussi le concept du Un qui permet à votre intelligence de l’appréhender. Bref il existe le Un et le Un intelligible. Ne soyez pas bébête, ne dites pas que :  UN + Un = 2. L’on n’additionne pas des veaux et des cochons. Il y a l’Un et l’Autre. Le tout est de savoir : si l’Un est, l’Autre est-il ou n’est-il pas. Vous avez quarante minutes pour répondre, à la fin du cours je ramasse les copies. Le son est grave, pas du tout majestueux, des espèces de sonorité orientales, sans doute pour rappeler les origines égyptiennes de la pensée platonicienne, mais le morceau prend de l’ampleur nous avons assisté au miroitement ensorcelant du multiple, nous abordons l’obstacle principal le Tout cosmologique impénétrable et unifié, comment résoudre cette aporie de l’aporie parfaite qui nie le mouvement, la flèche de Zénon qui ne quitte pas son arc, même si vous avez l’impression qu’elle vole et atteint sa cible, la batterie se fait plus lourde, elle doit fracasser le bouclier inamovible, donner son essor à la fragmentation du monde tout en faisant être le non-être de cet éparpillement mutilatoire. Ce n’est pas le To  Be or Not To Bede du prince d’Elseneur mais le To(ut) Be et le Not To(ut) Be en même temps. Dernières notes en point de suspension, le temps que l’assassin se rende compte de la portée de son crime. The Protagoras : en français, (Sur les sophistes) : Protagoras (490-420) est un

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    sophiste redoutable. Son principe de base est difficilement contournable : L’homme est la mesure de toutes choses de celles qui sont et de celles qui ne sont pas. Au siècle précédent on disait bien : tout est relatif, en nos temps présents nous employons la formule : les choses n’ont que la valeur qu’on leur donne. Socrate bataille ferme, il sera obligé de se servir d’un argument avancé par Protagoras pour prouver qu’il a tort. En fait si l’on suit Protagoras, l’on ne peut pas prouver grand-chose. Tout dépend de ce que l’on pense d’une chose. Lors du précédent morceau l’oreille n’était pas insensible à cette angoisse sourde, celle qui vous assaille au moment où vous entreprenez une action difficile, elle a totalement disparu, une musique clinquante et souveraine, est-ce la force imbattable de la pensée protagorienne qui serait à l’honneur ou la victoire oratoire de Socrate, il a touché mais il n’a rien coulé, peu importe ce que vous dites, si vous dites la vérité vous n’énoncez que votre définition de la vérité qui n’est que votre propre jugement individuel qui ne vaut pas plus que celle de quiconque. The Gorgias : en français, Gorgias (Sur la Rhétorique) : Gorgias (480-380) est un grand

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    esprit, bien plus redoutable que Protagoras. Qui s’y frotte s’y pique. Platon s’en méfiait. Il se permet de démontrer que rien n’existe. Ne vous esclaffez pas bruyamment, lisez son traité du non-être. Protagoras propose un instrument de mesure : l’Homme. Gorgias n’en propose aucun, il refuse tout critère de vérité, ne serait-ce qu’une vérité relative. Personnellement je me réclame de Gorgias. Rhéteur, artisan et poëte, Gorgias est un personnage fascinant. Le ton change, Gorgias est un redoutable  beau parleur, la musique se charge d’angoisse et de profondeur, celle du néant, Socrate est aussi un beau parleur non moins redoutable, mais selon Gorgias il n’évoque que l’écume de choses inexistantes, la joute se  poursuit, elle tombe dans des évocations sonores de l’abîme du silence, ferraillements de stériles coups d’épées sans réel motif, Socrate reprend confiance, il sait maintenant qu’au rien de Gorgias c’est une certaine idée de l’unité cosmique du monde qu’il défend. D’ailleurs affirmer que tout est rien n’est-ce pas révéler une certaine unité cosmique…The Phaedrus : en français, Phèdre (Sur le

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    beau) : nous avons déjà rencontré Phèdre dans leur version du Symposium, (voir Kr’tnt 583 du 21 / 02 / 2023) en français Le Banquet, qui traitait de l’amour. Beaucoup de chercheurs proposent que Phèdre a été composé juste après  Le Banquet. Le personnage de Phèdre ne possède pas l’envergure de Parménide, ni de Protagoras, ni de Gorgias. Il a été suspecté d’avoir, en compagnie d’Alcibiade et de fils de riches familles,  démembré des statues d’Hermès et aussi de s’être livré à des parodies des Mystère d’Eleusis. Est-ce vraiment un hasard si ce dialogue ressemble à une partie de drague entre Socrate et Phèdre. Comme l’on dit dans le sud, faut avoir la tchatche pour parvenir à ses fins… Plus philosophiquement nous parlerons de la fonction érotique de la rhétorique. (Bien entendu ce Phèdre n’a rien à voir avec la Phèdre de Racine amoureuse de son beau-fils.) : discordances sonores - c’est comme dans les trilogies dramatiques souvent suivies d’une comédie - les trois premiers penseurs évoqués nous dispenseraient de tout effort intellectuel, grossièrement ils nous disent qu’il ne sert à rien de discuter des choses, de celles qui sont comme de celles qui ne sont pas, comment redonner sa valeur à un dialogue philosophique, en vantant les bienfaits de la conversation, du badinage si l’on se veut héréditaire de notre littérature du dix-huitième siècle, en laissant l’Eros, dieu redoutable s’il en est un, ses traits ne ressemblant-ils pas à la foudre de Zeus, mener la danse. Musique rieuse, parfois elle se perd en chuchotements que l’on devine intime, la batterie fait du pied durant un bon moment, la sagesse ne s’étendrait donc pas à l’intégrité de l’Individu pétri de désir et d’intellect… The Meno : en français, Menon (Sur la vertu) : : Menon est un élève de

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    Gorgias, de par ses responsabilités militaires et sa connaissance des chevaux, il est ce que l’on pourrait nommer un pragmatique. Ce qui ne l’empêche pas de se poser des questions et d’offrir des réponses, ainsi il affirme que l’excellence est l’art de commander les hommes, l’on voit (à peu près) très bien ce que c’est l’art de commander les hommes d’une façon excellente, mais qu’est-ce que l’excellence en tant que telle. Il ne s’agit pas ici de s’approcher au plus près des choses mais au plus près des mots. D’ailleurs comment peut-on connaître quelque chose si on ne connaît pas cette chose... Que cette chose soit un objet ou un concept. Socrate sort sa carte maîtresse : certes si je cherche c’est que je ne connais pas mais mon âme connaît. Elle est immortelle, elle a contemplé l’Hadès, disons l’abîme des choses de celles qui sont et de celles qui ne sont pas. La réminiscence est le chemin intellectuel qui nous permet de définir une chose parce que nous l’avons déjà vue et acquise, nous l’avons oubliée, mais il suffit de chercher. Scène célèbre d’un esclave qui ne connaît pas la géométrie mais sous le questionnement de Socrate il parvient à retrouver et à produire par déduction des règles logiques de géométrie… Nous avons ici un parfait exemple de la méthode socrato-platonicienne, il ne faut pas seulement connaître une chose mais savoir pourquoi et comment l’on parvient à connaître cette chose. Le chemin conceptuel d’une chose est supérieur à la  connaissance de la nature de la chose elle-même. Reprise de ces motifs un tantinet circonvolutifs que j’ai déjà nommés orientaux, ils ne durent pas, une avalanche sonore fond sur vous, déboule en votre tête toute la pensée humaine, encore faut-il savoir s’en servir et pour cela connaître et comprendre son fonctionnement,  dans Le Phèdre nous nous laissions enivrer par les sens et les sentiments, ici nous sommes initiés au jeu subtil de l’intelligence, un véritable broyeur de concepts illusoires, la formation intellectuelle est pratiquement militaire, il faut pulvériser l’adversaire, trouver la bonne tactique et ne jamais perdre l’écho de la marche de la Connaissance qui avance dans le labyrinthe des fausses pensées, ne jamais perdre sa trace…The theaetetus : en français, Thééthète

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    (Sur la science) : ce dialogue peut être entrevu comme un approfondissement du présent ; Théétète serait un mathématicien réputé dont on ne garde la trace que dans ce dialogue. Thééthète affirme que la Science en tant que telle correspond à la somme de toutes les sciences. Mais qu’est-ce que la Science en elle-même ? demande Socrate. En bon admirateur de Protagoras Théétète répond que la science correspond à nos sensations. La sensation nous renseigne sur les choses mais elle ne permet pas de répondre à la connaissance d’une chose. Par rapport à la sensation la connaissance est vérité. Théétète répond que la science est une opinion vraie. Oui mais comment sait-on que cette opinion est vraie. Il faut comprendre que ce qui est en jeu dans ce dialogue c’est la différence ontologique entre les sophistes qui enseignent des choses et cette nouvelle forme de sophistique que Platon nommera philosophie qui essaie non pas d’enseigner les choses mais comment l’on peut acquérir la connaissance de ces choses. La connaissance n’est pas un savoir pragmatique, elle s’appuie sur un discours vrai, entendre logique (en le sens de l’irréfutabilité des mathématiques), le logos est le discours vrai. Ce dialogue est particulièrement difficile. Il ne peut être compris que si l’on a en tête  l’ensemble du parcours de la connaissance platonicienne. Les sophistes répondront que pour comprendre Platon il faut connaître Platon, en posséder la connaissance, concèderont-ils en souriant… voire en riant aux éclats. Tsunami intellectuel, teneur roborative, nous sommes au plus profond et au plus haut du développement de la pensée humaine, sur ses pointes sommitales  et en ses fosses abyssales, au fondement de la science qui n’a rien à voir avec la définition que nous en donnons en la décrétant falsifiable, Platon évoque un savoir ne varietur, un discours vrai non pas parce qu’il dit la vérité mais parce qu’il est la vérité structurelle du monde en action. Il ne s’agit plus d’échanger des opinions de discutailler sans fin, la pensée est irréversible, en avoir pris conscience, la tonitruance de ce morceau – en certains passages il prend les apparences fascinantes et aveuglantes d’une peau de serpent qui serait la robe même du soleil – est au service de la brillance irréversible de la pensée platonicienne.  The Eutyphro : en

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    français, Eutyphron (Sur la piété) : Socrate qui vient d’apprendre qu’il est accusé d’avoir corrompu la jeunesse demande à Eutyphron - qui n’a pas hésité à porter plainte contre son propre père responsable par des circonstances indépendantes de sa volonté de la mort d’un esclave assassin - l’interroge sur la notion de piété. En quoi consiste-t-elle, à obéir aux lois des dieux promulguées par la Cité pour le culte qu’on leur doit, ou de la propre idée que l’individu peut se faire du respect que l’on doit aux Dieux. Attention, il ne s’agit pas ici d’une tentation athéique, l’idée est d’en faire plus que ce que n’exige la loi. Eutyphron un peu buté répond que la piété consiste à faire ce que les Dieux demandent, cuisiné pat Socrate il finit par répondre que la piété participe de ce qui est juste, Socrate aimerait savoir comment il définit ce qui est juste, Eutyphron qui n’aime pas couper les cheveux en quatre répond qu’il a à faire ailleurs… Le respect que l’on doit aux Dieux participe de la cohésion de la Cité, mais ce que peut faire l’individu en s’interrogeant et en interrogeant les autres sur une définition précise des mots, aide à maintenir  des relations entre les citoyens Retour aux réalités. Attention le discours vrai de Socrate ne porte-t-il pas en lui la négation des Dieux. N’est-ce pas une pensée capable de corrompre la jeunesse en lui donnant l’illusion d’être au-dessus des Dieux, des hommes, de la Cité. Nous sommes au cœur du procès de Socrate. Musique entrechoquante, vagues tempétueuses, sirènes alarmistes, Socrate tente de remettre de l’ordre, ne passe-t-il pas son temps à pousser les citoyens à bien  réfléchir afin que la Cité jouisse de la protection des Dieux. Mais  l’éclairante pensée socratique peut-elle percer l’obscurité des âmes vulgaires enténébrées  entichées de leur bonne foi… The Cratylus : en

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    français, Cratyle, (sur le langage) : un des dialogues les plus fascinants de Platon. En disciple de Protagoras, Hermogène assure que les noms des choses ne participent en rien de la nature, ils sont pures conventions, appellerez-vous votre chien Médor ou Arthur ? De même quelle différence y aurait-il si nos ancêtres avaient nommé chiens les chats et chats les chiens. Cratyle affirme que les noms ont un rapport avec la chose qu’ils nomment, mais que seuls les Dieux peuvent connaître ce rapport. Comme les choses et les hommes changent sans cesse, incapables de saisir la totalité du devenir depuis son origine ils ont perdu le lien qui unit chaque mot à la nature de la chose qu’il désigne. Socrate est d’un autre avis, n’importe qui a donné leurs noms aux choses, que ce soit les Dieux ou les hommes, ils ont avec intelligence attribué à la chose le nom que la chose appelait par sa nature. L’étymologie et la sonorité des lettres nous permettent de retrouver l’explication qui aide à comprendre pourquoi un mot se prononce ainsi et quel rapport il existe entre sa nature et sa signification. Pour mieux comprendre, lisez Les Mots Anglais de Stéphane Mallarmé. Socrate explique que les mots sont comme des images des mots, plus ou moins bien peintes. Ainsi dans nos critiques des images musicales que Thumos donne des choses dialogiques platoniciennes, nous pouvons nous demander si chaque image évoque au plus près la nature du dialogue qu’elle représente ! : Peut-être le plus beau morceau de l’opus chargé de mystère et de drame, prédominance de la basse et tutti orchestral comme brouillé, s’ouvrant sur des clairières heideggeriennes. Musique forte, tempo lent, il semble que le Cratyle pose un problème essentiel : toute parole qu’elle soit stupide ou intelligente, sensorielle ou intellectuelle est faite de mots : mais quels rapports les mots entretiennent-ils avec la nature de ce qui est, signifie-t-ils ou sont-ils sans effet comme des cataplasmes sur une jambe de bois. Socrate déblatère-t-il ou ses propos portent-ils en filigrane une espèce de message constitutif de l’ordre du monde. L’on commence à comprendre que l’ordre des dialogues choisi par Thumos repose sur une dramaturgie longuement méditée. The Sophist : en français, Le

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    Sophiste, (Sur l’Être) : Ce dialogue qui est la suite du Théétète est vraisemblablement le dialogue le plus pertinent et de ce fait le plus difficile de Platon. Dans le Cratyle Platon s’interroge sur le rapport existant entre une chose et le mot qui la désigne, ici l’interrogation porte sur le rapport qui existe entre la chose et l’idée de la chose. Platon en profite pour établir la différence entre le sophiste et le philosophe. Nous en revenons à Parménide qui nous dit que l’Être est Un et le Non-Être n’existe pas. Or le Sophiste qui parle de tout (ne pas confondre avec le Un) peut dire la vérité quand il parle de ce qui est, mais prononce des mensonges quand il parle du Non-Être qui n’existe pas. Toutefois une chose peut être en relation avec l’Être par rapport à une autre chose, mais ne pas Être en relation avec une autre chose. Toutes ces relations entre choses, Être et Non-Être sont régies par le logos. Le sophiste  peut parler de tout et de n’importe qui : il prononce des discours plus ou moins vrais plus ou moins faux. Le logos du philosophe lui permet de parler autant des choses qui ne changent pas (les Idées) que de celles qui sont soumis au changement du devenir. Le philosophe peut donc parler de l’Être et du non-Être, des choses qui sont éternelles et de celles qui ne sont pas puisqu’elles ne sont pas éternelles. En résumé le sophiste parle de la concrétude du monde et pour lui les Dieux ne sont que des formes transitives destinées à périr comme un vulgaire caillou, alors que le philosophe peut parler des choses transitives et des formes éternelles qui ne bougent pas. Vous comprenez pourquoi Platon a consacré un dialogue à la piété, qui parle de l’attitude que l’homme doit avoir envers les choses divines… Le logos est ce discours qui utilise les modalités de l’Un mais aussi les modalités de l’Autre. Un peu de repos dans ce monde de brute, une paisible clarté dans la confusion des incohérences sophistiques, la batterie enchaîne une charge frénétique, elle se doit de faire la différence avec la prétention des sophistes, amplification lyrique apparition sur l’écran du justicier sans peur ni reproche, le philosophe qui avec l’épée de son discours opère la coupure ontologique qui sépare le monde en deux, désormais vous avez l’intuition qu’il faut dédaigner les zone grises et rejoindre l’adret zénithal de la pensée.

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    The stateman : en français, Le Politique (Sur la Royauté) : Ce dialogue est la suite du Sophiste. Il est aussi beaucoup plus limpide ! Si tout le monde a son mot à dire dans le gouvernement de la Cité cela équivaut à donner le pouvoir de décision à une majorité de citoyens qui n’ont aucune connaissance politique. Platon n’était pas un démocrate convaincu…Il vaut mieux confier le pouvoir à une groupe restreint d’hommes instruits qui connaissent les techniques du politique. Notamment la rhétorique qui est l’art par excellence de capable de convaincre les citoyens et les empêche de céder à leurs emportements. Tout est question de mesure. Retour parmi les ombres, la pensée juste, bonne et belle, se doit de porter en elle une sérénité sans équivoque quant au royaume des hommes animal des plus turbulents, voici pourquoi cette musique gant de velours ne cache pas une  poigne de fer, les hommes sont incapables d’appréhender une pensé droite, livrés à leurs seules décisions il est à craindre que les plus funestes seraient prises, seule une élite clairvoyante est capable de faire régner l’ordre et la concorde parmi les citoyens… The philosopher : en français : ne

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    (Texte d'Olivier Battistini)

    cherchez pas ce dialogue, ni en langue grecque, ni en anglais, ni en français, ni en tout autre idiome. Ne vous lamentez pas non plus sur la disparition de ce texte. Il n’a vraisemblablement jamais été rédigé. Platon aurait eu le projet de former une trilogie augmentée qui aurait été formée par le Théétète, le Sophiste et le  Politique qui se serait conclu par le couronnement du Philosophe. Platon a-t-il été rattrapé par la mort avant de se lancer dans sa rédaction, ou a-t-il pensé que le lecteur était à même de définir les qualités nécessaires à acquérir le statut de philosophe. Peut-être même espérait-il en secret qu’un kr’tntreader aiguillonné par la lecture de cette livraison 698 de ces Chroniques de Pourpre se lançât dans cette aventure… Je dois avec l’honnêteté intellectuelle qui me caractérise reconnaître que cette troisième possibilité n’est guère partagée par la majorité des chercheurs qui travaillent depuis vingt-cinq siècles sur les œuvres de Platon. Une guitare comme échoïfiée. Thumos a déjà consacré tout un album à La République dans lequel Platon définit le philosophe comme celui qui est à mieux de présenter le philosophe comme le personnage destiné à diriger la Cité. Thumos vous offre une partition qui serait comme l’écho de votre rêverie sur les bienfaits de cette réalité… Même pas trois minutes, ce qui n’a pas eu lieu peut-il avoir droit de cité ? The apology : en français, Apologie de Socrate : ce dialogue donne à lire les discours

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    prononcés par Socrate lors de son procès et les conversations privées qu’il aura entretenues avec les juges qui ont voté sa mort et puis ceux qui ne l’ont pas votée. Socrate ne se renie pas, il reste lui-même rappelant même qu’il s’était senti obligé de questionner les gens puisque par l’entremise de la pythie de l’Oracle de Delphes Apollon avait décrété qu’il n’y avait pas d’homme plus intelligent que Socrate. Il ajoute qu’à force de prouver aux Athéniens qu’ils ne savaient rien il s’était fait beaucoup d’ennemis… le cœur du drame, une espèce de western intellectuel filmé par Thumos, du grandiose et de l’épique, le héros est impitoyable envers et les autres et surtout envers lui-même refusant d’être dupe de sa pensée expliquant que son destin est logique, qu’il correspond au discours vrai qu’il tenait à ses proches et à des inconnus, si vous élevez un serpent mortel dans votre tête il est dans l’ordre des choses que la première personne qu’il piquera un jour ou l’autre : ce soit vous ! Ironie de l’Histoire son venin est le seul antidote qui servira plus tard  guérir des erreurs humaines, parfois le morceau semble s’amenuiser comme s’il voulait nous avertir que l’étroit chemin suivi par Socrate était rempli d’embûches. The Phileus : en français, Philèbe (Sur les

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    plaisirs) : une vie de plaisir est une joy for ever pour parodier Keats. Le lecteur aura intuité que les jouissances physiques ne peuvent être le summum du bien pour un homme digne de son statut d’homme. Le plaisir suprême consiste à s’approcher du Bien par l’exercice de l’esprit… Le problème n’est pas de mourir mais de perdre la vie. Et tous les plaisirs qu’elle procure, jamais la musique de Thumos n’a été aussi tapageuse et effervescente même si dans la deuxième partie du morceau le tumulte s’alentit quelque peu, gagnant en contrepartie en brillance, malgré les saccades procurées par les orgies et les beuveries les plaisirs intellectuels procurent peut-être des joies plus fortes. Si c’est Platon qui le dit… The Crito : en français, Criton (Sur la justice) : Ami

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    d’enfance de Socrate Criton lui rend visite dans sa prison pour l’exhorter à s’évader. Les amis de Socrate sont prêts à fournir l’argent   afin d’acheter les complicités nécessaires à sa fuite. Socrate refuse, certes il a été condamné à mort injustement, mais ne pas obéir à une loi, même appliquée à tort, revient à saper le contrat moral qui relie tous les citoyens. S’enfuir serait une manière de nuire à la cohésion de la Cité. Une guitare confrontée à elle-même. Cheminement d’une pensée confrontée à son propre reniement. Abdiquer, se sauver ou mourir pour ses idées, dilemme métaphysique, l’orchestre est devenu plus lourd, il pèse sur votre âme, il accélère, ne vous laisse plus le temps de réfléchir tension maximale, instant crucial, le sens d’une vie… Socrate a pris sa décision, tout se calme, quelques jeux de cordes attardées, ni fanfare, ni mélodrame, comme si de rien n’était, pas la peine de s’attarder sur une chose aussi futile. The Phaedo : en français, Phédon (Sur l’âme) : Phédon qui a assisté aux derniers moments de

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    Socrate conte les circonstances éternelles pour reprendre une expression de Mallarmé par lesquelles Socrate a enseigné comment un philosophe doit savoir mourir. La mort n’est pas la mort, elle permet à l’âme de quitter la prison du corps et d’accomplir un périple qui lui permettra d’être jugée digne d’accéder à la contemplation des ides suprêmes du beau, du bon, et du juste. Socrate boit la cigüe sans trembler. Dix siècles plus tard ce texte largement inspiré par les doctrines égyptiennes et pythagoriciennes exercera une profonde influence sur le  christianisme… Instant décisif la coupe n’attend plus que Socrate, musique sombre toutefois empreinte d’une certaine sérénité. Sonorité pratiquement silencieuse, Socrate va parler, la batterie éclate et noie de soleil l’ambiance, Socrate dévoile les ultimes vérités, l’ultime révélation, ces mots ne sauraient être murmurés, ils éclosent comme graines de victoire, ils ouvrent des horizons nouveaux, maintenant si le son baisse c’est que les amis de Socrates sont perdus dans leurs pensées, pensent peut-être même davantage à eux-mêmes qu’à Platon, la prescience du chemin qu’ils parcourront un jour ou l’autre leur a été accordée, la musique reprend son envol, elle monte haut, comme l’âme délivrée de ses attaches terrestres, elle se transforme en un long cri d’exaltation infinie, un chant de triomphe,  le disque semble s’enrayer, la coupe tombe des mains de Socrate qui calmement entre en agonie…maintenant il est temps d’aller sacrifier un coq au dieu Esculape pour le remercier d’avoir guéri Socrate de la maladie de la vie. The Menescenus : en français, Ménexène (Sur l’oraison

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    funèbre) : quoi de plus naturel que de prononcer une oraison funèbre après la mort de Socrate. Il n’en est rien Platon s’en prend avant tout à Gorgias. Platon ne s’attaque pas directement à l’enseignement de Gorgias selon lequel rien n’existe, donc même pas un argument capable de réfuter la thèse du sophiste… Platon préfère se moquer du beau parleur qu’était Gorgias, son style n’est-il pas une rhétorique aussi artificielle et convenue que les discours officiels que l’on débite à la gloire des hommes qui sont morts pour leur patrie. Il est vrai que les cimetières sont remplis de gens irremplaçables ! Musique grave. Platon ne parle plus directement de Socrate. Il s’en prend à son ennemi, Gorgias, le négateur par excellence pour qui les enseignements de Socrate ne sont  que fariboles… Thumos offre un dernier catafalque à Socrate et à Platon son disciple… Tissus noirs et ombragés… Générique de fin. Digne du drame.

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             Un opus qui demande écoute et réflexion. Les premieres chroniques sur   ce chef-d’œuvre insistent sur l’agréabilité de la chose. Sans doute leurs auteurs veulent-ils signifier qu’elle n’est ni abstruse ni complexe. Sans doute veulent-ils dire qu’elle ressemble en tous points à l’écriture de Platon. Une prose exceptionnelle, d’une extraordinaire fluidité, elle vous emporte, vous ne pouvez plus vous en détacher, vous voulez savoir, vous désirez comprendre, à tout instant vous êtes sûr que le ‘’paragraphe’’ suivant vous apportera une meilleure compréhension, les dialogues se dévorent comme des romans policiers, à chaque page l’obscurité de l’énigme racontée s’assombrit d’une noirceur étincelante, néanmoins elle vous mène par le bout du nez, elle vous induit à poursuivre, vous êtes au plus près de l’intellection, vous en ressortez ébloui et quelque peu insatisfait. Le prochain dialogue vous apportera la solution… Vous êtes un fan, vous y revenez, tant de beauté et de subtilité vous séduisent, vous remplissent… Les merveilles de Platon. Trop de soleil aveugle. La rutilance stylistique de Platon vous donne l’illusion d’être intelligent. Platon est un grand philosophe, peut-être est-il encore un plus grand écrivain.

             Ne nous méprenons pas. Thumos ne surfe pas sur la magie musicale. Qui entraîne et emporte. Qui se substitue à l’effort de la pensée. L’œuvre de Platon est ardue. Celle de Thumos n’est pas à prendre à la légère. Certes elle s’inscrit encore dans une nomenclature descriptive des ombres de la caverne, mais leurs pourtours sont si clairement reproduits qu’ils permettent d’entrevoir conceptuellement l’idée des formes intangibles. Cette évocation sonologique exige lenteur et méditation. Ce Trial of Socrates demande écoute prolongée, les ramages soyeux de ses sonorités dévoilent un labyrinthe qui engage à une longue audition explorative, vous avez l’impression que la musique pense pour vous. Evidemment ce n’est qu’un leurre. Une apparence. Une invitation que Thumos vous lance : un jour ou l’autre, il convient de se mesurer au minotaure de la pensée…

             Une expérience de pensée musicienne jamais tentée…

             Un projet auditif d’une ampleur démesurée.

    Damie Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 697 : KR'TNT ! 697 : WEIRD OMEN / MACY GRAY / ACE / EDDIE HOLMAN / WILD BILLY CHILDISH / ROCKABILLY GENERATION NEWS / ROCKMANDIE / GENE VINCENT

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 697

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    03 / 07 / 2025 

     

    WEIRD OMEN / MACY GRAY / ACE

    EDDIE HOLMAN / WILD BILLY CHILDISH

    ROCKMANDIE / GENE VINCENT

      

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 697

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

    L’avenir du rock

     - Es spiritus sancti, Omen

    (Part Three)

     

             Chaque fois qu’il va se recueillir sur une tombe, l’avenir du rock se fend d’une petite élégie taillée sur mesure. Par exemple, sur la tombe de Gene Vincent :

             — Es the girl in red blue jeanstus, Omen !

             S’il va sur la tombe de Lou Reed, c’est pour balancer ça qui n’est pas mal :

             — Es couldn’t hit it sidewaystus, Omen !

             Peut-on pardonner l’avenir du rock d’aller tripoter «Be-Bop-A-Lula» ou «Sister Ray» à des fins éditoriales ? Pendant qu’on se pose la question, il continue d’hanter les cimetières. Il arrive sur la tombe de Jimi Hendrix et se fend de ça, dont il est particulièrement fier :

             — Es the night I was bornus/ Lordus/ The moon turned a fire redus, Omen ! 

             Et comme ça se passe la nuit, la lune devient rouge. Au moins, on ne pourra pas accuser l’avenir rock de bidonnage. 

             S’il va sur la tombe de Lux Interior, c’est bien sûr pour énoncer une suite lunaire :

             — Es turnus into a teenage Goo Goo Muckus, Omen !

             Et s’il se rend à Graceland pour se recueillir sur la tombe d’Elvis, il va déclarer le plus solennellement du monde :

             — Es blue moonus/ You saw me standing alonus, Omen !

             Pendant que l’avenir du rock fait le malin sur les tombes et s’escrime à vouloir cirer les pompes de Weird Omen, t’en as qui se demandent quel type d’élégie on prononcera sur sa tombe une fois qu’on l’aura enterré. Un truc du genre :

             — Es avenirus du roquefortus, Omen !

             Ou encore mieux :

             — Es connardus sancti, Omen !

     

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             Parlons de choses sérieuses. L’organique. Weird Omen. Tu ne peux pas ramener les mots habituels. Le pulsatif organique de Weird Omen remet tout à zéro.

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    Le seul mot habituel qui peut survivre dans cette fournaise, c’est wild-as-fuck, ou encore hot-as-hell, qui veut dire la même chose. Tout Weird Omen descend en droite ligne de la barbarie sonique de «Sister Ray», des transes de Trane et de celles de Steve MacKay au temps de Funhouse, mais en mille fois plus avant-gardiste. En mille fois plus fusionnel, leur son fond littéralement sur scène et Fred Rollercoaster

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    l’alimente en pulsant son son, il souffle et bat comme un gros cœur, il thr-thr-throb et il p-p-p-pant, son out-of-breath frise l’outta-mind, il vacille en permanence au bord du gouffre, il nourrit le rock pour un faire un monstre, il en fait un Moloch qui dévore la Maro, il fond tout, surtout les cervelles qui ne peuvent pas résister à des chaleurs pareilles, et bizarrement tu te sens bien, car t’auras jamais ça ailleurs.

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    Weird Omen te sert sur un plateau d’argent cet art supérieur du rock en fusion qui est de leur invention. Tu savoures le privilège de goûter ces rares instants d’ouverture sur l’avenir, t’es en prise directe sur l’une des formes les plus parfaites d’aboutissement de l’art moderne. T’as à la fois le passé, le présent et l’avenir du rock, t’as l’hypnotisme du Velvet et la folie Méricourt de Trane, t’es dans l’excès de pureté purpurine, t’es dans la réinvention de l’atome du rock, t’es dans l’expérience définitive, t’es en plein reformatage de ta cervelle, t’es dans le voyage au chœur de

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    l’enfer, c’est-à-dire le white heat originel, tu prends le vieux big bang en pleine gueule et tu t’en réjouis de tous les atomes de ton corps, t’es dans la lutte finale, t’es dans la sidération sidérale, t’es dans l’implosion managériale, t’es dans un fabuleux voyage de non-retour, t’es d’accord sur tout, absolument tout, t’es d’accord avec la moindre goutte de Weird Sound, t’es d’accords avec la Gretsch blanche de Sister Ray, t’es d’accord avec la frappe sèche du fantastique Dam-O-maD, t’es d’accord avec les chaînes de Fred Rollercoaster, t’es encore plus d’accord avec le sang sur son

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    visage, t’es d’accord avec Daccord, t’es d’accord forever, t’en finis plus d’être d’accord, t’en finis plus de d’accorder des accords, t’en finis plus de courir après l’image, t’es d’accord avec le fait qu’un coup de dé jamais n’abolira le hasard de l’image, alors t’y vas de bon cœur, t’es dans la transe de leur transe, t’es porté et même transporté par cette mer de lave spirituelle, t’es fluxé par les ondes du vif argent, et t’as ce mec à un mètre qui n’en finit plus de tournoyer sur lui-même et de pouetter dans son sax pour la postérité.

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             Bien sûr, il faut écouter Blood toutes affaires cessantes. C’est un album brutal et bienvenu, classique et sauvage, parfaitement en phase avec ce qu’on voit sur scène, le white heat en moins. Une belle dose de Stoogerie remonte du riff raff de «Middle Class». Sister Ray chante avec un bel accent décadent. On retrouve encore l’esprit de la fournaise de Fun House dans «Slumlord». Flamboyant ! Demented ! Play it loud ! Le sax défonce tout ! Les colonnes du temple dansent le twist ! Le «Substitute» qui suit n’est pas celui des Who : t’as encore un cut bardé de clameurs et les montées en température sont exemplaires. La B est encore plus jouissive, et ce dès «Lord Have Mercy», qu’ils jouent en ouverture de set : c’est de la dégelée en intra-veineuse. Tu ne t’en lasses pas, alors ils t’en donnent encore. Toujours cette santé insolente avec «Wake Up». Même le ventre-à-terre est bien chez les Weird Omen. Ils te montent «All Wrong» sur une structure gaga classique, mais avec le pilon des forges en plus. Et puis Fred Rollercoaster injecte une monstrueuse dose de modernité dans «Won’t Last Long». Et ça continue comme ça jusqu’au bout de la B, avec un «Can’t Explain» qui n’est pas celui des Who, mais qui est aussi brillant, avec des nappes de clameurs extraordinaires, et tu regagnes la sortie à quatre pattes avec le morceau titre, un instro scintillant, une sorte de cerise sur un gâtö brûlant. 

    Signé : Cazengler, Weird hymen

    Weird Omen. La Maroquinerie. Paris XXe. 4 juin 2025

    Weird Omen. Blood. Beast Records 2025

     

     

    Wizards & True Stars

     - Macy Star

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             Tu connaissais le nom de Macy Gray, mais ça s’arrêtait là. Tu la connaissais comme tu connais Roberta Flack ou Natalie Cole. Tu peux même te vanter d’avoir tous leurs albums, comme tu as tous ceux de Smokey Robinson ou de Curtis Mayfield : ils sont là car dans ta tête de fou, tu t’es imaginé qu’un jour tu leur consacrerais un book, alors pour ça, il faut tout écouter. Ramasser tous ces albums est un travail de longue haleine qui s’étale sur vingt ou trente ans. Et puis un jour tu décides d’attaquer la pile des Smokey, parce qu’il est actuellement en tournée en Angleterre. Tu trouves des prétextes. Attaquer l’écoute d’une œuvre n’est pas aussi simple qu’on croit.

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             Pour Macy Gray, c’est beaucoup plus facile : elle est devant toi, sur scène, à quelques mètres seulement. Il te faut un certain temps pour t’habituer à cette idée : Macy Gray en chair et en os juste devant tes yeux de merlan frit.

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             Macy est devenue une lady d’un certain âge, mais elle n’a rien perdu de son extraordinaire charme black. Elle fait sa diva jazz derrière son micro. Elle porte des gants, une robe longue très chamarrée et un boa. Et paf, elle te groove the night away comme peu d’artistes savent le faire. Elle charrie des accents d’Aretha, de Sarah Vaughan, de Roberta et de Natalie, et met en route un processus alchimique qu’on appelle aussi le Grand Œuvre de la Soul, elle ergote, elle glisse, elle couine, elle sort, elle hoquette, elle miaule, elle revient dans le groove en rigolant, elle a des petits gestes de diva nerveuse, et elle revient toujours avec un sourire extravagant. Quatre surdoués l’accompagnent : un bassmatiqueur de génie, perruqué de frais, sur une six cordes, une petite gonzesse métis gratte ses poux sur une Strato toute neuve, et derrière sur une estrade, t’as encore deux perruqués de génie, un simili-Spike Lee aux claviers qui te pianote le jazz quand ça lui chante, et un batteur de jazz qui te groove tout ça en profondeur. Bien sûr, tu vas être obligé d’avouer que t’es dépassé par le niveau de ces gens-là. Et même obligé de constater que t’as mis les pieds au

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    paradis sur la terre. Car tu ne peux rien espérer de mieux que ce qui se passe sur scène ce soir-là. Macy Gray est l’une des géantes de notre époque. Elle fête le 25e anniversaire de son premier album, On How Life Is. T’es knock-outé par sa version de «Sunny». Elle rend le plus beau des hommages à l’immense Bobby Hebb, elle lui jazze la couenne avec une passion animale, tu vois rarement des artistes jazzer ainsi

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     la matière d’une chanson. Elle fait avec «Sunny» ce que Rodin fit avec l’argile : il fait corps avec la matière. L’argile fait partie de lui. Rodin est toujours le premier artiste qui vient à l’esprit lorsqu’on évoque ce travail qui consiste à pétrir la matière pour en faire une œuvre. Mais on pourrait choisir le nom de Godard qui pétrissait lui aussi avec ferveur la matière de l’image et du récit cinématographique, ou encore le nom de Coltrane qui pétrissait jusqu’au délire les immenses possibilités de ses gammes de sax, où encore Mallarmé qui a tellement pétri la métrique qu’il a fini par inventer la modernité et ouvert un champ infini de possibilités. Macy Gray pétrit la Soul de jazz comme James Brown a pétri l’hard funk, elle donne corps à un groove hallucinant de la même façon que Turner donnait corps à la lumière à travers le fog, elle hisse son art aussi haut que le fit James Joyce en son temps avec le sien, elle y met toute sa rage de la même façon que Céline mit la sienne à inventer un genre littéraire pour dire tout le mal qu’il pensait du genre humain. Mais contrairement à Céline, Macy Gray ne cède pas au désespoir. Elle préfère rire et faire chanter les blancs agglutinés à ses pieds.

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             Elle tape une autre cover, celle du «Creep» de Radiohead et les gens chantent avec elle le so special. Elle y met autant de jazz qu’elle en mettait dans «Sunny». Elle te fait tourner la tête. Ton manège à toi, c’est elle. Elle va changer trois fois de robe dans la soirée. Chaque fois elle revient avec des pompes de couleurs différentes. Et trois fois, elle reprend sa magie là où elle l’avait laissée.

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             On ne l’a pas vraiment su à l’époque, mais On How Life Is est un very-very-very big album. Elle t’embarque aussitôt «Why Don’t You Call Me». Elle t’y creuse un tunnel sous le Mont Blanc, elle a du sucre et du chien à revendre. Quelle fabuleuse palette black ! Cet album grouille de coups de génie, tiens par exemple cet «I Try» qu’elle attaque au sucre proéminent et descriptif. Elle est sans doute la plus sucrée des Soul Sisters, avec Esther Phillips. Elle sait charger sa barque et devient prodigieuse au finish. Sur «Still», elle sonne comme Rod The Mod, comme une Soul Sister altérée, elle chante au sucre fêlé, c’est une Rod black, mais elle est beaucoup plus carnassière que Rod, elle mord dans la matière et propose un final apocalyptique en mode timbre fêlé. On n’avait encore jamais entendu ça ! On retrouve aussi le «Caligula» qu’elle tape sur scène, mais ce qu’elle en fait aujourd’hui est nettement plus sexy. Elle éclate le groove d’«I Can’t Wait To Meetchu» au sucre pré-pubère black. Elle est fabuleuse d’à-propos ! Elle finit avec une «Letter» qui n’est pas celle qu’on croit. Voilà l’hit du disk ! - So long everybody/ I have gone beyond the moon - Adieu génial - It’s worth the stay yeah yeah yeah ! Tu t’étrangles de bonheur à écouter ça  - So long everybody/ Mama don’t be sad for me/ Life was a headache/ And now I’m really free.  

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             Tu vas encore te régaler avec The Id. «Boo» sonne comme un hit, avec son léger côté «Season Of The Witch». Elle bascule ensuite dans l’heavy dancing blast avec «Sexual Revolution». Elle adore aller jerker. Avec sa voix d’ingénue libertine, elle est ravageuse. Elle est encore plus juvénile avec «Hey Young World Pt 2». Tu ne te lasseras jamais de sa fraîcheur congénitale. Elle est délicieusement jeune, elle se répand à la surface du monde. On retrouve son sucre candy black de génie dans «Sweet Baby». Pur génie vocal ! - Sweet sweet baby/ Life is crazy ! - Elle passe en mode heavy groove avec «Gimme All Your Lovin’ Or I Will Kill You». Elle te rompt toutes les digues et elle t’emporte, elle est fabuleusement intrusive, c’est à la fois heavy et sexy, c’mon ! Elle est épuisante d’heavy Soul sexuelle. Elle pourrait te rendre dingue. Elle groove encore comme une reine dans «My Nutleg Phantasy». Elle incarne à la perfection le concept de Soul moderne. Elle se dirige vers la sortie avec «Forgiveness», elle swingue le groove de la 25e heure. C’est un moment historique. Quelle modernité ! Modernité de son, mais aussi d’interprétation, elle groove vers l’avenir, elle donne à chaque cut une couleur particulière, un sens unique.          

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                  On a du mal à entrer dans The Trouble With Being Myself. C’est une Soul à la mode, une sorte de funk en chou-fleur. Macy sait dresser une table, pas de problème, mais elle n’as pas les compos. Elle nous remonte dans l’estime avec «Things That Made The Change», elle y groove sa chique en douceur et en profondeur. Elle flirte un peu avec l’hip-hop («She Don’t Write Songs About You») et passe au balladif totémique avec «Jesus For A Day». Elle se met à rêver - If I could be/ Jesus/ for just a day - et c’est là qu’elle t’hooke. Elle cherche encore sa voie avec «Happiness». Si elle avait des grosses compos, elle ferait un malheur, comme va le montrer son tribute à Stevie Wonder. Elle attaque son «Speechless» en mode Otis/Tenderness, avec le même sens de la faufilade. Mais elle n’a pas les bonnes compos.

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             Sur Big, Macy a une belle invitée : Natalie Cole. Bhaaam ! Elles duettent direct sur «Finally Made Me Happy». Elles s’en sortent à merveille et elles t’émerveillent la prunelle de tes yeux. Elles te servent sur un plateau d’argent l’apocalypse du paradis. Après c’est plus compliqué. Macy tape de l’heavy groove, mais trop à la mode. Elle revient au groove juvénile avec «What I Gotta Do», elle balance des oh yeah de rêve, des purs joyaux de la couronne, elle est exceptionnelle d’allure et d’oh yeah. Elle remet bien son sucre juvénile en avant dans «Glad You’re Here» et on la sent bien contente sur «One For Me». Mais c’est son sucre qu’on préfère, celui de «Strange Behaviour», un sucre délicieux qu’elle étale bien sur le groove. Son opiniâtreté l’honore. Elle ramène encore son sucre de rêve dans «Get Out». Elle y drive un magnifique drone de Soul. Elle tient tout à la seule force de sa candeur candy. Elle re-duette dans «Treat Me Like Your Money» avec un super-rapper nommé Will.I.am.

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             The Sellout n’est pas son meilleur album. On la sent pourtant déterminé à groover. Elle se montre très diskö queen sur «Lately», yeah yeah, c’est brillant, de toute façon. Sur «Kissed It», elle est accompagnée par Velvet Revolver, c’est-dire Duff McKagan et d’autres guignols des Guns N’Roses. Cut bien corsé, monté sur un beat glam punk. Ces mecs ne rigolent pas. On la sent à peine éveillée plus loin sur «Let You Win». Elle ramène une traînasse de ton fantastique. Mais globalement, tu restes sur ta faim. Ainsi va la vie.

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             En 2012, Macy fait deux albums de covers, Covered et Talking Book. Le choix de covers qu’elle propose sur Covered est discutable, mais en même temps typiquement américain. On l’a déjà remarqué : les Américains n’écoutent pas les mêmes disks que nous. Elle tape par exemple une cover de Metallica qui n’a aucun intérêt. Par contre sa cover du «Wake Up» d’Arcade Fire vaut le détour, car elle y ramène son sucre magique et nous mitonne un final explosif. Elle ramène encore son sucre magique dans «Bubbly». C’est un bonheur que d’entendre Macy chanter. Elle tape aussi dans l’avant-gardisme new-yorkais avec une cover du «Maps» des Yeah Yeah Yeahs, suggestion, dit-elle dans les liners, de sa fille aîné Aanisah. Il faut aussi écouter le «Really» final, car c’est un sketch hilarant : Macy prend la tête d’une animatrice radio en lui demandant d’annoncer «the great Macy Great», mais ce n’est jamais assez bien, alors Macy la reprend encore et encore, et l’animatrice finit par gueuler bullshit !, et par l’envoyer sur les roses. Et puis voilà le coup de génie de l’album : cette reprise du «Creep» de Radiohead qu’elle tapait l’autre soir sur scène. Choix déterminant. Le Creep lui va comme un gant - I wish I was special/ So fucking special - Elle balance un weirdo de rêve - What the hell I’m doin’ here - Elle incarne la perdition à la perfection et elle résonne de toute son âme, elle monte le cut en enfer, la-haut vers la lumière aveuglante, elle te retape tout ça au wish I was special, c’est d’une rare puissance, what the hell I’m doin’ here ! 

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             La même année, Macy rend un spectaculaire hommage à Stevie Wonder en reprenant l’intégralité de Talking Book. T’as au moins quatre covers géniales, à commencer par «You Are The Sunshine of My Life» qu’elle te groove vite fait, yeah, elle le prend au sucre tiède. Son yeah baby est d’une rare pureté. Son approche du grand art de Stevie Wonder est passionnante. Elle se fond délicieusement dans «You & I (We Can Conqueer The World)», elle lui donne de la voilure. Elle monte ensuite à l’assaut de «Tuesday Heartbreak». Macy forever ! Il faut la voir se jeter dans la bataille ! Elle devient ta favorite, avec Esther Phillips. Elle explose à coups de yeah is alrite ! Et puis bien sûr, tu l’attends au virage pour «Superstition». Au lieu de l’amener au riff de gratte, elle l’amène au groove de basse. Mais l’esprit est là. 

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             The Way ? Fuck, quel album ! Elle ramène ce sucre challengeur qui te prend aussitôt à la gorge. On entend derrière elle un sacré guitariste. Il s’appelle Jason Hill et fait des étincelles sur «Bang Bang». Elle passe au r’n’b des familles avec «Hands», c’est calibré pour la victoire, mais attention, voilà le hit : le morceau titre, une belle pop de Soul évolutive. Alors là oui ! Elle fait exploser son hit au so happy, hey ha ha ! - Take my hand and show me - et les chœurs ajoutent : «the way !». Là t’as l’hit de tes rêves. T’est vite précipité dans le lagon d’argent de Macy Gray. Hey baby ! Nouveau hit avec «Queen Of The Big Hurt», un heavy r’n’b de haut rang, elle le descend à l’escalier, elle te fait tournicoter la tête, elle est superbe ! Elle se lance ensuite avec «Me With You» dans l’heavy groove de tes rêves, c’est d’un lancinant qui finira par avoir ta peau. Puis elle repart en mode heavy pop avec «Need You Now». Quelle candeur ! C’est vraiment brillant. Elle descend littéralement dans la pop et te claque ça à la pure opiniâtreté. Ce beat de clap-hands est une merveille, elle lance le beat infini et l’accompagne, awite ! Okay, don’t fortget me now. Elle est stupéfiante ! 

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             Stripped est un album plus jazzmatazz. Macy sort sa plus belle traînasse pour t’ensorceler. Elle descend dans son «Sweet Baby» avec une rythmique Stonesy de type «Sympathy For The Devil», suivie par la trompette de Wallace Roney. Elle est accompagnée par des musiciens de jazz et la stand-up de Daryl Johns te buzze le jive d’«I try». Elle jazze dans tous les sens : latéralement («Slowly»), tranversalement («She Ain’t Right For You») et ça culmine de jazzmataszz dans «Nothing Else Matters». Russell Malone y coule un pur jazz solo à la Wes Montgomery et Wallace Roney rajoute un solo de trompette digne de ceux de Miles Davis. Elle termine avec le puissant jazzmatazz de «Lucy», hey baby would you be my man, elle y va au easy baby. Magnifico ! Jazzy, Michel !

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             Macy a encore un invité de marque sur Ruby : Gary Clark Jr. ! Il intervient sur le final de «Buddha». Elle entre au sucre d’hovy-hovy hov ! et fait de son Buddha une merveille tentaculaire. Et bien sûr Gary Clark Jr. arrose tout ça de sonic genius. Elle interpelle le white man dans «White Man», hey white man, un bassmatic puissant lui pulse les hanches et ça vire jazz festif avec une trompette. Elle repart en mode round midnite dans «Tell Me» et ramène son sucre fatal. Fabuleux feeling ! C’est fracassant de véracité, elle nous plonge dans les années 20 avec un solo de sax. Elle attaque plus loin «When It Ends» au sucre avancé - I can’t fake it - Elle reste intense dans l’expression de sa véracité fêlée. Elle se montre encore délicieusement intrusive avec «Jealousy», elle t’arrime la proue et tu ne peux plus la quitter. Encore plus pur, voilà «Shinnanigins» qui sonne comme un  hit de Magic Macy. Même dans les balladifs («But He Loves Me»), elle sort l’un des meilleurs répondants d’Amérique. 

    Signé : Cazengler, Macy beaucoup

    Macy Gray. Le 106. Rouen (76). 24 mai 2025

    Macy Gray. On How Life Is. Epic 1999  

    Macy Gray. The Id. Epic 2001                

    Macy Gray. The Trouble With Being Myself. Epic 2003 

    Macy Gray. Big. Geffen Records 2007 

    Macy Gray. The Sellout. Concord Records 2010 

    Macy Gray. Covered. 429 Records 2012

    Macy Gray. Talking Book. 429 Records 2012 

    Macy Gray. The Way. Happy Mel Boopy 2014 

    Macy Gray. Stripped. Chesky Records 2016

    Macy Gray. Ruby. Artistry Music 2018

     

     

    Label bel bel comme le jour

    - Jusqu’à l’oss de l’Ace

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             Dans un monde idéal, chacun d’entre nous se jetterait toutes affaires cessantes sur le book de David Stubbs, Ace Records: Labels Unlimited. Ce grand format est à la fois un point de départ et un passage obligé. Tu n’as même pas à te poser la question : tu le vois, tu le ramasses et tu le lis.

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    Ted Carrolll

             Ce ne sont pas les Aventures Extraordinaires d’Arthur Gordon Pym, mais celles de Ted Carroll et Roger Armstrong, qui, dans la culture rock britannique, occupent le même rang qu’Andrew Loog Oldham, Brian Epstein ou encore Guy Stevens. Ils sont les architectes du British Gai Savoir, les Prêtres du Culte de la Red. Dans l’inconscient collectif britannique, le mot ‘Ace’ occupe la même place que le mot ‘Beatles’.

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             L’ascension des gens d’Ace s’est faite en trois étapes : le stall, Chiswick puis Ace. Arrivé d’Irlande, Ted Carroll s’est installé à Londres pour booker des concerts et vendre des disks sur son market stall, à Soho. Il commence par récupérer un stock de «London American 45s» - I often had 50 copies of very rare records, like «Say Man» by Bo Diddley - Il les vendait £1 ou £2, et ils valent aujourd’hui plusieurs milliers de £. Il indique qu’il y avait la queue sur son Rock On stall - It was the London 45s that attracted them... The London label was the Holy Grail back then - Ted Carroll jette les bases de son biz : la vente de disks rares à des gens passionnés. Tout passe par la qualité des sources. Il démarre avec le London label, puis va bientôt ramener des États-Unis des paquets de singles parus sur des labels encore plus légendaires. Nick Garrard qui manageait les Meteors venait sur le Rock On stall échanger des singles Sun contre les Frankie Lymon sur Columbia que Ted recherchait.

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             Parmi les clients du Rock On stall, il y avait McLaren, Lenny Kaye, Joe Strummer - Joe Strummer was in all the time - Jesse Hector was here from day one - Il se souvient aussi de Jimmy Page, accompagné de BP Fallon, venu acheter «a load of Sun 45s at the Golborne Road stall.» Il voit aussi passer Lemmy et John Peel. En 1973, nous dit encore Stubbs, Phil Lynott allait immortaliser le stall dans «The Rocker» - I get my records from the Rock On stall/ Rock’n’roll/ Teddy Boys/ He’s got them all.

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             Ils vont passer du stall à la boutique, le fameux Rock On shop de Candem. Nick Garrard va s’installer à l’étage au-dessus de Rock On, et tenir la boutique jusqu’à la fin : il n’ouvrait plus que le samedi et le dimanche - Bob Dylan came in spent a load of money, mainly on Gospel albums. Same thing for the Cramps. Ils arrivaient à 18 h, juste avant la fermeture, on fermait et on restait deux heures avec eux.

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             Puis l’idée vient de monter un label. Ted cherche des groupes qui puisent aux mêmes sources que le Rock On stall : «Low budget, local but fired up with the same essential, rough’n’ ready real-time energy of early rock’n’roll.» Ce sera le pub-rock. Pour lancer Chiswick, il sort le «Brand New Cadillac» de Vince Taylor qui est alors très recherché - On l’a bien vendu, parce que les disquaires cherchaient un single du calibre de «Jungle Rock» - Ted dit en avoir vendu 10 000 ex pretty quickly. Charly avait en effet raflé la mise en rééditant le «Jungle Rock» d’Hank Mizell.

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             Ted et Roger sortent le single des 101ers, puis le «Gorilla Got Me» Gorillas, «led by an extraordinarily extroverted Jesse Hector.» C’est l’époque de ses grandes déclarations dans le NME : «It’s quite simple. I’m special. Very soon, the kids are going to rely on me the way they once did with Jagger, Townshend and Hendrix. New stars must emerge and I know  I’m the logical successor.» Roger voit Jesse Hector comme «one of the most amazing stage performers you ever saw.» Et il enfonce bien son clou : «He was extreme rock’n’roll - even the punks liked him. Sniffin’ Glue put him on their front cover.»

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             Autre fleuron de Chiswick : les Damned. Vicki Fox : «The Damned were Roger’s indulgence. They were his babies.» Pourtant, ils vont démarrer sur Stiff avant de revenir dans le giron de Chiswick pour Machine Gun Etiquette et un single banni par la BBC, «Smash It Up», car considéré comme une incitation à la violence. Rien qu’avec les Damned et les Gorillas, Chiswick était dans le fin du fin du rock anglais.

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             Pour illustrer musicalement la racine de cette belle aventure, l’idéal serait d’écouter The Chiswick Story, une petite box rouge sortie sur Ace en 2023. Non seulement elle illustre parfaitement l’histoire des premiers pas de Roger Armstrong et de Ted Carroll dans le biz, mais elle fait en plus office de machine à remonter le temps.

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             Ted Carroll vend ses disques sur son stall à Soho Market et Roger Armstrong bosse pour lui. En 1974, ils décident de monter un label et ils écument les pubs pour trouver des groupes. Comme ils sont tous les deux des becs fins, ils en bavent : les groupes intéressants ne courent pas les rues. Ils flashent sur un groupe nommé Chrome. Puis arrive Jesse Hector, leader des Hammersmith Gorillas, qui trimballe «an extreme mod Small Faces image with Elvis moves and Hendrix guitar.» Jesse enregistre «Moonshine» et «Shame Shame Shame» et Chrome qui est devenu le groupe de Mike Spencer enregistre «I’m A Man» et «Walking The Dog». Mais ces deux singles ne verront jamais le jour. Chiswick s’installe à Pathway, un petit studio d’Islington, où Arthur Brown a enregistré «Fire». Chrome est devenu The Count Bishops. C’est là qu’est enregistré l’EP Speedball, considéré à juste titre comme le point de départ d’une nouvelle époque. Tiré à 1 500 ex, l’EP est vite sold out, grâce à Larry DeBay qui le vend «from the trunk of his battered Peugeot.»

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             Ce sont d’ailleurs les Count Bishops qui ouvrent le bal de la petite box rouge, avec une version bien wild de «Route 66» et un «Teenage Letter» bien décidé à en découdre. Rien de révolutionnaire là-dedans, mais Chiswick est lancé, et les acteurs de cette saga fondamentale sont en place : Ted Carroll, Roger Armstrong et Larry DeBay. La deuxième galette Chiswick (S2) sera la réédition du «Brand New Cadillac» de Vince Taylor, qui, bizarrement, ne figure pas sur la box. Le troisième single Chiswick (S3) sera le «Keys To Your Heart» des 101ers. Strummer quitte le groupe aussitôt et monte les Heartdrops qui vont heureusement changer de nom pour devenir les Clash. Tu peux entendre le vieux Joe et ses riffs de Tele sur la box, mais diable, comme ça vieillit mal.

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             Les Hammersmith Gorillas ont déjà enregistré «You Really Got Me» sur Penny Farthing, le label de Larry Page, et ils enregistrent le S4 de Chiswick, «She’s My Gal». Jesse laboure bien son rock. C’est puissant mais ce n’est pas un hit. Le S5 sera le «Train Train» des Bishops qui se sont débarrassés ET du Count ET de Mike Spencer, qui est, selon McLaren, l’ancêtre de Johnny Rotten : incontrôlable. Alors qu’en 1976 le punk fait rage à Londres, Chiswick se tourne vers Rocky Sharpe & The Razors pour pondre leur S6, «Drip Drop». Laisse tomber. Puis c’est au tour de Little Bob Story et du «diminutive dynamo Roberto Piaza» d’entrer en lice pour le S7 et une cover d’«I’m Crying». Bon, ils sont bien gentils les singles Chiswick, mais ça ne vaut tout de même pas «New Rose» et «Anarchy In The UK».

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             Dans ses copieux liners (bizarrement datés de 1991), Roger Armstrong indique qu’en 1977, les Gorillas «were being seen as the future of rock’n’roll in the NME.» Il rajoute ça qui vaut le détour : «they were what rock’n’roll was really about: standing on your head while playing guitar with your feet.» Il se moque un peu de Jesse, qui, souviens-toi, fut à cette époque le roi de la surenchère. Mais en dépit de ses stage perfomances, ajoute Armstrong, «Jesse Hector was essentially in permanent retreat from success.» Le S8 est le «Gatecrasher» des Gorillas, avec «Gorilla Got Me» en B-side, un gros stomp, et c’est Butler qui vole le show avec son brillant bassmatic. Et voici qu’arrive chez Chiswick une autre superstar de l’underground, l’ex-chanteur des John’s Children, «a serious psycho-mod band» : Andy Ellison qui monte avec Martin Gordon et Ian McLeod les Radio Stars. Le S9 sera le «Dirty Pictures» des Radio Stars, glammy en diable. Armstrong rigole : «Radio Stars were on the way to their 15 minutes.» Il rappelle ensuite que les Radiators From Space furent le premier groupe punk irlandais. Les voilà sur Chiswick avec le S10 «Television Screen» dont il n’y a rien de spécial à dire. Rolling Stone dit à l’époque que ce S10 est le meilleur single punk, et Armstrong estime que c’est quand même un peu exagéré. Il ajoute que Phil Chevron est devenu un Pogue et que Steve Rapid dessine des pochettes pour U2. Le S11 sera le «We’re So Dumb» des Skrewdrivers, «four lads from Blackpool», qu’on a vu déclencher une bagarre à Mont-de-Marsan. Ils ne sont pas sur la box.

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             Le S12 est encore un Bishops. Mais le S13 sera «Motörhead» par Motörhead - the first ever Heavy Metal 12’’ single and quite possibly the best - On l’entend sur la box, Lem attaque au Lem, yeah yeah yeah Motörhead ! Twink ramène sa fraise avec les Rings et un S14, «I Wanna Be Free» produit par Paul Cook - Just walking in my brown shoes/ I’m knocking on your door/ Just knockin’ on your door - «a strange cross between the New York Dolls and Brit-yob-punk», nous dit l’Armstrong, qui ajoute que le groupe est photographié devant la vitrine de Rock On, «now a shop in London’s Candem Town.»

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             On reste dans les grands singles avec le S15, Johnny Moped et «No One», l’archétype du punk anglais, l’un des rares singles qui n’a jamais rien perdu de sa verdeur initiale. L’Armstrong ajoute que Johnny Moped, «the person, was one of the most charismatic performers ever to come out of Croydon.» Captain fera partie de la troisième mouture de Johnny Moped, qui se décrivaient comme a «big funky mundane band.» Just about right. Dave Hill est le S16 : laisse tomber. Retour des Radio Stars avec le S17, «No Russians To Russia». Andy y fait son Ziggy, mais ça n’en fait pas un hit pour autant. Le S18 est un Skrewdriver lui aussi écarté de la box pour des raisons qu’explique très bien l’Armstrong. Retour des Radiators From Space avec le S19, et en octobre 1977, le punk et Elvis sont morts.

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             Chiswick va commencer à battre de l’aile et le catalogue se détériore : on passe des Gorillas à Johnny & The Self Abusers. Petit flash sur Whirlwind et «Hang Loose», mais le «Darling Let’s Have Another Baby» de Johnny Moped déçoit. Avec «Million Dollar Hero», les Radiators dégagent la même énergie sautillante que les Vibrators : simple, précis et efficace. Retour de Johnny Moped avec une cover iconoclaste de «Little Queenie» chantée d’une jolie voix de fiotte.

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             Le dernier spasme de Chiswick se fera avec le «Love Song» des Damned et le «Radioactive Kid» des Meteors. Les Radios Stars sont toujours dans la course, mais n’ont pas d’hit. Rocky Sharpe & The Razors, c’est sans espoir. Le son des Nips et de Whirlwind vieillit très mal. Puis tout va basculer dans une new wave à la mormoille avec des trucs ineptes comme Two Two et Jakko. T’en reviens pas d’entendre des trucs aussi nuls. Ted et Roger ferment la boutique en 1983 pour se consacrer pleinement à Ace. 

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    Roger Armstrong

             En 1991, Roger Armstrong conclut amèrement : «The days of pop music being about a good tune with a decent arrangement, played with a bit of fire and enthusiasm and played on the radio was gone.»

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             Ted et Roger enterrent Chiswick pour lancer Ace qui est devenu une institution, mais pas n’importe quelle institution. Stubbs résume bien l’éclat d’Ace : «Dans un music business qui est devenu sur-dimensionné, médiocre et malsain, Ace est une véritable exception - small, immaculate, clean, rare quality. Good rocking, good people, good stories. This is theirs.»  

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             Ace est un label de réédition. Le choix du nom d’Ace ? En partie en hommage au British label Sue qui avait emprunté son nom à celui d’un label légendaire américain. Ace est aussi un hommage à l’Ace de Johnny Vincent. Et c’est là que Ted et Roger vont redoubler de génie excavateur. On leur recommande de contacter Pappy Daily, le boss de Glad Music, specialisé en hillbilly et en rockab. Après un coup de fil à Pappy, Ted prend l’avion pour Houston et revient avec un contrat - Daily avait un bureau bourré d’original master tapes de George Jones, Sonny Fisher, Lightnin’ Hopkins, Johnny & the Jammers (Johnny & Edgar Winter), Sleepy La Beef and many more - C’est là qu’Ace va devenir Ace. Puis ils entrent en contact avec Modern Record à Los Angeles et décrochent une licence qui leur donne accès «to a whole slew of seminal blues recordings by artists such as BB King, Elmore James, Howling Wolf, Ike Turner and Pee Wee Crayton.» Et crack, Stubbs embraye sur les Bihari Brothers, Jules, Joe, Lester & Saul. Modern est la maison mère d’RPM, Flair, Meteor et Kent. Stubbs affirme que Modern est l’une des «top-selling R&B companies in America.» C’est sur Modern que sont sortis les premiers cuts de Wolf et d’Ike. BB King disait de Modern : «The company was never bigger than the artist. I could always talk to them.» Stubbs ajoute que le dernier Bihari encore vivant, Joe, fait toujours du biz avec Ted et Roger. En 1990, Ace achète Modern et entame l’inventaire des master tapes, «a process that continues to this day». Du coup, Ace va se retrouver au sommet de l’hipdom. Au pied de la page, tu louches sur les pochettes des Ikettes et de Z.Z. Hill. Ce book est une vraie caverne d’Ali-Baba. Puis Ace démarre des sous-labels, Cascade et surtout Kent Records, gros clin d’œil au Kent de Modern. C’est là qu’Ady Croasdell entre en lice. En 1982, Ted lui demande de compiler la crème de la crème du Kent/Modern catalogue : ce sera For Dancers Only. Puis t’as 6T’S Rhythm’n’ Soul Society: In the beginning et l’avènement de la scène Northern Soul à Londres.

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             S’ensuit le lancement de Big Beat, avec les Meteors. Roger Armstrong les voit comme une «punky version of rockabilly with attitude.» Puis arrivent les Milkshakes et Guana Batz. Mais le fleuron du label, ce sont les Cramps. Lorsqu’Alec Palao entre en lice, Big Beat devient «a veritable index of sublemely scuzzy rock’n’roll excentricity». Palao fait comme Ted : il compile des CDs, il traque les propriétaires des master tapes, et retrouve les groupes pour les interviewer. Sur Big Beat, t’as les Chocolate Watchband (Hello Jean-Yves), The Music Machine, Strawberry Alarm Clock, les Fugs, les Zombies, dont l’Odessey & Oracle continue de briller au firmament du rock anglais. C’est aussi Palao qui a mis en boîte la collection Nuggets From The Golden State. Il a même réussi à jouer de la basse dans ce qui reste des Chocolates et a réussi à sortir les early demos des Charlatans. Mais son holy grail reste les Zombies. La box 4 CD des Zombies sur Big Beat, c’est lui - Rightly lauded as one of the best box sets ever.

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             Ace va aussi licencier Westbound Records à Detroit (et ramasser le label Spring au passage) pour avoir accès à un trésor de seventies Detroit funk : Ohio Players, Funkadelic, Detroit Emeralds, The Fatback Band, Joe Simon et Millie jackson. Ace a littéralement sauvé tous ces albums légendaires, menacés d’extinction par la diskö. Alors bien sûr, une fois que tout ça ressort sur Ace, il faut pouvoir suivre financièrement, mais chaque rapatriement te comble d’aise. Et tu replonges de plus belle dans le catalogue d’Ace. Jean-Yves disait qu’il allait le consulter en ligne chaque jour. En 1985, Ace rachète le catalogue Contemporary Records, qui appartient à Fantasy. Grâce à Creedence, Fantasy avait fait fortune (un peu aux dépens de John Fogerty) et racheté des labels légendaires de jazz, Prestige Records, Milestone Records, Riverside, Contemporary ainsi que Stax.

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             Grâce à Fantasy, Roger Armstrong peut aller farfouiller dans les archives de Stax. Il va transférer environ 130 heures «of early Atlantic period Stax material to DAT». Roger dit en avoir eu des frissons, notamment à l’écoute de la session tape de «Dock Of The Bay». Il a aussi découvert des albums INÉDITS de Booker T & The MGs, Carla Thomas, William Bell, Baby Johnson et Mable John. Rien que des bombes, surtout le Mable John.

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             Et Stubbs attaque un chapitre intitulé ‘Deep Soul’. C’est là qu’entre en lice Dave Godin et sa mythique série Deep Soul Treasures. Quatre volumes en tout. Godin est une véritable star, un excentrique originaire de Sheffield - an Esperanto speaker, an ardent socialist, animal rights activist - bref, un drôle de zig. Il est aussi disquaire et music journalist. C’est lui qui invente les deux formules «Deep Soul» et «Northern Soul». C’est lui qui fait les choix sur des compiles, il sait ce qui est «over the top». Ady Croasdell le qualifie de «pioneering spirit». Pour Godin, seule compte l’intensité de l’interprétation. Bettye LaVette lui fait le plus beau des compliments : «He has added years to my artisitc life.»

             Roger Armstrong rappelle qu’un CD Ace n’est pas simplement un CD - You get the music, you get the packaging, you get the photos, you get the notes, the stories - Avec les compiles Rhino, les complies Ace sont les objets les plus complets qui soient ici-bas. Tu n’achètes pas une compile, tu achètes un concept - with a linking narrative that tells both a literary and musical story - Stubbs en arrive au point essentiel : Ace est avant toute chose de la littérature. Balzac et Mable John même combat !

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             Pour enfoncer le clou littéraire, t’as un dernier chapitre intitulé ‘Selected A-Z of Artists’, et tiens, on en prend deux au hasard : les Cramps et les Damned. Roger Armstrong signe les deux - The most exalted potentates of rock’n’roll have been distilling the shimmy and the shake since 1976, mutating its second cousin, rockabilly, in a familial cross-breeding of surf and psyche to produce a musical monster that frightened the life into Frank N Stein. Add to this Film Noir and Horror, and late night TV, and you have the incredible phenomena that are the Cramps. Ivy Rorschach (big shimmering guitar) and Lux Interior (big loud vocals) populate Crampsville, a place where few have dared to tread - Et aussitôt après, il embraye sur les Damned : «They were politically incorrect and perfectly proud of the fact. They were concerned with chaos and carnage and were by far the best band in town - the ultimate no no  for the punk fashionistas.» 

    Signé : Cazengler, fat Ass

    The Chiswick Story. Ace Records 2023

    David Stubbs. Ace Records: Labels Unlimited. Black Dog Publishing 2007

     

     

    Inside the goldmine

     - Holman river

             Nul n’a jamais mieux porté son nom qu’Hellman. Il semblait cristalliser en lui tout ce qui peut exister de pire dans la nature humaine : la concupiscence, la malveillance, le goût des intrigues, la cruauté naturelle, un sens aigu de la violence morale, et la liste pourrait être encore beaucoup plus longue. Il arrive un stade dans l’insanité où l’échelle des valeurs s’inverse, et ce qui peut paraître sombre aux yeux des autres devient alors grandiose. Il incarnait une sorte de cancer moral, de dégénérescence de la raison. Il avait senti cette tendance en lui très jeune, et plutôt que de la combattre, il l’avait cultivée. Ses premières victimes furent ses parents, puis les copains d’école dont certains sont sans doute restés traumatisés à vie. Ou simplement sourds, car Hellman les attachait à un arbre et leur coinçait un gros pétard rouge à cinquante balles dans chaque oreille. Boum ! Et la liste pourrait être encore beaucoup plus longue. Lorsqu’Hellman s’est engagé dans la Légion pour aller combattre en Afrique, il se portait bien sûr volontaire pour les missions de «pacification». Ses instruments préférés étaient le lance-flamme et la machette. Il utilisait aussi une perceuse. Et la liste pourrait être encore beaucoup plus longue. Alors qu’il atteignait des sommets inégalés, même par les nazis, la Légion l’a viré. Rentré en métropole, Hellman grenouilla un temps dans les milieux de la publicité. Il s’y sentait à son aise, requin parmi les requins, et il se mit à dévorer tout ce qui grenouillait dans ses parages, la concurrence, puis ses propres associés, avant de liquider ses principaux clients. On retrouva un Dircom crucifié dans les bois de Fontainebleau, la PDG d’une multinationale «suicidée» dans sa baignoire avec des poignets tranchés, et la liste pourrait être encore beaucoup plus longue. Hellman resta persuadé jusqu’à la fin de ses jours qu’il irait au paradis, puisqu’il avait passé toute sa vie en enfer.  

     

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             À l’exact opposé d’Hellman, on trouve Holman. Pendant qu’Hellman cultive sa fascination pour l’enfer, Holman en cultive une autre pour le paradis.

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            C’est dans Les Coins Coupés de Philippe Garnier que tu croises la piste d’Eddie Holman. Ce black de Virginie est assez inconnu au bataillon et il vaut vraiment le détour. Son premier album s’appelle I Love You aux États-Unis et Lonely Girl en Angleterre. Bon, le pressage anglais est très bien, la pochette est même plus jolie, Eddie Holman y subit une sorte de traitement préraphaélite qui lui adoucit les mœurs. Diable, comme ce black est beau ! Et diable, comme il chante bien. T’es vraiment ravi d’avoir cette galette dans les pattes, ne serait-ce que pour «Since I Don’t Have You», car tu le vois monter au sommet de son Ararat qui s’dilate, et t’entends un fabuleux falsetto de la Soul, Eddie se livre à un extravagant délire de pointe de glotte. Il t’enchante encore avec «I’ll Be Forever Loving You», il sait se glisser sous le boisseau, il chante encore à la pointe de la glotte et c’est si savamment orchestré ! Eddie propose aussi des grosses compos, comme «I Love You» et «Don’t Stop Now», en B, cette Soul de chat perché assez pure. Il fait partie des anges de miséricorde, au même titre qu’Aaron Neville et Eddie Kendricks. Quel fantastique Soul Brother !

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             Encore plus fantastique : A Night To Remember, un Salsoul de 1977. Eddie est le roi du satin jaune, une évidence qui crève les yeux dès «You Make My Life Complete». Sa voix coule de jus. Il est extrêmement pointu en matière de satin jaune. Il darde effrontément. C’est un Sam Cooke en plus pointu. Il repart en fantastique allure avec «Time Will Tell», il chante par-dessus les toits, il y va à la glotte ailée, il faut le voir clouer sa note au ciel ! T’en reviens pas d’entendre un ange black aussi survolté. Dans «Immune To Love», sa Soul fond comme neige au soleil. Eddie est un rêve de Soul Brother devenu réalité. Même en mode diskö, il peut faire merveille («This Will Be A Night To Remember»). Il passe à la dance des jours heureux avec «Somehow You Make Me Feel». Eddie ne chante que pour le bonheur universel. C’est un magicien d’Oz, un ange de la Soul Music, son Somehow est d’une pureté absolue, il fond sa Diskö Soul dans un océan de bonheur. Il sait faire sonner toutes les harmoniques de sa voix, il décroche pour monter et se fond dans sa propre purée mirifique, c’est assez stupéfiant.

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             Pas question de faire l’impasse sur United. Car il s’agit d’un album de Soul spirituelle. Le morceau titre est une chanson de foi, même chose pour «Eternal Love» et tout le reste de l’album.  Eddie chante son pâté de foi, mais sans le gospel, il fait une Soul de falsetto, la plus pure qui soit, comme celle d’Aaron - Thank you Jesus/ Thank you Lawd - Il navigue très haut dans la pureté azuréenne. Il fait un couplet entier à la pointe du chat perché. Tout est très puissant sur cet album, aw Lawd ! Et ça continue avec «Give It All To The Lord» et «I Asked Jesus». En B, il vire r’n’b avec «Thank You For Saving Me» et même heavy r’n’b avec le dancing «Holy Ghost». C’est du diskö funk en plus gras. Ça se savoure.

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             Encore une compile géniale : Hey There Lonely Girl. Pas facile à déterrer, mais ça vaut le coup. Huit coups de génie sur quatorze cuts ! Qui dit mieux ? Avec un ange comme Eddie, ça n’est pas surprenant. Il monte sur son Ararat dès le morceau titre d’ouverture de bal. Comme ça au moins, t’es fixé. Et pouf, il embraye aussi sec sur «Am I A Loser». Eddie est un fabuleux archange du chant pointu. Il cultive la pureté absolue. Encore une fois, on est obligé de le situer au niveau d’Aaron Neville, d’Eddie Kendricks, de Johnny Adams et de Ted Taylor. Il navigue exactement dans la même catégorie. Il se situe dans l’azur de la Soul, la Soul azuréenne, pour être plus précis. «Since I Don’t Have You» sonne comme un exploit, un véritable élan vers le paradis. Avec «It’s All In The Game», Eddie te prévient : «Many A Tear Has To Fall.» Et on retrouve l’excellent «Don’t Stop Now» qu’il monte au ah-ahhhh dès la première mesure, il chauffe sa pointe à blanc et atteint un sommet de pureté inégalable. Ce pauvre Eddie n’en peut plus de génie vocal. Il fait s’envoler l’I cried/ I cried/ I cried de son «I Cried», c’est du délire. Puis il s’en va tortiller sa Cathy dans «Cathy Called». Il règne sans partage sur l’empire du smooth paradisiaque. Avec «I’ll Be Forever Loving You», il se jette à la tête de l’Is it yes et atteint des sommets de fraîcheur dans la grandeur, il te fait tourner la tête, et à cette altitude, les mots se font rares. Il attaque encore son «Surrender» à la  pointe extrême de son registre, et l’«I Need Sombody» qui suit n’est pas celui de Question Mark, mais un Need Somebody du paradis, il reste là-haut tout du long, c’est une merveille définitive.

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             Eddie’s My Name grouille aussi de puces. Tu n’en finis plus de tomber de ta chaise et ça commence avec «This Can’t Be True», ce malade d’Eddie grimpe au sommet dès l’intro, il yodelle au paradis, en fait il crée le paradis de la Soul chez Cameo Parkway. Il attaque encore «You Can Tell» au sommet de son art, il rivalise de génie supérieur avec Aaron Neville. Il groove tout à la pointe du smooth. Il est aussi radieux que Ted Taylor. Il te groove plus loin «Don’t Stop Now» à la folie, il tape tout au falsetto de génie. C’est l’une des plus belles Soul(s) de tous les temps, chantée à la pointe de la falsette. Encore un challenge d’effarance concomitante avec «Never Let Me Go». Il te grimpe ça au paradis vite fait. L’altitude, c’est son truc. Il monte sur tous les coups. Il chauffe un couplet entier d’«You Know That I Will» à la pointe de la glotte. C’est un prodigieux hystérique. Il monte encore sa glotte en neige sur «I’m Not Gonna Give Up». Il n’en finit plus d’épater la galerie et le voilà qui bascule dans l’heavyness des Tempts avec «I’ll Cry 1000 Tears». Fulminant ! Quelle gigantesque giclée de Black Power ! Et dans tout ce délire, il ramène encore de la couleur. Eddie Holman devrait être aussi célèbre que Sam Cooke, Johnny Adams et Ted Taylor. Il dispose exactement de la même appétence pour le génie. 

    Signé : Cazengler, Holmain au panier

    Eddie Holman. I Love You. ABC Records 1969

    Eddie Holman. A Night To Remember. Salsoul Records 1977

    Eddie Holman. United. Charly Records 2024

    Eddie Holman. Hey There Lonely Girl.  

    Eddie Holman. Eddie’s My Name. Goldmine Soul Supply 1993

     

     

    Wizards & True Stars

     - Le rock à Billy

     (Part Five)

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             Thee Headcoats, ça veut dire les casquettes à carreaux Sherlock : en dessous des casquettes, t’as Wild Billy Childish, Bruce Brand et toute une ribambelle de bassmen dont le premier sera le Prisoner Allan Crockford. C’est lui qu’on entend sur The Earls Of Suavedom, le premier Headcoats sorti sur Crypt en 1989.

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             C’est là, à cet endroit précis, que tu entres dans la petite mythologie du garage britannique. Le vrai de vrai. Le real deal. Big Billy attaque au «No Escape» des Seeds. Il pose ses conditions. Il tranche dans le tas. Avec «I’m A Headcoate Baby», il pose la première pierre d’un empire de killer solos flash. Big Billy est le garagiste le plus intègre du rock world. Crockford bombarde «Alone» au bassmatic, comme il sait si bien le faire dans les Prisoners, et Big Billy dégringole littéralement son «Everyday» à coups de syllabes d’e-ve-ry-day. En B, t’as de chœurs de filles qui font «Man/ You are so suave», sur «My 7th Girl Eve» et Big Billy jette tout son heavy poids dans la balance de «The Killing Hold». Yah ! Le ton est donné : c’est parti pour une belle vingtaine d’albums. Big Billy ne fait pas dans la demi-portion.

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             Crojack remplace Allan Crockford sur Headcoats Down. Cette fois, l’album sort sur Hangman, le label de Big Billy, avec un montage marrant de photomatons sur la pochette. On retrouve le son des Seeds dans «Please Little Baby», oui, c’est pompé sur «Pushing Too Hard», les montées en température sont celles de Sky Saxon. En B, «Wily Coyote» est monté sur l’«Oh Yeah» des Shadows Of Knight. Comme ça au moins, les choses sont claires. Big Billy attaque le «Smile Now» d’ouverture de balda à la fuzz et à la Themmania, et c’est monté cette fois sur «Farmer John». C’est donc l’album garage sixties des Headcoats. Les yeah you feel alright de «You’re Looking Fine» sont de la pure early Stonesy, celle de Brian Jones. Coup de génie avec «I’ll Make You Mine» monté en mode protozozo, bien drivé par un fat bassmatic - I think that you girl/ Ha ha/ I’ll make you mine - Encore du protozozo avec «Young Blood» au bout de la B - I wanna be/ .... a young blood - Toutes les conditions sont rassemblées. C’est du proto-punk extra-sensoriel arrivé après le punk, mais proto dans l’âme.    

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             Il sort trois albums en 1990 : un Crypt, Beach Bums Must Die, un Hangman, The Kids Are All Square et un Sub Pop, Heavens To Mugatroyd Even It’s Thee Headcoats. Le bassman du Crypt s’appelle Olly Dalat. What an album ! Ils re-claquent le «Young Blood» de l’album précédent et re-sonnent comme les Seeds sur «You Broke My Very Mind». C’est encore un album de mighty coups de chapeau : aux Yardbirds avec «Headcoats On Backwards», aux Sonics avec «All My Feelings Denied» (monté sur «The Witch»), aux Beach Boys avec le morceau titre, à Bo avec «I Ain’t Never Found» (monté sur «I’m A Man», aw aw yeah yeah), et à Screamin’ Jay Hawkins avec «No Such Animal» (et tous les bruits de bouche). Il fait aussi de l’indien avec «Pow Wow» et les tambours de guerre de Bruce - C’mon pow wow with me - et il atteint les sommets du genre gaga avec «Murder On The Moors», transpercé par un solo de sax, puis en fin de B, avec «Give Me The Apple Eve» tapé au big fuzz out, et ça balaye tout. Il plonge dans sa friteuse de killer fuzz. C’est du grand art sauvage.

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             Sur The Kids Are All Square, ce sont les Headcoatees qui volent le show. Dès «Wild Man», t’as l’essaim. Elles ont le power ! Nouveau coup de Jarnac avec «Round Every Corner» - Round every corner/ I’ve been looking for you - Girl power ! Holly, Ludella, Kyra et Bongo Debbie cassent littéralement la baraque. Et ça repart de plus belle avec «Give It To Me». «MELVIN», c’est «Gloria», «Meet Jacqueline» et «Boysville», c’est du Bo ! En comparaison, les Headcoats sont complètement éteints, même si Big Billy te prévient, Well I’m a gamekeeper, child ! On sauve le «Monkey’s Paw», car c’est un shoot de wild gaga de la pire espèce. Mais le reste du set est trop classique, même si «I Can Destroy All Your Love» est bien remonté des bretelles.

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             Joli blaster que cet Heavens To Mugatroyd Even It’s Thee Headcoats paru sur Sub Pop en  1990. On y retrouve l’excédé «Girl From ‘62», le plus puissant des gagas Brit, nourri au protozozo avec des jus demented. C’est le sommet du summum d’I walk the line wouahhhhh ! Big Billy forever ! On y retrouve aussi son vieux «I Don’t Like The Man I Am» qu’il tape au British Beat des origines. Et bien sûr le «Troubled Times» d’I need you girl to ease... My troubled mind. Big Billy n’en finit plus de monter à l’assaut des crêtes. Ses killer solos témoignent de sa bravoure. Il sait tailler une route et claquer du killer à la ramasse. Il n’a plus rien à prouver. Il craque une allumette pour «Girl Of Matches», uhhhh et puis ahhhhh, ça cisaille dans les tibias, killah kill d’ahhhh, il soupire d’aise et toi aussi - Burn ! I’m gonna burn you ! - Il te claque le pire gaga de l’univers avec «We’re Gone». Il vise l’absolu de l’Ararat et te sert un final d’apocalypse de wah. Tu ne peux pas faire mieux. Tu crois que c’est fini et tu prends «Rusty Hook» dans la barbe. Comme son nom l’indique, t’es hooké. Big Billy est le roi du gaga stomp. C’est du stash parfait. Big Billy est sans doute le seul à savoir le faire aussi bien, chant + killah kill kill, il applique toujours la même formule, c’est un privilège que de l’accompagner au long de ses dizaines d’albums géniaux. Wild Billy Childish est la dernière grande aventure du rock anglais.    

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             En 1991, il file un CDI au bassman Johnny Johnson. Alors voilà encore un album génial : Headcoatitude. Deux clins d’œil aux Kinks : «It’s Gonna Hurt You (More Than It Hurts Me)» et le morceau titre, montés tous les deux sur les power chords de Dave Davies, avec la même plongée en killer solo flash à la clé. Big Billy fait même le wouahhhh qui amène le pire killer kill kill d’Angleterre, le modère restant le solo de «You Really Got Me». Si tu veux écouter un guitariste anglais, c’est lui, Big Billy, héritier direct de Dave Davies. Il refait du protozozo à la Them avec «I Don’t Like You», il est sur les traces des Downliners, c’est assez hard, il tape le big stomp préhistorique - Yes I know/ Yes I know - et zyva au killah kill kill. Il fait les Them d’«I Can Only Give You Everything». Son «My Dear Watson» d’ouverture de balda est ce qu’on appelle par ici du Pure Brit, monté sur un early British Beat sautillant. Pas loin de l’early Stonesy. Et revoilà l’un des hits de Big Billy : «Troubled Times». Il attaque ça au protozozo - To ease/....my troubled mind - Il reprend à son compte tout le wouahhhhh de la Méricourt des Pretties et des Downliners. Puis il te gratte «By Hook Or By Crook» à la primitive féroce. Chaque album de Big Billy est gorgé d’idées et d’hommages.      

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                 La même année, il sort un album en forme d’hommage à Bo : WOAH Bo In The Garage. Il repasse tous les vieux hits au peigne fin, «Who Do You Love» (fabuleuse débauche de moyens), «Diddy Wah Diddy» (les Medway kids foncent dans le tas de Bo au Diddy Wah), «Dearest Darling» (mambo du diable, Big Billy fout bien le feu, wouahhhhh !) et «Road Runner» (bip bip ! Fantastique attaque, la cover la plus wild). C’est le paradis de la guitare rythmique. Même dans l’heavy mambo d’«I Can Tell», Big Billy passe un killer solo d’antho à Toto.

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             Deux albums en 1993 : The Good Times Are Killing Me et The Wurst Is Yet To Come. Good Times est encore un album solide. Les chemises à carreaux ont remplacé les casquettes Sherlock. Big Billy ramène toute sa hargne et Bruce bat de plus en plus sec. Toujours la même formule : relentless + killer solo. Ils savent même blaster. La preuve ? «It Was Too Late», avec un solo d’étranglement convulsif. Ils rendent un bel hommage à Linky Link avec un «Double Face» monté sur «Rumble». Avec «I’ll Be Out Of Here», Big Billy enfonce son clou dans la paume du beat et son solo bascule dans la folie. Retour au protozozo avec le morceau titre : effarant de niaque viscérale, t’as là le gaga des roots d’are killing me. Il passe le plus sauvage killer solo de tous les temps, celui qui s’étrangle tout seul. Retour à la violence et à Dave Davies en B avec «House On The Water». Et pour «At The Bridge», il reprend la mélodie chant d’«Anarchy In The UK» et son accent cockney fait illusion - Got to build my bridge - Et il boucle son infernal bouclard avec une palpitante cover du «Strychnine» des Sonics, comme s’il se lançait sur les traces de Lux.

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             C’est un Bruce éméché qu’on voit sur la pochette de The Wurst Is Yet To Come, un live enregistré en Allemagne. Ils tapent dans tous leurs classiques, «Troubled Times», «Oh Yea» (sic), hommage à Bo via les Shadows Of Knight, hommage encore à Linky Link avec «Jack The Ripper» et «Comanche»,  à «Louie Louie» avec «Smile Now», et ils repartent en mode protozozo avec «Prity Baby» (sic). Dans «Cowboys Are SQ», Big Billy passe le wild solo de la concasse définitive. Quelle leçon de sauvagerie ! Et voilà l’hommage suprême à Bo via les Pretties : «Keep Your Big Mouth Shut».

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             Allez hop ! Deux albums en 1994 : Conundrum et Live At The Wild Western Room London. Le Conundrum tient bien son rang, c’est l’album punk des Headcoats avec pour commencer un «Every Bit Of Me» qui sonne comme un cut des Damned, car monté sur «New Rose». En B, t’as «I’m An Idiot» que Big Billy attaque à la Pistolmania, c’est l’harangue d’«Anarchy In The UK» - I’m an idiot sixties revivalist ! - Suivi d’un «Hoping» qui est du pur Punk’s Not Dead que Bruce bat à la cloche de bois. Clin d’œil à Bo avec «Crazy Horse», bien arrosé  de coups d’harp. Big Billy reste fidèle à ses racines. Le coup de génie de l’album s’appelle «Girl From 62», un blaster phénoménal qui remonte bien les bretelles du rock anglais. Même genre de blast que «Crawdaddy Simone». Et encore du Medway punk embarqué à la pure hargne avec «Watch Me Fall». Big Billy est plus en plus énervé. Pourquoi n’est-il pas encore enfermé ?  

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             Live At The Wild Western Room London n’est pas un album mais un alboom. Big Billy est complètement hystérique sur le «No Escape» des Seeds. Il enfonce le clou des Seeds dans la paume de l’Escape. On n’avait encore jamais vu ça ! L’«Every Bit» qui suit est le pire blast de l’univers connu des hommes. Il tape plus loin dans les Clash avec une «What’s My Name» tiré de leur premier album. C’est déjà un blast, mais Big Billy en fait un super-blast. Il bouffe les Clash tout crus. Ça dégénère encore avec «Lie Detector». Ce live est l’un des pires. Puis il claque les accords de «The Good Times Are Killing Me» sans aucune pitié pour les canards boiteux. C’est de l’abattage. Il n’existe rien de plus foncièrement wild-gaga que le Good Times de Big Billy. Puis c’est au tour des Headcoatees de monter sur scène, Holly, Ludella, Kyra et Bongo Debbie, accompagnées bien sûr par Big Billy, Bruce et Tub Johnson. «Wild Man» ? Quelle folie ! C’est l’hallali ! Elles tapent dans Bo avec «Meet Jacqueline» et Big Billy claque l’une des intros du XXe siècles sur «Don’t Try & Tell Me». Il n’en démord pas. Il claque même un killer solo de clairette et repart en impénitence. C’est un vrai délire. Après, t’as le «MELVIN» monté sur les accords de «Gloria» et «Davy Crockett» sur ceux de «Farmer John». Tout y est. Cet album suffit à ton bonheur. 

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             On reste dans la même formule avec Thee Headcoats Featuring Thee Headcoatees et The Sound Of The Baskervilles. Big Billy met ses pouliches en avant et ça donne un album assez sauvage. Il commence par claquer l’une des intros du siècle passé pour lancer «Just Like A Dog». Rien de plus violent que cette charge, et bien sûr t’as le wouahhhh suivi du killer solo flash. Les Headcoats sonnent comme les Sonics avec «All My Feelings Denied» et «Sex & Flies» sonne comme du pur jus de Sex & Drugs & Rock’n’Roll. Encore un blast épouvantable avec «Lie Detector». Big Billy est le roi d’Angleterre, mais personne n’est au courant. C’est très bizarre, cette histoire. Sur ce coup-là, Big Billy est pire que Johnny Rotten et Frank Black à leurs apogées respectives. Ce sont les Headcoatees qui se tapent la B, c’est-à-dire Kyra, Ludella, Holly et Bongo Debbie. Elles commencent par s’exploser la rate à coups de «Strychnine» et de some folks like water, puis elles basculent dans le génie gaga avec «I Was Led To Believe», backed par le meilleur backing band du monde, Big Billy, Bruce et Johnny Johnson. Belle cover de «Big Boss Man» et Big Billy tape encore l’une des intros du siècle passé sur «It’s Bad». Les filles shakent bien leurs hips.    

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             Trois albums en 1996 : In Tweed We Trust, Knights Of The Baskervilles et une collaboration avec les Downliners Sect, Deerstalking Men. Avec sa pochette très stylée, In Tweed We Trust fait partie des meilleurs albums des Headcoats. Il jouent cette fois à la disto maximale dès «Everybody’s Wiser Now», ça larsène bien dans les brancards, attention, t’es chez les rois du Medway blast. Et Big Billy claque encore un modèle de killer flash de la désaille. Encore une intro killah pour «Too Afraid». Big Billy n’en démord pas. Avec «Want Me Win Me», il te propose un marché : c’est à prendre ou à laisser - Are you with me/ Are you against me - Mode «Oh Yeah» pour «This Day To Bust», en plein dans les Shadows of Knight, il rassemble toutes ses influences dans son lard fumant. En B, il pique une belle crise de Punk’s Not Dead avec «I’m Hurting». Imbattable. Killer solo convulsif. Il refait les Sonics. Puis il fait son Johnny Rotten avec «The Man With Eyes Like Little Fishes» et «Sex & Flies». C’est l’harangue d’«Anarchy». Il gratte en prime des poux d’une rare violence.

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             Knights Of The Baskervilles est encore un bel album classique des Headcoats avec une B qui grouille de puces : «What You See Is What You Are», «What’s Wrong With Me» et «This Wond’rous Day». Il attaque son What You See au screamo-proto digne des Sonics et ça vire blaster. C’est Johnny Johnson qui amène «What’s Wrong With Me» au fat drive de basse et Big Billy bascule dans un pur jus d’exacerbation. Bruce bat «This Wond’rous Day» bien sec, alors pour Big Billy c’est du gâtö et il bascule dans la folie du just because. Le balda sonne aussi comme l’enfer sur la terre, dès «She’s In Disguise» et ils rendent hommage à Bo avec le morceau titre - Ha ha ha Weez the English gentlemen of rock’n’roll - Big Billy monte son weez the Knights of the Baskervilles sur l’«Oh Yeah» de Bo. Puis il récupère les accords de Dave Davies pour un cinglant «By The Hairs On My Chinny Chin Chin», il travaille ça à la Headcoat motion et, crois-le bien, c’est explosif.

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             Big Billy innove encore en montant un projet collaboration avec Don Craine et Keith Grant : Thee Headcoats Sect, c’est-à-dire les Headcoats et les Downliners Sect. On les voit tous les cinq sur la pochette de Deerstalking Men, Bruce, Don Crane, keith Grant, Bib Billy et Johnny.  Ils tapent deux covers des Sonics, «Strychnine» et «The Witch».

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             The Jimmy Reed Experience est un hommage à Jimmy Reed en format réduit, c’est-à-dire en 25 cm. Il tape chaque fois en plein dans le mille, il renoue avec le vieux boogie blues à la ramasse de Jimmy Reed, mais il vaut peut-être mieux écouter les originaux. Big Billy n’apporte rien sur ce coup-là. Allez, soyons généreux et sauvons l’«Ain’t That Loving You Baby» qui est assez raunchy. 

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             The Messerschmitt Pilot’s Severed Hand restera dans les annales pour quatre raisons : un, «We Hate The Fucking NME» que Big Billy attaque une fois de plus sur les accords de Dave Davies. Pure Hate ! Deux, «I Suppose I’m A Poseur» qu’il attaque sur les accords de «My Generation» - I don’t want to kiss your mouth - C’est d’une rare violence verbale. Trois, «Where Are The Children That Hitler Kissed?», monté sur la fuzz des Them et bien killed au kill kill, on peut lui faire confiance pour ça, il ne rate jamais une occasion de foutre le feu. Et puis quatre, «I Wanna Stop This World» qu’il attaque au I-I-I wanna qui vaut bien celui du Stepping Stone des Pistols. Il fait bien son Rotten d’I-I-I. Et pour finir, t’as ce classic Punk’s Not Dead des Headcoats, l’imparable «Punk Rock Ist Nitch Tot», grand hit punk devant l’éternel.  

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             Brother Is Dead But Fly Is Gone est aussi l’un des meilleurs album des Headcoats. Pourquoi ? Parce que c’est un album de covers géniales. Il attaque avec «Louie Louie» qu’il gorge de violence et de yeah yeah yeah. Big Billy est complètement hystérique sur ce coup-là. Il enchaîne aussi sec avec une cover définitive du «Boredom» des Buzzcocks. Il tape en plein dans le mille du early punk spirit. Il attaque sa cover de «Diddy Wah Diddy» en mode MC5. Toutes les covers sont comme montées en neige. Il fait les Small Faces en mode punk («Watcha Gonna Do About It»), il fait du Richard Hell à bâtons rompus («Love Comes In Spurts») et tape le «Don’t Gimme No Lip Child » de Dave Berry en mode heavy protozozo. C’est encore pire en B : il tape dans le «1977» des Clash, puis dans le «You Gotta Lose» de Richard Hell, il essaye de recréer la folie de Quine, mais ce n’est pas facile, et il termine avec l’«Agitated» des Electric Eels, qui lui va comme un gant, vu qu’il est aussi fondu que John D Morton. Big Billy pousse des screams terribles et s’écroule dans le killah flush de flash.            

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          Le deuxième album de Thee Headcoats Sect s’appelle Ready Sect Go. Pareil, ils sont tous les cinq sur la pochette sapés comme des gentlemen. Bruce vole le show sur «Down In The Bottom». Big Billy le vole sur «Ain’t That Just Like Me», un wild shoot de Beatlemania passé en mode sauvage. Comme ce sont les Downliners qui chantent, on sent qu’ils n’ont pas la même niaque vocale que Big Billy. Mais Keith Grant fait bien son protozozo sur «I’m A Lover Not A Fighter». En B, ils réinventent le British Beat des origines avec «Mean Red Spider» de Muddy et font de l’early Stonesy avec «I Got Love If You Want It» et l’harp fantôme de Johnny Johnson. Et puis t’as ce superbe hommage à Bo avec le morceau titre.  

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             Belle pochette que celle d’I Am The Object Of Your Desire. Dans son pantalon moulant à carreaux, Big Billy s’y fait sacrément désirer. Et pouf, il fait son Johnny Rotten avec «An Image Of You», c’est puissant, d’autant que c’est gratté à la basse fuzz. Il passe un atroce killer solo dans le morceau titre qui est plein comme un œuf, et sonne plus loin comme les Yardbirds dans «In A Dead Man Suit». Tout est tellement carré chez Big Billy ! Il puise dans les vieux accords du «Dropout Boogie» de Captain Beefheart pour claquer son «Come Into My Mind». Il bascule ensuite dans le pire des primitivismes pour gratter «I’m A Desperate Man». Puis il éclate au Sénégal avec «Strange Looking Woman». T’as le beurre et l’argent du beurre qui éclatent avec les poux, c’est somptueux, et même écœurant de qualité. S’ensuit un autre fabuleux amalgame : «Your Lying Means Nothing To Me», un shoot de Childish Bo à la Sect. Puis il plonge en pleine Bomania avec «The Same Tree». Ça explose comme aux plus beaux jours de l’empire Bo-romain, c’est-à-dire The Black Gladiator, Big Billy te gratte ça à la sévère de Chicago et c’est arrosé de coups d’harp. Merveilleuse apothéose !

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             Le Live At The Dirty Water Club est un pur blaster. «Girl From 1962» te saute à la gorge, t’as même pas le temps de dire ouf. En fin de balda, le carnage reprend avec «Shouldn’t Happen To A Dog». Big Billy n’est pas près de se calmer. Il fait un coup de Bo vite fait avec «I Can Tell» et le carnage reprend en B avec «You Make Me Die». Il gratte de Dave Davies racket et ça blaste all over. Il n’y a que lui pour blaster comme ça en Angleterre. Et ça continue dans la même veine avec le vieux «Lie Detector», et les deux autres font «ah ah !». 

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             Irregularis (The Great Hiatus) est l’album de la reformation, vingt ans après le Live At The Dirty Water Club. Et quel album ! Ils attaquent au power max avec «The Baker Street Irregulars». C’est le British Beat des temps modernes et John Riley passe toujours ses beaux coups d’harp. On reste dans le génie Headcoaty avec «Full Time Plagiarist» (clin d’œil à cet abruti de Jack White) et tout le poids du gaga sauvage d’Angleterre. Big Billy n’a rien perdu de sa belle verdeur. Clin d’œil encore à Bob Dylan avec «The Ballad Of Malcolm Laphroaig». Big Billy y ramène toute la harangue de William Loveday Intention. Il gratte de riff de «Baby Please Don’t Go» sur «Mister H. Headcoat» et ça bascule dans l’anticipation. Suite des aventures extraordinaires en B avec «Tub’s Help Out». Big Billy se montre une fois de plus l’héritier de Bo. Encore du pur Bo avec «Oh Leader We Do Dig Thee», et avec «One Ugly Child», nos trois cocos se payent des descentes au barbu vertigineuses. On regagne la sortie avec «The Kids Are All Square» monté sur les accords de Louie Louie - Looking everywhre/ The kids are all square !

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             Grosse cerise sur le gâtö : la compile Elementary Headcoats - The Singles 1990-1999. L’une des compiles phares du XXe siècle. Tout y est : le génie sonique de Wild Billy Childish («Troubled Times» - we live in troubled times), «(I Don’t Like) The Man That I Am» (Christ almighty ! Fucking hell !), «Shouldn’t Happen Today» (wild as fuck, gratté à la vie à la mort), «Girl From 62» (walk the line, oh yeah et il plonge dans le killering), «Every Bit Of Me» (porté à incandescence, rien de plus bravache que cette ganache de gaga sauvage). Et puis t’as Bo à tous les étages en montant chez Billy : «Be A Sect Maniac», «She’s Got A Strange Attractor» (monté sur un Diddley Beat de génie). T’as du Pure Brit avec «(We Hate The Fucking) NME» (Be a prick in the NME), et Billy sort sa fuzz, comme d’autres sortent l’artillerie, avec «Thoughts Of A Hangman» (Pas de pire fuzz que celle-là. Big Billy fait toujours tout mieux que les autres). «Louie Riel» n’est autre que «Louie Louie» et «Don’t Try And Tell Me» est monté sur une carcasse des Seeds. Et ça repart de plus belle sur le disk 2 avec de nouveaux coups de génie immémoriaux : «I’m So Confused» (power suprême), «When You Stop Loving Me» (rien de plus radical en Angleterre), «Thief» (punk de British Beat arrosé de coups d’harp), «I’m Hurting» (wild as fuck et t’as le k k kill en prime), et ces trois covers de génie, «No One» (cover inespérée d’un artefact du punk anglais, Johnny Moped), «Louie Louie» (claquée au wouahhhh, encore pire que celle d’Iggy) et «No Escape» (il est en transe, cover explosive). Deux shoots de Punk’s Not Dead avec «Shadow» et «The Messerschmitt Pilot’s Severed Hand». Et il refait son Johnny Rotten dans «Organic Footprints» : c’est monté sur Anarchy. Mais avec Big Billy, ça surchauffe !

    Signé : Cazengler, Billy Chaudepisse

    Thee Headcoats. The Earls Of Suavedom. Crypt Records 1989

    Thee Headcoats. Headcoats Down. Hangman Records 1989      

    Thee Headcoats. Beach Bums Must Die. Crypt Records 1990

    Thee Headcoats. The Kids Are All Square. Hangman Records 1990 

    Thee Headcoats. Heavens To Mugatroyd Even It’s Thee Headcoats. Sub Pop 1990   

    Thee Headcoats. Headcoatitude. Shakin’ Street Records 1991          

    Thee Headcoats. WOAH Bo In The Garage. Hangman Records 1991

    Thee Headcoats. The Good Times Are Killing Me. Vinyl Japan 1993 

    Thee Headcoats. The Wurst Is Yet To Come. Tom Produkt 1993

    Thee Headcoats. Live At The Wild Western Room London. Damaged Goods 1994  

    Thee Headcoats. Conundrum. Hangman’s Daughter 1994

    Thee Headcoats Featuring Thee Headcoatees. The Sound Of The Baskervilles. Overground Records 1995       

    Thee Headcoats. In Tweed We Trust. Damaged Goods 1996

    Thee Headcoats. Knights Of The Baskervilles. Birdman Records 1996

    Thee Headcoats Sect. Deerstalking Men. Hangman’s Daughter 1996

    Thee Headcoats. The Jimmy Reed Experience. Get Hip Recordings 1997

    Thee Headcoats. The Messerschmitt Pilot’s Severed Hand. Damaged Goods 1998 

    Thee Headcoats. Brother Is Dead But Fly is Gone. Vinyl Japan 1998                          

    Thee Headcoats Sect. Ready Sect Go. Vinyl Japan 1999 

    Wild Billy Childish & His Famous Headcoats. I Am The Object Of Your Desire. FOTBMFA 2000

    Thee Headcoats. Live At The Dirty Water Club. Hangman Records 2001

    Thee Headcoats. Irregularis (The Great Hiatus). Hangman Records 2023

    Thee Headcoats. Elementary Headcoats. The Singles 1990-1999. Damaged Goods 2000

     

     

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    ROCKABILLY GENERATION NEWS

    N° 34 / JUILLET/ AOÛT / SEPTEMBRE 2025

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            Jean-Louis Rancurel frappe d’entrée. L’étend son empire sur vingt-cinq pour cent du territoire, un quart de la revue rien que pour lui. L’a un appétit de requin, pardon de ricains, car il n’est pas tout seul, on ne les appelait encore des pionniers en ces temps-là, ils étaient simplement des légendes vivantes, de leur époque. De véritables découvertes, dans votre tête ça se mélangeait un peu, les ricains bien sûr, avec dans le sillage de la comète les Englishes qui en profitaient un peu pour venir grenouiller un peu dans le bénitier du rock français. La hiérarchie n’était pas claire, ce sont les premiers groupes de chez nous qui ont révélé à un public d’adolescents à peine sortis de l’enfance qu’il existait une musique bizarroïde qui s’appelait le rock’n’roll… Ceux qui avaient de la chance pouvaient acheter Disco Revue, encore fallait-il la trouver au fin-fond des provinces éloignées. Oui mais là ça se passe à Paris. Jean-Louis Rancurel faisait ses débuts de photographe rock. Sans diplôme, mais avec le cœur et l’instinct. Au bon endroit, à la bonne heure. L’a pu capter une bonne moitié des pionniers du rock, jugez du peu : Gene Vincent, Chuck Berry, Little Richard, Jerry Lou et Bill Haley. Faut l’entendre relater sa perception, qui est un peu celle de toute une frange générationnelle, ses entrevues, les conditions imposées et l’impact de ces premières prestations qui tournèrent la tête de multiples jeunes gens… Lisez, regardez, comme disait Paul Claudel qui n’était pas un rocker : L’œil écoute ! Les photos parlent de nos rêves. C’est rempli d’anecdotes, je ne vous en raconterai aucune, nous saluerons les noms de François Jouffa, de Bob Lampard et de Jacques Barsamian qui ont tous été des passeurs.

    N' y a pas que les ricains dans la vie. Francky Gumbo est un petit gars bien de chez nous. Un grand Monsieur. Je n’ose pas dire qu’il est un super guitariste rock’n’roll, car il me demanderait de biffer ‘’super’’. Pas la grosse tête. Oui il s’y connaît un peu, mais il ne se décrit pas comme un cador. Se raconte sans prétention. Son père était un passionné de Gene Vincent, de Vince Taylor, et de tous les autres. Il jouait de la guitare, il lui a refilé les rudiments, z’ensuite il a bossé beaucoup, parce que sans internet les tutos étaient rares et chers… oui il est connu, on l’appelle parfois pour un studio, mais il n’est pas un musicien de studio, il aide, il rend service, il participe, fait le job, mais pas le gars à tirer la couverture à lui. Y a plus grands que lui. Cliff Gallup par exemple son jeu unique, et Eddie Cochran… pas le genre de zombie à focaliser sur les soli, tiens celui-ci il peut le jouer, mais il ne l’intuite pas souverainement, sa guitare, sa moto, portrait d’un solitaire qui ne se compare qu’à lui-même, l’on sent un homme d’une densité extraordinaire, rock, country, oui il se débrouille, un artiste qui refuse d’être dupe de son talent si tant est qu’il accepte ce mot, son père avait raison, ne regarde pas où tu mets les doigts, ils se poseront d’eux-mêmes là où il faut… l’a tout un parcours derrière lui, l’a accompagné les Capitols, un groupe capital, je me souviens d’une version inimitable de Baby Blue, un soir en concert…

    Encore un petit gars bien de chez nous. Ne vous méprenez pas sur l’adjectif petit, vient de fêter se quatre-vingt ans. L’était déjà dans les rails à l’époque relatée par Jean-Louis Rancurel, l’était un ami d’un gars qui plus tard s’est appelé Johnny Hallyday… Entre 1960 et 1964 Jean-Claude Coulonge était le batteur des Centaures groupe rock’n’twist, un de toute cette première couvée historiale, des lanceurs de graines pour reprendre une expression de Jean Giono… N’a jamais quitté la galère et les galas, notamment au début de ce siècle avec Les Vinyls… Rémi le batteur des Spunyboys, quand il frappe vous comprenez qu’il cogne, m’a affirmé qu’il avait été marqué par la vigueur du style  Coulongien… Encore un gars qui vit ses rêves rock’n’roll jusqu’au bout.

    Hier soir je me demandais, mais de qui va nous parler dan ses Racines Julien Bollinger ? N’a peur de rien notre Bollinger, l’a choisi une figure controversée. Par les imbéciles. Pas n’importe qui, dans les Encyclopédies il est souvent cité comme ‘’ l’inventeur’’ du rock. Ike Turner. L’on ne dira jamais assez l’influence qu’il exerça sur Sun et sur Elvis Presley (et bien d’autres qui lui doivent leurs carrières)… Non il n’a pas inventé le rock mais il a été partout où le rock a eu besoin de lui. Un activiste dans l’âme. Les plaintes portées par Tina Turner pour violences conjugales lui ont causé beaucoup de tort. Julien Bollinger apporte quelques explications. Je ne suis pas sûr que par ces temps de féminisme exacerbée il soit entendu. Dans ce blogue notre Cat Zengler s’est étendu cette affaire nauséabonde... Sans Ike Turner le rock’n’roll aurait tout de même existé, mais porterait-il cette force explosive qui l’anime…

    Les pages restantes sont principalement dévolues aux festivals. Nous nous attarderons uniquement sur Rock Around The Atomium (Bruxelles) fin mai de cette année. Le programme met l’eau à la bouche. L’a l’air d’avoir été concocté avec savoir et sapience. Organisé par Patrick Ouchène et sa fille Crystal Dawn. Juste le temps d’évoquer deux concerts exceptionnels au 3 B à Troie. La maman de Crystal est aussi belle que sa fille ! Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la photo de Sergio qui le prouve.

    Merci à Sergio et à toute son équipe pour le travail accompli. Cette revue Rockabilly Generation News est un miracle sans cesse renouvelé à chaque numéro.

    Damie Chad.

    Editée par l'Association Rockabilly  Generation News (1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois), 6 Euros + 4,72 de frais de port soit 10,72 E pour 1 numéro.  Abonnement 4 numéros : 39 Euros (Port Compris), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( Rajouter 1,10 € ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de tous les magazines... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les fascicules précédents ! 

     

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    PREMIERE INTRODUCTION

    POUR LES ESPRITS DE GEOMETRIE

             Rien de tel qu’un peu de géométrie pour affiner notre perception du monde. Je vous rassure, nous nous contenterons d’une leçon de base. Vous reconnaîtrez immédiatement l’axiome suivant : Deux droites parallèles ne se rencontrent jamais. Oui, si Thalès l’a dit vous pouvez le croire. C’est lui qui a fondé les prémices mathématiques. L’est même dans la liste des Sept Sages de la Grèce Antique.  Bref le gars parfait. C’est-là où le bât blesse. Comme disent les ânes que nous sommes. Quoique d’une intelligence redoutable les Grecs possédaient un esprit tordu. Or par définition, selon ce qui précède, une droite grecque ne peut être droite, définie par un esprit de guingois elle ne peut être  ne serait-ce qu’un tout petit peu, tordue. Or si les droites sont tordues, peuvent-elles être vraiment parallèles.

             Vous conviendrez que cette problématique n’est pas évidente à développer. Nous risquons de nous perdre en propos oiseux. Les vacances s’approchent, je ne voudrais pas qu’au bord d’une plage, insensibles aux jeunes filles dénudées qui se prélassent sur le sable à proximité de votre parasol, votre esprit accaparé se perde en des ratiocinations infinies, qu’au mois de septembre vous rentriez chez vous dépité de n’avoir su résoudre ce problème, insatisfait de vous-même, déçu de ce séjour méditerranéen, en proie à des pensées suicidaires…

             Je pense avoir résolu ce problème. Ce n’est pas que je sois plus intelligent que vous, c’est dernièrement dans une boutique de bouquiniste que mon œil a été attiré, par le jaune vif d’une couverture. J’aime le jaune, c’est là mon moindre défaut. Aussi me suis-je approché, et c’est là cher kr’tntreader que je m’aperçois avec stupéfaction que c’était un livre sur le rock ! Comme quoi le rock’n’roll mène à tout.

    DEUXIEME INTRODUCTION

    POUR LES ESPRITS DE FINESSE

    Le jarl Chad est fièrement dressé à la proue de son drakkar. Le vent cingle violemment la grande voile à bandes sang et rouge. L’équipage entassé pêle-mêle ronfle bruyamment. Les durs guerriers sont fatigués. Ils ont tué, brûlé, assassiné, violé sans merci durant de longues heures. Il ne reste plus âme qui vive dans les ruines fumantes des igloos, les cadavres de deux cents ours polaires et de quatre cent cinquante rennes tous égorgés pour le seul plaisir de les voir souffrir jonchent le sol glacé du Groenland. Ce n’est pas pour rien que dans tout l’Occident le jarl Chad est surnommé la cinquième extinction.

    Un léger toussotement interrompt les suprêmes pensées du Jarl Chad. C’est Leif Turlusson, le pilote. Il tient à la main une antique carte qu’il avait dérobée dans le musée de Byzance deux ans auparavant lors d’un simple, même pas dix mille victimes, raid distractif.

    _ Vénéré Chad il y a un problème, la carte précise que nous devrions traverser des centaines de kilomètres sur terre avant d’arriver en Normandie.

    _ Merdum, catastrophum, asinus profundus !

     Le jarl est un lettré il connaît le latin mieux que ne le parlait Cicéron ; il s’est saisi de la carte, il lui jette un coup d’œil dédaigneux :

    _ Saperlopipetum comme disait Fantometta, la Normandie est beaucoup plus à l’intérieur des terres que je le pensais, pas de problème, une broutille, nous passerons par la Séquana, la Saona, le Rhodanum et l’Iserum. Pour gravir les Alporum on réquisitionnera quelques milliers d’indigènes jusqu’au lac Lemantum. Vois-tu Leif Turlutttutson, pas de quoi se lamenter pour si peu. Nous en profiterons pour ravager ces contrées qui osent se mettre entre nous et la Normandie.

    L’équipage réveillé hurle trois fois hourra, tous se jettent avec frénésie sur leur épée pour en aiguiser le tranchant.

    C’est ainsi que trois mois plus tard Le Jarl Chad à la tête de son équipage assoiffé de pillages et de violences entrait en Romandie…

    Douze siècles après, des scribes éblouis racontent encore cette épopée qui a laissé une trace sanglante dans la mémoire de l’Humanité.

    ROCK’N’ROLL EN ROMANDIE

    CHRONIQUE DES ANNEES SOIXANTE

    CHRISTIAN SCHLATTER

    (Editions Plantanidia / 1984)

     

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             Il est totalement vrai qu’en sortant de ma boutique, j’étais sûr d’avoir acheté un bouquin sur le rock en Normandie. C’est en le déposant sur le siège de ma voiture que j’ai corrigé ma fautive lecture Rock en Romandie ! Qu’importe, Normandie ou Romandie, c’est toujours du rock ! Je le croyais dur come du fer. Je ne me doutais pas que je m’apprêtais à vivre une étonnante expérience de parallélitude extrêmement déconcertante.

             Mais commençons par le commencement. Christian Schlatter est né en suisse en 1945, l’avait quinze ans en 1960 lors de l’éclosion du rock sur ce qu’avec dédain les britanniques nomment l’Europe continentale. Soyons honnêtes les Anglais possédèrent un peu d’avance. Attention sur la quatrième de couverture, il est précisé que le gars a connu Jerry Lee Lewis, Gene Vincent, Vince Taylor, Hallyday et Les Chaussettes Noires. Mais il ne s’est pas contenté d’être un témoin, il a aussi été un des acteurs des évènements qu’il rapporte.

    Avant même d’avoir ouvert l’ouvrage j’ignore tout de son contenu mais je sais que j’y trouverais des tas de noms de groupes inconnus.

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             Je ne me trompe pas. Mais dès la courte introduction je sursaute, Christian Schlatter annonce qu’il a fait partie des Aiglons. Les Aiglons, bien sûr je connais, je ne savais pas, ou j’ai totalement oublié qu’ils étaient Suisses, je les croyais français, la Compil Histoire du Rock Français les a annexés sans tergiverser… Stalactite leur premier titre passait régulièrement dans Special Blue Jean sur  Radio Andorre, un instrumental, c’était la mode à l’époque. Parce qu’il y avait les Shadows et surtout parce que le son nouveau des guitares électriques avait percuté jeunes et adultes, l’on aimait, l’on exécrait, mais c’était une sonorité nouvelle, choquante, inhabituelle, fascinante, pour parodier Lovecraft, la couleur (musicale) tombée du ciel. L’instrumental rock dans les années soixante était un art encore plus difficile que le Sonnet. L’est presque impossible de se démarquer. C’est facile de ressembler à tout le monde. Stalactite est savamment orchestré. Faut être un esthète rock pour apprécier ce genre de petits bijoux, si vous êtes musicos faut être sans cesse aux aguets une oreille sur la concurrence. Conséquence pour garder un public qui ne soit ni de niche ni d’aficionados, les groupes instrumentaux reprenaient les slows à succès, les plus courageux comme les Aiglons, les composaient eux-mêmes, dans les deux cas l’esprit rock se perdait, c’était là flirter dangereusement avec les groupes de balloche…

    Mais il n’y a pas eu que les Aiglons. Toute une kyrielle. Avec des noms du tonnerre. J’aimerais avoir le talent de Louis Aragon qui a composé de superbes ballades en citant les noms des villages de France. Je pourrais ainsi composer quelques chefs-d’oeuvre en énumérant les dénominations des premiers groupes sixties de France, de Belgique et de Suisse romande… Pour la petite histoire Aragon et Elsa Triolet ont été les rares spécimens de la haute intelligentzia française à avoir accueilli sans aménité Johnny Hallyday

    M’abstenant d’écrire un roman je me contenterai donc d’évoquer rapidement quelques-uns des tout premiers groupes romands. 

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    Honneur aux Volcans de Montreux, ils furent les premiers à enregistrer en 1964 un disque, 45 tours quatre titres, et à connaître un destin 100 % rock à la James Dean  puisque leur leader Jean-Pierre Sandoz se tua au volant de sa voiture… Le groupe essaya se survivre sous le nom Les Clandestins, influence Beatles-Stones, mais le cœur n’y était plus.

    Lucifer et ses Anges Blancs ce qui ne les gêna pas pour adopter un style Chaussettes noires furent très vite rappelés au paradis, en 1963 le groupe fut victimes de multiples changements, se métamorphosèrent en Lucifer et les Black Men, en 1964 c’était fini et bien fini, mais beaucoup de musiciens qui transitèrent dans le groupe se retrouveront plus tard dans d’autres formations…

             Les Loups Blancs, d’eux ne subsiste que leur réputation. Ils semblent s’être inspirés directement des américains et vraisemblablement des Shadows  puisqu’ils étaient un groupe instrumental.

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             Les Sorciers remportèrent le deuxième Coupe Suisse de Rock de Renens ce qui leur permit d’enregistrer deux disques, des instrumentaux, le son est maigre, chez Barclay. Ils se séparèrent à lin de l’enregistrement du second… Ces groupes sont instables les musiciens naviguent de combo en combo.

             Un groupe de Renens : se nommèrent d’abord les 5 Rocks (re-bonjour les Chaussettes) puis les Misfit’s très américanophiles : Holly, Vincent, Cochran, Valens et un nouveau guitariste Lucien Dardell entiché d’Hank Marvin et de Big Jim Sullivan, les Misfit’s passèrent au Golf-Drouot, intéressèrent Barclay, mais l’équivalent de notre service militaire leur fit rendre les armes.

             Une redoutable odeur nauséabonde accompagne les cinq paragraphes précédents. Pas d’inquiétude c’est ici qu’alertés par ces effluves de chaussettes sales que nous retournons à nos parallèles particulières puisqu’elles adoptent des particularités normalement attribuées aux sécantes, y aurait-il eu un rock’n’roll made in Switzerland si le french rock’n’roll n’avait pas montré l’exemple… Eddy et ses attributs vestimentaires de bas-étages ont servi d’exemple et de modèle, les Chats Sauvages ne suscitèrent pas de telles vocations. Nos romandiens ne bénéficièrent pas d’un, Golf-Drouot, au tout début ils se contentèrent d’un qu’un modeste café le Cyrano, un nom qui tout de suite vous tire flamberge au vent, miraculeusement situé au centre  Lausanne à quelques encablures d’une boutique de disques… Quelques amateurs ou esprits avisés prêts à tout pour gagner de l’argent essayèrent d’aider à la structuration du mouvement. Plusieurs concours mettant en compétition les groupes furent organisés pour échauffer les passions et motiver le public. Le vieux coup de l’os à ronger qui occupent les foules. Les résultats ne furent pas à la hauteur, les groupes élus ne reflétaient pas la hiérarchie des talents. D’autres préférèrent ouvrir des salles de danse ou de concert où les groupes pouvaient venir jouer régulièrement. Pratiquement gratuitement…

             La Guerre des Groupes raconte cette époque formidable… Beaucoup d’appelés et pas d’élus. Le service militaire, les études motivèrent les changements d’itinéraire. Un phénomène beaucoup plus insidieux, l’on est toujours trahi par soi-même, au bout de deux ou trois années se posait la question cruciale : ou tu tournes en rond, ou tu deviens professionnel. Encore fallait-il sentir que l’on en était  capable… Dès 1963, la donne change, la difficulté se corse, tant bien que mal on parvenait à imiter les ricains mais les groupes venus d’Angleterre changent les règles du jeu, Beatles et Rolling Stones, produisent une déflagration sonore, nos premières rock’n’roll stars prennent un sacré coup de vieux. Ces pionniers qui  croyaient faire partie de la pointe novatrice du rock’n’roll se retrouvèrent relégués dans le club des has-been…

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             Le deuxième chapitre est consacré à un seul groupe : Les Faux-frères. A l’origine ils sont deux, admirateurs des Everly Brothers. Des bosseurs, déjà en 1958, après les cours ils se mettent au travail. Faut étoffer le son, voix et guitare c’est un peu maigrelet. Sont rejoins par trois musiciens. Le groupe est remarqué par Albert Raisner qui leur offre un passage à Age Tendre et Tête de Bois, plusieurs maisons de disques parisiennes s’intéressent à eux, Claude Lederman qui manage  Claude François veut lancer les deux chanteurs à condition qu’ils balancent les trois musiciens, refus général, Vogue publie leur premier 45 tours avec Be Bop A Lula, les Everly en ont donné aussi leur version. Les Faux-Frères sautent le pas, ils choisissent de devenir professionnel. Sont à Paris, passent souvent au Bilboquet, tapent le bœuf avec Johnny Hallyday et Brian Jones ! Nous sommes en 1966, Raisner fait des promesses qu’il ne tiendra pas, en 1968 le groupe se sépare… De toutes les formations présentes dans le book, ce sont ceux qui seront allés le plus loin dans le métier.

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             Mais le plus intéressant reste à venir : les Aiglons. Pratiquement la moitié de l’ouvrage leur est dévolue. L’on pourrait reprocher à Christian Schlatter de tirer la couverture à lui ou sur son propre groupe. Il n’en est rien, il ne se met jamais personnellement en avant mais son témoignage est le seul document d’une telle importance sur les premiers groupes des années soixante, de France ou de Suisse qui nous soit parvenu. Du moins parmi tous ceux qui sont passés sous mes yeux. Il existe quelques interviews assez fouillées certes, mais là nous avons droit à un véritable récit réflexif. Rien à voir avec une hagiographie, pas le moindre règlement de compte, pas uniquement des faits non plus. C’est en avril 1962 que François Schlatter rencontre trois copains qui viennent de perdre leur batteur. Embauché d’office. Des gamins, d’un même quartier. Possèdent un atout. Leur guitariste, un autoritaire, un colérique, un perfectionniste, qui cent fois sur l’ouvrage leur met le nez dans leur caca. Les résultats sont là. Un coup de téléphone au Golf-Drouot, uniquement parce qu’ils sont suisses Henri Leproux les convoque pour le quatre janvier 1963. Ils ne remportent pas le tremplin mais sont remarqués par Ken Lean, directeur artistique chez Barclay leur promet de faire signe… Retour en Suisse, un peu dubitatifs… Z’ont tort. Coup de téléphone  de Kean Lean qui les convoque à Paris… pour enregistrer un disque ! Stalactite doit beaucoup à Ken Lean. Schlatter raconte qu’ils auront du mal à le reproduire à l’identique en concert. Début juin les auditeurs de Salut Les Copains plébiscitent le titre. Tout s’enchaîne très vite : réunion avec les parents qui acceptent de laisser s’envoler les petits pour trois ans. La belle vie à Paris… Juillet 63, ils participent à l tournée des Plages, non pas en Romandie mais en Normandie, organisée par RTL.. Sont en train de manger leur pain blanc mais ils ne le savent pas. En octobre 1963 l’enregistrement du deuxième disque sera difficile, moins rock que le précédent…

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             Dans notre livraison 695 du 19 / 06 / 2025, nous évoquions le passage de Gene Vincent accompagné par les Sunlights à Bruxelles le 10 octobre 1963. Les Aiglons faisaient partie du package de cette tournée ‘’ Âge Tendre’’. Encore deux parallèles qui se recoupent. Les Aiglons pactisent avec Gene. Schlatter dresse un beau portrait de Gene, être sensible qui donnait l’impression de ne pas être heureux, miné par le chagrin de la disparition d’Eddie Cochran et chagriné d’être séparé de sa petite fille…

     

             En décembre 1963, Ciné-Monde attire l’attention sur cinq groupes étrangers : les Beatles, les Shadows, les Spotnicks et les Aiglons… Incroyable mais vrai, ce sont les Beatles qui détiennent l’avenir du rock et pas les Aiglons… En 1964 les Aiglons refusent de devenir l’orchestre attitré de Claude François… le vent tourne, les amitiés se fissurent, l’argent est un grand désagrégateur… les  Aiglons retournent à leurs chères études, une désastreuse tournée en Allemagne vite interrompue, en octobre 1966 le groupe s’autodissout…

             Le livre est à lire, l’iconographie abondante, à signaler une photo de Gene Vincent que je ne connaissais pas… l’histoire d’une génération, racontée par un activiste rock qui n’a jamais désarmé.

             Les parallèles finissent par se rejoindre dans les cimetières.

    Damie Chad.

    P.S. : Il existe une cassette qui reprend certains morceaux évoqués dans le livre.

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    A la rentrée une kro d’écoute de cette génération.

            

    *

    The Gene Vincent Files #3: Harvey Hinsley, guitarist

    for Hot Chocolate talking about Gene Vincent.

             Hot Chocolate n’est pas mon groupe préféré. Je préfère des boissons un tantinet corsées. L’est vrai qu’ils avaient été remarqués par John Lennon, Qu’ils ont été pris en main par Mickie Most, par la suite ça s’est gâté, z’ont fait du funk et du disco. Je puis comprendre qu’il faut manger, qu’on a le droit d’évoluer, voire de régresser, mais aller jouer au mariage de Charles et de Diana, du coup j’ai du mal à tremper mes lèvres dans cette tasse de thé tiède… Z’oui mais si vous tapez le nom d’Harvey  Hinsley sur Discogs, vous tombez sur un double CD (cinquante-six morceaux) Roller Coaster : Git it ! A tribute to Gene Vincent, (Vol 3) with Eddie Cochran. Avec un morceau des Sprites, groupe mythique français ! Le genre de pemmican qui vous réconcilie avec la vie.

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    Cela a commencé  quand je me suis rendu dans une boutique de disques en ville, j’ai acheté un single, un 78 tours, de retour une autre fois, je ne pouvais même pas imaginer ce que j’allais choisir, le vendeur m’a dit : tu achèteras ce disque la prochaine fois, je demandais lequel et il me le fit écouter, je pensais que c’était un disque bizarre, il y avait  quelque chose d’intéressant dans ce truc, all rigtht et je suis sorti sans l’acheter. Il s’écoula environ six mois avant que je ne revienne dans la boutique : ‘’je suis revenu pour le disque dont vous m’aviez dit que je reviendrais l’acheter’’, ‘’Ah oui, lequel était-ce ?’’, ‘’ C’était Be Bop A Lula’’, ‘’ Ah, celui-là, j’étais sûr de que de toutes les façons vous voudriez l’acheter’’ J’ai fini par acheter 5, 7 8 exemplaires de ce disque, j’ai eu  trois Race with the Devil et cinq Be Bop A Lula, à force de les faire tourner ils s’usaient, en cette lointaine époque les aiguilles étaient lourdes et les disques crachotaient terriblement, j’en ai racheté cinq exemplaires, je me souviens de sa voix perchée, de son écho,  de sa voix brillante et je pensais que même si c’était aigu et brillant, et cette guitare, j’aimais cette guitare, j’adorais le truc en son entier, vous savez ces coups de frotté, oui j’aimais tout, je me souviens, à chaque fois je trouvais cela totalement inhabituel, bien sûr plus tard… En ces temps-là vous pensez bien que tout le monde trouvait cela bizarre, qu’à l’époque l’on ne savait pas quoi penser de ce truc, vous l’encaissiez en pleine poire, peu importe, plus tard vous compreniez… ce choc m’a considérablement affecté de la manière suivante, j’ai acheté les disques, qui m’ont coûté 14 guinées, chacune de  ces guinées coûtait 14 schillings, vous ne le savez pas mais 14 guinées c’était une guitare acoustique, une Zénith, ça m’a coûté un bras, et la première fois que je l’ai eue entre les mains  j’ai commencé à travailler Woman Love, c’et en G pas en B, mais Woman Love, de cela on s’en moque, c’était, c’était Woman Love ! j’ai compris que je travaillerai d’abord en B, je pensais que ce serait plus facile, j’ai démarré de cette manière, puis je suis passé à Be Bop A Lula, puis j’ai continué sur Race with the Devil, jusqu’à ce que je réussisse, j’ai bossé, bossé comme un fou, ensuite j’ai rejoint mon premier groupe, j’avais dix-huit ans, j’ai converti le groupe à Gene Vincent,

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    nous faisions aussi du Buddy Holly, Rave On par exemple, et toute cette came que nous aimions, j’ai convaincu le chanteur à apprendre le répertoire de Gene Vincent, et tout le set n’était que du Gene Vincent, ainsi je pouvais jouer tous les soli, nous avons passé une super-période… j’adorais la manière dont Gene chantait, par exemple Up a Lazy River, il le chantait doucement, personne d’autre ne pouvait le chanter ainsi, croyez-moi il le chantait si joliment doucement, avec cette brillante guitare par-dessus, et cette manière à lui de chanter, je pensais que je ne pourrais jamais trouvé un individu qui ait pu mieux faire. Je n’ai jamais aimé cette chanson et je ne l’aurais jamais aimée si je ne l’avais jamais entendue par Gene, il était dans son cuir noir, il était comme une exhalaison de son cuir noir, j’ai vu des photos de l’album Blue Jean Bop album, il porte sa veste de sport et sa guitare, il ressemble à n’importe quel artiste de country, et quand il était dans son cuir noir, je n’ai jamais été intéressé du tout par l’ensemble de sa personnalité, je ne me suis jamais soucié de ces anciennes apparences sur les scènes d’avant, pour moi j’écoutais un disque et j’entendais juste un son brillant, et pour moi s’il s’était tenu debout dans son pyjama en chantant et en sonnant bien, je ne m’en serais pas plus soucié que s’il était en train de bosser en face de moi… aussi quand je l’ai entendu dans ce théâtre je pensais me retrouver dans le son de ceux qui sont indiscutablement dans le haut du panier, aussi n’ai-je été  impressionné qu’ à demi, très  heureux de voir Gene, mais désappointé par les Blue Caps,  parce que j’avais toujours apprécié le groupe, mais pour être honnête avec ce set et cette formation, je ne savais pas quoi penser de cette formation, quoiqu’ il l’ait remaniée, et même si c’ était encore brillant avec Johnny Meeks… mais   ce dont je me souviens c’est que je l’ai rencontré dans un autre théâtre, un de mes amis le prit à part et je vis que c’était une personne comme tout le monde, il discutait avec de parfaits anonymes,  avec des gens non connus et il me fit venir backstage et me signa un autographe que j’ai toujours gardé, j’avais dix-huit ans, comment était-il – vous savez j’étais venu en pensant rencontrer une personnalité exceptionnelle mais il était très cool, pas du tout arrogant , parce que je suis arrivé en disant ‘’ Gene, je suis Harvey’’ j’ai senti l’ambiance ‘’ j’ai tous vos disques Gene’’ après quoi j’étais comme fou, mon Dieu qu’ai-je fait, il était si gentil, il m’a appelé monsieur et m’a beaucoup remercié, j’ai apprécié vraiment sympa… je n’ai jamais pensé qu’il pouvait être agressif, de par sa personnalité, par la manière dont il s’exprimait en ses chansons, avec un tel sentiment, spécialement les plus douces, beaucoup de personnes se plaignaient de ses slows, disant qu’est-ce qu’il est en train de faire Peg O My Heart, et Waltz of the Wind, pourquoi il fait ces trucs, qui sont si ridicules, ce sont de très grandes choses qui prouvent qu’il pouvait faire n’importe quoi, il pouvait faire du rock’n’roll et chanter des ballades, dans les deux registres il assurait, il chantait parfaitement, aujourd’hui les gens se corrigent avec l’auto tune, Gene était juste dans le ton, il chantait joliment, il avait une voix très belle, et Cliff Gallup était capable de tout jouer, il jouait aussi les slows… c’est ainsi que je pensais à l’époque, aussi maintenant j’imagine Gene comme si je l’avais vu pleurant sur scène, et je n’aurais pas été étonné, je n’aurais pas voulu être impressionné d’une autre manière, j’ai juste pensé qu’il était un gars paisible… quand je l’ai rencontré il était calme, et j’ai pensé qu’il était comme cela d’après ses disques, c’était un gars tranquille et même timide, c’est ainsi que je tiens à   parler de lui, il n’était pas un gars outrageant. Quelques-uns ont essayé d’acter cela, mais vous savez je l’ai rencontré la première fois lorsque j’avais 18 ans, et ensuite probablement vers 23 ans, avec  ( Marshall Jim ? Chas Chandler ?) et les propriétaires de Chess (?)et Mick Underwood.  Gene voulait un groupe pour l’accompagner pour quelques sessions sur TV Manchester, et je pense que nous étions déjà pris ou qu’ils ne voulaient pas nous payer ou que quelque chose a mal tourné… Chas (?) s’est tourné vers moi : Voici Harvey votre plus grand fan Gene, j’ai répondu que j’étais heureux, quand on nous a demandé de l’accompagner,  mais pourquoi n’avez-vous pas les Blue Caps avec vous, c’est tout ce que je pensais, pourquoi n’avez-vous pas les Blue Caps, il a répondu en quelque sorte, que ne connaissais pas les dessous du deal, que tout allait mal… j’ai demandé

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    mais qu’est-il arrivé à Cliff Gallup, pourquoi ne l’avez-vous pas gardé avec vous, il m’a répondu qu’il en avait assez de tourner et qu’il ne voulait pas reprendre la route… je ne connaissais pas grand-chose de Johnny Meeks, et je ne sais même pas si à l’époque je connaissais le nom de Johnny Meeks, car je n’étais pas trop sûr de connaître les noms de ceux qui étaient dans le groupe, les photographies étaient trompeuses, vous pouviez voir Russel Williford et penser que c’était Cliff qui n’était pas là, et si vous regardez plus tard les photos en 1957, vous lisiez Grady Owens et selon moi il ressemblait à Russel Williford, alors que je pensais qu’il était Cliff Gallup, je me suis longtemps demandé  ce que Johnny Meeks venait faire dans l’affaire… j’étais en pleine confusion, je ne savais pas qui était qui et qui n’était pas dans la formation, j’avais tout faux,… Jeff Beck et moi pensions que Russel Williford était Cliff Gallup, tous deux pendant des années nous fûmes trompés par ce micmac, j’ai alors demandé à Gene, pourquoi n’as-tu pas les Blue Caps avec toi, sais-tu ou ne sais-tu pas les dessous de l’affaire, ne peux-tu pas venir avec ton groupe, ou est-ce trop de tracas de faire venir ton groupe, ou en fait te serait-il impossible de contrevenir aux statuts des premiers jours, est-ce que tu ne peux pas contrevenir à la loi, c’est un sacré embêtement si tu es dans l’impossibilité de les faire venir… Je décide de ma propre guitare et tout un tas de gars peuvent décider de leurs propres guitares, nous pouvons tous choisir une Fender ou agréer une autre marque, ainsi nous avons juste à choisir nos propres guitares, je pense que les gens peuvent avoir autant  d’intérêts que moi et Gene en aurait probablement eu tout autant… il lui aurait fallu un véritable  manager capable d’organiser proprement le groupe et de le traiter proprement, si ce n’est pas le cas, si  les groupes ne sont pas traités proprement, alors ils vous quittent… vous devez traiter chacun raisonnablement, j’ai appris cela avec

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    mes guys, si vous payez votre groupe avec de l’argent pourri ils s’énervent, ils accumulent de la rancœur, si vous les payez raisonnablement et que vous faites en sorte que chacun reçoive décemment  son dû, ça ne peut pas tourner au vinaigre et ça ne peut pas aller mal…   Gene et les Blue Caps  ont dû recevoir une volée de sales coups, ils n’ont pas reçu de salaire et différentes problèmes ont motivé leur départ, si bien que maintenant Gene ne peut même pas compter sur un seul des anciens, les choses ont empiré, et il est découragé, je ne sais pas, je pense juste qu’il ne pouvait manager ses propres affaires tout seul, il n’était pas très au point pour ce job, certes je n’oublie pas que je ne le connais pas très bien, certains ont dû le percer à jour,  pour ma part sa naïveté m’a sauté aux yeux, il s’est présenté à moi avec cette naïveté qui le caractérise… c’est un scandale, voyez  le gaspillage, il aurait pu partir en disant que chacun est parti après avoir joué sa dernière carte,  vous êtes dans le jeu et une minute plus tard vous êtes hors-jeu, vous essayez de revenir durant des années, ce n’est pas facile, je me souviens d’avoir entendu dire, je n’en ai pas été surpris,   que Gene buvait beaucoup, vraiment beaucoup, probablement vous vous doutez que sa vie tournait mal, avec le temps il a bu à cause de ça, il a eu un ulcère à l’estomac, et toute la suite, pour être honnête avec vous, je n’ai pas été surpris, pas surpris du tout, si vous le comparez à Elvis,  il n’a pas partagé le même destin, mais encore aujourd’hui je pense que Gene était  l’homme  je pense d’un tas de femmes, je me souviens des filles, ou des femmes d’autrefois qui ont acheté le premier album et quand elles l’ont vu : elles ne l’ont pas aimé, parce que vous savez la manière dont il regardait les yeux en l’air, il regardait le ciel et elles ont pensé qu’il était fou,  le peuple des femmes ne l’a pas aimé, je n’ai jamais connu une femme, ce sont toujours les hommes qui ont aimé Gene, quelques femmes bien sûr l’ont aimé, mais surtout les hommes, je pense que vous savez que vous avez besoin des femmes, ce sont les seules qui vont aux concerts et poussent des cris, vous pouvez penser qu’il a eu des femmes, il en a eu quelques-unes mais pas tant que ça. Elvis possédait, et Gene aussi, une voix aigüe, et je ne sais pas si les femmes aiment les voix aigües chez les hommes, mais Elvis avait aussi sa voix grave, elles ont tendance à aller vers ces voix profondes par lesquelles les hommes ne sont pas spécialement attirés, je veux dire que vous pensez que nous sommes attirés, je veux dire que vous pouvez vous demander pourquoi nous nous  soucierions de ces voix aigües, mais j’aime ces voix aigües, je veux dire que j’aimerais pouvoir chanter comme cela, je donnerais n’importe quoi pour pouvoir chanter comme lui. Si je pouvais chanter comme Gene, jouer comme Cliff, ce serait grand de chanter comme Gene, mais il n’y a pas beaucoup de gens qui soient capables de chanter comme ça.

    Damie Chad

    A suivre.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 696 : KR'TNT ! 696 : JON SPENCER / BRIAN WILSON - SLY STONE / MOVE / FIEP / THESE ANIMAL MEN / PATRICK GEOFFROY YORFFEG / MANIARD / GENE VINCENT /

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 696

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    26 / 06 / 2025

     

     

     JON SPENCER / BRIAN WILSON – SLY STONE

    THE MOVE / FIEP / THESE ANIMAL MEN

    PATRICK GEFFROY YORFFEG

     MANIARD  / GENE VINCENT

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 696

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

    Wizards & True Stars

     - Spencer moi un verre, Jon

     (Part Four)

     

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             Jon Spencer déboule vite fait sur scène. Il sort de son Twin Reverb une petite planchette de contre-plaqué qui doit faire 10 x 10 cm et sur laquelle sont gaffées deux vieilles pédales hirsutes. Premier gros pied de nez à la frime du rock. Il s’agenouille

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    et branche un jack d’un côté et un autre de l’autre. Pouf, c’est réglé. À côté du Twin Reverb, t’as un petit Peavey. Pouf, c’est tout. Deuxième pied de nez à la frime du rock. Pas de connard qui vient tester les guitares pendant une plombe. Spence porte un petit costard boutonné et des mocassins blancs. Pouf, troisième pied de nez à la frime du rock. Il a un nouveau Blues Explosion : Kendall Wind (bass) et Macky Spider Bowman (beurre) des Bobby Lees. Deux jolis spécimens de wild-as-fucking fuck.

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             Après le pouf, c’est le bhammm ! Car ça joue tout de suite. Right on ! On est pourtant habitué aux départs arrêtés du JSBX, mais là, ça semble encore plus explosif, car Bowman the man est un fantastique batteur extraverti, et Spence rentre aussitôt dans le chou de son vieux lard cabalistique, ça ramdame dans les brancards, ça groove dans les bastaings, ça percute dans les percoles, ça buzze le jerk, ça décorne les vikings, ça ricoche dans les racks, ça bigne dans la beigne, ça t’intercepte

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    le missile, ça te claque toutes les voiles, flip flop, ça rue dans le rock, ça riffe dans la rafle, ça tire à boulets rouges, ça te cloue ton vieux bec vite fait, ça remet bien ta maudite pendule à l’heure, t’auras jamais de rock plus raw que celui de Jon Spencer. Ça n’en finit plus de claquer la claquemure, de fracasser la rascasse, de te scier des branches, de t’allumer des lampions sous le crâne, ça n’en finit plus de t’alarmer et de t’appareiller, de t’emboîter et de te déboîter, tu sais où t’habites et en même temps

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    t’en es plus très sûr, tu localises des bribes à la volée, tu reçois le vieux «Skunk» d’intro entre les deux yeux, c’mon ! t’ouvres la bouche et t’avales «2 Kindsa Love», gloups, ça te survolte, ça te ramène dans le cœur du vieux raw, t’as même le vieil «Afro» qui date du temps d’Acme, Acme, baby, rrrrremember ? Alors oui ça claque dans tes cacatois, ça te burn le carbu, ça va et ça vient entre tes seins si t’as des seins, ou entre tes reins si t’as pas de seins, alors comme t’as pas de seins, c’est entre tes

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    reins, de toute façon, le groove fait exactement comme il a envie de faire, c’est lui qui décide, pas toi, oh et puis tu chopes ce vieux hit d’Acme, «I Wanna Make It All Right», ça descend bien ton avenue, ça sert bien tes intérêts, ça va dans ton sens, à un point extraordinaire, s’il est un mec sur cette planète habilité à groover l’I wanna make it all right, c’est bien ce démon de Jon Spencer. Il dégouline vire fait, mais garde son veston boutonné. Looka here ! Il est encore plus beau qu’Elvis, plus classe qu’Eddie Cochran, plus wild que Little Richard. Et puis comme d’usage avec cette

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    superstar, le set s’éternise et voilà qu’il claque le vieux riff de «Wail» avant de terminer par un prêche anthemic, l’occasion pour lui de saluer la mémoire de Little Richard et de rappeler qu’il est essentiel de rester Together pour lutter contre des fucking fascistes qui s’installent au pouvoir. S’il avait été maître à penser et candidat à un trône rock, il est évident qu’on aurait tous voté pour lui.

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             Tu vas te régaler à l’écoute de Sick Of Being Sick!, l’album qu’il vient d’enregistrer avec ses amis Bowman et Wind. C’est du Spencer grand cru, dès le «Wrong» qui sonne comme une attaque frontale de destruction massive, c’est le blast des cavernes new-yorkaises. Il n’a jamais été aussi défonce-man, oh c’mon ! Avec «Get Away», il retombe dans tous ces vieux travers de wild preacher, got to get away go ! Il faut le voir insister sur le go ! Toutes les dynamiques sont là, intactes, parées de leur somptueuses imparabilité. Quel sommet ! Fin explosive de balda avec «Out Of Place», il sort sa plus belle fuzz et ça pulse dans la purée fumante. C’est énorme, concassé, déstructuré, d’une modernité demented. Et en B ça repart de plus belle avec «Fancy Pants». Quelle dégelée ! Rien que de la dégelée ! La magie se remet en branle. Si t’as jamais vu de la magie se mettre en branle, c’est là. Et t’as Bowman qui te bat tout ça ultra-sec et ultra-net. Ce mec est un crazy cat. Et t’as tout le spirit qui monte, c’mon ! Spence passe un anti-solo dans «Guitar Champ» et en plus t’as la profondeur de l’écho. Ce Sick Of Being Sick! est sans le moindre doute l’un des meilleurs albums des temps modernes. Spence te rocke le boat comme personne. Tu participes à la fête en continu et la fête se termine avec «Disconnected», hey disconnected once again ! C’est pulsé au basmatic invasif et cette façon qu’il a de monter son once again !

    Signé : Cazengler, Spencer les fesses

    Jon Spencer. La Maroquinerie. Paris XXe. 4 juin 2025

    Jon Spencer. Sick Of Being Sick! Bronze Rat Records 2024

     

    Wizards & True Stars

     - The Sly is the limit (Part Four)

    & Brillant Wilson (Part One)

     

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             Zut ! Z’ont cassé leur pipe en bois ensemble. Enfin, à deux jours d’intervalle. Sly Stone et Brian Wilson. Même âge : 82 balais. Même coin : Californie. Même niveau : légendaire. Même magie : blanche pour le Beach, noire pour le Stone. Même genre d’art : céleste pour le Beach, total pour le Stone. Même constance : soixante ans pour le Beach, soixante ans pour le Stone. Même soif de dope : LSD pour le Beach, crack-boom pour le Stoned Stone. Même fuck you attitude : «I Just Wasn’t Made For This Time» pour le Beach, «Don’t Call Me Nigger, Whitey» pour le Stone. Même empreinte universelle : «Sail On Sailor» pour le Beach, «Dance To The Music» pour le Stone. Même punch in the face : «Do It Again» pour le Beach, «I Want To Take You Higher» pour le Stone.  Même hauteur : 20 m pour le géant Beach, 20 m pour le géant Stone. Même sens de l’œuvre : des centaines de compos magiques pour le Beach, des centaines de compos magiques pour le Stone. Même goût de l’amitié : Andy Paley pour le Beach, George Clinton pour le Stone. Même genre d’admirateurs : Tony Rivers & The Castaways, Harpers Bizarre, Eric Carmen et Explorers Club pour le Beach, Bobby Freeman, Billy Preston, Jim Ford et Iggy pour le Stone. Même imparabilité des hits : «Dierdre» pour le Beach, «Family Affair» pour le Stone. Même sens du particularisme viscéral : sens aigu des harmonies vocales pour le Beach, extrême délicatesse harmonique pour le Stone. Même don d’ensorcellement : «Vegetables» pour le Beach, «Everyday People» pour le Stone. Même sens de l’œuvre historique : Pet Sounds pour le Beach, There’s A Riot Goin’ On pour le Stone. Même sens de l’œuvre byzantine : «I Know There’s An Answer» pour le Beach, «Thank You (Fallettinme Be Mice Elf Again)». Même actu Ace : Do It Again - The Songs Of Brian Wilson pour le Beach et Everybody Is A Star (The Sly Stone Songbook) pour le Stone. Tu peux y aller les yeux fermés.

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             Do It Again - The Songs Of Brian Wilson fait partie des compiles atomiques d’Ace. T’es là au maximum de ce que peut t’offrir une compile en termes de beauté pure, de clameur mélodique, d’intemporalité des hits et de génie interprétatif. Vers la fin, tu tombes sur les Persuasions qui, avec une magistrale cover de «Darlin’», réussissent à marier la Soul avec Brian Wilson : t’as là le plus beau mariage qui se puisse imaginer. C’est la B-side d’un single, nous dit Kris Needs qui signe les liners. Tout le monde adorait les Persuasions, nous dit Needs. Il cite d’ailleurs Tom Waits : «These guys are deep sea divers. I’m just a fisherman in a boat.» Et t’as juste après Frank Black avec une version abrasivement géniale d’«Hang On To Your Ego», tirée de son premier album solo sans titre. Needs lui rend un sacré hommage, alléguant que le gros transforme le cut de Brian Wilson en «gruff-voiced 90s electro-disco chug.» En ouverture du balda, t’as une cover mythique : Wall Of Voodoo et «Do It Again». Facile pour les Wall, puisqu’ils tapent dans l’un des plus gros hits des sixties. La tension du génie wilsonien est palpable. Alors après, est-ce que tu vas aller écouter les Wall Of Voodoo ? Bonne question. Tu retrouves à la suite une autre tarte à la crème des seventies : The Rubinoos et «Heroes & Villains». Ils ont du courage et s’en sortent avec les honneurs. Ils jonglent avec les harmonies vocales. Première révélation avec Celebration et «It’s Ok». Celebration est un side-project de Mike Love, d’où la qualité. Needs y va de bon cœur : «‘It’s OK’ celebrated summer whoopee with quintessential upbeat Beach Boys bounce and sprightly ’Do It Again’ immediacy in the chorus.» Jan & Dean rendent hommage au génie organique de Brian Wilson avec «Vegetables». Dans cette compile, t’es en permanence au sommet de la pop. Une seule comparaison possible : les Beatles. Et voilà deux autres diables californiens, Bruce & Terry avec «Hawaii». Il s’agit bien sûr de Bruce Johnston et Terry Melcher. Ils caressent Brian Wilson dans le sens du poil à coups de do you wanna come along with me. Needs ne peut pas s’empêcher de rappeler que Bruce Jonhston allait devenir un Beach Boy et que Terry Melcher allait produire les Byrds et fréquenter Charlie Manson. Et puis voilà Epicycle qui explose la vague de «Wake The World». Needs dit le plus grand bien de ce groupe de Chicago : «It’s handled like a reverential mating between a Beatles White Album piano stroller and Gilbert O’Sullivan gone pailsey, recycled through a Californian hallucino-juicer.» Epicycle est le groupe des frères Ellis et Tom Clark. Needs rappelle encore qu’Ellis et Tom sont revenus plus tard avec trois albums de «60s-washed baroque pop peppered with unusual instruments obviously in thrail of mid-period Beach Boys.» Pour les formules catchy, tu peux te fier à Needs. Matthew Sweet & Suzanna Hoffs explosent eux aussi la vague de «Warmth In The Sun», tiré d’un album de covers, Under The Covers. Tu montes encore une fois au paradis. On reste dans un océan de pur jus révélatoire avec The King’s Singers et «Please Let Me Wonder». Quand il a composé ce hit, nous dit Needs, Brian Wilson venait tout juste de découvrir la marijuana. Les King’s Singers sont une chorale de TV show, mais Needs nous rassure en précisant que Bruce Johnston et Mike Love sont dans les chœurs. On croise aussi Louis Philippe («Little Pad», tiré de Smile, alors autant écouter Smile) et The Pearlfishers («Let’s Put Our Hearts Together», David Scott est dessus mais il finit par devenir pénible). Et puis tu te frottes les mains en voyant arriver Bruce Johnston avec une version de «Deirdre», le cœur palpitant de Sunflower. Il y va franco de port, le Bruce, mais ça vire diskö-beat à la mormoille et au lieu de faire wouahhhhh!, tu fais berrrrk !

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             Back to Sly. Ça se bouscule aussi au portillon sur Everybody Is A Star (The Sly Stone Songbook). Ce sont Ike & Tina Turner & The Ikettes qui fracassent l’«I Want To Take You Higher» en mille morceaux. Cover explosive pas des exploseurs, et t’as l’Ike qui la ramène au baryton. Tu retrouves aussi l’excellent Joe Hicks avec un «Life & Death In G & A» sorti sur Stone Flower, le label de Sly. Heavy groove ! Hicks ? Un seul album sur Stax. Révélation avec Eric Benét et «If You Want To Stay», joli funky strut, solidement contrebalancé, quasi sautillé, joué par des cracks du boom-hue. T’en as deux qui ne passent pas : Jeff Buckley avec «Everyday People» (vite soûlant. Il ne plaît qu’aux gonzesses) et Magazine avec «Thank You (Fallentinme Be Mice Elf Again)» (bassmatic anglais, mais ça devient trop prétentieux). Retour aux choses sérieuses avec The Hearts Of Soul et «Sing A Simple Song». Elles sont hollando-indonésiennes. Ça percute bizarrement, avec une voix décalée dans l’écho et un yeah yeah yeah descendant. Elles mettent bien en exergue les finesses harmoniques de Sly. Petit choc révélatoire avec John Lee’s Groundhogs et «I’ll Never Fall In Love Again». White funk power d’early Tony McPhee ! Cut mythique, car produit par Bill Wyman et sorti sur Planet, le label de Shel Talmy. Encore du pur jus de Sly genius avec Six et «I’m Just Like You» : on y retrouve les deux mamelles de Sly, le groove extrême et la modernité flagrante. Nouveau coup de Jarnac avec Rose Banks et «I Get High On You» : fabuleuse attaque de wild funk ! Rose est la poule de Bubba Banks, loubard black, «controversial figure», manager et beau-frère de Sly puisque Rose s’appelait Stone avant de devenir Banks. Bubba a réussi à décrocher un deal sur Motown pour Rose et a même produit l’album, alors qu’il n’y connaissait rien. Rose va vite divorcer. Iggy nous fait le coup du Pop genius avec sa cover de «Family Affair» qui n’est sur aucun album. L’Ig rentre bien dans la peau de Sly. Pure magie blanche et noire. On regagne la sortie avec deux autres coups du sort : The Third Degrees et «You’re The One» (heavy funk de génie, elles t’en mettent plein la vue), puis les Jackson 5 et «Stand!» (et tout le power juvénile des Jackson qui eux aussi t’en mettent plein les mirettes. Alec Palao qui signe les liners parle d’«instrumental riffery and ear-catching moves that were synonymous with Sly Stone music.»  

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             T’as une autre compile Ace consacrée aux hits de Brian Wilson : Songs Of Brian Wilson : Here Today. The Songs Of Brian Wilson. Passer à côté, ce serait faire insulte au génie d’Ace, et pire encore, à celui de Brian Wilson. Ça commence très fort avec un nommé Darian Sahanaja qui reprend «Do You Have Any Regrets» tiré de Sweet Insanity. En plein dans le wall of sound, et même de profundis. Much better ! Cet inconnu est un heavy dude, il plombe l’art de Brian Wilson à coups de marteau, c’est assez monstrueux, tous les ingrédients définitifs sont au rendez-vous. Le mec des liners dit que Sahanaja allait ensuite jouer un rôle considérable dans le travail de restauration de Smile qu’allait entreprendre Brian Wilson. Drian Sahanaja fait aussi partie des Wondermints. S’ensuit une version d’«Here Today» par Bobby Vee qui lui aussi est en plein dans le son. Explosif ! Bobby est dessus, real magic, love is here ! Il va droit au but. Il a été l’un des premiers à sauter sur Pet Sounds. Et on monte encore d’un cran avec les Tokens et «Don’t Worry Baby». Il faut faire gaffe avec les Tokens, ils sont capables de miracles. Ils savent éclater au sommet de leur art, ces mecs nous font tomber de la chaise quand ils veulent, ils maîtrisent l’art des bouquets d’harmonies vocales. Avec «Help Me Rhonda», Bruce & Jerry - c’est-à-dire Terry Melcher et Bruce Johnston - s’en tirent avec les honneurs et un solo de sax. On reste dans les choses sérieuses avec Jan & Dean et leur version de «The New Girl In School». Fantastique jus de Beachy pop, doo ran doo ! Nouvelle extension du domaine de la turlutte avec «Time To Get Alone» par Redwood. Mais rien sur eux dans les liners. Le «Don’t Hurt My Little Sister» des Surfaris est aussi une bénédiction pour l’oreille. Ces mecs sing leur glotte out. Nouvelle horreur sublime avec le «My Buddy Seat» des Hondells. Tout le monde cavale sous le soleil, dans cette compile. Le «She Rides With Me» de Joey & The Continentals est complètement dévastateur, tapé au heavy Beachy Sound, bouffeur d’asphalte, terrific de joie et de bonne humeur. Toute l’énergie des Beach Boys est là. Nouveau coup de génie avec Tony Rivers & The Castaways et «The Girl From New York». C’est littéralement explosé dans l’œuf. Les mecs jouent le psyché les pieds dans le plat, leur power dépasse les bornes. Voilà le wild drive dans son extrême, le drive le plus wild de l’histoire du drive, ça ouh-ouhte avec des breaks de basse dignes de ceux de Larry Graham. Tout aussi effarant, voilà un reprise du premier hit de Brian Wilson, «Surf City» par The Tymes. Belle attaque, t’es tout de suite baisé. On est en plein Beachy world, explosé de son, joué à la basse cra-cra, ces mecs te remontent les bretelles. Keith Green a onze ans quand il enregistre «Girl Don’t Tell Me». Terrifiant de teenage genius et produit par Gary Usher. Betty Everett fait aussi une belle version de «God Only Knows» et avec Carmen McRae, on reste dans le domaine des géantes. Elle explose «Don’t Talk (Put Your Head On My Shoulder)», elle prend la mélodie de Brian Wilson et la porte, elle grimpe jusqu’au sommet de l’art vocal. Elle devient la reine avec ce don’t talk, elle est royale de sublimité, elle traîne ses syllabes comme savait si bien le faire Billie Holiday. Le «Caroline No» de Nick DeCaro coule dans la manche, tellement ça dégouline de big jazz feel. Louis Philippe cherche à restaurer la monarchie avec «I Just Wasn’t Made For These Times» et Kristy MacColl boucle avec «You Still Believe In Me». Elle y épouse langoureusement la courbe de Brian Wilson.

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             Il existe un très beau tribute à Brian Wilson paru en 1990, Smile Vibes & Harmony. Quatre clients s’y partagent les lauriers, à commencer par Billy Childish avec un «409» qu’il faut bien qualifier de dément. Il le pulse au fuzz scuzz de Medway, c’est dire la suprême intelligence du Big Billy. Il a compris l’esprit de la plage. On pourrait dire la même chose de Michael Kastelic et des Cynics qui explosent littéralement «Be True To Your School». Après Mike Love, Kastelic est le meilleur chanteur de Beachy pop, ce mec a véritablement du génie, il sait faire exploser sa Beachy pop dans le beat serré. Quelle leçon de niaque ! Autre réussite patente : Mooseheart Faith avec «Wind Chimes». C’est amené au big drive de basse, et t’es baisé, car la strangeness règne sans partage, à la fois totémique et insidieuse. Et puis les Sonic Youth jouent «I Know There’s An Answer» aux heavy guitars. Ils savent exploser la gueule d’un cut dans leur mur du son et le Moore en profite, car il dispose d’une mélodie chant parfaite. Sinon, on voit les Records taper une copie conforme de «Darlin’», alors quel intérêt ? Et Nikki Sudden referme la marche avec «Wonderful/Whistle In». Nikki dispose d’une voix de rêve, alors il peut entrer dans le délire de Whistle In. Petit régal d’osmose - Remember the day-ay/ The night-ight/ All day long/ Whistle in.

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             Encore un passage obligé : Pet Projects - The Brian Wilson Productions, un autre coup fourré d’Ace. L’une des pouliches de Brian Wilson s’appelle Sharon Marie. On l’entend à deux reprises et notamment dans «Thinking Bout You Baby» qu’elle chante d’une voix de suceuse. On la retrouve vers la fin avec «Story Of My Life». Elle remet bien les choses au carré. Mais elle sur-chante tellement qu’elle semble chanter du ventre. Le coup de génie de cette compile est bien sûr le «Sacremento» de Gary Usher. Quelle bombe ! Cut rampant et terrific. Brian & Gary : wow ! C’est bardé de foxy lowdown et de chœurs qui volent bas. Brian et Gary Usher jouent encore avec le feu dans «That’s The Way I Feel». Admirable profusion de génie sonique. L’autre gros coup de Brian Wilson, c’est The Honeys, un trio féminin dans lequel se trouvent Marilyn, sa poule, et Diane la frangine de sa poule. Elles ont le feu au cul dans «The One You Can’t Have». C’est excellent car pimpant, plein de peps, plein de la vie de Brian. Elles continuent avec «Surfin’ Down The Swanee River», elles flirtent avec la magie, ça explose de vie tagada, elles y vont fièrement. Stupéfiante qualité ! On retrouve aussi American Spring, c’est-à-dire Marilyn et Diane, avec «Shyin’ Away». Elles chantent comme une Judee Sill qui serait devenue joyeuse. Le «Number One» de Rachel & The Revolvers impressionne durablement, mais c’est avec Paul Petersen qu’on frémit pour de vrai. Son «She Rides With Me» est une vraie daze de défonce on the beach. C’est même du glam on the beach. Ce vieux renard de Glen Campbell ramène sa fraise avec «Guess I’m Dumb». Il chante mal. On ne comprend pas que Brian le laisse chanter.

    Signé : Cazengler, Family Stome de chèvre/Brian Wilcon

    Brian Wilson. Disparu le 11 juin 2025

    Smile Vibes & Harmony. A Tribute To Brian Wilson. Demilo Records 1990

    Pet Projects. The Brian Wilson Productions. Ace Records 2003

    Here Today. The Songs Of Brian Wilson. Ace Records 2016

    Do It Again. The Songs Of Brian Wilson. Ace Records 2022

    Sly Stone. Disparu le 9 juin 2025

    Sly Stone. Everybody Is A Star (The Sly Stone Songbook). Ace Records 2025

     

    Wizards & True Stars

    - Move on up (Part One)

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             Il est des zactus qui font le bonheur des vieux fans fanés. Prenons un exemple : la parution de Flowers In The Rain - The Untold Story Of The Move. L’auteur s’appelle Jim McCarthy. Vue d’avion, cette actu paraît insignifiante. En 2025, le nom des Move ne signifie plus grand chose. On vit une époque bizarre où les gens écoutent des albums sur YouTube et s’abonnent sur Amazon pour écouter sur leur smartphone les nouveautés que préconise Rock&Folk. Et plus les groupes sont médiocres, plus ça plait. Bien sûr, quand on a eu la chance de vivre les explosions successives que furent celles du rock’n’roll des late fifties, du British Beat des sixties et du Punk 76, il est tout simplement impossible de se satisfaire de toute cette médiocrité ambiante, et encore moins des mœurs qui vont avec. Fuck it ! Ce n’est pas du passéisme, mais l’expression d’une exigence. Quand t’as écouté les Who et les Move en 1966, tu ne peux pas saisir l’intérêt de trucs comme Lady Gogo ou Michael Jackson. Même chose en littérature : tu ne peux pas passer de Paul Léautaud et de son mentor stylistique Stendhal à des zauteurs de polars, ou pire encore, de science-fiction.

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             Il est important de rappeler ceci : pour les gens d’une certaine génération, le nom des Move inspirait le plus profond respect. En France, on les prononçait ‘Ze Mouv’, alors qu’il fallait les prononcer ‘Ze Mooove’, et bien appuyer sur l’oooo pour accentuer le mystère qui entourait le groupe. «I Can Hear The Grass Grow» naviguait exactement au même niveau que «Strawberry Fields Forever», «Over Under Sideways Down», «Midnight To Six Man», «My Generation» et «The Last Time». Ce genre d’hit t’hookait pour la vie. T’avais les Move dans la peau, de la même façon que t’avais les Beatles, les Yardbirds de Jeff Beck, les Pretties, les Who et les Stones dans la peau. Et si on parle de mystère à leur propos, c’est tout simplement parce que les images du groupe étaient plus rares que celles des Beatles et des Stones. Tu croisais Brian Jones dans Salut les Copains, certainement pas les Move. 

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             Bon, le book de McCarthy n’est pas le book de siècle. Il avoisine les 400 pages, composé dans un corps 10 ou 11 et interligné serré. Ce choix typo t’impose un certain rythme de lecture, t’es obligé d’avancer lentement : c’est bien tassé mais instructif. Pour peaufiner le portrait du contexte, on pourrait ajouter sans vouloir être méchant que McCarthy n’est pas une fine lame, mais il cite à très bon escient. Dans Record Collector, Michael Heatley confirme que McCarthy «is no wordsmith». Son book est extraordinairement bien documenté et, petite cerise sur le gâtö, il a rencontré les gens qu’il fallait rencontrer. Mais bon, il faut s’armer de courage pour en venir à bout. Heatley : «The 400 pages of tightly packed text contains much of interest, but the whole requires considerable dedication to navigate.» On ne peut pas mieux dire.

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    Ace Kefford

             La légende des Move repose sur trois piliers : Tony Secunda, Ace Kefford et Roy Wood. Mais avant d’entrer dans le détail des trois piliers, voyons ce qu’on peut dire des Move en tant qu’entité. Au départ, ils sont 5 : Ace Kefford (bass), Roy Wood (poux), Trevor Burton (poux), Bev Bevan (beurre) et Carl Wayne (chant). Comme Sabbath, ils viennent de Birmingham, Brum City.  Des gens comme Tony Visconti les comparaient aux Beatles. Leur règne «of pandemonium and uproar» ne va durer que 4/5 ans. Ils se positionnent comme un «big feedback group based on the Who», mais tapent dans la collection de singles d’Ace Kefford, et font sur scène du «Motown with a big beat.» Ace collectionne surtout les singles Chess. On qualifie les Move de «super-charged Mod-soul cover band.» Dans le groupe, tout le monde chante. Leurs harmonies vocales sont imparables. Ils sont beaucoup trop doués pour leur époque. Ils touchent à tout : la pop, le r’n’b, et le freakbeat. Ace chante les covers de r’n’b et Trevor le «Something Else» d’Eddie Cochran. Roy Wood dispose d’un registre plus haut : c’est lui qui chante «Fire Brigade». Dans le Melody Maker, Nick Jones exulte : «The Move from Birmingham are a stark, loud, flashy hard punch.» Ils tapent une cover du «Stop Her On Sight» d’Edwin Starr. On qualifie leurs harmonies vocales de «soul Beach Boys». Ace chante aussi le «Morning Dew» de Tim Rose. C’est encore lui qui chante l’«Open The Door To Your Heart» de Darrell Banks. Tout est superbement trié sur le volet.     

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             Au temps de leurs débuts au Cedar Club de Birmingham, ils sont à la même affiche que Little Stevie Wonder, Doris Troy, Inez & Charlie Fox. Puis Tony Secunda leur booke une residency le mardi soir au Marquee Club à Londres. Ils prennent la suite des Who qui jouaient là chaque mardi. Ils partagent l’affiche avec Gary Farr & The T-Bones, un Gary qui voit Ace Kefford comme le leader des Move - The one with blond hair! This guy stands out! - Joe Boyd découvre les Move au Marquee : «They were so fucking loud.» Il flashe sur eux. Cet Américain vient de débarquer à Londres et a vu naître ce qu’il appelle le ‘rock’ aux États-Unis avec Bob Dylan à Newport : «It was definitively not rock’n’roll. It wasn’t pop. It was roots-based. In America, everything was based on American roots.» Et il sent aussitôt la différence avec les «Brummie kids and the LSD revolution.» Pour situer leur impact, Boyd cite Moby Grape et Vanilla Fudge. Il amène Jac Holzman voir jouer les Move au Mecca Ballroom. Holzman est impressionné par le groupe, mais le contact ne se fait pas dans la loge. Les Move ne savent pas qui est Jac et ne connaissent pas Elektra. Les Brum kids restent de marbre.

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    Tony Secunda

             Tony Secunda manage les Move. Roy Wood ne l’aime pas trop. Il s’en méfie un peu. Il lui met sur le dos la responsabilité de l’échec des Move aux États-Unis - The failure of the Move in America was down to bad management - We didn’t get the breaks. It was all madness with Secunda. I tried to distance myself from it as far as I could.

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    Carl Wayne

             Sur scène, les Move font feu de tout bois, avec des coups de hache et des stroboscopes. Carl Wayne démolit des télés et une Chevrolet à coups de hache. Un certain Allen Harris affirme que les Pink Floyd ont copié le light-show des Move. Par contre, côté finances, c’est pas terrible. On retrouve les petites arnaques habituelles. Trevor Burton affirme qu’il n’a jamais rien touché à l’époque : «I never got any royalties. I got about £1,000 I think at the end, for everything. Denny Cordell and Secunda had the rest, I think. God bless ‘em!».

    jon spencer,brian wilson + sly stone,the move,fiep,these animal men,patrick geffroy yorffeg,maniard,gene vincentTrevor Burton

             Quand Jimi Hendrix débarque à Londres, il fait des ravages. Tout le monde se fait boucler les cheveux : God, c’est-à-dire Clapton, Ace et aussi Trevor. C’est Jessie, la femme d’Ace, qui leur fait les permanentes. Mais les autres Move se foutent bien de leur gueule - the other members fell about laughing when they saw the new ‘Brum Fro’ perms - John Cooper Clarke les qualifie de «gone wrong Mods». Ce qui les isole un peu plus au sein du groupe. Car Ace et Trevor sont des acid heads, alors que les trois autres sont des beer guys. Le fossé se creuse entre les deux clans, comme il s’est creusé dans Hawkwind et dans Dr Feelgood : les speed-freaks d’un côté (Lemmy et Wilko) et les autres de l’autre. Ace et Trevor boivent l’acide au goulot. Trevor : «It was still legal then». Et il ajoute ça qui est important : «You never knew what the dosage was. I think Ace and I were some of the first people in England to do acid back then.» Trevor poursuit : «It was only Ace and me that took drugs in the Move. We were like kids in the sweet shop. Our other thing was amphetamines. Quand tu joues six soirs par semaine, t’as besoin d’un petit remontant.» Bien sûr, Ace en a abusé et Trevor dit qu’il était déjà «crazy» et que ça ne l’a pas arrangé - And he went off then rails - Et avec son Afro, il a perdu un peu de sa coolitude. Bev dit aussi qu’il portait  des «granny glasses», ce qui n’arrangeait rien. 

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             Les Move vont vite passer du r’n’b à un son plus West Coast, avec des reprises des Byrds, de Love et de Moby Grape. En 1967, nous dit Will Birch, «they were still ultra tight and ultra convincing on stage.» Et le groupe va commencer à se désintégrer. Secunda crée le scandale en s’attaquant au Premier Ministre Harold Wilson et les Move se retrouvent au tribunal. Ils virent Secunda et se rapprochent de Don Arden. Les Move tournent avec Pink Floyd, The Jimi Hendrix Experience et Amen Corner. On dit que ce package est l’un des «best ever to tour the UK.»

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    Hendrix + Trevor

             Début de la fin des haricots quand Ace quitte le groupe. Trevor prend la basse. Au lieu de partager à 5, ils décident de continuer en partageant à 4. Le groupe tient encore bien la route grâce au «Roy Wood eccentric but commercial songwriting.» Puis Trevor Burton quitte le groupe. Il n’a que 19 ans et il fréquente des gens comme Jimi Hendrix. Il ne supporte pas de voir ses collègues commencer à vouloir porter des peintures de guerre sur scène - Well thankfully I left before the warpaint came along - Il ne supporte plus non plus la pop ni «Flowers In The Rain» - I didn’t want to do pop music anymore - Il préfère le blues. Rick Price le remplace. Rick sent tout de suite la tension qui existe entre Roy Wood et Carl Wayne.

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             McCarthy évoque aussi la tournée américaine de 1969 : les Move traversent les États-Unis en bagnole, car ils n’ont pas de budget, donc pas d’avion. Ils montent sur scène au Grande Ballroom de Detroit avec les Stooges. Puis ils partagent l’affiche du Fillmore West de San Francisco avec Joe Cocker et Little Richard. Ils sont cinq dans la bagnole : Bev, Roy, Rick, Carl et Upsy, le road manager.

             Carl Wayne caresse pendant un temps l’idée de ramener Ace et Trevor (The fire of the band) dans le groupe, mais ça n’intéresse pas Roy qui préfère rester sur sa mouture Price/Bev/Carl. Carl se met en pétard et traite Roy d’égoïste. Fuck you ! Et il quitte le groupe.

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             Quand fin 1969 Carl Wayne quitte les Move à son tour, juste après «Blackberry Way», il est remplacé par Jeff Lynne. Avec les départs d’Ace, de Trevor et de Carl, «all the verve, the crazy fire, the wild energy - alas - was all well and truly gone», nous dit McCarthy. C’est là que Roy Wood se peint le visage et passe au very-heavy rock avec «Brontosaurus». En gros, les Move ont échoué là où ont réussi les Kinks, les Who et les Small Faces.

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             C’est l’occasion ou jamais de ré-écouter cette belle box blanche, The Move Anthology 1966-1972, parue sur Salvo en 2008. C’est de toute évidence le meilleur moyen de mesurer le power des Move sur scène. Commence par le disk 2, enregistré en février 1968 au Marquee. Boom badaboum dès «It’ll Be Me», un hit signé Jack Clement que tape Jerry Lee sur un single Sun, et là t’as une idée très claire de ce que veut dire the Move Power. Quel fabuleux ramdam ! Les Move sont alors le groupe le plus puissant d’Angleterre, avec les Who et les Small Faces. Dans le book qui accompagne la box, le mec indique que les vocaux ont été refaits, mais on s’en bat l’œil. Power des Move encore avec «Flowers In The Rain», rien à voir avec la version studio, ils avancent comme un bulldozer, puis t’as «Fire Brigade» tapé au power définitif. C’est gratté aux pires accords de London Town. Trevor Burton prend la chant sur «Somethin’ Else». Ils démolissent tout ! Carl Wayne reprend le micro pour «So You Want To Be A Rock’n’Roll Star», avec Trevor on bass. Ils défoncent la gueule des Byrds. Et ça continue avec «The Price Of Love», Roy Wood joue comme un dieu de la vraie note et ils t’explosent les Everlys aux harmonies vocales. Et ça repart de plus belle avec «(Your Love Keeps Lifting Me) Higher & Higher» et le «Sunshine Help Me» des Spooky Tooth. T’en reviens pas d’entendre un tel son, tout est rempli à ras bord. Ils proposent un mélange unique de Mammoth sound et d’harmonies vocales.

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             Ils attaquent le disk 1 (1966-1968) avec un pur shoot de protozozo, «You’re The One I Need» : du vrai raw to the bone, pure délinquance sonique. T’en avales ta gourmette. On sent bien la patte de Roy Wood dans «Night Of Fear» et «I Can Hear The Grass Grow» sonne comme un classique dès la première mesure. Fantastique pression, chœurs de génie, t’as là toute la magie du Swinging London. Ça te laisse béat. Puis tu tombes sur «Move» by the Move. Hello Jean-Yves. Ils y vont au Move move move !  Ils repartent ensuite au stop the train sur «Wave The Flag & Stop The Train». Quel beau beat ! Ace on bass ! Tu baves devant la fabuleuse fraîcheur de «Fire Brigade». C’est même l’hymne de la nostalgie.

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             Encore pas mal de puces sur le disk 3 (1968-1970). Plus d’Ace, mais une série de cuts qu’il faut bien qualifier de déments. À commencer par ce «Wild Tiger Woman» gorgé de power et de panache. Puis tu entres dans la période heavy des Move avec un «Blackberry Way» digne des Beatles, mais en plus heavy. Roy Wood enfonce encore bien son clou avec «Hello Susie», et t’as ce «Don’t Make My Baby Blue» vraiment digne des Small Faces. Roy Wood pousse l’heavyness dans les orties. Puis tu vas le voir injecter de l’Angleterre dans les Nazz avec un version tonitruante d’«Open My Eyes». Tout y est : le riff, les chœurs, le punch et le Roy d’Angleterre passe même un killer solo à faire baver d’envie Todd Rundgren.

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             On regagne la sortie avec le disk 4 (1969-1972), et tu vois le Roy d’Angleterre larguer les amarres avec un «Brontosaurus» heavy as hell. Ça bat encore tous les records d’heavyness avec le brillant «Turkish Tram Conductor Blues» - A train is coming down the line - il reprend bien le thème à la gratte. Avec son bassmatic, Rick Price vole le show sur «Feel Too Good». Rick est un bon, c’est la raison pour laquelle le Roy l’a intégré. Un  Roy qui attaque «Ella James» au pire gras double d’Angleterre. Il a aussi bien sûr une petite faiblesse pour les Beatles, on la retrouve dans «Tonight». L’allégeance du Roy aux Beatles est totale. Tu veux entendre l’une des intros du siècle ? Alors saute sur «Do Ya». C’est l’un des grands hits intemporels d’Angleterre - Do ya/ Do ya want my love - Il y a quelque chose de royal dans le festif du Roy. Et puis tu vas voir le refrain de «Chinatown» te tomber dessus - See the Western lady/ Walk in Chinatown - T’es dans la magie. Le Roy prend soin de ses sujets. 

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    Electric Light Orkestra

             Et petit à petit, Roy Wood commence à se lasser des Move. Il a d’autres idées en tête. Notamment Electric Light Orchestra. Il va se mettre au violoncelle et y transposer des riffs hendrixiens. Il enregistre quinze pistes de cello - It really was beginning to sound like some monster heavy metal orchestra - Puis il se lasse très vite d’Electric Light Orchestra et laisse Bev et Jeff Lynne le bec dans l’eau. Il va aussitôt monter Wizzard et caresser ses rêves spectoriens.

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             Wizzard revient aussi dans l’actu avec une petite box, The Singles Collection. Les vieux hits glam du Roy vieillissent admirablement bien, notamment «See My Baby Jive», qui est le summum du glam revu et corrigé par le Totor Sound. Le glam de Totor ? Le rêve impossible ! Même chose avec «Angel Fingers». Le Roy fait du Wall pur, on se croirait au Gold Star, avec un sax en prime. «Rock’n’Roll Winter» semble sortir d’un album des Ronettes. Tu restes en plein rêve avec «I Wish It Could Be Christmas Everyday». Le Roy pousse le bouchon de la prod dans les orties. Quelle allure royale ! Quelle déboulade ! C’est lui le Roy d’Angleterre. Wall of Totor Sound encore avec «This Is The Story Of My Love (Balls)». Il chante comme Ronnie Spector, il en est imprégné, il s’en sature à outrance, et il rajoute du sax, ce que n’osait pas faire Totor. Et puis t’as «Ball Park Incident», de wild glam de clameur certaine, le Roy y va au yeah yeah yeah. Il n’y a que les Anglais pour oser ce yeah yeah yeah. Le Roy vire gaga avec «You Got The Jump On Me». Joli retour aux Move. Alors attention, il pique aussi des crises classiques ou de ragtime, en mode jazz-band : c’est plus difficile d’accès, car complètement barré. Sur le disk 2, il envoie pas mal de cornemuses, de swing, d’heavy pop ultra-orchestrée, c’est très éclectique, mais on perd Totor et le glam. Ah la vie n’est pas toujours facile !

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             Dans son book, McCarthy consacre une place considérable à Tony Secunda. La stratégie de Secunda pour rendre les Move célèbres était simple : outrepasser les Who. McCarthy dit aussi que McLaren devait tout à Secunda dont il s’est inspiré pour lancer les Pistols - with his dark Svengali like management style - Secunda utilisait en gros les mêmes méthodes qu’Andrew Loog Oldham, Kit Lambert & Chris Stamp, et Don Arden. Il travaillait l’image du groupe comme l’avait fait le Loog avec les Stones. Sauf que les Move étaient un groupe de «self-styled hard nuts». Comme le fera McLaren après lui, Secunda aimait bien se montrer imprévisible. Les gens qui le côtoyaient le voyaient plus intéressé par le biz que par la musique. Il avait toujours des idées intéressantes, il adorait flirter avec l’illégalité, l’immoralité, voire le danger. McCarthy le compare à Lambert & Stamp et à Andrew Loog Oldham : «Secunda was perhaps the wildest and toughest of all them.» Il rappelle à la suite que Secunda a été «the driving force» derrière les Moody Blues, les Move, Marc Bolan, John Cale et Steeleye Span. C’est lui qui a poussé les Move à adopter un look de gangsters - The Move and Secunda were the most successful mariage of insane publicity, hit making and performative controversy and strength - Le seul groupe qu’on pouvait comparer aux Move était The Action. Secunda a tenté de les récupérer, mais ça n’a pas marché.

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             Marc Bolan surnommait Secunda ‘Telegram Sam’, ou encore ‘Sailor Sam’. Linda McCartney le comparait à un rat. McCarthy ajoute que Secunda a grenouillé dans Londres de 1965 aux années 70, puis il s’est installé aux États-Unis pour devenir agent littéraire, avant de casser sa pipe en bois en 1995, à l’âge de 55 ans. Il avait démarré dans l’organisation de combats de catch puis il s’est occupé de Johnny Kidd. Le Kidd était alors accompagné de Clem Cattini, Alan Caddy et Brian Greg. Ils jouaient pour 30 shillings la soirée, alors Secunda a fait monter les prix pour atteindre 100 ou 150 £ par soirée. Il va ensuite en Afrique du Sud fricoter avec Mickie Most puis remonte à Londres s’occuper de Lesley Duncan. Il passe aux choses sérieuses en découvrant les Moody Blues à Birmingham. La vie de Tony Secunda est un petit résumé du Swinging London. Quand les Move le virent pour le remplacer par Don Arden, Secunda est furieux et dit qu’il va mettre un contrat sur la tête d’Arden. Secunda fera aussi équipe toute sa vie avec Denny Cordell qui démarre en produisant le «Whiter Shade Of Pale» de Procol Harum. Secunda va même essayer de récupérer le management de Procol qui refuse - They refused to accept my guidance and adopted a prima donna manner. They turned down  £100,000 worth of engagements I had arranged for them and that’s an awful lot of bread - Puis il va manager Marc Bolan qui va vite le virer. Pour se venger, Secunda tente de lancer Steve Peregrin Took, mais cette histoire va tourner en eau de boudin, car Took se méfie de Secunda. Took recevait les visites d’un certain Syd Barrett qui remontait à Londres après être rentré chez sa mère à Cambridge. Selon Secunda, on entend Syd sur les enregistrements réalisés chez Took, les fameux «Took ramblings». Secunda tente aussi de prendre Lemmy en main, mais ça n’a pas débouché. Son dernier épisode managérial avec Marianne Faithfull fut bref : elle ne supportait pas les méthodes de Secunda. Il est aussi en contact avec Chrissie Hynde. Il approche aussi les Sex Pistols et s’intéresse plus particulièrement à Jamie Reid. Il conseille ensuite à John Cale de monter sur scène avec un masque à gaz. Secunda apprécie la madness de John Cale : «When the madness hit, it hit hard.»    

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    Tony Secunda

             McCarthy brosse aussi un long portrait de Chelita, la première épouse de Secunda, qui fut en 1970 engagée comme PR par June, la femme de Marc Bolan. Chelita conseillait Bolan en matière de mode. Elle était aussi dealer de coke. McCarthy affirme qu’à eux deux, Chelita et Tony Secunda fournissaient un bon quart de la coke qui circulait à Londres. Et pendant l’âge d’or de T. Rex, elle fut la poule de Mickey Finn. Pour décrocher de l’hero, elle est allée séjourner en 1979 à Trinitad. Elle était bien sûr l’amie d’Anita Pallenberg et de Marianne Faithfull. 

             Le vrai héros du Move book, c’est bien sûr Ace Kefford, lequel Ace déclarait dans une interview : «We’ve been brought up tough at school and on the streets.» Il parle de lui et de Trevor Burton. Il ajoute ça qui est marrant : «My mum and grandad both played the piano by ear. The style was with ‘boxing glove’ left hands.» Son père lui paye une basse - a pink Fender bass like Jet Harris had. I had the Jet Harris look too - Puis il devient Ace the Face. Sur scène avec les Move, Ace devient «a ladies’ magnet and a favourite.» Il joue avec «a dive bombing technique on bass, adding much gusto to the music.» Il gratte une Fender Precision blanche. Le son des Move est alors l’un des «heaviest and loudest music ever played aloud onstage before punk or metal.»

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             Au sein des Move, Ace n’est pas à l’aise, car il n’a aucune éducation. Les autres le lui font bien sentir. Bev : «We were pretty hard-nosed Brummies.» Puis le répertoire change : terminé les belles covers de r’n’b que chantait Ace. Il le vit assez mal. Il chante de moins en moins. Les Move deviennent le groupe de Roy Wood. Quand Ace propose ses compos aux autres, ça ne les intéresse pas. Lors d’une répète, Ace lance sa basse dans le mur et s’en va. Quand «Fire Brigade» paraît, Ace a quitté les Move. Avril 1968. Le même mois, Syd Barrett est viré de son groupe, le Pink Floyd. Un sort que partagent aussi Peter Green et Brian Jones. Roy Wood : «Ace left because he couldn’t handle it. Depuis le début du groupe, aucun de nous ne s’entendait bien avec lui. He was a very strange person. He was very agressive.» Robert Davidson : «Poor old Ace, he was the one who fell in the spring of 1968 and ended up in a mental hospital.» Ace reconnaît que l’acide l’a bien esquinté : «Me and Trevor Burton did loads of acid... But it screwed up my life man. Devastated me completely.» 

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             La légende d’Ace Kefford ne s’arrête pas là. D’où l’intérêt de choper le Move book. Après son retour à Birmingham, McCarthy indique d’Ozzy Osbourne et Jeff Beck sont allés à se recherche, le voulant comme chanteur/bassman. Ozzy a même réussi à le rencontrer pour lui proposer de jouer avec Blizzard Of Oz. Mais Ace le trouve trop cinglé et dit non - I was already an alcoholic then. Also, I didn’t really like heavy metal music. But the main reason was I hadn’t the guts - Cozy Powell l’appelle et lui dit que Jeff Beck le cherche pour chanter dans son groupe. Ace se rend à des répètes à Londres. Jeff lui dit : «After you left the Move, I came looking for you all over Birmingham. Not as a singer but as a bass player.» Ace est fier d’entendre ça, car les Move lui laissaient entendre qu’il n’était pas si bon - Jeff Beck said Jimi Hendrix had rated me and had recommanded me to him. What further proof do you need that you’re a good bass player?

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             Quelle surprise quand on écoute The Lost 1968 album jamais paru d’Ace Kefford. On le trouve sur une compile Castle : Ace The Face (The Lost 1968 Album… And More). Ace chante comme un crack, c’est ce que révèle «Oh Girl». Ace est un chanteur puissant. Par contre, il bouffe un peu à tous les râteliers : il peut faire son Cat Stevens («White Mask») et son Obladi Oblada («Lay Your Head Upon My Shoulder»). Il revient au Move System et à la grosse bass attack avec «Step Out In The Night», mais il faut attendre «Trouble In The Air» pour crier au loup. Et ça gratte sec derrière Ace. Le cut a une fantastique vie intérieure, avec des riffs de clairette et un son de gratte metal. Et tu entends Jimmy Page passer un killer solo flash sur «Save The Life Of My Child». Puis tu tombes sur une série de cuts de l’Ace Kefford Stand, avec les frères Ball et Cozy Powell. Ils démarrent par une somptueuse cover de «For Your Love». Les voilà sur les traces des Yardbirds, avec le beurre fatal de Cozy Powell. Dave Ball se tape la part du lion avec un guitarring flamboyant. Il charge encore bien la barcasse sur «Gravy Booby Jamm». La Jamm est emportée comme un fétu par la rivière en crue, the Ball is on fire, c’est un fou ! Ils tapent plus loin une belle cover de «Born To Be Wild» et le Dave Ball se barre en crouille-martingale. Et t’as un bassmatic de haute voltige sur «Daughter Of The Sun» : Denny Ball vole le show, pendant que son frère passe en roue libre. Ace The Face est partout. Il a la voix. Il monte encore un projet nommé Rockstar et enregistre un «Mummy» sur lequel il sonne exactement comme Ziggy. Il aurait pu devenir énorme !  

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             Qui dit Ace dit Trevor. Trevor n’a que 19 ans quand il quitte les Move. Il jamme avec Jimi Hendrix et les gens de Traffic. Il fait partie de Ball, un super-groupe qui a failli exploser et dont Jackie Lomax fut brièvement le chanteur. Mais Ball est resté lettre morte. En 1970, il joue avec Crushed Butler et enregistre 12 cuts avec le groupe. Ça devait sortir sur Wizard, le label de Secunda. On n’en saura pas davantage. Entre 1971 et 1972, Trevor joue avec les Pink Fairies. On l’entend sur deux cuts de What A Bunch Of Sweeties. Il devient session man pour Island et on l’entend sur le Backstreet Crawler de son pote Paul Kossoff - The Backstreet Crawler one I did with Paul is my favourite - Puis il développe une petite addiction à l’hero. Secunda lui ordonne de rentrer chez lui à Brimingham to clean up - or I was going to die - Trevor suit son conseil et quitte Londres - I went back home to me mothers (sic). I went cold turkey and cleaned myself up - Puis en 1975, il rejoint the Steve Gibbons Band et va y rester 8 ans. McCarthy évoque bien sûr les quelques albums enregistrés par Trevor sur le tard.

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             Il ne faut pas attendre des merveilles de Long Play. C’est un album gratté à coups d’acou. On y entend le vieux Move taper un «Hit & Run» autobiographique et brillant. C’est le seul cut de l’album qui vaille la corde pour le pendre. Trevor fait un peu de Dylanex avec «Poverty Draft», et tape une belle cover de l’«In The Aeroplane Over The Sea» de Neutral Milk Hotel, mais pour le reste, c’est très compliqué.

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             Par contre, tu peux mettre le grappin sur cet album du Trevor Burton Band : Blue Moons. Incroyable qualité du son, t’es hooké aussitôt «Little Rachael» et son joli gras double. Tu savais que les Move étaient une bande de surdoués, mais là, le Trevor t’en bouche un coin. Tu t’attends à un album classique de blues-rock et t’as un big album dans les pattes. Apparemment, le lead guitar s’appelle Maz Matrenko et ce démon de Trevor chante comme un cake. Ils passent en mode puissante country pour un «Buffalo River Home» assez déterminant. Trevor sait blower un roof et il finit à la folie douce de riding home. Il s’impose cut après cut. Sur «When It All Comes Down», le Maz se barre en sucette de solo d’espagnolade demented. S’ensuit un fantastique balladif intitulé «Out Of Time». Ça sonne comme un hit. Trevor lui donne des couleurs. Il sait forcer sa chique. Son «Out Of Time» vaut bien tous les grands balladifs de la Stonesy. Quel album ! Trevor ne prend pas les gens pour des cons. Il s’impose avec un bel aplomb. Avec «If You Love Me Like You Say», il te fait le coup de Freddie King revisité par les Anglais. Il fait le white nigger et y va au raw, et derrière t’as le Maz qui t’amaze. Il joue comme un dieu. On se prosterne une dernière fois devant «Mississippi Nights». Trevor sait rôder dans la paraphernalia urbaine. C’est un fantastique mover-shaker.

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             McCarthy fournit aussi pas mal d’infos passionnantes sur Don Arden. L’Arden commence par récupérer une agence, Galaxy Entertainment, qui gère les carrières des Move, d’Amen Corner, des Nashville Teens, de The Action et de Neil Christian. Il a essayé de lancer The Attack, avec David O’List, mais ça n’a pas marché. McCarthy rappelle un détail essentiel : l’Arden adorait le processus créatif. Il avait aussi investi dans le Star Club de Hambourg en rachetant des parts. Il fut brièvement le manager de Gene Vincent, mais leur relation prit fin le jour où Gene lui mit une lame sous le nez. Le meilleur hommage à Don Arden est celui que lui rend Andrew Loog Oldham : «Here was a Jew that ran London, and thank God!». Le Loog se dit d’ailleurs fasciné par «the larger-than-life characters like Don Arden.» Pour lancer les Small Faces, l’Arden fait appel à Kenny Lynch qui compose «Sha La La La Lies» en 5 minutes. Don Black ajoute à tout cela que Don Arden «was far more rock’n’roll thant Gordon Mills and Brian Epstein.» En 1974, Don Arden monte son label, Jet Records. On trouve dans son roster Lynsey de Paul, Gary Moore, Alan Price et Adrian Gurvitz. L’Arden manage aussi Sabbath. C’est là que Sharon Arden craque pour Ozzy et l’épouse. Et bien sûr, on va retrouver sur Jet l’Electric Light Orchestra de Jeff Lynne.

             Roy Wood va renaître des cendres des Move et s’adonner à sa passion pour le Totor Sound. C’est dirons-nous une évolution logique. Celle qu’a aussi vécue Brian Wilson. Lynsey de Paul sera sa poule pendant un temps. On l’entend d’ailleurs sur «Rock‘n’Roll Winter». Mais les albums de Wizzard, See My Baby Jive et Eddie & The Falcons vont flopper. Ceci fera d’ailleurs l’objet d’un futur chapitre.  

    Signé : Cazengler, The Mou

    The Move Anthology 1966-1972. Salvo 2008

    Wizzard. The Singles Collection. Cherry Red 2023

    Jim McCarthy. Flowers In The Rain. The Untold Story Of  The Move. Wymer Publishing 2024

    Trevor Burton. Long Play. Gray Sky Records 2018

    Trevor Burton Band. Blue Moons. MASC Productions 1999 

    Ace Kefford. Ace The Face (The Lost 1968 Album… And More). Castle Music 2003

     

     

    L’avenir du rock

     - La FIEP du samedi soir

             Campé devant le grand miroir en pied, l’avenir du rock s’ajuste. Il lisse sa flamboyante crinière noire, sort le col pelle à tarte pour bien l’étaler sur les revers de son veston blanc, tire d’un petit coup sec sur le bas du gilet boutonné pour éradiquer les derniers plis et fait glisser les semelles de ses boots pour tester une dernière fois le lissage des semelles en cuir. Il descend dans la rue en chantonnant un petit coup de diskö - You’re stayin’ alive/ Stayin’ alive - et se glisse dans la foule en tortillant bien du cul. Il sait qu’à la terrasse du coin de la rue sont installés Boule et Bill. Justement les voilà. Il retortille du cul de plus belle. You’re stayin’ alive/ Stayin’ alive !

             Boule l’interpelle :

             — Où tu cours comme ça, avenir du rock ? 

             L’avenir du rock s’arrête un moment à leur hauteur, esquisse un pas de danse tout en ondulant vigoureusement des hanches et répond sur l’air de «Stayin’ Alive» :

             — Ahhh Ahhhh Ahhhh 2001 Odyssey/ 2001 Odyssey !

             Boule et Bill sont stupéfaits. L’avenir du rock bat tous les records de concupiscence.

             Boule beugle :

             — Ma parole ! T’es devenu une vraie tapette !

             Bill brait :

             — Tu prends combien, chéri, pour me sucer ?

             L’avenir du rock éclate d’un grand rire cristallin et fait une pirouette sur lui-même, saute en l’air et retombe en ciseau pour faire le grand écart - You’re stayin’ alive/ Stayin’ alive - Il ramène aussi sec ses deux pieds l’un vers l’autre et se redresse comme par magie. Boule et Bill sont bluffés.

             — Où tu veux en venir, avenir du rock ?

             — La FIEP, les amis ! La FIEP !

             — Quoi la fieppe ?

             — Ah ce que vous pouvez être lents à la détente ! La FIEP du samedi soir !

     

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             Parfois, c’est ton jour de chance. Tu descends à cave et tu tombes sur un bon groupe. Alors t’es bien content. Ça te donne une bonne raison de continuer à vivre. Le groupe est hollandais et s’appelle FIEP. Rien à voir avec la diskö, rassure-toi. Parlent dans leur langue. Pas la grosse affluence, mais ça ne les dérange pas. On sent bien qu’ils ont envie de jouer. Ils sont là pour ça. Pour en découdre. Pour enfoncer leur clou dans la paume du beat. T’as deux ou trois mecs sur scène et au milieu une petite blonde en jupe courte avec un look ado, à cause de ses grandes chaussettes blanches. On apprendra par la suite qu’elle s’appelle Veerle Suzanna Driessen. Elle dégage quelque chose. Disons qu’elle rayonne.

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             Dès qu’ils mettent leur set en route, tu sens le souffle. Ils tapent une pop extrêmement énergétique et sont capables de belles montées en neige, le vertige ne leur fait pas peur. Ils vont très vite à percuter et quittent avec une aisance stupéfiante la pop bien construite pour basculer dans des morasses psyché du meilleur acabit. Et là tu ne dis pas oui, mais wow ! T’applaudis des deux mains, car leur élan est d’une sincérité à toute épreuve. T’es vraiment content de voir foncer cette équipe

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     d’Hollandais, ils ne semblent rien devoir à personne, ils proposent des cuts frais et extrêmement dynamiques, te casse pas la tête à essayer de les référencer, contente-toi de savourer leur originalité et leur goût pour le final en forme de champignon atomique, que tu retrouves notamment dans l’ébouriffant «Ha Ha». Si t’as ramassé leur album Fried Rice Moon Bliss au merch, tu vas y retrouver ce joyau en forme de fière évolution du domaine de la turlutte, avec en guise de final, une clameur

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    fantastiquement viscérale. T’es à la fois scié et projeté. Et au milieu de tout ce bordel, t’as la petite Suzanne qui gratte sa gratte en secouant les cheveux. Spectacle complet. Art total. C’est avec ce genre d’exploit qu’ils raflent la mise. À côté de la petite Suzanne, t’as un mec en short qui gratte sa Tele avec une agressivité peu banale, il met une telle opiniâtreté à gratter ses poux qu’il en casse une corde, mais il continue à jouer comme si de rien n’était. Franchement, la FIEP du samedi soir vaut le

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    détour. L’autre cut Kratoïque du set s’appelle «R U Reading», il se trouve lui aussi sur l’album. Ça part en mode poppy poppah et ça s’en va télescoper l’excès de plein fouet, mais avec une rare violence, et la clameur te disjoncte pour mieux te projeter dans la stratosphère, tu passes de l’état de lettre morte à celui d’ectoplasme. Ça veut dire que cette musique te sort de toi et t’exporte ailleurs. Tu n’en demandais pas tant. Il y a quelque chose d’incroyablement jubilatoire dans leur son. Sur scène, ils

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     sont absolument somptueux d’explosivité, tu crois que le cut va leur échapper, mais ils le contrôlent. Pfffff ! Rien qu’avec ces deux sommets du genre FIEPy, t’es gavé comme une oie. T’as tout ce que tu peux attendre d’un concert de rock : la fraîcheur de ton, l’explosivité bien calibrée, l’inexorabilité de la présence scénique, l’originalité des compos et des moments qui culminent pour atteindre la perfection de l’instant T.

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    Signé : Cazengler, FIEP de ne rien faire

    FIEP. Le Trois Pièces. Rouen (76). 2 juin 2025

    FIEP. Fried Rice Moon Bliss. Not On Label 2025

    Concert Braincrushing

     

     

    Inside the goldmine

     - Call me Animal

             Zyzany était baisé d’avance. Avec un nom pareil, t’as aucune chance dans la vie. Tu peux être gentil, intelligent, courtois, prévenant, honnête, sérieux, solvable, cultivé, tu peux avoir toutes les qualités, ça ne sert à rien. En plus Zyzany était assez beau. Il aurait pu plaire aux femmes. Mais dès qu’il disait s’appeler Zyzany, c’était foutu.

             — Comment t’as dit ?

             — Zyzany !

             — Non... Tu plaisantes ?

             Il aurait pu choisir un surnom, du genre Zyzou, ou Zazou, mais il ne voulait pas tricher. Il faisait partie de ces gens très purs qui partent du principe qu’une relation sentimentale repose sur l’acceptation totale de l’autre. Il pensait souvent à cette fiancée de Dieu dont Bruno Dumont fait le portrait dans Hadewijch. Il voyait la relation sentimentale de la même façon, comme un absolu. À sa façon, Zyzany était un mystique. L’amour pour lui était avant toute chose une lumière. Rencontrer une femme, c’était une façon de connaître la révélation. Dans sa grande naïveté, il pensait que ce désir de pureté était réciproque. Il ne savait pas encore qu’il allait passer sa vie à attendre. Il comptait trop sur la providence. Les gens trop purs sont à l’image des agneaux qu’on conduit au sacrifice. Zyzany n’espérait qu’une seule chose : pouvoir enfin partager avec une femme cette notion très pure de l’amour. Les années passaient et chaque fois que l’occasion se présentait, il s’échouait sur le même écueil :

             — Comment t’as dit ?

             — Zyzany !

             — Non... Tu plaisantes ?

             Considérant sa vie comme un échec, et las de se sentir inutile, il partit un beau matin randonner en haute montagne et alla se jeter dans une crevasse. Car il n’était bien sûr pas question pour lui d’aller encombrer un cimetière.

     

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             On peut dire sans crainte de commettre une erreur que Zyzany et These Animal Men ont connu le même destin : trop purs et incompris. Tombés dans l’oubli. Arrachons-les à l’oubli !

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             Il suffit d’une page dans Vive Le Rock pour réanimer d’antiques ferveurs. VLR consacre en effet sa rubrique ‘Rough Guide’ à la New Wave Of New Wave (NWONW), c’est-à-dire S*M*A*S*H et These Animal Men. Il s’agit en fait d’un buzz créé par la presse anglaise au début des années 90, juste avant la Britpop. Deux groupes seulement, mais quels groupes ! On reviendra sur S*M*A*S*H une autre fois.

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             These Animal Men auraient dû devenir énormes. En tous les cas, leurs trois albums valent vraiment le détour. Le Rough Guide mentionne les «controversial lyrics et les confrontational riffs inspired by the fire of punk», mais en fait les Animal Men allaient beaucoup plus loin. Des groupes ont tout le temps essayé de recréer le buzz des Pistols : The Towers Of London ou les early Manic Street Preachers, mais les ceusses qui ont vraiment failli y parvenir sont These Animal Men. Ils sont arrivés en plus au moment ou le Grunge ravageait l’Amérique, et au moment où la house et les raves ravageaient l’Angleterre. Seuls les Stones Roses indiquaient une autre voie.

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             Fans des Stones et des Clash, Julian Hewings et Patrick Murray montent donc These Animal Men à Brighton. Julian : «All the old rock’n’roll stars had started to feel guilty about how successful they’d been. It was trying to pull its big-boys trousers up and be a no-gooder. Fuck that shit, man!». Ils avaient en plus de vraies allures de rock stars, ils trimballaient des looks parfaits, de ceux qu’on ne voit plus guère aujourd’hui dans la presse anglaise, excepté Johnny Marr qui continue de se coiffer, ou Peter Perrett qui n’a jamais cessé de se coiffer.

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             Le nom du groupe vient d’une phrase qu’aurait prononcé Jules César lancé à la conquête de ce qui allait devenir l’Angleterre, c’est-à-dire la terre des Angles. Quand il a vu arriver les Angles, effrayé par leur laideur et leur crasse, il se serait exclamé : «Oh these animal men !» Le chemin a donc été long jusqu’à Oscar Wilde.

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             Bon, t’as trois albums, c’est pas la mer à boire. Le premier paraît en 1994 et s’appelle (Come On) Join The High Society. C’est un fantastique album. Julian Hewings qu’on surnomme Hooligan sonne comme l’early Bowie sur «Empire Building» et «Ambulance». Ses accents à la Ziggy ne trompent pas. Et t’as des lyrics fantastiques à base d’your misfit soul. Il règne sur cet album un fort parfum de glam-punk. Et puis t’as toutes les influences qui remontent à la surface : Small Faces dans «Flawed Is Beautiful (heavy glam-rock), Pistols dans «This Is The Sound Of Youth» (même hargne, wild as fuck), et Who dans «Too Sussed?» (Les accords de clairon sont ceux des Who, c’est un cut écarlate, d’une puissance rare, élucidé de l’intérieur par des chœurs extravertis). Encore du big glam-out avec «You’re Always Right», un glam incroyablement inverti, merveilleusement mouillé, sanctionné par un solo classique pur et dur. «Sitting Tenant» est aussi très clair sur ses intentions, car monté sur un big bassmatic de dub. Jah peut aller se rhabiller. Et en prime, t’as un refrain à la Ziggy. Cut emblématique encore avec «We Are Living» - Nicotine, acohol amphetamine we take it all - Sex & drugs & rock’n’roll à l’état pur. Quel album ! Et c’est passé à l’as, tu te rends compte ? Il finissent avec un slight return sur le morceau titre, bien dans l’esprit du «Rock’n’roll Suicide» de Ziggy.

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             Pochette bizarre pour Too Sussed?, mais morceau titre digne des Who, comme déjà dit. Ils développent exactement le même power ! C’est infernal de véracité Whoish crue. On se croirait sur Live At Leeds. S’ensuit une nouvelle giclée de grande pop anglaise avec «Speed King», et final en big solo flash. Mais en fin de balda, ils finissent par perdre le panache Whoish de Too Sussed. En B, «Who’s The Daddy Now» sonne comme une véritable entreprise de démolition, et ils passent au heavy balladif chargé de la barcasse avec «You’re Not My Babylon». Ils se montrent capables de très gros développements expiatoires.

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             Accident & Emergency sera donc le dernier album des Animal Men. Pochette fantastique, album fantastique, t’es là au max des possibilités qu’offre le rock anglais. T’as du heavy glam dès l’ouverture de balda avec «Life Support Machine», et ça continue avec «Light Emitting Electronical Wave», ça glamme dans la couenne du lard, c’est un glam puissant chanté à deux voix. Quel racket ! «24 Hours To Live» sonne comme un hit et ils plongent dans l’heavy groove Animal avec un «So Sophisticated» bien titillé de la titillette. Par contre, la B est moins bonne. Ils s’énervent un peu sur «Ambulance Man», mais ça reste de l’Animal de zone B.

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             Il existe aussi un mini-album chaudement recommandé : Taxi For These Animal Men. Pour deux raisons : «False Identification», bien secoué du bananier, et «Wait For It», avec son intro du diable et le bassmatic de congestion compulsive bien remonté dans le mix. «Wait For It» sonne comme un hit séculaire. Encore une belle énormité avec «You’re Always Right». Julian Hewings jette son dévolu dans la balance, c’est bardé du best barda in town. Fabuleux, coloré, vivant, one day ! Glissé dans la pochette, t’as un booklet grand format de 24 pages richement illustré qui documente leur voyage à New York pour un concert et une émission de radio dans le New Jersey.  En fait, le texte n’est pas très bon, Paul Moody n’a rien de très intéressant à raconter. Les Animal Men rencontrent l’écrivain Quentin Crisp et ils se font photographier avec lui.

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             Après la fin des Animal Men, Julian Hewings, Craig Warnock et Alexander Boag montent Mo Solid Gold avec le black ‘K’. Après enquête, on découvre qu’il s’appelle Kevin Hepburn. Et quand t’écoutes Brand New Testament, tu ne comprends plus rien : comment un album aussi génial a-t-il pu passer à la trappe ? Ce fut sans le moindre doute le meilleur album de 2001. T’as ce crack de K qui allume aussitôt avec «Prince Of The New Wave», vite soutenu par l’Hammond de Warnock et le punk guitarring d’Hooligan Hewings. T’as un mélange sidérant de black Soul et de punk-rock britannique. Cocktail définitif ! Tout est puissant et ultra-joué sur ce Testament. «Love Keep On» est assez proche de ce que fait The Heavy dans la déclaration d’intention. Et voilà l’explosif «Spooky Too» qui va bien au-delà des espérances du Cap machin-chose, ils percent les blindages, aw Lawd, ils travaillent une formule ambitieuse. Plus loin, t’as «Personal Saviour» monté sur un petit riff sixties de type Spencer Davis Group et K te chante ça comme un crack black. Il fait ensuite son Tom Jones avec «Ghost In My House». Big voice ! Et puis on va taper dans les coups de génie avec «On My Mind» et «Mo Trilogy». K chauffe bien son attaque  d’You’re/ You’re on my mind. Il y va au croon de charme et arrache littéralement le cut du sol, cette brute shoote comme un wild-as-fuck, il monte son you’re in my mind très haut, il fait autorité, il en fait une merveille historiographique, Aw K, Black Power man ! Quel aplomb d’airain ! T’as aucune comparaison. Il te plaque son cut au ciel avec un timbre cinglant et avec le power d’un dieu, tiens, on va en prendre un au hasard : Zeus ! Si tu veux bien imaginer un Zeus black. Avec «Mo Trilogy» c’est encore pire : il bat les Righteous Brothers à la course. K est un géant. Il monte même au-dessus des géants. Cette attaque en hauteur est unique au monde. Il monte une deuxième fois et t’explose l’Ararat qui s’dilate. L’album aurait dû smasher, au moins en Angleterre. T’en sors complètement scié.

    Signé : Cazengler, animé

    These Animal Men. (Come On) Join The High Society. Hi-Rise Recordings 1994

    These Animal Men. Too Sussed? Virgin 1994

    These Animal Men. Taxi For These Animal Men. Hi-Rise Recordings 1995

    These Animal Men. Accident & Emergency. Hut Recordings 1996

    Mo Solid Gold. Brand New Testament. Chrysalys 2001

    A Rough Guide To The New Wave of New Wave. Vive Le Rock # 99 - 2023

     

    *

             Il n’arrête pas, il joue d’à peu près tous les instruments, il dessine, il peint, il sculpte, il photographie, il lit, il écrit, il chante, il compose, il est blues, il est rock, il est jazz, il commet tous ces crimes et tous ses cris, tranquillou mais en transe intérieure, chez lui.

             Dans notre livraison 686 du 17 / 04 /2025 nous présentions un de ses objets sonores difficilement identifiables, en tant que serial-admirater nous récidivons, oreilles chastes n’écoutez pas, vous seriez les prochaines victimes. Toutefois nous vous accordons quelques minutes de répit avant que vous ne passiez à la casserole. Auditive.   

             Juste quelques notes préliminaires. Cette vidéo est un mix. Cette kronic aussi. J’y ai mêlé les cinq strophes du poème Danse sacrée avec le feu composé par GFY en hommage à Jimi Hendrix. L’œuvre sans guitare est composée pour deux instruments, Shehnai et percussions. Tous deux joués par GFY.

             Le Shehnai est un instrument indien, une espèce de flûte baryton pas très longue mais à hanche double. Il est utilisé lors de cérémonies dans les temples et accompagne de nombreuses festivités familiales. Le shehnai ne se joue pas en solitaire, il faut plusieurs shehnai (pour faire un chevaux suis-je tenté de dire) pour composer un orchestre. Je suppose que plus on est riche plus on se doit d’embaucher de musiciens. Au naubat ainsi formé vous ajouterez un khurdak qui comme chacun sait est une petite percussion. Le khurdak de PGY semble fait d’éléments de batterie et de cuisine. De break et de brocke.

    SACRED DANCE WITH FIRE

    PATRICK GEFFROY YORFFEG

    (YT / 2021)

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    Quelques notes comme un signal, un shehnai de trompette, P.G.Y veut-il alerter le monde. Lève fièrement la tête comme un légionnaire romain qui s’apprête à souffler dans un buccin, et le miracle se produit, en sourdine un deuxième shehnai se joint à lui, sont deux maintenant à jouer, à se répondre, un dialogue avec soi-même, est-ce pour cela que l’image se dédouble, que vous avez deux ombres qui marchent côte à côte comme disciple qui côtoie Aristote, une ombre facétieuse qui joue à l’ombre qu’elle n’est pas sur le mur, le son est-il aigu pour les tympans obtus, coupure infinitésimale, pas le temps de compter les décimales,  Geffroy nous tourne le dos, le voici qui tapote, comme s’il beurrait des biscotes, ne pas casser la cavalcade, et pendant que le gong  gondole et mirobole  son son, le cri perçant du shehnai revient,  combien sont-ils, n’empêche que Patrick ne l’écoute point accaparé par sa console sonore de timbalier au chagrin, tape de ses deux bras, s’en rajoute deux en surimpression, décalcomanie psychique hindienne, aspire-t-il à être Shiva, le dieu destructeur à mille mains, explose une pétarade de shehnais qui montent à l’assaut, le combat dure longtemps, l’image se couvre d’une teinte brun-rosé, il souffle dans son shehnai, l’art est-il avant tout un combat contre soi-même, une apocalypse criarde d’égo survolté qui se dynamite de

    Le roi soleil électrique

      perce le mur du son

        sur sa guitare noire

           Fender Stratocaster

            où mille doigts de feu

              dansent sur les cordes

                à la vitesse de l'éclair

                  jusqu'à fendre l'air.

     l’intérieur, avez-vous entendu le son du Shehnai le soir au fond d’un bois, si oui : j’ai le regret de vous annoncer que vous êtes déjà mort, imaginez un nid de serpents qui sifflent dans vos oreilles, le Geffroy l’a pas froid aux esgourdes, il fait comme s’il ne les entendait pas, il caresse la peau de ses tambours, il maillote avec délicatesse, il percute sans rut, le mec qui se fiche des stridences des cornemuses des régiments écossais, ces farouches highlanders qui filent droit vers lui dans son dos, lui cisèle la petite touche, celle qui amplifie la catastrophe, il orchestre sa symphonie du désastre comme s’il marquait précautionneusement le rythme d’un chant d’oiseau de Messiaen, ayant le souci que le passereau effarouché ne s’envolât vers de nouveaux cieux radieux, le shehnai lui il s’en moque, de temps en temps il se lance dans solo à circonvolutions multiples à la Miles Davis, ou alors avec ses copains dans une immonde klaxonade mexicaine, un petit coup de l’adieu aux armes martelée avec vigueur, suivi d’un concours de shehnai à qui sifflera le plus longtemps, le plus lointain, jusqu’à expiration, le PGY interrompt sa trépanation temporaire pour s’emparer

      Sur ce point orgasmique de l'univers

        c'est là que tout se joue,

          c'est aussi là que tout commence,

            jusqu'à dérive tire lyre

              les strates de la terre,

                dans la démesure azurée

                  de la note bleue

                     qui vibre à perdre haleine.

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    de son shehnai personnel et se lancer dans un interminable glissando sur le dos d’un do mineur qui tente le grand saut dans le néant, vers l’interruption de grossesse métaphysique, un contre-rut inédit, mais non il s’est échappé, il file tout droit, inutile de l’estabousier d’un grand coup de cymbale, parfois la musique se libère du musicien et s’en va battre la campagne, une fusée interplanétaire qui vous lape la voie lactée d’un seul coup de langue, et drôle de bruit elle s’enfonce dans un trou noir, le gong sort donc de ses gonds car il n'entend pas ne pas l’accompagner, l’entraide est le meilleur moyen de survivre a écrit Kropotkine, alors batucada de barricade et section de cuivres boisés partent ensemble, elles courent pour qu’on ne les rattrape, on croit qu’on ne les reverra jamais plus, surprise les voici, pour se faire pardonner le shehnain ous refile un solo de sax à s’y méprendre, puis

      Vibrations originelles

        à pleines dents,

           à pleine bouche

            de l’univers,

              où voûte crânienne

                 et voûte céleste

                  se confondent.

    un tremblement de trompette entre barrissement déchiqueté d’éléphant tuberculeux et un spasme méticuleux à la Ravaillac écartelé par quatre chevaux, serait-ce un adieu ou un appel, l’on ne saura jamais, nous parviennent des éclats, des brisures, des emballements, sans fin, sans fin,

      Oh Jimi !

        grand fleuve d'amour

          tu retournes

            à la source du blues océanique.

    un crépuscule qui ne veut ni s’éteindre ni se raviver, une stagnation inouïe, une splendeur symphonique sabotée à grands coups battériaux, rien n’est plus têtu qu’un Shehnai qui ne veut pas mourir, il expire, la dame aux camélias sur son lit de mort n’a jamais réussi à pousser de telles clameurs rauques, de tels vagissements de nouveau-né à peine jailli du ventre de sa mère que l’on se hâte d’enfouir tout de suite en terre dans un cercueil capitonné, car il est des présences inhumaines qui nous sont interdites.

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      Ta musique coule

        dans les veines du temps.

          Tu as ouvert en grand

            les portes des paradis artificiels

              où

                tout

                  vole

                    en

                      poussières

                        d'or

    Musique de nôtre temps, mais d’une autre temporalité.

    Damie Chad.

     

    *

             Il est des titres qui vous attirent. Surtout lorsqu’ils semblent aller à l’encontre des représentations les plus habituelles. Le point de départ de ce qui, in fine, a donné à Einstein l’idée de la théorie de la relativité est d’avoir entendu les clochers de sa ville, chacun fièrement dressé dans son quartier, sonner l’heure, pas tout à fait à la même heure, quelques secondes avant ou après, voire selon un intervalle d’une minute les uns par rapport aux autres. Vous en auriez conclu que les horloges étaient décalées qu’il y en avait sûrement plusieurs en retard ou en avance. Einstein en a simplement déduit que chaque clocher possédait son propre temps, ou ce qui revient au même, que le temps n’est pas le même selon l’endroit où il se trouve. Un  sophisme pensez-vous ? Qu’en savez-vous au juste ? Le propre du génie ne serait-il pas de tirer d’une observation primesautière, une règle qui exprimerait une loi fondamentale – n’oubliez pas que dans ce mot vous avez le fond mais aussi le mental, preuve qu’il se passe autant de choses dans l’univers que dans votre esprit. Bref jugez de ma stupéfaction lorsque m’est apparu le titre de cet album :

    FRAGMENTS OF TIME

    MANIARD

    (Bandcamp / Mai 2025)

             Ils ont sorti un premier EP trois pistes en 2013, z’ont dû se perdre durant un long moment dans une boucle de l’espace-temps, j’opinerais pour la Norvège, dont ils ne sont parvenus à s’échapper qu’en 2024 pour produire deux morceaux que l’on retrouve sur cet album.         

             Le groupe est domicilié à Bordeaux. J’imagine que Maniard est le nom d’un hameau perdu au fond de l’Aquitaine, mais je n’en sais fichtrement rien. Sont trois : honneur à la demoiselle : Tara Vanhatalo : basse / Thomas Vanhatalo : voix, guitare, claviers / Thibault Guezennec : drums.

    Plus prosaïquement parlant, la sœur et le frère avaient formé un groupe dans leur jeunesse, ils ont décidé de compiler sur cet album les morceaux qu’ils avaient écrits tout au long de tout cet entre-temps passé… Une manière somme toute proustienne de le retrouver…

    L’artwork attribué à Romain Meyraud est assez étrange, il oscille sans arrête entre abstraction lyrique cosmologique et personnages de bande dessinée déjantés, tout dépend du temps que vous passerez à le regarder.

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    Fragments of time : grondement lointain, qui grossit de plus en plus dans notre ouïe, pas d’image, nous sommes comme des aveugles qui s’apercevraient que nous situons juste au début du film, juste le défilement du générique, nous imaginons le choc titanesque entre quoi et quoi nous ignorons tout de la calamité qui va se produire, ben non on appréhendait le pire, l’on a droit à un résumé, soyons juste le speaker a un bel organe (demoiselles un peu de tenue) c’est beau, très poétique, on s’y laisserait prendre, la voix des sirènes homériques frappe encore, incroyable mais vrai c’est déjà fini, quelque part on a  pour notre argent, chrono en main, en deux minutes tout est dit, rien n’est caché, toute l’histoire de l’univers, certes pour les détails c’est râpé, je ne vous révèle pas les derniers épisodes, remerciez-moi pour les cauchemars évités, vous vous reconnaîtriez si facilement en heroes of tne very bad end. . Valley of the Gods : entrée fracassante, technicolorique, l’orage gronde les cymbales pépient comme les oiseaux du malheur du lac Stymphale, travail herculéen de Thibault sur sa batterie, le frère et la sœur vous roulent un riff qui huhule comme le tonnerre, tout reste en suspension, presque à mi-voix Thomas vous conte un conte fantastique, vous qui êtes promis par Baudelaire à devenir une putride charogne, vous voici conviés à un merveilleux voyage vers la vallée des Dieux, du coup le riffage bénéficie d’ un regain d’activité, vous avez un solo qui vous tire les tripes pars par les trous du nez, quelle merveilleuse odyssée, la tension monte, vous sentez que l’on va débarquer dans le nirvana, la musique se condense comme la poudre dans le fût du canon. Vous voici au stade ultime. Charogne tu es, charogne tu resteras. Forgotten songs & the Colossus : le tonnerre gronde sur la mer, les vagues sont violentes mais une guitare vous masse agréablement le cerveau, une douceur chantonne comme un chardonneret, faut que Thomast vienne vous raconter, du fin-fond d’on ne sait où des promesses peu agréables, les instrus font du bruit pour qu’on ne l’écoutiez point, mais le message passe. Ce n’est pas la première fois que vous accédez au cycle des renaissances, mais la statue du Commandeur, serait-ce le méchant ogre, s’érige au-dessus de l’univers. Son nom : il vaut mieux l’ignorer, le grand manipulateur. Définitif. Vous ne lui échapperez pas. Sont sympathiques ils vous tressent une longue guirlande musicale belle comme une illumination du sapin de Noël de votre enfance, elle clignote mollement. Ne rêvez pas c’est l’univers qui se désagrège. Black mountain : Brr ! Thomas scande selon une persuasive douceur l’hymne des pénitents de la montagne noire, un riff s’élève aussi mortel que le requiem de Mozart, Thomas ne cache plus son jeu, il éructe, il menace, il vomit, pourquoi Tara colorie-t-elle le monde de la noirceur de sa basse, Thibault enfonce les éclats de verre de la guitare tranchante de Thomas dans votre corps de supplicié, la souffrance mentale vous entraîne en une autre dimension, marche nuptiale claviérique, le grand secret vous est révélé, vous qui tentiez d’escalader la montagne noire, savez-vous qu’elle est formée de la cendre des morts, qu’à chaque instant elle grandit, et auriez-vous le courage de vous élever, participerez-vous au triomphe de la sombre montagne. The

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     machin roll on : Orgue séraphique, l’on vous a adressé une proposition, acceptez-la, refusez-la, on s’en fout, que vous soyez avec ou contre la machine du monde, elle continuera à fonctionner pareillement, sans vous ou avec vous, oui c’est un peu triste, les voix se font douces pour faire passer la pilule, vous voyez que dans votre malheur l’on fait tout ce que l’on peut pour apaiser votre désespoir. Inutile d’être triste. Ce sentiment disparaîtra avec vous.The walkin eye : boucan riffique. Le soleil vous gueule dessus. Se présente comme l’œil limpide de l’univers. Adorez-le, vénérez-le comme un Dieu, il connaît toute l’histoire, elle a défilé dans la prunelle de ses yeux, il a vu tant d’horreurs, maintenant il enrage, la mort triomphe, ne s’attaque-t-elle pas à lui aussi, après avoir vu périr l’l’humanité ne serait-il pas en train de dégénérer  à son tour. Le tapage musical veut-il imiter son entrée en agonie. Cassiopeia : Andromède la fille de Cassiopée fut sauvée in extremis, alors qu’elle était attachée nue sur un rocher attendant le monstre matin dépêchée par Poseidon pour la dévorer, par bonheur  Persée survint juste à temps. Une belle histoire qui se finit bien.  Inutile de vous en convaincre alors que votre corps est en train de pourrir dans l’irréversible processus de votre mort. L’espoir fait vivre même quand l’on est mort, c’est pour cela qu’au début quelques notes toute claires de clavier embaument votre imagination, ensuite ça se gâte, pas de souci à vous faire, la batterie qui pilonne ne vous laisse aucun espoir, mais l’ampleur sonore vous emporte vous et votre rêve, loin, très loin, en plein cœur des étoiles, mais vos forces vous abandonnent les remous de la désespérance vous assaillent, que trouverez-vous au bout de l’éternité de la mort, c’est un peu le morceau symphonique de l’opus, l’on est plus près du prog que de Black Sabbath, la musique océanique vous emporte, vous et votre cadavre êtes poussés dans la moulinette de la destruction, de ce maelström profond vous reviendrez, votre coops déchiqueté se reformera, votre âme reconstituée s’y logera et vous serez de retour. Victoire.… Scattered across an Ageing Cosmos : Le titre est un vers du premier morceau, le poème recommence, le poème continue, vous voici une nouvelle fois au début du cycle, vous vivrez et vous crèverez, Thomas exhibe toujours son bel organe, mais pourquoi ces étranges grésillements, la machine déraille-t-elle, coupure. Ce morceau encore moins long que la première fois. A chaque tour le monde s’use-t-il davantage… Un jour le retour ne reviendra plus. Vultures wait : Triste fin, chez Maniard, ils ne sont pas Mani-hard, vous avez droit à un cadeau, pas de fin d’année mais de fin de cycle. Ultime bonus track. Ne vous précipitez pas pour l’ouvrir, vous connaissez le contenu. Vous refont une fois de plus toute l’histoire. L’ouverture n’est pas vraiment gaie, normal c’est une fermeture. Tous les motifs de l’opus repassent dans vos oreilles. Un comprimé de quatre minutes. Toujours cette voix mixée en arrière, une idée merveilleuse, de quoi rabattre la vanité des chanteurs, toujours sur le devant de la scène et là tout au fond comme s’il coulait au fond de la Seine. Oui les vautours, comme toujours auront le dernier mot, ils vous attendent, imaginez-les perchés sur une branche commedans la B.D. de Lucky Luke, oui mes frères vous êtes malchanceux, car cette fois-ci, ils vous la font à la dernière mode, le monde renaît puis il meurt. Non il n’est pas détruit en un gigantesque feu d’artifice tuhu-bohuque final, se sont mis au goût du jour, on aurait espéré un scénario démentiel, les moustiques tigres, les fourmis rouges, les araignées noires, les extraterrestres, ben non, font comme dans les media mainstream et les réseaux  sociaux, ils nous refont le coup du changement climatique. Mais cette fois définitif. Perso je suis un peu déçu par cette tarte à la crème sans sucre ajouté. Vous n’êtes pas obligé de me suivre. Surtout que l’opus est  bon. En plus ils vous en donnent plus qu’ils n’en promettent. De simples fragments temporels, un peu des pages arrachées à un livre. Et plouf ils vous racontent l’Histoire de l’Univers depuis son auto-extraction du néant jusqu’à son extinction. Z’ont même le souci de ceux qui ont la comprenette lente, ils vous la racontent plusieurs fois. Et à chaque fois c’est un nouveau régal.

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             Un seul défaut pour faire plus vrai, ils auraient dû continuer jusqu’à la fin du monde. L’on ne s’en serait pas aperçu !

    Damie Chad.

     

    *

    C’est un ensemble de quinze vidéos, pas très longues, souvent constituées de plans fixes. Des interviews : une caméra, quelques questions, l'interviewé. Des témoins qui ont connu, travaillé, avec Gene Vincent parlent. Ils ont tous le sale défaut de s’exprimer en langue anglaise, mais il suffit de cliquer pour accéder aux textes prononcés. Ce n’est pas idéal, mais ça aide beaucoup. Elles ont été enregistrées par Kenneth van Schooten entre 2003 et aujourd’hui. La plupart de celles réalisées jusqu’en 2014 l’ont été par Julie Ragusa. Julie et Kennetfh possèdent les droits de ces productions. Ils nous permettent d’en profiter, remercions-les !

    Vous avez aussi d’autres vidéos rock’n’roll sur la chaîne YT : VanShots – RocknRoll Videos. Vous y trouverez aussi son Instagram, seulement neuf posts.  Notre méthode sera simple. Nous écouterons les vidéos dans l’ordre de leur numérotation.

    The Gene Vincent files #1: Lemmy talking about Gene Vincent and the early days of Rock and Roll.

             Bien sûr nous rencontrerons d’autres artistes dont les noms nous viennent plus souvent en mémoire dès que nous pensons à Gene Vincent. Commencer par le leader de Motörhead nous semble une bonne idée, c’est attirer sur Gene l’attention de trois générations, hard rock, heavy metal, et metal pour lesquelles il demeure peut-être un inconnu. Les amateurs de rock se souviennent que Lemmy a formé avec Slim Jim Phantom le groupe : The Head Cats.

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             Lemmy se souvient d’avoir entendu Be Bop A Lula en 57 ou 58. Il connaissait déjà Bill Haley et Elvis Presley. Mais celui à qui les gamins voulaient ressembler, c’était Gene Vincent. Il a rencontré en Angleterre quatre ou cinq fois backstage. Gene était toujours bon sur scène, même vers la fin, toutefois il buvait beaucoup pour supporter la douleur de sa jambe. L’était difficile d’accès à cause de son état. Question de musiciens Lemmy préférait  les Blue Caps même si l’orchestre de Little Richard jouait mieux. Oui il a assisté à la naissance su rock anglais. Cliff Richard était toujours souriant… Il préférait Billy Fury. Le rock plaisait d’autant plus aux jeunes que les parents haïssaient très fort ce genre de musique. Oui il a vu Gene pour la première fois en même temps que  les Gladiators. Il était accompagné par les British Blue Caps, des gars coiffés d’une caquette bleue… peut-être étaient-ce les Tornados. Sa chanson préférée de Gene est I’m Goin’ Home enregistrée avec les Sounds Incoporated. C’était le groupe parfait pour Gene.  Griff le saxophoniste faisait la roue tout en jouant du saxo. Pourquoi Gene était-il davantage connu aux USA qu’en Angleterre, tout comme Buddy Holly d’ailleurs, en Amérique Gene n’était pas dans  les clous, il n’était pas assez beau, ils n’ont pas su trouver le truc pour le promouvoir. Les américains n’aimaient guère le rock’n’roll, ils préféraient Bobby Ryddel.  Gene a compris qu’il pourrait faire davantage d’argent en Angleterre et en Europe, en France il était un Dieu, pour sûr Lemmy est au courant de  l’accident,  il hésite entre 1960 et 61, Eddie Cochran est mort, il ne l’a jamais vu sur scène, je me souviens très bien de tout cela. Les musiciens anglais qui ont du succès ont-ils été influencés par des gens comme Gene Vincent, alors que Gene connut des temps très durs ? Les gens aiment bien les vieilles choses mais aussi les nouveautés. Alvin Stardust était anglais, il connaissait Gene et Vince Taylor, il s’est habillé de cuir noir, il connaissait la chanson… Pourquoi Gene a-t-il eu tant de mal avec ses managers et les labels. Vous qui êtes dans le métier depuis quelques années comment doit-on faire pour avoir toujours du succès ? Je n’ai eu du succès que durant cinq ans, et puis le business c’est de la merde, ils se préoccupent de ce que vous vendez, c’est comme des boîtes de haricots, vous devez comprendre que ce sont des hommes d’affaires, ce ne sont pas des artistes, ce ne sont pas des amoureux  de musique, ce sont juste des hommes d’affaires, vous devez le comprendre, pas besoin de parier dessus, ce sont toujours les mêmes, vous savez c’est toujours pareil maintenant… pensez-vous que sa musique ait eu une influence sur les groupes dans lesquels vous jouez ? oui nous faisons ses morceaux, que nous avons l’habitude de faire. Nous faisons She she Little Sheila, Be Bop A Lula, puis dans un autre groupe nous jouions I’m Going Home, mais nous n’avions pas de saxophone, c’était moins bien,.. Pouvez-vous me dire l’influence de la musique de Gene Vincent sur la musique en général ? Je ne sais pas il est surtout considéré plutôt comme un symbole que comme un chanteur, car il n’a pas eu un tas de hits, vous savez il est un peu comme une icône en cuir noir, et cette étrange allure, ces jambes plantées comme des bâtons derrière lui, et cette façon de passer la jambe par-dessus le micro, c’était vraiment bon, et il a tourné comme cela durant des années et des années, il était comme Motörhead, comme cela oui, toujours le même, il n’est pas mort si jeune que cela, il devait avoir  quarante ans,  non trente-six, non non, il était plus vieux que cela, déjà dans la Navy, il déjà chanteur, il devait avoir dix-huit ans, si en 54 dans la Navy il les avait,  il devait être plus vieux que trente-six ans, n’est-ce pas. Ça se pourrait. Peu importe ce que je suppose, mais vous savez tout ce qui lui est tombé dessus, ses blessures et sa bouteille qu’il buvait avant d’entrer en scène et une autre en sortant, sans compter tout un tas de médicaments qu’il prenait probablement en plus, et je pense qu’il a tenu ce régime pendant

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    longtemps…  Pensez-vous qu’il a eu la reconnaissance qu’il méritait durant sa vie sachant tout cela ? Vous savez l’Amérique s’est vite détournéE de lui, quand il n’a plus eu de hits, après I’m Going Home, un hit qui n’était pas en Amérique, vous savez tout un tas de personnes ne reçoivent jamais la reconnaissance qu’ils méritent, je pense à Elvis, ce fut énorme, mais il n’a pas eu de reconnaissance pour la première partie de sa carrière, les gens se souviennent de Las Vegas, je veux dire que pour moi il a été le premier chanteur, le premier chanteur de rock’n’roll, je sais il y avait eu Bill Haley, mais nous ne parlons pas de la même chose ce petit gars enrobé avec son attache-cœur, rien à voir avec Elvis, la première icône, Gene Vincent était très loin de lui, je ne pense pas que beaucoup de ces gars n’ont pas eu une  reconnaissance semblable dans leur vie, quand ils étaient dans la fournaise. J’ai monté ce groupe de rockabilly the Head Cat, a side project, j’ai récolté des tas de remerciements de gens branchés rockabilly, vous savez nous parlons de ces vieux gars, Gene Vincent, Lemmy and the Rock Hats, il était un grand fan de Gene Vincent, vous savez ce n’est pas comme quand vous parlez à Gene Vincent, c’est à eux que vous parlez… Les Teddy boys et les Rockers vous disent-ils que vous faites partie de cette tribu ? Mon frère était Teddy Boy j’ai hérité de ses jackets plus tard, je n’étais pas assez vieux pour être un Teddy Boy, mais je me souviens de lui, je m’en souviens bien, ils avait l’habitude de me montrer les hameçons enfouis dans le tissu de leurs jackets, bref si vous vous emparez da la veste, vous n’allez pas bien loin, les vieux teddies restent dans leur territoire, ils ont l’habitude de gauler les noix entre eux, les américains ne comprennent pas que durant des années et des années vous seriez capable de faire un sort à n’importe quel américain, vous ne pourriez pas comprendre que l’on vient vers vous pour se battre, ils se battent comme s’il y avait toujours un léger avantage à être dans une entourloupe. Vous vous êtes battu un max ? Tout le monde se bat un peu quand vous avez quinze ans. Vous devez rester vivant à l’école, je pense que les gamins sont les personnes les plus cruelles sur cette terre. Si vous voulez un bon tortionnaire, embauchez un gamin. Merci beaucoup. 

    The Gene Vincent files #2: Billy Zoom sharing his experiences as a guitarist in Gene Vincent's band

    Zoom est un nom un peu étrange, X peut paraître inconnue, mais tout s’éclaire si l’on précise que Billy Zoom a formé le groupe X en 1977 à Los Angeles. Que l’on a souvent dénommé punk. Quand on aura rajouté que les punks ont réendosser le cuir, et que Ray Manzarek des Doors a produit les premiers albums de X, l’on se dit que l’interview du guitariste de Zoom risque de nous révéler quelle a été l’influence post-mortem de Gene Vincent sur le futur du rock, l’on rajoute les accointances de   The Clash avec Vince Taylor, et l’on se souvient de la kronic du Cat Zengler sur Johnny Rotten dont le père était un passionné de Gene Vincent…

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    Well, une agence d’Hollywood nommée Musicians Contact Service, une sorte d’agence de rencontre pour musiciens, un batteur avec des guitaristes par exemple ou s’il vous manque un bassiste dans votre groupe vous contactez le service, ils vous mettent en relation avec plusieurs personnes, Gene et son manager voulaient monter un orchestre pour Gene Vincent et ils voulaient une liste de guitaristes qu’ils voulaient embaucher, je suppose que Sterling le boss du Service a répondu, j’en ai seulement un à disposition, il vous ferait bien l’affaire, il est parfait, c’était moi, ils m’ont appelé, j’ai répondu que je   terminais un engagement avec Etta James.  Le temps de rentrer, un message m’attendait, disant si tu veux jouer avec Gene Vincent appelle ce numéro. J’ai été grandement surpris, le numéro que m’avait laissé le gars ne répondait pas, à cette époque nous n’avions pas de machine pour répondre, ils ont laissé un message à mon voisin, qui ne connaissait pas Gene Vincent, Gene Vincent, son manager habite in Laurell Canyon, je pars là-bas avec mon matos, je le sors et j’ai eu le job. Nous jouions déjà  dans un gros club de rock’n’roll sur Sacramento, nous étions quatre dans le groupe, un roadie, Gene, Marcy et les trois gamins, bref il y avait dix personnes et le manager de Gene avait réservé une seule chambre dans un motel, pensant que ce serait suffisant car il était le manager et tous les autres des idiots, nous avons dû nous fâcher, passer un tas de coups de téléphone, nous avons finalement obtenu une deuxième chambre, Gene, Marcy et les trois gamins dans l’une, et le groupe dans l’autre, le roadie dans une autre, voilà l’histoire, vous savez elle est typique de la manière dont les choses se sont  passées, toujours dans la plus totale inorganisation, quand nous allions discuter avec Gene chez son manager, il y a des pelletées de guitaristes dans le coin, Gene devait chanter tout de même, le manager n’avait aucune idée de la situation et de ce dont nous avions besoin, que nous ayons besoin d’un micro ou autre chose, alors j’ai dit j’ai un micro et un pied dans ma camionnette, prenons-les, ainsi Gene s’est branché  dans l’ampli de ma guitare et a pu chanter, durant les concerts Gene disait toujours : ne te tracasse pas pour le son original, fais juste comme tu le sens. Je me souviens que nous n’interprétions pas un maximum de morceaux de Gene, parce que l’on ne pouvait trouver des disques de Gene. Gene n’avait même pas un simple en distribution. Vous ne pouviez pas en commander, il n’y avait pas d’internet, ses disques n’étaient plus réédités depuis des années, les boutiques de disques n’en possédaient pas dans leurs rayons, si vous en vouliez il fallait aller en Angleterre, ou en France. Pour nous en souvenir, vous pouviez les écouter sur les radios comme quand on était jeune, nous jouions tout un lot de de Jerry Lee Lewis, des reprises de Chuck Berry, Gene avait récemment enregistré un album in Nashville il essayait de le sortir mais il était malheureusement incapable de faire un deal, il avait enregistré Sunday Morning Coming Down de Kris Kristopherson, qui fut plus tard reprise par Johnny Cash, à cette époque le morceau était tout nouveau, c’était la balade du set, je jouais de la flûte en intro et du piano électrique sur le pont,  sinon nous jouions Roll Over Beethoven et Whole Lotta Shakin’ Goin’ on, et des trucs dans le genre, et Be Bop A Lula, c’était il y a trente-cinq ans, nous avions un drummer nommé Tony quelque chose, un autre guitariste nommé Richard et j’ai oublié le nom du bassiste – n’était-ce pas Richard Cole ? Oui !  il jouait de la guitare, nous en jouions tous les deux, je jouais aussi du saxophone du piano électrique et de la flûte. Gene devait aimer il me demandait souvent de jouer du saxophone. Ce n’était pas une bonne période pour Gene, c’était avant le Revival des années 70, avant Happy Days, nous étions loin des grands temps du rock’n’roll, une dure époque pour lui, j’étais dans le groupe le seul, oui le seul, qui aimait cette musique, tous les autres passaient leur temps à se plaindre et maugréer de leur malaise de jouer ce style de musique face à des gens car ils pensaient que c’était vieillot et que ça datait, mais moi j’étais réellement excité… Oui nous avons fait une séance photo, Gene n’aimait pas les types qui étaient dessus, il m’en a donné une de lui, il m’ a donné cette chemise bouffante qu’il avait sans doute déniché à Carnaby Street, sur le cliché je portais un pantalon à patte d’éléphants hippie et cette nouvelle  jolie chemise bouffante, des photos je n’en ai eu aucun exemplaire parce que le manager n’a pas payé le photographe. Gene m’a montré dans sa maison en haut dans sa chambre il avait une étagère avec une douzaine de cartes d’anniversaires de chacun des Beatles et d’autres de stars anglaises et  d’autres méga-rock’n’roll stars, je me souviens de le voir en train de regarder tout cela et d’en avoir été impressionné. Il a vécu une grande partie des années soixante en Angleterre, et il était une sorte de légende, indifférent-au mépris des musiciens modernes qui se ressemblent tous, vous l’idolâtrez mais en Amérique il n’était vraiment pas très connu, vous savez une fois que vous n’êtes plus dans la playlist, l’on vous jette et c’est fini. Particulièrement par les temps qui courent, une fois que vous n’êtes plus dans les charts, ils s’en foutent. Je me souviens que dans les années soixante-dix, vous ne pouviez même pas acheter un disque d’Elvis, à l’exception de Blue Hawaï, vous ne trouviez aucun disque de rock’n’roll, vous ne pouviez pas acheter un disque de Chuck Berry, aucun album de Little Richard, ni d’Eddie Cochran, ce fut une belle découverte quand au milieu des années soixante-dix ils ont ressorti tout cette came, je connaissais déjà tout cela.  Je me souviens qu’il en parlait et racontait des histoires, je m’asseyais et rêvais d’avoir un magnétophone, car il racontait des anecdotes amusantes, que se promenant dans Soho il était tombé sur Duane Eddie en   travesti, sans connaître aujourd’hui Duane Eddie, c’était un garçon et vous comprenez l’étonnement qui s’ensuit… quel magnifique groupe possédait Sam Cooke, combien Eddie Cochran était le plus grand et comment s’il avait vécu il aurait dépassé Elvis, il était intarissable sur le sujet… l’on a raconté tant de choses sur lui, il était toujours sobre et avait l’esprit vif, et c’était agréable d’être avec lui pendant que nous bossions, j’ignore s’il montrait une face plus sombre à d’autres personnes, je ne l’ai jamais vue, si vous ne le connaissez pas mieux, vous avez besoin d’un long moment pour le comprendre, si vous commencez à croire et à penser, l’on vous taille facilementun costume dès que vous tourniez le dos, et vous êtes bien servi … Vous savez dans la musique les artistes sont toujours  tout en haut ou tout en bas, car   ils sont sans cesse occupés ou en train de travailler avec des entreprises qui ont à leur actif des centaines d’artistes, compagnies et manager sont travaillé avec des centaines d’artistes et ils savent s’y prendre et les exploiter. Avec le temps vous comprenez mieux comment vous arrivez au sommet… Il est mort

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    le douze octobre, je pense que c’était une ou deux semaines pendant lesquelles  je m’étais absenté. Il est parti e Angleterre, juste avant de mourir, ils auraient voulu que je parte, mais je n’avais pas confiance en son manager et son manager n’a pas voulu me donner un billet aller-retour, ils donnaient un seul ticket, j’ai dit : non, non, vous me donnez un aller-retour sinon je ne pars pas. Quelques semaines après, je conduisais sur la route de Laurel Canyon, je m’arrête pour prendre un auto-stoppeur et le gars me dit : tu sais Gene est mort. Vraiment je suis sûr que c’est une blague. Non il est revenu ici, il m’a tout expliqué et le monde s’est effondré. Je suppose qu’il a bu et il est mort. J’ai trouvé sa nécrologie dans Rolling Stone, à trente-six ans, il était joliment vieux ! Ce n’est pas à ce moment que j’ai pensé qu’il était mort  seulement  à trente-six ans, que ce n’est rien mais il semblait déjà à un vieux gars, moi j’en avais vingt-trois et j’ai pensé que ce serait bien si j’arrivais déjà à trente-six. Il est mort au commencement du Revival des années cinquante. Vous voyez Happy Days, American graffiti, Sha-Na-Na avait son émission à la télé, et les gens ont commencé à revenir vers le rock’n’roll, une résurgence, et ils ont commencé à rééditer les disques De Gene et d’Eddie, et ce fut le rockabilly revival fin seventies and early eighties, tout cela influencé par Gene et Eddie, et il n’était plus là ! Il aurait été fun de jouer avec Gene, j’ai réalisé que j’ai eu durant ces gigs beaucoup plus de plaisir qu’en toute autre occasion c’est alors que j’ai commencé à creuser davantage les vieilles musiques que les modernes, je n’aime pas la musique des années 70 mais j’ai débuté là, au moment où j’ai entrepris de retourner aux racines du rockabilly, si bien qu’au milieu des seventies j’ai fondé un groupe de rockabilly et ai enregistré des disques de rockabilly, je pense que Gene a eu une énorme influence sur un grand grand, très grand nombre de musiciens, certainement sur les Stray Cats qui ont été énormément influencés par Gene et Eddie Cochran, et particulièrement  par Gene pour nombre d’entre nous passionnés de New Rockabilly, Gene est le commencement, il est leur héros beaucoup plus, à tort ou à raison, qu’Elvis et Chuck Berry ou n’importe quel autre, Gene est le héros de ce nouveau culte, maintenant vous le savez ce culte a contaminé un couple de générations.

    Damie Chad.

    P.S. : sur X (surtout John Doe) : lire kronic de Patrick Cazengler : Kr’tnt : 527 du 18 / 10 / 2021

    A suivre.