Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

wild billy childidh

  • CHRONIQUES DE POURPRE 713 : KR'TNT ! 713 : DANIEL JEANRENAUD / BILL HALEY / JACKIE LEE COCHRAN / BOBBY HATFIELD / WILD BILLY CHILDISH / BURNING SISTER / WITHERED / POE AND MARK Z. DANIELEWSKI / GENE VINCENT + HAROLD BRADLEY

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

    A20000LETTRINE.gif

    LIVRAISON 713

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    04 / 12 / 2025

     

     

    DANIEL JEANRENAUD / BILL HALEY

    JACKIE LEE COCHRAN / BOBBY HATFIELD

    WILD BILLY CHILDISH

    BURNING SISTER / WITHERED

    POE AND MARK Z. DANIELEWSKI

    GENE VINCENT + HAROLD BRADLEY

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 713

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    L’avenir du rock

    - L’apocalypse selon Saint-Jeanrenaud

             Comme il n’a pas trop de grain à moudre, l’avenir du rock s’est mis à penser au néant. Quand on erre dans le désert, c’est un thème de réflexion qui vient naturellement. «Néant d’un jour, néant toujours !» Habile à bricoler des slogans, l’avenir du rock se dit qu’il aurait pu faire carrière dans la com. L’idée lui plaît tellement qu’il exulte : le néant et la com vont tellement bien ensemble ! Il en saute de joie. Submergé par cette violente décharge d’adrénaline, il n’a pas vu se dessiner au loin la silhouette d’un homme. L’avenir du rock saute encore en l’air quand l’homme n’est plus qu’à quelques mètres. D’une voix bourrue, il interpelle l’avenir du rock :

             — Zavez besoin qu’on vous aide, monsieur ?

             Brutalement ramené à la réalité, l’avenir du rock se sent très con. Sauter de joie dans le désert, c’est pas terrible. Il observe l’inconnu. L’erreur a les cheveux blancs, un gros pif et les yeux clairs. Une vraie gueule de bagnard. Il porte un gros balluchon sur l’épaule. Vexé d’avoir été surpris dans un moment d’exultation orgasmique, l’avenir du rock rétorque d’un ton grinçant :

             — Vous ai rien d’mandé ! Et puis d’abord, qu’est-ce que vous foutez là, en plein désert ?

             — Je cherche Cosette. L’auriez pas vue, par hasard, monsieur ?

             — Non ! Vous trimballez quoi dans votre balluchon ?

             — Les chandeliers en argent de l’évêque Myriel, monsieur...

             — Vous zêtes cousu de fil blanc, mon pauvre bonhomme. Vous allez me dire que vous sortez tout droit du bagne de Toulon !

             — Dix-neuf ans de travaux forcés pour le vol d’un pain, monsieur...

             — Vous êtes Jean Valjean, bien sûr !

             — On n’peut rien vous cacher monsieur...

             — Pffff... Je préfère Jeanrenaud !

     

    z30253jeanrenaud.gif

             C’est comme s’il arrivait tout seul sur scène avec sa légende. Et sa gratte. Veste léopard, histoire de marquer son territoire. Pompes vernies. Pas grand mais dense.

    z30256seulgretsxth.png

    Taillé dans la matière dont on fait les superstars de l’underground. Rien qu’à le voir arriver, tu sais que t’en auras pour ton billet. Il met son ramshakle en route et tu bois ses paroles. Il claque ses riffs avec une nonchalance qu’on pourrait presque qualifier d’américaine, il honky-tonke son rock de Camden Cat, il navigue en père fouettard sur la grand-mare des canards, il fonctionne à l’équilibre de la titube et t’as sous les yeux un art qui ne tient qu’à un fil, but my Gawd, what a feel ! Il te gratte le rock de

    z30257plusprès+batteur.png

     tes rêves, t’as sous le nez une sorte nec plus ultra de la dimension artistique, tout sonne incroyablement juste, il excelle dans cet art difficile qu’est la ramasse de la rascasse électrique, il est à la fois l’héritier d’Hasil Adkins et de Fred McDowell, il a du Sleepy John Estes dans le sang des doigts, il maîtrise une technique flamboyante qui remonte jusqu’à Koerner Ray & Glover ou encore Eddie Guitar Burns, ça va loin cette affaire, car cette fabuleuse désaille te renvoie aussi à la Broke Revue de Dan Melchior, t’as le même genre de rauch, le même genre de raw, même si Daniel

    z30258mêmequeune.png

    Jeanrenaud va plus sur Chucky Chuckah, dont il salue la mémoire avec une brillante cover de «Thirty Days» qu’il expédie en mode riff-raff de la 25e heure. Il te trousse tout ça à la hussarde, son «Shake Rattle & Roll» passe comme une lettre à la poste, c’est le genre de cover qui te réconcilie avec la vie, et tu te dis que ce mec a tout compris et qu’il a tout bon. Et puis t’as cette version qu’il faut bien qualifier de faramineuse du «Suspicious Mind» de Mark James, qu’il gratte sur des riffs en escaliers, sans battre les accords, au feel pur. Ah si Chips Moman pouvait voir ça ! Te

    z30259verreàlamain.png

    voilà au sommet du lard, avec un hommage âprement suprême à Elvis. T’en vibres encore au moment où tu tapes ces quelques mots. T’as parfois des covers dans les concerts qui te marquent la mémoire au fer rouge. Ce fut le cas, il y a quelques années, lorsque Misty White, bien pétée, attaqua en rappel et à coups d’acou une version de «My Way». Pareil, sur le fil. Mais mille fois plus balèze qu’une version bien léchée avec un fucking producteur et un fucking orchestre dans un fucking studio. Le rock doit sortir du bois. 

    z30260aumicro.png

             Il nous vend son dernier CD, Live At The Old Waldorf June 5, 1981. T’as deux Groovies avec lui sur scène, Danny Mihm et James Ferrell. T’es tout de suite hooké

    z30265live.jpg

    par l’hommage à Big Dix, «My Babe», drivé sec au bassmatic, hommage solide et merveilleusement bien intentionné. Et ça part en sucette de Wild Cat. S’ensuit un hommage à Chucky Chuckah avec «You Never Can Tell». Le Camden Cat te tape ça au mieux des possibilités. Plus loin, il en tape un autre : «No Particular Place To Go». Wild on stage ! Il tape aussi la cover du «Look Out Mabel» de GL Crockett, un rockab obscur. Dommage qu’il n’y ait pas de slap. On trouve l’original sur le That’ll Flat Git It Vol 10: Rockabilly From The Vaults Of Chess Records, pour les ceusses que ça intéresse. On se régale encore de «Good Rockin’ City». Le Camden Cat se jette tout entier dans la balance avec une véracité à toute épreuve. Et ça se termine avec un rockab fantôme, «Get Up». Et là t’as le slap et des sacrées pointes de vitesse. C’mon !

    z30261roundtivket.jpg

             Comme la curiosité est un vilain défaut, on rapatrie vite fait Roundtrip Ticket, un New Rose de 1995. Son heavy boogie rock te renvoie aux Groovies. Il a un son plein d’allure, très américain. Il a Danny Mihm au beurre, donc ça swingue. Il tient bien sa dragée haute avec «Troublemaker» et la perle de l’album se planque en B : «Goldfish», un bel heavy rock chanté à la vraie voix. Il sait poser une voix sur un panier de Groovies, comme le montre encore «Half Crazy Half Cool».    

    z30262more.jpg

             Dans la foulée, tu rapatries More et là attention, ça ne rigole plus ! Les Kingsnakes tapent «The Good Push» aux accords funky et c’est bien rebondi du beat. Belle presta. DJ y va au hey hey hey ! Puis tu tombes sur un authentique coup de génie : «Wild», amené au beat tribal, il rentre bien dans le chou du lard, ce beat est un régal sans égal, d’une rare puissance. Même le balladif qui suit sonne très américain («Washable Ink»). Et ça repart au heavy bass drum avec «Makin’ Money». On sent le fan de Sly. Et d’une certaine façon, DJ préfigure Jon Spencer. On reste dans le très gros niveau avec «Can’t Still Lay Down With You», un balladif scintillant, et il tape à la suite un gros clin d’œil à Dr John avec une cover d’«Iko Iko». Ce mec a tout bon, absolument tout bon. Il tape l’Iko en mode Bo. T’as une belle descente au barbu dans «I’ve Been Down». t’as du son, tu ne demandes pas ton reste. Sur «Hardwood Floor», DJ sonne comme un vieux black efféminé pas trop édenté. C’est à la fois pimpant et bienvenu, un vrai barroom blow, c’est quasiment du Skip James joyeux. Pour l’époque, il était très en avance.               

    z30263bellevillecat.jpg

            Son Belleville Cat date de 1995. Avec le morceau titre, il tape le rockab de Belleville. C’est sacrément bon et sensuel à la fois. Il a tout le bop de downhome, quelle merveille ! T’entends là une réinvention du rockab, à la bellevilloise. Miaou ! Le reste de ce mini-album est plus classique, dommage. Il regagne la sortie avec «I’m Coming Home», l’heavy blues du coin de la rue. Il faut le voir driver cette petite merveille !   

    z30264çava.jpg

             Fantastique album que ce Come On Ça Va ? DJ y sonne très américain, d’ailleurs il attaque en mode Cajun avec le morceau titre, t’as même de l’accordéon. C’est somptueux. Il a le son de la powerhouse. On retrouve ensuite l’excellent «Belleville Cat», le rockab de Belleville. Il est complètement à l’aise dans tous les genres : rockab, Cajun, r’n’b, country Soul. Il sait pusher un good push comme le montre l’hard r’n’b de «Good Push», et voilà qu’il tape un balladif de rêve chanté à la voix de rêve, «Sweeter Than Mine». C’est un hit inconnu ! Encore du fantastique dévolu dans «We’re Gonna Close Up». Il enroule son cut comme un classique, bye bye so long, t’es littéralement subjugué par la qualité des cuts. Il fait de l’heavy country Soul de blanc avec «Hard Things To Say» et il s’en va draguer du côté de Doug Sahm, à San Antonio, avec «Angelina». Ce merveilleux shouter fait encore des étincelles sur «Love Me Sometimes» - All I want/ Is you love me sometimes - Et il repasse au groove de swamp avec «Too Much Funlines (In The Neighborhood)», c’est pas loin de Creedence, mais en plus pur. Il fait son white nigger sur «Workin’ All Night» et il revient au stripped-down rockabilly avec «She Don’t Need No Guitar Man». DJ est un artiste complet.

    Signé : Cazengler, Jeanpenaud

    Daniel Jeanrenaud. La Maroquinerie. Paris XXe. 16 novembre 2025

    Kingsnakes. Roundtrip Ticket. New Rose Records 1995   

    Kingsnakes. More. Wanted 1988                                           

    Kingsnakes. Belleville Cat. Rock And Roll House Records 1995   

    Kingsnakes. Come On Ça Va ? Rock And Roll House Records 1997 

    Kingsnakes. Live At The Old Waldorf June 5 1981. Liberation Hall 2023

     

     

    Wizards & True Stars

     - Haley les bleus !

    z30252billhaley.gif

             Le nom de Bill Haley ne signifie plus grand chose, aujourd’hui, dans le monde des smartphones. Bill qui ? Les gens connaissent Bill Amazon, ou Bill Facebook, ou Bill YouTube, mais pas Bill Haley. Dommage. Car Bill Haley est un personnage capital. Non seulement il est à l’origine de tout, mais il swingue. Dans Yeah Yeah Yeah, PolyBob s’indigne que Bill Haley ne soit pas cité dans les listes des «prime movers», «which is sad and a little ridiculous.» Les mots sont lâchés : triste et ridicule. On vit dans un monde triste et ridicule.

             Ce sont les mots de PolyBob qui ont déclenché l’envie de consacrer du temps au vieux Bill. Alors on a sorti le book de la pile des books qui attendent leur tour. Le moment était venu.

    z30267book.jpg

             Suite à la lecture d’une critique élogieuse dans un Mojo d’époque, on avait rapatrié, à sa parution voici 5 ans, le beau book de Bill Haley Jr. (le fils du vieux Bill), Crazy Man Crazy - The Bill Haley Story. L’idée était de trouver un jour l’occasion de lui rendre hommage.

    z30287albumrouge.jpg

             On avait pour le vieux Bill le plus profond respect : à la fin des années 50, l’un de nos très rares cadeaux de Noël fut l’album rouge Rock Around The Clock et un électrophone à piles de marque Phillips. Cet album fut le premier d’une très longue série. Après le vieux Bill, les autres arrivèrent dans l’ordre, sous forme d’EPs, Elvis, Gene Vincent, Little Richard, Eddie Cochran, Chucky Chuckah, Buddy Holly. Ils sont encore là, dans une petite caisse.

             Le Crazy Man Crazy se présente bien : un big book de 300 pages, dûment relié et doté d’une couve classique bien bâtie : portrait kitschy-kitschy de Bill avec un titre en CAP empâté, condensé et en défonce, adossé à un bloc vertical cyan 100%, et en rappel, un sous-titre en pied du même cyan, dans une typo différente, plus light et qui respire bien. On sait pour l’avoir pratiqué pendant des lustres, qu’un design graphique ne tire sa légitimité que de sa sobriété.

    z30292cuppie.jpg

             Autant l’avouer tout de suite : le book de Bill Jr. est un petit chef-d’œuvre. Il est construit comme un roman, avec des descriptions précises des maisons et des gens. Bill Jr. utilise tous les ressorts du roman pour tenir son lecteur en haleine, ce qui fait que tu ne lâches pas ce book. Tu l’avales quasiment d’un trait. Tu te demandes surtout comment l’auteur peut avoir accès à un tel niveau de détail. L’explication arrive très vite : Bill Jr. est l’un des quatre gosses que Bill a faits à Cuppy, sa deuxième épouse et qu’il a abandonnée (avec les quatre gosses) pour aller en épouser une troisième. Bill Jr. raconte surtout le calvaire qu’a enduré sa mère Cuppy qui du jour au lendemain s’est retrouvée sans rien, avec quatre bouches à nourrir. Pas de métier, pas de maison, pas de bagnole, pas de blé, pas de rien. Encore une fois, le rock ne s’arrête pas aux disks.

    z30288arond.jpg

             Avant d’entrer dans le dur, il est bon de rappeler qu’en 1955, le vieux Bill est le premier à décrocher un #1 avec «Rock Around The Clock», ce terrifiant mix de western swing, de r’n’b et de big band jazz. Puis Bill Jr. évoque la préhistoire du vieux Bill qui, avec ses Range Drifters, écume tout le Midwest, mais aussi le Sud et l’Est des États-Unis. Il porte un chapeau de cow-boy et rêve de devenir une star. Puis il fait un radio show, le Western Swing Hour, où il passe des «cowboy jump tunes, western songs with a beat», et il est l’un des premiers à établir un lien entre le country & western et le r’n’b - Il ne le savait pas alors, mais when that difference was finally bridged, rock’n’roll would be born - Bill a 24 ans et son plan est de mixer «Dixieland, hillbilly and western swing». Son pote Slim Allsman achète une guitare électrique qui fascine le vieux Bill, «a golden Gibson Premier with a Bigsby vibrato tailpiece, and Bill compared using it to holding thunder and lightning in his hands.» Et voilà, c’est parti.

    z30293range drifters.jpg

    Bill avec The Range Drifters

             Au moment du radio show, le vieux Bill est marié avec Dottie. Ils ont deux gosses et il ne rentre pas souvent à la maison, car il traîne tard dans les clubs et il résiste difficilement aux tentations. Le vieux Bill emmène des copines dans sa caisse, se gare au coin d’une rue et coupe le moteur. Dottie est au courant, et très vite, elle rentre chez sa mère à Salem avec ses gosses. Pour noyer sa culpabilité, le vieux Bill boit comme un trou.

    z30294saddleman.jpg

             Il a tellement écumé de clubs qu’il connaît des centaines de chansons. Il commence aussi à développer un son original - They also experimented with emphasing the second and fourth beats in traditional repetitive four-beat measures, realising that doing so pushed the songs forward and added energy an excitement - Ils combinent le r’n’b et le country & western et ajoutent un beat, ça donne un son qu’un journaliste de Billboard Magazine qualifie de «zippy western rhythm tunes». En 1951, dans le New Jersey, on commence à saluer les up-tempo preformances du vieux Bill et ses Saddlemen. Alors le vieux Bill s’enhardit : «Just go ahead and play black music and see what happens.» Il annonce au public : «We’re gonna play a little something we call Cowboy Jive.» He and the all-white Saddlemen then immediateley ripped into a slam-bam version of ‘Rock The Joint’ a tune that had been written and recorded by African-Americans - Bill avait découvert ce cut dans l’émission de Shorty the Baliff sur WPWA, «ne se doutant pas quelle influence ce cut allait avoir, non seulement en changeant sa vie mais aussi en changeant le monde.» Elvis fera exactement le même pari. Ce sont les deux grands visionnaires du XXe siècle. 

    z30295alan freed.jpg

             Au moment où le vieux Bill flaire une piste, Uncle Sam flaire la même à Memphis. Ils arrivent tous les deux à la même conclusion : taper dans la black music. Quatrième personnage clé de cette histoire : Alan Freed, King of the Moondoggers, qui tire son surnom the Moondog d’un hit de Todd Rhodes, «Blues For Red Boy». Sur son Radio Show, Alan Freed hurle dans son micro pour présenter chaque titre et gueule go go go !, puis il avale une lampée de scotch. Alan Freed invite les Saddlemen dans son Radio Show, il passe «Rock The Joint» à gogo, over and over, et il tape sur la table en gueulant «rock and roll, everybody rock and roll !». Et boom, le single se vend à 200 000 exemplaires. Puis Sam Sgro qui manage les Saddlemen conseille au vieux Bill de lâcher son chapeau de cowboy. Quoi ? Le vieux Bill ne comprend pas : «What do you mean? That’s my trade! That’s my living! That’s what I do!». Sgro a raison. Le problème, c’est que le vieux Bill se sert du chapeau pour planquer son œil mort. Alors il a l’idée de la mèche, l’hanging curl sur le front, «coaxed with pomade, as a gimmick and a diversion.» L’accroche-cœur allait devenir sa marque, his trademark.

    z30297crazyman.jpg

             Puis Bill Haley & The Saddlemen vont devenir Bill Haley & The Comets, un clin d’œil à la comète de Halley. Les Comets changent donc de costumes et les voilà en tartan, avec les cravates assorties. Un soir, après un concert, le vieux Bill demande à un gosse en ducktail et en blue jeans ce qu’il pense de sa musique. Le gosse secoue la tête, claque des doigts et dit : «Crazy man, crazy!». Alors le vieux Bill prend son stylo est écrit la phrase dans la paume de sa main, pour s’en rappeler. Petit épisode mythologique. Rentré à la maison, pendant que Cuppy prépare le repas, le vieux Bill attrape sa gratte et commence à gueuler «crazy man crazy», et «man that music’s gone». Puis il écrit d’autres couplets et ajoute un refrain, «Go! Go! Go! Go! Everybody!». Le lendemain, au studio, il joue son cut aux Comets - They transformed the song into something cool yet crazy, wild, raucous and joyful. Overseeing the whole process was studio engineer Tom Dowd, later a legendary record producer - Le single se vend à 100 000 exemplaires. 

    z30296crazyman.jpg

             Tu l’entends sur Bill Rocks, l’une des compiles les plus explosives de l’histoire des compiles. Pour une fois, ce n’est pas une compile Ace, mais une Bear. «Crazy Man Crazy» est une belle débinade montée sur le beat des reins.

    z30298surscène.jpg

             Comme «Crazy Man Crazy» se vend bien, le vieux Bill achète sa première Cadillac, une white-and-silver Cadillac Seville d’occase. Ça se passe en 1953, un an avant qu’Elvis et Uncle Sam n’inventent le rockabilly. La même année, les Comets testent une nouvelle chanson sur scène, «(We’re Gonna) Rock Around The Clock». Sur scène, le stand-up man Marshall Lytle se couche avec sa stand-up et joue sur le dos, puis il se relève et chevauche son instrument. C’est parti ! On avait tendance à considérer le vieux Bill et ses Comets comme des pépères. Grave erreur, ce sont des wild punks. Le meilleur moyen d’en avoir le cœur net, c’est d’écouter le faramineux Bill Rocks de Bear.

    z30299billyrocks.jpg

             Ça démarre en trombe avec un «(We’re Gonna) Rock Around The Clock» explosé au slap; il y va le Bill, rock/ A/ Round, t’as tout le rockab là-dedans. C’est le point de départ du XXe siècle. Encore du swing de slap avec «Shake Rattle & Roll». Les Comets sont des démons. Les Stay Cats n’ont jamais sonné aussi bien, il faut arrêter les conneries et revenir au point de départ : I said shake rattle & roll ! Tout ici est slappé dans les règles du lard, le vieux Bill charge encore la barcasse  de «Dim Dim The Lights (I Want Some Atmopshere)», il chante à la vie à la mort, et t’as derrière lui le meilleur slap du monde, encore meilleur que celui de Gene chez Capitol, ou ceux de Lew Williams et Eddie Bond. Wow, ça rocke chez le vieux Bill ! T’es encore frappé par la violence du slap dans «Happy Baby», ça te drive la carlingue, et puis ça bascule encore dans le génie avec «Mambo Rock». T’en peux plus de tout ce cirque, il faut voir le vieux Bill se jeter dans la balance. Laisse tomber les punks, c’est le vieux Bill qu’il te faut. Son «Rocket’ 88» est hallucinant de qualité, c’est du rockab primitif. Ça saxe à la vie à la mort dans «Birth Of The Boogie» et voilà l’enfer sur la terre : «Everybody razzle dazzle !». Power max avec «Razzle Sazzle», suivi de l’explosif «Two Hound Dogs». Le vieux Bill roule sur le slap du couplet. C’est un fantastique shouter, tous les cuts te parlent. Encore de la fantastique allure de la démesure avec «Rock-A-Beatin’ Boogie» et ça re-slappe de plus belle sur le «See You Later Alligator» de Bobby Charles. Cette compile est un vrai festival. Tu restes aux abois de bout en bout. Ça slappe encore à gogo sur «R-O-C-K» et l’«Hot Dog Buddy Buddy» est complètement dévastateur. Le vieux Bill a un son énorme. Tu prends n’importe quel cut et ça percute. Il rend hommage à Little Richard avec «Rip Ut Up» et t’as le slap du diable sur «Fractured» - That music fractures me! - Les Comets défoncent la rondelle des annales avec un instro du diable, «Rudy’s Rock», et le vieux Bill attaque de front «Don’t Knock The Rock». Tu prends ça dans le baba ! Avec «Skinny Minnie», il fait de l’heavy r’n’b à la Little Richard, mais le vieux Bill est blanc, alors ce n’est pas pareil. Sur les derniers cuts, on perd le slap.

    z30300blackboard.jpg

             Début de la période Decca en avril 1954. Ils entrent au Pythian Temple à Manhattan pour enregistrer. Puis Richard Brooks colle «Rock Around The Clock» dans son film, The Blackboard Jungle, qui va déclencher une petite révolution aux États-Unis, mais surtout en Angleterre. Les gosses se lèvent et dansent dans les allées des salles de cinéma. Big freakout ! Les patrons des salles flippent et baissent le volume. C’est grâce au film que le vieux Bill devient une star internationale.

    z30301ed sullivan.jpg

             Qui dit star dit téloche. Alors voilà Ed Sullivan, un mec pas très sympa. Mais il a des millions de téléspectateurs. Il est le star maker de l’époque. Il a fait passer plus de 10 000 artistes dans l’Ed Sullivan Show, entre 1948 et 1971. Bill Haley & His Comets sont son premier rock’n’roll act. Sullivan leur fait bien comprendre qu’il n’est pas impressionné. Il affiche même son mépris pour eux. Hors caméra il chope le vieux Bill à propos de sa kiss curl, c’est-à-dire sa mèche, et lui demande : «Is that real?» Et cet enfoiré de Sullivan ajoute : «What are you, a fag or something?» Dommage que le vieux Bill ne lui ait pas collé sa main en travers la gueule. Par

    z30304elvis+bill.jpg

    contre, Elvis dit son admiration au vieux Bill, qui l’emmène dans sa Cadillac. Elvis flashe sur la Cadillac et dit qu’un jour, il va s’en payer une comme la sienne, alors le vieux Bill lui donne le volant et lui propose de la conduire. Elvis dit au vieux Bill que sa chanson préférée est «Crazy Man Crazy» et que c’est elle qui l’a décidé à devenir chanteur. Ils admirent aussi tous les deux Hank Williams. Et ils deviennent de bons potes. Quand Elvis se retrouve à la même affiche que le vieux Bill, il vient lui demander la permission de jouer «Shake Rattle & Roll» et «Crazy Man Crazy». Le vieux Bill dit oui et Elvis le remercie d’un vieux thank you sir. Il dit toujours «sir» au vieux Bill, c’est une vraie marque de respect. Là t’es dans le vrai monde, avec les vrais gens intéressants. Le vieux Bill reverra Elvis en Allemagne, lors d’une tournée. Elvis est à l’armée, stationné dans le coin et il vient rendre visite à son vieil ami, histoire de lui redire que s’il n’avait pas été là, il serait toujours chauffeur de poids lourd à Memphis.

    z30303bobbycharles.jpg

    Bobby Charles

             Puis le vieux Bill enregistre le  "See You Later Alligator'' de Bobby Charles, le Cajun de la Nouvelle Orleans qui porte lui aussi une kiss curl, la même que celle du vieux Bill. Son See You Later Alligator s’inspire du «Later For You Baby» de Guitar Slim. Sur scène, c’est toujours le délire : le nouveau stand-up man Al Rex s’allonge sur sa stand-up qui est couchée sur le côté et joue comme s’il nageait, et pendant ce temps, Rudy Pompilli lui monte dessus pour jouer du sax - while a widely grinning Bill strummed his guitar - Quand ils tournent dans le Sud, c’est très chaud, notamment en Alabama où Nat King Cole s’est fait casser la gueule sur scène par des rednecks du Northern Alabama Citizens’ Council. Non seulement le Council n’aime pas les nègres, mais il n’aime pas non plus le rock’n’roll, et il qualifie le vieux Bill de Judas goat, pace qu’il joue de la musique de nègres. Le vieux Bill écrit dans on journal : «Those people are fanatics.» Il pense que personne ne devrait tourner dans le Sud tant que le problème du racisme n’est pas résolu. Il ne le sera d’ailleurs jamais.

    z30305londres.jpg

             En 1956, les Comets ont fait 300 dates et joué devant un demi-million d’Américains.  Et voilà le cœur battant du book - the book heartbeat - la première anglaise en 1957. Bill Jr. titre son chapitre ‘The second battle of Waterloo’, car c’est à la gare de Waterloo qu’a éclaté le premier pandémonium de l’histoire du rock : la foule de fans qui se jette sur la star. En fait, tout commence dans le port de Southampton : le vieux Bill et ses Comets ont traversé l’Atlantique en bateau et les hordes se jettent sur la Rolls qui emmène la star. Cuppy qui accompagne son mari éclate en sanglots alors que des centaines de gens font tanguer la Rolls pour la renverser. Bill Jr. estime à 5 000 le nombre de fans qui sont là et qui vont essayer de monter dans le train qui part pour Londres. Et ça recommence à la gare de Waterloo. Les fans arrachent le chapeau et les cheveux du vieux Bill, ils arrachent son manteau et son futal, ils lui arrachent ses gants et sa mallette, une gonzesse essaye de lui arracher son alliance et d’autres lui arrachent ses boutons. Les fans crient «We want Bill!» Le vieux Bill est blanc comme un linge mais il sourit et lâche d’un ton pince-sans-rire : «Then they must be glad to see me.» Le bordel de la Rolls recommence à Waterloo. Un bobby est obligé de monter sur le toit de la Rolls pour virer un fan qui essaye de défoncer le toit pour entrer à l’intérieur. La fan s’est fait tatouer «Bill Haley» sur le bras. Quand le cortège des Rolls réussit à quitter la gare de Waterloo, la foule chante «See You Later Alligator». C’est la presse anglaise qui qualifie l’événement de ‘Seconde bataille de Waterloo’, «history’s first serious rock’n’roll riot.» Dans le Teddy Boys de Max Décharné, Ted Carroll raconte qu’il a vu Bill Haley à Dublin. Il a réussi à se payer un billet, au balcon. Sur le cul le Ted ! - Alors ils démarrent avec «Razzle Dazzle» : ‘on your marks, get set, ready’ et sur les deux ou trois premiers accords, le rideau se lève doucement, on voyait leurs jambes sur scène and then ‘Ready steady go!’ up went the curtain, fuckin’ place erupted - Et plus loin il ajoute : «The place went fucking wild.» Sur scène, c’est l’hallali, avec un Rudy Pompili qui tombe à genoux pour passer un solo de sax, ou qui grimpe sur le dos d’Al Rex qui nage sur sa stand-up ou qui la jette en l’air comme un ballon. Et le vieux Bill gratte sa hollow-body Gibson guitar, furiously bobbing back and forth avec un perpetual grin et qui shout ses lyrics hit after hit. La presse n’en revient pas : «The joint jumped!», «The floor vibrated!». On parle même d’un «supercharged voodoo rhythm of the emperor of rock’n’roll.» Le jeune Pete Townshend voit les Comets sur scène et déclarera plus tard que ce fut «the birth of rock’n’roll for me».

             Puis le vieux Bill se met à picoler. Et tout va mal tourner. Il part en tournée en Europe et ne donne pas de nouvelles à Cuppy pendant deux mois, ce qui n’était jamais arrivé avant. Il a des poules à droite et à gauche. Dans le book de Bill Jr., le malaise conjugal prend lentement le pas sur la musique. En 1959, les Comets n’ont plus un rond. Ils ont tout dépensé. Leur heure est passée. Plus d’hits. Plus de formule magique. Le Colonel Parker propose un gros billet pour une tournée australienne de 5 jours : 50 000 $. Le vieux Bill dit non. Il n’en finit plus de prendre les mauvaises décisions. Ça devient Bill Haley & His Titanic. Sam Sgro tente désespérément de tenir les comptes. Pour pouvoir payer les salaires des Comets, il vire des gens du bureau et revend le bus de tournée, mais ça ne suffira pas. Dans le dernier tiers du book, on assiste à la fin des haricots.   

             Mais avant de sortir les mouchoirs, on va essayer de rigoler un coup, car Bill Jr. n’est pas avare d’anecdotes hilarantes. Du type de celle-là : «Scott Robert Haley, le cinquième gosse de Bill et Cuppy, est né la 26 janvier 1960. Bill emmena Cuppy au Sacred Heart Hospital dans sa pink cadillac, roulant comme un dingue sur les petites routes. Il serrait le volant si fort qu’il l’arracha. Assis sur la banquette arrière, Sam Sgro hurla : ‘Remets-le !’, ce qui fit Bill, mais sa confiance dans les Cadillacs ne fut plus la même après ça.» On soupçonne par instants Bill Jr. de voir son père comme un clown. Autre épisode tragi-comique que Bill Jr. a vécu en direct et qu’il nous rapporte ici : son frère Jimmy se coinça un jour la tête dans l’un des pieds en V de la table de la cuisine. Impossible de le décoincer. Alors Cuppy fit appel aux pompiers qui réussirent à le décoincer en graissant ses oreilles avec de la vaseline, pendant que Bill Jr. et sa sœur Joanie étaient écroulés de rire - they laughed uproariously - Et quand Cuppy fut obligée de quitter le Melody Manor, la maison familiale, saisie par le fisc, elle jeta les clés dans les hautes herbes du jardin et dit aux quatre gosses : «There’ no turning back now, kids», puis elle se mit à chanter : «We’re off to see the Wizard, the wonderful Wizard of Oz», off-key. C’est la façon qu’a Bill Jr. de saluer le cran tragi-comique de sa mère. Et pour saluer l’alcoolisme de son père, il sort ça au coin d’une page : «By now, he was drinking practically around the clock.» Fantastique ! Dernière anecdote croustillante : «Quand Elvis est mort le 16 août 1977, Bill appela Cuppy pour lui dire qu’il était toujours en vie, car il craignait qu’elle ne s’inquiète en voyant les canards titrer  «The King of Rock’n’roll is dead». Et voilà le travail.

    z30307+vieux.jpg

             Le vieux Bill devient célèbre au Mexique et il rencontre Martha Velasco qu’il va épouser, alors qu’il est encore marié avec Cuppy. Et comme aux États-unis le vieux Bill est criblé de dettes, il reste planqué au Mexique. Sam Sgro finit par jeter l’éponge et par liquider les bureaux.  Le vieux Bill ne rentrera pas chez lui pour récupérer ses disques d’or et ses trophées, ni rien de ce qui lui appartient. Il arrive chez Martha au Mexique et lui dit : «Here I am, with my guitar, my suitcase and my ass.» Il ne revoit pas non plus ses quatre gosses. Pas grave, il en fera trois autres à Martha.

    z30306bill vieux.jpg

             Comme dit plus haut, le Melody Manor est vendu aux enchères pour 30 000 $. Le fisc saisit aussi tout ce qui appartient à Cuppy, y compris sa bagnole. Elle se retrouve avec RIEN : ni toit, ni métier. RIEN. Dans l’épisode, Bill Jr. parvient à faire remonter le côté extraordinairement tragique de la situation. C’est Zola en Amérique. Et bien sûr, le vieux Bill ne file pas un rond à Cuppy pour nourrir les gosses. RIEN. Pour légaliser son remariage, il demande à Cuppy de signer le papier du divorce. Il craint de se faire arrêter pour bigamie. Elle l’envoie chier. Elle n’acceptera de signer que s’il paye une pension alimentaire pour nourrir les gosses. Il lui donne rendez-vous dans un restau pourri et lui propose 300 $ pour signer. Elle a tellement besoin de ce blé qu’elle ravale sa fierté. Bill lui file aussi une bagnole d’occasion pour qu’elle puisse aller travailler. Il ajoute que la radio ne marche pas, alors Cuppy lui rétorque : «That’s OK. I’ll just sing.» C’est sa façon de dire : «Fuck you Daddy-o !»

             Alors que la carrière des Comets est au plus bas, un rock’n’roll revival a lieu en 1966 et le vieux Bill se retrouve à l’affiche de l’Alhambra, à Paris, en première partie du Spencer Davis Group et des Pretty Things.

    z30291alhambra.jpg

             Pendant ce temps, ses enfants grandissent et quand sa fille aînée Joanie atteint ses 18 ans, Cuppy l’emmène voir son père à Miami. Petite, le vieux Bill lui disait qu’elle était la prunelle de ses yeux. Mais il ne l’a jamais revue depuis qu’elle avait 9 ans. Alors elle flippe à l’idée de revoir son père. Elle s’en rend malade. À gerber. Fuck you Daddy-o !

    z30308lastdisc.jpg

             Le vieux Bill tourne une dernière fois en Angleterre et le Melody Maker ne le rate pas, le qualifiant de «retired greengrocer» accompagné d’«overweight Rotarians». C’est vraiment la fin des haricots. Puis Bill JR. décide de pardonner à son père et l’appelle pour entamer un dialogue avec lui. Bill Jr. lui dit par exemple qu’il a beaucoup apprécié son dernier album, Everyone Can Rock’n’Roll et le vieux lui rétorque : «Oh so you’re a fan!». Bill Jr. le prend mal et lui met ça dans la barbe : «I’m more than a fan, I’m your son!». Alors le vieux crabe lui demande ce qu’il veut. De l’argent ? Ça se passe au téléphone, tard le soir. Bill Jr. entend son père siffler un autre verre. Puis le vieux prend sa voix des mauvais jours et balance ça : «Tu veux savoir ce que ça signifie pour moi d’avoir un fils ? I stuck my dick in your mother and you came out.» Bill Jr. est sonné, même s’il essaye de mettre ça sur le compte de l’alcool. Enfin, c’est ce qu’il écrit. 

    z30290junior.jpg

             Bill Jr. va monter un garage band, Bill Haley & The Satellites et enregistrer un album, Already Here. Il se met à tourner comme son père et comprend mieux ce qui s’est passé : quand on est en tournée quarante semaines par an, c’est impossible de rester attentif à ce qui se passe à la maison.    

    Signé : Cazengler, Bill halète

    Bill Haley. Bill Rocks. Bear Family Records 2006

    Bill Haley Jr. Crazy Man Crazy. The Bill Haley Story. Omnibus Press 2019

     

     

    Rockabilly boogie

     - Enfonce-toi ça dans l’ochran

     

    z30254cohran.gif

             Il fut un temps où les amateurs de rockab s’arrachaient les albums de Jackie Lee Cochran, et Swamp Fox en particulier, un Rollin’ Rock de 1974, enregistré comme tous les Rollin’ Rock dans le salon de Ron Weiser, avec «the slappin’ Bass»

    z30268swampfox.jpg

     de Ray Campi. Au dos de sa pochette, Ron Weiser précise que Cochran s’appelle en réalité Jackie Lee Waukeen Cochran, et que le Waukeen lui vient de sa grand-mère Cherokee. Autre détail capital : Jackie Lee Cochran vit à l’époque à la Nouvelle Orleans. T’es vite frappé par le primitivisme du morceau titre, en ouverture du balda. C’est gratté au salon. Il passe vite au rockab avec «Riverside Jump», et puis il chante son «That’s Alright Mama» avec de faux accents d’Elvis. En B, on a un peu de slap derrière «C’mon Over In The Clover» et tout bascule dans la pure rockab madness avec «Hip Shakin’ Mama». Ray Campi te claque ça au slap d’écho fatal, t’as la caisse claire et l’hip-shaker Jackie Lee ! Tu vois le beat se mettre en marche. Cette rondeur de son est incomparable. C’est trois mecs, Ron, Ray et Jackie Lee, avaient du génie.

    z30268swampfox.jpg

             Encore un Rollin’ Rock de Jackie Lee Waukeen Cochran : Rockabilly Legend. Il est un peu plus faible que le précédent. On entend de la bluette à l’eau de rose («They Oughta Call You»), de l’heavy groove de blues à la Elvis («The Walkin’ Cryin’ Blues»), et du simili-Susie Q («Lulu»). Tu passes complètement à travers le balda. Jackie Lee attaque sa B avec un joli shoot de rock’n’roll exacerbé, «Dance Doll» et tu reviens enfin aux choses sérieuses avec «Boogie Woogie Man Gonna Getcha», classique et fin, avec le slap de Ray Campi. Et ça devient réellement violent !

    z30270jackthecat.jpg

             Comme son nom l’indique, Jack The Cat - The Jackie Lee Cochran Story propose une petite rétrospective de la carrière de Jackie Lee Cochran. On y retrouve quelques coups de Jarnac Rollin’ Rock, «Riverside Jump» (wild cat strut), «Hip Shakin’ Mama» (l’hit de Jack The Cat, hot as hell avec le slap de Ray Campi), mais aussi «Buy A Car», bien wild, avec des filles qui font ah ah et hi hi ! Et puis t’as ce fast rockab en B, «Mama Don’t You Think I Know It», bien pulsé du train, solide et brave, presque invincible. Avec «Ruby Pearl», Jackie Lee fait son Gene Vincent, avec tout l’ahanement sexuel dont il est capable.

    z30271fiddlefitman.jpg

             Douze ans plus tard paraît Fiddle Fit Man. C’est ce qu’on appelle un tardif. On voit Jackie Lee gratter sa Gretsch noire sur la pochette. L’album est enregistré dans un petit studio anglais, à Wickford, Essex. Détail capital : Mike Vernon produit. Johnny & The Roccos - one of the best rock’n’roll bands around - accompagnent Jackie Lee. Il faut le dire franchement : ce tardif est une bombe. Jackie Lee attaque son morceau titre d’ouverture de balda en mode rockab pur et dur, Lincoln Carr te boppe ça net, et Jim Ficher te bat ça sec. Ambiance mystérieuse, comme si ça sortait du bois de la légende. T’entends là l’apanage du nec plus ultra. Jackie Lee chante «Out Across The Tracks» à l’arrache fatidique. Il a le diable au corps. Encore de la fantastique allure avec «Why Don’t I Leave You Alone». Il ressort ses faux accents d’Elvis. Ce mec a une classe sidérante. C’est un bonheur que de croiser sa route. Il boucle son balda avec la fantastique cavalcade de «Rock & Roll Blues», pulsé au tagada de caisse claire. Fantastique ! Encore un big shoot de rockab en B avec «She’s Mine All Mine». Jackie Lee casse encore la baraque avec le chant de «Peace Of Mind». Mike Vernon a dû se régaler d’avoir Jack The Cat dans son studio. Back to the wild rockab avec «Greasy Dollar Bill». C’est boppé dans l’esprit. Toutes les descentes de slap sont magnifiques de véracité emblématique. Fin d’album spectaculaire avec «Billy Is A Rocker». The Wild Cats are back ! Frénésie de la ferveur ardente ! T’as là le rockab de tes rêves inavouables. Rocka/ Billy is a rockahhh ! Ça t’envoie au tapis.

    Z30286jackcochran.jpg

             Trevor Cajaio rappelle au dos de Fiddle Fit Man que «Riverside Jump»/«Hip Shakin’ Mama» est le premier single de Jackie Lee (alors Jack Cochran) sorti sur Sims en 1956. Toujours dans les mêmes liners, on apprend que Jackie Lee a quitté le Texas fin 1956 pour s’installer en Californie. Il est repéré par l’A&R de Decca Records, un label sur lequel on trouve Johnny Caroll et Roy Hall. C’est sur Decca qu’il sort son deuxième single, «Mama Don’t You Think I Know It»/«Ruby Pearl». Il va ensuite végéter pendant dix ans, jouer dans des clubs, jusqu’à sa rencontre avec Ron Weiser, qui a déjà enregistré Ray Campi, Mac Curtis, et Chuck Higgins. Son premier album Swamp Fox sort en 1973.

    Signé : Cazengler, Jacky le Crâneur

    Jackie Lee Cochran. Swamp Fox. Rollin’ Rock 1974

    Jackie Lee Waukeen Cochran. Rockabilly Legend. Rollin’ Rock 1977

    Jackie Lee Cochran. Jack The Cat. The Jackie Lee Cochran Story. Hydra Records 1985

    Jackie Lee Cochran. Fiddle Fit Man. Off Beat 1985

     

     

    Inside the goldmine

     - Hatfield & The North

             On se croyait tout permis à l’époque. On allait chez Pierrot Hatefeau les soirs où il bossait de nuit. On sonnait et sa femme nous ouvrait. Comme on était deux bons potes à Pierrot, Stacia ne voyait aucun problème à nous laisser entrer. On allait d’abord dans la cuisine chercher des bières. On s’installait dans la grand sofa en cuir du salon. Notre sans gêne l’amusait beaucoup. Et le sien nous intriguait. On venait bien sûr pour la baiser, mais on n’imaginait pas un seul instant qu’elle pût en avoir envie. Elle était en robe de chambre très négligée, et c’est précisément ce décolleté vertigineux qui nous mettait sur la piste d’une telle déduction. On se sentait sur le point de basculer dans un univers qui nous plaisait énormément et qui était celui de l’amoralité. Et pour que ça marche, il faut des circonstance adéquates et des acteurs/actrices à la hauteur. On testait le terrain  avec les petites questions stupides habituelles du genre «T’aurais pas cahuètes ?» ou encore «T’as quoi comme musique ?», alors elle ramenait des cahuètes et nous mettait un peu de rock, mais pas trop fort, «à cause des voisins», alors on la prenait au jeu, «monte un peu, on n’entend pas», alors elle montait un peu, et on continuait de la titilller, «Pourquoi tu prends pas une mousse avec nous ?», alors elle sifflait une mousse, puis les questions se faisaient plus directives, «T’étais déjà couchée quand on est arrivés ?», elle hochait la tête en souriant, et fatalement la question suivante concernait la porte de la chambre, «Ta chambre, c’est la porte ouverte, là-bas ?» et elle hochait la tête à nouveau, alors on poussait un peu le bouchon, «Tu veux bien nous la montrer ?» et elle nous la montrait. Et arrivait ce qui devait arriver. À aucun moment, nous ne pensâmes à Pierrot Hatefeau, ni ce soir-là, ni les soirs suivants. Pauvre Pierrot Hatefeau, quel enfer devait être sa vie, entouré de gens comme nous et comme Stacia. Le vertige ne se trouve pas dans les décolletés, mais dans les examens de conscience, ces examens qu’on se garde bien de pratiquer, de peur d’avoir peur. Très peur.    

             Pendant qu’Hatefeau vivait sans le savoir l’enfer sur la terre, Hatfield créait de son côté le paradis sur la terre. Quelle belle fréquentation que celle du grand Bobby Hatfield.

    z30251hatfield.gif

             Fantastique album que ce Messin’ In Muscle Shoals, un MGM de 1971, c’est-à-dire l’âge d’or de Muscle Shoals. Contenu comme contenant parfait. Bobby attaque avec le «You Left The Water Running» de Dan Penn. Bobby fait son white nigger et tape en plein dans le mille. Il se montre digne de Fred Neil avec «The Promised Land». Il chante avec un tact suprême, et derrière, ça gratte les poux de Muscle Shoals. Il passe au wild r’n’b avec «Shuckin’ & Jivin’», il fait son nigger on fire, il est bon le Bobby, il shake son Stax. Coup de génie en B avec le gros popotin d’«I Saw A Lark». Get it ! Il est encore plus black que les white niggers avec «The Feeling Is Right». Incroyable qualité de son niggerisme ! Il termine en beauté avec le groove syncopé du morceau titre.   

    z30273theotherbrother.jpg

             Belle compile Ace que The Other Brother - A Solo Anthology 1965-1970. Tony Rounce se tape les liners. Il explique par exemple que le premier album solo de Bobby n’est jamais sorti, par contre, il en propose quelques titres dans la compile, dont l’excellent «Hang-Ups» de Mann & Weil. Bobby fait bien le white nigger sur ce groove d’excelsior. Puis avec «Ebb Tide», il remonte dans le pathos des Righteous. Il se prend aussi pour Sam & Dave dans «Soul Cafe». Il tape son heavy popotin à l’accent voilé. Il arrondit bien les angles de «Cryin In The Chapel», puis il épouse à la perfection «(I Love You) For Sentimental Reasons». Il monte si haut ! Il est encore plus spectaculaire sur «What’s The Matter Baby», c’est gorgé de blue eyed, les blackettes s’épuisent à le suivre. Avec le «Paradise» d’Harry Nilsson, t’as la pop US à son sommet, t’as des dynamiques monstrueuses, des vagues orchestrales dévorées par un bassmatic carnivore. Pur génie propulsif ! Bien sûr, Totor est dans le coup. Bobby épouse encore «Unchained Melody» sous tous les angles. Cette compile est écrasante de qualité. Il passe en mode Tempts avec l’heavy Soul de «What You Want» et revient dans les bras de Goffin & King avec «So Much Love». Overdose de feeling pur. C’est hyper-orchestré. Avec Mann & Weil, le développement est plus long et plus lent, comme le montre «See That Girl». Bobby est un crooner spectaculaire.

    z30272messin.jpg

             Bobby n’a pas de chance car ce premier album ne sortira jamais. Il descend en 1970 enregistrer son fameux Messin’ In Muscle Shoals, et Rounce ne rate pas une si belle occasion de ramener le Penn avec «You Left The Water Running». Bobby sait driver le raw d’un Staxy Stax. Il est encore plus doux que les Beatles sur «Let It Be». Incroyable touché de voix ! Il transfigure les Beatles. Encore du pur jus de Shoals avec «If I Asked You». Imbattable. Et tu te régales encore de ce riding down to Memphis dans «The Promised Land», fabuleux de feeling kind of hungry. Encore de l’heavy Soul de Shoals avec «Show Me The Sunshine» et de la good time music avec «The Feeling Is Right». «Messin’ In Muscle Shoals» sonne comme un hit mythique avec ses deux grattes et ce bassmatic monstrueux. Il présente tous les musiciens - It’s so funky down here.

    z30274staywihme.jpg

             Richard Perry n’est pas un producteur très connu. Dans ses liners de Stay With Me - The Richard Perry Sessions, Roger Thornhill rappelle que Perry a produit Laura Nyro, les deux premiers albums de Fanny, en 1971, et le Nilsson On Schmilsson d’Harry Nilsson. C’est en 1971 qu’il rencontre Bobby et qu’il l’enregistre. C’est aussi en 1971 qu’il se rend à Londres pour enregistrer chez Apple le troisième album de Fanny, Fanny Hill. C’est là qu’il bosse avec Bobby, au studio Apple, juste avant Fanny. Ils commencent par bosser sur le «Baby Won’t You Do It» de Marvin, et sur le «What Is Life» du roi George, tiré d’All Things Must Pass. Voilà l’heavy Bobby en pleine magie. Il fait de la Soul d’Harrison. Il reste dans l’Harrison avec «Sour Milk Sea», que chanta en son temps Jackie Lomax. On a Ringo au beurre, Klaus Voorman on bass, Al Kooper on guitar, Chris Stainton on organ, avec en plus Jim Price et Bobby Keys. La bande habituelle. On retrouve aussi le vieux hit de Sharon Tandy, «Stay With Me». Bobby s’en va vite titiller la note haute, dans un bel écho à la Totor. Bobby se montre ici spectaculairement sculptural, il taille sa beauté dans le marbre du firmament, à même la falaise. Tout ça pour dire qu’on a là une version mythique. Restons dans le génie vocal avec «Oo Wee Baby I Love You». Belle entrée en lice, power d’Oo wee, avec le riff de «Get Back», courtesy of Ringo. Stomp de Soul. Pur genius ! Bizarrement, l’album ne sera jamais complété.

    Signé : Cazengler, Bobby Hot fiel

    Bobby Hatfield. Messin’ In Muscle Shoals. MGM Records 1971 

    Bobby Hatfield. The Other Brother - A Solo Anthology 1965-1970. Ace 2017

    Bobby Hatfield. Stay With Me - The Richard Perry Sessions. Omnivore Recordings 2020

     

     

    Wizards & True Stars

     - Le rock à Billy

     (Part Ten)

    z30255billychildish.gif

             Plus tu creuses et plus Big Billy te bluffe. Mais attention, il ne s’agit pas de n’importe quel bluff, c’est le Bluff Medway !

    z30278iam allways.jpg

             Un bon exemple : l’album de Kyra, paru en 1998 : Here I Am I Always Am. Ah quelle délinquante juvénile ! Il faut la voir claquer «It’s A Stick Up» et «Organic Footprint» ! Elle aggrave la délinquance juvénile ! Côté covers, elle n’est pas en reste : figure-toi qu’elle tape l’«Agitated» des Electric Eels de Cleveland. Elle te les croque tout crus, I’m so agitated, elle te screame ça au quart de poil et ça vire Sonics, alors que fait Big Billy ? Il fond sur l’Agitated comme l’aigle sur la belette avec un wild killer solo flash qui tue le mouches. T’as pas de couple plus punkish en Angleterre. L’autre cover de choc, c’est bien sûr le morceau titre, tiré des Legendary A&M Sessions de Captain Beefheart. Celui-là il faut aller le chercher ! Elle le ramène par la peau du cou, elle te tape ça à l’hard attack, elle chante du ventre, elle remonte bien le courant, Big Billy peut être fier de sa punkette belge. Elle enchaîne cette merveille de Beefheart au féminin avec «Naked», un punk-rock primitif d’un éclat sans pareil. Puis elle te monte «Louise» sur la carcasse de «Strychnine». Et t’es pas au bout de tes surprises, car voilà «Marieke», un hommage à Jacques Brel, «entre les tours de Bruges et Gand», elle donne toute sa mesure, la petite Kyra-bien Kyra-la-dernière, et son ciel flamand pleure avec toi de Bruges à Gand, elle fait le show. Elle est encore plus magnifique avec «Ego Maniac», wild Childish punk-bop. Elle saute dessus ! Magnifico ! Elle saute encore au paf du punk avec «Do Things Right» - Now I try/ And do things right - Et t’as «Today Is The Night» joué à la pire arrache, ça se casse bien la gueule et c’est fantastique. Moralité : tout ce que propose Big Billy vaut largement le détour.

    Z30285CANTTOUCH.jpg

             En 2004, il produit l’album des A-Lines, You Can Touch. T’as Kyra au chant et derrière, Juju, Bongo Debbie et Delia. Elles te sonnent les cloches aussitôt «Four». Toute la ramalama du Medway Sound est là, glorieuse comme pas deux. Leur «Can’t Explain» n’est pas celui des Who, mais ça sonne comme un classique, un brin Stonesy, un brin Whoish. Le son est encore une fois d’un éclat sans pareil. Elles reviennent au pur protozozo avec «More Wax Please», c’est du vrai wild as fuck, mais pas n’importe quel fuck, celui de Medway. Elles sont infernales et Big Billy les condense à merveille. Elles passent au trash-punk avec «Sideways», ça atteint des sommets, tout est déchiré, échevelé, avec des chœurs de folles échappées de l’asile, c’est jeté dans le mur. Pur genius ! On retrouve la cover qu’avait tapée Kyra de l’«Agitated» des Electric Eels sur son album solo. Allez, on peut aller jusqu’à proclamer que c’est l’une des covers du siècle tellement c’est bon esprit. T’entends là le meilleur ramshakle d’Angleterre. Encore du wild as fuck avec «One Day», c’est saturé de mauvaises intentions, et elles passent au Medway Punk’s Not Dead avec «Day One» et t’as Juju qui passe le pire solo à deux notes qu’on ait entendu depuis celui de Pete Shelley dans «Boredom».

    z30275theywanted.jpg

             Big Billy a eu la sagesse de rééditer deux albums du William Loveday Intention qui étaient tombés dans la pattes des spéculateurs : They Wanted The Devil But I Sang Of God et Where The Black Water Slid. Vieux Big Billy sur la pochette du premier et jeune Big Billy sur la pochette du deuxième. They Wanted The Devil But I Sang Of God reste très Dylanesque. C’est le morceau titre qui ouvre le balda : vieille harangue dylanesque. Big Billy pousse bien le bouchon de Bob. T’as John Barker à l’orgue Hammond, Wolf au beurre et Jim Riley à l’harp. Ça reste dans l’esprit de «Like A Rolling Stone». «Sex & Fly’s» sonne comme de la grosse mélasse dylanesque violonnée, avec des beaux coups d’harp. Encore du violon sur l’harangue de «Truth Don’t Matter No More». Il parvient à mélanger l’early et le tardif dylanex. En B, il ramène «Viper’s Tongue» pour dénoncer avec toute la niaque dont il est encore capable. Puis il s’offre un petit coup de primitif avec «Cave (Slight Return)». Pure childisherie - I know you’re a sinner/ Ain’t no shame.

    z30276wheretheblackwater.jpg

             Where The Black Water Slid est un album d’instros enregistré comme tout le reste, par Jim Riley à Rochester. Tous les instros de l’album sont frais comme des gardons. Mais quel dommage de se priver d’un chanteur aussi exceptionnel que Wild Billy Childish.

    Z30277ITSHURTME.jpg

             Il rend aussi hommage à sa femme Juju Claudius en sortant sur son label Hangman une belle compile, It Hurts Me Still. Superbe présence vocale, dès le morceau titre. Elle est très tendancieuse et authentique ! C’est du pur jus de CTMF. Sous le nom de Jack Ketch, Big Billy écrit ça au dos : «Appearing alongside her husband and Wolf ‘still drumming’ Howard, a highlight for many has been when Julie pens her own compositions, singing lead vocals and playing rhythm guitar (as well as on a few ditties for her husband). Hangman music techs have now gathered up 14 favourites for the edifcation of both the discerning listener and the three-chord pop enthusiast.» Nouveau coup de génie avec «Empty». Elle chante à la ramasse de CTMF, yah yah it’s so empty ! Tu retrouves plus loin sa cover de «King Bee», elle en fait un «Queen Bee» avec toute la clameur de Brian Jones. Ah comme ça swingue ! Et t’as les coups d’harp de Jim Riley. Elle passe au garage moderne avec «When I Think About You», c’est bardé de riff raff bien âpre, ça gratte sec et ça bat net, tu peux leur faire confiance. En B, elle redevient wild as fuck avec «It’s So Hard To Be Happy». Elle tape dans le cœur du proto, et elle pousse les wouah les plus viscéraux, et pour couronner le tout, son husband Big Billy passe un killer solo protozozo. Tu croises plus loin un «Turn & Run» monté sur les accords de «Gloria». Dernier coup de Jarnac avec «Bullet Proof». Ah ça trashe bien derrière elle, avec le Big Billy qui destroy oh boy. T’as le mix parfait girl voice impénitente/super trash boy. Elle chante comme la reine des bas fonds et le Big Billy te trashe tout, absolument tout.

    z30282stepout.jpg

             Un bel album de Wild Billy Childidh & The Chatham Singers sort sur Spinout Nuggets : Step Out !  le bien nommé. Belle pochette avec Juju Claudius en reine de Medway. Le morceau titre somme comme un classique immédiat, big boogie de type Hooky avec Wolf au beurre. Ils tapent plus loin l’«I Can Tell» de Bo. Big Billy te chante ça du coin du menton. Tu croises encore une cover primitive du «Rollin’ & Tumblin»’» de Muddy. Big Billy te chante ça à l’édentée carnassière. En B, ils retapent encore le vieux «Just Want To Make Love To You» de Big Dix, suivi par l’immémorial «King Bee». Joli son des catacombes et ce baby buzzin’ round your hive qui t’a toujours hanté la cervelle. Tu ne t’ennuies jamais sur un album de Wild Billy Childish.

    z30280karatakus.jpg

             Ah bah tiens ! Voilà deux albums de Wild Billy Childidh & The North Kent Folkways Revival, The Speech Of Karatakus et Cape Trafalgar. Le Karatakus démarre avec l’heavy folk d’«I’m In Chatham (And It’s Raining)», mais attention, ce n’est pas n’importe quel heavy folk : c’est l’heavy folk de la traînasse supérieure. Big Billy bat Shane McGowan à la course. Même le violon est heavy. Bel hommage à LeadBelly avec «Black Girl», et ça chauffe de plus belle en B avec le morceau titre, dont les paroles sont imprimées au dos de la pochette - In Rome at peace you met your end/ Oh Karatakus loving, beloved, dear friend - Pour la petite histoire, Karatakus fut le chef militaire de la future Grande-Bretagne, qui, vaincu, fut livré à l’Empereur Claude et condamné à mort. Karatakus prononça devant l’Empereur un discours qui lui sauva la vie et c’est ce discours que chante Big Billy, et c’est magnifico - If you preserve me safe and sound, I shall be an eternal example of your clemency - Puis Big Billy enfonce son clou Pogues avec «Son Of The Medway» - The rain’s coming down in cats and dogs !  

    z30279captrafalgar.jpg

             T’as encore des belles surprises sur Cape Trafalgar. Il fait du late Dylanex violoné avec «Blues That Kills» et Juju vient taper l’heavy folk d’«It Ain’t Mine». Elle fait du punk-folk et ça t’en bouche un coin. Puis Big Billy refait son late Dylan avec «The Goddess Tree», c’est un fantastique folkeur de choc - I carve my name/ On the Goddess Tree - En B, il revient à ses vieilles chansons de loup de mer avec le morceau titre, ça chante en mode sea shanty et t’as le fantastique power de la poésie. Il met du poids dans chacun des pieds de ses vers - So homeward to Chatham/ Birthplace of the victory/ My beloved still waits for me - Il regagne la sortie avec du Dylanex punk, «Doggered For Broderick (We’re The Chathamese)», il shoute ses vers et ça part en chœurs de lads à coups de we’re the Chathamese.

    z30281rochester.jpg

             Il sort un troisième album en 2024 et réunit tous ses copains, The Chatham Singers & The Singing Loins, pour un beau live titré 2 Nites In Rochester. C’est comme si tu y étais. Ils attaquent avec l’heavy downhome blues de «No Mercy» - Baby please don’t go - et enchaînent avec un boogie à l’ancienne, «Evil Thing». Pas de problème, ça rocke le boat. Premier coup de génie avec «Step Out», et Wolf te bat ça sec, suivi d’un bel hommage à Bo avec «I Can Tell». Là, t’as tout le mambo de Medway. Et pour couronner le tout, Big Billy tape une cover de Dylan, «Hollis Brown», grattée à la Bo. Et en B, il tape son vieux classique, «I Don’t Like The Man I Am» - I can’t express my grip - Ça sonne comme un hymne national, violonné en mode complainte des pendus - Well I can’t love you/ Cause I don’t like the man I am - Et ça repart en mode Ses Shanty avec «The Jutland Sea», lancé au c’mon sailors avec un souffle de violon et de banjo dans les voiles. Fabuleux ! Encore un album qu’il vaut mieux écouter si on ne veut pas mourir idiot.

    z30283shaallsaayquois.jpg

             C’est dans le petit book de Saskia Holling (Girlsville - The Story Of The Delmonas & Thee Headcoatees) que tu découvres l’existence des Shall-I-Say-Quois. Tu rapatries ce truc là aussi sec et qui tu vois sur la pochette ? Juju, Ludella et Kyra ! Et au dos, t’aperçois Big Billy sous un béret. Il signe son texte (en français de Medway) Guillaume Amour-de-jour - La distorsion est claire et la clarté clairement déformée - Et il parvient à caler une prophétie dans cette merveille de rien-à-foutre : «Rock’n’Roll est une force épuisée, mais il entendre (sic) halètements pour son dernier souffle.» Six cuts, six bombes, voilà le tarif. Juju, Kyra et Ludella sont accompagnées par CTMF. Kyra chante en français, «Shall I Say Quoi ?», c’est du rock sixties à la Dutronc - Je fais quoi ? Yeah yeah oui ! - Pur genius encore avec «Oh Mein Goff Baader Meinhoff». On reste dans le Dutrock avec «It’s So Hard To Be Happy» et une puissante cover d’«Et Moi Et Moi Et Moi», Big Billy bat les accords à la main lourde, ça devient mythique de j’y pense et puis j’oublie.

    z30284ifyouwantit.jpg

             Au moment où tu tapes tout ça, Big Billy a déjà sorti de nouveaux albums et des EPs en pagaille. Dans Shindig!, tu repères la parution du nouvel EP des Headcoats Sect, Got Sect If You Want It. Alors tu fais quoi ? Tu le chopes pour l’écouter. Le morceau titre est du pur proto gratté à la cisaille de gratte rouge et t’as un killer solo en forme de fleuve de lave. C’est Keith Grant qui chante «Man Trap», et Big Billy gratte encore plus sévère, il tape en plein dans le spirit des Downliners. T’as tous les vieux poux de la grande Angleterre. Tout le rock anglais est là, comme au temps des Pretties, des Who et des Kinks. C’est Keith Grant qui chante encore «We’er (sic) Gone» en B, et ça part sur les accords de Dave Davies. Big Billy te sert le kilo de killer bien fumant.

    Signé : Cazengler, Billy Chaudepisse

    William Loveday Intention. They Wanted The Devil But I Sang Of God. Hangman Records 2021 

    William Loveday Intention. Where The Black Water Slid. Hangman Records 2022                       

    Juju Claudius. It Hurts Me Still. Hangman Records 2023                      

    Kyra. Here I Am I Always Am. Vinyl Japan 1998

    A-Lines. You Can Touch. Sympathy For The Record Industry 2004

    Wild Billy Childidh & The North Kent Folkways Rival. Cape Trafalgar. Hangman Records 2024              

    Wild Billy Childidh & The North Kent Folkways Rival. The Speech Of Karatakus. Hangman Records 2024 

    Wild Billy Childidh & The Chatham Singers/The Singin Loins. 2 Nites In Rochester. Hangman Records 2024

    Wild Billy Childidh & The Chatham Singers. Step Out! Spinout Nuggets 2024

    The Shall-I-Say-Quois. Damaged Goods 2013

    Thee Headcoats Sect. Got Sect If You Want It. Damaged Goods 2025

     

    *

             Nous les suivons depuis leur premier EP en 2020. Le temps passe vite, peu de nouvelles ces derniers mois et voici alors que ne l’attendait pas un nouvel album, sur lequel on retrouve quelques singles parus en 2024. Un grand changement. Z’étaient trois, les voici deux. Nathan a quitté Denver (Colorado) il est à l’autre bout du pays. Les Etats-Unis sont vastes… Z’auraient pu se séparer, ils ont décidé de continuer. Quitte à adapter leur musique à cette nouvelle configuration.

    GHOSTS

    BURNING SISTER

    (Bandcamp / Novembre 2025)

    z30320facea.jpg

             Pochette fantomatique. Une vue peu naturelle. Elle ne se regarde pas, on tente d’y voir, on scrute, on se méfie qu’apercevrons-nous au travers-de ce filtre bleu, ce qui est déjà en nous, les cadavres de nos actes passés, ou quelque chose de plus dangereux qui ne nous appartient pas mais qui semble nous faire signe.

    z30321dospoxhette.jpg

             Le dos de la couve est encore plus étonnant. Ça ressemble à ces plaquettes de verre entre lesquelles on a déposé l’on ne sait trop quoi,  ramassé à la va-vite, des grains de poussière, des miettes de pain, le bacille de la peste, n’importe quel vestige du monde, ensuite l’on visualise en mettant son œil sur l’oculaire du microscope, l’on ne comprend pas trop ce que c’est, normal plus on vous met le nez dans votre caca, plus la chose, materia prima de notre noirceur, est difficile à identifier. Aussi difficile à reconnaître qu’un fantôme.

    Steve Miller : bass, synth, vocals / Alison Salutz : drums.

    z30322mec.jpg

    Brokedick Icarus : Steve Miller nous prévient en quelques lignes, à deux le rock c’est comme la peinture à l’huile, c’est plus difficile, faut rajouter des éléments pour combler le vide, bref bye-bye les vagues de riffs, bonjour la drone music, et lorsque l’on essaie de séquencer la drone music, l’on n’est plus très loin du noise, bref une machine à faire du bruit, un peu de filetage, un peu d’estampage, l’on fait avec ce que l’on a et aussi avec que l’on n’a pas, pas de panique c’est un peu comme un avion dont l’hélice tournerait pas vraiment en rond, mais pas mal en ellipse, tant que l’on ne tombe pas c’est parfait, et puis il y a ce casse-couille d’Icare, enfin pas lui, son idée, son fantôme qui vient nous faire coucou dans nos synapses, bref pas le vrai qui s’est lamentablement planté, non l’autre le symbole qui monte toujours plus haut. Bref un doom ferrugineux d’où s’exhale le rêve de notre incomplétude. Stellar ghost : attention ce n’est pas une ouverture d’opéra mais ça a de la gueule, Icare s’est évaporé, honneur à son fantôme stellaire, délaissez votre télescope, il n’est pas si loin, peut-être juste à côté de vous, vous savez Schopenhauer quand il dit que lorsque vous êtes vraiment en vous, les gens que vous croisez semblent avoir perdu leur épaisseur mentale, sont réduits à l’état de fantôme, alors le Miller l’a beau s’époumoner en milliers d’invectives il ne recevra pas de réponse, à part celle d’Alison qui passe sur ses illusions désespérées à coups de batterie aussi lourde qu’une division blindée implacable. Comme je suis un gars serviable et pas cruel je vais vous révéler la nature de ce tlntamarre, cela vous paraîtra évident lorsque je vous aurais résumé tout le paragraphe en un seul mot : c’est du blues. Pas autre chose que du blues. Mais du blues comme en fait rarement. N’exagérez pas, ne dépassez pas la dose prescrite, ça cogne dans la tête. No space or time : ce n’est pas

    z30323sister.jpg

    tout à fait une berceuse, mais après les deux morceaux précédents, c’est un havre de paix, tiens la machine revient, normal qui dit paix sur-entend mort. Cherchons l’intruse comme dirait le commissaire Labavure. Procédons avec ordre et méthode, pour le moment nous n’avons qu’un cadavre, pas tout à fait mort, disons en partance, ah : cette espèce de bruit de corne de rhinocéros et ce robinet de doom qui ruisselle sur les cymbales et sur vos joues. Moment idéal pour se confronter aux questions essentielles : appréhendons-nous l’espace et le temps de la même quand nous sommes morts que quand nous sommes vivants. D’ailleurs entre le mort et vous  des deux quel est le plus vivant. Si ce n’est pas vous, c’est donc un fantôme. Lethe | Oblivion : attention, ça devient funèbre, le gars est bien parti pour le grand voyage, croisière ou galère, je ne sais pas il descend le Léthé, une seule escale touristique, l’oubli, est-ce que son oubli serait dans sa tête, le Miller, il miaule, il beugle, dans sa cervelle il doit croire qu’il fait du chant grégorien, sa basse s’accordéonise et notre sœur brûlante elle joue du tambour comme si elle était Perséphone en personne. Sûr qu’elle ne perd pas ses toms avec ce rythme d’oiseau qui vole avec une aile brisée et qui n’en finit pas de tomber. C’est ce que l’on appelle une longue agonie. Swerve (Dead stars) : l’est un peu jaloux le Miller, alors il nous donne un petit concert de basse, en fait quand vous parlez à un mort, c’est comme quand vous essayez de causer à une fille qui n’en a rien à faire, est-ce un hasard si notre batteuse lance son roulement à bille battérial, c’est ce que les damnés psychologues nomment l’incommunicabilité entre les êtres, remarquez qu’avec sa rythmique en rondelle Alison essaie de communiquer par l’entremise d’une table tournante. Encore une fois, un petit cours de rattrapage, sera bref, l’abrupte citation d’un hémistiche de Gérard de Nerval : ‘’ Ma seule étoile est morte,’’ Dead love : comme quoi j’avais raison. Tiens un accord de guitare et une batterie qui enchaîne, serait-ce le retour du rock, en tout cas l’on vire vite dans le grand tapage, de plus en plus lourd, ou plutôt de moins en moins léger, car il reste une trace d’entrain, vous savez quand les chevaux arrivaient au cimetière ils pressaient le pas car on allait bientôt les délester du poids du cercueil, silence, faites doucement, écoutez cette espèce de trompe qui mugit, cette basse qui bourdonne, juste un tapotement, l’instant crucial, quand Juliette se réveille auprès du soi-disant cadavre de Roméo, est-ce pour cela qu’Alison chantonne et que Juliette se plante un poignard dans le cœur. Et le combat cessa faute de combattants. Ne restent plus que des fantômes qui déambulent comme des bulles de savon crevées.

             Fabuleux. Sister Burning a relevé le défi. Z’ont produit leur meilleur opus. Le groupe a atteint une autre dimension. Supérieure.

    Damie Chad.

     

    *

    Y a des gars qui sont là pour vous saper le moral, je sais bien que l’hiver arrive, que les jours diminuent, que les nuits rallongent, que le monde va de plus en plus mal. Est-ce vraiment une raison ? Heureusement qu’il reste des murmureurs qui hurlent dans vos oreilles pour vous sortir de vos léthargies dépressives. Comme ils ne veulent pas vous prendre en traitre, ils font précéder leur opus de la mention : ‘’very loud’’. A bon entendeurs, salut !

    WITHERED

    NO LUST / NO HOPE

    (Doomshire Tapes / Novembre 2025)

    z30326logo.jpg

    TZ : instigateur de cette K7, composée, écrite, mixée, jouée par ses soins : guitars, bass, vocals / Invité et esprit frappeur : Federico Leone : drums.

    Viennent d’Italie. Ils définissent leur entreprise  comme la musique des âmes tristes. La formule est lapidaire mais elle résume à la perfection la signification testamentaire d’une telle offrande au néant.

    z30323whitheredcouve.jpg

             La couve n’est pas créditée. Rouge et noire. Que représente-t-elle, le sang et l’obscurité du néant ? Difficile  à dire. Serait-ce la bouche d’ombre chère à Victor Hugo, dont les lèvres de pourpre se refuseraient à parler, pour la simple et bonne raison qu’il n’y aurait rien à dire. Sur rien. Et surtout sur nous-mêmes. Serions-nous des êtres aux âmes flétries…

    Instrumental : en tout cas le premier titre l’annonce dès son titre, il n’a rien à dire. Voici une histoire sans paroles, et bien entendu sans histoire. De cette bouche sanglante se dégage un bruit, à moins qu’il ne s’y précipite comme la matière de l’univers s’absorbe dans les trous noirs. Un bruit ? Pas tout-à-fait, une résonnance noire qui parfois semble s’accumuler sur elle-même tout en réalisant le prodige de ne cesser de progresser, sans interruption  No lust / No hope : jusqu’à ce que Federico le Lion,  le chevalier, à l’armure de fer, transgresse la chose sonore immonde à coups de masse, incroyable elle réagit, l’on entend des voix qui ne montrent aucune voie, un peu comme s’il tapait sur un long serpent noir, serait-ce celui  qui passerait devant lui, tout droit sans lui porter la moindre attention, la chose n’ondule même pas, les guitares, elles viennent bien tard, elles réagissent mais elles n’apportent ni n’enlèvent rien à ce grondement imperturbable qui se déroule sans même se préoccuper de lui-même, la seule chose qui bouge en fait c’est l’angoisse et la peur qui montent en vous tout en sachant que le monde entier s’en moque, ne reste plus à Leon qu’à faire le cake sur ses tambours, tout en sachant que cela n’ a aucune importante, aucune conséquence, en fait c’est juste le concept phénoménal du vide, qui ne se loge pas dans votre raison puisqu’il y est déjà depuis la première seconde de votre vulveuse conception, vous pouvez taper du pied c’est comme si vous pissiez sur un kit drummique, vous pouvez hurler à vous enrayer la voix avec du papier de verre, prenez la bonne résolution, soyez positif dans votre négativité, décidez de quitter ce cirque, inutile de faire semblant de charmer  le serpent par la force de votre esprit en ne faisant même pas mine de dodeliner de la tête pour l’amadouer, vous êtes le serpent, vous n’avez qu’une seule chose à faire à réaliser  votre destin puisque vous êtes programmé, Addicted to death : cette résolution se traduit par une prise de parole, une déclaration solennelle, l’énonciation de ce que l’on est, le background musical prend le relais, tempétueux, que voudriez-vous ajouter de plus, il baisse un peu pour  vous laisser l’espace de poser encore quelques mots, mais aussitôt il s’ébroue et accélère le rythme, il se précipite, peut-être parlez-vous,  mais vous êtes maintenant dans la matrice du désir de la mort, personne ne peut vous entendre, vous n’apaiserez pas l’immonde douleur de virve avec quelques cachets ou tout autre produit,  c’est au plus près de la mort que vous vous sentez reposé… Raptus / No regrets : grésillements, comme un courant électrique qui s’infiltrerait dans votre corps, cette électrocution dommique accumulée dans votre corporéité ne vous tue pas, elle vous investit d’une force surhumaine, vous êtes un surhomme, non pas parce que vous être le plus fort physiquement parlant, car ce qui sert d’accumulateur énergétique c’est votre cerveau, votre pensée domine le monde, elle étend ses tentacules sur tous les objets de l’univers et s’empare de votre désir le plus cher, le plus chair, vous criez, vous délivrez votre message comme Zarathoustra sur sa montagne, mais votre seul disciple c’est vous-même, il y a un instrument, on se moque de savoir lequel, qui claironne tout fort pour révéler au monde entier qui n’existe plus le grand secret de votre réussite,  grandiose compression sonique, déferlance terminale, vous êtes ce vous vouliez ne plus être, vous ne vous êtes jamais senti aussi bien. En pleine forme. En forme de rien.

    Somptueusement darkly !

    Pour ceux qui auraient besoin d’une cuillerée supplémentaire de nihilisme, tous les goûts sont dans la nature, le groupe a déjà sorti en septembre 2025 un premier single.

    z30325couveregret.jpg

             La couve noire, dessinée de ce mauve dont sont teintes les perles des couronnes funéraires du cimetière, est plus explicite, une fois que la tête de mort centrale se soit imposée à vos yeux. Au-dessus je ne sais pas, je décèle dans le dédale neigeux des arabesques nuageuses deux buccins apocalyptiques mais  cette voyance ne cadre point trop avec l’idéologie nihiliste du groupe. Tout en bas, mon imagination se complaît à entrevoir les silhouettes incertaines de deux musiciens, plus clairement tout en haut, à droite et à gauche, deux mêmes signes énigmatiques, deux Y, un pilier central qui se divise en deux branches, l’une serait-elle la vie et l’autre la mort, avec à l’intérieur du delta un carré, symbolique signe géométrique de la perfection, cela voudrait-il dire que la vie et la mort engendrent la perfection des âmes mortes.

    Wawes of regrets : le lecteur remarquera que ce titre publié deux mois avant l’opus précédent évoque des vagues de regrets alors que la cassette   stipule sans ambages qu’il n’y a pas de regrets à avoir… :  pour un premier titre ils donnent dans l’emphase, les grandes orgues du romantisme, z’ont encore des regrets car manifestement ils n’ont pas fait l’impasse sur la beauté, ruissellement de cymbales et l’on prend une direction plus noire, mais avec de fortes nuances, encore un oratorio désespéré et une voix qui growle comme si sa vie en dépendait, remarquez c’est un peu le cas, une basse qui fait la belle comme une bosse de baleine, sont encore dans le spectacle, des rockers qui ne veulent pas se taire, moulinades battériales, souffles soniques, ce n’est pas une vague mais un raz de marée qui emporte tout. Déduction logique : il ne reste plus rien. Quelque part ça doit les rendre heureux, c’est ce qu’ils voulaient.

             C’est un peu comme s’ils déclaraient avec la voix grandiloquente des hommes politiques qui cherchent à vous émouvoir en vous avertissant du danger imminent : ‘’ Nous sommes au bord de l’abîme, un pas de plus nous tuerait !’’.  Eh bien, au disque suivant ils ont commis l’irréparable en se jetant dans l’abîme.

                Ces vagues de regrets sont très belles.

    Damie Chad.

     

     

    *

    L’ordre logique des choses peut paraître évidente. Je lis un très bel et profond article de Jean Montalte sur Paul Valéry. Depuis ma chronique sur Le cimetière main d’Aephanemer vous connaissez mon admiration et mon intérêt pour cet écrivain.  Je débouche sur Poe, un des écrivains essentiels de la littérature selon moi. Selon Valéry aussi. Il partageait cet avis avec Stéphane Mallarmé. Oui mais tous les Poe ne se prénomment pas Edgar.

    De toutes les manières je n’ai pas respecté l’ordre chronologique. Voici une dizaine d’années nous présentions quelques livres à un groupe de collégiens. La bibliothécaire exhiba un gros bouquin à couverture amarante, elle précisa qu’il était en Anglais. En silence je l’admirai, qui pourrait-être assez fou pour dévorer un pavé à vue de nez de plus de cinq cents pages en anglais… A part notre Cat Zengler qui nous chronique régulièrement des volumes-rock venus d’Angleterre ou d’Amérique, en notre douce langue françoise, bien entendu. Je cite de mémoire sa courte présentation : ‘’L’histoire d’une famille qui aménage dans une maison qui s’aperçoit que les pièces de la maison semblent changer de dimension…’’

    z30333couvebook.jpg

    L’idée m’est restée dans la tête. Dans la série : un bon truc pour démarrer une histoire fantastique. Revenons à Jean Montalte, l’article sur Valéry m’a donné envie d’en savoir davantage. Pas besoin d’aller bien loin sur son site personnel. Un chronique sur un livre et un auteur dont j’ignore tout écrit à la suite de la réédition de Maison des Feuilles de Marc Z Danielewxki, paru aux éditions Monsieur Toussaint Louverture. Un roman américain bizarroïde, l’histoire d’une maison dont les dimensions… Je consulte la fiche Wikipedia de ce Mar Z Danielewski, Son père qui fut cinéaste a eu un fils et une fille. Le frère est devenu écrivain et la fille chanteuse. Sous le nom de Poe. Ah oui, ce doit être une des sœurs Larkin Poe que le Cat Zengler est allé écouter à l’Olympia, je vérifie : erreur. C’est bien la sœur de son (demi-)frère, elle a enregistré chez Atlantic. L’a sorti deux albums, ensuite elle se fait jeter hors de sa maison de disques : sombres histoires de rachats d’entreprise, de droits, d’avocats, de compressions de personnels pour générer des bénéfices substantiels, la petite histoire traditionnelle du développement capitalistique … Un petit tour sur Discogs, une idée de génie (oui, je sais, je n’ai que des idées géniales) si la sœur enregistre pourquoi pas le frère… Bingo ? je cherche et je trouve.

    DON’T BE SCARED

    POE AND MARK Z. DANIELEWSKI

    (Atlantic / CD Promotionnel / 2000)

    z30327dontbescaredcouve.jpg

            Je pourrais me contenter de chroniquer les albums de Poe, oui mais le livre de son frère me paraît beaucoup plus rock’n’roll que les disques de sa sœur. Ce qui n’a pas empêcher sa sœur d’accéder aux charts rock. En plus une chanteuse qui choisit Poe comme pseudonyme doit être à priori, selon mes critères, une personne intéressante. Poe n’a cessé de suivre les efforts de son frère dans la rédaction de son roman, elle a lu les brouillons au cours de l’élaboration de l’œuvre, ils en ont longuement discuté, l’ouvrage terminé elle l’a aidé à trouver un éditeur et pour lancer le livre et lui assurer un premier groupe de lecteurs parmi ses propres fans, elle l’a incité à réaliser ce CD promotionnel dans lequel nous retrouvons certains morceaux de son deuxième album Haunted..

    z30327couvehaunted.jpg

             Haunted. OK ! mais hanté par quoi ? demanderont les esprits rationalistes. C’est ici que nous empruntons, un peu comme l’Igitur de Mallarmé, un escalier qui descend au plus profond de soi, dans le tombeau de nos ancêtres. Notre chanteuse ayant retrouvé un carton de cassettes enregistrées par Tad  Danielowski, son père disparu - il s’est séparé de sa femme alors qu’elle avait seize ans et son  (demi)-frère dix-huit - elle est si violemment heurtée par ses premières écoutes qu’il lui faudra beaucoup de temps pour les passer en leur entier. Certains passages sont inclus dans Haunted. J’ignore le contenu de ces bandes, en tant que cinéaste Tad Danielowski est l’auteur de No exit (1962) qui est une adaptation du Huit Clos de Sartre. L’on pressent un parfait spécimen de cette génération d’intellectuels d’après-guerre tourneboulés par les affres de l’existentialisme et de la psychanalyse…

    z30334photomark.jpg

    Truant’s nightmares : Mark Z. Danielewski : Mark lit un passage de House of leaves, musique d’accompagnement légère, volatile, l’a une belle voix, un plaisir de l’entendre, rythmée et posée, elle vous endormirait presque, ne vous laissez pas aller comme Truant qui cède souvent au sommeil, qui s’endort n’importe où, même dans un arbre, non ce n’est pas marrant du tout, un de ses amis Dude lui demande si ses cauchemars ne sont pas un moyen de douter ou de mettre en doute la réalité, et pourquoi pas celle de son existence. Ou alors celle de ce qui se serait passé s’il n’avait pas dormi. Par exemple s’il avait entendu le téléphone. Exploration B : Poe : extrait de Haunted, Poe ne fredonne que quelques mots tout doucement, le téléphone sonne, Papa est mort, Maman ne répond pas…   Book of Leaves et Haunted, sont très différents, l’un n’est pas plus long qu’un CD, l’autre compte sept cents pages, mais tous deux proviennent de la même blessure. Ce qui ne signifie pas qu’ils racontent la

    z30328hauntedinterieur.jpg

     même histoire. Haunted : Poe : un extrait du titre phare de Poe, elle ne fait pas la-la-la mais ba-da-pa-pa, sachez entendre, la voix s’avère douce et lasse, La mélodie, l’orchestration est comme tissée de bruits indistinct, celle du père, celle de Poe, celle de touts les personnes qu’elle a rencontrées ou côtoyées, tous des fantômes qui la hantent, comme des éclats d’elle qu’elle n’arrive pas à rassembler… brusquement la musique se brise comme si Poe devenait plus forte… The Intrusion : Mark Z. Danielewski : toujours cette belle voix, et pourtant nous voici plongés au cœur de l’intrique (très intrigante en effet), le comble de l’horreur, une monstruosité impensable, les Navidson rentrent chez eux après quatre jours d’absence, ils sont chez eux, mais l’intérieur de la maison n’est plus la même, on aimerait savoir la suite mais au bout d’une cinquantaine de secondes la lecture cesse. 5 1/2 minute allway :

    Z30330VUEBOOK.jpg

    Poe : chance, Poe nous chante la suite, à sa manière, au début ça ressemble un peu à un morceau de country, un garçon qui s’éloigne de sa copine, pas de quoi en faire un drame, mais de quoi se mêle le propriétaire à mesurer le couloir, et cette amplification orchestrale pour nous crier à l’oreille qu’ils s’éloignent de plus en plus l’un de l’autre, une manière romantisée de raconter une réalité effrayante. Walestoe Letter (Part II) : Mark Z. Danielewski : attention la voix de Mark n’est plus tout à fait la même, elle a perdu sa tranquillité, est-il soucieux que l’on mette en doute ce qu’il rapporte, il est sûr que sur la foi de ces cinquante secondes l’on n’hésiterait pas à le traiter de fou et de signer sans état âme son internement en asile psychiatrique ad vitam aeternam, d’ailleurs le couloir qu’il évoque ne serait-il pas celui d’un lunatic asylum, et puis ses arbres dont ils causent ne sont-ils pas là pour cacher la forêt. Essayons d’être un peu plus clair : l’histoire de la famille Navidson est connue, un chercheur décédé, Zampano a rassemblé une foultitude de documents sur un film  réalisé par le chef de la famille Navidson, mais le film a-t-il été vraiment tourné, vous avez autant de preuves qui le confirment que de faits qui le nient… Walk the way :

    Z30331vuebook2.jpg

    Poe : l’on a envie d’embrasser la sœur de Mark, pour sûr elle a deux grosse valises à se coltiner, la tristesse de son père, son propre enfermement en elle-même, mais elle prend le taureau par les cornes, ça déchire, elle appuie sur l’accélérateur du vouloir vivre, la musique la suit, puis elle se brise, non elle s’amoncelle, maintenant elle charrie de l’énergie et quelques fantômes peut-être, mais elle fera avec. (Lemon Meringue) / Echo : Mark Z. Danielewski / Poe : tiens l’on se croirait en cours de math, enfin de physique plutôt, le prof se la pète un peu, il débite son enseignement vitesse TGV, vous marchez, votre talon fait du bruit, mais vous l’entendez une fois que vous n’êtes plus au moment où votre  talon cognait le sol, survient à votre oreille comme un écho, vous vous en foutez, vous avez tort, c’est juste une image, imaginez que la réalité que votre œil voit soit l’écho de la réalité et non pas la réalité elle-même. The panther : Mark Z. Danielewski : encore un laïus théorique, mais celui n’est pas catapulté par la moulinette à paroles, ce passage est-il inspiré par le sublime poème de Rilke sur la panthère, de toutes les manières le sujet est grave, l’animal enfermé dans une cage, il reste immobile en lui-même, il est au centre de sa puissance, il sait qu’un jour la porte s’ouvrira, comme ce que nous prenons pour la réalité se craquelle sous la poussée sanglante de l’autre phénomène que nous ignorons. Wild :

    z30332vuebook3.jpg

    Poe : elle a compris, le gars dans le couloir est à l’image de la maison, si le couloir l’empêche de pénétrer dans la chambre, c’est tout simplement parce qu’il ne veut plus y aller, il ne l’intéresse pas, elle reprend sa liberté. Hey Pretty  / Just another drive : Mark Z. Danielewski / Poe : apparemment une scène typique de la mytho-réalité des USA, un gars et une fille dans une voiture, devinez ce qu’ils ne font pas, Poe insiste, elle a mis la musique pour que ce soit plus suggestif, en tout cas le gars conduit, il ne parle pas, ou plutôt on dirait qu’il récite un poème de Jim Morrison, même s’il a une voix ensorceleuse il n’est pas le Roi Lizard, un lézard en tout cas il y en a un dans l’horloge temporelle de ces deux-là, il ne peut pas faire n’importe quoi, refusez toute pensée graveleuse, demandez-vous plutôt lequel des deux n’est pas un fantôme, ou tous les deux peut-être, en tout cas la fermeture éclair qui relie la réalité à la non-réalité est un peu coincée. La musique qui conclut ce passage n’est guère rassurante. Effrayante même si on s’y attarde quelque peu. Footnote 301 : Mark Z. Danielewski : Lecture d’un extrait de journal. Vous avez au début une espèce de description de la couve de l’opus qui à première vue ne représente pas grand-chose. Ensuite vous ne pouvez ne pas  penser au sacrifice du taureau dans le culte de Mithra, à part que là c’est un peu différent, c’est une machine à torturer les êtres humains et celui que l’on a retrouvé dans la fosse c’est l’inventeur de la machine.

    z30335couve.jpg

    Footnote 302 : Mark Z. Danielewski : deuxième note de bas de page, une réflexion sur la précédente qui doit être  liée à l’affaire Navidson, rapportée par Zampano, celui-ci semble avoir été enfermé et brûlé dans la machine, l’ami de  Zanzano pense à toute cette horreur, il ne peut se détacher de cette pensée, à croire que tout s’est déroulé dans sa propre tête. Et si c’était une espèce de cuisson alchimique mentale… Peut-être est-ce moi qui suis cette chambre noire où Zampano a été enfermé, comme s’il était dans mon cœur et si je ne pense plus à lui, s’étant ainsi en quelque sorte échappé, peut-être moi-même ne suis-je plus. Depuis un petit moment un gimmick tapoteur s’est mis en route comme s’il voulait jouer le rôle d’un pouls qui bat un peu trop fort…

    L’ensemble dépasse à peine les vingt minutes. Ce n’est pas tout-à-fait un objet promotionnel a posteriori. Il a été précédé de la publication sur Internet de quelques passages du livre qui n’est alors qu’une œuvre en progrès. L’on peut dire que ce qui n’est pas vraiment une campagne de pub a fonctionné. Mais un public de marginaux s’est reconnu dans ces lambeaux d’histoires fumeuses et fumantes. A sa sortie, le livre était attendu par de nombreux acheteurs captivés par cette étrange histoire, peut-être justement par cette espèce d’incohérence objectivale qui est celle de ces déclassés qui vivent sur la crête de leur existence.

    J’ai été séduit par les lectures de Mark, elles sont envoûtantes, j’avoue que les morceaux de sa sœur m’ont moins touché. Elle est classée dans la catégorie ‘’modern rock’’, c’est un peu comme le pâté d’alouette : 95 % de cheval / 5 % d’alouette… Je reviendrai sur  House of leaves, je l’ai commandé au Père Noël…

    Damie Chad.

     

     

    *

    Cette transcription est dédiée à Alain, sans qui ce blogue n’aurait jamais vu le jour.  Alain  était obsédé par l’existence du mythique  Bradley Studio, sur lequel il ne parvenait pas à trouver de documentation, il en parlait souvent, il se serait jeté sur cette vidéo… Pour Alain, le Studio Bradley était comme une clef perdue du rock’n’roll…

    Grâce à la construction des Studios Bradley, Harold Bradley (1926-2019), et son frère Owen Bradley (1915 – 1998) furent à l’origine de ce qui devint le Music Row. Si au début l’expression désignait l’espace géographique de studios et d’immeubles spécialisées dans la création et l’édition de la country music, aujourd’hui Music Row est une appellation généraliste qui englobe l’industrie musicale de Nashville, tant au niveau musical, financier et idéologique…

    Harold et Owen étaient avant tout des musiciens de haut niveau. Ils surent réunir autour d’eux tout le Nashville A-Team  orchestre à  comparer avec le Wreckin’ Crew basé à Los Angeles. L’on retrouve Harold sur de nombreux disques par exemple de Roy Orbison, de Willie Nelson ou des Byrds…

    Cette interview fut enregistrée à Nashville, elle fut menée en 2007 par Kenneth Van Shooten and Julie Ragusa. Etrangement, elle aussi porte le numéro 14 comme celle consacrée à Deke Dickerson  dont la transcription se trouve dans notre livraison 711 du 20 / 11 / 2025.

    Gene Vincent Files #14: Harold Bradley, legendary

    studio-musician and founder of the Bradley Studios

    z30336début.jpg

             Quand j’ai eu grandi, nous étions en pleine période de la musique de big band, mon frère et moi-même nous nous sommes évadés de l’influence big band. Je jouais au lapin agile au Ryman Auditorium. C’était dans l’orchestre de Ted Williams lors du service militaire. Nous nous sommes dirigés vers la Country Music. A cette époque Nashville n’était pas réellement connu pour la country music. Et d’un seul coup, soudainement les gens commencèrent à parler de nous comme une ville country. Alors pour avoir   sorti un tube de rock’n’roll nous avons fait la preuve que nous pourrions nous lancer dans un autre genre, un genre différent de la country music. A cette époque mon frère et moi possédions trois studios. Le premier était le deuxième à Lindsley (Nashville). Notre deuxième fut le premier qui était le second dans Hillsboro Village (quartier de Nashville). C’est en 1955 que nous avons acheté et remanié une maison, nous avons collé un baraquement derrière elle. Elle commença à être connu comme le Quonset Hut. C’étaient les studios cinéma et enregistrement Bradley. Au bout d’un certain temps nous avons dû enregistrer dans le Quonset. Il était destiné au tournage de films, mais à l’époque nous devenions trop importants. Gene Vincent en fut une des raisons car il était impossible de se rendre maître de l’ensemble du  son produit, les batteurs jouaient fort, nous ajoutions ensuite les saxophonistes et les voix supplémentaires. Ainsi nous avons dû nous installer dans un studio plus spacieux, quitter le petit studio pour déménager dans   le quonset hut. Cela nous a pris un certain  temps pour le réaliser. Il m’a fallu un peu de temps pour m’adapter à la country music parce que mon frère et moi provenions du Big Band, et nous commencions juste à mettre en forme le projet, musique de scène et l’enregistrement de la scène, et nous faisions basiquement du country quand Gene Vincent, et aussi Buddy Holly, déboulèrent dans la ville en 1956, nous ne savions réellement pas comment faire avec eux. Ainsi nous fîmes Buddy Holly et une espèce

    z30339buchefermé.jpg

    de rockabilly avec Gene Vincent. Il possédait son propre groupe et cela changeait toute l’histoire car ils étaient réellement en train de créer le rock’n’roll, nous avions à porter un regard sur cette musique quelle que puisse être la forme qu’elle était en train de prendre. Je pense que je suis arrivé juste à point avant que la séance d’enregistrement ne commence, mon frère et moi avions joué le premières notes dans le premier studio commercial en 1947 et nous étions capable de sortir de la musique de danse quoique cela nous prit à tous les deux un bout de temps, parce qu’il était un bon joueur de piano, et lors des premières sessions il jouait de la manière  qu’avait l’habitude de jouer d’un pianiste. Ayant entendu le résultat il se trouva face à un problème, la balance obtenue ne correspondait pas à ce qu’il voulait entendre. Finalement il dit à Chet Atkins : ‘’J’ai besoin d’être comme toi, j’ai besoin d’être assis avec toi dans la control room pour obtenir ce que je veux sur les disques. Peux-tu me recommander un pianiste ?’’ Eh bien répondit Chet, j’ai ce qu’il te faut, ce petit gars maigrichon nommé Floyd Cramer. Tu devrais l’essayer. Et naturellement vous savez comme cela a marché. C’est le piano de Floyd sur que l’on entend  sur toutes ces belles choses, sur le stuff de Brenda Lee de stuff de Patsy Cine. Cela a été très important pour moi, car se suis renommé pour avoir été le guitariste le plus enregistré  de l’Histoire et je suis ainsi inscrit au Country Music Hall of Fame.

    z30340boucheouverte.jpg

    Toutefois j’ai joué toutes sortes de musiques. Très tôt je voulais jouer du banjo. Mon frère m’a dit : ‘’ le banjo est en train de passer de mode. Tu dois apprendre la guitare’’. Je me suis mis à la guitare. Au bout de cinq ou six ans il m’a dit : ‘’Tu dois apprendre à jouer du banjo’’. Je me suis mis au banjo. J’ai Joué dans le dernier orchestre Dixie de Papa John Gord. Ainsi j’ai joué au banjo l’intro de The Battle of New Orleans. Ce n’était pas difficile pour moi. Mais mon point fort est que j’ai joué différentes sortes de musique. J’ai joué la country music, de la musique de Big Band, j’ai travaillé avec vingt-cinq personnes au Rock’n’roll Hall of Fame. J’ai travaillé avec Henri Mancini, et hier j’étais en train d’écouter un album pour la première fois que nous avions enregistré avec Hugo Montenegro, il a posé quelques cordes, il avait fait les guitares à Nashville. Ainsi je pense qu’il est nécessaire de jouer tout style de musiques parce que si j’avais joué un seul style de musique, en le rock’n’roll il aurait été difficile de maintenir une carrière parce qu’il y a vraiment un maximum de bons guitaristes et si j’avais été juste un guitariste country, cela limite vos chances, je suis un guitariste de pop et de jazz frustré, aussi ai-je essayé un petit peu de tout, si vous êtes une espèce de touche-à-tout peut-être serez-vous bon pour un ou deux styles. Ken Nelson a été la personne la plus sérieuse que j’ai rencontrée dans ma vie. Il était très abordable, mais précis et concis, sur tous les sujets il avait son opinion et il vous en faisait part  d’une manière directe et précise. Nous éprouvions un énorme respect envers sa personne car il témoignait à tout un chacun du respect, mais il était indubitablement le capitaine du vaisseau quand il était dans le studio. Ken nous invitait à entrer. Nous y allons, ce n’était pas dans le quonto hut. C’était dans le

    z30341bouch.jpg

    premier studio que nous avions construit dans lequel on avait recouvert de carton la moitié du plancher et c’était la dalle (de ciment) du plancher qui était le plancher du studio. Gene Vincent and the Blue Caps sont là en train de jouer nous étions dans la control room, je me souviens qu’il n’y avait pas trop de chaises. Il y avait  un couple de chaises, l’ingénieur était assis, Ken Nelson était assis. Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait un problème. Le batteur jouait si fort dans cette pièce que le son rentrait dans le micro de Gene, ce qui créait un problème pour l’ingénieur. Si c’était un problème pour l’ingénieur cela   nous posait un problème à nous en tant que propriétaires du studio. Nous sommes restés là tentant d’imaginer une solution. Owen mon frère est sorti et a reculé Gene Vincent de cinq pieds, puis de dix en arrière. Finalement il l’a poussé totalement hors de la porte du studio jusque dans le hall ne laissant qu’un passage pour le câble du micro, le câble du microphone était la seule ouverture et c’est ainsi qu’il a chanté Be Bop A Lula. Cela a rendu sa voix, le son de sa voix très clair. Plus tard Thomas et notre ingénieur ont eu une autre, (il toussote) excusez-moi, machine à bande, qu’ils installèrent au même endroit et il obtint un écho retour, ce fut la sorte d’écho standard que vous utilisez comme un écho de pièce et non comme un écho de résonnance. Ils firent leur morceau et Gene Vincent revint, nous écoutâmes le playback, et Ken fut très content de leur interprétation. Ainsi nous étions très satisfaits. C’était magnifique. Il vrai que c’était un modèle, un modèle pour le rock’n’roll, la manière dont c’est supposé sonner, pas seulement la musique mais la voix. Je pense que ce fut une surprise car nous faisions du country et Ken Nelson avait à son actif quelques hits country et brusquement il était sur le point d’obtenir un rock’n’roll hit. Je pense que c’était réellement bénéfique pour le studio. Je pense que c’était bénéfique pour Nashville et c’était bénéfique pour Ken car, puisque c’était le cas, il assurait son emploi. Je doute qu’il était en danger, certainement c’était un galon sur sa veste et un autre pour nous. Je

    z30343rigole.jpg

    ne me préoccupais pas de prendre des tas de notes alors. Je préparais juste des sessions mais nous prîmes quelques notes de cela car c’était une chose inhabituelle de travailler avec Gene Vincent et de travailler avec Buddy Holly. Même si ce que nous avons fait avec Buddy Holly n’était pas  aussi bon que ce que nous avons fait avec Gene Vincent. Buddy Holly était davantage rockabilly avec un maximum de guitare dans le style de Chet Atkins, en rien comparable à ce que Buddy Holly a fini par faire. Naturellement les premiers disques d’Elvis étaient très maigres, avec juste trois ou quatre instruments. Nous n’avions aucune idée de ce que nous étions en train de faire, nous étions juste là, le rock’n’roll était en train de s’inventer, et nous n’ étions pas sûrs que c’était une bonne chose. Nous avons eu, c’était un grand plaisir de le jouer ou d’essayer de le jouer. C’était juste un bout de Nashville, inclus dans l’entité musicale qui existe aujourd’hui. Oui je me souviens avoir entendu cela, mais en ces

    z30344fin.jpg

    temps c’était comme entendre ce que l’on disait d’Elvis. J’ai travaillé avec Elvis de 1962 à 197O ou 1971 en studio, il utilisait alors le groupe avec lequel il était en train de tourner, de cette manière, après les séances vous perdez contact avec quelqu’un durant quinze ou vingt ans, vous ne parlez plus avec eux, vous ne les voyez plus, naturellement les conséquences sont différentes j’ai toujours dit que chaque fois que nous perdons quelqu’un, nous perdons à chaque fois un peu de nous.

    Transcription : Damie Chad.

    Note 1 : photo du Ryman Auditorium de Nashville.

    z30312rymanauditoryum.jpg

    Note 2 : quonset hut : il s’agit de baraquements en forme de demi-boîte de conserve qu’utilisait l’armée américaine pour stocker divers matériels, après les années de  guerre sans doute elle s’en est-elle débarrassée à petits prix…

    z30311quonset++.jpg

    Note 3 : Floyd Cramer ( 1933 -1997 ) : en 1955 son propre groupe comprenait : Jimmy Day, Scotty Moore, Bill Black, and D.J. Fontana. Il fut d’office intégré à la Nashville A-Team…

    z30314cramer.jpg

    Note 4 : John Gordy (1904-1961) : pianiste de jazz dixieland, il joua notamment avec Elvis Presley…

    z30315gordy.jpg

    Note 5 : Henri Mancini (1942-1994) : compositeur, chef d’orchestre, on lui le thème de la Panthère Rose…

    z30316pinky.jpg

    Noye 6 : Hugo Montenegro ( 1925-1981) : compositeur, chef d’orchestre, spécialiste de la musique western, on lui doit la bande musicale de Charro ! avec Elvis !

    z30317charro.jpg