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CHRONIQUES DE POURPRE - Page 59

  • CHRONIQUES DE POURPRE 492 : KR'TNT ! 492 : WILD BILLY CHILDISH / CHUCK PROPHET / PLANETE METAL / STEPPENWOLF / ROCK STORY / ROCKAMBOLESQUES XV

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 492

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    07 / 01 / 2021

     

    WILD BILLY CHILDISH / CHUCK PROPHET

    PLANETE-METAL / STEPPENWOLF

    ROCK STORY/ ROCKAMBOLESQUES 15

     

    Le rock à Billy - Part One

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    Debout devant la pile des arrivages, il farfouillait attentivement (sur l’air d’Il Patinait Merveilleusement du pauvre Lélian). Brandissant un vinyle, il rompit soudain le silence :

    — Tiens... Jamais vu ce truc-là ! C’est quoi ?

    — The Watts 103rd St Rhythm Band, c’est une grosse équipe de blackos qui font du funk. L’album date de 1967. Y sont californiens. Y zont dû faire cinq ou six albums en tout. Gros son. Tu veux qu’on l’écoute ?

    — Ouais, vas-y, mets-le. Et ça ?

    — Explorers Clubs, des adorateurs de Brian Wilson, mais ça ne va pas te plaire. Trop pop pour tes oreilles de vieux renard du désert. Et ça, tu ne dois pas connaître non plus, c’est japonais.

    Pochette noire frappée de trois grosses lettres argentées : PSF.

    — PSF ça veut dire Psychedelic Speed Freaks. Ils portent bien leur nom. C’est l’un des trucs les plus explosifs que je connaisse. Comme les Schizophonics, ils repartent du MC5 et poussent le bouchon dans les orties, avec ta grand-mère. Comme si c’était possible de pousser le bouchon du MC5, hein ? Quand les Japonais font un truc, ils le font mieux que tous les autres, en voilà encore la preuve ! Tu sais le mec dont je t’ai déjà parlé, le mec de Dig It!, c’est lui qui passait ça dans son radio show. L’a passé ça plusieurs fois. Alors bingo !, j’ai rapatrié l’album.

    À la suite de quoi le farfouilleur éclata de rire :

    — Ha ha ha ! T’as encore récupéré des Billy Childish ?

    — Ben oui...

    — Mais t’as déjà tout. Ça n’a pas de sens !

    — Tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’au coude, camarade. C’est justement parce que tu as tous les albums de Billy Childish que tu continues d’écouter les albums de Billy Childish. Comme Aretha et James Brown, il est parfaitement incapable de faire un mauvais album. Je vais même te dire un truc : ces deux derniers albums que tu vois là sont fan-tas-tiques !

    — Ouais, tu dis ça tout le temps. Si on t’écoutait, on n’en finirait plus.

    La remarque du farfouilleur le piqua au vif et la répartie fut cinglante :

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    — Chacun cherche chon chat, camarade. Chacun fait comme il peut avec ses petits bras et sa petite bite. Mais bon puisque le train de mes enthousiasmes roule sur les rails de tes insuffisances et s’arrête à la gare de ta suspicion, on va stopper le funk pour donner la parole au vieux Billy. Alors je sais ce que tu vas me dire : il n’a pas inventé la poudre. Et là tu vas encore te vautrer ! La poudre, il la réinvente chaque fois qu’il fait un album. Tiens, on va attaquer avec celui-là, Last Punk Standing, tu vas voir, l’album porte bien son nom...

    Il mit l’album en route. Piégé dans cette conversation qu’il n’avait pas souhaitée, le farfouilleur s’efforçait de montrer un minimum d’attention :

    — Mais c’est pas Billy Childish qui chante ?

    — Non, c’est la Juju à son Billy, une nonchalante avec de la prestance à tous les étages. C’est elle que tu vois sur la pochette. Le cut s’appelle «It Hurts Me Still». Ça ne te rappelle rien ?

    — Les Headcoatees ?

    — Bravo ! La Juju joue de la basse et Wolf bat le beurre. Billy reste à la manœuvre. Tu vas voir, il va ressortir son meilleur accent cockney. Tiens, écoute celui-là, il s’appelle «Like An Inexplicable Wheel». Billy ressort ses gros accords psyché. Tu vois, avec sa toque de Davy Crockett, le vieux Billy fait encore de bons albums. Imagine que Jim Morrison ait vécu : il ferait certainement de bons albums. Ces vieux rockers ont ça dans la peau. Il y a d’autres exemples : Bob Mould ou encore Ray Davies. Tiens écoute celui-là, il s’appelle «The Darkness Was On Me»...

    — Ouais, c’est les accords de «You Really Got Me» !

    — Et Billy pousse le même waouuuuhh que Ray Davies, pas mal, non ?

    — C’est vrai que ça sonne bien.

    — ‘Coute ! Il termine l’A avec un bel hommage à Link Wray, mais attends, il y a encore de la viande de l’autre côté, tiens, comme ce truc qui s’appelle «Gary’s Song». La Juju va te rendre gaga, mon gars ! Et c’est encore pire avec celui-là, «The Happy Place». T’as vu l’attaque ? Putain, quelle niaque !

    — Pour du garage anglais, c’est vraiment bien.

    — Attention, voilà le morceau-titre ! Billy rend hommage à la résistance ! Il le fait à l’Anglaise, t’as qu’à voir, là, poto, t’as du mythe à la pelle ! Il sait même faire les Stooges, tiens, ‘coute l’intro de ce truc-là qui s’appelle «Some Unknown Reason», c’est les accords de Wanna Be Your Dog. Et qui c’est qui referme la boutica ? La Juju avec «The Used To Be», ‘coute comme elle est bonne, elle a cette engeance de la prestance qu’avaient les Headcoatees, tu crois pas ?

    — Y vaut cher l’album ?

    — Non, si tu le commandes chez Crypt, ça reste correct, 15 ou 16. Il tient ses prix. Comme au temps du Born Bad de la rue Keller, quand les albums étaient tous à 13.

    Il ne proposa pas au farfouilleur d’écouter l’autre album de Billy. Deux Billy dans la foulée ? No way. Ça fait beaucoup et ça risque de gâcher le plaisir. Bon, on va laisser nos deux amis vaquer à leurs occupations pour entrer dans des considérations plus épistémologiques. On peut en effet se poser la question de savoir à quoi rime d’écouter Wild Billy Childish en 2020. Quel sens ça peut avoir ? Aucun. Le seul sens est celui que donne l’artiste en agissant. Époque révolue ? Non, puisque Billy Childish enregistre encore un album, et pourquoi enregistre-t-il encore un album ? Pour qu’on l’écoute. Même s’il en a déjà fait 100 ? Et alors, ça fait 101 ! Vas-y Billy ! Tant qu’il tiendra debout derrière son micro, on sera là. Il y a plus de sens dans le 101e album du vieux Billy que dans toute ta philosophie, Horatio. Plus de sens que dans tout ce magma médiatique et tout ce décervelage organisé. Last Punk Standing, et comment ! Ce n’est pas un hasard si Billy peint. Il peint comme Gauguin et tous les hommes libres peignaient avant lui. Billy ne passe pas son temps à regarder des conneries à la télé. Il a compris qu’un cerveau ça pouvait servir à peindre et à faire des disques, et tant pis si les gens n’écoutent plus beaucoup les disques, l’essentiel est de continuer à servir ses dieux et ses diables. Billy fait son Last Punk Standing de la même façon que Jerry Lee fit son Last Man Standing. S’il n’en reste qu’un, il vaut mieux que ce soit Billy plutôt que Stong, pas vrai les gars ?

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    Thomas Patterson qui l’interviewait en 2019 le qualifiait de painfully honest, c’est-à-dire de dramatiquement honnête. Billy nous explique Patterson pousse sa logique de singular anti-commercial vision jusqu’au bout, allant jusqu’à continuer de s’illustrer dans un genre tombé en désuétude, commercialement parlant. Mais le paradoxe, c’est que Billy n’a jamais été aussi bon, aussi déterminé à nous sonner les cloches. Il rappelle à Patterson qu’il a tout fait : «We’ve done every single thing. We’ve got spoken word, blues, experimental and nursery rhymes. Everything.» D’une modestie qui pourrait servir de modèle à ceux qui en manquent tragiquement, Billy tient surtout à rappeler qu’il n’est pas musicien. Au Nouveau Casino, c’est Graham Day qui sur scène accordait la belle guitare rouge de Billy. Il s’en explique très bien d’ailleurs : «La grosse difficulté avec la guitare : c’est une chose que d’apprendre à en jouer, mais c’est complètement autre chose que d’en jouer débout derrière un micro.» Billy se fout de savoir si on l’admire et s’il a du succès, il ne s’inquiète que d’une chose : faire très exactement ce qu’il veut faire et la manière dont il veut que ça soit fait. Billy travaille son son comme Gauguin sculptait les bois de la Maison du Jouir, aux Marquises : tout à la main et fuck you. Billy ne doit rien à personne.

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    C’est exactement l’impression qui se dégage de Kings Of The Medway Delta. Rien qu’à voir la pochette, on comprend tout. Billy, Juju et Wolf sont là, ain’t got no friends around, claque Billy dans sa chanson, et il allume son boogie au scream, comme au temps des Sonics. Dans l’interview, Billy rappelle qu’il déteste le garage, son truc c’est l’early rock’n’roll des Beatles à Hambourg et le Bristish Beat, ce qu’illustre parfaitement son «Got Love If You Want It» : il y recrée la magie des vieilles pétaudières. Sortir un tel son relève du prodige. D’ailleurs Billy le dit et le redit : «La seule chance qu’a le rock’n’roll de survivre, c’est de faire ce qu’on fait, le jouer pour personne sous une pierre, à l’abri comme ça il n’est pas détruit par la lumière du jour. Et c’est parce que j’aime la musique qu’on enregistre toujours nos disques comme quand on avait 15 ans et qu’on enregistrait notre premier album. Voilà pourquoi on est cool and better than everyone else. C’est pas compliqué à comprendre, non ? It’s simple maths.» C’est vrai que cet album pourrait être enregistré en 1964. «All My Feelings Denied» est un cut souverainement inspiré. Si on en pince pour le British Beat de l’âge d’or, alors on est gâté avec «Wiley Coyote». Billy fait son Wolf (l’autre, pas le sien) avec une sacrée gouaille, il tranche bien dans le vif du sujet. On l’entend aussi jouer ses notes en apesanteur dans «Why Did I Destroy Our Love», un chef-d’œuvre de musicalité psyché à l’anglaise, avec un Wolf (le sien, pas l’autre) qui fouette les fesses du beat à la perfection. Il termine cette excellente déclaration d’intention en blastant «You Wonder Why I’m Hurting». Il drive son boogie comme il l’a toujours fait, en parfaite connaissance de cause.

    Signé : Cazengler, Billy Chierie

    Wild Billy Childish & CTMF. Last Punk Standing. Damaged Goods 2019

    Wild Billy Childish & The Chatham Singers. Kings Of The Medway Delta. Damaged Goods 2020

    Thomas Patterson : You’ve Got To Do Something. Shindig! # 87 - January 2019

     

    Prophet en son pays - Part Three

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    Fin 2020, année lugubre s’il en fut, Chuck Prophet est revenu dans le rond de l’actu avec les bras chargés : un book, un nouvel album et une interview dans Vive Le Rock. Pour dire haut et fort sa fierté de fonctionner à l’ancienne, Dandy Chuck brandit son vinyle et fait une interview de promo dans un canard de has-beens ! Il avoue même sa hâte de repartir en tournée, comme au temps d’avant - But as soon as we’re able, we’ll get out on the hillbilly highway and bring it to the people. I miss that connection with the crowd in a big way - Ah les dandys, c’est toujours pareil, ils ne peuvent pas s’empêcher de porter leur nostalgie en boutonnière, à l’instar du baron de Charlus arrangeant nous dit Proust une rose mousseuse à sa boutonnière.

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    Ce nouvel album s’appelle The Land That Time Forgot et fait suite à l’abondante discographie sur laquelle on s’est déjà largement répandu dans KR'TNT. Ça devait être en 2017, suite au concert de Dandy Chuck à la Boule Noire. Un Part One passait en revue les faits et gestes de Green On Red et un Part Two ceux du Dandy solo. Nous voilà donc rendus au Part Three avec un album qui peine à convaincre, tout au moins en bal d’A. Dandy Chuck fait toujours sa pop de Dandy et sa voix cristallise son élégance. Disons qu’il est au rock moderne ce que Dylan fut au rock de 65 : l’homme de la diction suprême. Il faut l’entendre dans «High As Johnny Thunders» déclarer : «If heartbreak was virtue/ Man I’d be so virtuous.» Avec sa compagne Stephie, il monte un coup de dynamique à deux voix dans «Marathon» et dans «Willie & Willi», il raconte l’histoire d’un couple qui écoute Metallica real loud, histoire d’emmerder des voisins qui appellent des flics qui ne viennent jamais. Dans la vie, c’est bien connu, il faut des baisés. Les deux chansons politiques qu’on trouve en B sont le seul intérêt de cet album. La première concerne Nixon et Dandy Chuck n’est pas tendre avec ce sale bonhomme. Dans «Nixonland», il raconte qu’il est né in the heart of Nixonland. Il fait parler Nixon s’adressant au fantôme d’Abe, c’est-à-dire Abraham Lincoln - Surely Abe you must understand/ The Jews are out to bring me down (T’as bien compris Abe que les Juifs veulent ma peau) - Personne n’incarne mieux que Nixon le fascisme à l’Américaine. Et dans «Get Off The Stage», Dandy Chuck s’adresse à Trump sans jamais le nommer. Il lui demande de dégager le plancher, sur un ton très dylanesque, dans tout l’éclat de sa hargne - Please get off the stage - C’est suprêmement bien dit - You’re one bad hombre/ So why don’t you just turn around and go home (T’es qu’une sale bonhomme, alors pourquoi ne rentres-tu pas chez toi ?) Tout ce qu’il dit sonne étrangement juste - We’ve heard everything you’ve got to say/ Take a book off the shelf - Rentre chez toi, ferme ta gueule et lis un livre. Apparemment, les dieux ont exaucé les vœux de ce merveilleux héritier de Dylan qu’est Dandy Chuck.

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    Back to the book. Bien évidemment, on attendait monts et merveilles d’un book de Dandy Chuck, au moins autant que du petit essai que consacra jadis Barbey d’Aurevilly à George Brummell, considéré comme l’inventeur du dandysme en Angleterre, Du Dandysme Et De George Brummell. Hélas, il faut vite déchanter, car l’auteur de What Makes The Monkey Dance - The Life & Music Of Chuck Prophet & Green On Red n’est pas Dandy Chuck mais un certain Stevie Simkin qui lui n’est pas dandy pour deux sous. Il passe complètement à côté du sujet qui est le dandysme. Il pourrait objecter - et il aurait raison - que les États-Unis ne sont pas terre de dandysme, à de rares exceptions près (Francis Scott Fitzgerald, Andy Warhol et Christopher Walken). Bref, il fait chou blanc, ce qui explique le fait qu’on ne trouve dans ce book qu’une seule et unique référence à l’élégance qui est tout de même le trait le plus marquant de Dandy Chuck : «D’une certaine façon, la musique et les fringues sont liées. J’aime l’élégance. Je trimballe des grosses valises. Comme dirait l’autre, le style est la réponse à tout. D’une part, le style n’a rien à voir avec la mode. D’autre part, le style est instinctif. Comme le dit Joan Rivers, c’est comme l’herpès, soit vous l’avez, soit vous ne l’avez pas.» En écho à ce trait d’esprit prophetic, on va citer Barbey : «Le luxe de Brummell était plus intelligent qu’éclatant ; il était une preuve de plus de la sûreté de cet esprit qui laissait l’écarlate aux sauvages, et qui inventa plus tard ce grand axiome de la toilette : ‘Pour être bien mis, il ne faut pas être remarqué.’»

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    Style ou grâce ? Dans le cas de Dandy Chuck, on aurait tendance à pencher pour la grâce. Une autre trait de Brummell que souligne Barbey lui sied à merveille : «Les femmes ne lui pardonneront jamais d’avoir eu de la grâce comme elles ; les hommes, de n’en pas avoir comme lui.»

    Le dramatique de la chose est que Simkin brosse un portrait extrêmement édulcoré de Dandy Chuck. Il en fait une sorte de rocker américain tellement soucieux de son indépendance qu’il se condamne à l’underground et cette façon d’aplatir les choses ne fait que normaliser un Dandy Chuck qui de toute évidence cherche depuis toujours à échapper à ses poursuivants, ce qui est comme vous le savez l’apanage des Dandys, ainsi que le scandait Barbey : «On ne se lassera point de le répéter : ce qui fait le Dandy, c’est l’indépendance.» Grâce à Barbey, Simkin retombe donc sur ses pattes. Gros veinard !

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    Ce book propose un panorama chronologique comme on en fait tous. Avec ce pétard mouillé, Simkin nous traîne aux antipodes du book de rêve, celui de P.F. Sloan par exemple, paru chez le même éditeur, un book en forme d’invitation au voyage, sur lequel nous allons bien sûr revenir. Si le Sloan slappe si joliment l’imagination, la raison en est toute simple : Sloan qui est un esprit fantasque s’adresse directement à son lecteur. Pas d’intermédiaire. Oh bien sûr, Dandy Chuck raconte aussi un peu sa vie, mais il n’apparaît que cité entre guillemets. Dommage, car Dandy Chuck est un vieux blogger confirmé qui n’a besoin de personne en Harley Davidson. Mais sur ce coup-là, il n’est pas le boss. Simkin organise les choses à sa manière et injecte ici et là ses petits trucs perso. On s’en passerait bien, car les petits trucs perso qui nous intéressent sont ceux de Dandy Chuck. C’est d’autant plus frustrant que Dandy Chuck crée la sensation chaque fois qu’il ouvre sa boîte à camembert. Ses tournures d’esprit sont extrêmement originales. Comme par exemple lorsqu’il conclut le chapitre consacré à un manager dont il doit se séparer : «Oui, j’éprouvais un profond ressentiment envers Mike Lembo. Mais j’ai fait la paix en moi, au sens où j’ai assumé toute la responsabilité de cette affaire. Je pense qu’il est préférable de choisir ses combats, au sens où on ne peut pas tous les gagner.»

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    Simkin rend un hommage rapide au fameux Paisley Underground, une scène californienne enracinée dans Big Star et qui va engendrer l’apparition de Green On Red, des Long Ryders, de Rain Parade, des Bangles, un mouvement dit Steve Wynn provoqué par le vide des années 80 - a very dead period of music in Los Angeles - Retour des guitares, alors que régnaient partout ailleurs les synthés. Puis voilà Slash, oh non pas le frimeur des Guns, non, Slash c’est d’abord un petit label basé à Los Angeles qui sort Dream Syndicate, les Blasters et X - of the wild and fertile LA punk scene - C’est d’ailleurs Steve Wynn qui suggère aux mecs de Slash d’écouter Green On Red qui sont alors des débutants et qui campent dans un rootsy song-centric approach, camp-meeting cross of Crazy Horse et Creedence et qui avec leurs collègues locaux Lone Justice, Los Lobos et Long Ryders vont participer à l’avènement de l’alternative country. Dan Stuart embauche Dandy Chuck pour muscler le son de Green On Red et les voilà partis pour une sorte de wild ride suicidaire - We were typically pretty out of tune and Dan was like John Candy on Ritalin - Dandy Chuck se plait à reformuler leur absence totale d’ambition quand il compare Green On Red à REM, deux groupes qui ont démarré en même temps - Je respecte totalement ces quatre mecs qui ont bossé pour devenir célèbres. Mais nous n’avions pas du tout ce genre d’objectif. On n’avait tout simplement pas de plan. Just really self-destructive - Voilà ce qui fait la grandeur de Green On Red. Quand le mec de China Records leur demande de faire un disk pour les gens qui ont des lecteurs de CD dans leur bagnole, Dandy Chuck rétorque : «Je n’ai jamais vu un CD. Je ne sais même pas de quoi tu parles !». Jusqu’au bout, ils allaient poursuivre leur petit bonhomme de chemin auto-destructif, tant au plan commercial, artistique que personnel. Dandy Chuck résumera bien la situation à la fin du book en déclarant : «I’ve always felt out of time.»

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    Nick Kent qui voit Green On Red sur scène à Londres trouve la voix de Dan Stuart intrigante sur disk mais décevante sur scène - Avec Gram Parsons à six pieds sous terre aujourd’hui et Neil Young en plein délire réactionnaire, il existe un énorme champ de possibilités qui n’attend qu’une chose : qu’on le laboure. Quelque chose me dit qu’un jour ce groupe va trouver du pétrole, mais pas avec No Free Lunch, qui n’est rien d’autre qu’une vieille faux rouillée - Il a raison, Nick Kent, les albums de Green On Red ne sont pas tous très jojo. À la fin de Green On Red, Dandy Chuck et Stuart ne s’adressent plus la parole. Stuart se coupe du monde et Dandy Chuck part vivre à Berlin avec sa copine de l’époque qui n’est pas encore Stephie Finch. Quand un peu plus tard en 1989 ils redémarrent Green On Red, nos deux amis oublient le prévenir le batteur et l’organiste. Dandy Chuck est assez fataliste sur l’extinction des relations : «That camaraderie was gone.» Et il ajoute : «Comme dans tant de relations, les choses se délitent et ça s’éteint. Sans qu’on ait dit un seul mot.» Il indique aussi que si Green On Red a duré aussi longtemps, c’est grâce aux drogues - Green On Red nous a permis de sortir le plus tard possible de l’adolescence pour entrer dans l’âge adulte. Le groupe nous a aussi épargné les dangers de la rue et pire encore, celui d’un job alimentaire.

    Si vous parvenez à faire abstraction du côté chou-blanc-pétard-mouillé, vous trouverez néanmoins de quoi vous sustenter dans ces 300 pages, car Dandy Chuck jouit du privilège de ne fréquenter que des gens intéressants, à commencer par Jim Dickinson, Alejandro Escovedo et Dan Penn.

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    C’est Dandy Chuck qui insiste à l’époque de Green On Red pour travailler avec Dickinson. Pour ça, il va trouver David Lindley dans un club de Memphis et Lindley lui recommande plutôt de choisir Ry Cooder comme producteur. S’ensuit un échange prophetic :

    — Ry Cooder ? J’aimerais bien, mais nous ne sommes pas ce genre de groupe.

    — Qu’est-ce que tu veux dire ?

    — Well, on ne sait pas très bien jouer.

    — Qu’est-ce que tu veux dire par ‘pas très bien jouer’ ?

    — Well, on sait jouer, mais comme le Velvert Underground ou ce genre de groupe.

    — Qui ça ?

    — Tu vois bien ? C’est pour ça qu’on veut travailler avec Dickinson.

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    Dickinson produit The Killer Inside Me en 1987 et c’est le début d’une relation d’amitié entre Dandy Chuck et lui qui va durer jusqu’à la disparition du vieux Dick en 2009. Une partie de l’album est enregistrée à Los Angeles. Dandy Chuck raconte qu’en arrivant à l’aéroport, Dickinson voulut faire un crochet par Alvarado Street, pour acheter de l’herbe, to get things rolling. Dickinson insistera aussi pour faire une session chez Ardent, à Memphis. Au passage, il commencera à inculquer quelques belles notions de base au jeune Dandy Chuck qui nous confie ceci, tendez bien l’oreille : «L’approche de Dickinson consistait à choper ce qu’il y avait entre les beats ou entre les notes. That ramdom element dont les gens veulent se débarrasser. Je crois qu’il voulait capter l’esprit de ce qu’on jouait.» Mais Dandy Chuck sent qu’une tension monte entre Dickinson et Dan Stuart. L’épisode est assez cocasse : «Peut-être éprouvaient-ils le besoin de sortir leurs bites pour se défier, comme on dit à Hollywood.» Stuart disait de Dickinson : «C’est le genre de mec qui quand ça va mal, ramasse le ballon et l’emmène chez lui. Il nous a planté pas mal de sessions en se barrant du studio.» Mais Dickinson finit toujours par revenir, d’ailleurs il glissera ceci dans l’oreille de Dandy Chuck : «Si quelqu’un doit piquer sa petite crise, je préfère être le premier.» Il avait trouvé le moyen de calmer cet imbécile de Stuart. Autre enseignement de base : Dickinson voit les deux Green perdre confiance en studio et pour les requinquer, il leur dit : «Never let anybody make you feel bad about what you’re doing.» Gardez confiance en vous, les gars, ce qui va sacrément toucher Dandy Chuck : «What a gift he gave us.» Il conservera toujours ce respect mêlé d’admiration pour Dickinson.

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    Green On Red ne sont plus que deux quand ils enregistrent Here Come The Snakes à Memphis avec Dickinson. Ils traînent un peu avec Tav Falco and the Burns guys, just having a good time. Ils passent une journée au Sam Phillips Recording Services (le neuf, celui de Madison Avenue), avec Roland Janes. L’idée de Dickinson est de jammer et d’enregistrer, Dandy Chuck on Tele, Stuart on acoustic, Dickinson on drums, no bass. Dandy Chuck se retrouve tout simplement au paradis : «Roland est le genre de mec qui te donne confiance en toi. Aujourd’hui, c’est difficile de trouver des gens aussi purs. La plupart ne sont là que pour pointer tes fausses notes. Ils n’ont rien compris. D’ailleurs pourquoi comprendraient-ils ? Ils n’ont jamais été faire une balade en Flying Saucer Of Rock And Roll et ils n’iront probablement jamais.» Ils ont ensuite ramené une cassette chez Ardent et ont bossé dessus avec Dickinson - Que penses-tu de ce passage de guitare ? Ça ressemble à quelque chose ? Alors on rajoutait de la batterie ici et une guitare là. Et j’overdubais un solo et Dickinson overdubait une ligne de basse et on a monté les cuts comme ça - Pour les autres sessions, Dickinson gère tout en interne. L’ingé-son adjoint Paul Eberslod joue un peu de batterie et René Coman qui accompagnait Alex Chilton vient jouer un peu de basse. Dickinson joue un peu de piano. D’ailleurs, Alex Chilton fait un saut chez Ardent au moment des sessions et bien sûr Dandy Chuck se pâme d’admiration pour lui. Ils passent aussi pas mal de temps avec Bill Eggleston - Il a mis un certain temps à nous donner l’image. On est allés chez lui plusieurs fois, tôt le matin. Et puis un jour, il l’a sortie d’une boîte : ‘C’est l’image. C’est votre pochette.’ On n’allait pas lui dire le contraire - Pour Simkin, Here Come The Snakes est le grand album de Green On Red, an outstanding collection of songs that captures the essence of the band’s reputation of genius teetering on the edge of substance-fuelled breakdown - Bien vu Simkin. Par contre, l’album suivant, This Time Around enregistré avec Glyn Johns est selon Stuart a disaster. C’est vrai qu’on passe à travers toute l’A et même à travers toute la B. Dommage, car Dandy Chuck fait des merveilles dans son coin, il joue des solos étincelants, mais il est à l’arrière du mix, ce qui constitue une très grave erreur. On note aussi sur cet album la présence de Spooner Oldham. Mais globalement, This Time Around ne vaut pas tripette. Ils enregistrent le suivant qui s’appelle Scapegoats à Nashville avec Al Kooper et pas mal de session-men réputés comme Spooner Oldham et Tony Joe White - We had more fun in Nashville in ten minutes than we did in two weeks in LA with Glyn - Tout l’album baigne dans une ambiance d’Americana exceptionnelle. Dandy Chuck gratte tout en picking des Appalaches et Dan Stuart promène son cul sur les remparts de Varsovie. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’ils enregistrent quelques démos avec Dan Penn.

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    Avec Alejandro Escovedo, c’est une autre paire de manches. En 2007, dans un studio du Kentucky et sous la houlette de Tony Visconti, Dandy Chuck enregistre avec Alejandro l’album Real Animal - Alejandro avec ses pompes à 800 $ et sa connaissance encyclopédique des Stooges réalisait le mariage idéal entre le luxe et la rue. Visconti mit de l’ordre dans le désordre - Alejandro et Dandy Chuck composent les cuts ensemble. Si on a autant de son sur cet album, on le doit de toute évidence à la présence de Dandy Chuck. «Smoke» sonne un comme un hit, avec son côté dylanesque et ses descentes spectaculaires. Le cut se tortille dans des breaks - We’re still going bop bop baby/ All night long - Alejandro Escovedo détient la puissance d’un Soul scorcher. Il rappelle par certains côtés l’early Graham Parker. Encore une vraie dégelée avec «Real As An Animal». Quelle puissance ! Ils filent au vent mauvais, sur un superbe pounding chicano et ça part en solo de non-retour. Avec cet album, ce démon d’Escovedo sort le grand jeu, the heavy American pop-rock chanté aux guts de good rider. Chuck Prophet gratte derrière. On croit rêver tellement c’est bien foutu.

    Mais comme le rappelle Dandy Chuck, la santé d’Alejandro bat de l’aile à cette époque, à cause d’une hépatite C et ils décident de composer sur le thème «a life in music through life, death, loss and the promise of Rock and Roll deliverance». Mais hélas Simkin ne rentre pas davantage dans cet épisode capital. Quand Sloan évoque sa rencontre avec Dylan dans un hôtel de Los Angeles, il nous fait entrer avec lui dans la chambre et on assiste à la scène. Là, on assiste à que dalle.

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    Un jour à Nashville, Dandy Chuck voit arriver un mec en salopette. C’est Dan Penn qui veut absolument composer avec lui - The time I spent with Dan in his basement in his studio were some of the greatest musical moments of my life - Ils composent ensemble «I Gotta Feeling For Ya», qu’allait enregistrer Kelly Willis sur l’album What I Deserve. Ils composent aussi «I Need A Holiday» qu’allait enregistrer Solomon Burke sur l’un de ses derniers albums, l’excellentissime Don’t Give Up On Me paru en 2002 sur Fat Possum. Mais pour le reste, tintin. Rien sur Dan qui soit d’ordre humain, alors que ce sont précisément ces rencontres qui font la sel de la terre.

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    Côté influences, Dandy Chuck avoue quelques trucs ici et là, mais avec parcimonie : le Desire et les Basement Tapes de Bob Dylan, I Want To See The Bright Light Tonight de Richard & Linda Thompson, Sister Lovers de Big Star ou encore l’Oar de Skip Spence. Il n’écoute pas Nirvana ni Pearl Jam. Il préfère Fairport Convention, Neil Young, Gram Parsons & Emmylou Harris. Il dit aussi que Joe Ely est l’un de ses all-times heroes. Il déterre aussi le Vintage Violence de John Cale de ses souvenirs de jeunesse. Et les Stones, bien sûr, en particulier Beggars Banquet - It’s pretty acoustic but it rocks - Dans l’interview (mais pas dans le book), il salue la mémoire de Johnny Thunders - He’s one of our greatest lost heroes of self-destruction. But you know, he’s really my idea of the singer-songwriter. Like Chuck Berry or Jimmy Rogers. He was the whole package (Il est l’un de nos grands apôtres de l’auto-destruction. Pour moi, il est le singer-songwriter par excellence, comme Chuck Berry ou Jimmy Rogers. Il était vraiment complet) - Bel hommage, non ? - I love his guitar playing. His songs. He was a stylist. Totally fearless. Always mischievous. Instantly recognizable (J’aime la façon dont il gratte sa gratte, ses chansons, c’est un styliste, il n’a peur de rien, toujours malicieux, immédiatement reconnaissable) - Et là, il tape en plein dans le mille - He was a dandy and he had the sartorial instinct of a jungle cat. A very inventive guy (C’était un dandy, un mec de la rue tiré à 4 épingles, un mec très inventif) - Dandy Chuck dit aussi pour rigoler qu’il attend un coup de fil de Dylan. Et quand Whyte lui demande qui sont ses musiciens préférés, Dandy Chuck lui répond : «Are you kiding ?». C’est une plaisanterie ? En réalité, il a peur d’en oublier. Il commence par les Rubinoos qu’il voyait sur scène quand il était encore au collège à San Francisco. Et avec lesquels il va enregistrer 40 ans plus tard quelques cuts sur l’album From Home. Il admire aussi Jonathan Richman qui était sur Beserkley Records, comme les Rubinoos - Everything cool really. Je pense qu’on peut appeler ça du pub rock. Je ne savais ce que c’était, en réalité, mais j’aimais ce son qui avait le charme de l’imprévisible - Et il conclut le chapter Beserkley en déclarant : «That was massive stuff for me.» Il revient ensuite sur ses collaborations avec Alejandro Escovedo, Kelly Willis, Kim Richey et évoque quelques souvenirs de Warren Zevon et de Kelley Stoltz.

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    Il adore aussi les Groovies auxquels il rend hommage sur le morceau-titre de l’album Temple Beautiful. Cet endroit que les punks ont fini par appeler Temple Beautiful était une ancienne synagogue qui se trouvait sur Geary Boulevard et qui fut un haut lieu de la scène de San Francisco. Le Grateful Dead y répétait, Hot Tuna y jouait, puis les Clash lors de leur deuxième tournée américaine, et tous ces groupes des années 80, Wall of Voodoo, les Go-Go’s et les Mentors. Dandy Chuck indique que Temple Beautiful est un album hommage à San Francisco : «It can suck you under. That first hit. It really does a whammy on you. And if you’re like me, you can find yourself chasing the San Francisco dragon for the rest of your life. That’s what this record is about.» Et il ajoute que les groupes qu’il a vus au Temple Beautiful ont changé le cours de sa vie. «Tout le monde a joué là.» Même les Groovies. D’ailleurs Dandy Chuck parvient à localiser Roy Loney : il bosse chez Jack Records Cellar, un disquaire installé dans le voisinage. Dandy Chuck lui envoie «une note» lui demandant s’il accepterait de venir chanter sur un cut et Roy répond qu’il sera là dans 20 minutes. C’est donc lui qu’on entend sur le morceau titre de Temple Beautiful.

    Simkin rappelle dans son introduction que Dandy Chuck n’est pas a rock superstar, mais plutôt un artiste culte suivi par une petite fan base très dévouée. La première règle du dandysme est le désintéressement, comme le dit si bien Barbey à propos de Brummell - Ses triomphes eurent l’insolence du désintéressement. Il n’avait jamais le vertige des têtes qu’il tournait - Dandy Chuck s’applique à lui-même cette règle fondamentale : «Une fois Bob Neuwirth m’a dit : ‘faisons les choses pour de l’argent.’ Mais si tu ne fais pas les choses en accord avec ta conscience, ça ne marche pas. Les gens cherchent toujours à brûler les étapes pour avoir du succès. En ce qui me concerne, ça produit l’effet inverse, comme la kryptonite : ça m’abat et ça m’affaiblit. Alors j’évite ça. Expliquer pourquoi je fais ci ou ça, pourquoi ça me fait vibrer ? Laisse tomber, c’est comme de vouloir expliquer le sexe à quelqu’un. Même pas la peine d’essayer. Il faut que ça groove, le groupe, les chansons, même un seul couplet. Si ça groove, c’est bon. C’est tout ce qui compte. Fais-le une seule fois et tu passeras tout le restant de ta vie à ça, à chevaucher le dragon.»

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    Ce qui caractérise peut-être le mieux Dandy Chuck, c’est sa passion des tournées. Et il répète à longueur de temps que la vie en tournée quand on n’a pas de moyens n’est pas de tout repos : «Je ne pourrais pas dire que la vie en tournée, c’est une partie de plaisir. Après avoir respiré le même air dans un van et y avoir vécu comme dans un sous-marin, les relations peuvent se détériorer.» Dans son cas, on peut même parler de ténacité. «Partir en tournée, rentrer fauché, secouer la poussière du voyage, trouver un moyen de payer le loyer. Il n’y avait pas de plan. Puis trouver un moyen de faire un nouvel album. Composer quelques chansons, se retrouver en studio, puis repartir en tournée. Chaque fois, on repart de rien.» Il évoque brièvement l’aspect financier des tournées : «C’est très compliqué de tourner aux États-Unis en partant de San Francisco. Tu as 15 heures de route pour aller à Portland, où est prévu ton premier concert. Et quand on retourne jouer en Angleterre, on y va pour presque rien. On a commencé à perdre de l’argent. Quand Lembo nous manageait, ça a créé une dette que j’ai dû rembourser après. J’essayais juste de maintenir le groupe en vie. Au plan financier, ça n’avait plus aucun sens.» À tel point qu’il finit par devoir prendre un job dans un parking. «Ça a duré deux mois, mec, le job le plus débile qui soit. Assis dans une cabine 8 heures pas jour. Mais ça me permettait de réfléchir. Un vrai luxe. J’avais un ordi portable et j’ai écrit pas mal de chansons. J’aimais bien être isolé.»

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    Quand en 2004, il est viré par East West Records après la parution d’Age Of Miracles, Dandy Chuck craque un peu : «J’étais dans la cuisine quand il m’a appelé. J’ai chialé. C’était la fin du groupe (the end of the road). On avait fait un bon bout de chemin, quelques album, yeah for sure. Alors je suis sorti et j’ai marché jusqu’à North Beach et à un moment je me suis demandé quelle heure il pouvait être et où j’étais. Just uttlerly lost.» Ce n’était pas la première fois que ça clashait avec un label. Après Brother Aldo, son premier album solo, Dandy Chuck flashe sur un album de Zachary Richard, Women In The Room et plus précisément sur Jim Scott, un producteur qui par la suite va travailler avec Lucinda Williams. Dandy Chuck aime bien le son - Just guitar, bass, drum, a lot of accordion. Sonically just a little bright. Hole in the middle, fat on the bottom. Kind of a roomy sound and clean guitar - Donc il enregistre des trucs avec Jim Scott. Mais les enregistrements ne plaisent pas au label China qui veut un album de rock. Fin de l’épisode. On retrouve néanmoins quelques cuts produit par Jim Scott sur Balinese Dancer.

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    Dandy Chuck revient aussi longuement sur Homemade Blood, enregistré entièrement live - I like the sound of all the music getting squished together so it’s ready to explode. Like Howlin’ Wolf records. Some Girls des Rolling Stones a un gros son but it doesn’t sound open - Donc pas d’overdubs là-dessus. Max Butler indique qu’ils écoutaient lui et Dandy Chuck pas mal les Stones à cette époque et qu’ils s’intéressaient au push-pull des guitares de Keef & Woody.

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    Dandy Chuck finit par comprendre qu’il en a marre de dépendre des autres. Alors il crée son label, Belle Sound - We fund our own records and license them to other labels, and so we still consider them to be a Belle Sound copyright. Somewhere down the road the copyrights will revert to us - Et le premier album à paraître sur Belle Sound sera Soap And Water.

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    Dandy Chuck ne s’étend pas trop sur ses années de braise - Shooting cocaine made me feel like I was thirty thousand feet above Fullerton - et dans la foulée il avoue avoir adoré conduire bourré - Driving dunk. I was abusive. I was contentious. I was a brat - L’histoire de Green On Red reste associée à la dope. Dandy Chuck n’y allait pas de main morte : «L’abus d’alcool et de dope étaient simplement dus à l’ennui.» Et il ajoute : «It was later that Danny and I sort of bonded on the fact that we started to really get into black tar heroin. That was a little bit later, a couple of years later at least.»

    Au hasard des pages, quelques personnes saluent le style de Dandy Chuck, comme par exemple Roly Sally : «Chuck has a fat touch on his Telecaster. La première fois que je l’ai entendu jouer, il me rappelait Ike Turner. Ses compos sont fraîches, profondes, drôles, musicales et solides. C’est le seul mec avec qui j’ai eu plaisir à composer.» Simkin salue lui aussi le style de Dandy Chuck - bluesy, folky, funky, a little bit country in all the right ways and places - Dandy Chuck avouait aussi dans un interview qu’il ne vivait que pour le process : «Bosser avec des amis chez eux, enregistrer, voilà pourquoi je vis. Ce n’est pas le produit fini qui m’intéresse, c’est le process.» Et comme tous les gens qu’il admire, Dandy Chuck cherche son Graal : «Mon but a toujours été de faire un grand album. Ça me suffirait. Ça donnerait enfin un sens à mes tares, mes erreurs et les mauvais choix que j’ai pu faire. Je ne cherche pas à écrire le grand roman américain, je ne parle pas d’argent, c’est plutôt la façon dont on peut définir le succès qui m’intéresse. Si tu laisses quelqu’un d’autre définir le succès pour toi, tu es un sucker. Je ne suis pas un sucker.» Merveilleux esprit.

    Signé : Cazengler, Chuck Profiterole

    Chuck Prophet. The Land That Time Forgot. Yep Roc 2020

    Steve Simkin. What Makes The Monkey Dance - The Life & Music Of Chuck Prophet & Green On Red. Jawbone Books 2020

    Joe Whyte : The Hurting Business. Vive Le Rock # 76 - 2020

    KR'TNT ! 360 du O8 / 02 / 2018 : Chuck Prophet en son pays ( Part I )

    KR'TNT ! 363 du O1 / 03 / 2018 : Chuck Prophet en son pays ( Part II )

     

    PLANETE-METAL

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    Qui refuserait un CD d'AC / DC pour moins de trois euros ! Pas moi, avec en plus un livret explicatif ! Je me méfie des explications, mais je reconnais que l'opuscule est relativement épais et comporte un dos carré. Pas le truc rafistolé avec deux agrafes baladeuses. Faudrait tout de même savoir quel album du groupe ils ont choisi, ce n'est pas indiqué sur la couve, je ne cherche pas sur le moment à approfondir le problème, d'abord parce que j'ai beau fouiller dans mes poches je n'ai pas un flèche sur moi. Ni une flèche que j'enfoncerais avec une délectation cruelle dans le cou du buraliste, le sang qui éclabousserait le comptoir affolerait la clientèle, je profiterais de l'affolement général pour sortir tranquillement ma prise de guerre sous le bras. Hélas, les guerres indiennes sont terminées depuis longtemps, je suis revenu le lendemain et ai fièrement aligné mes trois euros sous les yeux subjugués de la jeune vendeuse, non je ne mythifie pas, la preuve elle m'a rendu un centime, sans doute considérait-elle cela comme un échange symbolique de sang qui devait sceller notre indéfectible alliance jusqu'au jour de notre mort. Les filles ont toujours des idées bizarres, comment s'intéresser à l'une d'elles alors que l'on a un CD d'AC / DC ( un AC / CD ) à écouter !

    Bref j'arrive chez moi et fébrilement je déchiquette l'emballage pour extraire de la couve du livre, le fameux CD ! C'est-là que je me rends compte de mon erreur, ce n'est qu'un livre, je vérifie, pas une seule fois il n'est question d'un CD d'accompagnement. Je ne pleure pas parce qu'avec les larmes plein les yeux je ne pourrais pas lire. Soixante quatre pages, papier glacé – attention s'il vous plaît, recyclable – photos couleurs, d'autres en noir et blanc, une maquette aérée, avec des encadrés, deux encres la noire et la rouge, fonds blancs, noirs, gris... texte honnête, les débuts du groupe sont mieux décrits que la suite de l'aventure, discographie attendue, plus quelques pages sur les groupes de hard-rock australiens. Les rockers patentés n'apprennent pas grand-chose, mais l'ensemble est honnête. Parmi les contributeurs l'on retrouve Philippe Margotin ( marrant, je feuilletais ce matin son opus sur les Who ), Géant Vert ( désopilant, j'en ai mangé à midi ), Christian Eudeline ( hilarant, j'aurais pu en lire plus de deux lignes en soirée, mais je n'y ai pas pensé ).

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    C'est une collection, à trois euros le numéro vous me direz que ça vaut le coup, mais je me méfie, je suis sûr que ça va augmenter, pas tant que cela, pour 9, 99 E vous emportez les numéros 2 ( Metallica ) et 3 ( Iron Maiden ) + deux mugs thermo-réactifs ( ne confondez pas avec thermo-nucléaires ) + une bande dessinée ( pas géniale, je la connais ) intitulée le Heavy Metal. Zoui, ça se discute, c'est après que les ennuis commencent, ensuite c'est 3 numéros que vous recevez par la poste : 9, 99 multiplié par 3 = 29, 97 euros.

    Vous êtes en possession des six premiers numéros pour 2, 99 + 9, 99 + 29, 97 = 42, 05 E.

    Normalement la collection comporte 60 numéros pour acquérir les 54 qui vous manquent il vous reste à vous acquitter de : 54 fois 9, 99 = 539, 46 euros soit en tout la modeste somme de : 539, 46 + 42, 05 : 581, 51 euros.

    Bye-bye vos économies ! Ne sont pas fous chez Achète pardon chez Hachette, z'ont un peu peur que le client rocker, hard rocker ou métalleux ne morde pas à l'hameçon, aussi précisent-ils que faute de succès, ils se réservent le droit d'arrêter à leur guise la collection ! Ne vous filent d'ailleurs que les titres des 19 premiers numéros... Et si des milliers de gogos se ruent sur cette offre mirobolante, ils rajouteront quelques fascicules... C'est la loi du commerce me direz-vous, vieille comme le monde, Hermès le dieu des marchands n'était-il pas aussi le dieu des voleurs...

    Le rock'n'roll pour les grands groupes capitalistiques c'est comme les chiens, un public de niche, alors mes braves toutous faites attention à ces puces qui viennent sucer votre sang, n'en soyez pas victimes, évitez de céder au fétichisme faisandé de la marchandise mise sur le marché à moindre risque, nombreux sont les charognards qui se nourrissent sur les dépouilles des anciens exploits de la bête, ne confondons pas célébration avec consommation... Privilégions le DYE, l'échange, le don, le potlatch des tribus de l'Ouest. Rien n'empêche à chacun des individus que nous sommes de mener sa propre guerre indienne.

    Damie Chad.

    AT YOUR BIRTHDAY PARTY

    STEPPENWOOLF

    ( Octobre 1969 )

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    Gary Burden a fourni un bel effort pour la pochette. Si vous n'avez pas eu sous les yeux la première pochette de l'édition du premier pressage américain la phrase précédente ne remportera pas l'unanimité. Si la photo centrale des éditions suivantes ne pose pas de problème particulier – le groupe debout et assis autour d'une table, Gabriel Mekler remplaçant Michael Monarch – le reste, notamment toute la partie basse de l'artwork exige quelque attention, point de couleur, du blanc du noir qui étrangement donnent surtout une sensation de gris, est-ce un dessin ou une photographie, un montage des deux, regardez avec attention, vous discernerez un mélange, des souris et des hommes pour parler comme Steinbeck. Des soldats, une photographie issue de la Guerre de Sécession quoique la vue ressemble à une représentation des tranchées de 14-18, quelques uns affublés de têtes de Mickey. Comment l'interpréter : une condamnation de la guerre, dans laquelle les soldats menés à l'abattoir tels des rats pris dans une ratière jouent des rôles de héros de carton-pâte, une protestation contre l'envoi des GI's au Vietnam ? Toutes les rééditions de ce disque reprennent les mêmes motifs. L'on sait que la photo a été prise dans une maison où logea Canned Heat et qui avait été visitée par un incendie. Sur certaines photographies on mesure l'ampleur des dégâts sur le matos du groupe de Bob Hite et Alan Wilson. De quelle party d'anniversaire s'agit-il au juste, l'innocence du titre ne cache-t-elle pas des sentiments désespérés beaucoup plus ambigus.

    John Kay ; lead vocal, rhythm guitar, harmonica / Mickael Monarch : lead guitar / Goldy McJohn : organ, piano / Nick St Nicholas : bass / Jerry Edmonton : drums.

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    Don't cry : ne pleurez pas, sur ce titre le Loup vous ménage bien des surprises, le train est lancé et vous pensez que rien ne l'arrêtera que vous êtes parti pour un agréable morceau bien rythmé, en plus vous avez la mélodie qui marche avec, les pattes rythmiques qui courent et Kay qui mélopèse à souhait comme s'il prenait plaisir à hululer tout doux entre les dents, assez fort pour que tout le monde l'entende mais pas trop pour que l'on ne lui reproche pas de faire trop de bruit, les autres le soutiennent en sourdine surtout sur les refrains et tout le monde est content, insensiblement tout se gâte, du rififi dans la meute et tout le monde se tait tandis que la machine se précipite, s'éloigne, et disparaît dans un lointain cliquetis, vous aimeriez que l'on vous explique, mais non le loup vous est passé entre les jambes alors que ça faisait deux heures que vous le teniez dans la mire de votre fusil, vous vouliez l'avoir entre les deux yeux, c'est lui qui vous en a mis plein la vue. Sont bizarres chez Steppenwolf, font du hard sans riff, autant dire une omelette sans casser les œufs. Et pourtant ça bave sur votre pantalon. Chicken wolf : l'homme est-il un loup pour l'homme ou simplement un poulet. A vous de choisir votre totem. En tout cas ça pépie un max dans la basse-cour, Kay vous envoie vos quatre vérités à la figure sans prendre de gants, vous déchire un peu de ses ironiques canines, Monarch est à ses côté, vous refait le coup du lait sans crème mais qui vous émulse sans rémission un flacon de flan au cyanure, le monarque guitariste il a une manière inégalée de pousser ses notes juste sous les touches du clavier de Goldy McJohn, et au cas où l'une d'entre elles la ramènerait un peu trop, Edmonton vous les aplatit de ses baguettes, dans la musique du Loup rien ne se remarque, Nick Saint Nicholas vous noircit le tableau ( celui de la pochette aussi ) de sa basse, le hard du Loup est assez sombre et rapide, il ne montre rien, il dévoile tout. Cuisson à l'étouffée, le Loup ne frappe jamais de front, s'insinue en vous, disloque votre cerveau. Vous n'êtes ainsi plus en mesure de  nuire à vous-même. Pernicieux. Lovely meter : en deux morceaux le Loup vous a sapé le moral, c'est une bête gentille, une petite chansonnette d'amour pour vous remettre d'aplomb, un orgue tout doux qui vous caresse dans le sens des poils du pubis, guitare acoustique et Jerry qui vous susurre une gentille ballade pour endormir le bébé que vous êtes en train de faire, quelle prévenance, instant de recueillement, c'est si beau que l'on en pleurerait. C'est si bon qu'ils en ont un fait un clip, vous les voyez tout doux frôler les instruments, mais quels sont ces bruits étranges, serait-ce un cacatoès qui cacophonise, point du tout, c'est une attaque du train, et le Loup aux fenêtres du wagon en train de tirer sur les poursuivants, images de western... Round and down : tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, une facétie country and western de Monarch, y'a de la joie tout le monde s'aime et danse en rond, les images de Cimino me montent à la tête, la fabuleuse scène sur patins à roulettes, don de prescience parce que le vocal se tait et commence une longue séquence musicale dramatique où tout se précipite. En déduirons-nous que le calme n'existe que pour laisser aux tempêtes le temps de se former. It's never too late : que ne disions-nous, le titre et les refrains sont pleins d'espoir, il vaudrait mieux ne pas écouter les paroles, le rideau du blues tombe sur vous et vos vies ratées, le Loup a repris ses grandes traversées lunaires, Jerry précipite sa batterie comme Dieu verse le malheur sur les pauvres gens, pas de pitié chacun est responsable de ses errements, de ses erreurs, le Loup offre une sucette de consolation empoisonnée aux grands enfants que sont les adultes. Compact et implacable. Ce qui est terrible avec Steppenwolf, c'est qu'ils n'en font jamais trop, pourraient se déchaîner, sortir les orgues de Staline et les batteries de canons, non préfèrent juste vous enlever vos illusions sans forcer sur la musique. Sleeping dreaming : Nick a pris le vocal, c'est pour mieux vous niquer, inutile de vous précipiter sur votre éléctrophone, l'est à fond, mais ça commence tout bas, un chœur de boyscouts joyeusement bourrés, ne le dites pas à leurs parents, profèrent des mensonges, rêvent qu'ils aiment, mais non, c'est une satanée plaisanterie, si vous commencez à croire tout ce que l'on vous dit, d'ailleurs ils n'exagèrent pas, une minute, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures. Jupiter child : dernier morceau de la face A, Le loup laisse éclater sa force, Beau travail de batterie de Jerry, l'on dirait qu'il sert une mitrailleuse dans un film de guerre, et les autres n'y vont pas de main morte, lorsque le Kay a fini de crier sa hargne ils continuent comme de rien n'était. Un morceau qui a su parler à la jeunesse américaine, s'adresse aux enfants de Jupiter, à tous ceux qui se sentent différents, étrangers à notre monde, le Loup n'est pas optimiste, pas d'issue pour eux, la saleté de la commune humanité les rongera telle une lèpre. Pas d'échappatoire possible, ni dans l'avenir, ni dans le passé. Si vous venez d'une étoile lointaine, sachez que vous ne retrouverez jamais le chemin du retour. Vous êtes perdu à jamais.

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    She'll be better : Jerry a dû avoir des remords d'être si persuasivement pessimiste en fin de face B, du coup il prend le vocal pour vous rabibocher avec la vie. Une belle chanson d'amour. Ce disque de Steppenwolf ressemble au roman Le maître de Casterbridge de Thomas Hardy, dans lequel les chapitres où tout est pour le pire dans le pire des mondes alternent avec chapitres où tout tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, douches froides, douches chaudes successives, et quand le livre se finit bien vous pensez que ça ne pourrait pas ne pas être pire... quelle belle chanson, la plus longue de l'album, un piano prophétique à la Imagine de Lennon, mais beaucoup plus expressif, après les horreurs du titre précédents, orchestration grand style et trémolos vocaux à gogo, comme c'est long profitez-en pour aller faire pipi, comme durant les pubs de la télé qui vous racontent des menteries. Cat killer : le titre suffit pour vous rappeler la cruauté du monde, le morceau de Goldy ne dure qu'une minute-trente, prend son pied notre pianiste, après le country dégénérant de tout à l'heure, c'est le temps du ragtime, une musique d'accompagnement de dessin animé pour vous arracher de votre rêve d'amour précédent. Ragetime ? Rock me : bye-bye l'amour éthéré, revenons à des préoccupations intimes mais un peu plus ancrées dans la réalité des vies désabusées, le Loup a repris la tête de la horde, vous admirerez surtout la longue séquence instrumentale centrale, encadrée par les deux récitatifs enjoués de Kay, certes les premières secondes ça cliquette comme les claquettes de Fred Astaire mais cela dégénère, vous voici transposé en un camp indien, vous entendez sourdre les saccades de leurs chants et de leur tambours sourds, et vous ne pouvez vous empêcher de penser qu'il s'agit d'un peuple de vaincus et que vous aussi vous avez été défait dans les combats de l'existence, alors vous rapprochez votre sexe du sexe de quelqu'une qui a connu les mêmes défaites que vous. Chanson enjouée pour maquiller des vies tristes et ratées. Le Loup n'est pas tendre avec la rugosité du monde. Good fearing man : une intro presque pompeuse, la voix de Kay patine dessus tel un serpent qui glisse vers vous pour vous mordre, tempo simili bluezy, le Loup s'approche et quand il referme ses mâchoires il ne les rouvre pas, un hymne carrément anarchiste, qui ne nomme personne – on n'est jamais trop prudent – mais qui désigne clairement la bonne conscience des dirigeants. Par exemple ceux qui envoient leurs semblables à la guerre. Mango juice : instrumental, parfois il vaut mieux ne rien dire qu'en dire trop. L'occasion pour Nick Saint John de faire vibrer sa basse, un cadeau d'adieu pour Monarch qui quitte le groupe, peut-être, mais on ne l'entend guère et le morceau semble des plus inaboutis, une expérience qui a tourné court, ou une volonté de remplissage. Ou alors un signe prononcé de fatigue de la part d'un groupe qui tourne sans arrêt et soumis à produire deux albums par an... Happy birthday : Mekler a composé le premier morceau du 33 tours, et voici qu'il signe le dernier. Pas très joyeux, carrément lugubre avec cette basse funèbre, ce clavier qui imite des pales d'hélicoptère, et ces chœurs féminins nous feraient croire que nous sommes à l'église pour un enterrement. Le retour d'un soldat mort, en filigrane sous des lyrics faussement innocents, et quel regard porté sur le naufrage de la vie...

    Un disque assez noir. Qui joue un peu. Qui fait trois pas en avant, et un autre en arrière. Le Loup cherche-t-il à ménager l'auditeur. A retenir son attention. A le faire réfléchir. Ou avance-t-il masqué. Nous le saurons bientôt. La suite au prochain épisode.

    Damie Chad.

    UNE HISTOIRE DU ROCK

    EN 202 VINYLES CULTES

    PHILIPPE MANOEUVRE

    ( Hugo - Desinge / Septembre 2020 )

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    Cadeau inattendu sous le sapin. Un book. Le Père Noël serait-il un rocker ? Une formule qui marche. Déjà en Octobre 2011 Manœuvre nous avait donné La discothèque rock idéale, 101 disques à écouter avant la fin du monde était-il précisé sur la couverture. La fin du monde n'étant pas survenue, le voici qu'il double la mise. Ce qui nous laisse envisager vingt ans de survie programmée. Page de gauche, la pochette de l'album choisi, page de droite la chronique idoine, dans la marge un petit topo - attrape nigaud - pour nous apprendre en quoi l'album choisi est culte.

    Dans sa préface Manœuvre raconte les péripéties confinatoires de l'écriture de son bouquin. Qui prêtent à sourire. Toutefois nous en retiendrons surtout, sinon l'amer, du moins l'impuissant constat de la fin d'un cycle historial, celui de la musique rock. Nous y reviendrons. Le principe d'un choix quelconque est sujet à caution. Tellement de paramètres à mettre en jeu ! 202 c'est beaucoup et c'est peu, surtout si l'on pense à la sélection des 666 disques que propose ce mois-ci le Hors-Série N° 39 de Rock & Folk... Il vous manquera toujours le chef-d'œuvre essentiel et indépassable de cet art suprême qu'est le rock'n'roll que vous êtes le seul à avoir remarqué, en prime vous vous sentirez personnellement insulté par la présence de sillons honnis... Pour cette chronique nous nous contenterons de commenter les premières pages.

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    La première pierre qui doit soutenir l'édifice n'est pas facile à définir, dans le H. S. 39, ils ont visé l'indétrônable, l'incontournable, l'inattaquable Rock with Bill Haley and The Comets, Manoeuvre descend de deux crans au-dessous, le rock provient tout droit du blues et du country, donc ce sera en 1 : Robert Johnson, choix historialement judicieux qui exclut toutes les autres préséances possibles ( et impossibles ), en 2 : voici Luke the drifter d'Hank Williams, un disque un peu à part dans la production du country-man archétypal mais terriblement dans l'esprit américain, le pécheur qui se repent, entre deux chansons Luke vous exhorte à ne pas emprunter le sentier du mal, un véritable prêche, un sermon carabiné à la born again– entre parenthèses quand on voit comment la rencontre avec le Devil a été bénéfique pour Robert Johnson nous n' écouterons pas ses conseils - de toutes les manières Dieu himself qui devait s'ennuyer à écouter les cantiques à l'eau de rose des chœurs paradisiaques a envoyé fissa ses anges de la mort, avant que le temps réglementaire imparti à ces deux ancêtres du rock ne se soit régulièrement écoulé  afin de les avoir près de lui au plus vite. Preuve qu'il a bon goût.

    Bon, Philippou on passe au rock'n'roll, surprise, après le blues et le country, voici celui que l'on n'attendait pas. Dans Bye-bye, bye Baby, bye bye de Guy Pellaert et Nick Cohn il n'avait pas été oublié, mais il arrivait en dernier, juste à temps pour rappeler aux petits jeunes que la Voice les enterrerait tous. Ben là, même s'il est sur le podium en N° 3, Frank Sinatra ne rigole pas, le rital sardonique au sourire carnassier vous a une gueule d'enterrement pré-suicidaire, il pleure, et pas comme un crocodile, tout un album, In the Wee Small Hours, tout cela parce que Ava Gardner l'a laissé tomber, telle une vulgaire chaussette, un gros chagrin, suis allé entendre la fontaine amère couler sur You Tube, terrible, il en chante presque mal el povrecito, que voulez-vous le malheur des uns fait rire les autres.

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    Ouf : l'on est sauvé, voici Elvis, rien à dire quand les rockers ont le cœur brisé c'est revigorant. Ne pleurnichent pas comme des femmelettes, cassent la baraque quand ils n'ont pas la baraka avec les demoiselles. A part que chez RCA personne n'a pensé à glisser Heartbreak Hotel sur l'album ! Une regrettable erreur. Nous sommes d'accord. L'on saute au plafond en tournant la page, Johnny Burnette and the rock'n'roll Trio, l'album de rock parfait si l'on en croit les dithyrambes de Manœuvre, le crédite de tout, n'évoque même pas l'interrogation fatale qui de Grady Martin ou de Paul Burlison joue de la guitare sur tel ou tel morceau... Quand on aime on ne mégote pas.

    Nous sommes heureux, nous abordons le rivage des pionniers du rock, rien de mal ne saurait survenir. Ben si, il ne faut jurer de rien, un gars sympathique, que l'on aime bien Robert Mitchum, on doit se tromper de film, en plus une peau de banane trop mûre, un truc typico mes cocos, Calypso is like so... par acquis de conscience je suis allé écouter, pas vraiment mauvais, un peu cowboy aux envergures, le Mitchum s'en tire en professionnel, sympathique mais il manque un peu de sauvagerie rock'n'roll. Manœuvre fait tout ce qu'il peut pour se faire remarquer.

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    Se rattrape sur les trois suivants, Gene Vincent, Little Richard, Bo Diddley – ce vieux ( pas très ) Bo que l'on a l'habitude de passer sous silence – vous savez aux States dans les années cinquante les nègres qui n'en faisaient qu'à leur tête... - alors qu'il est une pierre angulaire du rock'n'roll, un paquet de fraises saignantes aux asticots de macchabées à lui tout seul, survient At Home with Screamin Jay Hawkins, là vraiment on est gâtés, pourris, surtout que deux pages suivantes encore un génie que l'on relègue dans les troisièmes zones des demi-soldes, Bobby ( Blue ) Bland, Two steps from the blues, l'on s'émerveille comme Alice en son pays miraculeux, attention à la face sombre et invisible de la lune, pas de Chuck Berry, pas de Buddy Holly, pas d'Eddie Cochran, Philippe Manœuvre mérite trois fois la mort, même si plus loin il nous entraîne au Star Club de Hambourg avec Jerry Lou, et surprise voici celui que l'on n'attendait pas, le fabuleux Vince ! de Vince Taylor. Because my Taylor is rich.

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    C'est que l'auteur éparpille ses papilles gustatives en papillon qui ne sait plus sur quelle fleur se poser. Pas tout à fait de sa faute. Tout le monde ne pourra pas monter in the blue bus, et puis l'histoire du rock'n'roll n'est guère rectiligne, elle ne se débite pas en tranches égales et millésimées de saucisson, quand les époques sont riches, ça part de tous les côtés, de 1956 à 1966 la musique s'avère sinuosidale, face sombre James Brown à l'Apollo Theater, face claire The Trashmen et leur Surfin Bird, on aurait attendu Dik Dale, mais autant rappeler la carrière de ceux qui n'ont surfé sur la vague montante de la gloire qu'une saison, ainsi si vous avez les Kinks, les Beatles, les Rolling Stones – pour ces deux derniers pas les titres des albums qui affleurent en premier dans les sables de votre mémoire - vous vous passerez des Animals ( crime impardonnable ! ) et des Yardbirds ( manquement irréparable ). Entre nous soit dit les Anglais sont sous-représentés dans le volume, à part les Pretty Things qui sont sauvés in-extremis... L'on commence à entrevoir la stratégie de Philippe Manœuvre, ne cherche pas à racoler ou satisfaire les fans, ménage les surprises, entre tous ces disques vous avez droit au Love Suprême de John Coltrane – Sainte Madone, c'est du jazz - et encore plus inattendu le Call me de William Burroughs, sans oublier pour autant le rock du garage, le Black Monk Time des Monks et Explosives des Sonics, pousse même le culot jusqu'à présenter ce précurseur des hippies que fut Eden Ahbez avec son Eden's Island paru en 1960...

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    Je m'arrêterai à l'année 1966, avec la grosse surprise nationale, encore mieux que Vince Taylor qui question nationalités est multi-cartes, an de grâce vocale 1965, un petit gars bien de chez nous, Ronnie Bird, carrière brisée par un stupide accident de camionnette non assurée, quant à dire que Le Pivert était son meilleur titre, voici le genre de contre-vérité à laquelle je ne souscrirai pas... pourtant qu'est-ce que nous l'avons aimé Ronnie qui était le chouchou du Président Rosco sur RTL, et sur France Inter le matin avant de partir au collège l'électrique Fais Attention '' demain tu te maries, yeah-yeah'' cela vous boustait le moral pour toute la journée, mais mince, stoppons les conduites criminelles, Noël Deschamps qui n'était déjà pas présent dans le volume Philippe Manoeuvre présente ( le ) Rock Français... est encore absent.

    Ce n'est pas mal écrit. Manœuvre profite de ses choix pour présenter le contenu du disque mais l'en profite aussi pour dresser l'air d'un pédagogue averti le panorama de l'histoire du rock'n'roll, les néophytes combleront les vides sidéraux de leurs connaissances, et les autres qui connaissent tout par cœur, feront comme les petits enfants qui chaque soir exigent la même histoire, celle du grand méchant loup Rock'n'roll qui finit toujours par grignoter leur âme de petit chaperon rouge qui ne rêve que d'être livrée à toutes les dépravations que leur fera subir la grosse bête vicieuse.

    Damie Chad.

     

    XV

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

     

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    Molossa et Molossito roupillaient sur la banquette arrière, nous roulions sereinement à une modeste vitesse de croisière de 160 km / H sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute en direction de Paris, le chef craqua une allumette pour allumer un Coronado, derrière les chiens dressèrent l'oreille, l'heure du grand conseil était venue, une question me brûlait les lèvres :

      • N'avez-vous pas remarqué Chef que chaque fois que nous sommes sur la piste de l'homme à deux mains, nous faisons chou blanc, rappelons-nous la pâtisserie, la maison bizarre et nos déboires tout récents en Normandie ?

      • Agent Chad votre constatation relève d'une analyse primaire, vous êtes comme le taureau qui voit le chiffon rouge et en oublie le torero meurtrier qui se cache derrière. Je dirais plutôt que chaque fois que nous suivons l'homme à deux mains, les Réplicants nous attendent. Je vous laisse réfléchir. Laissez-moi fermer les yeux pour goûter la saveur de ce Coronado. Ah, faites attention, si dans deux ou trois kilomètres, deux ravissantes jeunes personnes faisaient du stop sur cette bande d'arrêt d'urgence, appliquez la consigne N° 6.

    Le Chef avait raison trois minutes ne se sont pas écoulées que deux silhouettes de jeunes femmes pulpeuses me font des signes affriolants. J'applique sans faillir la consigne N° 6 : lorsque la survie du rock'n'roll est en jeu, l'on n'hésite pas occire les 3 / 4 de l'humanité si nécessaire. La panhard pistache fonce droit sur les deux donzelles, son aile gauche et le capot ressemblent désormais à une boule de glace à la fraise. Le Chef ouvre les yeux :

      • Excellent agent Chad, j'aperçois des morceaux de viande hachée sur la chaussée, ne reste plus qu'à attendre la preuve de mon raisonnement !

      • Elle arrive Chef, au loin une voiture fonce à toute allure, ils roulent au moins à 200 à l'heure, mais avec leur gyrophare bleu qui clignote on ne peut pas ne pas les voir !

    Une voiture de police sirène hurlante se range à notre hauteur, quatre types à lunettes noires scrutent notre habitacle, apparemment ils sont satisfaits, car l'un d'eux fait un signe, et le véhicule nous distance et continue son chemin, sans plus nous prêter d'attention !

      • Miraculeux Chef ! Nous avons enfin une piste, il existe un lien entre les Réplicants et la police !

      • Agent Chad, disons-le avec les mots idoines : l'Elysée a passé une alliance avec les Réplicants, pourquoi, comment, nous l'ignorons, mais nous n'allons pas tarder à le savoir !

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    Nous avons regagné le service sans encombre. Le Chef est assis à son bureau, il fume son Coronado, je sens que je l'énerve à me tortiller sur ma chaise. Moi-même je suis surpris, d'habitude lorsque je rajoute un chapitre à mon livre Mémoires d'un GSH ( Génie Supérieur de l'Humanité, pour ceux qui prennent le feuilleton en marche ) – mon stylo court sur le papier, une bombe atomique éclaterait à deux mètres de moi que je n'y prêterais aucune attention, mais cette fois-ci ce n'est pas le cas.

      • Agent Chad arrêter de vous trémousser, vous me gâtez mon Coronado !

      • Chef, ce sont les affres de la création, les mêmes qu'ont connues Proust et Joyce !

      • Alors ils étaient comme vous, ils avaient un gros objet qui les gênait dans la poche arrière de leur pantalon.

    Caramba, comment ai-je pu l'oublier, l'exemplaire de L'homme à deux mains d'Eddie Crescendo que j'ai récupéré dans la bibliothèque d'Alfred, avant qu'elle ne disparaisse aussi mystérieusement qu'elle était apparue, il est plus que temps de m'y plonger, malgré ma vie trépidante je n'ai aucune excuse, et le Chef qui l'a déjà lu ne m'en a pas parlé, c'est donc qu'il a besoin de comparer ses réflexions suscitées par sa lecture à celle d'un lecteur spécialiste et passionné de littérature, en l'occurrence un certain Agent Chad que je connais très bien... Ce soir-là de retour à Provins je me jurai de passer une nuit studieuse.

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    Je l'avoue je suis resté dubitatif. Le roman n'avait rien de bien prenant. Une vague embrouille policière, très mal écrite, à la va-vite, sans style ni soin, je l'ai examiné dans tous les sens, peut-être était-il codé, j'ai imaginé des tas de grilles de lecture, essayé de mettre en relation des mots qui me semblaient se rapporter à des évènements que nous avions traversés, mais ce tissu d'inepties ne présentait aucun intérêt.

    Le lendemain matin le Chef m'accueillit, Coronado et sourire ironique aux lèvres :

      • Agent Chad, vous me semblez fatigué, le roman d'Eddie Crescendo vous a-t-il tenu en haleine toute la nuit, ou vous a-t-il autant déçu que je le suis moi-même...

      • Pourtant Chef la seule fois que vous y avez fait allusion devant moi, il ne m'a pas échappé que vous y aviez puisé comme un enseignement !

      • Exactement Agent Chad, un récit déplorable, mais sa première page m'a interpellé, rappelez-vous Agent Chad, Mémoires d'un GSH !

      • Bien sûr Chef, j'en ai déduit qu'Eddie Crescendo se prenait pour un Génie Supérieur de l'Humanité, hélas, ses talents littéraires à l'opposé des miens ne...

      • Agent Chad, vous faites fausse route, les circonstances dans lesquelles ce roman nous est parvenu sont bien étranges, rappelez-vous, ce livre n'a pas été écrit par Eddie Crescendo, les seuls écrits qui nous soient parvenus de Crescendo sont ceux de la boite à sucre. Ce bouquin, trouvé dans la villa des Réplicants, a été écrit par les Réplicants, s'y sont mis à plusieurs pour le torcher, ce qui explique le décousu du récit, dans le seul but de nous tromper, de nous attarder dans nos déductions, mais il y en a un qui nous a adressé un message pour que nous n'y croyions pas...

      • Alfred !

      • Oui Alfred qui a glissé en première page cette grossière imitation du titre de vos mémoires, nous laissant ce message pour nous avertir du danger qui planait autour de nous !

      • Mais pourquoi Alfred aurait-il trahi les Réplicants, Chef, nous aimait-il donc tant que cela !

      • Pas du tout, ce qu'il aimait c'était le rock'n'roll ! Et s'il a trahi le peuple des Réplicants c'est parce qu'il connaissait le grave danger que courait le rock'n'roll, il a essayé de nous avertir, mais il a été tué avant de nous avoir tout révélé !

      • Chef, votre raisonnement est d'une logique éblouissante, je m'incline devant votre intelligence, je n'ai rien vu de tout cela cette nuit quand j'étudiais ce livre en le tenant bien fort à deux mains !

    Il se passa à ce moment-là un évènement mémorable. Molossa et Molossitos peuvent en témoigner. Le Chef ouvrit le tiroir de son bureau et me tendit un Coronado :

      • Agent Chad, prenez-le, je vous l'offre, vous en êtes digne, je suis convaincu que vous êtes un génie incompris !

      • Ne vous inquiétez pas Chef, un jour l'Humanité reconnaîtra ma supériorité, elle s'agenouillera devant moi et...

      • Peut-être, peut-être, agent Chad, je vous le souhaite, mais le premier qui ne pige rien à votre génie, c'est vous-même !

      • Chef, je n'y entrave que couic !

      • Vous voyez bien, Agent Chad, lorsque le génie parle, vous ne comprenez pas ! Mais vous venez de prononcer le nom de l'homme à deux mains !

      • Moi,Chef !, pas du tout !

      • Taisez-vous, l'homme à deux mains c'est vous Agent Chad !

    ( A suivre... )

  • CHRONIQUES DE POURPRE 491 : KR'TNT ! 491 : LESLIE WEST / CRASHBIRDS / GENERATION ROCKABILLY 16 / GRAND FUNK RAILROAD / STEPPENWOLF / ROCKAMBOLESQUES XIV

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 491

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    31 / 12 / 2020

     

    LESLIE WEST / CRASHBIRDS

    ROCKABILLY GENERATION NEWS 16

    GRAND FUNK RAILROAD

    STEPPENWOLF / ROCKAMBOLESQUES 14

     

    *Pourtant que la montagne est belle

    Part One

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    Felix Pappalardi observe la montagne à la jumelle.

    — Wow, la cime se perd dans les brumes ! Sacré morceau ! Quelle prestance dans la monstruosité !

    À quelques mètres de là, Corky et Gail préparent le café. Ils ont allumé un bon feu de branchages. Felix, Corky et Gail se préparent à conquérir le mont Weinstein, l’un des sommets les plus redoutables du monde. Dès l’aube, ils quitteront le camp de base et se lanceront à l’assaut des pentes. Felix s’accroupit auprès du feu. Gail lui tend une tasse de café brûlant.

    — Tu as l’air particulièrement excité, mon lapin, murmure-t-elle d’un ton lubrique...

    — Cette grosse montagne vaut le jus, Gail chérie... C’est la crème de la crème : après l’Aconcagua, l’Everest, le Mont Winson et le Kilimandjaro, on va se taper ce gros tas de caillasse !

    Il tortille sa moustache d’un geste nerveux.

    — Bon, départ à quatre heures ! D’accord ?

    Gail et Corky acquiescent. Puis nos trois co-équipiers font un repas hautement énergétique. Gail et Felix vont se coucher pendant que Corky fait la vaisselle. La nuit tombe, froide et opaque. Corky tend l’oreille. Des soupirs proviennent de la tente de Felix et de Gail.

    — Ce salaud de Felix pourrait au moins en faire profiter les copains, marmonne Corky entre ses dents. Puis Gail pousse des cris stridents qui se perdent dans la nuit.

    Corky rentre sous sa tente en soupirant comme un bœuf.

    — Bon, une branlette et puis dodo !

    Au moment où le soleil se lève, une activité intense règne déjà sur le camp de base. Felix plie soigneusement sa tente portefeuille. Gail est prête. Elle porte son costume esquimau. Corky est en débardeur rouge. La belle lumière rasante caresse ses puissants bras nus.

    — Hey Corky, tu n’as rien oublié ?

    — Non, pourquoi ?

    — Tu ne crains pas d’attraper froid, habillé comme ça ?

    — Ha ha ha ! C’est pas une montagne qui aura la peau du grand drummer Corky Laing !

    — Alors, vamos !

    Felix prend la tête de la cordée. Gail suit et l’intrépide Corky ferme la marche. Deux jours durant, ils grimpent le long d’un raidillon convexe couvert de tissu écossais. Ils ont chaussé les crampons, car le sol gélatineux n’est pas très stable. Au soir du deuxième jour, ils arrivent au pied d’une falaise de cuir. Felix examine le relief à la jumelle.

    — Hum, passé ce ceinturon de vingt mètres, nous devrions pouvoir accéder aux premiers bourrelets, là-bas, au-dessus...

    Un vent terrible s’est levé.

    — Écoutez, crie Gail, on dirait une chanson !

    Ils tendent l’oreille tous les trois. Une plainte rugueuse émerge du chaos des origines. La tourmente charrie les paroles d’un blues-rock gargantuesque.

    Bloooooooood of the sun, hurle la voix et le vent sculpte dans la nuit glaciale d’audacieux phrasés de guitare.

    — Fabuleux ! hurle Felix dans la tempête. Depuis le «Strange Brew» des Cream, je n’ai jamais rien entendu d’aussi puissant !

    Au bout de trois minutes, le vent se calme et la chanson s’éteint.

    — Cette montagne est hantée par une sorte de génie, lâche un Felix intrigué.

    Gail commence à rouspéter :

    — Je veux redescendre. Je n’aime pas la tournure que prennent les événements. Rentrons à la maison, Felix, je t’écrirai de belles chansons, si tu veux...

    — Non, c’est hors de question. Nous continuons par là. Il faut redescendre jusqu’à cette bosse proéminente et remonter par la boucle que vous voyez là-bas pour atteindre les premiers bourrelets. De là, nous devrons compter encore trois bonnes journées pour atteindre le sommet. À condition que la météo se maintienne, bien sûr. Allons Gail, je t’ai connue plus courageuse. Que va penser Corky de toi ?

    Dès l’aube, ils repartent vers la boucle géante qui étincelle au soleil levant. Ils descendent dans un immense creux tapissé de tartan rouge pour rejoindre la fameuse bosse dont parlait Felix la veille au soir.

    — Bon, Corky, tu grimpes jusqu’à la boucle. Une fois là-haut, tu nous lances une corde en rappel. D’accord ?

    Corky plante son piolet dans la paroi. Soudain la montagne tousse. Les immenses chairs s’agitent avec la violence d’un tremblement de terre. Une terrible secousse précipite Corky dans le vide. Il hurle pendant de longues minutes. On entend un très lointain splash. Felix et Gail se sont accrochés de justesse au fermoir d’une espèce de fermeture éclair géante. Les derniers soubresauts s’espacent. La montagne se stabilise.

    — Bon, Gail, il va falloir grimper à mains nues... Pas question d’utiliser les piolets. La montagne est trop sensible. Te sens-tu prête ? Je pars devant, j’envoie une corde. Tu n’auras qu’à te hisser.

    Felix grimpe jusqu’à la boucle géante. Il l’atteint. Il trouve de bonnes prises entre le cuir et l’acier. Au prix d’efforts surhumains, il parvient à se hisser au sommet de la boucle. Il tire Gail jusqu’à lui. Ils restent assis tous les deux au sommet de la boucle et admirent le paysage. Puis Felix se lève et repart.

    — Si on veut se mettre à l’abri des tempêtes, il faut atteindre un gros bourrelet avant la nuit...

    Il affronte son premier bourrelet. À la différence des régions inférieures, cette zone de la montagne est couverte d’un épais tissu noir à pois blancs. Felix affronte les rondeurs à mains nues. Il progresse au-dessus du vide, se hissant à la force des doigts. Il négocie prudemment chaque surplomb et se redresse à la force des bras jusqu’à la partie supérieure de l’excroissance. Là, il peut marcher. Il cale bien ses pieds et tire Gail jusqu’à lui.

    Le soir du troisième jour, une nouvelle tempête éclate. Gail se réfugie dans les bras de son mari. Jaillissant de nulle part, la voix gutturale se mêle au vent, portant haut les éclats toniques d’une puissance extraordinaire.

    Et tu sais qu’on se reverra... si la mémoire ne te fait pas défaut... oh, cette roue en feu...

    Felix exulte dans la tempête :

    — Mais Gail ! Écoute ça !

    Il reprend en cœur avec la voix de la montagne :

    Je fonce sur la route... tu ferais mieux d’alerter mes proches... ce pneu va exploser ! Mais Gail, fais un effort, voyons ! Ne reconnais-tu pas «This Wheel’s On Fire» de Bob Dylan ? Wooow ! Quelle version apocalyptique !

    Et Felix se met à sauter sur place comme un gamin. Il ne rebondit pas très haut, à cause la nature graisseuse du bourrelet.

    Dès l’aube, ils repartent à l’assaut des derniers bourrelets noirs tachés de pois blancs. Felix finit par déboucher sur une échancrure peuplée de grandes racines noires. Il se tourne vers Gail et lance :

    — C’est une zone de poils géants qui conduit au dernier obstacle, là-haut : ce triple menton qu’il va bien falloir escalader... Hum...

    Felix et Gail progressent à travers l’épaisse végétation, assurant bien leurs prises, car la paroi est quasiment verticale. Parvenu au pied du triple menton, Felix s’immobilise, en proie à l’incertitude. Il ne le voyait pas aussi gigantesque. Il commence à tâter la matière spongieuse. Il s’assure des prises en pinçant cette affreuse consistance. Si Felix a les doigts si musclés, c’est sans doute parce qu’il joue de la basse. Il parvient péniblement à gravir les trois rondeurs successives. Il se hisse sur le dessus du menton et lance la corde à Gail. Il la tire jusqu’à lui.

    Elle rouspète :

    — Je commence à en avoir assez de ta putain de montagne !

    — Regarde Gail ! On touche au but. Allons nous rafraîchir à ces lèvres pulpeuses que je vois là-haut, puis nous longerons l’éperon du nez que tu peux apercevoir au-dessus. De là, nous atteindrons ce chapeau noyé de brumes qui coiffe notre fabuleuse montagne ! Allons Gail, encore un effort ! Nous y sommes presque !

    Ulcérée, Gail sort un Derringer de la poche de son costume esquimau.

    — Écoute-moi bien, Felix le chat ! Nous redescendons immédiatement ! Je ne te le répéterai pas deux fois !

    — Mais tu es complètement folle, ma pauvre Gail ! Nous sommes si près de la victoire ! Gail ma puce, veux-tu ranger ce flingue ! C’est vraiment la dernière fois que je t’offre une pétoire pour ton anniversaire !

    Le coup part accidentellement. La détonation résonne sur des kilomètres à la ronde. Felix prend la balle dans le cou. Sous la violence de l’impact, il tombe et roule au sol sur plusieurs mètres. Il se relève et, sans un regard pour Gail, reprend l’ascension. Il atteint les lèvres pulpeuses et s’y abreuve de salive sucrée. Puis il continue de grimper. Il atteint l’éperon du nez. Il laisse à sa droite l’immense globe d’un œil rivé sur l’éternité et escalade la zone nue d’un grand front perlé de sueur.

    Felix atteint les premières boucles d’une toison ardente. Il connaît les forêts tropicales et sait comment se faufiler dans les végétations très denses. Il reprend sa position d’araignée pour s’engager sous le plat du grand chapeau. Au prix d’efforts surhumains, il atteint l’arête et se hisse sur le plat du chapeau. Il fait quelques pas et s’écroule, épuisé.

    Un vent terrible se lève. Felix ouvre les yeux. Une mélodie d’une beauté démesurée se glisse à nouveau dans la tourmente. La voix de la montagne hurle la douleur du monde, elle martèle des syllabes d’un poids titanesque :

    Ba-by I’m down ! Ba-by I’m down !

    Felix secoue la tête. Il se pince... Mais non, ce n’est pas un rêve. Il fond sa voix dans celle de la montagne. L’écho vient à son aide. «Baby I’m Down» dure une éternité. Felix Pappalardi tutoie enfin les dieux.

    Signé : Cazengler, Mounteigne

    Leslie West. Disparu le 22 décembre 2020

    ADIEU A LESLIE WEST

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    Triste nouvelle, Leslie West a cassé sa pipe en bois, ce 22 décembre. Durant le confinement de fin avril au début de juin, nous avions abordé ( livraisons 462 / 463 / 464 / 465 / 466 / 467 / 468 / 469 / 472 ) une partie du périple rock'n'roll du colossal guitariste. Sa guitare n'était ni d'argile, ni de papier. J'avais promis de poursuivre quelques éclats de cette saga, une des plus belles du rock'n'roll. L'actualité m'a devancé. Au lieu de reprendre l'histoire à son début, nous écouterons un de ses derniers albums, pourquoi celui-ci et pas un autre, peut-être parce que la guitare y est particulièrement à l'honneur.

    Il est difficile d'imaginer Paris sans la Seine et encore plus un rocker sans scène. 2011 est une année importante pour Leslie West, terrible parce qu'il doit se faire amputer de sa jambe droite le 20 juin, parce que le 13 août il est déjà sur scène. C'est ce que l'on appelle avoir le rock chevillé au corps. Lui qui avait l'habitude de s'adonner sur son estrade à la danse de l'ours sur le toit de tôle brûlante jouera désormais assis. Le premier titre de l'album mis en boîte avant son hospitalisation ne manque pas d'humour de la part d'un diabétique qui a mené une vie de bâton de chaise, bouffe, graisse, alcools, tabacs, drogues douces et dures, tournées épuisantes et interminables... RIR, qu'il repose in rock !

    UNUSUAL SUSPECTS

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    ( Provogue / 2011 )

    Kenny Aronoff : batterie, percussions / Fabrizio Grossi : basse / Phil Parlapiano : orgue, mellotron, claviers / Leslie West : guitares, vocal / + Prestigieux invités.

    One more drink for the road : un morceau en roue libre, du classique de chez classique, genre vous voulez du blues, en voiçà en voili, prenez-en plein les feuilles, car ne durera guère plus de trois minutes, démarrage avec un piano qui shuffle plus qu'il ne boogise, et c'est parti pour la partie de guitares, Steve Lukather ( non, ce n'est pas une blague à Toto ) est à l'acoustique, miaule menu, les yeux fermés imaginez que c'est un tigre qui geint parce qu'il s'est planté une épine empoisonnée dans la patte gauche, mais non c'est Leslie à la lead qui fait le boulot. Mud flap momma : ( composé par Jenni(fer) et Joseph, voir plus bas ) forme au plus haut, on crie chapeau, c'est Slash, l'homme à la guitare flash, le bretteur N° 1, qui vous emmène un bouquet de roses avec un fusil comme épine au milieu pour vous fusiller entre les deux yeux et partout ailleurs, rien à dire deux lead guitars, c'est mieux qu'une, certes ils n'inventent pas la foudre sur ce morceau mais ils savent s'en servir, un véritable feu d'artifice du quatorze juillet, finissent à l'unisson comme le gang des frères James qui s'en prennent au coffre-fort de la banque. Slash a toujours revendiqué Leslie West comme influence. To the moon : Leslie s'envole au vocal, contrairement à ce que l'on pourrait accroire Leslie n'attaque jamais sa guitare comme Attila se ruant sur Aquila, vous a un toucher tout doux, l'on dirait que chaque fois qu'il effleure ses cordes une plume d'ange glisse sur le dos soyeux d'un chaton, le problème c'est que parfois il ne résiste pas à ce que Jack London appelait the call of the wild, alors il vous réduit en trois coups de tonnerre le mistigri en charpie sanglante, se reprend vite et vous ensorcèle d'une longue glissande vaporeuse, on ne va pas se déguiser en militant de la cause animale, ce que l'on adore c'est quand il vous pourfend les matous en trois coups de guitare majeurs, et pour cela cet envol vers la lune avivera et ravira vos pulsions les plus sadiques. Standing on higher ground : le blues le plus crasseux du monde, c'est si bon, c'est si Gibbons, avec lui Leslie est au top. Vous avez l'impression d'être au cœur de Fort Alamo, vous connaissez le film par cœur mais qui se lasserait de le regarder ! N'y a pas une note qui n'appuie pas à l'endroit exact où cela fait du bien et du mal en même temps. Third degree : le vieux classique d'Eddie Boyd – gardez vos vieux disques les masters ont été brûlés comme ceux de milliers d'autres dans l'incendie d'un entrepôt d' Universal – qui fit les beaux jours de West, Bruce & Laing, comme feature Leslie n'a pas pris de la petite friture, Joe Bonamassa en personne, ce que l'on appelle un virtuose, au chant il ne vaut pas Leslie et cette version ne vaut pas celle de WBL, l'a tout ce qu'il faut le bonhomme Bonamassa, sauf, je sens que je vais me faire haïr, une authenticité blues. C'est tout de même mieux que ce que seraient capables de faire les 99, 999 pour cent des habitants de notre planète.

     

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    Legend : comme son nom ne l'indique pas le compositeur Joseph Pizza - il a participé à la composition de cinq autres titres de l'album - ne travaillait pas dans une pizzeria mais dirigeait une société pharmaceutique, c'est aussi un vieil ami de Leslie, c'est Jenni(fer) ( que Leslie a demandée en mariage sur scène – bonjour Johnny Cash - lors du concert organisé pour fêter l'anniversaire des quarante ans du Festival de Woodstock ) qui avait travaillé dans l'entreprise de Pizza qui l'a encouragé à montrer ce morceau qu'il avait composé trente-cinq ans auparavant. Bon ce n'est pas le slow de l'été mais la ballade de l'hiver. C'est fou comme les amerloques ont l'art de vous tourner la ritournelle... un peu déplacée sur cet album tout de même... Leslie se fait plaisir à la guitare... Nothing's changed : Leslie et Zakk Wylde sont à la lead, Zakk Wilde est un poème rock à lui tout seul entre autres guitariste-compositeur pour Ozzy Osborne et fan de Neil Young – parfois les contraires s'attirent – avec Leslie ils font des miracles, comment ne pas sortir du cadre du blues tout en cassant tout à l'intérieur de la baraque. Surveillez vos enceintes, ça fuse de tous les côtés, et vos esgourdes engourdies ne s'en plaindront pas. Vous non plus. I feel fine : la reprise que l'on n'attendait pas, des Beatles de 1964, faut entendre comment Leslie vous bouscule le cocotier, le larsen inopiné de Lennon en ressort tout tarabusté, tout fuzzillé, le plus marrant c'est qu'au vocal Leslie suit de près la structure originale du morceau. Love you for ever : le titre le plus long, un régal, répétons-le, Leslie ne redécouvre pas la bombe atomique, juste un morceau de rock comme il en existe des centaines, et l'on se prend au jeu et l'on balance la tête en cadence, tout est à retenir, cette cloche de vache, et surtout cette guitare qui n'en finit pas de gronder de toutes les manières possibles et inimaginables, Leslie a le pêchon, se croit au bon vieux temps de Mountain, nous aussi. My gravity : blues balladif, beaucoup plus crédible que Legend, une guitare qui grince et une voix qui crie, quoi de plus pour être heureux, tout est dans la nuance, dans la déglingue, le doigté, l'écorchure des cordes, une espèce de mini-symphonie qui ne déparerait pas dans certaines virtuosités instrumentales de musique classique expérimentale d'aujourd'hui, mais il faut savoir l'écouter. Parfois le serpent qui tue est tapi sous les feuilles mortes de l'automne. The party's over : Slash et Zack Wylde ont failli à l'époque jouer ensemble dans Guns N' Roses, Leslie les réunit et leur laisse le champ libre, vous jouent le hit de Willie Nelson de telle façon que vous comprenez qu'entre le blues et le country il n'y a pas plus d'espace qu'un feuillet à cigarettes, tout en force et tout en douceur. L'intro et la fin touchent au sublime de la simplicité. I don't know ( the Beetle juice song ) : beaucoup n'aiment pas cet ultime morceau, dédié à un ami nain de Leslie, une démo, une pirouette, une comédie, une parodie, une chansonnette, perso j'adore.

    Cet Unusual Suspects souffre d'un grave défaut. Les morceaux sont trop courts. Une moyenne de trois minutes, nettement insuffisantes de nos jours ( et même à cette époque presque lointaine ) pour le blues. L'aurait fallu élaguer et s'autoriser deux cachalots de sept minutes ( au minimum ) chacun, cela aurait permis aux invités de s'amuser. Leslie semble peu partageur sur ce coup-là, coupe le gâteau en deux, la moitié pour lui, le reste pour les invités, et encore il en profite pour grignoter la cerise rythmique sur la part des autres. L'est sûr que d'un autre côté en 2011 le concept de double-album n'avait plus trop la cote. Ce qui nous aurait privé de bien de nos frustrations. L'ensemble vous laisse un goût d'inachevé dans la bouche. Manque aussi un désir poivré d'aventure, les invités servent le maître, le maître ne se sert pas de ce jeune sang pour explorer des eaux tumultueuses. L'on eût aimé un trait d'union entre le Hard et le Metal et l'on assiste à un prudent repli vers le camp de base du blues. Toutefois ne l'oubliez pas : the West is the best.

    Damie Chad.

     

    *

    Il est des volatiles qui ne sont guère volatiles, ne se dissipent pas dans l'air ambiant, ne s'évaporent pas aussi facilement qu'on l'espère. Ces deux-là on a cru les faire taire une bonne fois pour toutes. Privation de concerts, deux confinements coup sur coup pour être sûr qu'ils ne s'en remettraient pas, hélas le deuxième n'est pas encore terminé que les maudits cui-cui viennent nous faire coucou sur leur chaîne You Tube. Ne sont pas morts. Faudra se résoudre à l'idée qu'ils ont survécu. Se sont pris pour des pigeons voyageurs, ont volé à tire d'aile jusqu'en Bretagne, avec leurs guitares et le chat – on pensait qu'ils l'auraient abandonné en région parisienne, mais ils n'ont pas osé – on se disait, au moins on est tranquille pour un bon moment, ben non, au lieu de rester à roucouler dans leur nid douillet, ils en ont profité pour enregistrer at home un album, titré Unicorns, n'est pas encore sorti, mais comme il leur restait du temps de rabe ils ont aussi tourné avec l'aide de Rattila Pictures quelques clips, et pour nous gâcher l'espoir insensé que l'année 2021 serait merveilleuse pour le monde entier, l'on n'était pas encore descendu du sapin de Noël que le matin du 26 l'on avait droit à un premier envoi de missile crashbirdien. La grande menace de l'éradication totale de l'espèce humaine n'était donc pas une vaine promesse...

    MEDALS AND BADGES

    CRASHBIRDS

    ( Clip / Décembre 2020 )

    Au début tout est parfait. Feu de cheminée, bibliothèque emplie de bouquin, parquet ciré, Delphine toute belle, toute sage sur son fauteuil. Rien de mal ne peut vous arriver. Pour un peu vous réciteriez du Baudelaire :

    Là, tout n'est ordre et beauté,

    Luxe, calme et volupté.

    Un léger défaut tout de même. Pourquoi l'image réduite au format d'un double-timbre-poste, n'occupe-t-elle pas tout l'écran ? La réponse est donnée deux secondes plus tard. Sur la noirceur droitière s'inscrit en lettres d'or – couleur normale pour des – Medals and Badges, pendant que Pierre s'en vient s'assoir au bureau devant le moniteur de l'ordinateur, et crac, voici l'image séparée en trois rectangles un grand, et deux petits. S'amusent dès lors à alterner les plans, tantôt les deux ensemble, tantôt en train de jouer, tantôt en train de se concentrer, pour nous une manière de participer en même temps à l'enregistrement des différentes pistes ou des manipulations diverses des appareils exigés par l'enregistrement lui-même. Les cui-cui nocifs sur-multipliés, non pas à l'infini, mais presque. Pour les reluqueurs de plans cordiques, vous en avez des pleins-écrans qui occupent tout l'espace, entourés d'un ravissant cadre mauve chaque fois que Pierre ramone un solo. En plus vous avez le résultat sonore final qui défile dans vos oreilles. Attention, z'ont laissé le fin boulot du mixage et du mastering à Eric Cervera. Verra pas plutôt, car n'est pas présent sur le clip, l'a dû logiquement s'atteler à la tâche après les séances d'enregistrement. Ceux qui n'ont pas l'oreille et l'œil parfaitement désynchronisés risquent de s'y perdre un peu, tant pis pour eux ! Il ne faut jamais prendre pour argent content ce que l'on voit et ce que l'on entend. Ne pas être dupe du monde immonde dans lequel on vit, c'est d'ailleurs un peu la philosophie profonde des textes des Crashbirds. Si vous êtes fiers de votre mention Très bien au bac, ou si vous arborez à votre veston la médaille du travail que votre patron vous a offert pour votre départ à la retraite, sachez que vous n'êtes pas dignes d'écouter la musique des Crashbirds. Elle vous restera incompréhensible, elle vous dépasse et vous enterre. Profitez-en pour goûter l'ironique enseignement du montage : toutes ces cases tracées à l'angle droit, nos deux cui-cui s'en amusent, volent de l'une à l'autre, refusent de rester enfermés, détestent les prisons et les étiquettes, sont partout à la fois, ici et là, à tel point que je suis obligé – ô crime insensé – de toucher au vers de Baudelaire, le grand Charles il aurait mieux fait d'écrire : Là, tout n'est que désordre et beauté !

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    Passons aux choses sérieuses. A la musique. Au nouveau morceau des Crashbirds. Pierre n'est pas comme Empédocle qui a abandonné ses sandales sur le bord du cratère avant de se jeter dans l'Etna. Lui il n'oublie jamais ses pantoufles soniques. Les emmène toujours avec lui dès qu'il joue de la guitare. Adepte du Do It Yourself, il les a bricolées lui-même, prend son pied avec ces boîtes en bois résonnantes. Les martèle, l'en tire le rythme originel, le temps fort celui de la haine, et le temps doux du silence celui de l'amour, j'invite le lecteur à se rendre compte que le battement du pied lehouliérin bat pour ainsi dire à contre-sens du système philosophique d'Empédocle, chez lui la haine coup porté rapproche et l'amour pied levé éloigne. C'est vraisemblablement pour cette ambiguïté congénitale que des millions de personnes détestent le rock'n'roll.

    Pas besoin de batterie chez les Crashbirds, toutefois un instrument de percussion, la cloche de vache que Delphine Mississippi Queen Viane active dans les moments cruciaux. La cloche à vache joue dans la musique des cui-cui le rôle du tocsin dans les catastrophes médiévales - cités en flammes, population massacrée - un tap-tap lugubre qui vous glace le sang, justement dans le morceau qui nous occupe Delphine ne se prive pas de s'en servir. Comment une fille si ravissante peut-elle déclencher de tels mouvements de frayeur dans votre imaginaire phantasmatique...

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    Pierre est du genre pragmatique, à allumer le bâton de dynamite du rock'n'roll autant mettre le feu aux deux bouts en même temps. Donc si son pied droit n'arrête pas une seconde de frapper le sol de ses boîtiers – c'était ainsi que les anciens grecs suscitaient la colère élémentaire des puissances ténébreuses de la Terre – ses deux mains sont rivées à sa guitare. A l'horizontalité phonique il rajoute la verticalité cordique. Donne l'impression qu'il en extrait un jus noir qui coule sans fin pour ajouter de la noirceur funèbre au monde. L'univers des Crashbirds n'est pas rose.

    Rouge vif, flamme ravageuse qui court et réduit en cendres les forteresses de la bêtise oppressive. Ce rôle est dévolu à Delphine, à sa guitare à la sonorité beaucoup plus claire, entêtante et enivrante. Une voix ardente et ravageuse, rythmée et sans pitié, coupante comme une serpe qui, inflexible, s'abat sur les prétentions indues, et dénonce les faux-semblants de la comédie humaine.

    Medals and Badges est un morceau entraînant - ne souriez pas, ne sautez pas de joie - à la manière du joueur de flûte de Hamelin, cette musique vous transporte, elle agit en tant que manipulation mentale, dès qu'elle retentit, vous ne pouvez qu'être d'accord, en harmonie avec elle. Elle vous enfièvre, elle vous soulève, elle vivifie votre sang, vous file une nouvelle énergie, ces fameux cui-cui vous leur pardonnez tout, car ce qu'ils expriment, vous le reconnaissez, c'est le vieux fond primal du blues, magnifié, électrifié, carbonisé, cabonarisé, qui s'insinue en vous et ne vous lâche plus. Le serpent chthonien qui vous enlace et vous communique l'esprit reptilien de survie et de révolte. Celui qui refuse de pactiser. Surtout pas pour une médaille en chocolat.

    Damie Chad.

     

    Talking ‘Bout My Generation

    - Part Three

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    A dream come true, comme aiment à le dire les Anglais lorsque leurs rêves se réalisent : Jake Calypso en couve de Rockabilly Generation. Portée symbolique pour un premier numéro de l’année à venir qu’on espère tous moins pourrie que celle qui se termine. Ah la vache !, comme disait Jacques Vaché en tirant une bouffée sur la pipe d’opium qui allait le tuer. D’autant plus Ah la vache que Jake est l’un des artistes les plus intéressants de notre époque, mais ça, Damie Chad l’a très bien dit voici 15 jours. C’est même un vrai coup d’encensoir qu’il a balancé sur la gueule du pauvre Jake. Bing ! Trente-six chandelles ! Jamais rockab n’avait reçu pareil hommage, même pas Charlie Feathers sous la plume du vaillant Guralnik. Bravo Damie pour l’analogie avec Bernard Palissy, car oui, c’est exactement ça, Jake est un héros car les héros ne renoncent jamais. On l’a vu à l’œuvre et on sait pourquoi il monte sur scène : pour rendre hommage à ses héros. L’histoire du rock (le bon rock bien sûr) n’est faite que de ça : de héros qu’on appelait jadis les pionniers et de kids qui ont assez de talent pour savoir leur rendre hommage. Et personne n’est mieux placé que Jake pour ça, jugez du peu : Buddy Holly, Little Richard, Elvis, Johnny Burnette et Gene Vincent, cinq tribute albums dont on a déjà dit le plus grand bien ici dans KRTNT. Damie a raison de parler de «rêve sans trêve» et de «walk on the wild side», et de tirer à l’équerre cette chute qui tinte si juste à l’oreille du lapin blanc : «Un des engagements les plus créatifs du monde rock actuel, y compris en comptant les anglais et les américains». Oui Jake mérite bien cet éloge, car il est simplement formulé et encore une fois d’une justesse confondante. Tous ceux qui ont vu Jake sur scène ou qui connaissent ses disques le savent pertinemment. Il faut aussi le voir à la page 6-7, Jake, là, devant sa cabane où il vous invite à entrer, cette cabane qu’on retrouve stylisée sur la pochette de Boogie Around The Shack. 25 Blues Boppers Selected By Jake Calypso. Alors entrez les gars ! Mettez-vous à l’aise, on va causer. Et Jake te raconte sa vie, la vie d’un mec normal passionné de musique, ses deux enfants, sa copine, ses boulots et ce here we go qui revient en permanence, le besoin de monter sur scène, même si comme il fait bien de le rappeler, «c’est pas un métier où on gagne bien sa vie». Il s’en fout, il y va. C’est pas le genre de mec à compter ses sous en se grattant les couilles. Go cat go !

    Comme tout le monde aujourd’hui, et surtout les musiciens qui n’ont plus le droit de jouer, il fait une brève allusion à l’actualité, il appelle ça «ce bordel de corona» : rester chez toi à écouter des disques et regarder des DVD ? «Mais non, il manque un truc», dit-il et quel truc ! La scène ! C’est-à-dire le plus important, une espèce de raison de vivre. Sans la scène, tout ça n’a plus aucun sens. Surtout pas les pseudo-concerts à la mormoille dans les ordis et sur les smartphones. Ce qui frappe le plus dans cet interview fleuve, c’est la simplicité du ton. Jake est un mec bien, l’anti-m’as-tu-vu par excellence, il répond aux questions parce que c’est l’usage mais dès qu’il peut, il revient à la musique. Elle a changé sa vie, dit-il. Par contre, l’interview se termine en queue de poisson. «Pas de projet phare parce que nous ne savons pas où nous allons.» Tu rigoles ? Pas de meilleure auspice que cette couve. C’mon, Jake ! On continuera d’aller boire des coups pour aller faire les cons dans les concerts, pas de problème. Jake en couve, ça veut dire bientôt Béthune et bientôt les bars, bientôt le retour des contrebasses et des cool cool cats. Ça va rebopper sec dans les estaminettes !

    Rockabilly Generation ajoute deux annexes à cette superbe interview : la discographie complète de Jake montée avec les visuels des pochettes, ce qui permet de mesurer l’étendue de l’œuvre et pour les ceusses qui suivent, de compléter, car on y trouve des trucs nouveaux parus en 2020, et deux pages plus loin, une double qu’on peut décrocher pour la punaiser au mur, comme quand l’ado avait bon dos. Bon alors après on feuillette, nouvelle interview, cette fois c’est le Big Beat boss Jacky Chalard qui dresse un panorama captivant de la culture rock’n’roll en France, on tourne la page et pouf ! On tombe sur la photo d’un mec coiffé d’une casquette blanche. Petit moment de stupeur accompagné d’une bulle au dessus de la tête : «L’ai déjà vu ce mec-là...».

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    ( Photo de : rocky-52.net : Camping Cats )

    Eh oui, Bruno Grandsire, l’un des mecs les plus élégants qu’on pouvait voir sur scène à l’époque du Bateau Ivre, un endroit que vénéraient les oiseaux de la nuit rouennaise car on pouvait s’y piquer la ruche jusqu’à quatre heures du matin. Au Bateau passaient chaque soir des groupes dans des genres différents, garage, metal, reggae, rockab, chanson, avec chaque fois des publics différents en plus des habitués, une faune extraordinaire et l’ambiance était tellement bonne qu’on faisait systématiquement la fermeture. Un soir, Orville Nash était à l’affiche, accompagné par les Camping Cats. Les Cats jouèrent en première partie et wow, le mec à la gratte était franchement bon, the real deal, assez haut, d’une grande maigreur, comme sur les photos, en marcel blanc et coiffé d’une casquette bleue. Le jeu dans le public aviné consistait à réclamer des morceaux pendant les blancs et on réclama «One Hand Loose» que le grand maigre en casquette bleue attaqua aussi sec au débotté de tiptop daddy. Non seulement il connaissait bien le cut, mais il en fit une version fabuleuse. Voilà, c’est Bruno Grandsire. La classe. Puis les Camping Cats accompagnèrent ce vieil Orville qui lui aussi gagne à être connu. Ce serait peut-être l’occasion de rappeler tout le bien qu’il faut penser de son premier album, Nashin’ Around, paru sur Rollin’ Rock à une autre époque. Autant dire que retrouver l’excellent Camping Cat comme ça au détour d’une page, c’est la même chose que sortir de l’enveloppe le nouveau numéro de Rockabilly Generation et tomber sur Jake : a dream come true.

    Signé : Cazengler, dégénéré

    Rockabilly Generation. N°16 - Janvier Février Mars 2021

     

    Que le Grand Funk me croque

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    L’histoire de Grand Funk Railroad est celle d’un groupe américain immensément populaire dans les années soixante-dix mais détesté par l’establishment de la critique rock. Mark Farner, Mel Schacher et Don Brewer ne comprenaient pas pourquoi on les haïssait tant dans la presse rock, alors qu’ils remplissaient le Shea Stadium aussi facilement que les Beatles. Avec An American Band - The Story Of Grand Funk Railroad, Billy James apporte quelques éclaircissements sur ce phénomène aussi peu sympathique qu’incompréhensible. C’est vrai qu’avec le recul, on se demande si les critiques de l’époque ont écouté les albums. Comme dirait l’autre : Pourquoi tant de haine ?

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    Bon alors attention, Billy James ne se prétend pas écrivain, mais c’est sans doute parce qu’il ne vole pas très haut, littéralement parlant, qu’il colle bien à son sujet. Billy James propose un récit purement chronologique et ne produit aucun effet de manche. Pas de réflexions philosophiques ni de fins de chapitres spectaculaires. Il se contente de remonter le fil de l’histoire album après album et pour étoffer un peu, il cite les réactions systématiquement négatives des journalistes anglais et américains.

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    L’histoire de Grand Funk est aussi celle d’un groupe plumé par un manager/producteur un peu trop gourmand, Terry Knight. D’ailleurs, Farner démarre comme bassman de Terry Knight & the Pack, le heavy band de Flint, Michigan, qui était en vogue dans la région à la fin des sixties. Il fut embauché à cause de sa ressemblance avec Brian Jones, car Terry Knight était fan des Stones. Il était aussi le DJ le plus populaire de Detroit. Quand Terry Knight part à New York faire un peu de business, Farner et Brewer montent Grand Funk Railroad. Farner se dit fortement influencé par Howard Tate et Aretha, côté voix, Jimi Hendrix et early Clapton côté guitare. Il voit le groupe comme un groupe de hard rock, comme on l’appelait alors, dans la veine de Mountain et d’Iron Buterfly. Il tire le nom du groupe d’une institution de l’époque : The Grand Trunk & Western Railroad. Bonne pioche, Mark.

    Quand Knight écoute jouer le power trio, il accepte de les aider à une condition : contrôle absolu en tant que manager, producteur, porte-parole et mentor musical, c’est-à-dire qu’il veut tout superviser, l’image du groupe et la direction musicale. Aujourd’hui encore, on peut se demander comment Mark, Schach et Donnie on pu être assez cons pour accepter une telle proposition. Non mais franchement ! Alors après, ils peuvent venir se plaindre. Ouine ouine, il nous a pompé tout notre blé, ouine ouine, il nous poursuit en justice, ouine ouine, comment qu’on va faire pour sortir des griffes de cet escogriffe ? Pas de panique les gars, John Fogerty et les Stones ont subi le même sort et ils ont réussi à s’en sortir.

    Et pourtant, Terry Kinght les avait prévenus, en les faisant asseoir dans la cuisine de Chuck Klipper en mai 1969 : faites gaffe les gars, si vous signez, vous renoncez à votre liberté et à toute vie privée ! Ils signent et fracassent un six-pack de bières pour célébrer ça. Tout ce qu’ils voulaient, c’était devenir célèbres. Ils en avaient assez de jouer dans les bars. Oh pour devenir célèbres, il vont le devenir !

    Ils commencent par faire un carton à l’Atlanta Pop Festival et un mec de Capitol qui les voit sur scène les signe on the spot. Ils ont déjà une démo, celle de leur premier album, On Time, qui a été rejetée par tous les label de l’époque, y compris par Capitol à deux reprises, mais le coup d’Atlanta les propulse dans le stardom. Knight produit mais c’est un certain Kenneth Hamman qui enregistre. Hamman a bossé pour Human Beinz et il bossera pour Bloodrock, James Gang et Pere Ubu.

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    Leur premier album s’appelle On Time et paraît en 1969. On y trouvera du seventies rock du Michigan, ni meilleur ni pire qu’un autre seventies rock du Michigan. Mais on s’y attache, via des choses comme «Are You Ready». Ils proposent un funk de rock à la bonne aventure et Farner part en virée de gras double à l’ancienne. Il fait du méthodique, sans fluidité particulière. C’est très rock, très axé sex appeal. Ils jouent avec «Time Machine» la carte d’un son efficace, celui du heavy boogie bien dodu, bien en place. Ils cultivent encore leur power-triotisme patenté avec «High On A Horse». Cette fubarderie les rend infiniment louables, Farner attaque au bon son, il est là, on peut compter sur lui. C’est un brave mec.

    L’album est massacré par la critique. Personne n’en veut à la radio. C’est le commencement du grand Grand Funk Bashing qui, nous dit Billy James, dure encore. Les critiques s’acharnent sur Grand Funk : «L’un des groupes les plus simplistes, les plus nuls, les plus plats de l’année.» Pourtant, que la pochette est belle - comme l’est la montagne de Jean Ferrat - nous dit le petit Billy James - Don the wildman drummer, Mel the dark brooding bassist and Mark the sex symbol of the group - Cette image est même un peu surréaliste, bien dans le ton de l’époque. Ils brandissent tous les trois des morceaux de train.

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    Leur deuxième album paraît la même année sous une pochette rouge devenue mythique : c’est bien sûr l’excellent Grand Funk. Schach y trône avec sa jazz bass. C’est Grand Funk at their loudest and heaviest, nous dit le petit Billy James. Tout est bien là-dessus. On est frappé dès «Got This Thing On The Moon» par la prééminence du son de la basse et l’excellente dynamique triétale. Ils vont enchaîner une série de cuts bien catapultés, drivés par une basse sourde comme un pot. Farner intervient ici et là pour farcir la dinde. Certains cuts comme «Mr Limousine Driver» paraissent un peu figés dans le temps. Les dynamiques sont comme retenues par l’élastique du pantalon et Farner se fend d’un solo féroce aux dents pointues. Excellent ! En B, on tombe sur un «Paranoid» qui n’est pas celui de Sabbath. Ce heavy tempo du Michigan se laisse déguster tranquillement et s’orne de beaux bouquets de voix et de retours de voix gonflées aux trois voix. Le hit de l’album est une reprise des Animals, «Inside Looking Out». Idéal pour le Funk - Woo baby all I need is some tender lovin’ - Farner peut-il vraiment rivaliser avec Eric et rac ? Dommage que les trois Funk délayent la sauce, c’est l’une des manies des seventies, on délayait à longueur de temps et soudain ça part en dérapage contrôlé sur le riff de basse, let me feel alrite et ça finit en beauté.

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    Selon le petit Billy James, Closer To Home is considered the definitive Grand Funk Railroad album, car il contient tous les éléments qui vont faire la renommée internationale du groupe. Selon lui, «I’m Your Captain/Closer To Home» est la plus belle compo de Mark. C’est vrai que l’album ne laissait pas indifférent. On y retrouvait bien sûr l’énorme son de basse de Schach : «She’s A Good Man’s Brother» et «Aimless Lady» ont largement de quoi rendre un homme heureux. Curieusement, la guitare de Farner reste planquée dans l’ombre. Grand Funk, c’est Schach ! Ils font l’instro de la concorde avec «Get It Together» et tout explose en B avec «Hooked On Love», un heavy tempo presque joyeux et des filles aux chœurs, très Southern, dans l’esprit Allman Brothers, une sorte de désinvolture ombragée, comme ça, ni vu ni connu, ils chantent à deux voix, I don’t care who you are, les chutes de couplets sont superbes et avec l’arrivée des filles, ça donne du very-very-big sound. Ils finissent l’album avec l’archétypal «I’m Your Captain». On y sent une volonté de beauté michiganesque, ils cherchent la voie du paradis - I’m getting closer to my home - Étrange parti-pris d’extension du domaine de la turlutte. Ça finit par devenir très beau car très orchestré.

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    Bon, les gars, si on faisait un album live ? Banco ! Et pouf, voilà le fameux Live Album. Il paraît la même année que Closer. Les Funkers ont trouvé leur vitesse de croisière : deux albums par an et des concerts sold-out à travers les États-Unis. Un Farner the farmer qui arrive toujours torse nu sur scène et qui envoie avec ses deux vaillants compagnons l’un des meilleurs blasts des Amériques. Sur ce double album tellement typique de l’époque des double albums (Steppenwolf, Doors, Allman Brothers), on trouve une belle version d’«Inside Looking Out», avec un Schach qui rôde dans le marigot comme un gator en maraude. Avec ses grandes dents pointues, ce Schach est un carnassier du son, il faut l’entendre pousser des pointes dans le heavy groove des Animals. Quel spectacle ! Il faut aussi le voir redémarrer au wild drive d’orverdrive, ce mec abuse, il profite du privilège d’un son énorme, il se déplace à notes lourdes, à pas d’éléphant pendant que Farner the farmer s’épuise en vain à soloter. On assiste médusé à un final exceptionnel de dérapage, aïe aïe aïe, fantastique power du Funk ! En fait Schach embarque tous les cuts un par un, il faut aussi le voir déménager la fin d’«Heartbreaker» et faire tout le jobby jobbah sur «Mean Mistreater». On l’entend aussi broder à l’infini dans «Are You Ready». Tel un dieu effréné, il joue au pulsatif dévorant. Live, «Paranoid» se transforme en merveille de heavy seventies sound. Avec «In Need», ils jouent leur carte favorite, celle du power-trio. Schach s’y tape un énorme passage de transe. Il pousse le bouchon jusqu’au paroxysme. En fait ils groovent à deux, Schach et Donnie, comme le montre si bien «Mark Say’s Alright». C’est une vraie machine et Farner the farmer semble paumé dans le fond du son. Ils terminent en D avec un long «Into The Sun» que Schach bouffe tout cru, il broute et il broie, il nettoie tout sur son passage, il joue à l’absolute power drive dévastateur, tout en lignes géométriques et définitivement rockantes. Il faut vraiment avoir entendu ça au moins une fois dans sa vie, car outch !

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    Mark Farner finit par prendre les réactions de critiques à la rigolade : «Le lendemain du concert, on se demandait toujours ce qu’allaient dire les critiques, car de toute évidence, ils n’avaient vu le même show que celui où on jouait.» Un critique anglais finit quand même par prendre la défense de Grand Funk : «C’est sûr, ils ont un son agressif et ils jouent fort, c’est même assez cru, mais c’est bien foutu. Leur son correspond au goût américain. Ils sont las de la guerre du Vietnam et voient leur société se désintégrer. Ils jouent en réaction contre tout ça et expriment simplement leur colère. Il vaut mieux exprimer sa colère en jouant du rock plutôt que d’aller se battre dans les rues.» Le petit Billy James vole une fois encore à leur secours en déclarant : «Grand Funk a un truc que n’ont pas les autres. Creedence ne l’a pas, Sly et Zeppelin non plus. Il faut monter jusqu’à des gens comme Presley, les Beatles, les Stones et Sinatra pour trouver ce truc. Eux comme Grand Funk sont plus importants sociologiquement que musicalement. Grand Funk transmet à son public un truc que ne peuvent transmettre les autres groupes. Voilà pourquoi ils sont devenus un phénomène. Mark Farner dit à son public : «Nous sommes une partie de vous, nous sommes votre voix.» Phénomène typiquement américain.

    Bon les sous rentrent dans les caisses et Farner achète sa ferme dans le Michigan près de Hartland. Elle va jouer un rôle considérable dans la suite de cette aventure. Farner the farmer y construira le Swamp, c’est-à-dire le studio dans lequel le groupe va enregistrer ses futurs albums. Il exploitera aussi ses terres, car il a grandi dans une ferme. À tel point qu’il finira par ne plus porter de pattes d’eph à cause des herses et par se couper le cheveux pour ne pas se les coincer dans des machines agricoles.

    À l’époque, Farner the farmer fréquente aussi assidûment John Sinclair et son Rainbow People’s Party. Pour leur premier concert en Angleterre, ils jouent à guichets fermés à l’Albert Hall sans aucun support médiatique, ni radio, ni presse.

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    Ils sont devenus le groupe du peuple. Pour bien synthétiser l’idée, il se déguisent en hommes des cavernes sur la pochette de Survival. Urgh ! Album cromagnon, donc, avec une basse à l’avenant. Dès «Country Road», Schach monte devant au gros popotin, c’est le tagada semelles de plomb du Michigan. Ils parviennent tous les trois à développer des dynamiques intéressantes, même dans un balladif mi-figue mi-raisin comme «Comfort Time». Ils font aussi deux belles covers, à commencer par le «Feelin’ Alright» de Dave Mason. Comme ils la passent pas les fourches caudines du Michigan, ce n’est pas de la dentelle. Tout est monté sur le taratata de Schach, il est vraiment au cœur du son, il le bouffe tout cru. Farner the farmer sait aussi très bien placer sa voix, comme le montre «I Want Freedom» qui ouvre le bal de la B : joli travail d’orgue et de chœurs, très Southern rock, Farner the farmer va chercher le feeling du gospel batch. L’autre bonne pioche est le «Gimme Shelter» des Stones. Alors ça te donne de la Stonesy du Michigan avec un Schach on bass fuzz lancé à l’assaut du ciel. Il ramone sa ligne de basse comme un petit savoyard. Quelle allure ! Il fallait y penser. Quelle bonne idée que d’aller éclater ce cut qui est la prunelle de nos yeux au bassmatic.

    C’est l’année où ils organisent le fameux concert du Shea Stadium et Knight embauche les frères Maysles pour le filmer. L’idée est de faire un film sur Grand Funk, puisqu’ils sont devenus aussi célèbres que les Beatles et les Stones. Et Knight profite d’une conférence de presse pour indiquer que la presse n’est pas la bienvenue et qu’il n’a pas besoin d’elle. Le groupe va très bien, merci. Pour la première tournée européenne, Knight embauche Humble Pie pour jouer en première partie. C’est à cette occasion que les Anglais découvrent l’ampleur du despotisme de Knight qui interdit à Mark, Schach et Donnie de sortir le soir, car il veut qu’ils soient en forme le lendemain. Mais les trois Funkers mettent des oreillers sous les couvertures et sortent en douce par la fenêtre pour aller faire la fête avec Humble Pie. Comme les Stones, ils donnent aussi un concert gratuit à Hyde Park. Les Funkers ne se privent d’aucun luxe.

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    Comme ils sont en plein élan, ils enregistrent un deuxième album en 1971, l’excellent E Pluribus Funk. On devrait plutôt dire qu’ils le frappent, car la pochette est un écu d’argent. C’est encore Schach qui embarque le «Foot Stomping Music» et Donnie fouette ses peaux de fesses. Ils font de la haute voltige et on les applaudit bien fort. Farner the farmer écrase sa wah dans le brûlot anti-guerre «People Let’s Stop The War». Il est enragé. Ils montent encore en régime avec «Upsetter» et «Come Tumblin». Ils élèvent l’art du power trio au rang d’art majeur. C’est excellent car Farner the farmer sort un jeu funky. «Quelle santé !» s’exclame-t-on en redécouvrant «Come Tumblin». Sans doute est-ce là leur meilleur album. Ils ramonent tout le Michigan et la vieille rondelle flappie des seventies. On ne comprend toujours pas que les critiques aient pu les détester à ce point. Leur Tumblin est magnifique, plein de vie, bien remonté des bretelles au bassmatic, joué funky dans les virages et battu à la diable. Schach y passe même un solo de basse énorme et terriblement ventru. La B reste au même niveau, avec un «No Lies» bardé de big American sound. Ils multiplient les variations et Farner the farmer chante plutôt bien, perché sur la pointe de sa glotte rurale. On l’imagine debout, torse nu, face au stade, tout seul avec sa guitare. Il faut du courage pour aller s’exposer de la sorte. Il a la chance de pouvoir compter sur ses fidèles amis Schach et Donnie. C’est vraiment excellent, il faut le redire, ils multiplient à l’infini les lourdes dynamiques du Michigan et Farner the farmer relance à coups de ahhhh perçants. Par contre, «Loneliness» est tellement épique qu’on se croirait chez Wagner.

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    Et voilà, les Funkers ont vendu 20 millions de disques en deux ans. Rien qu’avec six albums. Farner the farmer, Schach et Donnie demandent à Knight où est passé le blé. Et c’est là que commence la sérénade habituelle. Knight possède 20% de Grand Funk Railroad Enterprises, un conglomérat qu’il a monté pour préserver ses trois poulains de la rapacité des impôts. Il touche 5/8èmes des royalties sur les ventes et la moitié des droits sur les compos de Farner the farmer et Donnie. Donc, il ramasse plus de blé que les musiciens. Farner the farmer, Schach et Donnie estiment qu’ils ont généré entre 3 et 5 millions de dollars en deux ans et donc ils se demandent où est passé tout ce blé. Toujours la même histoire. En désespoir de cause, ils font appel à John Eastman Jr, le beau-frère de Paul McCartney pour les aider. Leur objectif prioritaire est de casser le contrat avec Knight. Ça va coûter bonbon. D’autant que Knight engage une équipe d’avocats spécialisés et demande 25 millions de dollars de réparation pour cassure de contrat intempestive. Eastman fait interdire à Knight tout accès aux comptes du groupe et dans la foulée, Donnie appelle le Madison Square Garden pour annuler les concerts prévus, c’est-à-dire qu’ils font une croix sur quelques millions de dollars de recettes. Cette fantastique machine qu’est le Grand Funk Railroad s’arrête brutalement, comme le dit si bien le petit Billy James.

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    Comme le Phoenix, les groupe va renaître de ses cendres en 1973, sous la houlette de leur ami Andy Cavaliere. D’ailleurs le nouvel album s’appelle Phoenix. Changement radical de son, car Knight ne produit plus. C’est là qu’arrive Craig Frost, le keyboard man. C’est lui qu’on entend dans «Flight Of The Phoenix», un instro bien râblé. Tout l’album est bien noyé d’orgue. Les Funkers étoffent leur son comme s’ils voulaient chasser le souvenir de Knight. L’orgue est plutôt bienvenu. Pas accueilli en vainqueur mais bienvenu. Mais l’A peine un peu à convaincre les cons vaincus. Farner the farmer s’assoit à sa fenêtre pour regarder tomber la pluie dans «Rain Keeps Falling» - Oh yeah rain keeps falling on my window pane - Le Funk se réveille un peu en B avec «I Just Gotta Know», un cut assez majestueux très chanté et sérieusement nappé d’orgue, mais on note que Schach joue maintenant en retrait. «Freedom Is For Children» sonne très prog anglais avec un chant monté en neige du Kilimandjaro. Ils terminent avec un «Rock N Roll Soul» joué au charivari d’orgue. Ils campent bien sur leurs positions qui sont celles du gros popotin des seventies. L’album ne se vend pas très bien, mais Farner the farmer, Schach et Donnie se sentent mieux, débarrassés de ce rapace de Knight.

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    Le groupe reprend son envol avec We’re An American Band. Ils font appel au boy genius, c’est-à-dire Todd Rundgren, pour le produire. Le résultat ne se fait pas attendre : tight performance, great vocals, catchy hook et great production. À l’époque Rundgren a produit the Band, Paul Butterfield, Jessie Winchester et Badfinger, c’est donc un affûté. Il prend très au sérieux la mission qui lui est confiée : «Le but de mon travail avec eux était de les valoriser en tant qu’artistes. Ça a été clair dès le début.» Rundgren les encourage, même quand Farner the farmer n’a pas l’air sûr de lui : «Good, really good. Je pense qu’on a quelque chose d’intéressant.» Le morceau titre de l’album est de la dynamite, les critiques le reconnaissent enfin - Grand Funk n’a plus rien à prouver, enfin, et ça prouve aussi que leurs fans avaient raison depuis le début - C’est la réparation d’une injustice. Ils entraient enfin dans le cercle de ce que le petit Billy James appelle les «superstar rock’n’roll groups of the early 70’s - avec leur private Lear jet, wild parties and groupies, cannabis maximus et même a not-too-hostile press, bien que le groupe ne fut jamais totalement accepté par les critiques.» C’est vrai qu’on trouve des petites merveilles en B, du genre «Walk Like A Man» et «Loniest Rider». Rundgren met les guitares en avant et ça donne un vrai festival de la guitarra del sol bien sonnée des cloches. Du coup, Schach passe complètement à l’arrière. Le Rider est bardé de son et du meilleur, celui de Rundgren, qui est alors au sommet de sa gloire visionnaire. Ce rider est beau, comme emblasonné, joué à la lancinance des lignes errantes. Absolue merveille productiviste, voilà un cut dont on peut s’abreuver jusqu’à plus soif. C’est joué dans la grandeur d’une latence dont seul est capable Todd Rundgren. Le son est comme suspendu au dessus des jardins suspendus de Babylone. Tout aussi bien produit, voici «Ain’t Got Nobody». C’est un peu comme si les Funkers passaient de l’âge des cavernes aux temps modernes. Farner the farmer passe des solos excellents. Encore de belles guitares dans ce heavy groove de funk qu’est «Creepin’». On sent l’influence de Rundgren dans le jeu liquide de Farner the farmer. Et puis avec «Black Liquorice», les Funkers s’en vont secouer le grand cocotier. Quelle belle cavalcade !

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    Rundgren accepte de produire un deuxième album avec eux. C’est l’excellent Shinin’ On. Il introduit les cuivres dans l’univers musical des Funkers et ça leur donne un Detroit Wheels sound. C’est là que se niche leur reprise de «The Loco-motion», véritable coup de génie sonique, avec la basse de Schach qui remonte à la surface du son et Farner the farmer y passe un solo killer flash d’étranglement cadencé. Rundgren joue de la guitare dans «Carry Me Through», avec un son typique de «Little Red Lights», il joue sa vieille carte fatale, celle du solo suspensif. On a un beau fondu de voix dans le morceau titre qui fait l’ouverture du bal d’A. Ce rock grouille de son, de nappes d’orgues et de shinin’ on. Tout l’album grouille de vie et de puces, on se pourlèche aussi les babines de «To Get Back In», c’est là que les cuivres entrent dans la danse, c’mon Todd ! Et puis il y a ce «Mr Pretty Boy» en B qui guette l’imprudent voyageur, c’est merveilleusement délié, une vraie sinécure, ce Pretty Boy incarne le génie du rock américain.

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    Comme Rundgren n’est pas libre, Farner the farmer, Schach et Donnie font appel à Jimmy Ienner pour produire All The Girls In The World Beware. Il est important de rappeler que Ienner fut le producteur des Raspberries. Et là, boom, nouvel album énorme. Dès «Runnin’», ils se placent sous l’égide du real good time rock’n’roll. C’est solidement cuivré, aussi solide que du Blood Sweat & Tears. Excellent, plein de vie et superbement produit. Tout est bien foutu sur cet album, Farner the farmer mène bien ses troupes dans «Look At Granny Run Run», il chante au feeling de niaque du Michigan, n’hésitant pas à vriller certaines syllabes pour amener du relief. C’est en B qu’ils stockent la viande, tiens, comme ce morceau titre qui évoque un fantastique déploiement d’énergie. Ça grouille encore une fois de tout ce qu’on peut imaginer. Craig Frost noie tout ça d’orgue. Les Funkers jouent vite et bien et nous plongent dans un véritable bain de jouvence. Ils tapent plus loin «Good & Evil» au heavy groove des seventies et comme Farner the farmer est en verve, il nous plonge dans des abysses. Nouveau coup de génie avec «Bad Time». Back to the good time music des jours heureux. C’est une vraie bénédiction. On y sent l’influence de Rundgren, ils frisent l’«I Saw The Light» de Something/Anything. Extraordinaire bouquet de good vibes ! C’est l’un des plus beaux hommages jamais rendus à Todd Rundgren. Ils terminent avec une flamboyante reprise de «Some Kind Of Wonderful». Du coup, les voilà devenus rois de la cover fatale. The Michigan Cover kings !

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    Comme leur notoriété atteint son sommet, ils en profitent pour sortir un deuxième album live, Caught In The Act. On y retrouve tous les classiques du Funk et ce qui fait leur spécificité, le big beat de foot stomping («Foot Stomping Music») et les belles giclées de Michigan power qui illustrèrent si bien les seventies. Ce démon de Schach ronfle bien dans le son («Rock & Roll Soul»). Comme de vieux monarques, ils jouent en permanence la carte du pouvoir absolu : la poigne d’acier dans un Michigan de velours. Leur «Closer To Home» est si savamment orchestré qu’on finit par se faire avoir. Ils alignent de belles reprises, «Some Kind Of Wonderful» et «The Loco-Motion» et se tapent une belle échappée belle avec «Shinin’ On». Le shuffle d’orgue leur va comme un gant (de velours). Farner the Farmer est parfaitement à l’aise dans le son, il faut le voir tortiller son long cours dans «The Railroad». Ils finissent avec leur deux plus grosses énormités, «Inside Looking Out» et «Gimme Shleter». L’inside des Funkers est assez démoniaque, avec ce redémarrage à contre-courant, à coups de Yes I feel alrite.

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    Malgré les quatre cercueils présentés sur la pochette, Born To Die est un album plein de vie. Farner the farmer gère toujours son business au mieux, comme le montre le morceau titre d’ouverture de bal d’A. On sent l’influence de Rundgren dans le fond de ce rock étrange en qui tout est comme en un ange aussi subtil qu’harmonieux. L’indicible règne dans l’ombre des cercueils. Farner the farmer frappe un grand coup avec «Sally». Il ne baisse jamais les bras. Il reste ce rocker pur et dur du Michigan qu’on admire depuis le début. Excellente Sally, Farner the farmer la travaille au yeah yeah yeah, au solo d’harmo, sur un beat de good time music de rêve. C’est un bonheur pour l’œil que de voir ces mecs grimpés au sommet de leur art. On trouve encore du bon big beat en B avec «Take Me». Ils savent torcher un album, on peut leur faire confiance. Ils font du gros menu fretin de Funk avec «Politician» et soudain tout s’éclaire avec «Good Things». Farner the farmer l’allume à coups de guitare électrique. Ce mec a le rock dans le sang. Il sait driver un heavy rock à fière allure. Avec le temps, il a appris à balancer ses mesures et maîtrise le good timing à la perfection. C’est excellent, vraiment excellent.

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    C’est Frank Zappa qui produit Good Singin’ Good Playin’. Quand Andy Cavaliere prend contact avec lui, Zappa lui demande ce qu’il espère. Cavaliere lui demande de faire en sorte que le son du groupe soit très spontané. Alors Zappa dit okay, je veillerai à la spontanéité. Ils enregistrent l’album au Swamp de Farner the farmer. Zappa s’entend bien avec les trois cocos : «J’ai vraiment apprécié ce job de producteur, car je suis devenu pote avec les mecs du groupe, ce qui n’est pas toujours le cas quand je travaille avec d’autres gens. Ils ont un très bon sens de l’humour. C’est rare dans le rock de tomber sur des gens aussi sympathiques. Dans ce milieu, les gens sont généralement assez pénibles. Ils se prennent le plus souvent au sérieux et je ne cherche pas à socialiser avec eux car ils ne présentent aucun intérêt. Ils n’évoluent pas. Ils sont dans leur stardom et sont complètement fucked up. Mais les Grand Funk pètent et s’envoient des boulettes au lance-pierre, c’est le genre de personnes auxquelles je peux m’identifier. L’autre truc qui nous rapproche, ce sont les articles insultants dans la presse. J’en ai eu autant qu’eux, alors je suis de leur côté.» Zappa explique aussi comment il a travaillé : «Tout ce que je me suis contenté de faire, c’est de les enregistrer. Ce sont leurs notes, c’est leur musique. Je me suis contenté de mettre ça sur bande. C’est le premier album de Grand Funk qui sonne vraiment comme Grand Funk. Les précédents albums ont été produits dans un mouchoir de poche. Si cet album ne rétablit pas la vérité de Grand Funk auprès du public, ça veut dire qu’il ne reste plus aucune oreille potable en Amérique. C’est le rock’n’roll album of the year, my friends.» Il a raison, l’animal. Selon le petit Billy James, c’est certainement le meilleur Grand Funk album. C’est vrai qu’on s’y cogne dans les merveilles, d’autant que Zappa met la batterie au devant du mix, avec un son bien sourd. On retrouve donc le côté épais du Grand Funk avec la légèreté de la pop supérieure. Mélange très intéressant, comme le montre si bien «Just Couldn’t Wait». Et le festin se poursuit avec «Can You Do It». Farner the farmer et ses copains ont du répondant. Voilà encore un cut bien soulevé des chœurs et sourd comme un pot, avec un petit côté Remake It/Remodel. Sur chaque album du Grand Funk se trouve un cut qui accroche particulièrement et c’est ici le cas avec «Pass Around». Farner the farmer y passe un solo glouglou qui restera un modèle du genre. Derrière lui, ça joue au heavy beat et Farner the farmer amène du développement, il reste à l’affût du big beat avec une présence incroyable. Et ça continue avec «Miss My Baby», un joli balladif de fin d’A - I miss my baby/ I think I’m going crazy - Farner the farmer pousse des ouh ouh comme Lennon le fait dans «Cold Turkey». Ils attaquent leur belle B avec «Out To Get You», un instro épique bien bardé de barda. Farner the farmer le charge au solo liquide, mais il semble que ce soit Zappa qui coule un bronze au Michigan. On tombe plus loin en arrêt devant «Crossfire», un groove d’anticipation subalterne très bien foutu. Zappa a bien pigé les dynamiques du Grand Funk. Ils montent ensuite leur «1976» sur la mélodie chant de «Gimme Shelter», avec la même insistance et le même développé de coin du bois, mais qui leur en fera le reproche ? Pas nous, en tous les cas.

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    En 1976, Grand Funk est burned out, nous dit Donnie. Le groupe se sépare. Donnie, Schach et Craig Frost montent Flint. Leur album Flint sort en 1978. C’est la première fois que Schach joue de la guitare. Ils ne sont pas jolis sur la pochette, avec leurs grosses afros de cromagnons et tous ces poils sur la poitrine. Ils démarrent avec un remake de «Back In My Arms Again», un hit signé Holland/Dozier/Holland. C’est bien foutu, bien lesté de plomb du Michigan et de big guitars. Oh pour ça on peut leur faire confiance. C’est Donnie qui chante. L’autre belle reprise est celle de «For Your Love» avec Todd Rundgren on guitar ! C’est traité très 10 CC, on retrouve les accents pop de Gouldman. Todd joue aussi sur «Too Soon To Tell» et bien sûr il fait des merveilles. On se régale aussi du power des chœurs féminins sur «You Got It All Wrong». Les filles derrière sont fabuleuses. C’est cuivré de frais et bien monté côté beat. Todd revient en B allumer la gueule de «Keep Me Warm». Belle Soul pop, chœurs de rêve, elles s’appellent White Lightning et sonnent très Motown, très veloutées et très chaudes, très scéniques. «Better You Than Me» sonne comme une bonne aubaine. Zappa on guitar, cette fois. Il sait rentrer dans le lard d’un cut et faire l’infectueux. Il coule se source, littéralement. Il envenime le cut assez fiévreusement. Donc au final, on a pas mal de viande sur cet album. Ça continue avec «Rainbow», une belle pop de Soul cuivrée à la volée, avec du beau monde derrière. Son de rêve. C’est tout de même incroyable que ce groupe n’ait pas marché. Zappa revient jouer dans «You’ll Never Be The Same». Toutes ses parties de guitare sont spectaculaires et juteuses. Il se fond dans le mood de Flint avec une gourmandise bien affichée. C’est même une grosse compo, de type groove urbain et orbi, sevré à la folie musicologique. C’est d’un niveau extrêmement élevé. Mais comme CBS traverse une crise, le groupe est viré. Le second Flint ne verra jamais le jour.

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    De son côté, Farner the farmer entame une carrière solo et débarque sur Atlantic en 1977. Son premier album s’appelle tout bêtement Mark Farner. On le voit à cheval sur un poney apache. Il adore cette imagerie. Il monte sans selle, bien sûr. Il a du beau monde derrière lui : Bob Babbit on bass et, sur un cut ou deux, Dick Wagner on guitar. Ce démon de Farner the farmer chante vraiment bien, comme le montre une fois de plus «Dear Miss Lucy». Il n’a décidément besoin de personne en Harley Davidson. Il manque de se vautrer avec ce «Social Disaster» qui frise le rock symphonique à la mormoille. Il boucle son bal d’A avec «He Let Me Love», un balladif bien vivace, chanté à grands renforts de glotte alerte et territoriale. Il adore chanter torse nu depuis le haut du promontoire. Mais en même temps, il n’est plus vraiment dans le son de Grand Funk. C’est autre chose. «You And Me Baby» montre qu’il sait rester entreprenant. C’est le principal. Il propose plus loin un «Lady Luck» assez musclé. Il adore les muscles. Au fond, il est bien ce petit Farner, il continue de faire des trucs dans son coin. Il boucle son bouclard avec un «Ban The Man» dégoulinant de heavy boogie. C’est du rock d’Atlantic.

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    L’année suivante, il enregistre un deuxième album solo, No Frills. Belle pochette, on le voit assis dans un avion à côté d’un big businessman qui déjeune. En gros, Farner the farmer reste dans le même son, il joue toutes ses cartes, mais les cuts de l’A refusent d’obtempérer. Rien à faire. Il s’en sort en B en retapant dans les Animals avec une cover de «We Gotta Get Out Of This Place». Rien de tel qu’un vieux stomp de Newcastle pour remettre les pendules à l’heure. Il renoue enfin avec le big beat du Michigan dans «Greed Of Man». C’est là qu’il fait la différence, en joignant le power riffing au chant de chat perché. Judicieux mélange.

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    Farner the farmer et Donnie décident de remonter le groupe en 1981, mais Schach refuse, prétextant une phobie de l’avion. En fait il ne voulait plus avoir affaire au cirque habituel du management et des publicistes - I gave them my apologies. I helped them write both albums - Bon tant pis, ils prennent un nommé Dennis Bellinger pour remplacer Schach à la basse et enregistrent Grand Funk Lives. Ça barde dès l’ouverture de bal d’A avec «He Sent Me You» : stomp du Michigan + chat perché + belle prod de Jimmy Iovine, c’est une espèce de formule gagnante. On se régale du gratté de guitare. Andy Newmark bat le beurre, c’est beautiful et bien senti. L’autre hit de l’album est la reprise de «Just One Look» en B. Farner the farmer la dote de tout le power du Michigan et ça devient génial. Muscler les vieux hits des sixties, c’est vraiment sa spécialité. Il tape aussi une reprise de «When A Man Loves A Woman» et nous régale d’un très bon «Crystal Eyes» joué bien heavy. Réflexe d’acier.

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    Dernier spasme du très grand Funk en 1983 avec What’s Funk. Malgré sa pochette putassière, c’est un bon album. Farner the farmer n’a jamais pris les gens pour des cons. Il propose une belle cover de Martha & The Vandellas, «Nowhere To Run». On sent que Farner the farmer est de plus en plus à l’aise sur sa guitare et au micro. Mine de rien, il est en train de devenir un vrai pro. Il faut l’entendre taper «It’s A Man’s World» de James Brown en B. Il est gonflé. En fait, il l’adapte à son registre. Il l’apprivoise, en quelque sorte. Il en fait du Farner the farmer. Il chante aussi le freedom d’«El Salvador» à la cocote lourde, sur le riffing de «Satisfaction». C’est plein de bons échos, y compris ceux du «Freedom» de Jimi Hendrix. Il se replace sous l’égide de la good time music pour «I’m So True». Ça lui va comme un gant. On entend là-dedans des échos de Brian Wislon, c’est dire si c’est bon ! Il finit avec une belle giclée de heavy rock, «Life In Outer Space». Il sait tartiner, il n’a plus rien à prouver. C’est extrêmement bien foutu, car chanté à l’étalée constituante.

    Le mot de la fin revient à Donnie le fidèle batteur : «Nous n’étions que des gamins de Flint, Michigan. En deux ans, de 1969 à 1971, on est passé du stade de petit garage band à celui d’un groupe qui remplit le Shea Stadium plus vite que les Beatles. Nous n’avions que 21 ans. C’était comme dans un rêve.» Et Schach ajoute : «Ce fut un tourbillon. Tout est arrivé très vite et on avait du mal à tenir la pression. Tout ce qu’on pouvait faire c’était s’accrocher pour tenir ce train d’enfer.»

    Signé : Cazengler, petit funk

    Grand Funk Railroad. On Time. Capitol 1969

    Grand Funk Railroad. Grand Funk. Capitol 1969

    Grand Funk Railroad. Live Album. Capitol 1970

    Grand Funk Railroad. Closer To Home. Capitol 1970

    Grand Funk Railroad. Survival. Capitol 1971

    Grand Funk Railroad. E Pluribus Funk. Capitol 1971

    Grand Funk Railroad. Phoenix. Capitol 1973

    Grand Funk Railroad. We’re An American Band. Capitol 1974

    Grand Funk Railroad. Shinin’ On. Capitol 1974

    Grand Funk Railroad. All The Girls In The World Beware. Capitol 1974

    Grand Funk Railroad. Caught In The Act. Capitol Recors 1975

    Grand Funk Railroad. Good Singin’ Good Playin’. Capitol 1975

    Grand Funk Railroad. Born To Die. Capitol 1976

    Grand Funk Railroad. Grand Funk Lives. Full Moon 1981

    Grand Funk Railroad. What’s Funk. Full Moon 1983

    Flint. Flint. Columbia 1978

    Mark Farner. Mark Farner. Atlantic 1977

    Mark Farner Band. No Frills. Atlantic 1978

    Billy James. An American Band. The Story Of Grand Funk Railroad. SAF Publishing ltd 1999

     

    THE SECOND

    STEPPENWOLF

    ( Dunhill, ABC Records / 1968 )

     

    Du mal avec cette pochette, d'après moi pas la meilleure réalisation de Gary Burden qui semble s'essayer avec maladresse au symbole psychédédic, pas de quoi faire exploser les engrammes dans votre boîte crâniennes. S'il était cuisinier, je ne lui refilerais pas une étoile.

    John Kay : lead vocal, harmonica rhythm guitar / Michael Monarch : lead guitar / Goldy McJohn : piano, organ / Rushton Moreve ; bass / Jerry Edmonton : drums.

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    Faster than the speed of life : pas d'erreur c'est Jerry Edmonton qui se charge du vocal, le morceau est de Mars Bonfire aka Dennis Edmonton qui recycle un peu l'idée de base de son Born to be wild, mais apparemment dans l'imaginaire populaire il est plus sauvage de chevaucher un cheval d'acier que le corps d'un être féminin, bref l'ensemble semble un peu léger, s'en détachent les deux longs hennissements pianistiques de Goldy et surtout cette frappe bondissante de Jerry qui a déjà sauvé beaucoup de titres des Sparrow, avec ce grille-pain l'on est plus près du Moineau que du premier album du Loup. Tighen up your wig : l'ambiance change de tout au tout avec ce titre de Kay qui prend les commandes, l'est manifeste que l'on quitte le psyché pour le proto-hard, le son est raffermi, ramassé, tassé un vieux fond de blues qui ne veut pas mourir et que l'on revigore à l'aide d'un moonshine survitaminé. None of your doing : morceau écrit par Kay avec Gabriel Mekler, producteur des quatre premiers albums du groupe, un des protagonistes essentiels de Steppenwolf, c'est lui qui proposera de donner ce nom au groupe à Kay qui hésitera avant d'accepter, n'ayant pas lu le bouquin, c'est encore lui qui aura eu une influence déterminante sur l'écriture de Born to be wild, notamment de l'expression heavy metal, ironie de la vie il décèdera à 34 ans en 1977 d'un accident de moto, et comme le monde est petit, c'est lui qui fonda les labels Vulture Records et King Lizard Records sur lesquels enregistra Nolan Porter de qui le groupe français de Northern Soul, Soul Time vient de reprendre If I only could be sure, ce que nous présentions dans notre numéro 488 du 10 / 12 / 2020, et comme il est des hasards étranges dans la même livraison nous nous intéressions à une évocation par Marie Desjardins de Janis Joplin, dont Gabriel Mekler produisit en 1969 l'album I got dem ol' kozmic blues again, mama sur lequel on retrouve parmi les musiciens Michael Monarch, Jerry Edmonton, Goldy McJohn, plus au clavier Gabriel Mekler himself qui cosigne avec Janis le titre Kozmic Blues... et qui driva aussi les enregistrements pour Three Dogg Night et Etta James... Dans la série j'ai beaucoup vécu, Kay prend sa voix la plus sympathique, Goldy se sert de son orgue à la manière des prestidigitateurs de fêtes foraines qui jouent du xylophone sans le toucher pour appâter le public et le pousser à entrer admirer le monstre dans la baraque fermée. C'est un loup sauvage qui passe par trois fois son museau par un trou de la toile, si vous voulez le voir et surtout l'entendre, faites la queue ( leu leu ) comme tout le monde. Spiritual fantasy : la suite de la chansonnette précédente, mais le décor a changé, Kay vous la chantonne doucement mais c'est pour mieux vous enjoindre de vous méfier, des beaux discours et des belles chansons. Le violon doucereux est là pour vous endormir. La fantaisie est beaucoup plus politique que spirituelle. Une veine parallèle au Strange Days des Doors, mais Morrison vous entrouvre davantage la porte de corne et d'ivoire de la poésie. Don't step on the grass, Sam ! : l'on entre dans le vif du sujet, tout est politique même l'herbe sur laquelle on marche et que l'on fume, rythme hypnotique, la fumée dans les yeux un serpent me regarde, magie noire du Loup, Jerry et John se soutiennent au vocal, à deux l'on est plus persuasifs, longtemps que je n'avais écouté ce morceau, et il est encore plus puissant que dans mes souvenirs, commence à poindre l'idée que ce disque est monté comme une parade de bateleurs qui vous refilent le rêve frelaté dont vous avez toujours rêvé... 28 : un orgue entraînant, une mélodie pimpante, un pas en avant dans la comédie du monde, l'on finit la face A, dans la vie l'important c'est de ne pas perdre la face, la soupe à la grimace vous réchauffe tout de même le ventre. Le loup est noir, mais le monde est d'un gris sale.

     

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    Magic carpet ride : un des morceaux les plus connus du Loup, ça commence par un bruit de pales d'hélicoptère... mais l'apocalypse n'est pas pour maintenant, laissez-vous glisser sur le tapis de l'orgue, vous entraîne au loin, surtout n'ouvrez pas les yeux, vous ne savez pas ce que vous pourriez voir. Musique inquiétante. Plus près de l'early Pusher que des mille et une nuits d'amour. Disapointment number ( unknown ) : blues primal, Kay crie sur le quai de la vie que ce n'est pas OK, plus on avance dans ce disque, moins on rigole, la musique vous pousse au cul et vous ne pouvez plus reculer. Devant c'est l'abîme, derrière c'est le précipice, Monarch merveilleux à la guitare, quintessence du blues, plus rien à perdre ni à gagner. Lost and found by trial and error : on efface tout et on recommence, plus enjouée, plus optimiste, Monarch qui rigole ses accords à la guitare, suffit d'un trois fois rien pour dissiper le malheur, parfois le hasard fait bien les choses. Hodge, podge, strained, through a leslie : la suite de l'historiette, ou plutôt le tronçon qui s'adapte à la brutale coupure du précédent, une rythmique un peu jazzy-funk, le loup folâtre gambade à pleines pattes, le petit chaperon rouge s'avance vers lui pour entrer dans la danse. Monarch en profite pour piquer les hannetons avec sa guitare. Resurrection : tout va mieux, le Loup secoue gentiment le panier à salade, l'on sent que ce soir le porte monnaie du blues sera ouvert en grand et que chacun pourra y puiser à pleines mains. Liesse générale. Rythme précipité. Reflections : berceuse pour s'éveiller, soleil, aube, tout va bien.

    La face 2 est pratiquement un mini-opéra – fille et solitude - à elle toute seule. Etrange disque en même temps très disparate et très unitaire. L'on s'attend à un déluge de feu, seules quelques balles de tireurs d'élite sifflent à vos oreilles, mais elles font toutes mouche. Le comble pour un Loup ! 1968 est une année de grand bouillonnement pour le rock'n'roll, il était difficile à l'époque de savoir, non pas où il allait, mais comment il y allait. Suffisait de se laisser porter sur son escalator volant. Ce second disque de Steppenwolf n'a pas laissé un grand souvenir dans la mémoire morte des générations, mais son écoute s'avère passionnante.

    Damie Chad.

     

    XIV

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

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    Je ne vous décris pas la mine du Chef et du Cat Zengler, lorsque nous nous transportâmes devant la voiture stationnée au bas de l'appartement du Zengler Man :

      • Agent Chad parfois j'ai du mal à comprendre, vous arrivez avec une superbe jeune fille – Noémie se rengorgea ( c'est vrai qu'elle avait une très belle gorge ) – et au lieu de la faire asseoir à vos côtés, vous donnez cette place à un macchabée de vieille grand-mère toute dégoulinante de sang !

      • Invraisemblable surenchérit le Cat Zengler, il l'a donc faite asseoir derrière à côté d'un chiot qui n'arrête pas de vomir son repas, d'après ce que j'en juge, le sacrispant avait au moins avalé deux mètres de saucisse de Strasbourg !

      • Cher Cat, désolé de te contredire mais les vomissures de Molissito n'ont rien à voir avec la charcuterie alsacienne, cette bidoche c'est du cent pour cent normand !

      • Cher Chad, je ne voudrais pas te contredire, mais cela n'a rien à voir avec l'andouillette à la rouennaise !

      • Totalement d'accord avec toi my Cat, ce sont des doigts humains !

    Cette dernière déclaration jeta un léger froid, sans s'émouvoir outre mesure le Chef prit les opérations en main :

      • Procédons avec ordre et méthode, d'abord fourrons la mamy sanglante à l'abri dans le congélateur de Zengler, une fois cette opération terminée, j'aimerais bien m'asseoir au calme pour fumer un Coronado et écouter le rapport de l'agent Chad !

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    J'épargnerai aux lecteurs ma semaine de recherches infructueuses tout comme je ne me suis guère étendu sur les heures passées sous les branches du pommier avec Noémie...

      • Molossa avait trouvé une piste, nous la suivîmes, elle se dirigeait tout droit vers le cimetière au milieu duquel s'élève l'Eglise de Triffouilly-les-Vikings. Dès que nous eûmes passé la grille Molossa fila tout droit sur l'allée de gauche, c'est alors que nous entendîmes des bruits bizarres, nous débouchâmes en plein festin, une vingtaine de chiens s'affairaient autour de tombes toutes fraîches qu'il avaient ouvertes, certains grattaient encore la terre mais la majeure partie était fort occupée autour de trois cadavres qu'ils déchiraient à belles dents de fort bon appétit. Au milieu d'eux je récupérai Molossito qui s'attaquait comme un grand aux cinq doigts d'une main inerte. Il devait être repu, car il nous suivit dans rechigner à l'autre bout du cimetière où la truffe au sol Molossa nous guida.

      • Attendez que j'allume un deuxième Coronado intima le Chef, je sens que nous sommes sur une bonne piste, continuez agent Chad ! Nous sommes tout ouïe, votre entrée en matière nous a mis l'eau à la bouche !

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      • Vous souvenez-vous Chef, des aventures d'Arthur Crescendo tournées par Vince Rogers ?

      • Inoubliable certes, s'exclama le Chef, ah ce combat dans les sous-sols morbides de ce bâtiment désaffecté contre les réplicants, ces petits cris indistincts et terriblement inquiétants qu'ils poussent, je passe toujours cette séquence lorsque ma belle-fille emmène sa marmaille à la maison, filent tout droit se cacher sous les couvertures et il n'y en a pas un qui moufte avant le lendemain midi ! Nettement plus efficace que la pédagogie Montessori !

      • Exactement les mêmes cris se faisaient entendre dans la nuit noire du cimetière, nous nous sommes approchés à pas de loup et tapis derrière une tombe nous les avons vus ! Ils étaient quatre en train de creuser fosse, en retrait il y en avait un qui donnait des ordres, devait être un réplicant de la dernière génération, un évolué, parlait aussi distinctement que vous ou moi !

      • Diable, si les Cramps avaient pu assister à une telle scène, quel merveilleux album de rock'n'roll en auraient-ils tiré se lamenta le Cat Zengler

      • Ah, my cat, n'oublie pas non plus, le grand Screamin' Jay Hauwkins ! L'aurait pris la même voix glaciale que le cinquième réplicant '' Vous deux allez chercher la vioque, qu'on la foute au fond du trou, personne ne pensera à venir la chercher ici ! Et les deux autres aplanissez le fond proprement'' C'est à ce moment que Molossito a poussé un rot monstrueux, un véritable meuglement de vache à l'heure de la traite. Nous ont repérés tout de suite, se sont rués sur nous pioches levées. J'ai dégainé et fait feu. Cinq coups entre les deux yeux. Ne restait plus qu'à les jeter dans le trou et à les recouvrir de terre. Nous avons récupéré la cadavre de la Mamy et avons filé pour être à l'heure au rapport. Mission accomplie Chef.

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    Le Chef semblait aux anges, il souriait, mais lorsque Noémie dégrafa son corsage pour en retirer une enveloppe rose, il exulta :

      • Vite que je prenne un nouveau Coronado, cette écriture à l'encre violette me laisse subodorer que vous avez récupéré un ultime message de la Mamy, je m'attends à des révélations extraordinaires, ouvrez vite ce courrier, chère Noémie, le temps presse, refoulez votre émotion, la survie du rock'n'roll est en jeu.

      • Je l'ai récupéré dans la l'horloge de Mamy, elle adorait ce meuble, et j'ai pensé que...

      • Arrêtez de penser, chère enfant, lisez !

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    '' Ma chère Noémie, tu as de toujours été ma petite-fille préférée, une enfant douce et sensible et tu as compris que je gardais un terrible secret au fond du cœur, le voici je te le livre : mon grand-frère Christophe et moi étions amants, nous nous voyions souvent la nuit, je le rejoignais et nous passions des heures de bonheur dans sa Panhard vert pistache... J'étais dans la voiture lorsqu'elle s'est écrasée, un peu de ma faute, je l'ai embrassé un peu fougueusement et il a perdu le contrôle du véhicule... J'en suis sortie miraculeusement indemne, personne ne l'a jamais su... Plus tard je me suis mariée avec ton grand-père que tu as connu, c'était un homme gentil, mais jamais je n'ai oublié Christophe, mon grand amour... J'aimerais être enterrée à ses côtés, c'est-là ma dernière volonté. ''

    P. S. : pour la petite histoire et pour te faire sourire, le lendemain de l'accident un journaliste d la Normandie-libre, qui tenait la rubrique des chiens écrasés, est venu à la maison, histoire de glaner un peu de copie, j'y ai raconté n'importe quoi, que Christophe revenait de voir un concert d'un groupe de rock, L'homme à deux mains, le premier nom idiot qui m'est passé dans la tête. Ce n'était pas vrai, mais plus tard mes parents ont trouvé dans les affaires de Christophe des lettres passionnées et sans équivoque que nous nous adressions. Pour que rien ne transpire, aux voisins qui avaient lu la Normandie-libre et qui s'interrogeaient sur ce groupe de rock local inconnu, au fil des mois ils ont raconté qu'ils avaient entendu dire qu'ils étaient tous morts... Depuis tout le monde a oublié, mais si cette histoire parvient à tes oreilles, n'y prête aucune attention.

    Ma chérie, je t'embrasse, ta Mamy qui t'aime.

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    Il y eut un moment d'émotion, le Chef en profita pour allumer un Coronado. Son œil pétillait de joie, c'est avec entrain qu'il édicta ses ordres :

      • Enfin tout s'éclaire, procédons avec méthode, Zengler et Noémie, vous restez ici, débrouillez-vous pour enterrer Mamy à côté de son frère, quelques coups de pioche cette nuit et l'affaire sera vite réglée. Agent Chad, faites prendre un vomitif à Molissito et une fois qu'il sera rétabli, on file à Paris à tout berzingue dans la panhard pistache !

      • Chef, elle ne marche pas très bien, cette panne devant l'église, nous sommes revenus sans jamais dépasser la seconde !

      • Agent Chad vous n'avez donc rien compris ! Je parie un Coronado tout neuf que si vous enlevez le chiffon que les Réplicants ont fourré dans le pot d'échappement, elle filochera comme jamais !

    Evidemment il avait raison !

    ( A suivre... )

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 490 : KR'TNT ! 490 : MITCH RYDER / GUANA BATZ / ESPEROZA / JOHN KAY AND THE SPARROW/ ROCKAMBOLESQUES XIII

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 490

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    24 / 12 / 2020

     

    MITCH RYDER / GUANA BATZ

    ESPEROZA / JOHN KAY AND THE SPARROW

    ROCKAMBOLESQUES XII

     

    Ryder on the storm

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    S’il en est un qui mérite de s’auto-déclarer Rock & Roll Legend, c’est bien Mitch Ryder, que nous appellerons Mimi pour simplifier. Ce qui nous permettra aussi de fluidifier la purée et de la rendre plus conviviale. Les fans de Mimi qui le suivent depuis les early seventies, l’époque où on ramassait les albums des Detroit Wheels à Londres, se sont tous jetés sur son autobio parue en 2011, Devils & Blue Dresses. My Wild Ride As A Rock And Roll Legend. Mimi fait partie des gens qui ont toujours excité la curiosité, parce qu’il n’apparaissait quasiment nulle part dans les magazines. On n’avait que les quatre albums de Detroit Wheels à se mettre sous la dent et on sentait que ça grouillait de vie sous la grande pierre du mystère. Les Detroit Wheels arrivaient juste à la fin de la vague gaga américaine et juste avant le boom du Detroit Sound avec les Stooges et le MC5. Mimi était aussi considéré comme le pendant américain d’Eric Burdon : même genre de petite stature, même génie vocal et même passion pour la musique noire.

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    Bon, autant le dire tout de suit, le book n’est pas une bombe, mais il apporte quelques éclairages sur l’histoire des Detroit Wheels. Mimi s’y fend d’un portrait amusant de Jimmy McCarty qu’il compare à la petite girafe qui se dresse sur ses pattes à sa naissance, parce qu’il est grand et sec - a tall, slender good-looking man with a head full of hair - Eh, oui, on aurait tendance à l’oublier, mais Jim McCarty fait partie des très grands guitaristes américains. Après avoir fait des siennes dans les Detroit Wheels, il ira jouer dans le Buddy Miles Express, puis dans Cactus, et au passage, il fascinera une jeune femme nommée Chrissie Hynde. On vous donne dix Williamson en échange d’un McCarty, et c’est encore loin du compte.

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    Earl Elliot (bass) et Johnny Badanjek (beurre) complètent les Detroit Wheels. Un producteur célèbre à l’époque, Bob Crewe, les repère et les fait jouer en première partie du Dave Clark Five. Et hop c’est parti mon Mimi ! Mr Crewe - comme l’appelle Mimi dans son book - flaire le potentiel et décide de miser sur le groupe. Il l’installe à New York. Mr Crewe a ses bureaux à Manhattan, dans le même immeuble qu’Atlantic, et il vit à Centrel Park West, au Dakota, là où vivra et mourra John Lennon. Dans les early sixties, Mr Crewe était devenu riche et célèbre pour avoir produit Frankie Valli et les Four Seasons. C’est une époque qu’on a perdu de vue, mais avant l’arrivée des Beatles, les Four Seasons étaient avec les Beach Boys les plus grosses stars de la pop américaine. Mr Crewe nous dit Mimi était un star maker, au même titre que Mickie Most en Angleterre : il repérait les talents, les faisait travailler et les lançait une fois qu’il les sentait prêts. On connaît les tarifs : un an de travail pour Suzie Quatro à Londres sous la houlette de Mickie Most, et 18 mois pour Al Green à Memphis, sous la houlette de Willie Mitchell. Mr Crewe était aussi en cheville avec Andrew Loog Oldham, c’est dire s’il avait la bras long. Voilà donc le contexte. Mimi et ses amis apprennent à devenir des stars, logés tous les cinq dans un minuscule appartement et leur protecteur leur verse chaque semaine un tout petit peu d’argent de poche.

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    Le book permet de comprendre un truc essentiel : Mitch Ryder & The Detroit Wheels enregistrent leurs albums à New York et ne sont donc pas des fleurons du Detroit Sound. Paru en 1966, Jenny Take A Ride est un très bel album de Soul-rock. Pochette superbe, on les voit tous les cinq perchés au sommet d’un tas de gros bidons d’huile. Rien de plus rock’n’roll qu’un tel visuel. On ramassait l’album rien que pour la pochette. Mimi et ses amis y enfilent des perles de r’n’b comme «Shake A Tail Feather» ou «I’ll Go Crazy». «Come See About Me» et «Just A Little Bit» sonnent bien crazy. En parfait white nigger, Mimi groove comme un démon. Il est le Motown boy exemplaire, mais en beaucoup plus wild. Il est tellement excellent qu’il trépigne. Par contre, les cuts signés Crewe sont des merdes infâmes. Mr Crewe n’a rien compris aux Detroit Wheels. Le morceau titre de l’album est le hit de Mimi. C’est du CC Rider et du Jenny Jenny claqués aux clap-hands. C’est l’une des plus belles pulsations de tous les temps. Ses oooh n’ont rien à envier à ceux de Little Richard. Sacré asticot que ce Mimi ! Déjà tout jeune, il nous en fait voir des vertes et des pas mures. Il se prend carrément pour James Brown avec «Please Please Please» et le pire c’est qu’il en a largement les moyens. Le white-niggerisme, c’est son truc. Il réussit l’exploit de fusionner le JB funk et le Detroit power. Il tape aussi dans l’I Feel Good/ So good de la légende avec «I Got You». Il le bouffe tout cru. Bel hommage à Ike aussi avec «Sticks & Stones» et à Sam Cooke avec «Bring It On Home To Me». Mimi petite souris ne se refuse aucun fromage. Il finit avec un «Baby Jane (Mo-Mo Jane)» parfaitement dylanesque qu’il chante au nez pincé et derrière lui, Jim McCarty essaye de faire son Bloomfield. L’album marche bien et Jenny grimpe dans les charts. Allez hop, les gars, en route pour la gloire !

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    On les retrouve photographiés tous les cinq dans les pneus pour la pochette de Breakout qui paraît la même année. C’est encore un festival extraordinaire de reprises carrées et hargneuses à la fois, tiens comme ce «Midnight Hour» shouté jusqu’à l’os. On entend McCarty claquer pas mal de solos flash, notamment dans l’extraordinaire shoot-bamala de «Little Latin Lupe Lu». Quelle fournaise ! Quel son de rêve ! Dans «Devil With A Blue Dress», on entend le plus gros drive de basse de l’époque. Mimi était alors très développé, pas étonnant qu’il soit entré dans la légende. Il faut aussi entendre le solo demented de McCarty dans «Oo Poo Pah Doo». En B, ils volent de hit en hit comme des vampires. Encore du solid stuff de juke avec «You Get Your Kicks» et ça se termine avec un morceau titre allumé au McCartysme. On ne se lasse pas de ce big sound. D’ailleurs on suivra par la suite McCarty à la trace, mais c’est une autre histoire. Les Detroit Wheels ont un sens aigu de la fournaise, ils restent incisifs jusqu’au bout et McCarty n’en finit plus d’injecter des gimmicks vénéneux dans cette hot chique bien cuivrée et salée aux chœurs de Breakout. Comme ces albums étaient bien foutus ! On peut même dire qu’ils sont parfaits. Le dos de pochette qui préfigure celle du premier MC5 donne un petit avant-goût de ce que pouvait être un set des Detroit Wheels : dans le montage photo, on voit des cops et des tas de mains tendues vers un Mimi en sueur. Une façon comme une autre d’illustrer la mad frenzy.

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    Mais Crewe fait comme les autres, il propose un contrat solo à Mimi. Les Detroit Wheels ne l’intéressent pas. C’est drôle comme l’histoire se répète. Comme tant d’autres, Mimi raconte qu’il ne gagne pas un rond avec ses disques. Le seul blé qu’il ramasse, c’est une partie des recettes des concerts. Pour le reste, tintin. Et en même temps, il voit Mr Crewe s’enrichir à vue d’œil en s’achetant ce que Mimi appelle the complex, les trois derniers étages d’un building de luxe sur Central Park (5e avenue & 67e rue). L’endroit appartient à Tony Bennett et Bob Crewe l’obtient pour 2,5 millions de dollars. Il donne une petite piaule à Mimi. C’est au complex que Crewe fait son business et Mimi y voit passer des tas de gens célèbres comme Stephen Stills ou Seymour Stein.

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    Comme ça marche bien, Mr Crewe va sortir trois nouveaux albums de Mimi en 1967, à commencer par Sock It To Me. «Sock It To Me Baby» ? Même tarif que «Devil With A Blue Dress», même Soul searchin’, même big bass drive et même McCarty en embuscade. Ça joue au-delà de toute attente. Ça pulse au turn on me livré aux flammes du McCartysme le plus fulgurant. On entend Mimi hurler jusqu’à l’overdose dans «I Can’t Hide It». Il s’en égosille. Il faut le voir screamer dans la crème anglaise. Il fait même de la pop des jours heureux avec «I Never Had It Better», et ça marche, car il nous transporte vers un autre monde. Back to the heavy drive avec «I’d Rather Go To Jail», absolute monster, puissant et vindicatif. On y sent une véritable soif de vaincre et les solos de McCarty dépassent les bornes. Voilà le early genius des Detroit Wheels dans toute sa splendeur.

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    Paru dans la foulée, Mitch Ryder Sings The Hits est un Best Of, qui permet de réviser sa leçon. On reste dans le yeah yeah yeah de white nigger et dans l’excellence de la prestance de l’immanence, tout est là, dans ce saint-frusquin de power et de cuivres. Mimi est un artiste exceptionnel, il faut le voir driver son raw r’n’b. Il sait tout faire : incendier sous les couches («Please Please Please»), blaster au cœur des pétaudières («Ruby Baby & Peaches»), flotter entre les cuisses de Dionne la lionne («Walk On By»), viser l’extinction de voix («Stubborn Kind Of Fellow») et jouer la carte du heavy popotin («You Are My Sunshine»).

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    Le dernier album de la prériode new-yorkaise est l’excellent What Now My Love produit par Mr Crewe. Voilà l’idée : ça fait deux ans que Mr Crewe investit dans Mimi alors le moment est venu de le lancer avec un grand album de pop orchestrée. Pas de problème, Mimi peut chanter Broadway à pleine voix. Tout ce qu’il demande, c’est des bonnes chansons. Pitié, Mr Crewe, donnez-moi des bonnes chansons ! On le voit vite à l’œuvre dans «I Make A Fool Of Myself», il l’explose. Mimi dispose de l’un des meilleurs répondants du monde, une facilité à chanter à pleine gueule et à swinguer un air au sommet de son registre, comme le fait Scott Walker. Il est stupéfiant d’aplomb dans cette pop orchestrée à outrance. Les violons font des vols planés. Et de cut en cut, on va le voir prendre ses aises. Il dispose d’une voix chaude et bénéficie d’arrangements irréels de beauté, Mr Crewe a mis le paquet. Mimi le dénigre dans son book, mais il ne devrait pas car Crewe lui offre le luxe d’une prod surnaturelle. Nouveau parallèle avec Scott Walker : la reprise d’«If You Go Away» de Jacques Brel. Mimi et Brel même combat. Il rentre dans l’extrême désespoir, il sculpte sa matière comme un Rodin de Detroit, il fait corps avec l’argile du désespoir, il livre combat dans un délire de violonnades, il s’élance à corps perdu dans les relances, il jette toute sa violence de Detroit kid dans la gueule de Brel, c’est du mythe à l’état pur. Même la basse ramène de la Soul dans le dumdum des relances. Bien vu, Mimi, mais supplier ne sert à rien. Il prend «What Now My Love» à la glotte frileuse puis il monte sur le dos de la mélodie, il survit en chantant. Ce mec a du génie. Les filles des chœurs le coincent au coin du bois, mais Mimi garde son sang froid, il se contente de monter de quelques octaves. C’est un mec simple qui est né pauvre, mais il ne faut pas trop l’asticoter. Il n’aime pas ça. Donnez-lui des chansons, c’est tout ce qu’il demande. Il vous montrera qu’il peut exploser dans le ciel quand il veut. Il revient au son des Detroit Wheels avec deux ou trois trucs, comme «Sally Go Round The Roses», dommage, on perd les charmes de la grosse prod. C’est le bassman qui fait tout le boulot dans les rocking tunes, comme cette reprise de Chucky Chuckah, «Brown Eyed Hansdome Man». La basse est si bonne sur «I Need Lovin’» et «That’s It I Quit I’m Movin’ On» qu’on croirait entendre James Jamerson. McCarty y fait sauter un ultime pétard.

    La fin de l’histoire n’est pas jojo. Mimi tente de casser le contrat qu’il a signé avec Mr Crewe, mais ça se passe mal. Procès et compagnie, Mimi se retrouve à Detroit, reins brisés et sans un rond. Il a tout perdu. Un comptable estime que les Detroit Wheels se sont fait enfler de sept millions de dollars. Comme tous les anges déchus, Mimi n’a plus que ses yeux pour pleurer.

    Cet épisode est d’autant plus crucial dans la vie de Mimi qu’il est né pauvre, et la pauvreté va rester toute sa vie une hantise. Il naît pauvre dans une famille nombreuse et dit ceci, dans son premier chapitre : «J’aimais mes frères et mes sœurs. J’aimais mes parents. Mais j’ai grandi dans un milieu pourri. Rien de bien ne pouvait en sortir, et si quelque chose devait y éclore, ça ne pouvait être qu’un miracle. C’est la raison pour laquelle je hais si profondément les privilégiés. Ils considèrent comme acquis ce que nous les pauvres avons acquis soit en se prostituant, soit en vendant notre âme.» Mimi se met rarement à nu, mais quand il le fait, c’est raunchy.

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    Comme il doit encore un album à Paramount, on lui donne le choix : soit il va à Los Angeles enregistrer avec Jeff Barry, soit il va à Memphis enregistrer avec Steve Cropper et les MGs. Hop, Memphis. Avec The Detroit Memphis Experiment, Mimi continue d’affirmer son indépendance : il s’est débarrassé des Detroit Wheels et de Mr Crewe pour faire ce qu’il a envie de faire, du pur R&B. The Detroit Memphis Experiment est donc un pur album de white nigger. Mimi n’a aucun souci de ce côté-là. Il est parfait dans le rôle, comme le montrent «Liberty» et «Eenie Meenie Minie Moe». On danse littéralement autour du juke. C’est le Stax sound à l’état pur. Mimi chante un r’n’b efflanqué, assez unique. Booker T noie «Push Around» d’orgue et Cropper gratte bien sa Tele sur «Sugar Bee». Mimi finit l’A en beauté avec un shout énorme de Staxy Stax, «I Get Hot». Il rivalise de niggarisme avec les géants de Stax. C’est un merveilleux album de Soul blanche. «Raise Your Hand» sonne un peu comme «Knock On Wood», c’est un hit. Crewe ne s’était pas trompé en misant sur Mimi petite souris, c’est un shouter hors pair. Il termine cet excellent album avec «Meat», en mode Stax troussé à la hussarde. Sévère dégelée de raw r’n’b avec un Duck Dunn on the beat, un Al Jackson aux fesses de hit-hat et un Cropper plus funky que jamais.

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    En 1971, Mimi est de retour à Detroit et il fréquente la crème de Creem. Il se lie plus particulièrement avec Dave Marsh, gros consommateur de LSD, qu’il traite de fucking genius - all skinny with his long, stringuy, drowned rat-like hair, c’est-à-dire tout maigre avec ses petits cheveux raides comme des queues de rat - Mimi remonte aussi un groupe, le fameux Detroit : «On nous voyait tous au dos de la pochette : J.B. Fields, John Badanjek, Harry Phillips, Dirty Ed (Oklazaki), Steve Hunter, Ronnie Cooke and me. L’un de roadies dont j’ai oublié le nom était assis dans la bagnole. J.B. était notre chef spirituel et membre d’un club de bikers qui s’appelait les Renegades, dont le QG se trouvait sur 8 Mile. Pendant des années, 8 Mile servit de frontière entre les races. La photo impressionnait en ces temps de peace and love. En réalité elle foutait les jetons. On ressemblait plus à un gang de bikers mal intentionnés qu’à des hippies du flower power.»

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    L’album s’appelle Detroit with Mitch Ryder. Pur jus de Detroit Sound, cette fois. Ils jouent sur la corde raide. Mimi : «Le son était puissant car rempli de haine, de frustration, d’attitude et de désir.» De toute évidence, c’est un gang de surdoués. Il faut les voir cavaler «Long Neck Goose». Avec «Is It You (Or Is It Me)», ils passent au heavy groove. On sent le vécu du Detroiter. Belle basse de Ron Cooke et ça pianote dans le lard. Ils bouclent leur bal d’A avec un gros clin d’œil à Lou Reed : «Rock’n’Roll». Idéal pour un shouter comme Mimi petite souris. Johnny Bee Badanjek bat ça sec, comme au temps des Detroit Wheels. Bon il faut quand même dire que certains cuts n’ont aucun intérêt et c’est leur version d’«I Found A Love» qui sauve la mise de la B. Mimi y rend hommage à Wilson Pickett et Steve Hunter y passe une belle attaque de guitare. On assiste ici à un fabuleux numéro de haute voltige vocale.

    Mimi n’en finit plus de ramer. Il a besoin de blé. Un jour, il tombe dans les pattes d’un affairiste nommé Bud Prager qui flaire le jackpot en Mimi et qui tente de monter des plans. C’est là que Mimi se retrouve en studio avec Fred Sonic Smith, Wayne Kramer et le batteur K.C. Watkins. Puis Prager monte le Wild West Show en combinant Mimi avec Leslie West, ce qui détruit l’autre projet. L’épisode Prager se termine comme l’épisode Crewe en cauchemar. Mimi s’estime crucifié au Golgotha.

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    Quelques années passent et en 1978, il commence à travailler sur How I Spent My Vacation avec la ferme intention de tout dire. Il envisage carrément un auto-biographical concept album qui montre au public un side of me qui n’a jamais été révélé, and it was going to be as honest as the day is long. Il peint un joli tableau pour la pochette : un dieu de l’Olympe américain écoute la radio au casque. À moins que ça ne soit Leon Russell. Mimi monte un nouveau gang qu’il baptise dans son book les Trashing Brothers : Wayne Gabriel & Richard Schein (guitar), Mark Gougeon (bass), Billy Csernits (keys) et le batteur black Wilson Owens. Ça démarre avec l’autobiographical «Tough Kid». Pas compliqué, c’est les Stooges. Avec la voix bien posée et la belle dégelée royale. Backing band de rêve mais quel chanteur ! C’est joué avec une niaque extravagante. Ça cogne dans les murs. Tout est hot chez Mimi comme le montre encore «Dance Ourselves To Death», véritable averse de c’mon guys like crazy et Wayne Gabriel œuvre dans le lard du hot. Mimi refait son white nigger humide avec «Cherry Poppin’». Il est sans doute le seul au monde à pouvoir sortir un tel son. Il chante au feeling abîmé mais avec un extravagant gusto. Bienvenue en enfer avec «Freezin’ In Hell». Mimi adore faire exploser ses balladifs. Il faut voir comme il s’élève dans le ciel pour screamer son hellish beat boom. On reste dans les pures énormités avec «Nice N’ Easy». Mimi chante une fois de plus son ass off et Wayne Gabriel fait pleuvoir du sludge sur la terre. On ne saurait imaginer meilleur cocktail voix/guitare, c’est en quelque sorte un rêve de dérive extrême, joué dans l’épaisseur d’un son incomparable. Mimi n’en finit plus de devenir l’un des meilleurs chanteurs de rock. Et ça continue avec autre heavy rock de rêve, «Falling Forming», stay with me now my love, Mimi sauve les meubles du shuffle, il work it out, il ne lâche jamais sa rampe, il va droit dans le dur, il chante au mieux du mieux, stay with me now my love, il brises les reins des accords de groove sur ses genoux, il chante à l’incandescence. Alors on l’écoute jusqu’au bout du bout, il est incapable de décevoir les attentes, comme Lanegan, il sait rester profondément inspiré, c’est l’un des pourvoyeurs du Grand Œuvre, il ne chante que du trié sur le volet.

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    C’est avec Naked But Not Dead que Mimi entame sa période allemande en 1980. Premier album sur Line Records. Il a même repeint un joli tableau pour la pochette : une interprétation libre du Saturne de Goya. Au dos, on le voit avec ses amis les Trashing Brothers dans un bar. Mais on remarque très vite une sorte de carence compositale. Le groupe joue des grooves bien passe-partout. Dommage que cet excellent chanteur n’ait rien de mieux à se mettre sous la dent. Les boogies ont le mérite d’être efficaces, mais ça s’arrête là. Il faut attendre «Spitting Lizard» en B pour trouver enfin du rentre-dedans. Mimi fait son tough guy et les guitares de Rick Schien et Joe Gutc nous ramènent à Detroit. Ils renouent enfin avec la violence d’un état d’esprit. Et si on tend l’oreille à l’écoute d’«I Don’t Wanna Hear It», on retrouve la dynamique des Stooges.

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    Le double live Live Talkies paru en 1981 permet comme chaque live de faire le point sur l’avancement de carrière. Les deux mamelles de ce live sont le passionnant «Bang Bang» et ce «Tough Kid» bien stoogé derrière les oreilles. Mimi propose aussi de belles reprises, un «It’s All Over Now» de Bobby Womack et un «Subterranean Homesick Blues» de Dylan. Mimi aime tellement Dylan qu’il réussit à le dédylaniser. Ça devient autre chose, une sorte de boogie passe-partout. On note surtout que Mimi petite souris est bien à l’aise dans son son.

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    On retrouve les Trashing Brothers au bar sur la pochette de Got A Change For A Million? paru la même année. C’est là que se niche la version studio de «Bang Bang». Mimi jette ça en l’air, à la seule force de l’ambition, il chante d’une voix lasse, en bon vétéran de toutes les guerres. Retour au big Detroit groove de Soul avec «Bare Your Soul». Marc Gougeon bassmatique comme un dieu. Il sort un drive très incisif que viennent enrichir des guitares bien vipérines. Mimi casse bien la baraque avec «Back At Work». Il vise la folie des grandeurs et il finit par s’imposer. Il chante aussi «Betty’s Too Tight» de main de maître et continue de ce fait d’imposer un style. Album tendu et bougrement intéressant, foutredieu !

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    Mimi apparaît tout pimpant en devanture de Smart Ass. Il semble frais comme un gardon de Detroit. Belle pochette en tous les cas. On sent la rock star qui ne la ramène pas. D’ailleurs on pourrait en dire autant de l’album : Mimi joue sa réputation mais il n’a pas de chansons. Pas toujours facile d’aller briller au firmament. On passe carrément à travers toute l’A et la B ne vaut guère mieux. On lui en veut un peu pour la faiblesse globale des compos, mais il continue envers et contre tout à imposer le timbre unique de sa voix.

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    Le Never Kick A Sleeping Dog qui apparaît l’année suivante ne vaut pas tripette non plus. Ça frise un peu le rock FM. Marianne Faithfull vient duetter avec Mimi sur « A Thrill’s A Thrill», mais globalement, il n’a pas de compos. Son «Stand» un brin friendly passe un peu à l’as, même s’il le chante au corps à corps. On est dans ce gros rock américain sur-produit à la Mellecamp. Berk. Trop d’écho, trop de son 80, trop de trop. Sale temps pour canards boiteux, c’est-à-dire les fans de rock.

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    Mimi s’enlise encore un peu plus dans le passe-partout avec In The China Shop. C’est la panne sèche. Toujours pas de compos. Il tente de sauver les meubles avec «End Of The Line», mais c’est trop FM. Mimi tente désespérément de garder une authenticité de ton, mais «Younger Blood» sonne trop théâtral. Fuck it.

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    C’est encore un double live qui lui sauve la mise : Red Blood White Mink sort en 1988. Mimi tape dans les vieilles recettes, comme «Little Latin Lupe De Lupe», porté par le big tatapoum de Badanjek. Retour aux sources avec en plus Marc Gougeon on bass. Gros son et grosse équipe ! Ils décident de casser la baraque et enfilent les hits comme des perles : «Rock’n’Roll» (power maximal), «Heart Of Stone» (puissant shouter, l’un des plus puissants du monde), «Gimme Shelter» (un Shelter du Michigan comme celui de Grand Funk, Badanjek le joue au marteau-pilon), «Freezin’ In Hell» (Mimi l’hurle à outrance, ses screams glacent les sangs), «Bang Bang» (la viande de Mimi, c’est-à-dire l’épaisseur compositale doublée d’une épaisseur orchestrale), «I Feel Good» (stupéfiant hommage à James Brown, il est dessus comme l’aigle sur la belette) et un «Let It Rock» spectaculaire, l’une des meilleures versions jamais enregistrées. Signalons aussi l’extraordinaire «Big Time» en D où l’on voit Mimi chercher des noises à la noise. Il est infernal ! Mais c’est le dernier album qu’il enregistre avec les Trashing Brothers et son vieux complice John Badanjek.

    Mimi indique dans son book qu’il ne s’en sort au plan personnel que par l’artistique. Le relationnel lui paraît trop compliqué. Les gens dit-il demandent de l’attention et la musique ne demande que de l’invention. Alors il préfère se frotter à la musique.

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    Suivre le parcours de Mimi est un exercice passionnant. Comme dans la vie, Mimi connaît des hauts et des bas, mais les siens sont artistiques. L’ensemble constitue ce qu’on appelle une œuvre. Nous voilà en 1990, il a déjà 30 ans de carrière derrière lui et il lui en reste encore 30 devant lui. Sacré Mimi, non seulement on l’aime bien, mais en plus il est increvable. Paraît donc en 1990 une compile intitulée The Beautiful Toulang Sunset. On y trouve deux covers superbes, le «Soul Kitchen» des Doors et le «Heart Of Stone» des Stones. C’est vrai qu’on croirait entendre les Doors. Mimi et ses amis vont dans le deepy deep des Doors, on voit même Mimi faire son Jimbo, learn to forget, learn to forget, il fait bien monter sa colère. On retrouve aussi cet «Heart Of Stone» tiré de Red Blood qui leur sied à ravir et pouf, ça part en guitar kill de search and destroy. Mimi pousse là-dedans des cris stupéfiants. On le voit aussi surplomber le groove d’«Everydody Loses» comme une gargouille de Notre-Dame. Il chante depuis sa hauteur. Il avale cul sec le petit rock exacerbé de «That’s Charm» qu’on avait entendu sur Got A Change For A Million puis le «Freezin’ In Hell» tiré de Vacation. Mimi chante à la déchirure. On le voit aussi chanter «True Love» comme une bite au bord de la giclée et il prend «War» au mieux du Mimi-System. C’est un chanteur tellement passionnant qu’on croit toujours entendre ses cuts pour la première fois. Ses albums même les compilatoires sont de l’enjoyement permanent. Il tient toujours son rock en laisse, même le glam d’«It Must Be In Her Genes». Il fait du funk avec «Junkie Love» - I don’t want/ I don’t want/ Your junkie love/ Your junkie love - Au moins ça a le mérite d’être clair. Mimi sait rester dans la ligne du parti, ni trop à gauche ni trop à droite, il fait gaffe où il met les pieds.

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    Toujours du bon Line avec La Gash paru en 1992. Ce qui étonne le plus dans cette histoire, c’est l’incroyable régularité des parutions. Pour ça, les Allemands sont fortiches. Il faut attendre «Bye Bye Love» pour bander comme un âne, mais ce n’est pas celui des Everly. Non, c’est autre chose, un truc à Mimi, il tarpouille sa soupe aux choux avec de la suite dans les idées, alors forcément, on l’écoute intensément. Ses compos ont une espèce de répondant informel. «Do You Feel Alright» entre aussi dans la période ambitieuse de Mimi, c’est le côté Ryder on the storm, il chante comme un dieu aztèque déplumé. On le voit aussi naviguer en haute mer comme Achab avec «Child Of Rage». Il ne harangue pas Moby Dick, mais quand même, quel capitaine ! Il sait rester attachant, surtout quand il chante son «Dr Margret Smith» en lousdé. Mine de rien, tout l’album est bon, même le bluebeat d’«It’s Your Birthday». Il fait encore des siennes dans «Arms Without Love», un heavy balladif passionnant, il chante jusqu’à l’épuisement de sa glotte de Padirac, c’est dirons-nous un screamer de fin de parcours. Comme il ne veut pas qu’on le considère comme un has-been, il reprend les choses en mains avec «Correct Me If I’m Wrong». Il chante ça de l’intérieur du menton et c’est balèze. Joe Gutc fait des merveilles sur cet album. Et puis voilà Mimi le rapper avec «The Terrorist», il rappe son groove de nobody loves me - And the screams will not quit/ From the wrath of my bombs & my guns/ I need love/ Nobody loves me/ I’m looking for love ! - Power ! - I need attention/ I just thought I’d mention - Et cet album assez extraordinaire se termine avec deux resucées, «Long Neck Goose» qui date du temps de Detroit et «Devil With A Blue Dress On», qui remonte aux Detroit Wheels.

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    Paru deux ans plus tard, Rite Of Passage est un album que personne n’irait écouter si Mimi n’y chantait pas. Avec un truc comme «Mercy», on est bien récompensé. Bon c’est vrai que certains cuts sont horribles («Actually 101», «We Are Helpless» qui sonne comme du Queen), mais on se régale d’écouter Mimi chanter. En fait, il sauve tous ses cuts un par an, rien que par son talent de shouter. La preuve avec «Too Sentimental». C’est le singer qu’il faut écouter, pas le cut. Il s’inscrit dans l’action du chant. Comme il décide de rester conquérant, ça devient passionnant. Il amène son «Let It Shine» sur un Diddley beat et profite d’«Herman’s Garden» pour rallumer l’antique brasier du Detroit Sound. Il sert la légende comme jadis les prêtres servaient le culte d’Isis. Il chauffe son cut à blanc, comme il l’a toujours fait, il a cette voix qui lui permet de tout survoler, absolument tout. Et du coup, il renverse la situation et transforme cet album qu’on croyait raté en énormité. Il faut aussi le voir attaquer «I’m Starting All Over Again», il se faufile dans ce groove génial comme un serpent. L’autre coup de Jarnac de l’album est «Into The Blue». Mimi y taille sa route dans le boogie cajun. Quelle belle présence !

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    Bizarrement, le live Detroit - Get Out The Vote fut longtemps considéré comme un disque culte. Steve Hunter joue lead là-dessus. Mais le son n’est pas bon et ce live est une petite arnaque. On entend Badanjek taper «Rock’n’Roll» à la cloche de bois et Mimi petite souris réussit à imposer sa présence dans «City Woman». Belle version aussi de «Gimme Shelter», un cut que les gens du Michigan adorent.

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    Enregistré en 1999, Monkey Island marque la fin de la relation entre Mimi et son sauveur Uwe, le mec de Line Records. Mimi indique qu’il s’agissait d’une perte de confiance mutuelle et dans ce cas-là, dit-il, on peut kisser goodbye à la relation. Attention, Monkey Island est un album très spécial. Mimi y fait son rapper des enfers dès le morceau titre, il chante au cro-magnon avec une énergie demented are go à gogo, il part à la conquête des cavernes, sa heavyness écrase tout, il rappe sous un ciel zébré d’éclairs. Mais ça n’est rien en comparaison d’«I’m In Denial» : tel un Ulysse ligoté au mât, Mimi affronte les rafales de heavy schluff de rock, il est héroïque, il chante en vainqueur et derrière lui, des fous jouent le heavy dumb funk. Alors laisse tomber, tu ne trouveras jamais ça ailleurs, Mimi chante ça au heavy guttural des cavernes, et ça devient une espèce de merveille révolutionnaire. Voilà que ce géant de Mimi est accompagné par des dieux. Encore une belle énormité avec «Who Are You? Remember» : Mimi y retourne la techno comme une crêpe. C’est un vrai délire de chants croisés sur beat de techno house des forges du Creusot. Mimi s’amuse avec le marteau pilon, il danse dans la vapeur. On croit rêver. On le voit aussi s’amuser avec les tambours du Bronx dans «Lemming Cha Cha» et inventer un genre nouveau avec «Jackpot» : le techno power rock. Mimi nous assomme à coups de Detroit heavy power rock. C’est un album imbattable. Au fond, Mimi n’a même pas besoin de chanter, les bécanes font tout le boulot.

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    À la fin de son autobio, Mimi propose une sorte de vertigineux carnet mondain : vingt pages de micro-portraits, une à dix lignes chacun. Il a rencontré absolument tout le monde. C’est heureusement un peu moins people que le carnet mondain de Ron Wood. Parmi les gens que Mimi a croisés et qu’il salue, voici Joey Molland, dernier survivant de Badfinger - He is humble when appropriate and arrogant when necessary - Long John Baldry - A marvellous student of R&B - Cub Coda, George Clinton - Où seraient Stevie Wonder, Prince et Sly & the Family Stone sans George Clinton ? Probablement au même endroit que moi sans James Brown, Little Richard et Hank Williams. Sans les influences, on ne va nulle part - Spencer Davis - My favorite Englishman - Les Contours - Pure Detroit Motown Soul - Dr John - After The Night Tripper, I was a fan for life - Il profite d’un hommage aux Doobie Brothers pour lister les blancs qui selon lui savent chanter le R&B : Michael McDonald des Doobie, Robert Palmer, Stevie Winwood, Delbert McClinton, Elton John, The Righteous Brothers et Paul Rogers. Mimi rappelle aussi que Michael Bloomfield lui avait proposé le job de chanteur dans Electric Flag et que bêtement il avait décliné l’offre. Il rappelle aussi que Fabian fut le premier chanteur qu’il a vu sur scène quand il était gosse : «C’était à la grande foire d’état. La même année, j’ai aussi vu James brown et c’est en faisant la comparaison entre les deux que j’ai trouvé ma vocation.» Joliment dit ! Puis il cite les Four Tops - My favorite male Motown group - Lesley Gore, from the early days. Il salue aussi Grand Funk Railroad avec lesquels il a partagé des affiches, les Grass Roots - They did a great show and they’ve got the hits - Jimi Hendrix - music for the ages - the Isley Brothers, Etta James, et Tommy James avec lesquels il a aussi partagé des affiches au temps des Detroit Wheels. Il cite bien sûr Jerry Lee et Little Richard - It was his voice that taught me about energy - Martha & the Vandellas - I’ve shared stages with her my entire career - Wayne Kramer - Si quelqu’un souhaite remettre en question l’authenticité de mon livre, c’est avec Wayne qu’il doit en parler - Question Mark & The Mysterians - J’ai fait pas mal de shows avec Question Mark. J’aimais surtout son pantalon qui craquait chaque fois qu’il tournait le dos au public pour saluer - Il les a tous vus dans les early days, Paul Revere & The Raiders, Smokey Robinson, il n’oublie pas Marv Johnson. Les Romantics, encore un groupe du Michigan, puis il salue Ronnie Spector - Here is a very special voice - Leon Russell - I wanted to understand his story - Sam & Dave avec the MGs at their finest, the Shangri-Las, les Shirelles dont il était amoureux à dix ans. Tout cela n’empêche pas les règlements de comptes, comme par exemple avec Rod Stewart - Ohhh... let’s move on - ou Bob Seger - Un jour je suis allé chez Bob dans sa maison sur le lac pour écrire des chansons. Ou essayer d’en écrire. Mon fils Joel s’était endormi sur le lit de Bob et l’avait mouillé. Ce fut la dernière fois qu’il m’invita - Il salue aussi Chuck Negron des Three Dog Night, les Young Rascals, Mary Wells, Jr. Walker et il rappelle sa fierté d’avoir eu les Who en première partie des Detroit Wheels, des Who qui débarquaient pour la première fois aux États-Unis. Et puis un jour, Romeo qui est son garde du corps demande à Mimi si ça l’intéresse de rencontrer Jackie Wilson. Ben oui ! Bon bah viens ! Jackie se trouvait dans le même hôtel. «On s’est approché de la porte de sa chambre qui était entrouverte et on a frappé. On nous a dit d’entrer et on a vu Jackie à poil sur le lit avec une gonzesse qui était aussi à poil. Et on a papoté pendant un quart d’heure.»

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    C’est à l’âge de soixante balais, en 2004, que Mimi inaugure un nouvel âge d’or avec le label BuschFunk et un nouvel album : A Dark Caucasian Blue. Il se sent carrément pousser des ailes, il parle même du triumph of my writing ability et d’un fleuve d’idées. C’est nous dit Mimi la troisième fois qu’Engerling l’accompagne, après Rites Of Passage et Monkey Island. Allez, on va citer les noms de ce backing-band franco-allemand et tant pis si on ne les mémorise pas : Heiner Witte (guitar), Manne Pokrandt (bass), Wolfram Badag (keys) et Vincent Brisack (french beurre). Autant le dire tout de suite, A Dark Caucasian Blue est un big classic album. L’ami Mimi chante «I Guess I’m Feeling Blue» à l’arrondi du menton et crée du big atmospherix sans prévenir. Il fait du rock de Zeus et explose son balladif. En fait, c’est un album de blues-rock assez intense et le «Yeah You Right» d’ouverture de bal apporte encore une fois la preuve que Mimi est hanté par le génie : peut-on espérer plus bel hommage à John Lee Hooker ? Non. On voit plus loin ce vieux pépère chapeauté aller de balader au bord du fleuve avec «Detroit (By The River)», alors attention, il peut bouffer les alligators. Mimi détient des pouvoirs. Il ramène toute sa science dans le remugle de «Just One More Beautiful Day», hey hey, brothers & sisters, et allume tranquillement la gueule de ce vieux r’n’b. S’ensuit une autre merveille, «Dear Lord Won’t You Help This Child». Voilà le groove de rêve extrême. Puis il s’en va gueuler sa soif de justice dans «Another Bout Justice». C’est lui qui passe au tribunal, il se défend en chantant - I’m trying to find the truth - Et pouf, il balance tout - Justice in America is about what you can pay/ If you ain’t got money/ Just kiss your little honey/ Cause for sure you’re going away - Il amène son «Decidedly British Blues» au baroque extrême et finit avec le boogie de la lutte finale, « How How How How (The Spider’s Getting Hungry)», un hommage fascinant à Hooky - See that pretty girl.

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    La série des big albums bardés de son se poursuit avec The Acquitted Idiot. Il s’agit là d’un album de gospel allemand. Derrière Mimi, des filles claquent des chœurs. Alors il peut faire son prêcheur dans «Last Night». Il dispose du plus gros son d’église allemande et tape de bon cœur dans l’art sacré du gospel batch. Mimi est black jusqu’au bout des ongles. Et c’est avec «The Testament» que tout explose - Sweet sweet life is a mistery - On se croirait dans le Deep South, c’est d’une authenticité à toute épreuve - Take your hypocrisy & theology/ Down for a long walk in the street - Mimi vient de la rue, il sait de quoi il parle. Il s’offre un final aussi spectaculaire que ceux de Lanegan. Mimi & Lanegan même combat - Lord I’m tired/ Tired and weary of living/ I’ve been took by a hell bent wind - C’est drôle au fond, on déconsidère Mimi parce qu’il est passé par une période moins glorieuse alors qu’en réalité, il ne fait de grandir au plan artistique. Il chante son «Star No More» sous le boisseau de la légende rampante et ce merveilleux chanteur impose une fois encore son immense présence. Comme Tony Joe White et Lanegan, il reste fidèle à sa légende. Mimi chante sa Soul jusqu’au délire d’anymore - I can’t be a star anymore/ I want to go home/ Lord show me the way - C’est une prière extraordinaire. Il règne en maître absolu sur tous ses cuts. Il chante encore «What We Believe» à l’excellence tardive, dans un épais mélange de musicalité : guitares espagnoles, heavy samba et chœurs de filles, ça frise le Cuba cabana, c’est plein de vie. Il fait aussi du reggae avec «You Taught Me How To Cry» et de la pop avec «Say Goodbye» qui du coup sonne comme un hit du Brill. Voilà de quoi sont parfois capables les vétérans de toutes les guerres. Il termine avec «Hit’n Run Lover», un groove de Soul brother impénitent - Aw baby yes you are - Ça reste du hot shot comme aux premiers jours des Detroit Wheels.

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    Mimi considère You Deserve My Art paru en 2008 comme son best CD yet. C’est vrai qu’on est claqué du beignet dès «Rocket». Impossible de résister à ça, au power combiné de Mimi et d’Engerling. Power inespéré pour un pépère comme Mimi. Les Allemands ramènent un son dément. Mimi est aux anges, alors il peut se laisser aller et chanter comme un cake. Il faut le voir touiller son remugle de blues à la black, en vrai seigneur de Detroit. Il renoue avec le power dans «The Naked Truth», il nous entraîne dans un tango vertigineux - I’m not trying to disgrace you - il chante à la pâteuse énorme et nous tétanise une fois de plus. Il chante à l’inspirée définitive. Il fait de l’Americana avec «Under That Big Ole Texas Sky» et libère tous les démons du zydeco et le big barnum de Doug Sahm. Il réinvente l’Americana en Allemagne. Avec «In My Garden», Mimi raconte l’histoire d’un mec qui perd tout et qui rencontre quelqu’un qui lui révèle l’alternative au matérialisme. Et nous voilà une fois de plus dans le très haut de gamme. Tout ce qu’il fait est convaincu d’avance. Puis il nous fait un compte-rendu sur les Who et Cream avec «The Night The Devil Died» - Lights were flashing/ Cymbals cranking - Il rejoue Cream à la heavy psychdelia. Il rend hommage - So I stayed - C’est du big sound up in stroke, Mimi pondère son génie, il chante dans le commutatif - Take a row and bow to life/ And let the Devil live.

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    En 2009, il enregistre Detroit Ain’t Dead Yet avec Don Was au Henson Studio d’Hollywood. Sans doute est-ce là l’un des plus grands albums de rock des temps modernes. Back to Detroit, baby, et ce dès «Back Then», cet heavy doom de Soul Ryder. Mimi est toujours d’attaque, il peut shaker n’importe shook, secouer n’importe quel cocotier, il reste le Detroit tough kid de légende, l’un des rois du Soul-rock de Detroit. Sur cet album, le guitar slinger s’appelle Randy Jacobs. C’est un killer. Shake you mama ! Heavy stuff. L’album n’est qu’un fantastique déploiement d’énergie. Mimi est un mec unique au monde, personne n’a cette attaque de timbre, ce sens de la Soul précautionneuse, il chante parfois comme s’il marchait sur des œufs, mais dans son ton réside la sûreté de l’état des lieux. «One Hair» sonne comme un heavy funk d’alerte rouge. Comme Lou, Mimi chante le white heat. Il hante une fois de plus son album, il dégage autant de fumée que Wilson Pickett. Rien qu’au chant, ça explose. On ne parle pas du reste. «Everybody Looses» s’écroule sous nos yeux, tellement c’est chargé de Mimi doom. Puis il arrache «My Heart Belongs To Me» du sol à la force du poignet. Ce fantastique shouter brûle toutes les politesses. Il est hors nomes. Il repart de plus belle avec «If My Baby Don’t Stop Crying» et la température remonte brutalement avec «Get Real». Le hot c’est son truc. Pas question de faire autre chose. Alors il déroule son hot tock de Soul et le guitar slinger de service l’illumine. Mimi rend hommage à Jimmy Ruffin avec «What Becomes Of The Broken Hearted» - One of my heroes - Il le prend au meilleur ton et le monte en neige du Kilimandjaro, puis il l’explose pour mieux le crucifier au Golgotha. Il file ensuite dans «Junkie Love», un funky Detroit blast violent et faramineux - I don’t want this/ Junky junky love - Solo kill kill de wah, rien d’aussi parfait ici bas.

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    On l’a déjà dit, les albums live permettent de faire le point sur l’état des choses et de réviser ses leçons. Air Harmonie. Live In Bonn 2008 vous en donne pour votre argent, car tout le power de Mimi et d’Engerling est au rendez-vous. C’est un absolutely live digne des très grands absolutely live. Arrivé à ce stade du panorama, on a bien compris que Mimi sort de l’ordinaire. C’est un vieux chien de guerre capable d’illuminer le chant dans les refrains. Il est aussi l’un des rares chanteurs dont on ne se lasse pas. Il faut le voir blaster son «Long Hard Road», c’est même une sorte de blasting révélatoire, d’autant plus révélatoire qu’un fou joue de la guitare. Il a un nom à coucher dehors : Gisberg Pitti Piatkowski. Mimi n’a encore jamais eu un son aussi demented. Ce mec part en overdrive de wah avec tout le wit de Fast Eddie Clarke et tout le bull de Tony McPhee. Mimi est un gros veinard. Et paf, ils partent en mode slow blues avec «All The Fools It Sees». Les Allemands d’Engerling ont du pot d’avoir Mimi comme chanteur. Et Mimi a du pot d’avoir ces mecs là derrière lui. Leur truc atteint des proportions qui dépassent l’entendement. Mimi sonne bitchy sur ce slow blues de deep down, mais il chante toujours avec autant d’esprit. Comme s’il allait jusqu’au fond du chant. On ne saurait rêver d’une meilleure musicalité. Mimi racle bien le fond du tiroir, il écaille toutes les coquilles des syllabes, il épluche sa Soul pour la glorifier. Il rend hommage à Lou Reed avec le vieux «Rock’n’Roll». Sa version pleine de viande vaut bien celle de Detroit, mais c’est plus allemand, au sens de l’acier Krupp. Mimi est tellement content de l’acier du son qu’il finit en apothéose de fin du monde. Il porte son «21st Century» à incandescence Bessemer et les Allemands jouent leur carte musicologique à outrance, avec du piano, des guitares et toute la ferraille qu’on peut imaginer. Et puis on entre dans une fin d’album pour le moins exceptionnelle, avec le retour de l’excellent «Testament» joué à l’orgue d’église. Mimi nous refait le coup du heavy prêche comme dans The Acquitted Idiot, il en fait sept minutes de délire black, il monte son Soul searching en épingle, il fait tout le boulot sans chœurs. Restez aux aguets car voilà «The Thrill Of It All» : Engerling cloue la chouette du son à la porte de l’église pendant que Mimi hurle dans la nuit. Retour aux sources avec «Jenny Takes A Ride», impossible d’échapper à ça. Detroit en Allemagne. Pas le même son, ne rêvons pas. Pourtant le solo coule comme une rivière de lave. Le mec joue son va-tout, mais c’est un va-tout allemand, ce n’est pas McCarty. Puis Mimi passe à la vitesse supérieure avec un puissant hommage à Al Green : «Take Me To The River». Ce heavy sound sonne comme une grave erreur. Les Allemands ne sont pas avares en matière de graves erreurs. Bon, essayons de rester diplomates, mais ce n’est pas toujours facile. Mimi retrouve miraculeusement le feeling d’Al Green. Dommage que derrière les autres fassent du Krupp. C’est presque une hérésie. Le pauvre Mimi doit s’en rendre compte, mais il ne dit rien. L’autre fou arrose le cut de napalm, il confond Al Green avec Search & Destroy, et du coup on perd tout le softy soft du Hi Sound. La version dure neuf minutes, zébrée d’éclairs de shuffle indéniables. Mimi tente de sauver sa River au final et du coup, il redevient révolutionnaire. Pour finir, ils plongent tous ensemble dans la meilleure Stonesy avec «Gimme Shelter». Encore une fois, c’est une interprétation allemande qui déroute un peu au début, mais on finit par s’y faire. Ils font de la Stonesy Krupp, ils sont fiers de faire les chœurs d’acier, ils détournent le pouvoir des Stones. Mimi est bien le seul à s’en sortir intact.

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    On retrouve toute cette fine équipe dans un autre live qui vaut lui aussi le déplacement : Live 2012 It’s Killing Me. On y trouve de sacrées covers, comme par exemple le vieux «Heart Of Stone». Fantastique, noyé d’orgue, monté au germanisme des guitares d’après-guerre, alors Mimi peut gueuler et il gueule. Il fait aussi deux reprises de Jimi Hendrix, «Voodoo Chile» et «The Wind Cries Mary». Évidemment, les Allemands font de l’hendrixien Krupp. Ils ramènent une certaine violence dans le son, mais c’est Mimi qui rafle la mise. Il éclate Jimi au Sénégal avec sa copine de cheval. Il chante son Voodoo avec une niaque extravagante, il chante au power du Ryder pur et reste l’une des plus belles incarnations du rock américain. Il atteint ici la folie des grandeurs. «The Wind Cries Mary» est l’hommage d’un génie à un autre génie. Mimi s’en va swinguer le chant au sommet de l’art. Il ressort aussi du formol le vieux «Long Neck Goose», en souvenir de Detroit. C’est tellement bien joué que ça reste d’actualité. Powerful et expéditif. Les Allemands sont les rois de l’expéditif, tout le monde le sait. Quand on l’entend mettre en place son «Do You Feel Alright», on comprend que Mimi tire son aisance d’un très ancien pouvoir. Il ne fait ici que des versions longues. Il faut être fonctionnaire pour écouter ce genre de disk. Si vous avez du temps, allez-y les gars. Petit clin d’œil aux Stooges avec le retour du «Tough Kid». Pas de souci pour les Allemands, c’est dans leurs cordes. Ils reproduisent le swagger de Detroit à la perfection. Mais il leur manque tout de même le poids du Detroit Sound. Ils jouent trop en surface, ils sont trop efficaces. Mais bon, Mimi s’en accommode. Il explose ensuite «Mercy» et «Sex You Up». Il gnagnate sa Soul de rock avec la rage d’un cannibale. Quel fantastique chanteur. Il présente «In My Life» : «It was a stupid song written by a stupid man !». Et il nous chante ça à la vieille glotte voilée. Nouvelle dégelée royale avec «Nice And Easy», Mimi rocke encore comme au temps des Detroit Wheels, c’est heavy et plein d’à-propos, fulminant et radical, Mimi fournit tout le power, fidèle à ses racines.

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    Encore un fantastique album avec Stick This In Your Ears paru en 2017. Et pourtant, le petit chien qui orne la pochette brouille bien les pistes. Ça explose très vite avec une reprise de «Try A Little Tenderness». Il attaque ça au piano bar et ça vire au groove de rêve. Le génie de Mimi consiste aussi à transcender les grands hits, c’est joué au fouetté de peau des fesses et au piano de round midnite. Il le monte à la force du happiness. Sur «Teach Our Children Love», on entend l’autre fou de Piatkowski faire des siennes. Il n’en finit plus de ramener son grain de sel et son gras double. Joli coup de reggae avec «I Love My Family». Le problème avec Mimi c’est que ça tourne chaque fois à la grosse énormité. Retour au very big sound avec «The Addicts In The Attic». Mimi s’y connaît en big sound. Il peut cogner la gueule d’un beignet quand il veut. Les mecs qui l’accompagnent ont tout compris. C’est pour eux un honneur que d’accompagner une légende à roulettes comme Mimi. Il revient au heavy groove popotin avec «A Little Too Heavy For Me». Mimi reste planté dans l’excellence, comme un vieil arbre. Rien n’a bougé. On le voit ensuite surfer sur la vague allemande avec «White Angel Black». Impossible de résister à un tel ramdam. Mimi avale toutes les couleuvres une par une, il est à l’aise dans tous les éclats, surtout celui du round midnite. «Can’t Hurt You Anymore» ne fait que confirmer cette règle. Mimi est l’artiste complet par excellence. Il faut apprendre à l’écouter et il saura vous donner tout ce qu’il possède. Il remonte à la surface de son balladif avec des accents de Sam Cooke, c’est dire sa hauteur de vue. Il ne laisse aucune chance au hasard. Ce fou de Piatkowski vient encore exploser «It’s Ok To Cry», un pauvre boogie tout flappi, et du coup Mimi petite souris sort de son trou. C’est solide, bien au-delà des espérances de la reine Hortense, ça baigne dans le Detroit Sound, Piat shoote des doses dans le cul de Mimi qui du coup devient élastique. Quel cirque !

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    Si on en pince pour les Christmas albums, Christmas (Take A Ride) est un must. C’est aussi le premier d’une série de trois albums enregistrés en 2019. On retrouve cette voix de touffeur puissante dans l’un des exercices favoris des stars : Phil Spector, les Beach Boys, les Temptations, Elvis, El Vez, Tav Falco et Fatsy ont tous fait leur Christmas album. Mimi ramène évidemment le Detroit Sound dans le «What Christmas Means To Me» qu’il accroche dans son sapin de Noël. Il se livre à une bel exercice de chat perché dans «Someday At Christmas». Il colle littéralement au corps de sa chanson. Il fait une version gaga de «Santa Claus». Il chante comme une centrale nucléaire qui explose. Il est stupéfiant d’élégie. On a même un solo de destruction massive. On ne sait pas qui joue, car on a zéro info sur la pochette. Il se jette à corps perdu dans le wall of sound pour «Christmas» et on entend sonner les cloches de Tarkoski. Il chante comme s’il perçait les lignes ennemies, c’est le plus gros cavaleur de Detroit, il est de plus en plus héroïque, mais le fleuve de son finit par l’embarquer comme un fétu génial et au moment où il disparaît, il gueule encore. Il termine avec «Put A Little Love In Your Heart», un chef-d’œuvre de heavyness. Mimi est bien le seul ici bas à pouvoir niaquer le boogie de Christmas à ce point là.

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    On n’en revenait pas de voir surgir dans les bacs un album intitulé Detroit Breakout. S’agissait-il d’une mauvaise compile ? Pas du tout. Un gros sticker indiquait qu’il s’agissait du nouvel album de Mimi. Et du coup en se retrouve encore avec un énorme album dans les pattes. Mimi a choisi ses invités. James Williamson sur «Devil With A Blues Dress», Wayne Kramer et Brian Auger sur une version démente de «Cool Jerk», Sylvain Sylvain sur un «Dirty Water» ravagé par des vents de glissés de cordes. Ce démon de Mimi chante encore plus à l’outrance que d’habitude. Comme s’il aiguisait encore son art du power. Paul Rudolph l’accompagne sur «Have Love Will Travel». C’est joué au rentre dedans, Mimi en fait un blast digne des Sonics, mais detroitisé. On a donc un mix de Detroit Sound et de Pink Fairies. Inespéré ! Mimi mène le bal des vampires dans «Dreambaby» avec Cherrie Currie dans le fond du studio. Elle fait bien les renvois de my dream. Et quelle purée de fuzz ! Walter Lure accompagne Mimi sur le «Stepping Stone» des Monkees. On reste dans le coverage de haut vol, Walter Lure ramène sa niaque de Heartbreaker. Stupéfiante santé de l’ensemble ! On n’en finira donc jamais avec Mimi. Il fait aussi son Otis les deux doigts dans le nez avec «Dock Of The Bay». Linda Gail vient duetter avec lui sur «You Send Me», «If I Had A Hammer» et «Shout». Il transforme tout ça en heavy soupe aux vermicelles définitives. Tout explose à nouveau avec «Twisting The Night Away». Cette fois, c’est Joe Louis Walker l’invité, et Mimi rentre de lard de la Soul. Ça nous donne l’un des plus grands albums de covers de tous les temps

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    Et voilà que surgit du néant le dernier album en date de Mimi, The Blind Squirrel Finds A Nut. À cause de l’écureuil sur la pochette, on croit que c’est un album pour rigoler. Pas du tout ! On a du big heavy funk dès «Living In America.» Hey ! Mimi se prend pour James Brown, comme à l’époque de son premier album avec les Detroit Wheels. Il en a encore les biscotos. C’est heavy, station to station, hey ! C’est Engerling qui joue le funk. Comme c’est enregistré live, on voit qu’ils ne trichent pas. Mimi et ses amis allemands plient en 4 le vieux blues d’«It Ain’t Easy». Ah pour plier, ils savent plier. Avec «I’ve Got To See You Again», ils font une espèce de groove à la Dr John. Mimi swingue ses syllabes comme un crack. Puis il enchaîne deux smoking beats, «Long Neck Goose» et «Bare Your Soul». Blast pur. C’est vrai que les Allemands n’ont pas leur pareil pour mettre les choses au carré. Personne se saurait couler des bronzes aussi fumants. On retrouve plus loin les deux covers historiques, «Gimme Shelter» et «Soul Kitchen». Les Allemands gonflent les voiles du mythe à la clameur et tout ça s’écroule dans un final apocalyptique. Et ce n’est pas sans frémir qu’on retrouve le learn to forgive de Jimbo. Mimi recrée la magie de Jimbo. Le guitariste derrière se répand dans le son avec du gratté psyché à la dérive. Il faut se souvenir que les Doors régnèrent jadis sur la terre et Mimi nous remet face à nos responsabilités. Alors que ça monte en température, les gens applaudissent. Mimi s’absente un moment et revient pour finir, still one place to go. Il n’en fait qu’une bouchée. Il lui arrache le foie avec les dents.

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    On pourrait conseiller une bonne compile de Mimi pour finir, All The Real Rockers Come From Detroit parue sur Underdog en 1980, car c’est du trié sur le volet : «Tough Kid» (stoogé par Richard Schein, avec Wilson Owens on black drums), «Spitting Lizard» (Big Detroit Sound tiré de Naked But Not Dead), «Nice N Easy» (tough sound, avec Wayne Gabriel on guitar et Badanjek au beurre), un «I Got Mine» plus boogie down et «Dance Ourselves To Death» qui tient bien la route. C’est vrai qu’avec ce groupe qu’il appelait le Trashing Brothers, Mimi petite souris disposait d’une grosse équipe.

    Signé : Cazengler, Mitch ridé

    Mitch Ryder & The Detroit Wheels. Jenny Take A Ride. New Voice Records 1966

    Mitch Ryder & The Detroit Wheels. Breakout. New Voice Records 1966

    Mitch Ryder & The Detroit Wheels. Sock It To Me. New Voice Records 1967

    Mitch Ryder Sings The Hits. New Voice Records 1967

    Mitch Ryder. What Now My Love. Dynovoice Records 1967

    Mitch Tyder. The Detroit Memphis Experiment. DOT Records 1969

    Detroit with Mitch Ryder. Paramount Records 1971

    Mitch Ryder. How I Spent My Vacation. Seem & Stem Records 1978

    Mitch Ryder. Naked But Not Dead. Line Records 1980

    Mitch Ryder. Live Talkies. Line Records 1981

    Mitch Ryder. Got A Change For A Million? Line Records 1981

    Mitch Ryder. Smart Ass. Line Records 1982

    Mitch Ryder. Never Kick A Sleeping Dog. Riva 1983

    Mitch Ryder. In The China Shop. Line Records 1986

    Mitch Ryder. Red Blood White Mink. Line Records 1988

    Mitch Ryder. The Beautiful Toulang Sunset. Line Records 1990

    Mitch Ryder. La Gash. Line Records 1992

    Mitch Ryder. Rite Of Passage. Line Records 1994

    Mitch Ryder. Detroit - Get Out The Vote. Total Energy 1997

    Mitch Ryder, King Chubby. Monkey Island. Line Music 1999

    Mitch Ryder. A Dark Caucasian Blue. BuschFunk 2004

    Mitch Ryder. The Acquitted Idiot. BuschFunk 2006

    Mitch Ryder. You Deserve My Art. BuschFunk 2008

    Mitch Ryder. Detroit Ain’t Dead Yet. Freeworld 2009

    Mitch Ryder. Air Harmonie. Live In Bonn 2008. BuschFunk 2008

    Mitch Ryder. Live 2012 It’s Killing Me. BuschFunk 2013

    Mitch Ryder. Stick This In Your Ears. BuschFunk 2017

    Mitch Ryder. Christmas (Take A Ride). Goldenlane Records 2019

    Mitch Ryder. Detroit Breakout. Goldenlane Records 2019

    Mitch Ryder. The Blind Squirrel Finds A Nut. BuschFunk 2019

    Mitch Ryder. All The Real Rockers Come From Detroit. Underdog 1980

    Mitch Ryder. Devils & Blue Dresses. My Wild Ride As A Rock And Roll Legend. Cool Titles 2011

     

    Wanna Guana, Bwana ?

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    On était ravi l’autre jour d’avoir la visite d’un vieux copain batteur. Au temps où on jouait ensemble, dans les années 90, on se repassait pas mal de disks et un jour, à la sortie d’une répète, il m’avait glissé dans les pattes un CD des Guana Batz en me promettant monts et merveilles. Il s’agissait d’Electra Glide In Blue. Ce fut une belle révélation et le début d’une relation suivie avec ce gang de London rockabs. Leur dernier album, Back To The Jungle est d’ailleurs paru en 2018. Les Batz restent donc d’actualité.

    Alors bien sûr, la visite du vieux copain batteur fut l’occasion de ressortir tous les disks et de papoter un peu des Batz, ce qui croyez-le bien, n’est pas chose courante dans les parages. Pour trouver des fans des Batz dans le coin, il faut vraiment se lever de bonne heure, et même en se levant de bonne heure, on n’est pas sûr d’en trouver. Le plus marrant, avec le vieux copain batteur, c’est qu’on ne voit plus le temps passer quand on commence à papoter. Il est arrivé en début d’après-midi et soudain, il faisait nuit. Il dut se hâter de rentrer car on l’attendait.

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    Lors de cette conversation à bâtons rompus, il m’affirma une fois de plus qu’Electra Glide In Blue est le meilleur Batz. Il n’a pas tout à fait tort. En tous les cas «Green Eyes» te cloue comme une chouette à la porte de l’église. C’est slappé entre les deux yeux. Le beat cavale tout seul. Stupéfiante énergie. Il faut ensuite attendre «Katherine» pour renouer avec l’énormité. Pip Hancox amène ça au ouhahhh de cromagnon et c’est embarqué fissy fissa au heavy beat gaga. On est frappé par leur énergie. On pourrait qualifier «Spector Love» de heavy rockab anglais. C’est bourré d’écho et chanté à l’Anglaise. Avec les trois derniers cuts, ils entrent carrément dans la légende. Ils nous slappent «Who Needs It» dans l’oss de l’ass. Ils développent mille fois plus d’énergie que les Stray Cats. Le guitar slinging est une véritable excavation du riffing. Ils jouent à la vie à la mort. Quel sens du blast et quelle voix de rêve ! «Lover Man» sonne comme un hit. Ils le drivent à destination et ils terminent en apothéose avec «Take A Rocket». Nouveau Guana must, Bwana, nouvelle explosion des valeurs de la bourse, ces mecs tapent dans le mille avec le slap au devant du mix.

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    Leur premier shoot s’appelait Held Down To Vinyl At Last et parut en 1985. Ils démarraient leur affaire avec un «Down The Line» joué à la dentelle de bop et au takatak de bord de caisse, très laid-back et assez superbe. Mais après, on entrait dans une sorte de classicisme sans surprise. Avec «Nightwatch», ils proposaient un petit coup de boogaloo batzy et il fallait attendre la belle cover de «Please Give Me Something» pour retrouver un peu de viande.

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    Avec Loan Sharks, les Batz développaient les meilleures dynamiques de rockab. Ils jugulaient bien les flux. Ils montaient leur «Slippin’ In» sur une carcasse classique et ça sonnait bien. Ils viraient mambo bop avec le morceau titre en B. On notait alors l’incroyable santé de leur énergie et leur goût du sautillant. C’était tout simplement bardé de son et de démarrages en côte. Ils passaient au boogaloo avec «I’m Weird», ha ha ha !, et devenaient le temps d’une chanson les rois du train fantôme. Avant d’envoyer l’album coucher au panier, ils claquaient une belle reprise de «No Particular Place To Go», nerveuse et bien fouettée au sang. Chucky Chuckah pouvait être fier.

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    Il ne faut pas prendre Live Over London à la légère. Pip Hancox fait chanter le public dès «Can’t Take The Pressure». Guana Psycho ! Et c’est parti. Absolute dementia. Ils sont là pour exploser en plein vol. Ils rendent ensuite un bel hommage aux Cramps avec «Rockin’ In The Graveyard». Ils vont tellement vite qu’ils font n’importe quoi. Les cuts se succèdent dans ce que les Anglais appellent un blur. Ils jettent tous leurs cuts en pâture à Gou, le dieu de la violence et du beat travaillé. Ils finissent cette A éreintante avec un «Loan Shark» bien secoué du contrepied. En B, ils font quelques reprises discutables et il faut attendre le «Shake Your Money Maker» d’Elmore James en fin de set pour les voir exploser.

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    Paru aussi pendant les années de vaches maigres, Rough Edges vaut largement le détour. Dès «Street Wise», on prend un giclée de pur jus de wild bop dans l’œil. Quand ces mecs entrent dans le sujet, ils entrent dans le sujet. Ils sont fous. On ne saurait espérer meilleure entrée en matière. Le Paki slappeur Sam Sardi nous pulvérise ça en deux temps trois mouvements. Pareil, ils tapent «Open Your Mouth» au London ventre-à-terre. Nouveau cut de rêve. Il se dégage d’eux une sorte de force tranquille dont s’est probablement inspiré François Mitterrand pour se faire élire. Ils ont le sens de l’insistance qui est la force des géants. L’autre blast de cet album s’appelle «Fight Back». Encore une pure énormité de wild rockab qui éclate ses pneus dans les virages. Ils foncent comme des dingues et ils en ont les moyens. Sam Sardi nous slappe ça comme un crack. C’est aussi lui qui dégomme «Rocking With Ollie Vee». Il slappe à l’échappée belle, on ne saurait imaginer meilleur drive. Vous noterez aussi que Pip Hancox chante son «Rocking On Greek Road» avec un certain génie vocal. Et pour finir, il serait bon de faire l’apologie de «Love Generator», car c’est joué à l’inimitable beat des reins. Le beat roackab est le plus sexuel et le plus primitif des pulsatifs.

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    Paru en 1994, Get Around est un album qui vaut lui aussi le détour, pour au moins deux raisons fatales : «Every Night Every Day» et «Hot Stuff». L’Every Night est ce qu’on appelle un monster melodico-slappy, une exceptionnelle merveille congénitale, chantée au cœur vaillant rien d’impossible, avec le slap juste à la surface du beat. Sans doute l’un de leurs meilleurs outbursts. On peut aussi parler d’incredible revelation. Même chose avec «Hot Stuff», c’mon now baby, ils sonnent gaga et c’est excellent, ils déversent du heavy power dans l’entonnoir, belle clameur de rock anglais. Alors ces deux cuts sont les deux tranches de pain du sandwich. Que trouve-t-on à l’intérieur ? Un «Breakdown» dégoulinant de British bop, slap racé et bien tenu, comme on le dit d’une maison. C’est le slap qui est le boss là-dedans. Encore du fantastic Batsy Batz avec «Tell Her». Ils tapent dans les vieux classiques avec une niaque de revienzy. Ces mecs disposent d’un entrain considérable. Ils sont fulgurants de power craze et de tigre dans le moteur. Encore un joli shoot de rockab swagger avec «Lady Of The Night». Pareil, c’est le slap le boss et ça vire jazz manouche ce qui montre à quel point les Batz sont des gens puissants. Allez, une dernière rincette de rockab pur et dur avec «Chill Out Blues». Solide et superbe, bien allongé dans le temps des rockab. Ils terminent cet album qu’on peut sans rougir qualifier de faramineux avec «You’re My Baby», un festival de big slop de slap. Les Batz connaissent tous les secrets.

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    Après toutes les émotions des grands albums précédents, Powder Keg sonne comme un point bas, même si «Speed Freak Peril» mène la danse au demented are go. Slap it out ! On a toute la panoplie : le big bad slap, le wild killer solo flash et le melting pot de heavy cocote. Big bouzin. Ils continuent de régner sur l’Angleterre avec «Crazy Dumb Truck». Leur beat est un modèle du genre, mais on sent qu’ils tournent un peu en rond. «Saving Grace» est plus ouvert sur le monde extérieur. Tu n’es pas obligé de porter des tatouages pour écouter ça. S’ensuit une série de cuts solides mais sans surprise. Avec «Fallen Angel», on croirait entendre un mauvais groupe de garage punk. Ils ressautent dans la poêle avec «Time Bomb», c’est zébré d’éclairs de quartz dans le son et d’accords louches. Chaud devant avec «Unconditional Love». Belle énergie mais ça manque de maîtrise. Ils terminent avec l’excellent «Self Destruction», une belle soupe de garage bop. C’est une façon de jouer sur les deux tableaux. Ça ravira tous les fans de bop et les fans de punk. Ils creusent le veine du heavy garage punk bien étiré sur la longueur.

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    The Peel Sessions est certainement le meilleur album des Batz. C’est même du demonic Batz dès «Train Kept A Rollin’» qu’ils tapent au heavy groove. S’ensuit l’encore plus énorme «The Cave», joué à la clameur Batzy. Et tout l’album va défiler ainsi sous nos yeux globuleux, on les voit groover un cimetière dans «Zombie Walk», ils y hiccuppent le Zombie dance, ça boogaloote dans les brancards. Ils rendent ensuite un bel hommage à Chucky Chuckah avec «No Particular Place To Go», ils le plombent à l’angle du right along the automobile et l’affaire va encore se corser car on assiste plus loin à une incroyable déboulade de slap dans «Dynamite». Ils jouent sur la corde sensible du slap, alors forcément, ça marche à tous les coups. Pas compliqué : ici, le slap fait la loi, alors avis aux amateurs. Ils rendent ensuite un crazy hommage à Vince Taylor, avec «Brand New Cadillac». Tension rockab maximale, pur génie, c’est écœurant de power, on a sans doute ici la meilleure version jamais enregistrée, après celle de Vince Taylor, bien sûr. Ils continuent de mettre une pression terrible avec «Purple People Eater», c’est tapé au meilleur beat rockab inimaginable. Et ça continue avec une autre diablerie, «Nightmare Fantasy», véritable cavalcade de wild cat strut. Back to the boogaloo avec l’effarant «Rockin’ In My Coffin», un heavy shoot de wild boogaloo allumé aux hiccups, oh yeah, on entend swinguer les asticots. Ici tout n’est que luxe, rage et volupté. Encore du monster power avec «Goofin’ Around» et ils terminent ce ramassis de dégelées en tous genres avec un «Got No Money» encore plus demented are go à gogo. C’est l’album des Batz qu’il faut guaner, bwana.

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    L’album de la reformation s’appelle Back To The Jungle. Ne reste plus de la formation originale que Pip Hancox. Une nouvelle équipe le rejoint pour faire des étincelles, notamment avec «You’re So Fine», joli rumble de hard Batz monté sur un big bad Diddley beat. On tombe plus loin sur l’excellent «Burning Up», un solide romp de Batzy bop. Ils ont un sens aigu de la solidité. Et Choppy vole le show dans «Heartbeat» avec sa stand-up. Power and hard drive, voilà les deux mamelles de cette fière équipe, le son est extrêmement dense, Pip a du pot. En B, il faut attendre «No Way Back» pour se réveiller. Quel bop de Batz ! Avec un soupçon de mélodie collé sur le plus deep des beat de bop britanniques. Et ça continue avec «Girl On A Motorbike». Au final, ça nous donne un bon album, avec hélas quelques passages à vide, mais bien produit, avec des Batz on the run. Le bonus track qui n’est pas listé sur la pochette est un «Jungle Rumble» live in France.

    Signé : Cazengler, Guana baztard

    Guana Batz. Held Down To Vinyl At Last. I.D. Records 1985

    Guana Batz. Loan Sharks. I.D. Records 1986

    Guana Batz. Live Over London. I.D. Records 1987

    Guana Batz. Rough Edges. I.D. Records 1988

    Guana Batz. Electra Glide In Blue. World Service 1990

    Guana Batz. Get Around. Jappin’ And Rockin’ 1994

    Guana Batz. Powder Keg. Jappin’ And Rockin’ 1996

    Guana Batz. The Peel Sessions. Jappin’ And Rockin’ 1998

    Guana Batz. Back To The Jungle. Tombstone Records 2018

    AUM CORRUPTED

    ESPEROZA

    ( WormHoleDeath Records / 2016 )

    Si vous aimez les choses tordues, vous kifferez Esperoza, oui cela ressemble à de l'espagnol mais c'est du roumain, du moldave roumain faut-il préciser. La Moldavie présente une histoire compliquée. Tantôt roumaine, tantôt russe, tantôt empire ottoman, aujourd'hui république indépendante dans l'orbe de la Russie mais louchant vers l'Europe et l'Otan... Délaissons ces vues géostratégiques complexes. Il nous suffit de savoir que Chisinau est la capitale de la Moldavie, et que Esperoza provient de cette cité.

    Il est sûr que si l'aum – traduisons par âme du monde pour rester à un niveau de compréhension occidental - est corrompu, nous ne sommes pas sortis de l'auberge confinatoire... N'oublions pas toutefois que le concept brahmanique possède une dimension vibratoire supplémentaire de première importance. Affirmer que le Aum originel est corrompu est le plus grand crime que puissent perpétrer des musiciens. Un véritable blasphème métaphysique.

    Cet Aum Corrupted est le dernier disque de Esperoza. Il n'est pas sûr qu'il y en ait un autre … Zoya Belous réside actuellement aux Pays-bas, il semble d'après ses propres dires que l'expérience Esperoza l'ait moralement, physiquement brisée. Quoi qu'il en soit il apparaît que malgré de multiples participations à plusieurs projets musicaux Esperoza soit pour elle une référence absolue.

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    Le disque est précédé d'une courte notule dont nous donnons une traduction approximative à lire comme un avertissement à la manière de l'inscription taillée dans le rock au-dessus de la porte de l'Enfer selon Dante :

    C'est officiel. La bête est lâchée, nous ne pouvions la contenir plus longtemps. Nous ne croyons pas que aimerez le résultat, il faudrait être un bien sombre compagnon pour entreprendre la descente dans l'abîme. Mais il s'agit de notre constat, notre manifeste contre l'univers et l'ordre des choses. Les mots les plus terribles ne doivent pas être tus. La futilité de la vie humaine, l'inexistence de la justice dans ce bas-monde et pour finir cette âme uniquement faite pour pleurer. Nous pourrions mentionner toutes les difficultés que nous avons dû affronter pendant que nous réalisions cet album. Chacun de nous est soumis à un impitoyable destin, chacun le paie de son sang et de ses nerfs, et cette souffrance n'a d'autre justification que sa propre existence. Contre de telles paroles nous nous élevons, en fous idéalistes, sciant la branche sur laquelle nous sommes assis. Nous sommes ainsi, et voici notre album '' Aum Corrupted''.

    '' Aum corrupted'' est un album très sombre, dépressif, obscur, énigmatique et personnel, il présente un son totalement différent de notre premier album. Pour les fans de doom, de death, de black dark, d'atmospheric metal.

    Sombre pochette. Serait-ce une représentation du buisson ardent, une fois que le dieu qui n'était pas un phénix s'est consumé, ne reste plus que la carcasse de l'épineux noirci. Quoi qu'il représente l'artwork n'incite guère à l'optimisme. Le pire c'est que les fins filaments blancs – serait-ce une toile d'araignée entremêlée – n'éclairent pas davantage notre lanterne. Quant à l'espèce de cellule centrale d'une blancheur éclatante elle ressemble à une goutte de crachat spermatique vouée à une stérilité infinie.

    Zoya Belous : vocal / Dimitri Prihodko : all guitars & bass / Vadim Cartovenko : batterie. Fut aussi le batteur du groupe trash Metal : Lethal Outcome.

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    A broken passage : la voix de Zoya suave sur-multipliée vous entraîne, personne ne saurait y résister, les filles du Rhin vous propulsent dans les bas-fonds vertigineusement glauques, vous aimeriez que ce retour au liquide amniotique ne finisse jamais, mais le morceau qui est lui-même le passage est aussi brisé. Un cri de goret l'achève brutalement. Vous maudissez le groupe qui se permet de détruire une si belle et si vénéneuse introduction... Egohypnotized : horrifique changement de climat, l'on était dans un monde de douceur de calme et de volupté et nous voici dans l'enfer sidérurgique, une batterie lourde marteau-pilonne à mort, des murs de guitares brisées hérissées de fer acérés chauffées à blanc s'avancent vers vous, la voix de Zoya au milieu du tumulte, prière, supplication, grandiloquence des chœurs, vous êtes figé sous la forge du metal extrême, le timbre gras du forgeron djente à l'extrême, motifs orientaux et arabisants, vous voici à l'opéra, l'héroïne à genoux supplie, le piège de la mort se referme sur elle, serait-ce l'histoire du serpent qui se pique lui-même pour jouir de son ultime méfait, orchestration impressionnante, lorsque qu'elle s'achève vous êtes encore plus déçu qu'à la fin de l'introduction, à croire que la dérélictoire espèce humaine préfère la présence de l'enfer aux promesses paradisiaques. Unknown summons : encore plus violent, martelage oppressant, couine un motif trompetant qui se moque de vous, tout cela pour introduire l'ampleur vocale comminatoire du monstre qui ne fait pas de cadeau, et c'est le duo, celui pathétique que l'on attend dans les plus beaux livrets, le grondement caverneux et la voix fluette qui crie au secours avant d'être submergée, une mouette emportée par la vague se confond avec l'écume, l'on sombre dans un horrible délirium tremens musical, Ivan le terrible est sur scène son gosier couvre le tonnerre de la musique qui essaie de le surpasser, la batterie broie le néant et la méchanceté du monde se concentre dans cet organe viril, pour finir une brève exhalaison orgasmique féminine. Tomb of deeds : sans pitié, la musique avance sur vous pour vous détruire, Esperoza ne vous laisse aucun espoir. Hachoirs mécaniques, emballements de la machine, votre âme est triturée à mort, changement de climats, une guitare gémit, la batterie s'affole, des cris dans tous les coins de la pièce où l'on vous poursuit, l'on essaie de vous écraser la tête à coups de marteaux. Aboiements humains, affolements génitaux. La voix redevient femme. Nocturne Opus 93 : un peu de musique classique pour vous remettre d'aplomb, certes il y a un piano mais surtout ces coups de batterie mortels, et cette toccata de cordes pour vous souvenir qu'autrefois la vie était belle, douce et paisible. Ne se moquerait-on pas de nous. Blame it on me : rien de pire que l'auto-flagellation, la victime retourne le merlin du bourreau contre elle, grognements monumentaux, la batterie roule pour vous rouleau-compresser, clameur et voix qui s'élève, qui s'accuse, plus forte que l'orage, l'ignominie de l'auto-trahison soulignée par une guitare qui semble perdre son sang après s'être immolée en un hara-kiri auto-punitif, et le groin du cochon éclabousse le monde, la victime se lave de ses péchés supposés dans sa propre hémoglobine, l'on atteint à des sommets d'auto-corruption, des extases de renoncements, un piano fou s'en vient sans préavis emporter le morceau dans une espèces de furia interminable. Periods of 8 : l'on est surpris par cette voix et ce bruitage d'aéroport extra-sidéral, l'on pressent que la situation n'est pas bonne, mais comparé aux morceaux précédents c'est presque réconfortant, toutefois cette batterie qui avance avec l'impavidité d'un troupeau d'éléphants décidés à vous piétiner méthodiquement n'est pas encourageante, avec Zoya l'on est désormais dans les Suppliantes d'Eschyle, le morceau s'échevèle, la peur de la folie se transforme en panique, l'on court partout, flaques de sangs, lacs de larmes, Zoya chante comme si elle prophétisait le déclin de notre monde, il est vrai qu'autour d'elle la musique s'écroule sur elle-même, s'entasse et se compactifie en une énorme boule de haine qui déboule sur les villes et ne laisse que ruines et désolations derrière elle. Quand vous croyez qu'elle va s'arrêter, elle repart encore plus fort. Desolate grief : juste la voix, une prière qui monte et emplit les cieux, à croire qu'il n'y a plus de place là-haut pour Dieu. Lamentations funèbres. I rot : cascades soniques, avalanches monstrueuses, sous la neige coupante des guitares l'entassement des roches arasent vos illusions, hurlement, de haine, conjurée par le geyser d'une voix qui ricoche sur les membranes du monde, la musique devient folle, la femme se métamorphose en louve, elle mord, elle lacère, elle cisaille, elle étripe, tout cela avec sa bouche, elle est la prêtresse maudite qui condamne sans rémission, derrière elle, autour d'elle, la musique tente de s'échapper en se cognant et s'empilant sur elle-même, il ne reste plus que des échos de cordes de guitares échappées d'un minaret qui s'exhausse vers le ciel, elle est tout en haut, debout sur la tête d'une fusée interplanétaire, et elle s'envole pour tuer Dieu, lui percer le cœur définitivement, une guitare qui sonne comme la sirène d'un bateau perdu dans la brume au milieu des récifs. And here comes the immaculacy / Aum Mantra ( You will be punished for yours prayers ) : sirocco de sitars, flutes de charmeurs de crotales, gondolements prolongés de gongs, la batterie prend la poudre d'escampette, la bayadère est au tempo, elle récite le sortilège symphonique, l'on sent que l'on est dans le tourbillon originel, que l'on n'en ressortira plus, les murs de l'illusion du monde tournent emportés comme des fétus de pailles, la voix s'aiguise comme le couteau de l'égorgeur, accélération prodigieuse, palier atteint, respirons profondément, désormais l'on ne changera rien à rien, la guitare gyre comme une mouche monstrueuse prisonnière dans un cube de béton, et la voix s'exalte, s'enivre de son propre vin fluoré, ne pas perdre le rythme, se laisser emporter, divaguer, surfer sur l'énorme vague de l'univers qui roule dans le néant. Zoya toujours plus haut, c'est elle qui mène l'attelage du Ramayana, elle est la reine et la sublime prostituée de l'existence, elle récite les mantras interdits, Esperoza est sur les traces du Achilles last stand de Led Zeppelin et se permet même de le dépasser sur ses ultimes foulées, sublime cacophonie, l'on ne sait pas, l'on ne sait plus, l'on ne suit plus, l'on ne fuit plus, l'on se laisse emporter... serait-ce fini, mais non le cycle reprend, l'on entend des hurlements de chuchotements, catacombes en catimini, tout s'égalise, le haut coïncide avec le bas, le fort avec le doux, la peur avec l'envie, la vie avec la mort. Et ça continue, un message lancé par un satellite perdu à des millions de kilomètres et qui soudain revient sur vous pour lâcher ses missiles atomiques. Rien ne vous sera épargné. Ni la mort, ni la vie. Ceci est dit.

    Un disque extrême. Qui ne peut remporter par nos temps de médiocrité exigüe que ce que l'on appelle un succès d'estime. Pour devenir légendaire. Ou tomber dans l'oubli. Rien ne lui sera épargné. De quoi dérouter les esprits timorés. Ceux qui en ressortent sains d'esprits sont à considérer comme des rescapés.

    Plus j'écoute les groupes de l'Est, plus je suis sidéré par leur puissance.

    Damie Chad.

    STEPPENWOLF ( III )

     

    Il convient de ne pas confondre Sparrows et Sparrow, c'est le même groupe mais avec changement de personnel, nous relaterons une autre fois l'histoire des Sparrows, ce qu'il est bon de retenir c'est que le Loup doit beaucoup au(x) moineau(x) - un beau sujet de fable pour Jean de La Fontaine – et que départs et truchements de personnes à l'intérieur de Steppenwolf font en quelque sorte – au-delà de problèmes d'égo ou de divergences musicales – partie de l'ADN constitutif du Loup.

    Les Sparrows se sont formés en 1964, John Kay les rejoint en 1965, le groupe supprime le s final en 1966, l'appellation John Kay and the Sparrow est un leurre destiné à accrocher l'acheteur de disques, de même le Earlier Steppenwolf est de fait un disque de Sparrow, si l'homme est un loup pour l'homme, le Steppenwolf est aussi un loup pour les petits volatiles à envergure marchande réduite...

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    S'il a fallu une louve pour précipiter la naissance de Rome, il a fallu plus d'un groupe pour engendrer Steppenwolf.

    JOHN KAY AND THE SPARROW

    ( 1967 / 1969 / 2001 )

    Ces trois dates méritent quelques explications, les bandes furent enregistrés en 1967, mais le disque parut sur Columbia ( CS 9758 ) en 1969 suite au succès de John Kay figure de proue charismatique de Steppenwolf. En 2001 un CD est publié par Repertoire Records ( REP 4878 ) qui reprend les douze morceaux du vinyl de 1969, auxquels sont ajoutés huit autres titres, le lecteur sagace ne sera pas sans remarquer que le Early Steppenwolf propose d'autres versions de certains – et pas des moindres - d'entre eux, ce qui à l'époque aurait risqué de faire doublon... Rappelons aussi que les anciens 33 tours possédaient une capacité de stockage généralement limitée à six morceaux par face.

    John Kay : lead guitar, vocal / Dennis Edmonton : guitar / Jerry Edmonton : drums / Goldy Mc John : keyboards / Nick St. Nicholas : bass.

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    Twisted : composition de John Kay, plus blues qu'elle vous ne trouverez pas, certes la voix est un peu trop juvénile pour faire vieux bluesman du delta qui a tout vu et tout entendu et qui a survécu grâce à son flingue caché dans sa guitare, mais les trilles d'harmonica et la courante du piano ne dépareraient en rien dans une anthologie du Chicago Blues, pour les lyrics cela pèche un peu, Kay essaie l'humour noir, mais il a comme un parfum blanchâtre de LSD, pour ceux qui connaissent ça ressemble un peu aux paroles de Gilles Thibaut de Que le diable me pardonne de Johnny Hallyday, bref si le gars est tordu comme les célèbres méandres du Nowitna, le morceau vous a le débit du Mississippi à l'époque des grandes crues. Goin' to California : un peu blues, un peu rock'n'roll, un peu country rock, un peu tout, un véritable melting pot de la musique populaire américaine, Kay la chante avec une voix d'écorché qui emporte le morceau. Baby, please don't go : hit de Big Joe Williams, si Robert Johnson a rencontré le Diable à un croisement, dresser la liste de tous ceux que Big Joe a croisé exigerait trois ou quatre livraisons entières de Kr'tnt, je ne citerai que Muddy Waters et Bob Dylan qui jouèrent de l'harmonica derrière lui, tous les élèves se valent, mais certains choisissent le bon maître, à l'époque où les Sparrow l'ont enregistré tout le monde avait la version des Them dans la tête, les Moineau ont vu le piège, ne donnent pas dans la dramatisation vanmorrisonienne, se rapprochent d'une interprétation davantage racine, Kay se débrouille bien en rajoutant un soupçon d'ironie dans son phrasé, mais par moments l'orgue de Goldy Mc John est un peu trop themique, le groupe se rattrape sur le tutti final, un joyeux bordel comme on les aime tant. Down goes your love life : premier morceau signé du prolifique Dennis Edmonton ( aidé par Nik St. Nicholas ), au titre l'on s'imagine plonger dans un blues amer, il n'en est rien, dans l'arrangement Dennis a laissé le beau rôle à son frère Jerry à la batterie, mène la cavalcade sur un trot d'enfer, pas le temps de voir passer, tout juste deux minutes, c'est fringuant et entraînant, s'enchaîne parfaitement avec le Baby, please don't go, la gerce trottine salement pour prendre de la distance, quelle prestance, aussi goûteuse de loin que de près. Pas de regret à avoir, ces roulements de tambours qui papillonnent valent tous les plaisirs de la chair qu'offrent les clandés de la New Orleans. Bright lights, big city : tout le monde a repris ce classique de Jimmy Reed, surtout les Animals dont la version reste, à mon humble et toutefois péremptoire avis, insurpassable, la preuve c'est que les Moineau ne la surpassent pas, vous préparent le canard à l'orange mécanique au blues de Méthylène ( médicament idéal pour soigner les bébés bleus ) c'est bien fait, Edmonton tonne sur ses toms, le clavier vous désenclave du Delta, sonne un peu trop anglais, Kay est parfait dans son genre, n'insistez pas bande de z'oziaux, il manque le brillant et la moiteur de la grande ville industrielle. Trop campagnard. Can't make love by yourself : là c'est plutôt D(ésolé) Edmonton que D(ésiré) Edmonton, le sixième morceau de la face A, ils l'ont mis à la fin, ils auraient dû le supprimer, un refrain et des chœurs à dégobiller, se ruent tous dans l'impasse les yeux fermés – comme nos pavillons auditifs qui se referment d'eux-mêmes à l'écoute de cette daube. Kay essaie de prendre sa grosse voix, même un gamin de vingt-trois mois n'y croit pas. Good morning little school girl : de Sony Boy Williamson - le premier du nom, celui qui s'est payé le luxe de se faire assassiner en pleine métropole à l'aide d'un pic à glace à la manière de Léon Trotsky – de nos jours le pauvre Sony se verrait traiter de vieux pédophile dégueulasse pour les lyrics ( qui ne sont pas de lui ), c'est justement pour cela que l'on aime le blues et ses désirs turgescents – ce doit être pareil chez les Sparrow, car ils y mettent du cœur, ah, cette manière de Kay d'articuler les paroles pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, vous l'envoient pas dire, une belle leçon d'amorale. Parfait pour ouvrir une face A. King pin : un morceau de Manfred Mann, avaient-ils voulu donner une version folk-enjouée et parodique du I'm a King Bee des Stones, en tout cas, c'est léger comme la pop anglaise, le Moineau sautille et frétille, Jerry Edmonton s'y régale, l'aime ces légèretés sur lesquels sa frappe frivole mais pas frileuse fait des merveilles. Il existe une autre théorie quant à ce ce titre, King pin serait la déformation du caractère chinois Pinyn qui correspond à l'aum hindou ( voir chronique précédente ), le morceau serait ainsi une perfide allusion aux relations des Beatles avec le Maharishi, mais si la tribu Lennon se rendit en Inde en 1968, Manfred Mann enregistra le titre en 1964... ) Square headed people : décidément le Moineau comptait se spécialiser dans les titres champagnes qui s'éparpillent tels des pois sauteurs, se reprennent après une entrée en matière un peu désastreuse, vous filent l'impression d'essayer des tas de moutures différentes, peut-être entend-on sur ce morceau la différence qui existe entre une option britain-rock des tout premiers Sparrows et le dépassement du blues traditionnel que Kay a le désir de subvertir, est-ce cette tension entre deux directions différentes qui oblige les morceaux les plus inventifs à être si courts, style j'y mets la patte mais pas le menton. Chasin' shadows : la ballade qui tue, la fille perdue dans ses rêves et le gars qui essaie de se positionner, vocal passe-partout, mièvre et grandiloquent, Jerry Edmonton confirme, à la batterie il est le roi de la cavalerie légère, c'est lui qui sauve le morceau, c'est son frère qui l'a écrit et ensablé dans la mer des sargasses doucereuses de la pop anglaise. Trente-six étages sous un morceau comme Girl des Beatles. Green bottle lover: mignons Edmonton à la composition, un petit oiseau gazouille au début, plus on avance dans le morceau plus l'on pense aux Beatles période Rubber Soul, un petit côté moralisateur de la chanson, mais pendant que les autres batifolent dans les effets musicaux, Kay intervient à la manière du septième de cavalerie dans les westerns, l'imite si bien Dylan qu'il pourrait nous réciter la messe en latin où nous lire les discours de notre président que l'on serait contents, tellement que c'est bien expédié. Vous les crache comme un punk tuberculeux. Isn't it strange : plus Beatles que le Moineau tu meurs, non, tu meurs parce que les Beatles n'ont rien à voir avec le Moineau. Lourd, pesant, faussement grandiloquent, quel crime ai-je dû commettre dans une vie antérieure pour être condamné à écouter cet immondice. Sur cette turpitude se termine la version 69, pas si érotique qu'espérée...

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    Tomorrow's ship : face A du single couplée avec Isn't it strange, si je vous disais que cela ressemble à... oui aux Beatles, je vois que vous suivez, et ce n'est guère meilleur que son frère jumeau..., ne prenez jamais ce bateau ni demain, ni après-demain. Twisted : oui vous l'avez déjà entendu, c'est la version single ( pour ne pas dire remplissage ), quelques secondes de moins, moins d'harmonica, davantage de slide, après avoir pesé le pour et le contre je préfère ce mixage, mais je vous en voudrais pas si vous pensez le contraire. Goin' to California : encore une single version, du mal à entendre la différence, s'il y en a une.... Hoochie coochie man : attention l'on rentre dans une série de quatre titres qui sont joués en public sur le Early Steppenwolf, l'orgue noie un peu le poisson lorsque l'on se rapproche des ponts, le morceau paraît plus ramassé, plus appliqué, il est normal qu'en public il paraisse plus échevelé, Kay pose mieux sa voix, la fin est surprenante, non par une recherche quelconque d'originalité, l'on est tellement pris par le déroulé du mille-pattes que l'on ne voit pas défiler les quatre minutes et demie. Goldy Mc John s'est inspiré de ce nappé d'orgue particulier aux Animals. The pusher : la voix annonce The Pusher Take 1, nos oreilles se dressent toute seules, l'on pense à la question d'Archytas de Tarente qui se demandait ce qui se passerait s'il essayait de trouer de son bâton l'extrême limite de l'univers, blueseusement parlant l'expérience sera tentée en public au Matrix voir notre livraison précédente, ici nous n'irons pas jusqu'aux faubourgs du noise, l'on se contente de l'éternel retour concentriquement sinuosidal de l'orgue et l'on se retrouve pas très loin de The End et de Light my fire des Doors, sans le déchaînement final. Goin' upstairs : take 1 du classique de John Lee Hooker, le jouent moins primal, moins balancé que le capitaine crochet du Blues, enrobent un peu trop la viande de graisse, bien fait, vous gravissez les marches sans vous faire prier, mais arrivé tout en haut vous vous apercevez que vous n'êtes ni en enfer, ni au paradis. Pourtant chacun a pris à tour de rôle le commandement du peloton, et parviennent à une superbe dégringolade finale. Tighen up your wig : deuxième essai d'humour noir de John Kay, pas celui d'André Breton, l'autre du blues, trop bien fait, cette version ne pèse pas lourd si l'on compare à celle du Matrix, ici l'on a pensé à tout et l'orchestration est chiadée, manque juste une goutte de folie. Too late : coucou les revoilou, les Fab Four, encore un four, un peu à la Day Tripper mais on ne tripe guère sur ce système D, un bon point toutefois : ne serait-ce pas une parodie méchamment ironique ? Pardonnons-leur au bénéfice du doute.

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    Total, du bon et du pire. Des munitions et de l'inutile. L'ensemble donne toutefois une certaine idée de la trajectoire des Sparrows en Sparrow et la métamorphose en Steppenwolf. En 1965, le groupe était très apprécié au Canada non pour son originalité mais pour sa manière de sonner ultra-british... z'ont commencé par imiter - le terme plagier serait vraisemblablement plus adéquat – les Scarabées, au bout d'un certain temps ils ont regardé ( sans s'en vanter ) du côté des Rolling Stones, non pas leur musique en elle-même, mais son origine, qui se trouvait juste de l'autre côté de la frontière avec les Etats-Unis. Z'ont repeint leurs musiques en bleu, puis en bleu-sombre sous l'impulsion de John Kay.

    Difficile de vanter les mérites de la pochette, d'une telle banalité qu'elle en devient anonyme.

    Damie Chad.

     

    XIII

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

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    56

      • Que viens-tu traîner par ici, moucheron, tu as envie de mourir, tu as bien choisi ton endroit !

    La voix n'est pas sympathique et vu l'obscurité profonde, le brouillard opaque et le crachin transperçant, beaucoup de nos lecteurs auraient tourné casaque sans insister. Il en faudrait plus pour impressionner Molissito.

      • Laisse-moi passer vieux clebs pourri édenté !

      • Passe ton chemin, ici tu es sur le territoire de l'ACMN, si tu avances d'un seule patte, on t'avale tout cru !

    Un rayon de lune blafarde dévoile quelques mouvements suspects dans l'ombre et quelques sinistres claquements de mâchoires se font entendre. Toute une meute est là, tapie dans le noir, elle n'attend que le signal pour se jeter sur l'intrus.

      • Barre-toi moustique, ici l'on n'aime pas les freluquets !

      • Si vous croyez me faire peur vous vous trompez, je suis Molissito, agent du SSR, et un agent du SSR ne recule jamais !

      • Et moi je suis la Reine d'Angleterre, puisque tu fais le mariole, tu vas nous servir d'apéritif !

    Une vingtaine de molosses entourent le pauvre Molissito qui croit sa dernière heure arrivée lorsqu'une voix s'élève :

      • Arrêtez c'est bien lui, j'ai vu sa photo, il distribuait des Coronaditos sous la Tour Eiffel !

      • Que racontes-tu Mélissa !

      • C'est sur Match, mon maître est abonné, c'est bien un agent du Service Secret du Rock'n'roll, le fils adoptif de Molossa la tueuse !

    Des gémissements de joie et des soupirs de satisfaction s'élèvent de la nuit profonde !

      • Cabron, le fils adoptif de Molossa, toute la France canine est amoureuse d'elle, muchacho Molissito, tu es un brave et le bienvenu, ce soir tu es l'hôte d'honneur de l'ACMN, l'Association des Chiens Mal-Nourris, soirée open bar ! Tu ne le regretteras pas !

    57

    Le séjour en Normandie se révélait moins fructueux que prévu. Le Cat Zengler et le Chef se lassèrent vite ( dix minutes ) d'enquêter, surtout que le Cat possédait une excellente cave à Bourgogne qu'il mit à la disposition du Chef qui en contre-partie l'initia aux joies du Coronado...

      • Agent Chad, je vous donne huit jours pour me ramener tout ce que l'on peut savoir sur ce groupe de rock fantôme : L'homme à deux mains, une mission difficile et dangereuse, rapport à l'aube lundi en huit à huit heures tapantes ! Exécution immédiate.

    J'ai arpenté la Normandie en long, en large, en travers, interrogé des centaines de gens, écumé les bibliothèques, interviewé des journalistes, rencontré des érudits de province, visité les milieux rock, punk, Metal, hardos, les clubs de bikers, bref, rien, rien, rien ! Et nous étions déjà le dimanche matin...

    58

    C'est la voiture qui m'arrêta dans un minuscule village, Trifouilly-les-Vikings, un bruit suspect dans le moteur, juste devant le porche de l'Eglise. Je levais le capot et m'absorbais devant l'étendue du désastre fumant... les chiens profitèrent de la portière ouverte pour se dégourdir les pattes... Au onzième coup de onze heures le portail de l'Eglise laissa échapper une vingtaine de personnes qui s'enfuirent en coup de vent... ne resta plus qu'une vieille grand-mère clopinante accompagnée de sa petite-fille. Je ne leur jetai qu'un regard rapide et je les avais déjà oubliées lorsque j'entendis des pas s'arrêter sur le trottoir

      • Regarde Noémie, une Panhard pistache, une PL 17, exactement la même avec laquelle s'est tué mon grand frère Christophe en revenant du concert de L'homme à deux mains !

      • Mamy tu pourrais inviter le Monsieur et tout lui raconter depuis le temps que tu m'en parles sans rien me dire !

      • Sûrement Noémie, il faut bien que je me délivre d'un terrible secret avant de mourir, venez Monsieur, cette couleur pistache est sûrement un signe du destin, mais vous avez un adorable chien noir, qu'il vienne aussi !

    Molossito n'était pas dans les parages, l'occasion était trop belle, il n'aurait qu'à m'attendre devant la voiture...

    59

    Durant tout le repas Mamy s'enferma dans un silence pesant. Au dessert Noémie me fit un signe imperceptible, il était indubitable qu'une douce attirance était en train de naître entre nos deux corps, il était temps que la vieille parlât, nous aurions bien mérité un petit moment d'intimité, la Mamy s'en aperçut :

      • Les petits, allez faire un tour dans le verger, sous le vieux pommier, cachés sous les branches qui retombent jusqu'à terre, vous serez bien. Revenez lorsque la nuit sera tombée, je ne parlerai pas avant minuit !

    60

    Minuit sonna. Nous poussâmes la porte de la salle-à-manger, Mamie était dans son fauteuil immobile, à l'instant je vis le revolver que ses doigts crispés tenaient encore au bout de son bras qui pendait. Elle était morte, Noémie poussa un grand cri, je la pris dans mes bras pour la consoler :

      • J'ai toujours su que grand-mère détenait un terrible secret, je ne pensais pas qu'elle finirait par se tuer !

      • Non Noémie, je m'y connais en armes à feu, la balle qui lui a traversé le crâne et a envoyé son cerveau s'écraser sur le cadran de l'horloge, n'a pu être tirée par son petit revolver, c'est une simulation, elle a été assassinée !

      • Mon dieu c'est terrible, j'espère que l'horloge n'a pas été trop abîmée, c'est la seule chose qui a un peu de valeur dans cette bicoque !

      • Au contraire, une fois la cervelle fossilisée et recollée dessus, tu en tireras un max aux enchères à l'Hôtel Drouot !

    Un aboiement bref de Molossa nous tira de notre affliction, la truffe au sol, la brave bête nous indiqua en remuant sa queue de contentement qu'elle avait trouvé une piste...

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    Sept heures cinquante-huit, je poussai la porte de l'appartement du Cat Zengler, le Chef alluma un Coronado avant de m'adresser la parole :

      • Je vous félicite agent Chad, deux minutes d'avance, c'est bien, vous êtes en progrès, en plus vous ramenez une charmante jeune fille, ce qui ne saurait nuire, quand vous m'aurez expliqué tout ce qu'il faut savoir sur L'homme à deux mains, nous frôlerons la perfection, par contre agent Chad, je m'inquiète, si Molossa est ici, je ne vois point Molissito !

      • Pas d'inquiétude Chef, il souffre d'une indigestion, il est en train de vomir sur la banquette arrière de la Panhard !

      • Aucune importance, je m'assois toujours devant, à la place du mort !

      • Vous ne croyez pas si bien dire Chef !

    ( A suivre... )