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CHRONIQUES DE POURPRE - Page 28

  • CHRONIQUES DE POURPRE 585 : KR'TNT 585 : TONY MARLOW / JON SPENCER BLUES EXPLOSION / DAVE DAVIES / LIAM GALLAGHER / SETTING SON / BLACK SKY GIANT / ICHI-BONS / ROCKAMBOLESQUES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 585

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    26 / 01 / 2023

    TONY MARLOW / JON SPENCER BLUES EXPLOSION

    DAVE DAVIES / LIAM GALLAGHER

    SETTING SON / BLACK SKY GIANT

     ICHI-BONS / ROCKAMBOLESQUES

    Sur ce site : livraisons 318 – 585

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://krtnt.hautetfort.com/

    Marlow le marlou - Part Three

     

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             Si tu veux tout savoir sur Tony Malow, le plus simple est de lire sa fulgurante petite autobio parue dans Rockabilly Generation. Mais il faut aussi écouter les albums car ils jettent une sacrée lumière sur cet incroyable artiste qui a su traverser toutes ces décennies en restant fidèle à l’esprit rockab le plus pur. Les ceusses qui le critiquent sont comme d’habitude les ceusses qui n’ont pas écouté les albums. Toujours la même histoire. Une autre info en forme de petite cerise sur le gâtö : ses meilleurs albums sont produits par Marc Zermati.  

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             Dans un Part Two, on a déjà dit tout le bien qu’on pensait du 1,2,3… Jump des Rockin’ Rebels (Underdog 1982) et tout le mal qu’on pensait de leur premier album Rockin’ Rebels paru en 1979. Coincé entre les deux, tu as Frogabilly, paru aussi sur Underdog, un label monté par Dominique Lamblin et Marc après la première disparition de Skydog. Sur la pochette, les Rockin’ Rebels sont quatre, assis sur leurs motos, et à gauche, tu as le Marlou qui ne s’appelle pas encore Marlow. Il ressemble beaucoup à Robert Gordon. Et tu l’entends vite rafler la mise dans «Panhandle Rag» : il y joue la pompe manouche, et à l’époque, tu n’as pas beaucoup de gens capables de sortir un tel son sur la scène rock en France. On a un fantastique son de rockab dans «Dig That Crazy Beat», ça swingue sous l’Underdog, ça te boppe sur l’haricot, c’est excellent, on sent la patte de Marc à la prod. Encore un petit joyau rockab avec «Boogie Baby» et ils nous emmènent en B à la fête foraine avec «Gunfight Bop», excellent pulsatif vrillé de petits solotages d’apanage. Ça swingue encore dans «Rockin’ The Swamp» et le Marlou rend un superbe hommage à Carl avec «Hey Mr Perkins». Oh ils savent swinguer le Carl, hey hey Mr Perkins ! Oh daddy-O-rock !

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             On passe aux choses très sérieuses avec ce World Rocking paru sur Skydog en 2001. On le sent dès l’aéroport, comme dirait Nougayork, dès «Rock-A-Like That», ça joue sec et net dans le Skydog way of life, avec un solo claqué dans l’enfer des portes qui claquent. Le coup de génie de l’album est un autre Rock-A, «Rock-A-Bye Love», claqué aux heavy chords de wild Rock-A. Le Marlou casse bien la baraque, avec un slap pris dans la couenne du son. Marc Z et le Marlou abattent un travail de titans. Encore un joli coup de Jarnac avec «House Rocking (With A Texas Troubadour) Pt1» : le Marlou entre dans son pré carré. Il joue tout simplement comme un dieu.  Dans «Wild Cat On The Loose», il fait rimer ruby shoes avec cat on the loose, c’est remarquablement bien tenu en laisse. On le voit encore jouer all over «60 Thousand Feet», c’est ultra-drivé, ces mecs sont tous des virtuoses et le Marlou tisse une dentelle sempiternelle. Ils font bien le train avec «South-A-Bound Train», pas de problème. Encore un cut illuminé avec «House Of Swinging Lights». C’est dingue le terrain qu’ils parcourent, le Marlou chante sur la crête du son. Cet album est une merveille. Il passe au heavy swamp-rock avec «Crocodile Swamp», c’est excellent, dans la veine de Suzie Q. Puis il passe sans transition au gospel batch avec «Sunday Morning», mais avec du swing. I feel so good ! Il termine avec le heavy drifting d’«Here Comes The Drifter» et du yodell à gogo, puis avec un clin d’œil à Bo avec «Stampede». Sur ce coup-là, il des accents d’Elvis. Son impeccable, comme toujours sur Skydog.  

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             On reste sur Skydog avec les Rockin’ Rebels et Elvis Calling. En amuse-gueule, tu as une fantastique cover de «My Baby Left Me». On se croirait chez Uncle Sam, la voix en moins, mais le Marlou claque bien sa chique et ça reste une sacrée chique. Il ramène tout le stamina de la version originale. L’autre stand-out cut de l’album est sa cover de «Guitar Man». Il est dessus. Toutes ses covers d’Elvis sonnent juste, sauf peut-être «Burning Love», plus difficile à chanter. Il prend aussi «Gentle On My Mind» trop haut au chant, il est trop parisien, trop Batignolles sur ce coup-là, il passe à côté, il ne se profile pas assez. Par contre, son «Baby Let’s Play House» est une petite bombe, il est dessus avec une extraordinaire vitalité du son. La Marlou grimpe là au sommet de son art. Avec «I’m Coming Home», il tombe dans l’extrême beauté de l’Elvis mood. Là ça devient sérieux, c’est plein de son et d’esprit, d’une invraisemblable aisance, il claque des solos de contrefort qui illuminent la fête foraine, c’est du pur génie, il t’emballe si tu es une femme. Il fait aussi une belle version de «Come On Everybody». On le sent fabuleusement impliqué et en guise de cerise sur le gâtö tu as le solo flash du Marlou. 

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             Les deux premiers albums de Betty & The Bops sont aussi parus sur Skydog et comme les deux précédents, ils sonnent comme des passages obligés. Le premier qui n’a pas de titre s’appelle donc Betty & The Bops. On les voit tous les quatre sur la pochette et le Marlou gratte une belle gratte rouge. Ça démarre sur un bruit de moteur et Betty chante à la régalade pendant que le Marlou veille au grain. Puis ils passent au pur rockab avec «Good Rockin’ Mama» et un slap de rêve. Le coup de génie de l’album s’appelle «My Hand Some Man», un joli rockab attaqué de biseau. Terrific ! Avec du sax dans l’encoignure. Ici, le slap dicte sa loi. C’est tellement parfait que ça sonne comme un classique de 1956, avec un beat entêtant et les attaques restent biseautées jusqu’au bout, ça file à la cravache. On se régale aussi de la grosse intro d’«All Night Long». Ces mecs savent lancer une machine. Sur «Rockabilly Girl», le Marlou fait sa presta en clairette de Gibson rouge et il décroche le pompon. Le slappeur fou s’appelle Dominique Gimonet, il vole le show sur «Jump Jump» et «Hi Fi Baby» - He’s my baby/ I don’t mean maybe

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             Fantastique album que ce Pin-Up Confidential qui date de 1995. Démarrage en trombe de slap avec «Swimmin’ Through The Bayou». Toujours Gimonet au slap et la prod de Marc Z.  Tu as tout de suite la pulsion définitive, même si c’est monté sur le plus vieux riff du monde. Ils t’embarquent tout simplement en enfer. Et ça continue avec «Come On», toujours au paradis du slap, quel punch, tu le prends dans le ventre, come on ! Betty est magnifique, c’est rond et c’est pas carré, ça joue au pulsatif entre tes reins. On reste dans le pur jus de rockab avec «On A Rocky Road», bien visité par le Marlou. Il repartent plus loin de plus belle avec «Spanish Jungle». le Marlou y claque un solo d’intermittence et ils passent au swing avec «Ida Red». Le Marlou y sort ses plus beaux accords de jazz, il joue en filigrane dans la texture du swing, il mène le bal, c’est un géant. Il claque «Who’s Been Foolin’ You» à coups d’acou. C’est un heavy boogie blues de bienvenue, le Marlou claque ça sec aux chorus inventifs. Il est très certainement l’un des grands guitaristes du XXe siècle. The wild cats are back avec «Snake Eyed Boy». C’est lui qui chante ce pur rockab d’antho à Toto.   

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             Dans le Part Two, on a dit tout le bien qu’on pensait d’Hot Wheels On The Trail, avec le fantastique son Sfax. Retour sur Skydog en 2007 avec le premier album solo de Tony Marlow, Kustom Rock ‘N’ Roll. Extraordinaire album, il faut bien l’avouer. Pour la pochette, le Marlou grimpe sur sa bécane et se fait une petite banane. Il n’a vraiment pas besoin de la ramener, car tout le son du monde est là, dès le «Booze Fighters» d’entrée de gamme. Le bruit et la fureur ! Encore signé Marc & Tony. Ça pulse à cent à l’heure, ce démon joue à la vie à la mort, il fait couler des rivières de diamants. On imagine Marc dans sa cabine avec des yeux ronds comme des soucoupes, face au spectacle de ce guitariste. Eh oui, ces deux-là ne font que des bons albums. Il s’agit sans doute d’un cas unique en France. C’est tout de même incroyable que Marc ait soutenu le Marlou jusqu’au bout, allant même jusqu’à ressusciter Skydog pour sortir ses albums. Et puis voilà «The Missing Link» que le Marlou explose. Il explose tout ce qu’il touche, le swing, le rockab. Il pose bien sa voix sur le heavy pulsatif d’«Hot Rocking Mama» et ça devient vite génial. Le slappeur fou s’appelle Frank Abed. Avec «Cliff & Dickie», le Marlou rend un hommage vibrant aux Blue Caps. Il fait de la haute voltige et il en a les moyens. Puis ils s’en vont slapper «All Aboard» dans la gueule du loup. Le Marlou claque ensuite «Lonesome Rider» à la main lourde. Tout ce qu’il propose est bon, il chante au guttural de biker de banlieue puis il prend feu avec «Foolish Girl». Encore une fois, il est certainement le meilleur guitar slinger du continent. Il sait tout faire. Hommage à Chucky Chuckah avec «Uncle Berry», très haut niveau, il ramène tous les gimmicks. Tiens voilà un drum cut, «In Search Of Drums City», avec un Marlou en maraude, c’est du stash de jazz, mais avec un power considérable. Tu vas de surprise en surprise sur cet album. Il tombe plus loin sur le râble de «Big Sandy». Il te le claque derrière les oreilles, le Marlou est une brute magnifique, il enfonce bien le clou du before I die. Il termine cet album fantastique en mode doo-wop avec «Good Days Are Gone». Les chœurs sont marrants, ils font bomp bomp bomp comme des estomacs trop sollicités. Le Marlou s’amuse bien.

             Il y a un DVD avec l’album. Et pas n’importe quel DVD, un DVD Skydog ! On y trouve pas mal de choses intéressantes, notamment le clip de «The Missing Link» : un trio tape un coup de Surf craze incognito. Ils portent tous les trois des masques de catcheurs mexicains. Le guitariste joue sur une Dan Electro. Mais quand ils enlèvent leurs masques, ils sont tous les trois des Marlous. C’est donc un subterfuge. Et l’occasion de se souvenir que le Marlou faut autrefois un batteur. Le DVD propose ensuite un concert filmé à Boulogne en 2006 : le Marlou est accompagné sur scène par batteur et Betty Olsen à la stand-up. Le Marlou semble avoir grossi, en tous les cas, il porte un gros pantalon rouge qui ne l’amaigrit pas et il joue sur la Gretsch rouge assortie. Il nous fait le grand show Sun et montre à quel point il est un guitariste exceptionnel. Il joue son «Mystery Trrain» avec une délicatesse extrême, il n’en rajoute pas, ses figures de style sont tout bonnement des chefs-d’œuvre de dentelle de Calais. Jamais deux fois le même plan, byzantisme et fluidité à tous les étages en montant non pas chez Kate, mais chez Chet. Il élève encore le ton pour rendre un nouvel hommage à Elvis avec «My Baby Left Me» et comme si cela ne suffisait pas, il aligne le B-side, «Blue Moon Of Kentucky». Il est incroyablement crédible. Par contre, le «Stray Cat Strut» ne marche pas. Et avec la mèche qui lui tombe sur le front, il finit par ressembler à Jerry Lee. Exactement le même profil de killer. Espérons que tous les fans du Marlou aient pu voir ce concert, même en DVD. Car quel crack !

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             On reste sur Skydog pour l’excellent Knock Out qui date de 2009. Encore un album de Guitar Man et notamment une cover géniale de «Born To Be Wild», géniale car amenée au beat rockab - Hey baby/ Won’t you take a ride with me - Hommage suprême - Get the motor running - Il le prend à la bonne et l’arrose d’accords mortifères. Encore un cut de Guitar Man avec «Run Away From You», un petit groove bien cavalé et qui prend feu. Il fait encore la loi avec «Guitar Slinger». Tony Marlow est certainement le grand Guitar Slinger d’ici bas. Il claque sans peur et sans reproche. C’est un démon. Côté rockab, on est bien servi, tiens par exemple avec «Lou Cipher’s Place», il est en plein dans l’esthétique rockab avec des solos tirés à quatre épingles. Le slap fait des ravages dans «Get Krazy», pure rockab madness ! - Get krazy all nite long - C’est un véritable coup de génie, digne de Charlie Feathers et de Johnny Powers. On reste dans l’excellence rockab avec «Just The Talk Of The Town», ça te danse dans les oreilles, le slap d’Andras Mitchell est juste derrière le Marlou. Avec «Action Baby», il fait de l’Americana du Kentucky des Batignolles. Superbe ! Les autres cuts sont plus rock’n’roll, comme par exemple «A Furious One» qui porte bien son nom, joué vente à terre, ou encore «Fifty Nine Club» plutôt endiablé. N’oublions pas de saluer le «Ridin’ To The Ace» d’entrée de gamme que le Marlou chante à la glotte charbonneuse. Comme c’est enregistré chez Lucas Trouble et produit par Marc Z, tu as le meilleur son du monde. Mais ce sera le dernier album du Marlou sur Skydog.       

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              Avec Rockabilly Troubadour, il entame sa période Rock Paradise : deux albums solo et deux albums avec K’ptain Kidd, un tribute band à Johnny Kidd. Quand on le voyait chanter «Rockabilly Troubadour» sur scène, on ne le prenait pas vraiment au sérieux, sans doute parce qu’il chantait en Français. Et puis quand on écoute l’album, c’est complètement autre chose. Il cogne à la française et c’est assez demented. Peu de gens peuvent suivre. Ses solos frappent comme l’éclair. Ses textes en Français font le poids, ça dépote, avec de l’amour enchaîné et du nervous breakdown. En fait le Marlou s’impose comme poète du cuir et du baston dans «Le Cuir Et Le Baston» - Métro Simplon/ Pour une embrouille à deux francs - Il fait ce que Charles Trénet faisait en son temps, il chante soir et matin - Le début des rebelles/ Et on avait la vie belle - Il revient au rockab avec «L’ivresse». Mais contrairement au son Skydog, le slap est ici assez discret. Fatale erreur. Il devrait être à l’avant du mix. Le Marlou surprend encore avec son wild solo de clairette dans «Debout». Retour au rockab avec «Le Garage» - Sous le capot, ça tambourine - Rien de tel qu’un garage pour voir monter la température de la voisine. Il fait tout rimer avec garage. Avec «Le Prochain Train», il salue Johnny Burnette. Le Marlou va le chercher les yeux dans les yeux, il claque son train en français et passe des solos de clairette - Accident lumière blanche/ Je me sens bien - Il fait un «Get The Motor Runnin’» en deux parties - C’est pas l’enfer ici/ Pas non plus le paradis - et passe au fast rock’n’roll avec «Laissez-Moi Dormir» - Hey hey hey laissez-moi dormir - Il tape dans le tas, il chante dans le feu de l’action, c’est très puissant.  

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             Dans Surboum Guitare, on trouve un cut qu’il faut bien qualifier de mythique : «Quand Cliff Gallope». C’est l’hommage suprême au Gallopin’ Cliff Gallup. Le Marlou peut se permettre de jouer avec le feu. Quel swing ! - Cliff Gallup go bop go ! - Il sait même jouer le Gallup, comme d’ailleurs Jeff Beck. Autre pièce de choix : «Et La Fuzz Fut». Le Marlou finit par taper le big fuzz out. Encore un hommage de choix à Carl Perkins avec «Guitar Show» qui est en fait le vieux «Movie Magg». C’est un petit chef-d’œuvre d’Americana. Avec «Les Guitares Jouent», il adapte Lee Hazlewood en français, mais ça ne marche pas. Sans doute le côté trop Batignolles, trop volontariste. Avec «Tu Me Quittes», il fait l’Elvis de «My Baby Left Me» au slap, il tente le coup et ça passe. Le Marlou se dit bienheureux, il claque ses chords à la volée, il est rayonnant. Avec «Au Rythme Et Au Blues», il repart dans le Chucky Chuckah, on se croirait chez les Stones. Retour à son terrain d’excellence avec «Le Swing Du Tennessee». Le Marlou est unique en son genre, il engage de sacrées guerres intestines avec le slap. Comme il ne se refuse rien, il tape dans Duane Eddy pour «Jerk & Twang». T’en connais beaucoup des guitaristes français de ce niveau ?

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             Et puis voilà les deux tribute albums à Johnny Kidd. Le Marlou porte le patch du Kidd et monte K’ptain Kidd avec Gilles Tournon (bass) et Stephane Moufler (beurre) en 2015. C’est le morceau titre qui ouvre le bal de Feelin’, au pur baby baby de dark piraterie. Killer en diable. Il fait du heavy boatin’ de la flibuste sur «I Can Tell», il reprend le contrôle du love me no more, il croise avec ses hommes en mer des Caraïbes, ils sont marrants, ils se prennent pour des vrais pirates. Le Marlou s’est crevé un œil pour la pochette. Du coup il joue comme une bête. Il tape dans le dur des Portugais avec cette belle mouture de «Shakin’ All Over». Il est parfait dans l’idoine. Copie conforme. Il tape «Weep No More My Baby» d’une voix de Marlou, c’est joué à la pointe du fan club. Il tape encore dans l’excellence avec «Doctor Feelgood», mais Mick Green n’est pas là, même si le Marlou multiplie les attaques de piraterie. Il ramène une autre énergie qui est la sienne. Il est trop parisien pour faire l’Anglais. Dans ses pattes, «Longin’ Lips» devient une belle énormité. Il prend le chant d’«I Just Wanna Make Love To You» avec un courage indiscutable. C’est heavy et plein de jus. Puis il nous pulse un «Please Don’t Touch» au génie pur, il l’explose autant que le fit Lemmy en son temps, il le tape à la hargne pure. Il couve son groove sous la cendre, c’est une spécialité. Il termine avec une version française du Shakin’, «Le Diable En Personne». Il adore cogner dans les tibias.

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             Le deuxième album s’appelle More Of The Same et paraît la même année. Sans doute a-t-on avec ces deux albums le plus bel hommage à Johnny Kidd, en tous les cas le «Goin’ Back Home» est un véritable coup de génie. Le Marlou plonge dans la démesure de la flibuste avec une délectation extrême. C’est tellement pilonné qu’on croit entendre des rafales de coups de canon. Le Marlou outrepasse ses droits, il allume comme vingt bouches à feu. Il faut saluer son génie sonique. Même chose avec «Some Other Guy», tiré d’une rare BBC session pour une séance de heavy Kidd. Troisième bombe : «Castin’ My Spell» qu’il claque à la clairette de Tele. Le Marlou est diabolique, un vrai Barbe-Noire, il ravage tout, il est l’Attila de la flibuste. Il fait le tour du propriétaire, pas de problème. Avec «Restless», il épouse la moiteur des cuisses, il plonge dans le kitsch de fête foraine à coups d’accords de concorde. Tout ce qu’il joue est pur. Retour au swing avec «Bad Case Of Love» et il fait son Elvis sur «Ecstasy». Avec le temps, il a fini par apprendre à poser sa voix.   

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             Et pour finir ce petit panorama en beauté, voici l’album sans titre des Bandits Mancho paru sur Skydog en 2002. Big album de swing ! Le Marlou te met au parfum avec une entrée de gamme en forme de triplette de Belleville : «Nocturne Swing»/ «Pourquoi»/ «Paris Boogie». Welcome ! Doo wap bap-bap, ce démon de Marlou doo-woppe la Bastoche au bop-bop de swing fastoche, Frank Abed slappe et Gilles Ferré saxe. Avec «Pourquoi», tu as le meilleur swing de chaussettes et de cacahuètes, c’est le summum du swing, avec le solo de sax - Je ne veux que toi/ Tu ne veux que moi/ Je suis fou de toi/ Tu es folle de moi/ Mais ça ne colle pas/ Pourquoi ? -  Avec «Paris Boogie», il passe au swing de la Porte de Saint-Cloud, au swing de quel gâchis à Parmentier, il claque des solos déments et redore le blason de la poésie de Paris. Dans «Sammy La Débrouille», il fait son Verlaine - Dimanche matin aux Puces de Saint-Ouen/ Y’a de la chine dans l’air/ Vazy que j’t’embrouille/ Ni vu ni connu c’est Sammy la Débrouille - Il joue aussi avec le feu dans «Zazie & Le Zazou», car Zazie n’est pas zen au métro Saint-Lazare. Il fait tout le cut au Z de Zazie, du zoom au zizi en passant par la zizanie, c’est du pur zus, Zazie elle fait des bizous, mais le zig il veut du zazou. Et ça part en drive de zigounette et de zigouigoui. Fabuleux vent de liberté ! Pur Dada ! On le voit ensuite swinguer la petite Italie avec «Prima Donna». Il connaît tout et Marc Z lui amène une fabuleuse orchestration. Là tu as tout, même la Nouvelle Orleans - Au pays des Bandits Mancho/ Tout le monde est rigolo - Pur jus de Marlou - Ça balance terrible/ Dans la Petite Italie - Encore une fantastique leçon de swing avec «La Poupée De Magazine» : Slap + jazz guitar + sax, là c’est du sérieux. Marc Z est sur le coup. Fantastique leçon de swing. Swing toujours avec «Du Bon Côté» - Prends la vie du bon côté/ C’est une chouette philosophie - Hommage à la booze avec «J’vais M’en J’ter Un Derrière La Cravate». Il fait rimer la cravate avec l’alcool de patate, c’est un seigneur du swing - J’aime mieux ça que de m’casser une patte - et le Marlou part en vrille de swing. Il finit avec un autre coup de génie swing, «J’ai J’té La Clef» - C’est ça qu’est bon/ C’est ça qu’est bon - Il dit qu’il a j’té la cléf dans l’tonneau d’goudron, ah oui c’est bon, le Marlou est content, ça s’entend, il faut voir comme ça swingue ! C’est ça qu’est bon. Il naviguait alors dans les mêmes eaux que l’early Sanseverino. Magnifique artiste.

    Signé : Cazengler, Tony Marlourd

    Rockin’ Rebels. Frogabilly. Underdog 1980

    Rockin’ Rebels. World Rockin’. Skydog 2001 

    Rockin’ Rebels. Elvis Calling. Skydog 2005 

    Betty & The Bops. Betty & The Bops. Skydog International 1992 

    Betty & The Bops. Pin-Up Confidential. Skydog International 1995  

    Tony Marlow. Kustom Rock ‘N’ Roll. Skydog 2007

    Tony Marlow. Knock Out. Skydog 2009        

    Tony Marlow. Rockabilly Troubadour. Rock Paradise 2013   

    Tony Marlow. Surboum Guitare. Rock Paradise 2017 

    Bandits Mancho. Les Bandits Mancho. Skydog 2002

    K’ptain Kidd. Feelin’. Rock Paradise 2015

    K’ptain Kidd. More Of The Same. Rock Paradise 2015

     

     

    Spencer moi un verre, Jon - Part Three

     

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             On aurait pu surnommer Jon Spencer The Fantastic Prolific. Pendant vingt ans, cette espèce de projet conceptuel baptisé The Blues Explosion a alimenté les bacs des disquaires. Sans compter tout le reste qui a fait l’objet d’un Part Two. Ce trio qui passa de statut de Jon Spencer Blues Explosion à celui de JSBX prit dans les années quatre-vingt-dix l’allure d’un Graal. Le JSBX ne s’inscrivait dans aucune lignée. Leur grande force fut de créer un style de hot sharp shit à base d’exactions et de c’mon ! Look, son, modernité de ton, il ne leur manquait absolument rien pour devenir énormes. Ils remplissaient l’Élysée Montmartre. Jon Spencer fut à l’âge d’or du JSBX une parfaite réincarnation d’Elvis. Il portait d’ailleurs un ceinturon à boucle marquée Elvis. Et comme Elvis, Jon Spencer est non seulement un shouter hors normes, mais aussi l’un des hommes les plus iconiques de sa génération. Autant dire que ces vingt années de BXmania furent passionnantes. On guettait la parution de chaque nouvel album avec de la bave aux lèvres.

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             Premier filet de bave avec le sobrement titré The Jon Spencer Blues Explosion. Jon Spencer est passé de Pussy Galore au JSBX sans rien changer. Trash-boom à tous les étages. Le son, la dégaine, le mépris des lois, la délinquance latente, la sale teigne, tout est resté intact. L’album ne compte pas moins de deux coups de génie, «Rachel» et «Chicken Walk». Jon Spencer tape sa Rachel au rumble de hard boogie. Ils défoncent Rachel tous les trois à coups de raw to the bone, et ça hurle à la bravado. C’est du pure génie d’interpolation, ça râpe du raw dans la pression du boogie. Encore du pur jus de raw avec «Chicken Walk», ya ya ya, Jon Spencer rappe ses vocaux au gras du bide, ouh ! Let’s go ! il folâtre dans les culottes de cheval, c’est un vrai lièvre, il chante au sec et net, il a déjà tout le JSBX dans les mains, tout le scream d’apoplexie. Infernal ! Russell Simins se tape la part du lion dans «Eliza Jane» et «Biological», deux cuts de batteur : il bat ça à la diable comme Baba Chanelle. Pas de pire pilon que Russell Simins. Attention au «Write A Song» d’ouverture de bal. Ce genre de cut donne le ton d’un nouveau genre. Les journalistes vont l’appeler blues-punk. Mais ça va beaucoup plus loin que ça. Jon Spencer pousse le trash dans les épinards, il ne respecte rien. C’est battu à l’alternative. Il dit qu’il write a song, tu rigoles ? Il est complètement possédé, il hoquette du yeah yeah yeah comme un messie victime d’une embolie. Il enchaîne avec un «IEV» ultra violent, un vrai coup dans la gueule. Impossible de l’éviter. Pas la peine d’épiloguer. Si on aime les solos de guitare en forme de glou-glou dubitatif, alors il faut écouter «78 Style». Jon Spencer sait aussi s’exacerber, il peut refaire l’Artaud du Jugement de Dieu, il plonge son rock dans l’extrémisme rougeoyant. On tombe plus loin sur un «History Of Sex» claqué aux pires enclaves du conclave. C’est tendu et barré. Par contre, voilà un «Comeback» tapé au dépouillé de la dépouille. Les JSBX sont les princes de l’exaction. Ils emmènent leurs cuts au bagne du rock, pour qu’ils en bavent. Ils rockent leur hot sharp shit en toute connaissance de cause. Jon Spencer passe son temps à tartiner du heavy glissando de loneliness. Et ça va continuer ainsi pendant au moins douze albums. Bon courage, les gars !

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             Crypt-Style sort sur Crypt en 1992. On y retrouve tous les coucous du premier album, «Rachel», «Chicken Walk» et bien sûr «‘78 Style» avec son rentre-dedans et son solo à l’étranglette aigrelette. Ici tout est formaté pour blow-outer les usages, le JSBX sonne comme un destin auquel personne ne peut échapper. «Like A Hawk» rappelle Pussy Galore, mais en vol plané, et «Loving Up A Storm» sonne comme de la hot sharp shit de choc mal torchée. Judah Bauer joue en franc-tireur sur les arrières du sonic bash. Ils jouent «Support A Man» au gras double de saindoux. C’est comme s’ils coulaient le bronze d’un mythe. Avec «The Feeling Of Love», Jon Spencer cultive la folie douce sur un air d’harmo et «Kill A Man» se veut trépidé du bidet et assez abject dans son déballage. Spencer adore cisailler, c’est son péché mignon. Il va passer vingt ans à cisailler, concasser, démolir. Ça ne plaira pas à tout le monde, c’est le moins qu’on puisse dire.

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             L’année suivante paraît Extra Width. Début de l’ère Matador. Et c’est là qu’on trouve l’excellentissime «Soul Typecast», l’un des hits du JSBX, fabuleuse pépite de groove ramonée par le riff d’appui, un cut qu’aurait adoré Elvis. Judah joue à l’écartelée, il monte ça en hostilité dans un coin du groove et joue sur la longueur. Une folle vient crier ‘Typecast !’ sous le nez du riff. Quelle classe ! Ils passent en mode heavy blues contrebalancé pour «History Of Lies» - It’s fine and it’s cool at the same time - Ils ralentissent dans les virages et veillent au grain de la virulence. Ils réussissent parfois l’exploit de jouer des cuts frénétiques et statiques à la fois, comme ce «Black Slider» qui fait du sur-place. Et le «Pant Leg» qui ouvre le bal de la B sonne afro-cubiste moderniste d’entente cordiale. ««Hey Mom» vaut pour l’un des sommets du concassage. Spencer et ses deux lieutenants font parfois du son sans objet précis, ou plutôt de la déstructuration, pour être plus précis. Cet album paraît à la fois plus problématique et plus aventureux que le précédent, comme s’ils cherchaient une voie nouvelle. Le corollaire de cette hypothèse est un Bootleg intitulé Live 11-23-93. Intéressant, car sur scène, les cuts énergétiques frisent une sorte de démesure apoplectique, notamment «‘78 Style» embarqué au riffing élancé. Ils jouent le même riff dans «Sweat» - That’s the sweat/ Of the Blues Explosion - La dynamique du trio prend une allure infernale. «Soul Typecast» passe comme une lettre à la poste et «Water Main» se révèle absolument déterminant. C’est dingue comme on a pu adorer ce groupe sur scène.

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             Avec Orange, on entre dans une sorte d’ère classique. C’est ici qu’on trouve la version studio de «Sweat», l’autre grand hit du JSBX. Ils savent groover la couenne d’un cut. L’autre hit d’Orange est le «Brenda» qui ouvre le bal de la B. C’mon ! Il traîne sa Brenda dans le heavy beat sourdingue, Brendaaaa ! Il faut voir comme il la réclame. Par contre, dans «Bellbottoms», tout est déboîté de la clavicule et ils nous riffent «Ditch» à la torchère. C’est complètement ébaubi à la volée, claqué à la claquemure, ça gicle dans l’œil du typhon. Puis ils nous cavalent «Dang» ventre à terre, ça tagadate dans la pampa et ça ratiboise sans pitié. En prime, Spencer nous thérémine  tout ça jusqu’à la moelle. On sent une énergie considérable, sur cet album, peut-être même un peu trop. «Full Grown» sonne comme une overdose : trop de concasse, trop de démantibulage, trop d’esquisses de jambes brisées. Par contre, on se régale de «Flavor» et de sa belle déglingue. Ils nous tarpouinent ça dans la cuvette, même si la formule paraît tourner en rond dans l’arène des pommes.

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             C’est sur Mo’ Width que se niche la perle parmi les perles : «Memphis Soul Typecast». Voilà le hit parfait. Rusell attend un peu pour jouer. Doug Easley joue de l’orgue et ça sonne comme le Sir Douglas Quintet. Jon Spencer ramone son riff et Christina chante à la surface du meilleur groove de Blues Explosion of the United States of America, qu’elle répète, et derrière elle, Jon Spencer ramone son riff - Fried chicken & rice & coffee/ Mashed potatoes/ Italian dressing/ Blues explosion/ Mummmm ha ha ha ! - Elle éclate de rire. C’est le groove génital par excellence. L’un des joyaux de la couronne. L’autre coup de génie s’appelle «Out Of Luck» - Ouh ah ! - Il tremblotte de génie suicidaire, poussé dans le dos par le sax de Kurt Hoffman, c’est vite emballé et pesé, Spencer sort le Grand Jeu, c’est-à-dire les guitares et le sax. Joli coup de Stonesy avec «Wet Cat Blues». Spencer travaille son heavy blues au corps, il vise le non-respect des conventions. Il déguise sa Stonesy. Ce «Wet Cat Blues» pourrait très bien se trouver sur Exile, un album que Spencer connaît d’ailleurs très bien. «Afro» sonne comme un gaga groove intrinsèque, c’est-à-dire joué de l’intérieur. Awite ! C’est bardé de relances métaphysiques. Le groove de gratte est tellement présent qu’il semble intraveineux. Par contre, Spencer sort un son d’une incroyable sécheresse pour «Cherry Lime». Il chante dans le fond du son, loin derrière. Il n’est pas homme à se mettre en avant. Il pousse des hurlements déconnectés de la réalité. Il amène son «Johnson» au petit gratté de non-recevoir. Il sait très bien ce qu’il fait. Il œuvre en lousdé. Il se glisse derrière le groove. Spencer est un petit renard du désert. Il peut même miauler - Johnson ! Miaaaahhooo ! - Il sait allumer une mèche et doser le suspense. C’est tellement bien dosé qu’on s’incline. Ça finit bien sûr par exploser.

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             Autre grand classique du JSBX, Now I Got Worry paru en 1996. C’est l’album exacerbé par excellence, bien amené par «Skunky» que Spencer screame à gogo. Ça riffe et ça pulse dans la bouillasse. Le hit de l’album s’appelle «Wail», joué à l’insistance fondamentale. Belle dynamique de sex boogie, ju-ju-ju go to hell ! Fabuleuse énergie de l’idée. L’autre gros coup se trouve en B : «Firefly Child», amené au riff de destruction massive à la Blue Cheer. Il fallait oser le faire. D’autant que Spencer calme le cut incidemment avec des exercices de chat perché délinquant. En fait il pompe sans le savoir le riff du «Black Dog» de Jimmy Page. Si on aime le riff, alors il faut aussi aller regarder de près «2Kindsa Love», car ça riffe jusqu’à plus soif, dans un chaos étourdissant de cassures de rythme. Ils font de la cisaille industrielle. Il bouclent l’A avec un admirable clin d’œil à Rufus Thomas : «Chicken Dog». On entend même Rufus à l’entrée du cut. Ils nous jouent en B «Hot Slot» sous le boisseau du Blues Explosion - Ahhh gimme love - et passent au rumble de piano pour fusiller «Can’t Stop» dans les règles, avec du volume et une certaine distance altière.

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             Le live Controversial Negro sort dans le foulée, avec un portrait de Jagger sur la pochette. On y retrouve bien évidemment toute la quincaillerie du JSBX, le groove de gras du bide de type «Can’t Stop», do it do, il raconte n’importe quoi, un «Son Of Sam» screamé dans le gasoil de son a bitch, un «Skunk» en B qui ressemble au paradis du break de syncope, et «Fuck Shit Up» qui va encore plus loin dans la syncope de beat fucked up. Spencer ne jure que par le blast. Il chante comme un bouc en rut. Il hurle dans le désert. Tout est grillé d’avance. Russell Simins emmène «Hot Slot» à l’énergie rockab. «Get With It» ? Pas de pire punition au jardin de Sodome. Ça pulse et ça gueule. On voit bien qu’avec «Cool Vee», le JSBX s’inscrit dans l’action de son temps. Ils incarnent parfaitement le wild side du rock US, une espèce de free spirit incandescent. Ils roulent leur «Afro» comme une grosse chipolata dans la farine d’awite et se livrent à un extraordinaire festival de retours de manivelle dans «Blues Explosion». Une fois de plus, ils sonnent comme le groupe de rock américain idéal. Sharp & hot on heels. Fantastique festin de warghhhh !

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             Autre gros classique de la JXmania, voici Acme, paru en 1998 sous une belle pochette écarlate. Sans doute l’un de leurs albums les plus denses, qu’il faut écouter en fin de soirée, lorsque l’alcool et la compagnie sont triés sur le volet. On est bien obligé de parler d’un coup de génie avec «Talk About The Blues», car le JSBX envoie gronder des infra-basses. Ils jouent à la terrific heavyness du Loch Ness. Punchy and dark. Ça cogne bien l’estomac. L’autre cut mystificateur s’appelle «Do You Wanna Get Heavy». Il s’agit d’un fabuleux slow groove chanté à la glotte généreuse d’un authentique stentor et rehaussé d’une soudaine percée d’achalandage vitupérant. Avec «High Gear», ils reviennent au big bad riffing - High gear baby - Ils mutent le trash-punk en débinade inusitée. Encore une fois, il faut savoir le faire. Ils passent à la pop avec «Magical Colors». Ça leur va plutôt bien et ça nous repose de tous les excès de violence. Jon Spencer se fend là d’un joli groove de Soul. Étonnant revirement de la part de cette équipe de forcenés du concassage et du freakout. Ils reviennent aux infra-basses avec le «Lovin’ Machine» d’ouverture du bal de B, big heavy suburban sound. Ce démon de Spencer parvient tout simplement à inventer le trash-blues new-yorkais du futur. Rien de moins. On les voit aussi traîner «Give Me A Chance» dans une épaisse boue de disto. Ah comme ces brutes sont cruelles ! Elles ne respectent rien.

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             Paru la même année qu’Acme, Acme Plus grouille de grosses poissecailles, tiens comme ce «Wait A Minute» qui incarne l’exacerbation. Spencer fait bien monter sa sauce - Hold on !/ I can’t wait no more - À cet instant précis, il devient le maître du monde. Il sait faire monter une sauce. C’est le JSBX Sound par excellence, avec ses relents de ferveur géniale. Mais il est aussi capable de proposer des tas de cuts qui ne servent à rien comme «Get Down Lower». Il fait des ravages avec «Confused», c’mon do it ! Jon Spencer cherche un passage vers un monde meilleur, keep comin’ hey ! Il n’en finit plus de relancer, keep comin’ ! Confused ! I don’t know why ! I’m feeling so confused ! Magistral. Judah joue ensuite «Magical Colours» à la clairette de Die. C’est le côté angélique du JSBX. Spencer croone et challenge les filles des chœurs. Il revient plus loin avec un «Bacon» plus violent. On le sent déterminé à baconner, awite ! C’est bombardé d’électrons. Spencer sonne comme un B52 et derrière, Russell sonne comme le tambour des galères. Puis ils tapent «Blue Green Olga» au ouh ! et aux machines. C’est explosif - Ouh ! She is blue green/ She is blue/ And I love her/ yes I do - Spencer lance sa petite insurrection, so I do ! Ouh ! C’mon Olga ! Ouh ! Il est le plus fantastique pousseur d’ouh de l’histoire du rock. Back to the heavy groove avec «Heavy». Il nous groove son «Heavy» sous le boisseau. Il fait ça mieux que tous les autres, avec des coups de gratte bien pires. «Lap Dance» nous plonge une fois de plus dans l’excellence de l’apanage. Ils déroulent le tapis rouge de leur diskö beat pour Andre Williams. Spencer chante ensuite «Right Place Right Time» à l’excédée, il shake le vieux Right Place du Dr John à la démence de la prestance, il roule ça dans la fantastique farine. On est dans la spencerisation des choses et il enchaîne avec «Electricity» où volent des oiseaux d’acier. Ils rasent la ville et on entend des chœurs de punks anglais qui ont bu trop de bière. Retour des grandes énergies avec «New Year», il monte sur les barricades, do it ! Yeah ! Le JSBX ramène des relents de Third World War, tout est tellement noyé de riffalama qu’on finit par ne plus savoir quoi dire ni penser. Il nous en bouche encore un coin avec «TATB (For The Saints & Sinners)», un gospel batch à la JSBX, yeah fait la foule et un heavy bassdrum rentre dans la gueule du bénitier - Ah don’t play blues/ Ah play wock and awl - C’est télescopé de plein fouet, seul un fou du son comme Spencer peut réussir un coup pareil, ouh ! Sa voix oscille comme celle de Martin Luther King, il nous emmène aux confins de la pire légende - I saw a brand new day ! - Mais au bout d’un moment ça ne marche plus, comme le montre l’«Hell» qui suit. Le c’mon do it finit par générer du gros bâyé aux corneilles. Il termine cet album mirifique avec un slowah torride intitulé «I Wanna Make It All Right». Il connaît tous les secrets de l’insufflé. Il shoote tout son power entre les cuisses du cut. Quelle violence !

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             Ce Sideway Soul + Dub Narcotic System date de 1999 et Spencer fait du banana split dès «Banana Version». Il relance sa machine à formules avec une belle brutalité et nous gratte ça au big heavy shuffle d’I got the move et de come on now baby ! Son truc c’est d’allumer la gueule d’un cut, I got to do it ! Look out baby ! Il drive bien son hot sharp shit de choc. Il reprend plus loin les rênes de «Fudgy The Whale» et met Calvin Johnson au-devant de la devanture. Ils chantent ça à deux, yeah !  C’mon jump ! Spencer n’a aucune patience. Il nous claque ça les deux doigts dans le nez. Il ramène «Frosty Junction» comme une espèce d’emblème de la modernité. Il fait entrer un klaxon dans son groove de crocodile, c’est indécent, on peut même parler de belle idée inconvenante. On a là une vraie tentative de son, une réelle approche de l’inconvenance en tant que concept. Retour au heavy groove avec «Diamonds». Il trempe dans toutes les combines de baryton du diable, il soigne son cut au ripe the ice, yeah ! Pur jus de crazy diamond. Le morceau titre flirte dangereusement avec le heavy garage et génère du groove des enfers. Spencer gratte sa gratte dans le vide, c’mon do it ! Ils terminent avec un «Calvin’s On A Bummer» saturé de heavy boom boom. Spencer joue à l’attardée, il gratte de vieux relents, il sait de quoi il parle.

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             Sacré retour de manivelle que ce Plastic Fang qui date de 2002. Le coup de grisou de l’album s’appelle «Hold On», il y invoque les démons du Funky Broadway, baby baby ! Et ça gratte dans l’os du genou, il roule pour nous, hold on baby ! Let’s get it ! Après le coup de grisou, voilà le coup de génie : «She Said». C’est du JSBX explosif porté aux nues. Quel excellent puncher ! Il atteint l’inaccessible étoile. Il faut bien dire que le «Sweet N Sour» d’ouverture de bal vaut aussi le détour, car très dévastateur, summum du punch-up, Spencer soigne sa droite. Un départ en solo couronne son aura brûlante de détermination. Russell déboule derrière à la déboulade. Ces mecs ne s’accordent aucun répit. Avec «Money Rock’n’Roll», Spencer pulvérise ses records de c’mon let’s go et gratte le plus gras des gimmicks qu’on ait vu ici bas. Voilà un «Torn Up And Broke» assez rampant, chanté à l’haleine chaude. Il croone dans l’âme du son, et il a cette façon d’éclater le Pont des Arts du rock - I feel so hurt - Il n’y a que lui pour diluer une telle huile. Il s’agit là d’un album assez exceptionnel, tout est joué au délié de groove enrichi et le son suinte de réverb. Il repart de plus belle avec «Shakin’ Rock’n’Roll Tonight», get down ! C’mon rock’n’roll ! Il pousse bien le bouchon de l’interjection dans les orties, avec un solo gras à la clé. Il n’en finit plus de réinventer la façon de jouer le rock, well alrite ! C’mon ! «The Midnight Creep» sonne comme du typical JSBX, bien amené à la ramasse de la rascasse, Spencer harangue les bras cassés de l’underground, right now ! Il claque bien le cocotier des cloches, c’est même exemplaire. Il faut bien admettre que ça reste assez spectaculaire, babe c’mon ! Crazy as hell ! Il est indispensable de se plonger dans cet album pour en goûter la fleur. Tout est gonflé de son, bien ramoné de la cheminée. Slowah magnifique de ce «Mother Nature», comme orné de chœurs de Judah, c’est la Beautiful Song par excellence, claquée aux accords clinquants avec toutes la fièvre adolescente du gonna be wasted. Il termine avec un «Mean Heart» gratté à l’acou. Spencer sonne comme un desperado des Basses Alpes. Il passe par tous les défilés, c’est joué à l’excès de légendarité. Final apoplectique. Voilà encore un cut digne des plus gros hits du temps d’avant.

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             En 2004, le JSBX jouait à l’Élysée Montmartre pour la promo de Damage. Ni le concert ni l’album n’ont laissé un grand souvenir. Spencer prend son morceau titre à l’intimisme de la déconstruction et impose le stomp des ladies & gentlemen. Damage ! C’est heavy et bien épais. Ils réveillent les vieux instincts avec «Burn It Off», c’mon ! Spencer lance ses troupes de chœurs superbes, il fait sa soupe et vient couiner à l’encoignure du couplet. Voilà un cut réellement conçu pour enflammer. Ils proposent plus loin un «Crunchy» bien crunché, doté d’un bon groove de hardship. Spencer s’amuse bien, il est dans l’abattage de groove. Puis avec «Hot Gossip», il revient au vieux Memphis Soul Typecast. Get on up ! L’autre très gros cut de l’album s’appelle «Mars Arizona», c’est explosé de son, auto-submergé, martelé, pourri d’infra-basses, uh, c’mon ! Terrific ! Tout le son du monde est là, les basses dévorent le son, c’mon, on n’avait encore jamais entendu un truc pareil. Avec Jon Spencer, il faut rester sur ses gardes, ce mec est capable de coups de génie. La beauté plane sur «You Been My Baby» comme un vautour et ils amènent «Help These Blues» à la pompe Spencer. On tombe ensuite sur un «Fed Up And Low Down» assez démantibulé. On peut leur reprocher cette incartade, mais ils se rachètent avec un départ en virée de folie. Extraordinaire dévoyade ! C’mon !

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             Paru en 2012, Meat And Bone est l’archétype de l’album antipathique. La pochette nous offre le spectacle d’un gros tas de barback suspendu en l’air à côté d’un crochet de boucher. Il faut avoir l’estomac bien accroché pour aller écouter ça. Pas de hit, ici, mais du décarcassage. Ils violentent le beat du «Black Mold», le jouant au limon trash-blues avec des effets de complémentarité sonique du meilleur cru. Mais très vite, on s’aperçoit que le JSBX tourne en rond. Ce qui semble logique vu leur peu de goût pour la mélodie. Ils proposent un «Boot Cut» profilé sous le vent, comme porté par une bassline entreprenante. En B, «Bottle Baby» sonne comme un sauveur d’album avec son joli mélange de déclamation expéditive, d’exaction de buzz fuzz et d’arpèges luminescents. Ils touillent vraiment leur soupe en toute impunité. On sent une tentative de songwriting dans «Black Thoughts». Spencer aménage des climats et on accueille chaleureusement les relances aventureuses. Mais l’album peine à plaire. On se remonte le moral avec la photo du groupe qui orne le dos de la pochette. Russell Simins a grossi, Judah Buaer semble de plus mélancolique et Jon Spencer prend un tout petit coup de vieux, oh pas grand-chose. 

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             Freedom Tower. No Wave Dance Party 2015 paraît en 2015. Serait-ce le dernier album du JSBX ? Allez savoir. Ils nous refont le coup des infra-basses avec «Wax Dummy». C’est même du hip hop, du pur jus de New York Sound - Let’s get down - Le hip hop leur va comme un gant de cuir clouté. En A on trouve encore un «White Jesus» axé sur le vieux heavy groove. Avec cet album encore plus expérimental que les précédents, Spencer cherche la voie de la rédemption. En B, on tombe tout de suite sur l’excellent «Crossroad Hop», un heavy groove qui tourne en rond. Look out ! Ils ne savent plus comment avancer, mais ça ne les empêche pas d’enregistrer. C’est probablement le hit du disk, ils nous le bardent de gimmicks de blues, ça dégouline de gras, avec un brave beat bien fiable. Plus loin, Spencer chante «Dial Up Doll» avec de faux accents de Lou Reed. Stupéfiant dans l’approche du chant et la façon de battre les accords. C’est du panache de type Velvet et la nouvelle d’un rapprochement aussi inespéré, ça s’arrose.

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             Attention à Jukebox Explosion. Rockin’ Mid-90s Punkers, une compile parue en 2007 sur In The Red. C’est l’album du JSBX qu’il faut emmener sur l’île déserte. Larry Hardy a compilé des singles qui relèvent tous de l’énormité catégorielle. On y trouve deux clins d’yeux aux Stones, «Ghetto Man» et «Do Ya Wanna Get It». Steve Jordan joue sur «Ghetto Man» et Hardy dit qu’en studio Jordan interdit l’alcool et les jurons. C’est nous dit aussi Hardy un full tilt boogie punker. Steve Jordan est ce batteur génial qui joue dans les Xpensive Winos de Keef. Sur le puissamment chanté «Do Ya Wanna Get It», on retrouve Dr John au piano. Suprême fuzzbuster, pur jus de Stonesy. En B, trois énormités nous décrochent la mâchoire : «Bent», «Fat» et «Down Low». Hardy qualifie «Bent» de punkified monster et il a parfaitement raison. Jon Spencer fonce dans le mur du son et le percute avec tout le poids d’un bélier de l’antiquité. Motherfucker ! C’est l’un des cuts les plus fascinants du JSBX, tous mots bien pesés. Spencer chante «Fat» en miaulant. Il est admirable. C’est nous dit Hardy du heavy duty trashin’ et un sax chauffe le cut à la Fun House de Marrakech. «Down Low» est encore plus wild que le Far West de Buffalo Bill, d’autant que superbement battu par Russell et poivre. «Latch On» n’est que du pur jus de Pussy Galore, un cut qu’Hardy qualifie d’intense raver. Et il a raison, encore une fois. Ils jouent «Shirt Jac» à l’énergie rockab, belle dégelée d’hot sharp shit, hi speed raver, for sure. L’un des cuts vraiment spectaculaires de cette foire à la saucisse est la reprise du «Son Of Sam» de Chain & The Gang, rehaussée par le sax de Kurt Hoffman qui nous sort là un son irrationnel et provocateur - Son of a bitch ! - Encore un hommage à Rufus Thomas avec ce «Train #3» enregistré chez Doug Easley à Memphis, pas moins. Ah ! Uh ! Spencer encaisse bien les coups. Steering stomper nous dit Hardy en parlant de «Caroline». Il a encore raison, le bougre, pas de stomper plus sneering que celui-là. Puis le JSBX rend hommage à David Yow, le chanteur fou de Jesus Lizard, avec «Naked», car nous dit Hardy, Yow se mettait couramment à poil sur scène. On tombe plus loin sur une reprise du mighty «Get With It» de Charlie Feathers et Boss Hog fait irruption dans ce smokin’ romper qu’est «Showgirl PTS 1 & 2». Enfin bref, c’est un album qui ne craint ni la mort ni le diable. On y va les yeux fermés.

    Signé : Cazengler, Spencer les fesses

    Jon Spencer Blues Explosion. The Jon Spencer Blues Explosion. Caroline Records 1992

    Jon Spencer Blues Explosion. Crypt-Style. Crypt Records 1992

    Jon Spencer Blues Explosion. Extra Width. Matador 1993

    Jon Spencer Blues Explosion. Orange. Matador 1994

    Jon Spencer Blues Explosion. Mo’ Width. Au Go Go 1994

    Jon Spencer Blues Explosion. Now I Got Worry. Matador 1996

    Jon Spencer Blues Explosion. Controversial Negro. Matador 1997

    Jon Spencer Blues Explosion. Acme. Matador 1998

    Jon Spencer Blues Explosion. Acme Plus. Mute 1998

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    Jon Spencer Blues Explosion. Extra-Acme. Toys Factory 1999

    Jon Spencer Blues Explosion. Sideway Soul + Dub Narcotic System. K 1999

    Jon Spencer Blues Explosion. Plastic Fang. Matador 2002

    Jon Spencer Blues Explosion. Damage. Mute 2004

    Jon Spencer Blues Explosion. Meat And Bone. Bronzerat 2012

    Jon Spencer Blues Explosion. Freedom Tower. No Wave Dance Party 2015. Shove Records 2015

    Jon Spencer Blues Explosion. Jukebox Explosion. Rockin’ Mid-90s Punkers. In The Red 2007

     

    Wizards & True Stars

    - Le cas Dave est encore chaud (Part Two)

     

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             Dans la cour des grands, on croise aussi les frères Davies. Ces deux banlieusards ont monté dans les early sixties un joli fonds de commerce, les Kinks. Leur petit biz est même devenu une institution, du même ordre que celles des Stones ou des Who. Ray et Dave Davies ne sont rien l’un sans l’autre. On a en France une fâcheuse tendance à vouloir tout résumer à Ray, grave erreur, car pas de Kinks sans Dave. Les frères Davies ont quatre volumes autobiographiques à leur actif, deux chacun, mais nous allons donner la priorité à Dave pour entrer dans le jardin magique des Kinks.

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             Dans un récent numéro de Classic Rock, Dave acceptait gentiment de répondre aux questions de Rob Hughes. Dave atteint désormais l’âge canonique de 71 balais et refuse de lever le pied. Ah ces rockers, tous les mêmes ! Hughes s’étonne qu’on retrouve sous le lit de Dave des cartons remplis d’enregistrements de chansons inédites. Dave explique qu’il ne veut pas se confronter aux émotions que traduisaient ces vieilles chansons, alors il laisse ses fils Simon et Martin s’occuper de ça. Quand il revient sur l’âge d’or des Kinks, Dave tient à préciser des choses extrêmement importantes. Bon nombre de ses contemporains trouvaient un exutoire dans la dope et au beau milieu du carnaval qu’était le Swingin’ London, Dave s’est mis à réfléchir - I had to reassess my whole life - Oui, tout réévaluer. Ça le conduisit droit à un spiritual and emotional breakdown au début des seventies. Il se mit alors à pratiquer le yoga et à étudier l’astrologie. Il mit deux ans à se reconstruire - It can be a struggle to be human. It’s hard work for all of us - L’autre point fort de l’interview, c’est bien sûr l’évocation de leur jeunesse, lui et son frère Ray, et leurs six sœurs à Muswell Hill. Big family, des tas d’oncles et de tantes, des fêtes chaque dimanche, quelqu’un qui s’assoit au piano et toujours un banjo qui traîne. Voilà d’où viennent les Kinks. Et bien sûr, Dave annonce le scoop que tout le monde attend depuis longtemps : il va retrouver son frangin Ray en studio pour un nouvel album des Kinks.  

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             Quatre ans plus tard, Dave se re-confie, cette fois à Cam Cobb. Il repart du point de départ, l’objet de sa première fascination musicale : Lead Belly - I thought Lead Belly was a really interesting person - His character and  his life. And it shows how real his music was - Dave se souvient aussi des sixties comme d’un circus. Il voyait le music business comme un weird circus - That’s what the clown thing is about - Il évoque bien sûr «The Death Of A Clown». Quand il repense à toute cette époque, Dave se marre : «They kept telling me that I was a bit of a pin-up boy.» Son frère Ray et le manager Robert Wace le poussent à faire l’acteur. Il se dit fasciné par l’idée et rêve d’Hollywood. Mais ça ne marche pas. Dave se sent uncomfortable. Puis quand Pete Quaife annonce qu’il quitte le groupe, Dave sent que c’est la fin - I think a part of the Kinks died when Pete left - Et plein d’autres petites confidences. En fait Dave donne l’interview pour annoncer la parution de son deuxième volume de mémoires, Living On A Thin Line.

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             Bon book. Grouille d’infos. Pas le book du siècle, mais il s’agit des Kinks, after all. Et puis l’écrivain chez les Kinks, c’est Ray, pas Dave, à ce qu’on dit. On s’attendait en fait à un book introspectif, dans l’esprit des deux volumes autobiographiques de Brett Anderson, mais Dave opte pour le récit autobiographique classique, évoquant ses racines à Muswell Hill puis le Swingin’ London et ses excès. Il donne de ravissants petits coups de projecteur et repasse au peigne fin la discographie de ce groupe devenu Kult. Du coup, on ressort les albums de l’étagère. On croit toujours bien les connaître. Quelle prétention !

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             Pour lancer son récit, Dave relate l’attaque cérébrale dont il a été victime et qui a failli l’emporter. Il raconte ses deux semaines de convalescence chez Ray qui, dit-il, «se sont vite transformées en cauchemar». Oh ce n’est pas qu’il n’aime pas Ray, mais selon lui, Ray est un vampire qui pompe l’énergie des gens. C’est d’ailleurs ça qui fait de lui le songwriter qu’il est devenu, mais Dave ajoute qu’il faut être très strong pour le fréquenter. Comme Dave sortait de l’hosto et qu’il ne tenait pas debout, ses réserves d’énergie étaient à plat - For fuck’s sake! Ray, I love you, but really I don’t have much to give you at the moment - Voilà le style de Dave : ironique, Kinky, une pincée de slang, presque une parole de chanson. Puis il attaque le chapitre roots, rappelant que les deux guerres mondiales et le blitz ont rendu les working class people d’Angleterre très résistants. Il donne tous les détails, même l’adresse d’une famille devenue mythique, la famille Davies, au 6 Denmark Terrace, on Fortis Green, la route qui va d’East Finchley à Muswell Hill. C’est là que Mum and Dad Davies élèvent les futurs princes du Swingin’ London. Petits, les deux frères sont déjà extrêmement créatifs : ils inventent un langage pour communiquer entre eux. Dave cite un exemple : il dit à Ray «Ballo ballo, shiga shuga la ballo», et Ray sait exactement ce que ça veut dire. Puis Dave évoque ses trois passions d’ado : la musique, le foot et les filles. Il dit avoir commencé à se branler dès l’âge de douze ans, comme tout le monde. Sans la musique dit-il, il aurait sans doute fini voleur à la tire.

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             Alors commence la valse des premiers émois : Lead Belly, Charlie Gracie, Big Bill Broonzy, un Big Bill qu’il trouve très en avance sur son temps. Et puis Lonnie Donegan. Il flashe aussi sur la Symphonie En Ré Mineur de César Frank - It stopped me dead in my tracks - Tout cela ressemble à une fabuleuse éducation sentimentale. Il dit aussi détester l’école. Il a cinq ans et sa mère l’amène à l’école primaire le jour de la rentrée des classes. Dave décide que l’école ne lui plait pas et rentre chez lui. Il dit à sa mère : «Look, I’ve been to school and don’t like it.» Sa mère le ramène de force à l’école. Aucun souvenir des deux années suivantes. Il apprend à lire et joue au foot. Il réussit quand même à se faire virer un peu plus tard, et quand il voit sa mère éclater en sanglots, il la rassure - It’s all going to be fine - Et là, il attaque le chapitre le plus douloureux de son histoire : sa relation avec Sue. Ils sont ados et ils baisent tous les jours. Quand Sue est enceinte, Dave est ravi, mais les parents le sont moins. Ils décident de séparer le couple. Dave apprend par sa mère que sa fille s’appelle Tracey. Il devra attendre trente ans pour revoir Sue et sa fille. Il n’a jamais pardonné à sa mère d’avoir été complice de cette épouvantable machination. Il sort de cette histoire complètement traumatisé. Ce sont les pages les plus émouvantes de ce volume.

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             À cette époque, Ray et lui commencent à bricoler des idées sur le piano de Denmark Terrace. Ray joue un riff : c’est le riff de «You Really Got Me». Il le joue à deux doigts et Dave ramène sa guitare pour le jouer en accords. Deux jours plus tard, Ray écrit les paroles de ce qui allait être leur premier hit - Girl/ You really got me going/ You got me so I don’t know what I’m doing - On connaît ça par cœur. C’est un hymne. Puis Dave nous donne tout le détail de la deuxième session d’enregistrement de Really Got Me avec Shel Talmy, en juillet 1964. La première session a foiré lamentablement et là, c’est quitte ou double. Shel le sait. Il n’a plus droit à l’erreur. Terminé la réverb et l’echo bullshit, les frères Davies veulent du raw. Comme Mick Avory vient d’être recruté, il n’est pas encore assez expérimenté, aussi fait-on appel à Bobby Graham. Dans le studio, on voit aussi apparaître Phil Seaman, le mentor de Ginger Baker, et Jimmy Page, au cas où. Mais Dave met les choses au clair une bonne fois pour toutes : c’est lui qui joue le killer solo flash qui va devenir le modèle du genre. Dave rappelle qu’il était un agressive kid who wanted to play - It was my guitar sound and my guitar solo - Really Got Me sort en août 1964 et devient number one en Angleterre. Et l’un des fleurons du Swingin’ London, avec tous les hits des Stones, des Beatles, des Troggs, des Who et des Yardbirds. Avec sa reprise de Really Got Me, Jesse Hector réussira à récréer dix ans plus tard ce moment de pure frenzy : sans aucun doute le plus bel hommage jamais rendu à Dave Davies.

             Les frères Davies ont donc réussi à monter un groupe avec Pete Quiafe, copain d’école de Ray, et Mick Avory au beurre. Comme ni Dave ni Ray ne veulent jouer de la basse, c’est Pete qui en joue. Et comme il est guitariste, il fait un merveilleux bassman, comme le sont Noel Redding dans l’Experience, et Ron Wood dans le Jeff Beck Group. Dave dit de Pete qu’il était ahead of the game with the bass. Pete va rester dans le groupe jusqu’à The Kinks And The Village Green Preservation Society. Quant à Mick Avory, il avait joué un peu avec les Stones avant l’arrivée de Charlie Watts.  C’est leur tourneur Arthur Howes qui trouve le nom du groupe - We were ‘kinky’ in the way we looked and dressed - Dave fait bien sûr référence au kinky sex, c’est-à-dire le sexe coquin. Du coup, ça devient nous dit Dave un «risqué new name» qui ne manquera pas d’attirer l’attention. Dans l’entourage des Kinks, on retrouve aussi le fameux Larry Page qui avait tenté de devenir popstar en se teignant les cheveux pour devenir ‘The Teenage Rage’. Page est l’associé de Robert Kassner, le manager des Kinks. Ray et Dave finiront pas se débarrasser de Larry Page qui leur coûte un fortune et dont ils ne sont pas contents.

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             Quand sort le premier single des Kinks produit par Shel Talmy sur Pye, «Long Tall Sally/I Took My Baby Home», Dave n’a que 17 ans. Ils vont rester chez Pye jusqu’à Lola Versus Powerman And The Moneygoround, paru en 1970, qui, nous dit Dave, synthétise bien le style des Kinks - the album looked two ways at once, avec des paroles qui voletaient comme un papillon et a ‘fuck you’ attitude qui bourdonnait comme une abeille - Et bien sûr, Ray s’en prend aux aspects grotesques du music biz. Plus loin, Dave redéfinit le style des Kinks d’une formule extrêmement brillante : «A typical Kinks pull-together of rock and roll with occasional hints of vaudeville and dark humour.» Il rappelle aussi que depuis le début, les Kinks n’ont jamais voulu se couler dans le moule des Beatles. Et qu’ils ont toujours su sortir du lot. Mais en même temps, le groupe n’a jamais été très solide - On a toujours vécu avec la peur de voir le groupe se désintégrer - C’est le prix à payer pour la singularité. Le groupe va mourir de sa belle mort, c’est-à-dire de vieillesse. Quand ils sont invités au UK Music Hall Of Fame en 2005, on leur demande s’ils vont jouer tous les quatre. Compliqué dit Dave, qui vient de faire une attaque cérébrale, Ray vient de prendre une balle dans la jambe à la Nouvelle Orleans et Pete est dialysé. C’est Chrissie Hynde qui va jouer quelques hits des Kinks pour la cérémonie, pendant que les vieux pépères iront clopin-clopan se taper un curry au Fortis Green Tandori de Muswell Hill, à deux pas de Denmark Terrace - The last time the four of us original Kinks would be together - Le livre de la vie se referme toujours de la même façon. Avec cette image hautement symbolique, Dave Davies devient un fantastique écrivain.

             Back in the Swingin’ London, c’est-à-dire au paradis du sex, drugs & pop world. Sainte trilogie. Dave parle très bien du sexe. Il attire facilement les gonzesses et les petits mecs. On le trouve souvent au plumard with a gang of female groupies, pour reprendre son expression - Drugs and parties became so outrageous - Il partage une baraque avec Mick Avory on Connaught Gardens, il y a toujours des groupies partout and the bedrooms were never quiet. Il rappelle un postulat de base : «If you happened to be a member of a successful rock band, sex was everywhere.» Le sexe fait partie du jeu. C’est même le moteur principal, l’alibi du rock. Tu veux passer la soirée au Swingin’ London ? Dave te donne le programme : ça commence dans un pub de Carnaby Street, le Shakespeare Head ou le Blue Post, où tu vas trouver des drogues. Des amphètes, par exemple, les fameux Purple Hearts que tu avales avec un verre de vin blanc, puis tu peux tirer sur un joint. À la fermeture du pub, tu files au Flamingo, ou ailleurs, puis tu finis la nuit au Scotch of St James. Forcément, il y a un after, par exemple chez Dave à Muswell Hill, ou dans un hôtel à Kensington, pour partouzer. Et ça, c’est tous les jours. Too fast to live, too young to die, comme dirait l’autre. La vie est faite pour être vécue. Comme Dave est beau, il devient vite un dandy - Dandy, Dandy/ Where you gonna go now - Il est un dedicated follower of the fashion - The elegance of hipster trousers, jackets, boots ans belts. I loved Oscar Wilde style - Il admire aussi Brian Jones, dit de lui qu’il est le seul autre homme à Londres qui sache s’habiller. Brian Jones, Dave et Oscar Wilde constituent la seconde sainte trilogie du Swingin’ London. Il suffit de voir Dave sur la pochette d’Hidden Treasures : c’est du Wilde pur, même grâce indicible, même élégance naturelle. Dave se coiffe comme Wilde, avec la raie au milieu.

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             Pendant une tournée, Dave que sa mère appelle David, fait la connaissance d’un autre David, le futur Bowie qui à cette époque s’appelle encore Davie Jones. Bowie fait le rabatteur pour le compte de Dave et fait monter les gonzesses dans la chambre d’hôtel de Dave. Mais après cette tournée, ils n’auront plus l’occasion de se revoir. Lorsqu’il vit à Los Angeles, Dave rencontre le guitariste Reeves Gabrels dans un bar. Gabrels lui dit que Bowie démarre toutes les répètes de Tin Machine avec une cover des Kinks. Et puis souviens-toi que sur Pin Ups, Bowie rend hommage aux Kinks avec une cover magistrale de «Where Have All The Good Times Gone». Il reprendra aussi bien sûr «Waterloo Sunset».

             Comme les Kinks sont souvent à la même affiche que les Beatles, ils se fréquentent, mais ce n’est pas simple avec John Lennon. Il n’empêche que Dave voit l’influence de Lennon sur le groupe comme déterminante, sans lui, les Beatles ne seraient restés qu’un cute boy band de plus - He gave them attitude and grit - Et puis, il y a les fameuses shootes internes, pas toujours entre les deux frères. Dave raconte qu’un soir sur scène, Mick Avory lui a balancé une cymbale en pleine tête et qu’il s’est retrouvé à l’hosto. Tout le monde le croyait mort. À la suite de l’incident, Mick est viré. Les managers songent à le remplacer par Mitch Mitchell, mais finalement, ils le réintègrent dans le groupe. Pas de problème. Dave n’est pas rancunier. De toute façon, il passe son temps à dire que les Kinks sont en permanence au bord du désastre. Dave est aussi l’un des premiers à s’offrir la fameuse Flying V, d’abord faite pour Jimi Hendrix, puis commercialisée - this was the must-have guitar - Il paye 200 £ sa Gibson Futuristic.

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             Et puis, un matin, il se réveille au milieu d’un tas de corps endormis. Il se demande vraiment ce qu’il fout dans cette orgie. En 1967, il a 20 ans - Maybe it was time to grow up - Comme les chevaliers de la Table Ronde avant lui, Dave va partit en quête du Graal, c’est-à-dire la spiritualité. Mais c’est après un acid trip qui a failli mal tourner dans une chambre d’hôtel à New York qu’il change pour de bon. Il s’intéresse à la métaphysique, au mysticisme, à l’astrologie et au bouddhisme Zen - Absorbing all I could was like a rebirth - Il en parle longuement sans pourtant assommer son lecteur, car c’est le risque quand on fait étalage de ses connaissances. Il rend hommage à Aleister Crowley et à son Book Of Thoth, un précis d’interprétation du Tarot. Dave dit aussi que Crowley est devenu un peu fou à la fin de sa vie, mais, ajoute-t-il, who Am I to talk? We all go a bit mad. Il cite aussi Karl Jung «qui a essayé de comprendre ce qui se passait dans ce crazy inner world et comment il inter-agissait avec l’art et la musique.» L’enseignement que retient Dave et qu’il ambitionne de transmettre, c’est qu’en apprenant, on apprend à apprendre - Vous ne pourrez jamais apprendre tout ce qu’on peut apprendre, mais vous ne devez jamais cesser de continuer à apprendre. Humility and trust is the key - Dave survole son parcours initiatique avec une réelle élégance, et c’est la raison pour laquelle il faut lire son récit, car dans le genre, c’est un modèle. Très différent de ce que fait Dylan dans Chronicles. Dave est anglais, Dylan américain, ceci expliquant cela.

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             Puis il va remonter le long fleuve tranquille de la Kinkology, il évoque chaque album comme autant de points de repère, ce sont les jalons de sa vie. Il évoque longuement le Johnny Thunder qu’on croise dans The Village Green Preservation Society, personnage inspiré d’un biker de Muswell Hill qui s’est tué en moto. Dave rappelle aussi que Village Green entérine la fin de la première mouture des Kinks, car Pete quitte le groupe. Pour Dave, c’est la fin d’une époque, mais aussi la fin des real Kinks. Il n’empêche que le groupe continue et entre en studio pour enregistrer Arthur avec un nouveau bassman, John Dalton, qu’on verra à la Fête de l’Huma en 1974. Puis c’est Lola Versus Powerman And The Moneygoround, dernier album sur Pye, a very strong record, nous dit Dave. Puis voilà Muswell Hillbillies, the last album in the vein of earlier Kinks records. On reviendra sur tous ces albums fantastiques dans des Parts à venir. Dave ne cache pas son inquiétude à voir se développer la mégalomanie de Ray, il insinue que les Kinks deviennent alors Ray Davies’ backing band. Mais comme la vie est bien faite, Ray bascule soudain dans le néant : le jour de son anniversaire, sa femme Rasa quitte la baraque en douce, emmenant bien sûr leurs deux enfants. Ray est anéanti. C’est ce qui peut arriver de pire dans une vie d’homme. Dave dit que Ray n’a pas vu le coup venir. Et pourtant, les Kinks sont souvent en tournée aux États-Unis et passent leur temps à baiser des groupies. Dave parvient à gérer ce bordel avec sa femme Lisbet, une Danoise, mais chez Ray, ça n’est pas passé. C’est à l’époque de Preservation que les Kinks s’offrent un studio à Hornsely, le fameux Konk.

             Nous voilà en 1976 et Dave se dit fan de Johnny Rotten, parce qu’à leur façon, les Pistols reproduisent le modèle des Kinks - Naked agression or hilarious pisstake ? - Ray part s’installer à New York avec sa nouvelle épouse Yvonne et réussit à décrocher un contrat chez Arista, avec Clive Davis. Pour Dave, c’est encore un coup de génie de Ray. Ils enregistrent Sleepwalker. John Dalton quitte le groupe, remplacé par Andy Pyle. Au moment de Low Budget, Dave vit avec deux femmes : Lisbet, la mère de ses quatre fils, Martin, Simon, Christian et Russell, et Nancy, une Américaine rencontrée lors d’une tournée. Nancy met au monde un cinquième fils, Daniel, qui naît tout juste six mois après Russell, puis un sixième, Eddie. Pendant que Dave tente de faire tenir tout ça en équilibre, Ray se sépare d’Yvonne et se maque avec Chrissie Hynde, qui à l’époque tourne avec lui, alors forcément, ça crée des liens. Mais Dave s’inquiète car il voit bien que Ray n’a pas besoin d’un autre «mammoth ego». Il est sûr que leur relation ne va pas durer longtemps - They were two alpha cats, essayant tous les deux d’occuper le même territoire.

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             Les Kinks changent encore de label, les voilà sur MCA avec un nouveau manager, Nigel Thomas qui nous dit Dave peut bosser avec les Kinks puisqu’il a déjà bossé avec les Kray Twins  et Morrisey. Quand ils enregistrent leur 24e album Phoebia, ils pensent qu’il s’agit du dernier album des Kinks - But you know, never say never - Il leur faut 18 mois pour en venir à bout, c’est beaucoup trop long. Ray est revenu s’installer à Londres, mais Dave est parti s’installer à Los Angeles avec Nancy. Comme un océan sépare les deux frères, Dave dit que ça apaise leur relation. Et pouf, pendant une tournée, Dave rencontre Kate à Manchester. Leur relation va durer 15 ans.

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             Le dernier album des Kinks s’appelle To The Bone. Pourquoi ce titre ? Parce que c’est un retour aux sources, to the very earliest days of the band, dans le living room de Denmark Terrace.  Puis Dave rencontre Rebecca. Ainsi va la vie. Il termine cet excellente Kinkographie avec une chute spectaculaire : «La vérité, c’est que les gens vivent et les gens meurent. Je vais mourir un de ces jours, mais il se pourrait fort bien que je sois déjà passé dans le coin. Le jour de ma naissance, le 3 févier 1947, je suis descendu dans le canal utérin de ma mère et j’ai aperçu la lumière au loin. Oh fuck I thought. Here we go again.»        

             Dans un Part One mis en ligne sur KRTNT en 2013, on s’est penché sur son début de carrière solo, depuis AFL1-3603, paru en 1980, jusqu’à I Will Be Me, paru justement en 2013, un événement qu’on ne pouvait pas ne pas saluer.

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             Les albums de Dave Davies sont les albums de rock anglais dont on pourrait rêver chaque nuit. Pas besoin d’en rêver puisqu’ils existent dans la réalité, à commencer par le mirifique Belly Up paru en 2008, qui est en fait un album live enregistré au Belly Up en 1997. Et mirifique, c’est peu dire. Dave nous embarque dès «She’s Got Everything» avec un son fantastique et de la wild guitar à la clé. C’est aussi explosif que les premiers sets des Kinks. Petit conseil d’ami : écoute Dave Davies. Il passe aussi une version superbe du fameux «Susannah’s Still Alive», tiré du lost album jamais paru et qu’on retrouve sur Hidden Treasures. C’est fabuleusement kinky. Il tartine son Alive sur la brisure de rythme, oh Suzanne/ Still alive ! Il enchaîne avec «Creepin’ Jean», une autre merveille tirée elle aussi du Hidden Treasures. Puissance des enfers ! Fabuleuse débinade musicologique ! Dave Davies maîtrise l’art des relances particulières. Il joue tout au maximum des possibilités. L’album reste à un très haut niveau d’intensité, il est ultra perfusé de son, ça joue à deux guitares vibrillonnantes et Dave pose son chant là-dessus comme une cerise sur un gâtö. Chaque cut capte l’attention. Tiens, voilà «Wicked Annabella», une espèce de mad psyché congelée sur place et surchargée d’accords. Dave harangue à l’énormité catégorielle. Même les petits balladifs comme «Too Much On My Mind» flirtent avec le merveilleux. Dave va chercher son petit chat de dandy pour caresser le balladif. Et puis tout explose avec «Dead End Street». Il tape en plein dans le mythe. La foule n’en revient pas. Wow Dave ! Tu nous swingues la magie des Kinks ! Il le fait avec le power du dandy terminal. Il transfigure le mythe. Back to the roots avec «Milk Cow Blues», fabuleux shake de shook. Dave vise le stomp, comme à l’aube des Kinks. Nouvelle rasade mythique avec «I’m Not Like Everybody Else» et son riff universel, back to the silver sixties. Sauf que Dave ne chante pas ce hit comme Ray. Il nous stompe ça dans l’œuf du serpent et explose le deuxième couplet au chat perché. Il atteint la perfection. On croit qu’il va se calmer. Dave Davies se calmer ? Tu rigoles ? Pouf, voilà «All Day And All Of The Night». Imparable. L’apanage de Dave. Hot as hell, London 65. Dave devient l’Hadès du heavy riffing. Il tape ensuite une version de «Money» sur le même mode. N’oublions pas qu’on le tient pour l’inventeur du heavy rock en Angleterre. Il tape ensuite un «David Watts» à la pure sauvagerie, il l’embarque à fond de train, comme le veut la tradition du cut. Il tente de calmer les ardeurs de la foule avec «Unfinished Business», un puissant balladif qu’il prend au chat perché et achève le set d’un coup de «Really Got Me» joué en mode déflagratoire. Pas de pire Dave que Dave Davies. Il donne au rock anglais ses lettres de noblesse.

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             Paru en 2014, Rippin’ Up Time grouille aussi de coups de génie. Et ça démarre avec le morceau titre, saturé d’entrée de jeu. Dave nous passe une vieille dégelée de son à la ramasse de la rascasse, en bon seigneur qui se respecte. Il gère son rippin’ à la meilleure heavyness d’Angleterre. Effarant ! Le son semble fouillé dans ses fondations, il descend profondément - Rippin’ up time/ I’m out of my mind - La profondeur de sa heavyness outrepasse l’entendement - There is madness here - On voit les guitares ramper dans la couenne du son. Dave Davies a du génie, qu’on se le dise ! Avec «Front Room», il nous propose un joli brouet de puissante nostalgie. Il évoque l’époque où il apprenait à jouer le «Memphis Tennessee» sur sa guitare. Il joue son balladif aux accords sixties et chante ses vieux souvenirs d’un ton kinky. Il raconte les débuts des Kinks. Retour à la heavyness avec «Johnny Adams» puis «Nosey Neighbours», encore plus dévastateur. C’est du même niveau que Really Got Me. Même épouvantable swagger. À son âge, ce démon de Dave peut encore rocker comme un gamin. On l’attendait au virage : le solo fendu dans l’angle. Wow ! Il enchaîne ça avec un «Mindwash» dégoulinant de son. À force de nous épater, Dave Davies devient imprescriptible. Il sait tailler sa route. Puis on le voit sauter dans son vieux cut de jeunesse, «In The Old Days», c’est d’une excellence qui donne le vertige, il raconte la maison de la famille Davies - In the old days, when men were men/ In the old days, and Brittania ruled the waves - Alors oui, on s’enivre - Dancing in the front room/ Dad sings his favourite songs/ The music getting louder/ There’s a thumping from next doors - Puis il retrouve la veine de son frangin Ray pour «Through The Window», shoot de pop merveilleuse, pleine de collant, il chante avec le même accent décadent et du coup, ça accroche énormément, d’autant qu’il éclaire ça aux arpèges miraculeux. Des vagues de son viennent flatter le ventre du cut - The past is gone/ It’s all been said/ The road continues up ahead/ No regrets, what’s done is done/ The future is here with a brand new song - Cette baleine de son se balance dans l’océan du rock, folle de bonheur. Dave is the best.

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             Et quand il reprend tous des blasters sur scène, ça donne Rippin’ Up New York City Live. Comme dans Belly Up, il cale des vieux standards des Kinks, «I’m Not Like Everybody Else» et «I Need You». Il encorbelle ces vieux hits fantastiquement, il joue au délibéré. Fabuleuse présence riffique ! Il joue le heavy rock comme nobody else. C’est aveuglant de véracité intrinsèque. Il est l’âme du power sound. Il part en solo de dévastation latente, aw my Gawd, écoutez Dave Davies ! Il tape plus loin une version de «See My Friends» - One of my brother’s songs - Mais son «Rippin’ Up Time» ne reste pas en reste, ça rivalise de heavyness avec ses meilleurs coups d’éclat, il te riffe ça à la folie, il envoie rouler des rigoles de lave sonique, c’est un bonheur que d’entendre jouer ce survivant de l’âge d’or. Il explose au grand jour. Il passe des versions superbes de «Creepin’ Jean» et de «Suzannah’s Still Alive» et revient sur l’excellent «Death Of A Clown» qu’il prend à la glotte râpeuse. Ce Death aurait pu devenir un hit tellement c’est allumé à la bonne humeur. Il termine avec ce qu’il faut bien appeler la triplette fatale, à commencer par ce qui restera l’un des plus fameux hits des Kinks, «Where Have All The Good Times Gone». Dave le bouffe tout cru. Shout it out ! Pire que Bowie. C’est de l’heavy Dave, l’inventeur du genre. L’origine du monde. Il tape ça au power-blast de heavy doom, il jette ses couplets un par un down on the ground, c’est l’âme du rock anglais, Bowie l’avait bien compris. Il enchaîne aussi sec avec «All Day And All Of The Night» qu’on ne présente plus. Aw my Gawd ! Explosif ! Ce mec fout l’Angleterre par terre. Il nous explose ça dans un bouquet d’harmonies vocales all day and all of the night et il nous achève littéralement avec «You Really Got Me». Ah il faut le voir balancer sa purée. Tout le monde en prend plein la gueule. C’est du big Dave fondamental. Stupéfiante version avec un solo en forme de descente aux enfers.

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             On trouve sur Hidden Treasures les 13 titres du fameux lost album de Dave Davies. Le cirque dura quatre ans, de 1966 à 1970 : sortira ? Sortira pas ? Finalement, l’album n’est pas sorti. Les projets des Kinks avaient la priorité et les deux majors qui commercialisaient les Kinks, Warner aux États-Unis et Pye en Angleterre, ne parvenaient pas à se décider. Dave enregistrait des chansons qui paraissaient sur des singles, à commencer par l’excellent «Susannah’s Still Alive», si terriblement sixties dans son essence et monté sur un très joli drive de basse. Les cuts de Dave tiennent vraiment bien la route. On a là une sorte de psyché de brit pop kinky assez admirable, très travaillée, et le plus souvent d’une fantastique tenue, comme ce «Hold My Hand» tenace et bien intentionné, pur jus de gospel pop - Hold my hand/ And it’s gonna be alright - Le cas Dave s’impose. Avec «Are You Ready», il fait un folk emblématique, une chanson d’entraînement des foules, il chante à l’accent pointu et ferme. «Lincoln County» est digne des Small Faces, il évoque les pretty girls. Il passe au heavy blues de Muswell Hill avec «Mr Shoemaker’s Daughter» et ça sonne évidemment comme un hit de pub. Il n’y a que Dave Davies ou son frère pour aller chanter «Mr Reporter», cette espèce de petite pop charmante. On entend un beau drive de basse sur «Groovy Movies», pur jus de r’n’b à l’Anglaise. On passe ensuite aux singles avec un «I Am Free» amené à l’extrême heavyness. Ça sent bon l’underground. S’ensuit l’imparable «Death Of A Clown» claqué à coups d’acou, certainement le hit le plus connu de Dave. N’oublions pas «Creepy Jean» dont le son taille sa route, et puis tu as ce brillant «The Man He Weeps Tonight» joué au psyché rampant de sunshine pop, vraiment digne des Byrds.       

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            Paru en 2018, Decade se présente comme une collection de délicieuses resucées, à commencer par ce «Midnight Sun» qui sonne comme «Maggie May». C’est dans le ton du chant et dans certains échos de dynamiques internes. Mais dans les pattes de Dave, ça reste très sérieux. L’autre hit du balda s’appelle «Mystic Woman» - Hear my call/ Bring your juju - Il joue ça au groove du bayou, c’est fin et inspiré, comme tout ce qu’il entreprend. Sur «If You Are Leaving», il sonne un peu comme Roger Chapman. On se croirait sur le troisième album de Family, avec une pincée de Slim Chance dans le son, tu sais, la musicalité si particulière du Passing Show. Et la B ? Une merveille s’y niche : «Within Each Day». Très pop, avec de délicieux accents kinky d’I remember that day when you came in/ Giving my life a clever meaning. Avec «Same Old Blues», il s’engage dans un balladif entreprenant et très audacieux. Dave reste d’une élégance extrême. Un vrai dandy. Il finit sa B en Family motion. Il chante «Mr Moon» et «This Precious Time» à la Chap, c’est évident. Le son de Rog the Chap l’intéresse.    

    Signé : Cazengler, Davide abyssal

    Dave Davies. Belly Up. Meta Media Records 2008

    Dave Davies. Hidden Treasures. Universal 2011    

    Dave Davies. Rippin’ Up Time. Red River Entertainment 2014             

    Dave Davies. Rippin’ Up New York City Live. Red River Entertainment 2015

    Dave Davies. Decade. Red River Entertainment 2018      

    Dave Davies. Living On A Thin Line. Headline Publishing Group 2022

    Rob Hughes : Dave Davies. Classic Rock # 255 - November 2018

    Cam Cobb : Perfect Stranger. Shindig # 127 - May 2022

     

    L’avenir du rock

     - Pas de vague à Liam (Part Two)

     

             Pour rompre avec la routine et le confort intellectuel du swingin’ London, l’avenir du rock s’est installé dans un galetas du Quartier Latin. Quelle idée ! Il espère renouer avec le dénuement de Verlaine et recréer cette puissance d’idéalisme qui fascinait tant Mallarmé, «la puissance d’idéalisme que certifiait une pauvreté aussi simple». Le nouveau confort que recherche l’avenir du rock est celui d’une spiritualité lyrique. Il s’installe donc devant sa pauvre petite table, et alors que danse la lueur pâle d’une chandelle, il trempe sa plume dans l’encrier. D’une main rendue tremblante par l’excès d’excès, il allonge sur un mauvais parchemin le vers qui, pareil à l’omnibus de la petite ceinture, lui traverse lentement l’esprit :

             «Liam, te souvient-il, au fond du fookin’ paradis,

             De la gare de ‘Chester et des bloody trains de jadis,

             T’amenant chaque jour à London, au stade de Chelsea,

             Pour voir jouer Manchester City ?»

             L’avenir du rock sort alors de sa poche un mouchoir qui n’a plus du mouchoir que le nom et s’éponge un front qu’il voudrait aussi bombé que celui de Verlaine, avant de retremper fiévreusement sa plume dans l’encrier et de poursuivre l’inventaire de ses pérégrinations lyriques :

             «Jadis déjà ! Combien je me rappelle le temps d’Oasis

             Ta grâce sur scène à Knebworth, mince et leste, quelle catalyse,

             Comme un ange le long de l’échelle des célestes lavatorys,

             Ton sourire amical et filial était une hydrolyse,

             Tes yeux d’innocent, doux mais vifs, m’allaient dans la lucarne comme des penaltys,

             Ils m’allaient droit au cœur et pénétraient mes ombres de château d’Ys.»

             Secoué d’un dernier spasme lyrique, l’avenir du rock cassa sa plume en écrivant :

             «Mon pauvre Liam, ta voix d’étoile dans le ciel de Knebworth !»

     

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             Si on le laissait faire, l’avenir du rock ne tarirait plus d’éloges sur Liam Gallagher. Il n’est d’ailleurs pas le seul à penser le plus grand bien de cette immense rock star. La presse anglaise s’accroche à lui comme la moule à son rocher : et si Liam Gallag était la dernière rock star anglaise ? Et s’il était le nouveau messie ? Il faut le voir remplir Mojo de paroles d’évangile, du style : «Once you join a band, it’s your birthday everyday.» Quoi de plus vrai ? Histoire d’éclairer notre lanterne, il ajoute un peu plus loin : «Si tu ne te lèves pas chaque matin à six heures pour aller creuser des trous dans une route, ça veut dire que tu as réussi. Les Bouddhistes disent que every morning is another birthday, you know.» Non seulement il est avec Frank Black et Iggy le plus grand chanteur de rock actuellement en circulation, mais il fascine dès qu’il fait une observation - I mean, it’s really my birthday every fucking day ! - Il adore enfoncer son clou au marteau-pilon.

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             Ted Kessler parle de commercial rebirth. Ça veut dire qu’il n’a rien compris. Des artistes aussi parfaits que Liam Gallag, Frank Black, Iggy ou John Lydon n’ont pas besoin de rebirth ni de commercial rebirth. Ils sont tout simplement au-dessus de la mêlée et quoiqu’ils fassent, ce sera toujours bien. Les deux albums de Beady Eye sont énormes et les deux premiers albums solo de Liam Gallag le sont encore plus. Avant même que sorte son troisième album, Knebworth où il doit se produire est sold out. Amazing, dit Kessler. Mais non, pas amazing, normal, pour un mec de la trempe de Liam Gallag qui déclare : «Oui, c’est fantastique. Blows my mind. Mais je n’y pense pas trop. Oh peut être un petit peu, on the sly. Don’t tell anyone.» En plus, il se fout de la gueule de Mojo. Une tournée est prévue en juin, avec des rumeurs que Liam balaye aussitôt : «No ! Noel ne jouera pas avec nous. C’est dingue que des gens puissent imaginer ça. It’s not Spinal Tap, mate. Il sera planqué dans un coin, à penser qu’il vaut mieux jouer devant 2 000 personnes à Scumthorpe plutôt que devant 80 000 personnes à Knebworth. Il a eu sa chance.» Boom ! Alors qu’il se caresse pensivement le menton, il ajoute : «Cela démontre que tout ne repose pas uniquement sur celui qui écrit les chansons. Il arrive que ça dépende des personnalités. The voice. Les gens se moquent du chanteur, oh il n’a pas écrit les chansons, c’est l’autre qui a du talent, c’est l’autre qui est le cerveau du groupe. Maybe I’m the soul. C’est moi qui met la balle dans la lucarne. Mettre un but, c’est le plus difficile, pas vrai ?». D’un point de vue footbalistique, c’est imparable. Pure logique. Quand le silence s’installe dans la pièce, il le brise en demandant une clope - Got any fag ? - La moindre formulation est importante. Liam Gallag est une sorte d’Oracle de Delphe. N’en perdons pas une miette.

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             Pour son troisième album, il voulait faite un Stooges album. Il en a marre des balladifs - I’d love to do an angry record. No strings - Mais en fait, il se retrouve avec des balladifs et beaucoup de strings. «Some soulful pop in amongst the classic Gallagherisms», nous sort fièrement le Kessler. En fait les chansons sont bricolées à distance, à cause de Pandemic, et Liam les récupère à la fin pour les valider. Il veut que ça soit plus «Stones-y or whatever» et en conclusion, il sort une fabuleuse métaphore : «The clothes are already made. But I put them on, make them look good.»  C’est l’essence même de la rock’n’roll star : make things looking good. Ça a toujours fonctionné ainsi, depuis Brian Jones jusqu’à Liam, en passant par Iggy et Jimbo.

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            Et kaboom, «More Power» qui ouvre la bal de C’mon You Know arrive comme un hybride des Stones et de Spiritualized, avec des chœurs de gospel pubère. Liam arrive très vite et remet les pendules à l’heure. Power maximal, il t’éclate ton Sénégal - I wish I had more power - Liam se marre : «Basically, You Can’t Always Get What You Want.» Il parle de colère dans son texte. «What’s angry ? It’s passion. One day I’m chilled, the next I’m an angry cunt. Ça dépend de ce que j’ai bouffé. Ça dépend du temps qu’il fait.» Il ne veut pas analyser sa musique. Pour lui, l’essentiel est que ça sonne. Il laisse l’analyse aux autres. Power ? More Power ? Non ça ne le branche pas du tout. Il sait comment se fait un bon album : «I need to have a word with myself. J’ai besoin de me limiter à guitar, bass and drums. Ten songs, in your face - big good songs.» Et pour que les choses soient bien claires, il ajoute : «I need a total Beatles ban. And a Stones ban. Next time, I’m just gonna get in the studio with a band and bash it out. Not even mix it. Just have it as it’s coming off the desk.» On l’écoute en rigolant. Le rock ne risque pas de casser sa pipe en bois avec un mec comme Liam Gallag dans les parages.

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             En bons fouille-merde, les journalistes lui ont trouvé un petit problème de santé : il doit se faire opérer des hanches - My hips are fucked. J’ai de l’arthrite, bad - La bonne femme lui dit qu’il doit grimper sur le billard. No way. Et après les hanches, ce sera quoi ? Alors fini le jogging sur Hampstead Heath. On lui dit qu’il pourra recommencer à courir après l’opération. Et tu sais ce qu’il répond ? «I’d be like Louis Spence, throwing my leg over my shoulder while playing the flute», ce qui peut vouloir dire qu’il va ressembler à Louie Spence (un danseur célèbre en Angleterre), à jeter sa jambe par- dessus l’épaule tout en jouant de la flûte. Là, tout Mojo s’écroule de rire. Il dit qu’il se fout de la douleur - Pain is OK. My eyes are fucked. My hips are fucked, got the old thyroid. But we’re all going to die, pas vrai ? Or are we already dead ? - Kessler annonce que sonne l’heure de la philosophie. Liam développe : «Peut-être sommes-nous déjà au paradis. Ou en enfer. Comment peux-tu savoir où nous sommes ? How do you know dying is death ?» Comme personne ne l’interrompt, il continue : «Je ne crains pas la mort. Pourquoi devrais-je la craindre ? Ça va arriver de toute façon. C’est la même chose que d’avoir peur d’être né.»     

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             Et pouf, il envoie son morceau titre - C’mon you know/ It’s gonna be alrite/ C’mon you know - Il enfonce son clou au stomp. Pur jus de rock anglais. On peut même parler de cut décisif. La fête se poursuit avec «It Was Not Meant To Be», vieux shoot de pop anglaise, en plein cœur du swingin’ London. Il vend sa soupe, c’est un battant. Rien ne peut le faire reculer. C’est la constance de ‘Chester. On note aussi la brutalité des coups d’acou dans «World’s In Need», et kaboum ! Ça saute à nouveau avec «I’m Free». Après une grosse intro, le Gallag te saute dessus à bras raccourcis, il chante avec de la colère plein la bouche, c’est tellement bardé de son que ça chevrote. Les colonnes du temple dansent le twist. L’album est tout de même un peu étrange, Liam semble chercher des voies de passage vers les Indes - Go back to your prisoner/ Cause I’m free - On entend le ghetto blaster de Notting Hill Gate. S’ensuit un «Better Days» extrêmement embarqué, extrêmement orchestré, il traîne la savate au chant, c’est sa façon d’épouser son génie, ça devient énorme, ça monte comme la marée. Il impressionne encore plus avec «Oh Sweet Children», il a le même impact que John Lennon, le même poids dans l’histoire du rock. Gallag est l’égal des dieux. Mais le plus surprenant, c’est encore la pochette. La pochette n’est faite que de fans photographiés depuis la scène. C’est l’hommage de Gallag à ses fans, mais les images sont assez perturbantes. On se demande si tous ces gens ont accepté le principe. Sur le poster plié à l’intérieur, tu vois une mer de smartphones, ils font tous des photos du Gallag sur scène. Des centaines de smatphones. On vit dans ce monde. Loin du monde.

    Signé : Cazengler, Gallaguerre des boutons

    Liam Gallagher. C’mon You Know. Warner Records 2022

    Ted Kessler : You only live twice. Mojo # 343 - June 2022

     

     

    Inside the goldmine - Setting Son of a bitch

     

             L’homme qui vendait sa maison ne faisait aucun effort pour masquer ses manières aristocratiques. Le bleu de son regard était si clair qu’il en paraissait transparent. Il accompagnait chacune de ses phrases d’un geste de la main ample et gracieux à la fois. Il affirmait posséder de vraies toiles, celles que la nature lui offrait à travers les immenses baies vitrées donnant sur le bord de Seine. Voyez-vous, nous avons là les quatre saisons. Il restait extrêmement discret sur les origines de sa fortune, mais l’entremetteuse nous confia un peu plus tard que l’homme avait possédé au temps de sa jeunesse un grand hôtel à Opéra. Sans doute fatigué des rythmes urbains et du brouhaha haussmannien, il avait opéré un repli stratégique vers un bord de Seine qui était encore alors quasiment inhabité et fait installer sur cette fantastique terrasse ce qu’il appelait lui-même une « demeure en portefeuille». Il avait imaginé le principe de ce cube en ferraille déposé par une grue et doté d’un mécanisme clic-clac qui assurait disait-il le setting. Une fois le portefeuille ouvert, deux poutrelles métalliques enfilées dans des conduits prévus à cet effet raidissaient la structure pour l’éternité. Le cube offrait une vue imprenable que ce paysage d’Île de France qui fascina tant de peintres, de Pissaro à Sisley en passant bien sûr par Auguste Renoir. Mais pourquoi cet homme se séparait-il d’un tel paradis ? Son épouse qui était alors occupée à cuisiner des poivrons grillés souffrait disait-il des hanches et ne pouvait plus envisager de monter quotidiennement la volée de marches qui reliait le chemin de halage à cette gigantesque terrasse. Il ne laissait absolument rien transparaître de son dépit. Il affichait un calme olympien, se contentant de nous redire sa fierté d’avoir imaginé ce setting d’une simplicité enfantine. Pendant les six mois qui suivirent l’acquisition, nous vécûmes sous une tente installée dans le jardin. Nous n’osions rien toucher de ce qui avait fait le quotidien de cet homme extraordinaire. Quand nous apprîmes par la suite qu’il avait péri dans l’incendie de son écurie de chevaux de course, il nous parut évident qu’il s’était jeté dans les flammes. 

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             Le setting du danois Sebastian T.W. Kristiansen est légèrement différent, puisqu’il s’agit d’un groupe pop, The Setting Son, monté en 2007, que le légendaire Lorenzo Woodrose prend sous son aile. Il va d’ailleurs produire leur premier album, The Setting Son.

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             On ne sera donc pas surpris de se retrouver en plein dans une belle ambiance sixties, climat clairvoyant amené dans la délicatesse, c’est même un peu la fête au village, ça pulse à la basse de culs de basse fosse, comme chez Breughel l’ancien, ça éclot à l’éclat d’épaisse fuzz et globalement ça frise de futurisme de Marinetti. Ça monte soudainement en pression qualitative avec «All I Want Is You», fabuleux shake in the face de Setting Son, totally out of it. Tiens puisqu’on est dans les out of it, voilà un «Out Of My Mind» joué à la pure violence, c’est le wild gaga de Lorenzo. On reste dans le gaga avec «In A Certain Way», relevé à l’extrême, ils tapent ça au someone else, c’est violent et complètement washed out. Ils profitent de leur élan pour trasher «I Love You», une abomination gagapocaplytique jouée au fuzzcore de Tasmanie. On a là l’un des très beaux albums gaga du XXe siècle. Ce mec plonge dans «I’m A Loser» au I’m just a loser et il reste d’une crédibilité sans nom. L’album continue de foncer dans la nuit avec «I’m Down», c’est plein de fuzz et de nappes de Seeds, c’est excellent et on se régale de cette proximité avec le Grand Œuvre de Lorenzo Woodrose. Ah quelle belle overdose de gaga sixties ! Il ne faut pas se fier à la leur mine de gentils mecs, les Setting Son sont capables des pires exactions. Tout est parfait sur cet album, le festin de son s’achève avec «Desperate Soul» et «You Better Run Away From Me», noyé dans les extrêmes. Ce mec tord le cou de sa psyché.

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             Paru en 2008, Spring Of Hate bénéficie d’une belle pochette dessinée, surtout au dos où dansent six femmes nues qui ne cachent rien de leur intimité. Avec cet album, Sebastian T.W. Kristiansen propose une petite fast pop dans laquelle remontent à un moment des accents des Seeds («Soulmate»). Avec l’«Out Of Tune» qui clôt le balda, il va plus sur Mercury Rev. En B, on retrouve the Seedy motion dans «Creepy Crawlers». Même élan, même ambition, même lancinance. «Wrong From The Start» plaira aux amateurs de gaga pop, c’est très énergétique et bien secoué des cloches au shuffle d’orgue. Toute cette pop se tient merveilleusement bien. Guitare et orgue se relayent pour redorer le blason du son. On se régale encore de «Depression», un cut plein de jus avec de grandes vagues de shuffle et de soudaines montées de violence, comme d’ailleurs chez les Seeds. Si nos amis les Seeds enregistraient un nouvel album à notre époque, ce serait celui-ci. Les Setting restent dans la mouvance Seedy jusqu’au bout de la B avec «Demons In My Head» et «I Lost Control», ils taillent la route à la bonne énergie de lose control et avec tout le bataclan qu’on peut bien imaginer. 

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             Avec Before I Eat My Eyes And Ears, les Setting restent dans l’optique big pop de Bad Afro, ce que certains qualifient de bubblegum psych with strong melodies and hooks galore. Ils font preuve d’un réalisme catégoriel étonnant, «Above The Rest» passerait presque pour une pop d’orgue doucement bercée, bien dense avec les louves. On sent un soin qualitatif de tous les instants, comme chez Galileo 7. «Terrible Town» va plus sur le Swingin’ London, avec du shuffle sous-jacent et un beat à la Spencer Davis Group. Ils bouclent leur balda avec «All The Candy», un big brouet de pop alerte et spontanée que chante Emme Acs. Ces gens-là ont du répondant poppy et même power-poppy à revendre. L’énormité de l’album s’appelle «Death Breath». Ils font de l’éthéré à la Mercury Rev. On se croirait en Arizona. On retrouve Emma Acs dans «Butterface», elle y va à coups de butterface et ça pourrait bien être un hit, after all. Mais globalement, ils s’éloignent des Seeds et de Baby Woodrose. Ils finissent avec un shoot de pop éthérée nommé «La Luna». Ils vont chercher des horizons à la MGMT, une bruine de son parcellaire que traverse un filet d’orgue et des voix diffuses qu’on voit à la fin s’étioler en de délicieuses arabesques harmoniques.

    Signé : Cazengler, Settting Con

    Setting Son. The Setting Son. Bad Afro Records 2007

    Setting Son. Spring Of Hate. Bad Afro Records 2008

    Setting Son. Before I Eat My Eyes And Ears. Bad Afro Records 2012

     

     

    ROCKABILLY RULES ! ( 7 )

    N’oubliez jamais que toutes les règles sont faites pour être contournées, dépassées, chamboulées, piétinées, car l’important avant tout c’est d’avoir un cœur fidèle et rebelle !

     

    ICHI-BONS

    Une vidéo aux couleurs criardes vous arrache la gueule sur You Tube. Exactement le genre de troue-pupilles dont j’habillerais Kr’tnt si les lecteurs – nul n’est parfait - ne préféraient pas les couleurs médianes ni trop flashy ni trop obscures, s’agit d’un clip promotionnel pour le nouveau le nouvel EP deux titres d’Ichi-Bons, oui ils sont bons, donc on plonge tout de suite sur la vidéo et ensuite sur le disque :

    DUST OF LIFE ( Promo Vidéo )

    ANDREW FOERSTER

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    Comme toujours quand on rencontre un graphiste qui accroche les mirettes un détour par son Instagram s’impose, cette vidéo s’inscrit dans la continuité de son œuvre, le bonhomme aime les couleurs vives, une évidence qui crève les yeux, mais allez-y voir par vous-mêmes, comme il n’y a pas de hasard dans la vie vous trouverez deux posts sur les White Stripes, or le 22 septembre dernier les Ichi-Bons étaient en première partie de Jack White, ne cherchez pas l’erreur, il n’y en a pas.

    Des couleurs Prisunic qui fleurent bon l’insouciance proclamée des sixties, un bleu prunelle, un jaune orangina, un noir mat formica, quelques touches de blanc pour rehausser la crudité des pigments, le début est parfait, juste le temps de l’intro, tout est dans la couleur instrumentale, quelle parfaite sonorité de guitare, ça évoque l’intro de Brand New Cadillac de Vince Taylor même si ça n’a rien à voir, z’ensuite vous tombez sur le type de clash apocalyptique dont les aficionados de rockabilly raffolent, le genre de déchirure qu’a dû ressentir Ravaillac lorsque les quatre percheront l’ont déchiré d’un seul coup, c’est alors que vous aurez l’impression d’être victime de troubles visuels, l’image saute sur une ( sale ) mine, si votre cerveau a du mal à suivre ne l’accusez pas c’est que votre constitution n’est pas faite pour le rockabilly, c’est triste mais c’est comme ça, quand vous voyez s’afficher le nom des musiciens fautifs, respirez, vous avez survécu, si vous ne les voyez pas, pas d’inquiétude c’est que vous êtes mort. Vous êtes délivrés de notre monde de brutes et de fureur. Reposez en paix. L’épreuve ne dure pas une minute ! La suite est pour les survivants.

    Ne me demandez pas ce que signifie Ichi-Bons, en la langue des oiseaux nous traduirons par Ici (c’est) Bon, sinon nous y trouvons une consonnance asiatique, le guitariste et vocaliste ne se nomme-t-il pas Hideki Saito même si sur la vidéo il est dénommé Little Perkins, ce qui il faut l’avouer sonne beaucoup plus rockabilly. Mamo Banzai : basse, Paddy Burn : drums. Ne sont pas américains, enfin si, du Canada, de Toronto. Revendiquent trois racines pour leur musique : garage, surfin’, rockabilly.

    THE DUST OF LIFE / CAN’t STOP MOANING

    ( Trophy RecordsTR003 / Décembre 2022 )

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    The dust of life : barate boogaloo en toile de fond, genre explorateurs ventre à terre poursuivis par les cannibales, très logiquement Little Perkins vous projette le vocal à fond de train, mais le pire c’est cette note de guitare qui revient perpétuellement comme le tic-tac fatidique ( mais ici follement perce-oreille mélodieux ) de la bombe dans l’avion qui va exploser, la tension s’intensifie et c’est ici que la déflagration se produit, la basse se la joue de profundis compressé, Perkins est aux abois, le gars qui ne retrouve plus sa ligne de vie dans la paume de sa main, calmos, pas de panique, arrêt buffet, les cavaliers embrassent leurs cavalière, une demi-seconde de répit avant l’éclatement de l’auto-destruction finale. Can’t stop moaning : un titre qui sent le blues à plein nez, ben non, c’est de l’ultra-comprimé, le rockab des familles désunies ou d’assassins, un bocal, pardon un vocal avec le   crotale vivant à l’intérieur, Burn a beau essayer de l’écraser à coups de grosse caisse, cause perdue, apparemment ils ne savent pas garder leur sang-froid, la fin est une espèce de salmigondis de crise de folie généralisée. Ce quarante-cinq tours est le genre d’évènements qui vous réconcilie avec le monde dans lequel vous vivez, puisqu’il vous permet d’entendre de telles horreurs ! Splendide.

             Quand on a repéré un coupable  de bonnes choses ( c’est comme pour les mauvaises ) faut rechercher les antécédents, voici donc leur premier opus, la pochette sent l’artisanat du DYE, entre parenthèses celle du précédent dans la lignée des simples américains n’est guère folichonne. Voici donc :

    ICHI-BONS PRESENTS :

    SHOW ME THE ROPES / BLUE EYES & BLACK HAIR

    ( Digital Bandcamp / Sortie : 31 / 03 / 2022 )

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    Show me the ropes : une guitare qui sonne et une section rythmique qui groove à mort, c’est le vocal qui sert de locomotive, voix sonore légèrement en urgence qui hoquète presque comme un drapeau flagellé par un vent taquin, l’est vite rejointe par une surfin’guitar qui ne surfe pas mais qui fait résonner des cordes de pendus qui claquent au vent, ce coup-ci mauvais, et qui bientôt jette toute la vaisselle du bahut à terre pour mieux la piétiner. Décidément ces gars-là ne peuvent terminer un morceau sans se fâcher. Blue Eyes & Black Hair : un titre à la Red Cadillac and black moustache, mais beaucoup plus énervé que les versions de Bob Luman et de Warren Smith, ici l’on est dans le rawkabilly pur et dur des origines, une batterie qui tape, une basse qui cogne, une guitare qui étincelle de mille feux et un vocaliste qui scie la branche de l’arbre sur lequel il s’est posé et qui se dépêche pour ne pas avoir l’air de mourir idiot. L’art du rockab c’est celui de l’intention, tout est dans l’inflexion esthétique que l’on donne à sa vie. Old style, good style.

             Quand il n’y en a plus, il y en a encore :

    BLACK DICE DEMOS

    ( Digital Bandcamp / 24 – 03  - 2020 )

    L’ont accompagné d’une photo, jeune groupe timide qui n’ose pas la ramener pour leur premier concert. Ne pipent pas un mot, ils attendent d’être sur scène pour faire parler la foudre.

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    Don’t call me flyface : n’ayez pas peur lorsque fuse le cri, il n’y en aura pas d’autres (enfin si mais pas trop nous sommes dans un instrumental ), assument leur héritage de surfin’ group, se déchaînent à fond, n’apportent rien au surfin’ de l’époque originelle de Dick Dale mais ils y mettent tant de cœur et de hargne que l’on se régale. Je jure qu’après la quinzième écoute je passe au morceau suivant. The rockin’ Gipsy : attention ici on vous le met dedans à l’espagnole, le grand style une guitare avec robe à volants flottants, une batterie banderillas à répétitions, c’est pas du flamenco pathétique mais de l’esbroufe, la basse claque du talon, regardez comme l’on joue vite, attention, question guitare l’on est beaucoup plus près de Django Reinhart que de Manitas de Plata. Dans la vie tout est question de doigté. The black alley stroll : stroll is cool, entrevoyez la problématique : comment flamber lorsque l’on est coincé sur une rythmique pour jeunes filles de cinquante ans, dès le début ils allument la torpédo, mais peuvent pas tricher non plus, alors ils adoptent la démarche chaloupée de la file d’éléphants qui respecte les limitations de vitesse, z’avez la basse et la batterie qui marchent en tête, ne comptez pas sur elles pour accélérer la cadence, la bête vicieuse, elle est au fond, en apparence elle suit les autres avec la docilité de ces cancres tapis près du radiateur qui attendent que le maître ait le dos tourné au tableau pour lancer une boule puante, l’air de rien, la tête pensive du gars qui tente de résoudre une équation du douzième degré, et plang ! la guitare vous déracine un arbre d’un coup de rien en toute innocence et chlang ! une nouvelle frondaison s’écroule à terre, même qu’hypocritement la basse appuie plus lourdement sur ses pattes pour couvrir le bruit, et toute ces bêtes si sages rigolent à perdre haleine comme si elles venaient de lire une chronique de Damie Chad.

             Ichi-Bons nous refilent quelques bonus. Du tout nouveau, trois albums enregistrés live le trente septembre 2022

    LIVE @Linda RonstatdMusicHall. Tucson. AZ

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    Live in Tucson. Vol 1 : Down shiftin’ : on s’en doutait un instru pour se chauffer les doigts, sont vite bouillants, z’ouissez cette guitare qui vrombit pour s’arrêter et repartir en claquements de becs salés, la rythmique pied au plancher, criez et applaudissez, c’est terminé, deux minutes de bonheur, c’est peu ! Still on zero : encore plus court un petit début country pour varier les plaisirs et hop un beau vocal rockab style western qui tire dans tous les coins, un chanteur en voix off tellement on est pris par l’action. Sont doués ne méritent pas leur zéro. Striding throught my blues : une volée de notes dans la tradition blues exalté de sept secondes et accélération clivante genre chevauchée fantastique, un dilemme terrible vous attend, faut-il suivre la guitare ou le vocal, heureusement que le band passe devant ce qui vous évite de vous prendre pour Corneille, ça repart en plus doux ce qui vous permet d’allier tous les plaisirs, hélas le solo qui vient vous arrache l’épine dorsale, pour le reste disons que c’est blues suede shoes ! Castin my spell : entrée tamtamtivore, c’est beaucoup plus l’appel de la jungle que de la forêt, ça ronronne à la manière du tigre qui se lèche ses babines ensanglantées, beau jeu de basse rampante, guitare serpentine, vocal feu au plancher, la foule acclame.

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    Live in Tucson. Vol 2 : Run chicken run : les picotis de Link Wray et la guitare qui lance les graines dans le poulailler, l’est sûr que le poulet n’est pas élevé en batterie – pourtant elle ne perd pas l’occasion de se faire remarquer - ici ce n’est pas de l’industriel et ça sonne comme un combat de coq. Hep cat : fini les plaisanteries, un bon vieux rock’n’roll des familles, avec rien qui dépasse ( même pas deux minutes ) une voix cochranesque qui vous fout le ramdam, un petit solo salé, et un final démantibulé vitaminant. Le truc parfait. I’m gone : vous avez aimé le précédent, alors ils vous en refilent un autre sur le même modèle, en plus court car il ne faut pas trop gâter les enfants, sans quoi ils se conduisent dans la vie au mieux comme des voyous au pire comme des rockers. Snake eyes : l’on vous a déjà dit de ne pas jouer avec les serpents, ce sont des bêtes vicieuses et dangereuses, un petit instru de derrière les vipères, dans la deuxième partie vous avez une guitare qui imite les chatoyances charbonneuses du mamba noir, mettez-y l’oreille mais pas la main. A moins que vous ne vouliez finir comme Cléopâtre.

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    Live in Tucson. Vol 3 : The witch : un son différent de tout ce qui précède, un peu plus tonitruant et un vocal de chirurgien énervé qui a oublié son bistouri dans le ventre de son patient, l’est pas content hurle de toutes ses forces pour que le gars le lui rende. Blues eyes & black hair : pur rockab classique, difficile de dire si cette version est différente de celle de leur disque auto-produit , un chouïa plus énervée peut-être, mais cela se discute. Contentons-nous de jouir sans entraves comme l’on disait à l’époque. Show me the ropes : là, il n’y a pas photo, diantrement plus nerveux et un accompagnement beaucoup plus mélodramatique dans lequel se distingue un pointu solo qui sonne très Buddy Holly. The black alley stroll : ne rallongent pas la promenade, adoptent un pas davantage nonchalant, la guitare ronronne gentiment à la manière du chat qui attend l’ouverture de sa boîte de Canigou Ron Ron. Sur la fin on n’entend plus que ses voluptueux lapements de langue visqueuse.  Misirlou : ce n’est pas la misère qui nous tombe dessus mais le tube de Dick Dale (ça tombe bien on avait la dalle), nous le traitent à la hussarde, une belle cavalcade de trois mille chevaux qui foncent droit sur l’ennemi, c’est grisant, on s’y croirait, ça tonne de tous les côtés, la batterie ne sait pas être douce, la basse vous écrase, la guitare vous étripe, l’on est un peu maso alors on en redemande.

             Pas mal cette idée de trois quarante-cinq tours pour un concert, ne rêvons pas, pour le moment c’est en digital sur bandcamp, mais espérons qu’un jour ils concrétiseront, les photos des pochettes supposées reflètent bien l’ambiance, un appât pour les collectionneurs, le plus terrible pour les plus désargentés, lequel des trois choisir, dans chacun ils trouveront un morceau indiscutable… Dans tous les cas, tous les cats auront un vinyle d’un des groupes de rockabilly actuels prometteurs.

    Damie Chad.

     

    *

             J’avoue une prédilection certaine pour les gens qui possèdent une mythologie personnelle. L’on pourrait me rétorquer que chacun possède sa propre mythologie, certes seulement certains en ont davantage conscience que la masse des autres. Raison nécessaire et suffisante pour expliquer mon goût pour le Metal, le Stonner et le Doom. Les groupes de ces courants développent tant d’énergie que les textes qui les accompagnent ne sauraient se contenter longtemps d’historiettes sentimentales, pourquoi tant de bruit et de fureur pour des évènements d’une extrême banalité. Les musiques fortes exigent des textes d’une même ampleur. Le problème c’est que tout le monde n’est ni Homère, ni Virgile… Certains groupes ont compris la difficulté, puisqu’ils se sentent incapables de rivaliser – d’ailleurs le format ne le permet guère – avec La Pharsale ou La Divine Comédie, préfèrent se taire. Si pas de texte, nul besoin de chanteur. Seule reste la musique. Se développent ces dernières années des groupes instrumentaux. Ce n’est pas choisir la facilité. Comment se faire comprendre sans l’aide de mots et en se passant du plus bel des instruments : la voix humaine.

             Nous sommes face à une démarche très différente des groupes instrumentaux des années soixante, la problématique était toute autre, il s’agissait alors d’explorer les tessitures et les possibilités des nouveaux instruments électriques… tout nouveau, tout beau… les chanteurs ont très vite récupéré leur place… sur le devant de la scène…

             Mais essayons de comprendre comment l’on peut se faire comprendre sans prononcer un seul mot en écoutant l’opus suivant qui déjà se singularise par sa date de parution, ce premier janvier 2023.

    BLACK SKY GIANT

             Enfin presque, puisque déjà ils en utilisent ( en français ) cinq : le nom du groupe :  le géant du ciel noir. Que savons-nous d’eux ? Qu’ils sont de Rosario, la plus grande des villes de la province de Santa Fe, en Argentine. D’après les photos ils sont trois. Ils ont toutefois choisi d’apparaître en tant que Black Sky Giant.

    Un ciel noir ne porte pas à l’optimisme, néanmoins souvenons-nous que le vide interstellaire est noir, ce qui déjà octroie à ce géant une origine étrangère. Le mot géant en lui-même n’est pas neutre, dans nos souvenirs scolaires plane cette histoire de ces géants qui ont combattu contre les Dieux de l’Olympe, fait-il partie de cette cohorte, à ce point nous n’en savons rien, et puis les contes d’enfants sont aussi peuplés de géants souvent (mais pas toujours) patibulaires. Quoiqu’il en soit le fait qu’ils se déclinent en tant que géant du ciel noir nous incite à considérer qu’ils induisent en nous l’idée d’une dimension mythologique.

    Pour ceux qui veulent tout savoir et chercher, Black Sky Giant a antérieurement produit quatre autres albums à écouter comme des préquelles de celui-ci, il devient manifeste que le Black Sky Giant est autant le nom du groupe qu’un des personnages de cette saga…

    Autres indices : la pochette : due à Deliria Vision. Inconnu au bataillon, un tour sur son instagram nous propose une auto-définition lapidaire ‘’ Sci-fi & Horror Music Artwork’’, pas de tricherie sur le contenu qui suit. Beaucoup de pochettes de disques, à chaque fois un monde froid et cruel que l’on devine sans pitié, vous n’avez aucune envie de le visiter, une vision oniro-cauchemardesque d’un art qui n’est pas sans évoquer certaines lithographies de Salvador Dali mais que l’on pourrait définir comme de l’expressionisme architectural glacé qui ignorerait toute représentation de la fragilité humaine…

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    La pochette en elle-même n’est pas belle, elle est la représentation d’un monde que nos critères esthétiques ne permettent pas d’appréhender. Imaginez les statues géantes de l’Île de Pâques qui auraient été torturées et décharnées à dessein. Des pieux géants plantés en mer et sur terre en tant qu’avertissements sang frais à ceux qui voudraient aborder. Justement un bateau à voiles apparemment insensibles à ce paysage peu engageant fait cap vers le rivage. Le titre est très ambigu, les primigéniques annoncés sont-ils les aventuriers qui se préparent à aborder ou ceux qui ont construit l’imposante tour d’accueil qui se présentent à eux… L’on pense à un temple lovecraftien des Grands Anciens. Etrangement lorsque cette couve s’est présentée à moi j’ai tout de suite pensé à Fragment d’un Paradis de Jean Giono… Bref chacun apporte ce qu’il a dans la musette de son cerveau, livres, films, bande-dessinées, tableaux, œuvres musicales, le groupe fournit la bande-son à l’auditeur de produire les images mentales. Les titres sont assez éloquents, ils sont en rapport direct avec la pochette. L’écoute se transforme en une quasi-expérience de rêve dirigé nervalien, objectivement il n’y a que deux directions possibles, extérieure ou intérieure, un voyage astrale hors de soi pour effleurer ou toucher à une certaine objectivité mondaine ou une entrée en les abysses de soi-même pour descendre tout au fond de la mer consciente.

    Pour ceux qui craindraient à tort d’être dépourvus de l’imaginaire nécessaire, sur son bandcamp le groupe a laissé quelques phrases-béquilles, qui aident certes mais qui peuvent aussi être interprétées de différentes manières. L’ambiguïté ne mène-t-elle pas le monde ?

    PRIMIGENIAN

    Primigenian : ce morceau est de toute splendeur, l’impression de se trouver à l’intérieur des tuyères d’une fusée spatiale, une progression par palier, le son à chaque fois plus fort s’empare de vous et vous emporte, vous subissez des accélérations et des chutes de pression artérielles difficile à supporter, les guitares volent sans être exactement être aériennes car trop soudées à votre chair, un prélude qui ne raconte pas ce qui va arriver mais qui remémore tout ce qui s’est passé avant, vous n’en savez peut être rien, mais les sons sont porteurs de l’inconnaissance de votre connaissance, vous ne savez pas mais d’instinct vous comprenez que le voyage a été long et tumultueux, que vous êtes à l’aube d’un nouveau chapitre. At the gates : vous auriez une carte avec le relevé de la longitude et de la latitude vous seriez heureux, mais vous possédez mieux, un dessin, une carte au trésor, la pochette elle-même,  vous touchez au but, vous êtes en train de passer par la grande porte, la musique crie victoire, elle se transforme en une immense clameur de triomphe, super-générique de film d’action, la force du premier morceau multipliée par mille, vous êtes accueillis en vainqueur même si la basse chantonne que vous n’êtes pas au bout de vos surprises, une allégresse héroïque s’empare de votre esprit, que cette basse est magnifique, comment ne pas l’entendre, c’est sur elle que repose ce péan de louanges érigées en votre honneur. Le bonheur qui vous étreint n’en finit pas de s’épanouir en votre âme.  Stardust : tout va-t-il trop vite, la musique suit son rythme effrénée mais on a envie de dire qu’elle déroule sa sarabande sur un mode mineur, qu’elle murmure à votre oreille, souviens-toi que tu n’es que poussière d’étoile, une formule qui vous gonfle d’optimisme car être un fils des étoiles est plutôt flatteur, votre personne ne relève-telle pas de l’immensité de l’univers incommensurable… moderato, tu es aussi poussière, atome minuscule, regardez sur le dessin ces crânes d’hommes plantés sur des pilotis, ils paraissent énormes, selon les lois de la perspective si le bateau présente une taille ( soyons gentil ) modeste c’est que de fait il n’est pas bien grand, la taille d’un jouet de gosse, ta grandeur en prend un coup au moral, mais peut-être les primigenians vers lesquels nous nous dirigeons étaient-ils de super-géants ce qui expliquerait notre toute relative petitesse… The great hall : une musique venue d’ailleurs vous saisit, grandiose, elle sonne d’argent dans vos oreilles, vous n’êtes pas n’importe où, dans le grand hall, maestro jouez grandioso, fabuloso, extraordinario, incoroyablo, énormo, nous n’avons pas assez de mots, de vocables assez vastes pour évoquer l’émotion qui nous saisit, nous sommes ici au saint des saints, en le lieu sacré de la connaissance absolue et originelle, celle de nos grands ancêtres, pour un peu nous tomberions à genoux pour marquer l’extase vénérationnelle à laquelle nous succombons. Sonic thoughts : déferlement musical, un maelström sonore submerge notre esprit, dans quelques secondes nous allons savoir, allégresse, les livres de la loi primordiale sont dans nos mains, ils ne sont pas gravés dans la pierre ni sur des tables d’airains, il suffit de les prendre sur le piédestal sur lesquels ils reposent, nous ne savons pas à quoi ils ressemblent, mais c’est un message que les primigenians ont laissé pour que les civilisations futures qui viendront après eux – c’est nous – puissent posséder les secrets fondationnels de l’ultime sagesse. The foundationel found tapes : ceci n’est pas de la musique mais un bruit que nous connaissons bien, comment est-ce possible, se moquerait-on de nous, cette musique triomphatrice du début se charge d’étonnement, de discordances, de colère de déception, nous avons beau appuyez plusieurs fois et entendre ce satané déclic, rien ne vient nous contredire, la batterie marque le pas de notre grande tristesse, nous entendons des bruits que nous ne comprenons pas mais nous comprenons très bien que les primigenians que nous avons toujours considérés comme le peuple fondateur sont bien décevants, le support de leur savoir repose sur une simple cassette audio, un objet qui fait partie de notre préhistoire, nous leur sommes donc supérieurs, ce que nous avons recherché si longtemps nous le possédions depuis longtemps dans nos musées, dans nos greniers, dans nos souvenirs, la cassette en bout de course s’arrête.

    A vous d’interpréter cette histoire à votre convenance. Black Sky Giant veulent-ils nous dire que partout il y a de la bonne musique, sur toutes les latitudes, depuis des millénaires, perdue ou recueillie sur n’importe quel support… ou alors qu’il faut que nous fassions gaffe à notre imagination, que nous arrêtions de nous tourner des films, que nous ne confondions pas les vessies de nos rêves avec les lanternes de la réalité.

    Une leçon à méditer. Un superbe disque à écouter. Stoner estonnant et destonnant. Fable philosophique ?

    Damie Chad.

     

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                             

    EPISODE 16 ( Datif ) :

    82

    Pour une fois, reconnaissons-le, nous tournions en rond. La semaine qui suivit les facéties de la forêt de Laigue s’écoula tristement. L’opinion heureuse d’apprendre que le nouveau virus hyper-contaminant s’était tué lui-même goba l’hameçon. Plus de danger, honneur aux héros qui se sont sacrifiés, le gouvernement fit les choses en grand, deux cent trente-sept cercueils alignés dans la cour des Invalides, un jour férié, un discours du Président, retour au travail le jeudi matin, soulagement général… Pour sa part le SSR ne resta pas inactif, le Chef relut soigneusement le dossier dans lequel il prenait note de nos démarches antérieures et fuma dix-sept fois plus de Coronados que d’habitude, je fis un tour au cimetière de Savigny , refouillai en pure perte de fond en comble la maison d’Alice lycéenne, et me recueillis longuement devant la tombe d’Alice ( la seule, la vraie, l’Unique ) mais elle ne m’adressa aucun signe, j’attendis à la sortie de l’école espérant rencontrer sa petite sœur Alice mais elle n’était parmi la troupe d’enfants qui s’égaya telle une volée de moineaux affamés de liberté… Molossa trouvait le temps long, Molossito geignait de temps en temps sur le canapé. Le dimanche matin le Chef déclara qu’il allait les promener au Père Lachaise pour leur changer les idées et ajouta-t-il, ‘’ce paysage ravissant m’aidera à trouver l’inspiration’’.

    83

    Je profitais de leur absence pour corriger les rares fautes d’orthographe que par inadvertance j’aurais pu laisser dans les Mémoires d’un GSH, lorsque le téléphone sonna :

    • Allo ! c’est Carlos, rendez-vous ce soir à 19 heures au restaurant de L’Autruche Baguée, il y a du nouveau, et j’ai salement besoin d’un coup de main !

    A dix-neuf heures tapantes un maître d’hôtel huppé nous guida à l’intérieur de L’Autruche Baguée, un établissement super-classe, d’un coup d’œil j’intimais à Molossa et Molossito de ne se livrer à aucun débordement, au nombre de Bentleys et de Ferraris stationnées devant la porte, Carlos ne nous recevait pas dans une cantine populaire. A peine avions nous fait quelques pas qu’une charmante hôtesse se précipita vers nous :

    _ Bonjour Messieurs, je me prénomme Alice, c’est moi qui veillerai ce soir à votre bien-être, oh qu’ils sont choux !

    Abandonnant toute réserve elle se précipita sur Molossito, le couvrit de baisers, le serra fort contre sa poitrine, il en profita pour lui glisser très affectueusement une patte dans son corsage, ce qui n’eut pas l’air de la déranger, je remarquai que ce geste de simple cordialité parut la ravir… Dans une alcôve à l’écart Carlos nous attendait trônant en bout de table, Alice nous mena à notre place, le Chef à la droite de Carlos, moi-même à sa gauche, tous trois assez proches l’un de l’autre, précaution qui nous permettrait de parler à voix basse à la fin du repas, deux assiettes disposées à l’autre extrémité   attendaient Molossa et son fils, en chiens bien élevés ils se  hâtèrent de sauter sur la table pour déposer poliment leur arrière-train sur la nappe d’un blanc immaculé. Alice n’arrêta pas de les caresser chaque fois qu’elle nous apportait un plat. Pour cette soirée exceptionnelle le Chef n’alluma pas un seul Coronado, il ne porta à ses lèvres que des Coronadors. Il n’existe pas de différence entre un Coronado et un Coronador,   si la bague du Coronado est en carton, celle du Coronador est une véritable bague en or le plus fin, artistiquement ciselé par les plus grands artistes et parsemé de minuscule diamant d’une limpidité absolue. Dès que le Chef écrasait son cigare dans le cendrier je récupérai le joyau et le glissai subrepticement à un des doigts d’Alice chaque fois qu’elle m’apportait un morceau de pain. Elle rougissait de plaisir et ne songeait nullement à retirer sa main. Mais venons au fait. Je passe sur le menu, nous en étions à déguster un digestif de quarante ans d’âge , Carlos prit la parole :

    _ Je me suis pas mal débrouillé cette semaine, deux attaques de transports de fonds réussies, attention par des billets des lingots, mon avocat est entré en relation avec la famille d’Edinbourg, ils m’ont vendu le manoir de XXXXX pour soixante quinze millions de livres, ça ne les vaut pas et je ne compte pas finir mes jours en Ecosse, mais en forêt de Laigue oui. Or voyez-vous c’est un vieux secret de famille, ils sont au courant de la fissure temporelle qui dote ce manoir d’une double présence, une en Ecosse, l’autre en France. C’est-là où d’après eux se situe le fantôme qui au cours des siècles a assassiné quelques uns de leurs ancêtres qui avaient la mauvaise idée d’y dormir. Ils sont satisfaits de s’en débarrasser à si bon prix. Vous m’avez compris, j’ai besoin de vous, je compte m’installer chez moi dès ce soir, mais pour cela nous devons en exproprier ce fantôme qui n’est autre que la Mort !

    Au moment de prendre congé d’Alice je retins une de ces mains que je baisai respectueusement :

    _ Chère Alice, chacun de vos doigts porte déjà une bague, il m’en reste deux, je les passerais bien, l’une au téton de votre sein gauche, et j’agirais de même avec votre sein droit, uniquement si vous le désirez !

    Elle le désira.

    83

    La forêt de Laigue n’était plus surveillée. Molossa et Molossito nous conduisirent droit à la faille temporelle. La Mort nous attendait, sa face horrible ricanait, Alice toute émoustillée de l’aventure se collait à moi, elle ne se rendait pas compte du danger, ma main dans sa culotte était toute mouillée. Lorsque Carlos lui tendit le certificat d’expropriation en tant que locataire n’ayant jamais acquitté de loyer, elle ricana méchamment :

    _ Je veux bien vous laisser la place mais que me donnez-vous en échange ?

    _ Une tonne d’or !

    _ Carlos, j’ai vu votre nom sur une de mes listes, l’argent ne fait pas le bonheur, et puis une tonne je vous trouve un peu mesquin.

    _ Je partage mon avis Madame, ce n’est pas l’argent qui fait le bonheur, toutefois vous avez une fort mauvaise réputation dans ce monde-ci, si vous acceptiez d’être la présidente d’honneur du Service Secret du Rock ‘n’ roll, votre cote remonterait illico chez nos semblables, vous êtes détachée des valeurs mercantiles, le bonheur sans honneur est tout juste bon, alors acceptez l’honneur !

    _ Toi le vieux Chef Indien, d’abord tu empuantes l’atmosphère avec ton brûle-gueule, tu n’es qu’un beau parleur tu ne vends que du vent ! Peut-être que ton éternel second le Poulidor du SSR aura une proposition plus honnête !

    _ Vous qui adorez les Alice…

    _ Toutes les Alice du monde m’appartiennent quand je veux !

    _ Oui, mais moi je vous offre quelque chose en plus, madame Thanatos…

    _ AH ! Ah !, vous jouez au petit futé !

    _ Pas du tout, mais à Thanatos j’offre Eros !

    _ Jeune présomptueux vous voulez me faire l’amour !

    _ Je n’oserais pas, mais attendez, laissez-moi faire !

    En un tour de main je me déshabillai totalement, et fis subir à Alice le même traitement totalement enchantée de la tournure des évènements. Elle se coucha jambes écartées sur table :

    _ Dépêche-toi chéri, je suis pressée, arrête de discuter avec cette vieille saleté !

    _ Tout de suite, mais choses promises choses dues, laisse-moi enserrer tes deux tétons de ces deux anneaux d’or en signe d’alliance éternelle !

    _ Oui tout de suite !

    • Tiens voici, un gage pour ton âme et un autre pour mon âme !

    Je sentis l’électricité érectile de ces seins je me couchais sur elle, la caressai quelque peu, et bientôt mon vit vainqueur la pénétra, elle gémit, appuyée sur mes avant-bras je n’eus pas à la manœuvrer longuement, la mort s’était rapprochée de nous, elle baissa sa tête et posa le vide osseux de ses lèvres sur les lèvres d’Alice qui connaissait l’extase, son souffle se perdit dans la bouche d’ombre qui lui ravit la vie. Je me relevai vivement, la Macrabe me retint par le bras :

    • Vous avez échangé vos anneaux et vos âmes sur ses seins, elle est à moi, vous ne formez qu’un, toi aussi tu es à moi, je vais te donner le baiser de la Mort !

    J’ouvris ma main droite :

    _ Erreur gente Dame, regarde au dernier moment j’ai récupéré mon anneau, j’ai parjuré, elle est à toi seule, pas à moi !

    Elle blêmit de colère :

    _ Décampez de chez moi !

    Carlos s’interposa :

    _ Non tu es chez moi, tu as perdu, bye bye !

    _ C’est bon je disparais mais je me vengerai !

    En une seconde elle se volatilisa. Carlos se retourna vers nous tout sourire :

    _ Mes amis, je ne vous remercierai jamais assez, rentrez vite chez vous au chaud, il fait trop froid dans cette demeure, je ne voudrais pas que vous attrapiez un rhume par ma faute, ne vous en faites pas pour moi, je me réchaufferai en faisant subir les derniers outrages au cadavre d’Alice, encore chaud !

    Damie Chad

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 584 : KR'TNT 584 : P. P. ARNOLD / JON SPENCER / GARY USHER / TAJ MAHAL & RY COODER / SWELL MAPS / GOZD / GENE VINCENT / JULIANE GARSTKA / JACK BODLENNER / DAJANA LOUAAR / ROCKAMBOLESQUES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 584

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    19 / 01 / 2023

     P.P. ARNOLD / JON SPENCER

     GARY USHER / TAJ MAHAL & RY COODER

    SWELL MAPS / GOZD

    GENE VINCENT / JULIANE GARSTKA  

    JACK BODLENNER / DAJANA LOUAAR

     ROCKAMBOLESQUES

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 584

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://krtnt.hautetfort.com/

     

    Arnold Layne

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             Indépendamment de ses qualités de Soul Sister, l’élément le plus intéressant chez P.P. Arnold est sa double nationalité artistique : elle est à la fois une Soul Sister à Los Angeles et une star du Swingin’ London. Ikette d’un côté et First Lady of Immediate de l’autre. Amie de Gloria Scott, de Maxayn et de Johnny Guitar Watson d’un côté, amie de Jagger, de Steve Marriott, de Barry Gibb, de Brian Jones, de Madeline Bell et de Doris Troy de l’autre. Elle est avec Jimi Hendrix l’une des rares à avoir réussi sa relocalisation. Mais à la différence du pauvre Jimi, elle a survécu. D’où le titre de son autobio, Soul Survivor - The Autobiography.

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             Sacré book, en vérité. Pas forcément bien écrit, mais on n’est pas là pour ça. On est là pour les Ikettes. Avant d’entrer dans le backstage, mettons les choses au point : P.P. Arnold n’est pas son vrai nom, c’est un choix (bizarre) d’Andrew Loog Oldham. P.P. se prononce Pipi. En français, ça ne passerait pas. K.K. non plus. On voit d’ici l’étendue du désastre. Inutile d’espérer que le Gaulois va se civiliser, il est trop tard. En réalité, elle s’appelle Pat Cole, Arnold étant le nom du mari qui lui tapait dessus. Bizarrement, elle réussit à divorcer mais elle garde le nom, comme le fait d’ailleurs son ancienne patronne, Tina Turner. Et comme le fera aussi Brix Smith. Elles se plaignent toutes de leurs maris, mais elles gardent le nom, c’est assez incompréhensible. Alors pour avancer, on va l’appeler Pat.

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    ( Tina à droite / PP Arnold à gauche )

             Si on veut tout savoir sur les Ikettes, c’est là, dans le Pat Book. Pat commence par passer une audition chez Ike & Tina. Elle nous explique qu’il existe alors deux moutures d’Ikettes, les backing singers d’Ike & Tina : Robbie Montgomery, Venetta Fields et Jessie Smith constituent la mouture A qui part en tournée avec Ike & Tina, et la mouture B qui tourne avec The Dick Clark Show. Pat postule pour la mouture B en compagnie de Gloria Scott et de Maxine Smith. C’est Ike le renard qui a l’idée des deux moutures. On appelle ça avoir plusieurs fers au feu. Ike fait déjà du big biz. À l’époque, Gloria Scott est assez expérimentée, nous dit Pat, pour s’être retrouvée à la même affiche que les Supremes et d’autres Motown acts. Quand la mouture A se mutine et démissionne, la mouture B monte en grade et part en tournée avec l’Ike & Tina Turner Revue. Et c’est là que Pat démarre.

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             Elle ne brosse pas un portrait très flatteur d’Ike Turner : «Il avait la peau très noire et n’était pas très grand, un peu dégingandé, avec une tête allongée qui semblait trop grande pour son corps, un visage taillé à la serpe et des yeux très grands. Il avait les jambes arquées, ce qui le rendait sexy au yeux de certaines femmes. Il avait un sens de l’humour Southern, mais je ne savais pas quoi penser de lui. Il n’était pas laid, mais il n’était pas non plus très beau. Il racontait des blagues salaces qui me mettaient mal à l’aise. Il m’a demandé mon nom avec un petit rire bizarre et semblait fasciné par la taille de mon cul.» Pat passe l’audition avec succès, mais à l’époque, elle est mariée et mère de deux enfants. Ike réussit à convaincre le mari psychopathe de laisser Pat partir en tournée pour plusieurs mois. C’est tellement bien raconté qu’on s’y croirait. Pat narre cette première tournée à travers les États-Unis, la Revue sur scène, et l’arrivée de Tina qui chaque soir provoque l’explosion du public - She broke into «Shake» and boy could she shake her money-maker - Chacun sait que Totor a craqué en la voyant sur scène. L’early Tina était fantastique, she was beautiful and wild - She was the female James Brown - Pat compare aussi les nouvelles Ikettes aux anciennes : «We were pretty green, but we were in tune with the latest trends. We were like a baby Supremes, only raunchier. Our youthful zest is what Ike and Tina liked. We could inject their show with that high-energy teen Go-Go vibe.» Ike ne veut ni drogues ni alcool dans les Ikettes. Il fout des prunes quand un truc ne va pas, par exemple une perruque de travers. Elles reçoivent 250 $ par semaine, mais doivent payer leur bouffe et l’hôtel. Elles portent toutes les trois des perruques. Pat donne tous les détails. Il faut savoir qu’à l’époque, toutes les Soul Sisters portent des perruques. Il faudra attendre la mode des afros pour voir les perruques disparaître. La seule des trois qui tient tête à Ike, c’est Gloria Scott, parce qu’elle le connaît depuis longtemps et qu’elle a du caractère.

             Et puis un jour, Maxine, Gloria et Pat ratent le bus pour Houston, où est prévu un concert. Elles doivent prendre l’avion à leurs frais et en arrivant, Ike leur colle en plus une prune. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Alors Maxine et Gloria décident de quitter la Revue. Mais Pat qui a deux gosses à charge se désolidarise et décide de rester, trahissant ses amies. Elle ajoute que Maxine ne lui a jamais pardonné cette trahison. Par contre, Gloria lui dira plus tard qu’elle avait compris les raisons de sa décision. Eh oui, le résultat est que Maxine et Gloria ont sombré dans l’anonymat, alors que Pat a choisi la survie. Soul Survivor. La vie ne tient qu’à un fil. Surtout la vie artistique.

             Alors tout le monde attend de savoir : Pat s’est-elle fait sauter par Ike ou pas ? Oui, ça paraît évident. Toutes les Ikettes passaient à la casserole et Tina ne disait rien. Ike avait pour habitude de se pointer dans les loges avec la bite à l’air. L’idée étant que tailler une pipe permettait de s’agrandir la gorge et de mieux chanter. Ike finit par baiser Pat qui nous donne tous les détails, «the big black ugly dick inside me». Mais à côté de ça, elle apporte des éclairages sur ce personnage tellement contradictoire, dont le père avait été lynché par des blancs. Comme il n’avait pas été soigné, le père s’était chopé la gangrène. Installé sous une tente plantée devant la maison, il a cassé sa pipe en bois sous les yeux horrifiés du petit Ike. Un drame pareil, ça te transforme un gamin. Ike est alors devenu un wild child, Il trafiquait du moonshine pour survivre et au tout début des années 50, il a formé les Kings of Rhythm, l’un des meilleurs combos ayant jamais existé aux États-Unis. Puis il a monté la Revue et s’est inspiré des Raylettes de Ray Charles pour rassembler ses Ikettes. Et comme Ray Charles baisait ses Raylettes, Ike baisait ses Ikettes. Ça fait partie du jeu.

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             C’est en août 1966 que Pat débarque en Angleterre avec les Ikettes, pour la tournée anglaise des Rolling Stones. The Ike & Tina Turner Revue joue en première partie, avec les Yardbirds, Long John Baldry et Peter Jay & The Jaywalkers. Les Ikettes sont trois : Pat, Rose Smith et Ann Thomas, qui ne chante pas et qui mime pendant que Jimmy Thomas fait sa voix en coulisse. Ike dit «pas touche !» aux petits culs blancs qui louchent sur le petit cul noir de Pat Arnold. Mais Jag a commencé à loucher sur le petit cul noir de Pat, et Bill sur celui de Rose. Pat se dit fascinée par les Stones - This was some serious hardcore elecrifying rock’n’roll - Quand elle voit Jag danser, elle se marre - He was hilarious, with gangly white-boy sex appeal, trying real hard to look black - Quand il secoue les bras, elle le compare à un poulet dans la basse-cour. Et hop, au lit ! Elle devient la girlfriend de Jag, en concurrence directe avec Marianne. C’est Glyn Johns qui alerte Ian Stewart, le sixième Rolling Stone - You got to come and hear the girl sing - Stewart alerte à son tour Andrew Loog Oldham qui la signe sur Immediate et qui la baptise comme on l’a dit Pipi Arnold. C’est ce contrat et sa liaison avec Jag qui vont la convaincre de rester en Angleterre. Stewart commence par sortir Pat des griffes d’Ike qui lui ordonne de rentrer à Los Angeles. No way. Stewart la met à l’abri dans sa maison de campagne. Puis Pat doit téléphoner à son père pour lui demander l’autorisation de tenter sa chance à Londres. Le père lui donne six mois et lui fait confiance : «On ne sait rien à propos de l’industrie du disque, mais on sait que tu as du talent et on ne voudrait se mettre en travers de ton chemin.» Pat chiale toutes les larmes de son corps en entendant ça. Mom & Dad vont s’occuper des gosses, donc Pat peut foncer.

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             Elle commence par tourner en Angleterre, avec les Blue Jays, puis T.N.T. dont le bassiste n’est autre qu’Eddie Phillips, le flash guitar slinger de Creation. Comme c’est une tournée Immediate, elle se retrouve à l’affiche avec les Small Faces. Elle a une petite aventure avec Steve Marriott - a little extra-curricular sexual activity - Elle baise aussi avec Rod The Mod - We had a lot of laughs and sex was cool - Elle fréquente Marianne Faithful avec laquelle elle se trouve pas mal de points communs, même si elles sont d’origines sociales radicalement opposées : «On était toutes les deux des teenage mothers and teenage brides, on avait été découvertes toutes les deux par Andrew Loog Oldham and we were both Mick Jagger’s lovers.» Pat va chez Jag quand Marianne n’y est pas, mais Marianne déboule une nuit avec une copine américaine et elles se mettent au lit avec Pat et Jag - Je me suis retrouvée au milieu d’une orgie with these two soft white blonde girls all over me - Démarre ensuite une petite période de ménage à trois, mais Jag s’écarte un peu de Pat, lui préférant Marianne. Un peu plus tard, Marianne va passer à l’héro, et au moment de l’hommage à Brian Jones à Hyde Park, elle verra Jag se pavaner avec Marsha Hunt qu’il vient d’engrosser. Marianne va tenter de se suicider aux barbituriques en Australie, pendant le tournage de Ned Kelly. Elle va rester six jours dans le coma. À son retour à Londres, elle ramasse ses affaires et quitte la maison de Chelsea et, nous dit Pat, Marsha s’installe à sa place. Elle est pas belle la vie ?

             Comme Pat a besoin d’un chauffeur, Andrew lui file Kenny Pickett, l’ex-chanteur de Creation. À cette époque, elle baise aussi avec Jimi Hendrix qui vit tout près, in Montague Square, right around the corner from my flat in Bryanston Mews East.

             Pour son premier album Immediate, Pat a tout le gratin dauphinois derrière elle, notamment les futurs membres de Nice. Andrew voit en Pat une sorte de superstar et veut qu’elle ait les meilleurs auteurs, les meilleurs arrangeurs et les meilleurs producteurs. Il agit comme son mentor Totor. Pat : « Andrew was into the West Coast Phil Spector girl group thing. » 

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             Paru en 1968 sous une pochette iconique signée Gered Mankowitz, The First Lady Of Immediate pourrait bien se retrouver sur l’île déserte, car cet album grouille littéralement d’énormités. Elle démarre bien sûr avec le fameux « (If You Think You’re) Groovy » des Small Faces, qu’elle embarque à la grimpette foldingue, c’est tapé à la puissance Marriott/Lane et aux descentes de toms de Kenney Jones. Marriott et Lane pensaient d’abord lui filer « Afterglow », mais ils changèrent d’avis et lui proposèrent Groovy. Avec « Something Beautiful Happened », Pat tape dans le Brill, soutenue par un grand ensemble dévastateur. Sacrée Pat, elle peut monter tellement haut qu’elle devient une sorte de visiteuse des cieux. Avec « Born To Be Together », elle fait sauter le couvercle de la voûte, elle chante avec toute la puissance de sa blackitude céleste. Wow ! Quelle shouteuse ! Elle hurle littéralement au sommet du beat. On a là le nec plus ultra du bénéfice des longs termes. Toujours aussi magnifique, voici « Am I Still Dreaming » monté sur un beat solide et embarqueur de première. C’est une énormité sans nom, comme on dit quand on ne sait plus quoi dire, une énormité montée à l’adrénaline de mini-jupe, un jerk des enfers. Tu viens danser, baby ? Elle finit l’A avec le fameux « The First Cut Is The Deepest », ce vieux balladif d’intensité maladive. Elle y fait un final éblouissant à coups de gotta gotta. « Everything is Gonna Be Alright » s’ouvre sur une grosse pelletée d’orchestration. C’est signé Oldham. Pur jus de Swingin’ London. Stomp de rêve - hey hey hey - C’est plombé au beat direct, Pat le chante à bout de voix et l’explose à la fin. S’ensuit la pop nerveuse de « Treat Me Like A Lady ». Ça part en pur jive de jerk. Très franchement, cet album compte parmi les fleurons des sixties. Encore une fois, Pat explose tout. C’est son seul vice. Elle se montre chaque fois terrifiante de force et dégoulinante de jus de présence. Elle peut driver un cut comme Aretha. Elle revient au jerk d’Andrew Loog Oldham avec « Speak To Me », un hit fait pour danser, et secouée par des tourbillons de violons, Pat chante à outrance.

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             Comme les albums Immediate sont devenus inabordables, on peut se rabattre sur une fantastique compile parue en 2001, The First Cut, qui est du triple concentré de dynamite à la tomate. On y retrouve tous les hits de The First Lady Of Immediate, notamment « Everything’s Gonna Be Alright », ce stomp composé par Dave Skinner, de Twice As Much, duo qu’Oldham avait signé sur Immediate et qu’il payait pour composer. En 1967, on savait stomper. On y retrouve aussi le gros hit de Pat, « The First Cut Is The Deepest », signé Cat Stevens et orchestré à la Totor par Mick Hurst, un type qui fit partie des Springfields, avec Dusty chérie. C’est joué aux trompettes de la renommée et très cousu de fil blanc, mais à l’époque, ça plaisait beaucoup. Pat revient au pur jus de juke avec « The Time Has Come » et dans la foulée voilà que déboulent tous ses hits Immediate, « Angel In The Morning » (du Chip Taylor bien produit), « Speak To Me » (stomper des enfers, Pat éclate comme Aretha, elle grimpe là-haut sur la montagne), « Born To Be Together » (production à la Totor - Normal, c’est une compo signée Spector/Mann/Weil que reprendra aussi Dion - Alors bien sûr elle l’explose - on dirait qu’elle ne sait faire que ça). C’est le même problème avec toutes les grandes interprètes, il faut leur donner de bonnes chansons, sinon elles tournent en rond. Avec une belle compo de Totor, Pat devient un shouteuse fascinante, comme l’est Dusty chérie avec une belle compo de Burt. D’ailleurs Pat sait comment s’y prendre avec Totor, puisqu’elle a participé aux mythiques sessions d’enregistrement de « River Deep Mountain High ». On trouve encore une belle perle de juke avec « Am I Still Dreaming ». Là, elle fait sa Martha Reeves, elle se fait vacharde et bousculeuse, puissante et insidieuse, elle envoie sa voix claquer au firmament. Et la fête se poursuit avec « Treat Me Like A Lady », un autre r’n’b brûlant, musclé, rapide et raunchy, doublé de chœurs déments, visité par un solo de guitare cabossé. Tout cela file à une vitesse supersonique. Pat a le diable au corps. Elle crache le feu sacré du r’n’b. Par contre, son « Would You Believe » est plus cérémonieux et même massacré par des violons. On trouvera un peu plus loin un sacré coup de chapeau à Brian Wilson, puisqu’elle reprend « God Only Knows », tiré de son deuxième album, Kafunka. Elle tape dans le dur du mille. Elle y va au bluff. Comment peut-on oser taper dans un tel classique ? Elle s’y colle vaillamment et serre ses petits poings noirs. Elle force tellement qu’elle fait mal aux oreilles. Puis elle tape dans les Beatles avec « Eleanor Rigby » et surtout « Yesterday » qu’elle transforme en powerhouse. Elle se bat jusqu’au bout et en cela, elle est admirable. En fin de parcours, on va trouver deux autres merveilles : « To Love Somebody » des Bee Gees qu’elle transforme en r’n’b magique, et « Welcome Home » dont elle fait une monstruosité mélodique.

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             On trouve assez facilement un Best Of de Pat édité en Hollande sur Immediate. Tous les gros hits pré-cités s’y trouvent, bien sûr. Nous sommes là au cœur de l’âge d’or d’Immediate. Cette époque sentait bon la veste en velours et la mini-jupe, le jabot et la mèche folle. On pataugeait dans l’insouciance des jours heureux. Des artistes comme Pat Arnold et les Small Faces parvenaient à cristalliser toute cette fantastique énergie. 

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             Dans une interview qu’elle accorde à Lois Wilson, Pat cite les Staple Singers, Aretha et Dionne Warwick comme ses premières influences. Quand Ike & Tina reviennent en Angleterre, ils ramènent une nouvelle brochette d’Ikettes : Ann Thomas, Paulette Parker et Claudia Lennear, une Claudia, nous dit Pat, qui louche sur Jag. Alors Pat en profite pour faire le point sur «Brown Sugar» : «La rumeur dit que Mick s’est inspiré de Claudia pour ‘Brown Sugar’. Mais c’est plus compliqué. Un jour, à la fin des années 70, nous dînions à Los Angeles avec Marsha Hunt et notre amie mutuelle Linda Livingston, et selon Linda, Mick se serait inspiré de moi pour ‘Brown Sugar’. Ça m’a bien fait rire, mais ça n’a pas fait rire Marsha qui est convaincue d’être la vraie Brown Sugar.» On ne saura jamais la vérité et on s’en fout. Fataliste, Pat dit que Jag a baisé Marsha et Claudia, mais elle ajoute qu’elle était là avant - Mick was my first white lover, back when interracial relations were taboo.

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             Elle enregistre son deuxième album Kafunka en 1968. Album étrange. Pat y porte une sorte de coiffure indienne du Mardi Gras de la Nouvelle Orleans. Dans son autobio, elle rappelle qu’elle a du sang Choctaw dans les veines. Elle ajoute que les Choctaw étaient l’une des ‘Five Civilized Tribes’ qui ont adopté le mode de vie des blancs, allant jusqu’à faire travailler des esclaves sur leurs plantations. Sur Kafunka, Pat tape dans l’intapable, c’est-à-dire le « God Only Knows » de Brian Wilson, l’une des pierres angulaires de Pet Sounds. C’est à sa main, car elle force bien. Elle ne se résigne pas et repousse ses limites en quête de l’octave impérieuse. Andrew était quand même gonflé de lui demander de chanter ça. Elle chevrote admirablement. Deux autres merveilles se nichent en B : « To Love Somebody » et « Dreamin’ ». Les Small Faces l’accompagnent sur « To Love Somebody » et Mac nous nappe ça d’orgue. Il faut voir comme ça swingue. « Dreamin’ » est une reprise des Bee Gees qu’elle va chercher au beau chat perché. Si on apprécie les beaux balladifs, on se régalera aussi de « Welcome Home ».

             Puisqu’on parlait des Bee Gees, voilà Barry Gibb qui devient pote avec Pat et qui lui compose des cuts. Pat connaît Barry Gibb grâce à Jim Morris, son mari, qui fut à l’époque le chauffeur de Robert Stigwood. Par contre, Pat ne s’entend pas du tout avec Lulu, la poule de Maurice Gibb. Lulu lui montre un peu de mépris, ce qui n’est pas le cas de Dusty chérie - always warm and friendly with me - Barry lui compose des super-cuts, et dans les backing vocals, on retrouve Madeline Bell et Doris Troy.

             Après la fin d’Immediate, Robert Stigwood demande à Barry Gibb de produire le premier album de Pat sur RSO, mais comme les Bee Gees viennent de splitter, le projet est abandonné. Clapton prend la suite, en tant que producteur sur trois cuts, mais Stigwood n’aime pas les enregistrements. Il ne les trouve pas assez commerciaux. Alors il enterre le projet. Pat est virée - Dropped and lost - Et pourtant, elle repartait du bon pied, puisqu’elle avait comme backing band Ashton Gardner & Dyke, Steve Howe on guitar, et Lesley Duncan aux backing vocals. Autant dire la crème de la crème. Mais ça n’a servi à rien. Comme Pat portait une afro, I got revolutionary, I got attitude, elle pense que ça ne plaisait pas à Stigwood. Les bandes vont prendre la poussière sur une étagère pendant 50 ans. Hein ? Oui, tu as bien entendu : 50 ans !

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    Dans Classic Rock, Henry Yates indique que Pat a passé sa vie à courir après son passé. En effet, pour récupérer ces fameux enregistrements de 1969, elle a dû frapper à des tas de portes et se montrer insistante - I’ll be an old lady soon. I want my music ! - Et c’est justement le jour de ses 70 ans, en 2017, qu’elle reçoit enfin une réponse d’Universal par mail : elle peut tout récupérer, les enregistrements, les licences et les droits !

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             L’album s’appelle The Turning Tide et sort donc sur Kundalini Music, le label de Steve Cradock d’Ocean Colour Scene, un Cradock génial qui a soutenu Pat pendant toutes ses démarches. Ça valait le coup d’attendre 50 ans, car forcément l’album est génial. Rien que pour cette cover du « Medicated Goo » de Traffic. Pat mène le bal des Anglais et cet enfoiré de Carl Radle navigue à vue sur le manche de sa basse. C’est du groove de black anglomaniaque mené par une Pat qui pulse son jus d’Angelinote. Encore un coup de génie avec « Spinning Wheel », le vieux hit de Blood Sweat & Tears. Elle n’en fait qu’une bouchée. Elle explose le Wheel du Spinning en plein vol. Tout aussi génial, voilà « You’ve Made Me So Very Happy », groove de bar de nuit rendu célèbre par Brenda Holloway. Pat gère bien son affaire. Elle sait. Pas besoin de lui expliquer. Sa façon de groover relève du génie pur, aucun doute là-dessus. Elle enchaîne deux slowahs monumentaux : « If This Were My World » et « High & Windy Mountain ». Pat peut grimper dans les étages, elle n’a aucun problème de ce côté-là. Elle grimpe tellement haut qu’elle finit par donner le vertige. Elle force son passage vers les étoiles, à la manière de Cilla Black. Elle se bat comme une reine avec les octaves. Madeline Bell vient chanter avec elle « Burry Me Down By The River » qui est un cut de gospel batch, alors ça explose. On entend Madeline hurler dans le fond ! Tiens, encore du gospel avec « Children Of The Last War ». Tout est démesuré sur ce disque sauvé des eaux, comme Boudu. Même le gospel relève d’une incroyable véracité. Elle explose aussi « The Turning Tide », une compo somptueuse, on se croirait à Broadway. Alors oui, Pat peut éclater au firmament, en voilà la preuve. Elle est tout simplement extravagante de démesure octavienne. Ian Stewart avait raison : « You got to come and hear the girl sing ! » Tout est bon sur cet album, elle chante tout à plein temps, elle remplit l’espace de chaque cut et comme Sharon Tandy, elle vise chaque fois l’explosion finale. Elle termine avec une version démente du « Can’t Always Get What You Want » des Stones. Elle tape dans l’intapable, comme Merry Clayton avant elle, et s’en sort avec les honneurs, d’autant qu’elle le trashe d’entrée de jeu. C’est tout de même incroyable que Stigwood ait pu enterrer des enregistrements de cette qualité.  

             À l’époque, Pat est bien pote avec Brian Jones - He was very cute and sexy and looked aristocratic, eccentric and yet elegant in his flamboyant attire, his dandy scarves and beautiful smoking jacket - Elle n’est pas attirée sexuellement par lui, mais Brian se conduit en gentleman avec elle. Pat dort avec lui, mais note-t-elle, il n’est plus en état de fricoter. La mort rôde déjà dans le Swingin’ London. Pat va voir ses bons amis disparaître : Brian Jones et Jimi Hendrix. Elle se lie avec Madeline Bell - She had the clearest cristaline vibrato I’ve ever heard - et avec Doris Troy, via Madeline. Doris et Madeline se sont rencontrées à New York. Doris est une battante, elle passe sa vie à courir après ses royalties. Un jour en Californie, elle emmène Pat chez Nina Simone. Pat se dit fascinée par le spectacle de ces deux stars qui se racontent leurs mésaventures avec le music biz et comment elles se sont fait plumer. 

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             Comme elle est bloquée par Stigwood, pour vivre, elle doit faire des backing vocals. Elle se retrouve avec Doris derrière Nick Drake pour les sessions de Bryter Layter, derrière les Move pour celles de Looking Back et, avec Claudia, derrière Humble Pie pour les sessions de Rock On. Elle cite des tas d’autres choses moins intéressantes. Elle se réinstalle à Los Angeles avec le batteur de CSN&Y et de Manassas, Calvin Fuzz Samuels, et lui donne un fils, Kodzo. Elle devient pote avec Paulette Parker qui fut comme on l’a déjà dit une Ikette, avant de devenir Maxayn Lewis. Pat rappelle que Marlo Henderson, le guitariste de Maxayn, fit partie du Buddy Miles Express et de Wonderlove (Stevie Wonder). Elle rend aussi hommage à Andre Lewis, le mari de Paulette, la reine des paupiettes, qui lui aussi a joué avec Buddy Miles, et Frank Zappa. Le groupe que Pat tente de monter avec son mari Fuzz s’inspire de Maxayn : il s’appelle Axis, en hommage à Jimi Hendrix. Ils reçoivent même une avance d’EMI. Mais rien ne sort.  

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             En 2007, elle enregistre un album avec Dr Robert : Five In The Afternoon. Dr Robert avait été le chanteur des Blow Monkeys. Et donc forcément, cet album prend une coloration groovy, puisque les Blow Monkeys s’étaient spécialisés dans la pop sophistiquée. On entre dans ce disque comme dans le lagon du groove bluesy. Ils bricolent tous les deux des balades enchanteresses et frileuses. On sent bien la reptilienne conjugaison des feelings. Avec « Careless Blues », ils passent à l’exotica de haut rang. Il règne une certaine élégance dans leurs parages dégingandés, une sorte d’excellence caraïbe. Un alizé gonfle doucement les voiles de tulle suspendus au toit de palmes, et au loin, l’océan se charge d’un mystère ancien. Ils maintiennent ce sentiment d’aisance nonchalante pour le morceau titre de l’album et avec « I Saw Something », on passe au grand groove, celui de Marvin Gaye. C’est superbement balancé et gorgé de langueur. Pat fait vibrer sa glotte au grand air et une fois encore, elle atteint les cimes. En général, la majesté du groove ne pardonne pas. Le groove ne fait pas de prisonniers. Il asservit les sens et enchaîne les membres. Il n’existe pas d’échappatoire. Tout doit se plier aux exigences du frisson. Avec « Stay Now », Pat revient faire un petit tour chez Stax. Mais ce n’est pas évident. Retour au groove avec « Ghost Of Winter ». C’est un genre qui leur va comme un gant. Celui-ci est d’autant plus impressionnant qu’il est sensible, intelligent et distingué, comme disait Alain Souchon à propos de Michel Berger. Ils font monter la chose en chantilly et nous dilatent le bulbe. Voilà une pièce d’antho à Toto. Puis Dr Robert se transforme en requin et entre dans le lagon d’un cut nommé « Shape It For Me ». On voit son aileron disparaître au loin, sous le ciel en feu du crépuscule tropical.       

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             En 2017, la presse anglaise se déchaînait. Elle annonçait le grand retour de Pat avec le lancement d’une tournée, la parution d’une autobiographie et l’enregistrement d’un nouvel album avec Steve Cradock. Justement, le voilà ! Paru en 2019, il s’appelle The New Adventures of P.P. Arnold et c’est un é-nor-me album. Sur la pochette, Pat est superbe de kitschity et elle démarre avec un coup de génie intitulé « Baby Blue ». Elle revient immédiatement à son cher pinacle, c’est extrêmement bien chanté, poussé dans ses retranchements, avec un bel esprit de conquête et une inflexible volonté d’en découdre. Spectaculaire ! Pat retrouve sa niaque d’Ikette - In peacock colours/ Like you used to do/ Before you were baby blue - Stu-pé-fiant. Elle va continuer de s’imposer cut après cut, comme avec « Though It Hurts Me Badly », oui, elle tape dans le haut de vieille glotte et c’est aussitôt relayé par des vagues de son énormes, elle ultra-chante au collet monté d’Ikette et swingue admirablement ses pointes, elle chante à la niaque supérieure. Avec « The Magic Hour », elle crée tout simplement de la magie, the spirit of the Swingin’ London is alive and well - Just look at the sunlight magic/ It’s everywhere/ If only paradise/ It could take us there - Fabuleux ! Nouveau coup de génie avec « Different Drum », elle fait exploser le groove dans une apothéose d’excellence - I’m not ready for any prison - C’est de la pop magique, elle pulse autant que Ronnie Spector, elle va au-delà de toute expectative, elle ramène aussi toute la dramaturgie orchestrale de Totor - Pull the reins in on me/ If you live without me - Demented ! Pat a tous les droits, même celui de proposer des mauvais cuts, puisqu’elle est bardée de crédit. Elle revient aux choses sérieuses avec « When I Was Part Of Your Picture » qui sonne comme un hit obscur de l’âge d’or Motown. Elle ramone sa Soul orchestrale in the dark - Remember when we could fly - Elle amène « I Finally Found My Way Back Home » au grand mystère extraordinaire. Sa force est de transformer la découverte d’une île en bonheur de vivre, let it shine. Elle relance à n’en plus finir, elle secrète des hormones de magie pure, elle puise son power dans le gospel des origines, yeah-eh eh - People living in fields/ Living in dirt - C’est d’une rare puissance et elle revient avec son refrain totémique, I found my way back home. Elle passe à l’état d’extase. Le temps d’un « You Got Me », elle domine le monde, elle devient astounding, comme dirait un Anglais, elle claque ses cuts au sommet du lard fumé, oooh baby baby baby, cette petite diablesse descend son baby baby baby avec toute l’ampleur du Soul System. On la voit aussi chanter par dessus les toits dans « Still Trying » et elle boucle cet album pour le moins effarant avec un « I’ll Always Remember You » qu’elle chante a capella. Pat Arnold est une princesse de l’aristocratie britannique. Elle tient la dragée haute à son rang. Cet album est avec celui du grand retour de Merry Clayton (Beautiful Scars) l’un des albums phares de ce début de siècle.  

    Signé : Cazengler, Pipi au lit

    PP Arnold. The First Lady Of Immediate. Immediate 1968

    PP Arnold. Kafunka. Immediate 1968

    Dr Robert & PP Arnorld. Five In The Afternoon. Curb Records 2007

    PP Arnold. The Best Of PP Arnold. Immediate

    PP Arnold. The First Cut. Sanctuary Records 2001

    PP Arnold. The Turning Tide. Kundalini Music 2017

    PP Arnold. The New Adventures Of. Ear Music 2019

    Pat Gilbert. First Cuts Are The Deepest. Mojo#287 - October 2017

    Henry Yates. PP Arnold. Classic Rock #240 - September 2017

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    Paul Ritchie/ A Cut Above The Rest. Shindig #68 - June 2017

    Lois Wilson. The tide comes in at last. Record Collector #473 - December 2017

    P.P. Arnold. Soul Survivor - The Autobiography. Nine Eight Books 2022

     

     

    Spencer moi un verre, Jon - Part Two

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             S’enfoncer dans l’œuvre épaisse de Jon Spencer, c’est comme s’enfoncer dans l’œuvre d’un auteur qu’on aime bien, parce qu’il ne déçoit jamais. Exemple : Alexandre Dumas, ou encore Balzac. Les tomes qui s’amoncellent produisent une sensation de confort, on peut s’y pelotonner indéfiniment. Jon Spencer est l’un des rockers américains les plus prolifiques et dès le commencement de sa carrière, il met un point d’honneur à se distinguer du troupeau bêlant. Pussy Galore ne ressemble à aucun autre groupe des années quatre-vingt. Jon Spencer révèle très vite un goût prononcé pour l’avant-gardisme, il développe avec le concassage sonique de la Galore une modernité de ton qui va faire école, non seulement dans son réseau personnel, mais dans la scène new-yorkaise. Il n’est pas étonnant de le voir croiser les chemins de Jerry Teel, de Ron Ward, d’Andre Williams ou encore de Monsieur Jeffrey Evans.

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             Il s’entoure bien pour lancer le train fou de Pussy Galore : Bob Bert aux metallic drums (qu’on retrouvera plus tard dans les Chrome Cranks et dans les Hitmakers) et Neil Hagerty qui ira former Royal Trux. En 1986, ils démarrent par un sacré coup d’éclat : une adaptation libre d’Exile On Main Street.  Album de rêve, pourrait-on dire. Alors bien sûr, Jon Spencer et sa fine équipe tapent dans la Stonesy dès «Rocks Off», mais ils font ça au trash suprême. Les Stones n’auraient jamais osé aller jusque-là. Les Pussy claquent tout à la volée. Welcome in hell. L’autre fabuleux shoot de Stonesy est bien sûr l’«Happy». Ils traînent Keef dans la boue du trash de Galore. C’est une admirable déflagration, rien d’aussi réjouissant sur cette terre, voilà un son bardé de stridences et concassé à coups de bassmatic. Ils font un «Shake Your Hips» bien raw to the bone, assez demented, imbattable de primitivisme. Voilà la grande force des Galore : la surenchère primitiviste. Ils se montrent inconoclastes avec «Tumbling Dice». Ils trashent la structure des atomes du rock, ils jettent de l’huile sur le feu du Dice. Difficile d’aller aussi loin dans ce genre d’entreprise de démolition. On peut dire la même chose de «Sweet Virginia». Quelle allure ! Ils démolissent aussi le vieux «Casino Boogie» et saturent «Torn And Frayed» de guitares désordonnées. «Loving Cup» est certainement le meilleur hommage aux Stones jamais enregistré. C’est à la fois admirable et sans retour possible. Une fille essaye de parler dans «Turd On The Run» mais Jon Spencer lui dit de la fermer. Shut up ! Abominable homme des neiges. Ils jouent tout dans une purée de basse fosse. Ils jouent des squelettes d’accords. «Let It Loose» sonne comme un souvenir précis dans un moment de défonce. Extraordinaire de véracité, car oui, c’est comme ça que se passe. Tu vois ton souvenir vibrer dans le cosmos. Ils jouent aussi «Stop Breaking Down» à ras des pâquerettes. Ils ne prennent pas de risques. Ça joue tout seul.

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             L’année suivante paraît l’explosif Right Now. On pourrait même dire qu’avec cet album, Pussy Galore invente le trash-rock. Ça démarra avec un «Pig Sweat» martelé et sans espoir, une merveille de désespérance jusqu’au-boutiste. On ne saurait imaginer son plus trashy. Ils jouent aussi «Upright» au boogie new-yorkais des bas fonds. Jon Spencer commence à se spécialiser dans les onomatopées, comme on le voit dans «Biker Rock Loser» - Fuck ya ! Watch out ! - Avec un solo d’arrache cœur. Comme son nom l’indique, «Fuck You Man» te fucke et ils couronnent ce balda avec un «New Breed» d’antho à Toto, admirablement shaké par Bob au beat metallic KO et un «Alright» quasi-garage. En B, «Punch Out» se distingue du lot par son beau trash galorique. Jon Spencer joue déjà les enfonceurs de portes ouvertes. Il déploie d’immenses quantités d’énergie pour démolir son rock. On le voit hurler dans la tourmente de «Trash Can Oil Drum» et il monte avec «Really Suck» un coup fumant en multipliant tout simplement les exactions. Il démolit son château de cartes à coups de tronçonneuse. Ce mec est très intéressant.

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             Attention au Sugarshit Sharp paru l’année suivante. On trouve en B un excellent coup de Stonesy intitulé «Handshake» et deux énormités, «Sweet Little Hifi» et «Renegade». C’est du straight ahead rock, véritable shoot de Galore garage pouilleux. Bob bat ça sec, si sec. C’est d’une solidité à toute épreuve. «Brick» impressionne aussi par sa carrure. On voit bien que Pussy Galore était en avance sur son temps. Avec ce genre de punch, ils préfiguraient le JSBX.   

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             À une époque, on jouait dans un groupe avec un guitariste qui possédait Dial M For Motherfucker. Le problème est qu’il n’aimait pas l’album. Au fond, le vrai problème était de savoir ce qu’on foutait tous les deux dans le même groupe. Eh oui, Dial M For Motherfucker est un superbe album de trash-rock, un disque bien vivant, qui reste assez inégalable, trente ans après. Boom badaboom dès «Understand Me». Schtroumphé d’entrée de jeu. Magnifico ! C’est dégoulinant de classe - Don’t ! Don’t ! - Ça marche dans la gadouille du trash, ça riffe dans le bone, c’est allumé comme une chaudière à l’ancienne. Encore pire, voici «SM 57», gratté à l’os du bone. Ces mecs ont le génie du son, inutile d’aller chercher midi à quatorze heures. «Kicked Out», c’est le rock du Revenant, un DiCaprio coincé dans la glace, avec des flèches dans les cuisses, véritable apologie du no way out. Avec «Solo Sex», Jon Spencer avance à la titube, on entend des filles crier au loin et puis il va ensuite au bois avec «Undertaker». Il abat les chords à la hache, il n’a pas le choix. Il faut alimenter le Pussy Galore, il shoote le shake dans le ventre béant du son. Il tape à la suite son «DWDA» à la petite revoyure de revienzy. Pur riffing de king of trash. On est dans le vrai truc. Il s’installe définitivement dans le trash avec «Dick Johnson» et «1 Hour Later». C’est dans les deux cas un chef-d’œuvre de trash-rock global avec un Jon Spencer qui joue ses trucs en fourbe, par derrière. Il peut aussi gratter le pire boogie de l’univers. C’est effarant de puss & boots. Encore une horreur avec «Eat Me», qui sonne comme une exaction fatidique. Il réinvente la frénésie avec «Waxhead». Il gratte ça à l’os du Pussy, c’est buté du bulbique, le cut avance tout seul contre vents et marées, ça arrose les murs. L’album est tellement organique qu’il semble vivant. C’est à ça qu’on reconnaît le génie d’un mec comme Jon Spencer. En plus, il ne demande rien à personne. Avec «Wait A Minute», il taille une fabuleuse tombe de pierre philosophale cinéphale. Il chante avec des boules de billard dans la bouche. Il fait du battage patibulaire. On passe au heavy sludge avec «Hang On». Pussy galère dans la Galore, ils ont tout bon, jusqu’au bout des ongles sales. Ils déglutissent le meilleur son d’Amérique, cut après cut. Ils travaillent tous leurs cuts au corps, ils jouent des coups de dé qui jamais n’aplatiront le bazar. Jon Spencer chante à l’arrache invertébrée et lève des lièvres dans le buisson ardent. Il adore aussi cavaler ventre à terre, comme on le voit avec «Handshake». C’est joué aux trublions de vrille, à la Wilko, avec de l’incendie en fond de scène. Quel festin orgiaque ! On entend des voix éclater dans tous les coins sur «Adolescent Wet Dream» et ils nous explosent «Sweet Little Hi Fi» d’entrée de jeu. Ils rockent leur shit comme personne et multiplient les départs fulgurants. C’est battu dans la chair de la brèche par ce dingue de Bob Bert et explosé par des retours de cavalcade. Rien d’aussi précieux que ce rock insurrectionnel. Tout est souligné de fuzz. Ils ramènent des gimmicks à la Wilko dans «Brick» et cet album faramineux s’achève avec «Renegade», infernale déclaration d’intention dotée d’un son de batterie révolutionnaire, très métallique, comme si Bob Bert jouait sur un sommier rouillé. On a même un solo de gras double et un Jon Spencer qui n’en finit plus d’allumer la gueule du pauvre cut. C’est définitif autant que déterminant. Rien que pour le son du drumbeat, cet album est un passage obligé. Les guitares croisent dans le dépotoir comme des requins en maraude. Ils finissent aux clap-hands, hey clap your hands, alors vas-y.     

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              Bob Bert volerait presque le show sur Historia De La Musica Rock paru en 1990. Il crée une sacre ambiance sur «Song At The End Of The Side» qui clôt l’A et sur «Ship Comin’ On» qui ouvre la B. Il joue un beat clair de bord de caisse sur le premier et bas bien sec le deuxième. Ils adorent ces ambiances à la dépenaille avec les guitares au fond et des chœurs légèrement foireux. Le hit de l’album se trouve aussi en B : «Mono Man» - I got the power ! - C’est du garage de saw buzz à la Galore. Un peu de provoc avec «Eric Clapton Must Die». C’est une interprétation libre de «Little Red Rooster» et cette fois, on entend Neil Hagerty chanter. Belle giclée de trash dans «Don’t Jones Me». Voilà encore un cut privé d’avenir, mal ficelé, mal chanté, un pur joyau trash. On voit aussi Bob Bert battre «Revolution Summer» comme plâtre et le départ en solo de Neil Hagerty vaut tout l’or du monde.

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             Le meilleur album de Pussy Galore est certainement le fameux Live In The Red paru tardivement, en 1998. C’est là qu’on trouve le plus beau killer solo flash de l’histoire du rock américain, celui de «Pig Sweat». C’est joué au pire binaire de l’univers et soudain, Neil Hagerty troue le cul du cut. On voit une falaise de son s’écrouler et Neil jouer dans les décombres. Ils ne parviendront jamais à surpasser ce coup de génie. Tous les cuts sont tartinés à la disto, joués au pulsatif d’agonisant et troués à coups de killer solos flash. Ils battent tous les records d’invraisemblance avec «Sweet Little Hifi». Jon Spencer y cherche des noises définitives à la noise, il repousse les frontières de son empire trash et vise l’absolu de l’ultimate dévastateur. Derrière, Bob Bert martèle, awite ! Ce diable de Jon Spencer chante comme un requin affamé, l’œil fou. Avec «Understand Me», ils donnent une vision claire du sludge et Bob Bert bat «1 Hour Later» si sec qu’il semble lui briser les reins. C’est un beat sec spécifique, du big bad Bert quasi rockab. Hallucinant. Il faut entendre jouer ces quatre mecs. On trouve à la suite un «Dead Meat» infesté de guitares, ça joue dans les eaux troubles du rock le plus enragé qui soit. Ils bouclent l’A avec un summum du punch-rock qui s’appelle «Kicked Out». On peut les féliciter pour ce souci de cohérence. La B reste au même niveau d’explosivité permanente, avec des trucs comme «Undertaker» monté sur le kick ass metallic KO du grand Bob, et plus loin l’effarant «Kill Yourself», pur jus de désespérance, cut idéal pour se tirer une balle dans la tête.

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             Paru en 1986, Groovy Hate Fuck (Feel Good About Your Body) est présenté comme une compile, mais en réalité, c’est l’un des meilleurs albums de ce groupe d’avant-garde que fut Pussy Galore. Là-dessus, tout est poussé dans ses extrémités. Ils sont tellement enragés qu’ils élèvent le trash au rang d’art majeur. Ils ne basculent jamais dans le hardcore. Jon Spencer veille à ne jamais mordre le trait. C’est toute sa force. On entend Juila Cafritz gueuler dans «Cunt Tease». Elle est archi fausse. Les gros coups du balda sont «Constant Pain» et «No Count». Ils font de l’hypno avec «Constant Pain» et s’y soûlent de beat metallic KO. «No Count» va plus sur le garage de type «She’s My Witch». Par contre, avec le «HC Rebellion» d’ouverture de bal de B, ils vont plus sur le Velvet, car ils chantent à deux voix dans l’écho du temps de «Murder Mystery». On voit jusqu’où s’étend leur empire. Ils développent des énergies fondamentales dans «Get Out» et battent tous les records de punch avec «Die Bitch». Jon Spencer est fou à lier. On retrouve l’excellent «Kill Yourself» et ça se termine avec l’apocalyptique «Asshole» et son solo glouglou. I’m restless !

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             Après avoir fait tourner R.L. Burnside en première partie du JSBX, Jon Spencer lui propose d’enregistrer en 1996 un album devenu mythique : An Ass Pocket Of Whiskey. Toute l’équipe du JSBX descend dans le Mississippi. Russell Simins, Judah Bauer et Jon Spencer se retrouvent dans une cabane de chasseurs en compagnie de RL et de Kenny Brown. Ensemble, ils foutent le souk dans la médina. Ce disque est l’une des pires pétaudières de l’histoire de l’humanité. La tension monte dès le premier morceau, «Goin’ Down South», monté sur un beat sourd et mauvais comme une teigne. Russell Simins bat ça bad. On entend bien les quatre guitares jouer ce groove mortel du Mississippi qu’on appelle la purée du diable. S’ensuit un hommage à John Lee Hooker, «Boogie Chillen». Jon Spencer donne la réplique au maître RL - Yeah ! Ça repart de plus belle avec «Snake Drive», belle fournaise de boogie downhome. Jon Spencer pousse des cris - Snake driiiiiiiiiiiiiive ! et RL fait Yeah ! Ils s’amusent comme des fous. RL mène le bal. C’est un vrai boute-en-train. La cerise sur le gâteau se trouve en B : «The Criminel Inside Me» - Mama I wan’ some meal ! - et le voilà le meal : le gros groove spencerien. Ils refont un gros duo d’enfer tous les deux :

             — Hey RL !

             — Yeah !

             — You get goin’ you son of a bitch aw !

             Et RL prévient Jon Spencer que s’il ne dégage pas rapidement, il va lui botter le cul :

             — If you don’t get out fast I’m gonna get my feet right in your ass !

             — Aw !

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             Si Memphis Sol Today est arrivé jusqu’à nous, c’est grâce à Jon Spencer. En 1993, il fut enrôlé par Monsieur Jeffrey Evans pour jouer dans le ‘68 Comeback. Attention, cet album est d’une nature violente. On peut y voir Monsieur Jeffrey Evans, Don Howland, Rick Lillah et Jon Spencer démantibuler le trash dans «Memphis Chicken», puis démantibuler le stomp dans un «Barbara» claqué à coups d’accords fatals - Do the boogaloooo ! - Puis démantibuler Charlie Feathers dans «Lil’ Hand Big Gun», en guise d’hommage. Puis démantibuler Junior Kimbrough avec «I Feel Good Little Girl», puis démantibuler Nathaniel Mayer avec «I Had A Dream». En fait, ils ne le démantibulent pas vraiment, ils le passent à la moulinette, ce qui est un concept différent, le but restant bien sûr d’atteindre le stade du trash ultime. On les voit aussi démantibuler le venin dans «Coming Up». Attendez ne partez pas, ce n’est pas fini ! Cette entreprise de démantibulation se poursuit avec «Let’s Work Together». Ils ne laissent aucune chance à ce vieux coucou rendu célèbre par Canned Heat - C’mon c’mon - Jon Spencer le tarpouine à l’arrache de la rascasse, le mâchouille et le crache ensuite à la face de Dieu. Puis une grosse dérobade de solo complètement foireux tombe du ciel. On entend hurler un fou. Nous voilà rendus au cœur du trash. Ils vont même s’amuser à démantibuler les enfers avec «Down In The Alley» et démantibuler le blues avec «I’ll Follow Her Blues» qui empeste la vieille cabane branlante. Don Howland chante et c’est gratté sec. Ils tripotent la puissance du son et vomissent dans le réservoir. Ah il faut les voir claquer leur son.

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             Fulgurant album que cet Hung Far Low enregistré en 1991. Jon Spencer et Russell Simins viennent renforcer les rangs des Honeymoon Killers et ça change tout. Dès «Mad Dog», ils se montrent malveillants en jouant sous le manteau. Mais c’est avec «Wanna White» que ça explose. On y assiste au fantastique développement du heavy groove new-yorkais. Jon Spencer l’embarque en enfer et Jerry Teel l’embobine au riff tournoyant. C’est so good que Jon Spencer grommelle so good ! On reste dans l’énormité avec «You Can’t Do That». Avec Jon Spencer, il y a toujours un aboutissant. Ce «You Can’t Do That» renvoie au «Dropout Boogie» de Captain Beefheart. Aw ! Il pousse même les Aw que John Lennon pousse dans «Cold Turkey». Pendant que Russell Simins bat bien son beurre et que Jerry Teel gratte sa gratte, la petite Lisa bosse bien sa basse. Avec «Kansas City Milkman», Jon Spencer abandonne toute dignité et se vautre dans le stupre new-yorkais. Mais c’est en B que les choses se corsent, avec notamment «Thanks A Lot» attaqué à la petite vérole stoogienne, aux pires riffs de Jerry Teel. Ils sont capables d’être encore plus primitifs que les Stooges. Au chant, Jon Spencer bat tous les records de violence psychotique. Encore un cut drivé au riff malade avec «Fannie Mae». Jon Spencer y joue la carte du riff excédé, il trépigne de rage. Ils continuent de battre bien des records avec «Scootch Says». Violente montée de la basse dans le mix, et derrière ça cisaille à la parade. Oh comme ça monte ! Lisa chante «Madwoman Blues», elle chante ça à la paumée de la pommerolle paupérisée, c’est incroyablement trash, d’autant plus trash qu’elle n’a pas de voix, et derrière, ils font Massacre à la Tronçonneuse. Bon, il est temps que cet album se termine. «Whole Lotta Crap» se veut plus cérémoniel. Ils sont imbattables au petit jeu du pété de casseroles. Il souffle un beau vent de folie dans les quilles du bâti stoogy. Ils dévorent leur place au soleil.

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             En 2001, Jon Spencer enregistre un album avec les fils Dickinson au Zebra Ranch de Jim Dickinson. Il faut savoir que pour tous les aficionados du Memphis Beat, le Zebra Ranch est une sorte de Mecque. Au moins autant que Graceland. On en voit quelques images dans le booklet. Cody et Luther Dickinson accompagnent le Yankee Spencer et Dad joue un peu de piano sur deux cuts. On entend aussi l’harmo de Jerry Teel sur «Cryin’», un groove à la Screamin’ Jay Hawkins qui sonne comme une progression dans la douleur. Fabuleuse dégueulade de big heavy sugarshit. Luther y va de bon cœur sur sa guitare et Cody nous bat ça si sec. Le jackpot de l’album s’appelle «Primitive». C’est du Primitive de Zebra Ranch, chanté dans le rond de lunette de Méliès sur un beat originaire du Rif marocain, mais avec des tortillettes marioles des Batignoles. On y est, on est au cœur du mythe, chez Dickinson. Aw c’mon car voilà «Sat Morn Cartoons» chargé comme une mule et fouillé par un killer solo flash, aw c’mon ! Luther joue comme un dingue, il nous fait les Stooges, il bascule dans la folie - Do you remember/ Nothing at all - Ils sont encore plus royalistes que les Stooges, comme si c’était possible. Ils rendent un bel hommage à Zigaboo Modeliste avec «Zigaboo» et tirent une belle décharge de chevrotines avec «That’s A Day». C’est tellement chargé de son que ça chevrote dans la cuvette - That’s a draaaag - Ils n’en finissent plus de colmater le collimateur et ça continue avec un «I’m Not Ready» beaucoup trop puissant. Ils jouent comme des cons. Jon Spencer profite de «(Chug Chug) It’s Not Ok» pour s’adonner au screamin’ - I don’t believe you - Screamin’ Jon domine bien la situation. Ils terminent cet album haut en couleurs avec «Book Of Sorrow» - I’m gonna write/ A book of sorrow - Ce démon de Jon Spencer allumer sa mèche quand ça lui chante, chapter one, chapter two, il gueule du book tant qu’il peut, il s’appuie sur le pire heavy beat de la région, I’m gonna write, ça sonne comme du gospel batch de possédé et comme si ça ne suffisait pas, il en fait une sorte d’abomination substantifique.

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             Dans les années 2000, Jon Spencer fricote avec Ron Ward et Bob Bert dans Five Dollar Priest, un super-groupe de l’underground new-yorkais. Sobrement titré Five Dollar Priest, leur premier album paraît sur le mighty label basque Bang Records en 2008. Dès «Fingered», on sent le souffle d’une sacrée démesure battue en brèche par Bob Bert. On est dans le heavy New-York City urban beat, spécifique et dur, chargé d’un son d’obédience pirandellienne. Ron Ward amène «Bobby Chan» à la harangue de Bobby Chan, c’est secoué d’explosions. Sur l’album, Jon Spencer est crédité au térémine qu’on n’entend que sur «Cunty Lou». Fantastique atmosphère, tension énorme. Jon Spencer fait le con au fond avec sa machine. Le reste de l’album se tient magnifiquement. Ron Ward est le roi de la harangue vénéneuse. Il nous emmène dans les bas-fonds de Babylone. Il fait aussi du funk blanc avec «Ghost Of Bob Rose», c’est extrêmement digne du no-wavisme dévorant, d’autant plus digne que James White joue aussi sur l’album. Ron Ward et ses amis dotent chaque cut d’une longue dérive abdominale et de poussées de fièvre spectaculaires. «Decatur Street Blues» sonne comme un boogie industriel abominablement bien balancé. Ron Ward jive sur l’orgue et sur le monster beat que bat Bob à la syncope de charley. Il faut les voir jiver Conway Twitty sur «Conway Twitty’s Bag», solide shoot de r’n’b blanc explosé au free. Ils montent aussi «Mao Tse Tongue» sur une rythmique pressée bien nappée d’orgue et violemment perforée au sax. Ron Ward y pulse sa chère surenchère.

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             Dans les années quatre-vingt-dix, Jon Spencer monte Boss Hog avec sa femme Cristina Martinez. Elle fit en temps partie de Pussy Galore et c’est elle qui prend le lead dans Boss Hog. Mais on se doute bien que Jon Spencer fait tout le boulot. Avec un premier album paru en 1990, Boss Hog faillit rester bloqué au fond de l’underground. Cold Hands n’est pas l’album du siècle, loin s’en faut. On y trouve cependant deux belles réminiscences de Pussy Galore, «Gerard» et «Duchess». Jerry Teel qui fait alors partie du groupe ramone son manche de basse sur «Gerard» et ça sonne comme une sorte de trash-core d’underground de désaille new-yorkaise. Tout le jus est là. Jon Spencer pousse des soupirs de géant dans «Duchess», véritable modèle de heavy groove menaçant à la Gilles de Rais. Il s’en va chercher son groove très loin au fond d’une animalité répugnante. On sauvera encore deux cuts sur cet album : «Eddy», heavy comme pas deux, sonnant et trébuchant comme le ducat d’or du duc de Dôle, et «Go Wrong», way back to the basics instincts de Pussy warmer de Galore. Oh et puis tiens, le «Pete Shore» qui ouvre le bal de la B vaut bien le détour, à cause de cet épouvantable riff que triture Jon Spencer à l’ongle sale.

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             Leur second album s’appelle Boss Hog et paraît en 1995. C’est un album classique, 100% pur jus. Tout est là : le raunch, le goût de l’aventure et les exactions foudroyantes. On compte au moins deux coups de génie sur Boss Hog, à commencer par «Beehive». Le mari Jon prend le lead avec des ahhhh graves et bascule dans le JSBX apocalyptique. Jon sait mastiquer des grooves de génie. Il chante ça de l’intérieur du menton, personne ne l’entend, il foutrait presque la trouille, cet imbécile. Il nous claque ça à l’atmosphère inventive. Seul Jon Spencer peut se lancer dans ce type d’aventure sauvage. On le sait, il cultive depuis le début la pure démence de la partance ! Jon Spencer appuie là où ça fait du bien et ça jingle dans le jangle. L’autre coup de Jarnac s’appelle «Green Shirt», joué à la syncope fatale, avec de vraies coulées de lave. Nouvelle explosion de son, et à un moment, on voit du trash liquide couler au milieu, pareil à une rivière de flammes. Le cut d’ouverture s’appelle «Winn Coma» et sonne comme du garage dévastateur, explosif, jouissif, gorgé de son, nothing to lose ! Puis Cristina fait sa rampante dans «Sick», mais elle ne convaincra personne, en dépit du renfort inopiné du Sixième de Cavalerie, c’est-à-dire son mari. Disons que c’est rampant au sens du fumant, c’est du parfaitement inconvenant, du gras qui se fout du monde. Ils veillent tous les deux à la parfaite intensification du conflit. Ce qui frappe le plus dans le «Ski Bunny» qui arrive un peu après, c’est l’énormité du son. Jon Spencer et Cristina chantent ensemble, mais sous le boisseau. Les voilà extrêmement exacerbés - Ski Bunny ! Suicide ! - Ils sont enragés et ça joue sourdement. Arrivé à ce stade de l’album, on ne souhaite plus qu’une seule chose : que ça se calme. «What The Fuck» ! Cristina prend la main pour ce cut visité par des vagues de son gigantesques - Get the fuck ! - Jon en ramène des caisses. La fête se poursuit en B avec «White Sand», chanté à la mystérieuse. Ils ramènent un peu de son, surtout le mari. Oh il adore ça. Une fois encore, ça chante sous le boisseau et le mari arrive au triple galop pour lui porter secours - Break dance ! - C’est claqué aux pires gimmicks new-yorkais. Puis Jon attaque «Strawberry» d’une voix de vieil alligator. Affreux et génial ! Il groove son baryton et fait du JSBX au grand jour. Le «Walk In» qui suit rappelle «Memphis Soul Typecast», et ils finissent par faire exploser leur jouet. Ils bouclent avec «Sam» qu’ils pulvérisent à coups de killer solos et de nappes d’orgue.

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             Quatre ans plus tard paraît Whiteout. Cristina pose en petite tenue sur la pochette. Elle porte du blanc immaculé et c’est forcément en hommage à Elvis qui préférait voir ses poules porter de l’underwear blanc. L’image attire l’œil et la musique fait dresser l’oreille du lapin blanc, seulement l’oreille. Surtout «Get It While You Wait», une pop atmosphérique absolument envoûtante. C’est bardé de dynamiques infernalement sucrées. Appelons ça une pure merveille d’élévation spirituelle. Ils s’ébrouent dans le lagon de la pop magique, yeah yeah yeah, elle se jette dans la vague et s’abandonne aux langues de la clameur. L’autre gros cut s’appelle «Defender», gratté au gros riff sixties et Cristina part à l’aventure. Elle gueule, mais elle n’est pas fiable à 100%. On voit bien qu’ils tentent de faire un vrai truc, mais ce n’est pas toujours facile. On fait avec ce qu’on a, comme dirait le patron du PMU de la rue Saint-Hilaire. Jon Spencer multiplie les effroyables départs en solo et les arrêts brusques sur la voie. Il électrise à outrance et envoie de sacrées giclées de gras double. Dans «Trouble», Cristina explose son I can’t stand it. Non elle ne peut plus supporter ça, c’mon, et voilà les clap-hands. Elle se révèle excellente dans les redémarrages en côte. On trouve aussi sur cet album un «Chocolate» dur à croquer. Jon Spencer fait le show avec sa baby all down the machine. Dans «Nursery Rhyme», Cristina se met à sonner comme Hope Sandoval. Il reste deux animaux : «Jaguar» et «Monkey». Jon Spencer leur shake le shook à sa façon, c’mon let’s do it ! Ce mec est incapable de se calmer.

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             Oh et puis tiens, puisque le dernier album de Boss Hog paraît sur In The Red, on va l’écouter. Il s’appelle Brood X et dès «Billy», on retrouve le son bien fuselé, lisse comme un suppositoire et joué à la menace sourde, très spencerish. C’est tellement parfait qu’on a l’impression que Jon Spencer n’y croit plus. Il a déjà accompli trop de miracles, que peut-il apporter de plus aujourd’hui ? Il reprend à son compte le coup des montées en puissance dans le mix qu’avait inventé Jim Dickinson. On note la constance d’une belle efficacité directorielle. Il joue ensuite «Black Eyes» au petit profilé malsain et maintient la pression d’une menace sourde. Joli travail de duo sur «Ground Control» dans une ambiance de guitare baryton, de beau plâtras bassmatique et de relances d’époux exacerbés - Turn the radio on ! - Ils bouclent l’A avec «Signal», joué à l’exaction d’exaltation. Jon Spencer joue sa meilleure carte, celle du sharp. Le groupe sort un son technique et très froid, comme s’ils manquaient d’idées et de chaleur humaine. Ils jouent tout au gimmick de bakélite, noir et glacé. Ça se réchauffe heureusement en B avec l’imparable «Rodeo Chica» pris au dig it up chica de Jon Spencer. Il duette avec Cristina à la décontracte maximaliste. C’est excellent, vraiment digne de «Memphis Soul Typecast» - What’s wrong baby ? - On retrouve là tout ce qui fit l’écrasante modernité du JSBX. Back to the big allure sportive pour «Elevator». On sent chez eux une vraie disposition à l’élan harmonieux, le souci d’une vraie cadence d’élancement bassmatique. Dans «Fomula X», Cristina se prend pour une formula X. Elle cherche la petite bête et Jon Spencer joue des riffs de harangue fumée apollinarienne. 

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             L’autre grand épisode de la saga Jon Spencer est bien sûr Heavy Trash qu’il monte dans les années 2000 avec Matt Verta-Ray. Leur concept consiste à taper dans un agglomérat de country sauvage, de gospel de bastringue et de ramshakle monochrome. Leur premier album sobrement titré Heavy Trash paraît en 2005. Ils optent pour une pochette dessinée qui ne les restitue pas très bien. Mais musicalement, on risque l’overdose. Dès «Lover Street», Jon Spencer blaste son r’n’b et lâche des ouh ! parfaitement justifiés. Il flirte avec le boogaloo pendant que le mate Matt tisse sa toile - Ouh ! - Jon Spencer fonce, comme il l’a toujours fait. Il jerke à la croisée des chemins et mélange Johnny Burnette avec Eddie Floyd. En bonne éponge qui se respecte, il récupère tout et recrache du shuffle de glotte - Sock it to me baby ! - Il enjambe tous les genres. Ce mec n’en finit plus de jouer avec le génie comme le chat avec la souris. Il reprend à son compte tous les effets vocaux d’Elvis dans «The Loveless». Sans problème. Tous ceux qui l’ont vu sur scène ont forcément été frappés par sa classe et une perfection morphologique digne de celle d’Elvis. Avec «Walking Bum», Matt the mate et Jon Spencer roulent sur les plate-bandes du Creedence Clearwater Revival - époque du premier album - le mate Matt nous gave de twang guitar. «Justine Alright» bénéficie d’une petite intro speedée à la Eddie Cochran. Jon Spencer rigole - ah ah ah - et il embraye brutalement sur un killer cut aux paroles mâchées, une espèce de rap country, pendant que Matt the mate place des chorus écœurants de perfection. Jon Spencer attaque tous ses couplets avec cette opiniâtreté bravache qui depuis est entrée dans la légende. Le son de «The Hump» se veut aussi épais que de la purée froide. Jon Spencer y enfonce son dard vocal et avance avec un foudroyant mépris de la résistance des matériaux. «Mr KIA» sonne comme le «What’d I Say» de Ray Charles. Jon Spencer chante ça d’une voix atrocement profonde, en fait un prêche à la Jerry Lee et plane au-dessus de nos têtes comme un vautour. Pendant ce temps, Matt the mate joue comme un dieu. On le voit tirer les cordes de sa Gretsch et en se contorsionnant. S’ensuit «Gaterade», un classique automatique monté sur une petite gamme diabolique. Jon Spencer espace ses phrasés pour laisser Matt the mate descendre sa petite gamme et balancer un solo de fête foraine d’une perfection intangible. Et puis voilà «This Way Is Mine» que Jon Spencer balance avec la ferveur d’un vendeur aux enchères texan sorti d’un film de Robert Altman. À sa parution, ce premier album de Heavy Trash créa l’événement. On savait Jon Spencer parfaitement incapable de sortir un mauvais disque.

             Il est probablement l’un des derniers grands rockers à maîtriser parfaitement le heavy-duty-talking-blues. Matt the mate et lui sont devenus les killers suprêmes. Ils échappent à toutes les catégories. On risque de s’embourber à vouloir décrire l’exceptionnel talent de Jon Spencer. Le problème est qu’il en a trop. 

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             Un second album d’Heavy Trash paraît en 2007 : Going Way Out With Heavy Trash. Encore une pochette dessinée. On les voit courir vers un train à vapeur comme deux hobos à l’ancienne mode, avec leurs guitares et leurs balluchons. Bel album, plein de bonnes surprises. On retrouve la dynamique du groupe sur scène dès le premier cut, «That Ain’t Right», gros solo de Matt the mate, beau son de stand-up et sacrées montées en température. Et en prime, les Sadies les accompagnent. «Double Line» est du typical Jon Spencer. Une vraie insurrection - Ouh ! - et c’est joué garage au prêche abricot. Avec «I Want Oblivion», Jon Spencer fait sa baraque de foire. Ça bat du tambour et il fait la retape, pendant que le mate Matt joue la fuite éperdue. Puis Jon Spencer s’en va croasser comme un vieil alligator dans «I Want Refuge» - I got a love - Et il gospellise. Il s’en va ensuite claquer ses syllabes au micro pour «You Can’t Win» - Another shot transmission/ You can’t win - c’est un heavy groove de boogaloo. Et en B, il revient à son admiration pour Eddie Cochran avec un «Crazy Pritty Baby» monté sur le riff de «Somethin’ Else». Bel hommage. Jon Spencer n’oublie pas la répartie au baryton et Matt the mate veille au sévère cocotage de Gretsch. Ils reviennent (enfin) au rockab avec «Kissy Baby», joliment slappé par un nommé Kim Kix. Wow, quel bop, Bob ! Ils restent dans la pure pulsion rockab avec «She Baby» et nous servent ça sur une rythmique de rêve. Et la fête continue avec «You Got What I Need», un fantastique brouet de slap bass et de bouquets d’accords garnis.

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             Leur troisième album Midnight Soul Serenade sort trois ans plus tard, avec une pochette illustrée, mais cette fois l’ambiance beaucoup plus lugubre annonce le ton de cet album qui bascule dans la sérénade heavily déviante. Dès le premier cut, «Gee I Really Love You», l’air glacial nous saisit. Jon Spencer et Matt the mate créent une ambiance délétère. On assiste ensuite en plein milieu de «Good Man» à un beau démarrage rockab. Jon Spencer et Matt the mate ne semblent s’intéresser qu’aux dynamiques des morceaux. «The Pill» est une mélodie malsaine et Jon Spencer se lance dans le film noir. Avec «Pimento», on passe à la samba du diable. Jon Spencer fait son Tav Falco. L’un des cuts les plus intéressants de cet album restera sans doute «(Sometimes You Got To Be) Gentle». Voilà une belle pièce d’exaction intrinsèque à la fois collante et abrasive, jolie et grandiose et pleine de rebondissements. On y sent de l’ambition. Ah look out ! Jon Spencer lance «Bedevilment» comme s’il jouait avec le JSBX et revient à ses vieilles concassures de rythme. Et le reste de l’album s’écoule paisiblement, sans que rien ne vienne chasser les mouches. 

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             Tiens ! Un nouvel album de Heavy Trash ? Matt the mate qui est le plus gentil des Canadiens nous avertit :

             — Ce ne sont pas des chansons... Ce sont des expérimentations.

             — What do you mean ? Oh pardon, qu’est-ce tu veux dire ?

             — On a expérimenté des sons en studio....

             — Mais quoi comme son, du rockabilly ?

             — Ouais, mais il y a aussi Stockhausen...

             — Oh la la !

             L’album s’appelle Noir, noir comme le café, dit Jon Spencer. Il traite de la question des cheveux dans «Good Hair», le cut d’intro, sous un faux air lagoyesque - beautiful hair, black like coffee - Franchement, ce premier cut est de nature à faire tomber de cheval n’importe quel desperado, mais il faut s’armer de patience, car ce disque réserve de belles surprises. Les cuts qu’il propose sont en effet des expérimentations enregistrées sur une période de dix ans et par moments, on a clairement l’impression de se trouver dans le studio avec Matt the mate et Jon Spencer, car l’esprit de ce disque se veut intimiste. On assiste au grand retour du format chanson avec «Wet Book» doté de la meilleure dynamique qui soit ici-bas. Ils claquent ça dans l’épaisseur de l’ombre et un sax vole au secours de la montée de fièvre. Jon Spencer sue la soul par tous les pores de sa pop. On revient à l’étrangeté avec un «Out Demon Out» qui ne doit rien à Edgar Broughton. Car ça slappe sec derrière ce mélange de talking jive et de clap-hands de Joujouka. Jon Spencer vise le cœur de la scansion. Le cut tourne au cauchemar, tellement le son de slap le bigarre. Au loin, des voix d’écho perdurent à n’en plus finir. Ce côté expérimental est d’autant plus troublant que Jon Spencer s’est montré tout au long de son parcours le plus carré des hommes. Tous les morceaux de cet album sont captivants, même «Viva Dolor» cette jolie pièce de pianotis de fin de nuit si douce à l’intellect. Matt the mate et Jon Spencer renouent avec le petit rockab ouaté en cuisant «Blade Off» à l’étouffée. Jon Spencer tape du pied et fait son strumming. Il ouh-ouhte de temps en temps, histoire de signaler son choo-choo aux passages à niveaux. Ils ouvrent le Bal des Laze de la B avec un «Pastoral Mecanique» d’orgue de barbares égarés et hagards, tels qu’on peut en voir au soir du sac d’une ville. Les sons s’échangent et relayent l’extase de l’ombilic des limbes. Comme deux compagnons d’aventures, Matt the mate et Jon Spencer brillent ardemment au soleil noir de l’expérimentation - This is pure heavy trash - Et puis voilà «Discobilly», un rockab déviant et gondolé. Ils brassent leur beat et ça frôle le mambo d’Alcatraz. Ça tombe en décadence d’Empire romain et ça glisse doucement vers le couchant. Avec «Jibber Jabber», Jon Spencer joue avec la musique des mots. Il raconte à sa façon l’histoire du rock, en partant de Big Bopper pour remonter jusqu’à Jimi Hendrix, Mama Cass et Jim Morrison - What happens to the real rock’n’roll heroes ? - Jon Spencer joue à merveille de cette diction blackoïde de nez pincé - Rock on my brother/ Rock’n’roll my sister/ And get down - Ils font ensuite une belle reprise de Johnny Cash, «Leave That Junk Alone», puis ils passent au relativisme écarlate avec «Notlob» et bouclent leur petite affaire avec un «Last Saturday Night» gratté au bord du fleuve et humé au glou-glou. Quelle bonne compagnie ! Jon Spencer miaule et substitue l’intention au chant, tout simplement. Il n’a pas besoin de paroles. Mais oui, il a raison. Pourquoi s’épuise-t-on à vouloir écrire des paroles ? 

    Signé : Cazengler, Spencer les fesses

    Pussy Galore. Exile On Main Street. Shove Records 1986  

    Pussy Galore. Right Now. Caroline Records 1987

    Pussy Galore. Sugarshit Sharp. Caroline Records 1988

    Pussy Galore. Dial M For Motherfucker. Caroline Records 1989   

    Pussy Galore. Historia De La Musica Rock. Rough Trade 1990

    Pussy Galore. Live In The Red. In The Red Recordings 1998

    Pussy Galore. Groovy Hate Fuck (Feel Good About Your Body). Shove Records 1986

    R.L. Burnside. A Ass Pocket Of Whiskey. Matador 1996

    Gibson Bros. Memphis Sol Today. Sympathy For The Record Industry 1993

    Honeymoon Killers. Hung Far Low. Fist Puppet 1991

    Spencer Dickinson. Toy’s Factory 2001

    Five Dollar Priest. Five Dollar Priest. Bang Records 2008

    Boss Hog. Cold Hands. Amphetamine Reptile Records 1990

    Boss Hog. ST. DGC 1995

    Boss Hog. Whiteout. City Slang 1999

    Boss Hog. Brood Star. Bronze Rat Records 2016

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    Boss Hog. Brood X. In The Red Records 2017

    Heavy Trash. Heavy Trash. Yep Rock 2005

    Heavy Trash. Going Way Out With. Crunchy Frog Recordings 2007

    Heavy Trash. Midnight Soul Serenade. Crunchy Frog Recordings 2009

    Heavy Trash. Noir ! Bronzerat Rat Records 2015

     

     

    Wizards & True Stars - Cher Usher

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             Le voisinage a-t-il joué un rôle important dans l’histoire du rock ? Dans le cas de Gary Usher, oui. Il vit à Hawthorne, une banlieue de Los Angeles, et un jour, il entend de la musique dans la rue. Oh, mais ça vient de chez les Wilson ! Alors il va voir. Et pouf, il devient pote avec les trois frères Wilson, et plus particulièrement avec l’aîné, Brian. Les voilà copains comme cochons, et plutôt que de feuilleter des revues porno comme le font tous les autres copains comme cochons, ils composent une chanson ensemble, le fameux «409» qui en 1962 va se retrouver sur le deuxième single des Beach Boys. Mais Marty, le père Wilson, ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée d’un étranger dans un biz qu’il voit plus familial. Alors il vire Usher.

             Ce qui ne l’empêchera pas de devenir l’un des personnage clé de la scène californienne et devenir aussi légendaire que vont l’être Nick Venet, Kim Fowley ou Terry Melcher. Comme Brian Wilson, Gary Usher est l’un des pionniers de la surf culture. Cet auteur compositeur/producteur/chanteur/guitariste sera l’un des premiers collaborateurs de Brian Wilson. À cause de Marty, ils se voient en cachette. En 1963, ils composent ensemble «In My Room». Usher a aussi pas mal d’accointances avec Dennis, le petit frère de Brian, qui bat le beurre avec lequel il part en virée à Tijuana, en quête de «local action». On retrouve encore ce cher Usher aux côtés de Dick Dale, Jan & Dean, the Peanut Butter Conspiracy, Chad & Jeremy et bien sûr Curt Boettcher, avec lequel il monte Sagittarius. En 1963, il est engagé comme producteur par Challenge Records, mais à l’époque, le rôle de producteur n’est pas clairement défini. Il s’agit surtout pour le producteur de veiller à deux choses : tenir le budget et veiller à ce que tout le monde soit à l’heure dans le studio, interprètes comme musiciens. Le jeune Usher qui apprend vite. En parallèle, il enregistre. C’est sa période surf craze, drag & hot-rods.

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             Sur la compile que lui consacre Ace, Happy In Hollywood - The Productions Of Gary Usher, on trouve l’un de ses groupes de surf craze, The Hondells, avec un «Show Me Girl» signé Goffin & King, pur jus d’On The Beach, ils sont dedans jusqu’au cou. Pour enregistrer «Just One More Chance», ce cher Usher s’entoure des meilleurs : Glen Campbell, Dick Burns et Curt Boettcher. Tant qu’on y est, on peut aller voir ce qui se passe sous les jupes des deux albums des Hondells, Go Little Honda (1964) et The Hondells (1965).

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    Ce sont deux fantastiques albums de surf craze, dans le même esprit que les premiers albums des Beach Boys. D’ailleurs, c’est Brian Wilson qui signe «Little Honda». Vroom vroom, toute l’énergie est déjà là. Ils font du classic surf avec «A Guy Without Wheels», bien sabré du champ et ce cher Usher signe cette merveille nommée «The Wild One», qui a du Beach Boys sound plein l’élan.

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    Le «Black Denim» qui ouvre le balda du second album est encore un fantastique pulsatif. Le hit de The Hondells s’appelle «My Buddy Seat», pur jus de Beach Boys craze, c’est même assez wild. Ces deux albums sont un vrai festival de joie de vivre et de grande précision guitaristique. Bien sûr, les Hondells roulent en Honda.

             Comme son ami Brian Wilson et d’autres visionnaires, ce cher Usher va évoluer rapidement et devenir l’un des producteurs les plus recherchés de son temps. On le connaît surtout comme producteur des Byrds. Il va produire trois de leurs albums, Younger Than Yesterday, Sweetheart Of The Rodeo et The Notorious Byrd Brothers. Le babal de cette compile s’ouvre sur «Lady Friend». Apoplexie garantie. C’est explosé de son, wow my Gawd, ce sont les Byrds, ils te chatouillent bien la rate, c’est joué au max de l’Usher Sound System, au plein son du plainsong, même niveau que Spector, mais c’est encore autre chose. En tous les cas, les Byrds volent très haut. Sans prod, pas de Byrds. Sans Totor, pas de Righteous brothers ni de River Deep. Les Byrds enregistrent «Lady Friend» en 1966. Gene Clark a déjà quitté le groupe. Croz et McGuinn ont engagé leur petit bras de fer. Kingsley Abbott qualifie «Lady Friend» de one of the Byrds’ crowning glories. Il parle aussi d’une prod scintillante, forcément, avec les Byrds, ça ne peut que scintiller, c’est leur fonds de commerce. Mais Croz refait les vocaux en douce, ce qui lui vaudra, en plus de son comportement au Monterey Festival, d’être viré du groupe. On trouve plus loin un autre cut des Byrds, «You Ain’t Going Nowhere», une cover de Dylan, jouée country upfront et chantée à la pure perfe, ça flotte dans l’ouate californienne, tout là-haut. C’est l’époque Sweetheart Of The Rodeo, Croz, Michael Clarke et Gene Clark sont partis et, nous dit Abbott, les Byrds sont devenus méconnaissables. Hillman et McGuinn recrutent Gram Parsons. Ce cher Usher descend à Nashville avec eux et reconnaît que l’ami Gram a du charisme. Trop. McGuinn veille à ce que Gram ne prenne pas le pouvoir. Le jeu consiste pour Usher à établir un équilibre entre McGuinn, Hillman, Gram et lui. Mais quand Sweetheart Of The Rodeo paraît, Gram a déjà quitté le groupe. Il aime trop sa liberté.

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             On reste dans la magie des Byrds avec Gene Clark et «So You Say You Lost Your Baby». Ça reste du très haut niveau. Fabuleuse présence que celle de Gene Clark, il est le psychedelic king of California. Usher va produire l’excellent Gene Clark With The Gosdin Brothers, l’un des albums phares de cette époque. Petite cerise sur le gâtö : Tonton Leon signe les arrangements de «So You Say You Lost Your Baby». Les Gosdin, ça ne te rappelle rien ? Mais oui, un autre Gary, le Paxton. On est ici dans la galaxie des producteurs surdoués : Gary Usher, Gary S. Paxton, Brian Wilson. On reste dans le cercle magique avec Saggitarius et «My World Fell Down», une pop qui rivalise avec celles des Beatles et de Brian Wilson. Le power californien te jette dans le mur. Cut mouvementé : on assiste à quelques épisodes et ça repart à l’explosion. Notre cher Usher voyait Saggitarius comme un projet solo, mais il va le développer avec Curt Boettcher, l’autre surdoué de service. Sur «My World Fell Down», Glen Campbell chante lead, Bruce Johnston et Terry Melcher font les harmonies vocales.

             Tiens, une autre vieille connaissance : Keith Allison, avec l’énorme «Louise». Il est fabuleux, on peut même le couronner King of the Californian Hell, il claque sa Louise au heavy gaga. Notre cher Usher rappelle que Keith Allison et Terry Melcher sont de très bons amis à lui. Comme chacun sait, l’Allison ira rejoindre les Raiders et il montera un backing-band pour ses vieux amis Boyce & Hart. Sur cette compile détonante, on trouve pas mal de fast pop ultra-produite (The Wheel Men avec «School Is A Gas» et The Spiral Starecase avec «Baby What I Mean»). Usher produit aussi Chad & Jeremy qu’on trouve ici sous la forme de Chad Stuart & Jeremy Clyde avec un «Sunstroke» envahi par les sitars. Chad & Jeremy sont des florentins florissants intéressants, il paraît logique qu’ils traînent dans les parages d’un maître florentin comme Gary Usher, le Michel-Ange de la pop californienne. Par contre, Chuck & Joe sont deux mecs des Castells qui se prennent pour les Righteous Brothers. Ils montent tellement en neige l’«I Wish You Don’t Treat Me So Well» qu’il devient vertigineux. On retrouve les Castells un peu plus loin avec «An Angel Cried», et là, on entre dans le territoire des Four Seasons, avec de fantastiques harmonies vocales, notre cher Usher monte ça en ultra-neige, on serre bien fort la pince d’Ace pour dire merci, car «I Wish You Don’t Treat Me So Well» et «An Angel Cried» sont des hits immémoriaux. Sans Ace, ils seraient passés à l’as. On peut faire entrer le «Shame Girl» des Neptunes dans la même catégorie. Pour monter ce coup, notre cher Usher rassemble le Wrecking Crew. Tonton Leon fait partie de l’aventure. Encore un hit mystérieux, celui des Forte Four avec un «I Don’t Wanna Say Goodnight» signé P.F. Sloan. Tout n’est que mystère dans les ténèbres de la Maison Usher. Pourquoi tous ces hits n’ont-ils pas explosé au grand jour ?

              Jusqu’au bout, notre cher Usher défend l’esthétique des Beach Boys : avec le «Catch A Little Ride» des Surfaris, il continue de produire cette pop ultra-énergique drivée par les bagnoles au c’mon c’mon. Phénomène typiquement californien. Gary Usher découvre aussi les Sons Of Adam et s’intéresse assez à eux pour les emmener en studio, mais ça ne se passe pas très bien, nous dit Abbott, car ce cher Usher est un florentin qui cherche sa voie, alors que Randy Holden et son gang ne rêvent que d’une chose : retrouver le raw scénique, alors ça ne colle pas. Ils parviennent toutefois à enregistrer «Take My Hand», un beau slab de wild gaga. Notre cher Usher en profite pour envoyer les guitares rôder au fond du son. Abbott pense qu’Usher aurait pu être en avance son temps, «ahead of the psych game, mais il n’avait pas trouvé le bon groupe».

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             Vient de sortir dans le commerce une compile des Sons Of Adam. Saturday’s Sons. The Complete Recordings 1961966. Chacun sait que le groupe fut baptisé par Kim Fowley, comme l’indique Michael Stuart-Ware, le futur batteur de Love, dans On The Pegasus Carousel With The Legendary Rock Group Love. On retrouve bien sûr l’excellent «Take My Hand» sur cette compile. Et d’autres merveilles, comme cette cover des Yardbirds, «You’re A Better Man Than I», qu’ils répliquent à la perfection, comme le fit en son temps Todd Rundgren avec «Happening Ten Years Time Ago» sur Faithfull. Les coups de génie se planquent à la fin, «Everybody Up» et «Highway Surfer». Deux bombes atomiques ! Moloch bouffe le surf craze tout cru. Moloch, c’est Randy Holden. Il tape sa craze à l’extrême. Il est le wild guitar slinger de la West Coast, il joue au big day out, comme Dick Dale. L’avantage de cette compile est qu’on voit Randy Holden revenir à ses racines, le surf. Il fait encore des ravages avec «Lonely Surf Guitar», c’est comme s’il s’enfonçait dans la craze, ça va vite l’enfoncement, d’autant qu’il noie ça de relents d’écho. Il fait aussi pas mal de Californian Hell avec «It Won’t Be Long» et «Saturday’s Son», enregistrés live à l’Avalon en 1966. Le groupe avait un potentiel énorme, ils généraient une fantastique élongation du domaine de la lutte, ils sonnaient même comme les Byrds avec «Saturday’s Son». Encore une cover des Yardbirds : «Evil Hearted You». Ils développent une énergie considérable et bouclent le show de l’Avalon avec une cover de «Gloria» qui tape en plein dans le mille, ils n’ont pas la voix, mais le wild passe dans le jeu. La deuxième partie de la compile est une série de singles et d’outtakes : les cuts de surf craze évoqués plus haut, et l’excellent «Tomorrow’s Gonna Be Another Day», un wild gaga d’antho à Toto. Tu y vas les yeux fermés. Ils expédient aussi leur «Feathered Fish» en enfer et le carbonisent à coups d’I don’t know. Nouvelle rasade de punch suprême avec «Baby Show The World» et avec «Mar Gaya», Randy Holden attaque sa capiteuse croisade de surf craze.

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             Encore un épais mystère : The Guild avec «What Am I Gonna Do», un heavy slowah traîné dans la boue argentée. Les Guild arrivent à appâter ce cher Usher en lui envoyant une cassette bourrée de covers des Beach Boys, alors évidemment, il mord à l’hameçon et vient les voir jouer dans l’Illinois. Ils est knocked outed : «The Guild sang Beach Boys songs far better !». Le chanteur Tom Kelly va même se porter candidat et auditionner pour le remplacement de Brian Wilson. Il est si bon que Carl Wilson veut l’embaucher on the spot. Et bien sûr, ce surdoué de Tom Kelly va disparaître, Abbott donne quelques infos, mais rien de très mémorable. On parlait du loup, alors le voilà : Brian Wilson avec «Let’s Go To Heaven In My Car». Les sessions pour l’album Sire de Brian Wilson vont durer trois ans, nous dit Abbott, mettant la patience de tout le monde à rude épreuve, notamment celles d’Andy Paley, de Russ Titelmann et de Lenny Waronker. Co-écrit par Usher et Brian, «Let’s Go To Heaven In My Car» est tout de suite au carré d’un certain carré, the Californian Wizard Of Oz s’agite dans son espace vital, quel power ! On pourrait même dire : trop de power ! Après le passage pénible des Peanut Butter Conspracy (ce cher Usher ne s’entend pas avec les hippies de San Francisco et c’est réciproque), Abbott finit sa compile en beauté avec California, le projet monté par Gary Usher avec Curt Boettcher. C’est le cut qui donne son titre à la compile, «Happy In Hollywood». Belle façon d’entrer dans le mythe de la pop californienne, ils sont tous là, Curt Boettcher, Chad & Jeremy, Bruce Johnston, c’est la pop de biais du génie pur. Rien d’aussi biaisé là-haut dans le firmament. 

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             En 1970, Gary Usher rend un bel hommage à son ami Brian Wilson avec un album d’instros intitulé A 1970 Symphonic Salute To The Great American Songwriter Brian Wilson, que Poptones a eu la décence de rééditer en 2001. Merci Joe Foster. C’est un album très spécial, ultra symphonique. Comme le dit si bien l’ami Foster dans les liners, better late than never, surtout quand on peut se régaler de la bossa nova de «Busy Doin’ Nothin’». Usher se fait aider par Curt Boettcher et Keith Olsen. Back to the cœur du mythe avec «Pet Sounds». L’excellence symphonique à l’état le plus pur. L’un des chefs-d’œuvre du XXe siècle. Il propose ensuite un medley «Fall Breaks & Back To Winner/Good Vibrations/Heroes & Villains» gorgé d’atonalités. Quand Brian compose «God Only Knows», il sait de quoi il parle. Power dément, on est au paradis. On reste dans les nuages avec «Please Let Me Wonder». Ce sont les grandes pompes, alors forcément on biche. Toute cette belle aventure se termine avec «In My Rom», l’un des fils mélodiques les plus purs de l’histoire du rock, et les vagues de violons aggravent encore les choses, ça bascule dans un gros shakeout astronomique digne, comme le rappelle Joe Foster, de Gershwin.

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             Les fans d’Usher se sont jetés sur Beyond A Shadow Of Doubt comme des requins sur des naufragés d’une bataille navale. Il faut savoir que sur cet album béni des dieux, Usher chante et Dick Campbell compose. On en profite pour saluer au passage Gene Sculatti sans qui Dick Campbell serait resté un parfait inconnu. Si on aime la pop paradisiaque, alors on est gâté avec «Grey Soft Black & Blue». Belle pureté d’intention, et assez mirifiquement orienté vers la lumière dans ce qu’elle peut avoir de plus aveuglant. On reste dans l’expression du génie mélodique avec «Sleepy Land», Dick Campbell et Curt Boettcher font des backing vocals. On a là une merveille de pop transie à la Brian Wilson, une pop qui grelotte de beauté sous le soleil exactement. Au fil des cuts, Usher développe une énergie de la beauté pure, comme le montre encore «Ships», ce fabuleux envol de heavy pop. Pas besoin de littérature, la musique parle toute seule. Elle est même assez toxique, au bon sens du terme. Comme Brian Wilson, Usher embarque ses amis les auditeurs dans une dimension du rêve mélodique. Avec «Everything Turns Out Right», Usher vire pychedelic et c’est une merveille insupportable. Les cuts de pop lourde et lente se succèdent jusqu’à plus soif, «So Long» est une chanson tellement parfaite qu’elle explose tout doucement et atteint tous les sommets qu’on voudra bien imaginer. Attention, il y a des bonus et ils nous réembarquent aussi sec pour Cythère. Avec «Slippin’», pas besoin de Brian Wilson, on a notre cher Usher. Il est en plein dedans. Magie du jour naissant. S’ensuit un «We May Like It Yet» joué au gratté d’arpèges californiens, avec une voix burinée par le soleil couchant, ça sent bon les drogues du paradis, il suffit d’écouter notre cher Usher pour le comprendre. Avec «Walk A Mile», il fait une pop d’early morning avec my love for you. Il y va de bon cœur. C’est vraiment très pur. Belle pop de walk in the grass. On en trouve d’ailleurs deux versions. Toute cette belle virée paradisiaque se termine avec «Go Rachel Go», gratté au heavy power d’acou dylanex, et Usher l’explose. Thank God pour cette pop d’Usher. 

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             En 2008, Sundazed arrachait Gary Usher à l’oubli en sortant un double album intitulé Barefoot Adventure. The 4 Star Sessions 1962-1966. Il s’agit bien sûr de surf-music des early sixties, bien secouée du cocotier. Là-dedans, tout est pulsé au meilleur son d’époque et notamment «Cheater Slicks» un hit primitif ravagé par un solo d’orgue et des clap-hands. Ces mecs avaient comme les Beach Boys un sens aigu du juke, turn on ! Ah ah ah, il rit comme un pirate. Ce qui frappe le plus dans tout ce délire, c’est l’énergie. C’mon cher Usher, son «CC Cinder» file ventre à terre. On assiste à une extraordinaire résurgence de heavy beat dans «The Chug-A-Lug». On s’effare de tant d’énergie et de la virulence du solo de sax et on se prosterne jusqu’à terre devant toute cette débinade de surf craze. Ils jouent «Soul Stompin’» au dératé et piquent une belle crise de fever dans «Power Shift». Le disk 2 s’ouvre sur un «Wax Board And Woody» digne des early Beach Boys, ils se gargarisent de ce tagada early sixties. Le hit s’appelle «RPM». Avec Hal Blaine on drums et ce solo d’orgue, c’est imbattable. S’ensuit un «Barefoot Adventure» pulsé par une énergie démente, let’s go surfin’ ! On tombe plus loin sur un «Coney Island Wild Child» qui ne doit rien à Lou Reed, mais qui est explosé de petits cris délinquants. C’est embarqué vite fait, les Californiens savent envelopper un bonbon. Et petit à petit, ça vire pop, une pop un peu barrée. The teenage blonde Ginger Blake chante «You Made A Believer Out Of Me» et c’est tapé au fin du fin de l’Usher sound. On le retrouve ensuite dans «Waiting For The Day» où elle gueule tout ce qu’elle peut, et elle est dessus. Il faut savoir que Ginger Blake fait partie d’un trio vocal, the Honeys avec ses cousines Marilyn et Diane Rovell. Ginger est la girlfriend d’Usher et grâce à eux, Marilyn va rencontrer Brian Wilson et l’épouser.

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             Si on s’intéresse à Gary Usher, on ne perdra pas son temps à écouter l’album des Kickstands, Black Boots And Bikes, enregistré en 1964 et réédité par Sundazed. On est en plein dans le son des early Beach Boys, avec le session wiz Jerry Cole. Et comme Earl Palmer fait partie de l’aventure, c’est battu à la diable. On le voit battre tout ce qu’il peut battre dans «Hill Climb». «Mean Streak» sonne comme un hit des Beach Boys et Jerry Cole joue son gut out sur «Side Car». Mais attention, c’est avec «Two Wheel Show» que tout explose. Jerry Cole défonce la plage, ça outrepasse l’espace, ça dégomme le chamboule-tout du Beach craze. Il y a là-dedans plus de punk attitude que dans toute la vague punk anglaise, la violence est sous-cutanée, amenée aux clap-hands et au venin de Jerry Cole. On assiste à un fantastique démontage de la gueule du rock, Beach Boys to no avail. «Haulin’ Honda» pourrait bien être l’instro préféré du diable. Jerry Cole entre dans le son avec un gusto qui devrait servir de modèle à tous les guitaristes. Ah tu voulais en croquer, alors vas-y croque.

    Signé : Cazengler, qui vaut pas (U)sher    

    Happy In Hollywood. The Productions Of Gary Usher. Ace Records 2022

    Gary Usher. A Symphonic Salute To The Great American Songwriter BW. Dreamsville Records 2001

    Gary Usher. Beyond A Shadow Of Doubt. Dreamsville Records 2001

    Gary Usher. Barefoot Adventure. The 4 Star Sessions 1962-1966. Sundazed Mucic 2008

    Kickstands. Black Boots And Bikes. Capitol Records 1964

    The Hondells. Go Little Honda. Mercury 1964 

    The Hondells. The Hondells. Mercury 1965

    Sons Of Adam. Saturday’s Sons. The Complete Recordings 1961-1966. High Moon Records 2022

     

     

    L’avenir du rock - Taj in & Ry complet

     

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             Longtemps l’avenir du rock ne s’est pas couché de bonne heure mais plutôt levé de bonne heure dans les montagnes du Haut Atlas. Il adorait se rendre au Maroc pour y savourer la musique berbère, comme le fit en son temps Brian Jones, qui soit dit en passant, reste le chouchou numéro un au hit parade local. Alors attention, la musique berbère n’est pas celle qu’on croit, en tous les cas, pas celle qu’on entend dans les restaurants de Marrakech ou qu’on achète à la FNAC sur des petits labels branchés de musique world. Comme le fit en son temps Brian Jones, l’avenir du rock s’est rendu à dos de mule dans des villages isolés de la montagne, car c’est là, loin des villes, des magasins et des touristes, qu’on la joue. Et on ne la joue pas sur des guitares électriques, mais sur des instruments à cordes qui remontent à l’antiquité, et sur les fameux tambours berbères qu’on tient à la verticale par le pouce de la main gauche et qu’on frappe en rythme du plat de la main droite. Et puis bien sûr les chants, dans la meilleure des traditions orales. Puisque chez les Berbères jouer est une fête, le maître de cérémonie invite chaque convive à apprendre les paroles des chants traditionnels, souvent très simples et bien sûr allégoriques, les traduisant au passage pour que le convive sache de quoi il s’agit, à la suite de quoi il peut se joindre aux chœurs du village et vibrer avec tous ces gens magnifiques à l’unisson d’un saucisson qui remonte à la nuit des temps. Ces chants n’existent que dans les villages et l’avenir du rock en savourait chaque fois l’extraordinaire valeur sacrée. Si d’aventure la petite caravane qui emmenait l’avenir du rock vers son destin ne traversait pas un village, on installait un bivouac dans la montagne. Le cuisinier qui était la réincarnation pasolinienne de Charlie Chaplin préparait alors le thé à la menthe, puis épluchait quelques légumes pour préparer le meilleur plat du monde, le tajine berbère, après quoi l’avenir du rock et ses compagnons d’aventures Taj in et Ry complet se réunissaient autour du feu pour entonner les chants berbères dont ils connaissaient désormais les paroles par cœur.     

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             Le nouvel album de Taj & Ry n’est pas à proprement parler un album de chants berbères, mais, d’un point de vue mythique, c’est tout comme. Taj in & Ry complet repartent du vieux Get On Board de Sonny Terry & Brownie McGhee & Coyal McMahan paru en 1952, sur Folkways, un album célèbre qui captait bien l’esprit du folk et du blues d’une époque qui est celle des «pionniers noirs» de l’après-guerre. Taj in & Ry complet s’arrangent pour faire sonner leur album comme s’il était enregistré dans une cabane branlante et non dans un studio moderne. C’est presque réussi, mais on se sent pas les dents branlantes et la bloblotte occasionnées par la sous-alimentation. Ils cassent aussitôt la baraque avec «Packing Up Ready To Go», un fantastique rumble tiré des profondeurs de profundis, arraché aux ténèbres de la conscience asservie, ça sent le tribal du travail forcé. Des forces profondes remontent à la surface. Que peux-tu espérer d’autre qu’un coup de génie de la part de ces deux vieux crabes ? Pareil avec le cut d’ouverture de bal, «My Baby Done Changed The Lock On The Door», ils chargent la barcasse dès la première mesure, Taj in est en colère, cette salope a changé la serrure de la porte, alors il enrage, et derrière Ry complet fait le fantôme d’Elseneur, c’est l’un des géants de cette terre, il te vole dans les plumes avec un son des enfers. Tu te doutais bien qu’ils allaient te casser la baraque, mais pas à ce point. Ils tapent «The Midnight Special» à la concorde du coin du feu, Ry complet chante d’une voix blanche et Taj in passe des coups d’harmo du Mississippi, c’est plein de vieux jus, on a là un album de fieffés musicologues. Tu vis un moment exceptionnel. Ils n’en finissent plus de rootser les roots. Ils passent au heavy blues avec «Deep Sea River», mais un heavy blues de rootsy roots. Dans les liners, Taj in exulte : «C’est incroyable, après tout ce qui a été dit et fait, après qu’on ait joué long and hard enough, on s’est mis d’accords tous les deux, you Ry, me Taj, pour devenir the modern day exponents de ces très vieux musiciens et styles de musiques dont nous sommes tombés deeply in love quand on était des jeunes Turcs enthousiastes, voici sept décennies.» Et il ajoute : «Brownie McGhee & Sonny Terry, Rev Gary davis ! Un trio de Blues Rascals (si une telle chose existe) are shoulders on which we now stand and build upon.» Taj in a raison d’exulter ! Il faut entendre leur version chantée à deux voix de «Pick A Bale Of Cotton», fabuleux stomp de cotton patch blues - Big! Big! Big fun/ Loose n’tight/ Crazy ‘bout the/that rhythm/ Cause it’s ragged but right ! - Ils font le «Drinkin’ Wine Spo Dee O Dee» à la Tom Waits, Taj in chante à la glotte de mineur silicosé. Diable, on s’inquiète : qui va aller écouter ça aujourd’hui ? Ces vieux crabes s’enferment dans le deepy deep. Ils allument «Cornbread Peas Black Molasses» à coups d’harmo. Ils y vont de si bon cœur. Ils terminent cet album impressionnant avec «I Shall Not Be Moved» qu’ils chantent à deux voix dans l’enfer du paradis d’une très vieille Americana toute noire. C’est Ry complet qui a le mot de la fin : «Quand tu es jeune, tu peux tomber sur quelque chose qui va ouvrir ton esprit aux mystères et aux possibilités. Ça peut être un chesseburger sur la plage, une balade dans une décapotable la nuit, un livre ou alors un disque, oui, j’ai dit un disque. Dans mon cas, il s’agissait d’un 10’’ Folkways, Get On Board, by the Folk Masters, avec Brownie McGhee, Sonny Terry and the elusive Coyal McMahan. J’aimais bien les 10’’ Folkways, ils étaient différents, mystérieux, ils semblaient dire : ‘Ici, vous trouverez ce que vous cherchez.’ Folk-blues voulait dire une musique destinée aux gens normaux, avec des instruments acoustiques, des rythmes faciles, les paroles sensées. Blind Lemon Jefferson était trop triste, Howlin’ Wolf was out of contreol, Wynonie Harris avait l’esprit trop tordu. Le Folk Blues n’avait pas de double sens, pas de secret race subtext to worry about.» Ry complet explique ensuite qu’il a acheté ce 10’’ à l’âge de 12 ans, au Children’s Music Center in downtown Los Angeles, et qu’il l’écoutait chez lui, au grand ravissement de ses parents. «J’ai lu les notes de pochette, les paroles des chansons, j’ai mémorisé chaque note de musique, je pouvais jouer les chansons sur ma guitare en les écoutant. J’ai découvert le jeu de Brownie, j’ai appris ses bass runs et sa façon de jouer du pouce et des doigts. Maintenant que j’ai 76 ans, je les joue encore mieux. J’ai aussi compris que Sonny Terry fonctionnait comme un arrangeur, quelle invention, quelle puissance ! Il est le George Frederick Handel de l’harmonica, ça ne fait pas de doute. Get On Borad a été enregistré à l’apogée de l’ère McCarthy : bad times + good music = always a winning combination. Taj and I have lived and worked in this music, from those times forward. On espère vous apporter the best. We’re the old timers now.» Fantastique profession de foi. Dans sa critique très élogieuse, Terry Staunton parle d’un «loose, laconic labour of love». C’est la raison pour laquelle il faut écouter Get On Board.

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             Le fin du fin serait d’écouter à la suite le fameux 10’’ qui a révolutionné la cervelle du jeune Ry complet. On peut choper ce Folkways 1952 en bon état pour un prix convenable. Sur la pochette, Sonny Terry fout un peu la trouille avec son œil crevé. Le son du Get On Board original est d’une pureté absolue, Sonny Terry & Brownie McGhee & Coyal McMahan te claquent un Midnight special/ Shine a light on me assez puissant, bien calé dans ses rootsy roots. On s’effare de l’extrême qualité de l’«In His Case», le big gospel blues de Lawd, c’est de la pure black Americana. À ce petit jeu, ils sont imbattables. C’est une Americana qui n’est pas faite pour les petits culs blancs. En B, ils tapent le vieux «Pick A Ball Of Cotton» en mode hot shuffle, ils font du chain gang avec des renvois de chœurs de l’aube des temps. Pour l’époque, il s’agissait d’un album d’une grande modernité, à cheval sur le folk, le gospel et le blues. Ils sont intenses les pépères, pas étonnant que d’autres pépères leur rendent hommage.

             Dans Uncut, Terry Staunton rappelle que Taj in et Ry complet ont démarré ensemble dans les Rising Sons. C’est important de le savoir. Formés en 1964, les Rising Sons enregistrèrent un album qui n’est sorti qu’en 1992, soit quasiment trente ans plus tard. On y revient prochainement, car il faudra bien rendre hommage à ces deux mighty wizards.

    Signé : Cazengler, Tajine berk-berk

    Taj Mahal & Ry Cooder. Get On Board. Nonesuch 2022

    Sonny Terry & Brownie McGheee & Coyal McMahan. Get On Board. Folkways Records 1952

     

     

    Inside the goldmine

    - Swell Maps on the map (Part One)

             Avec sa dégaine de bureaucrate, sa veste à carreaux, son pull jacquard à losanges et à col en V, Zozo ne payait pas de mine. Il avait en plus le cheveu rare, d’une couleur improbable, une lippe pendante au-dessus d’un menton fuyant et ces lunettes horribles qu’on appelait à l’époque les «montures sécu». Il n’avait décidément rien d’un sex symbol, hormis ses deux petits yeux bleus. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences. Sous ces faux airs de toquard se planquait le mec le plus rock’n’roll du secteur. Il avait même mille longueurs d’avance sur les tenants du titre, tous ces mecs favorisés par la nature, qui avaient une bite à la place du cerveau et qui ne juraient que par Birthday Party et Hüsker Dü. Zozo s’asseyait couramment à la grande table conviviale pour trinquer à l’apéro, un apéro qui dégénérait systématiquement en nuit blanche, à longueur de bavasseries interminables et plus soûlantes encore que ces packs de bières qu’on descendait mécaniquement, et au matin, alors que les premiers rayons du soleil filtraient à travers les rideaux des fenêtres, Zozo se levait d’un bond, réajustait son col de chemise et, d’une voix à peine esquintée par des heures de bavasserie, il lançait : «Salut les gars, c’est l’heure qu’j’aille au boulot !». S’il s’intéressait au rock, c’est uniquement parce qu’il fréquentait des gens de sa famille passionnés de rock. Lorsque pendant le week-end, on passait l’après-midi avec lui, et qu’il roulait des joints avec la beuh de son jardin, il ne passait qu’un seul et unique album, toujours le même, Never Mind The Bollocks. Il fallait élever la voix pour alimenter la conversation. Une autre fois, en plein cœur d’une nuit extrêmement arrosée, on le vit mettre les enceintes de la chaîne sur le rebord de fenêtre de la cuisine et il envoya le «400 Bucks» du Reverend Horton Heat arroser le voisinage, pendant qu’il se livrait dans le jardin à la plus impressionnante des crises de danse de Saint-Guy. Zozo disposait en outre d’une qualité qu’on croise rarement chez les oiseaux de nuit : la capacité de redémarrer en côte, au terme des trois premiers rounds que sont l’apéro, les vins servis pendant le repas, et les cerises à l’eau de vie après le repas. C’est là que ça se passait, au cœur de la nuit blanche, avec le quatrième round, lorsqu’on ramenait d’autres bouteilles bien plus redoutables sur la table et que bon nombre de participants avaient sombré dans les abysses. Zozo qui se trouvait toujours installé en bout de table remplissait de grands verres de rhum ou de whisky, et avec une énergie surnaturelle, il s’adressait aux derniers survivants pour relancer brutalement une conversation menacée d’inintelligibilité. Et ça allait loin car du même coup, il réveillait des interlocuteurs luttant contre la somnolence. La conversation reprenait comme si personne n’avait rien bu. Et Zozo n’en finissait plus de remplir les verres.

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             Nikki Sudden et son frère Epic font en 1978 exactement ce que fait Zozo au bout de la table : ils redémarrent en côte. Ces deux fans de glam eurent l’idée de redémarrer le punk en montant un groupe d’äfter-punk avec des copains du quartier. Ils mirent Swell Maps on the map. Zozo et Swell Maps puisent à la même source : la grande intelligence.

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             Hugh Gulland en fait six pages dans Vive Le Rock. Vas-y Hugh, on est avec toi ! En fait, c’est le bassman Jowe Head qui alimente le buzz autour de Swell Maps, avec un book à paraître, et une compile, Mayday Signals, dont on va parler un peu plus bas. Selon Jowe Head, on disait de Swell Maps à l’époque «qu’ils se diversifiaient tellement qu’ils semblaient se désintégrer». Mais heureusement, «leur sensibilité commune recollait les morceaux». Jowe Head est fier de rappeler qu’ils n’étaient pas comme tous ses groupes qui à l’époque se faisaient un «fast buck avec un ou deux punk singles avant de changer de style pour suivre la mode». Swell Maps restaient fidèles à leurs influences, notamment Faust. En citant Faust IV, Jowe Head parle d’un multi-facet work of genius. Beaucoup plus important, l’Head insiste sur la spécificité du groupe : «Maps were always quintessencially English to me - (...) But there’s a quality of eccentricity about it.» Et pouf, il tire l’overdrive : «Swell Maps were an odd cocktail of apparently unreconciliable influences: T Rex, Can, Buzzcocks, King Crimson, Sex Pistols - and Faust!». Il dit aussi qu’à l’instar de beaucoup de groupes allemands, Swell Maps rejetaient le monopole culturel américain, trop de groupes anglais à l’époque subissaient cette influence, «you know, all the blues, soul, funk and boogie clichés, with long guitar solo and so on. It was so boring!». Il pousse son raisonnement assez loin, affirmant que les seuls groupes progressifs anglais intéressants de l’époque étaient ceux qui cultivaient leur Britishness, et il cite Crimson, Genesis, Third Ear Band et Soft Machine. Bizarre qu’il oublie Van Der Graaf. Et puis en même temps, il dit avoir adoré the alien American sound de Captain Beefheart et de Sun Ra.

             L’autre paradoxe de Swell Maps est qu’ils portaient les cheveux longs et quand ils montaient sur scène en 1978, on les traitait de Pink Floyd, l’injure suprême. Ils étaient donc victimes de leur singularité. Ils ne voulaient pas ressembler aux autres groupes punk. Pour eux, le seul élément important du mouvement punk, c’est l’anticonformisme. On le retrouve dans leur musique.

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             Leur premier album paraît en 1979 et s’appelle A Trip To Marineville. Une baraque prend feu sur la pochette, ce qui est un bon présage. Ils jouent en effet un punk-rock de front room en feu, avec les moyens du bord. Ce qui leur permet de refaire les Buzzcocks de Spiral Scratch avec «Another Song». Fantastique phénomène de mimétisme. Ils brûlent un peu les étapes et arrivent directement au coup de génie avec «Vertical Slum» - The weather ! The leather/ The weather ! The leather - On va qualifier ça de punk primitif digne du Magic Band. Avis aux amateurs ! On l’a bien compris, les Swell Maps cultivent le primitivisme. Les Buzzcocks en avaient fait leur sinécure et les Swell Maps s’en inspirent directement. Ils replongent dans l’excelsior du Magic Band avec «Harmony In Your Bathroom», ils tapent dans l’irrévérence absolue, on entend les bubbles dont parle Luke la main froide dans sa column. C’est dans «Midget Submarines» qu’ils mettent en route l’aspirateur. Au passage, Midget est un excellent cut de rock insidieux. En B, ils vont faire un brin d’hypno avec «Full Moon In My Pocket» et devenir classiques avec «Blam», pur jus de classic Maps, bien tendu, plein de small swell, hanté par une basse intermittente et le vaillant Nikki au chant - I don’t care/ I guess I’m nealy dead.

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             Jowe Head indique que le groupe a splitté à la fin de leur tournée, en avril 1980. Ils ne pouvaient plus se supporter les uns les autres. Ils parviennent néanmoins à compléter leur deuxième album, In Jane From Occupied Europe. Dès «Let’s Buy A Bridge», on sent une sorte de tendance au post-punk dylanesque, aussi étrange et concubin qu’un concombre compromettant. En voit-on l’intérêt ? Non. Par contre «Border Country» se distingue par un solide claqué de guitares. Brillant car joué à l’idée. Et ça continue avec «Cake Stop», joué au laid-back déviant de petite ramasse d’orgue et chanté à l’avenant. On comprend subitement que Nikki et son frère expérimentent. C’est donc tout à fait par hasard qu’ils développent une sorte de post-punk velvetien avec «The Helicopter Spies». D’autant plus inattendu que c’est suivi par un son de trompette. Quand même, il fallait oser. Ils singent l’esprit des Cramps avec un instro ambiancier intitulé «Big Maz In The Desert From The Trolley», mais c’est en B qu’ils stockent la viande, à commencer par «Collision With A Frogman», un instro monté sur un beat certain, solidement ancré dans une culture de l’hypno qui va de Can à Can. Oui, ils sont dans cette excellence. «Secret Island» pourrait sortir du pot de chambre de Pere Ubu, tellement c’est bien chanté et bien ramassé. Encore plus passionnant, voici «Whatever Happens Next», cut toxico à gogo, un vrai modèle d’hypno tentaculaire. Tout aussi dévoyé, voici «Blenheim Shots», joué à l’hypno calorique de dandysme perdurant, chanté au yoyo de voix de «Time’s Up», et viscéral d’élégance marmoréenne, comme le furent en leur temps les premiers singles des Pistols et des Buzzcocks.

             Après le split, Jowe Head continue de bosser un peu avec Epic. Ils enregistrent un album jamais paru, Daga Dag Daga, que Jowe compte bien exhumer. Il continue aussi de bosser avec Phones Sportsman avec lequel il a aussi des choses en cours. 

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             On trouve aussi une compile indispensable dans le commerce, l’infernal International Rescue. Tu es fixé sur ton sort dès le morceau titre, une bien belle slabberie d’after-punk montée au bassmatic énervé et sacrément proéminent. Epic y bat le beurre du diable et Jowe ramone bien sa cheminée, c’est complètement dévoré de l’intérieur, ces petits mecs sont très puissants, on entend même les chutes de «Time’s Up». Nikki joue déjà la carte de la prescience. «Real Shocks» vaut n’importe quel early hit des Buzzcocks et «Ammunition Train» sonne comme un coup de génie, un de plus, car c’est gratté sévère et Epic tatapoume à bras raccourcis. C’est bourré à craquer de punch, ils font à la fois le train et le Velvet, ils ont exactement le même sens de la consistance que l’early Velvet. Chez eux, tout est dans l’early. Ils sont les dandies de l’early. Et c’est chanté à deux voix. Charmant et complètement dépenaillé. On voit bien qu’avec «Ripped & Torn», ils ont déjà créé leur monde, et ce n’est pas un petit monde. La fête se poursuit avec un «Spitfire Parade» qui sonne comme un cut des Heartbreakers. Les Swell Maps ont exactement le même panache, mais avec du punk anglais en plus dans le mix. Oui, car Nikki chante à la hargne de Rotten avec des chutes à la Devoto. On reste dans le fabuleusement énergétique avec «New York», pur slab de naive-pop punk, comme l’indique Paul Morley au dos de la pochette. On se noie dans un océan de destroy oh boy ! En B, on se régalera du buzzcockien «Forest Fire» - même chant, même frénésie, même classe working-class - et de «Winter Rainbow», embarqué au meilleur after-punk d’époque. C’est d’une santé exubérante. Les Swell Maps se distinguent par la constance des éclats et un perpétuel éventail des possibilités. Encore plus indécent de santé sonique, voilà «Dresden Style (City Boys)». Nikki et Epic savent secouer un cocotier. Une fois de plus, ça sonne comme les Buzzcocks car c’est cisaillé par des embrouilles de solo, ils ont exactement le même sens du misérabilisme glorieux. C’est ce qui fait leur grandeur, ils n’ont aucune prétention. On retrouve à la suite l’excellent «Vertical Slum», véritable est-ender punkoïde des enfers chanté au straight cockney-strut de street. Infernal ! Et pour finir, voici «Hey Johnny Where’s The Chewing Gum», tapé à la carcasse du wild post-punkster Sludge System d’Angleterre. On assiste éberlué à l’incroyable sauvagerie de l’assaut, awite, le Sudden descend son awite avec une délectation de psychopathe, il bouscule au passage toute la léthargie de l’étal étoilé.

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             Jowe Head vient de faire paraître une jolie compile sur Easy Action, Mayday Signals. Il propose 36 tracks qui vont des primitive home-made recordings jusqu’aux derniers enregistrements studio. Jowe Head veut montrer l’évolution du groupe, tant en termes d’idées que de capacité à jouer tout en développant ce qu’il qualifie de charismatic weirdness. On y retrouve l’excellent «Vertical Slum» et un «One Of The Crowd» qui semble sortir tout droit d’un single des early Buzzcocks. Nikki embarque ça dans le punk de Manchester, il se prend pour Boredom, c’est exactement le dévolu de Devoto, avec un chant jeté en pâture. Ils font aussi du pur Dada avec «Read About Seymour» et «Bandits 1-5», ils développent d’énormes chevaux vapeur. Ils poussent même le bouchon assez loin puisqu’ils font du Dada guttural. C’est un groupe étonnant pour l’époque, extrêmement subversif. Ils passent au fast punk d’ultra-violence avec «Off The Beach» et on retrouve l’excellent «Ripped & Torn». Nikki est dessus vite fait bien fait, c’est l’endroit exact où le génie rejoint l’underground. Nouveau coup de semonce avec «Fashion Cult (Opaque)», encore une fois vite fait bien fait, monté sur un heavy grove de r’n’b, ils ont tout ce qu’il faut en magasin, ils ramènent du son et de l’esprit. Encore du punk de Maps avec «Johnny Seven». Et quand on retombe sur «International Rescue», on comprend que les Swell Maps étaient en leur temps l’un des meilleurs groupes underground d’Angleterre.

    Signé : Cazengler, Swell Naze

    Swell Maps. A Trip To Marineville. Rough Trade 1979

    Swell Maps. In Jane From Occupied Europe. Rough Trade 1980

    Swell Maps. International Rescue. Alive Total Energy Records 2009

    Swell Maps. Mayday Signals. Easy Action 2021

    Hugh Gulland : Prince of the nautical swells. Vive Le Rock # 83 – 2021

     

    *

    Avant même la couve, le nom du groupe m’a attiré, GOZD, diable se prendraient-ils pour DIEU, et qu’est-ce que ce Z que l’on placerait d’instinct en quatrième position, que veulent-ils nous signifier ? A moins qu’ils ne soient encore plus pervers que notre imagination ne l’imaginait, suffit de lire la liste des musiciens, ce n’est pas long, ne sont que deux : GOZDEK Jakub (guitars, lyrics, vocals, bass ) et GOZDEK Marek ( drums, backing vocals ), deux frères qui n’oublient pas de dédier ce premier album à la mémoire de Robert Sobansky  avec qui il a été initialement conçu et mis en œuvre. A partir de leur patronyme ont-ils voulu induire l’idée qu’il y aurait comme une césure, une zébrure, une fente dans le nom de God. Nous refairaient-ils le coup à la polonaise d’ En attendant Godot

    Viennent de Wroclaw, surnommée la Venise Polonaise, située en Silésie au Sud-Est de la Pologne, ville universitaire et culturelle au passé prestigieux… Mais il est temps de regarder la pochette signée de Pysemyslaw Kris, la visite de son instagram @nom4dsky est surprenante. A première vue pas d’artwork personnel, avant tout des paysages et des photographies d’immeubles, mais si l’on s’attarde quelque peu sur chaque post l’on s’aperçoit qu’ Industrialism Maximus, ainsi se surnomme-t-il, ne nous offre pas des cartes postales simplement agréables ou surprenantes à regarder, possède un regard architectural, il dissèque les lieux selon leur disposition, il en exprime leur signifiance profonde qui n’est pas sans produire un effet d’étrangeté, même lorsqu’ils ont été façonnés par le travail des hommes ou édifiés de toutes pièces… il parvient à donner l’impression que ces lieux existent par eux-mêmes en dehors de toute ingérence humaine comme si notre engeance n’avait jamais existé. Nous nous sentons exclus de notre monde…

    Si nous nous rendons sur l’instagram de Godz, @godzband, nous avons droit à quatre vues différentes de l’artwork de Pysemyslaw Kris, qui n’incitent pas à l’optimisme, sombres (même la dernière baignée de jaune ) et mystérieuses, qu’est-ce au juste, un paysage d’apocalypse et de fin du monde, ces boules rondes sont-elles des engins spatiaux venues apportées la destruction ou un enchevêtrement de planètes déviées de leurs orbites pour une raison ignorée.

    Conflagration interstellaire ou en of the world… Toutefois le titre qui s’étale en grosse lettres est davantage rassurant :

    THIS IS NOT THE END

    GOZD

    ( BSDF Records - 15 / 01 / 2023 )

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    La phrase de présentation de leur album : ‘’Bienvenue dans le monde de GOZD, plongez dans le chaos et le néant avec nous.’’ témoigne d’une sympathie inquiétante. Dans la série ‘’mais que fait la police ?’’ le lecteur s’attardera sur le lettrage du nom du groupe, les quatre lettres étant elles-mêmes graphiquement scindées en deux… Dieu serait-il fêlé ? Si ce n’est pas la fin, serait-ce la mort de Dieu ?

    Lost in chaos : malgré le titre ça commence relativement calmement, hélas très vite surviennent un frottis de cordes pas franchement désagréables ( même plutôt appétissants ) si vous n’êtes pas sensibles à ces mini-ruptures incessantes de tonalités un peu comme si vous marchiez sur un plancher qui se fragmenterait sous vos pas, surgit une voix très grave, elle semble appartenir à celui que l’on nommerait le Maître du chaos si tant est que le chaos pourrait se plier aux ordres d’un maître, toujours est-il qu’elles ( car apparemment Robert Sobansky aurait posé quelques lyrics )  sont sombres et graves, beaux échos de basse, et le chant liturgique reprend, qui dit kaos dit noise, mais ici la mélodie domine, Gozd ne décrit pas le chaos mais essaie d’exprimer les sentiments de déréliction engendrés par une telle occurrence, la batterie avance le chemin noir que l’on parcourt lentement malgré certaines brisures qui ne génèrent jamais d’accélération. Si ce n’est pas la fin, lorsque la musique s’éteint l’on reste sur sa faim. Unknown answers : décidément l’on n’est pas invité à pénétrer dans le chaos du monde mais à rentrer dans notre âme pour nous poser des questions sans réponses,  bulles successives de résonnances graves qui s’évanouissent dans leur propre splendeur comme si vous électrifiez et espaciez des notes du piano de Chopin et les faites résonner dans le vide de votre esprit, déferlements de guitares, les interrogations sont porteuses d’angoisses et de lourdeurs, l’on tourne en rond dans sa propre histoire rabattus par l’ampleur du son vers les murs de nos incapacités, la voix est sans pitié, elle énonce et dénonce, des couches de guitares mélodramatiques vous tombent dessus cisaillantes et engluantes, sortirez-vous un jour de vous-même, une basse inexorable vous porte des coups, vous tombez dans un entonnoir sonore, la batterie bat la chamade par-dessous, ne restent plus que les battements de votre cœur qui s’arrête. Un morceau dont on ne sort pas indemne. This is not the end : tambourinade, frétillements cordiques, chantonnements de basse, le rythme s’accélère lentement  et la voix se penche sur vous pour vous réveiller de votre mort mentale, le son s’épanouit, l’on vous prend par la main, l’on vous guide, l’on vous pousse dans le dos, la musique plantureuse est votre seule béquille, une onde sonore se lève et vous emporte, tout semble marcher comme sur des roulettes, arrêt, silence, re-tambourinade, mais plus forte, vous avez passé un degré d’initiation, voici le deuxième, batterie pratiquement militaire, cette fois c’est du sérieux la guitare résonne comme des cors de guerre, le riff implacable et saccadé ne vous laisse pas le temps de réfléchir, cymbales et la machine se met en route, à la vitesse à laquelle elle vous entraîne vous comprenez que c’est loin d’être fini, seriez même plutôt projeté sur un tobogan infini, les guitares sonnent comme des coups de sabre, ce n’est pas la fin vous répète-t-on puisque vous entamez le combat pour votre survie. Escape from the inevitable : l’on reste sur le même tissu sonore tout le long du morceau, l’on a échappé au pire, la voix susurre des conseils tout fort à l’oreille de l’impétrant, il ne suffit pas d’être initié, il faut encore comprendre ce à quoi l’on a échappé, faire le point, pour ne pas retomber dans les vortex dérélictoires, l’on est maintenant capable de marcher sur le tapis de cendre froide du néant, il suffit de se lever et d’avancer à l’intérieur de soi. La musique processionnaire vous accompagne. In extreme to extreme : même gravité, même intensité, même si quelque chose semble s’accélérer, la voix se fait profonde, elle dit, elle résume, elle reprend l’itinéraire du début à la fin, et la vérité fuzze, si l’on croyait être tiré d’affaire il n’en est rien, ne serait-on pas exactement au même point, ce n’est pas la fin uniquement parce que la fin n’est pas encore terminée, les guitares se font incendie, tout se précipite, rien n’a changé, le chaos et le néant sont toujours là tapis au fond de nous, batterie oppressante, nous n’y échapperons pas.

    ET dieu dans tout ça ? comme dirait l’autre, nom de Gozd ! Disons qu’il bénéficie d’un sursis. N’a pas réussi à remporter une victoire éclatante sur le chaos, mais ne semble pas avoir été vaincu. Se serait-il enfermé dans la forteresse de l’âme humaine ? L’on attend la suite dans le deuxième opus, celui-ci tout d’une pièce, certes il laisse la question (et la réponse ) en suspens, bénéficie de ce que dans le théâtre classique l’on nommait l’unité de ton, de la première note à la dernière une atmosphère analogue se déploie sans jamais provoquer la moindre parcelle de monotonie, ambiance doom stonner fortement mélodique, une parfaite réussite.

    Damie Chad.

     

    ROCKABILLY RULES ! ( 6 )

    N’oubliez jamais que toutes les règles sont faites pour être contournées, dépassées, chamboulées, piétinées, car l’important avant tout c’est d’avoir un cœur fidèle et rebelle !

    GENE VINCENT’ S FANS

    JULIANE GARSTKA / JACK BODLENNER / DAJANA LOUAAR

    Nombreux sont les fans de Gene Vincent mais certains font tout pour perpétuer non pas le souvenir mais la présence de Gene. Je commencerai par évoquer :

    JULIANE GARSTKA

    J’ai découvert Juliane Garstka tout dernièrement, exactement depuis le 3 janvier 2023 par l’intermédiaire du groupe ( public ) FB Dance and Sing with Gene Vincent, un post provenant de sa participation à ce groupe qui défile à toute vitesse sur ma page d’accueil et que je stoppe immédiatement, touché coulé en plein cœur.

    En quelques mots elle explique que c’est une peinture qu’elle a exécutée voici longtemps alors qu’elle n’était qu’une gamine intéressée par le dessin. Mais autant la laisser s’exprimer elle-même : ‘’ Gene Vincent died on oct 12 th 1971, only 36 years old. He suffered throughout his life after smashing his leg in an accident and hurt it again in a second accident, that took the life of his friend Eddie Cochran. But also he was just pure RocknRoll. He also was my teenage hero and I painted this picture 1982, that sums up the sadness and depression of his life. He will always be in my heart and I deeply miss him although I never had the slightest chance to meet him. ’’

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    Des portraits de Gene Vincent, plus ou moins bien réussis, j’en ai vu des dizaines, mais comme celui-ci jamais. Manifestement inspiré de la pochette de The Day The World Turned Blue, ( 1971 ) l’ultime album de Gene. Mais vue de l’intérieur. La couve est assez parlante, Gene derrière une fenêtre aux vitres brisées, au vu de la façade décrépite la maison a dû être belle, comme Gene elle a connu des jours meilleurs, la sensation de solitude et de tristesse est accentuée par la cime nue d’un arbre dépouillé de ses feuilles. J’ai commandé ce disque à sa sortie, je ne sais plus si c’était en Angleterre ou aux States, la réception du précédent If  Only You Could See Me ( 1970 ) avait été un véritable coup de poignard dans le cœur, Gene allait mal, je le savais, mais là j’avais l’aveu devant les yeux, avec ce dernier disque j’eus la prémonition que les jeux étaient faits, que Gene nous quitterait bientôt, ces deux  albums sont sublimes et crépusculaires ils rayonnent de regret, de nostalgie, de colère rentrée et d’amertume désabusée, ce n’était pas Gene derrière la fenêtre, mais l’annonce de son départ pour autre part. J’ai vécu ces deux dernières années dans l’idée que la fin était proche. Au début du mois d’octobre 71 installé dans un autobus j’attendais le départ, j’entendais sans vraiment écouter le flash d’information de France Inter, rien de bien intéressant, mais sitôt le flash terminé sans aucune annonce ont retenti les premières notes de Be Bop A Lula. J’ai compris. Un tel titre à huit heures du matin ce ne pouvait être que… A la fin du morceau le speaker a confirmé…

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    Et maintenant, un demi-siècle plus tard cette œuvre de Juliane Gartska, qui ravive cette ancienne blessure jamais refermée, la mienne sans importance comparée à celle de Gene, cet homme qui a tant donné pour le rock’n’roll et ses fans, enfermé dans une immense solitude et un sentiment d’abandon et d’injustice, ‘’ I was standing by my window /  on one cold and cloudy day / When I saw that hearse come rolling…’’ le cercle impitoyable qui s’est refermé lentement sur lui, Gene a eu le temps de l’appréhender… tout cela une adolescente l’a ressenti et exprimé bien plus fortement que mes mots, cette pièce blanche, cet homme en noir à la fenêtre, dont pas même un corbeau ne s’aventure à toquer à l’un des vantaux, la représentation d’une âme enfermée dans le sépulcre de son agonie, dans le monde vide des illusions perdues, une vision intérieure…

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    Depuis Juliane Garstka a grandi, elle a gardé sa sensibilité artistique, une visite de son FB s’impose, vous y verrez de nombreuses photos de chevaux qu’elle sculpte. Elle a aussi gardé son attachement pour Gene. Les photos ne permettent pas de juger si ce sont des sculptures ( résines ? ) ou des figurines peut-être habillées ou des poupées,  voici Gene en action, lorsqu’elle se réunit avec des potes pour chanter et jouer ( devinez quoi !), autour de chez elle dans la nature, elle n’arrête pas de le mettre en scène, avec Jerry Lou, notamment avec Daniel Lanoy, producteur, chanteur, musicien canadien une autre de ses admirations,  elle qui a su traduire l’intérieur de Gene, elle l’affiche maintenant à l’extérieur dans sa vie, il est toujours là, objectif, vivant - car l’art immortalise – à ses côtés. Que voulez-vous, elle n’a pas renoncé à son rêve. Nous l’en remercions.

    *

    PRECISIONS HISTORICO-GEOGRAPHIQUES

    Topanga Canyon est situé au nord de Los Angeles entre Santa Monica et Malibu, il est peut-être moins célèbre que le Laurel Canyon beaucoup plus proche de Los Angeles, mais ces deux endroits sont constitutifs de ce qu’en France on appellerait la légende hippie, ce que plus pragmatiques les américains nomment le California Sound. Ces lieux encore un peu sauvages et désertiques attirèrent la faune des musiciens avides de ces libertés que nous qualifierons de sonores, extatiques et sexuelles. Jim Morrison, Mama Cass, Joni Mitchell pour ne citer que les plus célèbres, nous n’oublions pas la bande des quatre, Crosby, Stills, Nash and Young – le Cat Zengler pas plus tard que la semaine dernière nous entretenait de Stephen Stills – fréquentèrent le Laurel, Le Topanga accueillit la famille ( peu recommandable ) Manson mais aussi Woody Guthrie, Jack Eliott, Canned Heat, Emylou Harris, et bien sûr Neil Young… Tous ces artistes se sont produits au célèbre Topanga Corral vaste discothèque qui proposait de nombreux concerts. Le vivier n’était pas loin.

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    A l’inverse Anaheim se trouve de l’autre côté, donc au Sud-Est de Los Angeles, la ville est surtout connue pour ses deux Parcs Disney et un important salon annuel de musique de la National Association of Music Merchants Show.

    Précisions nécessaires pour bien comprendre les trois premières lignes de l’intitulé du concert qui suit :

    1971 : THE ANAHEIM SHOW

    06 - 06 - 1971 / TOPANGA CORRAL

    TOPANGA CANYON

    JACK BODLENNER / DAJANA LOUAAR

    DERNIER CONCERT DE GENE VINCENT

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    Les personnes qui se rendent sur le FB Kr’tnt Kr’tnt pour accéder au blogue Chroniques de Pourpre connaissent JACK BODLENNER, sur le bandeau de tête c’est lui à moitié allongé sur la scène dont les doigts atteignent l’attelle de la jambe blessée de Gene Vincent. Jack Bodlenner est un fan inconditionnel de Gene Vincent, il a assisté à de nombreux concerts, notamment en France, de Gene, il possède sans compter les photos plus de six cent heures d’enregistrements (scènes, coulisses, hors concerts), il n’est pas de ceux qui gardent égoïstement leurs documents, il les livre peu à peu au public. Il intervient souvent sur le groupe public FB Dance and Sing with Gene Vincent qui offre à tous les fans un espace où déposer en libre accès documents iconographiques et vidéos, connus, rares, inédits… Une mine d’or.

    En 1971, j’étais à Toulouse, beaucoup plus malin et avisé que moi Jack Bodlenner assistait au dernier concert de Gene Vincent aux USA, au Topanga Corral, il en a ramené quelques bandes.

    Si vous les retrouvez sur FB, vous pouvez remercier DAJANA LOUAAR c’est une des administratrices du groupe qui a proposé à Jack Bodlenner de mettre en images les extraits de ce concert – le but ultime est de le donner en son intégralité – ce ne sont pas les images de ce concert mais une succession de photos diverses qui défilent sous vos yeux et rendent en quelque sorte l’écoute plus vivante, ‘’ plus palpable’’.

    Dajana Louaar  et Jack Bodlenner font bien plus que rendre hommage à Gene Vincent, ils suscitent sa présence.

    WORKING ON THE RAILROAD

             Quand ce morceau a été révélé sur You Tube les oreilles ont tilté, il dépasse dix minutes une longueur inusitée pour Gene, à part Tush Hog et Slow times comin’ ce genre de long fleuve tranquille – quoique Tush Hog soit assez mouvementé - n’était pas dans ses habitudes.  Le premier enregistrement de ce traditionnel effectué par Leadbelly date de 1942, il en existe différentes variantes on le retrouve souvent sous le titre de Take this hammer, on classe souvent Leadbelly parmi les artistes de blues, toutefois la majeure partie de son répertoire est plus proche du folksong que du blues. C’est le goût prononcé de Gene pour le country qui a sans doute emmené Gene à s’intéresser à ce morceau. L’est vrai qu’il est idéal pour la scène, ses lyrics courts et répétitifs se prêtent à toutes les insistances et à toutes les improvisations. Nous ne possédons aucun renseignement précis sur Kid Chaos le groupe qui l’accompagne, tout ce que nous pouvons dire c’est que ce n’est pas un combo de rockabilly, la qualité sonore du document ne permet pas de préjuger de sa valeur mais il nous semble dans la moyenne de la manière dont on jouait le rock au début des seventies, autre remarque : la voix de Gene est moins desservie que ses musiciens. Mais arrêtons de pérorer sur le quai de la gare et montons dans le train, ou pour être beaucoup plus fidèle à l’esprit de la chanson arrêtons de trimer pour rien et prenons à toute vitesse la voie de la liberté. Ce morceau fleure bon l’idéologie des travailleurs adhérents à l’IWW ( Industrial Workers in the World ) syndicat à tendance anarchisante et autogestionnaire.  Le train démarre sur sa vitesse de croisière menée par la voix de Gene, la batterie a dû s’accaparer le plus grande largeur de la bande, elle ne permet pas à la guitare et à la  basse de donner toute leur impulsion, la voix de Gene est un peu reléguée au fond, avec les acclamations du public, ce qui est dommage car Gene est en pleine forme, un beau solo de guitare perce la brume sonore, l’on atteint à une belle intumescence lyrique, normalement ce devrait être la fin mais ça continue pour… mieux stopper, seul le batteur maintient l’imperturbable rythme, vite rejoint par la voix revendicatrice, coléreuse et agressive de Gene,  mais tout rendre dans l’ordre pour aborder un beau pont musical, nouvel arrêt, le batteur batifole Gene parle, et l’on repart pour mieux laisser à Gene clore la fin de la ligne. Vu la qualité sonore, je conseille de l’écouter plusieurs fois, c’est ainsi que ce qui pourrait apparaître comme un tantinet monotone se révèle empli de finesse.

    BE BOP A LULA

    Pendant longtemps écouter Be Bop A Lula restait relativement simple, la version 56 inimitable, la version 62 twist et rapide, la version lente que parfois Vincent interprétait sur scène ( Eddy Mitchell sen inspira pour sa version 63 ) et la version bastringue 69 musicalement si différente et si lourde que beaucoup ne savaient quoi en penser… avec le Net l’on ne compte plus les extraits de concerts qui proposent ce morceau, à tel point qu’il est difficile de trancher entre elles. De tous les morceaux de ce dernier concert in USA, c’est celui-ci qui bénéficie de la meilleure qualité sonore, c’est un peu dommage car l’on sent que l’orchestre ne rentre en rien dans ce parangon idéel du rock ‘n’ roll, patauge à côté de l’esprit rawkabilly, peu de subtilité, beaucoup de lourdeur au sens négatif de ce terme. Malgré les acclamations qui fusent dès les premières notes Vincent l’expédie rapidement – combien de fois l’a-t-il exécuté dans sa vie en final de show – il sait que pour resplendir ce joyau doit être enserré dans un chaton musical le plus pur. Sur les applaudissements terminaux un Monsieur Loyal remercie Gene.

    SUNDAY MORNING COMING DOWN

    Un morceau de Kris Kristofferson écrit en 1969, Gene a dû l’emprunter à Johnny Cash un de ses chanteurs préférés qui l’interpréta en 1970, il en existe aussi une remarquable ‘’ démo’’ de Gene d’une tristesse et d’une pureté qui vous serre à la gorge. La voix de Gene au premier plan mais voilée par un souffle qui heureusement de temps en temps s’efface, un accompagnement tout ce qu’il y a de plus traditionnel en country, est-ce le public qui chantonne ou les musicos, vraisemblablement le public car sur les dernières notes des voix féminines se détachent preuve que Gene à quatre mois de sa disparition séduit encore et imprime sa marque sur chacune de ses interprétations.

    CORINE, CORINA

    Une chanson douce pour les effusions sentimentales, encore un traditionnel, la basse en avant, les cris du public, le slow d’enfer qui tue les dernières résistances, rien qu’à la façon dont Gene triture et tord son nom, la Corine doit mouiller sa culotte, un peu d’orgue pour mettre du liant et la batterie qui rapplique pour rajouter un peu plus la pression, faut savoir lâcher un semblant de lest pour se permettre d’être plus leste en un second temps. Dès que ce grand rock ‘n’roller que fut Gene s’empare d’une ballade, une magie saisissante opère. Vous transmet l’émotion de ces moments de la vie somme toute banale, mais qu’il fixe dans une aura de nostalgie poignante.

    WHOLE LOTTA SHAKIN’ GOIN’ ON

     Le band visiblement plus à l’aise sur ce classique de Jerry Lou que sur Be Bop A Lula, la voix de Vincent trop en arrière ce qui est regrettable car il est évident qu’il est en forme, l’on se console avec ce piano qui rit de toutes ses dents d’ivoire, après la furie du début, l’on y va relax et la basse consent à monter les escaliers en courant, mais ça repart tout de suite sur les chapeaux de roue pour se terminer illico. Consacrer moins de cinq minutes pour un morceau taillé pour la scène, c’est râlant.

             Il resterait une émotionnante version d’Over The Rainbow à venir.

             Généralement c’est ce que l’on appelle des vidéos pour les fans. Cela tombe bien, j’en suis un. Il est sûr qu’il faut les écouter à l’ombre des enregistrements ‘’ officiels’’. Mais tout ce qui provient de Gene Vincent reste précieux. Merci à Dajana Louaar pour la mise en images.

    Damie Chad.

     

     

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                             

    EPISODE 15 ( Ablatif ) :

    78

    Je suis un peu ( à peine plus de trois heures ) en retard ce matin au local. La journée de la veille a été très chaude et mouvementée, pas de quoi fatiguer ces hommes de fer que sont les agents du SSR, je n’y suis pour rien la faute en incombe à Calliope. J’étais tranquille chez moi en train de beurrer pour le petit déjeuner de Molossa et Molossito les biscottes - ces braves bêtes les adorent, à condition que je glisse entre deux toasts préalablement grillés à point, une entrecôte de bœuf saignante – je n’avais pas encore bu la moindre gorgée de café lorsque j’ai été submergé par l’enthousiasme poétique, c’était Calliope la muse de l’éloquence et de l’épopée qui à l’oreille m’enjoignit de rédiger dans mon autobiographie Mémoires d’un GSH ( *)  le passage relatant les évènements survenus dans la Forêt de Laigue. Je recopie ses paroles texto : ‘’ Damie, le monde de demain a le droit de savoir ce qui s’est réellement passé hier soir ! C’est ton devoir de le relater ! Au travail gros paresseux !’’

    Compréhensif le Chef a tout de suite excusé mon retard : ‘’ L’on ne fait pas attendre une déesse’’ me déclara-t-il et il ajouta : ‘’ Peut-être qu’avec l’aide de Calliope et de votre stylo Bic, les actes du SSR ainsi rapportés ensemenceront-ils les esprits des grands hommes de la future Humanité et ainsi permettront-ils à notre misérable engeance de ne pas périr lors de la septième extinction…’’

    79

    C’est avec la voix que je prends spécialement pour réciter les épodes de Pindare que je me lançai dans la lecture de mon œuvre immortelle, par modestie je n’en recopie que quelques extraits : ‘’ … les deux Compagnies Républicaines de Sécurité que rien ne menaçait tirèrent à elles seules davantage de grenades de désencerclement – stratégie peu appropriés puisqu’ils n’étaient pas encerclés - que n’en tira le divin Héraklès sur les oiseaux du Lac Stymphale qui se ruaient sur lui dans l’intention de déchirer en lambeaux sanguinolents son corps de héros. Dans leur mansuétude proverbiale les Dieux ne ripostèrent point et se contentèrent de sourire, mais lorsque le Commandant Octave Rimont ordonna à la phalange du GIGN de donner l’assault, du haut de son trône Zeus grimaça, et une ombre gigantesque se dressa dans le ciel. On aurait dit un immense oiseau, était-ce l’aigle de Zeus, ou la chouette d’ Artémis, plus tard certains émirent qu’il s’agissait de la chienne d’Hécate la déesse des carrefours métamorphosée en vautour gypaète barbu, l’on ne sait, l’oiseau noir passe et repasse ( normal c’est un rapace ) à plusieurs reprises au-dessus de la tête des deux cents CRS alignés, peu prennent garde à sa présence, mais à la septième fois que l’ombre noire survole la colonne de ces cracheurs de brouillards puants, tous, un par un s’écroulèrent à terre, sans bruits de façon peu spectaculaire, comme si cédant à une grande fatigue ils s’adonnaient à un somme réparateur, par contre les membres du GIGN qui avaient déjà atteint les hautes ramures de la futaie chutèrent lourdement, l’on entendait leurs corps glisser et se fracasser sur les branches puis s’écraser à terre comme ces fruits trop mûrs qui éclatent à peine ont-ils touché le sol, aucun des assaillants ne se releva, le grand oiseau noir sembla se désagréger en des milliers de fragments qu’un coup de vent emporta on ne sait où… Octave Rimont se précipite vers ses hommes, il hurle de rage et de dépit, tous sont morts, il fait signe au petit groupe qu’il avait écarté de la première ligne de ne pas bouger mais Molossa et Molossito foncent en avant et je les suis, deux hommes sont en train de descendre des arbres qui cachent le mur d’enceinte, le Chef et un sympathique inconnu qui répond au nom de Carlos, laissant Octave Rimont à son désespoir nous nous éclipsons discrètement…’’

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    • Ah, ce Carlos quel homme providentiel, s’exclame le Chef, agent Chad votre récit est un chef-d’œuvre de la littérature universelle, mais il est temps de nous livrer à un petit examen herméneutique en le comparant avec l’article pondu par Lamart et Sureau, d’ailleurs repris ou cité par le reste de la presse, écrite, parlée, télévisée, réseaux sociaux à fond la caisse, tout ce petit monde en ébullition tant au niveau national qu’international… trop occupé par la rédaction de vos mémoires vous ne vous êtes pas penché sur les nouvelles matutinales, je vous laisse lire tranquillement la une du Parisien Libéré, je ne vous en ferai pas la lecture, le devoir m’appelle, je me dois d’allumer un Coronado.

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    TERRIBLE RECRUDESCENCE

    DU COVID 19

    UN NOUVEAU VARIANT HYPERCONTAGIEUX

    237 MORTS EN QUELQUES MINUTES

    Olivier Lamart : ce devait être une après-midi sans histoire. C’est un peu en traînant que nous nous sommes rendus, sur invitation spéciale du Commandant Octave Mirmont, mon collègue Martin Sureau et moi-même, en forêt de Laigue, pour assister à un entraînement des forces spéciales de Gendarmerie. Rien du tout nous avait assuré Octave Mirmont, un petit exercice de ‘’ lance-patates’’ pour les Compagnies Républicaines de Sécurité dans le but d’assurer une ‘’ sécurité offensive’’ du Président de la République lors de ses déplacements et un premier ‘’stage d’escalade arborée préventive’’ dédié au GIGN afin de lutter au plus près des pyromanes qui n’hésitent plus à s’attaquer à nos forêts indispensables à notre survie écologique.

    Martin Sureau : nous avions affaire à des fonctionnaires d’état hyper-spécialisés et particulièrement motivés. Une fois les ‘’grenadiers’’ ayant effectué leurs tirs sans anicroche, ce fut autour des membres du GIGN de prouver leur promptitude à monter le long des troncs des arbres choisis pour cet exercice périlleux. La plupart d’entre eux s’étaient déjà postés et dissimulés dans l’épais feuillage des frondaisons les plus hautes de la forêt lorsque se produisit un léger incident.

    Olivier Lamart : un CRS – on les avait laissés sur place pour qu’ils puissent bénéficier du spectacle et de l’exemple offerts par leurs collègues qui font partie de l’élite sécuritaire de notre nation – s’affaissa sans préavis, ses collègues les plus proches n’eurent pas le temps de se porter à son secours, eux aussi saisi par un mal mystérieux s’effondrèrent tour à tour, tous furent terrassés, pas un ne se releva.

    Martin Sureau : le plus terrible à regarder ce fut ces policiers du GIGN qui dégringolaient de branche en branche sans ménagement sans même pousser un cri.

    Olivier Lamart : en effet chose incroyable, ils ne se sont pas tués en tombant, ils étaient déjà morts lorsqu’ils ont commencé à chuter. Les premiers secours et les médecins du Samu étaient formels.

    Martin Sureau : passons sur le balai des brancardiers qui transportèrent les corps dans leurs ambulances stationnées à deux kilomètres dans une des grandes allées carrossables de la Forêt de Laigue. Il fallait faire vite pour autopsier les cadavres de ces malheureux.

    Olivier Lamart : à peine quatre heures plus tard les premiers résultats fiables commencèrent à arriver au PC de crise établi dans la cour de l’hôpital militaire de Paris. Les analyses étaient formelles et concordantes. Tous nos valeureux policiers ont été atteints par un variant du Covid 19 hautement virulent et hyper-transmissible.

    Martin Sureau : c’est dans la nuit, quelques minutes avant de finir cet article qu’un communiqué de l’Elysée nous est parvenu. Nous en copions l’extrait le plus important :

    ‘’ La situation est grave mais nous appelons nos concitoyens à garder leur calme. Certes plus de deux cents policiers ont été victimes d’une attaque foudroyante d’un variant encore inconnu du Covid 19. Mais il ne faut point s’affoler, aucun des soignants, brancardiers, ambulanciers, infirmiers, médecins, professeurs, qui ont été de par leur fonction invités à manipuler les cadavres ne souffrent d’aucun mal. Il semble que cette souche ultra-virulente se soit développée dans un unique endroit somme toute circonscrit de la Forêt de Laigue. Celle-ci est désormais fermée et interdite aux visiteurs tant que des scientifiques internationaux n’aient rendu leur conclusion nous   assurant de l’innocuité de ces lieux. D’après les premières données de nos plus grands experts, il y a peu de chances que de telles attaques foudroyantes se renouvellent puisque ce variant est tellement nocif qu’en tuant ceux qu’il contamine, il se tue lui-même. Honneur à nos forces policières victimes de ce fléau qui sans le savoir, ont sauvé le reste de la population française en formant de leurs corps le barrage nécessaire à la survie du pays. Leur sacrifice n’aura pas été vain. La France reconnaissante.’’

    Notre propre survie à nous deux journalistes qui suivaient de très près le déroulement de ces opérations militaires ne sont-elles pas la preuve de la véracité des propos de ce communiqué officiel ?

    Faisons confiance à notre gouvernement !

    Olivier Lamart & Martin Sureau.

    A suivre…

    *Les initiales GSH signifient : Génie Supérieur de l’Humanité.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 583 : KR'TNT 583 : STEVE STILLS / SHACK / VELVET UNDERGROUND / JON SPENCER / MARYLIN SCOTT / ADY ONE WOMAN BAND / WILL BOYAJIAN / ROCKAMBOLESQUES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 583

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    12 / 01 / 2023

    STEVE STILLS / SHACK

    VELVET UNDERGROUND / JON SPENCER

    MARYLIN SCOTT / ADY ONE WOMAN BAND

     WILL BOYAJIAN / ROCKAMBOLESQUES

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 583

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://krtnt.hautetfort.com/

     

    Stills little fingers- Part One

     

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             Dans la vie de Stephen Stills, l’objet de fascination n’est peut-être pas celui qu’on croit. Buffalo Springfield ? CS&N ? Non, c’est sa relation avec Jimi Hendrix. Voilà la raison pour laquelle on lit la bio de David Roberts, Change Partners, parue en 2016. Cette relation court tout le long de cette bio très prudente. Pourquoi prudente ? Roberts cite systématiquement toutes ses sources dans le fil du récit, comme s’il craignait d’être pris en défaut. Il aurait dû s’appeler Prudence Petitpas.

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             C’est chez Peter Tork que Stills rencontre Jimi Hendrix pour la première fois, au lendemain de Monterey. Il jamme dans la foulée avec Jimi, Buddy Miles, David Crosby et Hugh Masekala in the beach house de Buffalo Springfield qu’il loue à Malibu. Tout le monde prend de l’acide et joue. Quand des flics débarquent à cause du bruit, ils autorisent les musiciens à jammer à la condition de pouvoir rester et assister à la jam. C’est une anecdote dont Stills semble être très fier. Il dit aussi que cette nuit-là, il a appris à jouer de la guitare. Il revoit Jimi un peu plus tard à New York, où il est en tournée en première partie des Monkees. Ils se retrouvent au Waldorf Hotel et Micky Dolenz se joint à la fête. Stills : «Jimi was my guru, man.» Plus tard, en mars 1968, lorsque Jimi enregistre Electric Ladyland, Stills l’accompagne au piano sur «My Friend», un cut qu’on retrouve sur Cry Of Love et First Rays Of The New Rising Sun. Quand Stills s’installe à Londres, il fréquente beaucoup Jimi. Ils sortent tous les deux, roulent dans Londres en limo, vont dans des clubs. Ils parlent pendant des heures et des heures, nous dit Stills, de musique et de philosophie et Jimi lui montre encore «certain things about playing lead guitar». Stills participe aussi à la mythique session organisée par Alan Douglas pour Timothy Leary : Jimi (bass), John Sebastian (guitar, harp), Buddy Miles & Mitch Mitchell (beurre) et Stills (guitar, organ, chant). Ils jamment sur le «Woodstock» que vient d’écrire Joni Mitchell et c’est une jam qu’on retrouve sous le titre «Live And Let Live» sur You Can Be Anyone This Time Around, l’album de Timothy Leary paru en 1970. Quand Jimi joue sur scène dans les clubs, Stills l’accompagne à la basse. Stills lui montre aussi comment jouer de l’acou. Ce qui frappe le plus Stills en Jimi, c’est sa timidité - Shy, impossibly shy - Tout cela jusqu’en septembre 1970, quand Jimi casse sa pipe en bois. Stills perd l’un de ses meilleurs amis. 

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             L’autre grand fil rouge amical de sa vie, c’est bien sûr David Crosby, qui est aussi légendaire que Jimi. Un Croz qui est tellement frustré dans les Byrds qu’il commence à fréquenter assidûment Stills. Un Stills qui confie à Dave Zimmer : «J’avais entendu dire que David was an arrogant arsehole, mais quand je l’ai rencontré, il était aussi timide que moi, et pour surmonter sa timidité, il avait adopté un comportement agressif. Je connaissais le symptôme parce que je me conduisais de la même manière.» Croz avait agacé ses collègues des Byrds en jouant avec Buffalo Springfield à Monterey. Pour lui c’était la fin des haricots, il allait être viré des Byrds.

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             Stills a souvent tenté des gros coups, avant ou après Buffalo Springfield. Alors qu’il vivait encore à New York, il a essayé d’entrer dans les Lovin’ Spoonful. Lorsqu’il s’installe à San Francisco, il est fasciné par Grace Slick & the Great Society. Il est effaré par la médiocrité du groupe mais il est trop timide pour demander à Grace de former un groupe avec lui. Il tente aussi de décoller avec le Van Dyke Parks Band, mais ça ne marche pas. Stills va cependant rester en contact avec Parks. Son copain Tork essaye de le faire embaucher comme producteur des Monkees, mais c’est Chip Douglas qui décroche le job, à la demande de Papa Nez. Stills avoue qu’il aurait bien aimé produire les Monkees. On lui propose aussi le job de lead singer dans Blood Sweat & Tears. Al Kooper le connaissait depuis les Super Sessions et sa réputation de chanteur guitariste d’exception grossissait très vite. Quand il commence à monter CS&N, il tente d’intégrer John Sebastian qui décline l’offre, préférant rester en solo. Il cherche aussi à intégrer Dave Mason qui lui aussi décline l’invitation. Lorsqu’il est à Londres, Stills participe aux séances d’enregistrement de l’album de Doris Troy pour Apple, que supervise George Harrison. Dans le studio, Stills croise Leon Russell, Delaney & Bonnie, Billy Preston, Klaus Voormann et quelques autres luminaries. Stills entre aussi en studio avec Humble Pie lors des sessions de Smokin’ : organ et harmonics sur «Thirty Days In A Hole», des voix sur «Hot’n’Nasty» et de l’Hammond sur «Road Runner G Jam». Et il fera par la suite pas mal d’autres contributions. Stills est un session man très courtisé.

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             Pas étonnant qu’on le retrouve sur Super Session, l’un des plus beaux albums parus en 1968. Il s’agissait au départ d’un projet lancé par le duo Mike Bloomfield/Al Kooper, et comme Bloomy disparaissait quand ça lui chantait, on fit alors appel à Stills qui enregistra la B. Pour une poignée de lycéens bas-normands, ce fut la révélation, d’autant que la B démarre sur une cover d’«It Takes A Lot To Laugh (It Takes A Train To Cry)» de Bob Dylan, avec Harvey Brooks on bass. Stills te chante ça au feeling pur. Il part en petit solo de gras double et cette cover devient une merveille extrême. Puis il tape dans Donovan avec, disons-le tout net, la plus belle cover de «Season Of The Witch». Stills éclate bien sa Witch au chant et croise le fer avec Harvey Brooks, on se régale de ce somebogy’s looking over/ And it’s strange/ So so strange/ Strange right now, il y va le Stills, c’est énorme et ça groove dans le jazz, il double sa guitare à la voix, cette B est l’une des faces historiques de la saga du rock. La Witch est coiffée par de somptueux arrangements de cuivres et pouf, Stills repart au so very strange. Il tape ensuite une cover du «You Don’t Love Me» de Willie Cobb et il part en virée subliminale, avec derrière une basse en réverb. Cette B faramineuse s’achève sur un «Harvey’s Tune» d’Harvey Brooks mélodiquement pur, on se croirait dans Taxi Driver avec Bernard Hermann.

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             Au plan humain, la bio n’amène pas grand-chose. Dans l’intro, l’auteur brosse en quelques lignes un portrait qui semble vouloir tout résumer : «À différentes époques, il fut band leader, guitariste, bête de travail, égomaniaque, bluesman, auteur poétique, et père de famille laid-back, avec sept enfants. Le petit blond aux yeux bleus avec la grosse guitare blanche est devenu un gravel-voiced LA bluesman idéal pour le prochain blockbuster produit par Disney.» Ado, Stills vit en Floride et découvre Tampa Red qui jouait dans la rue à Tampa. L’ado Stills parle avec lui et Tampa Red lui montre comment jouer de la guitare avec un couteau. Puis à la radio, il découvre Slim Harpo, Little Willie John, Muddy Waters «and a new rhythm and blues group called James Brown and The Famous Flames.» Il est déjà dans la musique noire. Pendant les années qu’il passe à Greenwich Village, il voit beaucoup les stars de l’underground : «Freddy (Fred Neil), Timmy (Tim Hardin), Richie Havens et Chet Atkins ont plus influencé mon style de guitare que n’importe qui d’autre.» Stills avait surtout un faible pour Richie Havens qu’il trouvait gentil, généreux et très pur - On prenait notre breakfast ensemble sur la sixième avenue, à côté du Waverly Theatre. Il prenait feu quand il jouait - Puis il va flasher sur Neil Young lors d’une virée au Canada. Lorsqu’il s’installe à Los Angeles, il auditionne pour le job dans les Monkees, comme chacun sait, mais il veut que les choses soient bien claires : il ne voulait pas être un Monkee. Il voulait juste proposer ses chansons. Comme le problème des chansons est déjà réglé avec l’embauche de Boyce & Hart, Stills indique aux recruteurs le nom de Peter Tork, son copain de Greenwich Village. Il fait ensuite la connaissance de Barry Friedman, un music bizman qui va devenir Frazier Mohawk. Mohawk est connu pour avoir organisé la conférence de presse des Beatles à l’Hollywood Bowl, en 1964. Mohawk est aussi dans la bagnole avec Stills et Furay le jour où ils croisent le corbillard de Neil Young et Bruce Palmer, c’est-à-dire le jour de la fondation de Buffalo Springfield. C’est Mohawk qui va prendre le groupe en charge, car ils n’ont pas un rond. C’est lui qui organise la première tournée du Buffalo avec les Byrds. Il va produire des stars de l’underground comme les Holy Modal Rouders et Kaleidoscope et co-produire avec John Cale le Marble Index de Nico. Jac Holzman l’embauche comme A&R pour Elektra, mais ses projets avortent, notamment le fameux Paxton Lodge, un studio construit dans les montagnes du Nord de la Californie et financé par Holzman. Dans ses mémoires, Holzman se dit dépité par le résultat. Il n’en sortait rien ou pas grand-chose, alors que ça devait être un chaudron de créativité. On l’a bien compris, Mohawk est un personnage clé de la scène californienne.

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             C’est l’occasion ou jamais d’écouter l’album d’Essra Mohawk, Primordial Lovers que produisit son mari Frazier. Bien que très typé, l’album est intéressant. On a là un son très Airplanien avec de la dope dans le groove. Frazier veille au grain du groove en introduisant une flûte et un bassman entreprenant. Plus on avance dans l’album et plus ça devient bon. Il se produit un étrange phénomène d’acclimatation. C’est l’apanage des drogues. Le plaintif d’Essra accroche par la qualité du groove. Elle se la coule douce. Comme son nom l’indique, «I Have Been Here Before» est assez fantômal. Elle chante à la lisière de la mort, elle sonne comme une tanche translucide suspendue dans les eaux mortes, elle délire et ça reste plein de son. Pas de hit bien sûr, sur cet album, juste des ambiances. Bien visité par le spirit, voici «Thunder In The Morning». Mais en même temps, on comprend que Jac Holzman ait jeté l’éponge avec la bande à Frazier : ces gens-là sont trop far-out. Elle semble avancer à l’aveuglette, comme Tim Buckley, elle drive chaque cut à la renverse de magie indirecte, elle n’écoute que la sensibilité de sa touche, elle peut se révéler fantastique, elle vole le show aux fantômes, elle joue avec sa glotte pour faire de l’art moderne et ça marche, ça devient une merveille évolutive de groove féminisé, elle joue sur les vitesses, elle ralentit et repart à la glotte folle et elle fait de «Thunder In The Morning» une merveille surréaliste d’une indicible beauté. Elle tape encore ce slow groove d’entre-deux eaux qu’est «It’s Up To Me» à l’excellence. Elle se révèle parfaite au chant d’eeerie, elle fait même parfois sa Slick, comme c’est le cas avec «It’s Been A Beatiful Day». 

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    ( Ahmet Ertegun )

             S’ensuit l’épisode Buffalo Springfield, épluché ici tout récemment. C’est l’époque où Stills flashe sur Ahmet : il est éberlué par l’enthousiasme qu’Ahmet montre pour la musique et par ses capacités de businessman - an incredibly rare and powerful combination of skills that Stephen would come to rely on greatly - L’admiration est réciproque, car Ahmet Ertegun veillera soigneusement aux destinées des projets successifs de Stills : Buffalo, CS&N, CSN&Y et sa carrière solo.

             Le cœur du book, c’est justement l’épisode CS&N/CSN&Y. L’auteur parle de chemistry entre Stills et Croz, et prend l’exemple de «Long Time Gone» qu’écrivit Croz le jour où Bobby Kennedy se fit buter - Tout était facile, très local, et la rumeur autour de Laurel Canyon disait que Croz et Stills étaient sur quelque chose de très spécial - Pour l’enregistrement de leur premier album, Croz et Stills restaient toute la nuit en studio et allaient prendre leur breakfast sur Sunset Boulevard. Mama Cass, John Sebastian, Joni Mitchell, Ahmet Ertegun, Jerry Wexler et Totor venaient leur rendre visite au studio. Comme Stills savait exactement ce qu’il voulait côté son, on le surnomma Captain Manyhands. Sur le premier album, c’est lui qui joue tous les instruments. Il dit à Willie G. Moseley : «J’ai joué tous les instruments sur le premier album. En gros, il s’agissait de Buffalo tracks avec de nouvelles voix. J’ai utilisé une Gretsch, une Martin, un dobro, un banjo et un piano. Je possède encore une vieille Fender Precision que j’appelle Grandma. Si elle sonne si bien, c’est parce que les cordes n’ont jamais été changées.» 

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             Il existe deux façons d’écouter les deux premiers albums du consortium CS&N/CSN&Y : soit via Croz, soit via Stills. Alors évidemment, ce n’est pas la même chose. Chacun sait que dans le consortium, chacun amène ses cuts et les chante, ce qui fait chaque fois des ambiances différentes. Sur le premier album du consortium, Stills vole le show avec «Suite Judy Blue Eyes», évidemment. Il est le gratteur d’acou du diable, il tiguilite à qui mieux-mieux, il est partout, il tisse le fil d’argent de la légende. Mais en fait, c’est Croz le cake dans cette histoire, avec ses deux grooves mirifiques, «Wooden Ships» et «Long Time Gone». C’est d’une présence immédiate, l’essence même du rock californien, avec le toucher de note de Stills. Tout le son est là, l’Airplane, Croz, la psychedelia des origines et tout le tintouin, wooden ships/ On the Water/ Very free/ And easy. Personne ne bat Croz à la course. Il est le sauvage de l’album, le drug guy, il organise la fantastique levée des voix de «Long Time Gone», poussé dans le dos par le so very heavy bassmatic de Stills.

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    On peut répéter l’expérience de l’écoute sélective sur Déjà Vu : Croz bouffe à nouveau l’écran avec «Almost Cut My Hair», encore un groove visité par les wild tentatives de Stills. Croz est à l’apogée de son art, celui des grooves océaniques. C’est encore lui qui crée la sensation en B avec le morceau titre, un groove de jazz amené au one two three four et Stills instille du jazz liquide dans les méandres mythologiques imaginés par Croz, ce génie mirobolant. En réalité, c’est Joni Mitchell qui rafle la mise sur cet album avec «Woodstock» et là tu as le son du wild stylish Stills. Ces mecs tapent dans le meilleur rock californien de l’époque, Stills prend le cut d’une voix de Super Session man et se perd dans un superbe fondu de voix, dans l’absolue merveille de cette clameur.

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    ( Dallas Taylor )

             Puis les choses commencent à dégénérer avec la coke. Stills et Croz s’en mettent plein le cornet. Puis Croz et Nash trouvent que Captain Manyhand a la main trop lourde, il pousse son autoritarisme trop loin. Stills les voit comme des backing-singers couverts de gloire qui commencent à renauder. Puis Neil Young veut la peau de Dallas Taylor dont il n’aime pas le style. Soit il part soit je pars. Ultimatum ! Stills est embêté car il aime bien Dallas, c’est un bon batteur. Mais ça commence à faire beaucoup. Stills avoue en avoir marre de tous ces mecs qui ne sont jamais contents - J’en avais ras le bol d’avoir la responsabilité d’un groupe qui entrait en rébellion au premier signe de leadership - Il a raison. Les tournées CSN&Y deviennent des phénomènes de foire, avec «the cocaine and caviar consumption, the egos and the cash involved», ils emmènent les Beach Boys en tournée et les shows durent plus de trois heures. Neil Young fait route à part, avec sa femme, son bébé et son chien, ce qui fait bien marrer Croz.

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    ( Rita & Stephen )

             Un autre épisode croustillant va jeter un peu d’huile sur le feu : l’épisode Rita Coolidge.  C’est elle qui inspire le «Cherokee» qu’on trouve sur le premier album solo de Stills. Nash qui avait déjà piqué Joni Mitchell à Croz envisage déjà de piquer Rita à Stills. En effet, Stills courtise Rita, mais en bonne fourbasse, Nash invite Rita à aller voir un concert. Stills parvient à rattraper le coup et il couvre Rita de ses attentions. Étant un mec de Manchester, Nash ne lâche pas l’affaire et informe Stills que Rita l’aime. Alors une bagarre éclate et Rita doit séparer les deux coqs. Nash s’installe chez Rita, mais il reste persuadé que Stills ne lui a jamais pardonné ce coup-là. On le sait pour avoir lu son autobio (Wild Tales), Nash n’est pas quelqu’un de très sympathique. En plus, il doit tout à Stills, alors il aurait pu lui montrer un peu plus de respect. Après cette affaire, Stills reste sur le carreau - Ah les femmes/ Ah les femmes/ Elles me rendront marteau ! - Plus tard, il y aura aussi l’épisode Véronique Sanson. Cette fois, Nash n’essaie pas de la barboter. Encore une histoire dure, puisque la belle Véronique quitte Michel Berger pour se jeter dans les bras de Stills. Ils se marient en Angleterre en présence d’Harry Nilsson, Marianne Faithful, Marc Bolan, et bizarrement, Nash, avec lequel Stills a réussi à se réconcilier. Un exploit ! Puis Ahmet organise une fête à New York en l’honneur des jeunes mariés et parmi les invités se trouvent Wexler, Jac Holzman et Donny Hathaway. Quelle crème !

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             Le premier album solo de Stills paraît sur Atlantic en 1970 et n’a pas de titre. Sur la pochette, Stills gratte ses poux dans la neige auprès, non pas de sa blonde, mais d’une girafe. Pas n’importe quelle girafe : c’est un cadeau de Rita. On retrouve dès «Love The One You’re With» la pureté des coups d’acou et les ti ti ti tilili qui font la grandeur de CS&N. Ça sonne bien les cloches ! Il tape un très beau coup de gospel batch («Church») et sans qu’on se méfie, on tombe sur un cut qu’il faut bien qualifier de mythique : «Old Times Good Times» avec Jimi Hendrix on lead guitar. Attention, on ne rigole plus, on est dans le groove de rock’n’roll animal avec un solo hendrixien et une énergie dévorante. En B, Stills joue son «Black Queen» au bord du fleuve, il en a largement les moyens et redevient le rock’n’roll animal que l’on sait pour «Cherokee», avec un Booker T. Jones à l’orgue qui te monte ça en neige de shuffle et, petite cerise sur le gâtö, Sidney George prend un solo d’alto. Stills sait monter des coups de gospel batch extraordinaires, comme le montre encore «We Are Not Helpless». Les chœurs à la Mad Dogs, ça marche à tous les coups. On y trouve la crème de la crème du gratin dauphinois, Rita Coolidge, Claudia Lanier (c’est-à-dire Claudia Lennear), John Sebastian, Cass Eliott et Croz, ils sont tous là !

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             L’année suivante paraît Stephen Stills 2. Il compose tout et propose essentiellement une pop de Soul, il s’inscrit dans sa vision du groove, il en a les moyens. Des gens l’accompagnent, mais on s’en fout, c’est Stills la superstar qui nous intéresse. Pas de hit à l’horizon. Son protecteur Ahmet ne dit rien, il laisse l’enfant prodigue s’amuser avec ses jouets. Il faut attendre «Fishes & Scorpions» pour frémir. Stills redevient le rock’n’roll animal qu’il n’a jamais cessé d’être et avec «Sugar Babe», il fait de la Soul blanche de très haut niveau. Il rôde bien sur la crête de sa disto. On assiste à une fantastique Stillysation du white Soul System et du coup Stills 2 devient un bel album. «Open Secret» est un prétexte à nous servir un gros bouquet d’harmonies vocales. Il fait encore du vieux gratté de poux avec «Word Game», il gratte à l’encan de la revoyure et referme la marche avec un très beau «Bluebird Revisited» dont il négocie le passage à travers les récifs, en bon Captain Manyhands. Il s’arrange toujours pour ramener des orchestrations somptueuses, des congas de Congo Square et des trompettes mariachi.

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             Le Stills paru en 1975 vaut aussi le détour, rien que pour le groove de «Shuffle Just As Bad». Il a le sens du groove hendrixien, it’s just too much. On sent dès l’abord une grosse présence, un énorme potentiel composital dès «Turn Back The Pages». Il y a du monde derrière Stills. Il fait de la belle Soul blanche avec «My Favorite Changes», c’est gorgé de guitares et de basse, tout est bon, tout est stillish. Stills chante à la surface du groove. C’est bassmatiqué jusqu’à l’os de l’ass. Stills te groove «My Angel» vite fait, il multiplie les réflexes, il peaufine ses goulets, il arbore fièrement ses opulences. Il adore les grooves joués sous le boisseau comme «In The Way». Il s’y développe en compagnie de Claudia Lanier qui est comme déjà dit Claudia Lennear. Cette richesse de backing vocals, c’est son son. Il fait avec «To Mama From Christopher And The Old Man» un fantastique plotach de voix Soulful et de coups d’acou. Dans les grooves d’inspiration divine, il est imbattable. En B, il repasse en mode CS&N pour «New Mama», avec les harmonies vocales bien idoines de type wooden ships/ Very free/ So easy, et propose avec «As I Come Of Age» un groove de country rock californien affreusement bien ficelé. Il monte ses œufs en neige pour «Cold Cold World», passe du calme à la tempête sans coup férir, il reste extrêmement fin et distingué, il part d’un slow groove à la Wooden Ships pour monter en température de cold cold world. Il boucle cet excellent album avec un groove à la Croz, «Myth Of Sisyphus» une fuite éperdue dans les méandres du néant. Somptueux !

    Signé : Cazengler, Stephen Chti

    Mike Bloomfield/ Al Kooper/ Stephen Stills. Super Session. Columbia 1968

    Crosby, Stills & Nash. Crosby, Stills & Nash. Atlantic Records 1969

    Crosby, Stills, Nash & Young. Déjà Vu. Atlantic Records 1970

    Stephen Stills. Stephen Stills. Atlantic 1970

    Stephen Stills. Stephen Still 2. Atlantic 1970

    Stephen Stills. Stills. Columbia 1975

    Essra Mohawk. Primordial Lovers. Reprise Records 1969   

    Stephen Stills. Change Partners: The Definitive Biography. Red Planet 2016

     

     

    Shack chose en son temps

     

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             Ah ça commence bien ! Rob Hughes traite Michael Head d’England’s greatest living songwriter. En effet, Head refait surface après cinq ans d’absence. Quand Hughes lui demande le pourquoi de ce soudain come-back, Head rétorque : «Just keep fuckin’ going on.»

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             Parcours connu de tout un chacun : Pale Fountains, Shack, The Strands et maintenant The Red Elestic Band. Head on ! Hughes décrit ainsi le style d’Head : «Mélodies inébranlables, un sens magnifique du forward motion et des lyrics qui font apparaître des univers entiers.» À soixante balais, Head n’a rien perdu de sa candeur. Il avoue qu’Adios Senor Pussycat est le seul album qu’il a enregistré à jeun - Depuis l’âge de 20 ans, j’ai enregistré des albums in different states of conciousness - Head tournait à l’héro et il picolait. Sa principale source d’inspiration est Liverpool où il est né et où il a grandi.

             Et puis il y a la connexion Julian Cope et Teardrop Explodes, à Liverpool, un Cope qui joue le rôle de découvreur. Grâce à lui, Head découvre Pere Ubu, Red Krayola et Love - The Love album was a compilation, Revisited, and it was a game changer - Head est fasciné par Arthur Lee qui chante à propos de l’Angleterre avec des Elizabethan references. L’impact d’Arthur Lee sur Head est énorme. Les Pale Fountains s’appelaient à l’origine les Love Fountains. Quand on parle de Shack, on parle de «psychedelic folk, with shades of jazz and baroque pop». Jusqu’au jour où Shack se retrouve sur scène pour accompagner Arthur Lee - Il ne comprenait comment quatre Scousers pouvaient connaître sa musique - Mais si. La preuve est sur cet album faramineux paru en l’an 2000, Shack Accompany Arthur Lee. A Live Performance At The Academy Liverpool May 1992.

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           Un jour, en fouillant dans le bac fatigué d’un disquaire parisien, on a chopé le Shack ! Une merveille absolue. Dans son petit texte d’insert, le roi Arthur dit son bonheur d’avoir joué à Liverpool et sa surprise de voir que les gens connaissaient les paroles de ses chansons. C’est «Alone Again Or» qui ouvre le balda et Shack nous tisse la plus belle dentelle de Calais qu’on ait vue de ce côté-ci du paradis. John Head joue le lead de la mort fatale. C’est un enchantement. Et on en est qu’au début. Il y a tellement de présence scénique qu’on croirait entendre les Beatles. Voilà «Signed DC», et force est de constater que ces mecs de Liverpool restituent toute la magie de Love. Le roi Arthur passe un solo forcément somptueux. Il joue des atonalités confondantes. S’ensuit «And More Again» que le roi Arthur chante comme un dieu descendu parmi les hommes. Regain d’énergie avec «A House Is Not A Motel», à la fois très concomitant et toxique, les mecs de Shack surjouent la dentelle suprême et John Head passe un solo demented are go à gogo. Pas de mélange plus capiteux que celui du roi Arthur et de Liverpool. Le festival se poursuit en B. Le roi Arthur se dit ému par l’accueil que lui réserve the Liverpool people. Il est l’un des plus beaux héros du rock world. «Hey Joe» s’envole avec le  stupéfiant backing de Shack. Ces mecs surjouent véritablement la wild psychedelia d’Arthur Lee. C’est le secret de l’art. «Passing By» est la version arthurienne d’Hoochie Coochie Man. Il faut voir comme ça délie derrière Arthur, il repasse des coups d’harmo superbes et swingue l’écho du temps. Puis il éclate «My Little Red Book». Shack pulse le beat de Liverpool. Dans le Nord de l’Angleterre et en Écosse, on vénère autant Arthur Lee que Big Star. Pas de plus belle virée psychédélique qu’«Orange Skies», oh no no no. Shack sort un son de rêve éveillé, très distant dans la proximité. C’est d’une troublante retenue, d’un raffinement florentin qui en bouche en coin. Le roi Arthur boucle avec l’hommage déguisé à John Lennon et à son «Instant Karma», c’est-à-dire «Everybody’s Gotta Live». Il ne pouvait pas choisir plus bel hommage.

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             Le premier album de Shack s’appelle Zilch et date de 1988, ce qui ne nous rajeunit pas. On est tout de suite frappé par la qualité de la prod et par le côté pur et dur de cette heavy pop de Liverpool. Et voilà une Beautiful Song avec «Someone’s Knocking». Quel crossover ! - It’s probably/ The bill for the watering - Fantastique histoire de pauvreté. Tu entends cette merveille et tu comprends que Mike Head navigue au même niveau que John Lennon - And somone’s fallen from the window on the 16th floor - Encore de la belle pop d’envergure maximaliste avec «Realization». Il y a de la grandeur dans Head, il fait tout rimer en ion, nation, pacification, realization, expectation, ça monte en gerbes grandioses et c’est produit par Ian Broudie. Encore un cut de perfection climatique en B avec «Who Killed Clayton Square» - The town pionners are coming/ So terraces run for your life/ There’s a bulldozer around/ And it’s in your street - Avec «Who’d Believe It», il sonne comme Ride, sans doute à cause de la persistance du believe it. Il développe un sens du groove liverpuldien très aigu, avec un fort parfum psyché.   

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             La première fois qu’on écoute le Waterpistol paru en 1995, on est frappé par l’énormité du son. Même chose lors des écoutes suivantes. L’Head te fond dessus comme l’aigle sur la belette, aussitôt «Sgt Major» - Come with me ! - C’est même hanté par un gimmick de guitare en alerte rouge et ça bascule dans un abîme de prod. Alors tu sais que tu vas te délecter. L’Head est ton meilleur copain. Il te refourgue une pop de bon aloi, droite et franche, qui ne trahit pas ses amis. Ces démons savant aussi jazzer comme le montre «Stranger». L’Head est sur le coup, il t’aménage une zone, il t’aide à mieux comprendre, si tu es un peu lent, il t’indique la direction, le jazz, c’est par là. Sous ses airs de junkie, l’Head est un prince renversé, in the city, c’est d’un niveau qui demande un effort. «Dragonfly» résonne de tout le power de l’Head. On est là au sommet d’un lard qui s’appelle la power-pop liverpuldienne. Il amène ensuite «Mood Of The Morning» au petit gaga de my baby loves the Hanky Panky, ça groove dans le mood, avec une pincée de psyché dans le son. Globalement, on reste tout au long de l’album dans une pop vertigineuse qui te fait tourner la tête. Mon manège à moi c’est toi ! Son «Time Machine» est faramineux, du poids dans le son, du poids dans le chant, il déclare toujours les hostilités à coups d’arpèges magiques. Puis on assiste à une violente descente de guitares dans «Mr. Appointment», mais c’est d’une finesse extrême. Tout le power de Shack se trouve dans la finesse des ficelles, avec un son d’une rare profondeur de champ, un champ qui grouille de gimmicks et toujours le killer solo flash qui vient te sonner les cloches alors que tu as du mal à reprendre ton souffle, un killer solo qui arrive toujours par le travers, et avec une violence certaine. L’Head profite d’«Hey Mama» pour remettre la psychedelia à l’honneur, c’est du pur jus d’essence d’it’s alright psychédélique, ils tendent cette fois plus vers les Byrds que vers Love. 

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             C’est avec H.M.S. Fable paru en 1999 que Michael Head a bâti la légende de Shack. L’album regorge de merveilles irréelles à commencer par cette dégelée de pop électrique qui s’appelle «Natalie’s Party», cut véritablement noyé de son in the face, incroyable raz-de-marée de guitares séculaires avec l’Head au-dessus du son, c’est extrêmement Liverpuldien, mais aussi chargé d’Americana. Bienvenue au niveau supérieur de la pop anglaise, c’est-à-dire la pop de Liverpool. La fête se poursuit avec «Comedy». L’Head se paye sur la bête, il ne vit que pour la pop magique, c’est une atmosphère qui te monte droit au cerveau. Comme le fut le White Album, H.M.S. Fable est un album de géants. Ils envoient leur «Pull Together» exploser au sommet des harmonies vocales. Non seulement ces mecs créent leur monde, mais ils sont dans le vrai - You & I get inside - Il faut être en condition pour écouter un album aussi parfait. Ils restent dans la pop des conquérants avec «Beautiful». L’Head et sa horde tapent dans la plus belle tradition d’Angleterre, c’est du génie pur, chanté à contre-emploi dans des orchestrations de rêve, ils réinventent littéralement la magie des Beatles. Quelle grandeur et quelle clameur ! Tout ici est plein comme un œuf de Liverpool. «Lend’s Some Dough» est quasiment un cut des Beatles. Absolute monster encore que ce «Streets Of Kenny» et «Reinstated» sonne comme un élan vers l’avenir, l’Head remonte le courant de sa mélodie, il est au sommet de son art, il flirte avec la Soul - You face the music now - De toute évidence, Shack est le groupe à suivre. Encore un shoot de pop surnaturelle avec «I Want You», montée sur un tapis d’arpèges et une extrême profondeur de champ. C’est là que l’évidence saute au yeux : l’Head développe l’incroyable power de la finesse. Il finit son «Since I Met You» à la mode «Eloise», fabuleux clin d’œil au scream  de la fin du monde. 

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             Tant qu’on y est, on en profite pour écouter The Fable Sessions, qui est en fait le vrai H.M.S. Fable, enregistré un an auparavant avec Hugh Jones, et abandonné. L’Head et ses amis traversaient une sale période. Une fois requinqués, ils sont retourné en studio avec Youth ré-enregistrer tout l’H.M.S. Fable. C’est un petit label, B-Unique Records, qui a eu l’idée de faire paraître The Fable Sessions. On retrouve bien sûr ces coups de génie que sont «Comedy» et «Beautiful», et franchement, c’est à se damner tellement c’est bon, on s’enivre de l’incroyable swagger de cette pop pressée, c’est de l’Head pur, pas d’équivalent ailleurs, ça se déplace comme des nuages dans le ciel, c’est d’une absolue pureté, avec un solo en contrefort. Tiens on parlait du ciel, voilà «Beautiful» qui explose dans le ciel, pas d’autre image possible, you’re so beautiful, sommet de la pop anglaise, ça te tape dans les tympans, ça te grimpe à l’Ararat. Son «Streets Of  Kenny» est encore bardé du meilleur son d’Angleterre, c’est plein d’entrailles d’entre-deux, ça s’accroche aux mâchoires et puis avec «Natalie’s Party», l’Head tape dans la Beatlemania de Sgt Pepper, même allure de power demented, on s’y croirait, c’est presque du Pepper revu et corrigé par Jimi Hendrix, c’est exactement le même genre de Pepper power, et tu as le solo du frangin Head qui explose dans l’azur immaculé. S’ensuit l’effarant «Re-instate» amené au chant d’Head, il te cloue ta chouette vite fait, il est avec Liam Gallag le nouveau roi d’Angleterre, il faut voir ce qu’il dégage. Les Sessions sont encore plus balèzes que l’album studio. L’Head réinvente la fast pop de génie avec «I Want You», il t’arrose d’I Want You, là tu as tout : le power, la mélodie et la voix. Il refait de l’Eloise avec «Since I Met You», même élan panoramique que chez Barry Ryan et son «Cornish Town» tombe sous le pli de la mélodie. Effarant ! Il éclate le Sénégal d’Oasis et repousse les limites de la pop, I say c’mon ! Liverpool rejoint Chester, tous ces mecs se fondent dans une formidable osmose poilue. Tu continues de te goinfrer de fantastique allure avec «Lend Some Dough», tu navigues avec l’Head au-dessus des toits du monde, c’est extravagant de grandeur et tu as le frangin qui entre à nouveau dans la danse avec un killer solo flash. Le frangin is on fire, dig ? Si tu cherches de la viande anglaise, elle est là. «Petroleum» ? Fast & big ! Explosé par le frangin, alors l’Head doit calmer le jeu, il sait que son frangin est fou, il le ceinture, mais il va bien devoir le relâcher, on l’entend jouer dans les limbes, l’Head tente de contrôler le Petroleum, pas facile, ça bouge trop et bien sûr le frangin part en vrille d’absolute killer trash, il bouffe tout, l’écho, la mélodie, la raison, pas de pire killer en Angleterre. Encore de l’heavy as hell avec «Delanolo», tu as tout, encore une fois, l’Head, le fou derrière, et avec «Extra», il repartent en mode heayvy gaga atomique, le frangin joue des riffs de revienzy, l’Extra se source dans l’inconscient collectif gaga britannique, dans les pattes de l’Head, ça tourne à la magie, c’est tout de même incroyable que la barbarie gaga puisse faire irruption chez des gens aussi raffinés que Shack. L’Head porte encore «Christine» aux nues, il se barre à Mexico pour y gratter ses poux et ça bascule dans l’énormité orchestrale, un truc incommensurable arrosé de killer guitars et de tout le power séculaire de Liverpool. Tu sors de là vidé et ravi, comme quand tu sors des pattes d’une nymphomane. 

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             Comme on attend encore des miracles de Micheal Head, on écoute Here’s Tom With The Weather. Et on éprouve une légère déception, même si l’ensemble se révèle plutôt charmant. Un Anglais dirait gorgeous. Les deux merveilles de l’album s’appellent «Carousel» et «Happy Ever After». Belle pop avenante dans les deux cas. Le Carousel coule sur l’Angleterre comme Fred Neil coule sur Greenwich Village, c’est exactement la même grâce, le même élan surnaturel. Bien balancé aussi cet «Happy Ever After» violonné en douceur et en profondeur. Michael Head n’en demande pas davantage, il ne veut surtout pas devenir une star, il s’en fout, il distille sa petite magie dans son coin. Il faut aussi le voir ouvrir son bal à l’arpège insistant sur «As Long As I’ve Got You». On lui fait confiance, il ne va pas nous baiser la gueule. Il reste dans sa petite pop de stand-by tout au long de l’album et veille à rester merveilleusement soft. Surtout ne pas faire de vagues. Il s’ancre résolument dans sa vison de la beauté. Il chante les yeux ouverts, émerveillé par son art, c’est un artiste très puissant, il pousse sa pop au chant. Pas de hits. Juste des petites merveilles discrètes. Il drive son «Meant To Be» aux trompettes mariachi, avec de faux accents de Mercury Rev.  

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             Quand tu tiens entre tes pattes un album comme The Corner Of Miles And Giles, tu te dis que t’es content d’avoir croisé la route d’un mec comme Michael Head. Car voilà encore un album génial, qui va te combler au-delà de toute espérance. L’Head va droit au but, il t’offre sur un plateau d’argent tout l’intimisme liverpuldien, c’est-à-dire la big pop, et tu vas t’envoler avec «Butterfly», un cut littéralement écrasant de son. On peut même parler de clameur prodigieuse. ? Il te noie ça de son extrême, dans un incroyable délibéré d’extase, l’Head est la tête pensante de la pop anglaise, le son ici dépasse tout ce que tu peux imaginer. Il explose encore dans le son avec «Cup Of Tea», il t’endort avec son cup of tea et soudain ça te saute à la gueule, l’Head déchire le ciel pour t’y emmener. Il fonctionne exactement comme Brian Wilson. Il coule encore «Shelley Brown» dans son moule d’excellence. Brian Wilson, oui, c’est vrai, mais aussi Arthur Lee. Même niveau. Il attaque son «Black & White» à la rockalama, alors c’est du gâtö, car il amène une fantastique énergie de la qualité, et les solos du frangin sont du flash killer pur, ces mecs peuvent tout se permettre, et ça repart en mode Liverpool, c’est à se damner pour l’éternité tellement c’est puissant, ça joue à la vie à la mort avec du trash solo des cimetières. Quel album ! Tout est saturé de power. Il ramène des nappes dans «Miles Away» et il envoie de guitares se fondre dans les nappes, et les nappes te tapent dans le ciboulot, ce sont des nappes d’extrême beauté pop roulées par des interludes de guitares tourneboulées. Tout est inextricable, d’une redoutable beauté. L’Head fait ensuite du heavy balladif avec «Finn Sophie Bobby & Lance», fabuleuse pop de you don’t stand a chance et il revient au heavy groove à la Lennon avec «Moonshine». Aw comme c’est évident ! Il est en plein dans le Lennon d’«Happiness Is A Warm Gun» mâtiné de Walrus, à l’heavy trip de génie supérieur, ça vole au-dessus d’un nid de coucous, dans une stupéfiante élévation du domaine de la lutte. Puis il fait du petit swing de proximité avec «Funny Things», mais dans les pattes de l’Head, ça donne du haut de gamme. Il est le white pendant de l’aboutissant Swamp Dogg, il transforme tous les instants du disk en magie pure, mais une magie pure propulsée par un sax free, alors t’as qu’à voir ! Dans la vie, tu croises peu d’albums aussi balèzes. Le coup du lapin arrive avec «Closer», doux et tendre, comme du Donovan. Blue is the color of Closer/ In the morning.

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             En 1998, Michael Head & The Strand enregistrent The Magical World Of The Strands. Le petit conseil qu’on pourrait donner serait de commencer par écouter «Loaded Man», cette pure merveille grattée à coups d’acou. L’Head gratte vraiment au coin du feu. L’Head hante, il a un côté fantôme à la Nick Drake, il fait de l’hypno fantomatique. L’autre belle énormité de l’album s’appelle «The Prize». Il s’ancre dans une pop sophistiquée et jamais putassière, une pop insistante, tellement anglaise, ultra jouée et qui tient du miracle. Il se pourrait bien que l’Head soit le dernier dans son genre. Il gratte encore «And Luna» non pas sous le boisseau, mais sous le couvert, ce qui revient au même. Très pratique quand on n’a rien à dire. Avec «X Hits The Spot», il passe à une pop anglaise plus sucrée et plus sérieuse. Non seulement il y a du Nick Drake en lui, mais il y a aussi du George Harrison et du Arthur Lee, il ouvre des horizons avec «Undecided (Reprise)». par contre, «Glynys & Jacqui» est une heavy pop indéfinissable. Il gratte ça dans l’épaisseur de sa vision, dans la tiédeur de son underground et il la couronne d’une fin apostolique aux guitares psychédéliques. Il fait son Plonk Lane en ramenant un banjo dans «Hocken’s Hey» et retourne à ses exigences avec «Fontilan». Tout est dans la tête de l’Head, il ne vise même pas le hit, encore une fois, ça ne l’intéresse pas. Rien à foutre des feux de la rampe, il fait du Manchester United all over. L’Head est la tête pensante de son royaume. Tout l’album n’est que bonne franquette.

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             Après l’épisode Shack et les turbulences de l’héro, Michael Head semble s’être refait une santé, c’est en tous les cas ce que révèle la pochette d’Adios Senor Pussycat, paru en 2019. La presse anglaise fait un joli buzz sur cet album et c’est vrai que quelques cuts accrochent sérieusement, comme par exemple «Wild Mountain Thyme», embarqué aux arpèges atypiques. C’est visité par un sacré vent d’Ouest. Pure révélation ! N’oublions pas qu’Head est un Scouser de Liverpool. Autre merveille : «Rumer», une Beautiful Song qui sonne comme un hit, somptueuse car surdosée. L’«Adios Amigo» de fin de disk est gorgé de bonnes guitares. Michael Head a derrière lui une bonne équipe. Ce loser patenté a beaucoup de chance, finalement. Il faut aussi écouter «Working Family», plus californien dans l’esprit, somptueux et ramassé, claqué aux vieilles résonances de la romance, doux comme une soie d’hermine et fouillé dans l’intimité par des guitares élégiaques. Son «Picasso» d’ouverture de bal sonne comme un groove mélodique qui s’étend jusqu’à l’horizon, mais contre-balancé par un violoncelle. On y entend des échos de «Nights In White Satin» - It’s not like in the movies - Un solo de sax vient réchauffer l’ensemble comme le manteau jeté sur l’épaule du mendiant. Michael Head adore aussi les balladifs intimistes richement arrangés. Il adore les arrangements jusqu’au vertige. C’est son talon d’Achille. Il y a de la casse sur l’album, à cause de cette tendance à vouloir tout magnifier. À force de faire la paix avec ses démons, il se ramollit. Mais c’est vrai qu’un cut comme «Josephine» reste difficile d’accès. Ce mec a des atouts inexplorés, des orifices inconnus, des voies impénétrables.

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             Head confie aussi à Hughes que la source d’inspiration pour Dear Scott est Scott Fitzgerald, et notamment la lecture de The Pat Hobby Stories - It just blew me away - Head nous raconte l’histoire fascinante d’un Fitzgerald qui est aux abois, qui a besoin de blé et qui accepte un petit boulot de scénariste pour MGM : «Il venait d’arrêter de boire et il pensait vraiment qu’il allait percer à Hollywood. Il séjournait in the Garden of Allah, un hôtel qui était un den of iniquity, c’est-à-dire un lieu de perdition, et pour lui, il n’y avait pas de pire endroit. Quand il s’y est installé, il est allé au comptoir s’acheter une carte postale, l’a écrite pour lui-même, puis il est remonté dans sa chambre la poser sur le tablier de la cheminée. Il avait écrit : ‘Dear Scott, How are you? J’avais l’intention de passer vous voir ...’ Ça donne une idée de son état d’esprit et de son humour. Ça a résonné en moi. C’est la principale inspiration de Dear Scott.» Un Fitz qui tente de rester sobre dans l’hôtel le plus débauché d’Hollywood...

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             C’est avec The Red Elastic Band qu’il enregistre Dear Scott. Il décroche cinq étoiles dans Mojo, ce qui est assez rare. Keith Cameron parle de Liverpuldian folk version of West Coast psychedelia et qualifie le «Kismet» d’ouverture de balda de jangling.

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    Il est vrai que «Kismet» est violemment atmosphérique, c’est battu par des grands vents orchestraux et les guitares se perdent sous l’horizon. L’Head taille sa route. Rien ne peut plus le retenir. Il est parti chercher la petite bête. Mais il n’y a pas de petite bête. Ce serait trop facile. La presse rock anglaise s’accroche à ses dernières légendes, mais sur Dear Scott, la magie brille par son absence. L’Head propose une heavy pop classique, mais pas de quoi crier au loup. On attend des miracles de «The Next Day» et d’un «Freedom» joué à l’arpège intrinsèque. Tout est très intrinsèque chez l’Head. D’où le cousinage avec Nick Drake. On passe encore à travers «American Kid», trop classique, à travers «Grace & Eddie», ni d’avant ni d’après, et puis voilà «Fluke», l’Head y lève une marée, et dans «Gino & Rico», il nous cale un vieux solo de jazz. Bon disons-le franchement, L’Head n’est pas Jason Pierce, il n’a pas les mêmes facilités. Il taille cependant «The Ten» à l’angle de la pop, c’est assez beau mais pas déterminant. Alors il est temps de sauver l’album avec «Pretty Child», mais l’album sera privé de magie, comme d’autres sont privés de dessert. Il faudra te contenter de ce «Pretty Child».

             L’Head nous dit aussi qu’un éditeur a essayé de le convaincre d’attaquer la rédaction de son autobio, mais il préfère les short stories, comme Fitzgerald. Il semble donc qu’un projet couve sous la cendre. Il conclut en considérant le songwriting comme une forme d’art : raconter une histoire en 3 minutes 50, voilà son truc. 

    Signé : Cazengler, Shit

    Shack. Zilch. Ghetto Recording Company 1988  

    Shack. Waterpistol. Marina Records 1995     

    Shack. H.M.S. Fable. London Records 1999  

    Shack Accompany Arthur Lee. A Live Performance At The Academy Liverpool May 1992. Viper 2000

    Shack. Here’s Tom With The Weather. North Country 2003      

    Shack. The Fable Sessions. B-Unique Records 2003      

    Shack. The Corner Of Miles And Giles. Sour Mash 2006

    Michael Head & The Strand. The Magical World Of The Strands. Megaphone Music 1998

    Michel Head & The Red Elastic Band. Adios Senor Pussycat. Violette Records 2019

    Michel Head & The Red Elastic Band. Dear Scott. Modern Sky UK 2022

    Keith Cameron : Quality of Mersey. Mojo # 343 - June 2022

    Rob Hughes : Mersey Mercy me. Uncut # 301 - June 2022

     

     

    Wizards & True Stars

    - Le Velvet taille sa bavette

     

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             «Quoi, tu connais pas l’Vévette ?». C’est ainsi qu’on apostrophait les gens dans la cour du lycée, dans les années 71/72. Si les gens ne connaissaient pas le Vévette, c’est tout bêtement parce que leurs albums n’étaient pas distribués comme étaient distribués les autres. En ce temps-là, on partait littéralement à l’aventure. Tu devais te bouger pour mettre le grappin sur les albums. Les provinciaux devaient «monter» à Paris pour choper les trois albums du Vévette. Il te fallait un gros billet et te rendre Carrefour de l’Odéon. C’est là que tu pouvais les trouver tous les trois, chez Music Action. Même chose pour les Groovies : un seul endroit à Paris, l’Open, rue des Lombards. Puis dans la foulée, il y eut la Mecque, c’est-à-dire Londres, et là tu trouvais tout ce que tu cherchais, à des prix imbattables, chez des vrais disquaires.

             Mais le plus drôle, à propos du Vévette, c’est de réaliser, avec tout ce recul, qu’on a passé plus de temps avec eux, mais aussi les Stooges, les Stones, Hendrix, Dylan, les Beatles, qu’avec la famille, les copains et les copines. Quand des journalistes resservent cette vieille tarte à la crème voulant que le Velvet soit le groupe qui ait eu le plus d’influence, il faut entendre influence au sens du temps d’écoute. Impossible de faire le compte, bien sûr, mais ça peut représenter des milliers d’heures. Tu n’as jamais passé des milliers d’heures auprès d’une gonzesse, aussi sexy fût-elle. En gros, le Vévette ça veut dire 20 h-minuit tous les jours pendant un an, fais le compte. Tu as déjà plus de mille heures.

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             Et quand aujourd’hui tu veux secouer la baraque, tu peux ressortir le deuxième album et passer «Sister Ray», tu verras, ça marche à tous les coups. Les cuts du Vévette ont ceci de particulier qu’ils ne prennent pas une seule ride. Tout ce mélange de modernité et d’agressivité est resté parfaitement intact. Tu réaliseras aussi que tous tes amis, ceux qui vivent encore, sont aussi des fans du Vévette. Tes amis n’écoutent pas Elvis Costello et tous les autres rois de la mormoille. Le Vévette est à la fois le point de départ et le point d’arrivée. Tu fais entrer d’autres groupes entre ces deux points, mais dans tous les cas, tu reviens à ton point de départ. C’est l’axe de ton monde, ton pôle, ton point de repère, ton ciel et ton saint-esprit, ton ainsi soit-il, ta religion et raison d’être, et en même temps, le Vévette est un jalon entre Jerry Lee et les Dirtbombs, entre Carl Perkins et le Gun Club, entre Johnny Powers et Spacemen 3, les possibilités du jalonnage sont relativement infinies, chacun tisse sa toile, chacun berce ses passions monotones, mais tu croiseras systématiquement le chemin du Vévette, si bien sûr tu interdis à la mormoille d’entrer chez toi.  

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                On croyait que la messe du Velvet était dite depuis cinquante ans, depuis la parution du troisième album sans titre, en 1969. Mais voilà que Mojo ramène un scoop : Will Hodgkinson nous annonce la parution d’un «nouvel album» du Velvet qui, ajoute-t-il, va envoyer tout le monde au tapis. Holà bijou ! Du calme ! En réalité, on vient de découvrir dans un placard un enregistrement lo-fi des premier hits du Velvet, grattés à coups d’acou par Lou Reed, qui est accompagné par John Cale. Huit pages pour nous annoncer ça. Forcément, ça sort sur Light In The Attic, le label spécialisé dans les petits coups fumants.

             Pour tenir son lectorat en haleine, Hodgkinson fout de l’huile sur le feu. C’est un malin. Un vrai renard. Il parle d’une version d’«Heroin» innocente jouée sur un fingerpicked blues riff. Selon lui, «Waiting For The Man» sonne comme un folk lament. C’est John Cale qui chante «Wrap Your Troubles In Dreams», un brave cut qui finira sur le premier album de Nico. Hodgkinson parle d’un crepuscular mood, «a precursor to the hypnotic minimalism he’d help incalculate in the full-blown Velvets.» Laurie Anderson qui comme chacun sait est la veuve de Lou Reed indique que c’est l’époque où Lou Reed et John Cale passent du statut de folk duo à celui de Velvet Underground. Sur la bande, il y a même des originaux, comme ce «Men Of Good Fortune» qui n’a rien à voir avec le «Men Of Good Fortune» qu’on trouve sur Berlin. Don Fleming pensait que c’était une chanson traditionnelle, mais il n’a pas réussi à trouver la source. Avec Greil Marcus, ils ont trouvé une ressemblance avec un vieux cut de Merle Travis, mais c’est tout. Et on s’en bat l’œil. Hodgkinson parle de l’ensemble comme d’un trésor, non pas de Toutankhamon, mais de «throwaway chants, ancient blues, lamenting folk and drowning, minimalist experimentations». On a découvert ces enregistrements dans le bureau de Lou Reed à New York, le fameux Sister Ray Office. Les découvreurs ont ouvert le placard du bureau et trouvé une enveloppe que Lou Reed s’était envoyé à lui-même le 11 mai 1965. Ça lui permettait de prouver qu’il était l’auteur des chansons. Une sorte de copyright du pauvre.

             On a donc chargé Don Fleming d’archiver tout ce que Lou Reed a laissé après sa mort en 2013 : enregistrements, photos, lettres, affiches de concerts. Fleming estimait au début qu’il ne fallait pas ouvrir l’enveloppe et qu’il fallait préserver son mystère, étant donné que Lou Reed avait tenu à la conserver scellée sa vie entière. Puis au moment de confier les archives au New York Public Library, il s’est décidé à l’ouvrir. Pas d’infos à l’intérieur, juste le cachet d’un notaire.

             Hodgkinson profite de l’occasion pour rappeler que Lou Reed l’a agressé, en 2012, lors d’une interview à Prague. Lou Reed agressait tous les journalistes. Il les haïssait : «Les journalistes sont the lowest form of life. Mainly the English. They’re pigs.» Cette haine des journalistes trouve sa source dans les débuts du Velvet. La presse méprisait le Velvet. Et quand elle s’est mise à aduler le groupe, la haine de Lou Reed n’a fait que redoubler. Hodgkinson met aussi le paquet sur les racines littéraires. Lou Reed : «Je voulais mettre le langage de Tennessee Williams, William Burroughs, Hubert Selby Jr et Allen Ginsberg dans une rock song.» Tout cela nous reconduit naturellement à Delmore Schwartz, l’enseignant de Syracuse qui est devenu le mentor de Lou Reed. Schwartz enseignait la littérature et ne tarissait pas d’éloges sur la musicalité de James Joyce et WB Yeats. Hodgkinson a raison de le rappeler. C’est important. Lou Reed ne tombe pas du ciel. C’est un homme extrêmement cultivé. Il n’y a pas de hasard.

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             Greil Marcus signe le premier chapitre du texte d’accompagnement, ‘Folk songs found in the Sister Ray Office’, un titre qu’il emprunte à Don Fleming. Comme d’usage, Marcus écrit un texte flamboyant qui donne d’ailleurs envie de relire ses ouvrages, et il conclut son texte ainsi : «C’est une anomalie. Ça donne une idée de la direction qu’aurait pu prendre Lou Reed - une impasse probablement, et c’est une composition originale - qui prend la forme d’une folk-song, pareille à celles que chantaient tous les performers de Greenwich Village cinq ou six ans auparavant - une anomalie qui nous permet d’entendre «Heroin», «I’m Waiting For The Man», «Wrap Your Troubles In Dreams», toutes ces chansons accrochent bien, ici, comme si au fond, elles n’étaient rien de plus que des folk-songs.» Marcus n’est pas dupe.

             Don Fleming se tape la suite des liners. Il dit avoir fait un inventaire qui met l’eau à la bouche : dans le Sister Ray Office, il a trouvé et indexé 600 heures d’enregistrements. Encore des coups à venir ? Va-t-en savoir ! Puis Fleming entre dans le vif du sujet en retraçant l’histoire de l’early Vévette, lorsque Lou Reed bosse comme apprenti songwriter pour Terry Phillips, chez Pickwick, et qu’il rencontre, grâce à Phillips, deux musiciens d’avant-garde, John Cale et Tony Conrad. L’idée de Phillips est d’enregistrer «The Ostrich». Le groupe s’appelle The Primitives. Quelques mois plus tard, les Primitives vont devenir le Vévette. Lou Reed et John Cale prennent l’habitude de bosser ensemble et en mai 1965, ils enregistrent les démos qui font l’objet de ce buzz.

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             Il ne reste plus qu’à les écouter. L’album s’appelle Lou Reed - Words & Music - May 1965. On entre par la grande porte : «I’m Waiting For The Man, words and music Lou Reed.» Il gratte ça soft avec twenty-six dollars in my hand et bascule dans une espèce de mad country d’hey white boy. Tout est déjà là, l’he’s always late, la révolution sous le boisseau, mais des coups d’harp te démantibulent le vestibule. Les fucking coups d’harp ne passent pas. C’est une atteinte aux mœurs. Il fait ensuite du sous-Woody Guthrie avec «Men Of Good Fortune». La racine n’est pas terrible. Elle a vraiment une sale gueule, la racine. Bon alors après, Fleming et les autres font comme ils veulent, mais de là à publier ! Il paraît évident que Lou Reed n’aurait jamais accepté qu’on publie ces machins-là. Deux ou trois, d’accord, mais pas tout. On craint le pire pour la suite. «Heroin» redresse un peu la barre. C’est du folk, mais du folk d’Heroin. Lou Reed est déjà dans l’intensité du Guess I just don’t know, voilà enfin une démo de choc, it’s my wife and its my life, tout à coup, ça vire Vévette. Tu retrouves enfin tes marques. Mais après, tu as encore des trucs qui ne vont pas bien du tout, comme par exemple ce «Buttercup Song», fucking folky folkah, anti-Vévette, Lou Reed fait le con et c’est atrocement nul. Il gratte ensuite son «Walk Alone» bien sec, mais rien d’orienté sur le futur, ça flirte avec le sous-heavy Dylanex ridicule. Retour à la terre ferme du primitivisme avec «Buzz Buzz Buzz», une espèce de wild boogie. Lou Reed fait tout ce qu’il peut pour sonner comme un nègre de Louisiane, il gratte le cœur au ventre. Il en devient comique. Retour à la terre ferme avec la première mouture de «Pale Blue Eyes», pur jus de sometimes I feel so happy, il gratte ça en mode country au coin du feu, là-haut, dans une mine de cuivre au Kentucky. Lou Reed laisse filer sa voix, le génie mélodique est déjà là, on l’entend bien, sa partie de guitare est d’une indicible pureté, très note à note, sur deux cordes, avec un riff prévalent. S’ensuit «Wrap Your Troubles In Dreams» : il fait du pré-Nico. Tout le glauque du Vévette est déjà là, c’est tibétain, Lou Reed se prend pour le Dalai Lama, celui de Tintin, évidemment, il prend vraiment les gens pour des cons, c’est sa petite spécialité. On tombe aussi sur une autre version de «Waiting For The Man». C’est une répète. Fleming indique que celle-ci est en Mi, alors que la première est en Fa. Merci du détail, Fleming. Fleming n’est pas un flemmard. Alors on profite de cette bonne aubaine pour fondre car avec «Sister Ray», Waiting est ici le cut chouchou du Vévette. Lou Reed a déjà tout. Et puis il a un mec qui fait cavaler des sabots dans son Waiting. Il faut rester prudent avec les coups de buzz. D’autant plus qu’avec les derniers cuts, ça dégénère. Ça bascule dans le n’importe quoi. Pour se remonter le moral, il ne reste qu’une seule chose à faire : écouter «Sister Ray». 

    Signé : Cazengler, Vévette Horner

    Lou Reed. Words & Music. May 1965. Light In The Attic 2022

    Will Hodgkinson : Some Velvet Morning. Mojo # 344 - July 2022

     

     

    L’avenir du rock

    - Spencer moi un verre, Jon (Part One)

     

             Si tu veux faire plaisir à l’avenir du rock, sois beau (et tais-toi). Il n’en faut pas davantage pour le faire bicher. Comme tout le monde, il a son petit hit-parade. Le plus beau ? Elvis, pas de problème. Les gens ne se rendent pas compte à quel point Elvis pouvait être beau. Il incarnait l’idéal de pureté du rock’n’roll, ce camouflet lancé à la face de Dieu et de son monde de vieux, une beauté qui n’était même pas arrogante, car Elvis ne l’était pas, il avait cette disposition pour le naturel qui le rendait tellement charismatique. Aussitôt après Elvis, l’avenir du rock cite Brian Jones qui par sa grâce naturelle est lui aussi devenu iconique. Sans doute aussi iconique qu’Elvis, pour des raisons évidentes. Des millions de kids ont copié la coiffure et les fringues de Brian Jones, et son charme plane encore sur le monde, qu’on le veuille ou non. L’avenir du rock peut encore te citer les noms d’une tripotée de perfections à deux pattes : Syd Barrett, Jimbo, tous ces gens dont on a cru pouvoir se débarrasser mais dont les fantômes hantent encore certains groupes de rock pour leur donner mauvaise conscience. Ni les Stones, ni le Pink Floyd, ni les Doors n’ont jamais retrouvé l’éclat de leur âge d’or. En échange de leur grâce perdue, ils ont reçu des comptes en Suisse. Ainsi va la vie. D’autres perfections à deux pattes ? Mais oui, bien sûr ! Tiens par exemple, les Boys qu’on aurait tendance à oublier et qui furent non seulement d’une insolente beauté mais aussi fabuleusement doués. Bowie itou, dont on s’arrachera les icônes dans deux mille ans, Chuck Prophet, racé comme pas deux et qui refuse obstinément de vieillir, et puis bien sûr l’indicible Jon Spencer qui tel un guerrier Apache dresse des embuscades et surgit là où on ne l’attend pas. Qu’il arbore une banane rockab, un ceinturon à boucle Elvis, un cuir noir, une coupe à la serpe ou the sweat of the blues explosion, il est toujours parfait sur tous les plans : sonique comme physique. Il est très exactement la suite d’Elvis.

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             Ça fait maintenant plus de trente ans qu’on se régale du spectacle de Jon Spencer, trente ans de groupes et d’albums, trente ans qui ont l’allure d’un gros millefeuille dégoulinant de son et d’idées, c’mon, this is the sweat of the blues explosion !, on s’en est tous gavés comme des oies, vazy Jon claque-nous le beignet, touchez ma Boss Hog, monseigneur, et vogue la Pussy Galore, et puis il Heavy Trash aux cartes, et c’est tant mieux, il t’invite même à sa lune de miel d’Honeymoon Killer, tu peux aussi l’avoir pour un billet de Five Dollar Priest, il est partout, il burn avec Burnside, t’en finis pas avec des mecs comme celui-là, et maintenant, le voilà de retour avec ses Hitmakers, vieux compagnons de route dont un qui remonte au temps de la Galore, l’imputrescible Bob Bert, désormais occupé à cogner au marteau sur des réservoirs d’essence récupérés à la casse. L’autre Hitmaker n’est autre que Sam Coones, l’un des trésors cachés d’Amérique, et accessoirement head honcho de Quasi. Pour donner de l’élan à son grand retour, Spence trône dans un fauteuil Voltaire, c’mon, sous la voûte étoilée, éclairé par un brasier. Son regard brille d’un éclat diabolique et ses ongles peints en rouge n’en finissent plus d’attirer l’œil. Il a les moyens physiques et artistiques de basculer dans ce qu’il veut, c’mon, diabolo Spence ! Here I come ! Il est certainement l’un des derniers de son espèce à savoir jouer le Grand Jeu du rock, sa passion est devenue une vision. Une vision, c’est comme une chaudière, il faut la charger en permanence, c’mon, alors il la charge.

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             Pour preuve, ce nouvel album, Spencer Gets It Lit, il y orchestre la résurgence de ses sources chaudes, il reste accroché à ses apanages comme la moule à son rocher, c’mon, il nous refait du doom doom de barytonage à la Pussy Galore, on irait même jusqu’à dire que le JSBX Sound est devenu un son classique, comme la Stonesy, reconnaissable dès les premières mesures. Spence continue de pratiquer le minimalisme de prêcheur fou qui le rendit célèbre dans les salles de concert, le variant à l’infini, rajoutant des cuts en fin de set au grand désarroi des banlieusards stressés par l’heure du dernier train, Spence savait miauler et entrelarder son prêche de filets de barytonage de frappadingue, comme le montre encore «Get It Right Now», pur lookout de Spence, avec toute la collection de yeah rituels à la suite. Et quand il n’a plus d’idées, alors il sort son fameux sock it to me baby, comme au bon vieux temps. C’mon now ! Et puis il soigne ses sons, Sam Coones et sa machine chargent le noisy beat de «The Worst Facts» et ça vire hypno. Sur «Primary Baby», Spence laisse couler un filet de fuzz baryton, uhh ! Quelle allure ! Et toujours ces vieux réflexes de croon-punk, ce «Worm Town» qui semble sortir d’un album de Five Dollar Priest. Spence n’en finit plus de nous rappeler qu’en lui bat le heartbeat de New York City, il danse ses farandoles dans l’écho des rues, Spence salue en permanence la mémoire du JSBX, il ne sait faire que ça, battre le fer pendant qu’il est chaud, il perpétue son lard fumant et franchement, on plaint les pauvres hères qui n’ont rien compris au phénomène JSBX, car s’il est bien un groupe qui trempe dans l’organique, c’est bien le JSBX, sachant que l’organique est avec la folie l’essence même du rock. Spence adore concasser les breaks, c’est sa façon de montrer son impatience. Shake it ! L’art du concassage. Spence serait-il le César du rock ? Il cultive l’art difficile des fournaises d’anti-rock. Essaye d’en jouer une et tu verras que ce n’est pas si simple. Il finit cet album déroutant avec un «Get Up & Do It» en forme de fourre-tout dans lequel il jette tout son vocabulaire.

    Signé : Cazengler, Jon Spince (à linge)

    Jon Spencer &The Hitmakers. Spencer Gets It Lit. Bronzerat 2022

     

     

    Inside the goldmine - Scott toujours !

     

             Henry Blight inspectait les nègres alignés. Un par un, de la tête aux pieds. Il soulevait les gencives pour examiner la dentition et faisait souvent la grimace. Les nègres étaient nus, bien sûr. Il y avait aussi des négresses auxquelles on avait su faire oublier toute réflexe de pudeur. Elles n’étaient plus que ventres et seins offerts au regard des blancs. Henry Blight demandait parfois au courtier de retourner un nègre pour vérifier l’état du dos car il voulait conserver l’exclusivité des coups de fouet. Les nègres avaient été lavés au savon et les plaies de leur chevilles soignées. Henry Blight faisait son shopping. Il devait reconstituer son cheptel. Chez lui, en Louisiane, les nègres ne vivaient pas très longtemps. Il les soumettait à des cadences de cueillette infernales et ceux qui ne cueillaient pas leur quota de coton étaient fouettés de cent coups, ou bien il leur faisait couper les mains par un autre nègre, pratique que copiera un peu plus tard le roi des Belges pour punir ces bons à rien de nègres du Congo qui ne ramenaient pas leur quota de balles de caoutchouc. Que ne ferait-on pas au nom du progrès ! Quand Henry Blight désignait du bout de sa canne le nègre qu’il souhaitait acheter, le courtier annonçait un prix. Blight approuvait le prix d’un hochement de tête et le clerc l’inscrivait sur son pupitre. Il y avait aussi des enfants, mais le courtier les réservait aux maisons closes. Henry Blight aperçut soudain dans l’enfilade d’une pièce voisine une très belle négresse toute de noir vêtue, robe et chapeau. Magistrale, elle tenait une guitare en bandoulière. Il demanda le prix de cette négresse mais le courtier lui répondit d’une voix ferme qu’elle n’était pas à vendre. Le visage d’Henry Blight sembla se vider de son sang. Il exigea d’en connaître le prix. Le courtier fit non de la tête. Blight qui était un homme auquel on ne refusait rien le frappa d’un coup de canne en plein visage.

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             Il est fort probable que la grand-mère de Marylin Scott se soit trouvée dans ce salon, alignée avec d’autres esclaves. Ce que ces gens-là ont pu endurer dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Ayant survécu par on se sait quel miracle à l’esclavage, le peuple noir s’est relevé pour offrir aux blancs la religion des temps modernes. Gospel, blues, rock, tu l’appelles comme tu veux. Marylin Scott en est l’une des plus pures incarnations. Elle est aussi iconique que n’importe quelle rock star. Sinon plus.

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             On l’a découverte dans les salons plus civilisés d’une compile, Down Home Blues - Miami - Atlanta & The South Eastern States. Rapide présentation, Marylin Scott, The Carolina Blues Girl, et paf, on tombe sur cette photo, une espèce de reine de Nubie, pardon, de Caroline, avec une guitare ! Seule photo connue, nous dit Bentley. Avec «Beer Bottle Boogie», elle fout le feu à la compile, littéralement. Fantastique énergie ! Elle est accompagnée par the very hot Johnny Otis Orchestra.

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             Par miracle, il existe dans le commerce une compilation parue en 1988 sur un obscur label suédois : I Got What My Daddy Likes. Et bien sûr, la pochette s’orne de cette incroyable photo, aw my Lawd, quelle classe, quel sourire, guitare électrifiée et attachée par la ficelle rockab, elle a cette classe de corps qu’ont les kids qui montent des groupes, elle darde de tous ses feux. Apparemment elle s’appelle aussi Mary Deloatch et au dos, Ray Templeton brode sur le thème du conflit entre God et the Devil, un thème qu’Al Green développe lui aussi en long et en large dans son autobio. Puis il rentre dans le détail de l’histoire des enregistrements et, comme c’est souvent le cas chez les coupeurs de cheveux en quatre, il s’enlise. Il confirme toutefois que le Johnny Otis Orchestra - avec Johnny Otis au beurre - accompagne Marylin sur «Beer Bottle Boogie» et «Uneasy Blues». Il faut la voir swinguer son jazz et swinguer sa Beer Bottle au rauque de raw ! Avec «Uneasy Blues», elle tape dans l’excellence du petit heavy blues, elle lâche son just couldn’t be satisfied au petit délié délictueux. Templeton insiste beaucoup pour dire que Marylin fut en réalité une énigme et que l’histoire de la Carolina Blues Girl est une blague, puisque personne ne l’a vue traîner en Caroline. Templeton la situe plus du côté en Norfolk en Virginie - Gene Vincent’s hometown - et d’Atlanta. Au fond, Templeton n’a pas grand-chose à dire et nous non plus.

             Il n’empêche qu’elle est bien vivante sur cette compile. Elle chante le early blues dès le morceau titre et les mecs du coin font yeah ! Là tu es dans l’early pur. C’est dingue comme ces blacks savaient tout faire avec rien. Juste du chant, un peu d’instru et des copains qui swinguent derrière en claquant des doigts. T’auras jamais ça chez les blancs. Merveille absolue que ce «Straighten Him Out» : elle s’y fait douce et belle, on y admire la profondeur de la lampée, ça joue derrière à la stand-up et au solo de sax dans une profondeur de champ extraordinaire. Elle ne sort jamais du cadre, ce qui fait sa grandeur. Puis elle passe insensiblement au gospel, devenant nous dit Templeton Mary Deloatch. Elle fait du jump de gospel avec «I Want To Die Easy», elle s’y montre fraîche et vive comme le slave morning dew, easy Lord. Elle fait du jump toute seule avec «Rumours Of War» qui ouvre le bal de la B. D’ailleurs toute la B se consacre  à Lawd, c’est le Gospel side of the fantastic Carolina Blues Girl qui n’a rien de carolinien. Comme Candy Staton, elle chante le gospel sur tous les modes, en early gospel blues («Mother Dear» - soutenue aux chœurs endorloris), en heavy groove de stand-up («Life Was A Burden») - Oh my Lawd, elle épouse le Seigneur, Marylin devient une fantastique croqueuse d’hommes saints - Elle grimpe sur un nuage pour chanter «I’ll Ride On A Cloud With My Lord» et profite d’«I Really Believe» pour rappeler qu’il est invisible mais qu’il nous aime tous. Elle chante son reverberated gospel blues d’une voix impubère et nous scie pour de bon. Il se passe chez Marylin Scott le même genre de choses que chez Sister Rosetta Tharpe, l’influence est évidente, jusqu’à sa façon de jouer de la guitare. Elle fait avec «If You Only Know» du gospel de bastringue inexpugnable. Les chœurs encorbellent le batch et on claque des mains. Cette diablesse chante à l’accent fêlé. Attention, c’est là qu’arrive le coup du lapin. Il s’appelle «The Lord’s Gospel Train» - Oh Lawd I want to step on board - Ce hit de filles d’esclaves est amené au heavy gospel train, et là, mon gars, tu tombes de ta chaise. Sans doute l’un des trucs les plus énormes qui ait jamais été enregistré.   

    Signé : Cazengler, Marylin crotte

    Marylin Scott. I Got What My Daddy Likes. Whiskey Women And… 1988 

    Down Home Blues - Miami - Atlanta & The South Eastern States - Blues In The Alley. Wienerworld Presentation 2020.

     

    *

    Dix années que Kr’tnt ! suit Ady Erd, en concerts et sur disques, dans les différents groupes dans lesquels nous avons pu l’admirer, les Jallies, The Jake Walkers, Ady & the Hop Pickers, et voici qu’elle se lance dans un nouveau projet. Avec qui ? Avec personne ! L’a décidé depuis quelques mois d’être à elle toute seule son propre groupe d’où cette nouvelle revendication identificatoire, équivalente à un nouveau titre de province. :

    ADY ONE WOMAN BAND

    Un projet parallèle car Ady continue les Hop Pickers, mais elle a envie d’apporter son petit grain de sel à la musique qu’elle aime, (que nous aimons ) pas n’importe laquelle, la mère de toutes les musiques, le blues. L’en est juste au tout début, elle nous propose deux titres, un classique et une composition. Tous deux sont visibles sur Yt.

    Le décor est exactement le même pour les deux prises Ady assise guitare en main, chez elle dans son salon (supposition) derrière elle les rayonnages de deux éléments de bibliothèques, supportant disques, bibelots livres, l’on remarquera, grosse bio ou coffret, Janis Joplin, éclipsée par la couverture de l’album pour enfants – et grande personnes – Chien Bleu de Nadja (texte et gouaches ), un très bon choix. Devant cymbale et grosses caisses. Mais revenons au blues.

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    CROSSROAD

    Tout le monde a un jour croisé ce titre sur une ou une autre pochette même ceux qui ignorent qu’il est signé de Robert Johnson. L’en existe tant de reprises qu’il est difficile de se démarquer, depuis les seventies un passage obligé pour les guitaristes qui veulent se faire remarquer. Ady y va carrément. Soyons précis rectangulairement. Aborde une guitare à la Bo Diddley, genre cigar-box à quatre cordes. Autant dire qu’elle n’est pas là pour un concours de dextérité, c’est du rentre dedans, elle vous aborde le carrefour à fond de train, le pied sur le martel de la grosse caisse, tant pis pour les piétons qui auraient la mauvaise idée de traverser parce qu’ils seraient sur le passage protégé, c’est un régal d’entendre ronronner le moteur de sa Terraplane, mais ce n’est rien comparé au mordant de son vocal, c’est lui qui mène le bal des ardences et croyez-moi ça brûle dur. Pas de panique elle ralentit, enfin elle conduit à la cool, ben non l’a de la reprise, elle hurle et s’égosille pour notre plus grand plaisir. Pas pour rien que chez les Jallies elle se déchaînait chaque fois qu’elle interprétait Queen of Rock’n’roll.

    GEMINI BLUES

    Elle a remisé le coffret à Coronados pour une Gretsch purpurine, question dentelle l’on est servi, balancement assuré, exactement le rythme lancinant  de la trompe de l’éléphant immobile qui vous regarde dans les yeux,  qui prend son temps et son plaisir avant de fondre sur vous, l’a les doigts qui jouent à l’araignée sur le manche, des notes rondes et graves comme ces fruits de cactus trop mûrs, fermez les yeux et laissez-vous bercer, non ce serait une erreur, ça se passe ailleurs, encore une fois dans la bouche ( d’ombre disait Victor Hugo ) autrement du vocal issu de l’intérieur des tripes et de la force de vie, Ady vous a de ces intonations qui cisaillent, ça sort d’elle, une compo, elle miaule et feule comme une panthère, c’est beau, un chant de tigresse qui mord à pleines dents dans la chair sanglante des mots jusqu’au rire de la folie, cet instant où l’on est soi et en même temps différent de soi, où l’on est un étranger au monde et à soi-même. Superbe. Une blueswoman nous est née.

             L’on attend la suite avec impatience.

    Damie Chad.

     

     

     ROCKABILLY RULES ! ( 5 )

    N’oubliez jamais que toutes les règles sont faites pour être contournées, dépassées, chamboulées, piétinées, car l’important avant tout c’est d’avoir un cœur fidèle et rebelle !

    WIL BOYAJIAN

             C’est terrible, il y a des gens qui quoi qu’ils fassent, ou qu’ils ne fassent pas, ne correspondent pas à ce qu’ils prétendent être ou de ne pas être. Sont hors les clous. N’y peuvent rien c’est leur nature, n’entretiennent aucune coalescence avec les clichés répertoriés depuis des lustres. Will Boyajian est un exemple parfait de ces électrons libres qui ne rentrent pas dans les cases prédéfinies.

             S’il est une musique magnifiquement codée le rockabilly se pose là. La première fois que j’ai lu le nom de Boyajian l’était classé dans une liste d’albums rockabilly. Le titre de l’opus m’a vivement interpellé, côté rassurant, Will tenait une contrebasse sur la couve, hélas sa banane n’était pas, loin de là, réglementaire, soyons franc ses cheveux longs mal peignés qui lui tombaient sur les épaules lui donnaient un air peu orthodoxe, quant au titre vous n’allez pas y croire, pourtant inscrit en grosses lettres majuscules il vous crève les yeux et vous coupe la chique, même au temps où elle chantait We Shall Overcome et se promenait au Vietnam  sous les bombes larguées par les B 52, Joan Baez n’a jamais osé titrer un de ses disques : 

    SONGS TO DESTROY CAPITALISM TO !

    ( Album numérique / Bandcamp / Avril 2021 )

    Will Boyajian : Lyrics, Vocals Guitar, Bass, Drums, Slide Whistle, Harmonica, Percussion, Mandolin, Accordion, Concertina, Piano, Synth, Washboard, Wooden Log, Pad, Typewriter, Melodica, Kazoo

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    Attention un disque hors les rails, pas spécialement rockabilly, n’oubliez pas que les frontières sont faites pour être traversées, ici Boyajian donne l’exemple, le rockabilly n’est qu’un département de la musique, puisque le capitalisme est partout ( surtout dans vos âmes ) Will emprunte toutes les armes musicales possibles et imaginables, nous offre un splendide voyage dans la musique populaire américaine.

    A l’origine ces morceaux ont été enregistrés et improvisés pour Reddit-Rpan une plateforme de streaming ( une des plus importantes de la planète ) qui vient de changer ses modalités… Le show de Will Boyajian : ‘’ Rockabilly Bass Slapping Blegrass Sea Shanty Extravaganza of Kazoo and Of Good Times ‘’ a accumulé plus de 2, 8 millions de vues.  Will vient d’être coopté cette année pour une résidence dans Sleep No More NYC. Une espèce de théâtre Live ou artistes et spectateurs déambulent à leur libre volonté dans un immense immeuble… Will Boyajian repousse les frontières du rockabilly. N’oublions pas que c’est une musique américaine. Grand écart entre purisme et modernisme…

    Boil the rich : dites-le avec humour, imitez par exemple Jonathan Swift qui proposait aux riches de manger les enfants des pauvres pour éradiquer la misère, les paroles n’en seront que plus dévastatrices, surtout si elles sont propulsées avec cette même force dont Bob Dylan usait dans ses meilleurs moments de colère, un texte sans concession qui appelle à la révolution des homards, saisissante image des prolétaires, ambiance folk, mais électrifié. Gherkin petite pickle-shack : un harmo à la Dylan et le timbre traînant du modèle, tout cela pour un hymne aux cornichons, faut attendre la fin du morceau pour comprendre la métaphore, nous avalons tous des cornichons à longueur de journée, ils donnent du goût à la merde qu’est notre vie. Doubles of death, the game of life : ne faut pas se plaindre tout le temps, suffit de savoir jouer, les règles du Monopoly – métaphore du capitalisme - sont simples, tu lances les dés et tu triches tant que tu peux pour amasser un max de fric, attention changement de paradigme, guitare tonitruante saturée à mort, bye-bye le folk, voix grondante, Boyajian hurle comme un boyard de la Sainte Russie prenait un immense plaisir à fouetter ses moujiks, au jeu de la vie et de la mort vous avez intérêt à être du côté des gagnants. Le rouleau compresseur de l’orchestration lancé à vos trousses à toute vitesse vous oblige à comprendre qu’il vous écrasera sans pitié. The serial killer life : une minute de bonheur intense, l’on se croirait dans une comédie musicale à Broadway ou dans un dessin animé de Disney, un piano plus fou que boogie, monsieur Loyal débite son speach à toute vitesse, l’histoire de deux serial killers qui tuent pour vivre et manger, Boyajian s’amuse, des malades certes mais il faut aussi payer son loyer. Le genre de discours qui hérisse les morales droitistes qui jugent le comportement des individus sans tenir compte des pressions psychiques exercées par l’organisation de la société. Babylon river flow across Jah socks : un peu de reggae pour détendre l’atmosphère, oui mais un reggae qui pue des pieds, qui vous assène les contre-temps à coups de triques, colère sortie, exaspération du pauvre dont les souliers troués laissent passer l’eau. Faire rire, non pas pour vous empêcher de pleurer mais pour activer votre révolte. Boyajian n’y va pas de voix morte. Mouse in da house : un truc à rendre dingue un amateur de rockab , une note de piano répétée à l’infini et là-dessus Boyajian pousse son flow, va nous faire devenir chèvre, nous fait du hip hop maintenant et il est doué, nous conte comment la vie quotidienne et amoureuse ne correspond pas exactement aux dessins animés de la Disney Chanel, l’a pigé le truc, les rappeurs français devraient l’écouter pour prendre des leçons de chant et d’écriture. The taxman Cometh : sidéral jazzy gospellisant, non ce n’est pas Dieu qui vient mais le précepteur, une belle parodie des chanteurs noirs à gros organe enroué, sur une rythmique qui vous emporte tout droit au septième ciel, par contre aucune amélioration pour le pauvre diable, vous voici gros jean comme devant. Reggie and the guac suckers : tiens une nourriture de sang mêlé une salsa-reggae, entre parenthèse pas le meilleur morceau de l’album, les plats épicés sont bien supérieurs à la cuisine aseptisée des amerloques, tout dépend des goûts de chacun objecterez-vous, oui mais si ce qui entre fait ventre, dans un monde idéal la nourriture devrait être gratuite. Trashman with the trash plan : la figure idéale du travailleur -une espèce de rap accéléré, vous ici je vous croyais au kazoo, et haché menu par guitare et synthé – ne s’agit pas ici de l’idéaliser outre mesure, tout homme à ses limites, le prolétaire peut-être plus que les autres, prisonnier de son aliénation mentale qui l’empêche de penser son existence en empruntant des schèmes étrangers à sa propre condition servile, la consolation du pauvre qui se sent investi d’une mission sociale dont il tire fierté. Plundering Uranus : entrain enthousiaste réservé aux chanson de cowboys ou de marins, joyeux drilles enchantés de chasser les baleines dans l’espace, quelle joie d’enfoncer nos harpons dans leurs chairs pantelantes, la chanson n’en dit pas plus, à vous de comprendre que le pillage éhonté des richesses du monde est une des lois du capitalisme, et sans doute aussi un comportement prédateur inhérent à la nature humaine… Boyajian y met tant de contentement bonhomme que pour un peu vous signeriez les yeux fermés votre engagement sur un astronef baleinier. Un chant optimiste pour un futur peu encourageant. The man who loved me : deux minutes vingt-cinq secondes le morceau le plus long de l’album - les autres dépassent rarement les cent vingt secondes – normal c’est après tous ces chants de combat une chanson d’amour, n’exagérons rien sur un penchant sexuel différent de l’habitude, attention une véritable parodie de Goldfinger, essayez d’imiter Charley Bassey avec l’organe mâle et viril de Will, l’est un peu plus proche de Tom Jones dans (Opération) Thunderball, les amateurs de rockab adoreront la guitare. Fat catz : un peu de swing n’a jamais tué personne et Sinatra ce n’est pas la sinistrose, n’empêche qu’après avoir vilipendé le capitalisme Will nous croque d’acidulés portraits de nos contemporains, se range dedans puisqu’il dit je, ici il traite du rapport névrotique des propriétaires de chat qui s’identifient en toute inconscience aves leur bête qui n’en fait qu’à sa tête, plus libre qu’eux il mène une agréable vie de pacha et de patachon. Pepto-bismat blues :  ce n’est pas du blues, ruse de sioux, enfin du rockabilly ! non il n’y a pas une fille à tringler sur la banquette d’une Pink Thunderbird, l’est pourtant bien sur le siège, celui des toilettes, l’est affligé d’une courante dévastatrice pour avoir mangé un mac-do périmé. Les rockers seraient-ils des hommes comme les autres, non la preuve c’est que lorsque Will Boyajian chante et gratte, vous croyez entendre Johnny Cash et Luther Perkins à la guitare. Femme tetard brulé : une ballade cashienne en diable avec une voix de prêtre qui réciterait un poème d’amour d’Edgar Poe devant une tombe ouverte. C’est beau et mystérieux, vous ne comprenez pas tout à part que certains êtres vivent leurs rêves éteints jusqu’à leur dernier souffle sans en partager la lourdeur avec quiconque. Crustacean frustation : bruit de mer, retour aux crustacés, voir le premier morceau, le pire c’est que le crabe ne se sent pas à l’aise dans sa carapace, préfèrerait pieuter dans une petite chambre que sur la plage, quand l’idéal se résume à une vie merdique de quoi pouvez-vous rêver. Une ambiance bien plus poppy que le morceau précédent mais encore quelqu’un en fin de course, bien loin de passer la ligne d’arrivée en vainqueur. Un vaincu du système. OnlyFins.com : la mertaphore continue – sur son instagram Will Boyajian publie de nombreuses photos exhibant fièrement de gros poissons qu’il vient de pêcher dans ses bras robustes – une marche triomphale quasi-guerrière, il ne faut ne pas avoir honte de la manière dont on survit même si c’est de prostitution par le biais d’internet, faut savoir profiter de ses atouts surtout si l’on est bien gaulé. Pas grave le gars n’est pas dupe de lui-même. Nécessité fait loi.

             Très agréable à écouter, Will Boyajian a plus d’une corde vocale.

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    Vous le préfèreriez davantage rockab : deux extraits de Million Dollar Quartet   sont visibles sur YT, Will Boyajian y interprète Johnny Cash à la guitare en train de chanter Folsom Prison Blues, costume noir et voix grave sombre, campe bien son héros, ce qui n’est pas facile. Million Dollar Quartet est à l’origine une comédie musicale de Broadway ( 2010 ) qui a connu un tel succès lors de nombreuses tournées qu’une série télévisée qui retrace les débuts de l’aventure Sun  en a été inspirée… L’ensemble destiné au grand public ne saurait ravir les esprits qui préfèrent le parfum de l’authenticité à la tarte à la crème de l’entertainment made in USA… N’empêche que notre chanteur y paraît rasé de frais, propre sur lui, cheveux courts tiré en arrière, bien plus à l’aise dans sa figuration de Johnny Cash qu’un homard dans sa carapace.

    Un autre album d’un style plus traditionnel, Will Boyajian se permet tout, l’a même un rock-opéra à son tableau de chasse, mais restons sage :

    HAIRCUT

     ( Album Digital / Bandcamp / Novembre 2021 )

    Photo d’enfance, petit garçon chez le coiffeur, quand il sortira de la boutique, sera tout beau, tout mignon, ses parents seront contents, tout joli c’est déjà tout poli, le gamin bien élevé qui présente bien, un nettoyage capillaire régulier est une assurance sur l’avenir, notre fils ne sera jamais un voyou, on lui aura inculqué les bonnes manières dès le début…

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    Hang me up : guitare acoustique l’on est dans une sorte de bluegrass alternatif, une prière au Seigneur, tout ce qu’il y a de plus classique dans le blue grass, z’oui mais si notre petit garçon de la couve n’est pas devenu un voyou, l’a quand même emprunté des chemins peu rectilignes, la vie n’est jamais là où on l’attend, se débat comme chacun de nous comme il peut, demande au Seigneur de lui prêter vingt dollars, ça ne se fait pas et cette manière un tantinet cavalière de traiter le Créateur n’est pas la mieux appropriée, vous en conviendrez, mais lui l’est tout joyeux, fait preuve d’un joyeux dynamisme, l’assume tous ses écarts de gibier de potence sans état d’âme. Sailing with you : une ballade avec harmonica, si l’on se contente de suivre le clapotis rythmique, tout est parfait, notre héros – mauvais sujet ou paumé – peut-être les deux - invite sa copine à faire de la voile, quoi de plus romantique, le roulis lui file tout de même de drôles d’idées, l’est sûr qu’il n’a pas envie de la ramener à la maison… ne l’entraînerait-il pas sur une route dangereuse… Whiskey Lullaby : tic-tac de montre, examen de conscience de la dernière heure, rythmique acoustique enlevée, fait preuve d’un certain détachement en une heure si grave, ne regrette pas de quitter notre monde n’espère pas le paradis, se fout de l’enfer, que le diable et le bon dieu se décident, lui l’a mieux à faire, cuver son whisky. Renverse les canons de la bien pensance chrétienne avec un flegme ironique qui doit choquer les bonnes âmes et exalter le sourire les mécréants. Belle big mama et chant magnifique. La beauté du diable ? Big league : lignes de basse sur lesquelles virevolte la voix de Will, l’est tout seul à chanter mais l’on ne sait pourquoi l’on dirait qu’ils sont tout un groupe à l’accompagner, pas de truquage, simplement l’entrelacement guitare et contrebasse qui produit une espèce de frottement reptatif qui exhausse le vocal. Dockside boy : chant de marin avec fricassée de banjo, vous emmènerait jusqu’au bout du monde, suffit de suivre l’onde vocale. L’est doué, sur son instagram vous trouverez de courtes vidéos sur lesquelles il se saisit de sa guitare pour interpréter des traditionnels.

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             Nous le quitterons sur une vidéo marrante. Enfin presque, car elle relève tout un pan de la réalité sociale américaine. Chante dans la rue avec sa guitare, l’étui posé devant lui est jonché de dollars, un panonceau invite tous ceux qui en ont besoin à se servir. Rien d’authentique, un sketch tourné par la TV, mais si l’on y réfléchit bien une terrible et symbolique inversion nietzschéenne des valeurs. Qui définit à merveille la démarche de Will Boyajian. Toujours de guingois par rapport à ce qu’il fait. Vous l’attendez là, il est là, juste à côté. Pas très loin. Hors zone d’évidence. Une démarche quelque peu situationniste. Ce n’est pas la société du spectacle, mais la musique du spectacle dévoyée au profit de la liberté individuelle.

    Damie Chad.

     

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                             

    EPISODE 14 ( gérondif ) :

    68

    Je roule à toute blinde vers Paris, je ne perds pas pour autant mon temps, saisi par une idée (démarche platonicienne par excellence) soudaine j’en profite pour passer un coup de fil :

             __ Oui Monsieur, ici l’accueil du Parisien Libéré, que puis-je pour vous ?

             __ Pourriez-vous me passer le bureau de Monsieur Lamart, c’est urgent !

             __ Tout de suite Monsieur, vous avez de la chance, il traverse le hall à l’instant, je vous le passe !

             __ Allo Lamart, ici l’agent Chad, je passe vous prendre au journal, attendez-moi, préparez une édition spéciale en première page, pour demain matin !

             __ Je prends toutes les dispositions nécessaires, juste cinq minutes et je me poste sur le trottoir. 

    69

    Carlos avait pris la tête de la colonne de pénétration, l’œil aux aguets, un Rafalos dans chaque main, il ne paraissait pas inquiet :

             __ La technique du fennec est relativement simple, il ne cherche pas sa proie, ce serait trop fatigant et trop difficile, il se contente de se promener, c’est la proie qui vient vers lui !

             __ Terriblement judicieux cher Carlos, je commence à comprendre !

             __ Vous en avez de la chance Chef, moi je n’ai jamais compris pourquoi une proie vient se jeter dans ses pattes, par contre par expérience je sais que ça marche… J’ai eu un lieutenant qui m’a parlé de la théorie du hasard objectif d’un certain André Breton, si vous cherchez quelque chose, vous la trouvez affirmait-il, je n’y crois pas trop quand j’ai besoin de mon briquet, je ne parviens jamais à mettre la main dessus !

             __ Votre André Breton est un petit joueur, cela s’explique beaucoup plus aisément par la théorie des universaux, relisez Aristote et… tenez, je reconnais cet endroit, la végétation est de plus en plus touffue, nous sommes dans la bonne direction, le fennec a sûrement lu Aristote, les animaux sont bien plus intelligents que les hommes et…

             __ Chef impossible d’avancer, ce rideau d’arbres nous empêche de progresser !

             __ Mais non Carlos, nous y sommes, vous devez avoir une fente entre les deux arbres devant vous, glissez-y votre main, si vos doigts cognent contre un mur, nous touchons au but !

             __ Affirmatif, Chef !

    70

    Olivier Lamart et Martin Sureau totalement excités s’engouffrent dans la voiture.

             __ Agent Chad, merci pour le scoop, regardez devant nous les deux motards qui démarrent suivez-les, c’est Octave Rimont qui nous les a envoyés pour déblayer la route devant nous, il suffit de leur donner l’endroit où nous allons et ils nous y mèneront au plus vite !

    Trente secondes plus tard nous roulons vers la forêt de Laigue…

    71

    Le Chef et Carlos sont postés au haut de la branche maîtresse de l’arbre qu’ils ont escaladé :

             __ Satanée baraque, s’exclame Carlos, encore un ou deux casses de transport de fonds ce weekend et je la rachète, parfait, pas très loin de Paris.

             __ Hélas non, cher Carlos, nous sommes dans une faille spatio-temporelle, ce manoir se situe en Angleterre !

             __ Ah, ça change tout, les rosbifs ne jouent jamais vraiment franc-jeu, souvenez-vous de Mers El-Kébir et de Jeanne d’Arc !

             __ Pire que ça, cher Carlos, je vous avais promis l’enfer, nous y sommes, c’est la demeure de la Mort !

             __ Pff ! Même pas peur, un petit roulé-boulé et on y rend une petite visite !

    72

    Octave Rimont, nous accueille un sourire sardonique aux lèvres, il adresse un clin d’œil à Lamart :

             _ Tiens, Le Grand Chef ne s’est pas déplacé, il nous a envoyé son sous-fifre, le fameux Agent Chad avec ses deux Molosses qui ne feraient même pas peur à mon chat.  Heureusement que j’ai prévu des renforts, tenez ils arrivent deux compagnies de CRS ! Le temps qu’ils descendent des fourgons et on y va ! Agent Chad, voudriez-vous prendre la tête de notre groupe d’intervention puisqu’apparemment vous êtes le seul à connaître notre destination finale.

    Mais Molossa et Molossito sont déjà à cent mètres de nous, ils se retournent et aboient pour nous faire signe de les suivre.

    73

    Pas un bruit. Le Chef et Carlos n’entendent que le froissement des feuilles mortes qu’ils écrasent de leurs chaussures sans précaution particulière. Tous les deux sont des partisans de l’assaut sans hésitation, impressionner l’ennemi est la meilleure des tactiques. D’un magistral coup de pied Carlos enfonce la grande porte d’entrée. Tous deux se faufilent à l’intérieur. Le décor est assez spartiate, des murs blancs sans décoration, une grande table d’ébène rectangulaire autour de laquelle sont placés une vingtaine de fauteuils plus noirs que la nuit. S’il n’y avait ces deux points rouges brillants, l’auraient-ils remarquée ? Enveloppée dans sa cape noire, immobile, assise sur un siège surélevé sur le petit côté du rectangle qui leur fait face, elle est-là, la Mort, à peine si dans l’obscurité ils distinguent son hideuse face.

             __ Salut frangine, l’on s’est si souvent rencontrés tous les deux que je suis enchanté de pouvoir discuter un peu avec toi.

    Sans demander la permission Carlos s’assoit, aussitôt imité par le Chef :

             __ Je crois qu’il est temps que j’allume un Coronado, cher Carlos me feriez-vous le plaisir de fumer en toute tranquillité un de ces fameux calumets de guerre avec moi ?

             __ Vous ne pourriez me faire un plus grand plaisir Chef, vous au moins vous savez vivre !

             __ Exact Carlos, je n’en propose pas à notre hôtesse parce qu’elle ne sait pas ce que c’est que de vivre !

    A ces mots le visage cadavérique de la Mort semble pâlir.

    74

    Molossa et Molossito filent ventre à terre, en un temps records nous voici parvenus devant le rideau d’arbres. Le commandant Octave Rimont me prend pour un rigolo lorsque je commence à escalader le tronc le plus imposant.

             __ Non, vous croyez que mes CRS sont des perroquets sur leur perchoir. Nous allons débusquer ceux qui se cachent derrière l’enceinte dont vous me signalez la présence. A mon commandement, cent hommes sur ma droite, trois mètres de séparation entre chaque individu, cent hommes sur ma gauche, même consigne. Agent Chad et les deux journalistes reculez de vingt mètres et admirez l’efficacité de la police nationale.

    75

    Le Chef allume un Coronado.

             __ Pas très causante la vieille !

             __ Vous ne perdez rien pour attendre, ricane la Mort, je vous promets de…

    Une série de détonations interrompt son discours. Un parfum âcre et des vapeurs blanches s’infiltrent par la porte d’entrée que nous avons laissé entrouverte.

             _ Carlos, vous vouliez un demi-régiment de parachutistes, il semble à l’odeur et au bruit que l’on nous a envoyé deux escouades de CRS, faute de grives nous nous contenterons de merles !

    La Mort se met à hoqueter, elle semble vexée et très en colère :

    __ Venir chez moi et me narguer ainsi, ils vont voir de quel bois de cercueil je me chauffe !

    76

    Le commandant Octave Rimont exulte de joie :

             __ Ah ! Ah !, dix mille grenades d’encerclements en dix minutes, et l’ennemi ne veut pas sortir, que des lâches, je m’en doutais, j’ai tout prévu, arrêtez le feu, il est temps de faire intervenir les troupes d’élite, GIGN donnez l’assaut et tuez-les tous, ne comptez pas sur Dieu pour reconnaître les siens !

    Une soixantaine d’hommes surgissent de derrière nous, un petit peloton nous force à reculer pour notre sécurité, le reste de la troupe entreprend au pas de course d’escalader les arbres, ils sont aussi adroits que des singes et se glissent entre les branches avec une facilité déconcertante pendant que le commandant Rimont nous rejoint.

             __ Sureau prenez des photos, elles seront parfaites sur la Une de votre torche-cul !

    77

    Le Chef allume un nouvel Coronado. La Mort descend de son trône et ouvre une vaste fenêtre. Sans préavis ni élan elle saute à pieds joints sur la barre d’appui et se retourne vers nous :

             __ Messieurs excusez-moi, je vous avais préparé une petite agonie pas très agréable, c’est partie remise, j’ai mieux à faire, au revoir et à la revoyure. D’un bond léger elle s’élance dans le ciel, les pans de son manteau se métamorphosent en une paire d’ailes d’aigle géantes…

    A suivre…