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liam gallagher

  • CHRONIQUES DE POURPRE 585 : KR'TNT 585 : TONY MARLOW / JON SPENCER BLUES EXPLOSION / DAVE DAVIES / LIAM GALLAGHER / SETTING SON / BLACK SKY GIANT / ICHI-BONS / ROCKAMBOLESQUES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 585

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    26 / 01 / 2023

    TONY MARLOW / JON SPENCER BLUES EXPLOSION

    DAVE DAVIES / LIAM GALLAGHER

    SETTING SON / BLACK SKY GIANT

     ICHI-BONS / ROCKAMBOLESQUES

    Sur ce site : livraisons 318 – 585

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://krtnt.hautetfort.com/

    Marlow le marlou - Part Three

     

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             Si tu veux tout savoir sur Tony Malow, le plus simple est de lire sa fulgurante petite autobio parue dans Rockabilly Generation. Mais il faut aussi écouter les albums car ils jettent une sacrée lumière sur cet incroyable artiste qui a su traverser toutes ces décennies en restant fidèle à l’esprit rockab le plus pur. Les ceusses qui le critiquent sont comme d’habitude les ceusses qui n’ont pas écouté les albums. Toujours la même histoire. Une autre info en forme de petite cerise sur le gâtö : ses meilleurs albums sont produits par Marc Zermati.  

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             Dans un Part Two, on a déjà dit tout le bien qu’on pensait du 1,2,3… Jump des Rockin’ Rebels (Underdog 1982) et tout le mal qu’on pensait de leur premier album Rockin’ Rebels paru en 1979. Coincé entre les deux, tu as Frogabilly, paru aussi sur Underdog, un label monté par Dominique Lamblin et Marc après la première disparition de Skydog. Sur la pochette, les Rockin’ Rebels sont quatre, assis sur leurs motos, et à gauche, tu as le Marlou qui ne s’appelle pas encore Marlow. Il ressemble beaucoup à Robert Gordon. Et tu l’entends vite rafler la mise dans «Panhandle Rag» : il y joue la pompe manouche, et à l’époque, tu n’as pas beaucoup de gens capables de sortir un tel son sur la scène rock en France. On a un fantastique son de rockab dans «Dig That Crazy Beat», ça swingue sous l’Underdog, ça te boppe sur l’haricot, c’est excellent, on sent la patte de Marc à la prod. Encore un petit joyau rockab avec «Boogie Baby» et ils nous emmènent en B à la fête foraine avec «Gunfight Bop», excellent pulsatif vrillé de petits solotages d’apanage. Ça swingue encore dans «Rockin’ The Swamp» et le Marlou rend un superbe hommage à Carl avec «Hey Mr Perkins». Oh ils savent swinguer le Carl, hey hey Mr Perkins ! Oh daddy-O-rock !

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             On passe aux choses très sérieuses avec ce World Rocking paru sur Skydog en 2001. On le sent dès l’aéroport, comme dirait Nougayork, dès «Rock-A-Like That», ça joue sec et net dans le Skydog way of life, avec un solo claqué dans l’enfer des portes qui claquent. Le coup de génie de l’album est un autre Rock-A, «Rock-A-Bye Love», claqué aux heavy chords de wild Rock-A. Le Marlou casse bien la baraque, avec un slap pris dans la couenne du son. Marc Z et le Marlou abattent un travail de titans. Encore un joli coup de Jarnac avec «House Rocking (With A Texas Troubadour) Pt1» : le Marlou entre dans son pré carré. Il joue tout simplement comme un dieu.  Dans «Wild Cat On The Loose», il fait rimer ruby shoes avec cat on the loose, c’est remarquablement bien tenu en laisse. On le voit encore jouer all over «60 Thousand Feet», c’est ultra-drivé, ces mecs sont tous des virtuoses et le Marlou tisse une dentelle sempiternelle. Ils font bien le train avec «South-A-Bound Train», pas de problème. Encore un cut illuminé avec «House Of Swinging Lights». C’est dingue le terrain qu’ils parcourent, le Marlou chante sur la crête du son. Cet album est une merveille. Il passe au heavy swamp-rock avec «Crocodile Swamp», c’est excellent, dans la veine de Suzie Q. Puis il passe sans transition au gospel batch avec «Sunday Morning», mais avec du swing. I feel so good ! Il termine avec le heavy drifting d’«Here Comes The Drifter» et du yodell à gogo, puis avec un clin d’œil à Bo avec «Stampede». Sur ce coup-là, il des accents d’Elvis. Son impeccable, comme toujours sur Skydog.  

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             On reste sur Skydog avec les Rockin’ Rebels et Elvis Calling. En amuse-gueule, tu as une fantastique cover de «My Baby Left Me». On se croirait chez Uncle Sam, la voix en moins, mais le Marlou claque bien sa chique et ça reste une sacrée chique. Il ramène tout le stamina de la version originale. L’autre stand-out cut de l’album est sa cover de «Guitar Man». Il est dessus. Toutes ses covers d’Elvis sonnent juste, sauf peut-être «Burning Love», plus difficile à chanter. Il prend aussi «Gentle On My Mind» trop haut au chant, il est trop parisien, trop Batignolles sur ce coup-là, il passe à côté, il ne se profile pas assez. Par contre, son «Baby Let’s Play House» est une petite bombe, il est dessus avec une extraordinaire vitalité du son. La Marlou grimpe là au sommet de son art. Avec «I’m Coming Home», il tombe dans l’extrême beauté de l’Elvis mood. Là ça devient sérieux, c’est plein de son et d’esprit, d’une invraisemblable aisance, il claque des solos de contrefort qui illuminent la fête foraine, c’est du pur génie, il t’emballe si tu es une femme. Il fait aussi une belle version de «Come On Everybody». On le sent fabuleusement impliqué et en guise de cerise sur le gâtö tu as le solo flash du Marlou. 

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             Les deux premiers albums de Betty & The Bops sont aussi parus sur Skydog et comme les deux précédents, ils sonnent comme des passages obligés. Le premier qui n’a pas de titre s’appelle donc Betty & The Bops. On les voit tous les quatre sur la pochette et le Marlou gratte une belle gratte rouge. Ça démarre sur un bruit de moteur et Betty chante à la régalade pendant que le Marlou veille au grain. Puis ils passent au pur rockab avec «Good Rockin’ Mama» et un slap de rêve. Le coup de génie de l’album s’appelle «My Hand Some Man», un joli rockab attaqué de biseau. Terrific ! Avec du sax dans l’encoignure. Ici, le slap dicte sa loi. C’est tellement parfait que ça sonne comme un classique de 1956, avec un beat entêtant et les attaques restent biseautées jusqu’au bout, ça file à la cravache. On se régale aussi de la grosse intro d’«All Night Long». Ces mecs savent lancer une machine. Sur «Rockabilly Girl», le Marlou fait sa presta en clairette de Gibson rouge et il décroche le pompon. Le slappeur fou s’appelle Dominique Gimonet, il vole le show sur «Jump Jump» et «Hi Fi Baby» - He’s my baby/ I don’t mean maybe

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             Fantastique album que ce Pin-Up Confidential qui date de 1995. Démarrage en trombe de slap avec «Swimmin’ Through The Bayou». Toujours Gimonet au slap et la prod de Marc Z.  Tu as tout de suite la pulsion définitive, même si c’est monté sur le plus vieux riff du monde. Ils t’embarquent tout simplement en enfer. Et ça continue avec «Come On», toujours au paradis du slap, quel punch, tu le prends dans le ventre, come on ! Betty est magnifique, c’est rond et c’est pas carré, ça joue au pulsatif entre tes reins. On reste dans le pur jus de rockab avec «On A Rocky Road», bien visité par le Marlou. Il repartent plus loin de plus belle avec «Spanish Jungle». le Marlou y claque un solo d’intermittence et ils passent au swing avec «Ida Red». Le Marlou y sort ses plus beaux accords de jazz, il joue en filigrane dans la texture du swing, il mène le bal, c’est un géant. Il claque «Who’s Been Foolin’ You» à coups d’acou. C’est un heavy boogie blues de bienvenue, le Marlou claque ça sec aux chorus inventifs. Il est très certainement l’un des grands guitaristes du XXe siècle. The wild cats are back avec «Snake Eyed Boy». C’est lui qui chante ce pur rockab d’antho à Toto.   

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             Dans le Part Two, on a dit tout le bien qu’on pensait d’Hot Wheels On The Trail, avec le fantastique son Sfax. Retour sur Skydog en 2007 avec le premier album solo de Tony Marlow, Kustom Rock ‘N’ Roll. Extraordinaire album, il faut bien l’avouer. Pour la pochette, le Marlou grimpe sur sa bécane et se fait une petite banane. Il n’a vraiment pas besoin de la ramener, car tout le son du monde est là, dès le «Booze Fighters» d’entrée de gamme. Le bruit et la fureur ! Encore signé Marc & Tony. Ça pulse à cent à l’heure, ce démon joue à la vie à la mort, il fait couler des rivières de diamants. On imagine Marc dans sa cabine avec des yeux ronds comme des soucoupes, face au spectacle de ce guitariste. Eh oui, ces deux-là ne font que des bons albums. Il s’agit sans doute d’un cas unique en France. C’est tout de même incroyable que Marc ait soutenu le Marlou jusqu’au bout, allant même jusqu’à ressusciter Skydog pour sortir ses albums. Et puis voilà «The Missing Link» que le Marlou explose. Il explose tout ce qu’il touche, le swing, le rockab. Il pose bien sa voix sur le heavy pulsatif d’«Hot Rocking Mama» et ça devient vite génial. Le slappeur fou s’appelle Frank Abed. Avec «Cliff & Dickie», le Marlou rend un hommage vibrant aux Blue Caps. Il fait de la haute voltige et il en a les moyens. Puis ils s’en vont slapper «All Aboard» dans la gueule du loup. Le Marlou claque ensuite «Lonesome Rider» à la main lourde. Tout ce qu’il propose est bon, il chante au guttural de biker de banlieue puis il prend feu avec «Foolish Girl». Encore une fois, il est certainement le meilleur guitar slinger du continent. Il sait tout faire. Hommage à Chucky Chuckah avec «Uncle Berry», très haut niveau, il ramène tous les gimmicks. Tiens voilà un drum cut, «In Search Of Drums City», avec un Marlou en maraude, c’est du stash de jazz, mais avec un power considérable. Tu vas de surprise en surprise sur cet album. Il tombe plus loin sur le râble de «Big Sandy». Il te le claque derrière les oreilles, le Marlou est une brute magnifique, il enfonce bien le clou du before I die. Il termine cet album fantastique en mode doo-wop avec «Good Days Are Gone». Les chœurs sont marrants, ils font bomp bomp bomp comme des estomacs trop sollicités. Le Marlou s’amuse bien.

             Il y a un DVD avec l’album. Et pas n’importe quel DVD, un DVD Skydog ! On y trouve pas mal de choses intéressantes, notamment le clip de «The Missing Link» : un trio tape un coup de Surf craze incognito. Ils portent tous les trois des masques de catcheurs mexicains. Le guitariste joue sur une Dan Electro. Mais quand ils enlèvent leurs masques, ils sont tous les trois des Marlous. C’est donc un subterfuge. Et l’occasion de se souvenir que le Marlou faut autrefois un batteur. Le DVD propose ensuite un concert filmé à Boulogne en 2006 : le Marlou est accompagné sur scène par batteur et Betty Olsen à la stand-up. Le Marlou semble avoir grossi, en tous les cas, il porte un gros pantalon rouge qui ne l’amaigrit pas et il joue sur la Gretsch rouge assortie. Il nous fait le grand show Sun et montre à quel point il est un guitariste exceptionnel. Il joue son «Mystery Trrain» avec une délicatesse extrême, il n’en rajoute pas, ses figures de style sont tout bonnement des chefs-d’œuvre de dentelle de Calais. Jamais deux fois le même plan, byzantisme et fluidité à tous les étages en montant non pas chez Kate, mais chez Chet. Il élève encore le ton pour rendre un nouvel hommage à Elvis avec «My Baby Left Me» et comme si cela ne suffisait pas, il aligne le B-side, «Blue Moon Of Kentucky». Il est incroyablement crédible. Par contre, le «Stray Cat Strut» ne marche pas. Et avec la mèche qui lui tombe sur le front, il finit par ressembler à Jerry Lee. Exactement le même profil de killer. Espérons que tous les fans du Marlou aient pu voir ce concert, même en DVD. Car quel crack !

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             On reste sur Skydog pour l’excellent Knock Out qui date de 2009. Encore un album de Guitar Man et notamment une cover géniale de «Born To Be Wild», géniale car amenée au beat rockab - Hey baby/ Won’t you take a ride with me - Hommage suprême - Get the motor running - Il le prend à la bonne et l’arrose d’accords mortifères. Encore un cut de Guitar Man avec «Run Away From You», un petit groove bien cavalé et qui prend feu. Il fait encore la loi avec «Guitar Slinger». Tony Marlow est certainement le grand Guitar Slinger d’ici bas. Il claque sans peur et sans reproche. C’est un démon. Côté rockab, on est bien servi, tiens par exemple avec «Lou Cipher’s Place», il est en plein dans l’esthétique rockab avec des solos tirés à quatre épingles. Le slap fait des ravages dans «Get Krazy», pure rockab madness ! - Get krazy all nite long - C’est un véritable coup de génie, digne de Charlie Feathers et de Johnny Powers. On reste dans l’excellence rockab avec «Just The Talk Of The Town», ça te danse dans les oreilles, le slap d’Andras Mitchell est juste derrière le Marlou. Avec «Action Baby», il fait de l’Americana du Kentucky des Batignolles. Superbe ! Les autres cuts sont plus rock’n’roll, comme par exemple «A Furious One» qui porte bien son nom, joué vente à terre, ou encore «Fifty Nine Club» plutôt endiablé. N’oublions pas de saluer le «Ridin’ To The Ace» d’entrée de gamme que le Marlou chante à la glotte charbonneuse. Comme c’est enregistré chez Lucas Trouble et produit par Marc Z, tu as le meilleur son du monde. Mais ce sera le dernier album du Marlou sur Skydog.       

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              Avec Rockabilly Troubadour, il entame sa période Rock Paradise : deux albums solo et deux albums avec K’ptain Kidd, un tribute band à Johnny Kidd. Quand on le voyait chanter «Rockabilly Troubadour» sur scène, on ne le prenait pas vraiment au sérieux, sans doute parce qu’il chantait en Français. Et puis quand on écoute l’album, c’est complètement autre chose. Il cogne à la française et c’est assez demented. Peu de gens peuvent suivre. Ses solos frappent comme l’éclair. Ses textes en Français font le poids, ça dépote, avec de l’amour enchaîné et du nervous breakdown. En fait le Marlou s’impose comme poète du cuir et du baston dans «Le Cuir Et Le Baston» - Métro Simplon/ Pour une embrouille à deux francs - Il fait ce que Charles Trénet faisait en son temps, il chante soir et matin - Le début des rebelles/ Et on avait la vie belle - Il revient au rockab avec «L’ivresse». Mais contrairement au son Skydog, le slap est ici assez discret. Fatale erreur. Il devrait être à l’avant du mix. Le Marlou surprend encore avec son wild solo de clairette dans «Debout». Retour au rockab avec «Le Garage» - Sous le capot, ça tambourine - Rien de tel qu’un garage pour voir monter la température de la voisine. Il fait tout rimer avec garage. Avec «Le Prochain Train», il salue Johnny Burnette. Le Marlou va le chercher les yeux dans les yeux, il claque son train en français et passe des solos de clairette - Accident lumière blanche/ Je me sens bien - Il fait un «Get The Motor Runnin’» en deux parties - C’est pas l’enfer ici/ Pas non plus le paradis - et passe au fast rock’n’roll avec «Laissez-Moi Dormir» - Hey hey hey laissez-moi dormir - Il tape dans le tas, il chante dans le feu de l’action, c’est très puissant.  

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             Dans Surboum Guitare, on trouve un cut qu’il faut bien qualifier de mythique : «Quand Cliff Gallope». C’est l’hommage suprême au Gallopin’ Cliff Gallup. Le Marlou peut se permettre de jouer avec le feu. Quel swing ! - Cliff Gallup go bop go ! - Il sait même jouer le Gallup, comme d’ailleurs Jeff Beck. Autre pièce de choix : «Et La Fuzz Fut». Le Marlou finit par taper le big fuzz out. Encore un hommage de choix à Carl Perkins avec «Guitar Show» qui est en fait le vieux «Movie Magg». C’est un petit chef-d’œuvre d’Americana. Avec «Les Guitares Jouent», il adapte Lee Hazlewood en français, mais ça ne marche pas. Sans doute le côté trop Batignolles, trop volontariste. Avec «Tu Me Quittes», il fait l’Elvis de «My Baby Left Me» au slap, il tente le coup et ça passe. Le Marlou se dit bienheureux, il claque ses chords à la volée, il est rayonnant. Avec «Au Rythme Et Au Blues», il repart dans le Chucky Chuckah, on se croirait chez les Stones. Retour à son terrain d’excellence avec «Le Swing Du Tennessee». Le Marlou est unique en son genre, il engage de sacrées guerres intestines avec le slap. Comme il ne se refuse rien, il tape dans Duane Eddy pour «Jerk & Twang». T’en connais beaucoup des guitaristes français de ce niveau ?

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             Et puis voilà les deux tribute albums à Johnny Kidd. Le Marlou porte le patch du Kidd et monte K’ptain Kidd avec Gilles Tournon (bass) et Stephane Moufler (beurre) en 2015. C’est le morceau titre qui ouvre le bal de Feelin’, au pur baby baby de dark piraterie. Killer en diable. Il fait du heavy boatin’ de la flibuste sur «I Can Tell», il reprend le contrôle du love me no more, il croise avec ses hommes en mer des Caraïbes, ils sont marrants, ils se prennent pour des vrais pirates. Le Marlou s’est crevé un œil pour la pochette. Du coup il joue comme une bête. Il tape dans le dur des Portugais avec cette belle mouture de «Shakin’ All Over». Il est parfait dans l’idoine. Copie conforme. Il tape «Weep No More My Baby» d’une voix de Marlou, c’est joué à la pointe du fan club. Il tape encore dans l’excellence avec «Doctor Feelgood», mais Mick Green n’est pas là, même si le Marlou multiplie les attaques de piraterie. Il ramène une autre énergie qui est la sienne. Il est trop parisien pour faire l’Anglais. Dans ses pattes, «Longin’ Lips» devient une belle énormité. Il prend le chant d’«I Just Wanna Make Love To You» avec un courage indiscutable. C’est heavy et plein de jus. Puis il nous pulse un «Please Don’t Touch» au génie pur, il l’explose autant que le fit Lemmy en son temps, il le tape à la hargne pure. Il couve son groove sous la cendre, c’est une spécialité. Il termine avec une version française du Shakin’, «Le Diable En Personne». Il adore cogner dans les tibias.

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             Le deuxième album s’appelle More Of The Same et paraît la même année. Sans doute a-t-on avec ces deux albums le plus bel hommage à Johnny Kidd, en tous les cas le «Goin’ Back Home» est un véritable coup de génie. Le Marlou plonge dans la démesure de la flibuste avec une délectation extrême. C’est tellement pilonné qu’on croit entendre des rafales de coups de canon. Le Marlou outrepasse ses droits, il allume comme vingt bouches à feu. Il faut saluer son génie sonique. Même chose avec «Some Other Guy», tiré d’une rare BBC session pour une séance de heavy Kidd. Troisième bombe : «Castin’ My Spell» qu’il claque à la clairette de Tele. Le Marlou est diabolique, un vrai Barbe-Noire, il ravage tout, il est l’Attila de la flibuste. Il fait le tour du propriétaire, pas de problème. Avec «Restless», il épouse la moiteur des cuisses, il plonge dans le kitsch de fête foraine à coups d’accords de concorde. Tout ce qu’il joue est pur. Retour au swing avec «Bad Case Of Love» et il fait son Elvis sur «Ecstasy». Avec le temps, il a fini par apprendre à poser sa voix.   

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             Et pour finir ce petit panorama en beauté, voici l’album sans titre des Bandits Mancho paru sur Skydog en 2002. Big album de swing ! Le Marlou te met au parfum avec une entrée de gamme en forme de triplette de Belleville : «Nocturne Swing»/ «Pourquoi»/ «Paris Boogie». Welcome ! Doo wap bap-bap, ce démon de Marlou doo-woppe la Bastoche au bop-bop de swing fastoche, Frank Abed slappe et Gilles Ferré saxe. Avec «Pourquoi», tu as le meilleur swing de chaussettes et de cacahuètes, c’est le summum du swing, avec le solo de sax - Je ne veux que toi/ Tu ne veux que moi/ Je suis fou de toi/ Tu es folle de moi/ Mais ça ne colle pas/ Pourquoi ? -  Avec «Paris Boogie», il passe au swing de la Porte de Saint-Cloud, au swing de quel gâchis à Parmentier, il claque des solos déments et redore le blason de la poésie de Paris. Dans «Sammy La Débrouille», il fait son Verlaine - Dimanche matin aux Puces de Saint-Ouen/ Y’a de la chine dans l’air/ Vazy que j’t’embrouille/ Ni vu ni connu c’est Sammy la Débrouille - Il joue aussi avec le feu dans «Zazie & Le Zazou», car Zazie n’est pas zen au métro Saint-Lazare. Il fait tout le cut au Z de Zazie, du zoom au zizi en passant par la zizanie, c’est du pur zus, Zazie elle fait des bizous, mais le zig il veut du zazou. Et ça part en drive de zigounette et de zigouigoui. Fabuleux vent de liberté ! Pur Dada ! On le voit ensuite swinguer la petite Italie avec «Prima Donna». Il connaît tout et Marc Z lui amène une fabuleuse orchestration. Là tu as tout, même la Nouvelle Orleans - Au pays des Bandits Mancho/ Tout le monde est rigolo - Pur jus de Marlou - Ça balance terrible/ Dans la Petite Italie - Encore une fantastique leçon de swing avec «La Poupée De Magazine» : Slap + jazz guitar + sax, là c’est du sérieux. Marc Z est sur le coup. Fantastique leçon de swing. Swing toujours avec «Du Bon Côté» - Prends la vie du bon côté/ C’est une chouette philosophie - Hommage à la booze avec «J’vais M’en J’ter Un Derrière La Cravate». Il fait rimer la cravate avec l’alcool de patate, c’est un seigneur du swing - J’aime mieux ça que de m’casser une patte - et le Marlou part en vrille de swing. Il finit avec un autre coup de génie swing, «J’ai J’té La Clef» - C’est ça qu’est bon/ C’est ça qu’est bon - Il dit qu’il a j’té la cléf dans l’tonneau d’goudron, ah oui c’est bon, le Marlou est content, ça s’entend, il faut voir comme ça swingue ! C’est ça qu’est bon. Il naviguait alors dans les mêmes eaux que l’early Sanseverino. Magnifique artiste.

    Signé : Cazengler, Tony Marlourd

    Rockin’ Rebels. Frogabilly. Underdog 1980

    Rockin’ Rebels. World Rockin’. Skydog 2001 

    Rockin’ Rebels. Elvis Calling. Skydog 2005 

    Betty & The Bops. Betty & The Bops. Skydog International 1992 

    Betty & The Bops. Pin-Up Confidential. Skydog International 1995  

    Tony Marlow. Kustom Rock ‘N’ Roll. Skydog 2007

    Tony Marlow. Knock Out. Skydog 2009        

    Tony Marlow. Rockabilly Troubadour. Rock Paradise 2013   

    Tony Marlow. Surboum Guitare. Rock Paradise 2017 

    Bandits Mancho. Les Bandits Mancho. Skydog 2002

    K’ptain Kidd. Feelin’. Rock Paradise 2015

    K’ptain Kidd. More Of The Same. Rock Paradise 2015

     

     

    Spencer moi un verre, Jon - Part Three

     

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             On aurait pu surnommer Jon Spencer The Fantastic Prolific. Pendant vingt ans, cette espèce de projet conceptuel baptisé The Blues Explosion a alimenté les bacs des disquaires. Sans compter tout le reste qui a fait l’objet d’un Part Two. Ce trio qui passa de statut de Jon Spencer Blues Explosion à celui de JSBX prit dans les années quatre-vingt-dix l’allure d’un Graal. Le JSBX ne s’inscrivait dans aucune lignée. Leur grande force fut de créer un style de hot sharp shit à base d’exactions et de c’mon ! Look, son, modernité de ton, il ne leur manquait absolument rien pour devenir énormes. Ils remplissaient l’Élysée Montmartre. Jon Spencer fut à l’âge d’or du JSBX une parfaite réincarnation d’Elvis. Il portait d’ailleurs un ceinturon à boucle marquée Elvis. Et comme Elvis, Jon Spencer est non seulement un shouter hors normes, mais aussi l’un des hommes les plus iconiques de sa génération. Autant dire que ces vingt années de BXmania furent passionnantes. On guettait la parution de chaque nouvel album avec de la bave aux lèvres.

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             Premier filet de bave avec le sobrement titré The Jon Spencer Blues Explosion. Jon Spencer est passé de Pussy Galore au JSBX sans rien changer. Trash-boom à tous les étages. Le son, la dégaine, le mépris des lois, la délinquance latente, la sale teigne, tout est resté intact. L’album ne compte pas moins de deux coups de génie, «Rachel» et «Chicken Walk». Jon Spencer tape sa Rachel au rumble de hard boogie. Ils défoncent Rachel tous les trois à coups de raw to the bone, et ça hurle à la bravado. C’est du pure génie d’interpolation, ça râpe du raw dans la pression du boogie. Encore du pur jus de raw avec «Chicken Walk», ya ya ya, Jon Spencer rappe ses vocaux au gras du bide, ouh ! Let’s go ! il folâtre dans les culottes de cheval, c’est un vrai lièvre, il chante au sec et net, il a déjà tout le JSBX dans les mains, tout le scream d’apoplexie. Infernal ! Russell Simins se tape la part du lion dans «Eliza Jane» et «Biological», deux cuts de batteur : il bat ça à la diable comme Baba Chanelle. Pas de pire pilon que Russell Simins. Attention au «Write A Song» d’ouverture de bal. Ce genre de cut donne le ton d’un nouveau genre. Les journalistes vont l’appeler blues-punk. Mais ça va beaucoup plus loin que ça. Jon Spencer pousse le trash dans les épinards, il ne respecte rien. C’est battu à l’alternative. Il dit qu’il write a song, tu rigoles ? Il est complètement possédé, il hoquette du yeah yeah yeah comme un messie victime d’une embolie. Il enchaîne avec un «IEV» ultra violent, un vrai coup dans la gueule. Impossible de l’éviter. Pas la peine d’épiloguer. Si on aime les solos de guitare en forme de glou-glou dubitatif, alors il faut écouter «78 Style». Jon Spencer sait aussi s’exacerber, il peut refaire l’Artaud du Jugement de Dieu, il plonge son rock dans l’extrémisme rougeoyant. On tombe plus loin sur un «History Of Sex» claqué aux pires enclaves du conclave. C’est tendu et barré. Par contre, voilà un «Comeback» tapé au dépouillé de la dépouille. Les JSBX sont les princes de l’exaction. Ils emmènent leurs cuts au bagne du rock, pour qu’ils en bavent. Ils rockent leur hot sharp shit en toute connaissance de cause. Jon Spencer passe son temps à tartiner du heavy glissando de loneliness. Et ça va continuer ainsi pendant au moins douze albums. Bon courage, les gars !

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             Crypt-Style sort sur Crypt en 1992. On y retrouve tous les coucous du premier album, «Rachel», «Chicken Walk» et bien sûr «‘78 Style» avec son rentre-dedans et son solo à l’étranglette aigrelette. Ici tout est formaté pour blow-outer les usages, le JSBX sonne comme un destin auquel personne ne peut échapper. «Like A Hawk» rappelle Pussy Galore, mais en vol plané, et «Loving Up A Storm» sonne comme de la hot sharp shit de choc mal torchée. Judah Bauer joue en franc-tireur sur les arrières du sonic bash. Ils jouent «Support A Man» au gras double de saindoux. C’est comme s’ils coulaient le bronze d’un mythe. Avec «The Feeling Of Love», Jon Spencer cultive la folie douce sur un air d’harmo et «Kill A Man» se veut trépidé du bidet et assez abject dans son déballage. Spencer adore cisailler, c’est son péché mignon. Il va passer vingt ans à cisailler, concasser, démolir. Ça ne plaira pas à tout le monde, c’est le moins qu’on puisse dire.

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             L’année suivante paraît Extra Width. Début de l’ère Matador. Et c’est là qu’on trouve l’excellentissime «Soul Typecast», l’un des hits du JSBX, fabuleuse pépite de groove ramonée par le riff d’appui, un cut qu’aurait adoré Elvis. Judah joue à l’écartelée, il monte ça en hostilité dans un coin du groove et joue sur la longueur. Une folle vient crier ‘Typecast !’ sous le nez du riff. Quelle classe ! Ils passent en mode heavy blues contrebalancé pour «History Of Lies» - It’s fine and it’s cool at the same time - Ils ralentissent dans les virages et veillent au grain de la virulence. Ils réussissent parfois l’exploit de jouer des cuts frénétiques et statiques à la fois, comme ce «Black Slider» qui fait du sur-place. Et le «Pant Leg» qui ouvre le bal de la B sonne afro-cubiste moderniste d’entente cordiale. ««Hey Mom» vaut pour l’un des sommets du concassage. Spencer et ses deux lieutenants font parfois du son sans objet précis, ou plutôt de la déstructuration, pour être plus précis. Cet album paraît à la fois plus problématique et plus aventureux que le précédent, comme s’ils cherchaient une voie nouvelle. Le corollaire de cette hypothèse est un Bootleg intitulé Live 11-23-93. Intéressant, car sur scène, les cuts énergétiques frisent une sorte de démesure apoplectique, notamment «‘78 Style» embarqué au riffing élancé. Ils jouent le même riff dans «Sweat» - That’s the sweat/ Of the Blues Explosion - La dynamique du trio prend une allure infernale. «Soul Typecast» passe comme une lettre à la poste et «Water Main» se révèle absolument déterminant. C’est dingue comme on a pu adorer ce groupe sur scène.

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             Avec Orange, on entre dans une sorte d’ère classique. C’est ici qu’on trouve la version studio de «Sweat», l’autre grand hit du JSBX. Ils savent groover la couenne d’un cut. L’autre hit d’Orange est le «Brenda» qui ouvre le bal de la B. C’mon ! Il traîne sa Brenda dans le heavy beat sourdingue, Brendaaaa ! Il faut voir comme il la réclame. Par contre, dans «Bellbottoms», tout est déboîté de la clavicule et ils nous riffent «Ditch» à la torchère. C’est complètement ébaubi à la volée, claqué à la claquemure, ça gicle dans l’œil du typhon. Puis ils nous cavalent «Dang» ventre à terre, ça tagadate dans la pampa et ça ratiboise sans pitié. En prime, Spencer nous thérémine  tout ça jusqu’à la moelle. On sent une énergie considérable, sur cet album, peut-être même un peu trop. «Full Grown» sonne comme une overdose : trop de concasse, trop de démantibulage, trop d’esquisses de jambes brisées. Par contre, on se régale de «Flavor» et de sa belle déglingue. Ils nous tarpouinent ça dans la cuvette, même si la formule paraît tourner en rond dans l’arène des pommes.

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             C’est sur Mo’ Width que se niche la perle parmi les perles : «Memphis Soul Typecast». Voilà le hit parfait. Rusell attend un peu pour jouer. Doug Easley joue de l’orgue et ça sonne comme le Sir Douglas Quintet. Jon Spencer ramone son riff et Christina chante à la surface du meilleur groove de Blues Explosion of the United States of America, qu’elle répète, et derrière elle, Jon Spencer ramone son riff - Fried chicken & rice & coffee/ Mashed potatoes/ Italian dressing/ Blues explosion/ Mummmm ha ha ha ! - Elle éclate de rire. C’est le groove génital par excellence. L’un des joyaux de la couronne. L’autre coup de génie s’appelle «Out Of Luck» - Ouh ah ! - Il tremblotte de génie suicidaire, poussé dans le dos par le sax de Kurt Hoffman, c’est vite emballé et pesé, Spencer sort le Grand Jeu, c’est-à-dire les guitares et le sax. Joli coup de Stonesy avec «Wet Cat Blues». Spencer travaille son heavy blues au corps, il vise le non-respect des conventions. Il déguise sa Stonesy. Ce «Wet Cat Blues» pourrait très bien se trouver sur Exile, un album que Spencer connaît d’ailleurs très bien. «Afro» sonne comme un gaga groove intrinsèque, c’est-à-dire joué de l’intérieur. Awite ! C’est bardé de relances métaphysiques. Le groove de gratte est tellement présent qu’il semble intraveineux. Par contre, Spencer sort un son d’une incroyable sécheresse pour «Cherry Lime». Il chante dans le fond du son, loin derrière. Il n’est pas homme à se mettre en avant. Il pousse des hurlements déconnectés de la réalité. Il amène son «Johnson» au petit gratté de non-recevoir. Il sait très bien ce qu’il fait. Il œuvre en lousdé. Il se glisse derrière le groove. Spencer est un petit renard du désert. Il peut même miauler - Johnson ! Miaaaahhooo ! - Il sait allumer une mèche et doser le suspense. C’est tellement bien dosé qu’on s’incline. Ça finit bien sûr par exploser.

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             Autre grand classique du JSBX, Now I Got Worry paru en 1996. C’est l’album exacerbé par excellence, bien amené par «Skunky» que Spencer screame à gogo. Ça riffe et ça pulse dans la bouillasse. Le hit de l’album s’appelle «Wail», joué à l’insistance fondamentale. Belle dynamique de sex boogie, ju-ju-ju go to hell ! Fabuleuse énergie de l’idée. L’autre gros coup se trouve en B : «Firefly Child», amené au riff de destruction massive à la Blue Cheer. Il fallait oser le faire. D’autant que Spencer calme le cut incidemment avec des exercices de chat perché délinquant. En fait il pompe sans le savoir le riff du «Black Dog» de Jimmy Page. Si on aime le riff, alors il faut aussi aller regarder de près «2Kindsa Love», car ça riffe jusqu’à plus soif, dans un chaos étourdissant de cassures de rythme. Ils font de la cisaille industrielle. Il bouclent l’A avec un admirable clin d’œil à Rufus Thomas : «Chicken Dog». On entend même Rufus à l’entrée du cut. Ils nous jouent en B «Hot Slot» sous le boisseau du Blues Explosion - Ahhh gimme love - et passent au rumble de piano pour fusiller «Can’t Stop» dans les règles, avec du volume et une certaine distance altière.

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             Le live Controversial Negro sort dans le foulée, avec un portrait de Jagger sur la pochette. On y retrouve bien évidemment toute la quincaillerie du JSBX, le groove de gras du bide de type «Can’t Stop», do it do, il raconte n’importe quoi, un «Son Of Sam» screamé dans le gasoil de son a bitch, un «Skunk» en B qui ressemble au paradis du break de syncope, et «Fuck Shit Up» qui va encore plus loin dans la syncope de beat fucked up. Spencer ne jure que par le blast. Il chante comme un bouc en rut. Il hurle dans le désert. Tout est grillé d’avance. Russell Simins emmène «Hot Slot» à l’énergie rockab. «Get With It» ? Pas de pire punition au jardin de Sodome. Ça pulse et ça gueule. On voit bien qu’avec «Cool Vee», le JSBX s’inscrit dans l’action de son temps. Ils incarnent parfaitement le wild side du rock US, une espèce de free spirit incandescent. Ils roulent leur «Afro» comme une grosse chipolata dans la farine d’awite et se livrent à un extraordinaire festival de retours de manivelle dans «Blues Explosion». Une fois de plus, ils sonnent comme le groupe de rock américain idéal. Sharp & hot on heels. Fantastique festin de warghhhh !

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             Autre gros classique de la JXmania, voici Acme, paru en 1998 sous une belle pochette écarlate. Sans doute l’un de leurs albums les plus denses, qu’il faut écouter en fin de soirée, lorsque l’alcool et la compagnie sont triés sur le volet. On est bien obligé de parler d’un coup de génie avec «Talk About The Blues», car le JSBX envoie gronder des infra-basses. Ils jouent à la terrific heavyness du Loch Ness. Punchy and dark. Ça cogne bien l’estomac. L’autre cut mystificateur s’appelle «Do You Wanna Get Heavy». Il s’agit d’un fabuleux slow groove chanté à la glotte généreuse d’un authentique stentor et rehaussé d’une soudaine percée d’achalandage vitupérant. Avec «High Gear», ils reviennent au big bad riffing - High gear baby - Ils mutent le trash-punk en débinade inusitée. Encore une fois, il faut savoir le faire. Ils passent à la pop avec «Magical Colors». Ça leur va plutôt bien et ça nous repose de tous les excès de violence. Jon Spencer se fend là d’un joli groove de Soul. Étonnant revirement de la part de cette équipe de forcenés du concassage et du freakout. Ils reviennent aux infra-basses avec le «Lovin’ Machine» d’ouverture du bal de B, big heavy suburban sound. Ce démon de Spencer parvient tout simplement à inventer le trash-blues new-yorkais du futur. Rien de moins. On les voit aussi traîner «Give Me A Chance» dans une épaisse boue de disto. Ah comme ces brutes sont cruelles ! Elles ne respectent rien.

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             Paru la même année qu’Acme, Acme Plus grouille de grosses poissecailles, tiens comme ce «Wait A Minute» qui incarne l’exacerbation. Spencer fait bien monter sa sauce - Hold on !/ I can’t wait no more - À cet instant précis, il devient le maître du monde. Il sait faire monter une sauce. C’est le JSBX Sound par excellence, avec ses relents de ferveur géniale. Mais il est aussi capable de proposer des tas de cuts qui ne servent à rien comme «Get Down Lower». Il fait des ravages avec «Confused», c’mon do it ! Jon Spencer cherche un passage vers un monde meilleur, keep comin’ hey ! Il n’en finit plus de relancer, keep comin’ ! Confused ! I don’t know why ! I’m feeling so confused ! Magistral. Judah joue ensuite «Magical Colours» à la clairette de Die. C’est le côté angélique du JSBX. Spencer croone et challenge les filles des chœurs. Il revient plus loin avec un «Bacon» plus violent. On le sent déterminé à baconner, awite ! C’est bombardé d’électrons. Spencer sonne comme un B52 et derrière, Russell sonne comme le tambour des galères. Puis ils tapent «Blue Green Olga» au ouh ! et aux machines. C’est explosif - Ouh ! She is blue green/ She is blue/ And I love her/ yes I do - Spencer lance sa petite insurrection, so I do ! Ouh ! C’mon Olga ! Ouh ! Il est le plus fantastique pousseur d’ouh de l’histoire du rock. Back to the heavy groove avec «Heavy». Il nous groove son «Heavy» sous le boisseau. Il fait ça mieux que tous les autres, avec des coups de gratte bien pires. «Lap Dance» nous plonge une fois de plus dans l’excellence de l’apanage. Ils déroulent le tapis rouge de leur diskö beat pour Andre Williams. Spencer chante ensuite «Right Place Right Time» à l’excédée, il shake le vieux Right Place du Dr John à la démence de la prestance, il roule ça dans la fantastique farine. On est dans la spencerisation des choses et il enchaîne avec «Electricity» où volent des oiseaux d’acier. Ils rasent la ville et on entend des chœurs de punks anglais qui ont bu trop de bière. Retour des grandes énergies avec «New Year», il monte sur les barricades, do it ! Yeah ! Le JSBX ramène des relents de Third World War, tout est tellement noyé de riffalama qu’on finit par ne plus savoir quoi dire ni penser. Il nous en bouche encore un coin avec «TATB (For The Saints & Sinners)», un gospel batch à la JSBX, yeah fait la foule et un heavy bassdrum rentre dans la gueule du bénitier - Ah don’t play blues/ Ah play wock and awl - C’est télescopé de plein fouet, seul un fou du son comme Spencer peut réussir un coup pareil, ouh ! Sa voix oscille comme celle de Martin Luther King, il nous emmène aux confins de la pire légende - I saw a brand new day ! - Mais au bout d’un moment ça ne marche plus, comme le montre l’«Hell» qui suit. Le c’mon do it finit par générer du gros bâyé aux corneilles. Il termine cet album mirifique avec un slowah torride intitulé «I Wanna Make It All Right». Il connaît tous les secrets de l’insufflé. Il shoote tout son power entre les cuisses du cut. Quelle violence !

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             Ce Sideway Soul + Dub Narcotic System date de 1999 et Spencer fait du banana split dès «Banana Version». Il relance sa machine à formules avec une belle brutalité et nous gratte ça au big heavy shuffle d’I got the move et de come on now baby ! Son truc c’est d’allumer la gueule d’un cut, I got to do it ! Look out baby ! Il drive bien son hot sharp shit de choc. Il reprend plus loin les rênes de «Fudgy The Whale» et met Calvin Johnson au-devant de la devanture. Ils chantent ça à deux, yeah !  C’mon jump ! Spencer n’a aucune patience. Il nous claque ça les deux doigts dans le nez. Il ramène «Frosty Junction» comme une espèce d’emblème de la modernité. Il fait entrer un klaxon dans son groove de crocodile, c’est indécent, on peut même parler de belle idée inconvenante. On a là une vraie tentative de son, une réelle approche de l’inconvenance en tant que concept. Retour au heavy groove avec «Diamonds». Il trempe dans toutes les combines de baryton du diable, il soigne son cut au ripe the ice, yeah ! Pur jus de crazy diamond. Le morceau titre flirte dangereusement avec le heavy garage et génère du groove des enfers. Spencer gratte sa gratte dans le vide, c’mon do it ! Ils terminent avec un «Calvin’s On A Bummer» saturé de heavy boom boom. Spencer joue à l’attardée, il gratte de vieux relents, il sait de quoi il parle.

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             Sacré retour de manivelle que ce Plastic Fang qui date de 2002. Le coup de grisou de l’album s’appelle «Hold On», il y invoque les démons du Funky Broadway, baby baby ! Et ça gratte dans l’os du genou, il roule pour nous, hold on baby ! Let’s get it ! Après le coup de grisou, voilà le coup de génie : «She Said». C’est du JSBX explosif porté aux nues. Quel excellent puncher ! Il atteint l’inaccessible étoile. Il faut bien dire que le «Sweet N Sour» d’ouverture de bal vaut aussi le détour, car très dévastateur, summum du punch-up, Spencer soigne sa droite. Un départ en solo couronne son aura brûlante de détermination. Russell déboule derrière à la déboulade. Ces mecs ne s’accordent aucun répit. Avec «Money Rock’n’Roll», Spencer pulvérise ses records de c’mon let’s go et gratte le plus gras des gimmicks qu’on ait vu ici bas. Voilà un «Torn Up And Broke» assez rampant, chanté à l’haleine chaude. Il croone dans l’âme du son, et il a cette façon d’éclater le Pont des Arts du rock - I feel so hurt - Il n’y a que lui pour diluer une telle huile. Il s’agit là d’un album assez exceptionnel, tout est joué au délié de groove enrichi et le son suinte de réverb. Il repart de plus belle avec «Shakin’ Rock’n’Roll Tonight», get down ! C’mon rock’n’roll ! Il pousse bien le bouchon de l’interjection dans les orties, avec un solo gras à la clé. Il n’en finit plus de réinventer la façon de jouer le rock, well alrite ! C’mon ! «The Midnight Creep» sonne comme du typical JSBX, bien amené à la ramasse de la rascasse, Spencer harangue les bras cassés de l’underground, right now ! Il claque bien le cocotier des cloches, c’est même exemplaire. Il faut bien admettre que ça reste assez spectaculaire, babe c’mon ! Crazy as hell ! Il est indispensable de se plonger dans cet album pour en goûter la fleur. Tout est gonflé de son, bien ramoné de la cheminée. Slowah magnifique de ce «Mother Nature», comme orné de chœurs de Judah, c’est la Beautiful Song par excellence, claquée aux accords clinquants avec toutes la fièvre adolescente du gonna be wasted. Il termine avec un «Mean Heart» gratté à l’acou. Spencer sonne comme un desperado des Basses Alpes. Il passe par tous les défilés, c’est joué à l’excès de légendarité. Final apoplectique. Voilà encore un cut digne des plus gros hits du temps d’avant.

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             En 2004, le JSBX jouait à l’Élysée Montmartre pour la promo de Damage. Ni le concert ni l’album n’ont laissé un grand souvenir. Spencer prend son morceau titre à l’intimisme de la déconstruction et impose le stomp des ladies & gentlemen. Damage ! C’est heavy et bien épais. Ils réveillent les vieux instincts avec «Burn It Off», c’mon ! Spencer lance ses troupes de chœurs superbes, il fait sa soupe et vient couiner à l’encoignure du couplet. Voilà un cut réellement conçu pour enflammer. Ils proposent plus loin un «Crunchy» bien crunché, doté d’un bon groove de hardship. Spencer s’amuse bien, il est dans l’abattage de groove. Puis avec «Hot Gossip», il revient au vieux Memphis Soul Typecast. Get on up ! L’autre très gros cut de l’album s’appelle «Mars Arizona», c’est explosé de son, auto-submergé, martelé, pourri d’infra-basses, uh, c’mon ! Terrific ! Tout le son du monde est là, les basses dévorent le son, c’mon, on n’avait encore jamais entendu un truc pareil. Avec Jon Spencer, il faut rester sur ses gardes, ce mec est capable de coups de génie. La beauté plane sur «You Been My Baby» comme un vautour et ils amènent «Help These Blues» à la pompe Spencer. On tombe ensuite sur un «Fed Up And Low Down» assez démantibulé. On peut leur reprocher cette incartade, mais ils se rachètent avec un départ en virée de folie. Extraordinaire dévoyade ! C’mon !

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             Paru en 2012, Meat And Bone est l’archétype de l’album antipathique. La pochette nous offre le spectacle d’un gros tas de barback suspendu en l’air à côté d’un crochet de boucher. Il faut avoir l’estomac bien accroché pour aller écouter ça. Pas de hit, ici, mais du décarcassage. Ils violentent le beat du «Black Mold», le jouant au limon trash-blues avec des effets de complémentarité sonique du meilleur cru. Mais très vite, on s’aperçoit que le JSBX tourne en rond. Ce qui semble logique vu leur peu de goût pour la mélodie. Ils proposent un «Boot Cut» profilé sous le vent, comme porté par une bassline entreprenante. En B, «Bottle Baby» sonne comme un sauveur d’album avec son joli mélange de déclamation expéditive, d’exaction de buzz fuzz et d’arpèges luminescents. Ils touillent vraiment leur soupe en toute impunité. On sent une tentative de songwriting dans «Black Thoughts». Spencer aménage des climats et on accueille chaleureusement les relances aventureuses. Mais l’album peine à plaire. On se remonte le moral avec la photo du groupe qui orne le dos de la pochette. Russell Simins a grossi, Judah Buaer semble de plus mélancolique et Jon Spencer prend un tout petit coup de vieux, oh pas grand-chose. 

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             Freedom Tower. No Wave Dance Party 2015 paraît en 2015. Serait-ce le dernier album du JSBX ? Allez savoir. Ils nous refont le coup des infra-basses avec «Wax Dummy». C’est même du hip hop, du pur jus de New York Sound - Let’s get down - Le hip hop leur va comme un gant de cuir clouté. En A on trouve encore un «White Jesus» axé sur le vieux heavy groove. Avec cet album encore plus expérimental que les précédents, Spencer cherche la voie de la rédemption. En B, on tombe tout de suite sur l’excellent «Crossroad Hop», un heavy groove qui tourne en rond. Look out ! Ils ne savent plus comment avancer, mais ça ne les empêche pas d’enregistrer. C’est probablement le hit du disk, ils nous le bardent de gimmicks de blues, ça dégouline de gras, avec un brave beat bien fiable. Plus loin, Spencer chante «Dial Up Doll» avec de faux accents de Lou Reed. Stupéfiant dans l’approche du chant et la façon de battre les accords. C’est du panache de type Velvet et la nouvelle d’un rapprochement aussi inespéré, ça s’arrose.

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             Attention à Jukebox Explosion. Rockin’ Mid-90s Punkers, une compile parue en 2007 sur In The Red. C’est l’album du JSBX qu’il faut emmener sur l’île déserte. Larry Hardy a compilé des singles qui relèvent tous de l’énormité catégorielle. On y trouve deux clins d’yeux aux Stones, «Ghetto Man» et «Do Ya Wanna Get It». Steve Jordan joue sur «Ghetto Man» et Hardy dit qu’en studio Jordan interdit l’alcool et les jurons. C’est nous dit aussi Hardy un full tilt boogie punker. Steve Jordan est ce batteur génial qui joue dans les Xpensive Winos de Keef. Sur le puissamment chanté «Do Ya Wanna Get It», on retrouve Dr John au piano. Suprême fuzzbuster, pur jus de Stonesy. En B, trois énormités nous décrochent la mâchoire : «Bent», «Fat» et «Down Low». Hardy qualifie «Bent» de punkified monster et il a parfaitement raison. Jon Spencer fonce dans le mur du son et le percute avec tout le poids d’un bélier de l’antiquité. Motherfucker ! C’est l’un des cuts les plus fascinants du JSBX, tous mots bien pesés. Spencer chante «Fat» en miaulant. Il est admirable. C’est nous dit Hardy du heavy duty trashin’ et un sax chauffe le cut à la Fun House de Marrakech. «Down Low» est encore plus wild que le Far West de Buffalo Bill, d’autant que superbement battu par Russell et poivre. «Latch On» n’est que du pur jus de Pussy Galore, un cut qu’Hardy qualifie d’intense raver. Et il a raison, encore une fois. Ils jouent «Shirt Jac» à l’énergie rockab, belle dégelée d’hot sharp shit, hi speed raver, for sure. L’un des cuts vraiment spectaculaires de cette foire à la saucisse est la reprise du «Son Of Sam» de Chain & The Gang, rehaussée par le sax de Kurt Hoffman qui nous sort là un son irrationnel et provocateur - Son of a bitch ! - Encore un hommage à Rufus Thomas avec ce «Train #3» enregistré chez Doug Easley à Memphis, pas moins. Ah ! Uh ! Spencer encaisse bien les coups. Steering stomper nous dit Hardy en parlant de «Caroline». Il a encore raison, le bougre, pas de stomper plus sneering que celui-là. Puis le JSBX rend hommage à David Yow, le chanteur fou de Jesus Lizard, avec «Naked», car nous dit Hardy, Yow se mettait couramment à poil sur scène. On tombe plus loin sur une reprise du mighty «Get With It» de Charlie Feathers et Boss Hog fait irruption dans ce smokin’ romper qu’est «Showgirl PTS 1 & 2». Enfin bref, c’est un album qui ne craint ni la mort ni le diable. On y va les yeux fermés.

    Signé : Cazengler, Spencer les fesses

    Jon Spencer Blues Explosion. The Jon Spencer Blues Explosion. Caroline Records 1992

    Jon Spencer Blues Explosion. Crypt-Style. Crypt Records 1992

    Jon Spencer Blues Explosion. Extra Width. Matador 1993

    Jon Spencer Blues Explosion. Orange. Matador 1994

    Jon Spencer Blues Explosion. Mo’ Width. Au Go Go 1994

    Jon Spencer Blues Explosion. Now I Got Worry. Matador 1996

    Jon Spencer Blues Explosion. Controversial Negro. Matador 1997

    Jon Spencer Blues Explosion. Acme. Matador 1998

    Jon Spencer Blues Explosion. Acme Plus. Mute 1998

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    Jon Spencer Blues Explosion. Extra-Acme. Toys Factory 1999

    Jon Spencer Blues Explosion. Sideway Soul + Dub Narcotic System. K 1999

    Jon Spencer Blues Explosion. Plastic Fang. Matador 2002

    Jon Spencer Blues Explosion. Damage. Mute 2004

    Jon Spencer Blues Explosion. Meat And Bone. Bronzerat 2012

    Jon Spencer Blues Explosion. Freedom Tower. No Wave Dance Party 2015. Shove Records 2015

    Jon Spencer Blues Explosion. Jukebox Explosion. Rockin’ Mid-90s Punkers. In The Red 2007

     

    Wizards & True Stars

    - Le cas Dave est encore chaud (Part Two)

     

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             Dans la cour des grands, on croise aussi les frères Davies. Ces deux banlieusards ont monté dans les early sixties un joli fonds de commerce, les Kinks. Leur petit biz est même devenu une institution, du même ordre que celles des Stones ou des Who. Ray et Dave Davies ne sont rien l’un sans l’autre. On a en France une fâcheuse tendance à vouloir tout résumer à Ray, grave erreur, car pas de Kinks sans Dave. Les frères Davies ont quatre volumes autobiographiques à leur actif, deux chacun, mais nous allons donner la priorité à Dave pour entrer dans le jardin magique des Kinks.

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             Dans un récent numéro de Classic Rock, Dave acceptait gentiment de répondre aux questions de Rob Hughes. Dave atteint désormais l’âge canonique de 71 balais et refuse de lever le pied. Ah ces rockers, tous les mêmes ! Hughes s’étonne qu’on retrouve sous le lit de Dave des cartons remplis d’enregistrements de chansons inédites. Dave explique qu’il ne veut pas se confronter aux émotions que traduisaient ces vieilles chansons, alors il laisse ses fils Simon et Martin s’occuper de ça. Quand il revient sur l’âge d’or des Kinks, Dave tient à préciser des choses extrêmement importantes. Bon nombre de ses contemporains trouvaient un exutoire dans la dope et au beau milieu du carnaval qu’était le Swingin’ London, Dave s’est mis à réfléchir - I had to reassess my whole life - Oui, tout réévaluer. Ça le conduisit droit à un spiritual and emotional breakdown au début des seventies. Il se mit alors à pratiquer le yoga et à étudier l’astrologie. Il mit deux ans à se reconstruire - It can be a struggle to be human. It’s hard work for all of us - L’autre point fort de l’interview, c’est bien sûr l’évocation de leur jeunesse, lui et son frère Ray, et leurs six sœurs à Muswell Hill. Big family, des tas d’oncles et de tantes, des fêtes chaque dimanche, quelqu’un qui s’assoit au piano et toujours un banjo qui traîne. Voilà d’où viennent les Kinks. Et bien sûr, Dave annonce le scoop que tout le monde attend depuis longtemps : il va retrouver son frangin Ray en studio pour un nouvel album des Kinks.  

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             Quatre ans plus tard, Dave se re-confie, cette fois à Cam Cobb. Il repart du point de départ, l’objet de sa première fascination musicale : Lead Belly - I thought Lead Belly was a really interesting person - His character and  his life. And it shows how real his music was - Dave se souvient aussi des sixties comme d’un circus. Il voyait le music business comme un weird circus - That’s what the clown thing is about - Il évoque bien sûr «The Death Of A Clown». Quand il repense à toute cette époque, Dave se marre : «They kept telling me that I was a bit of a pin-up boy.» Son frère Ray et le manager Robert Wace le poussent à faire l’acteur. Il se dit fasciné par l’idée et rêve d’Hollywood. Mais ça ne marche pas. Dave se sent uncomfortable. Puis quand Pete Quaife annonce qu’il quitte le groupe, Dave sent que c’est la fin - I think a part of the Kinks died when Pete left - Et plein d’autres petites confidences. En fait Dave donne l’interview pour annoncer la parution de son deuxième volume de mémoires, Living On A Thin Line.

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             Bon book. Grouille d’infos. Pas le book du siècle, mais il s’agit des Kinks, after all. Et puis l’écrivain chez les Kinks, c’est Ray, pas Dave, à ce qu’on dit. On s’attendait en fait à un book introspectif, dans l’esprit des deux volumes autobiographiques de Brett Anderson, mais Dave opte pour le récit autobiographique classique, évoquant ses racines à Muswell Hill puis le Swingin’ London et ses excès. Il donne de ravissants petits coups de projecteur et repasse au peigne fin la discographie de ce groupe devenu Kult. Du coup, on ressort les albums de l’étagère. On croit toujours bien les connaître. Quelle prétention !

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             Pour lancer son récit, Dave relate l’attaque cérébrale dont il a été victime et qui a failli l’emporter. Il raconte ses deux semaines de convalescence chez Ray qui, dit-il, «se sont vite transformées en cauchemar». Oh ce n’est pas qu’il n’aime pas Ray, mais selon lui, Ray est un vampire qui pompe l’énergie des gens. C’est d’ailleurs ça qui fait de lui le songwriter qu’il est devenu, mais Dave ajoute qu’il faut être très strong pour le fréquenter. Comme Dave sortait de l’hosto et qu’il ne tenait pas debout, ses réserves d’énergie étaient à plat - For fuck’s sake! Ray, I love you, but really I don’t have much to give you at the moment - Voilà le style de Dave : ironique, Kinky, une pincée de slang, presque une parole de chanson. Puis il attaque le chapitre roots, rappelant que les deux guerres mondiales et le blitz ont rendu les working class people d’Angleterre très résistants. Il donne tous les détails, même l’adresse d’une famille devenue mythique, la famille Davies, au 6 Denmark Terrace, on Fortis Green, la route qui va d’East Finchley à Muswell Hill. C’est là que Mum and Dad Davies élèvent les futurs princes du Swingin’ London. Petits, les deux frères sont déjà extrêmement créatifs : ils inventent un langage pour communiquer entre eux. Dave cite un exemple : il dit à Ray «Ballo ballo, shiga shuga la ballo», et Ray sait exactement ce que ça veut dire. Puis Dave évoque ses trois passions d’ado : la musique, le foot et les filles. Il dit avoir commencé à se branler dès l’âge de douze ans, comme tout le monde. Sans la musique dit-il, il aurait sans doute fini voleur à la tire.

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             Alors commence la valse des premiers émois : Lead Belly, Charlie Gracie, Big Bill Broonzy, un Big Bill qu’il trouve très en avance sur son temps. Et puis Lonnie Donegan. Il flashe aussi sur la Symphonie En Ré Mineur de César Frank - It stopped me dead in my tracks - Tout cela ressemble à une fabuleuse éducation sentimentale. Il dit aussi détester l’école. Il a cinq ans et sa mère l’amène à l’école primaire le jour de la rentrée des classes. Dave décide que l’école ne lui plait pas et rentre chez lui. Il dit à sa mère : «Look, I’ve been to school and don’t like it.» Sa mère le ramène de force à l’école. Aucun souvenir des deux années suivantes. Il apprend à lire et joue au foot. Il réussit quand même à se faire virer un peu plus tard, et quand il voit sa mère éclater en sanglots, il la rassure - It’s all going to be fine - Et là, il attaque le chapitre le plus douloureux de son histoire : sa relation avec Sue. Ils sont ados et ils baisent tous les jours. Quand Sue est enceinte, Dave est ravi, mais les parents le sont moins. Ils décident de séparer le couple. Dave apprend par sa mère que sa fille s’appelle Tracey. Il devra attendre trente ans pour revoir Sue et sa fille. Il n’a jamais pardonné à sa mère d’avoir été complice de cette épouvantable machination. Il sort de cette histoire complètement traumatisé. Ce sont les pages les plus émouvantes de ce volume.

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             À cette époque, Ray et lui commencent à bricoler des idées sur le piano de Denmark Terrace. Ray joue un riff : c’est le riff de «You Really Got Me». Il le joue à deux doigts et Dave ramène sa guitare pour le jouer en accords. Deux jours plus tard, Ray écrit les paroles de ce qui allait être leur premier hit - Girl/ You really got me going/ You got me so I don’t know what I’m doing - On connaît ça par cœur. C’est un hymne. Puis Dave nous donne tout le détail de la deuxième session d’enregistrement de Really Got Me avec Shel Talmy, en juillet 1964. La première session a foiré lamentablement et là, c’est quitte ou double. Shel le sait. Il n’a plus droit à l’erreur. Terminé la réverb et l’echo bullshit, les frères Davies veulent du raw. Comme Mick Avory vient d’être recruté, il n’est pas encore assez expérimenté, aussi fait-on appel à Bobby Graham. Dans le studio, on voit aussi apparaître Phil Seaman, le mentor de Ginger Baker, et Jimmy Page, au cas où. Mais Dave met les choses au clair une bonne fois pour toutes : c’est lui qui joue le killer solo flash qui va devenir le modèle du genre. Dave rappelle qu’il était un agressive kid who wanted to play - It was my guitar sound and my guitar solo - Really Got Me sort en août 1964 et devient number one en Angleterre. Et l’un des fleurons du Swingin’ London, avec tous les hits des Stones, des Beatles, des Troggs, des Who et des Yardbirds. Avec sa reprise de Really Got Me, Jesse Hector réussira à récréer dix ans plus tard ce moment de pure frenzy : sans aucun doute le plus bel hommage jamais rendu à Dave Davies.

             Les frères Davies ont donc réussi à monter un groupe avec Pete Quiafe, copain d’école de Ray, et Mick Avory au beurre. Comme ni Dave ni Ray ne veulent jouer de la basse, c’est Pete qui en joue. Et comme il est guitariste, il fait un merveilleux bassman, comme le sont Noel Redding dans l’Experience, et Ron Wood dans le Jeff Beck Group. Dave dit de Pete qu’il était ahead of the game with the bass. Pete va rester dans le groupe jusqu’à The Kinks And The Village Green Preservation Society. Quant à Mick Avory, il avait joué un peu avec les Stones avant l’arrivée de Charlie Watts.  C’est leur tourneur Arthur Howes qui trouve le nom du groupe - We were ‘kinky’ in the way we looked and dressed - Dave fait bien sûr référence au kinky sex, c’est-à-dire le sexe coquin. Du coup, ça devient nous dit Dave un «risqué new name» qui ne manquera pas d’attirer l’attention. Dans l’entourage des Kinks, on retrouve aussi le fameux Larry Page qui avait tenté de devenir popstar en se teignant les cheveux pour devenir ‘The Teenage Rage’. Page est l’associé de Robert Kassner, le manager des Kinks. Ray et Dave finiront pas se débarrasser de Larry Page qui leur coûte un fortune et dont ils ne sont pas contents.

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             Quand sort le premier single des Kinks produit par Shel Talmy sur Pye, «Long Tall Sally/I Took My Baby Home», Dave n’a que 17 ans. Ils vont rester chez Pye jusqu’à Lola Versus Powerman And The Moneygoround, paru en 1970, qui, nous dit Dave, synthétise bien le style des Kinks - the album looked two ways at once, avec des paroles qui voletaient comme un papillon et a ‘fuck you’ attitude qui bourdonnait comme une abeille - Et bien sûr, Ray s’en prend aux aspects grotesques du music biz. Plus loin, Dave redéfinit le style des Kinks d’une formule extrêmement brillante : «A typical Kinks pull-together of rock and roll with occasional hints of vaudeville and dark humour.» Il rappelle aussi que depuis le début, les Kinks n’ont jamais voulu se couler dans le moule des Beatles. Et qu’ils ont toujours su sortir du lot. Mais en même temps, le groupe n’a jamais été très solide - On a toujours vécu avec la peur de voir le groupe se désintégrer - C’est le prix à payer pour la singularité. Le groupe va mourir de sa belle mort, c’est-à-dire de vieillesse. Quand ils sont invités au UK Music Hall Of Fame en 2005, on leur demande s’ils vont jouer tous les quatre. Compliqué dit Dave, qui vient de faire une attaque cérébrale, Ray vient de prendre une balle dans la jambe à la Nouvelle Orleans et Pete est dialysé. C’est Chrissie Hynde qui va jouer quelques hits des Kinks pour la cérémonie, pendant que les vieux pépères iront clopin-clopan se taper un curry au Fortis Green Tandori de Muswell Hill, à deux pas de Denmark Terrace - The last time the four of us original Kinks would be together - Le livre de la vie se referme toujours de la même façon. Avec cette image hautement symbolique, Dave Davies devient un fantastique écrivain.

             Back in the Swingin’ London, c’est-à-dire au paradis du sex, drugs & pop world. Sainte trilogie. Dave parle très bien du sexe. Il attire facilement les gonzesses et les petits mecs. On le trouve souvent au plumard with a gang of female groupies, pour reprendre son expression - Drugs and parties became so outrageous - Il partage une baraque avec Mick Avory on Connaught Gardens, il y a toujours des groupies partout and the bedrooms were never quiet. Il rappelle un postulat de base : «If you happened to be a member of a successful rock band, sex was everywhere.» Le sexe fait partie du jeu. C’est même le moteur principal, l’alibi du rock. Tu veux passer la soirée au Swingin’ London ? Dave te donne le programme : ça commence dans un pub de Carnaby Street, le Shakespeare Head ou le Blue Post, où tu vas trouver des drogues. Des amphètes, par exemple, les fameux Purple Hearts que tu avales avec un verre de vin blanc, puis tu peux tirer sur un joint. À la fermeture du pub, tu files au Flamingo, ou ailleurs, puis tu finis la nuit au Scotch of St James. Forcément, il y a un after, par exemple chez Dave à Muswell Hill, ou dans un hôtel à Kensington, pour partouzer. Et ça, c’est tous les jours. Too fast to live, too young to die, comme dirait l’autre. La vie est faite pour être vécue. Comme Dave est beau, il devient vite un dandy - Dandy, Dandy/ Where you gonna go now - Il est un dedicated follower of the fashion - The elegance of hipster trousers, jackets, boots ans belts. I loved Oscar Wilde style - Il admire aussi Brian Jones, dit de lui qu’il est le seul autre homme à Londres qui sache s’habiller. Brian Jones, Dave et Oscar Wilde constituent la seconde sainte trilogie du Swingin’ London. Il suffit de voir Dave sur la pochette d’Hidden Treasures : c’est du Wilde pur, même grâce indicible, même élégance naturelle. Dave se coiffe comme Wilde, avec la raie au milieu.

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             Pendant une tournée, Dave que sa mère appelle David, fait la connaissance d’un autre David, le futur Bowie qui à cette époque s’appelle encore Davie Jones. Bowie fait le rabatteur pour le compte de Dave et fait monter les gonzesses dans la chambre d’hôtel de Dave. Mais après cette tournée, ils n’auront plus l’occasion de se revoir. Lorsqu’il vit à Los Angeles, Dave rencontre le guitariste Reeves Gabrels dans un bar. Gabrels lui dit que Bowie démarre toutes les répètes de Tin Machine avec une cover des Kinks. Et puis souviens-toi que sur Pin Ups, Bowie rend hommage aux Kinks avec une cover magistrale de «Where Have All The Good Times Gone». Il reprendra aussi bien sûr «Waterloo Sunset».

             Comme les Kinks sont souvent à la même affiche que les Beatles, ils se fréquentent, mais ce n’est pas simple avec John Lennon. Il n’empêche que Dave voit l’influence de Lennon sur le groupe comme déterminante, sans lui, les Beatles ne seraient restés qu’un cute boy band de plus - He gave them attitude and grit - Et puis, il y a les fameuses shootes internes, pas toujours entre les deux frères. Dave raconte qu’un soir sur scène, Mick Avory lui a balancé une cymbale en pleine tête et qu’il s’est retrouvé à l’hosto. Tout le monde le croyait mort. À la suite de l’incident, Mick est viré. Les managers songent à le remplacer par Mitch Mitchell, mais finalement, ils le réintègrent dans le groupe. Pas de problème. Dave n’est pas rancunier. De toute façon, il passe son temps à dire que les Kinks sont en permanence au bord du désastre. Dave est aussi l’un des premiers à s’offrir la fameuse Flying V, d’abord faite pour Jimi Hendrix, puis commercialisée - this was the must-have guitar - Il paye 200 £ sa Gibson Futuristic.

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             Et puis, un matin, il se réveille au milieu d’un tas de corps endormis. Il se demande vraiment ce qu’il fout dans cette orgie. En 1967, il a 20 ans - Maybe it was time to grow up - Comme les chevaliers de la Table Ronde avant lui, Dave va partit en quête du Graal, c’est-à-dire la spiritualité. Mais c’est après un acid trip qui a failli mal tourner dans une chambre d’hôtel à New York qu’il change pour de bon. Il s’intéresse à la métaphysique, au mysticisme, à l’astrologie et au bouddhisme Zen - Absorbing all I could was like a rebirth - Il en parle longuement sans pourtant assommer son lecteur, car c’est le risque quand on fait étalage de ses connaissances. Il rend hommage à Aleister Crowley et à son Book Of Thoth, un précis d’interprétation du Tarot. Dave dit aussi que Crowley est devenu un peu fou à la fin de sa vie, mais, ajoute-t-il, who Am I to talk? We all go a bit mad. Il cite aussi Karl Jung «qui a essayé de comprendre ce qui se passait dans ce crazy inner world et comment il inter-agissait avec l’art et la musique.» L’enseignement que retient Dave et qu’il ambitionne de transmettre, c’est qu’en apprenant, on apprend à apprendre - Vous ne pourrez jamais apprendre tout ce qu’on peut apprendre, mais vous ne devez jamais cesser de continuer à apprendre. Humility and trust is the key - Dave survole son parcours initiatique avec une réelle élégance, et c’est la raison pour laquelle il faut lire son récit, car dans le genre, c’est un modèle. Très différent de ce que fait Dylan dans Chronicles. Dave est anglais, Dylan américain, ceci expliquant cela.

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             Puis il va remonter le long fleuve tranquille de la Kinkology, il évoque chaque album comme autant de points de repère, ce sont les jalons de sa vie. Il évoque longuement le Johnny Thunder qu’on croise dans The Village Green Preservation Society, personnage inspiré d’un biker de Muswell Hill qui s’est tué en moto. Dave rappelle aussi que Village Green entérine la fin de la première mouture des Kinks, car Pete quitte le groupe. Pour Dave, c’est la fin d’une époque, mais aussi la fin des real Kinks. Il n’empêche que le groupe continue et entre en studio pour enregistrer Arthur avec un nouveau bassman, John Dalton, qu’on verra à la Fête de l’Huma en 1974. Puis c’est Lola Versus Powerman And The Moneygoround, dernier album sur Pye, a very strong record, nous dit Dave. Puis voilà Muswell Hillbillies, the last album in the vein of earlier Kinks records. On reviendra sur tous ces albums fantastiques dans des Parts à venir. Dave ne cache pas son inquiétude à voir se développer la mégalomanie de Ray, il insinue que les Kinks deviennent alors Ray Davies’ backing band. Mais comme la vie est bien faite, Ray bascule soudain dans le néant : le jour de son anniversaire, sa femme Rasa quitte la baraque en douce, emmenant bien sûr leurs deux enfants. Ray est anéanti. C’est ce qui peut arriver de pire dans une vie d’homme. Dave dit que Ray n’a pas vu le coup venir. Et pourtant, les Kinks sont souvent en tournée aux États-Unis et passent leur temps à baiser des groupies. Dave parvient à gérer ce bordel avec sa femme Lisbet, une Danoise, mais chez Ray, ça n’est pas passé. C’est à l’époque de Preservation que les Kinks s’offrent un studio à Hornsely, le fameux Konk.

             Nous voilà en 1976 et Dave se dit fan de Johnny Rotten, parce qu’à leur façon, les Pistols reproduisent le modèle des Kinks - Naked agression or hilarious pisstake ? - Ray part s’installer à New York avec sa nouvelle épouse Yvonne et réussit à décrocher un contrat chez Arista, avec Clive Davis. Pour Dave, c’est encore un coup de génie de Ray. Ils enregistrent Sleepwalker. John Dalton quitte le groupe, remplacé par Andy Pyle. Au moment de Low Budget, Dave vit avec deux femmes : Lisbet, la mère de ses quatre fils, Martin, Simon, Christian et Russell, et Nancy, une Américaine rencontrée lors d’une tournée. Nancy met au monde un cinquième fils, Daniel, qui naît tout juste six mois après Russell, puis un sixième, Eddie. Pendant que Dave tente de faire tenir tout ça en équilibre, Ray se sépare d’Yvonne et se maque avec Chrissie Hynde, qui à l’époque tourne avec lui, alors forcément, ça crée des liens. Mais Dave s’inquiète car il voit bien que Ray n’a pas besoin d’un autre «mammoth ego». Il est sûr que leur relation ne va pas durer longtemps - They were two alpha cats, essayant tous les deux d’occuper le même territoire.

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             Les Kinks changent encore de label, les voilà sur MCA avec un nouveau manager, Nigel Thomas qui nous dit Dave peut bosser avec les Kinks puisqu’il a déjà bossé avec les Kray Twins  et Morrisey. Quand ils enregistrent leur 24e album Phoebia, ils pensent qu’il s’agit du dernier album des Kinks - But you know, never say never - Il leur faut 18 mois pour en venir à bout, c’est beaucoup trop long. Ray est revenu s’installer à Londres, mais Dave est parti s’installer à Los Angeles avec Nancy. Comme un océan sépare les deux frères, Dave dit que ça apaise leur relation. Et pouf, pendant une tournée, Dave rencontre Kate à Manchester. Leur relation va durer 15 ans.

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             Le dernier album des Kinks s’appelle To The Bone. Pourquoi ce titre ? Parce que c’est un retour aux sources, to the very earliest days of the band, dans le living room de Denmark Terrace.  Puis Dave rencontre Rebecca. Ainsi va la vie. Il termine cet excellente Kinkographie avec une chute spectaculaire : «La vérité, c’est que les gens vivent et les gens meurent. Je vais mourir un de ces jours, mais il se pourrait fort bien que je sois déjà passé dans le coin. Le jour de ma naissance, le 3 févier 1947, je suis descendu dans le canal utérin de ma mère et j’ai aperçu la lumière au loin. Oh fuck I thought. Here we go again.»        

             Dans un Part One mis en ligne sur KRTNT en 2013, on s’est penché sur son début de carrière solo, depuis AFL1-3603, paru en 1980, jusqu’à I Will Be Me, paru justement en 2013, un événement qu’on ne pouvait pas ne pas saluer.

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             Les albums de Dave Davies sont les albums de rock anglais dont on pourrait rêver chaque nuit. Pas besoin d’en rêver puisqu’ils existent dans la réalité, à commencer par le mirifique Belly Up paru en 2008, qui est en fait un album live enregistré au Belly Up en 1997. Et mirifique, c’est peu dire. Dave nous embarque dès «She’s Got Everything» avec un son fantastique et de la wild guitar à la clé. C’est aussi explosif que les premiers sets des Kinks. Petit conseil d’ami : écoute Dave Davies. Il passe aussi une version superbe du fameux «Susannah’s Still Alive», tiré du lost album jamais paru et qu’on retrouve sur Hidden Treasures. C’est fabuleusement kinky. Il tartine son Alive sur la brisure de rythme, oh Suzanne/ Still alive ! Il enchaîne avec «Creepin’ Jean», une autre merveille tirée elle aussi du Hidden Treasures. Puissance des enfers ! Fabuleuse débinade musicologique ! Dave Davies maîtrise l’art des relances particulières. Il joue tout au maximum des possibilités. L’album reste à un très haut niveau d’intensité, il est ultra perfusé de son, ça joue à deux guitares vibrillonnantes et Dave pose son chant là-dessus comme une cerise sur un gâtö. Chaque cut capte l’attention. Tiens, voilà «Wicked Annabella», une espèce de mad psyché congelée sur place et surchargée d’accords. Dave harangue à l’énormité catégorielle. Même les petits balladifs comme «Too Much On My Mind» flirtent avec le merveilleux. Dave va chercher son petit chat de dandy pour caresser le balladif. Et puis tout explose avec «Dead End Street». Il tape en plein dans le mythe. La foule n’en revient pas. Wow Dave ! Tu nous swingues la magie des Kinks ! Il le fait avec le power du dandy terminal. Il transfigure le mythe. Back to the roots avec «Milk Cow Blues», fabuleux shake de shook. Dave vise le stomp, comme à l’aube des Kinks. Nouvelle rasade mythique avec «I’m Not Like Everybody Else» et son riff universel, back to the silver sixties. Sauf que Dave ne chante pas ce hit comme Ray. Il nous stompe ça dans l’œuf du serpent et explose le deuxième couplet au chat perché. Il atteint la perfection. On croit qu’il va se calmer. Dave Davies se calmer ? Tu rigoles ? Pouf, voilà «All Day And All Of The Night». Imparable. L’apanage de Dave. Hot as hell, London 65. Dave devient l’Hadès du heavy riffing. Il tape ensuite une version de «Money» sur le même mode. N’oublions pas qu’on le tient pour l’inventeur du heavy rock en Angleterre. Il tape ensuite un «David Watts» à la pure sauvagerie, il l’embarque à fond de train, comme le veut la tradition du cut. Il tente de calmer les ardeurs de la foule avec «Unfinished Business», un puissant balladif qu’il prend au chat perché et achève le set d’un coup de «Really Got Me» joué en mode déflagratoire. Pas de pire Dave que Dave Davies. Il donne au rock anglais ses lettres de noblesse.

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             Paru en 2014, Rippin’ Up Time grouille aussi de coups de génie. Et ça démarre avec le morceau titre, saturé d’entrée de jeu. Dave nous passe une vieille dégelée de son à la ramasse de la rascasse, en bon seigneur qui se respecte. Il gère son rippin’ à la meilleure heavyness d’Angleterre. Effarant ! Le son semble fouillé dans ses fondations, il descend profondément - Rippin’ up time/ I’m out of my mind - La profondeur de sa heavyness outrepasse l’entendement - There is madness here - On voit les guitares ramper dans la couenne du son. Dave Davies a du génie, qu’on se le dise ! Avec «Front Room», il nous propose un joli brouet de puissante nostalgie. Il évoque l’époque où il apprenait à jouer le «Memphis Tennessee» sur sa guitare. Il joue son balladif aux accords sixties et chante ses vieux souvenirs d’un ton kinky. Il raconte les débuts des Kinks. Retour à la heavyness avec «Johnny Adams» puis «Nosey Neighbours», encore plus dévastateur. C’est du même niveau que Really Got Me. Même épouvantable swagger. À son âge, ce démon de Dave peut encore rocker comme un gamin. On l’attendait au virage : le solo fendu dans l’angle. Wow ! Il enchaîne ça avec un «Mindwash» dégoulinant de son. À force de nous épater, Dave Davies devient imprescriptible. Il sait tailler sa route. Puis on le voit sauter dans son vieux cut de jeunesse, «In The Old Days», c’est d’une excellence qui donne le vertige, il raconte la maison de la famille Davies - In the old days, when men were men/ In the old days, and Brittania ruled the waves - Alors oui, on s’enivre - Dancing in the front room/ Dad sings his favourite songs/ The music getting louder/ There’s a thumping from next doors - Puis il retrouve la veine de son frangin Ray pour «Through The Window», shoot de pop merveilleuse, pleine de collant, il chante avec le même accent décadent et du coup, ça accroche énormément, d’autant qu’il éclaire ça aux arpèges miraculeux. Des vagues de son viennent flatter le ventre du cut - The past is gone/ It’s all been said/ The road continues up ahead/ No regrets, what’s done is done/ The future is here with a brand new song - Cette baleine de son se balance dans l’océan du rock, folle de bonheur. Dave is the best.

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             Et quand il reprend tous des blasters sur scène, ça donne Rippin’ Up New York City Live. Comme dans Belly Up, il cale des vieux standards des Kinks, «I’m Not Like Everybody Else» et «I Need You». Il encorbelle ces vieux hits fantastiquement, il joue au délibéré. Fabuleuse présence riffique ! Il joue le heavy rock comme nobody else. C’est aveuglant de véracité intrinsèque. Il est l’âme du power sound. Il part en solo de dévastation latente, aw my Gawd, écoutez Dave Davies ! Il tape plus loin une version de «See My Friends» - One of my brother’s songs - Mais son «Rippin’ Up Time» ne reste pas en reste, ça rivalise de heavyness avec ses meilleurs coups d’éclat, il te riffe ça à la folie, il envoie rouler des rigoles de lave sonique, c’est un bonheur que d’entendre jouer ce survivant de l’âge d’or. Il explose au grand jour. Il passe des versions superbes de «Creepin’ Jean» et de «Suzannah’s Still Alive» et revient sur l’excellent «Death Of A Clown» qu’il prend à la glotte râpeuse. Ce Death aurait pu devenir un hit tellement c’est allumé à la bonne humeur. Il termine avec ce qu’il faut bien appeler la triplette fatale, à commencer par ce qui restera l’un des plus fameux hits des Kinks, «Where Have All The Good Times Gone». Dave le bouffe tout cru. Shout it out ! Pire que Bowie. C’est de l’heavy Dave, l’inventeur du genre. L’origine du monde. Il tape ça au power-blast de heavy doom, il jette ses couplets un par un down on the ground, c’est l’âme du rock anglais, Bowie l’avait bien compris. Il enchaîne aussi sec avec «All Day And All Of The Night» qu’on ne présente plus. Aw my Gawd ! Explosif ! Ce mec fout l’Angleterre par terre. Il nous explose ça dans un bouquet d’harmonies vocales all day and all of the night et il nous achève littéralement avec «You Really Got Me». Ah il faut le voir balancer sa purée. Tout le monde en prend plein la gueule. C’est du big Dave fondamental. Stupéfiante version avec un solo en forme de descente aux enfers.

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             On trouve sur Hidden Treasures les 13 titres du fameux lost album de Dave Davies. Le cirque dura quatre ans, de 1966 à 1970 : sortira ? Sortira pas ? Finalement, l’album n’est pas sorti. Les projets des Kinks avaient la priorité et les deux majors qui commercialisaient les Kinks, Warner aux États-Unis et Pye en Angleterre, ne parvenaient pas à se décider. Dave enregistrait des chansons qui paraissaient sur des singles, à commencer par l’excellent «Susannah’s Still Alive», si terriblement sixties dans son essence et monté sur un très joli drive de basse. Les cuts de Dave tiennent vraiment bien la route. On a là une sorte de psyché de brit pop kinky assez admirable, très travaillée, et le plus souvent d’une fantastique tenue, comme ce «Hold My Hand» tenace et bien intentionné, pur jus de gospel pop - Hold my hand/ And it’s gonna be alright - Le cas Dave s’impose. Avec «Are You Ready», il fait un folk emblématique, une chanson d’entraînement des foules, il chante à l’accent pointu et ferme. «Lincoln County» est digne des Small Faces, il évoque les pretty girls. Il passe au heavy blues de Muswell Hill avec «Mr Shoemaker’s Daughter» et ça sonne évidemment comme un hit de pub. Il n’y a que Dave Davies ou son frère pour aller chanter «Mr Reporter», cette espèce de petite pop charmante. On entend un beau drive de basse sur «Groovy Movies», pur jus de r’n’b à l’Anglaise. On passe ensuite aux singles avec un «I Am Free» amené à l’extrême heavyness. Ça sent bon l’underground. S’ensuit l’imparable «Death Of A Clown» claqué à coups d’acou, certainement le hit le plus connu de Dave. N’oublions pas «Creepy Jean» dont le son taille sa route, et puis tu as ce brillant «The Man He Weeps Tonight» joué au psyché rampant de sunshine pop, vraiment digne des Byrds.       

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            Paru en 2018, Decade se présente comme une collection de délicieuses resucées, à commencer par ce «Midnight Sun» qui sonne comme «Maggie May». C’est dans le ton du chant et dans certains échos de dynamiques internes. Mais dans les pattes de Dave, ça reste très sérieux. L’autre hit du balda s’appelle «Mystic Woman» - Hear my call/ Bring your juju - Il joue ça au groove du bayou, c’est fin et inspiré, comme tout ce qu’il entreprend. Sur «If You Are Leaving», il sonne un peu comme Roger Chapman. On se croirait sur le troisième album de Family, avec une pincée de Slim Chance dans le son, tu sais, la musicalité si particulière du Passing Show. Et la B ? Une merveille s’y niche : «Within Each Day». Très pop, avec de délicieux accents kinky d’I remember that day when you came in/ Giving my life a clever meaning. Avec «Same Old Blues», il s’engage dans un balladif entreprenant et très audacieux. Dave reste d’une élégance extrême. Un vrai dandy. Il finit sa B en Family motion. Il chante «Mr Moon» et «This Precious Time» à la Chap, c’est évident. Le son de Rog the Chap l’intéresse.    

    Signé : Cazengler, Davide abyssal

    Dave Davies. Belly Up. Meta Media Records 2008

    Dave Davies. Hidden Treasures. Universal 2011    

    Dave Davies. Rippin’ Up Time. Red River Entertainment 2014             

    Dave Davies. Rippin’ Up New York City Live. Red River Entertainment 2015

    Dave Davies. Decade. Red River Entertainment 2018      

    Dave Davies. Living On A Thin Line. Headline Publishing Group 2022

    Rob Hughes : Dave Davies. Classic Rock # 255 - November 2018

    Cam Cobb : Perfect Stranger. Shindig # 127 - May 2022

     

    L’avenir du rock

     - Pas de vague à Liam (Part Two)

     

             Pour rompre avec la routine et le confort intellectuel du swingin’ London, l’avenir du rock s’est installé dans un galetas du Quartier Latin. Quelle idée ! Il espère renouer avec le dénuement de Verlaine et recréer cette puissance d’idéalisme qui fascinait tant Mallarmé, «la puissance d’idéalisme que certifiait une pauvreté aussi simple». Le nouveau confort que recherche l’avenir du rock est celui d’une spiritualité lyrique. Il s’installe donc devant sa pauvre petite table, et alors que danse la lueur pâle d’une chandelle, il trempe sa plume dans l’encrier. D’une main rendue tremblante par l’excès d’excès, il allonge sur un mauvais parchemin le vers qui, pareil à l’omnibus de la petite ceinture, lui traverse lentement l’esprit :

             «Liam, te souvient-il, au fond du fookin’ paradis,

             De la gare de ‘Chester et des bloody trains de jadis,

             T’amenant chaque jour à London, au stade de Chelsea,

             Pour voir jouer Manchester City ?»

             L’avenir du rock sort alors de sa poche un mouchoir qui n’a plus du mouchoir que le nom et s’éponge un front qu’il voudrait aussi bombé que celui de Verlaine, avant de retremper fiévreusement sa plume dans l’encrier et de poursuivre l’inventaire de ses pérégrinations lyriques :

             «Jadis déjà ! Combien je me rappelle le temps d’Oasis

             Ta grâce sur scène à Knebworth, mince et leste, quelle catalyse,

             Comme un ange le long de l’échelle des célestes lavatorys,

             Ton sourire amical et filial était une hydrolyse,

             Tes yeux d’innocent, doux mais vifs, m’allaient dans la lucarne comme des penaltys,

             Ils m’allaient droit au cœur et pénétraient mes ombres de château d’Ys.»

             Secoué d’un dernier spasme lyrique, l’avenir du rock cassa sa plume en écrivant :

             «Mon pauvre Liam, ta voix d’étoile dans le ciel de Knebworth !»

     

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             Si on le laissait faire, l’avenir du rock ne tarirait plus d’éloges sur Liam Gallagher. Il n’est d’ailleurs pas le seul à penser le plus grand bien de cette immense rock star. La presse anglaise s’accroche à lui comme la moule à son rocher : et si Liam Gallag était la dernière rock star anglaise ? Et s’il était le nouveau messie ? Il faut le voir remplir Mojo de paroles d’évangile, du style : «Once you join a band, it’s your birthday everyday.» Quoi de plus vrai ? Histoire d’éclairer notre lanterne, il ajoute un peu plus loin : «Si tu ne te lèves pas chaque matin à six heures pour aller creuser des trous dans une route, ça veut dire que tu as réussi. Les Bouddhistes disent que every morning is another birthday, you know.» Non seulement il est avec Frank Black et Iggy le plus grand chanteur de rock actuellement en circulation, mais il fascine dès qu’il fait une observation - I mean, it’s really my birthday every fucking day ! - Il adore enfoncer son clou au marteau-pilon.

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             Ted Kessler parle de commercial rebirth. Ça veut dire qu’il n’a rien compris. Des artistes aussi parfaits que Liam Gallag, Frank Black, Iggy ou John Lydon n’ont pas besoin de rebirth ni de commercial rebirth. Ils sont tout simplement au-dessus de la mêlée et quoiqu’ils fassent, ce sera toujours bien. Les deux albums de Beady Eye sont énormes et les deux premiers albums solo de Liam Gallag le sont encore plus. Avant même que sorte son troisième album, Knebworth où il doit se produire est sold out. Amazing, dit Kessler. Mais non, pas amazing, normal, pour un mec de la trempe de Liam Gallag qui déclare : «Oui, c’est fantastique. Blows my mind. Mais je n’y pense pas trop. Oh peut être un petit peu, on the sly. Don’t tell anyone.» En plus, il se fout de la gueule de Mojo. Une tournée est prévue en juin, avec des rumeurs que Liam balaye aussitôt : «No ! Noel ne jouera pas avec nous. C’est dingue que des gens puissent imaginer ça. It’s not Spinal Tap, mate. Il sera planqué dans un coin, à penser qu’il vaut mieux jouer devant 2 000 personnes à Scumthorpe plutôt que devant 80 000 personnes à Knebworth. Il a eu sa chance.» Boom ! Alors qu’il se caresse pensivement le menton, il ajoute : «Cela démontre que tout ne repose pas uniquement sur celui qui écrit les chansons. Il arrive que ça dépende des personnalités. The voice. Les gens se moquent du chanteur, oh il n’a pas écrit les chansons, c’est l’autre qui a du talent, c’est l’autre qui est le cerveau du groupe. Maybe I’m the soul. C’est moi qui met la balle dans la lucarne. Mettre un but, c’est le plus difficile, pas vrai ?». D’un point de vue footbalistique, c’est imparable. Pure logique. Quand le silence s’installe dans la pièce, il le brise en demandant une clope - Got any fag ? - La moindre formulation est importante. Liam Gallag est une sorte d’Oracle de Delphe. N’en perdons pas une miette.

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             Pour son troisième album, il voulait faite un Stooges album. Il en a marre des balladifs - I’d love to do an angry record. No strings - Mais en fait, il se retrouve avec des balladifs et beaucoup de strings. «Some soulful pop in amongst the classic Gallagherisms», nous sort fièrement le Kessler. En fait les chansons sont bricolées à distance, à cause de Pandemic, et Liam les récupère à la fin pour les valider. Il veut que ça soit plus «Stones-y or whatever» et en conclusion, il sort une fabuleuse métaphore : «The clothes are already made. But I put them on, make them look good.»  C’est l’essence même de la rock’n’roll star : make things looking good. Ça a toujours fonctionné ainsi, depuis Brian Jones jusqu’à Liam, en passant par Iggy et Jimbo.

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            Et kaboom, «More Power» qui ouvre la bal de C’mon You Know arrive comme un hybride des Stones et de Spiritualized, avec des chœurs de gospel pubère. Liam arrive très vite et remet les pendules à l’heure. Power maximal, il t’éclate ton Sénégal - I wish I had more power - Liam se marre : «Basically, You Can’t Always Get What You Want.» Il parle de colère dans son texte. «What’s angry ? It’s passion. One day I’m chilled, the next I’m an angry cunt. Ça dépend de ce que j’ai bouffé. Ça dépend du temps qu’il fait.» Il ne veut pas analyser sa musique. Pour lui, l’essentiel est que ça sonne. Il laisse l’analyse aux autres. Power ? More Power ? Non ça ne le branche pas du tout. Il sait comment se fait un bon album : «I need to have a word with myself. J’ai besoin de me limiter à guitar, bass and drums. Ten songs, in your face - big good songs.» Et pour que les choses soient bien claires, il ajoute : «I need a total Beatles ban. And a Stones ban. Next time, I’m just gonna get in the studio with a band and bash it out. Not even mix it. Just have it as it’s coming off the desk.» On l’écoute en rigolant. Le rock ne risque pas de casser sa pipe en bois avec un mec comme Liam Gallag dans les parages.

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             En bons fouille-merde, les journalistes lui ont trouvé un petit problème de santé : il doit se faire opérer des hanches - My hips are fucked. J’ai de l’arthrite, bad - La bonne femme lui dit qu’il doit grimper sur le billard. No way. Et après les hanches, ce sera quoi ? Alors fini le jogging sur Hampstead Heath. On lui dit qu’il pourra recommencer à courir après l’opération. Et tu sais ce qu’il répond ? «I’d be like Louis Spence, throwing my leg over my shoulder while playing the flute», ce qui peut vouloir dire qu’il va ressembler à Louie Spence (un danseur célèbre en Angleterre), à jeter sa jambe par- dessus l’épaule tout en jouant de la flûte. Là, tout Mojo s’écroule de rire. Il dit qu’il se fout de la douleur - Pain is OK. My eyes are fucked. My hips are fucked, got the old thyroid. But we’re all going to die, pas vrai ? Or are we already dead ? - Kessler annonce que sonne l’heure de la philosophie. Liam développe : «Peut-être sommes-nous déjà au paradis. Ou en enfer. Comment peux-tu savoir où nous sommes ? How do you know dying is death ?» Comme personne ne l’interrompt, il continue : «Je ne crains pas la mort. Pourquoi devrais-je la craindre ? Ça va arriver de toute façon. C’est la même chose que d’avoir peur d’être né.»     

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             Et pouf, il envoie son morceau titre - C’mon you know/ It’s gonna be alrite/ C’mon you know - Il enfonce son clou au stomp. Pur jus de rock anglais. On peut même parler de cut décisif. La fête se poursuit avec «It Was Not Meant To Be», vieux shoot de pop anglaise, en plein cœur du swingin’ London. Il vend sa soupe, c’est un battant. Rien ne peut le faire reculer. C’est la constance de ‘Chester. On note aussi la brutalité des coups d’acou dans «World’s In Need», et kaboum ! Ça saute à nouveau avec «I’m Free». Après une grosse intro, le Gallag te saute dessus à bras raccourcis, il chante avec de la colère plein la bouche, c’est tellement bardé de son que ça chevrote. Les colonnes du temple dansent le twist. L’album est tout de même un peu étrange, Liam semble chercher des voies de passage vers les Indes - Go back to your prisoner/ Cause I’m free - On entend le ghetto blaster de Notting Hill Gate. S’ensuit un «Better Days» extrêmement embarqué, extrêmement orchestré, il traîne la savate au chant, c’est sa façon d’épouser son génie, ça devient énorme, ça monte comme la marée. Il impressionne encore plus avec «Oh Sweet Children», il a le même impact que John Lennon, le même poids dans l’histoire du rock. Gallag est l’égal des dieux. Mais le plus surprenant, c’est encore la pochette. La pochette n’est faite que de fans photographiés depuis la scène. C’est l’hommage de Gallag à ses fans, mais les images sont assez perturbantes. On se demande si tous ces gens ont accepté le principe. Sur le poster plié à l’intérieur, tu vois une mer de smartphones, ils font tous des photos du Gallag sur scène. Des centaines de smatphones. On vit dans ce monde. Loin du monde.

    Signé : Cazengler, Gallaguerre des boutons

    Liam Gallagher. C’mon You Know. Warner Records 2022

    Ted Kessler : You only live twice. Mojo # 343 - June 2022

     

     

    Inside the goldmine - Setting Son of a bitch

     

             L’homme qui vendait sa maison ne faisait aucun effort pour masquer ses manières aristocratiques. Le bleu de son regard était si clair qu’il en paraissait transparent. Il accompagnait chacune de ses phrases d’un geste de la main ample et gracieux à la fois. Il affirmait posséder de vraies toiles, celles que la nature lui offrait à travers les immenses baies vitrées donnant sur le bord de Seine. Voyez-vous, nous avons là les quatre saisons. Il restait extrêmement discret sur les origines de sa fortune, mais l’entremetteuse nous confia un peu plus tard que l’homme avait possédé au temps de sa jeunesse un grand hôtel à Opéra. Sans doute fatigué des rythmes urbains et du brouhaha haussmannien, il avait opéré un repli stratégique vers un bord de Seine qui était encore alors quasiment inhabité et fait installer sur cette fantastique terrasse ce qu’il appelait lui-même une « demeure en portefeuille». Il avait imaginé le principe de ce cube en ferraille déposé par une grue et doté d’un mécanisme clic-clac qui assurait disait-il le setting. Une fois le portefeuille ouvert, deux poutrelles métalliques enfilées dans des conduits prévus à cet effet raidissaient la structure pour l’éternité. Le cube offrait une vue imprenable que ce paysage d’Île de France qui fascina tant de peintres, de Pissaro à Sisley en passant bien sûr par Auguste Renoir. Mais pourquoi cet homme se séparait-il d’un tel paradis ? Son épouse qui était alors occupée à cuisiner des poivrons grillés souffrait disait-il des hanches et ne pouvait plus envisager de monter quotidiennement la volée de marches qui reliait le chemin de halage à cette gigantesque terrasse. Il ne laissait absolument rien transparaître de son dépit. Il affichait un calme olympien, se contentant de nous redire sa fierté d’avoir imaginé ce setting d’une simplicité enfantine. Pendant les six mois qui suivirent l’acquisition, nous vécûmes sous une tente installée dans le jardin. Nous n’osions rien toucher de ce qui avait fait le quotidien de cet homme extraordinaire. Quand nous apprîmes par la suite qu’il avait péri dans l’incendie de son écurie de chevaux de course, il nous parut évident qu’il s’était jeté dans les flammes. 

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             Le setting du danois Sebastian T.W. Kristiansen est légèrement différent, puisqu’il s’agit d’un groupe pop, The Setting Son, monté en 2007, que le légendaire Lorenzo Woodrose prend sous son aile. Il va d’ailleurs produire leur premier album, The Setting Son.

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             On ne sera donc pas surpris de se retrouver en plein dans une belle ambiance sixties, climat clairvoyant amené dans la délicatesse, c’est même un peu la fête au village, ça pulse à la basse de culs de basse fosse, comme chez Breughel l’ancien, ça éclot à l’éclat d’épaisse fuzz et globalement ça frise de futurisme de Marinetti. Ça monte soudainement en pression qualitative avec «All I Want Is You», fabuleux shake in the face de Setting Son, totally out of it. Tiens puisqu’on est dans les out of it, voilà un «Out Of My Mind» joué à la pure violence, c’est le wild gaga de Lorenzo. On reste dans le gaga avec «In A Certain Way», relevé à l’extrême, ils tapent ça au someone else, c’est violent et complètement washed out. Ils profitent de leur élan pour trasher «I Love You», une abomination gagapocaplytique jouée au fuzzcore de Tasmanie. On a là l’un des très beaux albums gaga du XXe siècle. Ce mec plonge dans «I’m A Loser» au I’m just a loser et il reste d’une crédibilité sans nom. L’album continue de foncer dans la nuit avec «I’m Down», c’est plein de fuzz et de nappes de Seeds, c’est excellent et on se régale de cette proximité avec le Grand Œuvre de Lorenzo Woodrose. Ah quelle belle overdose de gaga sixties ! Il ne faut pas se fier à la leur mine de gentils mecs, les Setting Son sont capables des pires exactions. Tout est parfait sur cet album, le festin de son s’achève avec «Desperate Soul» et «You Better Run Away From Me», noyé dans les extrêmes. Ce mec tord le cou de sa psyché.

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             Paru en 2008, Spring Of Hate bénéficie d’une belle pochette dessinée, surtout au dos où dansent six femmes nues qui ne cachent rien de leur intimité. Avec cet album, Sebastian T.W. Kristiansen propose une petite fast pop dans laquelle remontent à un moment des accents des Seeds («Soulmate»). Avec l’«Out Of Tune» qui clôt le balda, il va plus sur Mercury Rev. En B, on retrouve the Seedy motion dans «Creepy Crawlers». Même élan, même ambition, même lancinance. «Wrong From The Start» plaira aux amateurs de gaga pop, c’est très énergétique et bien secoué des cloches au shuffle d’orgue. Toute cette pop se tient merveilleusement bien. Guitare et orgue se relayent pour redorer le blason du son. On se régale encore de «Depression», un cut plein de jus avec de grandes vagues de shuffle et de soudaines montées de violence, comme d’ailleurs chez les Seeds. Si nos amis les Seeds enregistraient un nouvel album à notre époque, ce serait celui-ci. Les Setting restent dans la mouvance Seedy jusqu’au bout de la B avec «Demons In My Head» et «I Lost Control», ils taillent la route à la bonne énergie de lose control et avec tout le bataclan qu’on peut bien imaginer. 

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             Avec Before I Eat My Eyes And Ears, les Setting restent dans l’optique big pop de Bad Afro, ce que certains qualifient de bubblegum psych with strong melodies and hooks galore. Ils font preuve d’un réalisme catégoriel étonnant, «Above The Rest» passerait presque pour une pop d’orgue doucement bercée, bien dense avec les louves. On sent un soin qualitatif de tous les instants, comme chez Galileo 7. «Terrible Town» va plus sur le Swingin’ London, avec du shuffle sous-jacent et un beat à la Spencer Davis Group. Ils bouclent leur balda avec «All The Candy», un big brouet de pop alerte et spontanée que chante Emme Acs. Ces gens-là ont du répondant poppy et même power-poppy à revendre. L’énormité de l’album s’appelle «Death Breath». Ils font de l’éthéré à la Mercury Rev. On se croirait en Arizona. On retrouve Emma Acs dans «Butterface», elle y va à coups de butterface et ça pourrait bien être un hit, after all. Mais globalement, ils s’éloignent des Seeds et de Baby Woodrose. Ils finissent avec un shoot de pop éthérée nommé «La Luna». Ils vont chercher des horizons à la MGMT, une bruine de son parcellaire que traverse un filet d’orgue et des voix diffuses qu’on voit à la fin s’étioler en de délicieuses arabesques harmoniques.

    Signé : Cazengler, Settting Con

    Setting Son. The Setting Son. Bad Afro Records 2007

    Setting Son. Spring Of Hate. Bad Afro Records 2008

    Setting Son. Before I Eat My Eyes And Ears. Bad Afro Records 2012

     

     

    ROCKABILLY RULES ! ( 7 )

    N’oubliez jamais que toutes les règles sont faites pour être contournées, dépassées, chamboulées, piétinées, car l’important avant tout c’est d’avoir un cœur fidèle et rebelle !

     

    ICHI-BONS

    Une vidéo aux couleurs criardes vous arrache la gueule sur You Tube. Exactement le genre de troue-pupilles dont j’habillerais Kr’tnt si les lecteurs – nul n’est parfait - ne préféraient pas les couleurs médianes ni trop flashy ni trop obscures, s’agit d’un clip promotionnel pour le nouveau le nouvel EP deux titres d’Ichi-Bons, oui ils sont bons, donc on plonge tout de suite sur la vidéo et ensuite sur le disque :

    DUST OF LIFE ( Promo Vidéo )

    ANDREW FOERSTER

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    Comme toujours quand on rencontre un graphiste qui accroche les mirettes un détour par son Instagram s’impose, cette vidéo s’inscrit dans la continuité de son œuvre, le bonhomme aime les couleurs vives, une évidence qui crève les yeux, mais allez-y voir par vous-mêmes, comme il n’y a pas de hasard dans la vie vous trouverez deux posts sur les White Stripes, or le 22 septembre dernier les Ichi-Bons étaient en première partie de Jack White, ne cherchez pas l’erreur, il n’y en a pas.

    Des couleurs Prisunic qui fleurent bon l’insouciance proclamée des sixties, un bleu prunelle, un jaune orangina, un noir mat formica, quelques touches de blanc pour rehausser la crudité des pigments, le début est parfait, juste le temps de l’intro, tout est dans la couleur instrumentale, quelle parfaite sonorité de guitare, ça évoque l’intro de Brand New Cadillac de Vince Taylor même si ça n’a rien à voir, z’ensuite vous tombez sur le type de clash apocalyptique dont les aficionados de rockabilly raffolent, le genre de déchirure qu’a dû ressentir Ravaillac lorsque les quatre percheront l’ont déchiré d’un seul coup, c’est alors que vous aurez l’impression d’être victime de troubles visuels, l’image saute sur une ( sale ) mine, si votre cerveau a du mal à suivre ne l’accusez pas c’est que votre constitution n’est pas faite pour le rockabilly, c’est triste mais c’est comme ça, quand vous voyez s’afficher le nom des musiciens fautifs, respirez, vous avez survécu, si vous ne les voyez pas, pas d’inquiétude c’est que vous êtes mort. Vous êtes délivrés de notre monde de brutes et de fureur. Reposez en paix. L’épreuve ne dure pas une minute ! La suite est pour les survivants.

    Ne me demandez pas ce que signifie Ichi-Bons, en la langue des oiseaux nous traduirons par Ici (c’est) Bon, sinon nous y trouvons une consonnance asiatique, le guitariste et vocaliste ne se nomme-t-il pas Hideki Saito même si sur la vidéo il est dénommé Little Perkins, ce qui il faut l’avouer sonne beaucoup plus rockabilly. Mamo Banzai : basse, Paddy Burn : drums. Ne sont pas américains, enfin si, du Canada, de Toronto. Revendiquent trois racines pour leur musique : garage, surfin’, rockabilly.

    THE DUST OF LIFE / CAN’t STOP MOANING

    ( Trophy RecordsTR003 / Décembre 2022 )

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    The dust of life : barate boogaloo en toile de fond, genre explorateurs ventre à terre poursuivis par les cannibales, très logiquement Little Perkins vous projette le vocal à fond de train, mais le pire c’est cette note de guitare qui revient perpétuellement comme le tic-tac fatidique ( mais ici follement perce-oreille mélodieux ) de la bombe dans l’avion qui va exploser, la tension s’intensifie et c’est ici que la déflagration se produit, la basse se la joue de profundis compressé, Perkins est aux abois, le gars qui ne retrouve plus sa ligne de vie dans la paume de sa main, calmos, pas de panique, arrêt buffet, les cavaliers embrassent leurs cavalière, une demi-seconde de répit avant l’éclatement de l’auto-destruction finale. Can’t stop moaning : un titre qui sent le blues à plein nez, ben non, c’est de l’ultra-comprimé, le rockab des familles désunies ou d’assassins, un bocal, pardon un vocal avec le   crotale vivant à l’intérieur, Burn a beau essayer de l’écraser à coups de grosse caisse, cause perdue, apparemment ils ne savent pas garder leur sang-froid, la fin est une espèce de salmigondis de crise de folie généralisée. Ce quarante-cinq tours est le genre d’évènements qui vous réconcilie avec le monde dans lequel vous vivez, puisqu’il vous permet d’entendre de telles horreurs ! Splendide.

             Quand on a repéré un coupable  de bonnes choses ( c’est comme pour les mauvaises ) faut rechercher les antécédents, voici donc leur premier opus, la pochette sent l’artisanat du DYE, entre parenthèses celle du précédent dans la lignée des simples américains n’est guère folichonne. Voici donc :

    ICHI-BONS PRESENTS :

    SHOW ME THE ROPES / BLUE EYES & BLACK HAIR

    ( Digital Bandcamp / Sortie : 31 / 03 / 2022 )

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    Show me the ropes : une guitare qui sonne et une section rythmique qui groove à mort, c’est le vocal qui sert de locomotive, voix sonore légèrement en urgence qui hoquète presque comme un drapeau flagellé par un vent taquin, l’est vite rejointe par une surfin’guitar qui ne surfe pas mais qui fait résonner des cordes de pendus qui claquent au vent, ce coup-ci mauvais, et qui bientôt jette toute la vaisselle du bahut à terre pour mieux la piétiner. Décidément ces gars-là ne peuvent terminer un morceau sans se fâcher. Blue Eyes & Black Hair : un titre à la Red Cadillac and black moustache, mais beaucoup plus énervé que les versions de Bob Luman et de Warren Smith, ici l’on est dans le rawkabilly pur et dur des origines, une batterie qui tape, une basse qui cogne, une guitare qui étincelle de mille feux et un vocaliste qui scie la branche de l’arbre sur lequel il s’est posé et qui se dépêche pour ne pas avoir l’air de mourir idiot. L’art du rockab c’est celui de l’intention, tout est dans l’inflexion esthétique que l’on donne à sa vie. Old style, good style.

             Quand il n’y en a plus, il y en a encore :

    BLACK DICE DEMOS

    ( Digital Bandcamp / 24 – 03  - 2020 )

    L’ont accompagné d’une photo, jeune groupe timide qui n’ose pas la ramener pour leur premier concert. Ne pipent pas un mot, ils attendent d’être sur scène pour faire parler la foudre.

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    Don’t call me flyface : n’ayez pas peur lorsque fuse le cri, il n’y en aura pas d’autres (enfin si mais pas trop nous sommes dans un instrumental ), assument leur héritage de surfin’ group, se déchaînent à fond, n’apportent rien au surfin’ de l’époque originelle de Dick Dale mais ils y mettent tant de cœur et de hargne que l’on se régale. Je jure qu’après la quinzième écoute je passe au morceau suivant. The rockin’ Gipsy : attention ici on vous le met dedans à l’espagnole, le grand style une guitare avec robe à volants flottants, une batterie banderillas à répétitions, c’est pas du flamenco pathétique mais de l’esbroufe, la basse claque du talon, regardez comme l’on joue vite, attention, question guitare l’on est beaucoup plus près de Django Reinhart que de Manitas de Plata. Dans la vie tout est question de doigté. The black alley stroll : stroll is cool, entrevoyez la problématique : comment flamber lorsque l’on est coincé sur une rythmique pour jeunes filles de cinquante ans, dès le début ils allument la torpédo, mais peuvent pas tricher non plus, alors ils adoptent la démarche chaloupée de la file d’éléphants qui respecte les limitations de vitesse, z’avez la basse et la batterie qui marchent en tête, ne comptez pas sur elles pour accélérer la cadence, la bête vicieuse, elle est au fond, en apparence elle suit les autres avec la docilité de ces cancres tapis près du radiateur qui attendent que le maître ait le dos tourné au tableau pour lancer une boule puante, l’air de rien, la tête pensive du gars qui tente de résoudre une équation du douzième degré, et plang ! la guitare vous déracine un arbre d’un coup de rien en toute innocence et chlang ! une nouvelle frondaison s’écroule à terre, même qu’hypocritement la basse appuie plus lourdement sur ses pattes pour couvrir le bruit, et toute ces bêtes si sages rigolent à perdre haleine comme si elles venaient de lire une chronique de Damie Chad.

             Ichi-Bons nous refilent quelques bonus. Du tout nouveau, trois albums enregistrés live le trente septembre 2022

    LIVE @Linda RonstatdMusicHall. Tucson. AZ

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    Live in Tucson. Vol 1 : Down shiftin’ : on s’en doutait un instru pour se chauffer les doigts, sont vite bouillants, z’ouissez cette guitare qui vrombit pour s’arrêter et repartir en claquements de becs salés, la rythmique pied au plancher, criez et applaudissez, c’est terminé, deux minutes de bonheur, c’est peu ! Still on zero : encore plus court un petit début country pour varier les plaisirs et hop un beau vocal rockab style western qui tire dans tous les coins, un chanteur en voix off tellement on est pris par l’action. Sont doués ne méritent pas leur zéro. Striding throught my blues : une volée de notes dans la tradition blues exalté de sept secondes et accélération clivante genre chevauchée fantastique, un dilemme terrible vous attend, faut-il suivre la guitare ou le vocal, heureusement que le band passe devant ce qui vous évite de vous prendre pour Corneille, ça repart en plus doux ce qui vous permet d’allier tous les plaisirs, hélas le solo qui vient vous arrache l’épine dorsale, pour le reste disons que c’est blues suede shoes ! Castin my spell : entrée tamtamtivore, c’est beaucoup plus l’appel de la jungle que de la forêt, ça ronronne à la manière du tigre qui se lèche ses babines ensanglantées, beau jeu de basse rampante, guitare serpentine, vocal feu au plancher, la foule acclame.

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    Live in Tucson. Vol 2 : Run chicken run : les picotis de Link Wray et la guitare qui lance les graines dans le poulailler, l’est sûr que le poulet n’est pas élevé en batterie – pourtant elle ne perd pas l’occasion de se faire remarquer - ici ce n’est pas de l’industriel et ça sonne comme un combat de coq. Hep cat : fini les plaisanteries, un bon vieux rock’n’roll des familles, avec rien qui dépasse ( même pas deux minutes ) une voix cochranesque qui vous fout le ramdam, un petit solo salé, et un final démantibulé vitaminant. Le truc parfait. I’m gone : vous avez aimé le précédent, alors ils vous en refilent un autre sur le même modèle, en plus court car il ne faut pas trop gâter les enfants, sans quoi ils se conduisent dans la vie au mieux comme des voyous au pire comme des rockers. Snake eyes : l’on vous a déjà dit de ne pas jouer avec les serpents, ce sont des bêtes vicieuses et dangereuses, un petit instru de derrière les vipères, dans la deuxième partie vous avez une guitare qui imite les chatoyances charbonneuses du mamba noir, mettez-y l’oreille mais pas la main. A moins que vous ne vouliez finir comme Cléopâtre.

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    Live in Tucson. Vol 3 : The witch : un son différent de tout ce qui précède, un peu plus tonitruant et un vocal de chirurgien énervé qui a oublié son bistouri dans le ventre de son patient, l’est pas content hurle de toutes ses forces pour que le gars le lui rende. Blues eyes & black hair : pur rockab classique, difficile de dire si cette version est différente de celle de leur disque auto-produit , un chouïa plus énervée peut-être, mais cela se discute. Contentons-nous de jouir sans entraves comme l’on disait à l’époque. Show me the ropes : là, il n’y a pas photo, diantrement plus nerveux et un accompagnement beaucoup plus mélodramatique dans lequel se distingue un pointu solo qui sonne très Buddy Holly. The black alley stroll : ne rallongent pas la promenade, adoptent un pas davantage nonchalant, la guitare ronronne gentiment à la manière du chat qui attend l’ouverture de sa boîte de Canigou Ron Ron. Sur la fin on n’entend plus que ses voluptueux lapements de langue visqueuse.  Misirlou : ce n’est pas la misère qui nous tombe dessus mais le tube de Dick Dale (ça tombe bien on avait la dalle), nous le traitent à la hussarde, une belle cavalcade de trois mille chevaux qui foncent droit sur l’ennemi, c’est grisant, on s’y croirait, ça tonne de tous les côtés, la batterie ne sait pas être douce, la basse vous écrase, la guitare vous étripe, l’on est un peu maso alors on en redemande.

             Pas mal cette idée de trois quarante-cinq tours pour un concert, ne rêvons pas, pour le moment c’est en digital sur bandcamp, mais espérons qu’un jour ils concrétiseront, les photos des pochettes supposées reflètent bien l’ambiance, un appât pour les collectionneurs, le plus terrible pour les plus désargentés, lequel des trois choisir, dans chacun ils trouveront un morceau indiscutable… Dans tous les cas, tous les cats auront un vinyle d’un des groupes de rockabilly actuels prometteurs.

    Damie Chad.

     

    *

             J’avoue une prédilection certaine pour les gens qui possèdent une mythologie personnelle. L’on pourrait me rétorquer que chacun possède sa propre mythologie, certes seulement certains en ont davantage conscience que la masse des autres. Raison nécessaire et suffisante pour expliquer mon goût pour le Metal, le Stonner et le Doom. Les groupes de ces courants développent tant d’énergie que les textes qui les accompagnent ne sauraient se contenter longtemps d’historiettes sentimentales, pourquoi tant de bruit et de fureur pour des évènements d’une extrême banalité. Les musiques fortes exigent des textes d’une même ampleur. Le problème c’est que tout le monde n’est ni Homère, ni Virgile… Certains groupes ont compris la difficulté, puisqu’ils se sentent incapables de rivaliser – d’ailleurs le format ne le permet guère – avec La Pharsale ou La Divine Comédie, préfèrent se taire. Si pas de texte, nul besoin de chanteur. Seule reste la musique. Se développent ces dernières années des groupes instrumentaux. Ce n’est pas choisir la facilité. Comment se faire comprendre sans l’aide de mots et en se passant du plus bel des instruments : la voix humaine.

             Nous sommes face à une démarche très différente des groupes instrumentaux des années soixante, la problématique était toute autre, il s’agissait alors d’explorer les tessitures et les possibilités des nouveaux instruments électriques… tout nouveau, tout beau… les chanteurs ont très vite récupéré leur place… sur le devant de la scène…

             Mais essayons de comprendre comment l’on peut se faire comprendre sans prononcer un seul mot en écoutant l’opus suivant qui déjà se singularise par sa date de parution, ce premier janvier 2023.

    BLACK SKY GIANT

             Enfin presque, puisque déjà ils en utilisent ( en français ) cinq : le nom du groupe :  le géant du ciel noir. Que savons-nous d’eux ? Qu’ils sont de Rosario, la plus grande des villes de la province de Santa Fe, en Argentine. D’après les photos ils sont trois. Ils ont toutefois choisi d’apparaître en tant que Black Sky Giant.

    Un ciel noir ne porte pas à l’optimisme, néanmoins souvenons-nous que le vide interstellaire est noir, ce qui déjà octroie à ce géant une origine étrangère. Le mot géant en lui-même n’est pas neutre, dans nos souvenirs scolaires plane cette histoire de ces géants qui ont combattu contre les Dieux de l’Olympe, fait-il partie de cette cohorte, à ce point nous n’en savons rien, et puis les contes d’enfants sont aussi peuplés de géants souvent (mais pas toujours) patibulaires. Quoiqu’il en soit le fait qu’ils se déclinent en tant que géant du ciel noir nous incite à considérer qu’ils induisent en nous l’idée d’une dimension mythologique.

    Pour ceux qui veulent tout savoir et chercher, Black Sky Giant a antérieurement produit quatre autres albums à écouter comme des préquelles de celui-ci, il devient manifeste que le Black Sky Giant est autant le nom du groupe qu’un des personnages de cette saga…

    Autres indices : la pochette : due à Deliria Vision. Inconnu au bataillon, un tour sur son instagram nous propose une auto-définition lapidaire ‘’ Sci-fi & Horror Music Artwork’’, pas de tricherie sur le contenu qui suit. Beaucoup de pochettes de disques, à chaque fois un monde froid et cruel que l’on devine sans pitié, vous n’avez aucune envie de le visiter, une vision oniro-cauchemardesque d’un art qui n’est pas sans évoquer certaines lithographies de Salvador Dali mais que l’on pourrait définir comme de l’expressionisme architectural glacé qui ignorerait toute représentation de la fragilité humaine…

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    La pochette en elle-même n’est pas belle, elle est la représentation d’un monde que nos critères esthétiques ne permettent pas d’appréhender. Imaginez les statues géantes de l’Île de Pâques qui auraient été torturées et décharnées à dessein. Des pieux géants plantés en mer et sur terre en tant qu’avertissements sang frais à ceux qui voudraient aborder. Justement un bateau à voiles apparemment insensibles à ce paysage peu engageant fait cap vers le rivage. Le titre est très ambigu, les primigéniques annoncés sont-ils les aventuriers qui se préparent à aborder ou ceux qui ont construit l’imposante tour d’accueil qui se présentent à eux… L’on pense à un temple lovecraftien des Grands Anciens. Etrangement lorsque cette couve s’est présentée à moi j’ai tout de suite pensé à Fragment d’un Paradis de Jean Giono… Bref chacun apporte ce qu’il a dans la musette de son cerveau, livres, films, bande-dessinées, tableaux, œuvres musicales, le groupe fournit la bande-son à l’auditeur de produire les images mentales. Les titres sont assez éloquents, ils sont en rapport direct avec la pochette. L’écoute se transforme en une quasi-expérience de rêve dirigé nervalien, objectivement il n’y a que deux directions possibles, extérieure ou intérieure, un voyage astrale hors de soi pour effleurer ou toucher à une certaine objectivité mondaine ou une entrée en les abysses de soi-même pour descendre tout au fond de la mer consciente.

    Pour ceux qui craindraient à tort d’être dépourvus de l’imaginaire nécessaire, sur son bandcamp le groupe a laissé quelques phrases-béquilles, qui aident certes mais qui peuvent aussi être interprétées de différentes manières. L’ambiguïté ne mène-t-elle pas le monde ?

    PRIMIGENIAN

    Primigenian : ce morceau est de toute splendeur, l’impression de se trouver à l’intérieur des tuyères d’une fusée spatiale, une progression par palier, le son à chaque fois plus fort s’empare de vous et vous emporte, vous subissez des accélérations et des chutes de pression artérielles difficile à supporter, les guitares volent sans être exactement être aériennes car trop soudées à votre chair, un prélude qui ne raconte pas ce qui va arriver mais qui remémore tout ce qui s’est passé avant, vous n’en savez peut être rien, mais les sons sont porteurs de l’inconnaissance de votre connaissance, vous ne savez pas mais d’instinct vous comprenez que le voyage a été long et tumultueux, que vous êtes à l’aube d’un nouveau chapitre. At the gates : vous auriez une carte avec le relevé de la longitude et de la latitude vous seriez heureux, mais vous possédez mieux, un dessin, une carte au trésor, la pochette elle-même,  vous touchez au but, vous êtes en train de passer par la grande porte, la musique crie victoire, elle se transforme en une immense clameur de triomphe, super-générique de film d’action, la force du premier morceau multipliée par mille, vous êtes accueillis en vainqueur même si la basse chantonne que vous n’êtes pas au bout de vos surprises, une allégresse héroïque s’empare de votre esprit, que cette basse est magnifique, comment ne pas l’entendre, c’est sur elle que repose ce péan de louanges érigées en votre honneur. Le bonheur qui vous étreint n’en finit pas de s’épanouir en votre âme.  Stardust : tout va-t-il trop vite, la musique suit son rythme effrénée mais on a envie de dire qu’elle déroule sa sarabande sur un mode mineur, qu’elle murmure à votre oreille, souviens-toi que tu n’es que poussière d’étoile, une formule qui vous gonfle d’optimisme car être un fils des étoiles est plutôt flatteur, votre personne ne relève-telle pas de l’immensité de l’univers incommensurable… moderato, tu es aussi poussière, atome minuscule, regardez sur le dessin ces crânes d’hommes plantés sur des pilotis, ils paraissent énormes, selon les lois de la perspective si le bateau présente une taille ( soyons gentil ) modeste c’est que de fait il n’est pas bien grand, la taille d’un jouet de gosse, ta grandeur en prend un coup au moral, mais peut-être les primigenians vers lesquels nous nous dirigeons étaient-ils de super-géants ce qui expliquerait notre toute relative petitesse… The great hall : une musique venue d’ailleurs vous saisit, grandiose, elle sonne d’argent dans vos oreilles, vous n’êtes pas n’importe où, dans le grand hall, maestro jouez grandioso, fabuloso, extraordinario, incoroyablo, énormo, nous n’avons pas assez de mots, de vocables assez vastes pour évoquer l’émotion qui nous saisit, nous sommes ici au saint des saints, en le lieu sacré de la connaissance absolue et originelle, celle de nos grands ancêtres, pour un peu nous tomberions à genoux pour marquer l’extase vénérationnelle à laquelle nous succombons. Sonic thoughts : déferlement musical, un maelström sonore submerge notre esprit, dans quelques secondes nous allons savoir, allégresse, les livres de la loi primordiale sont dans nos mains, ils ne sont pas gravés dans la pierre ni sur des tables d’airains, il suffit de les prendre sur le piédestal sur lesquels ils reposent, nous ne savons pas à quoi ils ressemblent, mais c’est un message que les primigenians ont laissé pour que les civilisations futures qui viendront après eux – c’est nous – puissent posséder les secrets fondationnels de l’ultime sagesse. The foundationel found tapes : ceci n’est pas de la musique mais un bruit que nous connaissons bien, comment est-ce possible, se moquerait-on de nous, cette musique triomphatrice du début se charge d’étonnement, de discordances, de colère de déception, nous avons beau appuyez plusieurs fois et entendre ce satané déclic, rien ne vient nous contredire, la batterie marque le pas de notre grande tristesse, nous entendons des bruits que nous ne comprenons pas mais nous comprenons très bien que les primigenians que nous avons toujours considérés comme le peuple fondateur sont bien décevants, le support de leur savoir repose sur une simple cassette audio, un objet qui fait partie de notre préhistoire, nous leur sommes donc supérieurs, ce que nous avons recherché si longtemps nous le possédions depuis longtemps dans nos musées, dans nos greniers, dans nos souvenirs, la cassette en bout de course s’arrête.

    A vous d’interpréter cette histoire à votre convenance. Black Sky Giant veulent-ils nous dire que partout il y a de la bonne musique, sur toutes les latitudes, depuis des millénaires, perdue ou recueillie sur n’importe quel support… ou alors qu’il faut que nous fassions gaffe à notre imagination, que nous arrêtions de nous tourner des films, que nous ne confondions pas les vessies de nos rêves avec les lanternes de la réalité.

    Une leçon à méditer. Un superbe disque à écouter. Stoner estonnant et destonnant. Fable philosophique ?

    Damie Chad.

     

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                             

    EPISODE 16 ( Datif ) :

    82

    Pour une fois, reconnaissons-le, nous tournions en rond. La semaine qui suivit les facéties de la forêt de Laigue s’écoula tristement. L’opinion heureuse d’apprendre que le nouveau virus hyper-contaminant s’était tué lui-même goba l’hameçon. Plus de danger, honneur aux héros qui se sont sacrifiés, le gouvernement fit les choses en grand, deux cent trente-sept cercueils alignés dans la cour des Invalides, un jour férié, un discours du Président, retour au travail le jeudi matin, soulagement général… Pour sa part le SSR ne resta pas inactif, le Chef relut soigneusement le dossier dans lequel il prenait note de nos démarches antérieures et fuma dix-sept fois plus de Coronados que d’habitude, je fis un tour au cimetière de Savigny , refouillai en pure perte de fond en comble la maison d’Alice lycéenne, et me recueillis longuement devant la tombe d’Alice ( la seule, la vraie, l’Unique ) mais elle ne m’adressa aucun signe, j’attendis à la sortie de l’école espérant rencontrer sa petite sœur Alice mais elle n’était parmi la troupe d’enfants qui s’égaya telle une volée de moineaux affamés de liberté… Molossa trouvait le temps long, Molossito geignait de temps en temps sur le canapé. Le dimanche matin le Chef déclara qu’il allait les promener au Père Lachaise pour leur changer les idées et ajouta-t-il, ‘’ce paysage ravissant m’aidera à trouver l’inspiration’’.

    83

    Je profitais de leur absence pour corriger les rares fautes d’orthographe que par inadvertance j’aurais pu laisser dans les Mémoires d’un GSH, lorsque le téléphone sonna :

    • Allo ! c’est Carlos, rendez-vous ce soir à 19 heures au restaurant de L’Autruche Baguée, il y a du nouveau, et j’ai salement besoin d’un coup de main !

    A dix-neuf heures tapantes un maître d’hôtel huppé nous guida à l’intérieur de L’Autruche Baguée, un établissement super-classe, d’un coup d’œil j’intimais à Molossa et Molossito de ne se livrer à aucun débordement, au nombre de Bentleys et de Ferraris stationnées devant la porte, Carlos ne nous recevait pas dans une cantine populaire. A peine avions nous fait quelques pas qu’une charmante hôtesse se précipita vers nous :

    _ Bonjour Messieurs, je me prénomme Alice, c’est moi qui veillerai ce soir à votre bien-être, oh qu’ils sont choux !

    Abandonnant toute réserve elle se précipita sur Molossito, le couvrit de baisers, le serra fort contre sa poitrine, il en profita pour lui glisser très affectueusement une patte dans son corsage, ce qui n’eut pas l’air de la déranger, je remarquai que ce geste de simple cordialité parut la ravir… Dans une alcôve à l’écart Carlos nous attendait trônant en bout de table, Alice nous mena à notre place, le Chef à la droite de Carlos, moi-même à sa gauche, tous trois assez proches l’un de l’autre, précaution qui nous permettrait de parler à voix basse à la fin du repas, deux assiettes disposées à l’autre extrémité   attendaient Molossa et son fils, en chiens bien élevés ils se  hâtèrent de sauter sur la table pour déposer poliment leur arrière-train sur la nappe d’un blanc immaculé. Alice n’arrêta pas de les caresser chaque fois qu’elle nous apportait un plat. Pour cette soirée exceptionnelle le Chef n’alluma pas un seul Coronado, il ne porta à ses lèvres que des Coronadors. Il n’existe pas de différence entre un Coronado et un Coronador,   si la bague du Coronado est en carton, celle du Coronador est une véritable bague en or le plus fin, artistiquement ciselé par les plus grands artistes et parsemé de minuscule diamant d’une limpidité absolue. Dès que le Chef écrasait son cigare dans le cendrier je récupérai le joyau et le glissai subrepticement à un des doigts d’Alice chaque fois qu’elle m’apportait un morceau de pain. Elle rougissait de plaisir et ne songeait nullement à retirer sa main. Mais venons au fait. Je passe sur le menu, nous en étions à déguster un digestif de quarante ans d’âge , Carlos prit la parole :

    _ Je me suis pas mal débrouillé cette semaine, deux attaques de transports de fonds réussies, attention par des billets des lingots, mon avocat est entré en relation avec la famille d’Edinbourg, ils m’ont vendu le manoir de XXXXX pour soixante quinze millions de livres, ça ne les vaut pas et je ne compte pas finir mes jours en Ecosse, mais en forêt de Laigue oui. Or voyez-vous c’est un vieux secret de famille, ils sont au courant de la fissure temporelle qui dote ce manoir d’une double présence, une en Ecosse, l’autre en France. C’est-là où d’après eux se situe le fantôme qui au cours des siècles a assassiné quelques uns de leurs ancêtres qui avaient la mauvaise idée d’y dormir. Ils sont satisfaits de s’en débarrasser à si bon prix. Vous m’avez compris, j’ai besoin de vous, je compte m’installer chez moi dès ce soir, mais pour cela nous devons en exproprier ce fantôme qui n’est autre que la Mort !

    Au moment de prendre congé d’Alice je retins une de ces mains que je baisai respectueusement :

    _ Chère Alice, chacun de vos doigts porte déjà une bague, il m’en reste deux, je les passerais bien, l’une au téton de votre sein gauche, et j’agirais de même avec votre sein droit, uniquement si vous le désirez !

    Elle le désira.

    83

    La forêt de Laigue n’était plus surveillée. Molossa et Molossito nous conduisirent droit à la faille temporelle. La Mort nous attendait, sa face horrible ricanait, Alice toute émoustillée de l’aventure se collait à moi, elle ne se rendait pas compte du danger, ma main dans sa culotte était toute mouillée. Lorsque Carlos lui tendit le certificat d’expropriation en tant que locataire n’ayant jamais acquitté de loyer, elle ricana méchamment :

    _ Je veux bien vous laisser la place mais que me donnez-vous en échange ?

    _ Une tonne d’or !

    _ Carlos, j’ai vu votre nom sur une de mes listes, l’argent ne fait pas le bonheur, et puis une tonne je vous trouve un peu mesquin.

    _ Je partage mon avis Madame, ce n’est pas l’argent qui fait le bonheur, toutefois vous avez une fort mauvaise réputation dans ce monde-ci, si vous acceptiez d’être la présidente d’honneur du Service Secret du Rock ‘n’ roll, votre cote remonterait illico chez nos semblables, vous êtes détachée des valeurs mercantiles, le bonheur sans honneur est tout juste bon, alors acceptez l’honneur !

    _ Toi le vieux Chef Indien, d’abord tu empuantes l’atmosphère avec ton brûle-gueule, tu n’es qu’un beau parleur tu ne vends que du vent ! Peut-être que ton éternel second le Poulidor du SSR aura une proposition plus honnête !

    _ Vous qui adorez les Alice…

    _ Toutes les Alice du monde m’appartiennent quand je veux !

    _ Oui, mais moi je vous offre quelque chose en plus, madame Thanatos…

    _ AH ! Ah !, vous jouez au petit futé !

    _ Pas du tout, mais à Thanatos j’offre Eros !

    _ Jeune présomptueux vous voulez me faire l’amour !

    _ Je n’oserais pas, mais attendez, laissez-moi faire !

    En un tour de main je me déshabillai totalement, et fis subir à Alice le même traitement totalement enchantée de la tournure des évènements. Elle se coucha jambes écartées sur table :

    _ Dépêche-toi chéri, je suis pressée, arrête de discuter avec cette vieille saleté !

    _ Tout de suite, mais choses promises choses dues, laisse-moi enserrer tes deux tétons de ces deux anneaux d’or en signe d’alliance éternelle !

    _ Oui tout de suite !

    • Tiens voici, un gage pour ton âme et un autre pour mon âme !

    Je sentis l’électricité érectile de ces seins je me couchais sur elle, la caressai quelque peu, et bientôt mon vit vainqueur la pénétra, elle gémit, appuyée sur mes avant-bras je n’eus pas à la manœuvrer longuement, la mort s’était rapprochée de nous, elle baissa sa tête et posa le vide osseux de ses lèvres sur les lèvres d’Alice qui connaissait l’extase, son souffle se perdit dans la bouche d’ombre qui lui ravit la vie. Je me relevai vivement, la Macrabe me retint par le bras :

    • Vous avez échangé vos anneaux et vos âmes sur ses seins, elle est à moi, vous ne formez qu’un, toi aussi tu es à moi, je vais te donner le baiser de la Mort !

    J’ouvris ma main droite :

    _ Erreur gente Dame, regarde au dernier moment j’ai récupéré mon anneau, j’ai parjuré, elle est à toi seule, pas à moi !

    Elle blêmit de colère :

    _ Décampez de chez moi !

    Carlos s’interposa :

    _ Non tu es chez moi, tu as perdu, bye bye !

    _ C’est bon je disparais mais je me vengerai !

    En une seconde elle se volatilisa. Carlos se retourna vers nous tout sourire :

    _ Mes amis, je ne vous remercierai jamais assez, rentrez vite chez vous au chaud, il fait trop froid dans cette demeure, je ne voudrais pas que vous attrapiez un rhume par ma faute, ne vous en faites pas pour moi, je me réchaufferai en faisant subir les derniers outrages au cadavre d’Alice, encore chaud !

    Damie Chad

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 541 : KR'TNT 541 : ROBERT GORDON / LIAM GALLAGHER / CHEAP TRICK / WILLIE COBBS / THUMOS / TWO RUNNER / ILLICITE / ROCKAMBOLESQUES

     

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 541

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    10 / 02 / 2022

    ROBERT GORDON / LIAM GALLAGHER

    CHEAP TRICK / WILLIE COBBS

    THUMOS / TWO RUNNER   / ILLICITE /

     ROCKAMBOLESQUES

    Gordon moi ta main et prends la mienne

     - Part Three - Book me Bob

     

             Memphis Rent Party date de 2018. Robert Gordon opte cette fois-ci pour un recueil d’articles, le but étant de proposer une collection de portraits hauts en couleurs, comme le fit Apollinaire en son temps avec Contemporains Pittoresques. On y retrouve les incontournables, Sam Phillips, Charlie Feathers, Jim Dickinson, Alex Chilton, Tav Falco, Jerry Lee, Bobby Blue Bland et d’autres personnalités plus underground comme Junior Kimbrough, James Carr et Otha Turner.

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    Le personnage clé de ce recueil étant bien entendu Memphis - Memphis - my Memphis - likes the unquantifiable. Nashville, New York, and Los Angeles, they promise stardom - Il ajoute que si Elvis n’avait pas démarré à Memphis mais dans l’une de ces trois autres villes, il serait devenu une pâle imitation de Perry Como. Bien vu, Bob. Dickinson rappelle que Memphis ne sera jamais Nashville - We’re a bunch of rednecks and field hands playing unpopular music - Dickinson a toujours su se montrer fier de cette marginalité péquenaudière. Et pour introduire le chapitre consacré au juke-joint de Junior Kimbrough, Robert Gordon ressort le vieux théorème de Danny Graflund : «Memphis is the town where nothing ever happens but the impossible always does.» L’auteur ajoute qu’à Memphis les loyers sont moins chers, les jours plus longs et on y tolère beaucoup moins le narcissisme qu’ailleurs. Fin philosophe et accessoirement inventeur du rock’n’roll, Sam Phillips indique que the perfect imperfection est une manière de définir the Memphis approach to art. Et dans son intro, Robert Gordon travaille sa vision au corps : «Il y a une profonde vérité dans notre blues, dans notre rock’n’roll, dans notre Soul et c’est pourquoi ces trois explosions ont transcendé leur époque. Chacune d’elles reste un modèle, vibrant et référentiel. Chacune d’elle fut inspirée par une défiance envers les normes sociales, par la misère et l’orgueil, par une soif de nouveauté et de différence. Memphis ne s’intéresse pas à l’instant présent, mais à l’horizon. La générosité de Furry Lewis et d’Odessa Redmond m’a beaucoup appris. J’ai découvert, grâce à tous ces musiciens, blancs et noirs, s’efforçant de lutter contre la haine, la paresse et l’ignorance, que le très grand art peut exister dans l’ombre.» Robert Gordon définit clairement ce qu’on ressent confusément.

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             Tiens, puisqu’on parlait de Sam. Selon Robert Gordon, Sam n’est pas tout rose - The devil is in the details and Sam welcomed the demons - C’est en fait une invitation à entrer dans l’épais Sam Phillips de Peter Guralnick. On croit tout savoir et on ne sait rien. Comme dit Keef, ça vaut la peine d’étudier. Tiens, puisqu’on parle de Keef, Robert Gordon n’hésite pas à comparer Mud Boys & the Neutrons aux Stones, en insistant tout de même sur une petite différence : si les Stones avaient appris directement auprès des bluesmen originaux plutôt que des disques, ils auraient pu sonner comme Mud Boy qui eux avaient appris auprès des bluesmen originaux. Gordon enfonce le clou en ajoutant que Mud Boy privilégiait la personnalité plutôt que le spectacle, et donnait à sa musique de l’espace pour respirer. Et comme si cela ne suffisait pas, Dickinson grommelle : «I have something Mick Jagger can’t afford.» Pas la peine de faire un dessin. D’ailleurs, c’est Dickinson qui se tape la part du lion dans ce recueil de portraits plus vivants que nature. Prophétique, comme toujours, il déclare : «The art form of the twentieth century is undeniably music. And the most important thing that has happened to music happened in Memphis. It’s like being in Paris at the start of the twentieth century. Culture has changed as much in the last twenty years as it did then, and the reason has been music.» En matière de vision, Dickinson fait autorité. Pourquoi ? Parce qu’il sait. Pour avoir étudié, d’une part, et pour savoir réfléchir, d’autre part. Robert Gordon ressort pour l’occasion une interview de Dickinson datant de 1986 et jamais publiée. Quand on lui demande de décrire Mud Boy, Dickinson répond que Mud Boy est un esprit qu’on tente d’invoquer, de la même manière que les Pygmées de la rain forest invoquent le shaman. Il revient aussi sur Alex Chilton pour rappeler qu’à l’époque des Box Tops, il était salement exploité - Alex never received the royalties for anything until Flies On Sherbert, you can imagine how much he made on that - Alors Alex se livra au sabotage systématique - On Big Star 3rd, I watched Alex sabotage every song that had real commercial potential - Dickinson revient à un moment sur sa vision du métier de producteur : «Straight people are afraid of artists, and I am an artist, and a lot of producers aren’t. And that scares record company people, the idea of, This guy thinks it’s art not business.» Et il se demande bien pourquoi tout devrait être un hit - What a sick idea - All I do is make things sound better - En en matière de southern production, il n’y a plus grand monde qui fasse aujourd’hui ce que je fais - Plus loin, Dickinson rend un sacré hommage à Paul Westerberg - Westerberg is way better than anybody gives him credit for. It may be the best stuff I’ve ever done. The Replacements even have a song called ‘Alex Chilton’ - Pour revenir aux Stones, Dickinson pense qu’Exile On Main Street est un album ruiné par la cocaïne et qu’un simple album aurait largement suffi - Keeping the slop, that’s what I’d keep - Il fait aussi la lumière sur sa shoote avec Dan Penn. Ils avaient enregistré 8 ou 9 cuts et il y eut un problème de fric, alors Dickinson s’est barré. Pour se venger, il a produit le Big Star 3rd que voulait produire Dan - I think revenge is the noblest human motive - Questionné sur Jerry McGill, Dickinson indique qu’il a enregistré d’excellentes choses avec lui. On les trouve d’ailleurs sur le disque audio qui accompagne le DVD Very Extremeley Dangerous, un docu qu’a tourné Robert Gordon sur McGill. Le titre de l’album de Mud Boy Known Felons In Drag vient de McGill qui était le road manager de Waylon Jennings. McGill était recherché par les flics, et pour leur échapper, il se déguisait en femme. Mud Boy jouait en première partie de Waylon Jennings et Sid Selvidge reconnut McGill - Yeah that’s got to be McGill or that’s the ugliest woman I ever saw - Alors McGill lui aurait dit : Known felons in drag. S’il est un autre personnage sur lequel Dickinson ne tarit pas d’éloges, c’est bien sûr Tav Falco, qu’il appelle Gus, diminutif de Gustavo. La première fois qu’il le vit chanter, ce fut avec une version de «Bourgeois Blues» en forme de happening. Tav tailla sa guitare à la tronçonneuse, tomba dans les pommes et aussitôt après, Alex vint lui proposer de monter un groupe avec lui - And that was the birth of Panther Burns - Et puis quand Tav faisait son numéro du three-legged man, il épatait toute la galerie. Jerry Phillips disait : «The three-legged man is just the best thing I’ve seen since the bullet.» The bullet ? Ça ne vous rappelle rien ? Dickinson en fait une description fascinante dans son recueil de souvenirs, I’m Just Dead, I’m Not Gone. Le chapitre que Robert Gordon consacre à Dickinson fourmille littéralement d’aphorismes. Par exemple, Dickinson sort ça sur les Klitz : «They didn’t know what the notes were, they knew when the notes were.» Et Robert Gordon conclut en revenant sur le chaos de Sherbert : «The chaos of Like Flies On Sherbert was intentionally developped. Memphis wasn’t about getting it right or wrong, it was about getting it.»

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             On plonge à la suite dans un tourbillon de négritude céleste, à commencer par Lead Belly. Les Lomax le rendirent populaire, mais en même temps, ils en firent leur valet et leur chauffeur. On appelle ça la complexité relationnelle. Plus loin, on apprend que la famille de Robert Johnson n’a jamais reçu d’argent ni pour The Complete Recordings, ni pour les reprises des chansons, ni pour l’utilisation de cette photo où on le voit jouer de la guitare avec une cigarette au bec et que tout le monde utilise jusqu’à la nausée. Joli portrait de Junior Kimbrough, big man, with an air of quiet violence, simmering sexuality and raucous good times. On servait de la fruit beer dans son juke-joint et Robert Gordon voyait des gens tomber dans les pommes - Might have been the fruit beer - On voit aussi le professeur de philosophie africaine Otha Turner donner un cours de fifre à Robert Gordon - You got to know how to know it - ça s’applique au fifre, mais aussi à tout le reste. Puis voilà Bobby Bland, qui n’avait pas de chaussures étant petit et qui adulte s’habillait chez un tailleur. Bobby appelle son grognement un ‘squall’. Peter Guralnick disait de Bobby qu’il avait des ‘sad, liquid eyes’. Autre black de base en termes de Memphis Rent Party, James Carr qui, rappelle Robert Gordon, était adulé au Japon, en Europe, partout dans le monde, sauf à Memphis - He was just another minority dude on welfare - Quinton Claunch rappelle qu’une nuit on tapa à sa porte : il y avait trois blackos, James Carr, O.V. Wright et Roosevelt Jamison. Ils avaient une cassette et un petit lecteur cassettes. Ils s’installèrent à même le sol dans le salon pour écouter la cassette et Claunch fut tellement emballé qu’il fit paraître deux singles sur Goldwax. On tombe bien évidemment sur l’excellent portait photographique que fit Tav Falco de James Carr, près du pont qui franchit le fleuve, à Memphis. On peut lire une interview accordée par James Carr, que l’auteur accepte enfin de publier. Le pauvre James Carr y semble très perturbé, convaincu qu’un autre homme est entré dans son corps. Gordon lui demande : «What was the cause of the switch ?» et James lui répond : «Lost in a dream.» Ces gens sont tellement forts qu’ils transforment tout en poésie. Ailleurs, ça relèverait de la psychiatrie.

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             Restent les géants blancs, Charlie Feathers, Tav Falco, Alex et Jerry Lee. Rien qu’avec ces quatre mousquetaires du Memphis Sound, on a largement de quoi faire. Voilà ce que dit Charlie  : «Rockabilly is the beginning and the end of music.» Et il a raison. Quand Robert Gordon le rencontre, Charlie a le souffle court. On vient de lui enlever un poumon. D’ailleurs il chique, parce qu’il n’a plus le droit de fumer. On voit même une photo de Charlie en train de cracher son jus de chique. Ben Vaughn dit de lui : «He’s so far into the music that he is, in my opinion, a genius. Like we think of jazz greats : Sun Ra or Mingus or Monk.» Et Ben ajoute : «He’s never given up on rockabilly, and he continually redefines it in his mind.» Robert Gordon rappelle le lien de maître à élève qui existait entre Charlie et Junior Kimbrough. Memphis, yeah. Un vrai conte de fées. Que des gens fascinants. Inutile de chercher, tu ne trouveras pas ça ailleurs. Il existe aussi un lien de parenté artistique entre Tav Falco et R.L. Burnside, les two-chord blues drones et l’early rockabilly, cocktail dans lequel Tav rajoute le tango et la samba. Pour Tav, ce qui compte, c’est l’aesthetic, plus que la virtuosité. Très tôt, il a les idées claires. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il s’entend si bien avec Dickinson. Si Tav admire tant Artaud et son Théâtre de la Cruauté, c’est parce qu’il apporte un strong sense of drama on his stage, comme d’ailleurs les grands bluesmen. Tav s’est donc employé à transposer cette théorie sur un groupe. En plus, il partageait la scène avec les gens qu’il admirait : Charlie Feathers, Cordell Jackson, Jessie Mae Hemphill, Otha Turner - Tav alerted a new generation to their existence - Comme le firent le Cramps avec Hasil Adkins et The Phantom. Tav étudiait le blues : «J’ai vu Sleepy John Estes de Brownsville et Hammie Nixon l’accompagnait en soufflant dans une cruche. Bukka White chantait «Parchman Farm Blues» et jouait sur son dobro avec un cran d’arrêt. J’ai vu Nathan Beauregard à 91 ans jouer «Highway 61 Blues» et passer un solo de guitare électrique comme je n’en ai jamais revu depuis. Mississippi Fred McDowell est le plus grand bluesman gothique qui soit. Et j’ai vu the Jim Dickinson Band accompagner Ronnie Hawkins.» Tav raconte aussi comment il est devenu l’assistant de Bill Eggleston - So for me there’s been no separation between literature and theater and visual art and blues and rock and roll and jazz. And this is my formative experience - Robert Gordon et lui évoquent évidemment le fameux Stranded In Canton filmé par Bill Eggleston avec très peu de lumière et une pellicule ultra-sensible. Il évoque aussi le Big Dixie Brick Company, lorsque Randall Lyon et lui animaient les shows de Mud Boy & The Neutrons - A rock and roll Dionysian context. Randall was doing his Guru Biloxi characterization, dressed in a very flowing Blanche DuBois-in-her-terminal-stages-of-dementia type presentation - L’épisode Tav est particulièrement hot, car c’est un écrivain qui s’adresse à un écrivain, un souffle qui croise un autre souffle. Et Tav prend un malin plaisir à rappeler que dans Panther Burns, personne ne savait jouer, ni Eric Hill, ni Ross Jonhson, et encore moins Tav. Sauf Alex, bien sûr. Ils feront d’ailleurs la première partie des Clash lors d’une tournée américaine - My little four piece doing this strange blues - Évidemment, les gens n’y comprenaient rien. Et Tav évoque avec amusement ce concert de Knoxville qui faillit dégénérer en émeute. Tav raconte qu’il s’arrêta en plein milieu de «Tina The Go Go Queen», provoquant un sacré malaise, avant de redémarrer avec «Bourgeois Blues». Et sur sa lancée, Tav se refend d’un bel hommage aux Cramps : «Critics write off the Cramps as a novelty band, and that’s absurd.»

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             Tiens justement, puisqu’on parlait d’Alex, le voici. Robert Gordon raconte qu’en 1977, quelques mois avant les Sex Pistols, Alex montait sur scène et punk-rockait, accompagné de Sid Selvidge au piano, Dickinson à la basse et le garde du corps Danny Graflund au chant - Several months before the Sex Pistols came to Memphis, Alex Chilton pulled back the horizon and let us hear the imminent thunder - Robert Gordon insiste : Alex, les Cramps, Tav et Dickinson se sont tous influencés les uns les autres, ils ont tous su repousser les limites et ont des racines dans le son du passé - And those past sounds were local - You think Elvis wasn’t a punk ? - Bravo Robert ! Bien vu ! Oui, car la filiation est d’une effarante justesse. Robert fréquente Alex mais ne se sent pas l’aise avec lui. Il en parle à Dickinson qui lui répond que c’est la même chose pour tout le monde - Everyone does.

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             Parmi les albums que Robert Gordon cite en référence dans Memphis Rent Party, on trouve celui de John Gary Williams sur Stax. Il s’y niche un très beau «Honey», assez proche de l’«Everybody’s Talking» de Fred Neil. John Gary Williams a cette facilité de pouvoir sonner juste dans la beauté blanche. Il travaille sa chanson à l’élongation maximaliste et atteint l’horizon sans effort. Il leste son ampleur de belles lampées de feeling black et atteint à une sorte d’émancipation. Oui, John Gary Williams vise le mellow, il va parfois sur Marvin («I See Hope»), parfois sur Sam Cooke («I’m So Glad Fools Can Fall In Love») et vise clairement le slow groove de charme intense avec «Ask The Lonely». C’est avec «How Could I Let You Get Away» qu’il atteint à l’excellence staxy. Il flirte avec la Soul blanche, comme Freddie North, mais il finit toujours par redresser la situation en shootant ce qu’il faut de feeling black. Il met en œuvre une délicatesse qui en dit long sur sa configuration. Son feeling reste toujours d’une grande justesse. Il laisse les flûtes bercer nonchalamment «Open Your Heart And Let Love Come In» et il termine en sonnant comme Marvin dans «The Whole Damn World Is Going Crazy». John Gary Williams ne tombe pas du ciel : il chantait dans les Mad Lads qui pour une raison X n’ont pas connu le succès des autres têtes de gondole Stax. 

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             Comme il le fit précédemment avec It Came From Memphis, Robert Gordon joint à son livre Memphis Rent Party ce qu’il appelle un companion disk. L’album vaut le détour, ne serait-ce que parce qu’il en a constitué le track-list. On y retrouve l’extraordinaire «Desperado Waiting For A Train» de Jerry McGill, mais le cut qui emporte la bouche est le duo Luther Dickinson & Shade Thomas qui suit. Ils tapent une version de «Chevrolet» absolument superbe - They channel  Memphis Minnie through fife & drums greats Ed & Lonnie Young, nous dit Robert Gordon. Luther et Shade sont bien sûr les descendants des lignées royales Dickinson et Otha Turner. L’autre gros coup de Jarnac est le «Frame For The Blues» de Calvin Newborn. Complètement irréel de beauté. Calvin : «I used to think I could fly !» On trouve aussi un «All Night Long» de Junior Kimbrough enregistré par Robert Gordon chez Junior, justement - A cabin surrounded by acres of cotton fields - Il chante avec une niaque invraisemblable. Parmi les autres luminaries présents sur cette compile se trouvent aussi Furry Lewis, Alex Chilton et les Panther Burns avec «Drop Your Mask», one of the earliest art damage recordings. Robert Gordon nous dit aussi que Jerry Lee s’ennuyait à Nashville où il enregistrait pour Smash/Mercury, alors il revenait à Memphis enregistrer des trucs comme «Harbour Lights». On entend aussi Charlie Feathers roucouler à la lune dans «Defrost Your Heart». Robert Gordon l’admire tellement en tant que chanteur qu’il le compare à Sinatra et à George Jones. C’est Dickinson qui referme la marche avec «I’d Love To Be A Hippie», un big heavy blues - If you ever see a hippie, baby/ Walking down the road...

    Signé : Cazengler, Robert Gourdin

    Robert Gordon. Memphis Rent Party. Bloomsbury Publishing 2018

    Memphis Rent Party. Fat Possum Records 2018

    John Gary Williams. John Gary Williams. S*

     

    Pas de vague à Liam

     

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             Dans As It Was, le docu qu’ils consacrent à Liam Gallagher, Gavin Fitzgerald et Charlie Lightening n’y vont pas de main morte : Liam serait selon eux le dernier grand chanteur de rock en Angleterre. Et ils ont raison, mille fois raison, et vive l’arrogance des frères Gallag ! Bourdieu dirait : Insulter la terre entière, oui, mais à condition d’enregistrer de grands albums.

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    L’histoire d’Oasis n’est rien d’autre que ça, une histoire de grands albums et on n’a pas fini d’en faire le tour, car chaque fois qu’on remet le nez dedans, on s’effare dans la nuit. Les frères Gallag sont en plein dans l’équation magique de Totor : the voice + the song + the sound. Oasis est ce qui est arrivé de mieux à l’Angleterre après les Small Faces, les Pistols et les Mary Chain, c’est la quatrième vague, la vague géante qui a tout balayé et aujourd’hui Liam enfile sa parka pour aller rocker son fookin’ shit sur scène, car bien sûr, il n’est pas question pour lui de se débiner. Lightening prend le parti de nous montrer un Liam qui boit de l’eau et qui fait du sport, qui voyage avec ses fils et sa poule. Il essaye d’en faire un agneau. Liam Gallag un agneau ? Tu déconnes Charlie ! Sur le pont de San Francisco, Liam prend sa meilleure mine de lad pour annoncer au monde entier qu’il prend deux grammes avant de monter sur scène et ajoute en se marrant qu’avant il lui en fallait huit. C’est la seule trace de coke en une heure trente, mais fuck, comme elle est belle ! Lightening ne filme pas assez Liam sur scène, dommage, car comme on va le voir tout à l’heure, les cuts de ses deux albums solo sont fookin’ good. Et puis il y a ces coiffures de petites mèches, ces gueules de rockers anglais dont on ne se lasse pas, ces lunettes à verres teintés. À une époque, Liam se coiffait comme Ian McLagan. Comme les frères Gallag insistaient beaucoup sur le look, ils firent entrer dans le groupe Andy Bell et Gem Archer qui eux aussi arboraient des coupes McLagan. Mais de tous, le plus réussi, c’est Liam. Et puis il y a cette voix. Il fut le seul à pouvoir rivaliser de fookin’ sneer avec John Lydon. La morale de cette histoire est que Liam incarne encore aujourd’hui l’énergie du rock anglais. Il balaye d’un geste toutes les litanies et tous les pronostics à la mormoille : non le rock n’est pas mort.

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             C’est en 1994 qu’Oasis rallume le feu sacré du grand rock anglais avec Definitively Maybe. On le sent dès «Rock’n’Roll Star». Tu prends le son en pleine poire, c’est percuté au power direct. Tout éclate avec le son mordoré des guitares dans l’embrasement d’un soir d’apocalypse et la voix de Liam éclot comme la rose de Ronsard dans le pire bucketfull of punk-blues de tous les temps. On a là le plus gros blastoff d’Angleterre depuis «Gimme Shelter». Oui, ils s’inscrivent dans cette lignée et dans cette tradition du claqué d’Union Jack sur les océans du monde. Ces mecs surjouent leur génie sonique. Mais tout ceci n’est rien en comparaison de ce qui arrive plus loin : «Columbia». Le ciel s’y écroule sous les coups de boutoir combinés du heavy beat et des power chords. C’est l’une des intros les plus monstrueuses de l’histoire du rock. Impossible d’échapper à cette emprise. Liam chante à l’envers dans l’enfer du coulé de lave sonique. Ils vont encore plus loin que les Stones, ils manœuvrent leur rock dans une mer de feu. Voilà encore une preuve de l’existence du diable. Au fond, les frères Gallag ne font qu’appliquer la formule magique : une vraie chanson + une vraie voix + un vrai son, formule qu’ont aussi utilisé les Pistols, les Stones,  les Stooges et bien sûr Phil Spector, l’inventeur de la formule. Et puis t’es encore baisé avec les arpèges de «Supersonic». Le chant plante le décor dans le cœur du vampire. Liam fait du punk de ‘Chester dans un chaos de guitares disto. Et dire qu’il y a des gens qui contestent la suprématie d’Oasis ! Nouveau coup de semonce avec «Shakermaker» et un Liam propulsé en première ligne par une vague géante de heavy chords. Il chante à la pure heavyness. On a là une inlassable fournaise de son sub-coïtal. Ces mecs touillent à n’en plus finir et passent maîtres dans l’art des retours de manivelles. Noel veille sur tout ce bordel en composant des hits. Ils claquent le beignet de «Bring It Down» à l’extrême, Liam tartine sa mélasse sur une prod en acier de Damas. Ils font même du glam avec «Cigarettes & Alcohol», alors t’as qu’à voir. C’est joué à l’eau lourde et Liam chante comme un dieu viking. Même les petits cuts d’entre-deux sont de belles choses. Les frères Gallag ne produisent pas de filler comme le firent les Stones d’Exile qui étaient alors en panne. Et les balladifs d’Oasis sont infiniment plus sexy que ceux d’Aerosmith. Avec «Slide Away», les frères Gallag créent de la magie, à cheval sur la Beatlemania et ‘Chester. Quelle classe ! Les sauts de Liam sont ceux d’un saumon.  

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             La conquête du monde se poursuit l’année suivante avec (What’s The Story) Morning Glory ? C’est là qu’on trouve «Some Might Say» et son intro de rêve. C’est blasté dans l’os au boogie down avec un Liam pris dans l’épaisseur du son. Ses descentes de chant sont uniques dans l’histoire des descentes. Il y a quelque chose de pathologiquement seigneurial chez les frères Gallag. Personne ne pourra jamais leur enlever ça. Tout aussi explosé de son, voilà «Morning Glory». Liam parvient à se hisser par dessus cette barbarie sublime. Ce mec chante son wake up dans une foison de déglutis, dans une véritable dégoulinade d’essaims, c’est un miracle sonique. Un solo nage dans la fournaise, quelle provocation ! Puis on entend les guitares voler dans l’air, c’est la première fois qu’on assiste à un tel phénomène productiviste. Ils jouent «Roll With It» au heavy beat de ‘Chester. C’est plus pop, mais révélateur d’une vraie nature. Ils ont du son à n’en plus finir. Mais ils commencent à boucher les trous avec du filler, comme les Stones d’Exile. L’album est bon, mais pas du niveau du précédent. Ils terminent avec «The Champagne Supernova». C’est le côté marrant d’Oasis, un brin putassier, comme s’ils essayaient de convaincre au plan commercial, mais ça retombe comme un soufflé. Bon, c’est vrai qu’ils ramènent des gros moyens, Liam peut faire son wa-wa-wa, il y a du monde derrière, mais leur truc se barre en sucette à force de surcharge.  

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             Be Here Now est l’album du grand retour. On peut même parler de trilogie définitive. Graphiquement, les trois pochettes s’inscrivent dans l’inconscient collectif. Be Here Now grouille littéralement de coups de génie. «Do You Know What I Mean» donne le ton, bardé de son, mais un son plus éclaté dans le spectre. C’est une prod déflagratoire truffée de rafales de wah. Et puis voilà qu’arrive «My Big Mouth», encore plus overwhelmed. Ces mecs battent tous les records de violence consanguine du sonic trash. C’est bombardé dans la gueule du pacte germano-soviétique, ça rampe dans le son avec un Liam complètement demented. On sent le froid de l’acier des empereurs du rock anglais, le clan du power northerner, pas de pire purée de son sur cette terre ! Il faut aussi les voir partir en maraude avec «I Hope I Think I Know». Ils tombent tout de suite sur le râble du son. Personne ne peut échapper à ça. Toujours âpres au gain, les frères Gallag tapent dans le tas du rock et ça explose en bouquets d’étincelles surnaturelles. Ils travaillent à l’Anglaise, au shake de shook et c’est mélodiquement parfait. Ça continue avec le morceau titre, bien stompé des Batignolles, ils jouent leur carte favorite, celle du big heavy Oasis avec des options plein les manches - Kickin’ up a storm from the day I was born - C’est carrément Jumping Jack Flash. On reste dans les exactions avec «It’s Getting Better (Man)». C’est là qu’Oasis devient irréversible, dans ces rafales d’ultra-son demented. Quelle bombe ! Les accords coulent dans le moule de la mélodie chant, aw my Gawd, il n’existe rien de plus powerful. Ils sont dans l’absolu du rock anglais. Ils jouent ça ad vitam eternam. C’est du double concentré de tomate anglaise, avec les guitares du paradis et le chant qui va avec. On n’en finirait plus avec les frères Gallag.

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             Standing On The Shoulders Of Giants casse l’esthétique des trois premières pochettes. Autre surprise : les frères Gallag ramènent du hip-hop dans «Fucking In The Bushes», mais les guitares reprennent vite le dessus. Ils tentent l’aventure d’un nouveau son et ça redore leur vieux blason. On vit là un moment assez tétanique car les guitares fouillent entre les cuisses du cut qui se révèle vite chatouilleux, avec des échos d’ah ah ah. C’est très spécial, bien bardé de rock anglais. Il faut ensuite attendre «Put Your Money Where Your Mouth Is» pour refrémir. Ils jouent ça in the face, the Northern lads way. Ils ont beau avoir New York sur la pochette, ils sonnent très anglais, ils jouent à l’alerte rouge, à l’urgence de la cloche de bois avec des guitares qui rôdent dans le stomp. Liam l’allume jusqu’au bout. L’autre hit de l’album se planque vers la fin : «I Can See A Liar». C’est un roller coaster roulé dans la farine. Big Oasis power sludge ! Ils envoient Liam au front, alors Liam y va, il s’en bat l’œil. Il claque ses alexandrins et offre sa poitrine à la mitraille, il est invincible, il fonce sous le feu de l’ennemi. Il se relève plusieurs fois et continue de gueuler. Quel merveilleux héroïsme ! Liam est un mec très fort. Il n’en finira plus de chanter comme un dieu. Il faut s’habituer à cette idée. Avec «Gas Panic», on assiste encore à une extraordinaire tournure des événements, car ça dégouline de fièvre, the Madchester fever.

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             Paru en 2002, Heathen Chemistry est l’album du retour éternel des frères Gallag. Ils proposent tout de suite un mur du son avec «The Hindu Times». The wall of sound avec Liam en surface, c’est quelque chose. Superbe. Renversant. Excitant au possible. Nappé et dévastateur. C’est le power du brit rock de lads. Les belles langues de guitares s’en viennent lécher le barouf d’honneur. Ils éclatent «Better Man» au riff de voyou, ça joue du couteau sous les regards. Quel fantastique shoot de voyoucratie ! Flashy et sayant à la fois - I wanna be a better man - C’est le big brawl d’Oasis joué aux guitares de Lennon dans «Cold Turkey», c’est terrific, les guitares te chatouillent les guibolles. Avec «Force Of Nature», ils passent au stomp de Madchester sans coup férir. C’est encore une fois complètement saturé de big heavy guitars, une dégelée catégorique, ça avance à pas lourds, les mecs bombardent à l’ultimate du punch d’uppercut. Liam chante tout ça au croc luisant, il ramone sa cheminée avec une effarante ténacité. Ultimate power ! Ils pompent  les accords de «No Fun» pour «Hung In A Bad Place». Pas de problème, Liam pourrait presque attaquer à la façon de l’Iguane, mais il choisit la voix d’Oasis. C’est joué à l’extrême power concupiscent. Il chante ça comme une entourloupe, c’est exceptionnel de véracité dirigiste, ces mecs dévorent le riff des Stooges tout cru. Et ce démon de Noel vomit du napalm dans la chaudière. Ces mecs sont décidément le plus grand groupe d’Angleterre, il faut les voir répandre leur son comme un fléau. L’album est spectaculairement bon. «A Quick Peep» est l’un des instros les plus dévastateurs qu’on puisse entendre ici bas. Ils passent ensuite au heavy groove psyché avec «(Probably) All In The Mind». Liam s’y prélasse comme un roi fainéant. C’est l’absolu d’Oasis, chanté et joué dans les meilleures conditions d’addiction. Les heavy balladifs d’Oasis passent là où d’autres ne passent pas, grâce à une certaine qualité du Northern raunch. Avec «Born On A Different Cloud», on se croirait chez les Doors du temps du Whiskey bar de Kurt Weil. 

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             Comme par hasard, voilà encore un big album d’Oasis : Don’t Believe The Truth. Ça grouille de coups de Jarnac, à commercer par un «Turn Up The Sun» gonflé de son comme une bite au printemps. Ces mecs sont tellement puissants, ils sont dans doute les derniers seigneurs des temps modernes. C’est frappé au meilleur beat inimaginable et chanté dans le lard de la matière. Ils tapent au maximum de toutes les possibilités. Liam te laboure ton champ, pas de problème. Les clameurs perdurent dans le fond du son. Le génie des frères Gallag consiste à savoir éclater la coque d’une noix de rock anglais. Ça continue avec «Mucky Fingers», comme frappé en pleine gueule, ils jouent le rock pour de vrai, leur power dégomme toute forme de logique. Ils ramènent même du piano dans le stomp. Pur génie. Ils transforment ta cervelle en purée de purple heart et Liam plonge dans l’un des plus gros blast-off de l’histoire du rock. It’s alright ! Pulvérisant et pulvérisé à coups d’harmo. Ils gorgent leur rock de gusto. On se prosterne jusqu’à terre devant un tel power. Trop de power. Ils claquent «Lyla» à coups d’acou et Liam lui saute dessus, alors forcément, ça devient monstrueux. Ils font de la Stonesy. Ils échappent à tout contrôle, leur power les déplace ailleurs. Ils sont dans une sorte d’absolutisme. Un cut comme «Lyla» te plombe le crâne, ils te stompent tout ça à coups redoublés et Liam ramène les foudres de son power extrême. Quelques cuts de pop viennent heureusement calmer le jeu et ça repart de plus belle avec «The Meaning Of Soul». Encore une attaque superbe. Wow, la violence du shuffle ! C’est même concassé à coups d’harmo. «Avec «Part Of The Queue», on constate une fois de plus leur écœurante facilité à naviguer à la surface du son. Ils tapent dans la fourmilière d’une épaisse spiritualité dévergondée. C’est un cut de heavy pop aérienne fabuleusement tendue et ultra-jouée dans les grandes largeurs. Les clameurs du solo qui arrive sur le tard battent bien des records de démence. Comme le montre «Keep The Dream Alive», leurs descentes en balladifs valent bien les meilleures descentes en enfer. Ah il faut voir ce son ! Ils jouent dans les hautes sphères de leur règne. Gem Archer signe l’«A Bell Will Ring» qui suit. Psyché de haut vol avec un Oasis on the run. Quelle équipe ! Ils noient le cut dans une élongation de riffing d’arpèges acides, un vrai melting down d’Angleterre. Dressez l’oreille car voici «Let There Be Love» que Noel gratte aux accords atones. Et ce démon de Liam finit par chanter à la voix d’ange. C’est exceptionnel.

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             Comme on dit, toutes les bonnes choses ont une fin et la fin d’Oasis s’appelle Dig Out Your Soul. Il faut en profiter, car après, il n’y a plus rien. Alors «Bag it Up» ! Deep in the flesh, Liam chante comme un dieu, une fois de plus. Ça blaste comme au bon vieux temps. Liam explose le rock anglais quand ça lui chante. Il dispose de la force de frappe idéale, il se dresse comme un dieu du havoc au bord d’une piscine de coke, accompagné par les guitares du diable. Personne en Angleterre ne peut challenger ce démon de Liam et son groupe de brothas, il chante le rock anglais à l’intrinsèque, avec une vermine de niaque dans la pogne. Il n’existe aucun concurrent face à Liam Gallag. Avec «The Turning», on reste dans le heavy rumble de Madchester. Jusqu’au bout ils vont claquer du c’mon déterminant. Encore une fois ça regorge de power. Too much power. Liam se cogne la gueule dans le mur du son, alors que les guitares explosent autour de lui. Ils stompent «Waiting For The Rapture» à la sauce Oasis. Encore une fois, tout est solide sur cet album. La fin du Rapture est un modèle du genre. Belle énormité encore avec «The Shock Of The Lightning». Ils jouent à la folie Méricourt. Pur jus d’Oasis chargé comme une bombarde à ras la gueule, come in, come out tonite. Ils s’enferment dans leur délire d’énormité. Ils font un «(Get Off Your) High Horse Lady» digne du «Ram» de McCartney et reviennent à leur chère heavyness avec «To Be Where There’s Life». Ils transforment leur plomb en or et c’est comme d’habitude produit au mieux des possibilités. Le rock d’Oasis reste très physique, c’est la raison pour laquelle on blah-blahte à l’infini sur cette espèce d’indispensabilité des choses qu’incarnent leurs albums. Dernier grand coup de Jarnac oasien : «Ain’t Got Nothing». Ils taillent ça dans la falaise de marbre, au 3/4 du 4/4. Et quasi-fin de non-recevoir avec «The Nature Of Reality», drivé par une volonté glam à la wham-bam, dans un extraordinaire fouillis de guitares, de clap-hands et de descente aux enfers. Adios amigos !

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             Si on veut entendre leur reprise d’«I’m The Walrus», elle se trouve sur The Masterplan, une compile de B-sides parue en 1998. C’est une version live et on les voit se fondre dans le groove ultime. Le together leur va comme un gant. Noel joue son gut out, la tête renversée en arrière, un sourire crispé au coin des lèvres, c’mon, Gallag et ses potes explosent le vieux hit des Beatles. On sent essentiellement les fans. L’autre bonne surprise de cette compile n’est autre que «Stay Young», une power pop cavaleuse et bien à l’aise dans sa culotte. Ils savent aussi faire des hits de pop ! Quelle régalade. Ils proposent aussi un «Acquiesce» totalement saturé de guitares et on retrouve leur frappe de frappadingue dans «Fade Away». Ils pulsent du son tant qu’ils peuvent mais ils savent bien que ça ne va pas pouvoir durer éternellement. On peut faire du millefeuille sonique all over the rainbow, mais ça finit par tourner en rond. Gallag joue jusqu’à plus soif, il ramène toutes ses guitares. Ils restent dans la démesure pour «The Swamp Song» et bourrent leur dinde avec «(It’s Good) To Be Alive». C’est du cousu-main d’Oasis.

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             En 2011, Liam récupère l’artillerie d’Oasis, c’est-à-dire Gem Archer et Andy Bell, pour redémarrer avec Beady Eye et un excellent album, Different Gear Still Speeding. Et pouf, on prend «Four Letter Word» en pleine poire, le son est là, immédiat, comme au temps béni d’Oasis. Énorme shoot d’English shit, vraie voix + big sound, imparable ! Explosivité à tous les étages. Nothing lasts forever, nous dit Liam. Avec «The Roller», il sonne exactement comme John Lennon dans «Instant Karma». Quelle belle osmose ! En B, ils éclatent encore les coques de noix avec «Wind Up Dream» et Liam revient foutre le souk dans la médina avec «Bring The Light» - Baby hold on/ baby c’mon - Il n’y a plus que lui en Angleterre qui sache chanter aussi bien. Retour à l’énormité en C avec «Standing On The Edge Of The Noise». Tout le big swagger d’Oasis est là, ce big heavy beat qui fit la grandeur de ce groupe. Remember ! Liam le drive magnifiquement. C’est même assez stupéfiant d’ampleur. La fête se poursuit en D avec «Three Ring Circus», encore du pur jus d’Oasis. Liam sait rocker sa shit, comme on dit en Angleterre. Il est toujours dessus et derrière, ça tient magnifiquement la rampe.

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             Le deuxième et ultime album de Beady Eye s’appelle BE. Nouveau shoot de Gallag superpower, et ce dès «Flick Of The Finger». Plombé d’avance, comme au temps d’Oasis, heavy et même salué aux cuivres. Le prodman a l’intelligence de remonter le beat de Mad au devant, avec un Liam qui entre au chant comme un général dans une ville conquise. L’excitation atteint son apogée, alors oui, ça devient énorme. Toute la magie d’Oasis est intacte, avec le riff dévastateur dans le dos de Liam. C’est le retour du rock de poing d’acier. Le jus de véracité définitive coule à flots. Liam y va de bon cœur, il affronte l’adversité tout seul. C’est un héros. Si on cherche des traces de la clameur du grand rock anglais, c’est là. En plus il donne des conseils, comme dans «Soul Love» : Life is short, so don’t be shy. Avec «Face The Crowd», il passe au pulsatif de big heavy craze de Madchester qu’il chante au inside of my head. Ça sent bon l’album énorme. On est encore au début et on a déjà deux coups de génie, alors t’as qu’à voir ! En voilà un troisième : «Second Bite Of The Apple». Noyé de son ! Il fait son Donovan avec «Soon Come Tomorrow». Ici, tout est très spectaculaire. Liam allume ses cuts à retardement et il faut rester méfiant car il ramène des solos d’outre-tombe. Il reste en fait dans un univers de surenchère miraculeuse. Cet enfoiré tape «Iz Rite» au heavy riff d’Iz Rite. Il taille sa pop dans l’énormité du son. Il faut le saluer pour cet exploit. Il rallume la flamme du génie inconnu sous l’arc de triomphe, il gueule son when you call my name dans un chaos de pop magique. On se retrouve une fois de plus avec un big album sur les bras. Il tape son «Shine A Light» à la vieille gratte de junk. Ça cogne ! Avec Liam, c’est toujours in the face et saturé de son. Il nous fait le Diddley beat de Madchester. Il explose son shine a light et repart en mode sec et net. Pur genius ! Il se calme un peu avec «Start Anew», mais ça ne l’empêche pas de se glisser dans le génie du son, dans l’inventivité du me & you. Back to the drug space avec «Dreaming Of Some Space». Il le restitue fidèlement, ça doit twanguer, talalala overdrive et tu éclates de rire. Fantastique drug song, tu as envie de dégueuler et en même temps, tu te sens bien.

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             Après l’épisode Beady Eye, Liam entreprend en 2017 une carrière solo avec As You Were. Inutile de tourner autour du pot : c’est encore un album énorme. Ça grouille de hits, dont un hit glam digne du temps béni : «You Better Run», monté sur le beat des orques, puissant, rebondi tellement c’est puissant et embarqué au ah ah ah. Terrific ! C’est un hit  ah ah ah qu’il explose sous nos yeux. C’est du glam de Chester claqué aux deux accords. Liam fédère les meilleures énergies du rock anglais. Le «Wall Of Glass» qui ouvre le bal stompe bien le crâne. Violent comme ce n’est pas permis. Liam fait du Oasis avec toutes les ficelles de caleçon et les retours de riffs dans les reins. Ce chanteur génial a la chance d’avoir derrière lui un prodman de son niveau. Liam rallume encore les vieux brasiers d’Oasis avec «Bold», un cut tendancieux mais qui fonctionne, c’est le moins qu’on puisse dire. Belle flambée, en tous les cas. Puis il s’en va rimer la démonologie avec «Greedy Soul» - She’s got a 666/ I got a crucifix - Il plonge ses rimes dans le heavy sludge et allume encore une fois comme au temps d’Oasis, alors on l’écoute avec vénération. On sent la respiration de cette énormité. Ça cogne au tisonnier un coup sur deux. Back to Chester avec «For What It’s Worth». C’est bien lesté de Walrus, nouvelle crise de comatose de la chlorose, il y va de bon cœur, ça ne fait pas de doute. Il éclate sa pop au mieux de toutes les possibilités. Il revisite les soutes d’Oasis. Il chante plus loin son «I Get By» dans les rafales de vent d’Ouest, fabuleux swagger de see your face et de save my life, il chante comme un dieu aux abois. Encore un cut en forme de belle poigne avec «It’s All I Need». Il faut le voir marteler son all I need & more et il ne peut décidément pas s’empêcher de revenir au heavy beat on the brat, comme le montre «Doesn’t Have To Be That Way». C’est plus fort que lui. C’est claqué au pire Manc beat de l’histoire de cavernes. Joli pulsatif de non-retour noyé d’échos de big bang.

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             Et pouf, il revient deux ans plus tard avec Why Me? Why Not. Pas de surprise, l’album est comme les précédents, d’une solidité à toute épreuve. Les nostalgiques du glam se régaleront de «The River» - Well come on/ You weak of knees - Il fait du glam punk et chute avec I’ve been waiting so long for you/ Down by the river. Il n’en finira donc plus d’allumer la gueule du rock anglais. Il fait du boogie de Madchester avec «Shockwave». Après une intro géniale, il nous plonge dans son monde - You sold me right up the river/ yeah you had to hold me back - et il lance avec une morgue fondamentale : «Now I’m back in the city/ The lights are up on me.» Pur genius. C’est du power rock demented avec un rebondissement du son. Et le festin se poursuit avec «Now That I’ve Found You» qu’il chante à la clameur d’Elseneur. Quelle dégelée ! Il remonte le courant du son comme un cake écaillé. Avec «Halo», il passe au son d’anticipation à la Roxy. Il torche un hit précieux au swagger d’excellence. Il chante à l’intérieur du pire beat d’Angleterre. Tout vibre, même les colonnes du temple. Et un solo d’outerspace ajoute à la confusion. En fait, Liam passe son temps à rallumer le flambeau d’Oasis. C’est tout ce qu’il sait faire dans la vie. Il noie son «Invisible Sun» dans le meilleur des sons - I am a laser/ And I see with X-ray eyes - On croyait Noel le seul capable de composer des hits. Eh bien non, Liam prouve le contraire avec le power-balladif «Misundestood» et tout le reste de cet album. Il n’en finit plus de chanter son ass off. 

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             Après les disks, il reste bien sûr les films. Miam miam. On peut imaginer un sandwich de rêve dont les deux tranches seraient Supersonic (early Oasis) et Lord Don’t Slow Me Down (late Oasis). Surtout Supersonic, car ça démarre à Knebworth sur le riff de «Columbia», l’un des plus beaux riffs de rock de tous les temps - There we were/ Now here we are/ All this confusion/ Nothing is the same to me - Le power Gallag, la Ferrari du rock anglais - The way I feel is so new to me - L’early Oasis est la suite parfaite du grand rock anglais qui va des Stones aux Small Faces en passant par les Who et les Move, ils sont là tous les cinq au début, Bonehead & Gigsy & Tony, goin’ to form a band, fookin’ yeah ! Le film raconte les débuts du groupe, d’un côté Liam avec les fookin’ proto-Oasis et de l’autre Noel qui est roadie pour les Inspiral Carpets. Noel rejoint le groupe de son frangin et dit qu’un soir I went down with a song and everything changed : «Live Forever». Puis McGee les voit sur scène à Glasgow and that was it. Creation. Ils deviennent super-massive avec «Supersonic», et puis arrive Definitively Maybe, remixé par le sauveur Owen Morris, outrageous mixing - Tonite I’m a rock’n’roll star - et là boom, ça explose ! Japan Japan ! Cigarettes & Alcohol, Whisky A Go-Go, coke, Rock’n’Roll Star, crystal meth, fucking shambles, Some Might Say at Top Of The Pops, magic British TV, Tony viré et là ça commence à déconner. Ils enregistrent, Morning Glory à Rockfield, champagne supernova in the sky, et ils bouclent la boucle avec Knebworth, fookin’ biblical dit Liam, alors champagne supernova !   

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             Lord Don’t Slow Me Down nous montre la dernière mouture d’Oasis en tournée mondiale, avec Gem Archer et Andy Bell. Bon, pas trop de plans sur scène, beaucoup de backstage. Ils font la tournée des stades et les femmes montrent leurs seins dans le moshpit. «Rock’n’Roll Star» sur scène à Hollywood : power. Liam répond aux questions, fook Bloc Party, fook Pete Doherty, the English magazines are full of shit. Retour au Japon, c’est tendu dans le groupe, Liam accuse Noel de lécher le cul du NME et il rend hommage au public : the crowd is the best. One take ! The stage is the best place in the universe. Arrivé en Australie, Noel avoue qu’il ne se voit pas continuer le groupe éternellement. J’ai 38 ans, et quand Liam sera chauve, on arrêtera. Dans la box, on trouve un deuxième DVD, Live In Manchester, c’est filmé en 2005 avec la dernière mouture et Zack Starkey au beurre. Ils ont perdu le power des origines. C’est autre chose. Liam ne chante pas toutes les chansons. Et Zack n’est pas Tony. En plus Gem Archer change de guitare à chaque cut, côté pénible des groupes qui ont trop de fric. On sent que le biz a pris la main sur Oasis. C’est incroyable que Noel puisse se priver d’un chanteur aussi bon que Liam. Le pire c’est qu’il se prête au jeu pourri du balladif participatif, c’est l’autre côté pénible d’Oasis. On croirait entendre Aerosmith. La Ferrari a disparu, même si «Live Forever» sonne anthemic. Ils font danser Mancheter avec «Rock’n’Roll Star» et font leur happy ending avec une version bien sentie de «My Generation, baby». Power absolu.          

    Signé : Cazengler, Oabite

    Oasis. Definitively Maybe. Creation Records 1994

    Oasis. (What’s The Story) Morning Glory? Creation Records 1995

    Oasis. Be Here Now. Creation Records 1997

    Oasis. Standing On The Shoulders Of Giants. Big Brother 2000

    Oasis. Heathen Chemistry. Big Brother 2002

    Oasis. Don’t Believe The Truth. Big Brother 2005

    Oasis. Dig Out Your Soul. Big Brother 2008

    Oasis. The Masterplan. Epic Records 1998

    Beady Eye. Different Gear Still Speeding. Beady Eye Records 2011

    Beady Eye. BE. Columbia 2013

    Liam Gallagher. As You Were. Warner Bros. Records 2017

    Liam Gallagher. Why Me? Why Not. Warner Bros. Records 2019

    Gavin Fitzgerald et Charlie Lightening. Liam Gallagher: As It Was. 2019

    Mat Whitecross. Supersonic. DVD 2016

    Baillie Walsh. Lord Don’t Slow Me Down. DVD 2007

     

    L’avenir du rock

     - Les chic types de Cheap Trick (Part One)

     

             Ses copains aiment bien le faire bisquer.

             — Envisages-tu de prendre un jour ta retraite, avenir du rock ?

             L’avenir du rock les connaît, il se prête à leur petit jeu :

             — Demande un peu au pape s’il croit en Dieu, tu vas voir ce qu’il va te répondre.

             — Ouais, on les connaît tes réparties à cent balles, avenir du rock, «tu auras la réponse que tu mérites»...

             — Tu sais à qui tu me fais penser ?

             — Non vas-y, dis-moi...

             — Tu me fais penser à ces grosses connes qui te demandent si tu es vacciné...

             — C’est drôle, j’allais justement te poser la question, avenir du rock, et puis on se demandait avec les copains si t’étais pas un peu pédé...

             — Ce que j’aime bien chez vous, c’est votre sens inné du degré zéro. Finalement j’en viens à me demander dans quel camp vous êtes, dans celui des beaufs ou celui des trash, parce votre beaufitude confine à la trashitude et c’est impossible de ne pas vous admirer pour ça. C’est vrai que si on y réfléchit bien, le beauf parfait est complètement trash, c’est ce qui fait sa grandeur immémoriale !

             — Oh c’est bon, avenir du rock, c’est pas parce qu’on te traite de pédé que tu dois nous traiter de beaufs !

             — Simple échange d’amabilités. On joue aux jeux qu’on peut, pas vrai les gars ? Mais je vais vous faire un aveu. Quand je vous vois, vous me filez la Trick !

             — Tu vois, on s’était pas trompés !

             — Mais vous ne comprenez rien ! Cheap Trick !

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             Le nouvel album de Cheap Trick qui s’appelle In Another World n’a pas fini de nous réconcilier avec le genre humain, y compris les beaufs. On est comblé rien qu’avec «Final Days», un doom de heavy blues qu’ils explosent à la clameur glam. Le son te coule dans la manche, mais à un point que tu n’imagines même pas. C’est Marc Bolan au paradis. Oui, c’est exactement ça, ils font Marc Bolan au paradis, bienvenue au cœur du mythe. Les mecs de Cheap Trick dressent un autel à la mémoire de Marc Bolan et ça explose dans le refrain saturée de magie - What if we could live forever/ Wouldn’t it all just be insane/ What if we could live together/ Never to be in those final days - Ça t’explose la tête, Lennon/Bolan, le feu sacré du rock anglais, plongée garantie. Ces mecs renversent le cours de l’histoire. On a là la meilleure clameur glam de tous les temps. Ça monte très haut dans l’échelle des valeurs. Plus loin, les accords de «Passing Through» indiquent clairement la venue d’un temps de félicité. C’est au niveau des grands frotis de l’univers, explosé de giclées des meilleures auspices, on est au-delà du génie, ils atteignent des résonances sans frontières, ça sonne comme du jamais atteint, ces vagues de son te caressent l’intellect, c’est d’une pureté évangélique, ça splashe dans l’éternité d’un prodigieux ersatz. On tombe encore dans leurs bras avec «Another World (Reprise)». Ils y ramènent tout le power dont ils sont capables, c’est chargé de toutes les guitares de Rick Nielsen, ce fou dangereux est l’un des génies du siècle, il percute tout de plein fouet, c’est gorgé de riffing et Robin Zander monte tout ça en neige à coups de screams ! «Gimme Some Truth» pose sa tête sur le billot et shlompfff, finit en beauté. Terrific ! Rick Nielsen joue ses dégringolades de guitare à la surface de la terre comme s’il réinventait le rock, il se dit qu’avec ses accords inconnus il va devenir le roi du monde et ça ne traîne pas, Cheap Trick c’est exactement ça, un plein dans l’effet direct. Ils naviguent au niveau des Beatles du White Album, avec une pulsion intacte et humide, just gimme some truth, le power absolu et l’apothéose garantie.

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             Cet album est une mine inépuisable d’énormités. Avec «Quit Waking Me Up», ils sonnent encore comme les Beatles, ils y vont vaille que vaille avec un Nielsen qui télescope tout ce qu’il peut. La vieille magie des Beatles explose dans le giron des lovers. On est prévenu dès «The Summer Looks Good On You» qui ouvre le bal, avec cette heavy pop rock, on voit que ces quatre mecs n’ont rien perdu de leur grandeur anthémique. Ils rockent the world comme au temps du Budokan, ils élèvent la power pop au rang d’art totalitaire. Rick Nielsen titille bien ses tortillettes de killer flasher. Il invente un genre nouveau : le powerful power. On le voit encore fou de rage étriper «Boys & Girls & Rock’n’roll», cet enfoireman tape dans tout ce qui bouge, il est partout.  Du même coup, ils t’actualisent, ils te rendent visible dans un monde d’aveugles. Ils amènent «The Party» au stomp. Tu les vois arriver, alors tu te planques. Ils sont énormes, ils pourraient te marcher dessus, ils déploient des légions sur l’Asie mineure, ils envahissent tout, ils chantent des chœurs brûlants, ils foutent le feu. À notre époque, c’est inespéré d’entendre ce mélange explosif de Dolls, de Cheap et de Zoulous. Tu as la réponse à toutes tes questions : Cheap Trick.

             Et puis voilà un «Light Up The Fire» démoli en pleine gueule. Ils sont capables de claquer un petit enfer sur la terre. Toujours la même histoire : la ville en feu, personne n’en réchappe et Nielsen part en maraude d’excelsior, il pleut du feu de partout, comme au temps béni des bombes au phosphore.

    Signé : Cazengler, Cheap tripe

    Cheap Trick. In Another World. BMG 2021

     

    - Willie Cobbs tout

    Inside the goldmine

     

             Ils chevauchaient vers l’Ouest. Ils avançaient lentement car ils suivaient une piste.

             — Z’ont dû passer par là. Z’ont essayé d’effacer leurs traces en montant sur le rocher. Z’ont dû voir ça dans un film. Ah quelle bande de bâtards ! On va les choper avant la nuit.

             Effectivement, les traces réapparaissaient un peu plus loin dans le sous-bois. Les deux rottweilers muselés Sodome et Gomorrhe grondaient comme des diables. Ils sentaient la chair fraîche et tiraient sur leurs laisses.

             — Ohhh, du calme, mes mignons, l’heure du casse-croûte approche.

             Il leva la main :

             — On va faire une halte, histoire de leur faire croire qu’on a perdu leur trace. 

             Ils descendirent de cheval et attachèrent les laisses des deux Rott à un arbre. Ils firent un feu pour réchauffer un pot de café qu’ils arrosèrent largement de whisky.

             — Sodome et Gomorrhe n’ont rien becqueté depuis deux jours, y vont se régaler...

             — Autant te le dire franchement, Willie Cobbs, j’aime pas trop assister à ce spectacle. Bon d’accord, les blancs sont une sale race, mais de là à les faire becqueter par tes chiens...

             — Z’avaient qu’à rester tranquilles et pas s’échapper de la plantation, goddamnit ! Y sont là pour ramasser les bananes, donc y doivent rester à la plantation et servir le bwana ! Pas compliqué à comprendre, non ? Pas besoin de sortir de Saint-Cyr ! Et pis y connaissent le tarif si y s’font la cerise ! La corde ou les chiens ! C’est tout ce que mérite cette sous-race dégénérée, ces fucking whiteys ! En plus, on leur paye le voyage gratos en bateau pour venir bosser ici, faut pas charrier !

             Il sortit de sa poche son petit harmonica et souffla un air de blues africain. Les notes résonnaient dans l’écho du temps, donnant à cette légère distorsion de la réalité un caractère énigmatique.

     

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             Dans une vie antérieure, Willie Cobbs fut probablement pisteurs d’esclaves, mais dans un monde inversé où les maîtres noirs réduisaient les blancs en esclavage. Pas de raison que ce soient toujours les mêmes qui trinquent. L’imaginaire a ceci de pratique qu’il permet de rétablir certains équilibres. D’ailleurs Tarentino s’est aussi amusé avec cette idée dans Django Freeman. Quelques grammes de finesse dans un monde de brutes, comme dirait l’autre.

             Le pauvre Willie Cobbs a cassé sa pipe en bois en octobre dernier et dans la plus parfaite indifférence, aussi allons-nous lui rendre un modeste hommage.

     

             Il n’existe pas beaucoup de littérature sur Willie Cobbs. L’essentiel est de savoir qu’il vient d’Arkansas, qu’il est monté très vite à Chicago et qu’il est redescendu dans les années 60 à Memphis pour enregistrer son fameux, «You Don’t Love Me» sur le label de Billy Lee Riley, Mojo. Découragé par le showbiz, il est ensuite devenu club owner dans le Mississippi et en 1978, il s’installa à Greenville pour lancer Mr C’s Bar-B-Que, un resto réputé pour sa cuisine. L’autre info de taille, c’est qu’il est pote avec Willie Mitchell.

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    Sur son dernier album Jukin’, paru en l’an 2000, on retrouve toute la sainte congrégation d’Hi, les frères Hodges et Howard Grimes (dont on vient de saluer l’autobio). L’album est enregistré au Royal Recording Studio et Willie Cobbs salue le Memphis Beat à coups d’harmo. Avec «Black Night», les deux Willie (Cobbs & Mitchell) nous proposent le Heartbreaking blues d’Hi, une vraie fontaine de jouvence, on patauge dans l’excellence. L’album est un mix classique de boogie blues et de heavy blues d’une finesse fatale. Les frères Hodges savent aussi jouer le blues. On entend naviguer le bassmatic de Leroy Hodges sur «Poison Ivy», c’est cousu, mais quelle ambiance ! Ces mecs jouent à la revoyure. Ils tapent une version heavy de «Reconsider Baby» et croyez-le bien, on ne s’ennuie pas un seul instant. Willie Cobbs en profite, il chante tout ce qu’il peut, son «Five Long Years» est une merveille de présence intrinsèque. Il tape aussi l’excellent «Please Send Me Someone To Love» de Percy Mayfield. Quelle fantastique allure !

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             Il existe une compile de base parue en 1986 sur Mina Records, Mr. C’s Blues In The Groove. Les Japonais ont procédé comme Bear, de façon chronologique, ce qui permet de survoler l’œuvre du vieux Willie. Et ça démarre avec «Inflation Blues» - Inflation is killing me - Alors le vieux Willie s’adresse à Mister President pour se plaindre. On trouve deux versions de ce merveilleux boogie qu’est «Hey Little Girl», un boogie tentateur qui finit par te hanter. Le heavy blues de Willie n’échappe pas à la règle («Mistrated Blues») et dans les cuts enregistrés à Chicago («You Know I Love You», «Hey Little Girl»), on entend un fantastique guitariste de jazz. L’autre gros shoot est le «Worst Feeling I Ever Had», enregistré à Little Rock en Arkansas. En B se nichent deux merveilles enregistrées chez Malaco, à Jackson, Mississippi, le «Hey Little Girl» déjà évoqué et «CC Rider», monté sur un excellent groove de lard. Et on retombe en bout de B sur ce qui pourrait bien être le hit de Willie Cobbs, «Eatin’ Dry Onion» qu’il tape au beat de Memphis Tennessee. Magnifico ! Willie pourrait bien être one of the greats.

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             Down To Earth qui date de 1994 est un très bel album, enregistré à Clarksdale avec les anciens musiciens d’O.V. Wright, Rawls & Luckett. Willie Cobbs l’attaque avec le vieux «Eatin’ Dry Onions» et ça part dans l’éclair de la première mesure, ces mecs savent ce qu’ils font. Ils sont dans le fast boogie, c’est tight, bien serré à la corde, joué au cul du camion, ils ont pigé la combine, vite fait bien fait, c’est du boogie maison, avec du vrai son, comme chez Lazy Lester. On croise plus loin un autre boogie tout aussi expéditif, «She’s Not The Same (Feeling Good)», un vrai hit de heavy romp, Willie is hot. Il nous sort là un authentique boogie blast. C’est un bonheur que d’entendre jouer ces mecs-là, ils tapent «Goin’ To Mississippi» au crack-boom-uh-uh, Willie Cobbs domine bien la situation, Willie Cobbs tout, il passe des coups d’harmo, ça joue au pur jus d’in-house et tu grimpes dans les étages du boogie blues. Il est encore meilleur en Heartbreaking Blues, comme le montre «Butler Boy Blues», il vit ça dans sa chair. Même chose avec «Amnesia», people don’t know my name, il joue le jeu du heavy blues. Quand tu es dans les pattes de ce genre d’artiste, tu te sens en sécurité. Le guitariste qui joue avec Willie Cobbs s’appelle Johnny Rawling. Ce fabuleux blues guy qu’est Willie Cobbs chante «If You Don’t Know What Love Is» à la glotte languide, il ne chante que la pulpe du blues, d’ailleurs, au dos du boîtier, on le voit assis au bord du fleuve avec son harmo. Il va ensuite aller se fondre dans les breaks de r’n’b de cuts plus audacieux («Good Lovin’»). Willie Cobbs forever ! Il reste impliqué dans sa modernité. Il nous rappelle par bien des aspects un géant nommé Taj Mahal. Il est toujours intéressant, toujours juste, comme le montre encore «Now Slow Down Baby». Il revient en mode heavy blues pour «Carnation Milk». Willie Cobbs fait vibrer sa vieille glotte, c’est un savant du blues, une force de la nature, il vise l’orgasme en permanence, il dépasse toutes les expectitudes. Dead good ! Il termine avec «Wanna Make Love To You», un r’n’b efflanqué, et comme tous les grands artistes, il l’enfourche pour filer au galop.

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             Et puis voilà que paraît en 2019 un nouvel album de Willie Cobbs, Butler Boy Blues. Incroyable mais vrai ! Le pire c’est qu’il s’agit d’un bon album, bourré à craquer de ce boogie dont Willie Cobbs a le secret. Deux exemples : «Mississippi» et «She’s Not The One». Le premier est incroyable de véracité, le vieux Willie Cobbs est dessus, ah ah ah, il ricane comme un démon. Quant au deuxième, il est pulsé au beat originel, Willie Cobbs est un killer boogie man. Même énergie que celle de Lazy Lester. Mais c’est avec les Heartbreaking Blues qu’il rafle la mise. «Butler Boy Blues» sonne comme une bonne adresse, il y va au harp, c’est un fantastique shouter d’harp, il est fabuleux, au moins autant que Little Walter. Encore mieux, voici «If You Don’t Know What Love Is», pur genius, il chante à s’en exploser la rate, pure démence de la prestance, c’est le heavy blues de rêve. Encore du heavy blues avec «Carnation Milk», affolant de persistance, Willie Cobbs devient carnassier sur ce coup-là, quelle énormité ! Il chante aussi son «My Baby Walked Away» à s’en arracher les ovaires. Trop de son. Quel numéro ! Il est furieux, il saute sur tout ce qui bouge, my baby walked away. Il revient au r’n’b avec «Good Lovin’», ça joue sec et net derrière lui. Il conduit bien le groove, comme le montre le vieux «I Wanna Make Love To You». Il est clair, il a envie de la baiser, il revient par vagues insistantes, il charge la barque tant qu’il peut, il devient héroïque. On retrouve bien sûr l’inévitable «Eatin’ Dry Onions», le vieux «Amnesia» et le vieux «Jukin’». Willie Cobbs un vieux renard du bayou, il connaît toutes les ficelles et qui oserait lui reprocher de ressortir tous ses vieux coucous ? Certainement pas nous.

    Signé : Cazengler, Willie Cock

    Willie Cobbs. Disparu le 25 octobre 2021

    Willie Cobbs. Mr. C’s Blues In The Groove. Mina Records 1986

    Willie Cobbs. Down To Earth. Rooster Blues Records 1994

    Willie Cobbs. Jukin’. Bullseye Blues & Jazz 2000

    Willie Cobbs. Butler Boy Blues. Wilco 2019

    *

    Les Dieux sont avec moi, à peine ai-je appuyé sur You tube que se dévoile devant mes yeux le célèbre tableau L’Ecole d’Athènes de Raphaël, tiens une vidéo sur la peinture, pas du tout, le dernier disque de Thumos intitulé The Republic, what is it, un groupe de doom qui reprend La République de Platon, il est impérieux d’aller voir et d’écouter. Même si personnellement mes préférences vont à Aristote.

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    Pour une couverture, c’est une couverture. La plus intelligente que vous pourriez trouver. L’image est bien connue, souvent réduite à la présentation de ses deux personnages les plus importants, Platon et Aristote philosophant en marchant. Méthode péripapéticienne prônée par Aristote. A leurs pieds sont représentés vingt penseurs parmi les plus célèbres de la Grèce Antique. Message privé : nous recommandons à notre Cat Zengler de se méfier du redoutable Zénon d’Elée qui accoudé au piédestal de la colonne (à gauche, en bleu, en train d’écrire )  s’apprête à lui à lui planter la flèche de sa pensée dans le dos.

    THE REPUBLIC

     THUMOS

     ( Snow Wolf Records - 22 / 01 / 2022)

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    Dans le doom l’on ne doute de rien. Thumos, ce nom signifie Colère – nous reparlerons de ce groupe original une autre fois - s’attaque à un gros morceau, de choix, La République de Platon. L’est difficile de dialoguer avec Platon, l’on se sent vite écrasé par tant de subtilité. Thumos ne s’est pas défilé, l’a simplement mis la barre plus haut. Puisque l’on ne parle pas avec Platon, sous peine de débiter des niaiseries, il n’y aura ni paroles, ni lyrics. Ce que Thumos nous propose c’est une lecture de Platon. Attention pas question de faire défiler le texte de Platon (si possible en grec !) sur la vidéo, ou de le joindre en livret dans l’opus, le groupe nous convie simplement à une lecture auditive de Platon. Peut-être vous sentez-vous de facto écarté de la compréhension de ce disque, pas de panique, Platon a pensé à vous, selon sa théorie de la réminiscence, toute connaissance est en vous, hélas engloutie au fond des eaux de l’esprit comme l’Atlantide dans les abysses, il suffit de se mettre en chemin, votre âme a déjà contemplé les Idées irradiantes, l’ascension sera longue et difficile, pas du tout impossible. Vous êtes déjà passés par là.

    Nous allons donc nous livrer à ce difficile exercice de retrouver l’enseignement de Platon, au-travers des dix morceaux présentés par Thumos. Pas de hasard, si Thumos a choisi de présenter dix morceaux c’est parce que La République est composé de dix livres.

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    The unjust : musique lourde et menaçante, Socrate et ses amis discutent d’un sujet important qui relie tous les hommes entre eux tant au niveau individuel que collectif, autrement dit de politique. La question est simple, qu’est-ce qu’une chose juste, qu’est-ce qu’une chose injuste. La musique se fait plus lourde, le juste n’est-il pas ce qui vous fait du bien même au détriment de l’autre. Embrouillamini torsadé sonore la batterie en punching ball vous revient dans la gueule. C’est que nous sommes en train de décréter que la justice peut être en même temps juste pour les uns, injuste pour les autres. Plus tard Marx parlera d’intérêt de classe mais Platon pose le problème avant tout selon une problématique individuelle. N’empêche que l’injustice que vous exercez peut vous faire du bien. La musique tire-bouchonne sur elle-même. Le problème se révèle plus épineux que prévu. The ring : non il ne s’agit pas de l’anneau du temps serpentique qui se mord la queue mais de l’anneau de Gygès qui vous rend invisible et vous permet de commettre les pires méfaits, puisque selon l’adage, pas vu, pas pris. Avouez que s’il entrait en votre possession, vous ne vous gêneriez pas… d’ailleurs si vous respectez les lois et ne commettez pas de choses injustes c’est uniquement par peur de la prison et autres châtiments… la musique va de l’avant, la batterie bat le rappel des mauvaises actions, et les guitares tendent leurs cordes vers toutes les convoitises, l’on marche main dans la main avec son voisin et l’autre dans le sac qui contient sa fortune. Ce n’est pas fini, la musique danse sur le pont d’Avignon, évitons la chute, élevons le débat, si dans une cité les citoyens se laissent séduire par tout ce dont ils peuvent jouir, mal ou bien acquis, il est nécessaire d’avoir une armée et une police pour les contenir, et cette force armée pour qu’elle ne se laisse pas gagner par l’attrait des richesses, il faut l’écarter de la ville et l’envoyer faire la guerre, bref l’on entre dans une suite de malheurs sans fin, d’où la nécessité de bien éduquer la jeunesse. La musique glisse sur une pente fatale, la batterie se transforme en mitraillette et la beauté du mal vous ensevelit, une cloche de vache bat le rappel, évitez la licence, fortifiez vos âmes. Si possible. The virtues : le citoyen doit être vertueux. La musique bat le fer, l’argent, l’or et le bronze pour qu’il reste chaud. La musique devient pratiquement symphonique. Il s’agit de forger des hommes nouveaux, de les éduquer, qu’ils ne connaissent pas la peur de la mort, qu’ils puissent se battre pour leur patrie sans trembler, pas de laisser-aller, l’on pressent une éducation à la spartiate qui fortifie le cœur, l’âme, le sang et la volonté. Le son ne serait-il pas un peu grandiloquent, y croit-on vraiment ? The psyche : entrée martiale, pesante, la raison doit dominer le désir, les masses laborieuses doivent se contenter du nécessaire et réfréner leur avidité, les soldats doivent cultiver le courage, les élites qui commandent faire preuve des deux précédentes qualités mais aussi de sagesse, Thumos délivre une musique pesamment rythmée, nulle fioriture, une idée du droit chemin dont personne ne doit s’écarter sous le moindre prétexte. De même se méfier de toute nouveauté, si l’on a atteint la perfection tout changement apportera un moins. Entre nous soit dit, un peu rébarbative et profondément conservatrice la Cité idéale de Platon. The forms : le mot forms est à traduire ici par agencements, et n’a rien à voir - d’après nous qui faisons la différence entre idées et notions - avec les Idées ( qui en grec signifient formes en tant que modèles originels dans la philosophie platonicienne ) comme un gong qui se prolonge sans fin, puis scandé, et enfin déroulé, décrire les rapports entre les hommes et les femmes, celles-ci communautaires, les enfants élevés en commun ne connaissent pas plus leurs parents que leurs géniteurs ne les connaissent, la musique éveille l’intérêt, ne cédez pas aux pensées grivoises, toute la société fonctionne ainsi car à tous les niveaux les désirs de possession ne doivent altérer la raisonnabilité nécessaire à la bonne marche de la Cité, ainsi le roi ou les chefs suprêmes qui détiennent tous les pouvoirs doivent être aussi philosophes pour ne pas céder aux sirènes des tentations et faire preuve à tous moments de tempérance et de sagesse. Ici la musique atteint à une sorte de sérénité. Compacte, solide, infaillible. Mais quels sont ces coups de gong plus clairs, plus scintillants. Fêlures ou tranquillité thibétaine.

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    The ship : aucune des deux. La musique prend de l’altitude et devient grandiose, la batterie bourre le mou, et l’on est parti pour la vitesse supérieure. Nous rentrons dans la deuxième partie du livre. Le philosophe peut ne pas être reconnu à sa juste valeur, comme le Capitaine d’un navire que les matelots éloignent du gouvernail car ils ne comprennent pas sa manière de tracer la route. Le bateau finit sur les écueils… c’est le philosophe qui doit diriger l’état et la cité, il sait ce qu’il veut beaucoup mieux que tous les autres membres. Il a accès à une connaissance que les autres ne possèdent pas. Il connaît l’idée du Bien, qui permet d’entendre le bien de toutes choses.  Il n’est guidé ni par l’ignorance ni par l’opinion que la multitude des gens se font des choses. Le background comme une fanfare finale précipitée. Arrêt brutal, résonnances soniques. Ce qui resplendit ne s’éteint jamais, mais résonne toujours. The cave : guitares entremêlées irradiantes, riffs de cobalt, nous avons atteint le point culminant, la batterie nous prévient que nous avons encore quelque chose à nous enfoncer dans la caboche, c’est la célèbre allégorie de la caverne, nous ne voyons que les ombres des véritables choses qui sont les Idées, à notre niveau d’hommes modernes ne soyez pas l’imbécile qui ne comprend pas que les images d’un film ne sont pas les choses qui ont été filmées. Musique révélatrice, les philosophes doivent être capables de prendre conscience de cette réalité, Platon décrit leur formation qui mêle théories et moments d’implications dans les affaires de la cité, le rythme se ralentit, l’éducation n’est pas un long fleuve tranquille mais un torrent impétueux à remonter pour au soir de sa vie atteindre aux postes les plus importants de la cité. The regimes : l’on passe aux choses concrètes, les différents régimes politiques, Platon en décrit cinq, qui peuvent exister, étant entendu qu’ils naissent les uns des autres, selon une évolution logique, batterialerie quasi-angoissante, un moteur se met en marche celui de la dégradation sociale, sur un rythme lent et lourd tandis que surviennent les guitares comme un contre-chant lyrique au désordre inéluctable qui se met en place, que rien n’arrêtera, le jeu des désirs et des affects entraînant les citoyens à agir selon leurs prétentions du moment, stridences accumulées, le chant s’est tu, un grincement le suit dans le silence et la musique repart, les cymbales chuintent on dirait qu’elles ont envie de parler, de nous mettre en garde, de murmurer à notre oreille, mais non l’inexorable suit sa route interminable, musique de déréliction, la société humaine arrive au plus bas, chute précipitée sur la fin. The just : douces notes de guitares, presque espagnole, fragiles comme un fil tendu, Platon récapitule la fin du livre précédent, il cerne son propos, dans le dernier état de décomposition de la société tyrannique, ce n’est pas le tyran le plus problématique mais l’homme tyrannique en lui-même comme Marcuse a pu parler de l’homme unidimensionnel ou comme notre société évoque l’homme-consommateur, l’homme ne contrôle plus ses pulsions, il est davantage dominé par son appétit de jouissance que par le tyran, face à cet homme tyrannisé de l’intérieur par lui-même il oppose le philosophe, Thumos le nomme le juste, celui qui a su se dominer lui-même, qui étant son propre maître est à même de percevoir clairement la situation et à mener les citoyens selon de justes préceptes. La musique s’étale désormais sereinement, elle brille, elle illumine. Le soleil atteint son zénith. The spindle : pluie torrentielle, encore une fois l’on a l’impression que les guitares chantent, la batterie vient percuter cette harmonie.  Le titre est une allusion au faisceau tenue par la déesse Nécessité mères des Moires ( les Parques de la mythologie latine ) tel que le raconte le mythe d’Er. Moins connu que celui de la Caverne mais qui a eu une descendance tout aussi importante. Le mythe de la Caverne fonde en quelque sorte la philosophie qui se méfie de l’apparence des choses, celui d’Er institue la croyance religieuse de la bonne conduite récompensée après la mort, tout comme de la mauvaise qui entraînera punitions et châtiments. La Caverne est destinée à ceux qui réfléchissent, Er au peuple ignorant que l’on éduque (et que l’on tient en laisse) en lui montrant de grossières images… Ce n’est pas un hasard si le christianisme s’est reconnu en Platon. Mais ce genre de réflexion nous entraînerait trop loin. La musique est de toute beauté, empreinte de gravité. L’âme du mort doit choisir sa prochaine incarnation, s’il a cédé toute sa vie à ses désirs, il choisira d’être un homme ou un animal qui lui permettra de vivre au plus près de ce qu’il croit être la véritable nature du bien, peut-être à sa prochaine réincarnation choisira-t-il mieux… son âme sera ainsi comme celle du philosophe accompli qui désormais contemple le soleil éternel des Idées… la musique s’illimite et se perd en même temps.

    Je n’ai évoqué que quelques aspects de l’ouvrage de Platon. L’ouvrage entremêle plusieurs thèmes dont celui de la poésie que je n’ai pas du tout traité. Malgré cela, le lecteur risque de trouver un tel disque un peu trop rébarbatif. Il n’en n’est rien. Un disque de rock instrumental peut vite se révéler ennuyeux, surtout si l’on ne pratique pas soi-même un des instruments mis en évidence. Ici il n’en est rien. La musique est splendide. Il n'est pas du tout nécessaire d’avoir lu l’œuvre complète, voire une unique demi-page de Platon, ou même d’ignorer jusqu’à son nom, il suffit d’écouter. C’est étrange à la fin de chaque morceau l’on a envie de connaître la suite, une véritable bande-dessinée musicale. Thumos nous tient en haleine. L’on se laisse guider. Et l’on comprend que l’œuvre forme un tout organique. Il ne reste plus qu’à laisser notre esprit partir en voyage.

    Damie Chad

    *

    J’ai déjà consacré deux chroniques à Paige Anderson in Kr’tnt ! 512 du 27 / 05 / 2021   Paige Anderson & The Fearless Kin et Two Runner in Kr’tnt 514 du 10 / 06 / 2021. Mon déplorable et vieil ordinateur m’a empêché d’écouter les rares vidéos qu’elle a enregistrées, je ne maîtrise pas entièrement le nouveau, qu’à cela ne tienne, une artiste comme Paige Anderson n’attend pas. Voici donc la chronique de deux nouvelles vidéos.  Quand j’emploie le mot artiste j’en use en le sens où l’on peut dire que le poëte John Keats était un artiste, comprenez qu’il vivait simplement mais que son existence touchait à la beauté du monde, en tous ses instants, sans qu’il ait eu besoin de faire un effort pour accéder à l’essentiel de sa présence dans le monde…

    LIVE STREAM

    EMILIE ROSEPAIGE ANDERSON

    (23 / 01 / 2021) 

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    Tout comme en France les mois précédents n’ont pas été favorables aux artistes. Two Runner, comme bien d’autres, a vu ses concerts annulés, pour qui arriverait impromptu sur cette vidéo, le cadre paraîtrait étrange. Nous sommes dans une chambre ou un coin salon, toutefois un lit recouvert d’une couverture indienne et d’un empilement de coussins que l’on pressent douillets et voluptueux. Un petit intérieur comme chez nous, d’ailleurs Emilie Rose dans sa robe bleue qui n’est pas sans rappeler les personnages féminins des westerns ne se préoccupe pas de nous.  Ne nous accorde aucune attention, l’est toute accaparée par son téléphone portable, pour un peu l’on s’excuserait d’être-là, évitons de ronchonner comme de vieux conservateurs sur cette jeunesse portée aux futilités et dédaigneuses des convenances, une inscription sur une affiche manifestement manuscrite placardée sur le mur nous permet de comprendre la situation. Venmo est un mode de paiement utilisé par Instagram (pas seulement, l’entreprise a une vocation internationale) qui permet via les portables de faire ou de recevoir des dons financiers… Les messages amicaux et d’encouragement adressés à nos deux musiciennes s’inscrivent d’ailleurs sur la droite de l’écran.

    Nécessités économiques de survie obligent… Pour ceux que ce rappel insidieux dérange, qu’ils se perdent en la contemplation de la tapisserie de laine tissée au-dessus du lit, elle représente un loup stylisé qui aboie à la lune, nous voici dans un roman de Jack London ou de James Oliver Curwood. L’affleurement mythique de la Grande Amérique, celle des grands espaces, des indiens et des pionniers, the big country is here, un temps perdu devenu matière de nos rêves et de nos songes que la musique country sous toutes ses déclinaisons, traditionnelles, modernes, indépendantes, alternatives s’acharne sans cesse à ressusciter comme pour maintenir un chemin d’accès à un monde passé qui ne veut pas mourir.

    Les lecteurs s’offusquent, vous nous annoncez deux musiciennes, nous n’en voyons qu’une. Paige Anderson est là, mais hors-champ, elle répond à Emilie Rose, les filles papotent et commentent les posts, enfin Paige arrive, ravissante dans une tunique bleu pâle et ses longs cheveux blonds, l’on ne peut s’empêcher de penser aux paroles de Jim Morrison American boys, American girls, the most beautifull people in the world, elle s’empare de sa guitare, quelques instants pour saluer des proches, et pour s’accorder, Emilie Rose a pris son fidèle fiddle,  le concert, non la soirée entre amis commence, Paige à la guitare, et au chant, cette manière qui n’appartient qu’à elle de hausser la voix, à chaque fois vous avez l’impression qu’elle vous arrache le cœur, de son violon Emilie cautérise la douleur d’une douce mélancolie, qui prend de l’ampleur, se mêle et s’entremêle aux cris suaves de Paige, comment peut-elle en même temps insuffler tant de tristesse et de sauvagerie dans son chant, le refrain comme un couteau qu’elle enfonce dans votre âme, ses doigts mélancolisent  les cordes, une dernière traînée de violon comme une longue pincée de désespoir. Tout de suite le sourire aux lèvres, un œil sur le téléphone, on leur demande de mettre l’affiche Venmo en évidence au premier plan contre la santiag noire de laquelle émerge un bouquet de fleurs. Petit interlude parlé, nous sommes au Nevada, il neige.  

    Qu’elles sont belles toutes les deux, avec en fond sur le mur le loup solitaire Une nouvelle chanson. Une ballade, toujours cette voix arrachée de l’intérieur qui pleut sur vous en éclats de verre tranchants, ce mouvement de tête vers le haut, comme pour exhaler une fureur contenue, et Emilie Rose, elle ferme les yeux, son violon ruisselle de larmes, tout semble s’apaiser comme une déception, comme une acceptation, la musique continue, lorsqu’elle s’arrête l’on s’aperçoit que l’on n’est pas en train de s’éloigner sur une route jonchée de feuilles mortes.

    Rires, accordage, commentaire sur les posts ‘’ so beautifuul’’ ‘’sounds just fine’’, It’s nothing, accordage, capodastre, une chanson triste, l’autre doit partir, ce n’est rien, c’est ainsi et cette voix qui se plie à la nécessité des choses, même si dans les passages plus lents elle est chargée d’une délicieuse amertume, porteuse des choses qui ont été et qui ne sont plus, Emilie Rose grise la réalité, le violon n’est plus qu’une plainte, de celles que l’on retient mais que l’on ne saurait cacher, quelques saccades de cordes plus loin elle joint sa voix à cette de Paige, et la noirceur tranquille du monde tombe sur vos épaules et les recouvre de glace. L’on croit que c’est terminé, mais non, vie et cauchemar continuent toujours, la voix de Paige devient plus rauque et le violon d’Emilie sonne comme si elle jouait dans un quatuor, en battements d’ailes de cygne qui s’apprête à mourir.  

    Parlent un peu, mais l’on comprend beaucoup. Paige se retourne et s’empare de son banjo. Elle présente le prochain morceau un projet qui se concrétisera au mois d’avril suivant. La vidéo de Burn it to the ground, version orchestrée est sur You Tube. Très belle, mais celle-ci, toute dépouillée est encore plus forte. Crépitements du banjo et cris de crin-crin, plus la voix de Paige qui crache son ressentiment, pour l’exalter et s’en débarrasser, cette juste colère contre l’incompréhension des honnêtes gens, je ne savais pas que l’on pouvait jouer avec tant de force sur un banjo, l’archet d’Emilie se transforme en étrave de brise-glace qui pulvérise le monde. Ce morceau est un chef-d’œuvre absolu. C’est fini. Un ange passe dans une tornade. Emilie sourit doucement. Le visage de Paige se teinte de mélancolie, elle détourne pour poser son instrument et reprendre sa guitare.

    Emilie Rose engage le fer, le violon résonne comme un torrent qui dévale une pente abrupte, Paige les deux mains croisées sur sa guitare, sa voix s’élève altière, maintenant la guitare accompagne, tout se passe entre  le faucon de cette voix qui  qui monte haut dans le ciel pour se laisser tomber comme une pierre sur sa proie, le violon d’Emilie, il joue le rôle de la nature entière dans laquelle se déroule la scène, parfois tout semble immobile, apaisé, l’archet pousse les aigus et ce qui se voulait ordre et beauté se transforme à la seconde suivante en kaos mortel, leurs voix se rejoignent, étendards de victoires éployés, le ton s’adoucit, telle une houle de vent qui berce les épis de blés en une immense vague infinie. Fulgurant. Elles se regardent d’un petit rire discret. Elles peuvent être fières d’elles.

    Regards sur le téléphone. Remerciements. Une nouvelle ballade. Paige à la guitare, et cette voix, vous l’attendez, vous vous doutez que dans une seconde elle va éclater, et pourtant elle vous surprend, vous soulève et vous emporte, vous maintient au-dessus de l’abîme du monde comme par miracle, la tristesse vous poigne, le violon ne fait que l’accentuer par sa traîtrise de douceur, vous planez bien haut, sans être plus heureux pour cela, avec toutefois cette promesse de retour. Un classique de Jimmy Webb, Highwayman,  enregistré en 1977, sous la houlette de Chips Moman ( qui accompagna Gene Vincent sur scène et que l’on rencontre souvent, grâce au Cat Zengler in KR’TNT ! ) reprise par notamment par The Highwaymen ( Johnny Cash, Waylon Jennings, Willie Nelson, Kris Kristofferson ).

    Rituel habituel, rire, téléphone… Cette fois-ci, Paige ne chante pas, Emilie lui a très rapidement rappelé les accords, elle accompagne.  C’est parti pour une pure chevauchée cowboy & fiddle, coloration bluegrass, un régal, le bras blanc de Rose Emilie vole au vent de l’archer tel un albatros qui se joue de la tempête, des images de films tournent à toute vitesse dans la bobine de votre cervelle, élans vertigineux et apaisements virtuoses se succèdent à toute vitesse, Emilie joue avec son instrument mais son corps et sa tête conduisent la danse du cheval fou.  La prestation pétille de joie comme un feu de camp dans la nuit de la prairie. Toutes deux heureuses comme des gamines.

    L’on approche de la fin, on les sent détendues, Emilie raconte une histoire folle… comme quoi le monde est petit, Paige évoque des instants antérieurs, l’on se dirige lentement vers le dernier morceau Where did you go ? Notes lourdes et graves, la voix de Paige traîne et nasille, Emilie la soutient sur les refrains, sinon la guitare seule, et la voix esseulée, chargée de tristesse, ce n’est pas une chanson d’amour perdu, mais une plainte interrogative, sur l’autre côté, sur les sentes obscures de la mort. Une profonde méditation, un regard à la rencontre des ombres qui sont ailleurs. La chanson se termine comme l’on souffle sur la flamme d’une bougie. Paige nous regarde et esquisse un sourire. D’où sort-elle cette sérénité.

    Quelques phrases pour remercier – elles qui ont tant donné avec cette effarante simplicité - Paige se lève et disparaît, Emilie reste assise et fait semblant de pincer les cordes de son violon. This the end, beautifull friends. Bye-bye beautifulL girls. 

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    HAPPY OCTOBER, HAPPY FALL

    TWO RUNNER

    (EMILIE ROSE - PAIGE ANDERSON)

    ( 21 / 10 / 2021 )

    Changement de décor. Comme le temps passe vite, nous voici en octobre. Emilie et Paige sont assises dans un parc. Cette vidéo est un peu un clin d’œil aux anciens clips de Paige Anderson and the Fearless Kin enregistrées en pleine nature devant des arbustes aux branches tourmentées, voici plus de dix ans.

    Robes châtaigne et arbres qui commencent à se parer de couleurs automnales. Une vision idyllique, un peu à la Thoreau. Notes aigrelettes du banjo agreste de Paige en introduction, et toujours cette voix qui surgit et se pose, un oiseau sur les rameaux du désir et de la beauté, Emilie fredonne, à peine remue-t-elle les lèvres et pourtant elle enveloppe d’ouate le morceau qui en acquiert des allures intemporelles. Le violon crisse en une étrange tarentelle ralentie. Le banjo n’arrête pas de grignoter le temps, la voix de Paige nous éloigne d’on ne sait quoi, d’on ne sait où, une longue scie de violon et tout s’arrête scandaleusement. Presque trois minutes de rêve et plouf plus rien. Je l’ai écouté et réécouté plusieurs fois, et je n’ai pas compris. Tout ce que je sais, c’est que c’est plus que magnifique, au sens plein du terme ensorcelant.

    Damie Chad.

    ( Vidéos visibles sur FB : Emilie Rose ou Paige Anderson )

     ILLICITE ( 1 )

    AUTOPORTRAIT COMPLAISANT

     

    Les gens sont parfois curieux, ils me demandent qui je suis. Cela les intrigue. Il vaut mieux qu’ils ne sachent pas. Certains aimeraient savoir si je suis un rebelle. Je ne le suis pas, il faut prendre les armes pour cela, je ne dis pas quand j’étais jeune. Existe-t-il seulement des combats collectifs qui le méritent. Sûr, tout dépend des situations... Au fond les hommes m’indiffèrent. Je ne fais confiance qu’aux individus. Ce qui ne signifie pas que l’on a tort de se révolter. Encore faut-il ne pas être dupe de soi-même. Ni des autres. L’on me taxe souvent de radical, je le suis dans mes a priori. Comme tout le monde. A la différence de beaucoup, je ne feins pas de l’ignorer, je le revendique. J’assure du mieux que je puis ma niche de survie écologique. Je passe ma vie, à moins que ce ne soit ma vie qui se passe de moi, à traficoter dans les sentes obscures de la poésie et du rock ‘n’roll. Dans le monde des humains, je suis un illicite. Je préfère vivre avec les concepts opératoires que sont les Dieux.

    Damie Chad.

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' roll )

    Episode 19

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    MENACES

    Nous étions nus, couchés à même le sol, grelottants, le grand ibis rouge n’avait pas l’air content, sa voix tonnait dans le ciel d’aube pâle.

              _ …Vermines, préparez-vous à mourir, vous qui avez mis le feu à mes quatre buissons sacrés d’hibiscus, crime impardonnable !

              _ …Bon, je crois que je vais de ce pas allumer un Coronado, déclara le Chef en se levant puis s’adressant à nous, levez-vous bande d’arsouilles, et toi le grand emplumé, rabaisse ton caquet, ce n’est pas ainsi que l’on s’adresse au SSR !

    Le GIR (Grand Ibis Rouge ) s’étrangla de fureur, il émit une suite de borborygmes incompréhensibles qui traduisaient une grande ire sans grandeur, nous en profitâmes pour enfiler nos vêtements, les chiens ne bougèrent pas de leur étoile.

              _ Agent Chad, auriez-vous l’obligeance de nous ramener un lot de croissants croustillants afin de nous remettre de nos émotions, en attendant que Monsieur le déplumé retrouve l’usage de la parole humaine.

    Quand je revins le GIB n’en avait pas fini d’expectorer d’infâmes gargouillements

              … grtbk klzx, pdtz, ngtm, dxqr, fwvc…

              … Quel bruit horrible se plaignait Françoise, on dirait un WC bouché !

              … Pas du tout, répliqua le Chef, quel manque de culture chère Françoise, c’est simplement la transcription gutturale et glossolalique des hiéroglyphes de la malédiction de Thot inscrite sur le mur nord de la troisième antichambre de la tombe de Touthânkamon, mais que vous apprend-on en maternelle, quelle ignorance, je n’en crois pas mes oreilles, de toutes les manières, nous en avons encore pour trois quarts - d’heure, l’imprécation aux ennemis de Thot est une des plus longues, certains égyptologues l’attribuent à Seth, une erreur déplorable !

    Les filles avaient préparé le café, je déposai mon paquet de gâteries que j’avais ramené de la boulangerie sur la table basse que Joël avait installée entourée de poufs sur l’ordre du Chef au centre du cercle. Nous déjeunâmes avec appétit, engloutissant, croissants, chocolatines, babas au rhum, millefeuilles, j‘avais même eu la délicatesse de choisir une tarte aux framboises pour Framboise, les cabotos ragaillardis par les effluves alléchants se rallièrent à nous et Molossito avait déjà enfourné trois Paris-Brest lorsque le GIR stoppa son ésotérique sabir et s’adressa à nous sur un ton comminatoire en la douce langue ronsardienne :

              … Misérables créatures, dans quelques minutes vous serez la proie des helminthes, mon messager de la mort n’est plus très loin, je l’ai retiré des limbes de son cercueil, il vient assoiffé de sang, telle une goule malfaisante, tremblez humbles mortels, agenouillez-vous et implorez ma clémence, que je refuserai de vous accorder, votre humiliation aura le goût délicieux d’un fruit succulent !

              … Agent Chad, auriez-vous du feu, pour mon Coronado !

        … Voici Chef, et toi le perroquet si tu pouvais te taire, ce serait parfait, espèce de paltoquet toqué en plaqué de contreplaqué, ferme ton claque-merde !  

    Je sais ce n’est pas poli, mais cette espèce de volatile rougeâtre me tapait sur les nerfs, ensuite je me dois d’être fidèle à la vérité historique de cette scène cruciale pour l’avenir de l’humanité.

              … Votre insouciance vous perdra, impies mortels je serai impitoyable, tant pis pour vous le messager de la mort est tout près de vous, je vous laisse méditer votre inconséquence le temps qu’il arrive. Silence, vous entendrez ainsi le bruit de ses pas !

    LE MESSAGER DE LA MORT

    Dans les minutes qui suivirent nous n’entendîmes que le bruit d’une allumette sur son grattoir, le Chef se préparait à fumer un Coronado. Il n’eut pas le temps d’aspirer afin que le bout du cigare s’embrasât, l’on marchait dans le corridor, il était indéniable que les enjambées du Destin se rapprochaient. Les filles pâlirent, les cabots grognèrent. L’on ouvrait la porte extérieure de la cabane, il y eut trente secondes de silence plus longues que l’éternité de la mort… Derrière la porte qui s’ouvrait sur le jardin l’on prenait plaisir à nous faire attendre, le Chef en profita pour tirer sur son Coronado, dégageant une intense vapeur, hélas point aussi psychédélique comme le dernier disque de Tony Marlow, les gonds rouillés émirent un grincement sinistre, enfin il apparut. C’était, in person, Charlie Watts !

              … Ce bon vieux Charlie ! marmonna le Chef

    Charlie, ne parut pas l’avoir entendu. Il s’arrêta, nous regarda et tira lentement son long bec métallique qu’il ajusta sur son visage. Le GIR gira au rouge cramoisi, les filles essayèrent de retenir quelques manifestations de terreur, leurs dents claquaient comme les castagnettes qui accompagnent les danseurs de flamenco, là-bas, en Espagne… les chiens glapirent de terreur, tandis que Charlie s’approchait à pas lents, soudainement ils se mirent à hurler à la mort.

    Charlie se rapprocha, il avait choisi sa première victime, il s’approcha du Chef et pencha son bec meurtrier vers son visage, le Chef en profita pour relâcher un nuage de fumée aussi inattendue qu’une bouffée délirante.

    Ce fut à ce moment-là que résonnèrent les aboiements joyeux de Molossa et de Molossito qui gambadèrent remuant la queue de contentement tout en se dirigeant vers la porte du jardin. Ingratitude canine qui préfère abandonner leur maître que mourir avec eux, je crus que c’était la dernière pensée de mon existence, mais à l’intérieur de la cahute des ouah ! ouah ! vigoureux se firent entendre, et subitement apparut Rouky. En deux secondes la brave bête visualisa la situation, courut vers Charlie et se jeta dans ses bras. De sa gueule il dépouilla son maître de son bec mortel qu’il jeta à terre, Molossa et Molossito s’en saisirent et disparurent en emportant dans leurs gueules la terrible arme blanche.

     Rouky léchait fébrilement le visage de Charlie Watts, il sembla peu à peu réendosser une apparence plus humaine, son visage recouvrait doucement une   légère teinte rose, il passa ses mains sur ses yeux et son regard acquit une profondeur qu’il n’avait pas auparavant. Je supposais que la salive de Rouky opérait de même que le sang d’un bélier noir que les anciens grecs immolaient au bord d’une fosse dans le but que les âmes des morts soient attirées par le chaud liquide et vinssent retrouver leurs souvenirs de vivants.

    (La conversation qui suit se déroula en anglais qu’en tant qu’agents du SSR nous maîtrisons parfaitement, toutefois la voici reproduite en français pour les lecteurs qui ne s’endorment le soir ni se réveillent le matin, en débitant par cœur une longue tirade de Shakespeare puissent n’en perdre une miette.)

              … Asseyez-vous, Charlie, je vous en prie, prenez place parmi nous, invita le Chef en désignant un pouf vide que je m’empressai de glisser sous les augustes fesses du batteur des Rolling Stones.

              … Euh ! merci (Charlie cherchait ses mots) euh, où suis-je exactement, et euh qui êtes-vous euh, je croyais que j’étais mort…

               … Je vous rassure cher Charlie, vous êtes bien mort, nous sommes les agents du Service Secret du Rock ‘n’ Roll, nous sommes dans le jardin de notre abri anti-atomique clandestin.

             … SSR… SSR… oui je me souviens, c’est vous qui une fois avez récupéré Keith dans la jungle…

              … L’on ne peut rien vous cacher, c’est bien nous, la mémoire vous revient !

              … Oui… elle est comme obstruée par des scènes de meurtres auxquels je ne comprends rien, j’ai une étrange sensation, un grand oiseau rouge, beaucoup de cadavres et beaucoup de sang…je…

    Les trois chiens insouciants qui jouaient à chat arrêtèrent subitement leur course effrénée   brusquement ils pointèrent leur museau vers le ciel et se lancèrent dans un furieux concerts de jappements de mauvais augure. Le GIR, nous l’avions oublié cet oiseau, sa silhouette sembla grandir démesurément, elle était aussi haute que la tour Eiffel, tout Paris devait l’apercevoir, une voix tonnante retentit :

             … Charlie lève-toi, n’oublie pas ta mission, n’oublie pas que tu es un guerrier du Grand Ibis Rouge ! Lève-toi Charlie, c’est un ordre !

    Et Charlie se leva…

    A suivre