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  • CHRONIQUES DE POURPRE 662 : KR'TNT ! 662 : WILD BILLY CHILDISH / CAMERA OBSCURA / CISSY HOUSTON / LIMINANAS /DEON JACKSON / OUTBACK / BLACK ALEPH / AETERNAL CHAMBERS /THE COALMINER'S GRANDSON

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 662

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    24 / 10 / 2024

     

    WILD BILLY CHILDISH / CAMERA OBSCURA

    CISSY HOUSTON / LIMINANAS

    DEON JACKSON / OUTBACK

      BLACK ALEPH / AETERNAL CHAMBERS

    THE COALMINER’S GRANDSON

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 662

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://krtnt.hautetfort.com/

     

    Wizards & True Stars

    - Le rock à Billy

    (Part Two)

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             Ah le Rock à Billy ! Les plus fidèles d’entre-nous vivent cette passion pour le Rock à Billy depuis quarante ans. Et ça va continuer tant que Wild Billy Childish tiendra debout sur ses pattes et qu’il pourra gratter sa gratte. Donc ça va, on a encore un peu de temps.

             Depuis qu’il fait du Dylanex avec The William Loveday Intention, les journalistes anglais s’amusent à le surnommer «the freewheelin’ Billy Childish». Et de préciser dans la foulée qu’il freewheele depuis quarante ans, ce qui ne le rajeunit pas. Nous non plus, d’ailleurs. Peter Watts parle aussi d’un gargantuan body of work qui mélange «R&B, blues infused punk, raucous rockabilly, art, poetry and beyond.» Maintenant Billy tape dans Dylan : «‘Knocking On Heaven’s Door’ est la chanson la plus courte que Dylan ait écrite. J’ai rajouté douze couplets.»

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            Il vit à Chatham, dans un ancien chantier naval qui bossait pour la Royal Navy. Fermé en 1984, le chantier est devenu un musée. C’est dans un ancien entrepôt que the freewheelin’ Billy Childish a installé son atelier de peintre. Son atelier est en fait une ancienne corderie. Le jour où Watts se pointe, Billy peint un swamp monumental, dans un style semi-figuratif, aux frontières de l’abstraction décorative. Il porte un béret et une combinaison de travail de couleur brune. Comme il n’a pas de temps à perdre, il peint pendant l’interview. Il fait partie de ceux qu’on appelle les hyperactifs. Non seulement ses toiles se vendent bien, mais il enregistre de plus en plus : 17 albums ces 18 derniers mois, dont ceux du William Loveday Intention, où il tape dans Dylan. Il s’en explique : «Ce n’est ni un hommage ni une parodie, je m’intéresse à l’esprit des chansons, de façon très sérieuse, et ça m’amuse de le faire si sérieusement. Pour moi, tout est comme si je rentrais de l’école et que je me mettais à jouer. Le jeu cette fois consiste à jouer à être Bob Dylan. Si tu joues à un jeu quand tu es un kid, tu le fais le plus sérieusement possible. C’est un truc que Dylan doit savoir. It’s all nonsense, but you take the joke seriously.» Il explique ensuite que l’idée de ce projet lui est venue via la version que fit Jimi Hendrix d’«All Along The Watchtower». Mais il trouve la cover hendrixienne surfaite, alors il a écouté la version originale (sur YouTube, précise Watts).

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             Pour les gens qui le connaissent bien, the freewheelin’ Billy Childish a toujours eu en lui l’élément du blues, «that Bo Diddley, Link Wray, Son House, Delta Blues thing» - He’s one of the only people who can sing that with real soul, dit Dave Tattersall, le guitariste du William Loveday Intention, qui ajoute : «Il est comme Billie Holiday, dans le sens où il joue avec les phrases et les mélodies mais en dégageant de l’émotion.» Selon Tattersall, Childish s’est approché de Dylan comme il s’était approché auparavant de Son House ou du punk rock.

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             L’autre grande qualité de Billy, c’est le refus définitif de tout compromis. Très jeune, il a fait le choix d’une vie d’artiste indépendant financée par the dole, c’est-à-dire l’allocation chômage. Non seulement il montait des groupes et enregistrait, mais il était aussi éditeur indépendant. Ce qu’il est toujours aujourd’hui - I was living day to day - Pas de famille, pas de biens matériels. Liberté totale - I am essentially a hippie. Tout ce que je fais tient plus du hippie que du punk, avec ces idées sur la pureté de l’art. Dylan a toujours réussi à faire ce qu’il voulait. But he’s one in a million - Et il finit par sortir sa grande phrase : «You have to do something with your life.»

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             C’est l’occasion ou jamais de sortir de l’étagère le petit book de V. Vale ramassé chez Smith voilà 20 ans : Real Conversations. Rollins, Biafra, Ferlinghetti, Childish. C’est là que Billy sort ses quatre vérités, à commencer par l’early punk - Well, I was a punk before I was asked to play in a group. I didn’t like seventies music. I just listened to ‘50s and ‘60s rock’n’roll. I learned how to play guitar by listening to Bo Diddley. When punk rock came along I thought, «This is for me.» - Il raconte ensuite qu’il a rencontré Bruce Brand à un gig des Damned en 1977, «at the Sundown, on Charing Cross Road.» Puis il explique que tous ces groupes avaient une ou deux bonnes chansons, ce qui suffisait. Il parle aussi du volume sonore. Pour lui, pas besoin de jouer fort pour taper dans l’œil - My feeling of punk rock is more like the blues of Robert Johnson, Leadbelly and Bo Diddley thought the rock’n’roll of early Stones and early Kinks - Il rappelle qu’il est resté un gros fan des first two Kinks albums, puis il précise que s’il est fan des Kinks, «it means I like about 5% of their output - just a few things.» Et il ajoute : «I also like Alternative TV, their first album, The Image Is Cracked is one of the greatst rock’n’roll records ever.»

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             Et là, ça commence à chauffer : «Plutôt que d’essayer de changer ma musique, j’essaye de la faire sonner comme si c’était notre premier album, chaque fois qu’on enregistre. Le fait que je ne sois pas très bon techniquement m’aide beaucoup. We don’t ‘develop’ too much or get involved in ‘musicianship’». Il dit aussi que plus un studio est sophistiqué, plus on s’éloigne de sa réalité - I’m not a career artist, I’m an amateur - La phrase est en bold, pour qu’on la voie bien - Je ne vais pas dans les studios sophistiqués et je ne me prends pas la tête avec ma carrière - ‘cuz I don’t want one! - Et il enfonce son clou - Pas question de devenir trop sérieux. You don’t want to be a professional in anything you do because professionals destroy anything - Et voilà, les chiens sont lâchés. Il dit que l’early footage des Stones et des Kinks permet de comprendre ça : they weren’t great. Mais quand ils ont commencé à s’améliorer, c’est là qu’ont commencé les problèmes - You got your Eric Claptons coming along, where people start thinking «I could never play that good.» - Il revient sur les groupes punk pour dire que Johnny Moped était l’un de ses préférés - Johnny Moped was totally, absolutely, naturally strange - Il dit aussi que les Clash n’ont rien fait de très intéressant après leur premier album.

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    ( Kurt Schwitters )

             Il rend aussi hommage à Dada et à Kurt Schwitters - He never took himself seriously - that’s punk rock - And he was a bloody businessman who ran his own printing shop, invented his own art, invented everything himself. He was my hero when I was about 16. That probably says a lot - C’est la clé du Billy. Il va peindre, gratter, coller, sculpter, et même ouvrir un compte en banque au nom de Schwitters pour les Milkshakes. Il rappelle qu’on a toujours le choix dans la vie, par exemple le choix de devenir peintre ou guitariste  - There is always a choice. Always. The only time there isn’t is when you don’t believe there is. Imparable.

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             Dans Uncut, Watts évoque aussi les épisodes ridicules des congratulations, tous ces gens qui saluaient Childish, espérant de la gratitude en retour. Mais c’est mal connaître Wild Billy Childish. La meilleure illustration est le falling out avec Jack White. Mais revenons aux choses sérieuses : Billy tient à ce que les choses soient claires, il n’est pas réellement fan de Dylan : «Je sais pourquoi les gens tiennent Dylan en si haute estime, mais les choses que les gens n’aiment pas chez lui  sont celles qui font sa grandeur et inversement. C’est un chanteur brillant, sa diction est parfaite. Il est extrêmement éloquent et ses interviews faites pendant les sixties sont marrantes. On ne peut que l’admirer. Mais je déteste le côté messianique ou cette façon qu’ont les gens de chercher les messages cachés. Rien ne cloche chez toutes ces rock stars, ce sont les fans qui détruisent tout. Bob est assez fin pour savoir qu’il ne sera pas redéfini par des gens qui ne savent même pas qui il est. Il a essayé de se protéger, parce qu’il n’est pas aussi stupide qu’on le croyait, et il est l’un des rares à avoir su le faire. Les gens ne l’admirent pas pour ça, mais ils le devraient.»

             Alors attention, 12 albums en trois ans, uniquement sur ce projet. Sale temps pour ton porte-monnaie. En plus, si tu ne les chopes pas à la sortie, les prix flambent et après t’es baisé. Ça spécule sec sur le dos de Billy. Mais c’est pas tout. En parallèle, il mène d’autres projets, Wild Billy Childish & The Singing Loins, ou encore Wild Billy Childish & CTMF. On y reviendra, car tous ces albums sont passionnants.

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             Il démarre The William Loveday Intention en 2020 avec People Think They Know Me But They Don’t Know Me. Trois raisons d’écouter cette merveille : «Again & Again», le morceau titre à rallonges, et «Desert’s Flame». L’Again est du heavy Dylanex, hallucinant de power. Le vieux Billy pèse de tout son poids dans la balance. Il tape une extraordinaire confession de foi avec le morceau titre, et puis le Desert va plus sur le western. Il peut recréer la magie déclamatoire de Dylan. On le retrouve à la frontière dans «Sonora’s Death Pow». Il se prend pour le Dylan de Pat Garrett & Billy The Kid, il fait son petit western de pacotille. Il attaque «I’m Hurting» à la dramaturgie des Meteors - My daddy was a vampire - Celui de Bob dans la chanson n’est pas un vampire, mais un drunk. C’est Juju qui chante «You’re The One I Idolize». Elle est superbe de petit sucre de Rochester. Et avec «My Father Was A Railroad Man», le vieux Billy pompe goulûment le «Black Girl» de LeadBelly. 

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             Et pouf, sort en même temps Will There Ever Be A Day That You’re Hung Like A Thief. L’un des meilleurs albums de l’an de grâce 2020. Pur genius dès «100 Yards Of Crash Barrier», et même une certaine violence, ça claironne dans le tonnerre dylanesque. Une fabuleuse attaque en règle. Plus Billy vieillit et plus il a du power. C’est l’un des plus beaux tributes à Bob Dylan qui se puisse écouter ici bas. Le gros son est encore de sortie avec «A La Mort Subite». Le vieux Billy y va à l’anthem. Ça sonne comme «Like A Rolling Stone». Il ramène tout l’éclat et toute la pompe du Dylan 65. C’est puissant, documenté, noyé d’orgue et de coups d’harp. Il nous refait même le coup du poème fleuve. Il reste au somment du lard avec «Celebrating Weakness». Cette évidence mirobolante te crève les yeux. Il fait tellement illusion qu’on croit entendre Dylan. Tout est totémique sur cet album, il relance en permanence sa Méricourt. Il repart en mode hard Dylanex avec «If They’ve Got What They Want They’ve Got You». C’est l’expression d’un die-hard fan - No matter what you do/ They got you - Encore plus explosif, voici «I’ll Tell You Who I’m Not So You’ll Know Who I Am». Il se jette tout entier dans la balance du mythe. Et ça continue de cavaler vers l’horizon jusqu’à la fin, avec cet extraordinaire «Chatham Town Welcomes Desperate Men». Billy accueille le génie dylanesque à bras ouverts.

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             L’année suivante, William Loveday pond deux autres Intentions, cot cot ! Une vraie poule aux œufs d’or : Blud Under The Bridge et The Bearded Lady Also Sells The Candy Floss. Alors attention, on rigole, comme ça, mais ce sont tous des albums extraordinairement denses. Sur Blud Under The Bridge, il récupère son vieux pote Jamie Taylor à l’orgue Hammond, et puis on le voit pincer son chant pour élancer ses fins de couplets dans «Exubarant Me». Il est spectaculaire de véracité dylanesque - Cause I celebrate the exuberant me - Franchement, cette qualité d’approche dylanesque te sidère. Avec «God’s Reason Why», il s’attaque à «Like A Rolling Stone». Qui dira l’incroyable qualité de ce mimétisme ? Il entre en osmose totale avec le génie déclamatoire de Bob Dylan. Jamie Taylor embarque «It Happened Before (Will It Happen Again)» à l’Hammond vainqueur. Billy reste au cœur du Dylan 65 et c’est brillant. Il va bien chercher l’apothéose, il pousse son chant jusqu’au sommet du lard. Le festival se poursuit en B avec «A Simple Twist Of Fate», plus romantique, avec des coups d’harp magiques. L’harper s’appelle John Riley, on le retrouve sur tous les albums de l’Intention. C’est aussi lui qui co-produit et qui enregistre. Avec «White Whale Of Fate», Billy entre avec ses gros sabots dans le Dylanex le plus collet monté à coups d’If you sing the blues/ You gotta be true. Cet incroyable exercice de mimétisme s’achève avec le morceau titre. En tant que Wizard & True Star, Wild Billy Childish fabrique des classiques du rock dans le moule dylanesque.

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             The Bearded Lady Also Sells The Candy Floss est encore pire que le précédent. Dès «To Sing The Blues You Gotta Be Blue», il renoue avec l’esprit cathartique du punk-blues d’«Highway 61 Revisited» sur l’album du même nom, il y va au fabuleux ramshakle, il tape en plein dans le mille du burnin’ spirit de «Just Like Tom Thum’s Blues», c’est le pur dylanex genius arrosé à coups d’harp. Tu débarques une fois de plus dans un very big album. Avec «When The Eagle Became A Hen», il s’enfonce dans le cœur du Dylanex à coups d’orgue Hammond, il pousse le rengainisme exactement comme Dylan, il a tous les atours du pourtour, il retrouve le secret des élans dylanesques et lance ses syllabes à l’assaut du ciel. Il cultive cette magie à outrance et ça rayonne. Nouveau coup de génie Dylanesque avec «Hanging By A Teneus Thread», il y retrouve le vieux compromise de Bob, il enfonce son clou dans la paume du teneus thread, c’est pur et saturé d’harp magique et le voilà qui screame ses fins de theneus threeeeead. Il te scie à la base ! Il tape encore un poème fleuve avec le morceau titre, et tu espères secrètement qu’il va se calmer ou se trouver épuisé en B. Pas du tout. Il repart en mode heavy Dylanex dès «What Kind Of Friend Were You», il pousse un wouaaahhh de werewolf dans son refrain, c’est puissant, bien balancé, du pur Childish, et avec «Eh Sister», il emprunte une trame mélodique à son copain Bob. C’est encore du pur jus. Il reste dans le full blown dylanesque avec «A Dull Blade», bien porté par des nappes d’orgue Hammond, elles embarquent le rock à Billy au sommet du lard séculaire, c’est encore plus brillant et plein d’esprit qu’avant, il faut le voir pousser ses syllabes. Il termine cet album effarant avec «A Rusty Stain», plus heavy, plus gaga, noyé de coups d’harp de John Riley, très haut niveau de Childish brawl - Come down to my pillow/ My darling/ And kiss this rusty stain.

             L’année la plus fastueuse est 2022 : la poule devient folle, Cowboys Are SQ, cot cot, The Baptiser, cot cot, Paralyzed By The Mountains, cot cot et Blud In My Eyes For You, cot cot.

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             Le voilà déguisé en cowboy sur la pochette de Cowboys Are SQ. On peut voir à ses pieds se fameuse Cadillac Guitar rouge fabriquée spécialement pour lui en 1999. Et au dos, tu as Nurse Juju déguisée en Indienne. Au risque de paraître redondant, on dira que cet album grouille de coups de génie. Bon exemple avec «Girl From 62». heavy Billy ! Écœurant de génie présentiel. Il chante sa girl à l’accent traînant de Gaga King. Wild Billy Childish est le roi indétrônable du British garage. On en profite pour écouter son morceau titre qui fait l’ouverture du balda : heavy country de fake americana. Il chante comme un dieu, un violon l’emporte et il pose son yeah comme une cerise sur le gâtö. Retour au wild Dylanex avec «It Ain’t Mine», mais il reste à la lisière du gaga sauvage et ténébreux. Il boucle son balda avec «Cave (Blues)», un blues primitif. Il sait tout faire. Il excelle dans tous les domaines. Attention, en B, il tape une cover de «Like A Rolling Stone». Il y va au didn’t you et c’est impérial. Il reprend le souffle de Dylan au vol et lui redonne des ailes. Comment est-ce possible ? La réponse est dans la question. Mais aussi sur l’album. Il suffit juste de l’écouter. Encore un coup de génie avec «Too Many Things That Mean Too Much To Me (Blues)» : heavy boogie blues dylanesque typique ce deux qu’on trouve sur Bringing It All back Home. Superbe mastering de la matière, avec les coups d’harp fantômes et les coups de slide à la Bloomy. Tu crois rêver, alors tu es bien obligé de te pincer.

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             Pour la pochette de The Baptiser, Wild Billy Childish ressort une belle guitare demi-caisse et un beau chapeau. Normalement, avec cet album, tu devrais te rouler par terre. Ce démon de Billy n’arrête pas de battre tous les records du sonic genius cubitus. Il attaque «A Library To You & The Self» au heavy rumble de deep american framed death et aux coups d’harp fantômes, c’est tellement bon qu’on crie au loup, tu as toutes les mamelles du destin : le rebondi, l’harp et l’ace of spades up the sleeve. Avec «A Painted Pantonime», il reprend son bâton de pèlerin avec les élans déclamatoires que l’on sait, et les coups d’harp te donnent des frissons. Il étend l’art dylanesque jusqu’au délire. Il passe le col et te fait découvrir une nouvelle vallée qui serait l’art de chanter Dylan à la Childish. Extraordinaire ! Il enchaîne avec le Mr. Smith de «Mister Smith», you’re talking to me now Mr. Smith, il s’agit bien sûr du Mr. Jones de «Ballad Of A Thin Man». Et la vérité éclate encore en B avec «I’m Good Enough» - I’ve been crushed/ To the ground - Il attaque ça en mode heavy gaga, il brasse large - Waouuuh ! I’m good enough - Tu te prosternes devant ce mec-là. Il retombe dans le pur jus dylanesque avec «A Framed T-Shirt Remnant», porté par des vague d’orgue Hammond, alors c’est en plein dans le mille, suivi d’un autre coup de génie virulent, «Poems of Anxiety & Uncertainty (Blues)» qu’il prend au trash-punk blues d’«Highway 61 Revisited». Wild as fucking wild !

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             Joli portrait alpin pour notre baroudeur préféré sur la pochette de Paralyzed By The Mountains. Bon, l’album est un tout petit peu plus faible que les précédents, mais ce n’est pas une raison pour ne pas l’écouter. Il rend deux fantastiques hommages à Bob avec le morceau titre, en ouverture de balda, et «The Day I Beat My Father Up» en B. Le Paralyzed sonne comme un heavy dylanex sabré à coups d’harp, for a hundred thousand views. Superbe et seigneurial. «The Day I Beat My Father Up» est aussi puisant. Il passe au heavy blues avec «Too Many Things That Mean Too Much To Me (Blues)» et le monte en neige dylanesque. S’ensuit une petite merveille : une cover du «You Gotta Move» de Mississippi Fred McDowell - You may be high/ You may be low/ You may be rich/ You may be poor/ Oh when the Lawd gets ready/ You gotta me - Les Stones peuvent aller se rhabiller.

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             Blud In My Eyes For You, un Hangman de 2022, est moins dylanesque que les autres Intentions. Il se disperse un peu, va sur le blues primitif («I’m The Devil»), l’Americana («Come Into My Kitchen»), ou encore le rétro d’Americana («God Don’t Like It»). On sent le vieux pépère aux prises avec sa moustache. Tout est monté sur la même mouture. Pour une fois, on s’ennuie un peu. Dans «The Walls Of Red Wing», il fait du Pogues avec des coups d’harp dylanesques, et il sauve sa B avec un coup de Jimmy Reed, «Baby What You Want Me To Do», yeah, yeah, yeah. Il termine en mode gospel avec «Since I Lay My Burden Down», il y va de bon cœur au glory glory hallelujah, ah il aime ça le Billy - I’m gonna shake with the angels/ Since I lay my burden down.

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             En en 2023, il change de crémerie pour sortir Secret Intention sur Spinout Nuggets. Et là, on perd tout le Dylanex. Le morceau titre est une resucée de «You Gotta Move». Il ne s’embête pas, le vieux Billy. C’est un album d’heavy blues qu’il chante à l’édentée, et grassement violonné par un démon nommé Richard Moore. Billy boucle son balda avec «Two Trains», un très bel heavy blues. Il y croit dur comme fer. Il fait en B son white nigger dans «Ramblin’ On My Mind», il tape en plein cœur du blues primitif, avec tout l’éclat d’un wild cat du Kent. Et avec sa cover d’«I’m Sitting On Top Of The World», il reste en plein dans le vrai. Il a fait ça toute sa vie : c’est beaucoup de boulot que de rester dans le vrai toute sa vie. Il ne sait faire que ça : taper dans le mille de l’extrême véracité véracitaire, qu’il s’agisse des early Kinks, des early Beatles, de Dylan, du blues, de Bo Diddley, des Who, de Jimi Hendrix, des Downliners Sect et du punk-rock. Tu ne prendras jamais Wild Billy Chidish en défaut. Alors tu peux y aller les yeux fermés et tout écouter.

    Signé : Cazengler, William Loquedu

    The William Loveday Intention. People Think They Know Me But They Don’t Know Me. Damaged Goods 2020

    The William Loveday Intention. Will There Ever Be A Day That You’re Hung Like A Thief. Damaged Goods 2020 

    The William Loveday Intention. Blud Under The Bridge. Damaged Goods 2021

    The William Loveday Intention. The Bearded Lady Also Sells The Candy Floss. Damaged Goods 2021

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    The William Loveday Intention. They Wanted The Devil But I Sang of God. Hangman Records 2021

    The William Loveday Intention. Cowboys Are SQ. Liberation Hall 2022

    The William Loveday Intention. The Baptiser. Damaged Goods 2022

    The William Loveday Intention. Paralyzed By The Mountains. Damaged Goods 2022

    The William Loveday Intention. Blud In My Eyes For You. Hangman Records 2022

    The William Loveday Intention. Secret Intention. Spinout Nuggets 2023

    Peter Watts : Medway Skyline. Uncut # 301 - June 2022

    Vale. Real Conversations. Rollins, Biafra, Ferlinghetti, Childish. RE/Search Publications 2001

     

     

    L’avenir du rock

     - La dame aux Camera Obscura

             — Pourquoi ne sortez-vous pas dans la journée, avenir du rock. Le soleil vous ferait le plus grand bien. Vous avez l’air d’un vampire ! Je prendrais mes jambes à mon cou si je ne savais quel délicieux ami vous êtes en réalité.

             — Vous connaissez pourtant mon goût pour les ténèbres de l’underground, et cette sainte horreur que j’ai des feux de la rampe et de la gloriole.

             — Avec vous, c’est tout l’un ou tout l’autre ! Le jour ou la nuit, le blanc ou le noir. Vous pourriez transiger de temps à autre, ça vous reposerait la cervelle d’écorner un peu vos principes. La lumière du printemps vous ouvrirait de nouveaux horizons, vous n’avez pas idée comme le ciel d’été peut être admirable, comme les aubes et les crépuscules peuvent vous transporter. L’élan lyrique ne nuit en rien à la contemplation, bien au contraire !

             — Vous me faites rire. Vous parlez comme une carte postale. Bientôt vous allez me dire que le jour c’est Dieu, et la nuit le diable. Ne comprenez-vous pas que la nuit soit le seule antidot à cet horrible poison qu’est la réalité ? Ne comprenez-vous pas que le temps de la nuit est infiniment plus long que celui du jour ? Plus précieux ? Plus pur ? Il n’est pas d’espace plus fascinant que le silence de la nuit, propice à toutes les dérives imaginaires !

             — Je vous reconnais bien là, avenir du rock. Le concept, rien que le concept, n’est-ce pas ? Vous n’en démordrez jamais, c’est pourquoi il est illusoire de vouloir vous ramener à la raison. Et pourtant, je sais que vous raffolez d’«A Day In The Life», de «Lucy In The Sky With Diamonds» et de toutes les manifestations de la Sunshine Pop, de Jan & Dean à Curt Boettcher, en passant par Brian Wilson et Big Star.

             — Oui, mais je cultive un petit faible pour l’Obscura. Camera Obscura, bien sûr.

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             C’est grâce à un gros numéro d’annive de Shindig! qu’on a découvert Camera Obscura et Tracyanne Campbell. Ce groupe fait partie de la fameuse scène magic pop de Glasgow et navigue au même niveau que les Fannies, les BMX Bandits, les Pearlfishers et Belle & Sebastian.

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             Non seulement leur nouvel album Look To The East Look To The West vient de sortir, mais ils sont en plus en concert à la maroquiqui, mon kiki. Peut-on parler d’un événement ? Oui, pour les ceusses qui savent. Voir Tracyanne et ses amis en chair et en os, c’est un peu comme voir Alex Chilton sur scène durant les années de braise. T’as un truc qu’on appelle le spirit, un mélange parfait des éléments qui font la grandeur d’un genre qu’on appelle la pop : la voix, le goût de l’envol mélodique et des compos mirifiques. Et tout ça éclate, là, sous tes yeux globuleux, à quelques mètres, t’as l’incarnation plus que symbolique de la magic pop de Glasgow. Les Cameras sont le groupe anti-frime exemplaire.

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    C’est même reposant que de les voir débouler sur scène : Tracyanne anti-frime toute de noir vêtue, sa copine anti-frime au clavier juste à côté, un guitariste anti-frime de l’autre côté, d’autres gens au fond, le beurre et l’argent du beurre, et un ogre anti-frime sur une belle Ricken, juste là, à 50 cm.

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    Pourtant bourrée de talent, Tracyanne bat absolument tous les records de modestie. On lui donne aussitôt le bon dieu sans confession, et dès qu’elle ouvre la bouche pour attaquer «Liberty Print», tu prends ta carte au parti, car c’est tout de suite plein comme un œuf. Te voilà tanké, te voilà embarqué, welcome to Cythère, viva l’Obscura !, elle éclate au grand jour, c’est quasiment mécanique, t’as l’impression de voir jouer l’un des groupes les plus importants de cette époque, et en même temps, ça reste incroyablement statique.

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    Pas de jeu de scène. Tout repose sur la qualité des compos et la voix magique de Tracyanne Campbell. Elle dispose du même talent qu’Isobel Campbell, elle utilise sa voix comme un instrument, elle module et colorie, elle se déploie et s’élève, elle adoucit et embellit, elle règne sur la terre comme au ciel. Plus loin, elle tape l’éminent «Light Nights», suivi de «Pop Goes Pop», tirés tous les deux du nouvel album, et puis tu retrouves toutes ces merveilles tirées de l’album chouchou de Shindig!, My Maudlin Career : «French Navy», «The Sweetest Thing» ou encore «Swans». T’es littéralement saturé de qualité. Comme si tu traversais à la nage un océan de magie pop. Tu bois la tasse en permanence et tu danses avec les requins blancs. Quelle épopée ! En rappel, les Cameras tapent encore dans  leur Maudlin Career avec l’indubitable «Forests & Sands». Même sans le wall of sound, ça passe comme une lettre à la poste. Ils tapent ensuite «Eighties Fan» (tiré de Biggest Bluest Hi-Fi), mais sans le Totor sound, alors c’est très gonflé de leur part, et pourtant ça tient, car c’est construit comme une cathédrale.

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    Et puis voilà qu’ils terminent avec l’apothéose du doux, «Razzle Dazzle Rose» que Tracyanne semble offrir comme un cadeau aux kikis de la maroquiqui qui n’en peuvent plus de tant de beauté.

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             C’était couru d’avance : Look To The East Look To The West est un album lumineux. Tracyanne ramène sa voix de rêve dès «Liberty Print» et ça gratte des poux jusqu’à l’horizon. Et ça continue avec «We’re Going To Make It In A Man’s World». Ça éclate de bonheur. Te voilà au paradis de la grande pop écossaise. Tu as l’envolée à l’orgue et les voix s’élèvent dans le ciel clair d’Écosse. Enfin clair, il faut le dire vite. Nouveau coup de tonnerre avec «The Light Nights», Tracyanne frise le yodell préraphaélite. Les Camera créent les conditions du bonheur surnaturel et tu entends les notes d’un piano divin. Cet album va t’émerveiller, si tu l’écoutes. Encore de la pop stratosphérique avec «Pop Goes Pop», come on for goodness sake ! Quel élan ! - Hearts like ours will get us in trouble - Les Camera tapent dans le mille à chaque fois. Comme ils vont le faire avec Dory Previn, ils rendent hommage à Baby Huey avec «Baby Huey (Hard Times)». Tracyanne crée la magie à la pointe de la glotte. Et puis voilà le morceau titre, elle reste très formelle, elle tient bien son ah-ah-ah, elle le laisse couler au gré d’une pop toujours magique, Be a good girl et t’as le solo qui va avec et elle reprend le balancement de sa pop de rêve - Be a good girl/ And try your best - Final éblouissant, noyé dans l’horizon des Camera. De nos jours, on ne voit plus guère de chansons aussi charnues, aussi parfaites. 

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             Leur premier album Biggest Bluest Hi-Fi date déjà de vingt ans. Very big album ! Pas moins de deux coups de génie : «Eighties Fan» et «Houseboat». Le premier est tapé au Totor sound. Belle envergure ! Et sucre fabuleux. Tu t’habitues aussitôt à Tracyanne. Et ça se développe. T’en reviens pas ! Sucre candy garanti à 100%. Ça vire délire labyrinthique de sucre pop d’I’m gonna tell you something. C’est un mec qui chante sur «Houseboat», mais il est bon. Tracyanne arrive dans le cours du dossier et le duo fait une pop de rêve, ils remontent le courant du riff d’acou du diable, là, amigo, t’as la pop du siècle. Et Tracyanne te remet une couche de sucre candy. Ils sont tellement à l’aise. Tu te crois au paradis. Ils montent «Anti Western» en mode duo d’attachement parabolique. Ils savent duetter comme Jim Reid et Hope Sandoval sur Stoned & Dethroned. Leur pop est tellement délurée qu’elle gambade sur des petites guiboles agiles. «Double Feature» sonne comme une belle pop traînée dans la lumière. C’est à la fois éthéré et de haute voltige. Et puis tu as cet instro du diable, «Arrangements Of Shapes & Space», un instro gorgé de joie et de lumière. L’Obscura fait de la lumière. C’est axé sur l’horizon et t’en prends plein la vue. Paradisiaque !

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             Elles sont drôles sur la pochette d’Underachievers Please Try Harder, avec leur look fifties à l’anglaise. À l’écossaise, devrait-on dire. Tracyanne attaque toujours au petit sucre candy d’incidence juvénile comme le montre «Suspended From Class». Très haut niveau de pop capiteuse. Ça vaut tout le Brill du monde. Elle est encore plus Hope Sandoval sur «Keep it Clean», véritable merveille inaltérable. Pure pop d’excelsior. Elle peut swinguer à la pointe de la glotte. Elle fournit une matière extraordinaire au process de kro. Les Camera font du Brill écossais. C’est Jon Henderson qui chante «Before You Cry» et Tracyanne revient en cours de dossier. Elle refait le show dans «Number One Son». On est en manque quand elle ne chante pas. Son Number One file à travers les plaines d’Écosse, salué par des orchestrations de rêve. Le mec Henderson revient chanter «Let Me Go Home». Ce mec n’a rien compris : quand on a une chanteuse comme Tracyanne dans le groupe, on lui laisse le micro. Sur le Wall of Sound Totorisé de «Knee Deep At The NPL», Tracyanne ramène son sucre magique. Elle est le clou du spectacle, avec une stupéfiante profondeur de champ dans le chant.

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             Tracyanne démarre encore très fort sur Let’s Get Out Of This Country avec «Lloyd I’m Ready To Be Heartbroken» et «Tears For Affairs». Elle part vraiment en trombe, mais c’est la trombe d’Obscura, et elle ramène aussi sec son sucre candy. Elle prend vraiment le taureau par les cornes. Pur genius cubitus. Son Tears est tout aussi groovy en diable, fantastiquement agréable, c’est même un hit pop tentaculaire, avec l’écume d’Oh Happy Days. Elle rend hommage à Dory Previn avec «Dory Previn» et le solo te fend le cœur. Elle est dans Dory et dans Mazzy Star, dans tout ce qu’il y a de plus parfait. «The False Contender» est une valse à trois temps. Les Camera ont l’intensité des Flaming Stars, mais au féminin. Effarant ! Le morceau titre atteint à la grandeur subliminale, ils tapent ça à la bonne franquette d’heavy pop, et elle pose toujours son candy de candeur véracitaire. Tu entends chanter une superstar. Et en guise de cerise sur le gâtö, t’as une fin apocalyptique. Tracyanne crée son monde en permanence. Elle chante comme un ange du paradis. Elle retape dans le Wall of Sound de Totor avec «If Looks Could Kill». Elle se prend littéralement pour les Ronettes. Flabbergasting ! C’est exactement le même punch, la même profondeur de champ, la même intelligence de la vision pop, la Camera voit aussi loin que Totor, c’est bardé de Wall of Sound, tu te pinces car tu crois rêver. Totor est donc toujours d’actualité. Ils réinventent le rêve avec une fantastique démesure de la Wallitude céleste. Pur genius atmospherix ! Elle fait ensuite du Motown de Brill avec «I Need All The Friends I Can Get». Elle est au top du trip. C’est hallucinant de power, ça swingue dans l’écho du temps. Les Camera sont des cracks.Avec «Razzle Dazzle Rose», ils foncent au doux du doux. C’est une merveille de délicatesse, digne de Ronsard, fragile comme l’éclat de la lumière au lever du jour. Mignonne allons voir si la rose de Tracyanne est éclose.

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             Pour son numéro 50, Shindig! avait choisi de célébrer le génie des Camera avec cet album paru en 2009, My Maudlin Career. Tracyanne s’impose dès «French Navy», cette jolie pop de Brill fondue dans l’écho du temps. Que de son ! C’est stupéfiant de justesse et de ferveur Brillique. Camera Obscura est la réponse écossaise au Brill et à Belle & Sebastian. Tracyanne est tout simplement stupéfiante de présence stellaire : elle brille au firmament. On se régale de «The Sweetest Thing», et encore plus de «Swans». Fantastique entrain - Maybe you should travel with me - et elle ajoute, la bouche en cœur - And you’ve never touched a dear/ A deer so deer my dear - Voilà un cut qui sonne comme un passage obligé. On reste dans la fantastique approche avec «James» - James he came to my place/ He said he had to see my face - Magie pure - Oh James you broke me/ I thought I knew you well - Elle a une façon extraordinaire de chanter dans l’écho. Son «Careless Love» est beau et tendu, doté d’un final aux violons éblouissants. Il faut écouter cette petite gonzesse chanter comme on écoute Laura Nyro. Elle revient au Brill Sound pour le morceau titre. Son de rêve - I don’t want to be sad again - On se croirait chez Totor - This maudlin career must come to an end - Maudlin veut dire larmoyant. C’est du pur génie productiviste. «Forests & Sands» vient encore enchanter cet album hautement révélatoire. Ici, la prod vaut pour modèle. Tracyanne chante si divinement. Les Camera jouent au maximum des possibilités de la pop, et Tracyanne chante à la vie à la mort - But if the blood could freeze/ I’d be pleased/ I’d be pleased - Ça se termine en beauté avec «Honey In The Sun», un fan-tas-tique shoot de power pop. Over and over again et voilà que tombe du ciel un extraordinaire refrain, I wish my heart was cold, cuivré à la folie, but it’s warmer than before, le format pop explose sous nos yeux globuleux.

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             Et puis voilà Desire Lines. Tracyanne y est toujours aussi magique. L’album est un peu moins dense que les précédents, mais «William Heart» craque bien sous la dent. Tracyanne Campbell reste alerte et fraîche comme l’eau vive, et elle part en mode sucre magique au coin du couplet. Elle s’accroche à sa pop comme la moule à son rocher, mais quelle Beautiful moule ! Son cut est lumineux comme une aurore boréale. Encore une fois, tu crois rêver. Coup de génie encore avec «Cri Du Cœur» - I know I’m a fuck up/ I know to read tragedy - Avec «Every Weekday», elle sonne comme Fred Neil, on capte même des échos d’«Everybody’s Talking». Ils passent en mode big band pour «I Missed Your Party». Ah il faut voir Tracyanne en photo dans le digi. Elle est superbe.

    Signé : Cazengler, Camerond qu’est pas carré

    Camera Obscura. La Maroquinerie. Paris XXe. 30 septembre 2024

    Camera Obscura. Biggest Bluest Hi-Fi. Andmoresound Records 2001

    Camera Obscura. Underachievers Please Try Harder. Elefant Records 2003

    Camera Obscura. Let’s Get Out Of This Country. Elefant Records 2006

    Camera Obscura. My Maudlin Career. 4AD 2009

    Camera Obscura. Desire Lines. 4AD 2013

    Camera Obscura. Look To The East Look To The West. Merge Records 2024

     

     

    Cissy Impératrice

    - Part One

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             Cissy Houston vient de casser sa pipe en bois. Avec elle se referme un sacré chapitre. Tu en pinces pour la Soul et le gospel ? Alors écoute Cissy Houston. Bon alors, après le tour de chauffe des Sweet Inspirations sur lesquelles on reviendra dans un Part Two, Cissy impératrice décide de bâtir un nouvel empire : une carrière solo !

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             Allez hop, un album sans titre sur Janus en 1970, pour commencer. Elle fait comme les copines, elle tape dans Burt. C’est du tout cuit, avec «I Just Don’t Know What To Do With Myself». Elle monte si haut qu’on en chope le torticoli, impossible de la suivre du regard, elle explose le génie black. Et comme si ça ne suffisait pas, elle tape ensuite dans Jimmy Webb avec «Didn’t We». Comme Shirley Bassey, elle a de l’ampleur, c’est-à-dire la puissance d’une chanteuse d’opéra. Ah il faut la voir gueuler. Elle gueule encore pour l’«I’ll Be There» de Bobby Darin, aw no baby ! En B, elle s’en va taper dans Totor et Ellie Greenwich, avec une cover de «Be My Baby». Elle la prend à la douce, elle monte doucement, suivie par une trompette molle dans le vent tiède, alors les dynamiques d’Ellie se mettent en route, mais pas de wall of sound. Elle chante en direct, dans le micro. Elle tape aussi «The Long And Winding Road» de McCartney, mais c’est cousu de fil blanc.

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             Malgré sa belle pochette graphique, l’album d’Herbie Mann Featuring Cissy Houston, Surprises, ne crée pas vraiment la surprise. Flûtiste de jazz, Herbie Mann groove sous le boisseau de la Jamaïque pour créer l’ambiance de «Draw Your Breaks». L’Herbie ne fait pas n’importe quoi, il jazze son reggae beat. Pour Cissy impératrice, c’est du gâteau, elle n’a qu’à attendre qu’on lui dise de chanter. Dans «Creepin’», David Newman joue un groove de sax et le vent emmène Cissy impératrice vers l’horizon. Globalement, c’est un bel album de groove flûtiste. Cissy s’y sent comme un poisson dans l’eau. Mais on s’ennuie un peu, il faut bien le dire. Au fond, c’est peut-être une musique qui n’intéresse qu’une seule personne : Herbie. C’est déjà ça. Il s’amuse bien avec sa flûte.     

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             En 1977, Cissy enregistre un nouvel sans titre. La pochette un brin putassière n’inspire pas confiance et pourtant, c’est un big album qui repose sur quatre piliers : une cover, deux coups de génie et du sexe. On commence par le sexe : «Morning Much better». Comme chacun sait, le matin est idéal pour les parties de cul. Cissy tape une belle croupière à sa Soul et elle feule «I like it in the morning» d’un ton qui ne laisse aucune chance au hasard. Son «Love Is Holding On» sonne comme du Burt, elle se fond dans le moove du groove avec une sensualité houstonienne, elle le monte si bien en neige qu’elle finit là-haut sur la montagne. Quelle gueularde ! Elle pousse des pointes surnaturelles, celles des pipes, comme dirait Tav Falco lorsqu’il parle de Bobby Blue Bland. L’autre coup de génie est sa cover d’«He Ain’t Heavy He’s My Brother». Il faut détenir le pouvoir absolu pour chanter cette merveille de mélancolie océanique. Cissy l’a. Non seulement elle s’étend au-dessus de l’océan, mais elle monte sa voix. Elle claque sa Soul à un très haut niveau, épaulée par des orchestrations de luxe. Et puis elle retape dans Burt avec «Make It Easy On Yourself». Elle recoiffe l’Ararat de Burt de neiges encore plus éternelles, elle est capable de chanter très haut sans perdre son souffle.     

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             Graphisme des années 80 pour la pochette de Think It Over. L’album est à l’image de la pochette : raté. Cissy impératrice bascule dans la diskö m’as-tu-vu. Quel gâchis ! Une si belle voix. Les producteurs de l’époque n’avaient aucune fierté. Tu ne sauveras rien sur cet album.

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             La pochette de Warning Danger n’inspire pas non plus confiance. Elle attaque avec le morceau titre, un Afro-beat diskoïde, très bizarre mais pas complètement dédouané. Le seul cut sauvable est l’«Umbrella Song», un bref shoot d’exotica paradisiaque qu’elle chante au mieux de la rondeur des tournures d’umbrella.    

     

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             Back to the bottom avec Step Aside For A Lady et sa hideuse pochette années 80. Rien. Tu l’envoies coucher au panier.

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             Very big album que ce Face To Face paru en 1996. Retour en force de Cissy Impératrice avec un album de gospel batch truffé de coups de génie, à commencer par le morceau titre, orchestré par des chœurs spectaculaires, et une Cissy au top de sa glotte. Elle navigue au dessus de la clameur du gospel choir. C’est une œuvre d’art. L’autre coup de génie est l’«He Is The Music» qui referme la marche. Elle pousse encore une pointe, elle est dure en affaires, elle ne lâche rien. Elle écrase son champignon en permanence. Elle navigue au niveau d’Aretha et de Mahalia Jackson, elle dégouline d’over-power. C’est encore autre chose que l’opéra. Gospel encore avec «God When I See Thee», un bop de gospel joué au rebondi de la foi, un rebondi tight et rock’n’roll, Cissy est une vainqueuse, tout sur cet album est arraché à la victoire suprême du black power. Elle t’explose encore «How Sweet it Is» - Thank you Jesus - Elle s’enflamme, elle bat les Edwin Hawkins Singers à la course, c’est puissant, bien décollé du sol et ça continue avec «I’m Somebody», amené au heavy funk, avec des chœurs de gospel, c’est vite énorme, ils sont 40 derrière Cissy, elle établit le power absolu et définitif. Elle chante «Too Close To Heaven» à s’en exploser la rate - I’m too close/ Now I can’t turn around - elle se noie dans un groove d’orgue. Parfois, on sent qu’elle est dépassée par la clameur («Without God») et pouf, elle te refait un numéro de haute voltige avec «Something’s Bound To Happen», là tu sais que tu écoutes une impératrice - Something’s bound to happen/ When you pray - et elle te défonce encore tous les barrages avec «Just Tell Him» - Let me introduce you to my friend called Jesus - Seuls les blacks savent parler à Jésus.   

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             Elle reste fidèle au gospel batch avec l’album suivant, He Leadeth Me. Deux coups de génie : «Shelter In The Time Of Storm» et «He Changed My Life» - Ummmm Oh Jesus ! - Elle entre dans le groove du doux et les chœurs arrivent par dessus - Oooh my Jesus - alors elle se fond dans le mood de l’excellence. Une fois de plus, elle fait le job, talk about Jesus yeah, et elle t’explose le gospel. Elle reste au sommet du lard avec «He Changed My Life», bien drivé au bassmatic et aux tambourins. Elle semble complètement tourneboulée par le rumble du choir, I’ve been changed, il faut voir comme ça groove, avec un bassmatic qui va et qui vient entre tes reins, elle fait son Aretha, elle allume au point chaud de non-retour. On pense aux malheureux qui passent à côté d’une telle merveille. «Deep River/Campground» sonne comme un fantastique pathos de gospel, par contre, «Prayer Will Change It» est plus r’n’b. Elle le gère à la bonne franquette. C’est une vétérante, elle sait claquer un beignet. Et ça ne tarde pas à exploser à la barbe de Dieu. Avec le morceau titre, elle se fond dans le choir. Elle injecte de la Soul dans le gospel de «Count Your Blessings» et invite tout le mode à monter all aboard the «Glory Train». On la retrouve profondément impliquée dans «In His Arms» et elle se répand dans le just keep me Lawd right by your side d’«Every Day Every Hour». Elle se jette toute entière dans la balance. Elle est magnifique de classe et de trémolo.

    Signé : Cazengler, Cissy Rouston

    Cissy Houston. Disparue le 7 octobre 2024

    Cissy Houston. Cissy Houston. Janus Records 1970

    Herbie Mann Featuring Cissy Houston. Surprises. Atlantic 19765     

    Cissy Houston. Cissy Houston. Private Stock 1977     

    Cissy Houston. Think It Over. Private Stock 1978

    Cissy Houston. Warning Danger. Columbia 1979          

    Cissy Houston. Step Aside Fr A Lady. Columbia 1979

    Cissy Houston. Face To Face. House Of Blues 1996    

    Cissy Houston. He Leadeth Me. House Of Blues 1997 

     

     

    L’avenir du rock

    - Il n’y a pas que des nanas dans les Limiñanas

    - Part Two

             Chaque fois qu’il croise Boule et Bill au bar, l’avenir du rock sait qu’il va se heurter à un mur d’incompréhension. Il tente chaque fois d’ajuster son discours et de veiller à préserver les fragiles équilibres diplomatiques, mais c’est d’une complexité extrême. Boule et Bill sont des équarrisseurs de conversation. Ils travaillent à la hache.

             — Alors ça t’a plu, les Liminunuches, avenir du trock ?

             — Excuse-moi, Boule de pus, mais ya comme une petite crotte qui te pend au nez...

             Bill vole au secours de Boule momentanément déstabilisé :

             — On sait que t’aimes bien les groupes de bobos comme les Liminœud-nœuds !

             — Si j’avais une gueule de raie comme la tienne, mon pauvre Bill, j’irais de ce pas traîner ma mère en justice !

             Boule vole à son tour au secours de Bill qui suffoque de honte :

             — Franchement, avenir du brock, on se demande comment tu fais pour supporter pendant une heure cette honte galactique de Limininis !

             — Tu ferais mieux de fermer ta grande gueule, Boule de pus, on voit tes crocs pourris et ça donne envie de gerber.

             Bill qui s’est repris, re-vole au secours de Boule qui est blanc comme un linge :

             — Honte sur toi, avenir du rock, te voilà éclaboussé par le scandale des Liminoix-noix !

             — Tais-toi donc épluchure humaine ! Fais-toi greffer un cerveau et alors on pourra causer.

             L’avenir du rock vide son verre et affiche le sourire le plus magnanime dont il est capable :

             — C’est normal que vous ne compreniez rien aux Limiñanas. Vous êtes tous les deux des créatures inachevées, et bien que vous soyez atrocement cons, j’éprouve à votre égard une sorte de petite compassion. C’est comme ça, on n’y peut rien.

     

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             Eh oui, on n’y peut rien : les Limiñanas s’imposent. On devrait même parler du fabuleux brouet des Limiñanas. Tu les vois et tu les revois, et ça passe de plus en plus comme une lettre à la poste. Ça s’avale d’un trait. Ça glisse tout seul. Trois grattes et pas des moindres, il faut ça de nos jours pour répandre sur cette pauvre terre abandonnée du Dieu la sainte parole du rock psychédélique. Le fameux psyché dont tout le monde parle, souvent dans le vide, et qui va de Syd Barrett à Anton Newcombe, en passant par l’Howling Rain d’Etan Miller, Bevis Frond et le Bardo Pond des frères Gibbons.

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             Eh oui, amigo, en cœur de set, ils t’enchaînent ces quatre merveilles tirées de Shadow People : le morceau titre, «The Gift», «One Blood Circle» et l’encore plus imparable «Istambul Is Sleepy», quatre merveilles portées par l’incarnation française de Jim Reid, l’excellent Bertrand Belin. Oh no no, Istambul n’est rien d’autre qu’une pure marychiennerie, ça te roule sur l’épiderme et ça te caresse l’intellect. L’Istambul est en plein Velvet. Belin te cale ça dans ton coin, l’underground redevient flamboyant, comme au temps du Velvet et des Mary Chain. Ils ne sont plus très nombreux, les groupes sachant jouer avec le feu sacré. Et t’as des gens qui passent à côté. Sans doute par manque de connaissances. Trouvent ça plat, alors que tu voyages en première classe.

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    L’Istambul réveille tes veilles passions pour l’hypno du Velvet, celui de «Sister Ray», t’as encore tout le poids du Velvet et des Spacemen 3 dans «Shadow People». C’est un rock qui s’installe dans le temps et qui finit par t’avaler, un rock qui te parle au plus haut niveau, qui joue sur les lancinances, les préliminaires de l’amour, mais aussi la connaissance par les gouffres. C’est un rock qui t’adopte plus que tu ne l’adoptes, un rock qui te berce dans son giron, et qui n’attend pas de contrepartie, un rock libre de ses mouvements et de ses idées, donc ça te convient, un rock qui n’appartient qu’à lui-même, à prendre ou à laisser, c’est le principe même de la psychedelia, tyva ou tyvapas, mais si tyva, tu fais un beau voyage.

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    Lionel Limiñana reste un fabuleux maître de céans, il sort du bois et bouge comme un ours sur scène, il parvient rapidement à se fondre dans le son, comme s’il voulait disparaître au profit des autres. Et le son grandit comme une entité, massif et souple à la fois, tétanique et comme suspendu, lancé et statique, coloré et monochrome, il contient à chaque instant tout et son contraire. Les Limiñanas cultivent une sorte d’art total, leur son s’établit, comme s’il asseyait son emprise. Ils fonctionnent exactement comme le Brian Jonestone Massacre : ils posent les conditions du groove. Pas besoin de chercher à comprendre, il suffit de se laisser porter. Ce truc de base est le privilège des géants. Le plus stupéfiant dans cette histoire, c’est que certains cocos ne comprennent pas ce qui relève pourtant d’une évidence. Quand ça groove sous tes yeux, tu n’as plus qu’une seule chose à faire : te féliciter d’être là.

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             Et puis sur scène, t’as du spectacle. Une Sister hoche la tête en permanence sur son bassmatic, et à côté d’elle, Keith Streng des Fleshtones fait le show, comme il le fait depuis 40 ans, en parfaite réincarnation de Nijinsky, il saute et virevolte, c’est à ça qu’on le reconnaît. Et à ses killer solos incendiaires. Comme il a tout l’espace du groove, il les triture à l’infini sur sa belle gratte bleue. Nijinsky mélangé aux deux magiciens sortis du bois avec leurs barbes et leurs regards noirs, ça donne sur scène un mélange parfaitement détonnant, pour ne pas dire déconnant. Et au beau milieu de tout ce ramdam, t’as la Marie qui bat comme bon lui semble. Au concert des Limiñanas, on se sent comme chez soi.

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    Signé : Cazengler, liminanard

    Liminanas. Le 106. Rouen (76). 20 septembre 2024

     

     

    Inside the goldmine

     - Deon tologie

             Michel Dijon était un mec marrant. Il portait un petit chapeau et des lunettes. Il n’avait rien d’un Don Juan, mais il aimait bien faire le coq. Oh ce n’est pas un gros défaut, les gens adoptent souvent ce type de comportement sans même s’en rendre compte. Il s’agirait selon les experts d’un besoin de compensation. Tout cela se déroule bien sûr dans l’abstraction liquide de la cervelle. En conséquence de quoi notre Michel Dijon pérorait dans les salons, il occupait l’espace comme on occupe un pays vaincu, il franchissait les frontières sans demander la permission, il entrait dans des conversations en cours, il déballait son boniment sans ménagement, comme le ferait un hussard au moment de violer une paysanne vendéenne, il assommait plusieurs interlocuteurs d’un seul coup, il éructait, il résumait, il développait, il tonnait, il argumentait et désargumentait ce qu’il argumentait, il transgressait les conventions, surtout les conventions, il ergotait avec de l’argot, il n’avait strictement aucune pudeur, il piochait sans fin dans une immense réserve de formules d’une rare vulgarité, il minaudait pour mieux revenir à la charge, comme le ferait un bourgeois dépeint par Molière, tout cela en même temps, les bras souvent en l’air, d’abord à l’horizontale puis, au moment du climax, à la verticale, signifiant qu’on ne pouvait aller plus loin. Personne n’osa jamais lui tenir tête. Pendant des années, il écuma les réseaux et s’incrusta dans des cercles d’érudits. Quand on lui demandait quelle était sa profession, il répondait : «Écrivain.» Un jour, il créa la sensation en annonçant qu’il allait prendre rendez-vous pour un essayage chez Stark & Sons, le tailleur des Académiciens. 

             — Je vais sûrement entrer à l’Académie Française, alors j’anticipe, histoire de bousculer un peu le destin.

             Un vieillard vermoulu se permit d’interférer :

             — Mais monsieur, vous n’entrez pas ainsi à l’Académie, il faut être désigné par ses pairs... Peut-être ne le saviez-vous pas ?

             Michel Dijon devint écarlate :

             — Tu sais quoi de la grandeur d’un écrivain, espèce de vieille couille molle ?

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             Laissons Michel Dijon à ses rêves de grandeur et penchons-nous sur le cas beaucoup plus intéressant de Deon Jackson, un autre Académicien, mais un Académicien de la Soul. Pour le situer rapidement, Deon Jackson est un black originaire d’Ann Arbor, dans le Michigan, comme les frères Asheton.

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             Tous les amateurs de Northern Soul adorent Deon Jackson. Il est connu comme le loup blanc. One-hit wonder ! Et pour cause ! Il suffit d’aller écouter les hits rassemblés sur la compile Golden Classics parue en 1988. Ouille aïe aïe ! Ouille dès le fameux «Love Makes The World Go Round» qui l’a rendu célèbre dans les discothèques anglaises en 1965, fantastique présence du Deon-tologue, sa voix croustille de feeling, Deon brille comme un néon dans la nuit chaude de Harlem, il est aussi facétieux que délicieux, il dégouline de classe, ouille aïe aïe, et c’est si bien orchestré ! Ah il faut le voir revenir dans le virage du swing ! Pire encore, «Ooh Baby», Deon te fond dans la main, il te swingue l’ooh du bout de la langue et il devient liquide de génie vocal. On s’effare d’une telle qualité du beat et des fontes d’oooh. Tiens, tu as encore un hit d’une classe épouvantable, «Loves Takes A Long Time Growing». Deon Jackson ? Mais c’est l’archange de la sainte Soul ! Il ramène les Caraïbes dans la Soul. Nouveau coup de génie avec «SOS». Il est parfaitement à l’aise dans l’heavy r’n’b. Avec ces chœurs de folles en chaleur, c’est renversant d’have you seen my baby. Tu trouves à la suite «That’s What You Do To Me», une Soul de r’n’b qui colle bien au palais. Encore une merveille ostentatoire ! Deon rebondit dans les cassures. Il faut le voir pour le croire. Cette belle aventure s’achève avec un nouveau shoot de Soul de rêve, «I Can’t Do Without You». Il incarne parfaitement la Soul d’ouate, il fabrique du rêve éveillé, il chante avec une forme de fermeté intentionnelle chamarrée d’écailles, c’est une Soul exotique et sulfureuse, un sulfure de capitolade, une vraie surenchère de la chair corruptible. Bref, il t’épuise.

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             Encore une fabuleuse compile : Love Makes The World Go Round & Many Others. Pas moins de 10 hits intemporels. Sur 23 cuts, c’est une bonne moyenne. La compile reprend l’album du même nom paru sur ATCO en 1966 et bourre la dinde de bonus demented. Elle fait bien sûr double emploi avec la compile saluée plus haut, mais bon c’est pas grave, on ne perd pas son temps à réécouter les hits du grand Deon Jackson. Il te fait tourner la tête dès le morceau titre d’ouverture de bal. Il fait feu de tout son swagger, oh oh oh, il y va au sweet sweet love. La partie est gagnée d’avance. Pas la peine de s’inquiéter pour lui. Le Deon-thologue semble être un spécialiste des coups de génie. Pour le prouver, revoilà «SOS», ce shout de wild Motown, l’accor-Deon rentre dans le chou de lard Motown à coups d’if you see my baby. Retrouvailles encore avec l’imparable «Love Takes A Long Time Growing». Encore plus déterminant : «Ooh Baby», heavy groove à caractère définitif. Et ça continue avec «All On A Sunny Day», il nage en plein rêve de sunny day, baby, sa bonne humeur n’est que la forme la plus généreuse du génie artistique. Il fait du glam de Soul avec un «Not Not Much» frappé d’effets stroboscopiques et saturé de joie. Deon Jackson est un artiste stupéfiant de fraîcheur et d’à-propos. Il groove son «King Of The Road» vite fait et revisite «I’m Telling You» avec tout l’éclat dont il est capable. Il est admirable de don’t you cry dans «Hush Little Baby». Deon Jackson est une fontaine de jouvence à deux pattes. Il t’embarque encore pour Cythère avec «That’s What You Do To Me» et «You Gotta Love» sonne comme le r’n’b des jours heureux. Deon t’enchante à chaque fois, il a tous les cuivres du monde derrière lui, quel merveilleux artiste ! Tout est fait pour t’attraper, sur cette compile, le souffle d’«Hard To Set A Thing Called Love» te plaque au mur, encore un hit vrillé aux chœurs de Sisters. Il te fait chauffer la cervelle jusqu’à la fin, Deon Jackson est un gentil diable, les chœurs d’«I Need The Love Like Yours» te vrillent la cervelle. Deon forever !

    Signé : Cazengler, Deon Deon petit patapon

    Deon Jackson. Love Makes The World Go Round & Many Others. Marginal Records 1997

    Deon Jackson. Golden Classics. Collectables 1988

     

    *

             Un truc bizarre, vous savez, ici en l’occurrence deux mots du vocabulaire de base anglais qui étroitement associés vous posent problème, les translateurs vous répondent immédiatement, j’aurais pu y penser, quel manque de vivacité intellectuelle, quelle ignorance, surgit alors une question méta-géographique : pourquoi un groupe décide-t-il de se nommer ainsi ?

    HYMN OF JUPITER

    OUTBACK

    (BC – YT / Novembre 2023)

    Proviennent de Brighton and Hove, une cité mythique pour les rockers grâce à ces fameuses émeutes d’août 1964… La mer n’a eu le temps d’éroder les galets de la célèbre plage pourtant le temps des mods et des rockers semble aujourd’hui appartenir à l’ère néolithique du rock’n’roll… peut-être sommes-nous en train de vivre des temps crépusculaires… Hove était à l’origine une petite commune aux environs de Brighton, les deux cités forment maintenant une seule entité.

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    Une couve attendue si l’on s’en tient  la vulgate picturale des pochettes doomesques, n’y jetez pas un coup d’œil si vous ne désirez pas être assailli par une foule de questions, à première vue un personnage encapuchonné face à ce qui semble être un monument médiéval, église et château avec sa tour aux sommitales échauguettes. Architecturalement nous ne sommes pas à l’époque jupitérienne, mais quelle est cette immense arche géante qui surplombe le paysage, est-il justement l’arrière-pays  dont se prévaut le groupe… si la pochette est une orange noire les couleurs de cet arrière-pays paraissent inquiétantes…

    Will Graves : vocalist, bassist / Jeff Mosery : guitarist / Archie Lea : drummer

    Nightborn : vous serez vite fixés, cette musique n’est pas gaie, le principe est simple, le riff est lancé, il ne décolle pas à la vitesse d’une fusée, il monte lentement, il s’éteint avec lenteur, une batterie bizarre qui semble comme un peu à part, une basse montagneuse, une guitare obsédante, et une voix  cavitale comme enregistrée au seuil d’une caverne, peut-être platonicienne pour nous avertir que les ondes que nous entendons sont trompeuses et proviennent d’une autre source. Vous parierez qu’ils ne pourraient pas faire plus lentement, vous avez perdu, le rythme s’alentit et la voix résonne d’autant plus étrangement. Attention aux coupures, elles sont là pour avertir d’une nouvelle étape de ce bizarre rituel, il semble se soucier comme d’une guigne de son retentissement sur notre monde, sans doute vise-t-il cet énigmatique arrière-pays dont il ne nous apprend rien. Silence suivi d’un son davantage moderne si cette expression possède quelque pertinence, ce qui est certain c’est qu’il se passe quelque dans cet outre-monde qui nous est interdit. The sorcerer : d’habitude c’est le contraire, d’abord nous avons l’imprécateur et ensuite le rituel, le sorcier serait-il en retard, la batterie imite-t-elle sa démarche saccadée et la guitare scande-t-elle sa marche rapide. Stop. Silence. Ne pas se précipiter. Serait-ce l’expression vocale d’une grande colère, accélération, l’on ne sait pas où l’on va, mais l’on s’y dirige tout droit. Stop. Coupure, regardez où vous marchez, l’on avance avec précaution, sans préavis c’est la grande précipitation, l’on fonce sans regarder devant soi, la machine s’arrêtera toute seule, elle a l’air de connaître le chemin. Rattlesnake : délices de basse résonnante, ne raisonnez point trop, des entrelacs de guitares glissent entre vos jambes, vous êtes dans la fosse aux serpents, le maître se moque de vous, il vous mène dans le pétrin et vous avertit que vous êtes en mauvaise posture, la guitare vous lance un riff aussi pointu qu’un enfant qui tire la langue. Suspension. Respirez. Il vous semble ouïr la musique câlineuse des  anges enjôleurs, c’était un piège des dizaines de crotales détalent vers vous et vous assaillent sans rémission, vous voici transformé en Laocoon sur le rivage de Troie, la voix du Maître les excite, la batterie ponctue les piqûres, vous attendez avec impatience la fin du morceau, il prend son temps pour s’achever… Heaven hangs : d’ailleurs il enchaîne mélodiquement sur le paradis, je n’ai rien de personnel contre Archie Lea mais d’après moi il frappe d’une manière peu civilisée et presque irresponsable sur les fameuses portes si chères à Bob Dylan, quant à ses copains ils mettent le bulldozer en marche pour les défoncer, quant à Graves il prend sa voix tombale la plus grave pour mettre réclamer sa part de bonheur, ou de malheur, car on a l’impression que la nuit s’assombrit encore plus, doit lancer une malédiction sur la terre, le riff devient aussi poisseux que la lèpre qui s’étend sur votre peau, ouf ! repos mérité, respiration, le riff reprend de la vigueur, non Il ne s’élève pas jusqu’au ciel il s’étend à l’horizontale, z’ont envie de saccager tout ce qui se présente à eux, l’en devient presque joyeux, l’ivresse de la destruction bakouninienne… Silence total, plus rien n’oserait s’opposer à eux. Applaudissez vivement !

    THE WYTCH

    ((BC – YT / Octobre 2024)

    Sur ce deuxième opus, Will, Jeff et Archie ne se définissent plus par leur rôle musical respectif dans le groupe mais comme écrivain. Auraient-ils un message à nous communiquer.

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    Apparemment c’est un groupuscule écologiste qui a élaboré cette pochette. Préservons nos forêts. Rien de plus réconfortant que les arbres, alors ils vous confrontent à l’orée d’un bois d’un bois. Profitez-en avant que la nature n’ait disparu. Sympa mais cette interprétation me semble trop positive. Des arbres et des feuilles, impossible de le nier, mais ce trou noir au milieu ne me dit rien qui vaille, qui se cache dans cet antre obscur…

    Circle Psilocybe : avez-vous pensé que l’impression que votre cerveau reçoit passe par des tunnels de réception psychique, et que ce se faisant ce phénomène peut aussi produire un bruit psychoïste que votre ouïe d’humanoïde retardé n’est pas capable d’entendre, je pense que c’est ce bruit inaudible que l’Outback cherche à retranscrire dans les quelques secondes de leur introduction, un mirage perceptif, ne vous laissez pas séduire, il est un bruit beaucoup plus fort qui survient, une chose violente, monstrueuse, elle déracine quelques feuillus centenaires sous chacun de ses pas, le cauchemar vient vers vous, vous n’y échapperez pas, vous percevez son souffle par toutes les pores de votre peau… La sorcière aux dents vertes ! Je me demande si le trou noir de la pochette n’est pas la préfiguration du vide mental de votre esprit que les ondes phoniques de ce groupe sont parvenues à scanner sous forme d’une représentation écologique. L’ennemi est toujours au-dedans de nous. Fern and Henbane : prêtez l’oreille, celui qui marche sur l’innocence des fougères ne craint pas   ses effets, maintenant la musique est si forte que vous en souffrez, quant au jus de jusquiame la fleur préférée des sorcières vous ne l’ignorez pas, Will hurle, il vous avertit, ce qui est dehors n’est dangereux que lorsqu’il entre à l’intérieur de vous, la fougère est un calmant, l’absorption de la jusquiame provoque la folie, est-ce là que ce cheminement d’une lenteur de plus en plus violente vous emmène, derrière les portes d’un arrière-pays mental, vociférations déchirantes, échos impitoyables, vos délirez, vous vomissez les plus sombres mantras qui gisaient au tréfonds de votre immémoire, les guitares bouillonnent d’un flot impur en vortex turgescents. Votre esprit s’enroule sur lui-même comme la bande son d’un magnétoscope détraqué. Malachy IV / Dying sun : Malachy IV n’est pas un roi parthe, quatrième du nom, dont vous n’auriez jamais entendu parler, mais un prophète de la Bible, peut-être le même personnage qu’Ezra qui aurait ramené à Jérusalem  le peuple hébreux de Babylone où il avait été retenu en captivité durant cinq siècles. Les savants modernes lui attribuent la rédaction des cinq premiers livres de la Bible. Le chiffre 4 désigne le quatrième chapitre de son livre qui débute par une sinistre prophétie, le jour de la colère de Dieu, ouf ! les justes seront épargnés et sauvés. Vous vous en doutez l’intro est monumentale, ils élèvent des murailles cyclopéennes, c’est le strict minimum pour remporter la victoire sur les méchantes sorcières qui vous refilent de la mauvaise médicamentation, Will déploie son gosier comme un aigle qui tenterait de passer dans le trou d’ozone, zone interdite, il n’y parvient pas, il se maintient à une belle hauteur, l’est sur la crête du riff qui ne s’arrête jamais, qui s’érige vers le haut et se maintient à sa hauteur, rémission battériale, il ne faut point tenter l’impossible ni le contre-ut, ils élargissent la muraille, lui donnent la largeur des jardins suspendus de Babylone. Arrêt buffet. Profitez de ce que Will gratouille sa basse aidé en sous-main par la guitare claire de Jeff et les cymbales mouillées d’Archie pour admirer le paysage. Z’haussent le ton, à croire qu’ils forment l’orchestre qui annoncent la venue du Messie… Vous ne le verrez pas, le morceau se termine sur un dernier zézaiement d’élytres angéliques.

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             Des deux EP’s je préfère le premier. Leur façon de traiter le riff me semble plus prometteuse.

    Damie Chad.

     

    *

             Imaginez que vous tournez autour d’une fille. Pas en rond car le but est de s’en rapprocher au plus près. Nous appellerons le point de votre plus grand éloignement  de son corps refusant l’apocythère, et le point par lequel vous vous situerez au plus près de son corps consentant le péricythère. Pourquoi Cythère ? Parce que dans l’antiquité l’île de Cythère était associée à Aphrodite, déesse de l’amour. Maintenant si vous croyez que cette chronique vous révèlera des secrets inédits sur les voluptueuses pratiques de l’art vénérien vous êtes dans l’erreur. Ouvrez plutôt un manuel de mathématique supérieure, vous en aurez besoin.

    APSIDES

    BLACK ALEHP

    (BC / Art Catharsis Records)

    Lachlan  Dale: guitar, effects / Peter Hello : violoncelle / Timothy Johannessen : grand tambour d’origine persane, setar  (sitar persan à trois cordes).

     + Jessika Kenney: vocals, pistes 1, 3, 7 / Natalya Bing : violon, piste 2.

             Oh ! Damie, tes lascars avec leurs instruments ils ne sont pas un peu proches de la musique classique. Je salue votre intuition les gars, bien sûr ils s’en rapprochent pour mieux s’en éloigner, le mot ‘’black’’ est un parfait exemple de leur inscription dans le black metal mais à leur manière. Ils crèchent en Australie, le vocable ‘’aleph’’ dénote chez eux, je vous l’accorde volontiers une légère accréditation intellectuelle. Damie ce n’est pas trop clair, explique-nous, s’il te plaît !

             Si vous ramassez un caillou dans votre main, combien y a-t-il d’objets dans votre main ? Facile : un seul. Non deux : le caillou et le ‘’un’’. Ne me dites que je suis fou. Pythagore affirmait qu’un chiffre appartient en même temps au monde concret et au monde mental. La preuve vous avez dans main et le caillou que vous avez ramassé et le fait que vous n’en ayez récolté qu’un.

    Si vous en prenez un deuxième vous vous retrouvez avec deux cailloux, deux pierres et le chiffre deux ;

             Damie tu débloques, ton Pythagore il ne tourne pas rond ! Pas du tout, soyez modestes les copains, Platon s’est emparé de cette réflexion, si vous vous asseyez sur une chaise, vous avez deux chaises, celle sur laquelle vous avez calé votre auguste postérieur et l’autre l’eidos : l’idée de la chaise. Maintenant vous savez ce que c’est qu’un aleph ? La première lettre de l’alphabet hébraïque, tu vois on n’est pas aussi ignorants qu’on en a l’air ! Pour faire simple nous dirons que c’est un nombre plus grand que l’infini. Or notre monde est fini. Donc si vous tracez un point aleph sur un diagramme orthogonal, vous tiendrez dans votre main le monde entier. Dans votre main et dans votre espace mental aussi.

    Heu, oui si tu y tiens… En fait je vous dis cela ce n’est pas pour vous expliquer la nature pour ainsi dire bipolaire des alephs mais pour vous v faire comprendre la notion d’apsides. Ce sont deux points, le plus proche et le plus éloigné qu’un objet peut atteindre par rapport à un autre objet autour duquel il tourne selon une ellipse. Ouais ! un peu comme la lune autour de la terre, parfois plus proche, parfois plus loin.  Parfait les gars, maintenant nous quittons l’espace physique pour l’espace mental. Ne pensez plus à la lune, pensez à une orange. Facile Damie ! C’est bien, votre orange vous la simplifiez, vous l’épurez sous la forme d’une sphère. On veut bien Damie, ce n’est pas facile mais on essaie… c’est bon, on a bien la représentation d’une sphère dans notre cerveau. Bien les gars, essayez de tourner autour, comme si vous vouliez voir la face cachée de la lune. Damie ton truc il est entièrement givré, en plus à quoi ça sert, ce sera pareil si on la voit de l’autre côté !

    Les gars, je vois que vous fatiguez. Sachez toutefois que si vous n’arrivez pas dans votre espace mental à observer une forme simple sous tous ses angles vous ne parviendrez jamais à connaître comment un objet quelconque immobile peut induire, de  par sa propre immobilité et sa seule position, l’espace dans lequel il se tient.  Le problème se complexifie si l’espace lui-même de par sa seule étendue spatiale peut engendrer la probabilité idéelle d’autres positions de lui-même depuis cet objet voué à rester immobile.

    Ce n’est pas pour te vexer Damie, mais dans ton introduction le corps consentant de la fille c’était plus clair. Là, tu nous as un peu embrouillés. Vous avez besoin d’un break, écoutons l’opus, la musique est bonne conseillère.

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    Descent : tambourinade, effets droniques, le rythme ne varie guère mais l’impression de vitesse s’accroît obtenu par la répétition de vagues électroniques, mais le son faiblit, le violoncelle se meurt, l’ensemble devient plus sombre, bientôt juste le tambour comme un dernier message que l’on aurait du mal à saisir, des bribes d’une semblance de guitare, silence. Serait-on perdu. De vue, d’oreille, de nez, de bouche de tout ce que vous voulez et de tout ce que vous ne désirez pas. Ou alors serait-ce le point de non-retour mental. Ambit I et Ambit II : pourquoi deux morceaux pour cette anabase, cette montée en selle, alors que la Descente n’en a eu droit qu’à un seul. Est-il plus difficile de monter que de descendre, plus facile de s’éloigner que de se rapprocher. Soyons concret dans notre réponse : nous regardons une vidéo d’un de leur live dans laquelle les deux morceaux sont interprétés à la suite l’un de l’autre. Sont tous les trois assis, guitare, tambour, violoncelle. Une première surprise et peut-être une première réponse. Le tempo est particulièrement lent. Manquerait-il d’ambition, ou alors, répétons-le, la montée serait-elle plus longue que la descente ce qui mathématiquement est absurde. La coupure entre la Part 1 et la Part 2 reste des plus symboliques puisqu’elle s’effectue durant un long solo de guitare, ce qui nous laisse supposer que la prépondérance du violoncelle, vu la discrétion du tambour, est à considérer comme le marqueur nostalgique de la première partie, d’ailleurs le violoncelle revient mais cette fois il adopte de sublimes tonalités funèbres, étrange de penser que l’on traîne des pieds comme si l’on répugnait à effectuer cette partie du voyage, peut-être parce que cette remontée initie-t-elle l’idée perverse que cette montée n’est que le début du retour. Que si l’on n’a jamais été aussi loin, au moment où l’on atteint cette acmé de l’éloignement débute l’obligatoire début de la fin, que l’on n’a jamais été symboliquement plus proche de la fin.  Separation : de quoi se sépare-t-on, de l’espace ou de nous-même, de notre rêve en le réalisant, nous sommes au moment introspectif du silence où nous songeons à cet arrachement, à cette victoriale extraction de nous-même, à cette déportation de notre espace mental qui est aussi une coupure, une rupture, une négation exhorbitante de nous-même par nous-même, ne sommes-nous pas en train de mourir en nous dessaisissant de notre être pour être autre. Sommes-nous en train de vivre notre défaite, de nous anéantir…

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    Precession : encore une fois nous nous tournons vers la concrétude du live, At Barkerhouse, dû à Samuel Kostevic, magnifique entrée en matière que ce début avec les musiciens pris de dos, resserrés comme un quatuor de musique classique, puis la caméra qui les montre de face, un par un, comme s’ils étaient très éloignés l’un de l’autre, elle tournera ainsi sans fin, le retour de cette circularité visuelle pour coller à l’accélération mélodramatique phonique, cette précession est celle du doute, le moment où la nuit s’égalise au jour, où l’obscurité risque de l’emporter sur la lumière, où l’âme se laisse envahir par la noirceur de la fragilité humaine, la mort s’en vient à pas lents et lourds poser sa main, presque amicale, sur votre épaule, pour vous signifier que toutes vos entreprises ne survivront pas, maintenant elle s’éloigne doucement, elle ne vous veut pas de mal, la musique décroît comme le bruit de ses pas…

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    Return : Il existe une officiel vidéo due à Michel Gasco. Enigmatique. Un homme qui marche dans un paysage de bush australien. Imaginez une immensité rousse d’herbe que l’on dirait avoir été foulée aux pieds par des millions de kangourous, une espèce de désert vide, le retour serait donc un retour en soi-même, une espèce d’extropection intérieure, à part que parfois nous serions dans un objet spatial qui reviendrait sur sa planète originelle, peut-être sont-ce des visions fugitives d’un rêve vernien, de ces scénarios que l’on se monte dans notre tête pour se donner l’illusion de vivre intensément, d’échapper à notre propre prison mentale, à notre propre solitude, pourquoi restè-je fasciné par ces images alors que la musique est euphoniquement belle, parce qu’elle est ne varietur, qu’elle ne semble pas vouloir dépasser sa ligne d’horizon phonique, comme si elle ne voulait ne point départager l’espace mental de l’appropriation aproximante du rêve et de la réalité, peut-être pour ainsi perpétuer la seule idée du retour en l’enfermant dans la closure de sa propre éternité. Occultatum : ce qui est caché ne doit pas être révélé.

             Ho,  Bamie, c’est quand même assez proche de la musique classique ton truc, et assez éloigné de nous. Les gars, je le concède, toutefois ce n’est pas si simple, comment expliquez-vous que parfois ce n’est pas sans évoquer Led Zeppelin, notamment les enregistrements de Page et Plant avec l’Orchestre National du Maroc, les accointances avec les modalités orientales…

    Damie Chad.

    Adresse au lecteur : c’est nous les gars, nous avons laissé Damie pérorer tout seul, le mot oriental nous a donné envie de nous envoyer un  kebab dans l’œsophage. On s’est un peu pris la tête pour décider si les frites étaient meilleures à l’établissement le plus proche ou au plus éloigné… Comme quoi les divagations de Damie ne sont exemptes d’une certaine perspicacité.

     

    *

             Pourquoi tant de groupes purement instrumentaux. Soyons méchant : quand on n’a rien à dire le mieux n’est-il pas de se taire. Soyons hypocritement gentil : la musique n’est-elle pas un ensemble de notes jouées par /sur des instruments. Il doit bien exister un injuste milieu entre ces deux extrémités segmentales. Le silence n’est-il pas une flèche invisible, dont on entend le sifflement, qui finit bien par se ficher dans un coin de l’univers. D’ailleurs le vide n’occupe-t-il pas davantage d’espace que la matière, et le silence davantage d’épaisseur que le bruit…

    AETERNAL CHAMBERS

    AETERNAL CHAMBERS

    ( BC - YT / Octobre 2024)

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    La couve est d’une tristesse infinie. Paysage, coin de campagne perdu, un chemin, un talus, surplombés par ces pylônes en forme de dérisoires Tours Eiffel, relais de passages obligés  par lesquels transitent au travers d’appareils coûteux d’(in)communication des millions de messages, terriblement indispensables… Trois gamins qui se suivent parmi les hautes herbes, le premier, dans la série plus près de toi mon dieu, ne serait-il pas en train de consulter son portable…

             Proviennent du Royaume-Uni, nous n’en savons pas plus.

    Alex Nervo : Bass, Keys, F/X / Neil Dawson : Drums & Percussion  / Raf Reutt / Guitars, Keys, F/X ( samples d’effets sonores).

             L’on peut dire beaucoup en peu de mots. La simple lecture des titres est plus que parlante. Notre trio ne déborde pas d’un optimisme irrépressible quant à l’état de notre société actuelle. Nous non plus. Le titre de l’album nous laisse davantage de latitude interprétative. Lorsque j’ai entraperçu le titre j’ai pensé aux chambres d’éternité. Apparemment, ce n’est pas ce genre d’appartements métaphysiques qu’ils entreprennent d’explorer. Font allusion aux prisons carcérales mentales dans lesquelles le déploiement de la technologie nous enferme. Soyons précis, les portes sont grand-ouvertes, c’est nous-mêmes qui nous nous y établissions à demeure, optant ainsi  pour la réclusion volontaire. Sans même nous rendre compte que pour fuir la réalité existentielle engendrée par la préhension technologique nous nous réfugions dans le cocon préparé spécialement pour nous par la mygale artefactique qui finira par nous tuer le jour où elle n’aura plus besoin de nous.

    Husk of mortal despair : un son s’installe, doucement, sans se presser, tout doux, survient une deuxième vague, tout aussi quiète quoique plus amplifiée,

    Et tombent des larmes de guitare bientôt appuyée de saccades percussives, attention, c’est comme les vagues de plus en plus grosses qui surviennent de derrière vous quand vous nagez, quelque part vous ne vous inquiétez pas, vous êtes englobés dans une matière molle parée de couleurs diaprées, dans cette piscine molletonnée vous ne courez aucun danger, vous êtes en sécurité, ça ballote un tantinet, faut bien vous rendre compte que vous êtes dans la mer des sargasses, elles glissent sur vos jambes, elles caressent votre corps, elles forment un berceau algueux qui ne vous déplaît pas, c’est la houle de la nostalgie qui s’imprègne en vos chairs, qui phagocyte votre tête, c’est parti, le rythme s’accélère les boucles forment des entrelacs de loopings de plus en plus étonnants, tout est bien, tout est beau, plus de retour en arrière possible, d’ailleurs la musique baisse de plus en plus, vous sentez si bien que vous vous endormez. Une petite mort. Drive me to ruin : vous en redemandez, l’orchestration est luxuriante, ne pensez pas à la sauvagerie des couleurs criardes, non une harmonie rubescente, du pastel ondoyant, vous ne demandez qu’à suivre le mouvement, l’accélération répond à vos désirs, pratiquement résonnent les ors d’une fanfare lymphatique, pourtant vous êtes sous influence d’une torpeur agissante, vous devenez victime de la poésie des ruines, c’est bête mais vous ne vous apercevez pas que la ruine que vous admirez n’est autre que votre esprit en état de délabrement avancé, votre volonté châtrée, des rafales de gouttelettes de rosée empoisonnées s’immiscent dans les pores de votre peau. Paved with gold : comme un bruit de moteur, d’atelier d’usine, presque lointain, votre esprit se brouille pour mieux s’illuminer d’une certitude, cet ultraléger bruissement n’est que le fruit à payer, la batterie vous rembourse au centuple, vous pesez le pour et le contre, et la différence penche en votre faveur, ne faites-vous pas partie de ces générations bénéficiant d’une sécurité exemplaire, d’un bien-être que tous vos ancêtres n’ont pas connu, moment de recueillement, attention il est inutile de s’appesantir en une tristesse empreinte de stupide culpabilité, profitez de la situation présente, votre vie est d’une richesse inouïe, vous arpentez une avenue existentielle pavée d’or, mais que sont ces notes claires noyées d’une inexplicable tristesse souterraine. Le sucre du bonheur ne recèle-t-il pas une étrange saveur amère. Glitch in the mist : changement d’ambiance, pourquoi les relents de nostalgie cachés sous le tapis se teintent-ils d’une tristesse infinie qui gagne en intensité alors que la musique se fait plus douce, coup de pédale sur l’accélérateur de la grosse caisse, comme si l’on essayait de s’opposer à la fragmentation évidente de la vitre qui nous sépare de notre propre réalité. Aïe ! Aïe ! Aïe ! La pression de l’extérieur deviendrait-elle trop forte, n’est-elle pas en train de gagner la partie, ouf ! on respire ! peut-être pas pour très longtemps… Qu’importe la musique décroît, elle ralentit, elle s’apaise… Ici tout n’est que calme, luxe et cauchemar insidieux. 

             Pour ceux qui aiment les recommandations autorisées, Steve Howe, le guitariste de Yes (pour moi ce groupe a toujours été No), le recommande chaudement.

    Damie Chad.

     

    *

    Que vient faire un artiste de country dans une playlist : Heavy-Stoner-Sludge-Doom-Metal-Psych-Desert-Drone Rock-Heavy Rock-70's Rock-Acid Rock-Psychedelic Rock-Hard Rock-Heavy Metal ? Pas de quoi déclencher une troisième guerre mondiale, j’en conviens. Mais la question me taraude depuis quelques temps… Ce n’est pas une erreur, elle se répète depuis trop longtemps, même pas une distraction, le nom de l’artiste embaume le country, l’Amérique profonde, le crottin de cheval, l’Agence Pinkerton, avec un peu de chance une révolte indienne, toute la mythologie de l’Ouest résumée en trois mots, jugez-en par vous-même :

    THE COALMINER’S GRANDSON

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             D’où sort-il au juste ce petit-fils du mineur, j’ai toujours eu un doute, trop couleur locale pour être vrai. Alors ce soir j’ai cherché. J’ai trouvé. 666 Mr Doom, mène depuis plusieurs années sur YT un travail de promotion de groupes situés dans l’arc hard-rock/post-metal, l’a recensé et initié à ce jour quinze mille vidéos. Il ne s’en cache pas, ses parents ne l’ont pas baptisé ainsi, il répond au patronyme de George Kellamy, tiens un grec, je ne peux que m’incliner devant un représentant de ce peuple, quant à notre petit-fils de mineur de charbon, lui non plus, il ne s’en cache pas, il se dénomme : Akis Kosmidis, encore un grec, pas étonnant depuis Anaxagore et Parménide ils sont partout, dans toutes les têtes. Le mystère de cette étrange connexion doom-americana est levé.

    Que cela ne nous empêche pas de nous pencher sur quelques opus de notre artiste.  Vous pouvez le rencontrer sous deux appellations, The Coalminer’s Grandson et The Coalminer’s Grandson with the Folk Family.

    Depuis le mois de janvier 2024, notre charbonnier en chef a posté vingt singles sur son Bandcamp et sa chaîne You Tube. Nous n’allons pas les écouter in extenso pour cette première fois. Notre choix a été guidé par notre préférence pour certaines lllusess. Avant de l’oublier : Akis Kosmidis a peut-être, juste une supposition, choisi son pseudonyme en référence au morceau Coal Miner’s Daugther de Loretta Lynn.

    WHISPERWIND

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    Quelle couve ! tout l’Ouest sauvage comme vous l’avez toujours rêvé, même pas dans les westerns, dans les bandes dessinées, ces fascicules économiques que vous voliez dans les kioskes à journaux, certes vous n’aviez pas le panache cruel de Kit Carson, mais c’était déjà s’inscrire dans The Great Robbery, votre première lutte contre la Société, bref un gamin sur un chemin, pas un chef d’œuvre pictural, une simple vignette un peu maladroite, mais un parfait objet de rêve. Un petit trot au banjo et la voix du Petit-fils, d’habitude rocailleuse tente de se faire douce. Normal une déclaration d’amour, non pas à une femme, soyons sérieux nous sommes chez les cowboys, les vrais, les durs, les impitoyables, non à un cheval. N’interprétez pas les paroles à l’envers, ce n’est pas un garçon qui éduque sa monture, c’est un être libre comme le vent qui apprend la liberté à celui qui ne se définit jamais comme un maître. Le morceau est long, l’est vrai qu’ils sont dans une autre dimension, qu’ils galoperont sans fin comme Crin-Blanc et Folco jusqu’au rivage de la mort.

    REGRETS AND REVERIES

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             L’on ne peut pas vivre dans ses rêves sempiternellement. Sans doute sont-ils plus grands que l’horizon que sur l’image notre cowboy essaie d’embrasser. Le ton change, l’est devenu sarcastique, il est vrai qu’il ne s’adresse pas à un être supérieur, comprenez un animal, l’ensemble vous a un petit côté scène autour d’un feu de bois, ou dans un saloon, le gars qui prend son banjo pour s’adresser à des gars qui lui ressemblent comme deux gouttes d’eau qui ont davantage de regrets dans leurs poches que de rêves. Beaucoup de temps perdu avec des gens qui n’en valaient pas la peine, pour sa propre vie il n’a pas toujours parfait, mais en fait il est assez fier d’avoir survécu comme il l’a fait. Au mieux de ses possibilités et de ses manquements. Serait-ce l’ironique consolation du pauvre…

    THE BOY I WAS, THE MAN I’VE BECOME

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             Une imagerie un peu trop pathétique, le petit-garçon dans les bras protecteurs de son grand-père. Non ce n’est pas tout à fait cela. L’écrit bien, notre chanteur. Ses textes ressemblent à ces longs poèmes en vers réguliers auxquels nous ont habitués les poëtes romantiques. Peut-être avez-vous ressenti un souffle schelleyen dans le premier titre, Whisperwind, ici c’est plus proche de Victor Hugo. Une belle mise en scène, au début l’on se croit dans un cimetière, parfois les miroirs réfléchissent beaucoup mieux que nous, ils nous renvoient une image de notre futur. Chante bien aussi. Sait mettre le ton. Ici, il semble qu’il parle, pas à nous mais avec lui-même. Le rythme est lent, piano mélancolique et violon pleureur lui prêtent main-forte. A la fin du morceau, il ne s’est pas passé grand-chose, la mort s’est simplement rapprochée. Quoi dire de plus…

             Très efficace. Très américain. Nous y  reviendrons.

    Damie Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 536: KR'TNT ! 536 : LIMINANAS / KEITH WEST / 1990s / KURT BAKER / CHRISTOPHE BRAULT / ROCK & FOLK / DICK RIVERS / ROCKAMBOLESQUES

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 536

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    06 / 01 / 2022

     

    LIMINANAS / KEITH WEST / 1990s

    KURT BAKER / CHRISTOPHE BRAULT

    ROCK & FOLK H.S. 10 / DICK RIVERS

    ROCKAMBOLESQUES

     

    Il n’y a pas que des nanas

    dans les Limiñanas

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    On ne comprenait pas à l’époque pourquoi Gildas mettait les Limiñanas en couverture de Dig It!. Quoi, un groupe à la mode ? C’est en écoutant l’Épée que la lumière se fit. Eh oui, quel album fabuleux ! Lionel Limiñana, Marie Limiñana et Anton Newcombe, what a brochette !

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    Le groupe aurait pu s’appeler Excalibur, c’est un peu plus mythiquement parlant que l’Épée, un mot échappe aux griffes du mythe, mais pas l’album qui, lui, porte bien son nom : Diabolique. Eh oui, «Une Lune Étrange» s’impose avec des premières mesures bardées de son et d’outrance psychotique, c’est même trop balèze pour être honnête. Anton Newcombe installe sa partie de raclette dans une ambiance idéale. Wow, quel fantastique beat organique ! On sent bien le poids des présences, le goût de l’aventure, le ton de la démesure, la portée d’une vision. Wow et même re-wow pour cette fantastique ampleur, c’est à la fois rond et carré, un vrai coup d’Épée dans l’eau du lac. Il semble que cet élégant psychédélisme danse avec l’âme des poètes de l’Avant-Siècle. On savait l’Anton littéraire, en voilà la confirmation, il sait flatter l’intellect, comme le firent en leur temps Moréas et Schwob, ces ombres de la nuit aux visages plâtrés de fard. On parle ici d’une ampleur à gogo pour gagas. C’est pas tous les jours qu’on croise un album aussi bien foutu. Avec «La Brigade Des Maléfices», une grosse envie de délirer monte à la gorge, même si les accords sont ceux du Velvet er qu’Emmanuelle Seigner se prend pour Jane Birkin - Ce soir-là je m’égarais près du square du Vert Galant - Ah comme ça sonne bien ! Avec l’Anton en embuscade, c’est parfait. Ça sonnerait presque comme une musique réservée aux initiés d’Eyes Wide Shut, elle chante comme une Lolita mais elle n’est plus toute jeune, alors pour reprendre pied dans la réalité, ils enchaînent avec l’excellent «On Dansait Avec Elle» - On n’avait d’yeux que pour elle - c’est de la matière vocale bien compressée, on ne voyait qu’elle, il n’y avait qu’elle. «Dreams» bascule dans la démence de la partance, l’Anton y gratte la pire lèpre de l’underground psychédélique, activement ravivée dans des souffrances, tchou ! tchou ! «Ghost Rider» jaillit comme une fabuleuse dégelée issue des profondeurs, ils tapent dans les tréfonds d’un psychédélisme à la française et ça marche au-delà de toutes les espérances du Cap de Bonne Effarance. Encore un cut de choix avec «Un Rituel Inhabituel». Ces gens-là s’amusent avec une classe indécente. Ils gratouillent leurs fantaisies comme le fis jadis Lou Reed aux origines du Velvet. C’est tellement bien produit que le son explose, la prod les hisse sur des hauteurs, et l’air de rien, ils redorent le blason d’une mad psyché jadis inventée par Lou Reed et Syd Barrett. Tout est bon sur cet album. Rien à jeter.

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    Bosser avec Anton Newcombe, c’est probablement le moyen pour Lionel Limiñana de renouer avec un passé gaga-psyché extrêmement riche, tel qu’il apparaît sur la compile Back To The Canigo dont on a déjà dit ici sur KRTNT le plus grand bien ( voir livraison 479 du 05 / 10 / 2020 ). Les quelques cuts des Gardiens du Canigou et des Beach Bitches présents sur ce double album en disent assez long sur ses mensurations psychédéliques. Ils sortaient en effet un son digne du 13th Floor, notamment le «Sweet Crying Baby». Le chanteur s’appelait Guillaume Picard, surnommé Giom, un mec qu’il ne fallait pas perdre de vue. Donc racines impeccables, donc Dig It!.

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    On espérait bien voir Anton Newcombe sur scène l’autre soir au 106. D’autant plus que dans le temps d’attente-avant-concert le DJ passe l’infernal «Istambul Is Sleepy» que chante Anton Newcombe sur l’album Shadow People, l’un des cuts les plus rock de ces derniers temps, à cheval sur Lou Reed et les Stooges. Mais pas de Newcombe sur scène.

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    Bon c’est pas grave, Lionel Limiñana fait le show, bien entouré, les copains derrière aux effets et aux guitares psychédéliques, deux chanteurs en contrepoint et Marie Limiñana au beurre et quel beurre de fête ! Quel beurre d’allure ! Quel beurre de Moe jubilatoire ! Il faut la voir secouer la tête au beat rebondi ! Tous les cuts sont montés comme de longues progressions hypnotiques qui ne demandent qu’à orgasmer et sur sa Tele, Lionel Limiñana s’y emploie à tours de bras, ce petit homme barbu agit sur le son comme un magicien de l’ancien temps, il œuvre au noir comme une sorte de fabuleux gnome merlinesque, il échappe à son temps, il sort du bois pour réinventer la mad psychedelia, il nous ramène l’exact smashing power du Velvet de Sister Ray ou bien encore les fiestas apocalyptiques de Can, d’ailleurs ils font une reprise tétanique de «Mother Sky», le mage joue la petite progression sur sa Tele, il joue ça aux nerfs d’acier, mais en lui bout le Damo et bout tout le scam de Can, il progresse dans l’infinitésimal babalumesque, la musique envahit l’espace-temps pour le dilater, le mage reprend le pouvoir, il libère de monstrueuses vagues de disto dans «Je Rentrais Par Le Bois», ils font même un reprise du smash d’Anton, «Istambul Is Sleepy», mais la voix n’y est pas.

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    Lionel Limiñana retrouve ses racines avec une spectaculaire mouture du «Crank» des Beach Bitches, il n’a rien perdu de son mordant gaga et de sa merveilleuse véracité, il enfile les hits comme des perles, tiens voilà le mighty «Gift», tiré lui aussi de Shadow People. Les Limiñanas jouent extrêmement longtemps, passent à la casserole le «Ghost Rider» tiré de l’Épée, ils semblent repousser les limites de la résistance des matériaux et pouf, ils reviennent en rappel pour trois blasters impérieux, dont une reprise de «Teenage Kicks» chantée par l’un des copains de derrière.

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    Et le train fantôme des Limiñanas s’arrête en gare de Perpignan, le centre du mode selon Dali, avec «The Train Creep A-Loopin’», le terminator de Malamore. On sort de la gare sonné mais ravi.

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    Alors après, tous les albums des Limiñanas ont leurs avantages et leurs inconvénients. Tiens on pourrait commencer par écouter Malamore, paru en 2016.

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    On note très vite une grosse influence gainsbourienne dans «El Beach» - À la surface de l’horizon/ Je contemple la situation - Lionel rime tout en ion. Il est dans l’hypno d’un acid trip, c’est une vraie drug-song - Il est temps d’aller se baigner - C’est vrai qu’on est sur la plage. Et puis voilà qu’arrive «Prisunic» - J’t’ai croisée chez Prisunic - Il fait rimer ça avec Baltique - Ça m’a fait l’effet d’un déclic - Il est à la fois dans le son et dans le texte, comme Gainsbarre, il cultive la musicalité des rimes, et ça vire en mode power pur - Comme une secousse magnétique - Il a un truc et il sait le développer. Il ramène dans chaque cut du son, du groove et de l’allure, mais pas n’importe quelle allure, de la fière allure. Marie Limiñana chante «Garden Of Love» sous le boisseau, puis Lionel Limiñana ramène de la fuzz dans le morceau titre. C’est un seigneur des annales, il est très avancé dans les sciences du son, ce que va confirmer très vite «Dahlia Rouge», une vraie merveille, il charge bien la barcasse de la Limiñanasse. Il développe le power de la mer, avec une science exacte des layers, il rajoute des sons dans la sauvagerie. S’ensuit un shoot de heavy psychedelia nommé «The Dead Are Walking», ça rampe sous la carpette au dancing around, ce mec sait creuser une fondation et pousser ses pions. Retour aux ambiances gainsbouriennes avec «Kostas». Il injecte du Grec dans le son, ah comme c’est beau ! Il en profite d’ailleurs pour raconter une histoire - Et ça a commencé à chauffer - Le chant te hante, exactement comme chez Gainsbarre - Le fanfaron voulait en découdre/ Mais heureusement Kostas est arrivé - Tout est ici prétexte à exploit. Encore une descente d’accords à la Gainsbarre dans «Zippo» et un chant en retrait. Ils bouclent cet album étonnant - stunning dirait un Anglais - avec «The Train Creep A-Loopin’», ça clapote dans le groove de rockies et la wah vire de bord et boom, ça bascule dans la crazyness avec Lionel Limiñana en démon cornu.

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    Si on aime l’exotica, alors il faut écouter le Traité de Guitares Triolectriques qu’ont enregistré en 2015 Pascal Comelade et les Limiñanas. Attention, c’est un album d’instros et d’ambiances, mais joué dans l’épaisseur d’un son de bouts de ficelles. Ils rendent pas mal d’hommages, à Robert Wyatt, avec «Why Are You Sleeping», à Wayne Kramer avec «Ramblin’ Rose» (gratté à la plastic guitar) et à Chris Andrews avec «Yesterday Man». Ils tapent dans le dur avec «You’re Never Alone With A Schizo». Clin d’œil à Ian Hunter ? Va-t-en savoir. Encore un fabuleux drive avec «El Vici Birra-Crucis» et ils rendent hommage aux Cramps avec une version de «Geen Fuz» jouée à l’accordéon. On se régalera aussi d’«A Wall Of Perrukes» joué au kazoo et de «One Of Us One Of Us» monté sur les accords de Wanna Be Your Dog.

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    Quand on écoute le premier album sans titre des Limiñanas paru en 2010, on s’octroie princièrement deux façons de réagir : soit on déclare qu’il s’agit d’un disque à la mode, inspiré de l’ère gainsbourrienne, très proche de ce que fait Non! à Nice et de ce que font d’autres groupes français qui chantent en français sur des beats hypno. Soit on constate que cet album est l’expression d’un concept artistique pur. Alors on touche la vérité du doigt et ça excite subitement la cervelle. Il faut faire gaffe avec ces trucs-là, car la cervelle est déjà très chatouilleuse, un rien peut la mettre en transe. Tous les textes sont très écrits, très rimés et montés sur des sons hypnotiques à forte senteur psychédélique. Le duo propose en fait une espèce de rock surréaliste et là ça devient passionnant. On échappe aux limites du gaga pour entrer dans leur monde, un monde qu’ils créent de toutes pièces. Dans «Down Underground», elle chante j’me suis mise à danser/ J’me suis mise à hurler, yeah yeah - et ça marche. Ils duettent aussi sur quelques trucs, du genre c’est quoi ton nom ?, avec des beaux layers de guitares psyché derrière, il lui demande si elle veut un cachou et elle répond qu’elle n’est pas très drogue, d’où le titre de la chanson. Dans le «Mountain» qui ouvre le bal de la B, il lui propose une madeleine et elle l’envoie chier, ah ta gueule. C’est assez juste dans le ton. Ils n’ont aucun problème de crédibilité, il faut juste pouvoir établir le contact avec eux, ils sont très exigeants, les prendre à la légère serait une grave erreur. On croit qu’avec «Berceuse Pour Clive», ils cèdent à la facilité, oh la la pas du tout, il naviguent à leur niveau, c’est très spécial, on ne le comprend qu’en entrant dans leur monde. Bon, c’est vrai que ce n’est pas Melody Nelson mais le son finira par t’étourdir, les fortes effluves psyché sont irrésistibles. Ils tapent le «Tigre Du Bengale» à l’orientalisme purulent, c’est assez réussi ce coup de sitar dans l’hypno, ça se marie bien, ils sont parfaitement à l’aise avec la bande dessinée - Je suis Khali la noire !

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    Le Crystal Anis qui date de 2012 est un excellent album qui s’ouvre sur «Salvation», une belle avancée chantée en anglais au when I think of you et claquée sévère derrière aux notes de banjo, mais seulement une note de temps en temps, de façon dégoulinante, I need protection, la menace est bien réelle, c’est violent, même avec de la consolation. S’ensuit un «Longanisse» digne de Gainsbarre, ma jolie poupée Longanisse, bel hommage avec des ouh ouh dans l’Antartique, c’est balèze, les ouh ouh chauffent bien la cambuse, ma jolie poupée Longanisse. Le festin se poursuit avec un clin d’œil au Velvet, «AI3458», bien contrebalancé aux yeah yeah yeah et sapé aux tibias par la fuzz. Lionel Limiñana se paye un vieux shoot de reverb dans «Hospital Boogie». Il est beaucoup plus heavy rock sur ce coup-là, ça chante dans l’entre-deux, mais fuck que de son ! Il déploie son jeu comme un empereur déploie son armée. Il s’amuse bien au fond, il fait le job, son «Bad Lady Goes To Jail» sent bon le vieux gaga de baby et avec le morceau titre, il rentre dans le chant à coups de sardines salées et de canes à pêche. C’est ça le limiñana, ils y vont une main derrière une main devant, des tas de gens vont forcément adorer ce délire. Marie Limiñana arrive dans «Betty And Johnny» comme Ronnie Bird - Je vais vous raconter l’histoire d’un cœur brisé-eh-eh, c’est du pur jus - Le disque de platine d’un super groupe anglais-eh-eh, en plein mythe avec encore cette folle nommée Betty que j’ai vue twister-eh-eh, c’est extrêmement convaincu d’avance, et sous les cocotiers un cœur se brisa-ah-ah. Ils sont au sommet du lard fumant, ils tapent un «Belmondo» à la reverb, l’instro est le portrait exact de Bebel et des diables tapent encore «Une Ballade Pour Clive» à la reverb, les yeux noirs et le visage fâné, comme c’est bien vu et bien senti, comme c’est bien planté dans la vulve.

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    Paru l’année suivante, Costa Blanca grouille encore d’hommages à Gainsbarre, tiens comme ce «Je Me Souviens Comme Si J’y Étais», il fait son biz avec un hidalgo de passage et la smala d’Abdelkader. Le coup de génie de l’album s’appelle «Votre Côté Yéyé m’Emmerde», il cite les Rolling Stones, Poison Ivy et Kim Fowley, il cite tous les noms, let’s take a trip, j’aime quand ça sonne et il repart de plus belle avec François Truffaut point trop n’en faut. Il ressort son banjo pour «BB» et nous dépote une grosse hypno de talk to me. Il profite d’un crochet en Méditerranée pour poser ses bagages et Marie Limiñana part à Liverpool faire de l’orientalisme, elle revient dans le son avec une voix bien droite qui récite un texte sur canapé d’hypno. Ils jouent «My Black Sabbath» à l’arrache de la mandoline et descendent à la cave gaga pour «Alicante». Ce mec est capable de violentes pointes de speed gaga, il peut ramener tout le saint-frusquin quand ça lui chante. Et voilà «Cold Was The Ground». C’est elle qui s’y plonge. Elle chante ce cut sexuel à la clameur de satin jaune. Ils retrouvent la frontière d’Abdelkader dans «La Mercedes de Couleur Gris Métallisé», l’occasion rêvée de sortir la Mercedes déglinguée pour faire rimer les frontières avec les frères et la mère.

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    Anton Newcombe fait son apparition sur Shadow People, en 2017. Dès l’«Ouverture», on se croirait chez Ripley Johnson et les Wooden Shjips, c’est le rock des mages psychédéliques, mêmes barbes, même embarquement, même sens de l’hypno, alors here we go ! C’est cavalé dans la plaine, avec les sacoches en cuir, you see what I mean ? C’est assez stupéfiant. Ils amènent plus loin «Istambul Is Sleepy» au power du Velvet, ils y rajoutent de l’orgue, ils sont en plein dedans, bienvenue dans le big far out hypnotique, même ambiance de gratté de gratte que dans «Waiting For The Man». Ils passent à la mad psyché avec le morceau titre, ce mec crée son monde - I’m trusting the shadow people - Il fait bien le job, il sait faire monter la température de sa neige, comme le montre encore «Dimanche» - Un jour le Sud/ Le lendemain le Nord/ Le grand Nord j’adore - et le «Gift» qui suit n’est pas celui du Velvet, c’est un Gift plus pop, assez anglais, qui danse bien du cul, on se croirait presque chez les Cure, mais en même temps c’est plein d’allant, oh no no no, c’est elle qui chante et lui qui répond au no no no. Ces gens-là savent traiter un cut in the face. Leur «Pink Flamingos» est assez cousu de fil rose et ils incendient «Trois Bancs» dans la nuit psychédélique. Lionel Limiñana chante au doux du groove, il fait le job en tartinant du French storytelling au long cours.

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    Paru en 2019, Le Bel Été est la BO d’un film. C’est donc autre chose. On sauve «Maria’s Theme», un instro très beau, très pur, très Ennio Morricone, avec une trompette qui se pointe sur le tard.

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    Et puis tiens, on ressort de la pile le # 53 de Dig It!, avec les Limiñanas en couverture. Photo étrange, Marie Limiñana se reboutonne, comme si elle venait d’aller pisser avec les Who sur la pochette de Who’s Next, et Lionel Limiñana ne porte pas encore de barbe, ce qui le rend méconnaissable. Huit pages en tout, introduites tambour battant par un spécialiste de la scène de Perpignan, Eric Jorda, qui d’ailleurs signe aussi les notes de pochette de la fameuse compile Back From The Canigó, dont on a déjà dit ici même tout le bien qu’on peut en penser. Dans le micro que lui tend Jorda, Lionel rappelle qu’ils furent repérés sur Myspace par HoZac et Trouble In Mind, deux labels américains de Chicago. Un miracle, dit-il. On trouve effectivement quelques bricoles des Limiñanas dans le catalogue HoZac. Lionel est un mec tellement bien et il manque tellement de prétention qu’il pense à l’époque que les bricoles des Limiñanas ne pouvaient intéresser personne. Puis il redit sa passion pour Gainsbourg - On s’est remis à bloquer sur Gainsbourg - et les compiles Wizzz parues sur Born Bad à l’époque. Lionel se dit fan du freakbeat français et des vieilles B.O de films français. Il embraye ensuite sur le voyage en Haïti où lui et Marie sont allées récupérer Clive, leur fils adoptif et pouf, pendant leur séjour un tremblement de terre détruit Port-au-Prince. Ils sont rapatriés en France au bout de trois jours et trois nuits d’errances dans la ville détruite, c’est une histoire peu banale et bien racontée, et dont s’inspire en grande partie leur premier album (l’un des titres s’appelle «Berceuse Pour Clive»). Ça s’appelle du vécu. Puis Lionel se fend d’un passionnant carnet de route. Il nous narre dans le détail (concerts, trajets, gamelles, couchages, disquaires, rencontres) la tournée américaine de 2011 organisée par l’un de leurs deux labels de Chicago, Trouble In Mind, tournée qui de Chicago les emmène jouer à Milwaukee, Memphis, Nashville, Washington, Philadelphie, New York, Colombus et retour à Chicago, avec en médaillon un concert des Cheater Slicks à Colombus. Ah les veinards. On donnerait tout ce qu’on possède pour voir jouer les Cheater Slicks.

    Signé : Cazengler, liminanard

    Limiñanas. Le 106. Rouen (76). 8 décembre 2021

    Limiñanas. The Limiñanas. Trouble In Mind 2010

    Limiñanas. Crystal Anis. HoZac Records 2012

    Limiñanas. Costa Blanca. Trouble In Mind 2013

    Limiñanas. Traité de Guitares Triolectriques. Because Music 2015

    Limiñanas. Malamore. Because Music 2016

    Limiñanas. Shadow People. Because Music 2017

    Limiñanas. Le Bel Été. Because Music 2019

    L’Épée. Diabolique. Because Music 2019

    Back From The Canigó: Garage Punks Vs Freakbeat Mods Perpignan 1989​-​1999

    Dig It! # 53 - Novembre 2011

     

    Once upon a time in the West

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    Bonne nouvelle ! Un nommé Ian L. Clay fait paraître une bio de Keith West, l’une des grandes figures de proue du Swingin’ London, connu comme le loup blanc à cause ou grâce à Tomorrow, tout dépend comment on voit les choses, et devenue légendaire grâce ou à cause d’un popéra jamais paru, Excerpts From From A Teenage Opera, que tout le monde à Londres attendit en vain, comme on attend Godot. Le book de Clay s’appelle Thinking About Tomorrow: Excerpts From The Life Of Keith West. Bon alors autant le dire tout de suite : ce n’est pas un chef-d’œuvre littéraire. C’en est même très éloigné. On avance péniblement dans certaines pages et quand on les tourne, c’est chaque fois dans l’espoir de jours meilleurs. Écrire un rock book n’est pas toujours facile, certains s’y cassent les dents, mais pour voir le côté positif des choses, on pourrait avec le bon Coubertin affirmer d’une voix chantante que l’important est de participer.

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    Rien qu’en le feuilletant, on sait que le book n’est pas bon. L’éditeur a eu l’idée saugrenue d’imprimer ça sur un couché brillant et tous les amateurs de livres savent que le couché brillant est un tue-l’amour. C’est un 300 pages qui pèse une tonne, donc pas facile à manier. Une fois qu’on a surmonté ces petits a-priori, on peut entrer dans l’histoire, car si on est là, c’est parce qu’on aime bien Keith West.

    Bonne gueule, comme le montre la photo qui est en première de couve. Clay ne va d’ailleurs pas rater une seule occasion de rappeler que Keith est un fabuleux séducteur, un kid de Romford, North London qui grandit in the right place at the right time, et qui commence par être un petit Mod. Clay affirme que Keith was one of the original Mods. C’est plus facile si on grandit à Londres. Quand on grandit à Caen ou à Béthune, c’est plus compliqué. Sauf si on a du blé pour s’habiller chez Happening. Et pouf, Keith se retrouve dans un groupe en 1963. Il a vingt ans et le groupe s’appelle Four + 1. Pour faire les choses sérieusement, Keith change de nom : Keith Hopkins devient Keith West, ça sonne plus américain. Ken Lawrence (beurre), Boots Alcot (bass), Junior (guitare) et Keith (harmo/chant) tapent un dynamic R&B influencé par les Yardbirds et les Stones. Ils ne veulent pas sonner comme les groupes de Liverpool. Leur vrai modèle, c’est Downliners Sect, alors très populaire in London. Ils ont tout de suite du succès. Ken : «The Rolling Stones ruled at the time, but we were the next big thing.» Sur scène, Boots fait des tonnes de gyrations et Junior joue bien le jeu. Au milieu, Keith «holds a plethora of maracas and sings the blues in a style reminiscent of the early Jagger.»

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    Si on veut écouter Four + 1, il faut rapatrier l’antho RPM Excerpts From… Groups & Sessions 1965-1974. Leur «Don’t Lie To Me» est un cut délinquant, chanté dans l’esprit des gangs de downtown London. C’est le punk anglais avant le punk et le seul single du groupe paru sur Parlophone en 1964. Mais le groupe a du mal à se stabiliser. Keith va reformer The In Crowd avec Junior, Steve Howe et Twink.

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    Dans la première mouture de The In Crowd se trouve un certain Les Jones whose attitude was poisoning the atmosphere in the band et dont Keith veut se débarrasser. Il voit jouer Steve Howe dans les Syndicats, un groupe que produisait alors Joe Meek et qui enregistra «Crawdaddy Simone». Quant à Twink, il jouait dans les Fairies, un groupe de Colchester, Essex, qui s’était réinstallé à Londres en 1964. Twink fréquentait Hapshash And The Coloured Coat et les gens de Granny Takes A Trip, sur King’s Road, des gens qui allaient développer un look psyché très coloré. The In Crowd et les Fairies se connaissent bien, ils partagent souvent la même affiche. Le batteur de The In Crowd est encore Ken Lawrence, mais il prend trop de speed, parce qu’il vaut ressembler à Keith Moon - We all told him to calm down - Keith rappelle que tous les gens prenaient du speed, popping pills, mais Ken en prenait de plus en plus. C’est la raison pour laquelle Keith et Steve se sont rapprochés de Twink qui va quitter les Fairies pour rejoindre The In Crowd, qui lui paraît être un groupe plus stable. En fait, Dane Stephens, le chanteur des Fairies, fut envoyé au ballon pour une pige, suite à un accident de voiture fatal. En bon opportuniste, Twink n’a pas eu à se gratter le tête trop longtemps.

    Comme la musique évolue très vite entre 1964 et 1965, The In Crowd vire psyché. Sur scène, ils reprennent «Why» des Byrds et «Shotgun And The Duck» de Jackie Lee - A club favorite that went into a psychedelic sort of thing which strangely enough - if you listen to the live version of it - is manic. I mean, it’s completely manic, nous dit Keith - The In Crowd intègre la fameuse Bryan Morrison Agency qui booke en concert la crème of the UK psychedelic scene : Pink Floyd, Soft Machine, les Pretty Things, Donovan and now the In Crowd. Même chose, on va sur l’antho RPM qui propose quatre cuts de The In Crowd. «Things She Says» flirte avec le meilleur freakbeat d’Angleterre. Ils font aussi du froti à la noix de cocote, le seul bon cut de The In Crowd, c’est comme on l’a dit «Things She Says». C’est tellement bon que ça se réécoute plusieurs fois de suite.

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    Clay rappelle que les gens ne sont pas très tendres avec le fameux Bryan Morrison, notamment Joe Boyd : «Bryan Morrison didn’t give a shit. He was just after the money.» Pour bien faire, il faudrait aller fureter dans les autobios de ces gens-là, car leur point de vue doit être extrêmement intéressant. D’ailleurs l’autobio de Joe Boyd s’appelle White Bicycles, comme par hasard.

    The In Crowd joue dans les Deb Balls (Bals des débutantes), des fêtes organisées dans les quartiers riches, où les gens boivent du champagne - Knocking back champagne all day long, absolutely trashed. These big great houses - Keith s’en souvient comme si c’était hier : «Loaded families and their daughters were coming out to party. It was all going on, having sex in the gardens, skinny dipping in ponds and swimming pools, it was all going bonkers.» Keith nous décrit les orgies de la haute au temps du Swingin’ London. Il reprend : «On jouait deux heures et ils nous donnaient de l’argent pour qu’on continue à jouer.»

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    Keith est aussi l’un des petits amis de Dana Gillespie - She is something of a force of nature and would have been one of the ‘It’ girls of the time - Clay rappelle que Tom Jones was after her all the time. Keith dit que Dana fut sa première vraie girlfriend - She was smart, and a talented performer and singer already, at 16-years-old - Dana rappelle que pas mal de gens intéressants dormaient chez elle sur les sofas : Brian Jones, Ronnie Wood, Twink et Syd Barrett. Mais elle en pinçait surtout pour Keith : «Keith was great looking with jet black hair and he was tall and slim-hipped (grand mince avec des cheveux noirs de jais).» Elle savait qu’on ne pouvait espérer aucune relation durable avec un musicien, c’est aussi ce qu’elle disait de Bowie. Ah comme elle l’aimait bien son Kiki - We had a lot of fun, and I liked him a lot. Even hearing his name makes me smile.

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    L’épisode le plus important dans l’histoire de The In Crowd, c’est Blow Up. Au départ, Antonioni veut le Velvet pour son film, mais nous dit Clay, c’est impossible pour une question de visas. Alors il veut les Who qui disent non. Alors David Hemmings qui a vu The In Crowd sur scène les recommande à Antonioni. Bon d’accord. On demande à Keith de composer deux chansons pour le film, which I did, «Blow Up» and «Am I Glad To See You». Mais pour une raison x, Antonioni choisit les Yardbirds. On a dit que Steve Howe ne voulait pas détruire une guitare sur scène. En fait, Jeff Beck fracasse une fausse guitare. La scène ne dure que deux minutes. Ça ne valait pas le coup d’en faire un fromage.

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    En 1967, The In Crowd devient Tomorrow. L’histoire du groupe est intimement liée à celle de Joe Boyd et de l’UFO Club qui ouvre ses portes en décembre 1966 au 31 Tottenham Court Road, sous une salle de cinéma. L’UFO est ouvert chaque vendredi soir de 10 h à 6 h du matin. Joe Boyd donne tout le détail dans son book. Boyd et son associé «voulaient rassembler the like-minded people et leur donner un endroit où se retrouver». Boom ! Le Pink Floyd de Syd Barrett ! Tout le monde fume de la dope. Mais Bryan Morrison barbote le Floyd à Boyd et ça va lui rester en travers de la gorge. Comme c’est le Floyd qui attire du monde à l’UFO, Boyd doit vite trouver des remplaçants. Il repère The In Crowd sur scène at Blaises et veut les booker à l’UFO, mais il leur demande de changer le nom du groupe - Dit it fit in with the hippy sort of thing? - Et pouf, Tomorrow ! Boyd voit Tomorrow comme le remplacement idéal du Floyd. Les Tomorow nights à l’UFO sont aussi balèzes nous dit Boyd que the Pink Floyd nights. Un soir, Jimi Hendrix monte sur scène pendant que Junior danse et prend sa basse pour jouer avec Steve Howe et Twink. Le moment historique est bien sûr le fameux 14-Hour Technicolour Dream, apex of the counter-culture vision. Sur scène, Junior danse avec Suzy Creamcheese, a nubile American dancer qui avait bossé avec Frank Zappa. Pour Joe Boyd, les sixties qui vont de l’été 1965 jusqu’en octobre 1973 ont connu leur pic le 1er juillet 1967 avec un set de Tomorrow at the UFO Club in London.

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    L’album sans titre de Tomorrow Featuring Keith West paraît en 1968. C’est là qu’on trouve «My White Bicycle», vieux sujet de contentieux. Ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas. On en fait un hit culte du London Underground, mais non, le hit culte c’est «See Emily Play». Les Tomorrow s’enfoncent assez profondément dans leur délire et ils jouent sur les deux oreilles, comme d’autres jouent sur les deux tableaux. C’est assez superficiel. Trop d’effets. Manque criant de viande. C’est pas bon, désolé Joe. C’est en effet Joe Boyd qui est derrière tout ça. Comme on va le voir au fil des cuts, ce groupe adore le n’importe quoi. Keith West essaye de sauver les meubles, mais c’est foutu, il y a trop de sitars dans «Real Life Permanent Dream». On croit entendre une petite pop ravie de son inutilité. Sur «Revolution», Steve Howe fait quelques coups d’éclat, il cherche Susan désespérément, mais ce n’est pas Syd Barrett qu’on entend là dedans. Les Tomorrow proposent une pop psychédélique qui ne fonctionne pas. Elle est privée de tout : de dessert, de psychedelia, d’éclat, de Barrett, ils font leur truc, mais ça godille. On a beau réécouter, ça godille toujours. Le seul cut intéressant de l’album est la reprise de «Strawberry Fields Forever». Pour Keith West c’est du gâteau, son nothing is real sonne délicieusement juste. Cover fine et capiteuse, c’est une réussite, elle sauve l’album, Steve Howe y fait même un festival d’arpeggios incertains. Mais pour le reste, c’est un vrai gâchis, à commencer par «Three Jolly Little Dwarfs», gaspiller un chanteur et un guitariste aussi bons, c’est intolérable. Le prog psychédélique de «Now Your Time Has Come» est trop compliqué pour des oreilles ordinaires issues du peuple et qui sont forcément limitées. Steve Howe va continuer de faire tout le boulot jusqu’au bout, comme il va le faire dans Yes. On ne comprend pas d’où vient le succès de Tomorrow. Il tente encore d’allumer des lampions dans «Hallucinations», mais le psyché de Tomorrow ne marche pas.

    Et puis nous dit Clay, le groupe va se fissurer, Keith & Steve d’un côté, Twink & Junior de l’autre. Et 1968, Twink va rejoindre les Pretty Things, alors ça veut dire ce que ça veut dire. Les promoteurs nous dit Steve recherchent du sang neuf et Tomorrow est un groupe trop typé 1967 - At this point, Tomorrow were definitely on the back burner - Mais Steve s’en fout, il sait qu’il va pouvoir continuer. Mark Wirtz dit aussi que le groupe était destiné à disparaître. Tout reposait uniquement sur le talent de Steve Howe qui un jour où l’autre irait rejoindre une équipe de gens plus pointus. Ce sera Yes. Sans Steve, pas de Tomorrow.

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    On note aussi dans le book le passage furtif de Kim Fowley qui s’intéresse de près à Mark Wirtz : «Il avait apprécié mes arrangements sur la reprise d’«I’m Waiting For The Day» des Beach Boys qu’enregistra la chanteuse Peanut. Non seulement il m’a engagé pour arranger et produire certains de ses cuts, mais il est vite devenu mon tuteur et mon héros. J’étais mesmérisé par sa flamboyance, sa façon de penser, son courage et son profond mépris pour le music business. Pour moi, Kim est le croisement entre le caniveau et la suprématie ésotérique - a pig and a saint, a fool and a genius - He truly personified the ultimate spirit of Rock’n’Roll.» Et puisqu’on est dans les légendes, voici Vince Taylor. Keith connaît Bobby Clark, qui battit le beurre un temps dans les Playboys de Vince : «Vince Taylor, now there’s a story. Steve Howe finit par habiter dans une maison avec ces mecs, sur Lots Road, à Chelsea, en face de Battersea Power Station. Vince était un acid freak. Il errait dans la maison, il passait d’une pièce à l’autre, comme ça, sans raison apparente, pendant que Steve et moi bossions sur les chansons.»

    Au moment du punk, Keith s’occupe de Jimmy Edwards qui avait été le chanteur de The Neat Change, a popular Mod band. Leur single «I Lied To Auntie May» fit sensation en 1968. Keith tente de lancer Masterswitch, le groupe punk de Jimmy, mais visiblement, ça ne marche pas. Keith bosse aussi avec Lawrence from Felt sur quelques morceaux, mais pareil, ça reste à l’état embryonnaire.

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    En 1974, Keith West enregistre Wherever My Love Goes avec ses copains. En fait, il y a deux équipes : le première (avec Twink, Ken Burgess, d’autres mecs, et Andrew Loog Oldham à la prod) enregistre «The Power & The Glory», une belle pop d’ampleur catégorielle. Keith co-éctit ce hit avec l’excellent Ken Burgess. Tous les autres cuts sont enregistrés avec une autre équipe de gens inconnus au bataillon. Musicalement, Keith reste à proximité des Beatles («Liet Motif») et des Faces («The Visit»). Il y va au petit boogie rock à l’anglaise, on le sent assez déterminé à vaincre mais fragile sur ses assises. Il n’empêche que ça tient bien la route avec un joli bouquet d’harmonies vocales et les coups de slide de Glenn Campbell, le mec des Misunderstood et de Juicy Lucy. Keith boucle son bal d’A avec «Hope You’re Feeling Better», une petite pop anglaise envenimée à coups de slide. C’est très américanisé, enrichi à outrance, dans une bonne ambiance. Il attaque sa B avec «Going Home Song», une pop digne de CS&N, assez crédible et pertinente. Keith fond sa voix dans la foudue bourguignonne et les tititilili sont ceux de CS&N, évidemment. Tout l’album est bien ficelé, Keith ne prend pas les gens pour des cons, il va même rechercher cette vieille fête au village qu’on appelait autrefois de jug-band sound avec «Company». Il tape encore un petit shoot de pop américaine bien sentie avec «Whenever My Love Goes». Ces mecs aiment bien les grands espaces, ça reste très chaleureux, plein de son, plein d’élan patriotique, plein de CS&N, c’est truffé de guitares et de démarrages en côte.

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    L’année suivante, il monte Moonrider et enregistre l’excellent Moonrider. Cette fois, John Weider fait partie de l’aventure. Weider fait avec Keith West le boulot que fait Ollie Halsall avec Kevin Ayers, un boulot de boute-feu faramineux. Au beurre on retrouve Chico Greenwood qui a joué avec les Fallen Angels de Phil May. Tous les cuts de l’album sont éclairés par le jeu tonitruant de John Weider, dans un parti-pris très country rock, mais on s’en accommode fort bien, car il faut voir Weider s’acquitter de sa mission : il fait régner une pure magie américaine sur l’album. Keith chante «Our Day’s Gonna Come» à la voix parfaite, au timbre subtil, on pense à Todd Rundgren, suave et juste. Dans «Good Things», Weider développe des trésors d’ingéniosité, il ramène toute l’Americana qu’il peut dans ces excellentes chansons. John Weider est probablement l’un des plus grands guitaristes de son époque. Il avait remplacé Mick Green dans les Pirates, puis Eric Burdon l’a embauché pour ses New Animals. On le connaît surtout pour son passage dans cette bande d’infâmes surdoués que fut Family. En B, il fait encore des miracles sur «Danger In The Night», il gratte ça au gratté délétère et mélangé à des belles harmonies vocales, ça donne du CS&N. Ce démon de Keith chante «Ridin’ For A Fall» comme le ferait Plonk Lane, ou encore Stephen Stills, même glissé d’Americana dans le grain de voix, c’est une véritable fontaine de good time music, pleine d’esprit et de chaleur. Pour conclure, John Weider vient enchanter «As Long As It Takes», un balladif richement orchestré. L’ami Weider est capable de miracles, qu’on se le dise !

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    Dans l’antho RPM évoquée plus haut - Excerpts From… Groups & Sessions 1965-1974 - on retrouve bien sûr Tomorrow, qui nous laisse toujours aussi perplexe. Une certaine énergie, mais du mal à convaincre. C’est Steve Howe qui fait le son sur sa demi-caisse. Il joue à l’hyper présence. Mais ça tourne assez vite à la carapate des Carpathes. Tomorrow, ça n’a jamais été l’avenir du rock. Tomorrow sans lendemain. Puis Keith West entame une carrière solo. Il est à l’aise avec des trucs comme «On A Saturday». En tous les cas, il est plus à l’aise qu’avec Tomorrow. «The Visit» semble sortir tout droit d’un album des Buffalo Spingdield. Très acid freak. Il fond le chant dans la belle dégringolade de psychedelia. Il est encore excellent dans «A Little Understanding», un pulsatif qui menace en permanence de devenir énorme. Au fil des cuts, Keith West semble monter en grade. Comme on l’a vu, son «Power & Glory» produit par Loog Oldham sonne comme un monster hit, bien gorgé de basse et de chœurs de filles. Il cherche sa voie et la trouve encore avec «West Country». Il chante à l’unisson d’un sacré saucisson. Puis on retrouve l’excellent «Ridin’ For A Fall», une merveille tirée de Moonrider. On se régale jusqu’à la fin, jusqu’à «Having Someone», groove de la belle époque merveilleusement bien orchestré.

    Signé : Cazengler, Keith Wet

    Tomorrow Featuring Keith West. Tomorrow. Parlophone 1968

    Keith West. Wherever My Love Goes. Kuckuck 1974

    Keith West. Excerpts From… Groups & Sessions 1965-1974. RPM Records 1995

    Moonrider. Moonrider. Anchor 1975

    Ian L. Clay. Thinking About Tomorrow: Excerpts From The Life Of Keith West. Hawksmoor Publishing 2020

     

     

    Inside the goldmine

    - 1990s nervous breakdown

     

    Au cricket-club, les préparatifs avançaient bien. Le tech embauché pour la soirée venait d’arriver et se faisait expliquer le pourquoi du comment d’une forêt de câbles. Sa façon de hocher la tête nous soulageait des angoisses qu’on nourrissait à son égard. Soudain Colin arriva. Mince ! Il allait falloir tenir une conversation... Il avait l’air jovial, pour un mec qui n’avait pas fermé l’œil de la nuit. D’une petite voix aiguë, il s’écria :

    — Hullow ! Yareadydown gulfinzere initt ?

    Dans ces cas-là, on répond toujours yes.

    — Yes !

    Il y eut un moment de blanc pas encore trop gênant. Il allait falloir meubler vite fait. Je fis une première tentative :

    — You guys âre verrry lucky in Scotteland...

    Il répondit d’un air amusé :

    — Ahumand bendinwahot ?

    — You’ve gotte verrry verrry verrry good bands !

    — Nowmeorintosh asinanyholw !

    — Do you like Tiiiinage Fanneclub flom Glasgô ?

    Il fit les yeux ronds.

    — Notritally mecuppateamate goodamitt !

    J’en déduisis qu’il n’aimait pas trop. Un nouveau blanc s’installa. Quand on est d’un tempérament calme, on apprécie les blancs, mais dans certaines circonstances, ils peuvent créer un léger malaise. Il devenait urgent de relancer une conversation qui menaçait de rendre l’âme :

    — Do you know the ninety ninetizes flom Glâsgô ?

    — Whotdyameandor ?

    — The... nine... tizes... nine...tizes ? You don’t know ?

    — Whataahdayamacintosh ?

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    Nous ne pûmes jamais éclaircir ce mystère. La raison en était pourtant simple : the 1990s au nom si imprononçable était le secret le mieux gardé du rock non pas anglais mais écossais. Nous entendîmes un jour à la radio un truc nommé «You’re Supposed To Be My Friend» et ce fut le coup de foudre. Car voilà un hit amené au stomp de glam et c’est très précisément l’endroit où le glam frise le génie. Après enquête, on découvre que le glamster s’appelle Jackie McKeown et son groupe the 1990s. Ce trio réinvente tout simplement le glam. Ils savent donner de l’envergure à leurs harmoniques. Ils boostent le drumbeat du stomp et laissent éclore les ah-ahh de la planète Mars. Okay ? Mais ce n’est pas fini car McKeown s’en va ensuite titiller la note à la racine du beat pour envoyer un solo de folie pure avant de finir en apothéose de you’re supposed. Avis aux amateurs de fins extrêmes.

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    Pour entendre cette pure merveille, il faut se rendre sur l’album Cookies paru en 2007. Et attention, car cet album grouille de coups de génie. On ne comprend d’ailleurs pas que Jackie McKeown et ses deux amis soient restés plongés dans les ténèbres de l’underground écossais. On prend tout de suite «You Made Me Like It» en pleine gueule, c’est du glam de haut rang, montre-moi ton cul, red light, riot in Glasgow, ces mecs taillent dans le vif et la tension bassmatique vaut bien une tension artérielle. Wooff, ça monte directement au cerveau ! Sur la petite photo au dos, on voit Jackie McKeown sauter en l’air avec sa guitare. Okay ! Il fallait donc choper ces mecs en flag. À les voir okayer comme des cons et descendre la pop anglaise dans «See You At The Lights», on croirait entendre les Small Faces ! Ils chantent la pop à l’outrance de Glasgow. Il reviennent au stomp pour l’infernal «Cult Status». Et chaque fois, on se fait la même réflexion : seuls les Anglais sont capables de créer la sensation. Surtout ce genre de sensation, basée sur la science du stomp et le gras du glam. Ils explosent le cul du Cult. Et Jamie McKeown s’impose comme l’un des grands chanteurs de son temps. En fait, les 1990s partagent le destin des Stairs, autre groupe de surdoués mystérieusement resté méconnu. Jackie McKeown a beau chanter comme un dieu, ça ne change rien.

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    Un deuxième album nommé Kicks paraît un peu plus tard. On y trouve aussi pas mal de bonbons glam, comme ce «Tell Me When You’re Ready» qui semble suspendu dans le temps, ou encore «I Don’t Even Know What That Is» bien stompé dans la crème au beurre par l’affreux Michael McGaughrin. Jackie McKeown chante à l’accent canaille de pantalon serré et joue des quick licks insidieux. Les oh-oh de «Vondelpark» sont un modèle du genre, faussement modestes mais rétifs à toute autorité. «Kickstrasse» sonne comme un hit, avec son chant kicky et son bassmatic massif. C’est même d’une déviance mirifique. On pourrait presque parler d’un Graal du glam. On reste dans le très haut vol avec «The Box», real glam box de Glasgow, un glam plus pur encore que celui de Marc Bolan, subtile combinaison de stomp et de chœurs d’artichauts, au croisement de Sweet et de Jook, et nappé d’apothéose sucrée. L’affaire se corse avec des chœurs ascensionnels et des petits arrangements créent l’illusion d’une féerie. Modèle absolu de pounding et de contrôle mélodique. «The Box» est un hit lancinant et bardé d’encorbellements, affichant impudiquement les rondeurs de son son et ses intentions juvéniles. Ils matérialisent ainsi le cœur vivant, l’essence même du glam. On retrouve ce beau pouding écossais dans un «Giddy Up» qui craque bien sous la dent de l’amateur de glam. Pur régal, délectation garantie, car une fois de plus, tout y est : l’entrain, le regain, le bon grain, le menu fretin, le perlinpinpin, le stomp divin, l’enfantin et le sibyllin.

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    Jackie McKeown refait surface en 2013 avec un groupe nommé Trans. Bernard Butler, l’ex guitar diva de Suede se joint à l’aventure. Butler connaît bien McKeown car il a produit les deux albums des 1990s. Ils enregistrent un premier maxi quatre titres, Red. Ils ont pour principe d’improviser - Someone starts, then the others join in and before you know we’re off - Red propose un rock electro joué à l’infra-basse, mais McKeown garde ses réflexes de rocker et ça vire hypno, alors on s’incline en signe de respect. «Jubilee» est plus pop et finit en échappée belle, au croisement d’un bassmatic voyageur et d’un gratté de gratte névrosé. Dans un vieux Mojo, Danny Eccleston déclare : «Trans tunes are unpredictable, Kraut-y psych-outs post-punk filigrees and gentle, quasi-jazz interludes.» Le hit se planque de l’autre côté et s’appelle «Dancing Shoes». McKeown ressort pour l’occasion son cher son seventies, c’mon c’mon, et là on ne rigole plus. Il fait monter sa neige comme le font si bien les Mary Chain, à la main de maître. Ce mec a du génie, on l’avait compris avec les 1990s, mais trop peu de gens sont au courant. Il faut entendre la basse démarrer en plein couplet.

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    Ils récidivent l’année suivante avec un autre maxi, Green. On assiste dès «Thinking About A Friend» à une belle échappée belle de power psyché. Ils passent à la gentle pop avec «The Prince», ça reste charmant, ces mecs perpétuent la tradition, avec de beaux départs de fin de cut emmenés par la basse. Leur pop sait rester fraîche et inspirée, comme celle des TV Personalities. «Tangerine» referme la marche et monte lentement, comme un levain de groove psyché pour finir en apocalypse selon Saint-Jean. Une vraie bénédiction.

    Signé : Cazengler, 1515s

    1990s. Cookies. Rough Trade 2007

    1990s. Kicks. Rough Trade 2009

    Trans. Red. Rough Trade 2013

    Trans. Green. Rough Trade 2014

     

    L’avenir du rock - Colonel Kurt

     

    Excepté sa femme de ménage, personne ne sait que l’avenir du rock est un gros collectionneur.

    — Ah bon ? Qui qu’y collectionne ?

    — Je te le donne en mille...

    — Bon zyva Mouloud, accouche !

    — Il collectionne les proverbes afférents.

    — C’est quoi des proverbes en fer blanc ?

    — Des locutions byzantines qui cristallisent l’essence de la stupeur boréale...

    — J’entrave que dalle !

    — Bon, je vais te citer un exemple qui va t’éclairer : C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes.

    — Mais non, c’est pas d’la soupe dans les vieux pots, c’est d’la confiture !

    — Si tu veux. Un autre exemple : C’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces.

    — Ah oui, j’comprends mieux ! Y doit faire aussi collection de bananes, ton avenir du rock !

    — Mieux que ça ! L’avenir du rock transcende la notion même de collection, et tu sais pourquoi ?

    — Beuuhhh...

    — Parce qu’il a la banane !

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    Pendant que nous deux amis épiloguent autour d’une bonne bouteille d’eau de vie de prune, penchons-nous sur le cas d’un vieux pot qui a lui aussi la banane : Kurt Baker. Et sacrément la banane car il fut un temps où sa power pop flamboyante illuminait l’underground franchouillard, via le mighty Dig It! Radio Show de Gildas. Par son exubérance, le Kurt Baker Combo sortait franchement du lot. Gildas adorait marcher du côté ensoleillé de la rue.

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    In Orbit ? Quel album ! C’est incendié dès «Upside Down», the Gildas way. Le colonel Kurt développe une fantastique énergie du power-poppisme, ça explose de vie du côté ensoleillé de la rue, comme il disait. On tombe plus loin sur la doublette fatale : «Rusty Nail» et «Count On Me». Le colonel Kurt envoie le gros de ses troupes, il joue sa carte maximaliste, en vieux renard du désert, les interventions sont spectaculaires, avec du solo killer qui tue les mouches, ça monte très vite en température. «Count On Me» est complètement couru sur le colbac, comme on dit, le colonel Kurt a du power pour un régiment, il flirte avec le génie en permanence, il développe des puissances insoupçonnables et ça finit par prendre feu. Il va bien plus loin que Dwight Twilley, enfin, ce n’est pas la même énergie. Mais on tient là un fantastique album. Il va continuer d’utiliser toutes les ficelles du genre, la cocote et les retours de manivelle. Ça devient fascinant au fil des cuts, car la qualité ne baisse pas. On le voit plus loin gérer son Tomorrow dans «Next Tomorrow». C’est un expert du Tomorrow, il sait amener les choses. Il termine avec un «Do It For You» un peu surexcité. Il fait son Graham Parker. Bon d’accord, les guitares, mais quand même.

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    Si on en pince pour la power-pop, alors il faut se jeter sur Let’s Go Wild. Dans son mighty Dig It! Radio Show, Gildas nous en avait servi les beaux morceaux, comme par exemple ce «WDYWFM» claqué d’entrée à la charley. Ça explose dans l’ancien ciel des nuits toulousaines, il faut avoir connu ça, high on speed all over the place, ce cut est d’une présence extraordinaire, what do you want from me, c’est à la fois exceptionnel et chargé des meilleurs souvenirs. Avec «Gotta Move It», le colonel Kurt va au glam comme d’autres vont aux putes. Il s’autorise tous les droits, il a ce pouvoir, celui de glammer la power-pop, c’est puissant, bardé d’all nite long. Dans «A Girl Like You», les guitares sont une énorme pustule de joie. C’est encore une fois complètement allumé et comme disent les Anglais, rather incendiary. Ah comme ce mot peut être beau dans la bouche d’un Anglais. Il résume tout l’art du colonel Kurt et le solo sonne comme l’arbitre des élégances. «No Fun At All» sonne à la fois très pop et très énervé. Le colonel Kurt n’est-il pas au fond un simple coureur de jupons pop ? Sa niaque le trahit un peu. Tout est gratté dans les règles du lard fumant. Tiens, encore une merveille : «Don’t Say I Didn’t Want You». Voilà le Kurt extrême, il fout le feu aux plaines et c’est tellement bardé de son qu’on croit rêver. Explosivité à tous les étages en montant chez Kurt. Le colonel Kurt sucre les fraises du chant.

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    On se doutait bien qu’avec Got It Covered, le colonel Kurt allait taper dans «Hanging On The Telephone». Pour tout power-popper, ce vieux hit des Nerves est un passage obligé. Le colonel Kurt pousse bien le bouchon, c’est l’hallali de power-pop maximaliste. Il tape aussi dans the Knack («Let Me Out») et se vautre avec Costello («Pump It Up», pas de quoi être fier). Il tape aussi dans Joe Jackson (l’horreur du son des années 80), dans Brinsley Schwartz («Cruel To Be Kind») dans le «Turning Japanese» des Vapors et revient enfin aux gros classiques avec «Trouble Boys» de Dave Edmunds. Bien vu, colonel. Il va droit au Dave.

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    Rien de particulier sur Rockin’ For A Living, hormis «Don’t Steal My Heart Away». Le colonel Kurt injecte pas mal d’énergie dans ses shenanigans et explose son poppy world aux clap-hands. Ils se spécialise dans le turbo-power. Ce que confirme «I Can’t Have Her Back». Le colonel Kurt ne fait pas dans la dentelle. Il bombarde bien les frontières. Il y va franco de port. Il adore prendre le taureau de la power-pop par les cornes.

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    Nouvel album solo en 2012 avec Brand New Beat. Encore une sorte de paradis pour l’amateur de power-pop. Pure folie que ce «Partied Out», le colonel Kurt cultive l’apanage des alpages, le son remonte par la jambe du pantalon, il est le roi de la gerbe, il dégueule sur la terre entière. Son «Everybody Knows» tape au bas-ventre, c’est brillant, les chœurs sont là, les dynamiques émerveillent, ce mec est un bon, il enflamme quand il veut. Il se paye même le luxe d’une Beautiful Song avec «She’s Not Sorry». On note au passage l’incroyable qualité du drive. Le colonel Kurt crée tout simplement de la magie. Voilà, ce sont les trois hits de l’album. Mais il y a d’autres jolies choses comme ce «Don’t Go Falling In Love» qu’il emmène à la force du poignet. Il baigne littéralement dans une friture d’excellence. Il repart toujours à 100 à l’heure comme le montre «Weekend Girls». Bon c’est vrai qu’il frise parfois cette pop FM qu’on déteste cordialement, mais il fonctionne à l’énergie pure. Il a tellement de voix qu’il sonne parfois comme Graham Parker et ça devient pénible. Il referme la marche avec «Qualified». Il repart toujours à l’assaut. À l’assaut de quoi ? Du rempart ! Il adore power popper à travers la plaine. Il adore la vie sauvage et le vent dans les cheveux. Il peut ramener du cocotage à gogo, il connaît toutes les ficelles, il a raison, au fond, d’éclater ses noix sous le soleil de Satan.

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    Le Play It Cool qui date de 2015 est un modèle de power-poppisme. Quatre cuts pourraient figurer dans n’importe quel best of de power pop, à commencer par «Enough’s Enough», qui sonne comme un hit du côté ensoleillé de la rue, richement drapé de son et d’or. Le colonel Kurt combine bien le sucre et le power. Même chose avec «Just A Little Bit», véritable brouet de rose éclose, il joue ça sous le soleil exactement et nous cloue le bec sans délai/délai avec un final dément/dément. Il ne baisse jamais sa garde, il faut le savoir. Encore une vieille dégelée avec «Doin’ It Right». Absolument parfait, il shuffle ça au too-too-right, ça titille derrière aux guitares de perfectos, c’est tendu et ça ne rigole pas. Il ne faut pas prendre les power-popsters pour des pieds tendres. Dès l’accord d’intro, «Back For Good» sonne comme un hit. Incroyable pouvoir de l’accord ! Ça dit la messe et donc la messe est dite. Après, tu crois en Dieu, donc ce mec Kurt est un diable, le pendant de Dieu, il t’embarque aussi sec, c’est un aficionado du win-win, du shake shake shake, ça sonne comme un hit inexorable capable de méduser tout le radeau de la Méduse. Quant au reste de l’album, il est assez aimable. Le colonel Kurt déboule bien, il adore le big riffing, il ne lésine pas sur le tartinage. Il cultive cette culture power pop de perfectos et de baskets et dès qu’il en a l’occasion, il s’en va cavaler à travers la plaine. On pourrait lui reprocher de sonner parfois comme les vieux crabes du genre, Plimsouls et compagnie, mais le colonel Kurt a un truc en plus. Il ne lâche rien, ça pétarade d’un bout à l’autre de l’album, avec tous les défauts du genre, c’est-à-dire trop de coke, mais ça passe. Le morceau titre sonne comme du Graham Parker, alors on peut en profiter pour aller pisser un coup. Il récidive avec «Prime Targets» et là ça coince. On perd le côté Kurt.

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    Paru en 2020, After Party pourrait bien figurer parmi les grands albums classiques de la power pop. Au moins pour trois raisons : «New Direction», «I Like Her A Lot» et «Wandering Eyes», c’est-à-dire les trois premiers cuts de l’album. Dès les premiers accords, il emmène sa power pop en enfer et ça explose - New direction/ New direction - Le colonel Kurt est le maître du genre, l’absolutiste définitif, il chope la pop par la grappe, ça frise le génie. «I Like Her A Lot» ? Fantastique power, suite et jamais fin, il pulvérise tous les records, il cocote comme un démon et ça explose en bouquets d’oh yeah avec des chœurs de Dolls et du power punk. Il allume tous ses cuts un par un avec un son capable de rendre un homme heureux, Kurt is the king. Il amène «Over You» au riffing de type Cheap Trick. Le colonel Kurt navigue dans le même univers d’élégance électrique, sa power pop descend bien sous la peau. Et voilà qu’il va faire un tour on the Beach avec «Used To Think». Il ramène des finesses inexplorées dans le Beach Boys Sound, les chœurs sont un hommage direct. Et puis voilà qu’arrive le coup de génie de l’album : «Shouldn’t Been The One». Fabuleux déluge de power-chords ! Une vraie bénédiction. Il passe un solo en forme d’éclat exponentiel et on entend de gigantesques clameurs au coin du couplet. Le solo darde comme un soleil. Il enveloppe tout ça aux accords de la victoire, avec le son du cor. Stupéfiant !

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    Il existe aussi un excellent album live du Kurt Baker Combo, Muy Mola Live. C’est là dessus qu’on trouve une cover somptueuse du «Don’t Look back» des Remains. Fantastique élan patriotique ! Ils redorent le blason d’une pop sixties de dimension inter-galactique. Le reste de l’album comblera les fans de power-pop, notamment cet «Aorta Baby» monté sur un riff des Heartbreakers ou encore cet «Everybody Knows» amené comme une vraie dégelée. Le colonel Kurt sait jeter de l’huile sur le feu de sa power-pop. Une autre merveille se planque en B : «Tired & True», chanté au jus de juke sucré. Superbe exercice de style. Le colonel Kurt sort tout droit du Brill, avec des harmoniques magiques.

    Signé : Cazengler, Kurt Bakon

    Kurt Baker Combo. Muy Mola Live. Collector’s Club Records 2014

    Kurt Baker Combo. In Orbit. Wicked Cool Record Co. 2016

    Kurt Baker Combo. Let’s Go Wild. Wicked Cool Record Co. 2018

    Kurt Baker. Got It Covered. Oglio Records 2010

    Kurt Baker. Rockin’ For A Living. Stardumb Records 2011

    Kurt Baker. Brand New Beat. Collector’s Club Records 2012

    Kurt Baker. Play It Cool. Ghost Highway Recordings 2015

    Kurt Baker. After Party. Wicked Cool Record Co. 2020

     

     

    ROCK’N’ROLL

    RHYTHM’N’BLUES / ROCKABILLY / REVIVAL

    CHRISTOPHE BRAULT

    ( Le Mot et Le Reste - Novembre 2O21 )

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    Un livre hotement recommandable. Pourrait s’intituler à la recherche des pionniers du rock. Christophe Brault use souvent de cette expression, Pas dans le sens où les rockers l’emploient. En France elle sert à désigner les grands rockers, Bill, Elvis, Gene, Buddy, Jerry, Chuck, Little, Bo, etc… la sainte famille en quelque sorte, on utilisait aussi le terme de rock classique puisqu' ils étaient ceux qui avaient créé les grands classiques, titres phares et incontournables du rock ‘n’ roll, aujourd’hui cette dernière expression désigne le rock des seventies, chaque génération ne va guère chercher bien loin l’origine de la source de la rivière à laquelle elles s’abreuvent.

    Faut dire qu’au début des années soixante et encore davantage durant les inaccessibles fifties, les informations étaient difficiles d’accès. Nous a fallu des hasards de rencontres incroyables et une longue quête obstinée pour dégager les pièces du puzzle et comprendre comment elles s‘assemblaient. Heureux les néophytes du millésime 2022 qui n’auront qu’à ouvrir et à lire les trois cents pages de ce volume pour tout savoir.

    Il y a longtemps que cela dure, le rock ‘n’ roll à la vie dure chantonnait Eddy Mitchell en 1966, il ne croyait pas si bien dire, de 1945 à 2021, le rock ’n’ roll n’est jamais mort, l’on a bien réussi à le bâillonner de temps en temps, l’on a annoncé sa radiation du monde des vivants à plusieurs reprises, mais il est à chaque fois ressorti de sa tombe aussi frais qu’un gardon. Ce sont ses vies ( de cat ), ses morts et ses renaissances que nous conte Christophe Brault avec brio. Commence par une longue introduction de soixante pages. Fort instructives. Le lecteur a intérêt à débuter par là, et surtout pas à s’amuser à piocher au gré de ses connaissances et de ses ignorances dans la présentation des cent disques qui ont fait le rock ’n’roll. Chez Le Mot et le Reste, ils aiment ce système, genre les cents albums indispensables du hard-rock. La loterie est un peu frustrante, c’est toujours le cent-unième qui vous a marqué à vie qui n’est pas répertorié. Ils l'appliquent systématiquement à tous les styles qui ont traversé ou qui ont été phagocyté par le rock ’n’roll. A part qu’évidemment il n’ y a qu’un seul rock ‘n’ roll pur et dur, celui des pionniers et du début. L’était d’ailleurs temps que la collection s’intéressât à la bête idoine. C’était à croire qu’ils étaient comme ces chercheurs si satisfaits de leurs connaissances qu’ils en oublient de rechercher le chaînon manquant. Ou plutôt, car les choses ne sont jamais simples, le rock ‘n’roll n’échappe pas à cette règle, les chaînons manquants. Rappelons-nous ces explorateurs qui remontaient le Nil pour en trouver la source et qui en découvrirent mille.

    Le rock a méchamment rusé. N’est pas apparu en ce bas monde sous son nom. Le papillon ne rampe-t-il pas sous la forme d’une chenille avant de s‘envoler ? C’est la faute à ces damnés nègres. Non contents d’inventer le blues, ils ont en plus inventé le rock ’n’ roll. L’on comprend que certains blancs à l’esprit étroit en aient développé un complexe d’infériorité qu’ils camouflent sous un sentiment de suprématisme racial des plus stupides. Bref on a tâtonné avant de lui donner un semblant de nom respectable. Donc les noirs ont inventé le rhythm ’n’ blues. Hélas ces sauvages ont posé le doigt ( bientôt toute la main ) là où ça fait du bien. Sur le sexe. Quand on se remue le popotin. Z’avaient sans cesse les mots ( et le reste ) rock et roll à la bouche auxquels ils attribuaient un sens sans équivoque. Quand les petits blanc s’y sont mis, sont restés coincés sur l’organe le plus bestial de la chair humaine tout de même fabriquée par le bon dieu tout puissant. On ne pouvait pas dire qu’ils faisaient du rhythm’n’ blues puisqu’ils étaient blancs, pas question de mélanger les torchons et les serviettes, la terrible expression rock ‘n’roll, que les meilleurs d’entre eux se sont attribués, leur a été estampillée comme un stigmate d’infamie…

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    Toute la musique vient de là, elle vient du blues, selon Hallyday, Johnny ne saurait avoir totalement tort, toutefois le rock vient aussi du gospel. Chant religieux des noirs. Parce que dans leur extraordinaire et incompréhensible bonté non contents de donner gratuitement du travail à leurs esclaves les maîtres blancs leur ont en plus refilé leur dieu de notoriété commune bon comme du pain blanc. Au début les noirs se sont bien conduits, z’ont appris les cantiques, mais leurs petits enfants au lieu de chanter les grâces divines ont préféré s’appesantir sur celles de leurs petites amies… Bref doo Wop et Rhythm ’n’ blues ont donné naissance au rock ‘n’roll.

    D’ailleurs le terme de rock ‘n’ roll sentait tellement le soufre noir qu’il a été remplacé par l’expression rockabilly. Il existe une explication officielle des plus logiques : les jeunes blancs - même ceux que leur maman ( Elvis ) et leur papa ( Jerry ) amenaient à l’Eglise n’écoutaient pas le blues diffusé sur les radios réservées aux noirs sur lesquelles ils ne s’aventuraient jamais ( croix de bois, croix de fer, si le mens je vais en enfer ) ne connaissaient que les courants du country ( hillbilly, western swing, bluegrass… ), cependant l’on ne m’ôtera pas de l’idée que rockabilly lave plus blanc que rock ‘n’ roll…

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    Bref, chauffé à blanc par les noirs, le rhythm ’n’ blues se transforme en rock ‘n’ roll. Pas pour très longtemps, l’ouragan débute en 1954, atteint son apogée en 1956, s’éteint après 1958. Cinq ans de folie. Le système a tôt fait de resservir les restes. Avec les mots doucereux qui vont avec.

    Le mot fin s’affiche sur l’écran. Tout le monde est content. Dix ans plus tard le serpent en hibernation se réveille. C’est le premier revival, tout le monde y met du sien, jusqu’à Elvis qui quitte la scène définitivement. Le Roi est mort, de jeunes princes sont prêts à prendre la relève. Christophe Brault décrit avec minutie non pas le phénomène revival, mais les revivals qui se succèdent tels s’enchaînent les anneaux du python réticulé prêt à mordre la pomme qu’il vous tend.

    L’on arrive aux cents albums miraculeux su rock ‘n’ roll. Si vous en ignorez un seul, c’est que vous n’y connaissez rien. C’est le moment d’admirer l’artiste. Ne vous présente pas l’album, parce qu’au début il y a beaucoup de simples, travaille sans filet, ne possède que deux pages ( une et demie en enlevant l’illusse ) pour évoquer l’artiste, ceci explique qu’il favorise les rééditions emplies d’inédits, s’attarde souvent sur les périodes fastes, n’a pas son pareil pour ‘’ donner une idée ‘’ tracer un portrait significatif d’un style, d’une attitude. Je vous laisse vous régaler.

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    Il est totalement inutile de venir vous plaindre, votre chouchou n’a pas été choisi, il en manque un max, Tony Marlow, Hervé Loison pour ne citer que deux exemples de par ici, certes Christophe Brault mérite au moins la mort, pourtant l’en rajoute cent de plus en annexe. Quelques lignes seulement, mais quel bonheur par exemple de retrouver Jezebel de Toulouse. Car il se débrouille bien, l’a de l’étoffe le Christophe, croque finement, traverse l‘océan, les Amerloques, les Englishes, les Frenzouzes, les européens, les puristes et les déviants, les psychos et les teddies, toute la gamme du rockabilly y passe, z’avez l’impression de lire un livre d’histoire et d’aventures, n’oublie rien, ni la bibliographie, ni la filmographie, ni le top cent des pionniers du rock ‘n’roll de 1945 à 1954, et puis il y a la fin.

    Pas le genre de mec à chialer et à sortir son mouchoir. Ces dernières années le rockab ne sort pas trop de sa bulle d‘amateurs fervents et passionnés, le Brault n’enfonce pas pour cela les clous dans le cercueil, l’épopée n’est pas terminée, les cendres rougeoient, pas la peine de les inonder de vos larmes d’alligators édentés, l’incendie reprendra un de ces jours, même pas le besoin de le spécifier, rock ‘n’ roll is here to stay !

    Damie Chad.

     

    ROCK & FOLK

    HORS-SERIE N° 10Décembre 2O22

    EPOPEES ROCK & AVENTURES POP EN FRANCE

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    Le mois de janvier est la saison des inventaires, cette coutume marchande explique vraisemblablement la présence de cette chronique à la suite de la précédente. Elles se suivent mais ne se ressemblent pas. Si la première est purement Rock 'n' roll cette deuxième batifole quelque peu dans les champs de la variété, dépêchons-nous de spécifier de qualité, pour ne fâcher personne car le rock français est une denrée assez rare et il a fallu remplir les cales de ce navire de cent trente tonneaux ( hisse et haut Santiano ! ). Remarquons qu'il y a longtemps, que je je n'avais pris autant de plaisir à lire un numéro de cette revue qui n'est plus ce qu'elle a été.

    Dix pages pour dix ans, pour la période 1956 – 1966 la plus pléthorique du rock français, c'est peu, trop peu, s'ouvrent sur une superbe photo double page de Noël Deschamps, dommage que par la suite il ne lui soit pas consacré un véritable article, s'il est un rocker français qui a su, très tôt, chanter du rock en français sans en aligner le phrasé sur l'anglais et l'amerloque, c'est bien bien lui, c'est bien le seul. Tout en évitant le côté grotesque ( hélas point poesque ) à l'emporte-pièce de beaucoup d'autres. Le rock en France est une plante importée. Au début l'on ne sait pas trop quoi en faire. Alors on le manie, non pas avec des pincettes, mais avec les grosses tenailles de la gaudriole gauloise. Mac-Kak ( le meilleur ), Moustache ( déjà un cran au-dessous), Henri Salvador ( au dessous de tout ) remportent le pompon. Vivement les années soixante. Elles arrivent. Johnny Hallyday, Les Chaussettes Noires, Les Chats Sauvages passés en revue au pas de course. Pour la flopée des groupes qui déboulent, c'est carrément ceinture, ni noire, ni blanche, invisible... Tout le reste en queue de colonne exécutés au maximum en quatre balles, excusez-moi, en quatre lignes, Thierry Vincent, Gil Now, les 5 Gentlemen méritent beaucoup mieux.

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    Du coup l'on saute à la page 108. Nous reviendrons sur les feuilles précédentes. C'est-là que l'on tire le bilan d'une opération rock 'n' roll, comme la France n'en a jamais connu. Un coup monté. Pas par n'importe qui, par des spécialistes. Des sommités. Rock & Folk lui-même. Eric Delsart se charge de tirer le bilan de ce coup aussi raté que le débarquement organisé par la CIA sur les plages de la Baie des Cochons à Cuba. Le tout partait d'un bon sentiment. Le rock relevait la tête en Angleterre, ces sacrés anglais se regroupaient derrière la bannière des Libertines, en France c'était Waterloo morne plaine, elle se devait de relever la tête, après Wellington et les Rolling Stones on allait voir ce qu'on allait voir. Un belle douche d'eau froide, un pschitt citron, acide. Une hirondelle ne fait pas le printemps, une nichée non plus. Pourtant ça piaillait dur. A Paris. L'on assistait à un renouveau rock parmi la jeunesse. Alors chez Rock & Folk avec Philippe à la Manœuvre l'on a hissé le pavillon bien haut, organisation de concerts hebdomadaires et grand pavois de couverture consacrés à trois nouveaux groupes : Naast, BB Brune, Plasticines ( cornaquées par Maxime Schmitt, un personnage essentiel du rock français, guitariste du Poing un des groupes qui maintint la flamme rock 'n' roll, manager producteur de Kraftwerk ( modernité rock ) co-auteur de la superbe BD Vince Taylor n'existe pas ). Du jamais vu dans la revue en cinquante ans d'existence, ce n'était plus de l'exaltation mais de la promotion. Les critiques ont commencé à pleuvoir. Lycéens branchés issus de la bourgeoisie. Il est étrange de se soucier de guerre de classe non pour se battre afin d'acquérir des conditions d'existence rimbaldiennes mais pour injurier et insulter... Au final la bulle s'est dégonflée. Eric Delsart a beau s'extasier sur le CD de Naast, y entrevoir le paradis français des french sixties – 60-64 - retrouvées, la galette ne fait pas le poids avec ses aînés, pour un objet rond c'est même carrément mauvais. Chaussettes propres et chats castrés d'appartement. Les Plasticines avaient davantage d'authenticité et de charme. Par contre l'a raison le Delsart lorsqu'il affirme que l'artefact qui traduit le mieux l'essence ( très volatile ) des baby boomers reste leur opus Blonde comme moi, qualifie le chanteur de tête à claques – ce qui est assez méchant pour les claques obligées de s'y poser dessus – mais l'avait le sens du texte et de l'air du temps.

    Revenons en arrière. Page 40 : La révolution du rock français ( 1968 – 1973 ) : Philippe Theyiere se tire assez bien du buisson ardent de l'impossible, quatre pages ( deux en retirant les photos ) pour donner une idée de la chienlit issue de Mai 68. Le problème n'est jamais là où on le signale. L'est avant, en ces pleines pages consacrées à Françoise Hardy, Jacques Dutronc, Michel Polnareff, Nino Ferrer, Christophe, des personnages dans l'ensemble sympathiques, géniteurs d'une longue carrière, des artistes, appuyez un peu sur ce terme, OK, d'accord, z'ont marqué leur génération comme les rayures définissent le zèbre, entre nous soit dit l'on préfère celles du tigre, un animal carnassier beaucoup plus rock. Ce qui est marrant – j'ai failli écrire irritant – en lisant leurs biographies, chacune bénéficiant d'un scripteur particulier - c'est que hormis l'homme au cactus dans son slip, z'ont un peu la manie de se regarder le nombril. Sont tous un peu perdus en eux-mêmes. Etait-il nécessaire de leur donner l'occasion, du moins pour les survivants, de se mirer encore une fois dans le miroir qui leur leur renverra une image qu'ils ne trouveront pas satisfaisantes.

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    Par contre après ça va mieux. Les choses deviennent sérieuses. Résolument Rock. Magma, le seul groupe français à apporter quelque chose de neuf au rock des ricains et des tommies. Une dimension européenne. Culturelle. Après Coltrane, le jazz s'est trouvé au fond de l'impasse. Impossible de faire mieux. Les suivants ont dû casser le jouet pour débloquer la situation. Z'ont libéré le passage, mais il a débouché sur le vide et les tentations nihilistes du Free. Facile de déchirer la coque des nefs aventurières sur les icebergs du noise. Les rockers – notamment les Stooges et les New York Dolls – deux époques différentes mais toutes deux confrontées au quitte ou double du surpassement - ont préféré insuffler la thérapie de choc de l'électricité outrancière. Magma est allé chercher du côté de l'expressionnisme musical allemand – à l'époque se sont faits traiter, par les ignares et les incultes, de fachos – quatre-vingt musiciens ont participé à l'aventure magmaïque, à tel point qu'aujourd'hui parler de Magma c'est nommer une aventure musicale à part entière, plutôt un mouvement en marche ( expression très mal connotée ) qu'un groupe.

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    L'on passe à la tierce majeure du rock français. Variations, Little Bob, Dogs. Les Variations ont essuyé les plâtres. Sont arrivés trop tôt et partis trop vite. La France n'en a pas voulu. A part une poignée de mordus. Parfois l'Histoire s'écrit à l'envers. Nombreux les bluesmen qui ont trouvé refuge par chez nous, et Gene Vincent, et Vince Taylor... eux se sont exilés aux USA pour partager à égalité la scène avec les plus grands... Stan Cuesta leur dresse avec style une stèle qui remémore toutes leurs victoires. Little Bob est un rocker, ne compte pas sur les chieurs d'encre pour raconter sa légende. Prend la parole et ne la lâche plus. Dit tout ce qu'il a à dire et règle ses comptes. Du côté du Havre l'on a l'habitude du vent qui souffle fort. Lui c'est l'Angleterre qui l'a reconnu à sa juste valeur. Nul n'est prophète en ses pays. Rock & Folk se prend la gifle de son existence, ces derniers temps l'on parle davantage de Little Bob dans le Figaro que sur le mensuel au service du rock 'n'roll depuis 1966... La saga des Dogs laisse un goût d'inachevé. La disparition brutale de Dominique Laboubée a mis un terme à l'aventure bien trop tôt. Les Dogs ressemblent un peu la poignée des Résistants qui se sont levés lorsque la France s'est rendue à l'Allemand. Mais eux, n'ont connu que les temps les plus durs. Lorsque la force stupide triomphe dans le monde entier. Et que l'espoir trébuche. Dans les années 80, c'est le rock qui reflue de partout. Subsisteront malgré tout. Comme ces troupes qui s'enterrent pour laisser passer les blindés sur leur tête. Quand ils partiront à la reconquête sur les arrières de l'ennemi, la mort saisira l'âme indomptable du groupe.

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    L'ineptie des choses nous aide à comprendre qu'il est des questions sans réponse. Pourquoi entre Magma et la sainte trinité suivante, ont-ils intercalé Brigitte, je sais bien qu'il ne faut jamais dire Fontaine je ne boirai pas de ton eau, mais là ça tombe comme un cheveu sur la soupe, comme un crachat de tuberculeux dans un sandwich au poivre de Cayenne.

    Depuis hier soir je hais Benoît Sabatier. Non, ne le frappez pas. Il ne m'a pas fait de mal. Ce serait plutôt le contraire. M'a convaincu que j'ai peut-être commis une erreur, que je me suis engagé en un stupide cul-de-sac. Son article sur Metal Urbain, me révèle un groupe auquel je ne réservais qu'une moue dubitative si l'on évoquait son nom devant moi. Me serais-je trompé. N'aurais-je rien compris au film. Un homme qui par sa vision et sa plume vous fait douter de vous, même s'il se révèlera après vérification que vous n'aviez pas tort, est digne de louange et d'admiration.

    Pierre Mikaïloff se penche sur le cas Téléphone. Pourquoi ont-ils eu tant de succès. Pourquoi ont-ils vendu des albums par centaines de milliers d'exemplaires. Parce que c'était un bon groupe. Oui, mais cela ne suffit pas. Parce qu'ils ont choisi de chanter en français. Un bon choix, qui renouait avec les débuts du rock hexagonal, qui leur a permis de toucher un public peu familiarisé avec la langue anglaise. Mikaïloff qualifie ce choix de stratégique. Z'ont aussi bénéficié de leurs maisons de disques. Elles ne se sont pas contentées de les enregistrer. Les ont appuyés, soutenus, diffusés, de tous leurs moyens. Ont notamment bénéficié d'un service de presse inimaginable. Pourquoi ont-ils splitté ? Divergences sinon philosophiques du moins existentielles, sûrement musicales. Ce qui est certain c'est qu'ils n'ont pas su préserver le groupe. Cela demande une maturité à laquelle même les Beatles ne sont pas parvenus. N'avaient pas les épaules assez larges pour accéder à une dimension internationale. Avoir l'énergie des Stones est de l'ordre du possible. Leur cynisme et leur sens des réalités beaucoup moins.

    Deuxième incompréhension métaphysique, l'insertion de Bashung entre Elli & Jacno et Daniel Darc. L'était davantage à sa place après Téléphone... Je passe vite, n'ai jamais eu de fibre émotionnelle avec les Stinky Toys, Taxi Girl, Rita Mitsouko, et la génération suivante et alternative, pas plus avec Bérurier Noir qu'avec la Mano Negra, de même déficit générationnel prononcé envers Daft Punk, Phoenix, Air... Dernier chapitre : Et Maintenant ? Le rock est retourné dans les caves. Dans les marges. Beaucoup de groupes s'agitent dans l'ombre. Tous styles mélangés. Les media s'en détournent. La fête continue. L'on cite des noms un peu dans le désordre. Pas de direction nettement établie ou favorisée. L'on oscille entre rock pointu et variété qui n'ose pas dire son nom. Le lecteur dispose d'une ultime session de rattrapage, 80 disques fantastiques, dans la série n'oublions personne on a essayé de contenter touts les franges du grand public. Souhaitons que les rats qui seront prêts à remonter dans les navires par les amarres soient ceux qui nous ramèneront la peste noire et irradiante du rock 'n' roll en notre monde figé d'ennui !

    Damie Chad.

    RAUNCHY BUT FRENCHY ( 6 )

    HOLLY DAYS IN AUSTIN ( I )

    DICK RIVERS

    ( New Rose / 1991 )

    Holly Days in Austin suit Linda Lou Baker enregistré en 1989 et chroniqué par nos soins dans notre livraison 524 du 07 / 10 / 2021. Comme son titre l'indique Dick est allé l'enregistrer à Austin. L'en a exactement enregistré deux, celui-ci en français et un second qui reprend 12 des vingt titres de celui-ci en leur idiome originel l'anglais. Nous chroniquerons prochainement ce deuxième album lui aussi intitulé Holly Days in Austin. Les huit titres qui ne figurent pas sur ce deuxième album sont ci-dessous marqués en vert.

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    Beaucoup de monde crédité : nous ne citons pas in extenso : des musicos locaux du Arlyn Sound Studio : Speedy Sparks : bass, acoustic / Charlie Sexton : guitar, bass, piano / Mike Buch : drums / Floyd Domino : piano / Joe Gracey : producteur / John Mills : saxophone / Marcello Ghana : accordéon / Steve Doerr : harmonica.

    Parmi les froggies hormis Dick Rivers on remarquera Claude Samard et Denis Benarrash.

    Chris Spedding vient faire un tour avec sa guitare. Je ne voudrais pas donner l'impression de dénigrer le boulot des musiciens, mais s'il y en a eu un que je n'aurais pas voulu remplacer c'est Bernard Droguet, chargé de transposer les morceaux de Buddy Holly en français. Les vingt titres sans exception. Les lyrics de Buddy ne sont pas de la haute poésie, mais quand il les chante ça coule sans bruit comme les clapotis de la Seine sous le pont Mirabeau de Guillaume Apollinaire. Belle gageure. Que Dick Rivers ait eu envie de rendre hommage à Buddy Holly n'est guère surprenant, ne nasille pas à la texane mais il possède un organe flexible capable d'épouser les inflexions les plus nerveuses comme les plus suaves. Si l'on y réfléchit un peu, sans en avoir écouté une seule seconde, une seule expression se présente à l'esprit pour qualifier un tel album : complètement casse-gueule !

    Austin ! Oh boy ! : ( Oh ! Boy ) : ce que l'on appelle une mise en épingle, d'entrée deux des meilleurs titres de Buddy Holly que le gars de Lubbock avait emprunté à Sunny West, autant dire que Dick ne se dérobe pas devant l'obstacle. Les chœurs en arrière et le drummin' en avant, quand arrive la guitare l'on se rend compte que l'orchestration ne recherche pas la copie conforme, La magie de la version de Buddy repose sur la cohésion totale de l'ensemble vocal / musique qui forme un tout dissemblable, Rivers et son équipe n'y parviennent pas, nous refilent le morceau en pièces détachées, imaginez que vous ayez à monter votre nouvelle machine à laver avant de l'utiliser... pas de sitôt que vous enfilerez une chemise propre.

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    Yvonne : ( Rave on ) : difficile de faire plus franchouillard pour le titre, mais l'on s'en fout, autant le précédent est un peu démantibulé autant celui-ci est réussi, pourrait nous le chanter en araméen le Dick, qu'on n'y verrait du feu, ça déboule sec, le Rivers se colle à la musique et ne lâche pas, un piano à la Jerry Lee vous tarabuste le tout,et un solo de guitare pratiquement fuzzée vous esbroufe l'omelette sans pitié, le Buddy en acquiert un coup de jeune qui lui va comme un gant. Elle a l'rythme : ( Well, all right ) : la version 58 de Buddy fleure bon la ballade country appuyée, Dick Rivers balance la salade un peu trop vinaigrée, lui manque les merveilleuses intonations de Buddy, alors la guitare appuie, l'on est loin des années cinquante, l'on n'en est pas malheureux pour autant. Faut vivre avec son temps. Gatsby : ( Heartbeat ) : amis rockers, un détour lecture s'impose, Bernard Droguet sort le grand jeu, l'a jeté à la poubelle la sentimentalité bébêto-gnan-gnan des lyrics de Buddy, c'est la silhouette de Gatsby le Magnifique, héros du roman de Scott Fitzgerald qui déambule de couplet en refrain tout le long de cette chanson, je n'irais pas jusque à dire que Droguet / Rivers surpassent Buddy, faut tout de même reconnaître qu' à tous deux ils surclassent ce monstre sacré de Holly, une parfaite réussite, comme toujours quand le rock rejoint la littérature. Quelques notes pour la mort d'un amour : ( It doesn't matter anymore ) : pas un hit inoubliable de Buddy, cette reprise de Paul Anka enregistrée en 1959 laisse présager le pire pour le futur de Buddy Holly, peut-être est-ce pour cela que la grande faucheuse s'est dépêchée d'y mettre un terme. Rivers et ses sbires y rajoutent un gimmick de rythmique qui noie le poison hollywwodien de l'original, de la variétoche l'on passe au country et ce n'est pas mal du tout. Mauvais signe : ( Reminiscing ) : un morceau de King Curtis avec un sax qui fleure bon le rhythm 'n' blues noir, et Buddy qui vous prend sa petite voix de souris quémandeuse d'un morceau de fromage, un sax moins jazzy qui fuse mixé trop loin à notre goût, le Rivers assure mais ne se surpasse pas. Nous ne lui décernerons pas les trois camemberts d'or. Y a que toi qui sais ( ma p'tite canaille ) : ( True love ways ) : une ballade de Buddy, sentimentale à la mords-moi-le-nœud avec violons et voix mignonne, mais écoute-t-on Buddy pour ses bluettes, hélas oui. Rivers hausse la voix, nous la joue au gars qui a beaucoup vécu, reconnaissons que c'est plus viril que les larmes de Buddy, faute de violon z'ont mis une pedal steel du coup la chansonnette ne pédale pas dans la choucroute. Cool !

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    C'est une femme : ( Take your time ) : encore une mignonnette de Buddy, sûr que l'on ne perd pas son temps à l'écouter, mais l'on n'en gagne pas non plus, Dick s'en tire avec brio, sa voix s'insinue comme une langue aigüe et câline dans une foufoune, et derrière ils jouent gentiment pour ne pas le distraire. A croire que nous ne vivons pas toujours dans un monde de brute. Envie d'elle : ( Everyday ) : un miracle de gracilité, une bonbonnière, une boîte à musique, un chef-d'œuvre de Buddy, je concède que c'est un peu cucul la praline, une mignardise louis XV pour mettre tout le monde d'accord, le Dickie n'y rentre pas avec de gros godillots, mais l'orchestre a enfilé des chaussons de danse, font parfois un peu trop de bruit, et le Rivers se prend au jeu, il force un peu trop sa voix, dommage ! Y a pas de remède à l'amour fou : ( Love 's made a fool of you ) : un titre qui à coup sûr vous rend fou de Buddy, vous transforment un peu le jungle sound souterrain de Buddy, le hachent davantage ce qui permet à la guitare de belles envolées, et le Dickie sautille là-dessus par dessus les brindilles comme une petite fille qui joue à la marelle équipée de béquilles. Oublie : ( Wishing ) : une tarte à la myrtille dégoulinante de Buddy, le vocal un peu acide à la manière de ces fruits dont les ours se régalent, Rivers use de ses intonations de rocker, grosse voix et miaulements de fond de gorge qui se marient à merveille avec la guitare tranchante, parfait pour sonoriser une de ces scènes de western dans lesquelles il ne se passe rien, mais qui laissent présager l'arrivée de l'orage. Laisse-moi tomber : ( Listen to me ) : encore une de ces petites merveilles de Buddy que l'on réprouverait chez tout autre, chansonnette parfumée au country le plus pur, avec voix susurrante au milieu, vous la traitent avec davantage de désinvolture, lui refilent du peps, pas de vocal implorant en position de libero, l'on est entre hommes et l'on s'amuse, nous aussi. Daisy ! Daisy ! : ( It's so easy ) : l'on oublie la reprise de Linda Ronstatd, celle de Rivers ne l'approche pas, trop gentillette, trop quelconque, derrière ils y mettent tout leur cœur mais parfois la réussite n'est pas facile.

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    Un seul baiser d'elle : ( That'll be the day ) : un des rares morceaux de Buddy que je n'aime pas, et plank ça ne rate pas, je m'ennuie autant, l'ont pourtant édulcoré, l'ont recoiffé et rendu moins criard, mais non, ça ne passe pas. He oui baby ! : ( Maybe baby ) : un chef d'œuvre absolu de Buddy, et là Dickie se plante, je suis incapable de dire pourquoi, mais ce qui pêche c'est bien le vocal de Dick, a contrario des chœurs qui savent rester discrets et efficaces. Fais c'que tu veux : ( Think it over ) : un petit côté bastringue assez rare chez Buddy dans ce morceau, nous la font style grand spectacle avec cuivrerie apparente et piano à la Jerry Lou, Dick nous l'envoient à la perfection entre les deux poteaux. Un beau drop. Y a que ça de vrai : ( Not fade away ) : encore un chef-d'œuvre de Buddy encore que les Stones l'ont transfiguré, lui ont insufflé un virus chuckberryen du meilleur effet, ici la version partage la poire en deux, côté Stones pour la musique électrifiée, et de l'autre côté vocal vieux rock, z'y rajoutent même des chœurs à la Animals, curieux patchwork pas du tout repoussant. Plus proche de ce que fit Dick sur ses disques de reprises avec Labyrinthe. Comme un fleuve fou : ( Words of love ) : une coulée de miel typique du créateur de Peggy Sue, les Beatles l'ont reprise, leur version ne vaut pas l'originale, celle de Dickie non plus, mais orchestralement elle vaut mieux que celle des Fab Four qui patchoulise un peu trop. Sourire, souffrir, ou pire : ( Crying, waiting, hoping ) : l'ont rallongée pour faire durer le plaisir, c'est la guitare de Buddy alliée aux légers soubresauts de la batterie qui rayonne dans ce morceau, ici la batterie est trop présente, par contre le solo d'accordéon ne choque pas, Rivers s'en tire grâce au velouté de sa voix moins grêle que celle de Buddy, mais l'ensemble n'est pas tout à fait au niveau. On est tous dans le même rock 'n' roll : ( I'm lookin' for someone to love ) : un des morceaux les plus rockabilly de Buddy, Dicky l'infléchit dans une tonalité franchement plus rock, une belle manière de terminer l'opus, d'autant plus que Buddy saccage son résultat avec son final digne d'une ballade.

    L'est sûr que Dick Rivers s'est fait plaisir, revisiter vingt chansons de Buddy Holly en français, voilà le genre de projet qui ne naît pas spontanément durant le petit dèje dans la tête de tous les mangeurs de grenouilles, d'ailleurs à mon humble connaissance Rivers est le seul à l'avoir tenté. Faut être de cette même génération pour goûter tout le sel ( et tout le sucre ) d'une telle entreprise. Par la force des choses, un truc typiquement rock français. Reste que pour l'apprécier pleinement, faut écouter le deuxième Holly Days in Austin, en langue originale, afin de mieux entendre le sens de cette démarche périlleuse. Rendez-vous la semaine prochaine, dans notre livraison 537.

    Damie Chad.

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    UNE TENEBREUSE AFFAIRE

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    EPISODE 13

    UN HORRIBLE SPECTACLE

    Nous étions aux premières loges, tels des empereurs romains assistant à un spectacle sanglant de gladiateurs. Le combat semblait inégal, un contre plus de deux cents, mais il n’en n’était rien, armé de son bec d’ibis rouge Charlie Watts n’éprouvait aucune pitié, il officiait méthodiquement et à toute vitesse, le chargement de sable - arène sanglante - rougissait rapidement, les cadavres s’empilaient derrière lui, le Chef alluma un Coronado et se laissa aller à quelques commentaires esthétiques :

    _ Les Stones, même réduits à une seule individualité, seront les toujours les Stones, nos demoiselles regretteront certainement la tournée avec le gros zizi gonflable, toutefois il faut reconnaître que cet ibis amarante projeté derrière Charlie comme sur un écran géant qui n’existe pas donne à la scène un cachet indéniable et une ampleur irrésistible, sans doute s’en resserviront-ils dans leur ultime tournée en hommage à Charlie…

    _ Oui mais tous ces innocents qui meurent alors qu’ils n’y sont pour rien, s’écria Framboise, cela me donne envie de vomir

    _ Surtout pas sur mes chaussures de daim bleu, l’interrompis-je

    _ N’ayez aucun regret Framboise, lorsque nous courions vers le bateau-mouche, avez-vous remarqué que la musique sur laquelle ils dansaient n’était autre que La marche des canards, ces béotiens ne méritent pas de vivre, et en plus, quelle belle mort, tués par Charlie Watts, il y en a qui se suicideraient en se laissant tomber du haut d’un cocotier pour avoir un tel trépas digne d'un roi, quand je pense…

    Hélas Joël interrompit la profonde méditation du Chef. Plus tard lorsque l’aventure fut finie - nous n’en sommes qu’aux épisodes du début - nous supputâmes longtemps l’aphorisme définitif par lequel le Chef voulait terminer sa tirade. Comme nous ne parvenions pas à nous mettre d’accord, nous nous en ouvrîmes auprès de lui : ‘’ C’est bien simple, nous répondit-il, je crois que je voulais dire : quand je pense que j’ai un Coronado à allumer, je manque à tous mes devoirs !’’

    DERNIERE NOTE FUNEBRE

    Joël avait remarqué qu’une flottille de vedettes de gendarmerie barraient la Seine à deux cents toises en avant. Des hors-bords du GIGN, s’élançaient vers la péniche noire qu’ils escaladèrent à l’aide de grappins. C’était trop tard. L’immense ibis s’estompa en quelques secondes et Charlie Watts disparut. Les policiers demeurèrent interdits devant le carnage. Un silence de mort planait sur la péniche.

    - Plus rien à faire, déclara l’officier qui leva la main pour arrêter l’indécision de ses hommes.

    Mais il se trompait. Un entassement de cadavres s’effondra brutalement. Il était indéniable que ça remuait par-dessous, un bras surgit de l’entremêlement des corps, un individu cherchait à s’extraire du charnier, nous le reconnûmes dès que sa tête émergea, c’était Roméo ! En pleine forme, il chantonnait :

    _ Il ne m’a pas eu, me suis caché sous les morts, et maintenant à moi la belle vie, les palaces, les putains, le fric, tra-la-la-lère, sont tous crevés sauf moi, parce que je suis riche à millions, merci Juliette !

    _ Totalement cinoque, décréta l’officier, saisissez-vous de lui et emmenez-le illico à l’asile des fous, qu’il y reste pour le restant de sa vie et que l’on n’en parle plus.

    C’est pour cette raison que nous n’en parlerons plus dans notre récit.

    COLERE SENATORIALE

    Roméo ne fut pas le seul à recevoir de la visite. Une vedette plus grande que les autres se rangea sur le bord de L’albatros. En surgirent trois ou quatre paltoquets aussi galonnés qu’un contre-amiral, suivi du Président du Sénat dans le sillage duquel se pressait l’avorton.

    _ Me faire ça à moi, en pleine période pré-électorale, deux cent cinquante morts en direct, filmés depuis les quais par toutes les télévisions du monde entier, sans compter les milliers de vidéos réalisés par les touristes et les badauds, félicitations messieurs, je…

    L’avorton en rajouta une couche :

    _ On vous envoie au Bois des Pendus, résultat : une trentaine de macchabées, vous apparaissez à la préfecture de Limoges, bilan : une seconde trentaine de trucidés, une innocente participation à une croisière sur la Seine, compte total, nous dépassons les trois cents victimes !

    C’est à ce moment-là que je remarquais que la queue de Molossito et celle de Molossita frétillaient de joie, je n’en crus pas mes yeux, Rouky s’approchait d’eux, il devenait évident que le mystère Charlie Watts s’épaississait, comment Rouky qui était sur la péniche noire, que l'on n'avait pas aperçu durant le carnage, se retrouvait-il à nos côtés sans que nous l’ayons aperçu monter à bord.

    _ Non d’un chien - il ne croyait pas si bien dire - clama brutalement l’Avorton, peut-on au moins savoir où vous en êtes de votre enquête ?

    Le Chef prit le temps d’allumer un Coronado :

    _ Nous remontons la piste. Pour que vous puissiez juger de notre progression, tout comme le Petit Poucet nous ne disposons pas des petits cailloux blancs mais quelques tas de cadavres sanguinolents, c’est beaucoup plus visible, la preuve vous voici devant nous.

    Le président du Sénat faisant fonction de Président de la République et l’Avorton faillirent trépasser d’une apoplexie cardiaque !

    _ Nous vous donnons huit jours, vous m’entendez huit jours à partir de cette minute pour me ramener à l’Elysée tous les dessous de l’affaire, je veux savoir ce qui se cache derrière ce dénommé Charlie Watts, je suis sûr que nous sommes confrontés à une menace terroriste comme jamais la France n’en a connu !

    Le visage de l’Avorton s’empourpra d’un rictus effroyable :

    - Si dans huit jours vous n’avez pas démonté cette affaire, nous vous ferons fusillés, tous, même les filles et les cabots pour haute trahison !

    Il ne put aller plus loin, Rouky se jeta sur sa fesse gauche et la mordit cruellement, l’Avorton se retourna en hurlant, Rouky avait disparu, envolé, volatilisé, évaporé. Je n’étais pas au bout de mes surprises. Tout le monde gardait les yeux fixés sur l’Avorton qui se tenait l’arrière-train en jurant - je ne rapporterai pas la kyrielle de jurons qu’il prononça au cas où de jeunes lecteurs imprudents s’aventurassent en ces pages - à voir les yeux de merlan frit de l’auditoire je compris que j’étais le seul avec les deux cabots qui semblaient sourire à m’être rendu-compte de la présence de Rouky… Avais-je eu la berlue ? Des gouttes de sang perlaient du bas de la jambe gauche du pantalon de L’Avorton !

    Le Chef aspira une bouffée de son Coronado qu’il expira en plusieurs ronds de fumée abolis en d’autres ronds :

    _ Il est inutile de vous mettre en de tels états, vous vous êtes déclenché une crise hémoroïdale pour pas grand-chose, dans huit jours le SSR vous rapportera des éléments qui permettront d’y voir plus clair dans cette affaire !

    _ Je me répète - le président du Sénat faisant office de Président de la République semblait dubitatif - je veux savoir qui est ce Charlie Watts !

    - What is Watts, that is the question !

    L’entrevue se termina sur cette shakespearienne répartie du Chef qui alluma un nouveau Coronado.

    RETOUR A LA CASE DEPART

    Nous étions revenus dans notre abri atomique. Moral en berne. Avoir retrouvé Charlie Watts et l’avoir laissé filer, quel échec ! Seul le Chef souriait devant nos tristes mines :

    _ Huit jours pour le coincer, ils veulent rire, c’est beaucoup plus qu’il nous en faut, allez vous coucher, vous êtes fatigués, demain matin, nous mettrons en route le plan Alpha !

    A suivre…