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  • CHRONIQUES DE POURPRE 712 : KR'TNT ! 712 : JON SPENCER / NEAL FRANCIS / RAMONES / JUNIOR PARKER / NICK WHEELDON / AGNOSTIC FRONT / 1914 / CRISTINA VANE

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 712

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    27 / 11 / 2025

     

     

    JON SPENCER / NEAL FRANCIS 

    RAMONES / JUNIOR PARKER

    NICK WHEELDON / AGNOSTIC FRONT   

    1914 / CRISTINA VANE

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 712

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Spencer moi un verre, Jon !

    (Part Five)

    jon spencer,neal francis,ramones,junior parker,nick wheeldon,agnostic front,1914,cristina vane

             Tu l’as vu il y a six mois, mais t’y retournes. Jon Spencer jouerait tous les jours, et t’y retournerais, pas de problème. C’est lui ton manège-à-moi-c’est-toi, c’est lui ton directeur de conscience, c’est lui ton king of rock’n’roll, c’est lui ton sauteur en ciseau préféré, ton Zebra raunch, ton love-it-to-death, ton dark-eyed handsome boy, ta superstar préférée, ton dégoulineur de sueur numéro un, ton Euripide d’éruptions, ton injecteur d’interjections, ton catalyseur de cat-walk, ton cloueur de bec, ton riveur de raves, to screamer de scream parfait, bien serré dans un costard qu’il ne va pas surtout pas déboutonner. Jon Spencer est élégant, même s’il n’est pas anglais. C’est sans doute son seul défaut. On a déjà dit ici qu’hormis Francis Scott Fitzgerald, les dandies américains n’existaient pas, mais avec ses mocassins blancs,

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    Jon Spencer pourrait faire exception à la règle. Il est certain que Des Esseintes lui aurait trouvé du charme frelaté, et Proust lui aurait conseillé l’œillet à la boutonnière. Et le voilà de nouveau sur scène, le Spence, le Skunk boy, à quatre pattes pour gaffer au sol sa planchette minimaliste dont on a dit en juin dernier qu’elle constituait le plus beau pied à nez à tous ces pseudo-pseudahs qui installent des plaques bardées de dizaines de pédales d’effets. Jon Spencer est depuis 40 ans le roi de minimalisme trash, c’est-à-dire le skunk. On le savait déjà en 1987 lorsqu’on écoutait «Pig Sweat» sur le Right Now de Pussy Galore, tout frais pêché dans un bac garage du killer Keller Born Bad, un «Pig Sweat» qu’on retrouve sur l’hallucinant Live In The Red. Eh oui amigo, c’est pas dans ta fucking amazonie de smartphone que t’auras ça. En matière de rock, il faut toujours commencer par le

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    commencement. Si tu prends le train en marche avec un fucking smartphone et son son de casserole, t’as tout faux. Et tu ne pigeras jamais rien. D’ailleurs le Spence exècre les fucking smartphones, et pire encore, les fucking selfish. Il en a une sainte horreur. Le rock, ça commence avec Rigth Now et c’est catapulté dans l’avenir avec le Skunk qu’il skonke sur scène, car c’est bien de cela dont il s’agit : si t’as besoin de skunk pour skonker dans le sky, alors ton dealer c’est Jon Spencer. Tu scores du Skunk en direct, t’as ton score et ça te scratche le skull, c’est lui, le Spence, le sking, le sky, le scrack boom, le screw d’outer space, le wild scat, la stiring flaming star, l’estoile des neiges, il te scroutche l’oss de l’ass à sec, et t’en veux encore, alors tu prends le sTwo sKindsa Love en pleine spoire, t’as le sCome Along qui scum along,

    jon spencer,neal francis,ramones,junior parker,nick wheeldon,agnostic front,1914,cristina vane

    qui te scrame tout, les spoils et les spams, les spasmes et les spurrs, et voilà qu’arrive l’inévitable «Bellbottoms», le spring du prêche, le spow-how de la dernière heure où le Spence chante les louanges de Little Richard et où il rassemble les brebis égarées, il pardonne même aux fucking smartphones qui n’en finissent plus de filmer pour des prunes, pour des pages de fesse, pour rien, dans le chaos du néant numérique. Rien que d’y penser, t’as le vertige. Des milliards de vidéos qui ne serviront à rien. Le summum du néant. L’art rock et le néant numérique ne communiquent pas. Pourquoi ? Parce que le néant numérique remonte à rien et l’art rock remonte à Dionysos. Près du passé luisant, demain est incolore.   

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    Signé : Cazengler, Spencer les fesses

    Jon Spencer. Le 106. Rouen (76). 12 novembre 2025

     

     

    L’avenir du rock

    - Neat Neat Neat Neal

    (Part Two)

             Depuis combien d’années erre-t-il dans le désert ? L’avenir du rock pose la question, et comme personne ne lui répond, il fait la réponse : «Dieu seul le sait.» Et il ajoute d’un ton léger dont il est le premier surpris : «Ce qui me fait une belle jambe !». Il n’a pas d’autre choix que de continuer à marcher en philosophant. «Dans la vie, il faut avancer, sinon on recule.» C’est le genre de remarque qu’il faisait au début. Il a laissé tomber ces coquetteries intellectuelles. «Nous n’en sommes plus là...», conclut-il d’une voix sourde dont l’écho se fond dans l’air brûlant. Pour se distraire, il a encore les erreurs. Tiens en voilà un ! L’homme avance, vêtu de lambeaux. Un javelot est resté planté à travers ses deux joues : le manche d’environ un mètre entre par la joue droite et un autre mètre avec sa pointe sanguinolante ressort par la joue gauche. L’avenir du rock le reconnaît :

             — Zêtes bien Richard Francis Burton ?

             — Rrrrraaaachaaaaviiiiiiiii !

             — Vous pourriez pas articuler ? J’ai rien pigé !

             — Nnnnnnnnooooiiiiisiiiii !

             — Zen faites exprès pour m’énerver ou quoi ? Vous voyez bien que ce n’est pas le moment de m’énerver !

             — Zeeeecrrrrchehheeleeechourcheduuuuuniiiiiiiii !

             — Chourche du qui ?

             — Rrrrrchehheeleeechourcheduuuuuniiiiiiiii !

             — Ah oui, ça me revient ! Vous cherchiez les sources du Nil, il y a quelques années, avec vot’ pot’ Speke, et je vous avais conseillé de plutôt chercher les sources du Neal. Vous ne m’avez pas écouté et voilà le résultat ! C’est bien fait pour votre gueule ! La prochaine fois, vous suivrez mes conseils !

     

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             Normalement, Neal Francis est l’une des nouvelles superstars américaines, avec The Lemon Twigs et Brent Rademaker. En 2023 paraissait un double live, Francis Comes Alive. C’est bardé  de cool breeze de groove. T’as là-dedans le vrai son du r’n’b américain. Neat Neat Neat Neal groove bien son monde, il a tous les cuivres qu’il veut derrière lui. Sur la pochette, il a des faux airs du Jagger de Sympathy.

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    Mais globalement, ça sonne un peu Average White Band. Un peu trop pépère. Un peu trop établi. Pas de prise de risque. Neat Neat Neat Neal n’est pas James Chance. Il n’apporte pas d’eau neuve au moulin. En B, il vire plus poppy avec l’excellent «Alameda Apartments». Ça prend de l’ampleur. Encore de la belle pop de Soul classique avec «Promotheus». Il propose une pop véritablement pure. Et son «This Time» est un groove de Soul d’une rare élégance. On se régale en C de «Don’t Want You To Know» monté sur l’heavy riff d’une basse à contretemps. Il ramène le Ouh des Tempts dans «Very Fine Pts 1 & 2». Quel cake ! Il revient à un son plus poppy avec «Sentimental Garbage» en D. Poppy c’est sûr, mais dignement cuivré. Pas loin de Steely Dan - Thank you Chicago. We love you much, our hometown - Il termine ce solide double live avec «BNYLV», un heavy groove bardé de solos de sax, ça couine dans la couenne du lard fumant, ils sont dans la black jusqu’au cou et tu les salues bien bas. 

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             Return To Zero vient de paraître, alors t’es bien content. Sergio Rios produit l’album et les Say She She font les chœurs. Ça démarre en mode funk de Soul, c’est très collet monté, très dancing beat, peut-être un peu trop à la mode. «Don’t Want» te renverrait presque aux jours heureux.  Il faut attendre «What’s Left Of Me» pour arquer un sourcil, car voilà une fast pop qui respire bien et qui sent bon le gros niveau. Il enchaîne avec au «150 More Times» aussi prometteur et ça finit en apothéose comme les grands cuts de Let It Bleed, et là mon gars, tu cries au loup. On reste dans le très haut de gamme avec cette heavy pop de Soul qu’est «Dance Through Life». Tout est axé sur la qualité, ici. Il se maintient dans une heavy pop de classe extravagante avec «Dirty Little Secret». Neat Neat Neat Neal est un personnage fascinant, il dépose sur la pop un voile de mystère. Et ça continue avec «Already Gone», une pop d’entertaining assez ambitieuse. Il monte bien sur ses grands chevaux, épaulé par les chœurs magiques de Say She She. Cette pop t’enflamme les glandes.

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             Et donc tu t’attends à monts et merveilles lorsqu’il arrive sur la petite scène de la Bellevilloise. Pas de chance, il reste coincé derrière ses claviers. Tu t’attendais à une espèce de grand show dansant, et c’est au contraire très statique. Neat Neat Neat Neal pianote et chante, avec des sacrées allures de superstar qui ne la ramène pas. Il fera juste un petit tour sur le devant de la scène, et regagnera sa planque derrière ses claviers. Les claviers sont un tue-l’amour, sur scène, surtout pour un leader. Le seul qui échappe à ce destin, c’est bien sûr Jerry Lee. Neat Neat Neat Neal ne tape pas tous les gros hits de son dernier album, dommage. On retrouve l’ambitieux «Already Gone», suivi de la fast pop de «What’s Left Of Me», mais pour le reste, il tape dans des albums plus anciens, notamment In Plain Sight. D’ailleurs il boucle son set avec le puissant groove de «BNYLV». C’est ce qu’on appelle un groove à rallonges. Neat Neat Neat Neal fait partie des artistes complets, il sait poser sa voix, composer et faire le show. Il dispose en plus d’un atout majeur : le look. Et d’un autre atout majeur : il est superbement bien accompagné. T’as Jo-la-powerhouse derrière les fûts et tu vois rarement des batteurs de ce niveau.  Jo-la-powerhouse sait tout jouer, surtout l’heavy funk. Il fait la locomotive. Sans lui, tout s’écroule et tu t’endors.

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             La salle n’est pas pleine, loin de là. Neat Neat Neat Neal n’est pas encore très connu en France. Pourtant il a déjà enregistré quatre albums que les critiques anglais ont salué bien bas. Toujours ce décalage.

    Signé : Cazengler, Nul Francis

    Neal Francis. La Bellevilloise. Paris XXe. 13 novembre 2025

    Neal Francis. Francis Comes Alive. ATO Records 2023

    Neal Francis. Return To Zero. ATO records 2025

     

     

    Wizards & True Stars

    - Les Ramones la ramènent

    (Part Three)

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             Tu croyais que les Ramones étaient quatre ? Non, ils sont cinq. Le road-manager-homme à tout faire Monte A Melnick est le cinquième Ramone. Si t’es fan des Ramones, alors tu devrais avoir lu l’oral history de Monte, On The Road With The Ramones. C’est l’un des books les plus rock’n’roll de tous les temps, si on considère que Vie Des Douze Césars de Suetone est aussi un book rock’n’roll.

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             Situé quelque part entre le format classique A5 et le grand format, ce book de 300 pages tient remarquablement bien en main. C’est presque un livre d’art rock, car Monte l’illustre abondamment, et le graphiste s’est lancé dans une admirable cabale de colonnages, passant du 2 col au 3 col au petit bonheur la chance, ce qui donne une belle dynamique à l’ensemble. T’as des pages qui accélèrent et d’autres qui ralentissent. Le fait qu’il ait opté pour un Helvetica condensed aggrave encore les choses : tu ne lis pas, t’avales. Tu deviens liseron, comme dirait Queneau.

             Monte et Frank Meyer ont habilement agencé les témoignages pour construire un récit fluide, dans le style du fameux Please Kill Me de Legs McNeil. Tous les acteurs de la saga témoignent. De tous, Monte est le plus passionnant.

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             Ce book complémente admirablement ceux de Dee Dee et de Johnny. Monte apporte un regard différent sur l’histoire agitée du groupe, mais le génie des Ramones n’en est que plus évident. 1, 2, 3, 4 ! Dès l’intro, ça résume sec - Leather jackets, torn jeans, dirty T-shirts, guitar down the knees, three chords and a wall of beautiful noise. Punk pionniers and Rock ‘n’ Roll Hall Famers. The Ramones were une undeniable force and at the peak of their powers, arguably the greatest band on the planet. They took pop sheen, doo-wop vocals, surf beats and ‘60s garage rock power and combined it to create a sound like no other - Oui, les Ramones ont inventé le punk et l’on incarné. Ça a duré 20 ans, et nous dit Monte, 2 263 shows - Like every other things they did, they rocked hard and fast, and they left.  

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             Joey rappelle que Dee Dee se faisait appeler Dee Dee Ramone bien avant que le groupe n’existe. Tommy raconte comment il s’est installé derrière la batterie pour dépanner ses copains qui ne trouvaient pas le bon batteur - The music needed a driving kind of thing - Tu parles d’un driving kind of thing ! C’est l’un des driving beats les plus révolutionnaires du XXe siècle ! Joey ajoute que le groupe voulait juste un «simple drummer, a timekeeper». Alors on a convaincu Tommy d’essayer - he sat down and played in this style that no one’d ever heard - Tommy sentait que le projet allait être intéressant. Ils ont évolué très vite - I knew we had something different, original and exciting. Once I started playing drums, it was quick - Deux mois après qu’il ait commencé à battre le beurre, les Ramones montent sur scène. Premier concert au CBGB, opening for Blondie, who where called Angel & the Snake.

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             Joey rappelle au coin d’une page que ses héros alors étaient les Who. Et dans le portrait de Johnny, Tommy déclare : «Johnny is a mistery. He has different personalities. He’s a contradiction.»  Dans les chapôs des têtes de chapitres, t’as des textes merveilleusement bien écrits (Frank Meyer ?) - Four scraggly kids from Forest Hills hellbent on fusing the aggression of the Detroit proto-punk with the polish and pop snap of bubblegum music and girl groups, and the power and bombast of glam rock - Et plus loin, le chapôteur met le paquet sur les personnalités - Tommy’s musical finesse, Johnny’s military precision, Joey’s tender heartstrings and Dee Dee’s comic book rogue charisma fused to create a sound all their own - Ed Stasium : «Tommy was the intellectual, Johnny was the taskmaster, Dee Dee was the true punk and Joey was Joey.» Le décor est planté. Les Ramones allaient stormer the Big Apple «with their brand of candy-coated locomotive rock.» L’énergie des mots restitue bien l’énergie du son. Candy-coated locomotive rock !

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             Très vite, le phénomène se développe. Monte en frétille encore : «Après une poignée de shows, it all developped - The Ramones feel, the official feel: the black leather jackets, the jeans, the T-shirts, the low-slung guitars, the haircuts - the whole attitude - C’est incroyable que ça ait aussi bien marché. John Holmstrom rappelle que l’art des Ramones est avant tout minimal - It was the music, They had everything: the image, the sound, the lyrics. They were the whole package. I’d never seen any band that had everything together like that - Johnny ne voit qu’un groupe du niveau des Ramones : les Heartbreakers. Il voit un clip de Led Zep au Madison Square Garden en 1975 et s’exclame : «Oh God, these guys are such shit!». Ils sont devenus des dinosaures et Johnny sent que les Ramones sont bien meilleurs, et il a raison. Sylvain Sylvain rappelle qu’à l’époque, les Dolls étaient en tête de la course de chevaux : «On était à deux doigts de la victoire et derrière nous, il y avait les Ramones, KISS, les Dictators et Blondie, and the list go on. Puis on est tombé, on s’est cassé une patte et les autres guys ont gagné la course.» Holmstrom ajoute que le punk rock en 1974, c’était Suicide, les Dictators, Television et les Ramones. Pour lui, les Dictators et les Ramones étaient comme les Beatles et les Stones d’une nouvelle révolution. On s’amusait encore en 1974, comme le rappelle Joey - The Ramones were always about having fun. Fun disappeared in 1974 - there were too many serious people out there at that time - Danny Fields souligne l’ironie des Ramones et des Pistols qui rêvaient d’être les Bay City Rollers - My God, here are the world’s two best bands wanting to be the Bay City Rollers. You can appreciate the irony of that - Danny Fields était fasciné par les Ramones au point de les manager. Pour lui, les Ramones proposaient ce que tout le monde attendait alors - Fill up that syringe and here’s my arm. Give it to me! Shout it! - C’est Danny Fields qui fait du porte à porte pour essayer de vendre la première démo des Ramones qu’avait supervisée Marty Thau. On sait comment ça se termine : chez Sire. Et voilà que les histoires de cul commencent à courir : Dee Dee a-t-il couché en trio avec Seymour et Linda Stein ? Dee Dee jure qu’il n’a jamais couché avec Linda. Évidemment Danny en profite : «Tout le monde aimait Dee Dee et voulait coucher avec lui. Je l’ai fait. It was nice.» N’oublions pas que Dee Dee se prostituait pour arrondir ses fins de mois. Waiting for the man. Sex & drugs & rock’n’roll. Il est important de rappeler de temps en temps que le rock ne se limite pas aux disques. Plus la réalité est crue et plus elle est intéressante.

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             L’ex-girlfriend de Monte explique le rôle qu’il jouait dans cette aventure : «To the Ramones, Monte was a tour manager, mom, dad, teacher, doctor, babysitter, bill collector, voice of reason, referre, host, guest, shoulder to cry on, head to beat on, hand to hold, driver, negociator, pat on the back, pat on the ass, life saver, the boss, the peon and the whipping boy. And when his talents weren’t neceassary, he was there in the shadows.»

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             Les premières tournées des Ramones sont assez catastrophiques. On les fait jouer en première partie de Johnny Winter et de Ted Nugent et le public les fait sortir de scène. Le pire, ce fut avec Sabbath. Monte : «Playing with Sabbath was dangerous.» Les gens ne voulaient pas des Ramones et ils étaient armés. Monte en conclut que les Ramones ne sont pas un opening band ! Alors ils deviennent des headliners ! - Everybody opened for us - Retournement de situation. Il suffisait d’y penser. Et ça tombait sous le sens. Mais c’est très compliqué de trouver des groupes capables d’ouvrir pour les Ramones. Monte : «One of the fisrt bands we got paired with that finally made some sense was the Runaways.» On suit pas à pas l’évolution du projet. Quand ils jouent en Angleterre, on les fait passer avant les Groovies. Grave erreur. Johnny : «Everyone was there to see us. People cleared out after us.» Les Groovies étaient déjà passés de mode. L’avenir appartenait aux Ramones. 1, 2, 3, 4 !

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             Holmstrom : «The Ramones were punk rock. They were guenine. Johnny was a violent punk. Dee Dee was worse. Joey was a mental institution.» Holmstrom rappelle aussi que les Ramones respectaient leurs fans «and never got fucked-up. No drugs or alcohol before the show. You couldn’t do a show like the Ramones and be fucked up.» Johnny savait que pour tenir le coup pendant les tournées, il fallait éviter de traîner dans les parties après les shows, mais Dee Dee buvait comme un trou et prenait toute la dope qu’on lui proposait. Monte : «That was him. But we tried to keep it under control.» No smoking in the van. Dur pour Tommy qui fume à la chaîne. Monte pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles il a quitté le groupe. Johnny et Monte étaient inflexibles. No smoking in the van. Vera qui a voyagé dans le van indique qu’il y avait des règles : «Basically, the women should be quiet. That was one.» On voit une photo de Monte devant un tour bus. Pour que tout ça tienne, il fallait des règles. Ça semble complètement logique.

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             Après Road To Ruin, Tommy commence à se sentir mal. «They were driving me crazy.» Il commençait à y avoir des problèmes dans le groupe. Alors Tommy dit qu’il arrête. Quand il annonce aux trois autres qu’il fait une dépression, ils explosent de rire. Johnny ne comprend pas qu’on puisse quitter les Ramones. Ça le dépasse. Tommy est un personnage clé dans le projet : il est le porte-parole du groupe et il a produit les quatre premiers albums. Il a créé the Ramones’ Sound. Johnny reprend immédiatement les choses en main et embauche Marky qui doit s’adapter vite fait : «I had to change my drum style. This was simplicity at its most simplistic.» Tais-toi et bats.  

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             Dans Commando, Johnny Ramone dit qu’il n’aime pas trop Pleasant Dreams - This is not one of my favorites, to say the least - Eh oui, il arrive en studio et le producteur Graham Gouldman demande d’où sort ce humming. Well it was my guitar. Et là Johnny Ramone rumine. Il sait que ça ne va pas gazer avec le gars Gouldman, qui comme chacun sait est l’asticot de 10cc. C’est vrai que Pleasant Dreams est un peu bizarre. Disons que ce n’est pas le son habituel des Ramones. Mais il y a toujours les vieux restes de Joey. Ils renouent avec la Ramona dans «All’s Quiet On The Eastern Front», c’est un fast drive chanté en ping-pong avec Dee Dee. C’est sur cet album que tu croises «The KKK Stole My Baby Away», le cut de représailles que Joey a pondu après s’être fait barboter Linda par Johnny KKK. Joey le cocu n’est pas content - He took it away/ Away from me - En fait, c’est un album de power pop, comme le montrent «Don’t Go» et «She’s A Sensation», c’est puissant, avec un beurre bien plan-plan. «It’s Not My Place (In The 9 To 5)» est quasi good time. On perd le raw de la Ramona. «7-11» sonne radio friendly. Joey adore ça, il y va au bop she wap she wap. De cut en cut, les Ramones perdent leur punch. On entend même du piano dans «This Business Is Killing Me». On imagine Johnny Ramone penché sur son manche, à se demander ce qu’il fout là. Et puis quand on croit que c’est cuit aux patates, voilà qu’ils ressuscitent la Ramona avec «Sitting In My Room». Joey est bien chaud, ça redevient solide, punchy, élancé. Ils retrouvent tout leur éclat originel.

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    Marky

             Mais Marky picole - After a while, he was smashed all the time and started fucking up. The band was getting upset - Tais-toi, bats et arrête la picole. Mais il continue. Viré. Coup de fil de Joey et Dee Dee : «Mark, we can’t have you in the band anymore. You fucked up.» Richie le remplace. Monte est ravi de Richie : «Always on time. No drugs, no trouble. A far cry from Marky’s behaviour.» Richie fait trois albums avec les Ramones : Too Tough To Die, Animal Boy et Halfway To Sanity. Joey : «He saved the band as far as I’m concerned.» et il ajoute : «He put the spirit back in the band.» Mais Ed Stasium le voit comme un jazz drummer et trouve qu’il ne colle pas avec les Ramones.

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             Animal Boy est l’un des albums les plus percutants du groupe. Joey se met en rogne et le morceau titre sonne comme du trash punk pur et dur. En B, «My Brain Is Hanging Upside Down» sonne comme une belle tentative de Totor Sound. Et sur «Eat That Rat», Joey fait son Johnny Moped : même son que «No One».

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    Richie

             Johnny : «Ce fut une période compliquée pour les Ramones, Joey et Richie menaient la vie dure à Daniel Rey qui produisant l’album. Ils voulaient tout le temps changer des trucs et remixer les chansons.» Il ajoute que Dee Dee ne joue pas sur Half Way To Sanity, même s’il est crédité. C’est Daniel Rey qui fait le Dee Dee. L’album est solide, «Go Lit’ Camaro Go», «I Know It Better Now» et «Bye Bye Baby» valent pour des coups de génie : Camaro pour son buzzsaw et le papa oum mama, le Better Now est de la pure Ramona, quant au «Bye Bye Baby», c’est de la pure pop de Brill, c’est-à-dire le pré carré de Joey. Et t’as Daniel Rey qui gratte ses poux. Joey te tortille la pop de Brill à sa façon, il rend hommage à Totor. Mais il en fait peut-être un peu trop. Avec «Death Of Me», Joey est au sommet de son lard, il mise tout sur les soupirs. Et quand les Ramones décident de revenir aux basics, ils font du Punk’s Not Dead de haute volée, comme le montre «I Lost My Mind». S’ensuit un «Real Cool Time» qui n’est pas celui des Stooges, par contre, «Worm Man» est en plein dans les Stooges ! Ils recréent la tension mythique du beat primitif des Stooges de «1969». Fantastique osmose de la comatose ! 

             Mais Richie veut sa part du gâtö, c’est-à-dire le merch. Il n’est pas un membre originel, donc zéro privilège. Les trois autres empochent le cash du merch. En 1987, après un show à East Hampton, Richie se barre sans dire au revoir. Ils essayent de le faire revenir avec un gros billet, mais Richie les envoie promener. Et les prochains concerts ? Il s’en lave les mains. Il ne va même pas ramasser ses royalties chez le comptable. Les chèques s’entassent sur le bureau du comptable pendant dix ans. Pour Monte, Richie est resté un mystère.

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    Clem Burke

             Johnny ne perd pas de temps et propose la botte à Clem Burke. Pas de pot, Clem arrive dans une mauvaise ambiance : tout le monde se déteste. «No chemistry. That creates an anti-chemistry.» Tout ça pour cacher la misère, car le pauvre Clem qui bat la pop de Blondie n’est pas foutu de battre le beurre des Ramones. C’est une catastrophe. Alors Johnny fait revenir Marky, «the quintessential Ramones drummer. The guy is a powerhouse.» Marky constate à son retour que l’ambiance s’est détériorée : «Joey was drinking and doing coke. Joey and John are définitively not talking at this point and I don’t know what planet Dee Dee was on. He was on psycho drugs, pot, wearing Adidas uniforms, sneakers and gold chains and was in his rap phase.»

             Johnny essaye de maintenir le groupe en état, mais c’est compliqué. Monte : «Johnny wouldn’t put up with his shit. Dee Dee would listen to Johnny. He wasn’t afraid of Johnny, but Johnny was the boss.» Tommy dit à Arturo d’apprendre vite fait à jouer de la basse, au cas où Dee Dee ferait une petite overdose.

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             Même si Johnny ne l’aime pas beaucoup - One of my least favourite albums - Brain Drain est un Sire qui se tient relativement bien. Johnny ajoute que Dee Dee est crédité, mais il ne joue pas. Les Ramones attaquent au Wall of Sound avec «Believe In Miracles» - I believe in a better world/ For me & you - Joey le prend en mode Heartbreakers. Pur New York City Sound ! Tout l’album est blindé, avec un Joey furibard qui chante du nez. Mais il manque les enchaînements. C’est très bizarre de ne pas entendre le fameux one two three four ! «Don’t Bust My Chops» est encore très Heartbreakers. Ils tapent une cover du «Palisades Park» de Freddie Cannon, puis ils embrayent sur «Pet Semetary». Tu sens le classique dès l’intro. C’est un petit joyau ramonesque bien noyé de son. Dommage qu’on entende des violons derrière. Laswell ramollit les Ramones. Back to punk avec «Learn To Listen». Ça reprend de l’allure, c’est même quasi-beefheartien, au sens de «Dropout Boogie». Voilà l’un des emblèmes du NYC punk : «Ignorance Is Bliss». Sur ce terrain, ils sont imbattables. Ils passent à la power pop avec «Come Back Baby» et regagnent la sortie en mode Christmas avec une belle dégelée de «Merry Christmas (I Don’t Want To Fight Tonight)». 

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             Loco Live est l’un des grands albums live du XXe siècle. Impossible de faire l’impasse sur cette bombe atomique ramonesque. Ils sont venus, ils sont tous là, «Blitzkrieg Bop» (l’hymne !), «I Believe In Miracles» (attaque frontale), «The KKK Took My Baby Away» (Joey jette toute sa niaque dans le KKK), «Too Tough To Die» (vrai bulldozer, Ramona tout terrain), «Sheena Is A Punk Rocker» (l’hymne originel), «Rockaway Beach» (le cut prend feu), «Pet Semetary» (enfonce les lignes, Joey chante du museau). Petit coup de Punk’s Not Dead avec «Animal Boy» (quasi dirty proto). Ils passent le «Surfin’ Bird» des Trasmen à la casserole, et ça rebascule dans le mythe avec «Beat On The Brat» (c’est l’accord parfait des accords parfaits, l’oh yeah est pur comme de l’eau de roche), et «Chinese Rock», mythe d’or en barre, les Ramones l’explosent.

             En tournée, les Ramones font tourner Monte en bourrique. Pendant une tournée au japon, ils planquant une tête de poisson dans sa valise. Monte est furieux : ses fringues puent la poissecaille. Alors il bricole un petit axiome rigolo : «Quelle est la différence entre un tour manager et une lunette de WC ? A toilet bowl only has to deal with one asshole at a time!».

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    Dany Fields

             Monte aborde aussi l’aspect réactionnaire de Johnny, qui fait souvent des blagues sur le dos des blacks et qui a sa carte au KKK - He tolerated other races - he had to - but it was pretty clear that he did not like them - Côté sexe, Danny Fields rappelle que les Ramones étaient monogames. Tout le monde baisait tout le monde en tournée, sauf les Ramones. Jusqu’au moment où Johnny baise la copine de Joey, lequel Joey le prend très mal - He destroyed the relationship and the band right there, amongst other things - Mais Johnny rappelle aussi sec que la relation était déjà détériorée. Ça remonte au temps où Tommy a quitté le groupe. Les choses empirent au moment d’End Of The Century quand Joey dit à Totor qu’il envisage une carrière solo. Johnny : «I wasn’t totally happy with the direction of the band on the album. Internally, things started to deteriorate around ‘79.» Quand Dee Dee était dans le groupe, tout le monde s’en prenait à lui. Quand il est parti, ce fut le tour de Joey. C’est comme ça qu’ils passaient le temps. Mais sur scène, ça ne se voit pas. Monte : «They knew they had a good thing going. Vers la fin, ils ne pouvaient plus se supporter, mais ils montaient sur scène and play a show and you’d never know. That was the Ramones magic.» Puis Monte sent que Joey va lâcher, alors il le prend totalement en charge, ce qui rend les autres jaloux. Joey prenait soin de sa voix et demandait à ce qu’il y ait une piscine dans l’hôtel. Il nageait et soignait sa voix dans le sauna.

             Malgré tous leurs bons albums et leur légende, les radios américaines ne veulent toujours pas des Ramones. Danny Fields : «Fuck radio. Radio is the stupidest, most backward white-man-is-now medium out there. It is populated with the dumbest shit and is the most cowardly of all forms of show business.» Les Ramones sont trop punk pour la radio - Speed, volume and guitar attack wasn’t synonymous with pop - Joey ne cache pas sa fierté : «We’re the only band that stuck up to its original ideal. Everybody else either went the sound of Bruce Springsteen or Elvis Costello or went disco or reggae. We never went the way of the Clash. We never wanted to go into, the discos that bad. It’s bullshit.» Cela s’appelle une profession de foi. Danny Fields ajoute que les Ramones sont devenus célèbres sans radio ni MTV, «and it’s the type of fame you can’t translate into record sales.» Mais Joey et Dee Dee ne veulent plus de Danny comme manager. Il votent à deux contre un (Johnny) contre lui. Joey et Dee Dee veulent le manager des Talking Heads, Gary Kurfirst. Ils voulaient juste renverser le pouvoir, c’est-à-dire Johnny et Danny. C’est aussi con que ça. Par contre, ils restent tous fidèles à Ed Stasium, qui va enregistrer 9 albums avec les Ramones, à partir de Too Tough To Die. Monte : «If I was the fifth Ramone, then Ed soon became the sixth.»

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             Et puis il y a cet épisode clé dans l’histoire des Ramones : la rencontre avec Totor qui jurait à Ed Stasium qu’il allait faire des Ramones «the biggest thing since the Beatles. He was convinced of this.» Mais Johnny était contre ce projet depuis le début. Totor les harcelait depuis Rocket To Russia et Road To Ruin. Johnny revient aussi sur la pochette d’End Of The Century. Il y avait la photo avec et la photo sans les leather jackets. Dee Dee et Joey ont voté pour la photo sans les leather jackets. Johnny et Marky voulaient l’autre. Mais comme la voix de Marky ne comptait pas, Dee Dee et Joey ont gagné. Johnny : «That was Dee Dee and Joey trying to get the power away from me.» Les sessions d’End Of The Century furent terribles, selon Ed Stasium, «espacially for Johnny who hated Phil. Joey loved Phil». Les sessions durent des heures et Johnny en a ras le bol du take after take. Ils jouent «This Ain’t Havana» 353 fois, «over and over at absurd volumes.» Joey exulte : «It was a Frankenstein experiment. Everybody in the band hated working with Phil but I enjoyed it because he was so sick. He was so nuts that it was kind of pleasant. I was working with a master. I learned a lot.»   

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             Quand Dee Dee entre dans sa phase rap, il collectionne les montres, puis les tatouages. Sur scène, il ne joue pas les bonnes basslines. Johnny demande au roadie Little Matt de le débrancher. Puis Dee Dee quitte les Ramones. Il ne supporte plus que Johnny lui donne des ordres, tu t’habilles comme ci et tu te coiffes comme ça. Terminé. Andy Shernoff : «Dee Dee was a nut job, but I never thought he would leave.» Alors évidemment, après, ce n’est plus la même histoire.

             Johnny dit aussi que les années 80 ont été rudes - We were out there by ourselves. There was no punk rock movement. If there was any, it was really underground. It was a lonely decade. Those were the hardiest years. We are so in our own world we barely even noticed. It was rough - Alors que les autres Ramones voulaient évoluer, Johnny ne voulait pas, «he wanted to keep it the way it was. He knew it would become a cult thing and he was right. it worked.»  

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             Encore un big album avec Mondo Bizarro. T’y trouves une belle cover des Doors, «Take It As It Comes». Joey passe en force. Johnny : «We did a Doors cover, ‘Take It As It Comes’. It was my idea which nobody liked at first.» Et ça grouille de coups de génie sur ce Mondo, à commencer par «Censorshit», pur power de la Ramona, l’équilibre parfait du rock power/chant/chords, bien profilé sous le vent new-yorkais. Encore de la fantastique énergie avec «The Job That Ate My Brain», Joey injecte tout son sucre dans cet enfer. T’as encore du son à gogo dans «Poison Heart» et du full blown dans «Anxiety», Johnny te gratte ça à la vie à la mort et Daniel Rey fout le feu par derrière avec ses licks thunderiens. Magie pure encore avec «It’s Gonna Be Alright». Joey est le roi de la magie, il est le Merlin du punk new-yorkais, te voilà arrivé au max des possibilités du rock new-yorkais. Joey passe encore en force sur «Tomorrow She Goes Away», il chante au raw du raunch. Joey est un génie, au sens d’Aladin, il sort d’une lampe, hey hey ! Les Ramones n’ont jamais été aussi flamboyants. Joey n’en finit plus d’enfoncer son clou dans la paume du mythe. T’as les pires heavy chords de la Ramona dans «Cabbies On Crack» et ça se termine On The Beach avec un «Touring» digne des grandes heures des Beach Boys. Franchement, que demande le peuple ?       

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             Paru en 1993, Subterranean Jungle reste un bon album. Pourquoi ? Parce qu’«In The Park», véritable chef-d’œuvre de buzzsaw pop un brin On The Beach, avec le génie Joey aux harmonies. Parce que «Time Bomb», et tous ces réflexes power pop extraordinaires. Le génie Joey te chante ça très laid-back. Parce que la petite cover du «Little Bit O Soul» de Music Explosion. Parce qu’«Outsider», du très grand yeah yeah yeah et un couplet chanté par Dee Dee. Et surtout parce «Time Has Come Today», fantastique hommage aux Chambers Brothers, tic tac coucou, ça ramone bien à la Ramona et les autres font hey ! Et puis sur la red Rhino, t’as des bonus, et là tu te régales, car t’as l’impression d’être en répète avec eux. Rien de plus juteux que les démos de la Ramona, notamment «Bumming Along» avec un Joey scintillant all over la Ramona, puis «My-My Kind Of Girl» où le génie Joey ramène tout son sucre et chante comme un dieu.

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             Acid Eaters ! Big-o big one ! Johnny explique qu’ils n’auraient pas pu faire cet album de reprises plus tôt, car il aurait fallu les adapter au style des Ramones, comme ils l’ont fait avec «California Sun». C.J. chante sur «The Shape Of Things To Come» et «My Back Pages». On perd la Ramona. Quelle tragédie ! Mais Joey se tape la part du lion avec «When I Was Young» où il fait son Burdon. Il explose le Burdon ! Marky rafle la mise sur le «7 & 7 Is» du roi Arthur. Ramona all over ! Ils triplettent la roulette de Belleville et Marky fait tout le boulot. Boom badabooom ! Et pourquoi c’est le plus bel album de covers de tous les temps ? À cause des six covers mythiques : «Substitute» (avec Pete Townshend dans les backing vocals, c’est du full blown de London Town in New York City. Power extrême), «Out Of Time» (Joey réinvente le Swingin’ London au sucre demented, il accroche chaque syllabe à la vie à la mort, c’est chargé de tout le barda du monde), «Somebody To Love» (Joey évince la Grace de l’Airplane), «Have You Ever Seen The Rain» (fantastique explosion nucléaire, les Ramones la ramènent au I know et au pur génie pulsatif, hommage suprême à Fog), «I Can’t Control Myself» (Joey y va au bah bah bah bah mythique, il tape ça en mode I can’t control maïséééé, et Johnny gratte des poux de rêve, il noie le mythe dans son wall of sound) et puis pour finir, le «Surf City» de Jan & Dean, pur jus d’On The Beach. T’as là la vraie racine du rock californien.

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             Et voilà l’album des adieux : Adios Amigos. Johnny : «This album has perhaps the best of all the guitar sounds I ever got. Daniel Rey produced it and he knew the Ramones were a guitar group. He also played the leads on here.» Et plus loin, il ajoute que C.J. chante quatre cuts («Making Monsters & Freaks», «The Crusher», «Cretin Family» et «Slatter Gun») Dès que Joey ne chante pas, on perd la magie des Ramones. Pur Ramona power avec «I Don’t Want To Show Up» - One two three four ! - C’est droit dans l’axe : Ramona intacte avec tout le sucre de Joey et le buzzsaw de Johnny. Joey oh-yeate son oh yeah dans la pire power-pop de «Life Is A Gas». Clameur éternelle ! T’as une espèce de suprématie, comme si les Ramones régnaient comme des Empereurs en perfecto sur la Rome du rock. Ça sonne comme un fait établi, cette pop est tellement pure, aussi pure qu’au premier jour. Joey te drive «Take The Pain Away» vite fait bien fait, avec Johnny en support tutélaire. Et puis t’as cet «Have A Nice Day» tapé dur dans l’oss, Joey chante aux parois nasales, à la niaque de la 25e heure. Encore un coup de génie avec «Got A Lot To Say», Johnny gratte la destruction massive, il jette tout son dévolu dans cette dernière bataille et Daniel Rey passe un killer solo flash. Ce dernier album est bardé de tous les symboles. C’est un album magnifique. «Born To Die In Berlin» sonne comme «Chinese Rocks». Mêmes accords. On reste dans les Heartbreakers avec cette cover mythique de «Baby I Love You» qui s’appelle ici «I Love You». Joey n’en fait qu’une bouchée, I really do, et Daniel Rey fait son Johnny, l’autre, le Thunders. T’es assez fier de faire partie des fans des Ramones. C’est aussi bête que ça.

             Joey avoue qu’il en avait assez après 22 years of constant touring - I definitively loved aspects  of the band, the live performances, the fans, but I had my fill. It was time to have a life - Mais plutôt que de jouer leur dernier concert à New York, ils le jouent à Los Angeles, parce que Johnny y vit. CJ : «It was ridiculous.» Ils ont des invités sur scène, Lemmy, Tim Armstrong et Eddie Vedder.

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             Les Ramones ne pouvaient boucler leur bouclard qu’avec une bombe atomique : We’re Outta Here est l’enregistrement live de leur dernier concert d’août 1996 au Palace de Los Angeles. Festin ramonesque de 32 cuts, mélange détonnant de coups de génie («Blitzkrieg Pop», «The KKK Toook My Baby Away», «Pet Semetary») et de cuts mythiques («Chinese Rock») Et si les Ramones étaient le groupe parfait ? Et si Joey était le chanteur parfait ? Tu sens le souffle dès «Teenage Lobotomy». Leur arrivée sur scène est dévastatrice. C.J. fait son Dee Dee et lance tout au one two three four! Joey chante comme un canard sur «Do You Remember Rock’n’Roll Radio» et une chape de plomb tombe sur la salle avec «I Believe In Miracles». Ramona power ! Ils sont insurpassables ! Quand ils font de la power pop avec «Rock’n’Roll High School», ils le font avec tout le power du monde. «I Wanna Be Sedated» te plonge au cœur du cyclone de la Ramona. Ce live est une véritable aventure. Les Ramones sonnent comme une aventure. Kings of cartoon ! Joey se jette dans le KKK avec tout la rage mythique dont il est capable. Il monte ses couplets comme ceux que montait Totor, aw yeah ! Joey reste au faîte de sa Ramona avec «I Just Want To Have Something To Do» et t’as «Judy Is A Punk Rocker» qui te tombe sur le coin de la gueule, aw yeah, Joey avale bien ses syllabes, sheenes/ punroka, le voilà au sommet du mythe, et ils enchaînent avec un «Rockaway Beach» ful-gu-rant. Ils transforment tous leurs hits en rouleaux compresseurs. Ils battent encore tous les records de trash-punk avec «Do You Wanna Dance» et Johnny remonte un Wall of Sound vite fait pour «Someone Put Something In My Drink». Encore une fournaise du diable avec «Cretin Hop», «R.A.M.O.N.E.S» sonne comme l’hymne new-yorkais, «53rd & 3rd» comme l’hymne de la Ramona, et «Chinese Rock» comme l’hymne national américain. Tu sors de là complètement rincé. 

              Quand tout ça est fini, Monte flippe : «After the Palace show I had no idea what to do with the rest of my life. I had put everything I had into The Ramones and now it was all over. I tried to start a normal life, but I didn’t know how.»

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    Johnnu and Lisa

             Une fois installé à Hollywood, Johnny commença à retourner sa veste et à fréquenter la jet set - the life of the rock star - Monte dit qu’il traîne avec Vedder, Rob Zombie, Green Day, Rancid, Nicolas Cage et Lisa Maria Presley. Monte donne encore des coups de main aux survivants, comme Dee Dee pour enregistrer Greatest & Latest, un album de covers des Ramones avec Chris Spedding.

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             Et voilà qu’arrivent les conclusions : «If Joey was the band’s heart, Dee Dee was the soul and original drummer Tommy the mentor. Johnny was the drill sergeant, leading the group from battle after battle and off and it was he who oversaw the band’s destiny.» Johnny : «Nobody can sound like us. It is very difficult to do. No one can play the guitar like that, and the drumming is very difficult, too. No one can do down-strums. They have trouble getting through one song of down-strums.»

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             C’est à Rodney Bigenheimer, the Mayor of Sunset Strip, que revient le mot de la fin : «In the history of rock’n’roll, there’s Elvis Presley, The Beach Boys, The Beatles and The Ramones. They changed the whole punk history and the whole rock history. Even the Sex Pistols were influenced by The Ramones.» Bizarre que le Mayor of Sunset Strip oublie de citer Bob Dylan.

             Signé : Cazengler, Ramone sa fraise

    Ramones. Pleasant Dreams. Sire 1981

    Ramones. Animal Boy. Sire 1986

    Ramones. Halfway To Sanity. Sire 1987

    Ramones. Brain Drain. Sire 1989

    Ramones. Loco Live. Chrysalys 1991

    Ramones. Mondo Bizarro. Radioactive 1992

    Ramones. Subterranean Jungle. Sire 1993

    Ramones. Acid Eaters. Chrysalis 1993

    Ramones. Adios Amigos. Radioactive 1995

    Ramones. We’re Outta Here. Radioactive 1997

    Monte A. Melnick & Frank Meyer. On The Road With The Ramones. Independently published 2019

     

     

    Inside the goldmine

     - Junior on le connaît Parker

             Il est des gens que tu rencontres et qui te marquent à vie. Parcourt fait partie de ces gens-là. Tu commences par lui donner le bon dieu sans confession, c’est-à-dire que tu lui accordes ta confiance. Tu ne te poses même pas la question de savoir s’il saura s’en montrer digne. Tu marches à l’instinct. Tu sais aussi qu’une relation se bâtit dans le temps. Alors tu donnes du temps au temps et tu alimentes en dosant bien : un peu de musique, un peu de littérature, un peu de cinéma, quelques éléments succincts d’autobiographie, deux ou trois points de vue, non pas sur l’actu qui n’a jamais servi à rien, mais sur la vie et la mort. La relation se développe et s’équilibre. Parcourt réagit bien, il alimente lui aussi, et tu montres que tu es preneur, mais sans te forcer à accepter ce qui ne te convient pas. La base d’une relation équilibrée repose sur l’honnêteté morale et intellectuelle. C’est le seul moyen d’éviter les zones d’ombre et les prises de bec. Quand au fil du temps, tu vois poindre les premiers défauts, tu tentes de nier ta déception. Tu te dis que ce n’est pas si grave, même si tu vois Parcourt esquinter certaines règles tacites. Par exemple, il va te photographier comme le font tous les cons aujourd’hui sans te demander ton avis. Tu lui redis pourtant la règle d’or : n’inflige jamais à quiconque ce que tu ne voudrais pas qu’on t’inflige, mais il ne comprend pas. Cette incompréhension te met la puce à l’oreille. Tu réalises soudain que tu t’étais fait une idée de Parcourt qui ne correspond pas à la réalité. Et tu conclus amèrement qu’au terme d’une vie consacrée à l’étude approfondie de la condition humaine, tu peux encore te fourrer le doigt dans l’œil en prenant les vessies pour des lanternes. Mais en même temps, tu refuses de porter la responsabilité de cet échec. Tu te demandes encore pourquoi Parcourt t’a bluffé. Est-il rusé comme un renard, ou roué comme le petit paysan qu’il n’a jamais cessé d’être ? Est-il abandonné de Dieu ? Joue-t-il un rôle ? Et pourquoi le jouerait-il aussi mal ? Il finit par te faire pitié.

     

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             Alors que Parcourt ruse sans avoir les moyens de la ruse, Parker crée sa légende. Il en a largement les moyens. En plein milieu des fifties, à Memphis, Junior Parker est entré dans la caste des géants du blues et de la Soul. L’un de ses premiers admirateurs fut Elvis.

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             Si on veut plonger dans la jeunesse du grand Junior Parker, il est conseillé d’écouter une vieille compile Ace de Little Junior Parker & The Blue Flames, I Wanna Ramble. C’est un album de gros jumpy jumpah avec ses solos de sexy sax. Alors attention, c’est Pat Hare qu’on entend sur «Can’t Understand», un fantastique boogie blues de down on the highway, qui sera pompé par Creedence sur down the highway. Tous ces cuts datent de la période 1954-1956, c’est du Duke  et l’heavy blues de «Driving Me Mad» va t’envoyer au tapis. En B, t’as le «5 Long Years» d’Eddie Floyd, un heavy blues d’I’ve been mistreated. Ces mecs savaient déjà tailler une route. Et puis t’as ce «Pretty Baby» qui va te liturger les abbatiales à coups de don’t like my automobile. Heavily balanced !

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             En 1962, Little Junior Parker pose avec sa Cadillac pour la pochette de Driving Wheel. Avec «I Need Love So Bad», il atteint une sorte d’apothéose de la Soul de blues, logique car signé Percy Mayfield. Il réédite l’exploit avec «Tin Pan Alley», monté sur un bassmatic délicieusement élastique. Il reste dans l’heavy blues d’harangue avec «Someone Broke This Heart Of Mine» et passe en mode boogie cavaleur avec «Yonder’s Wall». Par contre, il ne fait pas l’apologie de la «Sweet Talking Woman». Pourquoi ? Parce qu’elle lui a barboté all of his money. Les ceusses qui ont eu la bonne idée de rapatrier la red sont quasiment tous morts d’overdose : 15 bonus explosifs ! À commencer par «Mystery Train», la racine d’Elvis. Junior fait bien l’Elvis au train arrives et au Train train/ Comin’ on round the bend. T’as aussi «That’s Just Alright» tapé aux riffs carnassiers, inégalable ferveur primitive ! Il passe en mode big band avec «Peaches», Junior swingue sa chique, I know I know I know ! Dans tous les cas de figure, Junior a la classe. Encore un heavy boogie de fantastique allure : «Pretty Baby», et son «Sometimes» vaut toutes les versions de «Dust My Blues» jouées en Angleterre.

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             Paru en 1970, The Outside Man est ressorti sous une pochette beaucoup sexy et un autre titre : Love Ain’t Nothin’ But A Business Goin’ On. Quel album ! Junior est tellement à l’aise qu’il fait plaisir à voir, whoooo yeah ! Il attaque «The Outside Man» au big time out, machines de bassmatic avant toutes et Junior saute en croupe.

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    Magnifique groover ! Il manie à la fois le smooth et le raw. Il tape trois covers de Beatles sur cet album béni des dieux, à commencer par «Taxman». Ah il faut le voir groover entre les reins du Roi George ! - ‘Caus I’m the taxman ! - En B, il tape «Lady Madona» en mode Parker, il groove bien le butt des Beatles, il y va au whooo finds the money/ When you pay the rent ! Et il enchaîne avec l’encore pire «Tomorrow Never Knows», l’ancêtre de la psychedelia. Seul Junior peut se permettre ce luxe indécent. Il fait sa psyché. L’autre grosse cover de choc est celle du «Rivers Invitation» de Percy Mayfield. Il te groove ça à coups d’all across the country et d’I’m trying to find my baby. Il ne la trouve pas, alors il parle à la rivière, I spoke to the river/ And the river spoke back to me, il te swingue ça à la folie. Junior est un fantastique chanteur de charme, tu succombes en permanence. Il est certainement l’un des Soul Brothers les plus accomplis, la beauté n’est pas que dans la mélodie, elle est aussi dans le chatoiement de ses accents chantants. Il vibre littéralement son chant. Avec «You Know I Love You», il passe le blues en mode Soul de satin jaune.

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             Like It Is n’est pas vraiment son meilleur album. On y trouve deux beaux boogies, «Wish Me Well» et «Come Back Baby». Junior les mène de main de maître. On sent un brin de modernité dans son «Country Girl» - My little girl is a country girl - Et il groove comme un crack son «(Ooh Wee Baby) That’s The Way You Make Me Feel», il laisse filer sa note au chat perché. Il se prend pour une poissecaille dans l’heavy boogie blues de «Just Like A Fish» et il supplie sa baby de revenir dans «Baby Please». Toujours la même histoire : Baby please come back/ I need your love to set me free.

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             Tu te sens toujours bien en compagnie de Junior. Ce que vient confirmer Honey-Dripping Blues. La perle de l’album est sa cover du «Reconsider Baby» de Lowell Fulsom. Il y va à l’I hate to see you go, ça joue fabuleusement, et Junior y va encore, The way that I wish you/ I guess you never know - Il plonge dans le caramel d’«Easy Lovin’» au me & you easy lovin’ baby. Il enchaîne avec le fabuleux Soul blues d’«I’m So Satisfied», cuivré à outrance. Quel album ! Encore un somptueux froti-frotah de Soul : «You Can’t Keep A Good Woman Down», violonné jusqu’à l’horizon. Junior a des orchestrations de génie. Il est encore le crack du marigot avec «Lover To Friend» et te charme dès l’intro de «Your Bag Is Bringing Me Down». Il est à l’aise partout. Junior groove dans la dentelle. C’est un régal permanent que de le voir à l’œuvre.

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             En 1969, Little Junior Parker enregistrait Blues Man sur Minit, le label de la Nouvelle Orleans. Pas l’album du siècle, mais on y trouve un Heartbreaking Blues mené à la glotte ultra sensible, «Get Away Blues». Il sait faire jouir un blues. Mais c’est le son Nouvelle Orleans qui domine l’album : «Let The Good Times Roll», «I Just Get To Know» et «I Found A Good Thing». Saluons aussi «Every Night & Every Day», un heavy blues de treat me right, et il y va, le Junior, au that’s how I love you. On peut lui faire confiance.

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             Entre 1971 et 1972, Junior Parker va enregistrer trois albums : You Don’t Have To Be Black To Love The Blues, Jimmy Mc Griff Junior Parker, et I Tell Stories Sad And True etc. Un petit black croque une pastèque sur la pochette du premier, le plus intéressant des trois. Junior Parker est un fantastique crooner de blues. Il le roule dans la farine divine, il en fait un blues velouté gorgé de feeling. La viande se planque en B. Il attaque avec un cut de Percy Mayfield, «I Need You So Bad». C’est la meilleure des conjonctions : Junior + Percy. Il chante au feeling subliminal. «Look On Yonder Wall» est un boogie écœurant de classe, et il bat encore tous les records de feeling avec «Man Or Mouse» - Sometimes I wonder/ I’m a man or mouse - C’est un bonheur que d’écouter Junior chanter.  

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             Tu sauves un Heartbreaking Blues sur Jimmy Mc Griff Junior Parker : «Don’t Let The Sun Catch You Cryin’». On croise aussi un «Baby Please Don’t Go» crédité à Muddy et on retrouve le «Five Long Years» d’Eddie Floyd.

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             Et puis voilà I Tell Stories Sad And True etc. Deux covers de choc : «Funny How Time Slips Away» de Willie Nelson (Soul de blues et belles fondues de falsetto léger, merveilleux crooner), et «The Things That I Used To Do» (Classique insurpassable de Guitar Slim). Il tape aussi dans Hooky («I Done Got Over It», heavy boogie blues drivé à la plaintive) et dans le «Stranger In My Own Town» de Percy Mayfield. On s’extasie sur la profondeur du croon.

    Signé : Cazengler, stylo Parker

    Little Junior Parker & The Blue Flames. I Wanna Ramble. Ace Records 1984. 

    Little Junior Parker. Driving Wheel. Duke 1962  

    Junior Parker. Like It Is. Mercury 1967 

    Little Junior Parker. Blues Man. Minit 1969 

    Junior Parker. Honey-Dripping Blues. Blue Rock 1969

    Junior Parker. The Outside Man. Capitol Records 1970 ( =Love Ain’t Nothin’ But A Business Goin’ On)

    Junior Parker. You Don’t Have To Be Black To Love The Blues. Groove Merchant 1971 

    Junior Parker. Jimmy Mc Griff Junior Parker. United Artist Records 1972

    Junior Parker. I Tell Stories Sad And True etc. United Artist Records 1972

     

     

    Wheeldon du ciel

     - Part Two

     

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             Avec Nick Wheeldon, c’est pas compliqué : tu pars à l’aventure. Son œuvre s’apparente à une jungle, mais pas la jungle de tous les dangers, comme celle de la forêt amazonienne, non, il s’agirait plutôt de la jungle du Douanier Rousseau, délicieusement exotique et dont on observe minutieusement tous les détails. Nick Wheeldon a joué dans une myriade de groupes, alors tu peux partir à l’aventure. Comme tout n’est pas accessible, ça te simplifie la vie, t’es pas obligé de tout écouter.

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             En 2017, il jouait dans 39th & The Nortons et enregistrait The Dreamers. Big album. Avec Nick Wheeldon, le big albuming est quasiment automatique. Il suffit d’écouter «If It’s So Easy» pour en être convaincu. On sent bien le dévolu dans ce Big Atmospherix, il va chercher le pathos profond, les échos de John Lennon sont indéniables. Il éclate encore au grand jour avec un «I Ain’t Hiding» noyé d’orgue. Tu te régaleras de la merveilleuse qualité de l’attaque et du son de «Step Into Your World». La tension d’orgue amène du souffle, tu sens le véritable élan du songwriting. Tiens, encore un cut parfait avec «Without You», une belle pop-song noyée dans son jus. Chaque cut induit sa propre puissance. Nick Wheeldon crée son monde cut après cut, un monde de compositeur. Il est dans le même trip que Robert Pollard. Seule compte la beauté du geste. Avec «On My Own», il dégomme encore la pop et son aplomb n’en finit plus d’impressionner, et puis t’as un solo de flûte mercuriale. Tu vas trouver un son de rêve dans «Deserve Each Other», un son fruité, épais, chargé d’écho et le Nick entre à la harangue en ville conquise. T’as là une compo qui regorge de développements avec des chœurs soignés, et un son en sous-main qui vaut tout le nec plus ultra de Geno, le Nick t’embarque ça au big time out. «Deserve Each Other» est une grosse compo évolutive noyée de son et d’écho. Il flirte avec le No Other. On regagne la sortie avec le très entêtant «Looking For Tears», un cut farci de sonorités psychédéliques. Nick Wheeldon cultive son art avec délectation, il en cultive toutes les directions, il va là où son vent le porte, c’est extrêmement inspiré. 

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             Il récidivait l’année suivante avec un album génial, Mourning Waltz. Pourquoi génial ? Parce que «21.01». Eh oui, il y va au tell me how, alors ça push le push à l’heavy psychout, et le groove grouille de poux, et c’est un bel enfer sur la terre du jingle jangle. Le lead est un crack, il s’appelle Loik Maille. Parce que «Caroline», ersatz Beatlemaniaque sur lequel le crack Loik fait encore des étincelles. Parce que «Baby Blue», cette grande pop élancée qui bat encore tous les records, brillante et même glorieuse, avec in Loik in tow, ce mec ne plaisante pas, il claque du slinging de choc. Parce que «Realise», Wheeldon y va au calling your name, c’est encore une pop inconnue qui sort de la jungle, velue et efflanquée, une pop aux joues roses, allègre et alerte, illuminée de l’intérieur par le slinging du crack Loik, et quelle puissance d’I realise ! Et puis t’as ce «Walking Slowly» en ouverture de balda qui sonne très Television Personalities, gentle et raffiné, et puis ce «White Light» encore plus gentle et raffiné, qui renvoie directement chez Syd Barrett.

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             Autre épisode passionnant : Os Noctambulos. Tu peux rapatrier deux albums assez facilement, un 25 cm paru en 2017, The Devils, et un album paru deux ans plus tard, Silence Kills. Le 25 cm est assez largué, au bon sens du terme. Largué et spacieux, avec un petit Valentin Buchens qui s’amuse bien. Comme toujours chez Nick Wheeldon, c’est très inspiré, il reste très incisif, très porté sur la chose, c’est-à-dire sur l’ampleur, il a des orchestrations chatoyantes qui raflent bien la mise («Tangerine Boy»). On se régale du fabuleux fouillis de guitares en B, dans «Cucaracha», un cut qui regorge de richesses. Et avec «Nowhere», on assiste à un fantastique passage en force. C’est un mini-album de très grande masse volumique.

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             On retrouve Valentin Buchens sur Silence Kills. Très vite, tu croises un «Living A Lie» doucement psyché, très Barrett dans l’esprit. T’as même parfois l’impression qu’ils jouent avec des pincettes : le meilleur exemple est ce cut nommé «You Walked Away», délicieusement psychédélique, mais ils te jouent ça en finesse, sans en rajouter. Tout est gentle et sacrément friendly. Par contre, ils s’énervent un peu sur «A Man Needs A Home», ils flirtent avec le vif argent de Moby Grape. Ils repartent toujours à l’attaque. C’est un album courageux. Nick Wheeldon a une belle équipe derrière lui. Pas d’hits, mais du son à gogo et surtout une musicalité exemplaire qui puise dans la meilleure veine pop-psyché anglaise des années phosphorescentes.

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             On ne perd pas son temps à rapatrier l’Hopeless Friends des Creep Outs, un album que Nick Wheeldon a enregistré en 2008 avec Andrew Anderson. Ils proposent une heavy pop bien raclée du sacrement. Ils cultivent la clameur. Ils te cueillent au menton dès «Beautiful Eyes». T’as aussitôt le fantastique swagger de la fast pop anglaise et tu t’effares de leur incroyable allure, ils grattent comme des démons. Prépare tes adjectifs, car ça monte ! Nouvelle dégelée avec «What I’m Missing», bien glammy dans l’esprit, mais pulsé, yeahhh ! C’est de l’early Roxy explosé aux black bombers. On reste dans la fière allure avec «Treat Her Gently», ils attaquent ça de front, t’as là un archétype d’ampleur considérable, bien doublé au beurre. Ils restent dans la densité maximale avec «You Don’t Have To Lie» et un killer solo troue le cul du cut. Si tu veux voir le fantôme de Syd Barrett, tu vas le trouver dans l’heavy mélasse psychédélique de «Stay A While». Quel fabuleux cloaque ! Ces deux mecs disposent de toutes les ressources naturelles. Un petit shoot de proto-punk te ferait plaisir ? Alors voilà un «Treat Me Wong» criant de véracité. On passe à l’heavy déhanchement de rock anglais avec «Yours To Keep». Les Creep te creepent le chignon. Léger parfum de Small Faces. «They Don’t Love You» pourrait bien figurer sur l’un des grands albums de Wild Billy Childish. Ça groove aux accords de clairette. Retour au full blown avec un «Guess It’s All Over» bien foutraque et bien jeté dans la balance. Tu sors complètement rincé de cet album.

             Tu repars à la chasse, mais pas mal d’albums de Nick Wheeldon sont sortis de l’écran radar. En attendant Godot, tu vas devoir te ronger l’os du genou.

    Signé : Cazengler, Nick Wheeldinde

    The Creep Outs. Hopeless Friends. Off The Hip 2008

    Os Noctambulos. The Devils. Stolen Body Records 2017

    Os Noctambulos. Silence Kills. Stolen Body Records 2019

    39th & The Nortons. The Dreamers. Stolen Body Records 2017

    39th & The Nortons. Mourning Waltz. Croque Macadam 2018

     

    *

    J’ai toujours aimé ce groupe. Je ne l’ai jamais écouté. Mais leur nom m’a toujours fait rêver. Parfois le rêve est préférable à la réalité. Il faut savoir remettre à demain ce qui risquerait de vous décevoir aujourd’hui. Oui mais là, ils frappent un grand coup. Que dis-je : deux. D’abord la couve, magnifique. Quand j’ai vu le titre, j’ai sursauté, ils abordent un thème dont personne ne parle. Pourquoi ce silence. Ce n’est pas la peur. Ce n’est pas parce que ce serait dangereux. Non simplement par pudeur. Désolé ce n’est pas une question d’entre cuisse.

    ECHOES IN ETERNITY

    AGNOSTIC FRONT

    (Reigning Phoenix Music / Octobre 2025)

             En règle générale je désapprouve ceux qui se cachent derrière les mots commodes. Ils ne vous diront jamais : il y a un Dieu. Ou alors : je suis athée. Non ils se drapent derrière le cache-sexe de la savante ignorance. Ils ne savent pas. Ils ne prennent pas parti. Pour sûr ils ont réfléchi au problème, longuement, ils ont lu, ils en ont discuté avec leurs amis et la moitié de la population mondiale, ils pensent avoir trouvé l’arme imparable, le parapluie de la modestie : ce n’est pas ma petite personne pas très fûtée qui va trancher la question. Ne leur vient même pas l’idée qu’il pourrait y avoir d’autres réponses possibles.

             Pourraient peut-être se poser la question autrement : par exemple comme Aristote : pourquoi n’y-at-il pas rien ? Et ensuite essayer de définir cette chose qui n’est pas rien. Agnostic Front y répond à sa manière : ce qu’il y a : c’est une société injuste. Comme c’est un groupe hardcore : ils diront plutôt : une société de merde. Aussitôt ils ajoutent : il faut la détruire.

             Evidemment c’est politique. Et comme selon Clausewitz : ‘’ La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ‘’ en toute logique ils ont posé le vocable ‘’ front’’ à forte consonnance guerrière à la suite du mot Agnostic. Illico, on comprend où ils veulent en venir. Ne vous étonnez pas si par hasard vous apercevez, infâme stigmate, le sticker : Parental Advisory / Explicit Content, sur leurs pochettes.

             Ernie Parada a participé à de nombreux groupes dans lesquels il tient ou la guitare ou la batterie. Il est aussi graphiste. Si vous souffrez de dépression abstenez-vous de visiter son site. Toutes ses œuvres expriment un infime solitude, des êtres humains et des choses. Un regard sans complaisance, sans outrance. Parada offre à voir cet essentiel anecdotique qu’il ne nous donne pas en spectacle, son intention est de faire remonter à la surface de ses images l’extrême profondeur de leur horrible signifiance.

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             Apparemment ce n’est pas la liberté guidant le peuple. Un gamin, oriflamme noire en main, qui marche d’un pas décidé. Jusque-là tout va bien, mais pourquoi a-t-il les yeux bandés. Le groupe voudrait-il nous dire que malgré nos certitudes les plus résolues  l’on avance  toujours en aveugle… Il existe un Official  Music Vidéo dont la première image utilise la même image colorisée en teinte jaunâtre, qui précède la vidéo que nous allons commenter. Nous écouterons d’abord le son, issu d’un vieux film américain de John Frangenheimer tourné en 1952 dont le titre français Un crime dans la tête est beaucoup plus explicite que l’original. Le scénario est complexe : un soldat américain prisonnier qui a subi un lavage de cerveau assez special, les services secrets communistes possèdent ainsi au cœur des USA un agent dormant qu’ils peuvent  manipuler à distance, par exemple pour tuer un futur candidat à la présidence de la République… les images sont beaucoup plus sommaires, vues plongeantes sur des milliers de croix de cimetières, de guerre et de civils, suivies d’entrecoupements de scènes de combats, de bombardements, d’explosions nucléaires, parfois vous apercevez les victimes innocentes, notre gamin, ou par exemple des familles en train de déjeuner, tous les yeux bandés, les fameuses victimes collatérales parfois plus nombreuses que les troupes engagées… Le message politique s’éclaircit :  l’Etat vous élève pour mieux se servir de vous. Quel que soit la couleur du drapeau qu’il vous refile entre les mains.

             Petit apparté totalement hots-sujet : le film est assez prémonitoire quant aux rôles des deux Lee Harvey Oswald, tous deux agents de la CIA, dont un se touve mêlé à l’assassinat de John Kenedy…

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             Reste maintenant à interprêter le sens du titre : Echoes in eternity. Le groupe existe depuis plus de quarante ans. Il a été la figure centrale et fondatrice du mouvement hardcore new yorkais lors de leuRs apparitions au CBGB. Leur premier album est paru en 1984, depuis ils en ont produit une bonne quinzaine, ses fondateurs Roger Miret et  Vincent « Vinnie Stigma » Cappuccio, ne sont plus tout jeunes, l’heure de gloire du mouvement hardcore est passée, les  nouvelles générations se détournent en très grosse majorité de ces musiques revendicatrices, dans quelques années que restera-t-il de cette effulgence crépitante, personne n’en sait rien. Des civilisations entières ont disparu sans même que leurs noms nous soient parvenus… Que restera-t-il dans cent ans lorsque tous les témoins de cette aventure musicale aura été effacée des mémoires ? Agnostic Front se pose la question de la transmission ou de l’inanité à long terme de leur action… Nos actions résonneront au travers des siècles aimaient à répéter les officiers des légions romaines… En quoi les maigres échos qui nous en parviennent réflètent-ils la réalité de ce qui a eu lieu… Angoissantes réflexions, cet album d’Agnostic Front doit-il être interprété comme une bouteille sonore jetée à la mer des indifférences oublieuses.  Heidegger nous enseigne qu’il y a pire que l’oubli de l’être, c’est d’avoir oublié que l’on a oublié l’être.

    Vincent Cappuccio : guitare / Roger Miret : vocal / Mike Gallo : basse / Craig Silverman : guitare / Danny Lamagna : drums.

     Way of war : évidemment il n’y a pas l’extrait sonore du film de la vidéo sur l’album : le band ne perd pas de temps, vous saute à la gorge sans préavis, le pire c’est qu’ils disparaîtront aussi vite qu’ils sont apparus, faudra vous y habituer, chaque morceau est construit à la manière d’un braquage mental, une batterie fractale des guitares vibrionnantes, un vocal mordant et dévorant, un sacré ramdam, entre parenthèses incroyablement et inexplicablement mélodique, un véritable phénomène illogique, totalement inexplicable, pas le temps de s’appesantir, juste des mots d’ordre (ou de désordre) , ne vous laissez pas emporter par le maelström de la mort. Appel à la désobéissance. Civile et militaire. You say :  au cas vous n’auriez pas compris l’on vous secoue salement les puces, interdiction de rejeter vos manquements sur les autres. Le vocal en coup de poing. Pas de pitié. Vous renvoient le boomerang de votre incapacité, de votre lâcheté, en pleine gueule. Bien fait pour vous. Ne vous étonnez pas s’ils s’énervent à la fin. Matter of life and death : une

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    bonne branlée, une petite secouée mentale, ça ne fait pas de mal, le gars a compris, l’est maintenant un tigre en liberté dans les rues de la ville, il ne se défend plus, il n’avance plus en douce, il attaque, il n’est plus le vieil homme fatigué qui régnait en lui, l’est un adolescent empli de rage. Tears for everyone : urgence absolue, une batterie folle une guitare écartelée, un vocal tripal, la tempête est passée, il ne vous reste plus qu’à serrer les dents et à rependre le combat. Divided : comment font-ils pour être encore davantage violents et balancer encore plus violemment  chaque morceau, un couteau rouillé de solo, un vocal antifasciste fortement chaloupé, les fausses solutions contraignantes et la batterie qui emporte tout comme les vagues de la mer. Sunday matinee : une vidéo éclatée nous les montre sur scène devant des

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    images du CBGB, de l’énergie et de la joie d’être ensemble, moment de recharge des batteries et de communion. Des instants à ne pas rater car la musique underground est un bienfait commun. Profitons-en pour expliquer à ceux qui ignorent tout du hardcore : comparé au hardcore le punk est un gros matou endormi sur le canapé de la maison, quant au hardcore il est un tigre mangeur d’hommes qui enfonce la porte de votre demeure. Can’t win : auto-lavage de cerveau immédiat, une batterie qui secoue sans ménagement la poussière de vos méninges calcifiées par le découragement et un brossage revigorant pour vous remettre en pleine forme, prêt à vous battre. Turn up the volume : poussez le potard de la révolte à 13, chœurs masculins qui appellent à l’union, au combat, des mots lancés comme des grenades dégoupillées, dégelée de cymbales, les guitares donnent l’assaut, galopades, appel à la Révolution. Le peuple ne sera guidé que par lui-même. Art of silence : moins de cinquante secondes pour mettre les choses au clair, les marxistes diraient que les sentiments petits-bourgeois interindividuels ne doivent pas amoindrir le temps que vous devez à la lutte. Shots  fired : un bon ennemi est un ennemi mort, la vengeance est un plat qui se mange froid. Ce n’est qu’un début. Le genre de morceau, d’une telle violence, que beaucoup désapprouveront. Ils auraient tort. Hell to pay : ce titre pour ceux qui n’auraient pas compris le précédent, vous avez eu droit à la violence extérieure, voici l’intérieure, celle qui vous brûle d’un feu indomptable, avertissement sans frais, à tous ceux qui voudraient se mettre en travers de mon chemin. Evolution of madness : grincements, la folie monte, partout autour de moi et en moi, vases communicants, crachats de haine contre un monde qui va mal. Skip the trial : ne s’en prendre qu’à soi. Mieux vaut mourir de sa propre main que de celle du juge. Il y a toujours une issue de secours qui s’offre à vous. Cette apologie du suicide heurtera les consciences chrétiennes… Obey : les deux voies de l’obéissance, celle de la société, celle de la désobéissance qui n’est que l’obéissance à la nécessité de la lutte. Ne pas confondre avec le péremptoire  Indignez-vous ! si à la mode par chez nous voici quelques années, s’agit de gueuler dans le but de d’aider et de pousser le monde à péricliter. Au plus vite. Eyes open wide : nécessité de garder les yeux grands ouverts, afin de ne pas se perdre dans ses propres noirceurs, voir la situation pour mieux s’y confronter, même si c’est dur, pour mieux la combattre sans jamais mollir.

             Un disque dont il est impossible d’arrêter pour passer à un autre. Tous les morceaux sont un tantinet construits sur le même schéma sonore, c’est cette particularité qui   donne à l’album  sa force, qui vous empoigne et vous oblige à marcher à coups de coups de pied au cul. Idéologiquement le sentier est étroit, entre la révolte et l’appel à la lutte armée, l’on pense au MC 5… évidemment les temps ont changé, ils ne sont plus à l’optimisme…

    Damie Chad.

     

    *

             Tiens un groupe qui a pris un nom latin, c’est sympa, la langue de Virgile ce n’est pas de la petite bière, ben non, c’est le titre de l’album, alors c’est qui ? non de Zeus, ils l’ont bien caché ! J’aurais pu commencer autrement, un groupe qui sort un album en novembre, doit y en avoir plusieurs centaines, ben non, ils se distinguent ils en sortent deux, c’est plus rare, ah ! j’ai repéré le nom du groupe, c’est un chiffre : 1914, avec un tel blaze ils profitent de la date commémorative du 11 novembre. Non ils ne surfent pas sur l’actualité, z’ont déjà dix ans d’âge, le groupe s’est formé en 2014, par contre des monomaniaques, des enragés, un groupe qui a trouvé sa thématique, la guerre de 14-18 ! Après tout à chacun son dada, leur premier album sorti en 2015 ne se nommait-il pas Eschatology of War autrement dit les fins dernières de la guerre. S’intéressent de près au sujet…  Dans tous les cas, avec les millions d’obus échangés durant ce conflit, n’est-ce pas une véritable aubaine pour un band métallifère, rien de plus bruyant qu’un bombardement, et rien de davantage full metal sur votre jacket !  Y avait juste un détail minuscule que je n’avais pas remarqué.

    VIRIBUS UNITIS

    1914

    (Napalm Records / 2025)

             Que voulez-vous, parfois le hasard fait mal les choses. Ou alors bien, cela dépend de la manière dont vous les appréhendez. Parfois l’Histoire vous rattrape ou alors ils ont senti venir l’entourloupe. De la prescience. Par chez nous, personne n’y croyait. L’on criait au bluff. Z’étaient mieux placés que nous. Vous comprendrez pourquoi lorsque je vous aurais dit qu’ils sont de Liuv. Vous ne connaissez pas : c’est en Ukraine. Je n’entends ni prendre parti pour les Ukrainiens ou les Russes. Je déplore simplement tous ces morts sur les champs de bataille. Les villes détruites, les civils assassinés… Tout cet argent, des milliards, pour enrichir les marchands de canon… Soyons égoïstes, la guerre l’on sait quand et où ça commence mais pas où et quand ça finit. Regardez l’Espagne en 36 et l’engrenage qui s’en est suivi…

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             En tout cas, la couve est bluffante, très Death metal, au fond  la silhouette de la Mort, infatigable moissonneuse munie de sa faux tranchante, à ses côtés nous dirons l’ange exterminateur de l’apocalypse, au premier plan difficile de donner un nom à ces formes indistinctes, des cadavres, des combattants, des nids de mitrailleuses… mes pauvres yeux ne me permettent pas de voir mieux. Elle est signée par Vladimir ‘Smerdulak’ Chebakov, d’origine russe, l’a eu le déclic à l’âge de huit ans lorsque la pochette de Killers d’Iron Maiden lui est passée entre les mains. Depuis il dessine des pochettes pour des albums de metal. Son surnom signifie ‘’odeur’’, on la subodore mauvaise, en latin. Un art puissant et mortifère.

    K.K. LIR. Lemberg Nr.19 Fähnrich, Rostislaw Potoplacht : drums /

    k.u.k. Galizisches IR Nr.15, Gefreiter, Ditmar Kumarberg : vocal /

    K.K. LIR Czernowitz Nr.22 Oberleutnant, Witaly Wyhovsky : guitars /

    K.K. LIR Stanislau Nr.20 Zugsführer, Oleksa Fisiuk : guitars /

    k.u.k. Galizisch-Bukowina’sches IR Nr.24, Feldwebel, Armen Howhannisjan : bass /

    Les abréviations K. K. LIR : signifient : Régiment de réserve d’Infanterie Royal et Impérial / Les abréviations k.u.k. IR désignaient les Régiments d’Infanterie royale et impériale. Vous remarquez que chacun a choisi son régiment et son grade : enseigne, soldat, sous-lieutenant, caporal, sergent.

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    Par souci d’identification, les membres du groupe se sont symboliquement enrôlés dans une des compagnies d’un régiment de leur choix. En hommage à tous les morts de la première guerre mondiale et vraisemblablement pour mieux ‘’ coller’’ au récit mis en scène par l’album.

             En France nous connaissons avant tout la guerre de 14-18 par l’affrontement qui se déroula sur notre sol entre les troupes françaises et les troupes allemandes. C’est oublier le rôle important de l’Empire austro-hongrois dans le conflit. Si les allemands se chargeront du front Ouest, ils laissent dans un premier temps les Austro-Hongrois libres de mettre à genoux la Serbie, de l’Italie et de la Russie. L’empire Austro-Hongrois va peu à peu s’épuiser, qui trop embrasse mal étreint, le Reich Allemand se chargera plus tard du front russe, politiquement et militairement le Reich prendra l’ascendant sue les Habsbourgs. L’empire Austro-Hongrois, sera le grand perdant de la première guerre mondiale. Reste le problème de l’Ukraine – n’oublions pas que nos musiciens sont Ukrainiens -  longtemps dominée par la Pologne, puis par l’Autriche et la Russie qui toutes deux exercent une forte influence sur les régions qu’elles contrôlent. A la fin de la guerre, profitant de la défaite de l’Autriche la Pologne essaie de récupérer l’Ukraine… Ce rapide résumé d’un imbroglio géopolitique extrêmement complexe peut permettre de comprendre la trame historiale du récit de cet album. 

    Pour ceux qui répugneraient à  se plonger dans des livres d’histoire, je conseille deux romans, le premier, sans aucune prétention historique, Taïa d’Albert T’Serstevens se déroule au tout début du conflit lors de l’assassinat de l’Archiduc d’Autriche Franz-Ferdinand en juin 1914, le deuxième Le Don Paisible de Mikhaïl Cholokhov nous emmène chevaucher avec les Cosaques Ukrainiens durant la Révolution Russe… Deux bouquins haletants, d’aventures et politiques, qui aident à réfléchir.

    Dernière remarque, non dénuée d’ironie, le titre Viribus Unitis peut se traduire : par  les Hommes Unis. Viribus Unitis  était la devise de de François Joseph 1er (1830-1916).

    War In ( The begining of the fall) : : vous attendez un déferlement métallique, mauvaise pioche, un vieux disque qui grésille, un peu vieillot, démodé, bien loin d’une fanfare fanfaronne, un chant teinté d’une certaine nostalgie, hymne national qui fut celui du Reich Allemand, et de l’Autriche…  1914 : The siege of Przemysl :

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    Les Russes attaquent à Lemberg ville alors située en Autriche tout près de la frontière avec l’Ukraine, aujourd’hui Lemberg devenue Lvuv se situe en Ukraine. La forteresse de Przemyls fut prise par les Russes après cent jours de combat… Une Lyric  Video de Napalm Records offre photos et films… 1914 ne joue pas sur le tintamarre, la voix gronde comme le souffle d’un géant dont la respiration suffirait à évoquer la violence épique des combats, c’est elle qui orchestre le galop fou de la batterie et l’élan lyrique des cordes électriques. Quand survient la joyeuse musique d’un défilé militaire, l’on n’est pas surpris, ce n’est pas vraiment une cassure, juste un épisode parmi d’autres emporté par le courant de l’Histoire. 1915 (Easter Battle for the Zwinin Ridge) : il fallut plusieurs mois de combats acharnés aux troupes allemandes et austro-hongroise pour prendre la crête de Ziwni située à mille mètres d’altitude : victoire et optimisme, la rage l’emporte sur l’horreur de la guerre, batterie en rafales de mitrailleuses, assourdissances orchestrales, l’ouragan passe et se déchaîne, cris haineux d’invectives, parfois malgré la fureur le silence plane dans les bruitances, peut-être sont-ce les âmes des morts qui s’élèvent vers le ciel ou qui s’enfoncent dans le sol gelé, idée d’un engloutissement général, une fosse commune, celle des hommes vivants côte à côte, le morceau se termine sur les échos lointains d’une messe, le pain de Pâques n’est-il pas pétris de sang et de terre libérée !

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    1916 : The Süditirol offensive : L’Italie entre en guerre en 1915. Les armées austro-hohgroises contre-attaquent, les Italiens demandent l’aide des Russes dont l’intervention i monopolise une partie des forces austro-hongroises qui n’ont plus assez de vigueur pour avancer en Italie : Napalm Death offre une bande dessinée animée, dirigée par Tania Pryimych, qui relate les combats, terrible à dire mais cette vision d’acier de neige moirée de bleue, d’éclats orangée et de taches sanglante, rend la guerre sinon belle du moins esthétique… ce n’est certainement pas un hasard si la chaîne YT dédiée à cet album porte le nom de Poetry of War, terrible ambivalence marquée par la devise adjacente : ‘’Quand la mort devient absurde, la vie en devient encore plus absurde’’ : feu nourri nous sommes plongé au cœur de la bataille, mais la musique, parfois imitative prend le relais, la bande-son est d’une intelligence démoniaque, elle est en même temps répétitive tout en étant variée, par exemple cette espèce de duo chant / basse, tout en relatant les différents mouvements de la bataille, d’un côté nous sommes dans l’action, nous n’en savons pas plus loin que le bout de notre fusil, un peu à la manière de Fabrice à Waterloo, et de l’autre nous avons une vue générale du mouvement des troupes. Un chef d’œuvre sonique. La grande gagnante reste la grande faucheuse. 1917 : The Izonzo front : les Italiens bloqués par le fleuve Izonzo (= Soca) lancent une offensive, il faudra pas moins de neuf grandes batailles pour les arrêter. Les austro-hongrois devront demander l’aide des Allemands pour stopper l »avance Italienne. Les Italiens ont perdu une grande bataille mais pas la guerre. Résultats des courses : un million de morts, un million de blessés : en intro une martiale déclaration d’un dignitaire italien, ensuite hachis menu de la mêlée, la rage, juste la rage, plus rien ne compte, l’on se bat avec son arme puis avec son corps, combat singulier, face à un ennemi, face à son destin et à soi-même, pendant ce duel la guerre ne s’arrête pas, l’on tient le compte des morts, la bataille continue imperturbable, la batterie joue au canon, rupture, une simple guitare acoustique après le déferlement électrique, l’on entend une voix italienne, que dit-elle, est-ce vraiment important de le savoir, tout cela a-t-il seulement un sens. 1918 : part 1 : WIA  Wounded inaction) : les forces anglaises et françaises viennent à la rescousse des Italiens qui doivent reculer mais qui finissent par stopper l’armée austro-hongroise sur les hauteurs de Montello. Attention, le ton change, jusqu’à maintenant nous avons surtout suivi un soldat engagé en des combats qui le dépassent quelque peu, désormais nous rentrons en son histoire personnelle : musique militaire triomphante, chœurs d’hommes virils et dominateurs, il pleut de la musique, de plus en plus assourdissante, de plus en plus pesante, elle est sur votre dos, vous ne vous relèverez pas, d’abord pensez aux efforts surhumains nécessaires à ces centaines de milliers d’hommes, il est tombé, il est blessé, les obus tombent, vaincu lui-même mais les lignes s’effondrent, chœurs d’hommes, background processionnaires, tintements tels des instants suspendus sur la conscience du monde, hurlements collectifs, vocal enragé,  la réalité s’engourdit, elle ralentit, elle se tait. 1918 Part 2 : POW 5 Prisoner of War (Feat. Christopher Scott) : Christopher Scott est le chanteur du groupe metal américain Precious Death : destinée, épisode numéro deux, le groupe ne joue pas, il abat du son, il martèle, il ne chante plus, il prend la parole, le monologue intérieur d’un prisonnier sous le joug au travail forcé, sont des milliers comme lui, il n’est plus que le maillon d’une souffrance collective, une seule décision, intime, prendre la décision dans sa tête de tenir, de sortir vivant de cet enfer, espérer  survivre à la der des ders, si horrible qu’elle ne peut être que la dernière, le discours politique reprend vantant la victoire de l’armée italienne… 1918 Part 3: ADE (A duty to escape) (feat. Aaron  Stainthorpe) : Aaron Stainthorpe est le chanteur du groupe britannique My Dying Bride :

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    une vidéo animée de  Costin Chioreanu débute par une scène saisissante, celle du cadavre d’un soldat abandonnés sur le terrain qui peu à peu se fond dans la pierraille, il est désormais devenu une partie parcellaire du paysage… Ils sont trois à s’échapper du camp, trois ombres noires qui traversent des champs de neige et se confrontent à l’escalade  de la montagne, ils ne sont pas seuls, dans leurs tête les rejoignent leurs femmes et leurs enfants, l’évasion se métamorphose en voyage intérieur, en voyage au centre de soi-même, ils arpentent des abîmes de pensées,  l’image magnifiée et fantomatique de la Victoire de la patrie Austro-hongroise se métamorphose en celle de la sombre camarde à la faux assoiffée, trois camarades face à la Mort qui envoie une patrouille à leur rencontre, ils ne sont que deux, ils ont perdu un camarade et toutes leurs illusions. Dans sa tête il se dit qu’il ne sera plus jamais dupe. Bienvenue en Autriche. Meurtrière. Une musique noire, batterie saccadée, vocal au plus profond des entrailles, des chœurs surgissent, sont-ce des chants funèbres grégoriens ou la conscience des morts qui s’amalgame au pas des survivants, qui marchent avec eux, car ceux qui sont morts ne mourront plus jamais, étrangement la musique se fait lyrique, le danger ne provient-il pas davantage des vivants que des morts qui marchent avec nous, qui nous accompagnent en nous. Peut-être même sommes-nous davantage constitués de morts que de vivants. Magnifique oratorio. 1919 (The Home Where I Died) (feat. Jerome Reuter) : (Jérome Reuter est  le fondateur-chanteur-compositeur du groupe Rome, voir notre livraison 667 du 29 / 11 / 2024.) / En 1918 l’Ukraine retrouve son indépendance que lui dénient la Pologne et  l’URSS qui finira par l’annexer en 1922… : pointillés sonores, seraient-ce des bruits indus des rafales de mitrailleuses lointaines et assourdies qui se transforment en notes de piano avant de se muer en distorsions, avant de résonner en dos majeurs pianistiques, mais le son est voilé, comme vrillé, le héros désabusé est de retour, va-t-on le reconnaître, serait-il méconnaissable, on l’attendait, tout est bien qui finit bien, mais quelle nostalgie, quelle gravité dans le timbre de Jérôme Reuter, il a rencontré d’anciens frères de combat, les russes attaquent l’Ukraine, la guerre ne finira donc jamais, pensez à vos familles, il les rejoindra, l’Ukraine l’attend, n’est-ce pas son devoir de la défendre… War out : (the end ?) : le disque finit comme il a commencé par un chant patriotique, cette fois-ci en l’honneur de l’Ukraine. La guerre se terminera-t-elle un jour ? Un point d’interrogation instille l’idée d’un doute… Un siècle après, une certitude établie : la guerre entre l’Ukraine et la Russie a recommencé…

             Un disque d’actualité qui dit beaucoup plus qu’il ne raconte. L’ensemble est splendide.

             N’empêche qu’il pose une question essentielle : puisque l’homme est un être pour la mort  serait-il aussi, j’ai envie d’écrire par conséquence, un être pour la guerre ?

             Metal-rock ou rock actuel ?

    Damie Chad.

     

    *

             Tiens si j’allais regarder les nouveautés sur Western AF, présentent toujours des artistes, bluegrass, country, roots. La dernière fois ils m’ont bien eu. Suis tombé sur une  rockeuse, très bien d’ailleurs, mais moi je cherchais un autre style. Premier coup d’œil une fille avec une guitare, c’est parti. Même pas regardé l’engin qu’elle avait  entre ses pattes, c’est au premier son que j’ai compris que je m’étais fourvoyé.

    WISHING BONE BLUES

    CRISTINA VANE

    (Western AF / 2021)

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    Elle sourit, gros plan sur son instrument, ce n’est pas une guitare, une poêle à frire, un résonateur, pas de doute, son petit doigt est armé d’un bottleneck, ô la chienne ! qu’est-ce qu’elle joue bien, du blues à la Skip James, à la Blind Willie Jefferson, cette manière d’espacer les notes alors que son appareil continue de ronronner, et puis cette voix, fluette, rien à voir avec les rocailles du vieux sud,  elle vous prend aux tripes, elle vous emporte en son monde, plus tard j’apprendrai qu’elle chante ce qu’elle a vécu, qu’elle a quitté Los Angeles, toute seule dans sa voiture, qu’elle a pris la route, à l’aventure durant sept mois, des nuits dans la tire, ou sous la tente, et d’autres sur des canapés, mais le matin elle repartait.

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    Elle vient de loin. De partout. Italie, France, Angleterre, sans compter des ascendances guatémaltèques. Elle a étudié à Princetown, a trouvé du boulot à Los Angeles dans une boutique de guitare folk… au bout de quatre ans elle a pris la route, s’est arrêtée à Nashville pour enregistrer un disque : Nowhere Sounds Lovely (2021), sera suivi de Make Myself Me Again (2022) et Hear My Call en février 2025.

    C’est vraisemblablement en cette occasion qu’elle est revenue chez Western AF.

    CRISTINA VANE

    LIVE PERFORMANCE / WESTERN AF

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    Difficile de faire plus minimaliste, peu de lumière, très opportunément le plancher est composé de lattes bleues, la scène est vaste, ils sont trois, si espacés qu’on ne les aperçoit que très rarement ensemble, Jeff Henderson le bassiste est légèrement décalé par rapport à Cristina, plus loin Roger Ross caresse sa batterie, pas une once d’esbrouffe, ils ne jouent pas fort mais juste, ce qu’il faut pour que vous prêtiez l’oreille et montiez le son, vous laissent libre, donnent l’impression de jouer ni pour eux, ni pour vous, sont là pour servir la musique. Ne se préoccupent que de l’essentiel. Ils ne racolent pas même si le rythme caracole. Little Black Cloud est une petite tornade à lui-tout seul. L’ergot au pouce de Cristina lance la danse très vite relayée par le vocal tout aussi rapide, les deux guys sont collés à la guitare, derrière mais impulsifs, jamais devant, c’est elle qui mène le jeu, le morceau est comme une orange bleue qu’ils n’entendent pas partager. Entraînant certes, mais d’une solitude absolue, paroles répétitives, nul besoin d’expliquer ceci ou cela, le vilain petit nuage est dans sa tête, disons que c’est une tentative d’approche de soi-même par soi-même. Travelin’ Blues prend la suite, plus relax mais pas tant que cela, si parfois la voix s’étire un peu elle rebondit par la suite, elle voulait lâccher une bouffée de tristesse sur le monde, elle est sur la route, pour échapper à la laideur de l’univers, ce n’est qu’en quittant le lieu par lequel elle passe qu’elle se sent mieux, oui la route est douce, elle serait mieux avec lui, elle a essayé, elle n’a pas réussi, se souviendra-t-elle seulement de lui lorsqu’elle mourra. Ce n’est pas qu’elle est cruelle, c’est qu’elle ne croit pas à la beauté des choses, la route ne conduit nulle part, l’oubli est partout, c’est son chemin à elle. Getting High in Hotel Rooms beaucoup plus proche du blues, disons qu’ici le blues de l’anatole ressemble un peu au Tombeau pour Anatole que Mallarmé avait tenté d’écrire à la mort de son petit garçon, rien de mieux qu’une

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    chambre d’hôtel pour faire le point sur soi-même parce que sur les autres c’est une cause perdue, elle veut bien essayer, elle ne peut pas, elle voudrait bien, le reste des paroles sont glaçantes, une mouche qui se débat contre la vitre de ses pensées qu’elle a élevées entre elle et le monde, dans le seul but d’être seule… elle n’insiste pas sur les accords, elle ne fait pas pleurer sa guitare, mais je crois que je n’ai jamais entendu un blues d’une telle désolation. Blues de la tour d’ivoire bleue. Make Myself Me Again : elle s’est aperçue qu’elle a son résonateur dans les mains, alors elle vous montre comment elle sait s’en servir, aucune vantardise, chez elle c’est naturel, elle sait jouer alors souvent elle fait juste le minimum, comprenez le maximum où très peu parviennent à se hisser. Elle vous promet qu’elle va se reprendre, qu’elle a envie de faire des efforts, mais de temps en temps elle lâche en deux ou trois mots la réalité de son état, elle est fatiguée, non ce n’est pas une dépression juste sa philosophie de la vie, que le monde ne présente aucun intérêt, que les autres ne valent pas le coup, aucun mépris, elle ne vaut pas mieux, ce n’est pas qu’elle est pire, simplement un peu plus lucide que la moyenne, bref vous avez compris, elle est plus près du  blues que vous ne le serez jamais. Que jamais personne ne l’a été.

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    Damie Chad.