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CHRONIQUES DE POURPRE

  • CHRONIQUES DE POURPRE 712 : KR'TNT ! 712 : JON SPENCER / NEAL FRANCIS / RAMONES / JUNIOR PARKER / NICK WHEELDON / AGNOSTIC FRONT / 1914 / CRISTINA VANE

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 712

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    27 / 11 / 2025

     

     

    JON SPENCER / NEAL FRANCIS 

    RAMONES / JUNIOR PARKER

    NICK WHEELDON / AGNOSTIC FRONT   

    1914 / CRISTINA VANE

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 712

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Spencer moi un verre, Jon !

    (Part Five)

    jon spencer,neal francis,ramones,junior parker,nick wheeldon,agnostic front,1914,cristina vane

             Tu l’as vu il y a six mois, mais t’y retournes. Jon Spencer jouerait tous les jours, et t’y retournerais, pas de problème. C’est lui ton manège-à-moi-c’est-toi, c’est lui ton directeur de conscience, c’est lui ton king of rock’n’roll, c’est lui ton sauteur en ciseau préféré, ton Zebra raunch, ton love-it-to-death, ton dark-eyed handsome boy, ta superstar préférée, ton dégoulineur de sueur numéro un, ton Euripide d’éruptions, ton injecteur d’interjections, ton catalyseur de cat-walk, ton cloueur de bec, ton riveur de raves, to screamer de scream parfait, bien serré dans un costard qu’il ne va pas surtout pas déboutonner. Jon Spencer est élégant, même s’il n’est pas anglais. C’est sans doute son seul défaut. On a déjà dit ici qu’hormis Francis Scott Fitzgerald, les dandies américains n’existaient pas, mais avec ses mocassins blancs,

    jon spencer,neal francis,ramones,junior parker,nick wheeldon,agnostic front,1914,cristina vane

    Jon Spencer pourrait faire exception à la règle. Il est certain que Des Esseintes lui aurait trouvé du charme frelaté, et Proust lui aurait conseillé l’œillet à la boutonnière. Et le voilà de nouveau sur scène, le Spence, le Skunk boy, à quatre pattes pour gaffer au sol sa planchette minimaliste dont on a dit en juin dernier qu’elle constituait le plus beau pied à nez à tous ces pseudo-pseudahs qui installent des plaques bardées de dizaines de pédales d’effets. Jon Spencer est depuis 40 ans le roi de minimalisme trash, c’est-à-dire le skunk. On le savait déjà en 1987 lorsqu’on écoutait «Pig Sweat» sur le Right Now de Pussy Galore, tout frais pêché dans un bac garage du killer Keller Born Bad, un «Pig Sweat» qu’on retrouve sur l’hallucinant Live In The Red. Eh oui amigo, c’est pas dans ta fucking amazonie de smartphone que t’auras ça. En matière de rock, il faut toujours commencer par le

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    commencement. Si tu prends le train en marche avec un fucking smartphone et son son de casserole, t’as tout faux. Et tu ne pigeras jamais rien. D’ailleurs le Spence exècre les fucking smartphones, et pire encore, les fucking selfish. Il en a une sainte horreur. Le rock, ça commence avec Rigth Now et c’est catapulté dans l’avenir avec le Skunk qu’il skonke sur scène, car c’est bien de cela dont il s’agit : si t’as besoin de skunk pour skonker dans le sky, alors ton dealer c’est Jon Spencer. Tu scores du Skunk en direct, t’as ton score et ça te scratche le skull, c’est lui, le Spence, le sking, le sky, le scrack boom, le screw d’outer space, le wild scat, la stiring flaming star, l’estoile des neiges, il te scroutche l’oss de l’ass à sec, et t’en veux encore, alors tu prends le sTwo sKindsa Love en pleine spoire, t’as le sCome Along qui scum along,

    jon spencer,neal francis,ramones,junior parker,nick wheeldon,agnostic front,1914,cristina vane

    qui te scrame tout, les spoils et les spams, les spasmes et les spurrs, et voilà qu’arrive l’inévitable «Bellbottoms», le spring du prêche, le spow-how de la dernière heure où le Spence chante les louanges de Little Richard et où il rassemble les brebis égarées, il pardonne même aux fucking smartphones qui n’en finissent plus de filmer pour des prunes, pour des pages de fesse, pour rien, dans le chaos du néant numérique. Rien que d’y penser, t’as le vertige. Des milliards de vidéos qui ne serviront à rien. Le summum du néant. L’art rock et le néant numérique ne communiquent pas. Pourquoi ? Parce que le néant numérique remonte à rien et l’art rock remonte à Dionysos. Près du passé luisant, demain est incolore.   

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    Signé : Cazengler, Spencer les fesses

    Jon Spencer. Le 106. Rouen (76). 12 novembre 2025

     

     

    L’avenir du rock

    - Neat Neat Neat Neal

    (Part Two)

             Depuis combien d’années erre-t-il dans le désert ? L’avenir du rock pose la question, et comme personne ne lui répond, il fait la réponse : «Dieu seul le sait.» Et il ajoute d’un ton léger dont il est le premier surpris : «Ce qui me fait une belle jambe !». Il n’a pas d’autre choix que de continuer à marcher en philosophant. «Dans la vie, il faut avancer, sinon on recule.» C’est le genre de remarque qu’il faisait au début. Il a laissé tomber ces coquetteries intellectuelles. «Nous n’en sommes plus là...», conclut-il d’une voix sourde dont l’écho se fond dans l’air brûlant. Pour se distraire, il a encore les erreurs. Tiens en voilà un ! L’homme avance, vêtu de lambeaux. Un javelot est resté planté à travers ses deux joues : le manche d’environ un mètre entre par la joue droite et un autre mètre avec sa pointe sanguinolante ressort par la joue gauche. L’avenir du rock le reconnaît :

             — Zêtes bien Richard Francis Burton ?

             — Rrrrraaaachaaaaviiiiiiiii !

             — Vous pourriez pas articuler ? J’ai rien pigé !

             — Nnnnnnnnooooiiiiisiiiii !

             — Zen faites exprès pour m’énerver ou quoi ? Vous voyez bien que ce n’est pas le moment de m’énerver !

             — Zeeeecrrrrchehheeleeechourcheduuuuuniiiiiiiii !

             — Chourche du qui ?

             — Rrrrrchehheeleeechourcheduuuuuniiiiiiiii !

             — Ah oui, ça me revient ! Vous cherchiez les sources du Nil, il y a quelques années, avec vot’ pot’ Speke, et je vous avais conseillé de plutôt chercher les sources du Neal. Vous ne m’avez pas écouté et voilà le résultat ! C’est bien fait pour votre gueule ! La prochaine fois, vous suivrez mes conseils !

     

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             Normalement, Neal Francis est l’une des nouvelles superstars américaines, avec The Lemon Twigs et Brent Rademaker. En 2023 paraissait un double live, Francis Comes Alive. C’est bardé  de cool breeze de groove. T’as là-dedans le vrai son du r’n’b américain. Neat Neat Neat Neal groove bien son monde, il a tous les cuivres qu’il veut derrière lui. Sur la pochette, il a des faux airs du Jagger de Sympathy.

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    Mais globalement, ça sonne un peu Average White Band. Un peu trop pépère. Un peu trop établi. Pas de prise de risque. Neat Neat Neat Neal n’est pas James Chance. Il n’apporte pas d’eau neuve au moulin. En B, il vire plus poppy avec l’excellent «Alameda Apartments». Ça prend de l’ampleur. Encore de la belle pop de Soul classique avec «Promotheus». Il propose une pop véritablement pure. Et son «This Time» est un groove de Soul d’une rare élégance. On se régale en C de «Don’t Want You To Know» monté sur l’heavy riff d’une basse à contretemps. Il ramène le Ouh des Tempts dans «Very Fine Pts 1 & 2». Quel cake ! Il revient à un son plus poppy avec «Sentimental Garbage» en D. Poppy c’est sûr, mais dignement cuivré. Pas loin de Steely Dan - Thank you Chicago. We love you much, our hometown - Il termine ce solide double live avec «BNYLV», un heavy groove bardé de solos de sax, ça couine dans la couenne du lard fumant, ils sont dans la black jusqu’au cou et tu les salues bien bas. 

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             Return To Zero vient de paraître, alors t’es bien content. Sergio Rios produit l’album et les Say She She font les chœurs. Ça démarre en mode funk de Soul, c’est très collet monté, très dancing beat, peut-être un peu trop à la mode. «Don’t Want» te renverrait presque aux jours heureux.  Il faut attendre «What’s Left Of Me» pour arquer un sourcil, car voilà une fast pop qui respire bien et qui sent bon le gros niveau. Il enchaîne avec au «150 More Times» aussi prometteur et ça finit en apothéose comme les grands cuts de Let It Bleed, et là mon gars, tu cries au loup. On reste dans le très haut de gamme avec cette heavy pop de Soul qu’est «Dance Through Life». Tout est axé sur la qualité, ici. Il se maintient dans une heavy pop de classe extravagante avec «Dirty Little Secret». Neat Neat Neat Neal est un personnage fascinant, il dépose sur la pop un voile de mystère. Et ça continue avec «Already Gone», une pop d’entertaining assez ambitieuse. Il monte bien sur ses grands chevaux, épaulé par les chœurs magiques de Say She She. Cette pop t’enflamme les glandes.

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             Et donc tu t’attends à monts et merveilles lorsqu’il arrive sur la petite scène de la Bellevilloise. Pas de chance, il reste coincé derrière ses claviers. Tu t’attendais à une espèce de grand show dansant, et c’est au contraire très statique. Neat Neat Neat Neal pianote et chante, avec des sacrées allures de superstar qui ne la ramène pas. Il fera juste un petit tour sur le devant de la scène, et regagnera sa planque derrière ses claviers. Les claviers sont un tue-l’amour, sur scène, surtout pour un leader. Le seul qui échappe à ce destin, c’est bien sûr Jerry Lee. Neat Neat Neat Neal ne tape pas tous les gros hits de son dernier album, dommage. On retrouve l’ambitieux «Already Gone», suivi de la fast pop de «What’s Left Of Me», mais pour le reste, il tape dans des albums plus anciens, notamment In Plain Sight. D’ailleurs il boucle son set avec le puissant groove de «BNYLV». C’est ce qu’on appelle un groove à rallonges. Neat Neat Neat Neal fait partie des artistes complets, il sait poser sa voix, composer et faire le show. Il dispose en plus d’un atout majeur : le look. Et d’un autre atout majeur : il est superbement bien accompagné. T’as Jo-la-powerhouse derrière les fûts et tu vois rarement des batteurs de ce niveau.  Jo-la-powerhouse sait tout jouer, surtout l’heavy funk. Il fait la locomotive. Sans lui, tout s’écroule et tu t’endors.

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             La salle n’est pas pleine, loin de là. Neat Neat Neat Neal n’est pas encore très connu en France. Pourtant il a déjà enregistré quatre albums que les critiques anglais ont salué bien bas. Toujours ce décalage.

    Signé : Cazengler, Nul Francis

    Neal Francis. La Bellevilloise. Paris XXe. 13 novembre 2025

    Neal Francis. Francis Comes Alive. ATO Records 2023

    Neal Francis. Return To Zero. ATO records 2025

     

     

    Wizards & True Stars

    - Les Ramones la ramènent

    (Part Three)

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             Tu croyais que les Ramones étaient quatre ? Non, ils sont cinq. Le road-manager-homme à tout faire Monte A Melnick est le cinquième Ramone. Si t’es fan des Ramones, alors tu devrais avoir lu l’oral history de Monte, On The Road With The Ramones. C’est l’un des books les plus rock’n’roll de tous les temps, si on considère que Vie Des Douze Césars de Suetone est aussi un book rock’n’roll.

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             Situé quelque part entre le format classique A5 et le grand format, ce book de 300 pages tient remarquablement bien en main. C’est presque un livre d’art rock, car Monte l’illustre abondamment, et le graphiste s’est lancé dans une admirable cabale de colonnages, passant du 2 col au 3 col au petit bonheur la chance, ce qui donne une belle dynamique à l’ensemble. T’as des pages qui accélèrent et d’autres qui ralentissent. Le fait qu’il ait opté pour un Helvetica condensed aggrave encore les choses : tu ne lis pas, t’avales. Tu deviens liseron, comme dirait Queneau.

             Monte et Frank Meyer ont habilement agencé les témoignages pour construire un récit fluide, dans le style du fameux Please Kill Me de Legs McNeil. Tous les acteurs de la saga témoignent. De tous, Monte est le plus passionnant.

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             Ce book complémente admirablement ceux de Dee Dee et de Johnny. Monte apporte un regard différent sur l’histoire agitée du groupe, mais le génie des Ramones n’en est que plus évident. 1, 2, 3, 4 ! Dès l’intro, ça résume sec - Leather jackets, torn jeans, dirty T-shirts, guitar down the knees, three chords and a wall of beautiful noise. Punk pionniers and Rock ‘n’ Roll Hall Famers. The Ramones were une undeniable force and at the peak of their powers, arguably the greatest band on the planet. They took pop sheen, doo-wop vocals, surf beats and ‘60s garage rock power and combined it to create a sound like no other - Oui, les Ramones ont inventé le punk et l’on incarné. Ça a duré 20 ans, et nous dit Monte, 2 263 shows - Like every other things they did, they rocked hard and fast, and they left.  

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             Joey rappelle que Dee Dee se faisait appeler Dee Dee Ramone bien avant que le groupe n’existe. Tommy raconte comment il s’est installé derrière la batterie pour dépanner ses copains qui ne trouvaient pas le bon batteur - The music needed a driving kind of thing - Tu parles d’un driving kind of thing ! C’est l’un des driving beats les plus révolutionnaires du XXe siècle ! Joey ajoute que le groupe voulait juste un «simple drummer, a timekeeper». Alors on a convaincu Tommy d’essayer - he sat down and played in this style that no one’d ever heard - Tommy sentait que le projet allait être intéressant. Ils ont évolué très vite - I knew we had something different, original and exciting. Once I started playing drums, it was quick - Deux mois après qu’il ait commencé à battre le beurre, les Ramones montent sur scène. Premier concert au CBGB, opening for Blondie, who where called Angel & the Snake.

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             Joey rappelle au coin d’une page que ses héros alors étaient les Who. Et dans le portrait de Johnny, Tommy déclare : «Johnny is a mistery. He has different personalities. He’s a contradiction.»  Dans les chapôs des têtes de chapitres, t’as des textes merveilleusement bien écrits (Frank Meyer ?) - Four scraggly kids from Forest Hills hellbent on fusing the aggression of the Detroit proto-punk with the polish and pop snap of bubblegum music and girl groups, and the power and bombast of glam rock - Et plus loin, le chapôteur met le paquet sur les personnalités - Tommy’s musical finesse, Johnny’s military precision, Joey’s tender heartstrings and Dee Dee’s comic book rogue charisma fused to create a sound all their own - Ed Stasium : «Tommy was the intellectual, Johnny was the taskmaster, Dee Dee was the true punk and Joey was Joey.» Le décor est planté. Les Ramones allaient stormer the Big Apple «with their brand of candy-coated locomotive rock.» L’énergie des mots restitue bien l’énergie du son. Candy-coated locomotive rock !

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             Très vite, le phénomène se développe. Monte en frétille encore : «Après une poignée de shows, it all developped - The Ramones feel, the official feel: the black leather jackets, the jeans, the T-shirts, the low-slung guitars, the haircuts - the whole attitude - C’est incroyable que ça ait aussi bien marché. John Holmstrom rappelle que l’art des Ramones est avant tout minimal - It was the music, They had everything: the image, the sound, the lyrics. They were the whole package. I’d never seen any band that had everything together like that - Johnny ne voit qu’un groupe du niveau des Ramones : les Heartbreakers. Il voit un clip de Led Zep au Madison Square Garden en 1975 et s’exclame : «Oh God, these guys are such shit!». Ils sont devenus des dinosaures et Johnny sent que les Ramones sont bien meilleurs, et il a raison. Sylvain Sylvain rappelle qu’à l’époque, les Dolls étaient en tête de la course de chevaux : «On était à deux doigts de la victoire et derrière nous, il y avait les Ramones, KISS, les Dictators et Blondie, and the list go on. Puis on est tombé, on s’est cassé une patte et les autres guys ont gagné la course.» Holmstrom ajoute que le punk rock en 1974, c’était Suicide, les Dictators, Television et les Ramones. Pour lui, les Dictators et les Ramones étaient comme les Beatles et les Stones d’une nouvelle révolution. On s’amusait encore en 1974, comme le rappelle Joey - The Ramones were always about having fun. Fun disappeared in 1974 - there were too many serious people out there at that time - Danny Fields souligne l’ironie des Ramones et des Pistols qui rêvaient d’être les Bay City Rollers - My God, here are the world’s two best bands wanting to be the Bay City Rollers. You can appreciate the irony of that - Danny Fields était fasciné par les Ramones au point de les manager. Pour lui, les Ramones proposaient ce que tout le monde attendait alors - Fill up that syringe and here’s my arm. Give it to me! Shout it! - C’est Danny Fields qui fait du porte à porte pour essayer de vendre la première démo des Ramones qu’avait supervisée Marty Thau. On sait comment ça se termine : chez Sire. Et voilà que les histoires de cul commencent à courir : Dee Dee a-t-il couché en trio avec Seymour et Linda Stein ? Dee Dee jure qu’il n’a jamais couché avec Linda. Évidemment Danny en profite : «Tout le monde aimait Dee Dee et voulait coucher avec lui. Je l’ai fait. It was nice.» N’oublions pas que Dee Dee se prostituait pour arrondir ses fins de mois. Waiting for the man. Sex & drugs & rock’n’roll. Il est important de rappeler de temps en temps que le rock ne se limite pas aux disques. Plus la réalité est crue et plus elle est intéressante.

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             L’ex-girlfriend de Monte explique le rôle qu’il jouait dans cette aventure : «To the Ramones, Monte was a tour manager, mom, dad, teacher, doctor, babysitter, bill collector, voice of reason, referre, host, guest, shoulder to cry on, head to beat on, hand to hold, driver, negociator, pat on the back, pat on the ass, life saver, the boss, the peon and the whipping boy. And when his talents weren’t neceassary, he was there in the shadows.»

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             Les premières tournées des Ramones sont assez catastrophiques. On les fait jouer en première partie de Johnny Winter et de Ted Nugent et le public les fait sortir de scène. Le pire, ce fut avec Sabbath. Monte : «Playing with Sabbath was dangerous.» Les gens ne voulaient pas des Ramones et ils étaient armés. Monte en conclut que les Ramones ne sont pas un opening band ! Alors ils deviennent des headliners ! - Everybody opened for us - Retournement de situation. Il suffisait d’y penser. Et ça tombait sous le sens. Mais c’est très compliqué de trouver des groupes capables d’ouvrir pour les Ramones. Monte : «One of the fisrt bands we got paired with that finally made some sense was the Runaways.» On suit pas à pas l’évolution du projet. Quand ils jouent en Angleterre, on les fait passer avant les Groovies. Grave erreur. Johnny : «Everyone was there to see us. People cleared out after us.» Les Groovies étaient déjà passés de mode. L’avenir appartenait aux Ramones. 1, 2, 3, 4 !

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             Holmstrom : «The Ramones were punk rock. They were guenine. Johnny was a violent punk. Dee Dee was worse. Joey was a mental institution.» Holmstrom rappelle aussi que les Ramones respectaient leurs fans «and never got fucked-up. No drugs or alcohol before the show. You couldn’t do a show like the Ramones and be fucked up.» Johnny savait que pour tenir le coup pendant les tournées, il fallait éviter de traîner dans les parties après les shows, mais Dee Dee buvait comme un trou et prenait toute la dope qu’on lui proposait. Monte : «That was him. But we tried to keep it under control.» No smoking in the van. Dur pour Tommy qui fume à la chaîne. Monte pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles il a quitté le groupe. Johnny et Monte étaient inflexibles. No smoking in the van. Vera qui a voyagé dans le van indique qu’il y avait des règles : «Basically, the women should be quiet. That was one.» On voit une photo de Monte devant un tour bus. Pour que tout ça tienne, il fallait des règles. Ça semble complètement logique.

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             Après Road To Ruin, Tommy commence à se sentir mal. «They were driving me crazy.» Il commençait à y avoir des problèmes dans le groupe. Alors Tommy dit qu’il arrête. Quand il annonce aux trois autres qu’il fait une dépression, ils explosent de rire. Johnny ne comprend pas qu’on puisse quitter les Ramones. Ça le dépasse. Tommy est un personnage clé dans le projet : il est le porte-parole du groupe et il a produit les quatre premiers albums. Il a créé the Ramones’ Sound. Johnny reprend immédiatement les choses en main et embauche Marky qui doit s’adapter vite fait : «I had to change my drum style. This was simplicity at its most simplistic.» Tais-toi et bats.  

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             Dans Commando, Johnny Ramone dit qu’il n’aime pas trop Pleasant Dreams - This is not one of my favorites, to say the least - Eh oui, il arrive en studio et le producteur Graham Gouldman demande d’où sort ce humming. Well it was my guitar. Et là Johnny Ramone rumine. Il sait que ça ne va pas gazer avec le gars Gouldman, qui comme chacun sait est l’asticot de 10cc. C’est vrai que Pleasant Dreams est un peu bizarre. Disons que ce n’est pas le son habituel des Ramones. Mais il y a toujours les vieux restes de Joey. Ils renouent avec la Ramona dans «All’s Quiet On The Eastern Front», c’est un fast drive chanté en ping-pong avec Dee Dee. C’est sur cet album que tu croises «The KKK Stole My Baby Away», le cut de représailles que Joey a pondu après s’être fait barboter Linda par Johnny KKK. Joey le cocu n’est pas content - He took it away/ Away from me - En fait, c’est un album de power pop, comme le montrent «Don’t Go» et «She’s A Sensation», c’est puissant, avec un beurre bien plan-plan. «It’s Not My Place (In The 9 To 5)» est quasi good time. On perd le raw de la Ramona. «7-11» sonne radio friendly. Joey adore ça, il y va au bop she wap she wap. De cut en cut, les Ramones perdent leur punch. On entend même du piano dans «This Business Is Killing Me». On imagine Johnny Ramone penché sur son manche, à se demander ce qu’il fout là. Et puis quand on croit que c’est cuit aux patates, voilà qu’ils ressuscitent la Ramona avec «Sitting In My Room». Joey est bien chaud, ça redevient solide, punchy, élancé. Ils retrouvent tout leur éclat originel.

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    Marky

             Mais Marky picole - After a while, he was smashed all the time and started fucking up. The band was getting upset - Tais-toi, bats et arrête la picole. Mais il continue. Viré. Coup de fil de Joey et Dee Dee : «Mark, we can’t have you in the band anymore. You fucked up.» Richie le remplace. Monte est ravi de Richie : «Always on time. No drugs, no trouble. A far cry from Marky’s behaviour.» Richie fait trois albums avec les Ramones : Too Tough To Die, Animal Boy et Halfway To Sanity. Joey : «He saved the band as far as I’m concerned.» et il ajoute : «He put the spirit back in the band.» Mais Ed Stasium le voit comme un jazz drummer et trouve qu’il ne colle pas avec les Ramones.

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             Animal Boy est l’un des albums les plus percutants du groupe. Joey se met en rogne et le morceau titre sonne comme du trash punk pur et dur. En B, «My Brain Is Hanging Upside Down» sonne comme une belle tentative de Totor Sound. Et sur «Eat That Rat», Joey fait son Johnny Moped : même son que «No One».

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    Richie

             Johnny : «Ce fut une période compliquée pour les Ramones, Joey et Richie menaient la vie dure à Daniel Rey qui produisant l’album. Ils voulaient tout le temps changer des trucs et remixer les chansons.» Il ajoute que Dee Dee ne joue pas sur Half Way To Sanity, même s’il est crédité. C’est Daniel Rey qui fait le Dee Dee. L’album est solide, «Go Lit’ Camaro Go», «I Know It Better Now» et «Bye Bye Baby» valent pour des coups de génie : Camaro pour son buzzsaw et le papa oum mama, le Better Now est de la pure Ramona, quant au «Bye Bye Baby», c’est de la pure pop de Brill, c’est-à-dire le pré carré de Joey. Et t’as Daniel Rey qui gratte ses poux. Joey te tortille la pop de Brill à sa façon, il rend hommage à Totor. Mais il en fait peut-être un peu trop. Avec «Death Of Me», Joey est au sommet de son lard, il mise tout sur les soupirs. Et quand les Ramones décident de revenir aux basics, ils font du Punk’s Not Dead de haute volée, comme le montre «I Lost My Mind». S’ensuit un «Real Cool Time» qui n’est pas celui des Stooges, par contre, «Worm Man» est en plein dans les Stooges ! Ils recréent la tension mythique du beat primitif des Stooges de «1969». Fantastique osmose de la comatose ! 

             Mais Richie veut sa part du gâtö, c’est-à-dire le merch. Il n’est pas un membre originel, donc zéro privilège. Les trois autres empochent le cash du merch. En 1987, après un show à East Hampton, Richie se barre sans dire au revoir. Ils essayent de le faire revenir avec un gros billet, mais Richie les envoie promener. Et les prochains concerts ? Il s’en lave les mains. Il ne va même pas ramasser ses royalties chez le comptable. Les chèques s’entassent sur le bureau du comptable pendant dix ans. Pour Monte, Richie est resté un mystère.

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    Clem Burke

             Johnny ne perd pas de temps et propose la botte à Clem Burke. Pas de pot, Clem arrive dans une mauvaise ambiance : tout le monde se déteste. «No chemistry. That creates an anti-chemistry.» Tout ça pour cacher la misère, car le pauvre Clem qui bat la pop de Blondie n’est pas foutu de battre le beurre des Ramones. C’est une catastrophe. Alors Johnny fait revenir Marky, «the quintessential Ramones drummer. The guy is a powerhouse.» Marky constate à son retour que l’ambiance s’est détériorée : «Joey was drinking and doing coke. Joey and John are définitively not talking at this point and I don’t know what planet Dee Dee was on. He was on psycho drugs, pot, wearing Adidas uniforms, sneakers and gold chains and was in his rap phase.»

             Johnny essaye de maintenir le groupe en état, mais c’est compliqué. Monte : «Johnny wouldn’t put up with his shit. Dee Dee would listen to Johnny. He wasn’t afraid of Johnny, but Johnny was the boss.» Tommy dit à Arturo d’apprendre vite fait à jouer de la basse, au cas où Dee Dee ferait une petite overdose.

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             Même si Johnny ne l’aime pas beaucoup - One of my least favourite albums - Brain Drain est un Sire qui se tient relativement bien. Johnny ajoute que Dee Dee est crédité, mais il ne joue pas. Les Ramones attaquent au Wall of Sound avec «Believe In Miracles» - I believe in a better world/ For me & you - Joey le prend en mode Heartbreakers. Pur New York City Sound ! Tout l’album est blindé, avec un Joey furibard qui chante du nez. Mais il manque les enchaînements. C’est très bizarre de ne pas entendre le fameux one two three four ! «Don’t Bust My Chops» est encore très Heartbreakers. Ils tapent une cover du «Palisades Park» de Freddie Cannon, puis ils embrayent sur «Pet Semetary». Tu sens le classique dès l’intro. C’est un petit joyau ramonesque bien noyé de son. Dommage qu’on entende des violons derrière. Laswell ramollit les Ramones. Back to punk avec «Learn To Listen». Ça reprend de l’allure, c’est même quasi-beefheartien, au sens de «Dropout Boogie». Voilà l’un des emblèmes du NYC punk : «Ignorance Is Bliss». Sur ce terrain, ils sont imbattables. Ils passent à la power pop avec «Come Back Baby» et regagnent la sortie en mode Christmas avec une belle dégelée de «Merry Christmas (I Don’t Want To Fight Tonight)». 

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             Loco Live est l’un des grands albums live du XXe siècle. Impossible de faire l’impasse sur cette bombe atomique ramonesque. Ils sont venus, ils sont tous là, «Blitzkrieg Bop» (l’hymne !), «I Believe In Miracles» (attaque frontale), «The KKK Took My Baby Away» (Joey jette toute sa niaque dans le KKK), «Too Tough To Die» (vrai bulldozer, Ramona tout terrain), «Sheena Is A Punk Rocker» (l’hymne originel), «Rockaway Beach» (le cut prend feu), «Pet Semetary» (enfonce les lignes, Joey chante du museau). Petit coup de Punk’s Not Dead avec «Animal Boy» (quasi dirty proto). Ils passent le «Surfin’ Bird» des Trasmen à la casserole, et ça rebascule dans le mythe avec «Beat On The Brat» (c’est l’accord parfait des accords parfaits, l’oh yeah est pur comme de l’eau de roche), et «Chinese Rock», mythe d’or en barre, les Ramones l’explosent.

             En tournée, les Ramones font tourner Monte en bourrique. Pendant une tournée au japon, ils planquant une tête de poisson dans sa valise. Monte est furieux : ses fringues puent la poissecaille. Alors il bricole un petit axiome rigolo : «Quelle est la différence entre un tour manager et une lunette de WC ? A toilet bowl only has to deal with one asshole at a time!».

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    Dany Fields

             Monte aborde aussi l’aspect réactionnaire de Johnny, qui fait souvent des blagues sur le dos des blacks et qui a sa carte au KKK - He tolerated other races - he had to - but it was pretty clear that he did not like them - Côté sexe, Danny Fields rappelle que les Ramones étaient monogames. Tout le monde baisait tout le monde en tournée, sauf les Ramones. Jusqu’au moment où Johnny baise la copine de Joey, lequel Joey le prend très mal - He destroyed the relationship and the band right there, amongst other things - Mais Johnny rappelle aussi sec que la relation était déjà détériorée. Ça remonte au temps où Tommy a quitté le groupe. Les choses empirent au moment d’End Of The Century quand Joey dit à Totor qu’il envisage une carrière solo. Johnny : «I wasn’t totally happy with the direction of the band on the album. Internally, things started to deteriorate around ‘79.» Quand Dee Dee était dans le groupe, tout le monde s’en prenait à lui. Quand il est parti, ce fut le tour de Joey. C’est comme ça qu’ils passaient le temps. Mais sur scène, ça ne se voit pas. Monte : «They knew they had a good thing going. Vers la fin, ils ne pouvaient plus se supporter, mais ils montaient sur scène and play a show and you’d never know. That was the Ramones magic.» Puis Monte sent que Joey va lâcher, alors il le prend totalement en charge, ce qui rend les autres jaloux. Joey prenait soin de sa voix et demandait à ce qu’il y ait une piscine dans l’hôtel. Il nageait et soignait sa voix dans le sauna.

             Malgré tous leurs bons albums et leur légende, les radios américaines ne veulent toujours pas des Ramones. Danny Fields : «Fuck radio. Radio is the stupidest, most backward white-man-is-now medium out there. It is populated with the dumbest shit and is the most cowardly of all forms of show business.» Les Ramones sont trop punk pour la radio - Speed, volume and guitar attack wasn’t synonymous with pop - Joey ne cache pas sa fierté : «We’re the only band that stuck up to its original ideal. Everybody else either went the sound of Bruce Springsteen or Elvis Costello or went disco or reggae. We never went the way of the Clash. We never wanted to go into, the discos that bad. It’s bullshit.» Cela s’appelle une profession de foi. Danny Fields ajoute que les Ramones sont devenus célèbres sans radio ni MTV, «and it’s the type of fame you can’t translate into record sales.» Mais Joey et Dee Dee ne veulent plus de Danny comme manager. Il votent à deux contre un (Johnny) contre lui. Joey et Dee Dee veulent le manager des Talking Heads, Gary Kurfirst. Ils voulaient juste renverser le pouvoir, c’est-à-dire Johnny et Danny. C’est aussi con que ça. Par contre, ils restent tous fidèles à Ed Stasium, qui va enregistrer 9 albums avec les Ramones, à partir de Too Tough To Die. Monte : «If I was the fifth Ramone, then Ed soon became the sixth.»

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             Et puis il y a cet épisode clé dans l’histoire des Ramones : la rencontre avec Totor qui jurait à Ed Stasium qu’il allait faire des Ramones «the biggest thing since the Beatles. He was convinced of this.» Mais Johnny était contre ce projet depuis le début. Totor les harcelait depuis Rocket To Russia et Road To Ruin. Johnny revient aussi sur la pochette d’End Of The Century. Il y avait la photo avec et la photo sans les leather jackets. Dee Dee et Joey ont voté pour la photo sans les leather jackets. Johnny et Marky voulaient l’autre. Mais comme la voix de Marky ne comptait pas, Dee Dee et Joey ont gagné. Johnny : «That was Dee Dee and Joey trying to get the power away from me.» Les sessions d’End Of The Century furent terribles, selon Ed Stasium, «espacially for Johnny who hated Phil. Joey loved Phil». Les sessions durent des heures et Johnny en a ras le bol du take after take. Ils jouent «This Ain’t Havana» 353 fois, «over and over at absurd volumes.» Joey exulte : «It was a Frankenstein experiment. Everybody in the band hated working with Phil but I enjoyed it because he was so sick. He was so nuts that it was kind of pleasant. I was working with a master. I learned a lot.»   

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             Quand Dee Dee entre dans sa phase rap, il collectionne les montres, puis les tatouages. Sur scène, il ne joue pas les bonnes basslines. Johnny demande au roadie Little Matt de le débrancher. Puis Dee Dee quitte les Ramones. Il ne supporte plus que Johnny lui donne des ordres, tu t’habilles comme ci et tu te coiffes comme ça. Terminé. Andy Shernoff : «Dee Dee was a nut job, but I never thought he would leave.» Alors évidemment, après, ce n’est plus la même histoire.

             Johnny dit aussi que les années 80 ont été rudes - We were out there by ourselves. There was no punk rock movement. If there was any, it was really underground. It was a lonely decade. Those were the hardiest years. We are so in our own world we barely even noticed. It was rough - Alors que les autres Ramones voulaient évoluer, Johnny ne voulait pas, «he wanted to keep it the way it was. He knew it would become a cult thing and he was right. it worked.»  

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             Encore un big album avec Mondo Bizarro. T’y trouves une belle cover des Doors, «Take It As It Comes». Joey passe en force. Johnny : «We did a Doors cover, ‘Take It As It Comes’. It was my idea which nobody liked at first.» Et ça grouille de coups de génie sur ce Mondo, à commencer par «Censorshit», pur power de la Ramona, l’équilibre parfait du rock power/chant/chords, bien profilé sous le vent new-yorkais. Encore de la fantastique énergie avec «The Job That Ate My Brain», Joey injecte tout son sucre dans cet enfer. T’as encore du son à gogo dans «Poison Heart» et du full blown dans «Anxiety», Johnny te gratte ça à la vie à la mort et Daniel Rey fout le feu par derrière avec ses licks thunderiens. Magie pure encore avec «It’s Gonna Be Alright». Joey est le roi de la magie, il est le Merlin du punk new-yorkais, te voilà arrivé au max des possibilités du rock new-yorkais. Joey passe encore en force sur «Tomorrow She Goes Away», il chante au raw du raunch. Joey est un génie, au sens d’Aladin, il sort d’une lampe, hey hey ! Les Ramones n’ont jamais été aussi flamboyants. Joey n’en finit plus d’enfoncer son clou dans la paume du mythe. T’as les pires heavy chords de la Ramona dans «Cabbies On Crack» et ça se termine On The Beach avec un «Touring» digne des grandes heures des Beach Boys. Franchement, que demande le peuple ?       

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             Paru en 1993, Subterranean Jungle reste un bon album. Pourquoi ? Parce qu’«In The Park», véritable chef-d’œuvre de buzzsaw pop un brin On The Beach, avec le génie Joey aux harmonies. Parce que «Time Bomb», et tous ces réflexes power pop extraordinaires. Le génie Joey te chante ça très laid-back. Parce que la petite cover du «Little Bit O Soul» de Music Explosion. Parce qu’«Outsider», du très grand yeah yeah yeah et un couplet chanté par Dee Dee. Et surtout parce «Time Has Come Today», fantastique hommage aux Chambers Brothers, tic tac coucou, ça ramone bien à la Ramona et les autres font hey ! Et puis sur la red Rhino, t’as des bonus, et là tu te régales, car t’as l’impression d’être en répète avec eux. Rien de plus juteux que les démos de la Ramona, notamment «Bumming Along» avec un Joey scintillant all over la Ramona, puis «My-My Kind Of Girl» où le génie Joey ramène tout son sucre et chante comme un dieu.

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             Acid Eaters ! Big-o big one ! Johnny explique qu’ils n’auraient pas pu faire cet album de reprises plus tôt, car il aurait fallu les adapter au style des Ramones, comme ils l’ont fait avec «California Sun». C.J. chante sur «The Shape Of Things To Come» et «My Back Pages». On perd la Ramona. Quelle tragédie ! Mais Joey se tape la part du lion avec «When I Was Young» où il fait son Burdon. Il explose le Burdon ! Marky rafle la mise sur le «7 & 7 Is» du roi Arthur. Ramona all over ! Ils triplettent la roulette de Belleville et Marky fait tout le boulot. Boom badabooom ! Et pourquoi c’est le plus bel album de covers de tous les temps ? À cause des six covers mythiques : «Substitute» (avec Pete Townshend dans les backing vocals, c’est du full blown de London Town in New York City. Power extrême), «Out Of Time» (Joey réinvente le Swingin’ London au sucre demented, il accroche chaque syllabe à la vie à la mort, c’est chargé de tout le barda du monde), «Somebody To Love» (Joey évince la Grace de l’Airplane), «Have You Ever Seen The Rain» (fantastique explosion nucléaire, les Ramones la ramènent au I know et au pur génie pulsatif, hommage suprême à Fog), «I Can’t Control Myself» (Joey y va au bah bah bah bah mythique, il tape ça en mode I can’t control maïséééé, et Johnny gratte des poux de rêve, il noie le mythe dans son wall of sound) et puis pour finir, le «Surf City» de Jan & Dean, pur jus d’On The Beach. T’as là la vraie racine du rock californien.

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             Et voilà l’album des adieux : Adios Amigos. Johnny : «This album has perhaps the best of all the guitar sounds I ever got. Daniel Rey produced it and he knew the Ramones were a guitar group. He also played the leads on here.» Et plus loin, il ajoute que C.J. chante quatre cuts («Making Monsters & Freaks», «The Crusher», «Cretin Family» et «Slatter Gun») Dès que Joey ne chante pas, on perd la magie des Ramones. Pur Ramona power avec «I Don’t Want To Show Up» - One two three four ! - C’est droit dans l’axe : Ramona intacte avec tout le sucre de Joey et le buzzsaw de Johnny. Joey oh-yeate son oh yeah dans la pire power-pop de «Life Is A Gas». Clameur éternelle ! T’as une espèce de suprématie, comme si les Ramones régnaient comme des Empereurs en perfecto sur la Rome du rock. Ça sonne comme un fait établi, cette pop est tellement pure, aussi pure qu’au premier jour. Joey te drive «Take The Pain Away» vite fait bien fait, avec Johnny en support tutélaire. Et puis t’as cet «Have A Nice Day» tapé dur dans l’oss, Joey chante aux parois nasales, à la niaque de la 25e heure. Encore un coup de génie avec «Got A Lot To Say», Johnny gratte la destruction massive, il jette tout son dévolu dans cette dernière bataille et Daniel Rey passe un killer solo flash. Ce dernier album est bardé de tous les symboles. C’est un album magnifique. «Born To Die In Berlin» sonne comme «Chinese Rocks». Mêmes accords. On reste dans les Heartbreakers avec cette cover mythique de «Baby I Love You» qui s’appelle ici «I Love You». Joey n’en fait qu’une bouchée, I really do, et Daniel Rey fait son Johnny, l’autre, le Thunders. T’es assez fier de faire partie des fans des Ramones. C’est aussi bête que ça.

             Joey avoue qu’il en avait assez après 22 years of constant touring - I definitively loved aspects  of the band, the live performances, the fans, but I had my fill. It was time to have a life - Mais plutôt que de jouer leur dernier concert à New York, ils le jouent à Los Angeles, parce que Johnny y vit. CJ : «It was ridiculous.» Ils ont des invités sur scène, Lemmy, Tim Armstrong et Eddie Vedder.

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             Les Ramones ne pouvaient boucler leur bouclard qu’avec une bombe atomique : We’re Outta Here est l’enregistrement live de leur dernier concert d’août 1996 au Palace de Los Angeles. Festin ramonesque de 32 cuts, mélange détonnant de coups de génie («Blitzkrieg Pop», «The KKK Toook My Baby Away», «Pet Semetary») et de cuts mythiques («Chinese Rock») Et si les Ramones étaient le groupe parfait ? Et si Joey était le chanteur parfait ? Tu sens le souffle dès «Teenage Lobotomy». Leur arrivée sur scène est dévastatrice. C.J. fait son Dee Dee et lance tout au one two three four! Joey chante comme un canard sur «Do You Remember Rock’n’Roll Radio» et une chape de plomb tombe sur la salle avec «I Believe In Miracles». Ramona power ! Ils sont insurpassables ! Quand ils font de la power pop avec «Rock’n’Roll High School», ils le font avec tout le power du monde. «I Wanna Be Sedated» te plonge au cœur du cyclone de la Ramona. Ce live est une véritable aventure. Les Ramones sonnent comme une aventure. Kings of cartoon ! Joey se jette dans le KKK avec tout la rage mythique dont il est capable. Il monte ses couplets comme ceux que montait Totor, aw yeah ! Joey reste au faîte de sa Ramona avec «I Just Want To Have Something To Do» et t’as «Judy Is A Punk Rocker» qui te tombe sur le coin de la gueule, aw yeah, Joey avale bien ses syllabes, sheenes/ punroka, le voilà au sommet du mythe, et ils enchaînent avec un «Rockaway Beach» ful-gu-rant. Ils transforment tous leurs hits en rouleaux compresseurs. Ils battent encore tous les records de trash-punk avec «Do You Wanna Dance» et Johnny remonte un Wall of Sound vite fait pour «Someone Put Something In My Drink». Encore une fournaise du diable avec «Cretin Hop», «R.A.M.O.N.E.S» sonne comme l’hymne new-yorkais, «53rd & 3rd» comme l’hymne de la Ramona, et «Chinese Rock» comme l’hymne national américain. Tu sors de là complètement rincé. 

              Quand tout ça est fini, Monte flippe : «After the Palace show I had no idea what to do with the rest of my life. I had put everything I had into The Ramones and now it was all over. I tried to start a normal life, but I didn’t know how.»

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    Johnnu and Lisa

             Une fois installé à Hollywood, Johnny commença à retourner sa veste et à fréquenter la jet set - the life of the rock star - Monte dit qu’il traîne avec Vedder, Rob Zombie, Green Day, Rancid, Nicolas Cage et Lisa Maria Presley. Monte donne encore des coups de main aux survivants, comme Dee Dee pour enregistrer Greatest & Latest, un album de covers des Ramones avec Chris Spedding.

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             Et voilà qu’arrivent les conclusions : «If Joey was the band’s heart, Dee Dee was the soul and original drummer Tommy the mentor. Johnny was the drill sergeant, leading the group from battle after battle and off and it was he who oversaw the band’s destiny.» Johnny : «Nobody can sound like us. It is very difficult to do. No one can play the guitar like that, and the drumming is very difficult, too. No one can do down-strums. They have trouble getting through one song of down-strums.»

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             C’est à Rodney Bigenheimer, the Mayor of Sunset Strip, que revient le mot de la fin : «In the history of rock’n’roll, there’s Elvis Presley, The Beach Boys, The Beatles and The Ramones. They changed the whole punk history and the whole rock history. Even the Sex Pistols were influenced by The Ramones.» Bizarre que le Mayor of Sunset Strip oublie de citer Bob Dylan.

             Signé : Cazengler, Ramone sa fraise

    Ramones. Pleasant Dreams. Sire 1981

    Ramones. Animal Boy. Sire 1986

    Ramones. Halfway To Sanity. Sire 1987

    Ramones. Brain Drain. Sire 1989

    Ramones. Loco Live. Chrysalys 1991

    Ramones. Mondo Bizarro. Radioactive 1992

    Ramones. Subterranean Jungle. Sire 1993

    Ramones. Acid Eaters. Chrysalis 1993

    Ramones. Adios Amigos. Radioactive 1995

    Ramones. We’re Outta Here. Radioactive 1997

    Monte A. Melnick & Frank Meyer. On The Road With The Ramones. Independently published 2019

     

     

    Inside the goldmine

     - Junior on le connaît Parker

             Il est des gens que tu rencontres et qui te marquent à vie. Parcourt fait partie de ces gens-là. Tu commences par lui donner le bon dieu sans confession, c’est-à-dire que tu lui accordes ta confiance. Tu ne te poses même pas la question de savoir s’il saura s’en montrer digne. Tu marches à l’instinct. Tu sais aussi qu’une relation se bâtit dans le temps. Alors tu donnes du temps au temps et tu alimentes en dosant bien : un peu de musique, un peu de littérature, un peu de cinéma, quelques éléments succincts d’autobiographie, deux ou trois points de vue, non pas sur l’actu qui n’a jamais servi à rien, mais sur la vie et la mort. La relation se développe et s’équilibre. Parcourt réagit bien, il alimente lui aussi, et tu montres que tu es preneur, mais sans te forcer à accepter ce qui ne te convient pas. La base d’une relation équilibrée repose sur l’honnêteté morale et intellectuelle. C’est le seul moyen d’éviter les zones d’ombre et les prises de bec. Quand au fil du temps, tu vois poindre les premiers défauts, tu tentes de nier ta déception. Tu te dis que ce n’est pas si grave, même si tu vois Parcourt esquinter certaines règles tacites. Par exemple, il va te photographier comme le font tous les cons aujourd’hui sans te demander ton avis. Tu lui redis pourtant la règle d’or : n’inflige jamais à quiconque ce que tu ne voudrais pas qu’on t’inflige, mais il ne comprend pas. Cette incompréhension te met la puce à l’oreille. Tu réalises soudain que tu t’étais fait une idée de Parcourt qui ne correspond pas à la réalité. Et tu conclus amèrement qu’au terme d’une vie consacrée à l’étude approfondie de la condition humaine, tu peux encore te fourrer le doigt dans l’œil en prenant les vessies pour des lanternes. Mais en même temps, tu refuses de porter la responsabilité de cet échec. Tu te demandes encore pourquoi Parcourt t’a bluffé. Est-il rusé comme un renard, ou roué comme le petit paysan qu’il n’a jamais cessé d’être ? Est-il abandonné de Dieu ? Joue-t-il un rôle ? Et pourquoi le jouerait-il aussi mal ? Il finit par te faire pitié.

     

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             Alors que Parcourt ruse sans avoir les moyens de la ruse, Parker crée sa légende. Il en a largement les moyens. En plein milieu des fifties, à Memphis, Junior Parker est entré dans la caste des géants du blues et de la Soul. L’un de ses premiers admirateurs fut Elvis.

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             Si on veut plonger dans la jeunesse du grand Junior Parker, il est conseillé d’écouter une vieille compile Ace de Little Junior Parker & The Blue Flames, I Wanna Ramble. C’est un album de gros jumpy jumpah avec ses solos de sexy sax. Alors attention, c’est Pat Hare qu’on entend sur «Can’t Understand», un fantastique boogie blues de down on the highway, qui sera pompé par Creedence sur down the highway. Tous ces cuts datent de la période 1954-1956, c’est du Duke  et l’heavy blues de «Driving Me Mad» va t’envoyer au tapis. En B, t’as le «5 Long Years» d’Eddie Floyd, un heavy blues d’I’ve been mistreated. Ces mecs savaient déjà tailler une route. Et puis t’as ce «Pretty Baby» qui va te liturger les abbatiales à coups de don’t like my automobile. Heavily balanced !

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             En 1962, Little Junior Parker pose avec sa Cadillac pour la pochette de Driving Wheel. Avec «I Need Love So Bad», il atteint une sorte d’apothéose de la Soul de blues, logique car signé Percy Mayfield. Il réédite l’exploit avec «Tin Pan Alley», monté sur un bassmatic délicieusement élastique. Il reste dans l’heavy blues d’harangue avec «Someone Broke This Heart Of Mine» et passe en mode boogie cavaleur avec «Yonder’s Wall». Par contre, il ne fait pas l’apologie de la «Sweet Talking Woman». Pourquoi ? Parce qu’elle lui a barboté all of his money. Les ceusses qui ont eu la bonne idée de rapatrier la red sont quasiment tous morts d’overdose : 15 bonus explosifs ! À commencer par «Mystery Train», la racine d’Elvis. Junior fait bien l’Elvis au train arrives et au Train train/ Comin’ on round the bend. T’as aussi «That’s Just Alright» tapé aux riffs carnassiers, inégalable ferveur primitive ! Il passe en mode big band avec «Peaches», Junior swingue sa chique, I know I know I know ! Dans tous les cas de figure, Junior a la classe. Encore un heavy boogie de fantastique allure : «Pretty Baby», et son «Sometimes» vaut toutes les versions de «Dust My Blues» jouées en Angleterre.

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             Paru en 1970, The Outside Man est ressorti sous une pochette beaucoup sexy et un autre titre : Love Ain’t Nothin’ But A Business Goin’ On. Quel album ! Junior est tellement à l’aise qu’il fait plaisir à voir, whoooo yeah ! Il attaque «The Outside Man» au big time out, machines de bassmatic avant toutes et Junior saute en croupe.

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    Magnifique groover ! Il manie à la fois le smooth et le raw. Il tape trois covers de Beatles sur cet album béni des dieux, à commencer par «Taxman». Ah il faut le voir groover entre les reins du Roi George ! - ‘Caus I’m the taxman ! - En B, il tape «Lady Madona» en mode Parker, il groove bien le butt des Beatles, il y va au whooo finds the money/ When you pay the rent ! Et il enchaîne avec l’encore pire «Tomorrow Never Knows», l’ancêtre de la psychedelia. Seul Junior peut se permettre ce luxe indécent. Il fait sa psyché. L’autre grosse cover de choc est celle du «Rivers Invitation» de Percy Mayfield. Il te groove ça à coups d’all across the country et d’I’m trying to find my baby. Il ne la trouve pas, alors il parle à la rivière, I spoke to the river/ And the river spoke back to me, il te swingue ça à la folie. Junior est un fantastique chanteur de charme, tu succombes en permanence. Il est certainement l’un des Soul Brothers les plus accomplis, la beauté n’est pas que dans la mélodie, elle est aussi dans le chatoiement de ses accents chantants. Il vibre littéralement son chant. Avec «You Know I Love You», il passe le blues en mode Soul de satin jaune.

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             Like It Is n’est pas vraiment son meilleur album. On y trouve deux beaux boogies, «Wish Me Well» et «Come Back Baby». Junior les mène de main de maître. On sent un brin de modernité dans son «Country Girl» - My little girl is a country girl - Et il groove comme un crack son «(Ooh Wee Baby) That’s The Way You Make Me Feel», il laisse filer sa note au chat perché. Il se prend pour une poissecaille dans l’heavy boogie blues de «Just Like A Fish» et il supplie sa baby de revenir dans «Baby Please». Toujours la même histoire : Baby please come back/ I need your love to set me free.

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             Tu te sens toujours bien en compagnie de Junior. Ce que vient confirmer Honey-Dripping Blues. La perle de l’album est sa cover du «Reconsider Baby» de Lowell Fulsom. Il y va à l’I hate to see you go, ça joue fabuleusement, et Junior y va encore, The way that I wish you/ I guess you never know - Il plonge dans le caramel d’«Easy Lovin’» au me & you easy lovin’ baby. Il enchaîne avec le fabuleux Soul blues d’«I’m So Satisfied», cuivré à outrance. Quel album ! Encore un somptueux froti-frotah de Soul : «You Can’t Keep A Good Woman Down», violonné jusqu’à l’horizon. Junior a des orchestrations de génie. Il est encore le crack du marigot avec «Lover To Friend» et te charme dès l’intro de «Your Bag Is Bringing Me Down». Il est à l’aise partout. Junior groove dans la dentelle. C’est un régal permanent que de le voir à l’œuvre.

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             En 1969, Little Junior Parker enregistrait Blues Man sur Minit, le label de la Nouvelle Orleans. Pas l’album du siècle, mais on y trouve un Heartbreaking Blues mené à la glotte ultra sensible, «Get Away Blues». Il sait faire jouir un blues. Mais c’est le son Nouvelle Orleans qui domine l’album : «Let The Good Times Roll», «I Just Get To Know» et «I Found A Good Thing». Saluons aussi «Every Night & Every Day», un heavy blues de treat me right, et il y va, le Junior, au that’s how I love you. On peut lui faire confiance.

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             Entre 1971 et 1972, Junior Parker va enregistrer trois albums : You Don’t Have To Be Black To Love The Blues, Jimmy Mc Griff Junior Parker, et I Tell Stories Sad And True etc. Un petit black croque une pastèque sur la pochette du premier, le plus intéressant des trois. Junior Parker est un fantastique crooner de blues. Il le roule dans la farine divine, il en fait un blues velouté gorgé de feeling. La viande se planque en B. Il attaque avec un cut de Percy Mayfield, «I Need You So Bad». C’est la meilleure des conjonctions : Junior + Percy. Il chante au feeling subliminal. «Look On Yonder Wall» est un boogie écœurant de classe, et il bat encore tous les records de feeling avec «Man Or Mouse» - Sometimes I wonder/ I’m a man or mouse - C’est un bonheur que d’écouter Junior chanter.  

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             Tu sauves un Heartbreaking Blues sur Jimmy Mc Griff Junior Parker : «Don’t Let The Sun Catch You Cryin’». On croise aussi un «Baby Please Don’t Go» crédité à Muddy et on retrouve le «Five Long Years» d’Eddie Floyd.

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             Et puis voilà I Tell Stories Sad And True etc. Deux covers de choc : «Funny How Time Slips Away» de Willie Nelson (Soul de blues et belles fondues de falsetto léger, merveilleux crooner), et «The Things That I Used To Do» (Classique insurpassable de Guitar Slim). Il tape aussi dans Hooky («I Done Got Over It», heavy boogie blues drivé à la plaintive) et dans le «Stranger In My Own Town» de Percy Mayfield. On s’extasie sur la profondeur du croon.

    Signé : Cazengler, stylo Parker

    Little Junior Parker & The Blue Flames. I Wanna Ramble. Ace Records 1984. 

    Little Junior Parker. Driving Wheel. Duke 1962  

    Junior Parker. Like It Is. Mercury 1967 

    Little Junior Parker. Blues Man. Minit 1969 

    Junior Parker. Honey-Dripping Blues. Blue Rock 1969

    Junior Parker. The Outside Man. Capitol Records 1970 ( =Love Ain’t Nothin’ But A Business Goin’ On)

    Junior Parker. You Don’t Have To Be Black To Love The Blues. Groove Merchant 1971 

    Junior Parker. Jimmy Mc Griff Junior Parker. United Artist Records 1972

    Junior Parker. I Tell Stories Sad And True etc. United Artist Records 1972

     

     

    Wheeldon du ciel

     - Part Two

     

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             Avec Nick Wheeldon, c’est pas compliqué : tu pars à l’aventure. Son œuvre s’apparente à une jungle, mais pas la jungle de tous les dangers, comme celle de la forêt amazonienne, non, il s’agirait plutôt de la jungle du Douanier Rousseau, délicieusement exotique et dont on observe minutieusement tous les détails. Nick Wheeldon a joué dans une myriade de groupes, alors tu peux partir à l’aventure. Comme tout n’est pas accessible, ça te simplifie la vie, t’es pas obligé de tout écouter.

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             En 2017, il jouait dans 39th & The Nortons et enregistrait The Dreamers. Big album. Avec Nick Wheeldon, le big albuming est quasiment automatique. Il suffit d’écouter «If It’s So Easy» pour en être convaincu. On sent bien le dévolu dans ce Big Atmospherix, il va chercher le pathos profond, les échos de John Lennon sont indéniables. Il éclate encore au grand jour avec un «I Ain’t Hiding» noyé d’orgue. Tu te régaleras de la merveilleuse qualité de l’attaque et du son de «Step Into Your World». La tension d’orgue amène du souffle, tu sens le véritable élan du songwriting. Tiens, encore un cut parfait avec «Without You», une belle pop-song noyée dans son jus. Chaque cut induit sa propre puissance. Nick Wheeldon crée son monde cut après cut, un monde de compositeur. Il est dans le même trip que Robert Pollard. Seule compte la beauté du geste. Avec «On My Own», il dégomme encore la pop et son aplomb n’en finit plus d’impressionner, et puis t’as un solo de flûte mercuriale. Tu vas trouver un son de rêve dans «Deserve Each Other», un son fruité, épais, chargé d’écho et le Nick entre à la harangue en ville conquise. T’as là une compo qui regorge de développements avec des chœurs soignés, et un son en sous-main qui vaut tout le nec plus ultra de Geno, le Nick t’embarque ça au big time out. «Deserve Each Other» est une grosse compo évolutive noyée de son et d’écho. Il flirte avec le No Other. On regagne la sortie avec le très entêtant «Looking For Tears», un cut farci de sonorités psychédéliques. Nick Wheeldon cultive son art avec délectation, il en cultive toutes les directions, il va là où son vent le porte, c’est extrêmement inspiré. 

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             Il récidivait l’année suivante avec un album génial, Mourning Waltz. Pourquoi génial ? Parce que «21.01». Eh oui, il y va au tell me how, alors ça push le push à l’heavy psychout, et le groove grouille de poux, et c’est un bel enfer sur la terre du jingle jangle. Le lead est un crack, il s’appelle Loik Maille. Parce que «Caroline», ersatz Beatlemaniaque sur lequel le crack Loik fait encore des étincelles. Parce que «Baby Blue», cette grande pop élancée qui bat encore tous les records, brillante et même glorieuse, avec in Loik in tow, ce mec ne plaisante pas, il claque du slinging de choc. Parce que «Realise», Wheeldon y va au calling your name, c’est encore une pop inconnue qui sort de la jungle, velue et efflanquée, une pop aux joues roses, allègre et alerte, illuminée de l’intérieur par le slinging du crack Loik, et quelle puissance d’I realise ! Et puis t’as ce «Walking Slowly» en ouverture de balda qui sonne très Television Personalities, gentle et raffiné, et puis ce «White Light» encore plus gentle et raffiné, qui renvoie directement chez Syd Barrett.

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             Autre épisode passionnant : Os Noctambulos. Tu peux rapatrier deux albums assez facilement, un 25 cm paru en 2017, The Devils, et un album paru deux ans plus tard, Silence Kills. Le 25 cm est assez largué, au bon sens du terme. Largué et spacieux, avec un petit Valentin Buchens qui s’amuse bien. Comme toujours chez Nick Wheeldon, c’est très inspiré, il reste très incisif, très porté sur la chose, c’est-à-dire sur l’ampleur, il a des orchestrations chatoyantes qui raflent bien la mise («Tangerine Boy»). On se régale du fabuleux fouillis de guitares en B, dans «Cucaracha», un cut qui regorge de richesses. Et avec «Nowhere», on assiste à un fantastique passage en force. C’est un mini-album de très grande masse volumique.

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             On retrouve Valentin Buchens sur Silence Kills. Très vite, tu croises un «Living A Lie» doucement psyché, très Barrett dans l’esprit. T’as même parfois l’impression qu’ils jouent avec des pincettes : le meilleur exemple est ce cut nommé «You Walked Away», délicieusement psychédélique, mais ils te jouent ça en finesse, sans en rajouter. Tout est gentle et sacrément friendly. Par contre, ils s’énervent un peu sur «A Man Needs A Home», ils flirtent avec le vif argent de Moby Grape. Ils repartent toujours à l’attaque. C’est un album courageux. Nick Wheeldon a une belle équipe derrière lui. Pas d’hits, mais du son à gogo et surtout une musicalité exemplaire qui puise dans la meilleure veine pop-psyché anglaise des années phosphorescentes.

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             On ne perd pas son temps à rapatrier l’Hopeless Friends des Creep Outs, un album que Nick Wheeldon a enregistré en 2008 avec Andrew Anderson. Ils proposent une heavy pop bien raclée du sacrement. Ils cultivent la clameur. Ils te cueillent au menton dès «Beautiful Eyes». T’as aussitôt le fantastique swagger de la fast pop anglaise et tu t’effares de leur incroyable allure, ils grattent comme des démons. Prépare tes adjectifs, car ça monte ! Nouvelle dégelée avec «What I’m Missing», bien glammy dans l’esprit, mais pulsé, yeahhh ! C’est de l’early Roxy explosé aux black bombers. On reste dans la fière allure avec «Treat Her Gently», ils attaquent ça de front, t’as là un archétype d’ampleur considérable, bien doublé au beurre. Ils restent dans la densité maximale avec «You Don’t Have To Lie» et un killer solo troue le cul du cut. Si tu veux voir le fantôme de Syd Barrett, tu vas le trouver dans l’heavy mélasse psychédélique de «Stay A While». Quel fabuleux cloaque ! Ces deux mecs disposent de toutes les ressources naturelles. Un petit shoot de proto-punk te ferait plaisir ? Alors voilà un «Treat Me Wong» criant de véracité. On passe à l’heavy déhanchement de rock anglais avec «Yours To Keep». Les Creep te creepent le chignon. Léger parfum de Small Faces. «They Don’t Love You» pourrait bien figurer sur l’un des grands albums de Wild Billy Childish. Ça groove aux accords de clairette. Retour au full blown avec un «Guess It’s All Over» bien foutraque et bien jeté dans la balance. Tu sors complètement rincé de cet album.

             Tu repars à la chasse, mais pas mal d’albums de Nick Wheeldon sont sortis de l’écran radar. En attendant Godot, tu vas devoir te ronger l’os du genou.

    Signé : Cazengler, Nick Wheeldinde

    The Creep Outs. Hopeless Friends. Off The Hip 2008

    Os Noctambulos. The Devils. Stolen Body Records 2017

    Os Noctambulos. Silence Kills. Stolen Body Records 2019

    39th & The Nortons. The Dreamers. Stolen Body Records 2017

    39th & The Nortons. Mourning Waltz. Croque Macadam 2018

     

    *

    J’ai toujours aimé ce groupe. Je ne l’ai jamais écouté. Mais leur nom m’a toujours fait rêver. Parfois le rêve est préférable à la réalité. Il faut savoir remettre à demain ce qui risquerait de vous décevoir aujourd’hui. Oui mais là, ils frappent un grand coup. Que dis-je : deux. D’abord la couve, magnifique. Quand j’ai vu le titre, j’ai sursauté, ils abordent un thème dont personne ne parle. Pourquoi ce silence. Ce n’est pas la peur. Ce n’est pas parce que ce serait dangereux. Non simplement par pudeur. Désolé ce n’est pas une question d’entre cuisse.

    ECHOES IN ETERNITY

    AGNOSTIC FRONT

    (Reigning Phoenix Music / Octobre 2025)

             En règle générale je désapprouve ceux qui se cachent derrière les mots commodes. Ils ne vous diront jamais : il y a un Dieu. Ou alors : je suis athée. Non ils se drapent derrière le cache-sexe de la savante ignorance. Ils ne savent pas. Ils ne prennent pas parti. Pour sûr ils ont réfléchi au problème, longuement, ils ont lu, ils en ont discuté avec leurs amis et la moitié de la population mondiale, ils pensent avoir trouvé l’arme imparable, le parapluie de la modestie : ce n’est pas ma petite personne pas très fûtée qui va trancher la question. Ne leur vient même pas l’idée qu’il pourrait y avoir d’autres réponses possibles.

             Pourraient peut-être se poser la question autrement : par exemple comme Aristote : pourquoi n’y-at-il pas rien ? Et ensuite essayer de définir cette chose qui n’est pas rien. Agnostic Front y répond à sa manière : ce qu’il y a : c’est une société injuste. Comme c’est un groupe hardcore : ils diront plutôt : une société de merde. Aussitôt ils ajoutent : il faut la détruire.

             Evidemment c’est politique. Et comme selon Clausewitz : ‘’ La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ‘’ en toute logique ils ont posé le vocable ‘’ front’’ à forte consonnance guerrière à la suite du mot Agnostic. Illico, on comprend où ils veulent en venir. Ne vous étonnez pas si par hasard vous apercevez, infâme stigmate, le sticker : Parental Advisory / Explicit Content, sur leurs pochettes.

             Ernie Parada a participé à de nombreux groupes dans lesquels il tient ou la guitare ou la batterie. Il est aussi graphiste. Si vous souffrez de dépression abstenez-vous de visiter son site. Toutes ses œuvres expriment un infime solitude, des êtres humains et des choses. Un regard sans complaisance, sans outrance. Parada offre à voir cet essentiel anecdotique qu’il ne nous donne pas en spectacle, son intention est de faire remonter à la surface de ses images l’extrême profondeur de leur horrible signifiance.

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             Apparemment ce n’est pas la liberté guidant le peuple. Un gamin, oriflamme noire en main, qui marche d’un pas décidé. Jusque-là tout va bien, mais pourquoi a-t-il les yeux bandés. Le groupe voudrait-il nous dire que malgré nos certitudes les plus résolues  l’on avance  toujours en aveugle… Il existe un Official  Music Vidéo dont la première image utilise la même image colorisée en teinte jaunâtre, qui précède la vidéo que nous allons commenter. Nous écouterons d’abord le son, issu d’un vieux film américain de John Frangenheimer tourné en 1952 dont le titre français Un crime dans la tête est beaucoup plus explicite que l’original. Le scénario est complexe : un soldat américain prisonnier qui a subi un lavage de cerveau assez special, les services secrets communistes possèdent ainsi au cœur des USA un agent dormant qu’ils peuvent  manipuler à distance, par exemple pour tuer un futur candidat à la présidence de la République… les images sont beaucoup plus sommaires, vues plongeantes sur des milliers de croix de cimetières, de guerre et de civils, suivies d’entrecoupements de scènes de combats, de bombardements, d’explosions nucléaires, parfois vous apercevez les victimes innocentes, notre gamin, ou par exemple des familles en train de déjeuner, tous les yeux bandés, les fameuses victimes collatérales parfois plus nombreuses que les troupes engagées… Le message politique s’éclaircit :  l’Etat vous élève pour mieux se servir de vous. Quel que soit la couleur du drapeau qu’il vous refile entre les mains.

             Petit apparté totalement hots-sujet : le film est assez prémonitoire quant aux rôles des deux Lee Harvey Oswald, tous deux agents de la CIA, dont un se touve mêlé à l’assassinat de John Kenedy…

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             Reste maintenant à interprêter le sens du titre : Echoes in eternity. Le groupe existe depuis plus de quarante ans. Il a été la figure centrale et fondatrice du mouvement hardcore new yorkais lors de leuRs apparitions au CBGB. Leur premier album est paru en 1984, depuis ils en ont produit une bonne quinzaine, ses fondateurs Roger Miret et  Vincent « Vinnie Stigma » Cappuccio, ne sont plus tout jeunes, l’heure de gloire du mouvement hardcore est passée, les  nouvelles générations se détournent en très grosse majorité de ces musiques revendicatrices, dans quelques années que restera-t-il de cette effulgence crépitante, personne n’en sait rien. Des civilisations entières ont disparu sans même que leurs noms nous soient parvenus… Que restera-t-il dans cent ans lorsque tous les témoins de cette aventure musicale aura été effacée des mémoires ? Agnostic Front se pose la question de la transmission ou de l’inanité à long terme de leur action… Nos actions résonneront au travers des siècles aimaient à répéter les officiers des légions romaines… En quoi les maigres échos qui nous en parviennent réflètent-ils la réalité de ce qui a eu lieu… Angoissantes réflexions, cet album d’Agnostic Front doit-il être interprété comme une bouteille sonore jetée à la mer des indifférences oublieuses.  Heidegger nous enseigne qu’il y a pire que l’oubli de l’être, c’est d’avoir oublié que l’on a oublié l’être.

    Vincent Cappuccio : guitare / Roger Miret : vocal / Mike Gallo : basse / Craig Silverman : guitare / Danny Lamagna : drums.

     Way of war : évidemment il n’y a pas l’extrait sonore du film de la vidéo sur l’album : le band ne perd pas de temps, vous saute à la gorge sans préavis, le pire c’est qu’ils disparaîtront aussi vite qu’ils sont apparus, faudra vous y habituer, chaque morceau est construit à la manière d’un braquage mental, une batterie fractale des guitares vibrionnantes, un vocal mordant et dévorant, un sacré ramdam, entre parenthèses incroyablement et inexplicablement mélodique, un véritable phénomène illogique, totalement inexplicable, pas le temps de s’appesantir, juste des mots d’ordre (ou de désordre) , ne vous laissez pas emporter par le maelström de la mort. Appel à la désobéissance. Civile et militaire. You say :  au cas vous n’auriez pas compris l’on vous secoue salement les puces, interdiction de rejeter vos manquements sur les autres. Le vocal en coup de poing. Pas de pitié. Vous renvoient le boomerang de votre incapacité, de votre lâcheté, en pleine gueule. Bien fait pour vous. Ne vous étonnez pas s’ils s’énervent à la fin. Matter of life and death : une

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    bonne branlée, une petite secouée mentale, ça ne fait pas de mal, le gars a compris, l’est maintenant un tigre en liberté dans les rues de la ville, il ne se défend plus, il n’avance plus en douce, il attaque, il n’est plus le vieil homme fatigué qui régnait en lui, l’est un adolescent empli de rage. Tears for everyone : urgence absolue, une batterie folle une guitare écartelée, un vocal tripal, la tempête est passée, il ne vous reste plus qu’à serrer les dents et à rependre le combat. Divided : comment font-ils pour être encore davantage violents et balancer encore plus violemment  chaque morceau, un couteau rouillé de solo, un vocal antifasciste fortement chaloupé, les fausses solutions contraignantes et la batterie qui emporte tout comme les vagues de la mer. Sunday matinee : une vidéo éclatée nous les montre sur scène devant des

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    images du CBGB, de l’énergie et de la joie d’être ensemble, moment de recharge des batteries et de communion. Des instants à ne pas rater car la musique underground est un bienfait commun. Profitons-en pour expliquer à ceux qui ignorent tout du hardcore : comparé au hardcore le punk est un gros matou endormi sur le canapé de la maison, quant au hardcore il est un tigre mangeur d’hommes qui enfonce la porte de votre demeure. Can’t win : auto-lavage de cerveau immédiat, une batterie qui secoue sans ménagement la poussière de vos méninges calcifiées par le découragement et un brossage revigorant pour vous remettre en pleine forme, prêt à vous battre. Turn up the volume : poussez le potard de la révolte à 13, chœurs masculins qui appellent à l’union, au combat, des mots lancés comme des grenades dégoupillées, dégelée de cymbales, les guitares donnent l’assaut, galopades, appel à la Révolution. Le peuple ne sera guidé que par lui-même. Art of silence : moins de cinquante secondes pour mettre les choses au clair, les marxistes diraient que les sentiments petits-bourgeois interindividuels ne doivent pas amoindrir le temps que vous devez à la lutte. Shots  fired : un bon ennemi est un ennemi mort, la vengeance est un plat qui se mange froid. Ce n’est qu’un début. Le genre de morceau, d’une telle violence, que beaucoup désapprouveront. Ils auraient tort. Hell to pay : ce titre pour ceux qui n’auraient pas compris le précédent, vous avez eu droit à la violence extérieure, voici l’intérieure, celle qui vous brûle d’un feu indomptable, avertissement sans frais, à tous ceux qui voudraient se mettre en travers de mon chemin. Evolution of madness : grincements, la folie monte, partout autour de moi et en moi, vases communicants, crachats de haine contre un monde qui va mal. Skip the trial : ne s’en prendre qu’à soi. Mieux vaut mourir de sa propre main que de celle du juge. Il y a toujours une issue de secours qui s’offre à vous. Cette apologie du suicide heurtera les consciences chrétiennes… Obey : les deux voies de l’obéissance, celle de la société, celle de la désobéissance qui n’est que l’obéissance à la nécessité de la lutte. Ne pas confondre avec le péremptoire  Indignez-vous ! si à la mode par chez nous voici quelques années, s’agit de gueuler dans le but de d’aider et de pousser le monde à péricliter. Au plus vite. Eyes open wide : nécessité de garder les yeux grands ouverts, afin de ne pas se perdre dans ses propres noirceurs, voir la situation pour mieux s’y confronter, même si c’est dur, pour mieux la combattre sans jamais mollir.

             Un disque dont il est impossible d’arrêter pour passer à un autre. Tous les morceaux sont un tantinet construits sur le même schéma sonore, c’est cette particularité qui   donne à l’album  sa force, qui vous empoigne et vous oblige à marcher à coups de coups de pied au cul. Idéologiquement le sentier est étroit, entre la révolte et l’appel à la lutte armée, l’on pense au MC 5… évidemment les temps ont changé, ils ne sont plus à l’optimisme…

    Damie Chad.

     

    *

             Tiens un groupe qui a pris un nom latin, c’est sympa, la langue de Virgile ce n’est pas de la petite bière, ben non, c’est le titre de l’album, alors c’est qui ? non de Zeus, ils l’ont bien caché ! J’aurais pu commencer autrement, un groupe qui sort un album en novembre, doit y en avoir plusieurs centaines, ben non, ils se distinguent ils en sortent deux, c’est plus rare, ah ! j’ai repéré le nom du groupe, c’est un chiffre : 1914, avec un tel blaze ils profitent de la date commémorative du 11 novembre. Non ils ne surfent pas sur l’actualité, z’ont déjà dix ans d’âge, le groupe s’est formé en 2014, par contre des monomaniaques, des enragés, un groupe qui a trouvé sa thématique, la guerre de 14-18 ! Après tout à chacun son dada, leur premier album sorti en 2015 ne se nommait-il pas Eschatology of War autrement dit les fins dernières de la guerre. S’intéressent de près au sujet…  Dans tous les cas, avec les millions d’obus échangés durant ce conflit, n’est-ce pas une véritable aubaine pour un band métallifère, rien de plus bruyant qu’un bombardement, et rien de davantage full metal sur votre jacket !  Y avait juste un détail minuscule que je n’avais pas remarqué.

    VIRIBUS UNITIS

    1914

    (Napalm Records / 2025)

             Que voulez-vous, parfois le hasard fait mal les choses. Ou alors bien, cela dépend de la manière dont vous les appréhendez. Parfois l’Histoire vous rattrape ou alors ils ont senti venir l’entourloupe. De la prescience. Par chez nous, personne n’y croyait. L’on criait au bluff. Z’étaient mieux placés que nous. Vous comprendrez pourquoi lorsque je vous aurais dit qu’ils sont de Liuv. Vous ne connaissez pas : c’est en Ukraine. Je n’entends ni prendre parti pour les Ukrainiens ou les Russes. Je déplore simplement tous ces morts sur les champs de bataille. Les villes détruites, les civils assassinés… Tout cet argent, des milliards, pour enrichir les marchands de canon… Soyons égoïstes, la guerre l’on sait quand et où ça commence mais pas où et quand ça finit. Regardez l’Espagne en 36 et l’engrenage qui s’en est suivi…

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             En tout cas, la couve est bluffante, très Death metal, au fond  la silhouette de la Mort, infatigable moissonneuse munie de sa faux tranchante, à ses côtés nous dirons l’ange exterminateur de l’apocalypse, au premier plan difficile de donner un nom à ces formes indistinctes, des cadavres, des combattants, des nids de mitrailleuses… mes pauvres yeux ne me permettent pas de voir mieux. Elle est signée par Vladimir ‘Smerdulak’ Chebakov, d’origine russe, l’a eu le déclic à l’âge de huit ans lorsque la pochette de Killers d’Iron Maiden lui est passée entre les mains. Depuis il dessine des pochettes pour des albums de metal. Son surnom signifie ‘’odeur’’, on la subodore mauvaise, en latin. Un art puissant et mortifère.

    K.K. LIR. Lemberg Nr.19 Fähnrich, Rostislaw Potoplacht : drums /

    k.u.k. Galizisches IR Nr.15, Gefreiter, Ditmar Kumarberg : vocal /

    K.K. LIR Czernowitz Nr.22 Oberleutnant, Witaly Wyhovsky : guitars /

    K.K. LIR Stanislau Nr.20 Zugsführer, Oleksa Fisiuk : guitars /

    k.u.k. Galizisch-Bukowina’sches IR Nr.24, Feldwebel, Armen Howhannisjan : bass /

    Les abréviations K. K. LIR : signifient : Régiment de réserve d’Infanterie Royal et Impérial / Les abréviations k.u.k. IR désignaient les Régiments d’Infanterie royale et impériale. Vous remarquez que chacun a choisi son régiment et son grade : enseigne, soldat, sous-lieutenant, caporal, sergent.

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    Par souci d’identification, les membres du groupe se sont symboliquement enrôlés dans une des compagnies d’un régiment de leur choix. En hommage à tous les morts de la première guerre mondiale et vraisemblablement pour mieux ‘’ coller’’ au récit mis en scène par l’album.

             En France nous connaissons avant tout la guerre de 14-18 par l’affrontement qui se déroula sur notre sol entre les troupes françaises et les troupes allemandes. C’est oublier le rôle important de l’Empire austro-hongrois dans le conflit. Si les allemands se chargeront du front Ouest, ils laissent dans un premier temps les Austro-Hongrois libres de mettre à genoux la Serbie, de l’Italie et de la Russie. L’empire Austro-Hongrois va peu à peu s’épuiser, qui trop embrasse mal étreint, le Reich Allemand se chargera plus tard du front russe, politiquement et militairement le Reich prendra l’ascendant sue les Habsbourgs. L’empire Austro-Hongrois, sera le grand perdant de la première guerre mondiale. Reste le problème de l’Ukraine – n’oublions pas que nos musiciens sont Ukrainiens -  longtemps dominée par la Pologne, puis par l’Autriche et la Russie qui toutes deux exercent une forte influence sur les régions qu’elles contrôlent. A la fin de la guerre, profitant de la défaite de l’Autriche la Pologne essaie de récupérer l’Ukraine… Ce rapide résumé d’un imbroglio géopolitique extrêmement complexe peut permettre de comprendre la trame historiale du récit de cet album. 

    Pour ceux qui répugneraient à  se plonger dans des livres d’histoire, je conseille deux romans, le premier, sans aucune prétention historique, Taïa d’Albert T’Serstevens se déroule au tout début du conflit lors de l’assassinat de l’Archiduc d’Autriche Franz-Ferdinand en juin 1914, le deuxième Le Don Paisible de Mikhaïl Cholokhov nous emmène chevaucher avec les Cosaques Ukrainiens durant la Révolution Russe… Deux bouquins haletants, d’aventures et politiques, qui aident à réfléchir.

    Dernière remarque, non dénuée d’ironie, le titre Viribus Unitis peut se traduire : par  les Hommes Unis. Viribus Unitis  était la devise de de François Joseph 1er (1830-1916).

    War In ( The begining of the fall) : : vous attendez un déferlement métallique, mauvaise pioche, un vieux disque qui grésille, un peu vieillot, démodé, bien loin d’une fanfare fanfaronne, un chant teinté d’une certaine nostalgie, hymne national qui fut celui du Reich Allemand, et de l’Autriche…  1914 : The siege of Przemysl :

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    Les Russes attaquent à Lemberg ville alors située en Autriche tout près de la frontière avec l’Ukraine, aujourd’hui Lemberg devenue Lvuv se situe en Ukraine. La forteresse de Przemyls fut prise par les Russes après cent jours de combat… Une Lyric  Video de Napalm Records offre photos et films… 1914 ne joue pas sur le tintamarre, la voix gronde comme le souffle d’un géant dont la respiration suffirait à évoquer la violence épique des combats, c’est elle qui orchestre le galop fou de la batterie et l’élan lyrique des cordes électriques. Quand survient la joyeuse musique d’un défilé militaire, l’on n’est pas surpris, ce n’est pas vraiment une cassure, juste un épisode parmi d’autres emporté par le courant de l’Histoire. 1915 (Easter Battle for the Zwinin Ridge) : il fallut plusieurs mois de combats acharnés aux troupes allemandes et austro-hongroise pour prendre la crête de Ziwni située à mille mètres d’altitude : victoire et optimisme, la rage l’emporte sur l’horreur de la guerre, batterie en rafales de mitrailleuses, assourdissances orchestrales, l’ouragan passe et se déchaîne, cris haineux d’invectives, parfois malgré la fureur le silence plane dans les bruitances, peut-être sont-ce les âmes des morts qui s’élèvent vers le ciel ou qui s’enfoncent dans le sol gelé, idée d’un engloutissement général, une fosse commune, celle des hommes vivants côte à côte, le morceau se termine sur les échos lointains d’une messe, le pain de Pâques n’est-il pas pétris de sang et de terre libérée !

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    1916 : The Süditirol offensive : L’Italie entre en guerre en 1915. Les armées austro-hohgroises contre-attaquent, les Italiens demandent l’aide des Russes dont l’intervention i monopolise une partie des forces austro-hongroises qui n’ont plus assez de vigueur pour avancer en Italie : Napalm Death offre une bande dessinée animée, dirigée par Tania Pryimych, qui relate les combats, terrible à dire mais cette vision d’acier de neige moirée de bleue, d’éclats orangée et de taches sanglante, rend la guerre sinon belle du moins esthétique… ce n’est certainement pas un hasard si la chaîne YT dédiée à cet album porte le nom de Poetry of War, terrible ambivalence marquée par la devise adjacente : ‘’Quand la mort devient absurde, la vie en devient encore plus absurde’’ : feu nourri nous sommes plongé au cœur de la bataille, mais la musique, parfois imitative prend le relais, la bande-son est d’une intelligence démoniaque, elle est en même temps répétitive tout en étant variée, par exemple cette espèce de duo chant / basse, tout en relatant les différents mouvements de la bataille, d’un côté nous sommes dans l’action, nous n’en savons pas plus loin que le bout de notre fusil, un peu à la manière de Fabrice à Waterloo, et de l’autre nous avons une vue générale du mouvement des troupes. Un chef d’œuvre sonique. La grande gagnante reste la grande faucheuse. 1917 : The Izonzo front : les Italiens bloqués par le fleuve Izonzo (= Soca) lancent une offensive, il faudra pas moins de neuf grandes batailles pour les arrêter. Les austro-hongrois devront demander l’aide des Allemands pour stopper l »avance Italienne. Les Italiens ont perdu une grande bataille mais pas la guerre. Résultats des courses : un million de morts, un million de blessés : en intro une martiale déclaration d’un dignitaire italien, ensuite hachis menu de la mêlée, la rage, juste la rage, plus rien ne compte, l’on se bat avec son arme puis avec son corps, combat singulier, face à un ennemi, face à son destin et à soi-même, pendant ce duel la guerre ne s’arrête pas, l’on tient le compte des morts, la bataille continue imperturbable, la batterie joue au canon, rupture, une simple guitare acoustique après le déferlement électrique, l’on entend une voix italienne, que dit-elle, est-ce vraiment important de le savoir, tout cela a-t-il seulement un sens. 1918 : part 1 : WIA  Wounded inaction) : les forces anglaises et françaises viennent à la rescousse des Italiens qui doivent reculer mais qui finissent par stopper l’armée austro-hongroise sur les hauteurs de Montello. Attention, le ton change, jusqu’à maintenant nous avons surtout suivi un soldat engagé en des combats qui le dépassent quelque peu, désormais nous rentrons en son histoire personnelle : musique militaire triomphante, chœurs d’hommes virils et dominateurs, il pleut de la musique, de plus en plus assourdissante, de plus en plus pesante, elle est sur votre dos, vous ne vous relèverez pas, d’abord pensez aux efforts surhumains nécessaires à ces centaines de milliers d’hommes, il est tombé, il est blessé, les obus tombent, vaincu lui-même mais les lignes s’effondrent, chœurs d’hommes, background processionnaires, tintements tels des instants suspendus sur la conscience du monde, hurlements collectifs, vocal enragé,  la réalité s’engourdit, elle ralentit, elle se tait. 1918 Part 2 : POW 5 Prisoner of War (Feat. Christopher Scott) : Christopher Scott est le chanteur du groupe metal américain Precious Death : destinée, épisode numéro deux, le groupe ne joue pas, il abat du son, il martèle, il ne chante plus, il prend la parole, le monologue intérieur d’un prisonnier sous le joug au travail forcé, sont des milliers comme lui, il n’est plus que le maillon d’une souffrance collective, une seule décision, intime, prendre la décision dans sa tête de tenir, de sortir vivant de cet enfer, espérer  survivre à la der des ders, si horrible qu’elle ne peut être que la dernière, le discours politique reprend vantant la victoire de l’armée italienne… 1918 Part 3: ADE (A duty to escape) (feat. Aaron  Stainthorpe) : Aaron Stainthorpe est le chanteur du groupe britannique My Dying Bride :

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    une vidéo animée de  Costin Chioreanu débute par une scène saisissante, celle du cadavre d’un soldat abandonnés sur le terrain qui peu à peu se fond dans la pierraille, il est désormais devenu une partie parcellaire du paysage… Ils sont trois à s’échapper du camp, trois ombres noires qui traversent des champs de neige et se confrontent à l’escalade  de la montagne, ils ne sont pas seuls, dans leurs tête les rejoignent leurs femmes et leurs enfants, l’évasion se métamorphose en voyage intérieur, en voyage au centre de soi-même, ils arpentent des abîmes de pensées,  l’image magnifiée et fantomatique de la Victoire de la patrie Austro-hongroise se métamorphose en celle de la sombre camarde à la faux assoiffée, trois camarades face à la Mort qui envoie une patrouille à leur rencontre, ils ne sont que deux, ils ont perdu un camarade et toutes leurs illusions. Dans sa tête il se dit qu’il ne sera plus jamais dupe. Bienvenue en Autriche. Meurtrière. Une musique noire, batterie saccadée, vocal au plus profond des entrailles, des chœurs surgissent, sont-ce des chants funèbres grégoriens ou la conscience des morts qui s’amalgame au pas des survivants, qui marchent avec eux, car ceux qui sont morts ne mourront plus jamais, étrangement la musique se fait lyrique, le danger ne provient-il pas davantage des vivants que des morts qui marchent avec nous, qui nous accompagnent en nous. Peut-être même sommes-nous davantage constitués de morts que de vivants. Magnifique oratorio. 1919 (The Home Where I Died) (feat. Jerome Reuter) : (Jérome Reuter est  le fondateur-chanteur-compositeur du groupe Rome, voir notre livraison 667 du 29 / 11 / 2024.) / En 1918 l’Ukraine retrouve son indépendance que lui dénient la Pologne et  l’URSS qui finira par l’annexer en 1922… : pointillés sonores, seraient-ce des bruits indus des rafales de mitrailleuses lointaines et assourdies qui se transforment en notes de piano avant de se muer en distorsions, avant de résonner en dos majeurs pianistiques, mais le son est voilé, comme vrillé, le héros désabusé est de retour, va-t-on le reconnaître, serait-il méconnaissable, on l’attendait, tout est bien qui finit bien, mais quelle nostalgie, quelle gravité dans le timbre de Jérôme Reuter, il a rencontré d’anciens frères de combat, les russes attaquent l’Ukraine, la guerre ne finira donc jamais, pensez à vos familles, il les rejoindra, l’Ukraine l’attend, n’est-ce pas son devoir de la défendre… War out : (the end ?) : le disque finit comme il a commencé par un chant patriotique, cette fois-ci en l’honneur de l’Ukraine. La guerre se terminera-t-elle un jour ? Un point d’interrogation instille l’idée d’un doute… Un siècle après, une certitude établie : la guerre entre l’Ukraine et la Russie a recommencé…

             Un disque d’actualité qui dit beaucoup plus qu’il ne raconte. L’ensemble est splendide.

             N’empêche qu’il pose une question essentielle : puisque l’homme est un être pour la mort  serait-il aussi, j’ai envie d’écrire par conséquence, un être pour la guerre ?

             Metal-rock ou rock actuel ?

    Damie Chad.

     

    *

             Tiens si j’allais regarder les nouveautés sur Western AF, présentent toujours des artistes, bluegrass, country, roots. La dernière fois ils m’ont bien eu. Suis tombé sur une  rockeuse, très bien d’ailleurs, mais moi je cherchais un autre style. Premier coup d’œil une fille avec une guitare, c’est parti. Même pas regardé l’engin qu’elle avait  entre ses pattes, c’est au premier son que j’ai compris que je m’étais fourvoyé.

    WISHING BONE BLUES

    CRISTINA VANE

    (Western AF / 2021)

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    Elle sourit, gros plan sur son instrument, ce n’est pas une guitare, une poêle à frire, un résonateur, pas de doute, son petit doigt est armé d’un bottleneck, ô la chienne ! qu’est-ce qu’elle joue bien, du blues à la Skip James, à la Blind Willie Jefferson, cette manière d’espacer les notes alors que son appareil continue de ronronner, et puis cette voix, fluette, rien à voir avec les rocailles du vieux sud,  elle vous prend aux tripes, elle vous emporte en son monde, plus tard j’apprendrai qu’elle chante ce qu’elle a vécu, qu’elle a quitté Los Angeles, toute seule dans sa voiture, qu’elle a pris la route, à l’aventure durant sept mois, des nuits dans la tire, ou sous la tente, et d’autres sur des canapés, mais le matin elle repartait.

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    Elle vient de loin. De partout. Italie, France, Angleterre, sans compter des ascendances guatémaltèques. Elle a étudié à Princetown, a trouvé du boulot à Los Angeles dans une boutique de guitare folk… au bout de quatre ans elle a pris la route, s’est arrêtée à Nashville pour enregistrer un disque : Nowhere Sounds Lovely (2021), sera suivi de Make Myself Me Again (2022) et Hear My Call en février 2025.

    C’est vraisemblablement en cette occasion qu’elle est revenue chez Western AF.

    CRISTINA VANE

    LIVE PERFORMANCE / WESTERN AF

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    Difficile de faire plus minimaliste, peu de lumière, très opportunément le plancher est composé de lattes bleues, la scène est vaste, ils sont trois, si espacés qu’on ne les aperçoit que très rarement ensemble, Jeff Henderson le bassiste est légèrement décalé par rapport à Cristina, plus loin Roger Ross caresse sa batterie, pas une once d’esbrouffe, ils ne jouent pas fort mais juste, ce qu’il faut pour que vous prêtiez l’oreille et montiez le son, vous laissent libre, donnent l’impression de jouer ni pour eux, ni pour vous, sont là pour servir la musique. Ne se préoccupent que de l’essentiel. Ils ne racolent pas même si le rythme caracole. Little Black Cloud est une petite tornade à lui-tout seul. L’ergot au pouce de Cristina lance la danse très vite relayée par le vocal tout aussi rapide, les deux guys sont collés à la guitare, derrière mais impulsifs, jamais devant, c’est elle qui mène le jeu, le morceau est comme une orange bleue qu’ils n’entendent pas partager. Entraînant certes, mais d’une solitude absolue, paroles répétitives, nul besoin d’expliquer ceci ou cela, le vilain petit nuage est dans sa tête, disons que c’est une tentative d’approche de soi-même par soi-même. Travelin’ Blues prend la suite, plus relax mais pas tant que cela, si parfois la voix s’étire un peu elle rebondit par la suite, elle voulait lâccher une bouffée de tristesse sur le monde, elle est sur la route, pour échapper à la laideur de l’univers, ce n’est qu’en quittant le lieu par lequel elle passe qu’elle se sent mieux, oui la route est douce, elle serait mieux avec lui, elle a essayé, elle n’a pas réussi, se souviendra-t-elle seulement de lui lorsqu’elle mourra. Ce n’est pas qu’elle est cruelle, c’est qu’elle ne croit pas à la beauté des choses, la route ne conduit nulle part, l’oubli est partout, c’est son chemin à elle. Getting High in Hotel Rooms beaucoup plus proche du blues, disons qu’ici le blues de l’anatole ressemble un peu au Tombeau pour Anatole que Mallarmé avait tenté d’écrire à la mort de son petit garçon, rien de mieux qu’une

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    chambre d’hôtel pour faire le point sur soi-même parce que sur les autres c’est une cause perdue, elle veut bien essayer, elle ne peut pas, elle voudrait bien, le reste des paroles sont glaçantes, une mouche qui se débat contre la vitre de ses pensées qu’elle a élevées entre elle et le monde, dans le seul but d’être seule… elle n’insiste pas sur les accords, elle ne fait pas pleurer sa guitare, mais je crois que je n’ai jamais entendu un blues d’une telle désolation. Blues de la tour d’ivoire bleue. Make Myself Me Again : elle s’est aperçue qu’elle a son résonateur dans les mains, alors elle vous montre comment elle sait s’en servir, aucune vantardise, chez elle c’est naturel, elle sait jouer alors souvent elle fait juste le minimum, comprenez le maximum où très peu parviennent à se hisser. Elle vous promet qu’elle va se reprendre, qu’elle a envie de faire des efforts, mais de temps en temps elle lâche en deux ou trois mots la réalité de son état, elle est fatiguée, non ce n’est pas une dépression juste sa philosophie de la vie, que le monde ne présente aucun intérêt, que les autres ne valent pas le coup, aucun mépris, elle ne vaut pas mieux, ce n’est pas qu’elle est pire, simplement un peu plus lucide que la moyenne, bref vous avez compris, elle est plus près du  blues que vous ne le serez jamais. Que jamais personne ne l’a été.

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    Damie Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 711 : KR'TNT ! 711 : BOO RADLEYS / BOB MOULD / BLACK SABBATH / ACETONE / BELPHEGORZ / JOHN-MARY GO ROUND / HYPOCRISY / BLUES FOR NEIGHBORS / GENE VINCENT + DEKE DICKERSON

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 711

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    20 / 11 / 2025

     

     

    BOO RADLEYS / BOB MOULD

    BLACK SABBATH / ACETONE

    BELPHEGORZ / JOHN-MARY GO ROUND

      HYPOCRISY / BLUES FOR NEIGHBORS

     GENE VINCENT + DEKE DICKERSON

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 711

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Traînés dans la Boo

     (Part Two)

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             Dès les premières mesures, tu sens qu’ils vont rayonner. Les Boo Radleys sont de retour avec un Sice incroyablement ravi d’être sur scène. Rien de tel qu’un groupe anglais qui arrive sur scène. Les pas, les fringues, les allures, tout est typiquement anglais. Ils font autorité avant même d’avoir ouvert le bec. The Eggman approche du micro en souriant. Il est petit, mais c’est the Eggman superstar.

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    Il vient te chanter la suite de «Strawberry Fields Forver», c’est-à-dire «I Hang Suspended», il vient te chanter l’enchantement de Liverpool, il vient te gorger de magie, the Eggman, c’est Merlin, et tu sens aussitôt le souffle de la grande pop de Liverpool. Et ça va durer une heure comme ça, tu vas quitter ton enveloppe et regagner le monde magique que tu fréquentais assidûment à une autre époque, tu vas errer au fil des mélodies, porté par le sucre de Sice qui une fois encore s’infiltre dans ton âme pour l’imploser de bonheur, et crack il te craque «Barney And Me».

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    Alors ça gicle, ça jaillit, ça pulse du gimmick demented, Louis Smith qui remplace Martin Carr rajoute des cercles dans les cercles et ça devient aussi effarant qu’un hit de Brian Wilson, avec un Smith qui réitère les glissades démentes, qui joue gras, il a le gimmick du diable dans les doigts et il t’emmène au paradis. Avec Barney, Sice fout le feu au mythe de Liverpool - Now I’m getting older - Il monte encore d’un cran quand tu crois que ce n’est plus possible. Tout est dans l’I still can’t find the words - La trompette embarque Barney et tu te sens physiquement glisser dans une autre dimension. Et Sice qui sourit. Et Sice qui chante comme un dieu, sans jamais forcer. Tu vois ce petit bonhomme gratter sa Tele. Il sait qu’il a le pouvoir des hits derrière lui et donc il se sait le roi du monde pour une heure, just for one hour. Le public chante. Les fans sont tous là. Il règne dans la salle une réelle communion pop autour d’un groupe devenu légendaire par la seule qualité de sa pop, comme ce fut le cas pour les Beatles et Brian Wilson. Bon t’as des cuts en forme de passages à vide, mais Sice reste admirable de présence. Entre les cuts, il lit des petits mots rédigés en français et préparés à l’avance, il indique chaque fois le titre du cut pour que les gens aient un point de repère. Et pouf, «Wake Up Boo», cut de pop explosive, mais pas un hit. C’est pas Barney. «Wish I Was Skinny» sort aussi de cet album culte que fut Giant Steps. Sice est ses amis n’en font qu’une bouchée. 

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             Ils vont regagner la sortie avec un «Stuck On Amber» secoué par des relances de basse démentes. Sice plane sur la mélodie comme un papillon, il justifie et il explose - To get okay with me - Et ils vont boucler leur set avec une effarante restitution de «Lazarus», un cut tellement technicolor et orchestré qu’on ne pouvait imaginer le voir joué sur scène. Les paroles de Sice sont un délice de perdition, mais il règne sur ce final pharaonique une plénitude à laquelle personne ne s’attendait. Quand la musique atteint ce niveau d’excellence, l’air ambiant avale les âmes des gens. C’est ce qu’on appelle la communion et elle se fait bien malgré soi. L’enchantement siphonne les âmes, tout au moins est-ce l’impression que l’on se plaît à cultiver dans l’instant. Même si tu sais que ton âme ne vaut pas un clou, t’es content de te sentir dépossédé. En échange, tu récupères l’image d’un chanteur radieux et brillant, Sice Superstar, pour la coller dans ton album de souvenirs.  

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             Étonnamment, Keep On With Falling est un bon album, pour au moins quatre raisons, la première étant «I’ve Had Enough I’m Out». On a le Sice, c’est sûr, mais a-t-on le Carr ? Ils essayent et ça finit par décoller. On retrouve cette fantastique

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    énergie de la pop. Sice fait encore des miracles sur le morceau titre. Avec un cake comme Sice, ça reste délicieusement easy. Ce petit mec chante comme un dieu. Les Boos savent faire décoller l’hydravion d’Howard Hugues. Et puis voilà un premier coup de génie : «All Along». La clameur t’éclate le cortex, le cut se noie dans le bonheur, le Sice y va à coups d’all along et là t’as le phénomène Boos qui éclate au Sénégal. La quatrième raison s’appelle «A Full Syringe & Memories Of You», full blown de Boo, deuxième coup de génie Boo. Le Sice adore se rouler dans la Boo, c’est puissant, ça monte tout seul, il martèle son pilon pop et les forges explosent de bonheur, ça gicle partout, Sice y veille avec bonhomie. Ils retapent aussi dans le vieux mix de beat reggae et de trompettes («Here She Comes Again») et Sice remonte dans sa stratosphère chérie avec «You And Me». 

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             Avec Eight, Sice ramène sa fraise et son sucre. Il ramène sa voix chargée de sens. Il rétablit le règne des Boos avec «Hollow». Pure Beautiful Song. Sice est un être gracieux, il peut créer de la magie. Il décolle toujours de la même façon. On reste dans l’enchantement avec «Now That’s What I Call Obscene». Sice est comme un poisson dans l’eau. Encore une fantastique construction pop avec «A Shadow Darker Than The Rest». Pur génie pop. Le festin continue avec «Sometimes I Sleep». On appelle ça le génie vocal. Il rentre dans une faille mélodique et injecte sa magie. Tu sens une énorme pression arriver avec «Dust». Il est déjà là, le cut se présente comme une énormité bâillonnée, avec des accalmies et des rétributions illicites, et la voix de Sice porte tout ça mollement. C’est la voix qui fait tout, une voix en forme de nec plus ultra du fruit défendu, l’excelsior harmonique. Le power est bien dans les pattes des Boos de Liverpool, comme le montre encore «How Was I To Know?», ça te claque aux oreilles et la beauté te sidère. Eight est un album parfait. D’autant plus parfait que t’as un disc de bonus (alternates + des cuts Live at the Cavern). On y retrouve une alternate de «The Hollow». Sice est l’un des grands popsters anglais. Il s’applique derrière son micro et fait plaisir à voir. Il t’attaque ça au chant pur et l’Hollow s’envole. Sice l’enchanteur reprend le pouvoir et t’as tout le power des Boos au long cours. Ils montent «That Ain’t A Way Of Life» sur un dub, avec le Sice en écho. C’’est Tim Brown qui vole le show sur sa basse. Et puis voilà la triplette de Belleville, les trois bonus qui font le sel de la terre, Live At the Cavern, avec pour commencer un hommage au Roi George, «All Things Must Pass». T’as la trompette et ça devient mythique. Pire encore, voici le vieux «Spaniard» des Boos. Cette pop chaude ne tient qu’à un fil mélodique. C’est hallucinant de finesse et sublimé par la trompette mariachi. Aussi unique dans les annales de la pop anglaise que le fut «Strawberry Fields Forever». Le trompettiste s’appelle Nick Etwell. Nouvelle cavalcade de Boo avec «Find The Answer Within». Hallucinant de joie et de bonne humeur. Encore un drive de basse dément et la trompette. Sice part en tête, il est explosif de génie. C’est effarant d’élégance pop boréale, Sice et les Boos rivalisent avec John Lennon, cette merveille inaltérable entre dans l’histoire du rock anglais. Qui dira la grandeur de la pop invincible des Boos ?

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             Tu demandes au mec du merch ce que c’est. Il te dit : «Sice’s solo project!» Tu discutes pas, tu ramasses aussi sec. Le «Sice’s solo project» porte le doux nom de Paperlung et l’album celui de  Balance. Wow, quel album ! Si t’es fan de Sice et des Boos, alors tu te régales, dès «How Can You Sleep», t’as le big sound avec Sice on top, comme une petite cerise sur le gâtö. Tu lis vite fait les notes au dos et tu vois que Sice compose tout. Alors tu refais wow ! Car c’est fulgurant. Et tu l’entends chanter dans «The Days That God Sold You». Il s’étale à la surface de sa pop comme un petit caramel chauve et il revient dans la mélodie par le côté, alors ça sonne comme de la magie pop. Tu sens que ce groupe joue son va-tout. Ils rendent hommage à Aleister Crowkey avec «Do What Thou Will» et ça repart en mode big pop avec «The Ashes Of Your Life», et là t’as plus que tes yeux pour pleurer de bonheur, tu vois Sice monter au front la fleur au fusil - Are you happy/ In the ashes of your life - C’est la pop parfaite, la pop de Liverpool. Il sait monter une pop en neige comme le montre encore «A Cautionary Vision Of The Future». Il ne rate jamais son coup. C’est une grosse compo, comme «Spaniard» ou «Lazarus». Encore un coup de génie pop avec «What You Said». Sice l’emmène avec ferveur au firmament, t’as vraiment un envol. La voix de Sice donne un aspect flamboyant à la pop, il ne fournit aucun effort. Tout reste easy chez Sice. Il redécolle plus loin avec «Same Mistake». C’est d’une rare puissance mélodique, il file sur l’horizon, il chante la gloire de la beauté boréale, il chante comme s’il décrétait que le monde est monde. Sa voix te transporte. C’est l’ange de miséricorde qui chante «Where Were You Then?», c’est une bénédiction que de l’entendre tailler sa route vers l’horizon flamboyant, et pourtant Sice n’est pas un mec de carte postale, il est le Louis II de la pop anglaise. Cet album est son Neuschwanstein.

    Signé : Cazengler, Boo Raté

    Boo Radleys. Le 106. Rouen (76). 30 octobre 2025

    Boo Radleys. Keep On With Falling. BooSTR Records 2022

    Boo Radleys. Eight. BooSTR Records 2023

    Paperlung. Balance. Shifty Disco 2007

     

     

    Wizards & True Stars

     - Bob a du grain à Mould

     (Part One)

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             Bob Mould arrive tout seul sur scène avec sa Strato. Il a juste un petit ampli Fender derrière. Et pouf !, il commence à gratter ses poux à la volée. On n’avait encore jamais vu un bordel pareil, il gratte tout au pif, flic flac floc, de la main

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    droite, et il prince des combinaisons de notes de la main gauche, c’est un peu comme s’ils étaient deux ou trois, mais Bob est tout seul, il claque sa rythmique et ses solos à la bonne franquette et sort un son d’une densité extrême qui n’appartient qu’à lui. Il joue tout à l’esbrouffe mais son esbrouffe sonne comme un mystère impénétrable, plus on l’observe et plus on ne pige que dalle, et diable, il faut voir comme ça sonne.

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    Il n’a besoin ni de basse, ni de batterie, il fait son power-punk mélodique tout seul, il n’a besoin de personne en Harley Davidson. Au bout de deux cuts, il est rouge comme une tomate et il dégouline de sueur. Tu vois l’artiste à l’œuvre et franchement, tu te demandes comment il peut tenir ce train d’enfer, car tous les cuts sont quasiment des bombes atomiques, il tape dans le Dü, on chope au passage le vieux «Flip Your Wig», tiré de l’album du même nom, suivi d’«I Apologize», un vieux blaster qui date de l’album aux chiens, New Day Rising, le genre d’hit qu’on

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    vénérait à une autre époque. Le vieux Bob n’a rien perdu de sa niaque, on irait même jusqu’à dire qu’elle a empiré, il reste rivé à son micro et quand il part en solo-ramdam, il fait un petit tour de scène. Qui d’autre serait capable de jouer un set de 90 minutes tout seul à ce train-là ? On a beau chercher, on ne voit personne. Le vieux Bob devient à la fois une attraction et un héros, un funambule et un totem, un dieu vivant et un vieux punk, un golem des Amériques et un coureur de fond, un géant et un sorcier, il est tout cela à la fois et beaucoup plus encore, c’est un bombardier et un Cortez the killer, il repousse toutes les limites, il fait ce que personne n’a jamais osé faire avant lui, il pousse les aigus de sa Strato et sort un son d’une rare virulence, et toujours ce battage de maniaque, et cette purée fumante qui semble sortir à torrents.

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    Son arme secrète est le jet continu, le son brûlant, le chant extrême, quand il tape dans le Dü, ça ne rigole pas. Il va faire participer le public sur l’excellent morceau titre de son dernier album, Here We Go Crazy, et t’as des gens qui en connaissent déjà la paroles, car ça répond bien, et du coup, ce hit prend une ampleur considérable. Mais ça va encore monter d’un cran avec des vieux hits du Dü, l’effarant «Celebrated Summer», qu’il chante à l’efflanquée, il a sans doute trop forcé sur sa voix, il n’en peut plus, mais bon, c’est Bob Mould, il a besoin de repousser les limites, alors il trouve les ressources en lui, et bhammm !, il claque l’excellent «If I Can’t Change Your Mind» qui fut, t’en souvient-il, un hit massif au temps de Suger, et là c’est toute la salle qui chante pour lui, on aurait jamais cru que le Dü et Sugar avaient été si populaires en France. Et ça repart de plus belle avec un public allumé qui chante «Makes No Sense At All» à tue-tête et finalement, lorsque vient dans ta tête l’heure de conclure, tu te dis que ce vieux pop-punk vieillit admirablement bien. C’est même un modèle.   

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             Le nouvel album de Bob Mould s’appelle Here We Go Crazy. Cette petite merveille grouille de puces. Et ce dès le morceau titre qu’il attaque au sommet du genre. C’est bardé de son. Il retourne toujours la situation à son avantage. Quel

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    seigneur ! Son vieux power remonte à la surface. Il repasse en mode Dü pour «Neanderthal». Bob a tellement de génie que les mots te manquent. Face à cet éclat, tu vas devoir faire des efforts. Il monte chaque fois sa pièce montée au sommet de ce qui doit être fait. Il adore traîner ses cuts dans la bouillasse. «Hard To Get» rue comme un étalon indomptable. C’est d’une puissance exceptionnelle. T’as encore tout le son du monde dans «When Your Heart Is Broken». Le vieux roi du Dü grimpe encore au sommet de son lard fumant. Il fond son killer solo dans sa fournaise magique. Bob est une force de la nature et ses cuts sont à son image. Encore de la dégelée royale avec «Sharp Little Pieces». Avec Bob, ça n’en finit plus. Il chante d’en haut et ses poux coulent d’en haut. Avec lui, tu crois toujours entendre les Pistols, il sort un son bardé d’accords fondamentaux. Il repart comme si de rien n’était avec «You Need To Shine». Chauffer un album d’un bout à l’autre, c’est son métier. Même en mode ralenti, il est bon («Thread So Thin»). Il termine cet album éclair avec «Your Side». Il rassure son copain - I wanna be by your side - Bob est un protecteur, pas un barbare sanguinaire, comme on l’aurait cru.

    Signé : Cazengler, Bob Mou

    Bob Mould. La Maroquinerie. Paris XXe. 9 novembre 2025

    Bob Mould. Here We Go Crazy. BMG 2025

     

     

    Wizards & True Stars

    - Sabbath tous les records

     (Part Two)

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             Et si on pariait ? Geezer Butler sort son autobio, Into the Void: From Birth To Black Sabbath And Beyond, alors tu te dis que vu son pedigree, son histoire de Sabbath sera plus croustillante que celle de Mick Wall. Tu assois ton hypothèse sur deux autres évidences : un, Geez est le bassman/lyricist du groupe, donc, c’est vécu de l’intérieur et t’auras logiquement de l’intrinsèque véracitaire, celui que tu préfères. Deux, vu qu’il écrit les paroles, c’est forcément un styliste. Tu t’attends donc à un beau classique, à un ouvrage historique. T’en baves d’avance.

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             Première déconvenue : le book est tout rabougri ! C’est le format poche qui souvent coupe l’envie de lire. Même quand l’ouvrage en question est un classique littéraire, le format poche est un tue l’amour (excepté Folio ou 10/18). On préfère cent fois tenir un main une belle édition jaunâtre de la nrf. Non seulement le bouffant te flatte la paume, mais il te flatte surtout l’intellect. Dans le Geez rabougri, rien ne va te flatter l’intellect. On retombe dans ce qu’on déteste le plus : la collection des clichés du rock. C’est la même chose que d’aller voir les Pistols avec Frank Carter : l’horreur. Pas question de toucher à ça.

             Mais maintenant que le Geez est là, tu le lis. Eh oui, il est arrivé par la poste. Donc te voilà baisé. Tout est pourri : le format, les choix typo, le papier. T’as mal aux yeux avant d’avoir commencé à lire. C’est une corvée. T’es pas content. Tu vas lui trouver tous les défauts. Au moins ça changera des concerts de louanges habituels.

             Geez commence par rappeler qu’il a bossé 50 ans dans Sabbath, et quand on a bossé aussi longtemps dans un groupe, il y a, dit-il, pas mal de drama, et, ajoute-t-il d’un ton débonnaire, quand on bossait dans un «rock and roll band back in the seventies and eighties, the drama was turned up to 11.» Les autres disent 12, Geez préfère 11. Puis il rappelle que les music writers ont passé des décennies à cracher sur Sabbath. Voilà, le décor est planté : des hauts et des bas + la haine des critiques.

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             Bien sûr, Geez raconte son enfance à Aston, un quartier du centre de Birmingham, et ses deux premiers disks : le live de Muddy Waters, At Newport 1965, et un Dizzy Gillespie - Those two albums were my introduction to jazz and blues - Puis il se laisse pousser les cheveux like the Beatles. Il grandit chez les pauvres mais sa mère lui paye des Beatles boots et une collarless Beatles jacket  pour Christmas. Et bien sûr, il finit par récupérer une gratte pour gratter les chansons des Beatles. N’oublions pas que l’Angleterre est devenue pour tous les kids un pays magique grâce aux Beatles. Puis en 1964, le «Really Got Me» des Kinks détrône les Beatles dans la tête de Geez. Jusque là tout va bien. Le moral du lecteur remonte au fil des pages : ça grouille de petites infos passionnantes.

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             Avec ses quat’ sous, il finance le deposit d’une beautiful red Hofner Colorama et d’un Bird Golden Eagle amplifier, via Pay Bonds, la boîte qui fait les crédits pour les pauvres. En 1965, il voit le gig of a lifetime, les Beatles au Birmingham Odeon. Tout y passe, «Help», «We Can Work It Out», «Day Tripper» - No wonder everyone, inculding the blokes, was going hysterical - Puis en 1966, il voit les Stones au même endroit. Les Stones sont dans son trio de tête avec les Beatles et les Kinks, mais, s’empresse-t-il d’ajouter, les Stones «were almost blown off the stage that night by Ike & Tina Turner.» Détail capital. Il passe ensuite à Jack Bruce via Cream puis il chope Jimi Hendrix sur Top Of The Pops - These were heady time for a kid into his pop music - Eh oui, Geez, on a tous vécu le même déluge, mais c’était forcément plus violent en Angleterre.

             Bon, il est temps de monter un groupe. Geez cherche des kids pour jouer avec. Dans un magasin de musique, il tombe sur une petite annonce : «Ozzy Zig needs a gig. Singer with own P.A.» Il habite dans le quartier, à Aston, alors Geez le contacte. Et l’Ozz se pointe. C’est un skin, en tablier de ramoneur, pieds nus, avec un hérisson de ramoneur sur l’épaule et un petit chariot au bout d’une laisse. Geez n’y va pas de main morte - He was obviously a complete nutter - Un cinglé ! En plus, l’Ozz sort du ballon, car il s’est fait poirer sur un cambriolage.

             Le groupe de Geez s’appelle Rare Breed.

             Et c’est là que s’ouvre le bal des anecdotes. Geez commence par rappeler que l’Ozz fait caca sur demande. Un promoteur qui manque de respect au groupe va trouver sur le capot de sa Jaguar un étron de l’Ozz. Plus tard, dans les hôtels américains, l’Ozz fera caca dans les machines à glaçons. Tiens, encore une : Sabbath joue un soir dans une salle non chauffée, alors l’Ozz trouve des vieux bancs backstage et allume un feu pour se réchauffer, et quand le feu dégénère, les Sabbath essayent de l’éteindre en pissant dessus, «like some weird rock fire brigade». Enfin bref, on voit le niveau des anecdotes. Le book en fourmille. L’Ozz pisse un coup ici, l’Ozz fait caca là. Il y en a que ça fera marrer.

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    Tony Iommi jeune

             Puis Geez joint ses forces à celles de Tony Iommi et Bill Ward qui jouent dans un groupe nommé Mythology. Mais quand Geez dit à Tony Io que le chanteur du groupe sera l’Ozz, Tony Io fait : «Oh non, pas lui !». Il le connaît. Il dit que l’Ozz «had the kind of face you wanted to punch.»

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             Tony Io va être le boss, celui qui met tout au carré, surtout la gueule des fuckers. Quand Tony Io entre dans la pièce, tout le monde ferme sa gueule, y compris l’Ozz.

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    Earth

             Sabbath commence par s’appeler Earth. Jethro Tull essaye de récupérer Tony Io, en remplacement de Mick Abrahams, mais Tony Io ne le sent pas, «mainly beacause he didn’t like being told what to play.» Et pourtant Jethro Tull est en train de devenir énorme. C’est Tony Io qu’on voit jouer avec Tull au Rock’n’Roll Circus des Stones. Il porte un chapeau et tente de passer incognito. Pour les autres Sabbath, le fait que Tony Io décide de rester avec eux sera déterminant.

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    first gig !

             Et pouf, ils partent jouer au Star Club de Hambourg. C’est là qu’ils composent «N.I.B.».  Et c’est aussi là que Geez propose le nom de Black Sabbath. Alvin Lee qui est leur mentor dit que c’est trop glauque pour un nom de groupe et propose à la place Papa Sun. Mais les Sabbath n’en veulent pas - So Black Sabbath it was - And on 30 august 1969 we played as Black Sabbath for the first time, in Workington, Cumberland.

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             Leur premier album est un succès inespéré. Geez raconte qu’ils ont reçu une avance de 1000 £ et qu’elle est partie en frais de studio. Au final, il ne leur reste due 125 £ chacun. Leurs cachets sont ridicules : twenty quid gigs. Ils sont tellement pauvres qu’ils sont obligés de barboter des trucs dans les salles de concert - I nicked the carpet, Ozzy nicked the lightbulbs, and Tony nicked a big brass tea urn and sold it as scrap - Puis ils rencontrent le fameux Wilf Pine, l’un des gorilles de Don Arden. Un Don Arden qu’ils rencontrent à Londres pour signer un contrat. Geez nous donne tous les détails de la conversation, comme l’a fait Duke Fakir dans I’ll Be There: My Life With The Four Tops, lorsqu’il se retrouve face à Berry Gordy pour signer un contrat. Geez dit à Don qu’il doit lire le contrat avant de le signer, et Don lui dit non et lui dit de signer. Geez voit une ligne avec des pointillés qui dit : «The management will be paid... percentage.» Alors Geez demande de combien est le pourcentage. Et Don lui rétorque qu’il le définira plus tard. Geez lui demande s’il a quand même une idée, et Don pense que ça doit tourner autour de 20 %. Alors pourquoi ne pas l’écrire maintenant ? Et donc Sabbath ne signe pas. Un peu plus tard, Wilf Pine qui s’est fâché avec Don revient voir Sabbath et leur propose un co-management avec another fella called Patrick Meehan. Et hop, c’est parti.

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             Geez rappelle vite fait en passant que Tony Io n’est pas n’importe qui. Quand il a perdu deux doigts, son boss au boulot lui a filé un album de Django Reinhardt en lui disant qu’il avait eu le même problème, «but listen to what he can do.» Alors Tony Io a écouté Django et il est devenu l’un des grands guitaristes de rock de son époque, avec deux doigts en moins.

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             Geez rappelle aussi qu’ils ont enregistré le premier Sab en deux jours, puis Paranoid en cinq jours. Comme leur premier album s’est bien vendu, la record company leur fout la paix. Pas de connard d’A&R dans les pattes de Sabbath. Pour Geez, ces 5 jours de 1970 sont des jours magiques, nothing will ever sound like that again. Leur recette est simple : Tony Io gratte un riff de son invention, l’Ozz y greffe une mélodie, et Geez écrit les paroles. Et ils enregistrent aussi sec. Pas de problème. Puis ils décident de virer Don Arden et de faire équipe avec le duo Pine/Meehan. L’Arden les poursuit en justice et ça va durer dix ans. Et les music writers continuent de s’acharner sur Sabbath, mais les fans les soutiennent - That’s why Sabbath must be the most successful bunch of outsiders in music history - Geez oublie les Ramones. Il est un peu auto-centré, dans son petit format poche rabougri. Mais on l’aime bien quand même.

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             Fin 1970, Sabbath s’envole pour les États-Unis avec Wilf Pine. Geez est tout excité. Il se sent projeté dans l’espace. Dans l’avion, il y a des compatriotes de Birmingham, Traffic, mais les Traffic les ignorent complètement. Puis ça va commencer à déchanter quand ils arrivent dans leur premier hôtel new-yorkais : dans leur chambre, Bill et Geez voient des cafards se balader sur les deux lits. Au Forum de Los Angeles, ils ouvrent pour Mountain, un groupe qu’ils vénèrent. Geez donne pas mal de détails passionnants, de ce style : l’Ozz fout le souk dans sa chambre d’hôtel (his room was war-zone) et au checking out, le motel manager félicite les Sab, car dit-il, «you’re so well-behaved, compared to other bands.» C’est l’humour anglais, dans toute sa splendeur.

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             Lorsqu’ils enregistrent Master Of Reality, Tony Io a mal aux doigts après tant de concerts, alors il monte des cordes plus légères sur sa gratte et descend l’accordage de plusieurs tons, «which gave him a heavy, darker sound». Alors Geez descend aussi sa basse, «and suddenly Sabbath were heavier than ever.»

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             Les tournées vont finir par avoir la peau du groupe. Nouvelle tournée américaine en 1972. Bill Ward est devenu alcoolique, il descend une bouteille de vodka au breakfast. Mais bizarrement, ça n’affecte pas son jeu. Il chope ensuite une petite hépatite qui l’envoie au tapis. Il en réchappe de justesse. Quant à l’Ozz, il fait une conso de coke industrielle. Il s’en tord l’épiglotte. Malgré tout ça, Sabbath empile les disques de platine et remplit les stades, «doing sold-out arena tours, living in big houses and driving flashy cars.» Ils s’installent à Los Angeles et répètent dans une pièce à côté de la piscine. Et c’est là qu’on retombe dans les clichés. Miraculeusement, le Geez nous épargne les parties de cul.

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             Ils finissent par annuler une tournée américaine en 1973. Ils sont ra-ta-ti-nés. Ils s’arrêtent pendant un an et demi, ce qui est assez risqué à l’époque. Heureusement, Tony Io ne perd pas la main. Tout le biz de Sab repose sur lui. Et le Geez balance ça : «Je défie quiconque de citer trois better rock riffs tant ‘Iron Man’, ‘Supernaut’ and ‘Sabbath Bloody Sabbath’». Il n’a peut-être pas tout à fait tort. Puis ils vont se débarrasser de Patrick Meehan qui les baratine. Ils doivent lui verser un million de $ pour se sortir du contrat. Warner leur avance le million sur les ventes du prochain album. De toute façon, ils sont baisés de partout : par Meehan et par Warner - We were skint for the rest of the seventies - Et donc l’enregistrement de Sabotage tourne au cauchemar. Ça va durer dix mois. Ils l’appellent Sabotage «because we thought we were being sabotaged. That’s why it sounds so bloody angry.»

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             En 1978, les Ramones ouvrent pour Sabbath et se font huer chaque soir. En représailles, les Ramones ne jouent qu’un seul cut : ils le jouent plusieurs fois. Ils finissent par quitter la tournée. Puis c’est la catastrophe de Technical Ecstasy, «a pale imitation of Black Sabbath, too polished and too soft.» Geez raconte aussi que l’Ozz s’en prend aux animaux (poulets et homards), alors il est à deux doigts de lui mettre sa main dans la gueule.

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             Un jour, Geez apprend qu’il est viré de Sabbath. Bon, pas de problème. Quelques jours plus tard, il apprend qu’il n’est plus viré et qu’on l’attend à la répète. Il arrive et demande une explication. Personne n’est au courant. Viré ? Ah bah non. Le Geez n’a jamais eu d’explication. Du coup, il perd confiance en eux. Les brother bandmates ? Pffff - The dream was over. Welcome to reality - Puis ils partent enregistrer Never Say Die à Toronto - Another disastrous decision - De toute façon, ce sont des albums qu’on n’écoutera pas. On s’est arrêté à Sabotage, parce que l’album était en vitrine, qu’on adorait la pochette, et qu’on suivait Sabbath depuis le début.

             Le drinking de Bill et de l’Ozz est complètement out of control et ils passent leur temps à se battre comme des chiffonniers. Le Geez en a tellement marre qu’il prend l’avion plutôt que de monter dans le bus avec eux. Et puis il y a surtout «the Bill’s lack of hygiene». Bill pue comme un clochard. Et soudain, Tony Io décide de virer l’Ozz : «It’s not going to work with Ozzy anymore, it’s time to try somebody else.» Bill est chargé d’aller porter la bonne nouvelle à l’Ozz, de la même façon que Sterling Morrison fut chargé d’aller annoncer à Calimero qu’il était viré du Velvet. L’Ozz fond en larmes. C’est la fin d’une époque. On ne vire pas l’Ozz de Sab. Le Geez pense que Sab est foutu - Well that’s it. We’re finished - Il ne voit pas comment Sabbath peut survivre without Ozzy up front. C’est un peu comme les cuts des Ramones sans Joey, ça n’a tout simplement pas de sens.

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    Geez

             Ozzy nous dit le Geez s’est senti trahi. Le Geez qui a pour principale qualité l’opiniâtreté nous rappelle que les Sab sont quatre working-class kids from Aston qui ont changé the course of music et sont devenus one of the biggest rock bands in the world. Mais il sent qu’à cause de l’Ozz, Sabbath est mal barré. Aussi tente-t-il de justifier son éviction ! Il insinue qu’en restant dans Sabbath, l’Ozz aurait fini par overdoser. Et crack, il balance ça : l’Ozz avait besoin d’un choc pour se re-situer. Tu parles d’un choc ! C’est le passage le plus tendancieux de ce petit book qui grouille de passages tendancieux. On ne justifie pas l’éviction d’un compagnon de route. Sabbath et Pink Floyd même combat ? Comme Syd, l’Ozz savait très bien à qui il avait à faire : des bas de front qui ne rêvaient que de voitures de sport. L’horreur.

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    Black Sabbath avec Ronnie James Dio

             Tony Io avait déjà son idée en tête. Il voulait Ronnie James Dio qui venait de se faire éjecter de Rainbow. Et en 1980, Sabbath entame une tournée avec celui que Don Arden appelle le nain. Pas d’Ozz ? Personne ne sait comment vont réagir les fans. Les fans huent le nain mais le nain s’accroche. Puis Bill qui a des remords quitte le groupe en pleine tournée - Things went from bad to calamitous - Pas de problème, le nain connaît un batteur, le frère de Carmine Appice, Vinny, qui a joué avec Rick Derringer. Et hop, c’est reparti. Mais toute cette époque n’a bien sûr strictement aucun intérêt.

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    Vinny Appice

             Le nain veut toucher des royalties sur tout ce qu’il chante, alors le Geez se barre. Il ne peut plus supporter d’entendre le nain se plaindre. C’est là que Tony Io décide de le virer. Et voilà Sabbath sans chanteur, sans batteur et sans manager. Côté anecdotes, le Geez rappelle que Bill est un «combustible drummer», car pendant des années, les Sab se sont amusés à mettre le feu à sa barbe. Le Geez aime bien rigoler un coup : quand on lui demande s’il a vu Spinal Tap, il répond : «Seen it? I lived it.»

             Encore plus marrant : Tony Io ré-engage Meehan. What ? Le Geez refuse de lui serrer la pogne. Il demande à Tony pourquoi il a fait ça et l’Io lui répond : «He knows how to manage a band.» On profite du paragraphe pour apprendre qu’à l’époque, Don Arden est «sued to death by ELO» et qu’on vient l’arrêter pour le kidnapping et la torture de l’un de ses comptables, chefs d’accusation dont il sera acquitté. L’histoire de Sabbath est une histoire à rebondissements.

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             L’Ozz comme on sait a mené sa carrière solo et a épousé la fille de Don Arden, la fameuse Sharon. Et pendant toutes ces années, l’Ozz a publiquement insulté l’Io. Pire encore, «Sharon had sent Tony a bag of her daughter’s poo in the post.» Ils viennent tous des mêmes bas-fonds, ceux de Birmingam pour Sabbath, ceux de Manchester pour les Arden. Donc l’idée d’une reformation est mal barrée. Mais il y a un gros billet à la clé. Et Sabbath se reforme pour un Ozzfest, avec le batteur de Faith No More.

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             Et en 1998, ils enregistrent Reunion en Angleterre. Quel album ! T’as aussitôt le doom de Sab avec «War Pigs». L’Ozz harangue la foule. Oh le poids du Sab ! Ça sonne comme l’hymne définitif des seventies. Tony Io passe un long solo et le Geez laboure en profondeur. Et pouf, on revient au premier album avec «Behind The Wall Of Sleep». Le Power absolu ! C’est une heavy pureté évangélique. Te voilà de retour à La Saussaye. Ils tirent encore «NIB» du premier Sab. Ça prend feu. L’Ozz fait l’Oh Yeah ! Intangible ! Beautiful solo de Tony Io. Ah c’est un artiste. Tony Io est un entrepreneur entreprenant. Le Sab dégage un son qui t’emporte comme un fétu. L’Ozz hurle son «Sweet Leaf» au sommet de la montagne. C’est la fête du village en haut de l’Ararat. Les Sab sont terrifiants de power. L’Ozz est un chanteur complètement extraverti. Il est souvent à la limite du faux. Encore de la grosse purée fumante avec «Into The Void». Leur formule est vraiment au point. Il chante encore «Snowblind» à la pointe du progrès. Le power des Sab est magnifié par ces deux démons que sont l’Ozz et Tony Io. Et ça repart de plus belle sur le disk 2 avec la pluie d’acier de «Sabbath Bloody Sabbath». Sab on fire ! Quelle leçon d’heavyness ! Tony Io multiplie les départs en vrille d’excelsior. Tout est passionnant sur ce double live. «Back to the Beginning ! Thank you !», clame l’Ozz qui annonce «Black Sabbath». C’est la fondation du mythe Sab - Please/ Please God/ Help me - L’Ozz est d’une rare intensité et Tony Io fout le feu à la plaine. L’Ozz rechauffe la salle à coups de «louder ! Let’s fucking hear you guys !» et ça part en mode «Iron Man», l’hymne inter-galactique. L’Ozz annonce tous les cuts un par un, comme ça au moins t’es renseigné. Alors voilà «Children Of The Grave», Et en rappel, ils tapent bien sûr l’inévitable «Paranoid», c’est toute une époque qui remonte à la surface et qui va disparaître avec l’Ozz. C’mon ! Et derrière ce maelström, t’as la ventilation cardiaque du Geez.

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             Un peu plus tard, les Sab reformés enregistrent 13 avec Rick Rubin. Comme Rubin des bois produit, t’as du son. T’as même la chape de plomb, Rubin des bois fout le paquet sur le plomb. Ton casque saute. Rien de révolutionnaire, c’est du vieux Sab avec l’Ozz qui écrase bien ses syllabes dans le cendrier. Ils sont assez comiques, car à leur âge, ils jouent encore comme s’ils avaient 16 ans. Ils resservent grosso-modo le même raout. Ça fume et Tony Io n’en fait qu’à sa tête. La formule est restée la même, avec la purée de riffs et la voix perçante de l’Ozz. Rien n’a changé depuis le premier album. Tout repose sur un riff, et l’Ozz brode. Ils font du biz à la différence des Ramones qui faisaient du rock. Tony Io adore se fondre dans sa purée. Sur cet album tout est très paroxysmique. Rubin des bois fait monter les enchères. Le plus drôle, c’est que les deux autres ne comptent pas : ne comptent que l’Ozz et Tony Io. Sur «God Is Dead?» Tony Io gratte tout ce qu’il peut. Il plombe la chape de plomb. Et L’Ozz fait son bizz. Il est en pleine forme. Rien n’a changé en 50 ans. Il a bien appris à tartiner son chant et son God is Dead finit par devenir relativement crédible. Le riff raff de «Loner» sonne merveilleusement bien. Tony Io est aux anges, il gratte à qui mieux mieux, il gratte à mains nues, il incarne le riff raff mieux que n’importe quel autre guitariste anglais, il se joue de dessus et bricole des climats. Il fait encore du big Sab dans «Age Of Reason» et passe un killer solo Ionisé. Quand il se fâche, ça s’entend ! Encore du classic Sab avec «Live Forever», et t’as la belle voix d’Ozz à la surface du tagada de Tony Io. Ils battent tous les records d’heavyness avec «Damaged Soul». Tony Io tartine tout le gras double qu’il peut. On se croirait toujours sur le premier Sab. Ils n’en sont jamais sortis. C’est incroyable comme on est habitués à la voix bien appuyée de l’Ozz. Il hante bien l’heavyness du rock anglais. La formule de Sabbath est au point, comme celle des Ramones. C’est épais et bien appuyé. On peut écouter 13 les yeux fermés.

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             Ils repartent en tournée. Pas facile, car Tony Io fait des séances de chimio et il est un peu ratatiné. Mais ils ramassent 85 millions de $ - Not bad for a bunch of old fogeys who music writers had bashed for the best part of four decades - Puis vient le moment des adieux. Rien de très émotionnel, de la part de ces vieux working-class blokes from Aston. Some quick hugs and some «See ya». Et chacun repart de son côté. Et là le Geez se vautre : «Ignore the rumours, we’ll never do it again. Well the other three can do what they want, but for me, the Sabbath story is over.» Geez a 72 ans quand il écrit ça. On est en 2021. Il ne sait pas que quatre ans plus tard, il va remonter sur scène avec Sabbath à Aston pour un ultime concert.

    Signé : Cazengler, Black Savate

    Geezer Butler. Into the Void: From Birth To Black Sabbath And Beyond. Harper Collins Publishers 2024

    Black Sabbath. Reunion. Epic 1998  

    Black Sabbath. 13. Vertigo 2023

     

     

    Inside the goldmine

     - Acetone tu m’étonnes

             Il s’appelait Acheton, mais il n’avait rien à voir avec les Stooges. Et pourtant, la plupart des mecs de la classe l’appelaient Ron alors qu’en réalité il s’appelait Pierrot. Pierrot Acheton. Le matin, t’en avais toujours un qui lui balançait un truc du genre :

             — Alors Ron, ça solote ?

             — Vas chier dans ta rue !

             Acheton avait ce qu’on appelle un caractère bien trempé. Il valait mieux éviter de le provoquer. Il tolérait une petite vanne, mais pas deux. Il conduisait une moto anglaise qu’il avait bricolée lui-même, et portait un perfecto, ce qui à l’époque n’était pas encore très courant. Acheton était un punk avant les punks. Il vivait avec ses parents dans une ferme situé à 20 ou 30 km de la ville où se trouvait le lycée, aussi arrivait-il chaque matin en moto, et en perfecto, hiver comme été. Il avait poncé le réservoir de sa BSA pour enlever la couleur d’origine. L’engin était d’un beau gris métallique. Ça lui donnait un côté mystérieux. S’il t’avait à la bonne, Acheton t’emmenait faire un tour. Il sortait de la ville en longeant la Seine et rejoignait le circuit des Essarts, un circuit réputé pour ses virages en épingle. T’allais avoir la peur de ta vie. Acheton arrivait à fond sur la courbe, décélérait brutalement et penchait la moto pour prendre le virage. Il laissait traîner sa béquille pour faire jaillir des pluies d’étincelles. Même cirque à chaque virage. Il devait prendre son pied, mais pas toi. Il remonta tout le circuit, puis il fit demi-tour pour le redescendre, ce qui lui donna encore plus de vitesse. Et là tu fermais les yeux, tellement ça valsait, il basculait sur la droite, puis sur la gauche, et sortait du virage miraculeusement. Il s’arrêta en bas du circuit, cala la béquille et nous descendîmes de la moto. Il enleva son casque et éclata de rire :

             — T’es tout blanc ! Tu t’es chié dessus ?

             — Pfffff pas du tout ! On refait un tour ?

     

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             Pendant qu’Acheton conduisait sa moto en Normandie, Acetone construisait sa légende aux États-Unis. Après avoir salué la mémoire de ce vieux Pierrot Acheton, saluons celle de cet excellent trio américain.

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             Dans Uncut, Daniel Dylan Wray commence par dire qu’Acetone est le paradis des dichotomies : «promise and disapointment, calmness and noise, darkness and light, reverence and indifference, tender souls and hard drugs.» Ils sont trois : Richie Lee (le frisé, bass, chant), Mark Lightcap (le brun, poux, chant) et Steve Hadley (le blond, beurre). Ils sont arrivés dans le sillage de Nirvana en 92 et signés pour un très gros billet. Le mec d’Uncut les situe ainsi : «They floated between the stirring songcraft of Big Star, the guitar squeal of the Stooges and the woozy melodies of later-era Velvets, topped off with heavy lashings of country and touches of psychedelia, all wrapped up with a touch of sunshine-kissed dream pop and hypnotic, druggy grooves.» Avec ça, t’es fixé. Mais le succès n’est jamais venu au rendez-vous, et en 2001, Richie Lee s’est foutu en l’air. Un certain Sam Sweet a écrit une bio d’Acetone, Hadley Lee Lightcap. Épuisé. La vie est dure.

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             C’est Virgin qui les signe pour 400 000 $. Cindy sort en 1993. T’es vite impressionné par leur son : un joli laid-back bien épais, avec une légère disto sur la basse. Et ça monte vite au sommet de l’Ararat avec «Pinch». Richie Lee force sa petite glotte dans le feu de l’action - This is not a joke - Cet heavy rockalama te tombe dessus comme une pluie d’acier, ils deviennent quasiment hendrixiens dans la dégaine. T’en reviens pas ! Ils passent à l’heavy groove avec «Sundown». C’est «Season Of The Witch» avec le tonnerre de Zeus. Lightcap fout le feu à la plaine. Richie Lee attaque «Chills» au fast & wild bassmatic et Lightcap ramène une petite stoogerie. C’est hallucinant de violence sonique, ils savent brûler les étapes, brûler la chandelle par les deux bouts et même se brûler les ailes. Leurs déboulades sont des modèles du genre. Là tu dis oui. Et même wow ! Ils chantent «Louise» à la rosée de Ronsard, c’est très laid-back à la renverse, just close your eyes, mais pas de quoi en faire un fromage. Il faut ensuite attendre «Barefoot On Sunday» pour renouer avec l’Acetone genius. Lightcap se fâche et ça bascule dans Salammbô. Ça grimpe sur les murailles, ça bat tous les records d’énormité joyeuse, puis ça se calme, le temps de placer le petit chant moite. Ils travaillent des ambiances extraordinaires et Lightcap creuse des tas de tunnels sous le Mont Blanc.

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             La presse anglaise salue Cindy. Le mec d’Uncut qualifie le cut d’ouverture de bal «Come On» d’«unashamed hommage to The Velvet Underground’s ‘Ocean’». Il trouve aussi des traces du «Walk On By» d’Isaac le prophète dans «Sundown». Dans Mojo, David Fricke n’y va pas non plus de main morte sur Cindy. Il parle de «raw poise of psychedelic dreaming and desert-pilgrim crawl as if The Beach Boys’s Pet Sounds, Big Star’s Third and Spacement 3’s Playing With Fire were spinning on the same turntable - at Galaxie 500 speed.»       

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             Avec I Guess I Would, ils vont aller plus sur la country des Flying Burrito Brothers et John Prine. C’est un album de covers. Ils enregistrent leurs country ballad covers de George Jones, John Prine et Johnny Horton à Nashville. C’est un changement de cap assez radical. Fricke dit aussi qu’un «10-minute slow burn through Kris Kristofferson’s Border Lord was Acetone at their noisy and ascetic finest, spilked with Mightcap’s overloaded fuzz ans wah wah spasms.» 

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             Dès le «Juanita» de Gram Parsons, ils renouent avec le doux du mou du genou. C’est leur truc. Pas de panique, on a le temps. Ils tapent ensuite dans «The Late John Barfield Blues» de John Prine. Cut pépère, désuet, précieux, bien protégé. Tu sais dans quoi tu t’engages. Ils vont de la petite molesse du désert à la country de la torpeur en passant par l’«All For The Love Of A Girl» de Johnny Horton sans la voix de Johnny Horton, alors forcément, ça ne marche pas. Tu commences même à somnoler. Ça bascule dans l’heavy country soporifique. Ils se réveillent enfin - et toi aussi - avec le «Border Lord» de Kris Kristofferson. Lightcap ressort son artillerie lourde. Dommage que tout l’album ne tape pas dans ce registre. Ça aurait arrangé nos affaires. Ce Border Lord est le seul cut potable de l’album. Lightcap fait tout le boulot. Il se joue dessus en disto et en wah, c’est un démon !

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             Ils redressent bien la barre avec If You Only Knew. Même si ça part en mode mou-du-genou en suspension, au gnan-gnan de gnognotte, Lightcap arrive très vite avec des poux diaphanes. Ils cultivent bien la ramasse, c’est leur fonds de commerce. Ils passent à l’heavy groove de bon aloi avec «I’ve Enjoyed As Much As I Can Stand», cut délicieusement laid-back et chanté dans un souffle. Puis ils tirent l’overdrive pour passer en mode big pop avec «The Final Say». Lightcap explose enfin et ça devient terrific, ils déroulent le cut avec un power démesuré, et avec le chant d’un Richie Lee doux comme un agneau en surface. Ça prend des proportions extraordinaires. Ça redevient très sérieux avec «99», Lightcap pique sa crise. Ils atteignent le sommet du laid-back avec «Esque», ils hantent les profondeurs à coups d’have you been around. Et Richie Lee remonte à la surface d’«Always Late» comme une méduse psychédélique. Les trois cocos d’Acetone ont un univers réel, en dépit des défauts. Ils savent réchauffer une soupe aux choux. Richie Lee chante comme un fantôme qui ne va pas bien.  

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             En 1997, Virgin les vire et ils se retrouvent sur le label de Neil Young, Vapor Records, avec un album sans titre et un peu raté. Tu ne feras pas tes choux gras d’Acetone, même si Richie Lee pose bien les conditions du son, c’est-à-dire le mellow laid-back. C’est même parfois tellement laid-back que c’est presque beau. Tellement velouté. Ils sont dans l’after. C’est très plombé. Très retardé, mentalement parlant. Presque ennuyeux. Il faut attendre «Might As Well» pour frémir un petit coup. Richie Lee caresse un beau rêve de Croz. C’est pas loin du «Season of The Witch», celui de Stephen Stills. Real deal de groove psychédélique. Ils bouffent ensuite à tous les râteliers avec du tartignolle («Shobud») et de la country («All You Know»). Lightcap vole au secours de l’album avec un nouveau groove à la Croz, «Good Life». Ça redevient soudain très intéressant, et sa voix s’y prête mieux. Il a du moelleux dans l’accroche. «Dee» sonne comme une vague de chaleur», et Lightcap accompagne «Waltz» à la wah nonchalante. Hélas, il ne s’y passe rien. La plupart des cuts manquent de colonne vertébrale. «So Slow» est presque beau, mais trop laid-back. Tu sais que tu n’y reviendras pas. Ils excellent dans le gnan-gnan, ça peut plaire à certains, c’est bien là le problème. Cet album n’a vraiment rien de particulier. 

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             Par contre, York Blvd vaut le rapatriement. Richie Lee attaque «Wonderful World» en mode petit rock’n’roll animal et Lightcap te monte ça vite fait en neige. Grand retour du power trio de Cindy. C’est explosif ! Ils retrouvent la veine du «2000 Light Years From Home» des Stones. T’as l’impression d’écouter un groupe à la fois important et inconnu. Ils jouent «In» en apesanteur et «Like I Told You» sonne comme une belle psychedelia d’élan vital - Don’t waste your time/ On me - Il est gentil de la prévenir. Tu sens une réelle volonté d’en découdre dans «It’s A Lie». Ils ont le groove psyché dans la peau, c’est d’une rare puissance, bien sustainée par Lightcap. Ils créent du bon doom à trois, alors bravo les gars ! Lightcap est balèze, il fout encore le feu à «Bonds». Plus loin, «Vaccination» est tellement serpentin qu’il grimpe dans ta jambe de pantalon, puis ils glissent dans le mood de «Stay» comme des cadavres dans la fosse commune. Ils cultivent ce poids cadavérique assez enivrant. Les pestilences se mêlent aux rayons de lumière et le chant paraît mourant. Ils sont les rois des notes éparses. Et soudain, pouf, ils sont partis ! 

             Mark Lightcap donne une petite interview pour Uncut. Il indique par exemple qu’Acetone atteignit son pic au moment du dernier album, York Blvd - We were playing with complete fluidity - Pour expliquer le manque de succès, Lightcap dit qu’Acetone «sounded so out of step with everything else that was going on», mais ajoute-t-il, c’est précisément ce qui fait la force d’Acetone aujourd’hui, «the music doesn’t sound dated at all.» Et il rappelle que Richie «wanted to be a fucking rock star.» Mark Lightcap dit aussi qu’il reste pas mal de «red meat in the freezer», des «early demos, studio outtakes and some top-notch live recordings.» Miam miam.  

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             Et pour couronner le tout, t’as ce double album live, I’ve Enjoyed As Much As This As I Can Stand, paru en 2024. Il ne faudrait surtout pas le prendre à la légère. Tu t’ennuies un peu sur tout le balda, car ça reste très laid-back. Ça sonne même comme du laissé-pour-compte un peu moite. On attend que Lightcap se réveille. Il se réveille en B avec le morceau titre. C’est un hit lysergique et Lightcap part enfin en vadrouille. On tombe plus loin sur l’«All You Know» mélodiquement pur et digne des Byrds. Lightcap gratte ça aux arpèges lumineux dignes du Velvet. Puis t’as «Waltz» qui titube, ivre de vin et de liberté. En C, tu retrouves cette fantastique merveille de groove psychédélique qu’est «Barefoot On Sunday», suivi d’«I’m Gone/Misirlou», belle dérive acétonique. Ils t’embarquent pour la Cythère de tes rêves et finissent sur le riff d’«Interstellar Overdrive». T’as encore une belle bombe atomique en D : «Endless Summer», ils tapent ça en mode heavy groove qui ne plaisante pas. T’as là un pur power trio, digne des géants du genre.

    Signé : Cazengler, Assezcon

    Acetone. Cindy. Vernon Yard Recordings 1993

    Acetone. I Guess I Would. Vernon Yard Recordings 1994 

    Acetone. If You Only Knew. Vernon Yard Recordings 1995

    Acetone. Acetone. Vapor Records 1997  

    Acetone. York Blvd. Vapor Records 2000

    Acetone. I’ve Enjoyed As Much As This As I Can Stand. New West Records 2024

    Daniel Dylan Wray : Acetone. Uncut # 319 - December 2023

    David Fricke : The toxic avengers. Mojo # 362 - January 2024

     

     

    L’avenir du rock

    - BelphegorZ fantôme du boogaloovre

    (Part Two)

     

             Si tu cherches à rencontrer des personnages excentriques, il n’existe pas de meilleur endroit que le désert. L’avenir du rock en a vu de toutes les couleurs, de toutes les tailles, mais il n’aurait jamais pu imaginer voir Belphégor surgir au sommet d’une dune !

             — Mais qu’est-ce que tu fous là, Belphégor ?

             — Ouuuuh !

             — Tu m’fais pas peur !

             Il est là ! Le fantôme du Louvre, par cinquante degrés à l’ombre, sous sa robe noire et derrière son masque de cuir. Interloqué, l’avenir du rock tente de se raisonner.

             — C’est impossible ! Pas lui ! Tout mais pas lui !

             — Ouuuuh !

             L’avenir du rock se tape une belle crise de surchauffe paranoïaque. Il se suspecte d’inventer des rencontres à des fins bassement éditoriales ! Il réfléchit à voix haute :

             — Suis-je prêt à faire n’importe quoi pour alimenter ma rubrique ? Aurais-je atteint un tel point de déchéance éditoriale ? Comment peut-on descendre aussi bas ? N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?

             — Ouuuuh !

             — Moi qui a veillé pendant une éternité à maintenir une éthique de l’errance ! Non ce n’est pas possible ! Je ne peux pas accepter une telle décrépitude !

             — Ouuuuh !

             L’avenir du rock n’a même pas de quoi laver son honneur, ni corde pour se pendre, ni calibre pour se tirer une balle sous le menton. La honte lui bat aux tempes. L’enfer !

             — Ouuuuh !

             Excédé par les Ouuuuh de Belphégor, l’avenir du rock ramasse une grosse pierre et la lui balance en pleine gueule. Rien...

             — C’est quoi ce bordel ?

             — Ouuuuh !

             L’avenir du rock en ramasse une autre et la balance. Rien... Les pierres passent à travers Belphégor. Il sent bien que sa raison vacille, il n’est pas dupe, mais en même temps, ça le rassure que Belphégor soit bel et bien un fantôme. Au moins, c’est cohérent. Sentant qu’il faut vite arrêter les conneries, il rompt le dialogue, reprend son chemin et lance en guise d’adieu :

             — De toute façon, t’es devenu ringard, Belphégor, toi et tes intrigues et tes sarcophages. Je préfère mille fois BelphegorZ !

             — Ouuuuh !

     

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             Comment peut-on ignorer l’existence d’un album aussi génial que Kill The Pain ? C’est le deuxième album des Marseillais de BelphegorZ. On les a vus jouer à la cave en 2019. Gros flash. Qualité de tout : des compos, du son, du chant, de tout ! La chanteuse s’appelle Tallulah X et on la retrouve dès «Lovedolls», brillante et furibarde. Elle peut shooter dans les montées. Avec BelphegorZ t’as tout de suite du

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    son. Ce mec Krees D est un sorcier de la prod ultime, il navigue à un très haut niveau productiviste. Tu tombes plus loin sur un «Vintage Girl Is Dead» noyé de son et t’as Tallulah qui shoute à la surface. Elle te fait rêver. Ça grouille de coups de génie sur cet album, dès le morceau titre et une fantastique énergie du son. Tu sens bien la profondeur du beat et les éclats pixiques avec du rebondi. Ce «Kill The Pain» vaut tous les hits anglais des années antérieures et on peut même dire qu’il les surpasse. Ils amènent «Sleeping On The Bus» en mode power pop, mais avec tellement d’allure. Tallulah est sublime d’opiniâtreté. Krees D a misé sur la bonne screameuse. C’est un album très dense, tous les cuts sonnent comme des aventures. C’est tout de même assez rare en France. Ils réinventent la new wave, ils lui donnent une nouvelle jeunesse et les solos de Krees D planent dans le son comme des vampires de Murnau. Avec «No Question Of Maybe», Krees D rejoue le coup de «Lust For Life» au cœur de son havoc. Il gratte tout ce qu’il peut pour regagner la rive. Quel cake ! On repasse aux choses sérieuses avec «Kinky Gaze». Elle remonte au premier plan pendant que Krees D gratte la cocote du diable. C’est une tension noyée de son, une fantastique résurgence du big time out. T’as encore un son énorme sur «She’s Dancing». Tu crois rêver ! Nouvelle superbe delivery avec «Psychedelic Sniper (Shoot The Pusher)». Tallulah reste en tête de gondole. On a là une wild pop-rock précipitée la tête la première. Quel festin de son ! Avec cet album, t’as la conjonction parfaite du super beat et de la chanteuse de choc.

    Signé : Cazengler, Belphégrave

    BelphegorZ. Kill The Pain. Closer Records 2023       

     

    *

    Ne pas confondre la 66 avec la 619. Je ne m’étendrai pas sur la mythique double six américaine. La 619 est certes moins célèbre mais elle possède l’avantage de vous conduire tout droit en plein Troyes devant la porte du 3 B. Souvent elle mérite l’appellation de Rockabilly Road, mais ce soir, elle s’est repeinte en bleue, sous les trombes de pluie, imperturbable la teuf-teuf grignote son chemin sur la Blues Highway.

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    JOHN-MARY GO ROUND

    3 B

    (Troyes / 14 – 11 – 2025)

              Faut savoir reconnaître ses erreurs. Pas les miennes, ce n’est pas que je n’en fais jamais c’est que j’ai toujours raison, non je ne parle pas de moi mais des gens qui nous sont chers, que nous révérons. Ainsi à mon grand regret, je me sens forcé de contredire, pas n’importe qui, mais Charles Baudelaire en personne, qui a commis une sombre erreur dans une de ses dernières pages écrivant cette phrase lapidaire : ‘’Un Belge ne marche pas, il dégringole’’. Or je peux désormais témoigner du contraire. L’individu auquel je me réfère est né à Namur. Or, quelle classe, quelle aisance, une allure aristocratique à vous couper le souffle, fallait le voir se mouvoir dans le 3 B, la prestance d’un tigre, un costume impec, une large cravate arborée comme l’oriflamme de la distinction innée. Sans une once de frime. Naturel. Mais ce n’est pas tout. Faites votre révérence, un bluesman ! Pas n’importe lequel, un mec qui se suffit à lui-même, d’ailleurs il n’a pas de musiciens, l’est tout seul, il n’a besoin de personne. Ni d’un Massey-Ferguson. Non, je n’exagère pas. Toutefois je dois concéder qu’il n’est pas tout à fait seul. L’est entouré d’une extravagante collection de guitares. Ça y est, l’est assis sur son tapis avec cette simplicité des maharajas qui dans l’Inde ancienne donnaient audience à leur peuple. Il ne nous reste plus qu’à l’écouter.

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    ( Photo : Rocka Rocky)

             L’avait déjà sa guitare (hi !hi !) sur ses genoux lorsqu’il s’est collé et monté autour du cou un de ces porte-harmonica qui firent dans sa jeunesse la gloire de Bob Dylan. Puis il s’est mis à souffler. La tempête du blues s’est déchaînée en une fraction de secondes, une volée de flèches indiennes s’est fichée dans nos corps, toute la colère noire des anciens esclaves réduits en esclavage nous est tombée dessus. Comment peut-on tenir cela entre deux lèvres, exsuder de soi une telle tourmente. C’est le moment de revenir à sa guitare. Plus tard lui-même l’a décrite comme un moule à cake orange. L’est vrai qu’elle est d’un orange vif. Oui, mais aux pétarades qu’elle a émises dès qu’il l’a posé ses doigts sur ses quatre cordes, pas besoin de plus, on se serait cru au départ du Bol d’or, perso dans ma tête je lui ai refilé un surnom, ‘’l’agent orange’’ que les amerloques répandaient sur les arbres pour leur faire perdre les feuilles, voulait-il vraiment nous faire tomber nos oreilles ? Il n’a pas réussi, car ce son torturé de mille carburateurs criblés de stridences malfaisantes, c’était le blues en personne qui nous fracassait les tympans, le blues dans toute sa violence, dans tout son appel à l’incoercible insurrection individuelle.

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    ( Photo : Rocka Rocky)

              Ce n’est pas tout. L’avait devant lui deux vastes pédales que ses pieds n’ont cessé d’actionner, l’une pour bruit sourd du destin qui s’avance vers vous, l’autre l’aigre tambourinade du rire sardonique du tueur qui vous décoche  le sourire assassin de sa face de mort. L’a changé de guitare. Une cigar-box, sur sa caisse un Etat prévoyant devrait exiger la mention : ‘’ Ecouter tue’’. Trois cordes, pas aussi mélodieuses que la lyre d’Apollon mais aussi tonitruantes que le tonnerre de Zeus. Le son est moins ronflant, crépite toutefois à haut débit comme un incendie de forêt transformant en torches effroyables les chênes multiséculaires. Un gros plan sur les doigts de notre imprécateur s’avère nécessaire : l’a de grosses paluches, dont un doigt – je vous laisse, dans un souci pédagogique de participation, deviner lequel -  revêtu d’une armure d’acier, vous scie à l’égoïne crissante les feulements des demi-tons nécessaires à l’implosion allusive du tumulte du blues.

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    ( Image : Duduche )

    Y a des gars qui ont tout pour eux. Non seulement il joue de la guitare mais en plus il  parle, avec cet art de fausse innocence qui plaît aux filles et lui allie la sympathie des garçons. Ne passe pas son temps à baratiner non plus. Se sert de la parole comme le pêcheur qui appâte le poisson. Une semi-phrase par ci par là, une fausse confession entre deux morceaux, il sait se mettre en scène, une espèce de théâtre vocal dans lequel Guignol au lieu de taper sur le gendarme porte ses coups auto-dérisoires avant tout sur lui-même.  Quand le public veut se mêler à la conversation l’a de la répartie, un sniper qui fait mouche à tous les coups.

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    ( Image : Duduche )

    Il chante. Le jeu diabolique de ses doigts retient et monopolise votre attention. Certes l’on se rend vite compte que l’on n’a pas affaire à un demi-sel de vocaliste. L’a toutes les intonations, les intumescences qui haussent le ton et les cassures qui vous précipitent dans les failles. C’est à la fin du troisième set, lorsqu’il s’accompagne sur son acoustique que l’on peut profiter de son timbre de voix. Assez unique, il scalpe les mots, les met à nu, les vide de leur chair, il les entrechoque tels des os de squelettes, les agite, les roule dans le cornet à dés de sa mâchoire pour mieux les recracher aux vents de la vie et de la mort. 

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    ( Image : Duduche )

    Trois sets torrides. Beaucoup de compositions. Quelques reprises. Particulièrement apprécié son Johnny B. Goode accouplé à son Oh, Boy ! de Buddy Holly. Ne soyez pas surpris, le rock’n’roll n’est qu’une autre forme du blues. Un héritier, un fils de mauvaise famille, particulièrement dévoyé. Un dilapidateur éhonté d’héritage. Des surprises aussi : je retiens avant tout cette espèce de ghost-blues qui s’en va chercher noise au noise tintamarrique le plus caverneux.

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    ( Image : Duduche )

    Une soirée de rêve. Avec ses cigar-boxes, la ferblanterie de son résona(hâ)teur, sa Fenderatiboisante, John-Mary Go Round nous a tous mis en boîte.

    Remercions, encore une fois, Béatrice la patronne pour cette soirée !

    Damie Chad.

     

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    Duduche and friends !

    *

    Un coup d’oreille dans les nouveautés. A mon humble avis, pas de quoi se jeter par la fenêtre du trente-septième étage en hurlant de joie. Faut suivre l’exemple de Napoléon, quand les jeunes troupes flanchent l’on recourt à la vieille garde. Ça tombe bien, voici des hommes d’acier, ils viennent de Suède, blanchis  sous le harnais du death metal, plus de trente années d’active et une quinzaine d’albums. Z’ont mis un peu la pédale douce, mais ils entendent vivre encore dangereusement, ils entament une nouvelle tournée, ils remastérisent petit à petit leurs anciens opus. Jour de chance ils viennent de  sortir la réédition remastirisée de leur onzième album.

    A TASTE OF EXTREME DIVINITIY

    HYPOCRISY

    (Nuclear Blast / 2025)

             J’avoue que le titre de l’album m’a attiré. Première fois que je trouve cette expression, ou peut-être ce concept, ‘’ d’extrême divinité’’. Qu’est-ce qu’une divinité extrême ? Selon un homme, l’extrême divinité doit correspondre à la sagesse. Philia sophia : l’amour de la sagesse – en fait il vaudrait mieux pour rester dans l’esprit grec dire l’amitié de la sagesse -  ne doit pas être confondu avec philein to sophon, que l’on pourrait traduire par ‘’aimer le sage’’, ne pas confondre le sage avec la sagesse, la sagesse est une manière d’être des hommes, le sage est ce qui touche au concept du divin. Qu’un groupe de death metal hante ces parages logosiques m’intrigue. Nous ne sommes point loin d’une réflexion méta-philo-sophéenne.

             Kristian Wåhlin a réalisé la pochette du disque. La meilleure manière d’entrer dans son univers est de taper son nom dans Discogs et de s’attarder sur les nombreuses pochettes d’albums metal qu’il a réalisées. Un véritable artiste. Bon voyage au pays de l’horreur et de la beauté. Kristian Wåhlin a aussi participé à plusieurs groupes metal.

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             Interpréter la couve de A taste of extreme divinity comme une anecdotique messe noire se déroulant  dans un décor médiéval serait une lecture avant tout superficielle. Nous sommes dans une autre dimension, celle des sacrifices sanglants où l’on immole aux Dieux non pas des animaux mais des êtres humains. Le sang des bêtes coule vers la terre, le sang des hommes est le seul lien qui permette d’apaiser la colère des Dieux. Il fut un temps – entre la charnière paléo-néolithique - où la colère des Dieux paraissait être l’expression de leur sagesse. Comment ne pouvaient-ils pas entrer en de violentes humeurs en regardant ces chétives créatures qui prétendaient les vénérer. Seuls les hommes morts satisfaisaient les Dieux. N’en concluez pas que ces anciens Dieux étaient cruels, ils n’étaient que les projections de nos insuffisances humaines, le fait de sacrifier ses congénères étaient un acte qui remplissaient les bourreaux de l’illusion d’être comme des Dieux, de les égaler, d’être en accord avec ses propres rêves.

             Ne vous rassurez pas en déclarant que ce genre de scènes se déroulaient en des temps dépassés. Que l’espèce humaine s’est au cours des millénaires et des siècles passés améliorée. Que cette sauvagerie préhistoriale est très loin derrière nous. Nous sommes encore pétris de cette barbarie. Cette violence, cette brutalité, cette soif de sang  confinée en nous n’est autre que la laine, la lhaine, dont sont tissés les fils de nos rêves.  Si vous croyez que j’exagère, portez vos regards sur les conflits qui se déroulent pas très loin de notre pays. Pas besoin de regarder les siècles passés, le présent immédiat suffit amplement. Ne comptez pas trop sur demain pour améliorer la situation !

             En règle générale je ne commente pas le nom des groupes. Toutefois Hypocrisy a bien choisi son nom. Ils ne cherchent pas plus à se vanter d’être de parfaits hypocrites qu’à dénoncer l’hypocrisie des relations humaines. Leur nom est un scalpel. Ils ne dissèquent pas les relations sociales des êtres humains mais ils mettent à nu la force innée et de bonne foi qui nous anime. Parfois, peut-être malgré nous, toujours de notre plein gré.  Certains essaieront de se dédouaner en parlant de force malfaisante. Ruse d’autruche qui accuse une hypothétique présence pernicieuse d’un Mal indépendant de notre volonté. Comme le dit le proverbe : qui s’excuse, s’accuse !

    Peter Tägtgren : vocals, guitars, claviers / Mikael Hedund : bass / Horgh : drums.

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    Valley of the damned : une batterie qui hache menu le moindre de vos espoirs sur un fond d’entonnoirs soniques encastrés les uns dans les autres, un véritable mur du son, un seul soulagement, lorsque le groingnement de Peter se tait vous avez l’impression que l’on cesse d’asperger de sel votre corps auquel on aurait méticuleusement arraché la peau, mais peut-on parler de soulagement car vous sentez sourdre du profond intérieur de votre chair vive la souffrance de la brûlure de votre rage qui se répand sur l’univers. Nous sommes après la bataille. Qui se poursuit. Sur un autre plan. Dans la vallée infernale des damnés, ils sont vaincus, précipités à terre, mais l’on n’arrête pas une idée, encore moins un principe, elle fait son chemin, peuplée d’ombres elle repart à l’assaut, y a-t-il seulement quelqu’un qui s’oppose à son avancée, ni vaincue ni triomphale, elle avance dans la profondeur de sa propre immortalité consubstantielle à la structure de l’univers ; Hang him high : ça débute par un chuchotement pour s’épanouir en oratorio magistral, un torrent de haine qui surgit de nulle part et englobe la terre entière, tintements, turpitudes de guitares, cœurs de moines fous, chant de joie vicieuse, grognements de suppliciés. Mais qui pendre au juste. L’assassin ou la victime. Celui qui veut tuer ou celui qui ne veut pas mourir. Peut-être même prend-il un plaisir masochiste à ne pas périr. Mais qui est-elle cette victime qui refuse de ne pas vivre, serait-ce lui ou le contre-lui, le crime n’est-il pas un miroir compassionnel où aucun des deux se refuse à se reconnaître dans l’autre puisqu’ils sont tous les deux  semblables sans réussir à n’en

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    former qu’un seul, car le moins n’a-t-il pas besoin du plus autant que le plus a nécessité du moins pour savoir qui il est. Western métaphysique. Sans générique de faim. Le pire c’est le chant qui vous entraîne dans la farandole. Solar empire : sortons de l’entre-deux ou de l’entre-soi, le morceau décolle comme une fusée intersidérale qui s’arrache à l’attraction terrestre avec une telle puissance qu’elle sera capable de parvenir jusqu’au bout de la présence du monde, jusqu’au rien, que nous sommes, quel est le maître de cet empire solaire, est-il vraiment nécessaire de l’envahir puisqu’il est partout et même en nous. Avons-nous vraiment envie de trouver quelqu’un au bout des étoiles, la guerre continuelle n’est-elle pas préférable à une solution qui n’existe pas, et si elle existait ne serait-il pas davantage impératif de la continuer encore et encore sans fin. N’avons-nous pas besoin d’un Dieu pour le combattre.  Ce morceau est un hymne à la gloire de la monstruosité humaine. Weed out the weah : il existe une Official Music Vidéo de ce  morceau, je vous rassure c’est simplement le groupe sur scène, très bien faite d’ailleurs, mais ce n’est pas une mise en images du thème traité dans les paroles, le programme est d’une simplicité absolue : il s’agit d’éliminer les faibles. Soyons clair : éradiquer tous les faibles c’est-à dire l’entièreté de l’engeance humaine, qui est au juste ce sacrificateur ultime, est-ce un Dieu ou un Diable, l’essentiel est qu’il fasse son travail, aucun besoin d’idéologie, juste la nécessité intime de chacun à ne pas exister. Guitares tranchantes comme fil d’épée, batterie épileptique, basse encore plus noire que votre âme. Un hymne à l’autodestruction qui n’ose pas dire son nom, le besoin non pas de ne plus être mais d’être forcé à ne plus être.  L’homme est-il un être si veule qu’il a besoin de

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    quelqu’un pour faire ce qu’il n’est pas capable de faire par lui-même. No tomorrow : vous l’avez voulu, le voici, le pire n’est pas de réclamer mais de regretter que quelqu’un vienne réaliser votre vœu le plus cher. Humain, trop humain a dit Nietzsche. Tel est pris qui croyait prendre. On appelait la mort, voici le supplice. Séance de torture médicalisée.  Serait-ce un Dieu qui opère. Pourquoi s’infiltre-t-il dans mon âme, c’est au pied de la lettre et de l’être que l’on voit le démiurge de nos contradictions. L’instinct de vie est-il plus fort que l’instinct de mort. Avoir tué Dieu, l’avoir poursuivi aux quatre coins du cosmos pour se retrouver face à soi-même dans sa propre petitesse. L’instant est pathétique mais comble de tout le background orchestral qui nous tombe dessus comme le méchant loup sur le pauvre petit Chaperon rouge, semble se délecter, serait-ce une pointe d’humour noir. Le sourire crispé de l’auto-dérision. Global domination : à trop chercher Dieu on le trouve. Ne ressemble pas aux saintes images bibliques, plutôt à un roman de science-fiction, des extraterrestres venus nous transformer en esclaves. Sur la table d’opération précédente, ils ne voulaient pas nous tuer, simplement oblitérer d’un coup de bistouri notre volonté. Faut écouter  et lire entre les sons, d’ailleurs il ne chante plus, il parle. Et si c’était un conte d’extrême-réalité, si nos extraterrestres n’étaient que des hommes comme nous. Qui voudraient établir leur suprématie sur leurs semblables. Peut-être même infectés par un virus échappé d’un laboratoire. (L’album original est sorti en 2009, faudrait-il le qualifier de prophétique !). Taste the extreme divinity : entrée digne d’un empereur romain recevant le Triomphe, il est temps de se pencher sur cette notion d’extrême divinité, ronde orchestrale infernale, danse des fous, la divinité fait partie de la farandole, le chant culmine en cris de folie, tout est en nous, la divinité et la folie, peut-être même la notion de divinité n’est-elle que l’autre nom de la folie qui nous habite, nous nous prenons pour des dieux, médicalement parlant nous ne sommes que des psychopathes, aurions-nous en nous, serions-nous en personne le Midnigth Rambler des Stones dans Let it bleed… That’s only rock’n’roll ! But we like it. Suivez la trace sanglante qui coule de votre corps. Alive : vivant. Reprendre conscience du cauchemar, retrouver la généalogie de cette infecte abomination intérieure. Le coupable est facile à trouver. C’est l’Eglise qui t’a perverti en t’inculquant cette idée d’un dieu supérieur auquel il faut obéir. On a fait de toi un esclave en infusant dans ton esprit la sainte croyance que c’était là le bien. On t’a perverti, tu ne sais pas vraiment ce que sont le Bien et le Mal. Dieu travaille à ta perte. Certes on en veut à ton intelligence lobotomisée à coup de patenôtres mais l’on envie aussi  ton argent. The quest : autant le morceau précédent est scandé selon un rythme pédagogiquement binaire  autant ici l’on est dans la nuance, on laisse chanter la basse toute seule et l’on passe à des explications plus complexes, certes tu bosses, tu trimes pour enrichir tes exploiteurs, mais toi stupidement tu guettes le signe du retour du Dieu qui ramènera la paix et la justice, tu y crois c’est pour cela que la musique se fait douce (presque) et persuasive, écoute comme l’on tente de t’endormir. Tamed (Filled with tears) :  nous voici dans la dimension collective de la

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    soumission, ce n’est plus moi ou toi, c’est nous, l’on s’accuse soi-même d’accepter la vie d’esclave aveugle qui nous est impartie, l’on accepte le sort qui nous est réservé, nous ne refusons pas, nous ne nous révoltons point, on a perverti notre jugement, les théories du complot sont partout, elles sapent notre jugement, déboussolés nous ne savons plus qui croire ni penser par nous-mêmes. (Encore une fois Hypocrisy se révèle très pertinent pour expliquer l’état de fait actuel !).  Sky is falling down : le ciel nous tombe sur la tête, l’instrumentation hennit de toutes ses forces, le  vocal s’égosille, urgence absolue. Non ce n’est pas le crépuscule des Dieux, voire la mort de Dieu, c’est la chappe de plomb qui s’intensifie, la société de surveillance s’alourdit, nous ne sommes qu’au début, le pire est à venir, une seule solution, se faire tout petit, s’enterrer dans son petit égoïsme vital pour survivre. Evidemment c’est le dernier piège.  The sinner : (bonus track) : un dernier cadeau, frères pécheurs repentez-vous, quelle chance voici une bonne guerre, rien de tel pour vous sauver que d’être offerts en holocauste sacrificiel, évidemment vous y courez la fleur au fusil, prisonniers de vos égarements, de votre lâcheté, de votre croyance. N’est-ce pas la démocratie, en laquelle vous croyez tant, qui vous envoie sur les champs de bataille… Les dernières paroles ont une valeur prophétique :

    Sacrifiés pour la démocratie

    Abandonnés sur les lignes ennemies

    Par le pays de la liberté

    Nous brûlons Nous brûlons Nous brûlons

     Nous brûlons !

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    Un disque de grande lucidité. Très intelligent aussi, qui ne sacrifie pas à un satanisme de pacotille. Qui ne diffuse pas un message mais qui débouche sur une analyse généalogique de la situation conflictuelle et politique actuelle en fouillant dans ce que certains nomment fallacieusement les religieuses racines chrétiennes  de l’Occident.

             Comme quoi c’est vraiment dans les vieux pots de fer que l’on prépare de bons brouets roboratifs.

    Damie Chad.

     

     

    *

             Faudrait écrire une monographie sur le rock polonais. Sur le rock de toutes les autres nations aussi, mais les polonais ne traitent pas du tout le rock comme les autres. Je serais bien en peine d’expliquer pourquoi et même comment. Je suis toujours surpris quand je kronique un groupe made in Pologne. Ils ne font pas tout à fait les choses comme l’on s’y attendrait. En voici la preuve.

    RIVERS OF LIVING WATER

    BLUES FOR NEIGHBORS

    (Musica Tenebris / Novembre 2025)

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             Aurais-je seulement remarqué ce groupe s’il n’y avait pas eu la couve. Tiens ça ressemble à l’intro de L’Homme des Hautes Plaines, le premier western réalisé par Clint Eastwood, l’hommage funèbre à Sam Peckinpah dont le nom commence à s’effacer sur la pierre tombale moussue d’un cimetière, sur laquelle la caméra se focalise un dixième de seconde de trop… Du coup je m’attendais à trouver des noms comme Son House, Robert Johnson, Howlin’ Wolf… bref toute la tribu bleuâtre. Ben non, font de l’humour noir et en profitent pour indiquer l’identité des invités…

             Mais ce n’est pas tout, z’ont accroché un chromo style chutes du Niagara dessinées par un enfant de sept ans. En relation directe avec le titre de l’album, cela coule de source.  Au-dessus un inquiétant vortex bleu sombre qui débouche sur quelques constellations lointaines qui brillent à peine dans la nuit noire des espaces infinis.

             Les deux pieds nickelés, le cul posé sur les pierres tombales qui grattent leur acoustique voici leurs identités : MG : vocal, lyrics, guitar, cajon et percussions, keyboards et synthés, harmonica, mandoline /  PO: lead guitar.

             Le duo est actif depuis 2020 ils ont enregistré l’équivalent de quatre albums. Se définissent comme deux gars fumant des cigarettes, vénérant de vieux fantômes issus d’un vieux fonds maudit de folk-blues. Leur appellation les définit comme jouant du blues dans leur cuisine (ave Caesar, Robert !) pour les voisins. Pour le moment nous dirons, vu leur âge, qu’ils jouent du blues moderne, ce qui nous l’avouons ne signifie pas grand-chose.

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    Make me a bird : une belle voix, une guitare blues oui, mais pas franchement devant, voici un blues des champs plutôt qu’un blues des villes, de forts relents folk, d’ailleurs si en France on ne s’embarrasse pas de détail, l’on utilise le terme générique de blues, aux states dans les années soixante le terme folk-blues s’est généralisé pour catégoriser le blues traditionnel acoustique. Ceci étant posé ne boudons pas notre plaisir, on se laisse avec plaisir bercé par le balancement hypnotique de cette lente ballade agreste pour cette histoire d’une miraculeuse renaissance espérée mais  impossible tant l’attirance pour le désastre est grande. La fin du morceau s’accélère, l’oiseau s’est transformé en moteur d’avion qui s’éloigne.

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    Gallows Pole : (évidemment l’on pense à Led Zeppelin, mais c’est un traditionnel européen extrêmement connu dans toute la partie nord de l’Europe, ce qui n’empêche pas Bela Bartok d’avoir inscrit l’air dans ses Rhapsodies hongroises. Il en existe de multiples versions, Lead Belly l’enregistra en premier à la fin des années trente, Dylan la reprendra dans les séances de The Freewheelin’ Bob Dylan, sous le titre de Seven Curse ) : Rafał Przewłocki: banjo ukelélé : harmonica lancinant en intro, il revient entre les couplets, les paroles sont d’une cruauté sans égale, le rythme est celui d’une corde de pendu qui se balance doucement, ils ont repris les paroles de la version de Lead Belly mais pour le final ils n’ont pas hésité : le vrombissement terminal du Dirigeable. We’re all private property : chantent à tour de rôle, ils ne se répondent pas, ils accumulent les constats, celui de notre monde actuel dominé par l’argent et le principe de l’appropriation de l’homme par l’homme, l’on se croirait aux temps de colère contestataires du folk initiés par Dylan et Joan Baez au début des sixties, les guitares sonnent haut, les voix résonnent d’urgence, l’on discerne toutefois en sous-main une lassitude désespérée qui confère une étrange beauté à ce morceau.  John the revelator : retour à la tradition, un gospel adapté par Blind Lemon Jefferson et sa femme Willie, genre de monument auquel il vaut mieux ne pas se confronter, aussi y vont-ils franco de port, vous balancent les invocations bibliques à bras le corps, s’en tirent très bien, toutefois on leur reprochera la brièveté de leur version, ils étaient partis pour un délire apocalyptique des plus démentiels, c’est dommage qu’ils

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     n’aient pas cédé à leur propre vertige vocal. It’s all that simple : z’ont le péchon, vous balancent le blues comme un hymne à la joie, avec un long passage de percussions  tapotantes des plus joyeux, z’y rajoutent une bonne pincée de guitares sautillantes. Roboratif certes, sachez toutefois goûter la subtilité, c’est juste un gars qui en train de vivre ses derniers instants. Guillotine song : Błażej Grygiel: bouzouki, basse, organette (petit orgue de barbarie) : le titre n’est pas engageant, les paroles encore moins, chantent ensemble mais laissent surtout jouer les instruments, c’est un peu la suite du morceau précédent, vous aviez le gars qui crevait dans son coin, et maintenant c’est la mort collective infligée aux citoyens de base. Une critique sociale acerbe, préfèrent se taire, mais l’on entend la colère gronder.  Different places : une douce plainte, celui d’un homme solitaire qui quitte notre monde destructif, qui s’en va ailleurs, dégoûté de la société, qui se retire, un peu à la William Thoreau, inutile d’en dire plus, le jeu des guitares est simplement plus éloquent. Greengrass : Błażej Grygiel: basse : vous voulez savoir ce qu’est devenu l’homme qui s’est retiré dans son jardin, tra-la-la-lère, on va vous la raconter c’est marrant, on lui a pris sa terre, tra-lalère, ils ont tout détruit, les guitares gambadent gentiment parmi les champs ruinés, gardons le moral, ils ne l’emporteront pas au paradis. Consolation du pauvre.

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    Cukoos : Rafał Przewłocki: banjo-ukelélé : ne pas toujours accuser les autres, n’est-on pas responsable de son propre malheur, un chant franc, un banjo cukooslélé envahissant, le mythe country du ramblin’man qui se débrouille pour survivre et finit par perdre. Forest blues : une guitare qui frissonne le blues, un chant courageux qui vous inciterait à l’optimisme, à la nuance près que les paroles sont d’un nihilisme sans égal, la vie n’a ni sens ni but, vaut mieux en rire qu’en pleurer. Mieux vaut la fermer et gratter son instrument.  Song for Dylan : Kamil Bieńczak : vocal, Rafał Przewłocki: cigar box : une voix grave, et une autre étranglée qui crie, un harmo d’une tristesse absolue, des interrogations métaphysiques à la Dylan, ni Dieu ni Maître, ni Diable ni Bien, la voie est étroite, l’accompagnement larmoie un peu  trop longtemps, les cris reprennent, mais peut-être vaudrait-il mieux la boucler.  Little Omie : ballade populaire tirée d’une histoire authentique : cette jeune femme enceinte noyée par son amant s’imposait pour un album titré Rivers of  living water, serait-ce de l’humour noir, en tout cas ils vous l’interprètent sans tirer la couverture à eux, tout simplement, sans fioritures. La fin instrumentale se perd dans l’introduction de God bellow : la suite philosophique du traditionnel précédent. L’harmonica en pointe pour appuyer là où ça fait mal : nihilisme, la vie n’a pas de sens, bien et mal ne sont qu’une même chose, tout retourne un jour ou l’autre en poussière.

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             Un beau disque de blues feutré. De folk foncé. Une vision pessimiste de l’existence. Un album miroir de notre monde.

    Damie Chad.

     

    *

    Le père de Deke Dickerson collectionnait les avions et les camions des années trente, il a refilé le virus de la collectionnite à son fils, né en 1968, qui très jeune a commencé à accumuler les disques tous supports, tous formats. Devenu guitariste émérite et compositeur, passionné d’americana, de rockabilly certes, mais pas que… Il a rédigé nombre de notices pour revues spécialisées et les rééditions de Bear Family. Acheteur compulsif, farfouilleur impénitent, ses achats peuvent être divisés en deux groupes. Les disques qu’il écoute et réécoute même si la gravure est amochée, et ceux qu’il n’écoutera jamais qu’il a achetés pour la beauté, la laideur ou l’incongruité de la pochette. Natif de l’état du Missouri il est très fier de posséder l’entièreté de la production rockabilly de son état fluvial. Sur une île déserte, il n’emporterait que le deuxième album de Gene Vincent. Un homme de goût.

    The Gene Vincent Files #14: Deke Dickerson

    on Russel Williford, Johnny Meeks, Gene and more.

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             Contrebassiste, drummer, Deke Dickerson  émet de bizarres cliquetis sur sa guitare avant de lancer le stomp. Quand j’ai eu environ treize ans, j’étais juste en train de découvrir le rock’n’roll, c’était juste le moment où les USA connaissaient un boum revival rockabilly. Naturellement les Stray Cats connaissaient une grosse popularité.

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    A l’époque ils avaient plusieurs hits dans les charts. Lorsque le phénomène a commencé à éclater, d’un seul coup, les compagnies ont commencé à republier des disques de l’ancienne musique des fifties. Comme je l’ai indiqué j’étais très jeune, peut-être treize ans, quand dans  la boutique de disque j’ai vu ce disque Gene Vincent, The Bop That Just Won’t Stop, c’était une de ces rééditions vinyl LP des

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    années 80, je l’ai achetée et ramenée à la maison, wow ! je voulais savoir ce que c’était ! C’était tout ce qu’il me fallait. J’ai aussi acheté Eddie Cochran, Legendary Masters Series, le même jour. J’en ai eu l’esprit tourneboulé durant les mois et les années après. Maintenant vous connaissez l’effet que ça a produit sur moi. Gene a toujours été identifié en tant qu’artiste rockabilly, mais il n’est pas tout à fait rockabilly. Vous savez ce qui est intéressant à ce sujet c’est que, c’est que son spectre musical est vraiment unique, c’est vraiment du rock’n’roll mêlé à des éléments qui viennent du swing, du jazz et ce cette sorte de tuf. Je ne voudrais pas le classer uniquement comme rockabilly. Tenez, le bassiste ne slappe jamais sa basse. Ils produisent des sortes d’arrangements jazz, spécialement dans le jeu de guitare de Cliff Gallup, toutefois en même temps c’est définitivement rock’n’roll. Aussi je ne sais pas comment vous pourriez classifier Gene Vincent, mais il est totalement unique parmi tous les artistes des années cinquante. Je ne suis pas tout à fait impartial car je suis moi-même un guitariste mais je suis totalement persuadé que Gene avait un grand talent  je suis certain que l’histoire de Gene Vincent se serait

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    déroulée  autrement s’il n’avait pas eu les Blue Caps et surtout Cliff Gallup au tout début, vous comprenez ? Je vais dire pour classer à part   un hit comme Be Bop A Lula, tout dans ce morceau est parfait, je ne peux rien imaginer que l’on puisse changer en lui, vous voyez, c’est vraiment la combinaison, l’amalgame de tous ces musiciens et de Gene, en ce studio-là, en ce moment précis, pour produire le surgissement de cet éclair musical miraculeux, quelques secondes de Deke et ses boys sur scène. Je pense qu’avec cette plongée dans un style de vie rock’n’roll, sans cesse en tournée, à mener une vie de dingue, à donner ses concerts, à se coucher tard la nuit, à ne pas dormir dans votre propre lit, je me souviens avoir lu une interview de Cliff Gallup dans laquelle il déclarait très franchement qu’il n’aimait pas être sur la route. Je pense que le rythme de vie Gene était trop fou. La conséquence en a été que tous ces gars, l’un après l’autre, se sont lassés d’être sur la route. Je pense que c’est pour cette raison qu’il a recruté ce groupe en 57,   imaginez-le entouré de tous ces jeunes gars comme Tommy Facenda et tous les autres. Ils avaient tous à peu près le même âge. Alors quand je pense au premier groupe, je pense que Cliff Gallup et Jack Neal étaient un peu plus âgés que le reste de la bande. Vous savez Gene a eu un

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    hit stratosphérique  avec Be Bop A Lula et qu’il avait un sacré amour pour la danse et le bop, mais je pense qu’en 59 ses disques ne se sont plus vendus. Je le sais car j’ai quasi obsessionnellement étudié Gene Vincent. Si vous regardez la place qu’il occupait en 56 et 57, le gros paquet de tournées rock’n’roll, il jouait dans des stades et des foires, des audiences énormes, et en 1959 il jouait dans des clubs VFW et des trucs à 200 places ou à peu près. Ça ne m’étonne pas que Capitol l’ait laissé tomber. Le gars a réalisé quelques bons disques pour une bonne raison. Vous savez quand vous faites des disques si forts, je pense que vous pouvez vivre sur cette lancée pour toujours. C’est une espèce de honte que Gene soit mort si jeune comme c’est arrivé parce que ses disques étaient si grands qu’il pourrait être signé n’importe où aujourd’hui s’il était encore en vie. La réalité de ses audiences en Angleterre et en Europe est qu’il a toujours bénéficié de cette  fidèle ferveur des teddy boys, ce public n’en avait rien à faire qu’il ne soit plus dans les charts. Ils savaient simplement qu’il était bon. Donc il a pu continuer à travailler là-bas, et ce public l’aime encore aujourd’hui. Vous savez alors que je commençais juste à jouer de la guitare, je collectionnais les disques et j’ai compris très tôt : il est très  important de posséder une copie des six albums originaux   Capitol, ceux sortis dans les années quatre-vingt

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    sont très recherchés, ce sont des copies originales des six LP Capitol, comme j’ai eu la chance de rencontrer et de jouer avec plusieurs Blue Caps, je les ai tous signés par eux. C’est quelque chose dont je suis très heureux car maintenant un bon nombre d’entre eux ne sont plus réédités. Je me suis rendu à  Los Angeles au début 1991 et j’ai formé un groupe nommé The Dave and Deke Combo. Nous jouions dans les environs faisant quelques shows, et nous nous sommes retrouvés à faire le backing group de Johnny Meeks. Oh, mec c’était incroyable pour moi, je n’arrivais pas à croire que j’étais en train de jouer avec un véritable Blue Caps. Imaginez-moi apprenant toutes ces morceaux, me préparant pour le set, enfin le jour de la représentation arrive, Johnny déboule et il a l’allure d’un gars tout à fait normal, aucune prétention de rockstar. C’est juste un vieux bonhomme, et il se comporte comme s’il venait jouer un gig comme un autre, vous voyez ! Quand il découvre que nous sommes de gros fans de Gene Vincent, je pense qu’il a été un petit peu décontenancé car Johnny offrait  des country gigs,  il avait l’habitude de jouer quatre heures entières de country music. Et quand il s’est aperçu que nous voulions jouer quelques morceaux de Gene Vincent, c’était pour lui une sorte d’entorse à son programme habituel. Mais une fois qu’il a commencé à se plonger dans ce matos, à la manière dont il a mené le jeu et conduit, d’avoir joué avec Johnny Meeks ça a été, ça été, le moment le plus inoubliable de ma vie. (court intermède de Deke et ses deux boys en concert jouant Baby Blue) Quand Elvis le premier a démarré fort, il est très vite devenu énorme, il dégageait une image qui était vraiment celle de la joie de vivre, vous comprenez, il était le rock’n’roll guy par excellence, Il se démenait sur scène, Gene avait ce truc en plus qui je pense fut plus tard  repris en d’autres styles de musique, c’était cette espèce de suspense et de danger, rehaussé par la douleur sur son visage, occasionnée par sa jambe blessée. Vous pouvez voir cela avec d’autres gars comme Jim Morrison, je veux dire qu’ils ont vu cela et copié cela dans leur propre musique, cependant des tas de garçons n’ont pas cherché à prendre le  truc d’Elvis, dans les sixties et les seventies. Je pense que l’image de Gene Vincent, vous savez toute cette aura qu’il dégageait grandement et qui a été reprise plus tard par

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     tout un tas de performers. ( il joue un peu de sa guitare). Je suis très honoré de faire partie de ces quelques gars qui peuvent dire : ‘’J’ai joué avec Russell Williford’’ qui est un peu le  dernier survivant des Blue Caps perdus. Il est le gars qui sur la couve du second album joue cette Fender Esquire Guitar, mais il n’a jamais enregistré avec

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    Russell Williford entre Gene  Jack Neal à la contrbasse

    Gene Vincent. C’était à l’époque un grand guitariste. Il a joué avec un maximum de gars  dans le Washington DC Aera, mais il n’a jamais enregistré avec Gene. Un nom un peu oublié, mais voici quelques années j’ai été approché par un gars qui tenait le Richmond Virginia Folk Festival et ils préparaient un truc sur des gars du Virginia Rockabilly nommés Virginia Rock, dans lequel ils présentaient The Dazzlers qui était un groupe de rockabilly de Virginie et le dernier gars qui était vivant des Rockets qui faisait Whoohoo et ils emmenèrent Russel Williford et ils m’ont désigné pour accompagner ces gars. Pour moi c’était : Whaou ! Russel Williford, Je n’avais jamais pensé que je pourrais rencontrer ce gars, et encore moins de jouer avec lui. (Durant quelques secondes il gratte sa guitare) C’est une honte que Gene n’ait pas vécu plus longtemps. Vous vous doutez que s’il avait pu vivre dans les années quatre-vingts, ou quatre-vingt-dix je pense qu’il aurait pu réaliser pleinement combien il avait influencé de gens et combien sa musique était importante pour eux. C’est triste, il est mort en 1971, c’était au plus haut de la culture hippie, l’acmé de l’acid rock et du hard rock, j’ai toujours pensé qu’il avait dû penser que le monde était fini, que la

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    musique était terminée et que personne ne se soucierait plus jamais de lui. Vous connaissez ces histoires que Ronnie Weiser raconte de Gene jouant ses gigs autour de L.A. pour quarante dollars ou quelque chose comme ça. Je pense toujours quelle honte pour un gars qui meurt ainsi en pensant qu’il a été oublié. C’est vraiment trop bête qu’il n’ait pu vivre dix ou vingt ans de plus il aurait pu être apprécié à sa juste valeur. (question inaudible). Une des choses les plus tristes que j’ai vues c’est ce documentaire dans lequel il est sur la fin des années soixante et il est en train d’essayer d’apprendre à son groupe ses morceaux et ils ne connaissent aucun de ces morceaux, et vous pouvez lire sur son visage ‘’ Oh m’y revoici encore une fois ’’. Vous le voyez jouant avec un combo de musiciens hippies qui ne connaissent pas ‘’ma musique’’. Toutefois je dois noter, que toutes ces dernières années, il y a encore tous ces jeunes gamins qui sont en train de découvrir le rockabilly et le rock’n’roll. C’est la même chose qui m’est arrivée, c’est probablement ce qui vous est aussi arrivé. La minute où vous avez entendu pour la première fois ces enregistrements classiques de Gene Vincent and the Blue Caps, vous êtes ‘’ Wow !’’, Cela est au-dessus de tout. Ainsi  pour continuer sur cette idée  je pense que ces disques  seront encore écoutés  dans cinq cents ans et l’on dira disant ‘’ wow, c’est fantastique, c’est grand’’. Le sujet n’est pas de savoir ce que pense Lady Gaga ou tout autre qui soit dans les charts populaires. Je pense réellement que quiconque aime que la musique s’empare de votre âme, quand il  entendra ces disques sera obligé de les apprécier. J’ai une très bonne histoire à vous raconter si vous désirez l’entendre   ‘’ Bien

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      sûr !’’. En 1996 les Blue Caps ont effectué une tournée dans les States, ils ont joué à Los Angeles, j’étais alors en possession de mon lot de disques signés. Je les ai vus à 18 heures et ils étaient tous entièrement ivres, je veux dire qu’ils ne pouvaient pas faire un pas l’un devant l’autre, jusqu’à minuit ou à peu près. Ils étaient entièrement cuits. Moi je cherchais à à obtenir des autographes, je faisais la queue derrière le club, Paul Peek était complètement ivre et il était en train de causer avec une certaine Judy, il était en train de la draguer, vous imaginez la scène, j’ai tendu mon disque à  Paul, ‘’ Hé ! Paul signe ce disque pour Dee’’. Il continue durant encore cinq bonnes minutes de discuter avec Judy. Puis il attrape le disque et il signe ‘’ Pour Judy, Paul Peek’’. Ainsi un de mes disques sans aucune bonne raison porte la dédicace  ‘’To Judy, Paul Peek’’. Le disque se termine comme il a commencé, Deke et son band sur scène ! 

    Transcription : Damie Chad.

    Interview was recorded around 2015 in Tilburg (NL) by Kenneth van Schooten, assisted by Gerard van Leeuwen.

    Notes 1 : Clubs VFW : Veterans of Foreign Wars : importante association de vétérans américains ayant servi au-delà des mers. Membre de la Navy, ayant navigué le long des côtes de la Corée, Gene devait avoir la possibilité de donner des spectacles dans les clubs de réunions disséminés sur tout le territoire américain.

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    Note 2 : The Dave and Deke Combo fut formé en 1991 à Los Angeles par Dave Stuckey et Deke Dickerson. Le groupe  se sépara en 1995 après avoir enregistré deux albums. En 2005 sortit un troisième album fruit de réunions occasionnelles dont le titre est à lui seul un résumé et tout  un programme : There’s Nothing like an old Hillbilly. Lost and found treasures (1991 – 2005).

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    Note 3 : Russell Williford (né en 1933) a croisé plusieurs fois Gene Vincent et les Blue Caps. En 1970 Gene se rend à un concert de Williford et lui fait part de son intention de reformer les Blue Caps… Gene lui demande s’il était partant pour cette aventure. Il est impossible de résumer en quelques lignes la vie de Russell, il a participé a de nombreuses sessions  entre autres pour Patsy Cline et Lefty Frizzel. Russell Williford a connu Cliff Gallup avant de rencontrer Gene Vincent.

     Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos

  • CHRONIQUES DE POURPRE 710 : KR'TNT ! 710 : RAMONES / WILD BILLY CHILDISH / CLARENCE EDWARDS / 5.6.7.8's / KELLY FINNIGAN / AEPHANEMER / FARYA FARAJI

     

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 710

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    13 / 11 / 2025

     

    RAMONES / WILD BILLY CHILDISH

    CLARENCE EDWARDS / 5.6.7.8’s.

    KELLY FINNIGAN  / AEPHANEMER

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 710

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Les Ramones la ramènent

     (Part Two)

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             Oui, c’est sûr, t’avais quelque chose dans les Ramones. Kris Needs en fait douze pages dans Record Collector, avec en double d’ouverture une image qui dit tout des Ramones : wild on stage, perfectos, jeans éclatés aux genoux, out of their minds, cheveux au vent, punk new-yorkais, un modèle éternel. Toutes les images des Ramones disent le rock. Needs parle de suburban outcasts et d’une «chemical imbalance that helped catalyse a revolution.» Tout est dit, mais t’as encore dix pages à lire. Comme si la lecture s’accommodait mal du ventre-à-terre des Ramones. One two three four !

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             Needy Needs connaît bien son métier : il fait sortir les Brudders d’un ascenseur anglais en juillet 1976 : les Ramones sont à Londres pour deux concerts, Roundhouse et Dingwalls, «the UK punk movement first real show of strength», il parle même d’un «much copied (if ever equalled) blueprint». Et, magnanime, il ajoute ça : «Two gigs considered pivotal in lightning the fuse for UK punk». Comme c’est bien dit, Needy ! Il les décrit un par un au sortir de l’ascenseur, Dee Dee et son «New York street punk demeanour», Joey qui sort de la douche avec ses cheveux mouillés - This is my Bay City Rollers look! - Tommy, qui semble être «the most normal of the four Ramones», et Johnny, «dressed for work in black leather jacket».  

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             Needy Needs plonge dans les détails biographiques, avec l’Hongrie de Tommy qui débarque à Forest Hills en 1956, puis Needy passe le Johnny de Long Island au peigne fin, fils d’un «hard-drinking Irish father» et sa vie de petit délinquant change quand il voit les Stones sur scène en 1964 à New York. Johnny hait les hippies, mais il va voir les Doors dix fois sur scène. Il voit aussi Jimi Hendrix en 1967, nous dit Needy qui a lu Commando. Et en 1969, Johnny flashe sur les Stooges, au point de se coiffer comme eux - They looked tough - Ça tombe bien, son pote Dee Dee est lui aussi fan des Stooges. Dans Lobotomy: Surviving The Ramones, Dee Dee raconte sa saison en enfer, c’est-à-dire son adolescence - a catalogue of domestic hell, substance abuse and early addiction - C’est lui, le Dee Dee, qui découvre que McCartney se fait appeler Paul Ramon dans les hôtels, alors il décide de s’appeler Dee Dee Ramone. C’est lui la cheville ouvrière des Ramones, ne l’oublions pas. Puis il voit les Stones, les Who, les Kinks et les Troggs. Une pure éducation sentimentale ! Quand sa mère quitte l’hard-drinking Irish father et s’installe à Forest Hills, Dee Dee devient dealer d’hero pour financer sa conso perso. I’m living on Chinese Rocks ! Needy Needs qualifie Dee Dee de «commited teenage degenerate». Si on cherche les formules les plus rolling et les plus rocking, les formules qui ronflent sous le capot, c’est là, chez Needy Needs, the work-out king. Et si, dit-il, Dee Dee clique avec Johnny, Joey et Tommy, c’est parce qu’ils étaient «the obvious creeps of the neighbourhood». On se croirait dans une chanson des Ramones. Cet article est un exploit de mimétisme intrinsèque.

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             Et puis voilà Joey avec ses problèmes de santé dont on se contrefout, il y va le Needy, il donne tous les détails, par contre, il se rattrape en nous rappelant que Joey est fan des Who, des girl-groups de Totor et des Herman’s Hermits. Puis c’est le Love It To Death d’Alice Cooper qui va obséder notre Joey préféré, particulièrement «The Ballad Of Dwight Prye», ce qui le conduit tout naturellement dans les bras de Bowie et de «Rock’n’Roll Suicide» en particulier. Suite à ça, il va voir les Stooges sur scène à l’Electric Circus avec son nouveau poto Dee Dee. Les Stooges sont leur nouvelle obsession, de la même façon qu’elle devint la nôtre, la même année. 

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             Et voilà le grand déclic : les Dolls en 1972 au Mercer Arts Center. Les quatre futurs Ramones y ramènent leurs fraises. Lenny Kaye dit que les Dolls plaisaient beaucoup grâce à leur «bringing back to basics». Johnny nous dit Needy voit les Dolls vingt fois. Dee Dee commence à écrire des cuts, du genre «I Don’t Wanna Go Down To The Basement» et «Now I Wanna Sniff Some Glue» - Everything I write is autobiographical and very real - Dee Dee et Johnny s’achètent des guitares chez Manny’s Music shop on 48th Street : une Danelectro pour Dee Dee et Johnny claque 54 dollars dans une blue Mosrite Ventures II. Tommy incite Johnny à monter un groupe, et Johnny finit par accepter. Joey bat le beurre. L’idée du Dee Dee d’appeler le groupe Ramones plait beaucoup aux autres. Premier concert en mars 1974. Dee Dee chante et gratte ses poux, mais c’est compliqué pour lui de tout faire à la fois. Alors Tommy propose que Joey chante, car Joey a déjà chanté dans un groupe glam et il a une vraie voix. Ils cherchent un batteur, mais n’en trouvent pas. Alors Tommy dit fuck it et décide de battre le beurre. Craig Leon : «The whole Ramones things was very much like a conceptual art piece.» Tout sort du cerveau de Tommy, comme Roxy est sorti du cerveau de Ferry boat. Tommy dit aux autres ce qu’ils doivent faire. Leur look vient de Marlon Brando dans The Wild One, mais s’inspire aussi de celui des Dictators, déjà dans le circuit, de Brian Jones et des garage bands - We concocted a unique style and sound, se vante Joey qui a raison de se vanter - Puis c’est le premier set de 15 minutes au CBGB, en 1974, en première partie du pre-Blondie incarnation, Angel & The Snake. Ils laissent un mauvais souvenir au boss du CBGB, Hilly Kristal - They’d start and they’d stop, everything was screetching. They couldn’t get through a song, they were yelling at each other onstage - Les gens se foutent de leur gueule, surtout Alan Vega. Mais il les trouve géniaux et dit que c’est ce qu’il a vu de mieux sur scène depuis les Stooges. Kristal se montre charitable envers eux : «Nobody’s gonna like you guys so I’ll have you back.» Comme quoi, le destin d’un groupe tient vraiment à peu de choses. Les Ramones nous dit Needy jouent 24 fois au CBGB en 1974. Au début, ils jouent devant 5 personnes. Six mois plus tard, devant 30 personnes. Puis Lisa Robinson flashe sur eux. L’un de leurs premiers fans n’est autre qu’Arturo Vega, qui fera le light show des Ramones jusqu’à la fin. Needy Needs indique qu’Arturo a vu les Ramones 2263 fois sur scène en 22 ans. Ce sont des chiffres qui parlent. C’est Arturo qui dessine le logo des Ramones, basé sur le sceau présidentiel américain. 

             Tommy fait une démo de 15 titres et tente de la fourguer au former New York Dolls manager Marty Thau - who didn’t want to babysit another band - mais il donne un coup de main pour le premier single, «Judy Is A Punk».

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             Le modèle des Ramones s’impose. Pas de solos. Johnny : «The chords are doing everything.» Ils enchaînent tous les cuts - We don’t do any stopping - Un set ne doit pas durer plus de 30 minutes. Comme Craig Leon est l’A&R de Sire, il parvient à convaincre Seymour Stein de signer les Ramones. Coup de pot, son épouse Linda est une fan des Ramones. Danny Fields aussi. Il va même devenir leur manager. Il les qualifie de «perfect band». Pas mal pour un mec qui a signé les Stooges et le MC5 sur Elektra.

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             Les Ramones enregistrent leur premier album en 1974 - The studio bill was an astonishing $6,400 - Needy Needs se marre comme une baleine. Il ajoute que c’est enregistré live, chacun dans une pièce, «like early Beatles records». Et puis il y a la photo de Roberta Bayley sur la pochette, où ils sont like a gang gone punk. Quand l’album arrive en Angleterre, Nick Kent s’agenouille respectueusement : «If you love hard-ass retard rock, you’ll bathe in every groove.» John Peel flashe lui aussi sur le premier album : «The songs are all the same, but they’re all different, if you know what I mean.»

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             Et quand on écoutait ce premier album en 1976, on criait tous au loup ! Whoooo-ooooh ! Ramones est l’un des albums phares du siècle passé. T’es tout de suite frappé par la fraîcheur du bombing de «Blitzkrieg Pop», t’as aussitôt de wall de Johnny et le chant perçant de Joey qui traverse les blindages. Joey est le roi du oh yeah oh-oh, ça n’a pas l’air comme ça, mais c’est capital. Tu réécoutes cet album 50 ans plus tard, et ça n’a pas pris une seule ride ! «Judy Is A Punk» sonne comme l’archétype définitif du punk-rock new-yorkais. Ça éclate le firmament. «Chainsaw» est so fast de ventre-à-terre ! Et voilà Oh Daddy-o et «I Don’t Wanna Go To The Basement», c’est la Ramona pure et dure. Dee Dee te sous-tend ça à merveille. Ils créent encore un monde avec «Loudmouth». Offensive en règle. Et toujours le wall of sound. Encore de la pression avec «Havana Affair». Quand t’écoutais cet album à l’époque, tu sentais que c’était l’album de rock parfait. One two three four ! «Listen To My Heart». Tout y est : le drive de basse et le buzz. Refrain printanier dans «53rd & 3rd», avec une prod de génie bien à ras des pâquerettes. Et ça se termine en beauté avec «Today Your Love Tomorrow The World». Fantastique élan !

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             À ce stade des opérations, il paraît essentiel de se plonger dans la lecture de Commando, l’autobio de Johnny Ramone. La première de couve est à l’image du personnage : puissante. Johnny Ramone subit un traitement graphique innervé, strié dans la matière. Il implose et dégage des rayons. Le book, en tant qu’objet, est lui aussi puissant : l’éditeur Abrams a contrecollé deux plats de couve massifs (5 mil d’épaisseur) sur la une et la quatre de couve, et brutalement massicoté l’ensemble dans la fleur de l’âge, sans débord. T’as dans les pattes un bel objet d’art moderne, à l’image des Ramones. Quel joli coup ! Ces deux plats de couve enserrent les 180 pages du book comme deux serre-livres à socles de marbre. On ne pouvait pas rendre plus bel hommage à cette force de la nature réactionnaire que fut Johnny Ramone. On était presque fier de ramasser ce book chez Smith en 2012 : l’étiquette de prix W H Smith est encore collée au dos. EUR 27.20. Cadeau !

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             Sacré Johnny. Il avoue volontiers avoir frappé Dee Dee - I had to smack him a couple of time to get him into the van - Oui, Dee Dee n’en faisait qu’à sa tête, Johnny l’aimait bien, «but I think he just liked to be difficult». Et tu ne fais pas le difficult avec Johnny Ramone. Pour Johnny, le plan est simple : une fois que les Ramones sont sur les rails, ça doit tourner. Pas question de tout faire foirer. Il prévoit d’économiser assez de dollars pour pouvoir prendre sa retraite quand l’âge de monter sur scène sera passé. L’autre tête de turc des Ramones, c’est Joey. Johnny dit qu’il a essayé de l’apprécier, de lui parler, mais ça n’a pas marché - He was a fucking pain in the ass. So I gave up -  Johnny nous explique dans l’intro qu’il était entouré de «dysfunctional people, and I was the one who ran the business end, aside from our managers. Everybody else was a mess.» L’enfer, c’était le van. T’en avais toujours un qui voulait s’arrêter, et si on s’était arrêté toutes les dix minutes, nous dit Johnny, on ne serait jamais arrivés à destination. On voit bien le topo. Mais ça valait le coup : «The Ramones were fun, and the more intense the better.»

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             Il raconte son adolescence à Forest Hills en 1964. Il fait la connaissance de Tommy à l’école. Ils sont fans des Stooges. Johnny en pince aussi pour Grand Funk et se hâte de préciser que Mark Farner n’était pas un hippie - I hated the hippies and never liked that peace and love shit - Ado, il sombre dans la petite délinquance - I was just bad, every minute of the day - Sa mère trouve de l’hero dans le tiroir de sa table de nuit. Il arrache les sacs à main des grand-mères, il tabasse des gosses pour leur barboter du blé, puis un jour il décide d’arrêter les conneries.

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             Son premier concert ? Les Rolling Stones au Carnegie Hall en juin 1964. Puis il voit les Who, les Beatles au Shea Stadium, Black Sabbath sur leur première tournée américaine, il voit les Doors dix fois, les Amboy Dukes deux fois. Il adore le MC5. Il achète le premier album des Stooges sur la seule foi de la pochette - I just liked the way they looked: tough - Et la musique le rend dingue - I was crazy for it - Il voit les Stooges à l’Electric Circus on St. Marks Place. Il voit Ron Asheton avec son nazi stuff faire un discours en allemand. Mais ceux qui jouaient plus fort que tous les autres, c’était Grand Funk, at the Stony Brook University - That was probably the loudest show I ever saw - Il les revoit au Shea Stadium avec Humble Pie en première partie. D’où l’avantage d’être américain.

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             Et bam, on tombe fatalement sur les Dolls - The New York Dolls really did it for me - Il les voit over and over, twenty times in all, depuis le Mercer Arts Center en 1972 jusqu’au Conventry Club in Queens en 1974. Il indique qu’il notait tous ces détails in little notebooks. Il voit Kiss mais ne les trouve pas cool - Kiss wasn’t cool. The New York Dolls were cool - Il trouve aussi Wayne County «too perverse» - There was this uglyness to that - Il préfère la faune des Dolls, les filles sont jolies et Johnny Thunders looked good. Il aime bien les Dolls parce qu’ils sont comme les Ramones, assez limités, «but they knew what to do with what they had». C’est là que Johnny comprend que le rock’n’roll peut être une option - I can do this too, just as good - Mais il va lui falloir deux ans pour prendre la décision de monter les Ramones avec Dee Dee.

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             Il achète sa gratte en janvier 1974 chez Manny’s, on 48th Street and Broadway. Il paye sa Mosrite 50 dollars. Pourquoi une Mosrite ? Because of The Ventures et Fred Sonic Smith. Elle est bleue. Comme il n’a pas assez pour s’acheter un étui, il la met dans un sac en plastique. Dee Dee et lui démarrent le groupe en répétant dans son appart de Forest Hills. Ils grattent tous les deux leurs grattes. Joey bat le beurre et Dee Dee chante. Ils ont un pote nommé Richie à la basse mais Johnny le vire car ça ne va pas du tout. Dee Dee prend la basse et ça devient un trio. Mais Dee Dee ne peut pas jouer et chanter en même temps. Joey fait n’importe quoi au beurre. It was bad. Johnny veut virer Joey mais Tommy dit qu’il peut chanter. Comme Johnny a confiance en Tommy, il accepte. Alors ils auditionnent des batteurs. Finalement, c’est Tommy qui s’assoit derrière les fûts - He’d never played drums before, but it was working - Et ils se mettent à répéter sérieusement. Comme ils se savent limités, leurs cuts sont simples - They had to be simple - Ils jouent pour la première fois au CBGB en août 1974. Ils torchent 6 ou 7 cuts devant 10 personnes. Johnny est encore le seul des quatre à porter le perfecto. Puis ils reviennent jouer chaque semaine et font payer un dollar à l’entrée. Ils ont en moyenne une quinzaine de personnes.

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             Puis au, fil du temps, tout le monde vient les voir jouer, à commencer par Lou Reed. Johnny ne voit qu’un seul groupe concurrent : les Heartbreakers. Mais comme ce sont des junkies, Johnny sait qu’ils ne vont pas durer longtemps. Il voit Blondie comme un «lightweight pop band». Il voit aussi les Talking Heads comme something very different - It wasn’t really rock and roll, it was something else - Comme ça au moins, les choses sont claires. Il a même une petite altercation avec Debbie Harry, quand les Ramones jouent au Mothers avec Blondie en première partie. L’Harry veut un 50/50 split à l’entrée et Johnny la recadre : «‘No one is here to see you guys. Everyone is here to see us.’ We split the door 70-30 and she was mad. I never really got along with her.» Quand ils partent en tournée européenne en avril 1977, Johnny a deux raisons de flipper : les Talking Heads jouent en première partie, et l’Europe qu’il ne supporte pas - Europe was a horrible place. I hated the hotels - Pas de téléphones dans les chambres, rien à la télé, le bouffe toute pourrie - all this boiled shit or curry - Et t’as les Talking Heads qui sont des intellos qui s’écoutent parler - Tina Weymouth was unbereable - Quand Johnny dit à son roadie d’aller chercher sa guitare, elle interpelle Johnny lui dit d’aller la chercher lui-même. De quoi elle se mêle cette conne ? Johnny ne leur adresse pas la parole. Mais c’est en Europe que ça marche le mieux pour les Ramones, aussi reviennent-ils en tournée. Ils enregistrent It’s Alive le 31 décembre 1977 au Rainbow Theater de Londres - I think that’s our greatest moment as a band - C’est vrai que ce double live est une bombe atomique qui démarre en trombe avec «Rockaway Beach». Joey lance : «Hey we’re the Ramones!» et Dee Dee fait one two three four!, et c’est parti pour un set de folie Méricourt, «Blitzkrieg Bop», l’hymne du XXe siècle, avec «I Wanna Be Well»,  les Ramones deviennent le groupe de rock par excellence, Joey ramène tout son sucre magique, l’heavy beat d’«I Don’t Care» leur va comme un gant, «Sheena Is A Punk Rocker» sonne comme the perfect Ramona, «Havana Affair» déboule pour de vrai, ils expurgent «Surfin’ Bird», et en C, ça repart de plus belle avec «Listen To My Heart», puis «California Sun» explose, toute la vie du rock est là, «Chainsaw» sonne aussi comme un hymne, leur formule est terriblement au point. Cohérence ultime encore en D avec «Judy Is A Punk». Les Ramones sont un phénomène unique, «Let’s Dance» sonne wild as punk. Tu sors de là à quatre pattes.

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             London 1977, ça ne te rappelle rien ? Oui, les punks ! En décembre 1977, Johnny voit les Pistols sur scène et quand Johnny Rotten demande à Johnny Ramone ce qu’il pense des Pistols, le Ramone lui répond qu’ils puent - I told him I thought they stunk.

             Johnny fait régner la discipline : pas de booze avant le concert. Mais «Joey always had a drinking problem, he was hanging out with everybody. Tommy was fine, he had no vices except cigarettes. Dee Dee... whatever.»

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             Rocket To Russia sort en 1977. Johnny : «This was the best Ramones album, with the classics on it. That band had reached its peak both in the studio and live. This one has one great song after another.» «Cretin Hop» ouvre le bal et boom, beat inimitable, sucre inimitable, énergie inimitable, buzzsaw inimitable. C’est là qu’on trouve la version studio de «Rockaway Beach», one two three four!, Dee Dee fidèle au poste ! Et toujours ce Tom-Tom Tommy beat à la surface ! Il faut ensuite attendre «I Don’t Care» pour sauter en l’air. Fantastique buzzsaw, suivi de «Sheena Is A Punk Rocker» qui sonne comme un hit des Beach Boys. Ils déboulent sur la plage avec exactement le même power. Et en B ça repart en mode punch in the face avec «Teenage Lobotomy», belle flambée de violence ramonesque. Personne ne bat les Ramones à la course du Lobotomy. Nouvel hommage aux Beach Boys avec «Do You Wanna Dance» - Dee-Dee Dee/ Wanna dance - Ils grimpent au sommet de la power pop avec «I Wanna Be Well» et puis boom !, voilà la version studio de «Surfin’ Bird» - Well everybody saiz/ About the bird ! - Bel hommage aux Cramps.

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             Quand ils s’apprêtent à enregistrer Road To Ruin, Tommy jette l’éponge. Johnny embauche Marc Bell qui devient Marky Ramone. On a cité les  noms de Johnny Blitz (Dead Boys) et Paul Cook - We tried one drummer, Mark, and that was it - Marc jouait dans les Voidoids. Johnny ajoute que Marc pouvait manger n’importe quoi, des boîtes de dog food et des cafards. Johnny : «The production on this is the best of all of them.» Et plus loin, il ajoute : «This was the last of the great Ramones albums until Too Tough To Die.» C’est encore Stasium et Tommy qui co-produisent cet album bardé de Johnny power. Ils sonnent comme les Heartbreakers sur «I Just Want To Have Something To Do» et sur «I Don’t Want You». T’y retrouves la cisaille des Heartbreakers. «I’m Against It» et «Go Mental» sont du pur New York City Sound. Johnny sait chaque fois ce qu’il doit faire : riffer à la vie à la mort. Quel déballage ! Ils te noient «She’s The One» de son. Les Ramones sont une vraie machine. Ils claquent la plus reluisante des power-pop, montée sur l’incroyable cisaille de Johnny. Riffer, il n’y a que ça qui l’intéresse. Le coup de génie de l’album n’est autre qu’«I Wanna Be Sedated». Ramona classique, une vraie perfection de riffalama fa fa fa et de chant sucré. Joey titille bien ses petits refrains.

             Et crack : Johnny aborde l’épisode Totor. Quand ils jouent la première fois à Los Angeles, en 1977, Totor les voit et dit qu’il veut les produire. Il voulait produire Rocket To Russia et Road To Ruin mais Tommy produisait. Par contre, Johnny préfère cent fois Daniel Rey qui va produire le dernier album des Ramones, Adios Amigos

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    ( 1995 )

             Donc Totor leur court après, mais les Ramones n’en veulent pas. En même temps, ils savent qu’ils ont besoin d’un hit. Sire monte le coup avec Totor pour enregistrer End Of The Century. Johnny sent dès le départ que c’est pas bon - Right from the start, he was abusive to everybody around him, except us - Totor insulte les gens. En plus, il est très long. Hors de question pour Johnny de passer deux mois sur un album. Il voit Toror gueuler sur Larry Levine, l’ingé-son. Totor ne dort pas. Totor ne mange rien. Johnny le suspecte de tourner à la coke. Et il n’a pas une très haute opinion de ce «little guy with lifts in his shoes, a wig on his head, four guns - two in his boots and one each side of his chest - and two bodyguards.» Johnny pense que si Totor avait dû descendre l’un des Ramones, c’était forcément Dee Dee - Dee Dee drove him crazy and Dee Dee didn’t like Phil either - Quelle ambiance ! Johnny et Dee Dee finissent par se casser et Joey reste seul avec Totor pour enregistrer «Baby I Love You». Aucun autre Ramone ne joue sur cette cover. Puis Johnny évoque la pochette et l’absence des perfectos. Le photographe piège les Ramones en leur expliquant que ce serait bien de changer un peu, mais Johnny se doutait bien qu’il ne fallait pas poser sans les perfectos. Dee Dee et Joey votent pour la pochette sans perfectos. Johnny est baisé. La majorité l’empote. Puis Dee Dee et Joey prennent l’habitude de voter contre Johnny, ce qui le stresse - They were voting against me on everything artistic - Il pense que c’est la fin des Ramones, car les choix musicaux ne lui plaisent pas - I would never have put out something like a hit song just to have a hit if it wasn’t our style - Pour Johnny, la compromission est impossible. Il dit qu’il ne pourrait même pas se regarder dans un miroir. Plus loin, il explique que les Ramones n’étaient pas contre les gens, ils étaient contre ce que devenait le rock’n’roll - We wanted to save rock’n’roll - Il croyait que les Ramones, les Pistols et les Clash allaient devenir des major bands, comme le furent les Beatles et les Stones avant eux. Mais même avec Totor, ils ne passent toujours pas à la radio.  

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             Et l’album ? Une merveille. End Of The Century est l’un des très grands albums de cette époque. Coup de génie dès «Danny Says». Totor le développe doucement, Danny says we gotta go, et ça monte admirablement en neige, et soudain il pleut du son comme vache qui pisse. Voilà l’hit impérissable des Ramones. Puis on passe au mythe avec «Chinese Rock» : Heartbreakers + Ramones + Totor, tu vois un peu le travail ? Mythe encore en B avec le «Baby I Love You» des Ronettes somptueusement contrebalancé, Joey te chante ça jusqu’à l’oss de l’ass, et ce visionnaire de Totor fait littéralement swinguer les violons ! T’as jamais entendu ailleurs. Et t’en as qui vont cracher sur l’album ! Et pour finir la B, ça part en classic Ramona avec «This Ain’t Havana», puis «Rock’nRoll High School», Totor a bien compris la logique du beat serré des Ramones, et ça file encore ventre à terre avec «All The Way». Totor sublime les Ramones.

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             Quand Leave Home est sorti en 1977, nous fûmes tous frappés par la qualité du son de Stasium. Dès «Glad To See You Go», t’as le Wall of Sound, avec la voix de Joey qui résonne dans l’écho du temps. Et ça continue en mode Wall of Sound avec «Gimme Gimme Shock Treatment», avant de passer en mode power pop avec «I Remember You». Ils enfilent les hits comme des perles.  Joey arrache tous les cuts du sol. Dans «Oh Oh I Love Her So», on entend les chœurs des Dolls. C’est puissant, très new-yorkais. «Carbona Not Glue» situe bien l’époque. On sait où on est. Quel punch ! C’est encore la foire à la saucisse du power avec «Suzy Is A Headbanger». Un vrai ras-de-marrée ! La formule est au point. Ils sont à cheval sur la candeur et le rouleau compresseur. Ils portent «Swallow My Pride» au sommet du rock américain. Tout est laminé par la machine Johnny/Dee Dee, et le beat de Tommy bat comme un cœur. Fantastique cover de «California Sun». Un vrai brasier ! Les Ramones ont un son unique, une méthode bien établie. Tu les connais par cœur et tu leur accordes tout le crédit du monde. Ils sont fabuleusement cousus de fil blanc, mais tu ne t’en lasses pas. Avec la red de Leave Home, t’as un Live au Roxy en 1976 : une vraie bombe atomique, parce que «Loudmouth», one two three four ! Dee Dee is on fire, parce que «Beat On The Brat», ooh yeah oh-oh, parce que «Blitzkrieg Pop», hey ho let’s go, parce que «Glad To See You Go», parce que le wild punk d’«Havana Affair», parce que le génie punk de «California Sun», parce que «Judy Is A Punk», parce que «Now I Wanna Sniff Some Glue». Ça n’arrête pas.

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             Côté collègues, Johnny a ses chouchous, comme Johnny Thunders. Il n’aime pas Tom Verlaine, il hait Mink DeVille. Il aime bien les Dictators, mais ne traîne pas avec eux. Il aime bien Richard Hell et les Dead Boys. Et puis les Cramps - I became friends with Lux and Ivy from the Cramps too. They’ve always stayed true to what they were doing. We’re still friends to this day - Il évoque rapidement l’épisode Richie Ramone, qui a quitté le groupe en pleine tournée. Plus jamais de nouvelles - Last I heard, he was a golf caddie - Quand Richie quitte le groupe, ils testent Clem Burke en remplacement. Il allait devenir Elvis Ramone. Il a duré deux shows, «and it was awful».

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             Puis Dee Dee en a marre de la basse. Il est crédité sur trois albums sur lesquels il ne joue pas. Il est en studio, mais il ne joue pas. Il laisse Daniel Rey et d’autres jouer à sa place - Dee Dee was getting crazier and crazier and it wasn’t just drugs - Il va quitter le groupe en 1989 pour faire du rap, «which was everything we hated». L’arrivée de C.J. en remplacement de Dee Dee rallonge la durée de vie des Ramones de 7 ans. En 1988, Johnny a déjà 200 000 dollars à la banque. Pour arrêter le groupe, il lui faut un million de dollars.

             Son point de vue sur le vie de rocker est passionnant : «Le rock’n’roll n’est pas un mode de vie très sain. On a trop de liberté. Pas de patron, on peut faire ce qu’on veut. You can play stoned. Personne ne peut avoir un real job stoned.» Il ajoute que les hauts et les bas sont tellement violents qu’on finit par se droguer pour les supporter. «I didn’t. I went back to my room with milk and cookies.» Et puis ça qui vaut son pesant d’or du Rhin : «I owe my personal success to hard work, intelligence and luck, as well as knowing how to handle that luck. There’s also a certain amount of talent that I’ve developed. But most of all, it’s the fans. The fans are the biggest reason for the band to stick together and play all those years. Tout ce que je possède, je le dois aux fans.» Johnny est un cake captivant.

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             Il atteint son objectif du million de dollars au début des années 90. En 1995, il propose aux autres d’enregistrer un dernier album et d’arrêter. «And there was no resistance. None.» Il ajoute ça qui est poilant : «I thought we were becoming dinosaurs, which is why you see the dinosaurs on the cover of Adios Amigos.» Les Ramones terminent leur dernier concert au Palace de Los Angles en 1996 avec une cover du Dave Clark Five, «Any Way You Want It» - I said nothing to the other guys. I just walked out - Fin des Ramones. I tried not to feel anything.

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             Dans son avant-dernier chapitre, il dit quand même avoir espéré une reformation - In my head it was never officially over until Joey died in april 2001. There was no more Ramones without Joey - Puis c’est Dee Dee qui casse sa pipe en bois en juin 2002 - Here’s the most influential punk rock bassist of all time - He could be a problem, but I was really thrown by his death - Johnny termine avec un chapitre sur son cancer.  

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             C’est peut-être le moment idéal de voir ou revoir End Of The Century - The Story Of The Ramones. C’est du double concentré d’émotion. Dee Dee nous rappelle vite fait qu’au départ, les Ramones sont fans des Stooges et des Dolls. Ça ancre bien un groupe. Le premier cut qu’ils pondent est «Judy Is A Punk» et Tommy trouve que c’est du brillant stuff. C’est même something completely new. One two three four ! Leur premier fan est Alan Vega. Hey daddy-o ! Puis Danny Fields devient leur manager. Les voilà qui débarquent en Angleterre en 1976. Les Clash les copient avec «White Riot». On est frappé par les plans scéniques et le dévolu de Johnny & Dee Dee : ils font de l’art total. Johnny voulait que les Ramones portent l’«uniforme», pas question de se fringuer comme les Heartbreakers ! Puis Tommy en a marre - I’m losing my mind - Alors Marc Bell devient Marky Ramone. Danny Fields va se faire virer après l’épisode Totor.

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             On en arrive aux histoires de cul : Johnny pique la copine de Joey, la fameuse Linda. C’est le split entre Joey et Johnny, mais Joey ne quitte pas le groupe. Ils restent ensemble mais ils se haïssent. D’où «The KKK Took My Baby Away». Quand Marky dit a Johnny qu’il a déconné en barbotant la poule de Joey, il se fait virer. Richie devient le nouveau batteur pour 5 ans, avant de se faire virer, pour une question de merch : Richie voulait sa part. Pas question ! Alors Marky qui a réussi à stopper la picole revient. Dee Dee veut faire du rap, alors il se barre et C.J. le remplace. C’est vrai que Joey aurait pu se barrer depuis longtemps, but he needed a fix, and the fix was the Ramones. Ils arrêtent les frais avec Adios Amigos - On a fait ça pendant 21 ans - Dernier concert en 1996 et Joey casse sa pipe en bois en 2001. Il n’a que 49 ans. Santé précaire, disent les proches. 

    Signé : Cazengler, Ramone sa fraise

    Ramones. Ramones. Sire 1976

    Ramones. Leave Home. Sire 1977

    Ramones. Rocket To Russia. Sire 1977

    Ramones. Road To Ruin. Sire 1978

    Ramones. End Of The Century. Sire 1979

    Ramones. It’s Alive. Sire 1979

    Kris Needs : The Forest Hills are alive! Record Collector # 572 - July 2025

    Commando: The Autobiography of Johnny Ramone. Abrams 2012

    End Of The Century - The Story Of The Ramones. DVD Rhino 2005

     

     

    Wizards & True Stars

     - Le rock à Billy

     (Part Nine)

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             En plus des albums enregistrés avec Sexton Ming (salués bien bas la semaine dernière) et ceux enregistrés avec Russ Wilkins dans les Milkshakes (salués encore plus bas auparavant), t’as une belle ribambelle d’albums solos et au moins deux compiles rétrospectives qui valent cent fois tout l’Or du Rhin. Et même mille fois. Le panorama reste assez vertigineux.

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             Dans les années 90, tu ramassais tout ce qui portait le nom de Childish, à commencer par  I’ve Got Everything Indeed, son premier album solo. Pochette childishienne ornée de bois gravés et du punk Big Billy, et au dos, son état civil. On apprend qu’il est né à Chatham en 1953 et que l’album est produit par Stanley Arthur Jefferson, la cover signée Guy Hamper, et l’art direction est de William Loveday, autant de pseudos qu’il va réutiliser plus tard. C’est du fait-maison à 100%. Il enregistre déjà à Rochester et l’album sort sur son label Hangman, dont le logo est le bois gravé d’une potence. En 1986, tout l’univers est déjà là. Et puis t’as l’interview du Doctor X sur le côté. Big Billy commence par accuser Elvis Costello et Bowie de faire un dishonest buck avec de la fake culture. Alors pour échapper à ça, dit-il, tu fais ton art local, «qu’on appelle le punk rock», et quand le punk rock a été corrompu, «we moved on, not upwards but sideways, like a crab, to avoid it.» Puis il dit qu’il vend ses books à son comptoir, «that’s my bisniss (sic)» et il ajoute ça qui est terrible : «I put my money where my mouth is, I’m not Pete Townshend, I don’t weedle my way into Faber and Faber.» Quand Doctor X le branche sur Morrisey et Paul Weller, Big Billy se fout en pétard : «That Morrisey bloke, I’ve seen him on his videos crawling round on his ass singing to a bunch of flowers», et il ajoute plus loin : «The angry young man of modern rock?  He’s more interested in his haircut and clothes... the same goes for Paul Weller.» Il attaque l’album avec une cover primitive d’«Oh Yeah» qu’il gratte à coups d’acou. Puis il reprend le riff d’«Oh Yeah» pour gratter son «Troubled Thoughts (Resting On My Mind)». T’as vraiment intérêt à écouter Wild Billy Childish : il sait tout faire et fait tout bien. Il tape encore une version primitive de «Bright Lights Big City» avec des clap-hands. C’est enregistré dans la cuisine. En B, il gratte les accords de Bo sur «Strange Words» et passe au proto-punk avec «Get Out Of Here Pretty Girl». Il gratte son riff raff comme un démon. Plus loin, il claque un fast boogie blues primitif, «Coming Upside Your Head». Il est dans doute l’artiste le plus complet d’Angleterre. Et le plus fascinant.

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             Belle pochette hideuse pour I Remember, mais quel primitivisme ! Il gratte tout dans sa cabane de jardin à Chatham. On croise la première version de «Why Don’t You Try My Love» qu’on retrouvera plus tard dans les autres projets. Même le killer solo de «Come Love» est primitif. Tout sent bon la cabane branlante. En B, ils gratte son «Burn & Blind Me» à l’enroulée. C’est magnifique. Au dos de la pochette, il met la photo d’un homme qu’on pend dans la rue pendant la deuxième Guerre Mondiale.

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             Il apparaît en compagnie de sa poule Tracey Enim que la pochette de The 1982 Cassettes. Et au dos, il te prévient : «You most likely won’t like this record». Il colle en plus une photo de lui avec les dents pourries et un sourire de psychopathe. Il reste dans l’ultra-primitif avec «Col’ Col’ Chillen» et il accentue bien ses accents primitifs. Il déclare au bas d’un texte tapé à la machine : «no alls ain’t gonna sit down for an hour and listen to something that’s gonna burn your soul.» Cet album est l’artefact du primitivisme. Avec «Monkey Bisniss», il tape la cover la plus primitive du Monkey Biz. En B, il fait un peu l’Hasil à l’asile avec «Todays Menu» et il trashe complètement sa cover de «Little Queenie».

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             Rien de plus punkish que la pochette de 50 Albums Great. Il a peint son costard. Il sort un son cru et on l’entend cracher dans son micro. C’est sur cet album qu’on trouve les premières versions fabuleusement raw d’«I Don’ Like The Man I Am» et «Rusty Hook» qu’il reprendra beaucoup plus tard avec The William Loveday Intention. Il s’amuse aussi avec «Miss Ludella Black» - Miss Black/ Miss Black/ I’m in love with you girl - Au dos, il explique que cet album «is something like my 50th, it is a celebration of never having a producer», et signe Jack Ketch, un pseudo qu’il reprendra sur un seul album.  

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             Joli bois gravé pour la pochette de The Sudden Fart Of Larfter. Tu ramasses ça croyant que c’est un album de garage primitif, mais c’est encore mieux : Big Billy lit ses poèmes - I’m a desperate man/ With desperate hands/ And bad teeth - Au dos, on trouve la première partie de sa bibliographie : 30 books en 10 ans, de 1981 à 1992. En plus des albums. 

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             C’est Little Billy qu’on voit sur la pochette de Made With A Passion. Il a 14 ans. Au dos, il explique qu’il enregistre des démos dans sa cuisine, «as a memory device». Il rappelle qu’il a déjà fait «80 LPs without a producer», mais ajoute-t-il, il y a toujours une manipulation going on, «a dressing up (or dressing down) of the sound, to make it more live, more raw and exciting, or as is more often the case with contemporary studios, more dull...» Il conclut en expliquant que cet album «is a personal notebook that was never intended for release, so it sets out to please no one.» Effectivement, l’album est un peu austère. Mais Sympathy For The Record Industry n’a pas hésité un seul instant à le publier.

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             Et puis t’as ce duo de rêve, Billy Childish & Holly Golightly qui enregistre en 1999 un album de rêve : In Blood. Pochette de rêve et au dos, liners de rêve. Sous le couvert de l’Hangman Bureau of Enquiry, Big Billy déclare : «Three chords are a problem. There’s just too much diversity and choice.» Il s’en explique plus loin : «This album uses one chord and it’s simple and dumb, but really it’s sophisticated beyond the wildest dreams of the poor professional.» Il vole dans les plumes de la Brit-pop et clame que le futur appartient aux glorieux amateurs - One chord, one song, one sound! - Pour illustrer ce brillant slogan, ils tapent un fabuleux boogie down, «Step Out», bien stompé au Billy Boot, avec John Gibbs à la stand-up et Bruce Brand au beurre. En écho à ce fulgurant coup de génie, tu trouves au bout de la B un autre big boogie down de Billy Boot, «Hold Me». Ils roulent-ma-poule à belle allure, bien pulsés par le bop de Gibbs. C’est quasi rockab. Avec le morceau titre, Big Billy reste sur son accord avec derrière un beurre du diable signé Bruce. Ça vire hypno avec «Let Me Know You». C’est ce qu’on appelle une volonté clairement affichée. «Let Me Know You» tape en plein dans l’œil du cyclope, avec les coups d’harp de Johnny Johnson. Et avec son tacatac incessant, Bruce vole le show sur «You Got That Thing». Ils tapent tout «Demolition Girl» sur un riff de destruction massive, pas loin de celui de «Cold Turkey». Ils reviennent aux sources du British Beat avec «You Move Me», en ouverture du bal de B, et la stand-up ramène un brin de rockab dans «It’s A Natural Fact». Early British Beat encore avec «I’m The Robber», Big Billy n’en démord pas, c’est monté sur le groove du «Mama Keep Your Big Mouth Shut» des Pretties. On se régale encore de «Move On Up». Bruce Brand est plus dans le swing, comme Charlie Watts, alors que Wolf, l’autre batteur de prédilection de Big Billy, est plus dans Moonie. Big Billy a toujours eu les meilleurs batteurs d’Angleterre.

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             Ce serait une grave erreur que de faire l’impasse sur les rétrospectives de Big Billy. 25 Years Of Being Childish va te clouer vite fait à la porte de l’église. Cette compile est un peu le royaume du proto : Milkshakes et «Pretty Baby», puis «Please Don’t Tell Me Baby» (wild as proto-fuck, il n’existe pas d’autre mot possible), Mighty Caesars et «You Make Me Die» et «Lie Detector» (proto du diable et killer solo flash convulsif), puis Thee Headcoats et «Smile Now» (Big Billy ramène toute la morve de la fuzz), sans oublier l’enfer sur la terre, c’est-à-dire la cover de «Watcha Gonna Do About It» des Pop Rivets. Ils font passer les Small Faces dans leur laminoir. Le déluge se poursuit sur le disk 2, avec une ribambelle d’hommages : à Jimi Hendrix (Buff Medways et «Fire» claqué direct au uhhhh), hommage encore à Bo (Thee Headcoat Sect et «Deer Stalking Man», Downliners ruckus, incomparable !), hommage aux Pistols (The Blackhands et «Anarchy In The UK» tapé en mode balloche), clin d’œil aux Buzzcocks aussi (Billy Childish with Armitage Shanks et «Shirts Off»), et pur jus Dylanesque (Billy Childish et «Ballad Of Nettie Brown»). Puis t’as cette avalanche de coups de génie : Thee Headcoatees avec «Wild Man» et «Davey Crockett» (Kyra y va à l’oum pah pah oum yeah !, puis ça repart sur Farmer John, what you got in your pocket), et plus loin t’as Thee Headcoats et «The Hurtin’» (fantastique dégelée aérodynamique), Thee Headcoatees et «Hurt Me» (pur génie de montée en température, summum orgasmique), puis retour des Headcoats avec «The Same Tree» (early Stonesy), et t’as une belle cerise sur le gâtö : les Buff Medways avec «Archive From 1959» et «Troubled Mind» (tu retrouves le power des Who dans les Buff, c’est in the face, tout y est : la hargne et la hargne, le chien et la chienne).

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             From Fossilised Cretaceous Seams: A Short History Of His Song And Dance Groups vient de paraître et se présente sous la forme d’un double album bien dodu avec un very early Big Billy en maillot de bain. C’est une sorte de résumé de tout ce qui fait le génie du rock anglais : les Who (Spartan Dreggs et «Headlong Fly The Archaeans», en plein dans l’œil de la cocarde), les Pistols (Musicians Of The British Empire et «Christmas 1979», Big Billy fait son Johnny Rotten avec la scansion d’Anarchy, merry fucking Christmas to you’ll), et Wild Billy Childish himself (CTMF et «Last Punk Standing», heavy proto-punk à rebours de déclaration de pâté de foi). Bon, t’as aussi les Mighty Caesars, les Buff Medways, les Milkshakes, The William Loveday Intention, Thee Headcoats, les Singing Loins, le Guy Hamper Trio avec James Taylor et son Hammond organ, et bien sûr les Delmonas qui chantent «I Feel Like Giving In» en français - J’espère que tu comprends - Et ça continue sur le disque 2, c’est un vrai manège-à-moi-c’est-toi qui te fait tourner la tête Tu retrouves un hommage aux Who avec les Spartan Dreggs et «A Shopshire Lad» (encore plus Whoish que les Who, comme si c’était possible), un hommage à Bob Dylan avec CTMF et «Failure Not Success» (quel souffle !), du Pure Brit Art avec Buff Medways et «Medway Wheelers» (belle basse pouet pouet), du proto-punk avec Thee Headcoats et «The Same Tree» (C’est le son des Pretties, on est en plein protozozo), de la politique avec The Musicians Of The British Empire et «Thatcher’s Children» (The winner can’t win/ Save your own skin/ Everyone’s a loser), et des coups de génie comme s’il en pleuvait : Thee Headcoatees et «Hurt Me» (belle montée féminine), CTMF et «A Song For Kylie Milogue» (People think they know me/ But they don’t know me/ People think they know me but what do they know?) et The Musicians Of The British Empire avec «Joe Strummer’s Grave» (le power de Big Billy n’a jamais été aussi extravagant - Cool Britannia Jesus saves/ Rupert Murdoch rules the waves/ Richard Branson doesn’t shave/ And Joe Strummer’s lying in his grave).

    Signé : Cazengler, débilly

    Billy Childish. I’ve Got Everything Indeed. Hangman Records 1987

    Billy Childish. I Remember. Hangman Records 1988

    Billy Childish. The 1982 Cassettes. Hangman Records 1988

    Billy Childish. 50 Albums Great. Hangman Records 1991  

    Billy Childish. The Sudden Fart Of Larfter. Dog Meat 1992

    Billy Childish. Made With A Passion. Sympathy For The Record Industry 1996

    Billy Childish & Holly Golightly. In Blood. Wabana One Limited 1999

    Billy Childish. 25 Years Of Being Childish. Damaged Goods 2002

    Wild Billy Childish. From Fossilised Cretaceous Seams: A Short History Of His Song And Dance Groups. Damaged Goods 2024

     

     

    Inside the goldmine

    - La prestance de Clarence

             Tu t’enorgueillissais de fréquenter Édouard Clairon. T’avais là un homme fier de ses racines bretonnes, il en avait le bleu de la mer plein les yeux et du celticisme plein la verve. Il se dressait comme un dolmen. Il jonglait avec les prophéties comme d’autres jonglent avec des quilles au cirque. Il offrait l’hallucinant spectacle du prophète en la matière, de messie des data-bases, d’oracle des mutations irrémédiables, on voyait en lui le Grand Prêtre d’un Ra techno, le prédicateur des apocalypses digitales, l’augure d’outrances galvanisantes, la Bernadette Soubirou du Blue Tooth, le canonisateur des souris sans fil, le cartomancien des cartes mères, le devin de la dématérialisation, le visionnaire d’écrans 27 pouces, le vaticinateur du raccourci-clavier vicinal, l’extrapologue de la mémoire cache, l’empêcheur de tourner en rond, le fulmineur du fire-wire, l’annonceur des futures annonces, l’instigateur d’un nouveau domaine de la lutte, le ratificateur du rut numérique, t’en finissais plus de boire les paroles lénifiantes d’Édouard Clairon, son discours coulait en toi comme une rivière de miel, mais dans les abeilles. Alors imagine-toi un instant un tout petit plus primitif que tu ne l’es déjà : nul doute que tu lui aurais léché les bottes, ou bien les Nike, pour être plus précis, mais tu te l’interdisais, car il fallait conserver un minimum de dignité, même si tu soupçonnais Édouard Clairon de n’attendre que ça, qu’on lui lèche les Nike. C’est dire la considération qu’on avait tous pour lui. Et plus il parlait, plus cette considération fermentait dans les cervelles. Comme tous les pronostiqueurs du futur, il exerçait sur les esprits faibles une fascination indiscutable. Il nous rendait vraiment fiers de nos limites.

     

             Édouard Clairon et Clarence Edwards font exactement la même chose : ils te gavent comme une oie. L’un va te gaver de vent, et l’autre de blues. Et quel blues, my friend !

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             Tony Burke raconte que Clarence a appris à gratter le blues à 12 ans, en écoutant des 78 tours de Charley Patton. Clarence a démarré tôt dans les années 50/60, puis il est tombé dans l’oubli. C’est un Anglais, un certain Steve Coleridge, qui l’a redécouvert en 1989. Coleridge s’était installé à Baton Rouge pour bosser sur Slim Harpo. C’est lui qui va sortir Swamps The Word. Coleridge qui est aussi bassman va même accompagner Clarence en tournée. Burke situe Clarence ainsi : «One of the last of the great swamp blues artists in the style of Lonesome Sundown or Lightnin’ Slim.»  

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             Swamps The Word grouille de puces, à commencer par la plus mythique des covers : «The Things I Used To Do» de Guitar Slim. Hommage dément, avec tout le poids du spirit, le drive est pur - I’m gonna send you back to your mother - Il enquille à la suite une cover aussi hot d’«Hi Heel Sneakers». Hot as hell, sur les traces de Jerry Lee. On trouve aussi un hommage fabuleux à Muddy : «Hoochie Coochie Man», la racine du rock. Son of a gun ! Pas aussi raw que Muddy, mais Clarence prend l’Hoochie Coochie à la bonne. Il a tout : le black cat bone et le mojo too. Il prend tous ses cuts d’une voix de black dude des bas-fonds. Il n’en finit plus de charger sa barcasse. Coup de génie avec avec «Rocky Mountains». Il re-sort son énergie du diable pour «Chewing Gum». Il faut le voir swinguer son swagger ! Il reste maître du jeu de gimme some. Avec «I’m Your Slave», il balaye d’un coup tout le british Blues. Laisse tomber les blancs, c’est Clarence qu’il te faut. Il fait une cover démente de «Walking The Dog». Clarence est un punk black, le plus féroce d’entre tous. Il sait encore rocker le blues comme le montre «Still A Fool», sure ‘nuff it is ! Et il plonge dans les abîmes de l’heavy blues avec l’incomparable «Lonesome Bedroom Blues». Rien d’aussi balèze ici-bas, c’est gorgé d’écho. Fantastique justesse du ton ! Encore du panache à gogo avec «Done Got Over It». Et quand t’écoutes «Let Me Love You Baby», tu comprends que le blues et le rock, ça appartient aux blackos. T’as cet incroyable balancement basse/beurre, le black swing. Et t’as la pure diction du swamp rock. Clarence est rompu à tous les lards. Sur cet album, chaque cut est un petit chef-d’œuvre de perfection. Encore de l’heavy blues de rêve avec «Born With The Blues». Clarence mouille bien ses syllabes, il chante à l’accent pur. Il passe au pur piano blues de juke-joint pour taper un sidérant «Coal Black Mare». Bravo Clarence !

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             Tu peux prendre n’importe quel album de Clarence, c’est toujours bien. Et si tu en pinces pour l’Heartbreaking Blues, alors écoute Swampin’. Il attaque avec l’heavy blues cajun de génie, «Lonely Lonely Nights», puis il va enfiler ses heavy blues comme des perles : «Tried So Hard», «Cry Like A Baby» (fantastique balancement, on est là au max des possibilités de l’heavy blues), «Born With The Blues» (I got all them down in my shoes, et ça commence early in the morning/ Sure nff to write down some), «Long Distance Call» (Please call me on the phone/ Sometime, il est infernal, Yes my phone keeps ringing/ Sounds like a long distance call) et «Rocky Mountain» (heavy as hell. Clarence est un géant - That’s a place I like to see). Et puis t’as cette version de «Spoonful» ! C’est pas celle des petits culs blancs comme Cream. C’est le vrai Spoonful joué au beat tape-dur. Il se montre digne de Muddy avec «She Moves Me». Même attaque - She moves me man ! - Et il tape une autre cover mythique, «Will The Circle Be Unbroken». Il sort du cut en vainqueur, avec les accords de la modernité.  

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             Dans le 4 pages de Louisiana Swamp Blues, t’as une fantastique petite interview de Clarence. Il dit avec vécu à Alsen, en Louisiane puis à Thomas Scrap, où il a fait du farmwork. S’il a connu Robert Pete Williams ? Oui, «he used to bring scrap there in his truck, and Slim Harpo too.» Pour une raison X, Clarence n’a jamais enregistré pour Jay Miller «in the heyday of the Crowley blues recordings.» Sur ce fantastique Louisiana Swamp Blues, tu retrouves l’heavy «Cold Black Mare». On a écrit «cold» sur le track listing, alors qu’il s’agir de «coal». Clarence shakes down une belle cover d’«Hi Heel Sneakers» et se montre d’une rare crudité avec «Don’t Play With My Mistakes». Il est à l’aise dans le limon du boogie, il chante à l’accent déviant, c’est un bonheur que d’écouter ce blackos. Nouveau coup de Jarnac avec «Free Will». Ses riffs ne trompent pas. Il est encore extrêmement primitif avec «Up’s & Down’s». Clarence est un artiste complet. Tu peux y aller les yeux fermés.

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             Juste un petit conseil comme ça, en passant : ne fais pas l’impasse sur I Looked Down That Railroad (Till My Eyes Got Red And Sore). Clarence est vieux, mais il n’a jamais été aussi bon. Il tape une heavy cover d’«Highway 61» - I give her all my money - et enchaîne avec un autre Heartbreaking Blues de choc, «Trouble Don’t Last». Il est le prince de l’heavy blues - My father was a preacher And my mother prayed for me everyday day - Il tape dans le mille à chaque fois. Encore un fantastique heavy blues de many many years avec «I’m Your Slave». L’heavy boogie blues d’«I Walked All Night Long» est imbattable - She started screaming murder - et il tape à la suite un autre coup de génie, l’«I Just Wanna Make Love To You» de Big Dix - Love to you ! - C’est balèze et bien gras. Il tape «I Miss You So» au power vocal pur et rend un bel hommage à Fatsy avec la cover du diable : «Blue Monday». Back to the wild boogie avec «When The Weather Gets Cloudy». Clarence rôde dans le beat. Ces mecs jouent en rase-motte incendiaire. Et puis t’as encore un clin d’œil à Bo avec une cover d’«I’m A Man». Clarence t’estomaque.

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             Il attaque Baton Rouge Downhome Blues au pur raw to the bone, avec «Every Night About This Time». T’as le pur gras double de Baton Rouge. Et ça continue avec «Dealin’ From The Bottom Of The Deck», pur crack du boum, et ça solote dans le limon. Il tape ensuite dans la véracité de l’heavy blues avec une sidérante cover de «Crawling King Snake». Clarence Edwards est stupéfiant de power. Il explose l’«All You Love» de Muddy à coups de proto-Baton. Il ne dépasse pas les bornes, il les explose. Il monte sur tous les coups du blues. Tu seras scié par la classe du gimmicking dans «Well I Done Got Over It». Grand retour à l’heavy blues avec «Still A Fool». C’est un heavy blues d’une profondeur extraordinaire. Il bat Wolf et Muddy à la course. Il y va au aw aw sure ‘nuff I’ll do. On reste dans les coups de génie surnaturels avec «Rocky Mountain Blues» - These rocky mountains/ That’s the place I love to see - Il ne fonctionne qu’au pouvoir absolu. Clarence ramène des clameurs froutraques qui n’existent pas dans le Chicago Blues. Il tient encore sa fournaise en laisse dans «Don’t Make Me Pay For His Mistakes». Il tape ensuite un cover ahurissante d’«Hoochie Coochie Man», il y va au ha ha have mercy, et gratte des notes à contre-courant. On n’avait encore jamais vu ça. Il reste au sommet de l’Ararat avec cet «Everybody Has Those Ups & Downs» glorieux comme pas deux. Il n’existe rien de plus heavy sur cette terre. Il passe au mythe pur avec une cover du «Things I Used To Do» de Guitar Slim. Nouvelle descente au barbu avec «Highway 61 Blues». Clarence est le roi de l’heavy doom. Il te claque un beignet vite fait - I gave all my money - Toujours la même histoire. Clarence Edwards a tout le power de Baton Rouge. Il rocke mille fois plus que les blancs, c’est important de le dire. Il cultive une sorte de power intrinsèque, un downhome des enfers.

    Signé : Cazengler, rance tout court

    Clarence Edwards. Swamps The Word. Sidetrack Records 1988

    Clarence Edwards. Swampin’. Fan Club 1991  

    Clarence Edwards. Louisiana Swamp Blues. Wolf Records 1993     

    Clarence Edwards. I Looked Down That Railroad (Till My Eyes Got Red And Sore). Last Call Records 1996 

    Clarence Edwards. Baton Rouge Downhome Blues. Wolf Records 2023

     

     

    L’avenir du rock

     - Le take five des 5.6.7.8’s

     

             L’avenir du rock ne s’attendait pas à croiser Dee Dee Ramone dans le désert. Ah ça, pour une surprise, c’est une surprise !

             — Dis donc Dee Dee, qu’est-ce tu fous là ?

             — One two three four ! I don’t wanna go down to the basement !

             — T’en fais donc pas Dee Dee, ya pas d’basement dans l’désert !

             Interloqué, Dee Dee reste muet quelques secondes, puis il lance d’une voix rauque :

             — One two three four ! I wanna be sédentaire !

             Agacé par le niveau zéro de la répartie, l’avenir du rock reste de marbre un moment puis il finit par marmonner d’un ton grinçant :

             — Ah bah dis Dee Dee, t’es en pleine surchauffe pondérale !

             Dee Dee encaisse l’insulte et lance d’une voix de fouine délinquante :

             — One two three four ! The KKK took my barda away !

             L’avenir du rock lève les bras au ciel :

             — Te fais donc pas d’bile Dee Dee, t’as pas besoin d’barda ici ! Regarde-moi, Ducon la joie, est-ce que j’ai un barda ?

             Ça laisse Dee Dee interdit. Mais créatif comme pas deux, il repart de plus belle :

             — One two three four ! Judy is a baseball bat !

             L’avenir du rock ne sait plus quoi dire. Il se sent dépassé. Pire encore, il sent qu’il perd son temps. Il déteste pisser dans un violon. Pendant ce temps, l’autre continue :

             — One two three four ! I wanna be your gaufrette !

             — Dis donc mon con joli Dee Dee, ça t’écorcherait la gueule de changer d’disque ?

             — Five six seven eight !

             — Ah bravo, c’est beaucoup mieux...

     

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             The 5.6.7.8’s est un trio de petites Japonaises qui date de Mathusalem. On les voit en effet dans Kill Bill 1 et leur premier album date de 1988, donc on peut faire le compte. Le problème c’est qu’elles sont tellement kitsch qu’on a jamais réussi à les prendre au sérieux. Grave erreur !

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             L’occasion nous est donnée de les voir sur scène en première partie de Gyasi. On arrive avec un a-priori, on renâcle, on rechigne, on renaude, on se souvient d’un son inabouti, d’un girl-group amateur, et puis dès le premier cut, «Hanky Panky», elles raflent la mise. Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont aucune prétention. Elles jouent toutes les trois dispersées dans l’immense espace de la grande scène, ce qui équivaut à une sorte de dénuement, alors elles passent en force. Elles s’attaquent à un genre difficile qui est le gaga-kitsch, et seules des Japonaises peuvent réussir un coup pareil. Ronnie Fujiyama gratte ses poux sur une gratte vintage et sort le son clair des

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    origines du gaga-surf. Et derrière elle, t’as l’une des plus belles sections rythmiques de l’underground : Akiko qui swingue ses basslines avec une effarante maestria, et une fabuleuse batteuse de rockabilly, Sachiko, qu’on surnomme Geisha Girl Salad et qui pourrait très bien accompagner Charlie Feathers. Elles tapent à trois un set d’une heure qui ne cède rien ni à l’ennui ni à la médiocrité, c’est tout le contraire, elles subliment ce genre forcément difficile qu’on croit réservé aux dieux du stade, elles se l’approprient pour en faire du pur 5.6.7.8’s sound. Elles enfilent leurs vieux

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    hits comme des perles, «Godzilla», «Woo Hoo», Ronnie Fujuyama envoie parfois un coup de fuzz dans sa dentelle, et c’est du meilleur effet, elle est extraordinairement concentrée. Elle a ce côté vétérante de toutes les guerres qui assoit bien sa légende. Et tu vois cette diablesse d’Akiko tricoter ses lignes de basse athlétiques avec un sourire chargé de mystère. Franchement t’en reviens pas de voir un groupe défier les lois de la physique avec une telle retenue. Plus leur son paraît austère et plus tu les admires, car elles jettent toute leur énergie dans la balance et t’es rudement content d’être là, quasiment prosterné à leurs pieds.  

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             Pour entrer dans le monde magique des 5.6.7.8’s, l’idéal serait d’écouter Bomb The Rocks: Early Days Singles 1989-1996, une compile bourrée à craquer de bombes atomiques. Boom dès «Bomb The Twist», trash-punk de proto-punk, c’est même au-delà de tout proto, elles se jettent dans la bataille avec une vraie sauvagerie. Avais-tu

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    déjà vu un truc pareil ? Non. Elles tapent ensuite dans l’univers des Cramps avec «Jane In The Jungle», paradis de la reverb & du wild raunch.  Elles font encore les Cramps plus loin avec un «Jet Coaster» monté sur le modèle de «Fever». Tu veux de la délinquance juvénile ? Alors écoute «Guitar Date». Ronnie Fujiyama gratte sec. C’est une trash-punk. Elles foncent dans le mur du rock avec «Woo Hoo». Quelle bande de folles ! Leur cœur de métier est le trash, comme le montre «Continental Hop», fabuleusement arraché, ou leur version de «Long Tall Sally», trashée jusqu’à l’oss de l’ass, ou encore «Scream», allumé au scream de dingue, un summum d’insanité. Leur «Boyfriend From Outerspace» défonce les barrages et elles te cisaillent «She Was A MAu MAu» à la base : wild fuzz guitar ! Ronnie Fujiyama devient complètement dingue, elle bat tous les records de sauvagerie vocale. Elles savent aussi dealer du kitsch comme le montre «Bond Girl», elles tapent le thème de James Bond et ça sonne ! Joli shoot de gaga Jap avec «Fruit Bubble Love» et elles envoient un gros clin d’œil aux Shangri-Las avec «Motor City Go Go Go». Extraordinaire power délinquant ! Ronnie Fujiyama gratte des poux de dingue dans «The 5.6.7.8’s», un instro magnifico et tout rebascule dans le génie avec «Edie Is A Sweet Candy» qu’elles tapent à l’énergie fondamentale. Ronnie chante encore comme un monstre à la bouche gluante dans «I Was A Teenage Cave Woman», non seulement c’est hanté, mais t’entends des poux demented, t’as tout, le scream, la Jap, la démesure. Et ça repart dans le trash-bop avec «Ah-So», et du coup elles deviennent tes wild chouchoutes.

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             On retrouve la version originale de «Scream» sur le premier album sans titre des 5.6.7.8’s.  Ça hurle dans les couloirs du château d’Écosse. Whoooooh ! C’est excellent, soutenu par un gratté de poux génial, quasi rockab dans l’essence. Un vrai coup de génie, pour l’époque. Elles deviennent aussi les reines du trash avec «Oriental Rock», qu’elles trash-boom-huent, elles sont aussi pures que les Monsters, et leur version de «Long Tall Sally» en B bat tous les records de trash. Ronnie Fujiyama t’iconoclaste Sally en beauté. Elle sort ensuite sa plus belle fuzz pour «Cat Fight Run», et derrière, ça tatapoume de plus belle. Elles passent au kitschy kitschy petit bikini avec «Highschool Witch». Elles tapent ça à la finesse extrême, avec un beurre rockab. Elles font aussi deux belles covers jap : l’«Arkansas Twist» de Bobby Lee Trammell et elles allument «Tallahassie Lassie» aussi bien que les Groovies.

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             On retrouve le fameux «Scream» sur le Live At Third Man Records paru en 2013, c’mon scream yeah !, et elles tapent une version ultra-wild de «Teenage Mojo Workout». Elles sont tellement énergiques dans la dépenaille que ça devient génial. Par contre, le reste du Live n’est pas si bon. Le son est trop dépouillé, trop fête foraine. C’est même assez aléatoire. On perd la ferveur des early singles. Ça ne fonctionne pas. Elles tentent de sauver le Live avec «Bomb The Twist» et «Barracuda», mais ça se solde par un gros chou blanc.

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             On va donc se remonter le moral avec un album extraordinaire, le Teenage Mojo Workout paru en 2002. Elles te noient dans le trash dès «(I’m Sorry Mama) I’m A Wild One». Elles te jettent dans la friteuse, t’as tout, la folie, le beat, la démesure, le trash pur ! Et ça continue avec un «I’m Blue» stupéfiant de trashitude. Elles rendent un fantastique hommage à Bo avec «Road Runner». Fuzz-out ! Explosif ! Elles foncent dans la nuit avec «Typhoon Girl», un instro en forme d’incroyable déboulade pulsée par le beurre du diable. Et là tu vas tomber sur la triplette de Belleville, trois covers mythiques : «Hanky Panky» (attaqué à la fuzz, terrific), «Harlem Shuffle (elles tapent dans Bob & Earl de plein fouet, à l’arrache japonaise, elles sont héroïques, imbattables, elles atteignent leur sommet) et «Green Onions», amené à la Jap demented, elles le saturent de fuzz. Et puis voilà le morceau titre, d’une rare violence, wild as fuck, monté sur un drive de dingue, l’un des hits gaga du siècle, claqué aux pires accords Jap. Elles atteignent ensuite les somment du boogaloo-trash avec «Let’s Go Boogaloo». Elles te l’explosent dans la stratosphère.

    Signé : Cazengler, 9.10.11.12.13.14.15.16.17.18.19

    The 5.6.7.8’s. The 5.6.7.8’s. Time Bomb Records 1985        

    The 5.6.7.8’s. Live At Third Man Records. Time Bomb Records 2013   

    The 5.6.7.8’s. Teenage Mojo Workout. Time Bomb Records 2002

    The 5.6.7.8’s. Bomb The Rocks: Early Days Singles 1989-1996. Time Bomb Records 2003

     

     

    L’avenir du rock

    - Finnigan’s wake

     (Part Three)

             L’avenir du rock est fier d’appartenir au Cercle des Pouets Disparus. Il retrouve chaque mardi ces fiers barons de l’érudition rock dans un appartement de la rue de Rome dont nous tairons ne numéro pour éviter toute interférence mallarméenne. Le thème de la soirée est le Mono.

             Nick Cunt caresse son jabot et lance d’une voix cristalline de gazelle effilée :

             — Qui Monoterais-tu au radiateur, avenir du rock ?

             — Monoman, sans la moindre hésitation.

             Une rumeur admirative caresse les chevelures des convives.

             Charles Shaar d’Assaut s’écrie du haut de sa supériorité numérique :

             — Tu as toujours eu la glotte habile, avenir du rock. Ébahis-nous une fois encore : sur quel canasson Monomiseras-tu ton petit kopeck ?

             — Monochrome Set, comme je l’ai toujours fait depuis 40 ans ! Et toi Mick Tamère, quel est donc la nature de ton Monopole ?

             — Monoparental. Ma femme s’est barrée. Wouah quelle salope !

             Un vent glacial caresse les chevelures des convives.

             Philippe Panier-Garni s’élance fort héroïquement au secours de la situation :

             — Qui sauvera l’honneur du Cercle des Pouets Disparus ?

             — Il n’existe qu’un seul moyen !, s’écrie magnanimement l’avenir du rock.

             Médusée, la petite assistance attend la suite. Alors l’avenir du rock se hisse sur la table basse et lance du haut de son registre :

             — Back to Mono !

             Une rumeur de stupeur parcourt la petite assemblée. Alors pour river son clou, l’avenir du rock ajoute :

             — Back to Monophonics, bien sûr !

             — Ooooouuuhhhhhh....

     

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             Quand on voit Kelly Finnigan arriver sur scène, c’est un peu comme si on voyait revenir un vieux copain. Il ne va pas se passer grand-chose sur scène, car, fidèle à son habitude, Kelly reste assis derrière ses claviers, se contentant de pousser la chansonnette et de pointer du doigt, pour appuyer ses injonctions le plus souvent d’essence sentimentales. Il met aussi régulièrement la main sur le cœur pour nous assurer de sa bonne foi. On a presque envie de lui dire qu’on n’oserait pas la mettre en doute, mais ce sont des choses qu’on ne dit pas.

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             Alors forcément, cette Soul blanche te colle autant à la peau qu’au premier jour. Kelly est l’un des très grands chanteurs de son époque et il fait le choix de l’underground pour cultiver sa Soul en toute tranquillité, bien peinard sur la grand-mare des canards. Pas question d’aller promener son cul sur les remparts de Varsovie. Il tient trop à son intégrité. Il préfère ne vendre qu’une poignée d’albums à une poignée de fervents amateurs plutôt que d’aller faire la pute dans les émissions de télé à la mode. Et c’est pour ça qu’on le respecte. Avec Dan Penn, Kelly Finnigan est à peu près le seul Soul Brother blanc. On pourrait aussi remonter jusqu’à Eddie Hinton, Mitch Ryder, George Soule, Bobby Hatfield, et parmi les contemporains, épingler l’excellent Nick Waterhouse, ou encore Marcus King, mais Kelly se distingue des autres White Niggers par la qualité et la puissance de sa voix qu’on peut qualifier de grasse et colorée à la fois, de volatile et fruitée. Il est aussi perçant que Percy Sledge et hot qu’Otis. Il communique bien avec le public et n’a qu’un seul mot à la bouche : love. Alors love par ci et love par là. Tu sais pour l’avoir déjà vu à l’œuvre que rien ne va se passer et que tout se passe dans ta perception de la Soul,

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    dans ce que tu en attends. Il faut se souvenir de ce que Dave Godin disait de la Soul, il fallait qu’elle soit (pour lui) slow and fervent. Et passé le premier écueil, tu entrais alors dans le lagon d’argent de la Deep Soul. Kelly Finnigan ne fait que ça, de la Deep Soul slow and fervent, qui peut sembler atrocement austère au premier abord, mais qui est d’une rare qualité artistique. Une Soul d’une extrême pureté. On pourrait parler d’une Soul raffinée à l’extrême, comme ce «Promises», une Soul malade d’elle-même, une Soul huysmanienne, une Soul aux accents dépravés qui achèvent d’irriter ta cervelle ébranlée, une Soul de jazzmatose de la comatose, une Soul belle à pleurer dans ton verre de bière, une Soul fabuleusement privée de dessert, une Soul d’imprécations sur-oxygénées, comme le montre «Say You Love Me», une Soul qui brille parfois de l’éclat de topazes brûlées, la Soul d’une race à bout de sang, une Soul que Kelly colle comme un parement sur de féeriques apothéoses, une Soul charnue et molle qui sent parfois le fauve, comme ce «Warpaint» qu’on croyait pourtant bien connaître, et qui en concert, prend une autre allure. Il semble que sa voix hisse vers la cime de l’art de douloureuses imprécations aux lueurs vitreuses. Il martèle une Soul singulière et incantatoire, comme s’il cultivait le délicieux sortilège de la note rare. «Sage Motel» finit par sonner comme une Soul chimérique. La vague de Finnigan’s wake t’éveille.

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    Signé : Cazengler, Kelly Finigland

    Monophonics. Le 106. Rouen (76). 24 octobre 2025   

       

    *

     Dans notre livraison  705 du 09 / 10 / 2025, nous avons chroniqué les deux premiers titres parus en avant-première de l’album Utopie d’Aephanemer qui vient de sortir.

             La beauté est toujours énigmatique. Elle est un fruit qui ne s’offre pas de lui-même. A portée de main. Mais comme refusé. Il ne faut pas le cueillir, mais le recueillir, comme le logos heideggerien moissonne les mots, les actes, et les intentions. Ces trois attitudes, ces trois altitudes exigent une grande patience. Déjà, que signifie le nom de ce groupe : serait-ce un mot valise qui marierait l’éphémère mouvance porteuse de la grâce fanée des choses qui passent, ou alors selon une étymologie plus subtile, l’air qui resplendit lorsqu’il devient eau, en d’autres termes le symbole, le jeu incessant des métamorphoses élémentales, ailes d’un moulin qu’un vent subtilement éthernel instille dans la concrétude mouvante des choses. Des choses divines, pour reprendre le titre d’un essai aventureux de Paul Valéry.

    UTOPIE

    AEPHANEMER

    (Napalm Records / 31 Octobre 2025)

    La couve est due à Niklas Sundin, guitariste metal et graphiste, auteur de multiples pochettes metal. Il officie dans Dark Tranquility et Laethora. Le non du premier de ces deux groupes définit à merveille son monde intérieur.  Dans son Traité des Couleurs, le grand Goethe, créateur de Méphistophélès, n’explique-t-il pas que tout autant que la lumière, l’obscurité est au fondement de la couleur. Il s’agit de savoir voir.

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    A première vue la pochette de l’album n’offense pas le regard. Un orange lumineux et un vert clair, pas celui de la verte prairie, plutôt l’amandine de la peau de nos lézards qui se chauffent au soleil sur le mur de nos maisons. Peut-être existe-t-il au premier plan des traces de civilisations davantage rugueuses que cette tour élancée, à l‘assaut du ciel, dont nous subodorons qu’elle symbolise, la ville utopique de nos fierté hominiennes. L’illustration se poursuit sur le CD, même ambiance sereine, toutefois la tour semble s’être éloignée et sur notre droite n’est-ce pas un effrayant vortex dans lequel il vaudrait mieux ne pas s’engager…

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    Marion Bascoul : vocal, lyrics / Martin Hamiche : bass, guitars, orchestrations / Mickael Bonnevialle : Drums.

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     Echos d’un monde perdu : comme un point de tristesse qui fond du fond de l’espace-temps, il se déploie symphoniquement jusqu’à embrasser l’embrasure d’une plénitude surprenante, roulement, écroulement,  silence, s’élève alors l’écho perdu d’un monde disparu, une vague lointaine et cristalline, comme une plainte qui s’évanouit et disparaît, semble-t-il à tout jamais. Le cimetière marin : un voile qui se déploie, ce ne sont pas les civilisations qui sont mortelles, ce sont les hommes enfouis sous sous les sols qui les emportent avec eux, la voix de Marion Lascoul fouille la terre arable du songe des morts qui poursuivent leurs chemins intérieurs, égorgera-t-on une brebis noire sur leur tombe pour qu’ils reviennent à eux-mêmes se gorger de leurs souvenirs reviviscents, ne nous égarons pas, ce n’est pas parce que la musique l’emporte par amples stases mouvantes sur le vocal qu’il ne faille point tenter de vivre, si la bouche d’un mort s’accroche à l’humus, la morsure des combats qui nous guettent nous presse de vivre. Que seraient les morts si les poëtes ne les inscrivaient pas dans le marbre de leurs vers épars.  La règle du jeu : le vocal embrase l’élan

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    musical, c’est la vie qui se débat avec les morts dont nous sommes les héritiers, les vivants dont nous sommes les commensaux, même si souvent nous renversons la table, une basse funèbre, n’oublions pas que ce mot se partage entre le ‘’fun’’ de de la vie et les ténèbres tapies dans l’ombre mentale qui nous envahissent, ne soyons pas joyeux, sachons en rire, les lumières de la vie ne sont-elles pas un théâtre de décombres, décors et désordres de nos existences entremêlées. Tout cela a-t-il un sens, ou seulement une importance… Par-delà le mur des siècles : une introduction d’une légèreté quasi mozartienne, pour évoquer la vie au-delà de tout destin individuel, de tout hasard personnel, la voix ne chante plus, elle vitupère, se mêlant à l’orchestration comme le venin à la brûlure de la vipère. Que fais-tu de la Hache majuscule de l’Histoire, le spectre sanglant du progrès ne se cache-t-il pas derrière le fer dégoulinant. La batterie taille du petit bois pour le feu du matin suivant, presque un menuet en intermède, même si la flamme sombre d’une guitare nous rappelle que tout drame n’est peut-être qu’une comédie qui tourne, malgré toutes ses arabesques enivrantes, en farce grotesque. Parfois vous avez l’impression que la musique rigole

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    ( Photo : Daniela Adelfinger )

    en douce. Chimère : celle-ci n’est point nervalienne, elle ne traverse qu’une fois l’Achéron car le voyage s’avère sans retour, la trame rythmique est comme concassée, ce sont les remous de l’Histoire qui clapotent sans trop de bruit dans le marais des illusions perdues, la leçon est sans appel, la guerre même victorieuse n’est qu’une défaite, tout rêve de grandeur s’avèrera équivoque voire univoque, il court à sa perte et est appelé à basculer dans le néant informe.  Contrepoint : à quoi ? Au nihilisme du morceau précédent qui nous dit que tout se vaut et que rien ne vaut rien, nous voici place Maubert à Paris en 1646 sur laquelle fut exécuté sur ordre inquisitorial, l’imprimeur et écrivain, jamais nommé, Etienne Dolet, qui fut grand lecteur et intercesseur de Cicéron, le canal romain par qui fut transmis en France le vocabulaire de la philosophie grecque, le morceau pétille, parfois il semble se fondre dans la noirceur des cendres mais il reprend vie et force, une plainte noire émerge, mais elle est comme l’étamine de la pensée libre. La rivière souterraine : long flamboiement instrumental, ce n’est pas un moment de repos, mais la course sans fin

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    ( Photo : Polypycture Vanessa Housieaux )

     de l’Histoire qui coule au travers des siècles… au milieu du morceau s’élève le thème introductif de l’écho du monde perdu qui n’est peut-être pas aussi perdu que l’on pourrait l’accroire, il semblerait qu’en cette rivière se distingue un courant d’eau  plus pure que le limon habituel qu’elle charrie… une cascade pianotique de notes terminales nous laisse entendre que quelque chose fait sens. Utopie (Partie 1) : tristesse absolue de l’orchestration qui prend de l’ampleur telle la voile d’un navire que le vent enfle, le voyage n’est pas sans danger, la musique se ralentit dans les immondes sargasses de l’impuissance… lorsque enfin surgit non pas un allant triomphateur mais la sensation que le navire n’est pas livré au hasard, certes les écueils sont nombreux, les naufrages à tout instant à portée de coques, mais l’on discerne un ruisseau obstiné qui subsiste au milieu des tourbillons, qui se fraie un chemin, par deux fois la piste ténue du son semble s’arrêter, mais la marche reprend, doucement hésitante, la voix de Marion Bascoul grimpe dans la mâture, elle prend alors le commandement, elle discerne et édicte  le chemin parmi les obstacles accumulés, tout semble se terminer sur un beau générique de fin / Solitude, récif, étoile / A n’importe ce qui valut / Le blanc souci de notre toile / dixit le grand Mallarmé, car les eaux du rêve se mêlent à l’hideuse réalité. Utopie (Partie 2) : c’est alors qu’apparaît au loin le mirage de la cité d’or, la merde humaine repose dans les pots de chambre auréifiés, le voyage n'est pas terminé, l’Atlantide des songes s’éloigne au fur et à mesure que l’on s’en approche, toutefois, la musique se fait alors conquérante, le vent qui se lève cingle les voiles, tout paraît si proche que l’enthousiasme nous emporte, ce qui n’empêche point les retombées mortuaires, les eaux mortes qui nous attirent, les mains des morts étreignent la coque et tentent de nous ramener à eux. La voix de Marion Bascoul nous arrache au marasme, à ces infâmes reptilations, elle ne  cache rien, elle crache nos découragements, elle  se marie si bien au rythme porteur de cette rivière clandestine qui ne s’arrête que pour mieux aller de l’avant, désormais nous avons pour guide inaltérable cette aiguille fine et altière qui s’est implantée dans la membrane de notre idée fixe, de minuscules notes pures nous font signe, nous ne craignons ni tempêtes, ni naufrages.

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    ( Photo : Polypycture Vanessa Houseaux )

             This the end beautiful friends. Pas du tout. Pas encore. Tout recommence Aephanemer nous offre la suite orchestrale de son opus.  Etrange démarche murmureront certains. Les neuf pistes d’Utopie se suffisent à elles-mêmes. Le groupe n’a pas voulu retrancher, il a simplement dissocié la poésie de la musique. Etrange démarche orphique. Songeons à Valéry qui s’était opposé à une lecture d’Un Coup De Dés Jamais N’abolira Le Hasard accompagnée de musique. Toutefois Valéry donnera un Amphion, que nous qualifierons de drame lyrique, avec un récitant, le texte n’est pas chanté, chœurs et orchestre. La partition est d’Arthur Honegger… L’œuvre restera ce que l’on appelle une curiosité. L’idée initiale de Valéry était une œuvre totale (chant, danse, décors, musique) inspirée de Wagner. Elle ne sera écrite et réalisée que quarante ans plus tard. Toutes ces références pour montrer que les radicelles de la démarche aephanérienne possède des racines beaucoup plus profondes qu’il n’y paraîtrait de prime abord. Ne surtout pas la prendre comme un caprice surdimensionné d’Amin Hamiche qui est le compositeur de l’album.

    UTOPIE / AEPHANEMER

    Echos  d’un monde perdu, Le cimetière marin, La règle du jeu, Par-delà le mur des siècles, Chimère, Contrepoint, Utopie (Partie 1), Utopie (Partie 2

    Certes l’aspect rugueux du chant de Marion a disparu, il était un parfait contrepoint à la longue suite mélodique qui par un retournement logique pouvait en être perçu comme le contre-chant. Le sens véhiculé par les paroles, rappelons qu’elles sont en français, est-il lui aussi supprimé ? N’écoute-t-on pas Tristan et Isolde de Wagner sans comprendre le livret. N’en est-il pas de même pour le Tommy des Who. Nous avons toutefois des points d’appuis plus ou moins flous, des connaissances fragmentaires ‘’ du quoi que ça cause’’ qui permettent de se frayer un chemin. Pensons aussi à Mallarmé mécontent d’apprendre que Debussy s’est attelé à un poème musical inspiré par son poème  L’après-midi d’un faune. Je croyais déjà l’avoir mis en musique laissera-t-il échapper. Les méditations sont ouvertes.

    Ce qui est sûr c’est que cette suite orchestrale n’est pas ennuyeuse, l’on se laisse facilement emporter. J’en ai même oublié le motif de l’œuvre, me perdant en d’autres thèmes. Bizarrement l’orchestration de La Rivière souterraine m’a paru beaucoup plus rock que lors de la version chantée…

    Si je devais résumer mon écoute en un seul mot, ce n’est ni le thème de la mort ni celui de l’utopie qui me viendrait à l’esprit. C’est le terme de ‘’romantique’’. Ce qui n’est pas étonnant, la musique rock sous ces différentes et multiples formes m’a toujours paru être le dernier avatar du mouvement romantique né à la fin du dix-huitième siècle en Europe.

     Si cet opus d’Aephanemer était seulement un bon disque ce serait déjà très bien. Mais il y a la qualité sans égale  des textes de Marion Bascoul qui puisent aux grandes orgues de la lyrique française sans en être prisonnière. Et puis cet album peut être qualifié de projet. (Au sens Joycien) de ce mot. De projection d’une borne référentielle. En le sens où il me semble être un point de bascule dans la production metal française. Un point de ralliement ou de rejet, il y aura certainement un avant et un après Utopie.

    Damie Chad.

    A DREAM OF WIIDERNESS

    AEPHANEMER

    (Napalm Records / 2021)

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    La pochette de Niklas Sundin est un pur chef d’oeuvre. Non pas par l’habileté du dessin qu’elle a nécessitée, mais parce que par la seule force d’un seul dessin l’artiste est parvenu à rendre une idée. L’on parle du mythe de la caverne de Platon, l’on emploie aussi l’expression ‘’l’image de la caverne’’. L’on pourrait gloser à l’infini sur la signification du mythe platonicien de la caverne, mais une autre tâche tout aussi difficile nous attend : que signifie le terme ‘’ Dream of wilderness’’. Un rêve de sauvagerie tendrait à signifier que l’Homme se doit d’être brutal, sauvage, cruel, rétif à toute pitié, à toute faiblesse… Struggle for life, tout est permis pourvu que l’on survive. Pour ma part par la vitre d’un train j’ai eu la terrible  vision d’une scène lamentable : un cercle d’une vingtaine de chasseurs le fusil pointé sur un sanglier. S’est imposé à moi la célèbre scène de l’Odyssée où la vieille nourrice reconnaît en l’étranger Ulysse grâce à l’ancienne blessure à la jambe causée par la défense d’un sanglier… Les Grecs connaissaient la force brute de la bête. Mais l’homme se devait de l’affronter seul à seul. Un épieu à la main. Niklas Sundin nous raconte cela : la bête dans toute sa puissance mais encadrée de chaque côté par les silhouettes des deux arbres. Destruction et protection entremêlées.  Jeremiah Johnson de Sydney Pollack nous conte la même histoire. A sa manière, selon une autre mythologie, avec des images mouvantes d’une autre époque. Ne nous faisons aucune illusion : nous sommes pétris de cette sauvagerie sans limite, nous sommes des êtres de démesure, l’hybris est consubstantielle à notre sang, mais c’est parce que nous sommes imprégnés de cette force kaotique et élémentale, que nous savons que tout comme le sanglier dans sa bauge protectrice, nous  sommes partie prenante de cette nature naturante en constant devenir, sans cesse remis en cause et mus par le rêve d’une certaine équité que nous qualifions d’olympienne. Car nous sommes les fils de nos propres pensées plus grandes que nous. Qui en même temps préservent notre rêve, et nous recyclent ad infinitum. Durabilité grecque. Sauvagerine et ballerine.

    Marion Bascoul : vocal, lyrics / Martin Hamiche : bass, guitars, orchestrations / Mickael Bonnevialle : Drums / Lucie Woaye Hune : bass.

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     Land of hope : prélude et crépuscules, celui matutinal, celui entre chiens et loups, aurore ou entrée dans la nuit, heures claires ou heures sombres, soleil rayonnant ou lune blafarde, intense gravité et lueur d’espoir.  Antigone : surprenant changement de ton, avec l’intro précédente mais surtout avec ce à quoi l’auditeur s’attend, cris et désespoirs, drames sanglants, le drame d’Antigone est porteur de redoutables noirceurs, rythme enjoué, Maion Bascoul prodigieuse dans son vocal, elle vous hache le parmentier de la situation tragique avec un tel allant, une telle morgue d’analyste méthodique sans âme que l’on est surpris, le rouge pourpre sang des Atrides se teinte de rose printanier enjoué, el la musique se dandine dans cette joyeuse danse des morts, d’autant plus forte que rehaussée d’envolées violoniques et de chœurs féminins virevoltant, ne nous trompons pas ce n’est pas la mort d’une âme pure que l’on pleure, c’est l’acte de refus et de résistance d’une jeune fille que l’on fête, la mort peut-être un pied de nez exemplaire à la barbarie des lois. Ce morceau à rebrousse-poil de souventes lectures pleurnichardes est prodigieux. Un véritable appel à l’insurrection individuelle.  Of volition : les philosophies de la volonté sont souvent employées pour promulguer l’injustice politique coercitive. Le siècle précédent en est un parfait exemple. Celui dans lequel nous vivons fera-t-il mieux ? Une intro d’une gravité dramatique qui jure avec la fin du précédent, la batterie se charge de nous remettre les idées en place, c’est parti pour une charge à la cosaque, Marion Bascoul ne fait pas de prisonniers, elle mène le train à la tête de son vocal à la hussarde, c’est d’autant plus méritoire que le texte qu’elle énonce au grand galop s’apparente à une démonstration philosophique maîtrisée, en trois points : position : notre action  sur le monde ne serait-elle pas guidée par nos passions : ante-position : ne vaudrait-il pas mieux nous abstenir d’agir pour ne pas déclencher par notre native impétuosité éléphantesque un désordre encore plus grand que celui que nous comptions juguler : déposition : aucune possibilité de réaliser une synthèse, heureusement les sophistes nous ont aidé à entrevoir une manière d’agir, il s’agit de compter sur ses propres forces individuelles garantes de notre liberté mais aussi de la situation politique collective en développant notre action au bon moment, ce qui demande une juste analyse des situations. Cette méthode peut aussi être utilisée par nos ennemis mais c’est à nous à être plus adroits qu’eux, de chevaucher la tempête pour atteindre nos buts.  Le radeau de la Méduse : changerions-nous d’époque, non l’homme est de toutes les époques, toujours aussi lâche et égoïste, nous voici embarqués sur le radeau de Méduse, franchement nous n’échangerions notre place avec personne, c’est trop fort, trop puissant, trop excitant, trop rock’n’roll, Marion se transforme en grande prêtresse menant des milliers de fidèles à une mort honnie, le reste se de l’équipage se déchaîne et souque ferme, ce morceau est une épopée hugolienne, nous sommes embarqués pour le pire, mer tempétueuses, bassesses éhontées, fringale de cannibale, rien ne nous est épargnée même pas une salvation miraculeuse. A vous faire annuler vote dernière croisière sur paquebot de loisir touristique déniché sur un prospectus alléchant. Crudité humaine au menu. Roots and leaves : magnifique entrée oratorienne, si vous pensez vous reposer des émotions précédentes pas de chance Aephanemer ne vous procure jamais plus que trente secondes de repos, c’est reparti comme en quatorze, nous voici emportés dans un tourbillon. Modérez votre impatience, certes ça tangue violemment mais nous voici plongés non pas au cœur de l’action mais dans un maelström de réflexion, moins théorique que celles de Of volitions, disons que le groupe vous jette dans la concrétude des situations. Autrement dit les infames compromissions avec les réalités. Les conséquences de nos actes nous dépassent. Nous pensons bien faire, nous produisons une catastrophe. Et si nous réussissons, si dans l’humus des feuilles mortes, petite 

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     graine sans défense nous devenons un arbre majestueux, le pouvoir ne nous transformera-t-il pas en tyran prodigieux. Pensée terriblement incapacitante. A tel point qu’Aephanemer nous ménage une pause belle comme un oratorio classique, mais le ver vainqueur de la réflexion s’attelle à notre détresse et nous incite à l’humilité, perce même le désir d’une vie terne et sans éclat en accord avec la sagesse chrétienne…  Vague à l’âme : instant de rémission, serait-ce un interlude, hélas un manteau de tristesse nous tombe sur les épaules, nous n’en avons pas encore fini avec le poids de nos pensées et la déréliction de notre existence. Strider : lente entrée comme une bête de somme, cheval fourbu n’avance point à la halte, Marion Bascoul conte une histoire exemplaire non pas parce qu’elle est exemplaire et servira de modèle à tout un chacun, mais parce que tout un chacun s’y reconnaîtra, le vocal ne court pas, il galope lourdement surchargé de trop de souffrance, un intermède qui s’abat à terre, certes le vent ondoie la crinière, le conte reprend, celui qui se croyait libre n’est qu’un esclave soumis à une volonté qui n’est pas la sienne, même mort son corps ne lui appartiendra pas davantage, ses atomes seront dissociés et dispersés dans le renouvellement inconscient du recyclage naturel… Ainsi toute vie court à son terme.  Terrible loi du destin existentiel.  Panta Rhei : quel que soit notre destin individuel nous sommes tous voués à la même mort, la voix pourrait se transformer en morne complainte mais la musique est vive et le chant reste impétueux, comment se défaire du carcan de notre disparition, nous ne sommes pas loin de l’hymne à la joie, la solution est individuelle, chacun progresse à pas de pas grand-chose dans sa conscience, mais les petits ruisseaux forment les grandes rivières qui se fondront dans le grand fleuve de la vie, en le champ de l’espèce humaine dont chacun de nous n’est qu’une infime parcelle, mais aussi une cellule agissante. A plusieurs reprises le chant se tait pour nous permettre d’accéder à cette vision qui nous transcende. A dream of wilderness : Et maintenant ? comment répondre à cette question d’une façon positive, Marion Bascoul prend le vocal comme un cheval fou s’empare de son mors, elle résume l’Histoire depuis le début, la symbiose entre les hommes et les Dieux, l’émerveillement devant l’opulence de la nature offerte, le savoir fut le couteau des lois qui divisèrent le monde des hommes en maîtres et serviteurs, maîtres et esclaves, de la justice naquit l’injustice, la religion divisa hommes plus qu’elle ne les relia, c’est alors que certains commencèrent à se séparer des institutions humaines, ils s’en retournèrent, du moins dans leur tête, à l’état de nature, une marche en avant certes mais qui débouche sur des rêveries en totale contradiction avec le monde réel. L’heure est grave, retroussez vos manches, par deux fois le monde a débouché sur des échecs, mais si tout ce qui fut perdu est perdu à jamais, le moment d’exigence d’un nouveau chemin à parcourir est devant nous.

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             Ce dernier morceau est la conclusion de la problématique traitée dans l’album. Qui n’est pas tout à fait terminé. Pour deux raisons. La première est constituée de deux titres. En A nous avons : Old french song : ( Pyotr Ilych Tchaikovsky cover) : toutefois il s’inscrit si bien dans la structure de :  A  dream of Wilderness qu’il pourrait  être considéré comme  le final orchestral de l’album. Pour le compositeur russe il s’agissait d’une œuvre spécialement écrite pour de jeunes pianistes. Tchaikovsky n’a jamais caché qu’en cette démarche propédeutique il s’inscrivait dans la suite initiée par Robert Schumann. La filiation rockmantique d’Aephanemer se confirme. En B : version française de : Le radeau de la Méduse : par patriotisme éhonté je dirais que je préfère la version française, maintenant ce que je retrouve remarquable c’est que Marion Bascoul se débrouille aussi bien en français qu’en anglais, quelle facilité, quelle aisance, quelle chanteuse !

    WILDERNESS / PISTE MUSICALE

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    Antigone, Of volition, Le radeau de la Méduse, Roots and leaves, Strider, Panta Rhei, A dream of widderness :

             C’est donc une volonté affirmée d’Aephanemer d’attirer l’attention sur la partie instrumentale de leur création. Presque une inspiration cubiste du groupe de présenter une même œuvre selon deux aspects différents. La différence entre les deux pistes me paraît ici nettement plus marquée que pour Utopie.  Elle semble dans cet opus davantage légère, plus entraînante, l’on aurait envie de dire plus brillante, davantage virtuose. Davantage détachée du thème de l’album. Pour Utopie nous avons évoqué le rapport poésie et musique, entre chant et musique. Ici, ce n’est pas que la poésie en soit absente, c’est que le discours philosophique se taille la part du lion. Les rapports entre philosophie  et musique de prime abord sont moins évidents, c’est oublier qu’un des textes fondateurs de la philosophie grecque reste le Poème de Parménide. A l’autre bout du spectre l’on pensera à Nietzsche et à son rapport à la notion d’art, qualifions-le de wagnérien pour faire vite, et aux commentaires d’Heidegger sur les poèmes d’Hölderlin par exemple…

             N’empêche qu’avec A Dream of  Wilderness, Aephanemer semble s’assurer une des premières, si ce n’est la première, places dans la une nouvelle catégorie de rock que nous pourrions qualifier de philosophique. Si cet adjectif vous semble trop pompeux employons l’expression méditative, selon l’acception cartésienne de ce mot.

             A l’écoute de cet album nous comprenons mieux Utopie. Aephanemer poursuit une route musicale comme beaucoup de groupes, mais sa démarche épouse aussi un chemin de pensée.

             Un grand groupe.

    Damie Chad.

     

     

     *

    Me faudrait pas grand-chose. Juste un petit truc. Trois fois rien. Non je ne suis pas énervé. Je suis déçu. Cent soixante kilomètres pour voir le plus mauvais concert de ma vie. Oui je suis en rogne. Oui je grogne. Tout à l’heure en rentrant à la maison j’ai cru avoir trouvé la solution. L’était trois heures du mat, j’ai ouvert la fenêtre, et me suis emparé de mon Rafalos. L’idée était simple. J’abats sans sommation tout individu, à peine une douzaine, qui passera sur le trottoir d’en face. Des innocents, pour démontrer à la face du monde que je n’ai rien contre d’inoffensifs passants. Et puis, vous pouvez me croire, ça soulage. Manque de chance : personne. Pas un chat, même pas celui du voisin. Au bout d’une heure, totalement gelé j’ai refermé la fenêtre.

    Je me suis assis sur le divan et me suis perdu en amères réflexions. J’avais tout prévu. Je rentre du concert, j’écris la chro et le matin je poste la 610. C’était réglé comme sur du papier à musique. Oui mais comment infliger à nos lecteurs chéris le récit d’un tel désastre !  Les idées noires ont envahi mon cerveau. Ah, si seulement j’étais un homme pouvoir, il m’aurait suffi d’un bouton pour détruire la moitié de l’Humanité !

    Bon n’exagérons rien, tiens par exemple si seulement j’avais la puissance d’un Empereur Romain, un simple mot à un serviteur fidèle et hop  je n’y penserais plus. Hélas je ne suis pas un Romanus Imperator !

    C’est alors qu’une petite voix, celle de la conscience, a parlé :

    _ Voyons Damie reprends-toi !

    _ J’aimerais te voir à ma place, qu’est-ce que tu ferais toi !

    _ Moi je ferais comme l’Empereur Auguste, tout simplement !

    _ Et qu’est-ce qu’il ferait l’Empereur Auguste à ma place ?

    _ Il enverrait une légion traiter le problème !

    _ Oui mais moi je n’ai pas de légion romaine à disposition !

    _ Damie, si j’étais toi, au lieu de faire la tête, je réfléchirais un peu. Pense à Aristote qui a dit que quand on avait un problème c’est que l’on possédait nécessairement la solution, seulement on l’a oubliée.

    Alors, j’ai réfléchi et je me suis souvenu. Bien sûr tout comme Auguste j’avais une légion. Et l’idée d’une nouvelle chronique !

    LEGIO 5 MACEDONICA

    EPIC ROMAN MUSIC

    FARYA  FARAJI

    (Bandcamp / YT / 2025)

             Farya Faraji d’origine persane vit actuellement à Laval près de Montreal. Quebec. Il est passionné de musique antique et compose des musiques inspirées de l’Antiquité. De l’orbe méditerranéen, sans exclusive, ni époque précise. Grèce, Empire Romain, Byzance, il se joue des siècles et tout comme Alexandre le Grand il pousse jusqu’à l’Inde et comme Alix il ne dédaigne pas la Chine… Sa démarche semblera à certains un tantinet bâtarde, il restitue, il s’inspire, il compose, bref il crée. Il connaît plusieurs langues et manie de nombreux instruments traditionnels.

             Sur le morceau qui nous préoccupe le multi-instrumentiste grec Dimitrios Dallas, résidant à Chicago, joue de la mantoura, flûte grecque assez proche de l’aulos antique. Tambours, cymbales, lyre complètent l’orchestration. Stefanos Krasopoulis, sur lequel je n’ai réussi qu’à récupérer que de très maigres renseignements est un compositeur de musique lui aussi multi-instrumentiste.

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             La cinquième Macedonica participa aux guerres civiles menées par Auguste, elle fut cantonnée fut d’abord en Macédoine, patrie d’Alexandre le Grand. Elle bénéficie donc d’une appellation prestigieuse. Elle servit tout le long du limes romain. Elle fut notamment employée par Trajan en Dacie   et permit à Aurélien de raffermir l’Empire en luttant contre les troupes de Zénobie.  A la fin de l’Empire romain d’Occident elle fut versée dans l’Armée de l’Empire d’Orient. L’on dit qu’elle combattait encore lors des invasions musulmanes…

             Legio 5 Macedonica se présente comme l’hymne de cette légion. Le texte chanté est composé en latin par Guiseppe Regimbeau. L’écoute est surprenante, on aurait tendance à l’accuser de manquer de virilité. Le ton n’est guère martial, le chant passe en revue les campagnes accumulées durant des siècles. Aucun triomphalisme, aucune exaltation guerrière. Faut écouter à plusieurs reprises pour percevoir les variations orchestrales et rythmiques. Aucun instrument ne prend vraiment le dessus sur les autres, nous avons droit à une subtile combinaison d’éléments qui se fondent les uns dans les autres. On a plutôt l’impression d’un chant de marche martelé sans rapidité, mais l’on sent, gare aux centurions, qu’il n’est pas question de lambiner.

             Farya Faraji s’est aussi intéressé aux : Legio 6 Ferrata / Legio 12 Fulminata / Legio 15 Apollinaris. Enfin il a composé un titre générique Hymn  Of The Legio avec utilisation de cuivres qui confèrent à ce morceau l’aspect d’un générique de péplum des années cinquante.  Quand on regarde l’ensemble des morceaux de Faraji, on s’aperçoit qu’il n’a rien d’un idéologue ou d’un va-t-en-guerre. L’étude, extrêmement complexe des légions romaines, est un des chemins les plus instructifs et des plus éloquents pour comprendre le comment (hasard) et le pourquoi (nécessité) de la construction de l’Imperium…

             _ Damie, ce n’est pas tout à fait rock ta cinquième légion !

             _ En effet, mais c’est du folk !

             _ Vu sous cet angle lointain, en effet…

             _ En musique, comme en tout, la question des origines est primordiale, en plus j’ai ma légion, quoique, entre nous soit dit, je préfère la Legio I Adjutrix !

    Damie Chad.