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CHRONIQUES DE POURPRE

  • CHRONIQUES DE POURPRE 705 : KR'TNT ! 705 : TAV FALCO / FORTY FEET TALL / VIVIAN PRINCE / BOB STANLEY / GREENHORNES / AEPHANEMER / CLAIRE HINKLE / AC SAPPHIRE / ELVIS PRESLEY / GENE VINCENT + GRAHAM FENTON

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 705

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    09 / 10 / 2025

     

    TAV FALCO / FORTY FEET TALL

    VIVIAN PRINCE / BOB STANLEY

       GREENHORNES /AEPHANEMER 

    CLAIRE HINKLE / AC SAPPHIRE   

    ELVIS PRESLEY

        GENE VINCENT +  GRAHAM FENTON

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 705

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://kr’tnt.hautetfort.com/

     

    Wizards & True Stars

    - Tav & ses octaves (Part Five)

     

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             Oh ! Une page sur Tav Falco dans Uncut ! Ça par exemple ! Il existe encore un canard qui sait faire son boulot ? La preuve en est. Une page, bon c’est pas grand chose, mais c’est déjà mieux que le que-dalle dont nous gratifient les zautres zozos. C’est tout de même dingue que les canards n’aient aucune considération pour des artistes aussi capitaux à notre époque que Wild Billy Childish ou Tav Falco. On vit dans ce monde et il faut faire avec.

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             La petite Fiona Shepherd n’y va pas de main morte : «Philadelphia-born, Arkansas-raised, Memphis-bred and now Bangkok-based, the pompadoured polymath has rubbed creative shoulders with producer Sam Phillips, artist Jean-Michel Basquiat, photographer William Eggleston and filmmaker Kenneth Anger in his time.» Voilà qui définit bien cet apôtre de Fantômas, désormais coquet Bangkokais. Tous ceux qui suivent Tav depuis le Magnolia Curtain savent qu’il s’enracine à la fois dans le rock et la littérature, ou pour le dire autrement, dans l’art et le mythe. La petite Fiona qui a bien révisé ses leçons établit très vite le lien avec l’autre mamelle de la modernité Memphistophélique, Alex Chilton, et donc la formation de The Unapproachable Panther Burns - a mix of strutting blues, blasting rockabilly, crooner cover and Argentine tango - et pouf, elle rappelle que Tav danse parfois le tango sur scène. Puis elle en vient au fait : la parution de Desire On Ice, un ambitious retooling de ten songs from his back catalogue, avec une sacrée guest-list de friends and fans : et les voilà dit-elle qui font la queue for the cool cat’s garment. Elle ajoute que Tav chante désormais avec un weathered Harry Dean Stanton-like timbre.

             Petite cerise sur le gâtö, Tav répond à quelques questions, l’occasion pour les affidés de renouer avec sa langue si somptueusement singulière. Quand on lui demande comment il a sélectionné les 10 cuts de Desire, il répond : «Desire On Ice explores thematic areas and seeks to define and heighten collusion with our audience who have also evolved.» Puis la question porte sur le choix des invités, et là, Tav s’en donne à cœur joie : «Charlie Musselwhite tactily understands how I came to the experimental from the traditional. All I do with clichés is rub them together until they explode. Bobby Gillespire has expressed a certain kindship with our stance in not allowing professionalism, media market constraints nor vistuosity to get in the way of hurling ourselves into the future.» Puis la petite souris lui demande comment se passe la vie à Bangkok et là notre coquet Bangkokais exulte : «South of Bangkok on Wong Arnat Beach is where I hang my hat. Here, under the clement skies of the Royal Kingdom of Siam, I can ride my motorbike everyday - that and jumping in the ocean to blow off some steam.» Elle termine sur le tango et Tav lui balance ça : «Tango is an addiction. There is a milonga in Bangkok where I dance.»   

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             Le Desire On Ice qui nous tombe du ciel ressemble plus à un carnet mondain qu’à un album de rock. On y retrouve toutes les légendes de l’Ouest, Kid Congo, le Reverend Horton Heat, Chris Spedding, Jon Spencer, Charlie Musselwhite, Bubba Feathers, Bobby Gillepsie, Boz Boorer et des tas d’autres. Tav recycle ses vieux classiques et on tombe immédiatement sous le charme de son vieux «Gentleman In Black». Il chante d’une voix fatiguée, mais t’as le beat des reins derrière, c’est-à-dire le Memphis Beat - There is a gentleman in black/ He travels alone - C’est Fantômas in Memphis. Tu retrouves Sped dans «Cuban Rebel Girl» et ça brasille aussi sec de génie sonique. Tav mène encore la danse à son âge. Quelle leçon de rock, avec ce dingue de Sped dans le son - Machine gun fire ! Cuban rebel ! - C’est du Memphis beat tentaculaire, maintenu de justesse en laisse. Jon Spencer gratte ses poux dans «Sympathy For Mata Hari», tu l’entends dans le filigrane, il fond son Zebra Ranch raunch dans le génie de Tav. C’est monté sur un drive digne des Cramps. Tu te croirais dans «Miniskirt Blues». Bubba Feathers se fond dans le culte de «Vampire From Havana», et Bobby Gillespie dans celui de «Doomsday Baby» qui sonne un peu comme le Velvet à Memphis. Tout ce mélange finit par donner un album totalement mythique. Puis ça va baisser en intensité, même si avec sa voix de vieux crabe, Tav porte «Crying For More» à ébullition. Pete Molinari duette avec Tav sur «The Ballad Of Rue De La Morgue». Curieux mélange de voix. Ça duette dans les arcanes de la cabane. Petit détour par cette Mitteleuropa chère à Tav avec «Garden Of The Medicis» et on le voit expirer ses exhalaisons de Shan/ Haïïïïïï dans «Lady From Shanghai». Tav Falco est le dernier descendant d’une lignée de prodigieux artistes décadents.

             Le gentleman in black conclut son brillant texte de présentation ainsi : «There are mysteries that should remain mysteries and ought not be looked back upon unless like the musician Orpheus emerging from the underground they became frozen in stone. Rather those mysteries are to be re-envisioned and hurled into the future.» Il adore hurler dans le futur. Il a fait ça toute sa vie.

    Signé : Cazengler, Torve Falcon

    Tav Falco. Desire On Ice. Frenzi 2025

    Fiona Shepherd : Tav Falco. Uncut # 343 - October 2025

     

     

    L’avenir du rock

     - Les fortiches de Forty

     

             N’allez pas croire que l’avenir du rock croise toujours les mêmes erreurs. Ce serait même une grave erreur que d’aller penser ça. Parfois, des erreurs s’amènent au loin et semblent flotter dans l’air comme des fantômes. Dans ces cas-là, l’avenir du rock commence par se pincer pour chasser toute idée d’une hallucination. L’erreur approche. L’avenir du rock le reconnaît :

             — Oh, mais vous zêtes Chucky Chuckah ! Que me vaut le plaisir ?

             — Forty Days !

             — Ouatte ?

             Alors Chucky Chuckah se met de profil et fait le duck walk en chantonnant :

             — I’m gonna give you forty days to get back home/ I’m gonna call up a gypsy woman on the te-le-phone !

             Et il s’éloigne en continuant de faire de duck walk jusqu’au moment où il disparaît à l’horizon.

             Quelques jours passent, et tiens, en voilà un autre. L’erreur flotte lui aussi dans l’air brûlant, alors l’avenir du rock se pince.  

             — Oh, mais vous zêtes Stevie Marriott ! Que me vaut le plaisir ?

             — Forty Days In A Hole !

             — Ouatte ?

             Et là Stevie Marriott se met de profil et fait le duck walk en chantonnant :

             — Chicago green/ Talkin’ bout red libaneeese/ A dirty room/ And a silver cok’ spoon !

             Et il s’éloigne en continuant de faire le duck walk jusqu’au moment où il disparaît à l’horizon.

             Ils sont bien gentils, les erreurs, se dit l’avenir du rock, mais ils n’ont pas l’air de tourner bien rond. Bon en voilà un autre... L’avenir du rock le reconnaît et se pince :

             — Oh, mais vous zêtes Stan Webb de Chicken Shack ! Que me vaut le plaisir ?

             — Forty Blue Fingers !

             Alors Stan Webb se met de profil pour faire le duck walk, mais l’avenir du rock l’arrête immédiatement :

             — J’en ai ras le bol de vos turpitudes ! Si vous voulez du vrai Forty, alors écoutez Forty Feet Tall !

     

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             Il s’appelle Cole Gann, et son groupe Forty Feet Tall. Tyva en confiance. Et t’es pas déçu. Au contraire. Encore un groupe qui brille d’un éclat particulier dans les ténèbres de la cave. Nouveau joyau de l’underground. Des Esseintes aurait adoré l’éclat perverti de ce joyau, le suc concret, l’osmazôme de ce rock. Cole Gann est un kid de Portland, Oregon, qui se tient bien doit derrière son micro avec une gratte en bandoulière, et dès l’entrée en lice, on le sent déterminé à vaincre. Il bouillonne

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    d’une énergie exacerbée qu’il parvient à peine à dominer, ses jambes tremblent alors qu’il hache son chant menu, on sent en lui monter une éruption. Le petit Cole est une bombe atomique en voie de champignonner. On croit voir en lui la réincarnation de l’early Tom Verlaine, il a ce genre de classe et d’absolu sang-froid. Franchement, on est bien content d’assister à cette réincarnation en direct. Mais l’illusion Television ne dure qu’un temps, car Cole et ses amis en pincent plus pour ce que Gildas (hello Gildas) appelait la Post et que les autres appellent le post-punk, un genre musical

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     relativement abandonné de Dieu. Mais Cole adore ça. Le côté dépenaillé, raw to the bone, pas aimable du genre lui va comme un gant. Il s’y prête avec une placidité échevelée, il a tellement d’énergie qu’il surmonte les faiblesses du genre pour se transformer en petite dynamo hors de contrôle. Il déroule ses cuts avec une vélocité véracitaire qui finit par rafler tous les suffrages. À un moment il s’arrête de chanter pour gueuler «Fuck Tromp and free Palestine !». C’est comme s’il mettait le feu à la

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    Sainte-Barbe ! La cave se met à sauter partout. L’underground fait la fête. Tu crois rêver. Tout bascule dans le manège-à-moi-c’est-toi, dans la féerie d’un autre pâté de foi, dans le charivari du Cap Horn, dans le pousse-toi-de-là que-je-m’y-mette, ça fonce au droit-dans-le-mur, vive la vie vive la mort, et notre roi frénétique finira par poser sa gratte pour finir à genoux au beau milieu d’une assistance entrée elle aussi en éruption. Cole est un showman en herbe destiné aux plus hautes fonctions, il a tout les atours d’une superstar de l’underground. Et c’est pas tout : ce petit mec est tellement génial qu’il vient te parler après le concert. Oui, il vient te parler à toi !

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             On ramasse bien sûr leur album au merch, le très post-punk Clean The Cage.

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    En studio, ils sont encore plus exacerbés que sur scène. Ils déploient tout l’arsenal de la Post dès «Centipede» et s’exacerbent encore plus avec le violent «Bicep». Cole Gann splashe partout, il est plein d’hargne salutaire. Tout le balda s’enfonce dans la Post et dans cette exubérance si particulière. Il vise souvent l’hypno invertie, mais ce n’est pas facile. En B, tu vas tomber sur un «Wisdom Teeth» plus éthéré, plus ouvragé. Tu perds toute l’effervescence du set à la cave. Et le «Safer» qui suit est plus groovy, au point de vraiment renouer avec Television. Cole est ses amis remontent au sommet de leur power avec «Paystub», mais on a déjà entendu ça mille et mille fois chez Jesus Lizard, chez les Fire Engines ou chez Protomartyr. Et ça se termine en beauté avec le morceau titre, qui ressemble au champignon atomique de la Post. Ça vibre bien, à condition bien sûr d’en pincer pour la Post. Mieux vaut voir le groupe sur scène.

    Signé : Cazengler, Forty Feet Tare

    Forty Feet Tall. Le Trois Pièces. Rouen (76). 26 septembre 2025

    Forty Feet Tall. Clean The Cage. Le Cepe Records 2025

    Concert Braincrushing

     

     

    Wizards & True Stars

     - Un Prince parmi les princes

     

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             La nouvelle vient de tomber sur nos téléscripteurs : Vivian Prince a cassé sa pipe en bois. Où et à quel âge, tout le monde s’en fout. Par contre, il est essentiel de se souvenir que Vivian Prince fut le premier batteur fou des Pretty Things. En 1964, il était déjà un Prince parmi les princes, enfin, les princes qui nous intéressent. Pour lui rendre un dernier hommage, nous extrayons des Cent Contes Rock un texte qui le met en scène en compagnie de Kim Fowley, PJ Proby, Johnny Dee et Vince Taylor. L’histoire racontée ici s’appuie sur des faits réels, tels que révélés par Kim Fowley.

     

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             Au début des années soixante, Kim Fowley grenouillait déjà dans le music business californien, en tant que producteur indépendant. Il avait à son actif trois hits dans les charts américains, une belle référence. Il rêvait d’entrer dans une grosse maison de disques. Un boss à cigare l’envoya sur les roses, malgré son fantastique palmarès. Kim le prit très mal, mais ce gros porc lui rendit service. Kim jeta ses cravates, ses costumes et ses sourires convenus aux orties. Il se laissa pousser les cheveux et devint un rock’n’roll animal. Il pouvait péter, bander, roter, hurler, cracher tant qu’il voulait. Il décida d’aller baiser des putes à Londres, car c’est à Londres que se jouait l’avenir de l’humanité, en ce printemps 1964.

             Comme de nombreux Texans, James Marcus Smith voulait vivre de sa musique. Il décida d’aller tenter sa chance en Californie. Il proposait un choix de chansons de Johnny Cash. Un quatuor d’agents hollywoodiens s’intéressa au Texan et lui suggéra de se rebaptiser PJ Proby et d’aller à Londres, à la place d’Elvis. En effet, le public anglais réclamait le King qui ne daignait pas traverser l’Atlantique.

             — Tu feras un parfait Elvis, mon garçon. Tu vas faire fortune en un rien de temps ! Tiens, signe là.

             PJ Proby habite une belle maison à Knightsbridge mews, au Sud de Londres. Il abrite sous son toit de charmants amis anglais : Vivian Prince et Jimmy Phelge. Vivian Prince est un personnage discret, lorsqu’il ne boit pas. Il est encore très jeune, mais il traîne déjà derrière lui une réputation sulfureuse. Il coiffe la couronne fort prisée de roi des lunatiques. Il tient accessoirement le rôle de batteur fou dans les Pretty Things et veille à rester incontrôlable. Vivian dort sous l’escalier.

             Ami intime des Rolling Stones, Phelge pourrait lui aussi prétendre à la couronne. Il préfère explorer les mondes intermédiaires. Il dort dans une petite niche aménagée dans l’entrée et aboie chaque fois qu’une fille passe. PJ Proby, que ses amis surnomment déjà Probyte, occupe la grande chambre du premier. Il y défile tout ce que Londres peut compter de jeunes filles en mal d’amour. Kim est bienvenu dans cette charmante demeure. Il hérite de la banquette du living-room.

             — Trinquons à notre avenir, mes amis...

             — Merci de ton accueil, Probyte. Nous allons secouer la vieille Angleterre... Nous sommes les quatre cavaliers de l’Apocalypse !

             Vivian Prince siffle plusieurs verres et tombe de son tabouret en rigolant.

             — Dis-moi, Probyte, pourquoi Vivian n’habite pas avec ses copains des Pretties ?

             — Quoi, Kim, tu ne sais donc pas que Phil lui interdit l’accès du 13 Chester Street ? Vivian adore semer le vent, mais il adore surtout récolter la tempête, tu vois ce que je veux dire ? Par contre, les autres Pretties sont des gens paisibles, lorsqu’ils ne sont pas sur scène.

             PJ ignore quelques détails. Les Pretties organisent des batailles navales, au 13 Chester Street. On remplit le living-room d’eau sur environ un mètre de hauteur et on monte à bord de petites barcasses volées à Hyde Park. On y fume du hash, on y boit du brandy et on s’y bat à coups de pagaies.

             — En attendant, Viv est le meilleur batteur de Londres. Moony lui doit tout.

             — Moony ?

             — Quoi, Kim, tu ne sais pas qui est Moony ? Le batteur des Who ?

             Kim observe le Texan. C’est un sacré gaillard, un type bien bâti. Il offre aux regards l’agréable spectacle d’un visage carré agrémenté d’yeux clairs et d’une coupe Beatles.

             — Probyte, tu chantes bien, mais ça ne suffit pas. Tu devrais soigner ta publicité !

             — J’ai déjà des affiches et le meilleur groupe de Londres...

             — Ça ne suffit pas, Texan... Raconte partout que ta bite est plus grosse que celle de Mick Jagger. Les Stones ne sont pas de taille à lutter contre toi...

             — Quel con ce Kim, ha ha ha ! T’as vraiment du génie... Ah ouais, quel coup !

             Depuis son arrivée à Londres, PJ Proby a effectué un parcours fulgurant. Il est devenu le rival direct de Tom Jones. PJ est un showman remarquable. Big Jim Sullivan et Bobby Graham l’accompagnent sur scène. Autant dire la crème de la crème. Kim flaire les gros coups. PJ en est un.

             — Probyte, tu sonnes comme Elvis accompagné par les Yardbirds et une section de cuivres !

             On sonne à la porte.

             — Kim, vas ouvrir puisque tu es en tenue de soirée...

             Kim se lève. Il porte un slip dans lequel il a découpé un trou sur le devant pour sortir sa bite. Avant d’ouvrir, il se branle un peu pour la durcir. Anna the Potato Girl fait son entrée dans le salon.

             — Salut, Anna, tu vas bien ?

             Probyte se tourne vers Kim pour lui donner une explication :

             — Viv est parti faire cuire des patates. Phelge les enfournera encore tièdes dans son vagin et après tu pourras la tirer. Tu vas voir, c’est assez excitant... On sonne encore. Kim va ouvrir. Il tombe sur un type coiffé d’un chapeau de cowboy et vêtu d’une combinaison d’aviateur. Une Cadillac décapotée est garée sur le trottoir.

             — Hello, I’m Johnny Dee, et il entre.

             À son tour, il fait son entrée dans le salon. PJ fait les présentations :

             — Johnny, je te présente Kim Fowley. Il arrive d’Hollywood. C’est un grand producteur, certainement le plus grand découvreur de talents du siècle... Je n’exagère pas...

             Johnny Dee esquisse un petit sourire en coin. Son regard glisse sur le slip troué de Kim.

             — Very funny... Vous êtes tous habillés comme ça, à Hollywood ? Phil Spector aussi ?

             Viv revient dans le salon avec une casserole fumante.

             — Oh Johnny, tu es là ? Je ne t’ai pas entendu arriver. Hey Kim, c’est Johnny qui a écrit «Don’t Bring Me Down» et «Midnight To Six Man» pour les Pretty Things !

             — Wooow ! Quels tubes, Johnny ! T’es aussi bon que Chucky Chuckah et Bo Diddley !

             Johnny se sert un grand verre de brandy et s’adresse à PJ :

             — Vince Taylor est de passage à Londres. Il tient absolument à te rencontrer, PJ !

             C’est encore l’époque où les rockers, poussés par la curiosité, se rencontrent pour faire connaissance et échanger des idées. Johnny sirote son brandy.

             — Je l’ai rencontré tout à l’heure au 2 i’s bar. Il ne va pas tarder... Je lui ai donné ton adresse.

             Phelge enfourne sa première patate. Anna hurle :

             — Aïe ! C’est trop chaud !

             — Ferme ta gueule, Anna ! Ça refroidira vite, là-dedans !

             On frappe à la porte. Kim file ouvrir. Vince Taylor est d’une beauté prodigieuse. Deux grands épis détachés de l’immense pompadour tombent sur un front pommadé. Sous ce front très haut pétillent deux yeux bruns bien écartés du nez et un sourire viril orne cette mâchoire de boxeur. Il porte une épaisse chemise en cuir au col relevé et ouverte sur le poitrail. Passée sur l’encolure, une grosse chaîne luit et un médaillon la leste. Vince porte aussi des gants de cuir. Il brandit une chaîne de vélo qu’il fait claquer contre le bois de la porte. Il toise Kim qui le domine d’au moins cinquante centimètres. Vince s’approche et commence à le flairer :

             — T’es dans le rock, baby ?

             — Je suis Kim Fowley, légendaire producteur d’Hollywood.

             — T’as une belle queue, pour un producteur... Vince tend la main et la soupèse.

             — Pas mal. Tiens, regarde la mienne. Joli morceau, hein ?

             — C’est quoi, ce tatouage sur ta queue, Vince ?

             — Une Cadillac. Les filles adorent ça. Quand je les enfile, elles chantent Bande New Cadillac, hé hé hé. Je viens voir PJ Proby. Il est là ?

             — Entre, il t’attend.

             Vince Taylor avance d’un pas ailé. Il débouche dans le salon et dévisage les gens présents un par un. Viv maintient Anna au sol. Elle est bâillonnée. Phelge lui enfourne encore des patates. Johnny Dee interpelle le nouveau venu :

             — Tu es producteur, toi aussi ? 

             — Je suis Vince Taylor, cow-boy...

             — Alors pourquoi tu as la queue à l’air ?

             Kim intervient :

             — C’est l’essence du rock, Johnny. Sans queue et sans les trous poilus des dirty bitches, le rock n’a pas de sens. Le rock de Little Richard a l’odeur du sperme. D’ailleurs, Probyte, tu devrais sortir la tienne sur scène. Regarde bien Vince Taylor ! Avec sa queue à l’air, il incarne l’esprit du rock’n’roll mieux qu’aucun autre...

             Phelge colle une baffe à Viv et lui braille :

             — Arrête de manger les patates !

             — Tu vois bien qu’on peut plus en mettre, connard !

             Viv frappe Phelge d’un coup de casserole. Bong ! Phelge s’écroule, KO.

             — On ne frappe pas Vivian Prince, fucking psychopathe ! Même s’ils m’ont viré pour mauvaise conduite, les Hells Angels de Londres ne m’ont jamais frappé !

             Anna en profite pour arracher son bâillon.

             — PJ, dis à ces deux tarés de me foutre la paix ! Regarde dans quel état ils m’ont mise !

             Viv la replaque au sol et s’écrie :

             — Tout le monde à table. La soupe est servie !

             Kim y va le premier. Il enfile sa queue dans le vagin rempli de purée chaude.

             — Wow ! I’m an animal man !

             Il éructe et chante. Il pousse d’horribles grognements.

             — Werewolf dynamite ! Uuuuh ! I’m a nightrider, yeah ! I’m the outlaw superman, the hound dog savage ! Rrrrhhhaaaaa ! I’m baaaaaaaaaad !

             Anna se débat puis finit par se calmer. Elle se met elle aussi à pousser des cris de bête. Viv lui enfonce une patate dans la bouche. Elle la recrache dans le visage de Kim. Il s’essuie les yeux, lime de plus belle et lance d’une voix de stentor :

             — Hot rod patato and the rock’n’roll ride, yeah !

             Vince Taylor plonge son regard dans l’eau bleue du regard de PJ Proby. C’est la rencontre des géants aux pieds d’argile. Ils s’observent longuement. Vince s’approche de PJ et lui serre la main.

             — Assieds-toi, Vince.

             — J’aime bien ce que tu fais, PJ. Londres est à tes pieds. Tu devrais venir jouer à Paris. Le public est bon, là-bas. Ils m’adulent...

             Kim a fini. Johnny Dee se lève et baisse la fermeture éclair de sa combinaison pour sortir sa queue. PJ sert un verre de brandy.

              — Tu veux des glaçons, Vince ?

             — Non, merci.

             Kim se laisse tomber dans la banquette. La purée commence à sécher sur son visage. Il pose la main sur la cuisse de Vince.

             — Hey Vince, tu ressembles terriblement à Rod Lauren, ce rocker en cuir noir signé par RCA en 1960...

             — Enlève ta main... Elle est pleine de purée...

             Pour détendre l’atmosphère, PJ demande :

             — Dis-moi, Vince, pourquoi n’es-tu pas encore allé détrôner Elvis à Las Vegas ?

             Vince Taylor se tourne vers PJ et lâche d’une voix sourde :

             — Elvis est le king, mais moi je suis Dieu... Je n’ai pas besoin d’aller là-bas...

             Johnny Dee revient la queue à l’air et interpelle PJ :

             — Tu peux y aller, mec. La place est encore chaude. Est-ce qu’il y a un torchon dans la cuisine ? Regarde-moi ça, j’ai la queue bardée de purée...

             PJ se lève, défait les boutons de son pantalon en cuir et sort son bâton de maréchal.

             — Je vais tirer un coup. Bouge pas, Vince, je reviens dans deux minutes.

             Kim gratte les petites croûtes de purée qui parsèment son visage.

             — Vince, ce que tu viens de dire est important, mais il faut le prouver. Quand je dis que je suis le plus grand producteur américain, je le prouve. J’ai amené les Hollywood Argyles, B.Bumble and the Stingers et les Murmaids au sommet des charts américains. Et ceux que j’ai repérés ici à Londres seront bientôt superstars ! Et toi, comment feras-tu pour prouver que tu es Dieu ? Les gens vont te prendre pour un charlatan. Fais gaffe, Vince...

             Vince Taylor tend le bras. Il pointe un doigt ganté de noir vers la cheminée du salon. Une énorme crevasse se dessine lentement au-dessus du tablier et court jusqu’au plafond.

             — Ça te va ?

             Kim fait la moue.

             — Trop facile... L’immeuble est ancien...

             Vince pointe le doigt sur le gros buffet installé près de l’escalier. Les deux portes s’ouvrent en grinçant et se mettent à claquer.

             — Alors, tu es convaincu ?

             — C’est un vieux truc de magicien, j’en fais autant...

             Vince pointe le doigt sur Johnny Dee qui revient de la cuisine. Johnny s’élève doucement et se retrouve collé au plafond. Il se met à hurler :

             — Arrêtez vos conneries ! Faites-moi descendre !

             Vince se tourne vers Kim :

             — Tu me crois maintenant ?

             Johnny s’écrase au sol. Kim se gratte le menton.

             — Je ne vois pas encore où est le truc, mais je vais trouver. Tu commences à m’épater, Vince. Tu en as encore, des tours de magie ?

             Vince pointe le doigt sur Viv occupé à enfourner une énorme patate dans la bouche d’Anna qui se débat. Les patates s’élèvent une à une de la casserole et tournent doucement autour de la tête de Viv qui s’émerveille :

             — Oh, des spoutnicks !

             La ronde des patates s’accélère subitement. Elles tournoient à travers la pièce, montent au premier et réapparaissent par la fenêtre du salon restée ouverte. Vince les guide de son doigt tendu. Elles passent au-dessus de la tête de Kim et filent une par une s’encastrer dans la bouche de Viv restée ouverte.

             — Alors, que penses-tu de ça ?

             — Au cas où tu ne serais pas au courant, Vince, je te rappelle que Dieu a créé des animaux. Il ne s’amusait pas à faire voler des patates dans les salons huppés de Londres. Arrête de me prendre pour un con. Je suis Kim Fowley !

             — Tu veux un animal ? Tu vas en avoir un, yankee !

             Vince pointe le doigt sur le cul poilu de PJ, toujours occupé à limer Anna. PJ se met à hurler :

             — Ah la salope ! Elle me serre la queue avec son vagin. Je ne peux plus bouger, shit ! Arrête ! Lâche-moi, Anna !

             PJ essaie désespérément de s’arracher du ventre d’Anna. Elle se met à hurler elle aussi.

             — Retire-toi, tu me fais mal ! Aïïïïe. Ta queue me remonte dans l’estomac ! Tire-toi de là, maudit connard ! Aïïïïïïïïïïïïïïïïe.

             Anna s’étrangle. Une sorte de champignon sort lentement de sa bouche. Kim s’extasie :

             — Mais c’est le gland violet à Probyte ! Oh shit ! Quelle rigolade !

             Le gland monte encore d’un bon mètre. Anna et PJ gigotent comme des crabes jetés dans l’eau bouillante. Le gland crache une longue giclée de sperme au plafond et pousse un rugissement horrible. Des dents apparaissent de part et d’autre de l’ouverture du méat. PJ se redresse sur ses mains et ses genoux. Anna reste accrochée sous lui. Ils forment ce qu’on appelle vulgairement une bête à deux dos. La bête se met à déambuler dans le salon, suivant un itinéraire que trace Vince à distance.

             — Tu voulais voir Dieu créer un animal. Le voici.

             — Tu l’appelles comment ?

             — Le Probytosaurus Rex.

             Kim éclate de rire et envoie un coup de poing amical dans l’épaule de Vince.

             — T’es vraiment le meilleur, Vince Taylor !

    Signé : Cazengler, Vivian Pince

    Vivian Prince. Disparu le 11 septembre 2025

     

     

    Wizards & True Stars

    - Stanley your burden down

    (Part Three)

     

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             Lui, on lui donne le bon dieu sans confession. Bob Stanley couvre plus de territoire qu’aucun autre spécialiste de la rock culture. On l’a vu à l’œuvre avec Let’s Do It: The Birth Of Pop, où il explorait jusqu’au délire la musique populaire américaine du début du XXe siècle, celle qui précède Elvis en 1956 et les Beatles en 1963, c’est-à-dire celle de Bing Crosby, de Judy Garland, de Frank Sinatra, de Glenn Miller, de Nat King Cole, de Peggy Lee, et bien sûr, le fameux Great American Songbook. Alors on attaque le tome suivant : Yeah! Yeah! Yeah! The Story Of Pop Music From Bill Haley To Beyoncé.

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             Trois choses frapperont le lecteur qui osera se jeter dans les pages de ce fat Yeah! Yeah! Yeah!  book : un, l’étendue des connaissances de PolyBob. Il est tout terrain et travaille ses portraits comme un orfèvre travaille un bijou, et bien sûr, PolyBob écoute TOUT, car vois-tu amigo, pour parler des groupes, il est préférable de tout écouter. Sinon, tu risques de parler dans le vide, ce que font beaucoup de gens qui ne savent pas encore que «l’érudition» est la cousine germaine de l’exhaustivité, et dans ce mot on retrouve l’exhausted anglais qui signifie «épuisé». L’érudition t’épuise mais tu n’y vois clair qu’à ce prix. Tu ne peux pas baratiner sur Wild Billy Childish ni Smokey Robinson sans avoir écouté tous leurs albums. La connaissance de l’artiste passe par la connaissance de l’œuvre. Cela vaut pour Balzac, Stendhal et Victor Hugo. Les années de ta vie que tu leur as consacrées te rendent bien des services par la suite, car elles te donnent une notion parfaite de ce que signifie le mot ‘œuvre’. Et tu peux l’appliquer aux cadors de la rock culture. Aux cadors de l’histoire de l’art. Aux cadors de l’histoire du cinéma. Tu trouveras plus facilement ta pitance dans l’épaisseur des œuvres que dans les coups de marketing et dans les groupes à la mode.

             Deux, ce qui va te frapper chez PolyBob, c’est son enthousiasme. Il est resté intact, il est resté le fan qu’il devait être à l’adolescence. Certaines de ses pages vibrent et te donnent envie d’écouter ce qu’il préconise, même si tu sais qu’il aime bien la daube electro. PolyBob n’est pas du genre à se rouler par terre avec un clavier. PolyBob est un mec bien peigné, propre sur lui, mais il écrit bien.

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             Et trois, ses books sont vraiment dodus. Yeah! Yeah! Yeah! The Story Of Pop Music From Bill Haley To Beyoncé fait presque 600 pages. Pour rédiger 600 pages qui se tiennent, il faut développer une énergie considérable. On n’en a aucune idée tant qu’on ne s’y est pas frotté. Écrire, c’est développer une énergie de tous les instants, tu tiens ton fil et tu le perds, et avec un peu de chance, tu finis par cultiver un truc qui s’appelle le «bonheur d’écrire». Bon ou mauvais, tu t’en fous. T’écris. Ça devient en quelque sorte ta raison d’être. T’es chez toi. Rien d’autre ne compte. Toute ton énergie y passe. Tout ton temps, aussi. On imagine PolyBob confronté à son sommaire. Torcher 600 pages de haut vol, ça revient à pousser un rocher sur une mauvaise pente. PolyBob c’est Sisyphe, il pousse, et en plus il se tire une balle dans le pied en titrant avec le nom d’une moule à la mode : Beyoncé. Bill Haley, passe encore, mais Beyoncé ! Fuck it, qui va  le prendre au sérieux après ça ? Comme il est âpre au gain, il se dit que le nom de Beyoncé sur la couve va faire vendre. C’est la seule hypothèse qu’on peut formuler pour «justifier» cette faute de goût impardonnable.

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             Bon puisqu’on est au chapitre des fautes de goût, finissons-en : son histoire exhausted de la pop passe forcément par tous les mauvais plans : les Boy bands, la New Wave, la Disco, les Bee Gees, l’electropop, et ça dégénère assez vite dans les années 80 avec l’anéantissement du bon goût : Michael Jackson, Prince, Madonna, et il continue de s’enfoncer avec les Pet Shop Boys et New Order, mais au fond il a raison, tous les noms cités ont été incroyablement populaires. Dans son Part Five, il finit de suicider la culture pop avec la House et la techno, l’Acid House de Manchester, l’Hip Hop, et il tente un ultime regain de vitalité pop avec le Grunge, c’est-à-dire Nirvana, puis Suede et la Britpop, pour finit avec un R&B qui n’est pas celui qu’on croit, mais le R&B à la mode. Donc il faut se farcir tout ça pour essayer de comprendre pourquoi ces artistes ont joué un rôle si important dans l’histoire de la musique populaire. C’est perdre du temps que d’essayer de lire ces pages, car bien sûr, on n’ira jamais écouter la fucking Acid House et encore moins Michael Jackson ou Supertramp. Disons que la démarche de PolyBob est honnête, il ne fait pas un book subjectif, il brasse large et écoute des tonnes de trucs pour en parler.

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             On pourrait ajouter un quatrième point : la pertinence. Ses remarques sont toutes d’une grande pertinence, surtout lorsqu’il évoque nos chouchous, et il en évoque un gros tas, d’Elvis aux Beatles, en passant par Dylan, Motown et les Pistols. On va donner quelques échantillons de cette pertinence, puisque ce book se prête merveilleusement bien aux crises de fièvre citatoire. L’autre aspect flagrant du talent de PolyBob, c’est son humour dévastateur, et la qualité de son style. Quand il rend hommage au Rock’n’Roll Trio de Johnny Burnette, voici ce qu’il balance dans le museau de son lecteur atterré : « It was one sustained howl of sexual obsession and torment, basic and impossibly loud. Flick-knife shrieks and a fuzzed-up, deep two-note guitar linepushed it into territory beyond mere aggro - It was a gueninely frightening record.» Il évoque bien sûr «Train Kept A Rollin’». Sur ce coup-là, il bat Nick Kent à la course.

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             Humour ? Voici ce qu’il dit de Cream : «Their main problem was their total confidence in their greatness - The clue was in the name.» PolyBob sait se montrer mordant. Et à la page suivante, il mord encore plus fort : «The biggest new British name of ‘68, Fleetwood Mac, were altogether more limited than Cream - which was a blessing.» Et crack ! Il se marre bien aussi avec la T. Rextasy : «Unlike Beatlemania, T. Rextasy did not lead to a bunch of Bolan clones. Possibly no one felt they were pretty enough to compete.» PolyBob se fout bien de la gueule de McLaren, lorsqu’il évoque les Dolls, «who looked like Exile On Main Street-era Stones and played a rough, sloppy glam variant that intrigued London clothing store operator Malcolm McLaren enough for him to become their manager.» La façon dont il amène ça est hilarante : le marchand de fringues intrigué ! Plus loin, il tombe sur le râble des post-Syd Pink Floyd, avec «their self-flagellating desire to drift, and the only way they could agree to go forward was by hiding behind pyrotechnics and flying pigs. It seemed like they hated being themselves.» On se demande bien comment un groupe qui a basé son succès sur la trahison a pu devenir aussi populaire. Quand PolyBob décide de rendre hommage à Abba en fracassant leur image, voici ce qu’il balance : «What did we have? A Striking but sulky blonde, a slightly saucier brunette who most of the time looked like sh’ed just baked a cake, and two men - definitely not boys - who were stereotypical seventies uncles.» Et crack. Mais il cite Mick Farren en exergue de son chapitre Abba. Car oui, Abba mérite tout un chapitre chez PolyBob. PolyBob se fend encore bien la gueule avec Joni Mitchell qu’il accuse de manger ses mots en chantant «in a flustered schoolm’am voice that killed their radio friendliness» : «Her best record was The Hissing Of Summer Lawns, which is also maybe the most self-descriptive album title in all pop, apart from Trogglodynamite by the Troggs.» Quand tu lis ça, tu décides de suivre PolyBob les yeux fermés.

     

     

     

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      Concert Sex Pistols : Huddersfield

           Il vole aussi dans les plumes de Linda Ronstadt et du classic rock américain : «At least the UK had gone through glam and prog. America, from its new salad-crunching power base in Los Angeles, had spent all the early seventies creating what became known as ‘classic rock’». Il parle bien sûr du rock FM, le dernier grand fléau de l’humanité. Et quand il se fout de la gueule de Dr Feelgood, c’est terrible : «Singer Lee Brillaux looked a good deal older than his twenty-five years; he was the original Essex spiv, in a gravy-stained white suit, and had the kind of voice you might hear if Ford Cortinas could sing.» Tu te marres tellement que tu tombes de ta chaise, mais tu te relèves aussi sec pour continuer ta lecture. Par contre, il te brise le cœur avec une chute de chapitre, lorsqu’il évoque le concert de charité de Noël 1977, donné par les Pistols, à Huddersfield, Yorkshire - As a showing of solidarity, a small act of charity, outisders playing for outsiders, and the very real power of pop, the thought of it can just about break my heart - C’est là qu’on retrouve l’Auteur, celui qui a tout compris.

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             Tiens, il te balance des vérités vite fait : «There is more rock ‘n’ roll in the three minutes of passionate dishelvement in Barbara Pitmann’s «I Need A Man» than the combined catalogues of Aerosmith and Mötley Crüe.» Crack ! Puis il rappelle que Bill Haley n’est pas cité dans les listes des «prime movers», «which is sad and a little ridiculous.» Il rappelle tout simplement que le vieux Bill a inventé le rock’n’roll - And no one scored a rocking number one before «Rock Around The Clock» turned the music world upside down - Puis il explique que «Rock Around The Clock» vient du jump blues, dont le king était Louis Jordan - fast-talking tales of gals in fox furs and zoot-suited brothers were propelled by boogie-woogie piano and saucy sax solos -  Jordan nous dit PolyBob démarre en 1941, et en 44 il vend un million d’«Is You Is Or Is You Ain’t My Baby», et dans sa foulée déboulent Roy Brown avec «Good Rocking Tonight», Big Joe Turner avec «Shake Rattle & Roll», Wynonie Harris avec «Bloodshoy Eyes» et Stick McGhee avec «Drinking Wine Spo-Dee-O-Dee», et c’est là que Jerry Wexler déclare que ce n’est pas du blues mais du rhythm & blues, et à Cleveland, en 1951, le DJ Alan Freed lance son Moondog radio show en clamant : «Okay kids, let’s rock and roll with the rhythm and blues!» Ces pages prennent feu sous tes doigts, car PolyBob restitue bien le vent qui se lève alors en Amérique et qui va balayer l’Angleterre dans la foulée. Tout repose sur Bill Haley à cette époque, un Bill qui est quasi asthmatique et qui cache son mauvais œil sous une mèche collée, mais avec les Comets, il écrit les premières lois de la pop - Pop’s unwritten laws - They were in the right place at the right time. Bill, nous dit PolyBob, l’a fait quand il fallait le faire.

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             Dans le monde d’aujourd’hui, il existe deux races de gens : d’un côté ceux qui vénèrent Bill Haley et les Beatles, et de l’autre, ceux qui leur crachent dessus. PolyBob rappelle qu’il existe quelques intros qui font monter l’adrénaline dans la seconde. Il cite «the silver chord that opens ‘A Hard Day’s Night’, l’intro du ‘Metal Guru’ de T. Rex, the barely controlled bagpipe glee of the Crystals’ ‘Da Doo Ron Ron’» et bien sûr, à l’origine des temps, «right at the beginning there was the sharp double snare hit, followed by ‘One two three o’clock, four o’clock, rock...’» Les milliers d’Anglais accueillent Bill quand son bateau arrive à Southampton, et là PolyBob reprend feu : «Il attendaient un sun god, l’homme qui nous avait délivré de Vera Lynn. Instead, they got pop’s own Wizard of Oz, Bill Haley was no deity, he was an uncle.» Et en 1967, conclut PolyBob, les Comets étaient devenus une pièce de musée. Bill le héros va finir dans les cabarets et casser sa pipe en bois en 1981 - His heyday was brief but, truthfully, without Bill Haley the rest of this book could not have been written - PolyBob est un auteur qui sait rendre hommage.

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             Il saute aussitôt sur Elvis. Un chapitre entier ! - No one has had the pop-culture impact of Elvis Presley. À l’époque, les adultes n’ont rien compris à Elvis Presley. Il s’est inventé, a true modernist, drawing on the best of everything that surrounded him and making it new. He rose faster, fell further, had the most glorious comeback, and died young, alone in his palace - Et PolyBob balance cette vérité criante : «Elvis has been loved more fiercely than any pop star since.» Tandis que le vieux Bill a mis dix ans a trouver le right sound, «Elvis Presley walked into Sun Studios, Memphis, one day in summer 1954 and did it in a heartbeat.» Bill a tout inventé, mais Elvis aussi - On stage at the Louisiana Hayride, Elvis gyrated, wore a pink shirt and peg slacks. He looked raw, sounded rawer and girls melted - Mais on connaît la suite de l’histoire, qui n’est pas terrible : en 1965, nous dit PolyBob, l’année de Rubber Soul et de «Like A Rolling Stone», le King chantait «Petunia The Gardener’s Daughter». Des millions de kids anglais et américains ne lui ont pas pardonné d’être tombé aussi bas.

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             PolyBob enchaîne bien sur le rockab - the rocked-up itchy hillbilly sound - Voilà que déboulent Sam Phillips et Jerry Lee, qu’on surnomme le Killer pour ce qu’il inflige à son piano. Jerry Lee rappelle qu’il n’existe que quatre stylistes - There’s only been four of us, Al Johnson, Jimmie Rodgers, Hank Williams and Jerry Lee Lewis. That’s your only goddam four stylists that ever lived - Et voilà que dans la vague s’engouffrent tous les outsiders et tous les maniacs d’Amérique, «and the freakiest freak of them all was Little Richard», avec, nous dit PolyBob la bave aux lèvres, son «pounding piano, insane shrieks, unavoidably sexual lyrics». Et puis Chucky Chuckah, et son «look of a card sharp blessed with luck, a brown-eyed handsome man with a cherry-red Gibson and a major thing for cars and girls that he syphoned into super-detailed lyrics. He became the chief correspondent  for young America. Some think he was the most significnat figure in all rock’n’roll; certainly, he was an A-grade innovator.» - Hail hail rock’n’roll/ Deliver me from the days of old - Chucky Chuckah pèse aussi lourd dans l’inconscient collectif anglo-saxon que Shakespeare. Un Chucky qui s’est imprégné de Louis Jordan et de T-Bone Walker, mais qui a transformé ses influences en «motorvating marvels». Ses chansons, glose PolyBob qui est aux anges, «were bright, shiny, very fast, and super-modern. Elles sonnaient comme les ailerons d’une Cadillac. He also wrote some of the best guitar lines ever recorded.»

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             Et Gene Vincent ? T’inquiète pas, PolyBob ne l’oublie pas. Il te cale ça au bas d’une page lourde de conséquences : «His weaselly looks, mop of oil-black hair, and manic smile were hardly a match for Presley’s godlike charisma, but his music was on another plane, unhinged, like a freefom rockabilly.» Voilà qui va beaucoup plaire à Damie. Another plane !

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             PolyBob traverse ensuite l’Atlantique pour nous raconter ce qui se passe en Angleterre avec Tommy Steele et Billy Fury, mais sa prose n’est pas aussi inflammable. Il salue le côté «electrifying» de Tommy Steele on stage et trace un drôle de parallèle entre Elvis et Billy Fury : «If Elvis was all about sex and immortality, then Billy Fury’s appeal was sex and death.» Mais plus loin, il ajoute que «Billy Fury was the blueprint for the British pop star.» Par contre, Vince Taylor sort du rang, «he blew even Billy Fury off stage», et PolyBob relate la période LSD de Vince, en robe blanche dans Paris, devenu Mateus et proclamant à ses derniers fidèles qu’il était le fils de God - Like Billy Fury, he endlessly intrigued the young David Bowie. The legend of long-lost Vince, a forgetten link in the chain, would resurface a little while later in the guise of Ziggy Stardust - Voilà pourquoi il faut lire ce big fat book : c’est une caverne d’Ali-Baba. Tu y retrouves ces milliards d’informations qui font le suc de la rock culture. Et PolyBob a l’extrême obligeance de nous les remettre en scène pour leur redonner de l’éclat.

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             Et là, tu te marres, car tu arrives à la page 40 et t’as déjà vu défiler tous les cracks du boom-hue : Bill Halley, Elvis, Jerry Lee, Chucky Chuckah, Little Richard, Gene Vincent et Vince Taylor. Il y en a d’autres bien sûr, Bo Diddley, Buddy et Eddie, mais nous n’avons pas la place. Ces 40 premières pages sont de la dynamite. PolyBob écrit comme un fan en pleine crise d’hystérie.

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             Il tente de rallumer de l’intérêt pour Del Shannon. Pas facile. Apparemment, le seul qui se soit passionné pour le Del, c’est le Loog qui l’emmena en studio à Londres pour enregistrer Home & Away en 1967. Son «Runaway» date de 1961 - It was, and remains, the ultimate fairground anthem - le hit des fêtes foraines. Avec «Étoile des neiges/ Mon cœur amoureux», serait-on tenté d’ajouter. PolyBob évoque les peurs et les démons qui hantaient le pauvre Del. Mais en 1961, il était une superstar aux États-Unis, «elevated to the level of Orbison, Dion and Pitney.» Il cherchait la paix dans son verre de whisky. Il allait relancer sa carrière avec les Travelling Wilburys quand il se suicida en 1991 - But Del Shannon, king of pain, was truly one of pop’s heavyweight champs - C’est drôle, l’attachement que PolyBob porte au Del. On a fait l’effort d’écouter tout le Del et ce n’est pas aussi convaincant que veut bien le dire notre ami PolyBob. On va y revenir, car Del Shannon reste une sacrée énigme. 

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             Hop ! PolyBob saute aussitôt sur Totor et Joe Meek, avec un chapitre qu’il titre : ‘Walk with me in paradise garden’. Il n’y va pas de main morte, le PolyBob : «Joe Meek was Britain first  record producer. He could be described as the first record producer in the world.» Et crack, c’est bien envoyé et c’est d’une justesse remarquable. L’obsession de Meeky Meek est de faire sonner les «records more exciting - and more commercial - with a little mechanical manipulation.» Et crack : «Le premier disk que Meek a produit fut le straight jazz instrumental «Bad Penny Blues» d’Humphrey Lyttleton, on which he exagerated the low notes on the piano to make it danceable, got the brushed drum to fizz and gave Lyttleton his only hit - the Beatles later pinched its feel wholesale for ‘Lady Madonna’». Voilà une élégante manière de décrire un précurseur - Meek was in love with the future (space travels, satellites), Americana (teen idols and cowboys), and the world beyond - ghosts, death, deceased lovers returning as gardian angels. Il chercha à transcrire ses obsessions with overdubbing, compression, sound separation and distorsion - Meeky Meek est le personnage idéal pour un écrivain de la trempe de PolyBob. Un PolyBob qui se marre bien, ah ouais, on enregistrait les vocaux dans les gogues et les strings dans l’escalier, it should have been a joke ! - C’est tout le contraire : en 1961, il enregistre le «Johnny Remember Me» de John Leyton et le «Tribute To Buddy Holly» de Mike Berry, «two of the best records he ever made.»

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             Et crack, PolyBob embraye violemment sur Totor en nous expliquant un truc fondamental : «L’exacte différence qui existe entre la pop anglaise et la pop américaine se trouve dans la comparaison qu’on peut faire entre les productions de Meek et de Spector. Meek accélérait les tempos, worked at a frenetic pace, alors que Spector était panoramique, as big as Meek’s but warmer, more luxurious, il utilisait les meilleurs ingrédients, les meilleurs chanteurs et musiciens de New York et de Californie, alors que Meek les trouvait chez Woolworth. Meek pouvait enregistrer trois singles dans la semaine, mais Spector prenait son temps, il perfectionnait son son.» Puis quand les Beatles et Motown arrivent en 1964, on trouve Totor trop teenage. Alors il fait appel à Barry Mann et Cynthia Weil pour composer avec eux un truc plus adulte : «You’ve Lost That Loving Feeling». Totor et Meeky Meek vont connaître le même sort : l’indépendance de Meeky Meek devient sa malédiction, il produit de plus en plus, mais rien ne sort. Totor va lâcher l’affaire après l’incompréhensible flop de «River Deep Mountain High».

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             La pente naturelle nous conduit droit au Brill Bulding, 1650 Broadway, et à Don Kirshner, the man with golden ears. Il dirige une équipe d’une douzaine de compositeurs qui vont, nous dit PolyBob, redéfinir la modern pop by taking rock’n’roll uptown, en créant ce que Totor appelle des «little symphonies for the kids». PolyBob sort les chiffres : 165 music companies au Brill. On y entend de la musique partout, même dans l’ascenseur. Hommage à Leiber & Stoller, «godfathers of this new, post rock’n’roll writer/producer pop», ils s’installent au Brill en 1957 et pondent des hits pour les Coasters, cot cot ! Ils prennent aussi sous leur aile un petit coco arrivé de Los Angeles : Totor. Ils le laissent bosser avec Ben E. King sur «Spanish Harlem» - an ode to a rose growing up through the cracks in a New York sidewalk - et par conséquent hit éternel. Bizarre que PolyBob omette de préciser que Totor a composé cette merveille inextinguible avec Jerry Leiber. Et puis PolyBob rappelle que «Goffin/King, Mann/Weil and Greenwich/Barry then set about dominating the American and British charts.» Pas pour longtemps. En 1964, on projette A Hard Day’s Night à Manhattan et Carole King est terrifiée. Elle avait raison d’avoir peur, les Beatles allaient TOUT balayer, y compris le Brill.  

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             En tant qu’Anglais, PolyBob consacre une place considérable aux Beatles. Il organise sa pagination pour mettre en scène l’extraordinaire rebondissement que fut l’avènement des Beatles. Il faut dire que les gueules à fuel que nous étions ont eu du mal au début avec les Beatles. Tous ceux qui ont grandi avec Elvis, Jerry Lee, Little Richard, Vince, Gene Vincent et les autres, ne prenaient pas au sérieux ces banc-becs bien coiffés. Et puis on s’est fait avoir comme tout le monde, car les chansons étaient bonnes et John Lennon avait des racines assez pures. On le considérait au départ comme un popster, alors qu’en réalité c’était un rocker, un fan invétéré de Gene Vincent et des autres. Alors pour avancer, il a créé son monde, les Beatles, avec l’aide non négligeable de George, Paul et Ringo. Les Beatles ont ramené ce qui faisait défaut au Brill, «the blatant sex and racing-heart noise that pre-army Elvis had provided.» Et PolyBob reprend feu : «And, just as Elvis had in ‘56, they created a new generation gap. Pre-rock. Pre-Beatles. Overnight, the Brill Building’s craft, sweat, and toil was part of the past. The Beatles’ unscripted naturalism turned the lights on, and Broadway’s neon suddenly looked rather cheap.» Et ça continue sur le même tempo : «Si vous deviez expliquer l’impact des Beatles à un inconnu, il faudrait lui faire écouter l’Hard Day’s Night soundtrack.» On sent que PolyBob se régale en écrivant : «Chaque étape de la carrière des Beatles avait sa drogue : speed (leur période Hambourg et Merseybeat), cannabis (the sleepy Rubber Soul), acid (Revolver and Sgt. Pepper) and Heroin (Lennon’s crack-up on the White Album). With A Hard Day’s Night, the drug was adrenaline.»

     

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    Lennon pas sur l'île de Wight 

    (Wight Not!)

             Et tout naturellement, PolyBob se pose la question existentielle : «Alors pourquoi eux ? Pourquoi pas Del Shannon, ou les Four Seasons, ou les Beach Boys ? Ça semble être une interrogation stupide, mais elle est légitime. La seule réponse possible est que les Beatles were, literally, miraculous.» C’est PolyBob qui le dit, et il a raison. Il bave même sur les photos les plus ordinaires des Beatles. Il cite l’exemple d’une photo de John Lennon prise au ferry terminal de l’île de Wight - And yet Lennon still looked incredible. He looked like a Beatle - Dans des pages encore plus fascinantes, PolyBob rappelle à quel point «the early seventies was a post-Beatles world.»

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             Et crack, le Beat boom ! Belfast’s Them, le Maritime Hotel, et «Gloria» in Decca’s West Hampstead studio - It’s a dirty, dirty record, and a nervous Decca relegated it to the flip side of «Baby Please Don’t Go» which was scarcely less thrilling - Polybob s’incline encore plus respectueusement devant «Mystic Eyes», «one of the unlikeliest rackets ever to have reached the Top 40.» Et il conclut en traitant les Them de «loudest, most fractuous group since Johnny Burnette Rock And Roll Trio.» Puis coup de flash sur le «Really Got Me» des Kinks, «This was sex and violence in perfect harmony». Hommage superbe aux Kinks : «The Kinks were the rawest, the toughest and - with their sexual confusion and readiness to self-destruct - the most distinctly English of the British R&B groups.»

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             Qui arrive à la suite ? Les Stones, bien sûr, avec un chapter intitulé ‘Who’s driving your plane?’ - Essentially they refused to play the game. Les Beatles et Elvis avaient joué le jeu, l’un chantant pour un chien et les autres smiling at the royal box. Les Rolling Stones ne juraient que par l’anger, dissatisfaction, frustration, and power and they were loved or hated, really hated -  PolyBob salue le Jones’s and Richards’s sharp dual guitar work et l’animal androginy du loose-lipped Jag. PolyBob maîtrise l’art de synthétiser les mythes rock en deux courtes phrases. Arrive «The Last Time» en 1965, on s’en souvient, ça nous carillonne encore aux oreilles - It was an incredible sound for a group from Kent - car enregistré au studio RCA de Los Angeles, avec l’assistance de Jack Nitzsche, «with Keith Richards relentless spiraling hook sucking you in. From now on, they were unstoppable.» En 1967, dans le box des accusés, Keith Richards devient «a counterculture hero. Dressed like a cross between Beau Brummell and a highway robber, he told the prosecutor, ‘We are not old men. We are not worried about petty morals.’». Pouf, il prend une pige dans la barbe. Heureusement, l’éditorial du Times lui sauve la peau. Puis le Loog et le Jag divorcent. Their messianic trip was over. Et PolyBob te balance cette phrase qui n’en finit plus de le faire monter dans ton estime : «Regrouping, the Stones got back to basics in ‘68, ditched the drug-addled Jones and Oldham, and lost their adventurous streak.» PolyBob veut dire que les Stones ont perdu leur âme. On l’a clairement senti après Let It Bleed - To a large degree, they became a different group in the seventies. Jones parti, ils n’utilisaient plus de sitar, plus d’ocarina, plus de tablas. Oldham parti, they gradually became a self-parody. The Stones of the mid-sixties had been an amazing focused pop group, disobeying their mentor’s number-one rule, they became predictable. Ça vaut largement une tragédie grecque. 

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             PolyBob attaque ensuite la Soul. Il commence par le commencement : Sam Cooke. Sur une photo, PolyBob trouve Sam too good to be true : «He looks like someone playing Sam Cooke.» Il lui semble même que Sam vient du futur. En plus, il chante comme un dieu, «a mix of gentility and gospel growl like nobody else, his singing was effortless and intense. He was the original quiet storm.» Cookie vient de Clarksdale, Mississippi. À 21 ans, il a trois copines enceintes. Pas question de reconnaître la progéniture. Il commence par établir les fondations de la Soul music, puis il monte son label SAR, et donc une écurie d’où va sortir Bobby Womack. La première personne que Cassius Clay appelle quand il vient d’envoyer Sonny Liston au tapis, c’est Cookie, et PolyBob ajoute qu’Aretha et Erma Franklin revêtaient leurs plus belles robes juste pour le voir à la télé. Mais la vie privée de Cookie n’était pas de tout repos : sa femme Barbara perdait la tête à cause de son drinking et de son womanizing, et cet été-là (1963) leur fils Vincent se noya dans la piscine familiale. Pire encore : en décembre 1964, Cookie emmène une pute dans un motel et elle se barre avec ses fringues pendant qu’il prend une douche - Half naked and shooting, he scared the motel owner so much she shot him dead - Même la mort se dit mieux en anglais.

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             L’increvable PolyBob embraye aussi sec sur Stax - If Sam Cooke was the voice, then Stax set the template for the sound of soul - Et PolyBob glisse cette nouvelle vérité, affirmant que chez Stax, le sound devient plus important que l’artiste, «a southern equivalent to Spectorsound and the Brill Building.» Puis voilà Atlantic et le trio de choc Ertegun/Dowd/Wexler - All three, like Leiber & Stoller, like Andrew Oldham, were very sure of themselves, their taste, and their ideas on pop culture - Puis PolyBob rend un sacré hommage aux rois de la Chicago Soul, les Dells, qui, dit-il méritent leur place dans ce book, ne serait-ce que pour leur longévité. Formés en 1952, ils ont connu toutes les mutations, depuis le R&B et le doo wop - Leurs chansons were built from a quiet group-harmony base, subtle, almost supper club, until the moment when their baritone Marvin Junior stepped in, and then all hell broke loose - Il faut écouter les albums des Dells, ce sont des bombes atomiques, mais en France, peu de gens sont au courant.

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             De plus en plus intrépide, PolyBob décide de monter encore d’un cran avec Bob Dylan - He was his own planet and, naturally, you desperately wanted to find a way to travel there - Et crack, PolyBob sort ça qui devrait figurer dans les Tables de la Loi du Rock : «Bob Dylan created, for good and ill (c’est-à-dire pour le pire et le meilleur) the modern rock star. On the débit side, he pioneered sunglasses after dark; along with the Stones, he sealed the concept of snotty behavior as a lifestyle - Une fois de plus, les pages prennent feu. PolyBob nous explique à nous qui savons tout et qui ne savons rien que Bob était le saint patron des mauvais chanteurs (non-singers) : «He sang in a voice that was entirely unfamiliar: needling, unsifted, but impossible to ignore.» Mais le pire, c’étaient ses textes. En entendant chanter Dylan, Gerry Goffin eut tellement honte de ses textes qu’il détruisit toutes ses bandes et tous ses acétates. Pour se protéger des ravages de la gloriole, Dylan devint misanthrope. Mais il réinventait le rock - The music he made during this ‘65-66 period was extraordinary - thin wild mercury music, he called it - Avec «Like A Rolling Stone», il atteint un sommet - Dylan peaked and he knew it. By now considered a cross between Elvis Presley and Nostradamus, he had no direction home - Puis pour se débarrasser du poids du monde, il va se mettre à chanter avec une voix de canard. En guise de chute à ce chapitre d’anthologie, PolyBob pond un nouvel axiome : «What is most remarkable about Dylan, and a task not far short, is that he helped America to make sense of itself.»

             Après un gros chapitre sur les Byrds, PolyBob remonte au Nord vers Detroit pour chanter les louanges de Motown. Il serait sans doute plus raisonnable de faire un break et de voir ça la semaine prochaine. Ce n’est pas le moment d’overdoser.

    Signé : Cazengler, Stan laid

    Bob Stanley. Yeah! Yeah! Yeah! The Story Of Pop Music From Bill Haley To Beyoncé. Norton 2015

     

     

    Inside the goldmine

     - Hornes section 

             L’évidence crevait les yeux : Grinord n’aurait jamais pu s’en sortir. Tout petit, il partait du mauvais pied : souffreteux, des yeux qu’on dit «chiasseux», toujours de la morve au nez, le cheveu filasse, la peau ingrate, le corps chétif et une voix plaintive, une cible de rêve pour les grands à l’école qui chassaient en meute. Ils chopaient Grinord dans un coin et lui faisaient avaler des limaces ou lui ouvraient la braguette de sa culotte courte pour y jeter des grosses araignées. Grinord pleurnichait, «vais l’dire à ma mère !», mais il prenait une baffe et pleurnichait de plus belle. L’un des grands l’attrapait par le col pour lui dire que s’il en parlait à sa mère, il allait lui couper le kiki, alors Grinord tremblait de peur. Plus Grinord chialait et plus les grands s’acharnaient sur lui. Ils vidaient son cartable dans une flaque d’eau. Ils donnaient des coups de canif dans son chandail. Ils savaient que les parents de Grinord étaient pauvres et qu’il allait prendre trempe pour avoir abîmé un chandail qui coûtait si cher. Lorsque la cloche sonnait pour entrer en classe, Grinord ramassait ses affaires, les remettait dans son cartable et rejoignait son banc. Comme il reniflait sa morve, l’instituteur lui demandait sèchement de se moucher et Grinord répondait dans un sanglot :

             — Y m’ont pris mon mouchoir, Monsieur Huron !

             — Qui ça, Y ?

             — Les grands du CM1, Monsieur Huron ! 

             — Alors Grinord, tu dénonces tes camarades ? Tu n’as pas honte ?

             Et le pauvre Grinord se remit à sangloter de plus belle, sous les huées de la classe.

             — Ouuh Ouuh le corbeau ! Ouuh Ouuh le corbeau !

             Grinord ramassa en hâte ses pauvres affaires trempées, quitta la classe, referma doucement la porte derrière lui et sitôt dans la rue, il se mit à courir pour aller se jeter dans l’Orne.

     

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             Les Greenhornes ont eu plus de chance que Grinord. C’est encore une évidence qui crève les yeux. Alors que Grinord n’avait pas d’autre choix que d’aller se jeter dans une rivière, les Greenhornes se sont jetés dans une carrière, et quelle carrière ! My Gawd !

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             Et si Craig Fox était l’un des plus puissants garagistes de la confédération ? Une compile nommée Sewed Soles scelle le sort de cette farouche hypothèse. Craig Fox est sans conteste l’un des cracks du boom-hue. Il navigue au même niveau que Wild Billy Childish et Mick Collins. On voit sur les photo qu’il a le regard d’un fou. Ce kid de Cincinnati t’explose le vieux gaga dès «It’s Not Real». C’est sauvage et bien raw to the bone, c’est même stupéfiant de véracité, c’est gratté à l’oss et chanté au wild scream. Tu te dois de saluer ce mec-là, ainsi que Jack Lawrence, le bassman à lunettes. Nouveau coup de wild genius avec «Shadow Of Grief», ils te grattent les poux indomptables du Far-West, le Fox embarque son Shadow dans la folie pure. T’as une des plus belles fuzz d’Amérique dans «No More». Elle est hautaine et monumentale. Tu commences à vraiment prendre le Fox au sérieux. Plus loin, t’as une quadruplette de Belleville : «Can’t Stand It» (attaqué avec une violence incroyable, digne des pires proto-punks d’Angleterre, en 1000 fois plus wild que «Crawdaddy Simone», c’est même les Them à la puissance 1000), «Good Times» (overpower, avec un ouragan d’organ et un solo à la désaille qui perd ses boulons), «Too Much Sorrow» (très anglais, boogaloo de proto-London town, écrasé de splendeur crépusculaire, digne des Animals et des Them, mais en bien pire, heavy stuff de close my eyes, tout y est) et «Satisfy My Mind», belle dégelée royale. Encore un coup de génie gaga avec «The End Of The Night», balladif d’up-tempo claqué à la sévère, cut de sleaze parfait, trucidé au killer solo liquide. Encore du beau gaga US de rêve avec «Pattern Skies», bien balancé, bien monté en neige, avec un killer solo tire-bouchonné dans l’oss de l’ass. Ouille ! Ils démontent encore la gueule de «Lies» à la fuzz. Et puis t’as ce «Shame & Misery» amené comme le «We Gotta Get Out Of This Town» des Animals. Le Fox est une bête. Il out-Burdonnerrait presque Eric Burdon. Voilà en gros ce qu’on peut dire de cet album rétrospectif.

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             Tu vas retrouver «Satisfy My Mind», «Too Much Sorrow» et «It’s Not Real» (claqué sec aux accords des Kinks) sur Dual Mono, trois cuts enfoncés du clou entre tes reins, surtout le «Too Much Sorrow», bien dans l’esprit du pont de «Gloria». Et puis t’as toute une série d’énormités ravageuses, à commencer par «The Way It’s Meant To Be». Ils tapent dans le mou du dur. Avec «You’ll Be Sorry», on se croirait chez les Sorrows, en plein cœur du freakbeat, sans oublier le killer solo. Holly Golightly fait deux apparitions sur cet album : «There Is An End» qu’elle prend toute seule, et surtout sur «Gonna Get Me Someone» qu’elle chante en duo avec le Fox. C’est brillant ! Elle ramène sa niaque de sucre et ça balance bien dans les contreforts, elle est encore plus candy-punk que les Shangri-Las et le Fox passe des killer solos en pagaille. Il est le roi du proto-punk revival. 

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             Sur le mini album East Grand Blues, tu retrouves l’excellent «Pattern Skies» et son bassmatic en alerte rouge, et ça bascule dans le coming fast, avec du killer solo flash dans la foulée. Jack Lawrence passe son temps à bassmatiquer au bas du manche, pendant que le Fox part en maraude. Quelle équipe ! Ils tapent aussi «I’m Going Away» en mode heavy folk-rock Byrdsy. En plein dans l’œil du collimateur ! Ils reviennent au heavy groove des Them avec «Shelter Of Your Arms». C’est encore une fois bien dans l’esprit du pont de «Gloria».

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             Et puis t’as cet album qu’on appelle le Quatre Étoiles (****) qui est plus orienté sur les exercices de style. Attention, c’est très intéressant. Ils commencent par sonner comme les Prisoners avec «Saying Goodbye». C’est plein comme un œuf et dopé par un bassmatic devenu fou. Avec «Left The World Behind», ils se remettent à sonner comme les Byrds. Ils ont ce power solide et radieux. Avec «Get Me Out Of Here», le Fox fait du Ray Davies. Il est assez allègre. Plus aucune trace de gaga sauvage. Sur «Underestimator», ils reviennent à un son plus anglais, après avoir exploré les racines des dents, mais les riffs sont ceux de Dave Davies et encore une fois, tu cries au loup. Encore un coup de génie avec «Better Off Without It». C’est plus poppy, et donc t’assistes à un incroyable retournement de situation, mais ça tient rudement bien la route, avec le bassmatic de Jack Lawrence et les solos en quinconce de Craig Fox. Ils ont cette classe surnaturelle qui leur permet de créer de la magie. Craig Fox superstar encore avec «Song», nouveau shout d’heavy pop. Quelle ampleur catégorielle ! Ça sonne comme un hit intercontinental, avec du rentre-moi-dans -le-chou mon chou. Ils font plus loin de l’heavy mood avec «Go Tell Benny», mais avec des incursions intestines de la pire espèce. Le Fox sait rester impressionnant, même si avec «Jacob’s Ladder», il fait de la petite pop ruineuse d’album. La vie est ainsi faite. Elle est même parfois cruelle.

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             Avec son premier album sans titre, le groupe de Craig Fox s’était taillé une belle réputation gaga-Midwest, en se rapprochant notamment des Animals. Pour preuve, leur version d’«Inside Looking Out», ils sont dessus, ooouh baby, ils savent faire monter la marée et faire le Burdon, my reaper ! My reaper yeah ! Leur «Shame & Misery» est d’ailleurs le sosie d’«Inside Looking Out» : même attaque avec la petite montée en température, exactement le même plan, avec le refrain sur les accords de «Gloria». Tiens, puisqu’on parle de Gloria, t’as le «Can’t Stand It» d’ouverture de bal qui est une sorte de Gloria en Amérique. C’est du gros bétail. Quel barouf ! C’est aussi révolutionnaire que le fut Gloria en son temps, la voix en moins, bien sûr. Power toujours avec «Shadow Of Grief». Ces Greenhornes sont bien décidés à en découdre. L’autre cover de choc est l’«High Time Baby» du Spencer Davis Group. Fantastique hommage à l’un des fleurons du British Beat, et le petit gros passe un solo d’orgue assez exemplaire. Ils sortent la fuzz pour «Lies» et t’explosent le gaga vite fait. Ils restent dans l’heavy gaga Soul sixties avec «Nobody Loves You». Ils n’en démordront pas. Ils sonnent comme Mitch Ryder, c’est très noyé d’orgue.

     Signé : Cazengler, Horny

    The Greenhornes. The Greenhornes. Telstar Records 2001

    The Greenhornes. Dual Mono. Telstar Records 2002

    The Greenhornes. ****. Third Man Records 2010               

    The Greenhornes. East Grand Blues. V2 2005

    The Greenhornes. Sewed Soles. V2 2005

     

    *

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    Il y a des groupes qui sont prêts à tout pour me plaire. Même s’ils ne me connaissent pas. Tenez prenez celui-ci : l’a un nom qui sent le grec. Le pays d’Aristote et de Gorgias. Tout de suite s’impose un bémol : ils ne sont pas grecs. Les malheureux. Bien sûr, moi non plus je ne suis pas grec mais moi ce n’est pas pareil. Enfin eux ils ont un sacré atout dans leurs mains. Ils viennent de Toulouse. Ville occitane que j’ai longuement arpentée hors de ma folle jeunesse. Je sais, la jeunesse est partie, mais il reste la folie. J’avoue que j’ignorais leur existence, je sais ce n’est pas bien, je le regrette, je ne recommencerai pas, je le jure. Bref j’errais sans but (avouable) sur le net lorsque tout à coup mon œil de félin a repéré trois mots magiques : Le cimetière marin. Grand fan de Paul Valéry je sursaute, je zozote d’émotion, je me ceins d’un drap de lit et je commence à déclamer les premiers vers de La Jeune Parque :

    Qui pleure là, sinon le vent simple, à cette heure
    Seule, avec diamants extrêmes ?.. Mais qui pleure,
    Si proche de moi-même au moment de pleurer ?

             Toutefois je m’interromps, je suis un rocker, or les rockers ne pleurent pas, dons je m’empare d’un stylo bille et griffonne cette chronique.

    LE CIMETIERE MARIN

    AEPHANEMER

    (Official MusicVideo)

    (Octobre 2025 / Napalm Records)

            Nous reparlerons prochainement d’Aephanemer, ce morceau est extrait de leur troisième album Utopie.

    Marion Bascoul : vocals / Martin Hamiche : Guitar, bass, orchestration / Mickael Bonnevialle : drums.

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             L’auditeur qui s’attendrait à une reprise metal in extenso du texte du Cimetière Marin de Paul Valéry se mettrait le doigt dans l’œil jusqu’à la clavicule. Seul le titre du poème et le premier vers de la dernière strophe sont repris en guise d’injonction existentielle. Les vers du poëte sont à lire plutôt comme une méditation sur le non-être. Toutefois le non-être s’y trouve défini selon sa coexistence avec les possibles de l’Être. Le texte d’Aephanemer est à lire comme une transcription de l’éclat qu’irradie le soleil noir du poème de Valéry. Non il ne vaut pas le poème de Valéry, mais il garde du par son vocabulaire choisi parmi les mots rhizomiques gorgés de suc de l’ensemble strophique valeyrien la même parenté que nourrissent et pourrissent  les  morts dans leurs rapports aux survivants. Que certains surnomment les vivants.

    Le cimetière marin : quatre ombres  vêtues de noir dans un studio ombragée d’ambre mordorée, la vidéo est à regarder comme une combustion orangée – voir les poèmes de José Galdo de la Danse des Morts – pas étonnant que le groupe soit étiqueté comme death metal mélodique, une flamme vive et symphonique qui s’élève, s’affaisse sur elle-même puis repart de plus belle, lorsque par deux fois le vocal survient, il semble s’évader de la bouche d’un Jolly Roger accroché au mât de misaine d’un bateau pirate, son espèce de glapissement funèbrement prophétique ne vous incite pas à rire, fermez les yeux laissez-vous emporter par cette chevauchée sur les huit sabots de Sleipnir. A vous de choisir votre rive.

             Une deuxième Video Official Music, c’est le titre qui suit le précédent sur l’album, est aussi accessible :

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    La règle du jeu : esthétiquement et musicalement parlant le titre révèle une troublante unité avec le Cimetière Marin, même flamme vive qu’un vent violent, agite, courbe et recourbe mais ne parvient pas à moucher. Un vocal davantage violent et bien plus présent, l’enjeu du texte est beaucoup essentiel, vous n’êtes plus au bord de la tombe vous êtes dans la lutte pour l’existence, le texte très bien écrit est d’une force incoercible, les cartes sont sur la table, toutes les combinaisons possibles sont ouvertes, l’on ne vous demande pas de choisir celle qui vous paraîtrait la meilleure mais de réfléchir sur la notion de jeu. Le texte est beaucoup plus métaphysique au sens fort de ce terme que celui qu’ils ont rédigés pour le cimetière marin. Donc le même fond d’oronge malsaine similaire au précédent, mais non plus tout à fait avec les musiciens car parfois  avec leurs ombres – pensez à celles du mur de la caverne platonicienne  - attention vous jouez avec des tricheurs, z’ont leur as de cœur dans leur manche : elle s’appelle Louna Lebeau et elle danse comme une jeune louve dans un le poème d’Alfred de Vigny, elle danse pour sa liberté, elle est l’effigie de la vôtre, saurez-vous comme elle renverser la table,  à elle toute seule elle est un ballet d’ombres mouvantes solitaires qui survivront dans la nuit de votre mémoire.

    Damie Chad.

     

    *

             Nietzsche qui philosophait à coups de marteaux sur tous les totems du monde nous a prévenus, toutes les valeurs que nous accordons aux choses sont vouées à s’écrouler un jour ou l’autre. Voici un exemple parfait : je croyais (mais croire n’est-ce pas déjà ne pas penser) que depuis le temps où je m’en va faire quelques tours de reconnaissance sur Werstern AF, je ne trouverais à coup sûr que des artistes de bluegrass. A tel point que j’en rapporterais toujours quelques chroniques que je pouvais étiqueter en toute bonne conscience : ‘’Bluegrass’’. Certes le bluegrass pur et dur, disons platonicien pour rester dans le domaine philosophique, n’existe pas. Ses frontières avec le country sont très vaporeuses, mais je ne m’attendais pas à ce que je me dépêche de vous présenter au plus vite. L’on est toujours trahi par les siens ! Parfois c’est pour notre bien !

    FULL PERFORMANCE

    CLAIRE HINKLE

    ( YT / Live AF / Septembre 2025)

    Claire Hinkle : vocals /  Max Kusin : Guitar / Rowdy Carter : Guitar / Kyle Farley :  Bass / Nick Tittle : Drums.

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    Pas besoin d’être sorti de St Cyr pour subodorer l’embrouille. A la limite le batteur tout au fond pas très visible avec ses cheveux longs l’a un look des anciens musicos des groupes sudistes, je suis bon prince, j’admets qu’il pourrait s’être fourvoyé dans un groupe de bluegrass, je passe sur le bassiste, l’aurait plutôt l’air de Buddy Holly, mais les deux guitaristes, indubitablement ces deux mecs sont des rockers, même la vidéo éteinte sur l’image muette ils transpirent, ils puent le rock. Quant à Claire Hinkle, je veux bien qu’après un passage à New York elle soit revenue au Texas pour jouer de la country music, mais ce que nous allons regarder c’est tout simplement un bon groupe de rock’n’roll !

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    In the movies : au micro, un tambourin à la main droite, elle sourit, elle oscille légèrement, l’est toute belle sous sa crinière brune de lion, parfaitement à l’aise, la grâce sans la minauderie, tranquille, sereine, sûre d’elle. Remarquez elle a de quoi, ses deux guitaristes lui déroulent un tapis rouge de notes fusantes et perfusantes, c’est parti, elle n’a plus qu’à faire son numéro, avec une désinvolture étonnante, l’est à l’aise, les deux guitars héros s’en donnent à cœur, le bassiste bouge et se dandine et tape du pied comme Buddy Holly ne l’a jamais fait, derrière sa batterie de Nick vous édifies des architectures sonores dignes de la galerie des Glaces de Versailles. C’est encore plus beau qu’au cinéma. Hot shit : rien à dire sur ce morceau. Il est parfait. Tous les cinq s’en donnent à cœur joie. Elle bouge si naturellement, ce n’est pas possible elle a dû faire de la danse pour se remuer ainsi, et la voix qui sort toujours claire (Hinkle), toujours juste, elle est aussi à l’aise sur cette scène que Madame de Récamier sur son divan, en plus elle parle rock, même si vous ne comprenez pas un mot d’anglais, c’est transparent, translucide, elle a le cran, sans arrêt, vous vivez, vous mimez dans votre tête, elle vous outre les portes du rock en grand et vous rentrez dedans sans avoir à frotter vos pieds sur le paillasson, elle tombe à genoux, les guitares dégoulinent, fusion orgasmique. Don’t ask questions : le slow qui tue,

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    question slow ce n’est pas vraiment lent mais quelle tuerie, vous êtes heureux ce n’est pas à vous qu’elle s’en prend, la cruelle minaude, les musicos ralentissent, pas le moment de la déranger, elle vous a l’air de ces espagnoles qui sautent dans l’arène et s’en vont narguer le taureau qui vient d’encorner à mort el torero, elles se plantent devant lui, lui tiennent un petit discours en quatre points, et la grosse bête honteuse s’en retourne au toril la queue entre les jambes.  Get on the bus : petit sourire aux musiciens, la réaction ne se fait pas attendre les deux guitares entreprennent d’escalader l’Everest, elle ne se retient plus, la voici reine du monde, alors les musiciens la suivent dans son assomption de folie. Redescendez sur terre c’est terminé. De toutes les manières vous ne me lisez plus depuis un bon moment, vous revisionnez la bande.

             Non ils n’ont pas inventé le rock. Mais ils le réinventent à chaque instant. Vous voyez  les boys et Miss Hinkle Claire : tout s’éclaire.

    Damie Chad.

     

    *

             La semaine dernière nous écoutions Weed Money d’AC Sapphire. J’ai eu envie d’en savoir plus. Je n’aurais pas dû. J’ignorais totalement ou je mettais les pieds. Surprenant et déconcertant. Nous commencerons par son dernier album.

    DEC. 32nd

    AC SAPPHIRE

    (Album Numérique / Bandcamp)

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    Quel changement de look entre la vidéo de Western AF visionnée dans notre livraison 704 du 02 / 10/ 2025 et la couve de cet album. Nous étions face à une personne que l’on pourrait classer ethnologiquement  dans la catégorie des hippies-folk et cette jeune femme dans son intérieur dont le visage souriant exprime une certaine assise psychologique qui n’a rien à voir avec le mode de vie qu’instinctivement l’on pressent tant soit peu marginal de la chanteuse-guitariste filmée devant un van au bord d’une route. Ne soyons pas dupes des images. Elles ne sont que des constructions, que veulent-elles nous dire, que signifient-elles au-delà des intentions qui les ont motivées.

    Il en est de même du titre de l’album, cette date du 32 décembre est-ce le jour d’après ou le jour d’avant, celui que l’on espère, celui qui n’existe pas… N’instille-t-il pas un doute introspectif quant à la vie que l’on a menée jusqu’à lors. Une manière de faire le point, de rebattre les cartes tarotiques d’une destinée qui ne nous satisfait pas, une redistribution du jeu de l’existence pour tenter de la remettre en un ordre beaucoup plus significatif, une espèce de réussite introspective censée clarifier le sens du chemin entrepris. Ce trente-deuxième jour du mois de décembre ne marque-t-il pas une zone floue d’équilibre entre le jour de trop dont on ne sait à quoi l’employer ou ce jour de moins qui nous manque pour entrer dans notre propre éternité.

    Palmistry : rollin’ guitar de Sapphire, l’orchestre derrière en retrait, des chœurs féminins discrets qui prendront leur importance sur la fin lorsque le morceau se change en gospel, pas d’erreur, pas une supplication adressée à dieu mais à l’être aimé. Pas de vocal, un chant. Sachez faire la différence. Le vocal correspond à l’expressivité d’un individu intrinsèque qui se livre tel qu’en lui-même, le chant participe d’une autre dimension, certaines voix chantent, d’autres pas, Sapphire est une véritable chanteuse de la taille de Joni Mitchell, une maîtrise, une sérénité, une simplicité certes, mais le chant dans sa plénitude confine à la poésie lyrique celle de l’expression de soi, le titre anglais nous renvoie aux palmes, alors que traduit en français il se traduit par chiromancie, l’art de lire sa destinée dans les paumes de la main, mais ici le désir de changer le cours des lignes afin de modifier la passé pour influer sur le présent, il est aussi question de désert, de 2014 à 2019 Sapphire s’est retirée dans le désert de Mojave, la célèbre Vallée de la Mort, en fait elle est partie, pour faire le point… il est difficile de s’abstraire totalement de sa vie, même en rupture avec ce que l’on a été l’on reste souvent tributaire des années d’enfance, Sapphire a été élevée dans une famille religieuse, l’on sait que les prophètes se sont souvent retirés dans le désert… Traces de pas subsistant dans le désert de la mémoire. Check Engine Light : un piano aux notes enrayées et le chant déchiré de Sapphire entre passion et compassion, entre colère et vengeance, un cri de désespoir et une analyse poussée du drame intime exposé depuis les deux tronçons de la flèche brisée  du désir qui désirerait se joindre à lui-même alors qu’il en est incapable. Rien de plus américain que d’utiliser l’image d’une voiture qui ne veut plus démarrer, n'empêche qu’au-delà d’une métaphore somme toute triviale la force des mots nous confirme ce que l’on avait compris à l’écoute du premier titre, l’écriture de Sapphire est d’obédience poétique. Sibling Rivalry : il existe une official video que je vous

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    invite à regarder. Elle fut tournée en 2015. On y aperçoit Sapphire rouler dans le désert mais surtout s’adonner avec ses frères et sœurs aux jeux de leur enfance. Elle ne fut pas malheureuse, les huit frères et sœurs ne fréquentèrent pas l’école, les parents aisés leur servirent de professeurs. Ils furent initiés à la musique et à la poésie. A 14 ans Sapphire monta sur scène pour interpréter Shakespeare, plus tard avec deux de ses sœurs Sapphire formèrent un groupe Sister 3. Nous en reparlerons. La chanson est de toute douceur, la prédominance des grosses notes de la basse l’assombrit quelque peu, c’est que le bonheur des jours heureux n’est pas uniforme, à mots couverts Sapphire nous confie qu’elle a jalousé sa sœur mais que cette jalousie l’a confortée à devenir elle, à suivre un chemin qui l’a séparé de son premier univers… le morceau se termine par des rires joyeux, toutefois voilés, perdus quelque part dans un temps lointain. Oblivion : à qui s’adresse-telle, sans doute à elle-même, tous les autres ne sont-ils pas des clones de nous-mêmes, une balade country chantée avec la voix de Joan Baez, même si sur la fin l’émotion de la vie et du monde qui s’effacent tempère un peu l’optimisme d’être ce que l’on est, incapable d’arrêter la course du soleil. Même avec un flingue. Mais en vivant dangereusement ne sentons-nous pas plus pleinement que le chemin de crête du présent côtoie l’abîme. Highway Hum : une guitare bourdonnante et une voix qui gesticule, qui crie, qui danse. Urgence et inquiétude. La proximité des morts. De qui parle-telle sinon de son rêve qu’elle refuse de préciser. Il est étrange de voir comme les morceaux se suivent et racontent une histoire dont chacun raconte un épisode. Suite logique. Toutefois l’on ne sait jamais si nous sommes dans un évènement passé ou dans une reconstitution mentale de ce qui a été et de ce qui n’a pas été, le néant n’est-il pas la gangue des atomes dans laquelle ils se défont, le dernier mot ne reste-t-il pas à la langue de la poésie. Starships : reviennent les cordes effilochées, parfois la réalité ne correspond plus à elle-même, où sommes-nous dans l’obscurité du monde, nous savons bien où nous ne sommes plus, mais ne sommes-nous pas vivante dans les pensées d’une autre, d’ailleurs n’est-elle pas aussi en notre pensée, notre existence se limite-t-elle à notre pensée, bien que nous n’en n’ayons pas la conscience ne serions-nous pas mieux au-dehors de nous-mêmes, la voix se presse elle se heurte aux incertitudes chaotiques que nous sommes et ne sommes pas, pas qui nous agitent, nous éliminent et nous fondent… Thunderbird aussi nommé Demon Sneeze :  guitare comme une caresse sur la fourrure soyeuse d’un chat, pas de démon et un oiseau qui ne tonne pas, mystérieuses paroles, un couple qui se rencontre pour mieux se séparer, mélodie triste, lequel rattrapera l’autre à ce jeu démoniaque, un feu qui s’éteint de lui-même faute d’être alimenté à tour de rôle mais jamais ensemble au même instant, au début était le verbe, des mots qui coulent de deux bouches qui ne se rejoignent qu’à demi, les mots ne solidifient pas le monde, ils glissent, ils tombent, de quoi parle-t-elle au juste, ne chante-t-elle les limites de la poésie incapable de changer le monde, l’on pense à Keats, la poésie de Sapphire n’a pas la même  luxuriance que celle du plus pur des grands poëtes romantiques, mais elle porte en elle la même impuissance à ne pas régir le monde des désirs à sa volonté. Quelle lassitude de ne vivre que la moitié de son rêve. Chapparal Bottoms : la suite du morceau précédent, la même lenteur, avec toutefois au milieu du pont une guitare électrique qui se sublime en folk-noise, le chant rampe tout autant, mais la guitare allume l’électricité pour voiler à sa manière l’échec de deux existences qui se quittent, Sapphire qui se désole et Victoria qui lui intime l’ordre de chanter, de continuer sur ce chemin qui lui apportera la victoire. Le plus terrible c’est qu’elle est d’accord avec son amante, c’est à elle de conquérir la moitié du ciel, elle sait que c’est le parti qu’elle est en train de prendre son chemin. Chanson mortuaire pour un merveilleux cadeau. Même les buissons d’épineux finissent par mourir. Weed Money :  le morceau repris pour

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    Western AF, cette version est accompagnée d’une Official Video que nous avons déjà commentée, elle s’intègre au mieux à cet album, les images évoquent la partition de Sapphire, l’être de chair soumise à ses désirs et aux caprices des autres, son appétence de clarté apportée par l’expérience de la  poésie. Dans cette interprétation le morceau se teinte de mélancolie, celle qui résulte de cette terrible dichotomie, mais nettement moins désabusé. String Breaker : au fur et à mesure que j’écoutais cet album, je ne parvenais pas résoudre l’équation qui s’offrait, chaque morceau était plus beau, plus nécessaire et davantage essentiel que le précédent mais ô combien supplanté par le suivant. Un collier de perles, toutes d’une brillance exceptionnelle, mais cette lettre d’adieu à soi-même, ce froid constat sulfureux d’huissier poétique selon lequel deux astres qui se croisent ne font qu’accentuer leur solitude.  Le chant vous perce le cœur, la guitare le brise, et puis ce violon qui pleure toutes les larmes qu’il est inutile de verser, enfin cette voix qui se disperse et se recueille, et ces onomatopées qui se plantent en vous comme des lames de couteau.

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             Cet album unique, en le sens où il se suffit à lui-même et n’a pas besoin de vous pour exister, est une splendeur.

             Une seule consolation, il nous reste d’autres enregistrements d’AC Sapphire à écouter.

    Damie Chad.

     

    *

    En règle générale on choisit un livre pour l’auteur et le sujet. Evidemment les books sur Elvis, vont du pire au meilleur, toutefois par principe on ne crache pas dessus : on regarde. J’ai commencé pat le nom de l’auteur : Jane et Mickaël Stern. Inconnus au bataillon. Leur fiche wikipedia m’a étonné : se sont fait un nom en confectionnant non pas un dictionnaire du rock’n’roll mais un guide de cuisine. A priori pas le truc qui ne m’intéresse pas. Z’ont eu une idée originale. Normalement en tant que citoyen du pays qui possède la cuisine la plus renommée au monde, je devrais les injurier copieusement, z’ont fait fort, z’ont opté pour la cuisine populaire, leur book c’est un peu le bréviaire Michelin pour les cheeseburgers mal cuits que vous ingurgitez fissa au  hasard des highways dans des patelins américains inconnus. Avec toute cette graisse dégoulinante ils ont fait leur beurre. Se sont toutefois diversifiés, il arrive un moment où les lecteurs n’ont plus faim, alors ils ont entrecoupé leur Encyclopédie de la Mauvaise Bouffe par d’autres sujets populaires, les chiens, un grand réalisateur  Douglas Sirk, et cerise sur le sandwich au beurre de cacahouète un bouquin sorti en 1987 sur Elvis.

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             Scrongneugneu je n’étais pas chaud, mais dès la couverture y avait un argument massue auquel un rocker français ne résiste pas : traduction de François Jouffa ! L’a écrit plusieurs livres sur le rock’n’roll en collaboration avec Jacques Barsamian, notamment L’âge d’or du rock’n’roll consacré à la génération des pionniers  dont la première édition sortie en 1980 tomba à pic pour accompagner les connaissances des adeptes de la renaissance rockabilly… Entre autres, les deux complices ont aussi à leur actif un Elvis Presley Story

    ELVIS

    LE MONDE D’ELVIS

    ELVIS AU PAYS DES MERVEILLES

    JANE ET MICHAEL STERN

    (France-Loisirs / 1988)

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    Est-ce pour nous faire plaisir, l’introduction du livre débute par la remarque par laquelle nous terminions la semaine dernière notre chronique consacrée à Uuseen Elvis de Jim Curtin,  les fans d’Elvis connaissent tous les détails de la vie d’Elvis, tous les objets qu’il a de  près ou de loin possédés, toutes les dates marquantes, toutes les maisons qu’il a habitées, tout ce que voulez sauf… sa musique, deux ou trois titres pas un de plus… elle figure le continent noir englouti,  l’iceberg immergé…

    Le choc Elvis : première surprise l’ensemble est agréable à lire, deuxième plaisir, le regard porté sur le phénomène Elvis est des plus pertinents, le texte fourmille d’anecdotes mais son principal attrait réside en la rigueur de l’analyse. Laissons de côté le public inconditionnel des jeunes filles enthousiasmées par le chanteur… Désolé pour Eddy Mitchell, ce n’est pas la voix d’Elvis qui prime, mais son attitude sur scène : ses déhanchements, ses virevoltes, sa souplesse de félin, tout ce que vous admirez, de toutes les manières même quand il ne fait rien de précis l’hystérie collective se déclenche… mais Elvis lui-même qu’en pense-t-il ? Il ne se livre pas, il se contente de constater, apparemment il est le premier surpris. Les parents qui n’ont jamais cru leurs filles capables de telles exaltations, très vite relayés par le milieu musical tirent leur conclusion : ce garçon n’a rien d’exceptionnel, pas totalement idiot mais très loin d’Einstein. Ce qui choque ce sont ses manières, pas du tout grossières mais surtout pas du tout policées. Un gars sorti de sa campagne, empli d’une rusticité étonnante, et même détonnante pour cette jeunesse blanche bien éduquée qui dans l’absolu et la vie de tous les jours ne fréquente pas ces milieux populaires. L’expression ‘’ mépris de classe’’ employée à  tort et à travers de nos jours nous paraît résumer ce haut-le-cœur des adultes surpris. Jane et Mikaël Stern vont plus loin. Ce qu’ils disent nous aide à mieux comprendre l’actuelle propension de l’Amérique de Trump à se revendiquer à chaque instant du Dieu très chrétien. Les contemporains des années cinquante réactionnairement outrés par les extravagances elvisiennes  ne visent pas aussi haut, laissent Dieu tranquille, ce qui leur semble en danger c’est la religion. Par ses poses pelvisiennes notre King effrite à lui tout seul le ciment agrégateur, le béton christique de la société américaine.

    Pour nombre de rockers américains, ils le racontent dans leurs autobiographies, leur native addiction à cette musique provient du premier passage d’Elvis à la télé américaine en 1956. Une cassure sismique dont ils ne se sont jamais remis. L’élément déclencheur. Nos deux polygraphes scrutent tous les passages télé d’Elvis avant le 56 historique. Les précédents, ils ne sont pas rares et tout autant inscrits dans l’histoire, leur schéma est éloquent : par sa prestance Elvis dynamite l’écran, pour diminuer l’onde de choc on réduit l’image, on inclut sa prestation dans de ridicules scénettes. Les Stern vont plus loin, tout le reste de sa carrière Elvis sera prisonnier d’un carcan idéologique sociétal dont il ne parviendra jamais à se débarrasser. Très symboliquement la fameuse séquence de Jailhouse rock le montre derrière des barreaux.

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    La face cachée d’Elvis : ce n’est pas celle à laquelle on pourrait s’attendre. La période couverte par ce chapitre commence en 56 et comporte sa période à l’armée. Elvis nous est décrit comme un ange. L’on n’est pas loin de la petite maison dans la prairie. Un garçon d’une simplicité extravagante. Son plus grand plaisir : le sandwich à la banane. N’entrevoyez aucun jeu de mot avec le dernier vocable qui précède la ponctuation. Bien sûr il reçoit ses petites amies dans sa maison qui est surtout celle de ses parents. Apparemment ils passent leur nuit à jouer avec des ours en peluche et à chanter des cantiques. Vous ne trouverez pas un garçon plus posé, plus poli, plus pieux que lui dans tout l’hémisphère nord. Sud aussi. Passe son temps à pleurnicher durant son service militaire, l’a une excuse sa maman est morte, désormais il sera seul. Priscilla est absente de ce chapitre. Toutefois, sans doute par mégarde, on évoque la soirée parisienne au Lido. C’est dommage sans quoi l’on aurait pu ajouter ce chapitre à La Vie des Saints. Il n’aurait pas dépareillé. Avec un peu de chance Elvis aurait eu droit à une palme d’or et à être assis, ni à la gauche, ni à la droite de Dieu, mais sur ses genoux.

    Un Elvis en cellulose : la période Elvis au cinéma, les films sont remarquablement résumés en quatre ou cinq lignes. Jane et Mikaël Stern se détournent de leur hagiographie. Au retour de l’armée les nouveaux films d’Elvis ne sont pas bons. Il est facile d’accuser le Colonel. Parker aimait l’argent. Elvis préférait la vie facile. Un terrain d’entente était possible. Question nullité des films nos deux auteurs n’accusent pas Parker. Le côté film sans scénario correspondrait à l’imaginaire d’Elvis. Le bon garçon qui ne sera jamais du côté du mal et de la violence. Un monde de joie, de fête, de jolies filles, de plans technicolors, de couleurs vives… Que voulez-vous que le bon garçon du deuxième chapitre  puisse promener dans sa tête comme phantasmes… Les chaudes soirées des tournages ne sont jamais évoquées, puritanisme américain oblige ? Dans les bios d’Elvis on nous raconte qu’Elvis auraient désiré des films à la James Dean, à la Marlon Brando, cela nous le rend sympathique, Jane et Mickaël réagissent en bons ricains requins : si tu veux faire cela : fais-le. You can do it ! Si tu ne le fais pas, ne t’en prends qu’à toi. Assume. Autant ils ont été gentils dans le deuxième chapitre, autant dans celui-ci ils se montrent cruels. Return to sender !

    Elvis enluminé : curieux chapitre, on y trouve de tout non pas comme à la Samaritaine mais comme sur ces listes de tous les ingrédients qui par exemple à toute heure du jour et de la nuit devaient se trouver dans la cuisine… Serait-ce un indice de paranoïa ou d’angoisse ? Les deux mon colonel. Maintenant une merveille : les premières pages consacrées aux spectacles d’Elvis à las Vegas. Certains de nos lecteurs y ont assisté, d’autres ont zieuté des vidéos sur le net. Si vous n’appartenez à aucune de ces deux catégories, ne soyez pas tristes, j’ai l’impression que leur évocation  écrite est encore plus belle que n’ont été ces shows dans la réalité. Ensuite l’on passe dans des détails connus et rebattus, notre couple biographes en profite pour analyser la notion conceptuelle de Roi, qu’Elvis n’aimait pas mais qu’il assuma royalement. Elvis en a-t-il été conscient ? Soyons poli avec les dames : c’est dans ce chapitre que vous émerveillerez devant le chignon monstrueux de Priscilla.

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    A Graceland : nos deux reporters s’en tirent bien. Tout a déjà été dit, la visite est obligatoire, d’ailleurs les huit premières pages du bouquin vous permettent d’ouvrir vous-même le portail. Ne vous prenez pas pour Elvis, le King ne se dérangeait pas pour si peu, il ne descendait pas de sa voiture, il se contentait de repousser les deux vantaux avec le parechoc de ses Cadillacs. Geste ô combien rock’n’roll ! Elvis c’est un peu l’anti-Warhol qui entassait   dans son appartement  tout ce qui lui passait entre les mains. Elvis c’est un Des Esseinte du pauvre qui a passé sa vie à peaufiner son manoir, un tantinet nouveau riche (c’est-à-dire en ancien pauvre), du toc, du cheap, du kitch, de l’hétéroclite, je ne critique pas, si j’avais sa fortune, je ferais vraisemblablement pire. La preuve : je suis fan de sa jungle room, toutefois comme Joséphine Baker je n’aurais pas oublié de la partager avec un guépard. Ou une panthère noire. En hommage à Leconte de Lisle. C’est mon petit côté parnassien. Elvis n’aurait-il pas été un parnassien qui s’ignorait,

    Prendre bien soin d’Elvis : n’est-ce pas le plus beau chapitre du livre. Le plus émouvant à coup sûr. Nos deux cicerones se laissent eux-mêmes prendre  à l’ambiance qu’ils décrivent. Au début c’est du Zola, pas Germinal mais Lourdes un roman d’une une charge féroce contre les marchands (et leurs fidèles clients) lors du pèlerinage de Lourdes. Nous voici plongés parmi la cohue des fans devant Graceland, les survivants et les vétérans. Les premiers ont survécu à la mort d’Elvis Presley, les seconds aussi mais ils ont connu Elvis de son vivant. Un peu, à peine, beaucoup, énormément mais tous le vénèrent. Insensiblement toute cette faune disparate venue des quatre coins du monde, malgré leur bêtise, leurs défauts, leurs croyances et leur vénération, nous devient sympathique. Ces exaltés ont tout compris : l’on ne peut rien contre la mort. Et encore moins contre l’oubli. Ils essaient pathétiquement à leur manière de garder Elvis vivant. Perpétuer le souvenir d’Elvis, c’est un peu leur manière à eux de rester vivants.

    Pour ceux qui aiment les généalogies Mary Ann Yates qui habita tout à côté d’Elvis, ils avaient 14-15 ans, nous apprend qu’Elvis qui n’était pas encore Elvis se surnommait lui-même Valentino. A méditer.

             On n’en a jamais fini avec Elvis. Le livre est terminé. Mais il vous reste encore à lire tout un tas d’ouvrages : voici Les écrits sur Elvis : sont vraiment bons pour résumer un livre en cinq lignes. Vous apprenez tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur Elvis ou le détail qui vous foudroie. Exemple : il est bien connu que du sang cherokee coulait dans les veines d’Elvis mais j’ignorais le nom de son arrière-arrière-arrière-grand-mère : Blanche Colombe du Matin ! Faut-il y voir une véritable préfiguration du Saint-Esprit !

             J’avoue que je suis rentré dans ce livre à reculons. J’en ressors convaincu d’une chose : la magie Elvis opère toujours !

    Damie Chad.

     

    *

    Un très beau témoignage, par la force du destin pratiquement d’outre-tombe : Graham Fenton nous a quittés ce 10 août 2025.

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    Nous évoquerons Graham Fenton la semaine prochaine en chroniquant le numéro de Rockabilly Generation News qui lui consacre un important dossier.

    The Gene Vincent Files #10 : Graham Fenton shares his touring experiences with his all-time hero.

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    La première fois que j’ai vu Gene performer en public, c‘était approximativement en 1965 en the UK, mon frère, mon frère aîné possédait tous ses disques et j’ai découvert Gene Vincent grâce à ces disques et des choses comme ça, quelques amis m’ont dit que Gene résidait en ville, qu’il vivait en Angleterre à l’époque mais pas très loin, veux-tu venir le rencontrer, bien sûr j’y suis allé avec lui, il était sur scène avec un groupe appelé a the Shouts, j’ai dit qu’il vivait en Angleterre, et j’ai vu cet homme, ce gars complètement fou sautant un peu partout dans son cuir noir, j’étais comme vampirisé par ce phénomène, Gene est devenu mon héros à tel point que j’ai voulu devenir chanteur, ce n’est que des années plus tard que suis devenu chanteur, vous savez, Gene avait ce truc en plus, je ne sais pas si c’était en quelque sorte lié à moi, je crois que l’attrait du cuir noir, je fréquentais les groupes de bikers, je pense que ce style de cuir noir, cette manière de s’habiller, cette image du Rocker que nous assimilions aux bikers y était pour beaucoup. Gene ne portait pas de cuir avant de venir en Angleterre, c’est  Jack Good qui lui  conseilla le cuir, auparavant Gene portait des chemises flashy ou des vestes, ou d’autres choses, ce nouvel accoutrement l’a rendu plus féroce aux yeux du public britannique… réellement c’est en 1970, 

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    avions bien commencé l’année notre manager nous dit ‘’ Votre héros Gene Vincent vous ne le croirez pas mais nous sommes sur le point de faire une tournée en France, au mois de juin 1970, avec Gene Vincent’’. Evidemment nous ne l’avons pas cru, nous fûmes convaincus lorsqu’il me montra les contrats, je me suis précipité pour téléphoner  à Maman et Papa ‘’ Devine, je suis sur le point d’accompagner Gene’’ c’était incroyable, je n’y ai vraiment cru que lorsque nous sommes retrouvés à Paris, nous étions arrivés au plus tôt,  sa voiture est arrivée directement de l’aéroport et jusqu’à ce que nous ayons vu Gene descendre de la voiture et venir nous serrer la main et rentrer dans l’hôtel, je n’y croyais pas, mais c’était parti… oui comme vous le savez, nous avons effectué cette tournée, Est-ce que les Houseshakers avaient répété avec Gene avant la tournée ? oui, oui nous l’avons fait, nous connaissions tout un tas de titres, je pense que nous avons reçu une setlist à partir de ce matériel, il aurait établi de toutes manières, quand je pense que la moitié du set était un matos que nous jouions durant nos propres shows, je me souviens d’avoir prévu que quand nous jouerions  notre propre set de ne pas interpréter quelques titres de Gene Vincent car il les jouait dans son tour de chant, aussi nous quelque peu changé le set en laissant de côté les morceaux que nous faisions avec Gene Vincent, je pense qu’à l’époque nous n’avons pas vraiment répété tant que nous n’avons pas assuré les premières prestations, c’était dans un endroit derrière, comme si c’était un show en plein air, je ne suis pas sûr du nom de l’endroit, mais c’était à peu près à deux cent kilomètres de Paris. Nous avons réalisé un show, il y avait cette vieille ombre en arrière-plan, et nous avions une pièce, une pièce vide dans une vieille baraque où nous nous sommes installés, après quelques essais et nous sommes passés au check sound,  en suite nous sommes dépêchés de nous installer devant le public qui arrivait. Un souvenir : je me rappelle que j’étais seul avec Gene, il était en train de gratter une guitare, je lui avouais qu’une   ballade que j’admirais depuis toujours parmi les siennes était Over the Rainbow, il chanta deux couplets en s’accompagnant à la guitare, j’étais assis et j’ai senti des frissons me traverser la moelle épinière, sans savoir que plus tard en 1980 j’aurai en Angleterre un hit en enregistrant Somewhere over the rainbow’’... Que faisiez vous, vous qui étiez le chanteur des Houseshakers

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    Houseshakers

    quand le groupe accompagnait Gene Vincent  Que pouvais-je faire, je tournais autour du groupe, je regardais les filles, et tout ce que vous pouvez imaginer, si ce n’est regarder Gene, puisqu’il il était mon héros, je signale un incident, j’ai été réprimandé par mon manager parce que je signais des autographes pendant que j’étais assis dans le public près de la scène, des filles et des gens arrivaient et je signais des autographes, le manager me l’a reproché, il m’a dit que ce n’était pas professionnel de signer des autographes, j’ai été joliment bouleversé plus tard, car j’ai pensé que Gene serait en colère, je suis allé le voir à l’hôtel, et j’ai tout expliqué, et il m’ répondu un truc style ‘’Hey man pourquoi te prends-tu la tête avec ça, je ne peux te reprocher ce genre d’action, continue, je te le conseille’’, par la suite vous savez combien ce fut cool  entre nous, tout se passa à merveille, il avait voulu un chauffeur pour explorer les environs, c’était un français, un gros gars que nous appelions le gorille car il était énorme et chevelu, il conduisait Gene par ci par là dans une citroën, ou une bagnole du même genre, une minuscule voiture, le gars était fatigué et avait besoin de se déplacer et ce gars qui était crevé devait mener Gene aux premières heures du matin il revenait de quelque part et nous roulions  dans le bus quand nous le vîmes sur le bord de la route avec Gene à l’intérieur. Nous nous sommes arrêtés pour voir ce qui n’allait pas, Gene raconta que le gars était crevé et qu’il s’était endormi au volant, qu’il conduisait très vite   qu’il était complètement taré, il ajouta ‘’je veux voyager avec vous les gars’’  par la suite Gene a voyagé avec nous dans le bus plutôt qu’avec ce type… Gene était à l’aise, toujours un truc à dire, Bonjour  les branleurs !  Holà  les agités ! Gene se comportait naturellement, il avait le sens de la répartie, il y avait des moments de rigolade chaque fois qu’il montait dans le bus… Une fois descendait dans  un hôtel Gene a avisé ce quotidien anglais, il était géré par Don Arden, et aussi un certain temps par la femme d’Ozzy, Gene a lu l’article sur Don Arden, nous avons vu son visage glisser s cette tournée particulière en France malheureusement ce n’était pas un manque de respect   envers quiconque de déclarer que nous étions très jeunes, Gene est monté sur ses grands chevaux, mais je pense que le gars était un fan et qu’il était en train de faire notre promotion, même si c’était maladroit, ça partait d’une bonne intention… La tournée était à court

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    d’argent, je pense que le père du gars, le père de l’ami qui avait mis de l’argent essayait de faire arrêter la tournée, c’est ainsi que les deux derniers shows furent annulés, comme Gene n’a pas été payé nous ne l’avons pas été non plus, nous fîmes tout de même le show mais Gene ne le fit pas. Il y a  eu d’autres désagréments  du même style. Dans un village, à Lons-le-Saunier, je me souviens qu’il y a eu une émeute, c’était un bâtiment de pierre, ils ont commencé à mettre le feu à des cartons, à des papiers, à des emballages, ces jeunes français protestaient parce que Gene n’apparaissait pas, ils ne nous ont fait aucun mal, ils étaient sympas et presque heureux de notre boulot, mais ils étaient en colère parce que Gene n’était pas là,  ils menaçaient de mort le manager, alors que nous nous nous apprêtions à sortir par la porte de derrière l’on se trouva face à des centaines  de fans français vraiment en colère, aussi nous avons désigné un des meneurs de ces mécontents comme leur porte-parole, il était capable de comprendre l’anglais et il nous a expliqué pourquoi ils étaient en colère et nous lui avons expliqué la situation,  il est  repartit expliquer aux fans la situation et ils se comportèrent comme des gentlemen, nous n’avons pas eu de problèmes, les gars nous ont laissé sortir du bâtiment, le truc c’est qu’ils se sont désintéressés du van et mais ils s’en sont pris aux pneus  de notre bus, plus tard ils regrettèrent leurs actes, le matin suivant ils revinrent, ils s’emparèrent des pneus, les ramenèrent gonflés, et les montèrent à leurs places. Voilà un genre d’aventure vraiment presque amusante, mais ils étaient encore joliment en colère de n’avoir pas

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    vu Gene, alors qu’en vérité Gene n’avait pas été payé… Gene était une des plus agréables personnes que vous pouviez rencontrer quand il n’avait pas bu, mais quand il avait bu, ce n’était plus la même personne, il a pu être un peu colérique avec nous quelques fois, spécialement envers les producteurs, vous connaissez les managers et surtout les promoteurs… quant à cette photo, cette photo a été prise en

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    France, en juin 1970, nous nous étions arrêtés pour prendre un café ou autre chose, j’ai juste demandé à Gene  de prendre une photo, je possède plusieurs photos avec Gene… il avait horreur de ne pas être payé, spécialement lors des tournées en France, il était hors de lui si le fric n’arrivait pas à l’heure dite, il s’agitait, il voulait son argent, si quelqu’un lui donnait un chèque comme une fois à à l’Université de Swansea, nous avions fait ce gig avec lui et à la fin du show le secrétaire général du College vint et dit – voici votre chèque, destiné à moi et aux Houseshakers, et voici le chèque pour Gene, pouvez-vous le lui donner, - non sa loge est en bas, descendez le lui porter vous-même – pourquoi c’est juste pour que vous  le  lui donniez ! Nous savions qu’il voulait du cash, nous nous sommes précipités derrière la porte,  le gars est reçu de cette façon – je ne veux pas de cette putain d’enculerie… l’on entend Gene  déchirer redéchirer et déchirer encore le chèque en jetant les morceaux à la ronde, le gars est ressorti blanc comme une merde… J’ai eu une 1959 Chevrolet Impala, ma première grosse américaine, j’étais juste en train de m’habituer à ce monstre, je me rends à cet hôtel in Heram prendre Gene, il s’était installé à l’arrière de la voiture, quelque chose clochait, soudain nous l’avons entendu s’étouffer et tousser,  Marcia dit à Gene ‘’nous ferions mieux d’aller à l’hôpital, c’est ton ulcère’’, au même moment dans le rétro j’ai vu Gene poser sa main sur la bouche de Marcia car il voulait que personne ne soit au courant de sa maladie,  tout de suite il se remet à tousser et à vomir du sang et de l’alcool au fond de la voiture, il était un peu délirant et nous l’amenâmes à l’hôpital le plus proche, nous passions le portail Gene lève les yeux et voit le mot ‘’hospital’’ il a tout de suite paniqué et crié ‘’ si vous me portez là-dedans vous pouvez aussi bien  dire adieu à cette putain de tournée’’ Marcia essaya de le persuader mais il répondit ‘’non, non, pas question, c’est fini si tu me mets là-dedans c’est fini !’’ aussi nous le ramenâmes, il s’endormit à l’arrière

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    de la voiture… j’ai dû emmener Gene faire une interview radio, je ne sais pas si vous l’avez entendue, le gars est mort tristement l’année dernière, un gars nommé Johnny Peel, Johnny était un bon gars, il était un big fan de Gene Vincent,  à l’époque il avait questionné  Gene sur son label Dandelion lors d’un show, nous sommes allés faire cette radio avec John Peel, aussi j’ai pris Gene à son hôtel, redoutant le pire, je venais juste de nettoyer la bagnole, Gene ayant été malade à l’arrière de la voiture, j’avais passé un bon moment avec un seau d’eau à nettoyer la voiture, donc je vais à l’hôtel prendre Gene, et il était en forme, de bonne humeur, il était brillant, il était bien, il était souriant comme à son habitude, il est sorti, allez on y va, on y va, nous avons roulé jusqu’au  Playhouse Theater in London, pour enregistrer ce show TV, non ce radio show pour John Peel… Plus tard après cette entrevue Gene      me dit : je suis vraiment désolé pour la voiture, je vais payer pour la faire nettoyer et laver correctement, j’ai répondu je m’en suis chargé, il m’a offert de l’argent, mais je n’ai pas eu le cœur de prendre cet argent car j’étais triste de voir qu’il était malade… L’ironie de cela est que je l’ai vu,   j’étais dans ma grosse Chevy, j’étais en train de conduire, je partais quelque part rencontrer une petite amie,  là où je me rendais se situait in West London, je débouchais sur le croisement de la Main Road lorsque j’ai vu une petite voiture venir sur ma gauche tut-tut klaxonna-t-elle, je regardais par la vitre et la première chose que je vis c’était Gene Vincent qui me fixait, il était dans la voiture d’un de mes amis, Lee Tracy qui conduisait, il se dirigeait vers le nord,  je baissais la vitre   Gene s’écria – Hello, comment vas-tu, pas de rancune ?   - non ai-je répondu, j’étais comment dire réellement stupéfait, surpris de voir Gene ainsi, ce fut ma dernière impression, c’était la dernière fois que je le voyais vivant car trois semaines plus tard j’ai entendu à la radio qu’il était mort, j’ai compris d’après mon expérience la gravité de ses problèmes d’estomac… il était une des icones du début du rock’n’roll, malheureusement sur la fin des fifties, les USA lui tournèrent le dos, ils n’ont pas reconnu qu’il avait eu par la suite encore   une bonne partie de sa carrière  en Angleterre et en Europe… je pense qu’en France, il était énorme, il était comme un héros, il l’était aussi dans la plupart de l’Europe, mais en Angleterre et en France il était encore un nom qui comptait, est-ce la faute à son problème d’alcool ou non tout un tas de personnes l’ont laissé tomber, je n’en sais rien, peut-être est-ce cela, mais il aurait mérité une plus grande reconnaissance, ironiquement il a été davantage reconnu à la fin du vingtième siècle et au début du vingt et unième siècle, il a obtenu le statut de héros et a été considéré comme l’une des principales icônes du rock’n’roll, maintenant davantage qu’à son époque, si Gene Vincent et les Blue Caps donnaient des concerts avec les fans qu’il a aujourd’hui je pense que ça serait à guichets fermés, je le pense fermement, hélas c’est trop tard.

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    Transcription : Damie Chad.

    Notes :

    Manifestement Graham Fenton puise dans ses souvenirs et ne donne que très peu d’indices chronologiques…

    Pour la description de la tournée française le lecteur se rapportera au livre paru chez Camion Noir : Gene Vincent, Dieu du rock’n’roll de Jean-William Thoury. Un ouvrage indispensable.

    Pour la séquence au Playhouse Theater, Gene Vincent  est interwieuvé par Keith Altham.

    Thelma Riley a été la première femme d’Ozzy Osbourne le chanteur de Black Sabbath, a-t-elle travaillé avec Don Arden ?   Graham ne confond-il pas avec Norm Riley qui fut manager de Gene aux USA qui était en Angleterre en 1960, il connaissait Larry Parnes qui organisa la tournée avec Gene Vincent et Eddie Cochran. Don Arden qui était le présentateur de cette tournée récupéra le management de Gene… peut-être n’ai-je pas compris ce que disait Graham. A ma décharge je dirais que les anglais ont vraiment un mauvais accent lorsqu’ils parlent leur langue !

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    L’album : I’m Back and I’m Proud est sorti le label Dandelion en janvier 1970 en Angleterre et en Mars 1970 aux USA. John Peel (1969 -2004), présentateur sur Radio 1 fut un véritable catalyseur historial de la musique rock. Notre Cat Zengler lui a consacré sur notre site plusieurs chroniques.

    Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 704 : KR'TNT ! 704 :LAISSEZ FAIRS / BOBBY LEE TRAMMEL/ SWALLOW THE RAT / HAROLD BRONSON / OUTSIDERS / ASHEN / AC SAPPHIRE / KRATON / ELVIS PRESLEY / GENE VINCENT+ SLIM JIM PHANTOM

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 704

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    02 / 10 / 2025

     

      

    LAISSEZ FAIRS / BOBBY LEE

    SWALLOW THE RAT / HAROLD BRONSON

    OUTSIDERS / ASHEN 

    AC SAPPHIRE  / KRATON / ELVIS PRESLEY  

        GENE VINCENT +  SLIM JIM PHANTOM

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 704

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    L’avenir du rock

     - Il faut toujours Laissez Fairs

     (Part Three)

             Comme tout le monde, l’avenir du rock se fait régulièrement piéger dans des conversations. Boule et Bill prennent un malin plaisir à causer de tout ce qui n’a aucun intérêt : la fucking politique, le fucking football et pire encore, les fucking bagnoles.

             Boule est le plus irascible :

             — T’as vu, les Zémirats, y vont encore augmenter l’prix du diesel à la pomp’ !

             Bill en bave de rage :

             — Sont bons qu’à enculer leurs chameaux ! T’en penses quoi de tout c’merdier, avenir du stock ?

             — Faut toujours Laissez Fairs.

             Après une longue minute de silence, Boule relance la machine :

             — T’as vu, les Zémirats y zont tous des Essuvés et des smartfonnes dernier cri, c’est-y-pas une honte ! Ça a pas l’air de t’choquer, avenir du trock !

             — Faut toujours Laissez Fairs.

             Bill s’en étrangle :

             — Tu trouves ça normal que les Zémirats y roulent dans des gros Essuvés alors que toi t’as qu’un vieux diesel tout pourri ?

             — Faut toujours Laissez Fairs.

             Boule et Bill examinent attentivement la bobine de l’avenir du rock. Ils le considéraient jusqu’alors comme un mec équilibré. Un mec comme eux, un Français de souche, avec des valeurs morales. Cette fois, ils ne cherchent plus à dissimuler leur déception. Boule reprend d’un ton menaçant :

             — Alors t’es d’leur côté ?

             — Vous ne comprenez rien. Faut toujours Laissez Fairs.

     

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             Avant de rentrer dans le vif du sujet, un petit correctif de rubricage s’impose : ce Part Three fait suite aux Parts One & Two qui s’intitulaient ‘Le loup des Steppes’, en mémoire des Steppes, le premier groupe de John Fallon. Mais depuis, la Seine a coulé sous le Pont Mirabeau, les Steppes appartiennent au passé (1984-1997), alors qu’avec les Laissez Fairs, John Fallon montre la direction de l’avenir. Le rock c’est par où ? C’est par là !

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             Cryptic Numbers sera donc le septième album des Laissez Fairs. Les six premiers albums sont épluchés dans les Part One & Two du Loup des Steppes. Si tu demandes à John Fallon ce qu’il écoute, il te répondrait certainement ce qu’a répondu un jour Allan Crockford à la même question : «Syd Barrett and the ‘Hooo.» T’as au moins deux Whoish cuts sur Cryptic, «Steal The Whole World» et «(Live In A) Garbage Can». T’y retrouves l’énergie des Who. Même power explosif. C’est dynamité dans la couenne du lard. Cut vainqueur et glorieux. Tellement anglais ! Même chose avec ce «(Live In A) Garbage Can» qui prend feu. L’incendie des Fairs ! British glorious blow up ! Pire que les Who ! Fallon explose le freakbeat ! Quel démon ! T’as aussi deux cuts directement inspirés de Syd Barrett : «Jennifer Down» et «Living In The Summer». Le Jennifer sonne comme une belle descente aux enfers à la Syd. C’est terriblement barré. Fallon tape au cœur du Syd System, avec un petit Wall of Sound. On retrouve bien sûr l’enfer du paradis dans «Living In The Summer». c’est exactement l’esprit du Piper, avec le wild embrasement et l’éclat de la modernité. Pas de meilleur hommage au génie visionnaire de Syd Barrett. Et puis t’as la Mad Psychedelia du «Chapter Three» d’ouverture de bal. Ça sonne même comme une Mad Psyché à l’agonie, t’as là un son unique au monde, qui va bien au-delà de tes expectitudes. Fallon monte à l’assaut de la surenchère. Il rejette aussi sec tout son dévolu dans la balance pour «Cryptic Friend». Il balaye tout sur son passage, il hisse son Fallon Sound au sommet du rock anglais. Il rivalise de power carnassier avec les Prisoners. On le voit plus loin bourrer le mou de «That Final Road» avec un killer solo de gras double mal embouché. Il lance ensuite une grosse attaque frontale digne de The Attack avec «Idiot Proof». Même sens du punch vinaigré. Et dans les bonus, tu tombes sur un «Primrose Hill» stupéfiant, un shoot d’heavy psychhhh de Fallonmania claironné aux arpèges marmoréens. Les Fairs s’hissent au sommet du genre.

    Signé : Cazengler, John Falot

    The Laissez Fairs. Cryptic Numbers. RUM BAR Records 2025

     

     

    Rockabilly boogie

    - Trammell trame quelque chose

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             Sacré Bobby Lee Trammell  ! Il a 14 ans quand Carl Perkins le fait monter sur scène au Netleton High School Auditorium, Arkansas, pour chanter un cut. Ça se passe bien «and Carl told me I should go and see Sam.» Sam le reçoit, mais il est trop busy. Il lui dit de répéter et de revenir dans deux ou trois semaines. No way ! Bobby Lee est trop impatient. Il décide de partir en Californie tenter sa chance - I didn’t have time to wait for Sun which was very stupid of me - C’est the Country legend Lefty Frizzel qui lui donne sa chance : une residency au Jubilee Ballroom de Baldwin Park, California. Un Country promoter nommé Fabor Robinson lui propose un million de $, et Bobby Lee lui rétorque fièrement que ça ne l’intéresse pas. Il fait 225 $ à l’usine Ford de 75 $ au Ballroom, et ajoute encore plus fièrement qu’il n’aurait jamais gagné tout ce blé en Arkansas ! Ça fait bien marrer Fabor Robinson qui lui file sa carte et qui lui dit qu’il pourra venir le trouver une fois qu’il aura réfléchi. Alors Bobby Lee se renseigne sur Fabor et le lendemain, il va chez lui à Malibu pour auditionner. Un mois plus tard, son premier single sort, «Shirley Lee», enregistré chez Fabor Robinson, avec James Burton et James Kirkland du Bob Luman Band.

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             On peut l’entendre sur une belle compile Bear, You Mostest Girl. «Shirley Lee» ! Wild energy. At the utmost ! Bobby Lee va chercher la pointe du Raz du wild rockab. Il est indomptatable ! Aw shirley Lee you’re the girl for me ! - Dans la foulée, t’as «I Sure Do Love You Baby», gratté au heavy drive de James Burton. Et puis bien sûr, Burton passe un solo acide !

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             Et crack, Bobby Lee part en tournée à travers tout le pays. Il joue au Louisiana Hayride - This was when I really started to tear up on all the shows - Il dit aussi qu’il était «much wilder than Jerry Lee or Little Richard.» Tout le monde veut voir Bobby Lee. Son single s’arrache. Il se retrouve sur ABC. Ricky Nelson adore «Shirley Lee» et en fait une cover. Bobby Lee est invité à chanter au Ricky’s TV show, mais Ozzy, le père de Ricky, le trouve trop rock’n’roll et lui demande de calmer le jeu. Même histoire que celle des Burnette Brothers. Bobby Lee envoie Ozzy sur les roses et commet une grosse erreur. Eh oui, un peu plus tard, il est avec Dorsey Burnette le jour où Dorsey récupère son royalty cheque et c’est le choc : 10 000 $. Bobby Lee comprend qu’il a encore perdu une occasion de fermer sa gueule. À cette époque, 10 000 $, c’est une véritable fortune.  Il comprend qu’il aurait dû composer des cuts pour Ricky Nelson, comme l’ont fait Dorsey et Johnny Burnette.

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             Il enregistre son deuxième single au Western Recorders d’Hollywood, «You Mostest Girl», mais on lui colle un big band et une chorale, et ça ne lui plaît pas, mais alors pas du tout ! - All I did was cut a, $5,000 flop - Alors Fabor Robinson retente le coup dans son home studio et cette fois ça marche. Mais bizarrement, le single ne décolle pas. Alors que c’est une bombe ! Un fabuleux drive d’heavy rockab. L’hit de Bobby Lee. Pur genius ! Aussi génial que Gene Vincent à Nashville ! Bobby Lee y reviendra plus tard pour une deuxième mouture, et cette fois, il va sonner comme Elvis. En B-side de Mostest Girl, on trouve «Uh Oh» un fabuleux rockab insidieux. Quelle merveille sexuelle !

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             Il repart en tournée et choque les gens à travers le pays. On le trouve «downright vulgar, ten times worse than Elvis Presley.» Interdiction de rejouer au Louisiana Hayride. Pas de Grand Ole Opry non plus. Fini la rigolade. Mac Curtis qui s’y connaît en cats de haut rang le qualifie de «real fire and brimstone cat», ce qui vaut pour le plus brillant des compliments. Quand il part en tournée avec Jerry Lee, Bobby Lee entre en concurrence avec le plus sauvage d’entre tous.

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             Et puis pendant les sixties, il devient «the first American Beatle». Ses fans l’accusent de trahison, mais il s’en fout : il survit - I kept working and these Beatles helped me 100% - Il loue des salles pour jouer, car personne ne veut le programmer. Il enregistre «New Dance In France» avec Travis Wammack on lead guitar et Roland Janes à la prod. En 1977, il se retrouve sur Sun, mais pas celui de Sam, celui de Shelby Singleton à Nashville.

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             Ça vaut vraiment la peine de continuer à écouter cette belle compile Bear, You Mostest Girl. Il faut le voir sauter sur Susie Jane dans «My Susie J My Susie Jane», bien relayé au déboulé, mais moins rockab. Puis on le voit glisser petit à petit dans la country et même le convivial atrocement con («Love Don’t Let Me Down»). Il suit son petit bonhomme de chemin, et nous on suit les yeux fermés son petit bonhomme de chemin. Retour à l’excellence avec «Twenty Four Hours» et «Am I Satysfying You», c’mon honey ! Bobby Lee reste le best wild cat de choc in town. Retour fracassant au rockab avec «Come On And Love Me». Il claque son baby comme un punk. Laisse tomber Sid Vicious, écoute plutôt Bobby Lee. 

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             On s’amuse bien avec l’Arkansas Twist de Bobby Lee. L’album est enregistré chez Chips Moman. Les cuts du balda sont assez classiques, mais intentionnels - Carolyn you’re all mine - C’est très cousu de fil blanc. Bobby Lee fait du rock’nroll, pas du rockab. La viande se planque en B. «It’s All Yout Fault» te réveille en fanfare : bel heavy groove d’attaque magique, pur Memphis Beat ! On découvre un grand chanteur avec «Uh Oh» et un jeu  de caisse claire superbe. La B ne sonne pas du tout comme l’A. Plus loin, un orgue à la Augie Meyers challenge «New Dance In France». Extraordinaire ramalama ! Encore de l’heavy groove d’orgue derrière Bobby Lee dans «You Make Me Feel So Fine». Quelle viande extravagante ! Bobby est un prince du Memphis Beat. Il a le meilleur son du monde. Il tape pour finir une cover de «Whole Lotta Shakin’». Bien sûr, il n’a pas la voix de Jerry Lee, mais il a du son et une stand-up énorme. Tu assistes ici à une fabuleuse montée en neige du Memphis Beat, un truc que reprendra à son compte Jim Dickinson. Mais là,  c’est  Chips  qui drive la bête et il transforme Bobby Lee en superstar !

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             Sur Toolie Frollie, Bobby Lee Trammell tape une belle cover de «Chantilly Lace». Grosse pulsion rockab et superbe presta du big Bobby Lee ! Il attaque son morceau titre d’ouverture de balda au pah pah ouh mah mah. Il a un petit côté Hasil Adkins. Bobby Lee reste un rocker assez puissant comme le montre «Betty Jean», tapé au pilon des forges. Il flirte avec le stomp. Son «Skimmy Lou» est plus rock’n’roll, mais avec une belle vitalité. Il ne mégote pas sur l’énergie. Avec «You Make Me Feel So Fine», on retrouve le rumble d’orgue d’Arkansas Twist. Il tape à la suite un fantastique boogie avec «Come On And Love Me». Il chante ça d’une voix de voyou qui guette le pékin moyen au coin de la rue. En B, il tape à l’efflanquée un slow rockab de classe supérieure, «Twenty Four Hours». On retrouve aussi le «Whole Lotta Shakin’ Goin’ On» de Jerry Lee et sa fantastique pulsion.   

    Signé : Cazengler, Trammell toi de tes oignons

    Bobby Lee Trammell. Arkansas Twist. Atlanta Records 1963

    Bobby Lee Trammell. Toolie Frollie. Dee Jay Jamboree 1984

    Bobby Lee Trammell. You Mostest Girl. Bear Family Records 1995

     

     

    L’avenir du rock

      Rat crawl

             Comme chaque année à la fin de l’été, l’avenir du rock convie ses amis à venir faire bombance sous son toit. Les voici attablés, prêts à festoyer. L’avenir du rock se lève et, s’aidant d’un petit clic-clic-clic de plat de couteau sur le cristal du verre, demande un moment de calme pour prononcer l’allocution de bienvenue :

             — Mes chers potes... Merci d’avoir ramené vos tronches de cakes.

             Les convives sourient mais n’en pensent pas moins. D’ordinaire, le langage de l’avenir du rock est un peu moins vernaculaire. Ceux qui le connaissent bien savent qu’il prépare un coup. Il poursuit, avec un bel accent des faubourgs : 

             — C’est un honneur que d’partager une gamelle avec des lascars d’vot’ acabit !

             Harold Ding ajuste son monocle et lance :

             — Tout l’honneur est pour nous, vieille branche !

             — Trêve de balivernes, les mecs ! Il est grand temps d’annoncer l’thème de la gamelle... Cette année, c’est le rat !

             Les convives s’attendent au pire. L’avenir du rock est tellement friand de trash qu’il est capable de lâcher des rats dans la pièce. Pour briser le silence qui suit l’annonce, Jean-Jean Valjean lance d’une voix de dindon inverti :

             — Dead cats dead rats ! Break on Trou to the river side !

             Jason Zon reprend la balle au bond :

             — Et si tu nous versais un coup de Rat Scabibine ?

             Émerveillé par la rock-inventivité de ses amis, l’avenir du rock éclate de rire. Sans transition, il annonce le plat de résistance, servi par deux putes : elles déposent devant chaque convive une assiette contenant un gros rat bouilli, complet, avec la queue.

             — Fini de rigoler, les gars, Swallow The Rat !   

     

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             Au temps d’avant, Third World War chantait «Doin’ the rat crawl». Le rat est toujours là, mais sous une autre forme : Swallow The Rat, un trio basé en Nouvelle-Zélande. Si tu creuses un peu, tu découvres que le guitariste est un expat texan. Et quand tu le vois jouer, tu sens nettement poindre en lui le vétéran de toutes les

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    guerres. Il s’appelle Brian Purington et il a joué dans des tas de groupes d’Austin, on ne va pas aller se fourvoyer là-dedans, car on y passerait la journée, et c’est un underground beaucoup trop ténébreux qui, comme beaucoup de choses, dépasse nos capacités limitées d’appréhension.

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             Swallow The Rat est un trio dont la loco s’appelle Hayden Fritchley, grand maître de l’hypno beat après Jaki Liebezeit. Fritchley est en plus l’une de ces perles rares qu’on appelle les batteurs chanteurs. Il tient bien la boutique du Rat. Et pour compléter le casting, t’as de l’autre côté de la scène un bassmatiqueur affûté qui fourbit un son rond et parfaitement appareillé au rat crawl. Tu rentres assez rapidement dans leur univers, car ils cultivent l’un des plus beaux Big Atmosphérix qu’on ait vus depuis le temps des Bury, et même le temps des Pixies. Dès qu’il écrase

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    sa grosse pédale Fuzz War, Purington déclenche l’apocalypse. Ce sont des apocalypses dont on raffole, car elles te jettent dans des tourbillons, elles te mettent la compréhension sens dessus sens dessous, elles t’évacuent en vrac dans l’havoc avide, elles te vident de ton vain, elles t’évident les ovaires, elles t’avalent les ovules, elles te volent ton havre, tu subis rubis sur l’ongle et tu dis amen quand ça s’amène,

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    t’es là pour ça, pour te faire éviscérer la cervelle, pour subir la tempête au Cap Horn, pour recevoir des gros paquets de mer en pleine gueule, et le Purington n’y va pas de main morte, il gratte des accords inconnus et se penche sur son manche pour faire jaillir des jus aigres et du poison sonique. S’il avait vécu au Moyen-Age, l’Inquisition l’aurait envoyé au bûcher. Les Swallowers ont le power, ils bâtissent de grandes zones hypno pour mieux sauter dans l’abîme. Sous sa casquette, Purington ourdit de sacrés complots contre l’équilibre sociétal. Il génère à la fois de la beauté et du chaos, c’est un sorcier des temps modernes.

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             Tu ramasses leur dernier album, South Locust, même si tu sais que tu ne vas pas retrouver l’intensité atomique du set. Mais au moins t’auras les carcasses. Et quelles carcasses ! Tu y découvres un truc qui t’a échappé pendant le concert : la

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    proximité avec l’early Sonic Youth. C’est flagrant dans deux cas : «Gravois Park» et surtout le «Cave» qu’ils ont joué dans la cave. C’est noyé d’excelsior, complètement soniqué du bilboquet. T’as du solide vrac d’havoc, ils font le lit du bedlam, ils traînent vraiment sous les jupes de Sonic Youth, mais en beaucoup plus pernicieux. L’autre smash joué dans la cave s’appelle «ZZK», un cut monté sur un mötorik à la Can, mais féroce, avec un bassmatic d’attaque frontale sur lequel Purington verse du vinaigre. Tu raffoles de cette morphologie. Tu retrouves aussi l’agressif «Idea Of South», ils écrasent tout sur leur passage, c’est noyé de big sound, ils te font le coup du flush suprême. Tu les prenais déjà au sérieux, et là c’est encore pire. On sent bien le wild as fuck dès le «Terra Nullius» d’ouverture de bal. Ils sont gavés de son comme des oies, Purington bâtit un gigantesque Wall of Sound. Tu retrouves ce bâtisseur dans «Chain Mail», ça dégouline d’heavyness maléfique, il te barde tout ça d’outrance, t’as l’impression que ça te colle à la peau. «Mind» est encore plus dangereux pour ta santé mentale, car c’est bien heavy, bien sans peur et sans reproche, solidement implanté dans la paume du beat. Fabuleuse essence d’excelsior parégorique ! Les cuts sont parfois très insidieux, comme ce «Small Plates», mais tellement volontaires, tellement rentre-dedans. Le déluge de feu est leur raison d’être.

    Signé : Cazengler, rat d’égout

    Swallow The Rat. Le Trois Pièces. Rouen (76). 15 septembre 2025

    Swallow The Rat. South Locust. Shifting Sounds 2023       

    Concert Braincrushing

     

    Wizards & True Stars

     - Harold on, I’m coming

     (Part Three)

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             Tiens revoilà le p’tit Harold Bronson, légendaire co-fondateur de Rhino. Rhino ? Mais  oui, bien sûr ! Rhino est à l’Amérique ce qu’Ace est à l’Angleterre, un gage de qualité. Aussi s’empresse-t-on de lire tout ce que gribouille le p’tit Harold. On l’aime bien, par ici. 

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             My British Invasion est son troisième book, et comme les deux précédents, c’est un book de fan extrêmement bien documenté. Bon d’accord, le p’tit Harold, c’est pas un styliste de la trempe de Stendhal ou de Louis Aragon, mais on ne lui en demande pas tant. Aussi longtemps qu’il nous racontera des histoires intéressantes, on lui ouvrira les bras.

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             Il procède par chapitres thématiques (Troggs, Spencer Davis Group, Manfred Mann, etc.). Il aborde aussi des thèmes que peu de gens songent à aborder : Emperor Rosko, les radios pirates, Granny Takes A Trip, Mike Chapman de Chinnichap, et quand il débarque à Londres, c’est pour interviewer Mickie Most. Notons aussi que ses chapitres sur le Spencer Davis Group et les Troggs sont pointus. 

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             Dans sa préface, il se plait à rappeler que l’Apple Records des Beatles servit de modèle au concept de Rhino Records - Conçu en août 1968 with high ideals, Apple incarnait la qualité que les fans pouvaient attendre des Beatles - Il cite d’ailleurs l’ouvrage de Richard DiLellos, The Longest Coacktail Party, qui narre le détail du «large number of naïve, absurd, hubristic and delusional projects.» Le p’tit Harold s’empresse d’ajouter que son collègue Foos et lui «did a lot of crazy things, but we always tried to keep our heads on straight.» En plus des disks, Rhino a aussi sorti des films et des books, ce qui n’est pas courant chez les record companies. Et comme Ace, Rhino s’est spécialisé dans les reds - Our goal was to provide an excellent package - des liners bien écrits et des photos rares - and a superior-sounding album.

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             Comme on le sait depuis Time Has Come Today - Rock And Roll Diaries 1967-2007, le p’tit Harold tenait un journal, et pour son panorama de la Brisish Invasion, il démarre en 1971, quelques années après la bataille. Il voit Sabbath sur scène (qui sont d’actualité, puisque l’Ozz vient de casser sa pipe en bois). Il les voit en septembre 1971 au Long Beach Arena. La foule est jeune dit-il et il se sent vieux, alors qu’il n’a que 21 ans - Black Sabbath’s music was simple but solid - Voilà tout est dit. Il est enchanté par le «good-natured demeanor» de l’Ozz, en contraste avec le sérieux des trois autres cavemen. Il aura l’occasion d’interviewer l’Ozz un an plus tard et le trouvera charmant - a willing and engaging conversationnist - qui avoue humblement que les Beatles sont ses chouchous. L’Ozz rêvait même de voir sa sœur épouser Paul McCartney. Puis c’est avec l’«heavy guitar sound» de «Really Got Me» que l’Ozz dit avoir découvert sa vocation.

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    Le p’tit Harold rencontre aussi Emitt Rhodes qui, comme McCartney, vient d’enregistrer un album solo sans titre tout seul. Il avoue ensuite sa déception à l’écoute d’Exile On Main Street - Few tracks were of a high standard - Les «songs» comme il dit sonnent comme des «uninspired jams and the sound was muddy.» Il trouve aussi que Keef chante mal son «Happy». Il voit aussi Ramatam sur scène au Whisky. Il trouve Mitch Mitchell pas très bon, April Lawton charmante, mais ça ne suffit pas à cacher la misère des «mediocre songs and arrangements». Et puis t’as Mike Pinera, l’ex-Iron Butterfly. Toute une époque ! Il règle aussi son compte au School’s Out d’Alice Cooper et ses «many negligible tunes». Mine de rien, on est d’accord avec le p’tit Harold sur pas mal de choses.

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             Après un vaste chapitre consacré aux Herman’s Hermits, il passe enfin aux choses sérieuses avec Manfred Mann. Il commence par demander à son lecteur : quel est le the most proficient British Band ?, c’est-à-dire compétent - Les Beatles ? Les Rolling Stones ? Les Yardbirds ? Les Who ? My answer; Manfred Mann - Il commence par les décrire, Manfred Mann et son collier de barbe, et les autres qui semblent se réveiller d’une nuit passée à dormir sur le plancher, mais, ajoute-il, «comme ils ne sont ni des bad boys comme les Stones, ni aussi charismatiques que les Beatles, ni des flashy showmen comme les Who, alors ils ne retiennent pas l’attention.» Le p’tit Harold rappelle que les deux Jones s’entendaient bien, à l’origine des temps, le Paul et le Brian. Ils enregistrent une cassette pour Alexis Korner, espérant décrocher un job au Ealing Jazz Club. Mais ça ne marche pas. Alors Brian demande à Paul s’il veut bien monter un groupe avec lui et Keef. Paul décline l’offre, car il vient de s’engager avec Manfred Mann. Il va vite devenir une «consumate pop idol». Manfred Mann vient du jazz et il comprend que s’il veut survivre, il doit enregistrer des commercial singles - It was jazz men trying to make a living - Puis Paul Jones quitte Manfred Mann. It was devastating. Il sera remplacé par Mike d’Abo.

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             Le p’tit Harold passe tout naturellement aux Yardbirds - I rank the Yardbirds third to The Beatles and The Rolling Stones on artistic innovation - Quand Clapton quitte le groupe, tout le monde est soulagé. Jeff Beck qui le remplace ne supporte pas de voir l’asthmatique Keith Relf sortir son atomiseur sur scène. «I’m joining an asthmatic blues band», s’exclame-t-il. Beck a tout de même des bons souvenirs des Yardbirds, surtout du soir où Giorgio Gomelsky l’a emmené voir jouer Howlin’ Wolf dans un club : «There were Negroes standing and sitting everywhere eating chicken and rice. And up the stage was Howlin’ Wolf dressed in a black dinner jacket and sitting on a stool playing some battered old guitar.» Les Yardbirds considèrent Giorgio comme le 6e membre du groupe. Ils le surnomment Fidel Castro. Mais il y a un problème de blé. Ils ne pensent pas que Giorgio les arnaque, mais c’est un mauvais gérant - He was bad with finances - Alors ils le virent, et bien sûr, ça lui brise le cœur. Simon Napier-Bell devient alors le manager des Yardbirds en avril 1966. Il les trouve charmants, «gentle souls with good manners». Mais ce n’est pas la même ambiance qu’avec Giorgio, le contact ne se fait pas. C’est là que les Yardbirds enregistrent Roger The Engineer. Puis ils sortent «Over Under Sideways Down» : Jeff Beck sort le riff sur sa fuzz-tone guitar. Pour le p’tit Harold, «Jeff is brillant. In my opinion, the best playing of his carrer was with the Yardbirds.» Et quand Samwell-Smith quitte les Yardbirds, «they lost the creative heart of the band.» C’est là qu’arrive Jimmy Page. Jim McCarthy raconte : «On jouait en Écosse, Beck et Page portaient des vestes militaires avec des German Iron Crosses et on leur a craché dessus. Jimmy seemed interested in instruments of perversion. Every now and then he’d talk about the Marquis de Sade.» Les Yardbirds passent à la vitesse supérieure. Mais Jeff Beck décroche, rate des concerts, et quand il joue, il commence à démolir son ampli. Il ne supporte plus d’entendre l’atomiseur de Keith Relf pendant qu’il passe un solo. À force d’absences et de sulking (c’est-à-dire qu’il boude) Jeff Beck est viré - He was more from a car mechanic background - et Chris Dreja d’ajouter : «He’s a slightly out of control egomaniac.» Les Yardbirds ne sont plus que quatre. Jim McCarthy : «The four of us was the best combination we’d had.» Simon Napier-Bell finit par se laver les mains du groupe, les qualifiant de «miserable bloody lot» et trouve que Paul Samwell-Smith et Jimmy Page sont les plus «troublesome». Il les refourgue à Mickie Most. C’est là que Peter Grant devient leur manager. On connaît la suite de l’histoire.  

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    Rosko sur RTL

             Parmi les objets de curiosité, le p’tit Harold épingle Larry Page qui fut manager des Kinks avant de se faire virer, puis manager des Troggs. Le p’tit Harold le rencontre, le trouve ni flamboyant ni excentrique, but he was a character. Dans le chapitre qu’il consacra à Rosko, il nous apprend que Rosko est américain, qu’il a grandi à Beverly Hills et qu’il fit embaucher Sly Stone dans une radio de San Francisco. Comme il avait appris le français au collège, Rosko s’installa à Paris et fit le DJ pour Eddie Barclay. Il étendit son règne impérial sur Radio Caroline et Rhino rêvait de consacrer un docu aux Radios Pirates. Le p’tit Harold évoque bien sûr Ronan O’Rahilly qui transforma un ferry néerlandais en Radio Pirate qu’il baptisa Caroline, en l’honneur de la fille de JFK récemment dégommé. Il avait paraît-il un buste de JFK dans son burlingue et lorsqu’il voyageait, il le faisait incognito, signant les registres du nom de Bobby Kennedy.

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             Le p’tit Harold rencontre aussi Andrew Lauder à Londres, qui vient tout juste de lancer un «local power trio», the Groundhogs. Il rencontre aussi Roy Wood qui n’est pas un «great concersationalist». Ses réponses sont courtes et conventionnelles. Roy Wood cite John Barry parmi ses références. Il dit aussi admirer Led Zep et les Carpenters. Le p’tit Harold rencontre aussi Hawkwind et trouve Lemmy «amiable despite  his intimidating 1950’ rocker look». Le p’tit Harold trouve le son d’Hawkwind «similar to Black Sabbath’s, mostly based around riffs», avec des hippie folk roots. Il ajoute qu’on qualifie leur son de space rock. Au moment où le p’tit Harold les voit, Robert Calvert vient de les quitter. Bien sûr, Lauder refile au p’tit Harold l’album que vient d’enregistrer Calvert, Captain Lookheed & The Starfighters - I preferred it to Hawkwind which I felt had been diminished by Calvert’s departure.

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              Le p’tit Harold rencontre Spencer Davis en 1971, longtemps après la bataille. Premier rappel : le Spencer Davis Group vient de Birmingham, deuxième ville d’Angleterre après Londres, d’où viennent aussi les Moody Blues, les Move, la moitié de Led Zep et bien sûr Sabbath. Quand il monte le Spencer Davis Group, Spencer Davis est déjà un vieux de la vieille : en 1962, il se produisait dans les coffeehouses berlinoises : il chantait Woody Guthrie, Joan Baez et Ramblin’ Jack Elliott. Puis à Birmingham, il voit le Muff Woody Jazz Band et note que le très jeune Stevie Winwood «played piano like Oscar Peterson, and he was incredible. He played the melodica in addition to singing». Il n’avait pas encore 15 ans et sonnait comme Ray Charles, «and it just knocked me sideways.» C’est là que Spencer Davis lui propose de monter un groupe. Stevie accepte à condition que son frère Muff soit de la partie. Ils récupèrent Peter York qui est un jazz drummer, et le Spencer Davis Group démarre en avril 1963. Tout le monde se met d’accord sur le nom de Spencer Davis Group. C’est toujours mieux que The Rhythm And Blues Quartet. Ils commencent à écumer la scène locale, et dans le public se trouvent des gens comme Robert Plant et Noddy Holder. Chris Blackwell leur décroche un contrat chez Fontana en août 1964. Ça ne traîne pas. Ils commencent par des covers : «Dimples» (John Lee Hooker), «Every Little Bit Hurts» (Brenda Holloway). Mais leurs premiers singles floppent, Puis ils tapent dans le «Keep On Running» du Jamaïcain Jackie Edwards, ils virent le côté ska pour le remplacer par un riff de fuzz inspiré de celui de Keef dans «Satisfaction». Gros succès. Puis attiré par l’hippie folky folkah, Stevie Windwood annonce son départ. Sa décision fait des ravages dans le groupe, alors que leur single «I’m A Man» est encore dans les charts. Et bien sûr, lors de son interview avec le p’tit Harold, Spencer Davis indique qu’il n’a jamais été payé au temps du Spencer Davis Group - On paper I had a lot of money, in the bank I had nothing. Where was it after all those smashes? - Dans la poche de Blackwell, de toute évidence. Classique.

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             On passe aussitôt aux Kinks et à «Really Gor Me», loud and raw comme chacun sait. Le p’tit Harold précise que Ray Davies avait son propre style, comme Dylan avait le sien. Par contre, Nicky Hopkins n’a pas une très haute opinion des Kinks : «Après le Village Green LP, j’ai arrêté de bosser avec eux. Ils ne m’ont pas payé pour les sessions, et j’ai fait aussi pas mal de télés avec eux. Je suis vraiment dégoûté. Sur l’album, Ray est crédité pour le chant, la guitare et le piano. Jeez ! I did seventy-five percent of the keyboard work and I didn’t get the proper credit. Je ne travaillerai plus jamais pour lui. They’re greedy bastards. Ray Davies is so tight his arse speaks when he walks.» Et crack !    

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             Au début de l’histoire des Troggs, on retrouve Larry Page. Après avoir été viré et poursuivi en justice par les Kinks, Larry Page ne rêvait plus que de vengeance. Pour ça, il devait trouver un autre groupe et en faire des hitmakers. On lui recommande les Troglodytes. On lui dit que leur cover de «Really Got Me» est meilleure que la version des Kinks. Page tient sa vengeance. Il signe le groupe et les rebaptise Troggs, comme il avait rebaptisé les Ravens en Kinks. Puis il rebaptise Reginald Maurice en Reg Presley et Ronnie Mullis en Ronnie Bond. Il demande ensuite à la boutique Take 6 de leur tailler des costards. Ce sont les fameux costards rayés qu’on voit sur la pochette du premier album des Troggs. D’une certaine façon, Larry Page a dû reformater ces quatre lascars originaires d’Andover, un bled paumé de l’Hampshire dont on qualifie les habitants de «country bumpkins» ou encore d’«hicks from the sticks». Larry Page leur fait enregistrer leur premier single sur du rab de temps de studio et Reg raconte qu’ils ont dû installer leur matos en un quart d’heure pour enregistrer ensuite «Wild Thing» et «With A Girl Like You» en vingt minutes. Reg dit aussi qu’il fait un solo d’ocarina, parque qu’il y en avait un sur la démo que Page leur a refilé. Les 45 minutes de leftover studio time ont été assez rentables puisque «Wild Thing» et «With A Girl Like You» ont été deux number ones, l’un en Angleterre et l’autre aux États-Unis. Ils enregistrent ensuite leur premier album en trois heures. Les cuts ne sont même pas terminés quand ils entrent en studio. Ronnie Bond raconte que Reg écrivait les paroles pendant que les trois autres enregistraient les backings. Le p’tit Harold indique que, comme les Beatles, les Troggs chantent des chansons d’amour, mais il ne s’agit pas du même amour : les Troggs privilégient un «lust-driven, sexually insatisfied caveman intent on ripping off the dress of the nearest appetizing girl and having a go at it.» Si les Troggs plaisent tellement à une certaine catégorie de la population, c’est sans doute à cause ou grâce à leur «we’re-tough-we-don’t-care punk attitude». On qualifie leur son de «simple» et le p’tit Harold les compare volontiers à Sabbath et aux Ramones. Quand on propose au gros billet aux Toggs pour une tournée américaine et un passage à l’Ed Sullivan Show, Larry Page refuse, car, radin comme il est, il craint de perdre de l’argent sur la tournée. Quand le Troggs apprennent la triste nouvelle, ils sont écœurés car bien sûr la décision a été prise sans eux, alors qu’ils rêvaient d’aller jouer aux États-Unis. Résultat : Page est viré. Ça fait tout de même la deuxième fois qu’il est viré par un groupe qu’il a lancé. Ce qui ne l’empêchera pas de sortir Trogglodynamite sans le consentement du groupe. Le p’tit Harold trouve que cet album est nettement inférieur au premier, ce qui est parfaitement juste. Mais après avoir viré Larry Page, les Troggs n’auront plus jamais un autre hit. Et bien sûr, l’Ozz adorait les Troggs et leur «very sexual» aspect.

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             Le p’tit Harold consacre l’un de ses plus gros chapitres au Dave Clark Five et plus précisément à Dave Clark qui débuta en achetant un drum set pour deux livres à l’Armée du Salut et qui apprit les rudiments. Un Dave qui avait quitté l’école à 15 ans, mais qui avait un sens aigu des affaires. Très tôt, il monte une publishing company pour le Dave Clark Five - Dave was a controlling person - C’est un mec spécialisé dans les arts martiaux, dont le karaté. Dave est aussi le producteur du Dave Clark Five, ce qui est nouveau à l’époque. Il trouve une combine pour avoir de l’écho sur «Glad All Over», son premier big hit. Dave est aussi le manager du groupe. D’instinct, il sait prendre les bonnes décisions et sait choisir ses collègues. Mike Smith est le musical genius du groupe, pianiste formé au conservatoire et co-auteur d’hits avec Dave. En 1964, Dave fait signer un contrat de 5 ans aux membres du groupe. Il les salarie : 50 £ par semaine, quatre semaines de congés payés et pas de royalties sur les ventes de disks. Ils devaient en outre rester disponibles 24 h/24, ils devaient prendre soin de leurs instruments, et suivre les consignes de Dave en matière de look : fringues et coupes de cheveux. Le line-up n’a pas bougé pendant les 9 ans qu’a duré le groupe. Petite cerise sur le gâtö : Dave, que le p’tit Harold surnomme Handsome Dave, est l’épitome du charme, quand il s’adresse à une gonzesse, il lui dit «luv» et se plaint qu’il est impossible de trouver une bonne tasse de thé aux États-Unis. Le Dave Clark Five plait tellement à Ed Sullivan qu’ils seront invités 12 fois dans son show, «more than any other rock band». Pour les tournées américaines, les DC5 rachètent un jet privé aux Rockefeller. Ils font peindre DC5 en grosses lettres sur le côté. Ils font 6 tournées américaines et du coup, le DC5 a plus d’hits aux États-Unis qu’en Angleterre. On qualifie leur son de «Tottenham Sound», ce qui les distingue du Mersey de Liverpool et de Londres. En 1965, ils sont plus populaires que les Herman’s Hermits et les Stones. Dave arrête le groupe en 1967. Bien sûr, Rhino veut leur rendre hommage avec une box, vu que les albums n’ont jamais été réédités. Dave qui avait récupéré les masters refusait de les céder. Il pensait qu’en bloquant les rééditions, la cote du DC5 allait monter. Et Comme il avait investi dans l’immobilier, Handsome Dave n’avait pas besoin de blé. Mais la cote du DC5 n’a jamais monté. Loin des yeux loin du cœur, comme on dit. Le p’tit Harold a beaucoup insisté pour convaincre Handsome Dave de faire une box en hommage au DC5, mais Handsome Dave a toujours dit non. 

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             On retrouve aussi l’interview de Mickie Most publiée dans Time Has Come Today - Rock And Roll Diaries 1967-2007, où Mickie explique qu’il n’a pas voulu produire les Stones car il les trouvait trop indisciplinés, arrivant en studio à minuit, alors qu’il voulait être rentré chez lui de bonne heure pour dîner en famille. L’interview de Mike Chapman est intéressante. Chinninchap ont d’une certaine façon inventé en glam. Mais le hits glam anglais (Mud, Showaddywaddy, Cockney Rebel, Slade et Wizzard) ne sont pas des hits aux États-Unis. Chapman bosse comme barman dans un club qui appartient au père de Nicky Chinn, et c’est là qu’ils se rencontrent. Ils  décident d’écrire des chansons ensemble et en 1971, ils démarrent avec «Funny Funny» pour les Sweet. Mickie Most prend Chinninchap sous son aile et leur demande de pondre des hits pour les glamsters qu’il enregistre sur son label RAK. Alors ils pondent. Cot cot ! Suzi Quatro, Mud, et puis Sweet. Quand ils se mettent au boulot, ils commencent par le titre, puis ils travaillent la mélodie et finissent avec les paroles. Ils composent «Little Wally» pour Sweet - Little Willie Willy won’t go home - Le côté comique de l’histoire, c’est que Willie est le slang de pénis. Chapman pense qu’il faut aller bosser aux États-Unis et il produit des albums pour Rick Derringer, Smokie, Suzi Quatro et Blondie.

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             On garde le meilleur pour la fin : Marc Bolan, John Lydon et les Zombies. C’est là où le p’tit Harold casse bien la baraque. Il est assez fasciné par Marc Bolan, il qualifie son style vocal de «subtle, sensual, direct and snarlingly animalistic.» Il le trouve très anglais, assez proche de Ray Davies, «and a dedicated follower of the fashion, modeling a magnetic gold-threated coat, black satin pants and girls orange Mary Jane shoes.» Quand le p’tit Harold lui demande pourquoi il ne joue pas de solos, Marc lui répond sèchement : «I do. On stage.» Il rappelle que «Get It On» sur scène dure 20 mn - I blow my head off and I play to the audience - Il s’enflamme et lance : «Look out, man, I’m really Marc Hendrix!» Il se calme un peu et rappelle qu’il n’a jamais été un «folkie» - I started with an electric rock band which was called John’s Children. I started with a 1962 Les Paul and a 400-watt stack.» Marc remet les pendules à l’heure : «There were three records: ‘My White Bicyle’ by Tomorrow, ‘Granny Takes A Trip’ by the Purple Gang and ‘Desdemona’ by John’s Chidren. Dynamite records. Dynamite! Those records are what you would call turntable hits. They got mass airplay - mass - but they didn’t sell a fucking record because they were three years too soon. Each one would be a number one, no doubt about it.» Il ajoute que l’underground a mis du temps à s’établir en Angleterre. Marc rappelle qu’il est monté sur scène en première partie de Van Morrison à l’âge de 17 ans. Le p’tit Harold lui demande pourquoi il a quitté les John’s Children et Marc dit qu’ils voulaient faire de lui un Monkee - When I left John’s Children, they took my guitar away. They took my Les Paul and sold it. They took my stack and sold it - Puis Marc va commencer à démystifier le star system - Don’t believe there’s security in being a star - Il indique au passage qu’il n’y a de sécurité nulle part, puisqu’on va tous mourir. Il espère pouvoir conduire le Royal Philharmonic Orchestra «because that’s what I hear in my head. If not, I’ll retreat into my country Welsh island and disappear. I’ll send bootlegs out.»

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             Le p’tit Harold est fan du Lydon’s book, No Irish No Blacks No Dogs. Il rêve de tourner un film adapté du book. Il rencontre Lydon à Santa Monica. Lydon a grossi. Le p’tit Harold le qualifie de «good conversationalist». Il faut trouver un scénariste pour adapter le book. C’est Jeremy Drysdale. Il passe 8 heures avec John Lydon et ils descendent 36  bières. Mais le projet va se casser la gueule. John Lydon demande si son personnage peut être joué par une femme, ou un gosse black, ou un vioque. Sur le moment c’est perçu comme une mauvaise idée, sauf que Todd Hayes va l’utiliser dans son portrait de Dylan, I’m Not There - I guess John was ahead of his time.

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              Autre groupe fétiche : les Zombies - Low budget horror movies were the rage with teens in the early sixties, so it was no surprise that original bassist Paul Arnold sugested ‘The Zombies’ - En 1964, ils ont déjà un problème de look - They looked like erudite schoolboys. Two even wore glasses - Le p’tit Harold se marre bien quand il ajoute que s’ils avaient été managés par Larry Page, celui-si les aurait déguisés en chimistes avec des blouses de laboratoire et des éprouvettes fumantes.   Comme «She’s Not There» se retrouve dans le Top Five américain, les Zombies sont expédiés vite fait au Murray the K’s Christmas Show at the Brooklyn Fox Theater. Ils se retrouvent à la même affiche que «Chuck Jackson, Ben E. King & The Drifters, The Shirelles, Dick & Dee Dee, The Shangri-Las, Patti LaBelle & The Bluebells, The Vibrations, Dionne Warwick, The Nashville Teens and The Hullabaloos.» Difficile à croire nous dit le p’tit Harold, mais les Zombies ont une grosse influence sur des gens comme les Byrds, Vanilla Fudge et Left Banke qui jouent des Zombies covers sur scène. Peu de temps après, nos cinq Zombies sont de retour aux États-Unis pour participer au Dick Clark Caravan of Stars, en compagnie de «Del Shannon, Tommy Roe, The Shangri-Las et dix autres artistes.» Ils arrivent aux Philippines pour jouer devant 10 000 personnes à l’Arenata Coliseum et on leur donne 300 $ à se partager en cinq. Ils sentent qu’il y a une petite arnaque. Puis on leur confisque leurs passeports et on leur donne des gardes du corps, pour soit-disant assurer leur sécurité. Les Zombies craignent pour leur vie. Rentrés au bercail sains et saufs, ils enregistrent Odessey & Oracle pour 4 000 $ (alors que les Beatles en avaient claqué 75 000 sur Sgt Pepper) et le p’tit Harold trouve que les chansons des Zombies sont bien meilleures que celles de Sgt Pepper. C’est le graphiste Terry Quirk qui s’est vautré en dessinant le titre : Odessey plutôt qu’Odyssey, mais personne ne l’a vu. Comme Rod Argent et Chris White empochent des royalties de compositeurs, les autres sont jaloux. Ils se plaignent de devoir prendre le métro alors et Rod et Chris roulent en bagnoles de sport. Et c’est là que le groupe splitte. Les trois autres sont obligés de prendre des jobs pour manger et payer leur loyer, car le groupe en tant que tel ne rapporte pas assez. Colin Blunstone bosse comme agent d’assurance, Hugh Grandy vend des bagnoles, et Paul Atkinson bosse dans une banque. Deux ans plus tard, ils sont tous de retour dans le music biz, Colin avec sa carrière solo, Hugh chez CBS, et Paul comme A&R chez CBS. L’un des premiers groupes que signe Paul n’est autre qu’Abba. De passage à Londres, Al Kooper achète quelques albums d’occasion sur King’s Road et flashe sur Odessey & Miracle qui «stuck like a rose in a garden of weeds». Comme il est A&R chez CBS, il parvient à convaincre son boss Clive Davis de rééditer l’album. Mais Odessey & Oracle ne se vend pas aux États-Unis. Tout le monde trouve l’album génial, mais il n’est pas assez commercial. Le groupe va se reformer en 2001 et en 2015, ils ont joué Odessey sur scène. Et voilà, c’est tout ce que le p’tit Harold peut en dire à l’époque. C’est déjà pas si mal.

    Signé : Cazengler, Bronson of a bitch

    Harold Bronson. My British Invasion. Vireo Book 2017

     

     

    Inside the goldmine

     - L’outsiding des Outsiders

             Tox portait bien son nom. Rien à voir avec les drogues. Ce qui était toxique en lui, c’était tout simplement sa connerie. Le pauvre ! Toutes les formules de Jacques Audiard le concernaient directement, à commencer par la plus célèbre, «Les cons, ça ose tout ! C’est même à ça qu’on les reconnaît.» Ou encore celle-ci, «Quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner.» Dommage qu’Audiard n’ait pas connu Tox, car il se serait régalé. Il aurait pu dire de Tox un truc du genre : «Dommage qu’on ne taxe pas la connerie. Tox rapporterait une fortune à l’État.» Ou encore celle-ci : «Si la vie était bien faite, Tox serait élu roi des cons.» C’est vrai qu’on reconnaît Tox à sa connerie, car il osait tout. C’est vrai qu’il semblait tourner en orbite. C’est vrai qu’à chaque rencontre, il réveillait l’Audiard qui sommeille en nous. Ça devenait presque automatique. «Si les cons n’existaient pas, alors il faudrait inventer Tox.» Tox n’en finissait plus d’inspirer ton imaginaire. Au point où on en était, on finissait même par parodier Audiard : «Après la mort, l’esprit quitte le corps, sauf chez Tox.» Ou encore : «Si Tox pouvait se mesurer, il servirait de mètre-étalon.» Ou encore : «Quand on est con comme Tox, on porte un écriteau, on prévient.» Le pauvre Tox, il ne semblait se douter de rien. Il rentrait dans les conversations en prenant la posture d’un mec intelligent et tatoué, il gueulait un peu pour imposer un point de vue, sa petite voix criarde sonnait tellement creux qu’il nous faisait de la peine. Pire que ça : il nous faisait pitié. Mais bizarrement, quand les gens commencent à nous inspirer de la pitié, on les voit autrement. L’angle change. Le doute s’installe. On se sent devenir con. Le con n’est pas toujours celui qu’on croit. Et comme le disait si justement Audiard, «Un intellectuel assis va moins loin qu’un con qui marche.» C’est tellement vrai. Il faut parfois toute une vie pour le comprendre.

     

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             Pendant que Tox défraie la chronique, Tax règne sur l’underground néerlandais des mid-sixties. Tox et Tax sont tous les deux victimes de quiproquos, alors après avoir élucidé le mystère de Tox, penchons-nous sur celui de Tax.

             On  a longtemps considéré Wally Tax, le chanteur des Outsiders, comme l’équivalent de Phil May. Alors on a traqué les albums. Ça n’a pas toujours été très facile.

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             On avait à l’époque ramené de Londres une belle compile des Outsiders, Touch. Un Touch qui démarrait avec l’excellent «Story 16» et sa belle tension protozoaire. Cut aussi très Seeds, par son côté insistant. Plus loin, «Lying All The time» sonnait comme un cut des Byrds et il fallait attendre «That’s Your Problem» pour renouer avec les Pretties et les fameuses virées de wild bassmatic signée John Stax. En B, le morceau titre renouait avec la belle tension sixties agrémentée de coups d’harp et tout allait finir un mode dylanesque avec «Ballad Of John B» et «Thinking About Today». Du coup, on éprouvait une légère déception.

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             Puis t’as Pseudonym qui s’est mis à rééditer tout l’Outsidering, à commencer par C.Q. devenu C.Q. Mythology, un fat double album. Très bel emballage mais rien dans la culotte. Tu croises les cuts en version chantée et en version instro, mais tu ressors bredouille des quatre faces. Même déception qu’avec les reds Pseudonym de Q65.

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             Chaque fois que tu croises un bel Outsiders dans le bac de Born Bad, tu le sors et c’est un Pseudonym. Tu te fais encore avoir avec Afraid Of The Dark, un live enregistré en 1967 qui démarre sur «Bird In A Cage» et les coups d’harp de Wally Tax. Ils ont un son assez confus, animé par le bassmatic dynamique d’Appie Rammers. La viande est en B, avec «Story 16». Les coups d’harp de Wally Tax valent bien ceux d’Arthur Lee. Wally fait les Pretties et reprend toute la transe de Van the Man dans le pont de «Gloria» - So tight/ Awite - Il te chauffe ça au c’mon, c’est puissant et c’est même un fleuron du protozozo, ça monte bien en température. Dommage que tout ne soit pas de ce niveau chez les Outsiders. Ils se tirent une balle dans le pied avec la poppy popette d’«I Wish I Could». Ils sauvent les meubles en bout de la B avec un «Won’t You Listen» ramoné à la fuzz, c’est un gros ventre à terre, ils ne rigolent plus, Wally fait ton protozozo, et derrière, Appie Rammers fait de la haute voltige.

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             C’est avec Monkey On Your Back: Their 45s qu’ils s’en sortent le mieux. Ce fat double album rassemble tout le protozozo des Outsiders, à commencer par l’imparable «You Mistreat Me», même harsh, même désaille de la voyoucratie vocale que celle des Pretties. Pretties encore avec «Felt Like I Wanted To Cry» et «That’s Your Problem» : ils sont en plein dans les dynamiques des early Pretties. Pretties encore en D avec «Touch». On re-croise aussi le «Lying All The Time» qui sonne comme un hit des Byrds, et le «Ballad Of John B» plus dylanesque. Et puis en D, t’as ce «Talk To Me» qu’on dirait sorti d’un EP des Them : on y retrouve la tension de «Gloria» et de «Story 16». Le reste n’est pas bon.

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             Alors t’as aussi le photo sound book d’Hans Van Vuuren, The Outsiders - Beat Legends, paru en 2010. D’ailleurs, c’était le seul book au merch du Beatwave à Hastings. À l’époque de sa parution, Crypt le proposait dans son catalogue, alors on l’a rapatrié, car on s’attendait à monts et merveilles. Ni grand format, ni petit format, il se situe entre les deux. Autre avantage : c’est un photo book, c’est écrit dessus, comme le Port-Salut. T’as tout juste une introduction de deux pages en néerlandais et en anglais, donc t’as pas grand chose à te mettre sous la dent. Tu ne perds donc pas ton temps à lire les louanges d’un groupe que tu sais limité à une poignée de singles,  «That’s Your Problem», «Story 16» et «You Mistreat Me».

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    (1965)

             Quand il débute en 1961, le groupe s’appelle Jimmy Ravon & The Outsiders. Wally Tax y gratte ses poux. C’est en 1964 qu’ils deviennent les Outsiders avec Wally au chant et aux poux.  Le batteur Leendert Buzz Busch porte un collier de barbe et des lunettes à grosses montures noires, comme Manfred Mann. Ah l’esthétique des early sixties ! Tout un poème ! Par contre, Wally a déjà une bonne coupe de douilles, comme on disait alors. Et en 1965, il a les cheveux sur les épaules, comme son idole Phil May. Les Outsiders n’ont tenu que grâce au look et au timbre de Wally Tax. Alors évidemment, on tourne les pages et ça grouille de photos. Ils passaient leur temps à se faire photographier. Wally était un petit mec extrêmement photogénique. Il y a notamment un photo session dans un parc à Amsterdam. Ils commencent à enregistrer en 1965. On suit tout le déroulement de carrière page à page, en se demandant quel intérêt peut avoir ce genre de photo book. Sortie de leur premier single, «You Mistret Me» sur Op Art. Au catalogue d’Op Art, on voit aussi les Bintangs, et Peter  & the Blizzards. Tiens et les Zipps ! On les avait oubliés, ceux-là !

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             En 1966, les Outsiders ont le look parfait. On n’a d’yeux que pour le wild Wally, qui n’en finit plus d’afficher sa mélancolie néerlandaise. En 1966 sort «Lying All The Time». Ça a l’air de bien marcher pour eux, on les retrouve même en première partie d’un concert des Rolling Stones au Brabanthallen, Den Bosch. En 1966, ils viennent jouer à la Locomotive. En 1966, sort un autre single protozozo, «That’s Your Problem».

             De l’image, toujours de l’image, encore de l’image.

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             En 1966, ils jouent en première partie de Little Richard à l’Olympia. En 1967, les cheveux continuent de pousser. Ils apparaissent dans pas mal de petits canards pop anglais. On les voit aussi dans la caisse suspendue en l’air, dans le Port d’Amsterdam, où ya des marins qui dansent en se frottant la panse sur la panse des femmes, ils tournent, ils dansent comme des soleils crachés dans le son déchiré d’un accordéon rance.

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             Et soudain, on ne voit plus que Wally Tax, le voilà tout seul en couverture de Kink, avec un bouzouki. Et tout rentre dans l’ordre, les Outsiders reviennent au grand complet. Oh pas longtemps. Wally est trop photogénique. T’as des doubles entières consacrées au trop beau Wally, et crack, il enregistre On My Own en 1967.

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             Comme tous les autres à l’époque, les Outsiders se mettent à porter des grands chapeaux et deviennent des hippies. Fini les Pretties, ils sortent les flûtes et «Bird In A Cage». C’est foutu. Ils se déguisent avec des cols pelle à tarte comme les Young Rascals. Chute de l’empire Taxien. Pour chanter son single «Come Closer» à la télé, Wally se fait couper les cheveux. Enfin un petit peu. Il a l’air de porter une perruque.

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    1968 Amsterdam

             Sur les photos de 1968, ils ont encore de faux airs de Pretties. On voit même une photo de promo où ils ont l’air méchants. Sauf que Wally tient une flûte. Puis tout va s’écrouler avec le LP CQ. Et les barbes d’Appie et de Leendert se mettent à pousser. Pas si grave au fond, c’est même arrivé aux Kinks et aux Who.        

    Signé : Cazengler, taxé

    Outsiders. Touch. Emidisc 1976

    Outsiders. Afraid Of The Dark. Pseudonym 2010

    Outsiders. C.Q. Mythology. Pseudonym 2011

    Outsiders. Monkey On Your Back: Their 45s. Pseudonym 2012

    Hans Van Vuuren. The Outsiders - Beat Legends. Centertainnment 2010

     

    *

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            Nous le souhaitions depuis longtemps. Le premier album d’Ashen est arrivé. Nous suivons Ashen depuis plusieurs années, depuis leur début et même avant. Voici donc la chimère tant attendue.

    CHIMERA

    ASHEN

    (Out Of Line Music / 12 – 09 – 2025)

    Les chimères ne sont plus ce qu’elles étaient, elles ont bien changé.  Heureusement qu’il existe des artistes comme Mathieu Boudot, trafiquant d’images 3 D, pour nous donner accès à l’imaginaire de notre modernité. Ni pire, ni meilleure que les époques qui nous ont précédés ou de celles qui viendront après nous. C’est que les chimères ne procèdent pas de nous, elles sortent de notre cervelle dans laquelle elles nidifiaient, venues d’on ne sait où, comme l’indomptable Athéna surgit casquée, bottée, étincelante du chef fendu de Zeus. Mathieu Boudot sait les saisir en plein vol afin de les recouvrir d’une armure protectrice.

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    La couve de Chimera ressemble à ces groupes de statues qui parfois hantent les monuments aux morts de nos cités. Ce n’est sûrement pas la Victoire ailée qui marche en avant conduisant des essaims de soldats vers une mort inscrite sur les monumentales pierres granitiques des cimetières. Pourtant dans la gangue de son scaphandre intersidéral elle est si loin de ses petits hommes pétris d’argile rouge qui s’agrippent à sa haute stature dans le vain espoir qu’elle les emporte avec elle. L’Humanité s’accroche à son rêve comme l’âne à sa carotte… Au loin tout au bout d’une route s’ouvre une porte étroite… Il n’est pas interdit de rêver, c’est le rêve qui est interdit.

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    Clem Richard : vocal / Antoine Zimer : guitares / Niels Tozer : guitares / Tristan Broggia : batterie / 

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    You were always here : elle était là depuis toujours, des pas de palombes qui s’approchent, des coques d’œufs qui se brisent de l’intérieur, des notes qui tombent comme des gouttes d’eau dans la vasque qui les accueille, un souffle instrumental de gravité, comme un rideau inquiétant à la fenêtre qui s’agite en signe d’on ne sait quoi… Meet again : deux jours avant la sortie du disque est apparue une vidéo, intitulée Meet Again qui débute par la courte introduction précédente. Ashen nous a habitués à  de somptueuses vidéos inséparables de la sortie, étalée sur plus d’une année, de cinq titres en annonce de l’album sur lequel ils figurent. Le court film de Bastien Sablé proposé est moins esthétisant que les précédents et d’une  compréhension  davantage évidente. L’on y aperçoit le groupe en train de jouer mais l’on suit avant tout la marche d’un chevalier, d’ailleurs est-il deux ou sont-ils un, l’accoutrement est juste symbolique, une longue épée et une armure de pacotille, qui cherche-t-il, vers quel ennemi marche-t-il, pourquoi dégaine-t-il son arme trop grande pour lui, pourquoi tant de moulinets désordonnés contre l’invisiblee, quelle est cette épée plantée en terre, serait-ce une résurgence arthurienne d’Excalibur, ou  appartenait-elle à un ami dont elle désignerait la tombe. Peut-être même la tombe de notre chevalier… Nous n’en saurons pas davantage. La musique déboule, une espèce de flot symphonicco-post-metallicore, travaillé au corps par les assomptions batteriales, elle n’est qu’un faux-semblant absolument nécessaire et fondationnel, le déroulement éclosif de la tragédie, ramassée, exprimée, mimée par le chant de Clem Richard, elle est l’écrin chatoyant et hérissé, il est l‘écran noir et translucide de l’ubiquité de la parole qui révèle et recèle sans discontinuer.  Piétinement incessant d’une solitude romantisée qui se bat contre les fantômes du réel et du rêve. Cette brisure segaléenne entre le tigre du réel et le dragon de l’imaginaire, cet espace entre les deux mufles collés l’un à l’autre, cette lutte sans merci de l’autre contre l’un porte un nom, certains l’appellent porte de la folie, d’autres la nomment chimère. Chimera : déchirement, concassage sonore, vocal râpé,

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    crise de folie subite, l’instrumentation comme un feu qui monte et retombe  braise calcinante pour des retours de flammes d’une hauteur spectaculaire, le morceau sonne comme un appel au secours, à soi, à l’autre et au monde, la chimère est au-dedans, la pieuvre se bat contre elle-même et contre le roi absolu de moi-même que je suis et que je ne suis pas, empereur fou de soi-même qui rêve de meurtre et de sang, de crimes et de règlements de comptes, je suis le bourreau de moi-même et  l’Imperator de tous ceux qui ne sont pas moi, qui sont contre moi, si contre qu’ils sont en moi-même, qu’ils sont moi-même, que je suis eux, leur époux ou leur épouse, ils veulent me clouer de leurs glaives au dossier de mon trône sur la plus haute montagne de l’univers, je ne suis plus qui je suis, j’ignore mon nom, car je ne sais plus si je suis le monstre chimérique de moi-même, ou bien le sujet de mes sujets assujettis à leur haine de moi. Je suis l’œuvre au rouge de mes angoisses, j’ignore si elles viennent de moi ou si elles viennent de tout ce qui ne serait pas moi.  Crystal

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    tears : comme le précédent ce morceau a fait l’objet d’une vidéo. La précédente se déroulait au sommet d’une montagne, levez-vous orages désirés aurait pu être son titre, elle est l’appel à l’incandescence, elle défie la foudre et les Dieux, elle est la manifestation destructrice de la fureur mégalomaniaque humaine, elle en appelle à la destruction du monde et à l’auto-destruction de soi-même. Crystal Tears est tout le contraire. La scène se passe dans les antres terrestres, c’est la vidéo des profondeurs infernales, là où l’on expie  ses propres crimes en tâtonnant sans fin dans le labyrinthe de ses terreurs intimes. Moins d’exaltation, davantage de violence, musique compactée en bloc ténébreux d’anthracite, un vocal qui laboure ses propres entrailles, fracas intérieurs, sirènes d’alarmes, une boule de regrets qui dévale la pente de la folie sans frein, jusqu’à l’illumination intérieure, régression vers l’œuvre au blanc, le signe que quelque chose est en train de se révéler, une espèce de clarté étincelante qui pourrait vous servir de miroir si sa lumière n’était pas si aveuglante qu’elle vous empêche d’y voir, de reconnaître ce que vous savez déjà, une larme de cristal solidifié que l’on ne peut fendre ou fondre, qui ne coule pas qui restera toujours inaltérable figée en elle-même, fichée en vous comme une dent cariée. Une douleur inaltérable qui n’est pas sans rappeler la porte ouverte de la couve de l’opus. OblivionCe qu’il y a de terrible avec l’oubli c’est que l’on n’est jamais aussi près de ce que dont on voudrait se rappeler, une musique beaucoup moins torturée que les deux morceaux précédents, un chant ample signe d’espoir, l’on n’a jamais été aussi proche de l’extérieur de soi, des innombrables merveilles que nous offre la nature, un paradis certes encore à notre image, peuplé d’oiseaux de proie qui attendent que nous soyons dehors pour se précipiter sur nous et se disputer les morceaux pantelants de notre chair et de nos pensées, mais toutefois la promesse de nous extraire de notre bourbier, un magnifique et long solo de guitare nous berce dans cette illusion qui dure assez pour espérer que le plus dur soit derrière nous, mais la voix reprend, plus ample, insistante, ce n’est pas encore le retour de l’angoisse mais l’appel au secours à la Mère engendreuse et primordiale, pour qu’elle nous révèle les deux moitiés de l’œuf cosmique dont nous sommes issus, et nous persuade que les anges dinosauriens ne sont pas tous morts, que l’oubli n’est qu’un suaire que nous pourrions facilement déchirer. Chimera’s theme : instrumental, si l’on n’était pas qu’à la moitié du film, l’on pourrait aux premières secondes qui courent  croire à une happy end, que le prisonnier Zéro qui était si près de la porte de sortie s’évaderait si facilement de ses ennuis que ce n’est même pas la peine de nous le dire, mais quelques tapotements insistants nous alertent, la musique s’enraye avec ce bruit caractéristique d’une bande magnétique qui se bloque. Nous ne sommes pas naïfs, Wagner nous a appris que tout intermède lyrique n’est propice qu’à de proximales menaces.  Cover me red : Retour à la case départ. Encore plus violent. Encore plus déchiré. Davantage

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    une inclusion qu’une couche de peinture. Non plus le rouge alchimique mais le rouge du sang des blessures intimes et de l’hémoglobine suscitée par les agressions externes, selon cette musique qui s’entrechoque sur elle-même qui s’entasse, qui se recouvre, qui n’est plus qu’un hachis d’auto-grondements, qu’un grouillement de froissements comme si l’on appelait toutes les vipères du monde à venir nous recouvrir.  Altering : serait-ce le plus beau titre de l’opus, une intro style chevauchée des Walkyries, double partition, celle musicale et celle schizophrénique exposée par le vocal, suspendu sur l’abîme qui sépare ce que l’on est de ce que l’on pourrait être, deux rivages si éloignés que l’on ne sait plus sur lequel des deux bords de la faille l’on se tient, suspension de quelques notes, fragilité d’être dans l’entre-deux de soi-même, la voix s’élève pour plonger au fond de la chair qui l’émet, au sein du sang qui l’irrigue, symbiose instable en état de modification permanente, l’alternative insidieuse a pris les commandes, les deux mâchoires se refermeront sur moi et me dévoreront. Du sang sur les mains du meurtrier en puissance, la musique spongieuse glougloute comme un torrent qui se presse. Desire : à l’origine une vidéo de Bastien

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     Sablé, celle du désir rampant en soi, hors de soi, dans l’impossibilité de la solitude, à moins que ce ne soit le désir de l’autre, chimère extérieure de chair et de consomption, serpent musical furtif qui se lève brutalement pour mordre ou se fondre en moi, tous deux partagé par le même gouffre, vocal supplication, rejoins-moi, entre dans mon monde ou moi dans le tien, ce que je ne suis pas capable de faire, mais peut-être es-tu partagé par la même incapacité à t’exhaler de toi-même, rejoignons-nous, n’habitons plus qu’un même éspace-temps, mais n’es-tu pas qu’un phantasme solipsiste issu de mon esprit démembré, intensité musique et voix ne sont plus qu’un cri de haine ou de désir, es-tu ma chimère, es-tu inscrite dans le réel, es-tu mon désir, mais mon désir le plus vif n’est-il ma propre chimère, ne me désiré-je pas moi-même. Ne suis-je pas l’abysse dans lequel je plonge. Sacrifice (with Ten56) : être seul et si dépendant de sa souffrance, suite logique, après l’échec de l’autre, ne reste plus que la tentation du suicide, totalement cacophonique, grognements, grondements, mais peut-être sont-ce mes tourments qui désirent faire de moi une victime expiatoire de moi-même, même lorsque je suis enfermé dans le vase clos de moi-même je subis encore le déchirement métaphysique de ne pas être tout à fait moi-même et tout à fait autre. Habité par mes propres démons chimériques, expulsé de moi-même par ces mêmes démons. Clone of a clone : l’acceptation de soi et la non-acceptation de ne pas être soi, la première postulation comme un chant sous la voûte étoilée, sonorités éthérées alternent avec la pulsation râpée de se battre contre soi-même dans le seul but d’être le soi que l’on n’est pas. La situation est exposée, chacune des deux entités la répète à tour de rôle, à plusieurs reprises, pas de discussions, pas de tentatives de rapprochement. Chacun n’est que le clone de l’autre, ils s’auto-engendrent l’un et l’autre, si l’un des deux prenait le dessus, le vainqueur ne survivrait pas puisqu’il n’est que par cette béance qui les lie et les délie sans fin. Living in reverse : this is the end, cette fois c’est bien le générique de fin, non le héros ne meurt pas, c’est le metalcore qui cède le pas à l’ampleur lyrique, chaque instrument nous fait son petit numéro pour nous dire aurevoir, quant au chanteur il chante de toute son âme, il sait qu’il n’a rien réussi, il nous promet de s’améliorer, le pathos habituel de l’ivrogne qui jure qu’il arrêtera l’alcool, mais il n’y croit pas lui-même, lorsque la cassette s’arrête, un déclic et hop elle recommence, comme avant, comme après. Le héros retourne à sa solitude, ô combien peuplée de lui-même, il ne lui reste que son chien qui mourra avant lui, mais avec ou sans le canidé, tout recommencera, le serpent ne se mord pas la queue mais lorsqu’il est parvenu au bout de sa queue il remonte vers sa tête. Sempiternel aller-retour. L’on ne va jamais plus loin que soi-même. Plus loin que sa propre brisure.

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             Chimera est un chef-d’œuvre. Existe-t-il à l’heure actuelle un groupe français qui soit capable d’atteindre à une telle excellence. L’opus se tient en lui-même. Il ne court pas après de chimériques propensions à ne pas être soi. La voix, les paroles, l’instrumentation, collent parfaitement au concept qui les ont guidées et gardées de toute embardée. L’œuvre est une, enserrée dans la tour d’ivoire de sa beauté. Ashen peut être fier, quoi qu’ils fassent par la suite, musicalement parlant ou dans leur vie privée, ils ont déjà accompli quelque chose, ils ont créé une citadelle, un point de ralliement, d’orientation, que personne ne pourra jamais leur enlever.

    Damie Chad.

     

     

    *

            Toujours de petites perles sur Western AF, ce coup-ci deux d’un coup. L’une après l’autre, très différentes, je vous réserve la première pour la semaine prochaine. En priorité nous écoutons la deuxième Une véritable pierre précieuse, un saphir, aux yeux azuréens, des lèvres coquelicots, une peau de  lait, qui pourrait résister à une telle merveille. Pas moi.

    WEED MONEY

    AC SAPPHIRE

    (Bandcamp / 2024)

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             Elle ne chante pas encore. Elle n’est même pas sur la vidéo. A la place un van stationné au bord d’une route. Quand elle arrive elle explique qu’elle a pris soin de s’habiller en essayant de se mettre en accord avec le motif peint sur  la carrosserie  de son van préféré. Il appartient à une personnalité connue de Laramie (Wyoming) Shawn Hess, est-ce lui qui   l’accompagne à la guitare électrique soulignant de notes nostalgiques le chant de Sapphire. Quand elle ferme les yeux elle ressemble à une gamine, mais non elle est née en 1985, sa voix nous l’indique elle est marquée de toute la sage désillusion qu’apporte l’existence. Non pas que la vie soit particulièrement dure car tout dépend de soi, de ce que l’on a voulu traverser. Aucune plainte, un simple constat, sans haine ni ressentiment, juste le sentiment d’être ailleurs, de refuser d’être dupe de l’autre et de soi-même. Un vocal aérien, mais ce bluegrass est teinté de la tristesse indéfectible de ce qui pourrait se nommer le blues le plus gras. Son accoutrement prêterait à rire, un peu hippie, un peu pantalon rayé de clown, ses grosses bretelles, ses tatouages un peu trop kitch, presque un rythme envolé de valse, un tournoiement d’hirondelles dans le ciel qui parle de lui, qui parle d’elle, pas spécialement de lui et d’elle, il n’est plus là, elle est déjà partie, ce n’était qu’une escale, pas pire qu’une autre peut-être même mieux, mais les chemins qui se croisent sont destinés à se séparer. Pas un drame, pas une tragédie, tout dépend de la nature, pas les arbres ou les plantes qui nous entourent, la nôtre, celle qui fait que l’on est ainsi que l’on est, seul parmi les autres, seul parmi soi-même ? Deux mots qui qualifient la sienne, le miel des jouissances terrestres, la lune des songes et des rêves. Entre eux, entre tous, le lien ombilical de l’argent, une fumée d’herbe qui ne monte ni vers le ciel ni ne descend vers l’enfer. Juste une vie qui se consomme qui se consume doucement. Un bon moment qui passe et s’évanouit. Une voix qui berce et qui réveille. Qui vous tient éveillé pour mieux vous faire rêver. Et continuer à vivre.

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             Il existe aussi une Official Video du même morceau. Un peu décevante. Un peu trop réaliste. Un peu ménagère, un peu bobonne. Du moins à ses débuts, car si l’on reste dans le même décor, sweet home familial, tout se dérègle, plus rien ne coïncide, l’on se retrouve entre soi et soi, entre Sapphire et elle-même, entre la fumée du rêve et des œufs au plat que l’on qualifiera de brouillés. Il est indéniable que la magie opère, que le monde semble se décentrer de lui-même, sur lui-même.

             L’on reviendra plusieurs fois explorer le monde un peu labyrinthique d’AC Sapphire qui s’avère plein de surprises

    Damie Chad.

     

    *

    Vu le nom j’ai cru que c’étaient des grecs, vous connaissez  ma prédilection pour la péninsule hellénique, en plus des grecs qui font l’effort de s’exprimer en français, ben non, viennent du Luxembourg et comme tant d’autres ils parlent en anglais. J’ai hésité, mais ça avait tout de même l’air assez sombre, j’aime les trucs tordus, et puis dans les nouveautés il n’y avait rien de bien nouveau. Alors fonçons sur le Kraton. Grattons un peu.

    SPIRITUALITE SOMBRE

    KRATON

    (Bandcamp / Septembre 2025)

             Kraton vient du grec – en français l’on écrit ‘’craton’’, une phonétique un peu fragile pour ce mot qui chez le peuple d’Aristote signifie ‘’force’’. Les gratons définissent les aires géologiques continentales constituées des pierres les plus dures, il fut un temps on les désignait sous l’appellation (impropre) de boucliers hercyniens, les premiers gratons sont apparus voici deux milliard et demi d’années. Certes nous sommes encore loin de l’originelle formation de notre planète, mais demandez-vous pourquoi un groupe a pu choisir un tel nom. L’on imagine facilement une dimension primordiale, quelque chose de noir, de solide, de dangereux… Le titre de ce single n’incitant pas à l’optimisme l’on se dit que l’humanité, du moins ses êtres les plus sensibles, les plus éveillés, doivent être capables de ressentir les sombres émanations de cette puissance élémentale. Serait-ce un privilège ? Serait une malédiction intérieure ?

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             La couve tend à nous incliner vers la deuxième interrogation. L’Homme n’apparaît pas royalement installé à sa place, la centrale que souvent habituellement il s’adjuge, l’est mis à l’écart, sur l’espace libre rien de bien enthousiasmant, un fond grisâtre gercé de taches noires, pas davantage de couleur pour ce représentant de notre espèce qui est censée demeurer tout en haut de la pyramide animale. L’est sûr qu’il n’est pas heureux, l’est refermé sur lui-même, en proie à de sombres pensées qui l’obsèdent, dont son intelligence ne peut se rendre maître.

             Patrick Kettenmeyer : bass / Jacques Zahlen :  guitar / Mike Bertemes : vocals, / Ken Poiré : guitar / Véronique Conrardy : drums.

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             La photo du groupe est à l’unisson de la pochette. Donne envie de citer le titre Sombre comme la tombe où repose mon ami de Malcolm Lowry, ne sont peut-être pas nos amis mais sont sombres comme des cadavres, enfin des morts-vivants, leur esprit ne repose pas non plus, sont comme habités d’une idée monstrueuse, peut-être métaphysique, peut-être ultra-métaphysique. 

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    Spiritualité sombre : peut-être vaut-il mieux se passer de la vidéo sur YT, ce n’est pas qu’elle soit mauvaise ou trop minimaliste. Elle possède une force inhérente à sa mise en place. Les quatre boys formant un carré parfait, the girl sur sa batterie au fond, parfois l’angle de vue du montage change et s’attarde sur elle, surtout dans l’intro dans laquelle elle frappe incessamment les trois coups théâtraux du destin, pas du tôt beathoveniens, plutôt l’annonce d’une catastrophe qui a déjà eu lieu, entrée majestueuse mais une espèce de mélodie souterraine coulant lentement comme l’un des fleuves des enfers vient se greffer sur ces coups de semonce comme le serpent noir du désespoir qui ne vous quitte jamais, même si une mini-seconde il se pare de couleurs luminescentes,  Mike a crié le silence de sa solitude, il exècre cette impossibilité - est-elle native - à ne pas savoir voir la lumière, et tout se tait, un interlude de quelques notes lentes, des secondes qui se suivent et se ressemblent même si elles se teintaient d’une inexorabilité mélodique qui finit par s’effriter sous les pas lourds du vocal qui maintenant explose comme un rejet volcanique qui dégringole la pente fatidique de l’anéantissement du désir et de l’incompréhension humaine.  Si vous éteignez les images, le noir de l’ampleur sonore envahit votre pièce mentale, la vue relève de l’anecdotique, elle ne révèle rien de votre propre sort. La musique n’arrive pas qu’aux autres.

             En 2011, le groupe a sorti un mini-album Ker dont nous reparlerons.

    Damie Chad.

     

     

     *

             Dans la vie il faut choisir, par exemple entre Elvis : 350 photos inédites ou Unseen Elvis, candids of the King. Trois cent cinquante - l’on veut vraiment nous convaincre que l’on va nous en mettre plein la vue, quel déplorable esprit comptable et bourgeois qui sous-entend que l’on en aura pour notre argent. En plus des photos inédites, rien de mieux appâter le client ! Le titre original est beaucoup plus fort : Unseen Elvis, une promesse de mystère, presque un fantôme que personne n’a jamais vu, certes une approche d’Elvis, autant dire que l’on ne l’atteindra jamais, que nous ne serrerons jamais dans nos bras l’idole royale…

    Quant à traduire ‘’candids’’  par ‘’photos inédites’’ c’est ne pas jouer avec les fausses similitudes germinatives de l’anglais et du français, ce terme ne contient-il pas l’aveu d’une naïve fragilité destinée à finir brisée… Arrêtons de rêver à une langue des oiseaux poétique, contentons-nous de :

    ELVIS

    350 PHOTOS INEDITES

    JIM CURTIN

    (France Loisirs / 1992)

             Jim Curtin se présente comme un fan d’Elvis. Depuis toujours, depuis ses sept ans, depuis le jour où son père lui a offert son premier 45 tours d’Elvis : Return to Sender. Par la suite il a systématiquement acheté tous les disques, 45 et 33 Tours qui sortaient… L’a grandi, l’a fait une découverte : les pressages étrangers n’offraient pas les mêmes couves, ni même les mêmes titres, bref il s’est retrouvé avec cinq mille albums du King, vous y ajoutez tout le marketing imaginativement délirant: stylos, mugs, agendas, et les photos. Celles qu’il achetait, celles des magazines, celles qu’il s’est procurées auprès des fans… S’est débrouillé pour voir Elvis, sur scène bien sûr, mais aussi en privé, lui a offert une guitare acoustique modèle unique, puis une superbe ceinture… Oui il avoue que cette passion dévorante lui a coûté cher… Rien n’indique que c’est après avoir entendu Eddy Mitchell dans L’Epopée du Rock proclamer : ‘’ Le rock est notre vice / C’est la faute à Elvis’’ qu’il n’a pas hésité à monter sur scène pour interpréter les morceaux d’Elvis, avec les costumes adéquats…

    Traitez-le de collectionneur, de clone, ou de fou, de maniaque, pour ma part j’ai connu un clone de Claude François qui était bien plus heureux dans son rêve que bien de ses contemporains… D’ailleurs le fait de rédiger chaque semaine depuis des années des chroniques rock ne serait-il pas le signe d’un excessif dérangement obsessif…

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    Jim Curtin ne s’est pas arrêté à ce premier bouquin, l’a successivement, à ma connaissance, donné : Elvis And The Stars (1993), Elvis : Unknown Story Behind The Legend (1998), Elvis, The Early Years (1999), Christmas With Elvis (1999)… un passionné.

    Les photos occupent la majeure partie du livre, z ‘auraient pu inscrire la légende juste sous les clichés, nous ne les regarderons qu’en fin de chronique. La vie d’Elvis est découpée en cinq grandes périodes : Les années cinquante / L’Armée / Hollywood / Las Vegas, le retour, / La descente aux enfers. Chacune d’elles est précédée de quelques pages évoquant cette partie du parcours de l’idole. Je m’attendais à une hagiographie de fan transi. Il n’en est rien. Jim Curtin n’est pas dupe de son idole. Passion froide. Il ne tarit pas d’éloges sur les débuts d’Elvis, ce garçon a été un révélateur, de quelque chose de plus grand que lui : de la mutation de la société américaine, il est une espèce de marqueur social, toutes les contradictions historiales de l’après-guerre ont été relevées par l’apparition de ce garçon tranquille qui n’en demandait pas tant, il s’est retrouvé dans un tourbillon qui l’a emporté et dépossédé de lui-même. C’est grâce aux tempêtes de l’Atlantique que l’ancienne Rome a rencontré les premiers américains. Qu’ils ont pris pour des indiens, provenant de l’Inde… Z’en ont simplement conclu que la terre était ronde, ce qu’ils savaient déjà puisque la mythologie leur enseignait que l’Okeanos entourait la terre…  Remarquons qu’Elvis n’a pas empêché la terre de tourner, mais qu’un grand charivari s’est installé dans sa tête.

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    Le départ à l’Armée a été la première cassure dans la vie d’Elvis, approfondie par la mort de sa mère. Avant l’Allemagne tout était merveilleux pour Elvis, il volait de succès en succès, il n’avait même pas le temps de se demander quand cet ouragan triomphal s’arrêterait. On y a pensé pour lui. Le Colonel Parker et l’Establishment, les forces réactionnaires voyaient d’un mauvais œil ce garçon sans cause qui incarnait le désir de rébellion de toute une génération. Elvis a joué le rôle de l’idiot utile, le bon boy manipulé prêt à mourir pour sa patrie… C’est outre-Rhin qu’Elvis connaît les affres de la solitude, la mort de sa mère et  la peur de sa carrière arrêtée net par ce passage sous les drapeaux… En apparence tout se passe bien, beaucoup de bidasses aimeraient avoir fait le service militaire qu’a effectué Elvis, certes les manœuvres, les entraînements d’un côté, mas de l’autre sa maison personnelle, les amis et les filles autour de lui… Cadeau inespéré, Pricilla, le substitut de la maman morte, la pure et chaste jeune fille aimante à qui il peut se confier. Curtin nous présente une Pricilla beaucoup moins nunuche et beaucoup plus pragmatique que bien des biographes… L’Allemagne c’est aussi le moment durant lequel s’installe une espèce de faille tridimensionnelle dans l’esprit d’Elvis, l’amour romantique avec Priscilla, le besoin de continuer sa vie de garçons auquel les filles ne sauraient résister, jusque-là tout est normal pourrait-on dire, mais circonstance aggravante Elvis s’aperçoit de son incapacité à joindre  les deux bouts du sexe et de l’amour. Il aurait pu faire comme tout le monde naviguer au coup par coup entre la chair et le sentiment, mais l’inquiétude le ronge, le fait de ne pas pouvoir concilier ces deux postulations érotiques le plongent dans un sentiment d’angoisse, comment pourra-t-il  retrouver sa place de chanteur numéro 1 s’il n’est pas capable de surmonter cette contradiction intime, il n’est pas comme les autres, il se sent différent, un sentiment d’immense solitude l’accable... Pour mieux comprendre le désarroi d’Elvis il suffit de se rappeler qu’avant d’être l’inventeur du rock il ambitionnait de devenir chanteur de gospel. Nous voici face à un prétendant à l’amour du seigneur qui a opté pour la musique du diable. Toutefois nostalgique de sa native innocence.

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    Elvis s’effrayait du pire. Le pire fut qu’il obtint le meilleur. Les fans ne l’ont pas oublié, ses nouveaux morceaux se classent en tête du hit-parade, il vend des millions de disques, il engrange des millions de dollars. Le cinéma dont il a tant rêvé lui ouvre ses portes, Priscilla à ses côtés joue le rôle de la chaste fiancée, ou de la sainte vierge, substitut symbolique de la mère, bonjour doctor Freud, à Hollywood il enchaîne, actrices, starlettes, et amourettes de passage. Pour Curtin le responsable de la désagrégation de Presley porte un nom : Parker. Elvis engrange tant de succès qu’il vit sur une illusion. A tel point qu’il se pense assez fort pour consommer le mariage avec Priscilla, coup double puisque neuf mois plus tard, jour pour jour après la consommation, la sainte vierge enceinte se métamorphose en mère d’un ravissant bébé…  Il déteste les navets qu’il tourne, alors il compense par des achats compulsifs : voitures, chevaux, camions, ranchs… Le roi du rock a déserté son royaume, l’est devenu le paladin pâli d’une daube nauséeuse. Il n’est plus numéro 1, son compte en banque s’épuise…

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    Elvis se réveille, nouveaux enregistrements de qualité, le sursaut du retour sur scène éblouissant… Le King est de nouveau le King. Hélas renaissance inespérée, la machine à cash tourne à plein régime, la vache sera traite jusqu’à la dernière goutte de lait… Elvis ne vit plus sur un nuage doré, son ciel est orageux, Priscilla s’en va avec son amant, il dort mal, il grossit, il se bourre de cachets pour ne plus ressentir son insatisfaction chronique, sa solitude est immense, son découragement aussi, il prend conscience que sa vie lui a échappé, la mort prend sa place.

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    Reste les photos, la couleur ne devient prépondérante qu’à partir de la moitié des années soixante, je n’en retiens qu’une en blanc et noir, la pleine page 52, c’est fou comme il ressemble à Eddie Cochran !  Il y en a de très belles, de magnifiques portraits d’une beauté sauvage, mais ce ne sont pas les plus nombreuses.  Ni les plus parlantes.  Celles pléthoriques qui retiennent l’attention sont des photographies d’amateurs, des clichés parfois un peu flous, souvent maladroits, Elvis entouré de ses fans. De grandes quantités de filles, à plusieurs autour de lui, l’englobant de près, des enfants, des grandinettes prépubères, des jeunes filles, des femmes dont certaines qui ne sont pas là par hasard, le flot ininterrompu semble n’avoir jamais baissé. Preuve évidente de la proximité d’Elvis avec ses fans. Un fait étonnant : les grands absents sont les amateurs de rock’n’roll. Un signe révélateur. Je vous laisse l’interpréter.

    Damie Chad

                           

    *

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             Il est inutile de présenter Slim Jim Phamtom batteur des Strat Cats, le groupe au début des années quatre-vingt a ravivé les brandons du rockabilly qui couvaient sous la cendre. Un bel incendie qui quarante ans après refuse encore de s’éteindre… Slim Jim n’a jamais rencontré Gene Vincent mais son témoignage est important, tout comme Brian Setzer et Lee Rocker, ils en sont les héritiers. Le portrait qu’il en trace est des plus émouvants, des plus intuitifs et des plus respectueux.

    The Gene Vincent Files #9 : Slim Jim Phantom

    on the impact Gene & the Blue Caps had on the Stray Cats

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    Salut, Slim Jim Phantom des Stary Cats et dis-moi tout ce que tu veux savoir sur Gene Vincent (petit rire malicieux dans la série Return To Sender). Il y avait un jukebox au Max’s Kansas City, un  fameux club de rock’n’roll de New York, je suppose depuis les années cinquante là, Dylan y a débuté, tout un tas de gens ont joué durant la période Andy Warhol, c’était encore une grande sçène pour le punk rock durant les seventies, en 79, il y avait un jukebox et Be Bop A Lula et nous étions-là, nous faisions partie de la scène de New York, et nous avons entendu le titre, et je pense qu’il y avait aussi That’All Rifght Mama, Blue Moon of the Kentucky, Be Bop A Lula couplés à tout un tas de hits ultra-célèbres, que pour ma part je n’avais jamais entendus, c’était tout pareil pour Brian, et nous ne connaissions pas du tout cette musique, c’était époustouflant, qui étaient-ils et ce Gene Vincent, je ne connaissais pas réellement qui il était, en Amérique tout ce truc n’était pas aussi bien connu alors que plus tard nous avons découvert que c’était bien connu en Europe. Alors tu te précipites chez les boutiques de disques, Gene Vincent ils ne le possédaient pas dans leur assortiment, alors tu te rends dans un petit magasin de musique populaire qu’une ancienne greaser tenait chez elle... Gene Vincent c’était si essentiel si séminal,  que nous étions balayés comme par une tornade, je n’avais jamais entendu quelque chose comme cela, ce fut une énorme influence pour Brian,

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     je pense que Cliff Gallup était probablement le plus grand guitariste de tous les temps, et il eut une influence tellement énorme, vraiment énorme, qu’immédiatement du jour au lendemain, vous avons voulu ressembler à ça, nous avons voulu sonner pareillement, nous avons voulu tout connaître sur ce sujet. Ce fut de même pour Eddie Cochran, Elvis, Buddy Holly, Chuck Berry, Carl Perkins, et tous les autres. Mais Gene Vincent spécialement eut une énorme, énorme influence, immédiatement nous l’avons accaparé, c’était très rock et c’était très sauvage, et surtout il était un si grand chanteur, c’est comme cette veste ( Slim agrippe le col de sa veste), c’est pour cela que je la porte aujourd’hui, comme la veste de cowboy sur la couverture de son premier album, une boutique au centre-ville  en possédait une,  nous n’avions pas les moyens de l’acheter, la veste de Gene Vincent, nous avons fini par en avoir une, et nous la portions à tour de rôle, c’était  qui a porterait la veste de Gene Vincent, certains jours vous aviez les cheveux lissés, rabattus en arrière, et la touffe toute graisseuse sur le front  ‘’ Oh aujourd’hui tu te prends pour Gene Vincent, c’est super !’’   désormais il faisait partie de notre langage, une partie de toutes les choses que nous faisions étaient très, très influencées par Gene Vincent.

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    J’avais étudié et je savais jouer, mais nous étions à fond dans le jazz, nous étions de ces gamins studieux, on essayait d’apprendre la bon chemin et nous étions aussi autant à fond dans le punk rock que dans le blues, quant à moi en tant que drummer, le style de Dickie Harrel a tout englobé, il était encore swing tout en appuyant fortement sur les contretemps, techniquement il savait comment jouer, mais ça coulait de source et en même temps c’était très rudimentaire, c’était bon, je ne savais pas vraiment que ce style existait, soit tu tapais jazz, soit tu tapais rock, ça m’a totalement façonné cette manière de jouer sur les deux premiers disques, cette façon a résonné en moi  , c’était ce que je voulais faire dans telle partie du morceau, ça faisait sens pour moi, et vous savez les hurlements sur les breaks de guitare, nous étions-là-dedans, nous aimions cela si fort que nous le faisions sur tous les morceaux quand nous passions dans les bars de New York… quand nous sommes entrés en rockabilly, nous avons repris toutes ses chansons, toutes celles de ses deux premiers et géniaux albums, et toutes les Sun Sessions que nous connaissions, et tout ce que nous connaissions de cette music, et nous hurlions chaque fois que c’était possible et nous adorions cela. Nous avons rencontré les Blue Caps plus tard lorsque nous sommes revenus d’Europe, ce devait être en 82 ou 83 peut-être, et tout un tas de ces guys originaux, quelle chance ce fut, ce fut un frisson et un grand honneur, ils sont en quelque sorte heureux de nous de nous rencontrer, et nous avons joué, c’était probablement à Norfolk ou dans les environs, ce devait être à Norfolk en Virginie, Portsmouth , quelque endroit par-là, tous ces gars sont venus, Tommy Facenda, Bubba Facenda, Bebop Harrell, je pense à Johnny Meeks était-il là aussi, une fois ou l’autre j’ai rencontré la plupart des gars, mais je me souviens de la première fois qu’ils sont venus voir le show, ils étaient émus et ils nous remercièrent de garder cette musique vivante, parce que nous avions repris plusieurs morceaux de Gene sur le premier disque des Stray Cats et cela leur avait boosté leur carrière, ils avaient reçu de nombreux coups de téléphone ce qui leur avait permis de travailler davantage car il y avait un nouvel intérêt pour toute cette scène, que j’y sois parvenu ou non, en tant que musicien je voudrais continuer à jouer et aimer cette musique si j’avais pu obtenir un job régulier, je voudrais encore faire ça, si j’arbore encore cette veste c’est que j’aimerais encore avoir cette coiffure, quoi qu’il arrive ces gars étaient la meilleure preuve de cela, d’être ainsi capable de les aider de n’importe quelle manière c’était fantastique, et c’étaient vraiment de bons et fidèles cats, ils étaient encore branchés et volontaires, c’étaient des soldats du feu volontaires, tous les soldats du feu  volontaires de la caserne des pompiers se sont jetés sur le gâteau, c’est grandiose, moi aussi je suis un combattant du feu, ainsi je suis en quelque sorte

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    5Stray Cats sur scène interprétant Gene and Eddie

    relié à cela…  La chanson Gene and d’Eddie est trop belle, nous ne voulions pas reprendre une fois de plus leurs chansons, ces chansons dont nous manquions, nous jouions chaque Gene Vincent, chaque Eddie Cochran, mais nous avions envie de composer notre propre morceau et rendre en même temps hommage à ces deux gars. Gene and Eddie vous le savez sont ces deux gars, je me souviens c’était sur la route quelque part, Brian et moi étions en train de gratter notre  guitare lorsque nous avons eu l’idée que ce que nous faisions c’était comme jeter des citations issues de toutes les grandes chansons de Gene and Eddie, nous les découpions et nous les couchions sur le plancher de l’hôtel et essayons de voir lesquelles marchaient avec lesquelles, et ensuite nous est venue l’extraordinaire idée d’apposer la signature du riff de la guitare à chaque parole, c’était un procédé vraiment marrant, car c’était notre propre chanson que nous écrivions mais en même temps nous rendons notre hommage à ces gars, puis nous avons fait une vidéo et nous avons pu consulter l’ensemble des archives, ce fut un moyen de de visionner tous les vieux clips vidéos, je me souviens combien Dick Clark a été utile il nous a envoyé tout un lot de bandes d’American Bandstand, tout le monde aimait cette musique et  pour ainsi dire a fait ses débuts grâce à cela… comme tout un tas de rockers, je pense spécialement à ce second album, c’est probablement le plus grand album de rock’n’roll jamais enregistré, certainement tout en haut, certainement un de ceux que j’emporterais sur une île déserte je suppose avec le Sun Session… le second album de Gene Vincent

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    c’est quelque chose, Be Bop A Lula est indubitablement le titre le plus célèbre, le plus connu, mais n’importe quoi du second album, du premier aussi, mais comme il y a ce truc comme Race with The Devil, c’est tellement, tellement, tellement dur, si raide, si glissant, c’est, c’est, ça n’a jamais été dépassé, non ça ne l’a jamais été… je sais qu’en Europe, au Japon, en Australie, dans le monde entier,  Gene est le type est considéré comme le plus pur de l’americana, le produit américain par excellence, il est une sorte de légende, ayant une grande influence, et encore grandement aimé, beaucoup moins en Amérique, je ne sais pas pourquoi, nous ne l’avons jamais statufié… il existe une certaine scène ici maintenant, je pense que c’est l’effet des Stray Cats,  il existe davantage de sortes de rockabilly que quand nous avons été les premiers à commencer, disons les choses de cette manière, tout un tas de ces rock’n’rollers  des premiers temps ont été redécouverts, Gene naturellement puisqu’il était un des principaux, mais je ne sais pourquoi je vois ces kids japonais

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    avec des tatouages de Gene Vincent, et j’ignore pourquoi pas les kids américains, je ne sais pas vraiment pourquoi, ayant dit cela, il existe une scène ici, les choses ont changé davantage qu’avant, mais ce n’est pas la même chose qu’en Europe où il est une figure légendaire révérée, il a dû travailler dur, vraiment dur, Gene est actuellement plus chanceux que tout un tas de ces gars parce que Gene était toujours capable de jouer en France, en Allemagne, en Angleterre, il était une légende il avait la possibilité de s’y rendre et de jouer, tout un tas de ces chanteurs de rockabilly avaient cessé de jouer, je pense que d’une certaine manière Gene était favorisé, mais c’était parce qu’il avait exercé un tel impact, il était un symbole pour ces rockers, ces français, ces Teddy Boys, il était un symbole, je n’ignore rien de la méchanceté,  il a toujours bien chanté, même s’il n’a jamais forcé sa voix, je sais qu’il était accompagné par différents orchestres, et qu’il se démenait pour payer son loyer, comme tout un chacun,, mais il n’a jamais perdu sa voix, il chantait toujours bien mais l’industrie avait changé et des gars comme lui étaient laissés à l’arrière, il lui est arrivé ce qui arrive à pratiquement tous, à très peu d’exceptions près, chacun a ses hauts et ses bas dans le business de la musique, mais il a réussi à bosser malgré tout, je pense qu’il a connu une vie rude, je pense qu’il a beaucoup souffert avec sa jambe et je pense qu’il a vu des tas de gens qu’il avait influencés peut-être lui passer devant, mais il a toujours eu des contrats d’enregistrement, il a toujours joué et il a eu une certaine quantité de gens qui croyaient en lui, si je ne l’ai pas connu je ne suis pas sûr

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    qu’il était  le plus facile des cats à vivre, je ne sais pas, j’ai seulement entendu des rumeurs selon lesquelles il était difficile à vivre, d’après ce que j’ai lu que et que je n’ai pas aimé, je dis que je ne l’ai jamais rencontré, mais j’ai entendu qu’il vivait durement, qu’il était plein de tristesse, j’ai l’impression que sa vie ne s’est pas déroulée comme il aurait voulu, je pense que ce genre de problème vous sape le moral et vous gâte tout ce que vous faites, je pense qu’il ressentait une forme de tristesse, qui vous tombe dessus quand vous passez votre temps à accumuler des gigs pour parvenir à payer vos factures, et croyez-moi aussi bon que vous soyez, et quel que soit l’impact que vous ayez sur les gens, ou sur les musiciens qui vous ont quittés pour occuper une meilleure place sous les spotlights sous lesquels vous pensez que vous auriez dû être, je pense qu’il a eu ce qui peut facilement vous tomber dessus dans ce business, si tu deviens amer, il est difficile de remonter la pente, je pense au sommet qu’il avait atteint, vraisemblablement sans prendre soin de lui-même, je ne suis pas surpris, cela revêt l’espèce de mythe qu’il était devenu d’une teinte tragique, ainsi que tout le déroulement de sa vie. J’en prends acte, je le comprends, car je n’ai pas encore rencontré un seul rock’n’roller, un seul véritable gars, des  Beatles aux Rolling Stones, jusqu’aux Kinks, jusqu’aux Clash, jusqu’aux Sex Pistols, jusqu’à Lemmy, pas un seul de ces grands et authentiques rock’n’rollers parmi tous ceux que j’ai rencontrés dans ma vie, qui n’ait pas mentionné Gene Vincent comme l’une de leurs deux plus fortes influences.

    Transcription Damie Chad.

    Notes :

    Max’s Kansas City : restaurant, night-club qui de sa création en 1965 à sa fermeture  en 1981 fut fréquenté par toute la faune culturelle et underground de New York (et d’ailleurs). Les amateurs de rock possèdent souvent dans leur discothèque le disque du Velvet Underground :

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    Gene and Eddie : le morceau sur trouve sur l’album Blast Off sorti en 1989. Sur la photo ci-dessous les Stray Cats interprétant sur scène le morceau hommagial à Gene et Eddie : 

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    Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 703 : KR'TNT ! 703 : BARON FOUR / GRAHAM DEE / ROBERT PALMER / STEADYBOY RECORDS / EDDY GILES / EDDIE GAZEL AND THE FAMILY ECHOES / ROBERT PLANT / KRAMPOT / JEAN MICHELIN / GENE VINCENT+ CHAS HODGES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 703

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    25 / 09 / 2025

     

     

    BARON FOUR / GRAHAM DEE / ROBERT PALMER

    STEADYBOY RECORDS / EDDY GILES

    EDDIE GAZEL AND THE FAMILY ECHOES

    ROBERT PLANT / KRAMPOT / JEAN MICHELIN 

        GENE VINCENT +  CHAS HODGES

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 703

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    L’avenir du rock

    - Red Barons

             Comme il se sent d’humeur badine, l’avenir du rock soumet une devinette à ses amis Boule et Bill. C’est l’heure de l’apéro et tous les coups sont permis :

             — Si vous trouvez la réponse, je paye la tournée. Si vous ne la trouvez pas, vous payez la tournée. D’accord ?

             Boule et Bill jettent sur l’avenir du rock un regard éminemment suspicieux.

             — Bon d’accord...

             — Qu’est-ce qui est noble et qui est quatre ? C’est enfantin...

             L’avenir du rock voit les trognes de Boule et Bill se rembrunir, leurs sourcils se froncer, on entendrait presque leurs méninges grincer, le spectacle qu’ils offrent est atroce.

             — Comment k’ta dit, nob’ et quoi ?

             — Qu’est-ce qui est noble et qui est quatre ?

             Les deux trognes se rembrunissent de plus belle et de grosses veines bleues affleurent sur leurs tempes. Jamais ils n’ont autant réfléchi de leur vie. Boule se jette à l’eau :

             — Les frères Dalton ?

             — Sont pas vraiment nobles...

             Bill vole au secours de Boule :

             — Les quat’ mousquetaires !

             — Tu brûles, Bill...

             Boule saute en l’air :

             — Les sept mercenaires !

             — T’en as trois en trop, Boule...

             — Les quat’ quat’ !

             — Les go quat’ go !

             — Les quat’ vérités !

             Fatigué par leur connerie, l’avenir du rock leur donne un indice :

             — C’est un groupe de rock...

             — Ah fallait l’dire plus tôt ! Les Quat’ Onoma !

             — Les Stray Quat’ !

             — Les Quat’ Stevens ?

             — Bon on arrête. C’était pourtant pas compliqué : Baron Four. Sont nobles et sont quatre.

             — Putain quelle arnaque ! Tu nous as encore bien roulé la gueule, avenir du froc !

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             Contrairement à ce qu’indique le titre, les Baron Four ne sont pas Red, ils sont quatre. Mais ils arrivent en piqué sur le Pig. C’est leur côté Red, tacatatacatac, ils mitraillent sec. C’est même pire que ça. Ils chauffent leur Merseybeat à blanc. Pour

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    des Red, c’est pas mal. No mercy for the Mersey ! Nobody beats les Barons à la course. T’es beaté au Beatwave. Tu ne peux pas rêver meilleure prévalence de la cohérence. T’es dans la quadrature du cercle. T’as dans les pattes la clavicule de Salomon. Tu touches la vérité du doigt. Tu veux du rock anglais ? Cours voir les Baron Four. Ou plutôt les Fab (Baron) Four. Car là t’as tout : le freakbeat, le bulldobeat, l’extrabeat, l’ultrabeat, le beat à l’air, les chœurs d’arrache, les claqués de clairette, les foldingueries, le no way back dont t’as toujours rêvé, l’énergie brute, les références, les racines, l’horizon, l’ambiance, t’es chez Ali Babeat, ça dégouline d’or du Rhin, ça ruisselle de son, ça secoue les colonnes du temple, ça joue simple mais in the face, ils te calent même un gros clin d’œil à Bo en plein cœur de set («I Can Tell»), un autre clin d’œil encore plus appuyé au Stones de December’s Children («She Said Yeah»), et t’as tout le reste du saint-frusquin, une véritable aubaine

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    d’inespérette, t’as l’impression qu’il pleut des hits tellement leurs cuts sont frais comme des gardons, tellement ça grouille de vie, tellement ces mecs ne friment pas, tellement ils incarnent le pur spirit du British Beat, l’originel, l’intouchable, le pur parmi les purs, et une fois du plus, tu vois le gouffre qui sépare les groupes anglais des groupes français, t’as une élégance, une aisance, une prestance naturelle qui n’existe pas ailleurs qu’en Angleterre, ne serait-ce que dans la diction, mais t’as tout le reste, les 5 mn pour se brancher, pas de connard qui accorde les grattes pendant une plombe, t’as tout de suite le tac tac de départ et bam !, ça part sur «Trying», le cut d’ouverture de balda d’Outlying, leur dernier album en date. Tu prends ça en pleine poire. Le petit mec à la basse et au chant s’appelle Mike Whittaker et vient des Vicars, qui, t’en souvient-il, sonnaient comme les Buzzcocks. Il est encadré par deux fiévreux guitar slingers, CK Smith et Joe Eakins. Eakins paraît encore très jeune, il est sapé freakbeat anglais et gratte sa Tele. Par contre CK Smith porte une

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    casquette de chantier, une veste et des lunettes à grosses montures, et c’est un real wild cat, il gratte ses plans à l’ancienne, le manche en l’air. Et derrière, t’as la réincarnation de Keith Moon, l’invulnérable Mole. Quand t’as un batteur comme

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    Mole derrière, tu ne crains plus ni le diable ni la mort. Mole pétarade en permanence. On l’avait vu à l’œuvre dans Galileo 7. Avec l’âge, ça ne s’arrange pas. Un jour, il finira par exploser sur scène, splassshhhh !, et chacun voudra récupérer un bout de chair ou un os pour en faire une relique, car Mole est le saint homme du rock anglais. Il partage son génie avec des tas de copains. Tous ses groupes sont des groupes devenus mythiques grâce à lui, à commencer par les Baron Four, les Embrooks, Galileo 7, les Mystreated, The Higher State et tous les autres. 

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             Silvaticus va tout seul sur l’île déserte. C’est quasiment un album de proto-punk. Tout est wild as fuck sur cet album, dès «It’s Alright» et sa belle énergie d’early British beat. Mole te bat ça à la vie à la mort, t’as toute l’énergie des early

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    Stones et des Pretties. Complètement foutraque ! Ils tapent dans Bo avec une cover protozozo d’«I Can Tell» Awite ! Ils sont furax ! Encore du foutraque pur avec «Certain Type Of Girl», ils te propulsent leur Certain Type au firmament de l’underground, le wouahhhh est digne de ceux que pousse Wild Billy Childish avec CTMF. Encore du wild attack avec «I Gotta Know». Les Barons sont les rois du wild attack, Mike Whittaker est un vrai protozozo. Ils attaquent leur B au «I Know» avec un kilo de killer incendiaire. Le foutraque règne en maître chez les rois du wild attack. Et pouf, voilà une fantastique dégelée de jingle jangle avec «I Don’t Mind». Tu crois rêver. Mon manège à moi, c’est toi Baron ! Mole bat «Walking Out» comme plâtre. Ça tape encore en plein dans l’œil du colimateur, woouuuahhh et un kilo de killer. Leur cover de «Wild Angel» explose de protozozotisme, ça gratte à deux grattes.

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             C’est Lois Tozer, la Moonette des Embrooks, qui te vend l’Outlying. Ça grouille de vie là-dessus, mais pas autant que sur scène, ce qui semble logique. Mole is on fire dès «Trying». Le son est plus clean que sur scène, mais t’assistes à de belles flambées de violence pop. Certains cuts sont traversés par des éclairs de beauté purpurine («Is This Real»). Tu vas de cut en cut, le nez au vent, au fil de cette petite pop anglaise qui a chaud au cul. T’as pas d’hit mais t’as le beurre et l’argent du beurre de Mole. Tu retrouves le fantastique «That Beat When You Walk» tapé dans le premier quart de set, un cut assez déterminé à vaincre et boum !, tu tombes aussitôt après sur le real deal du rock psyché, «Hypnotized». Pourquoi real deal ? Parce que digne du 13th Floor. Pur genius pop ! La B n’est pas en reste, t’as un «Never Feeling Blue» sacrément secoué du cocotier, ils te swinguent carrément les entrailles du psyché, et Joe Eakins claque sa belle clairette de Tele. Un dernier coup de génie pour la route avec «You Need Me», freakbeat de haut rang, ils te claquent de la niaque à la volée. Baron Four, amigo ! S’ils passent dans ton coin, arrange-toi pour pas les rater.

    Signé : Cazengler, Baron comme une queue de pelle

    The Baron Four. Beatwave 9. The Pig. Hastings (UK). 19 juillet 2025

    The Baron Four. Silvaticus. Get Hip Recordings 2017

    The Baron Four. Outlying. Soundflat Records 2024

     

     

    In Mod We Trust

     - Dee donc Graham !

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             Sur la pochette intérieure de Carnaby Street Soul West Coast Vibes, Richard Searle nous raconte l’histoire détaillée de Graham Dee qui est bien sûr inconnu du grand public. Par contre, Eddie Piller et Acid Jazz le connaissent bien, et l’aiment assez pour proposer deux compilations, la pré-citée et The Graham Dee Connection. On en reparle un peu plus loin. Dee nous dit Searle est né pendant la guerre, à Whitechapel, East London, sous les bombes allemandes, et comme bon nombre de kids de sa génération, il a vite décidé qu’il serait musicien. Il commence par le commencement, une petite guitare et des airs de skiffle, un dad compatissant et des concerts au pub. Il joue dans des embryons de groupes embryonnaires dont Searle s’amuse à citer les noms, histoire de nous faire bâiller aux corneilles, puis arrivent les premiers contacts intéressants, notamment Steve Marriott & The Moments. Dee nous dit Seale est session-man sur «What’cha Gonna Do About It». Puis il se met à composer, monte les Storytellers, et pouf, c’est parti. Il propose ses compos aux Fleur de Lys et à Sharon Tandy. C’est Frank Fenter, le mari/impressario de Sharon Tandy qui dirige l’antenne européenne d’Atlantic. Fenter propose à Dee un job d’A&R chez Atlantic. En 1968, Dee signe des groupes et les produit. En studio, il fait jouer toutes les pointures de l’époque, Big Jim Sullivan, Little Jimmy Page, Andy White, John Paul Jones. Dee frôle la gloire avec le «Two Can Make It Together» de Tony & Tandy. Il fréquente tout le gratin dauphinois en devenir : David Bowie, Elkie Brooks, Mike Berry, il joue aussi pas mal sur scène, accompagnant les Walker Brothers, Carl Perkins, les Drifters et allant même jusqu’à remplacer le Syd Barrett absent du Floyd.

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             À la fin des sixties, Dee nous dit Searle devient bizarre. Il joue avec un flingue dans le studio et tire des balles à blanc. L’ingé-son lui demande d’arrêter, car ça abîme les micros. Alors il achète un arc et tire des flèches dans les meubles, mais l’arc est trop puissant. Il perce un radiateur et tout le monde à la trouille. En 1971, Dee nous dit Searle émigre au Wyoming pour s’amuser avec son nouveau Colt. Il zigzague un peu à travers les USA et débarque à Macon, Georgie, où est installé Frank Fenton. Il grenouille un moment avec les Allman Brothers Band. Roger Hawkins lui suggère de traverser la frontière de l’état pour descendre à Muscle Shoals, ce que fait Dee puis il compose pour Prince Phillip Mitchell. Il reprend ensuite la route vers l’Ouest, se bagarre avec des Navajos et finit par perdre son passeport et sa guitare. Il rentre à Londres composer «Sea Music» avec Gerry Shury puis il repart au Japon et aux Philippines. Il revient à Londres enregistrer «Sampaguita» et repart aussi sec à Los Angeles. Dee a la bougeotte. Il ne fait rien pendant les années 80, mais dans les années 90, il retourne au Japon apprendre l’art du sabre japonais. C’est Acid Jazz qui commence à déterrer ses légendaires productions via la série Rare Mod. «This album, nous dit Searle, is our tribute to an eccentric, a charmer, an unsung sixties hero... who still has soul.» Dee nous dit Searle est maintenant un vieux crabe entré dans ses seventies. Il rejoue sur scène avec les Fleur de Lys & Sharon Tandy, et compose à nouveau.

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             Pour savourer le génie de Graham Dee, il est fortement recommandé d’aller fourrer son nez dans les deux compiles pré-citées : Carnaby Street Soul West Coast Vibes et The Graham Dee Connection. C’est du pur jus d’Acid Jazz. Graham Dee a produit pas mal de groupes et c’est une véritable caverne d’Ali Baba qu’Acid Jazz met à notre portée. Le point fort de Carnaby Street Soul West Coast Vibes est l’«It’s A Hard Way But It’s My Way» de Razor, un fabuleux shoot de Dee-gaga. «Sampaguita» sonne comme de la petite exotica de London town. L’«A Love I Believe In» de Maxine est bizarrement co-écrit avec Donnie Elbert. C’est tout de même incroyable de croiser ici le nom de Donnie Elbert ! Graham Dee produit aussi Mike Berry. Quant à sa «Carrie», elle est tellement bourrée d’harmonies vocales qu’elle ne peut que plaire à Eddie Piller. En fait, les cuts de la compile reflètent surtout la grande habileté sélective d’Acid Jazz. Le «Tomorrow’s Children» de Tony Rivers est quasi californien. Voilà donc la magie du grand Dee : recréer les harmonies vocales de la légende dorée.

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             Mais c’est surtout avec The Graham Dee Connection qu’on tombe de sa chaise, et ce dès l’effarant «Two Can Make It Together» de Tony & Tandy, c’est-à-dire Dave Anthony & Sharon Tandy. Pur génie productiviste. Vraiment digne des géants de la prod américaine, ça explose en mode duo dévastateur avec des orchestrations ultra dynamiques signées Gerry Shury. Impossible d’espérer mieux. Compo + duo d’enfer + prod + swingin’ London, c’est l’équation magique de Graham Dee. On retrouve en B le Gerry Shury Orchestra pour cet instro vertigineux qu’est «Sea Music». On retrouve aussi Sharon Tandy avec les Fleur de Lys sur «Love Them All». C’est l’une des meilleures conjonctions de London Town : Sharon la douce + les Wild Fleur de Lys. Autre bombe : Lenny White et «Friday Night», pur jus de r’n’b de Mod club scene. On vendrait encore son père et sa mère pour Tony Rivers & The Castaways et la sunshine pop d’«Out Of This World». On reste au niveau supérieur de la Mod club scene avec Maxine et son «Who Belongs To You». Dennis Lotis est plus américain avec son «Celebration», c’est très pro, extraordinairement orchestré, une aubaine pour des oreilles qui n’en demandaient pas tant.

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             Graham Dee a enregistré trois albums solo. Le premier date de 1977, sort sur Pye et s’appelle Make The Most Of Every Moment. On y trouve deux Beautiful Songs : «If You Feel The Way That I Do» et «Slow Down». Dee en devient quasi-américain. On croirait entendre Jimmy Webb. «Slow Down» marque un fantastique retour aux sources chaudes du Beautiful Songwriting. Alors que d’autres adorent se lover dans le giron de la Gironde, l’ami Dee préfère se lover dans le giron d’une chanson douce et belle. Sur le reste de l’album il fait de la Dee pop, bien groovy, jamais éloignée de l’exotica urbaine de Steely Dan. C’est encore dans le Brazil qu’il excelle, comme le montre «Too Good To Last», pur jus d’Acid Jazz. Graham Dee convoite un univers, comme le montre encore «Stepping Out In Style», plus rétro. Il semble conduire le convoi dans les dunes du temps passé. Puis avec «We Spoke Of Love», il entre en résonance avec la persistance persique.

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             Sur la pochette de Something Else, l’ami Dee pilote une voiture de course. Sorti sur Pye, l’album date de 1978. Dès les premiers cuts, il nous plonge dans son pré carré, qui est le groove, mais un groove très soft, très beau, très dirigé, une Soul de rêve, mais blanche. Il en pince aussi pour l’exotica, comme on le voit avec «Love Where Are You Now». Il flirte avec les îles, c’est le son qui l’attire et il rehausse tout ça d’un beau solo de sax. Le hit de l’album s’appelle «As Long As I’m Close To You», il t’emmène dans son monde, un monde de groove de close to you, le groove des jours heureux, avec à la clé un solo jazz de sax. Tout aussi fantastiquement amené, voici «Couldn’t Believe My Eyes», une Soul de pop qui n’en croit pas ses yeux. L’ami Dee fait encore son petit numéro avec «Starlight Starlight», on perd le Mod mais on gagne du groove. Son «Another Night Alone» est très adulte. On sent qu’il est barré dans son trip, comme le montre encore le morceau titre de fin de parcours, c’est très loin de tout, sa pop de Soul redouble de finesse avec l’arrivée du timpani, il fait de l’Acid Jazz, c’est du groove de racines vivantes.

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             Et puis voilà cet énorme album qu’est The Thirteenth Man. Retour à l’exotica avec «Duckin ‘N’ Divin». L’ami Dee adore les tropiques, les maracas et Coconut Beach. Son exotica reste over the tip top - Never give up and I’ll never go down - On se sent bien en compagnie de l’ami Dee et de son exotica de never go down. Sur les autres cuts, il navigue en eaux claires, à la façon de Steely Dan, avec une voix très anglaise. Dee dit bien les choses et il a des chœurs de rêve. «Distracted» est un fabuleux shoot de slow groove à la Dee, ça dérive au long cours, de manière élégante, ça va de soi, l’ami Dee cherche en permanence un passage vers le paradis, distracted by your love. S’il fait du glam avec «Dark Night», c’est juste pour frapper les imaginations. Cette fois, il va chercher une diction et un groove de basse américains. L’ami Dee est un finaliste, il va toujours au bout des choses. Son «Cheatin’ On Love» est en fait du cheatin’ on me, du pur jus de satin jaune. Il redevient le temps d’un cut le roi du groove, il tape là une Philly Soul à la voix éreintée, son groove sort de la cuisse d’on ne sait qui, pas de Jupiter, mais d’un autre. L’ami Dee dégouline de ce talent rare en Angleterre qui est celui de la Soul blanche inspirée de Gamble & Huff. Retour à l’exotica de brazil avec «Notice Me Notice You». C’est son dada, il groove à l’excellence patentée, à l’esprit de rêve humide - I know it’s you/ You know it’s me - Toujours la même histoire. Il termine ce beau voyage avec «(All I Wanna Say Is) What About Me», encore un extrait de fine fleur du groove, il navigue pour toi, alors laisse-le faire. Il est blanc, mais il groove comme le plus beau des blacks, il y a du Leroy Hutson en lui.

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             En 2025, Eddie Piller sort un nouveau Graham Dee, Mr Super Cool, et signe les liners, au dos - Graham Dee had something of a charming life - Eddie rappelle que Graham Dee grattait ses poux derrière les early Small Faces, puis il fut repéré par Frank Fenter, l’A&R Atlantic pour l’Angleterre, qui le fit bosser pour Sharon Tandy, les Fleur De Lys et Mike Berry - He developped a unique ‘British Soul’ sound - En 1971, il s’installe brièvement aux États-Unis et bosse avec Prince Philip Mitchell. Et voilà que, comme dit Eddie, the story got weird : en 2019, Graham Dee entre en contact avec Eddie pour lui proposer l’acetate d’un album qui n’est jamais sorti. Eddie dit à Dee qu’on ne peut rien en faire : trop abîmé - And this is where it gets really weird - Coup de pot, un mec retrouve les master tapes dans la maison abandonnée d’un certain Gerry Shury, disparu en 1978, qui fut arrangeur et compositeur. La maison était complètement vide, il ne restait que 15 master tapes dans une back bedroom. L’agent immobilier qui les trouve les propose à un record dealer qui fait des recherches et ses recherches le conduisent à Eddie - Would I be interested in some of Graham’s tapes? - Well I was. Forcément, Eddie voit Mr Super Cool comme le Graal. C’est un album de groove urbain, le morceau titre est assez imparable, Dee sonne comme un dandy super cool. Et t’as un beau final cuivré de frais. Puis ça vire petite pop, bien fraîche et bien née, accueillie à bras ouverts. On pourrait presque la qualifier de coup de Syd au pays des merveilles. C’est une pop qui va bien, qui est en bonne santé, mais ce n’est pas l’album du siècle. En B, il revient au groove urbain avec «Answer Man». Ça lui va comme un gant. Il a en plus les violons de Marvin. Graham Dee s’amuse bien, il en a les moyens. Il regagne la sortie avec l’heavy funk de «So Much I Want You». Fantastique allure ! 

    Signé : Cazengler, Graham Dit tout

    Graham Dee. Make The Most Of Every Moment. Pye Records 1977 

    Graham Dee. Something Else. Pye Records 1978

    Graham Dee. The Thirteenth Man. Tin-kan Records 2014

    Graham Dee. Carnaby Street Soul West Coast Vibes. Acid Jazz 2020

    Graham Dee. Mr Super Cool. Acid Jazz 2025

    The Graham Dee Connection. Acid Jazz 2011

     

     

    Wizards & True Stars

    - Palmer qu’on voit danser le long des golfes clairs

    (Part Two)

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             En 1995, c’est-à-dire au siècle dernier, Robert Palmer publiait l’un des grands classiques de la rock culture : Rock & Roll: An Unruly History. Voilà encore un ouvrage qu’il faut bien qualifier de fondamental. C’est l’œil américain qui parle. Palmer a vécu l’émergence de la rock culture de l’intérieur, c’est-à-dire de l’Arkansas où il a grandi, et ça donne l’un des meilleurs panoramas jamais imaginés. C’est sans doute parce qu’il est fan de blues et de jazz qu’il rend hommage aux vrais pionniers de la rock culture : Bo Diddley, Sam Phillips, Alan Freed, le Velvet, Little Richard, et il rétablit des vérités élémentaires en consacrant des pages hallucinantes de vénération véracitaire à Pat Hare, Guitar Slim, Gatemouth Brown, Ike Turner, Lowman Pauling (Five Royales) et Tarheel Slim. Il consacre aussi un chapitre explosif aux funksters : James Brown, Bootsy Collins, George Clinton, puis il revient aux blancs en passant par le Cleveland des early seventies (Ubu, Peter Laughner), le rockab et les Dolls. Ça s’appelle trier sur le volet.

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             On savait Palmer exigeant. S’il consacre un ouvrage au blues, il ne citera pas B.B. King ni aucun bluesman de Chicago, il va leur préférer Junior Kimbrough et T Model Ford. Les ruraux. Cette histoire du rock est donc l’une de celles qu’il faut lire, car on y croise tous les gens qu’on aime bien, ceux déjà cités et beaucoup d’autres.

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             Le book tient bien en main, c’est un grand format quasi-carré, imprimé sur un solide satimat, allez on va dire un 170 g, richement illustré, et soigné quant aux choix typo (Minion pour le corps de texte, Franklin Gothic pour la titraille). Quant à la mise en page, quelle embellie ! Le designer n’a pas lésiné sur le barouf graphique des têtes de chapitre et sur ces larges colonnes de blanc qui aèrent si bien la lecture. C’est un livre d’art majeur. Au propre comme au figuré.

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             Petite cerise sur le gâtö : Palmer écrit remarquablement bien, mais ça, on le savait déjà depuis Deep Blues et Blues & Chaos: The Music Writing Of Robert Palmer, deux ouvrages essentiels épluchés dans des Parts précédents. Palmer injecte du swing dans sa prose. Quand il veut définir la pop et le rock’n’roll, il commence par rappeler que la pop music est la musique qui devient populaire. Mais le rock’n’roll va plus loin - rock and roll is not what’s just popular, nor it is the sum of its own tradition - Il précise sa pensée, le rock and roll nous dit «something fundamental about the music it describes: The music wants to rock you.» Il va développer cette idée sur 300 pages d’une densité effarante. Ça vaut vraiment la peine d’apprendre à lire l’anglais pour pouvoir se taper ce book. Si on raisonne à l’envers, on peut aussi dire qu’il vaut mieux écouter Bo Diddley en ayant lu Robert Palmer. On sait à l’écoute que Bo est un génie, mais Palmer décrit la nature de ce génie : «Bo Diddley a adapté les children’s game songs et l’oral street culture, comme par exemple l’échange rituel d’insultes connu sous le nom the dozens pour en faire un humorous wordplay et il créa un larger-than-life personna. La plupart des albums de Bo Diddley, depuis Bo Diddley et I’m A Man (1955) jusqu’à Say Man et Who Do You Love chroniquent les aventures de Bo Diddley superhero. Jouant avec sa own seasoned rhythm section, il a ramené les traditional African-derived rhythms into rock and roll.» Palmer rend au passage un hommage au «deep-voiced sparring partner» et maracas player Jerome Green. Voilà comment Palmer résume en quelques phrases l’art d’un des géants de la rock culture. Il indique aussi qu’une des influences de Bo fut le «Boogie Chillen» de John Lee Hooker, «a hard-rocking stomp with a chant-like melody, no chord change, heavily amplified guitar and shoot-like percussion provided by Hooker’s stomping feet.» Encore une façon de définir le rock.  

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             La grande force de Palmer est de s’intéresser à ceux qu’on appelle les unsung heroes du rock : Billy Lee Riley, Charlie Feathers, Mickey & Sylvia, Don & Dewey, Frankie Lymon & The Teenagers, les Collins Kids, et d’autres dont on a encore jamais entendu parler : the jiving Turbans, les El Dorados, les Moonglows and the rougher Cadillacs. Il reste encore des tas de pistes à creuser. Et Palmer n’en finit plus de rappeler à quel point le rock’n’roll était, à l’époque de son émergence dans la culture américaine, «a music with a future». Ce qu’elle est restée, comme nous le rappelle ici-même chaque semaine l’avenir du rock. La modernité est l’essence même du (bon) rock.

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             Palmer s’enivre de la multitude de belles voix qui ont enchanté les fifties et les early sixties : Sam Cooke, Jackie Wilson, Jesse Belvin, Marv Johnson, les Falcons ou encore Hank Ballard & The Midnighters, et dans la page d’en face, il tombe à genoux devant Totor - a Leiber & Stoller protégé - et ses works of art qu’il qualifiait lui-même de «little symphonies for the kids». Et paf, il cite les Ronettes, les Crystals, Darlene Love, the Righteous Brothers et Bob B. Soxx & the Blue Jeans. Totor choisissait des black singers with gospel roots. Brian Wilson est subjugué par ces «little symphonies for the kids» : non seulement il dit les entendre, mais il dit les envier. Et hop, Palmer bascule habilement dans la surf culture, d’abord avec Dick Dale - Dale’s guitar playing was fast, twangy and metallic, with long-lined Middle Eastern melodies slithering along atop shimmering Spanish-inflected chording, punctuated by slamming slides up the neck - Palmer peut rentrer dans la technique, car il est musicien de jazz et il sait de quoi il parle. Dans ses textes consacrés à Joujouka, il décrit bien les particularismes du rythme nord-africain, en établissant un lien avec l’Antiquité et la pratique des religions antiques. Les master musicians of Joujouka célèbrent encore aujourd’hui le culte du dieu Pan. Pas de dieu Pan en Californie, mais deux autres dieux plus récents : Dick Dale et Brian Wilson. Un Brian Wilson qui est tellement fasciné par Totor qu’il va utiliser les mêmes musiciens : le Wrecking Crew - Wilson creates ever-more-elaborate settings for his sagas of surf and sun. Like Spector, like Leiber & Stoller, he didn’t wrire songs, he wrote records

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             Palmer passe aussi sec à un autre géant : Uncle Sam. À l’époque de la guerre froide, Uncle Sam trouvait que le pouvoir américain traitait mal Fidel Castro. Alors un soir, il décide de l’appeler au téléphone et il tombe sur Raul, le frère de Fidel pour lui dire : «Raul, they just didn’t treat you folks right up there in New York. You tell Fidel the next time he comes to the United States, he can come to Memphis, Tennessee, and stay with Sam C. Phillips. And maybe we can straighten this thing out.» Fantastique Uncle Sam et surtout fantastique Palmer qui est allé chercher cette anecdote pour bien définir le degré d’indépendance d’esprit d’Uncle Sam. Il n’acceptait pas qu’on traite mal Fidel de la même façon qu’il n’acceptait pas qu’on traite mal les blackos, et c’est la raison pour laquelle il les accueillait dans son petit studio. Palmer veut dire que la modernité du rock passe aussi par l’indépendance d’esprit. Fuck it ! On fait comme il nous plait. C’est exactement ce qu’Uncle Sam a fait. À son idée. Sans lui, nous n’aurions pas tout ce que nous avons aujourd’hui. Wolf, Elvis et Ike Turner ne seraient jamais devenus des superstars. Uncle Sam : «We were all beginners, just beginners, and we were making history.» Il est persuadé que le rock a donné aux gosses une «individualité». Il est convaincu que le rock’n’roll a changé l’Amérique - which was for the better, I don’t give a damn what anydody says - Fuck le qu’en-dira-t-on ! Palmer rattrape la balle au bond : «Rock was our religion. But what kind of religion was it?»

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             Il répond aussi sec : «Les Grecs anciens ont inclus le dualisme philosophique dans leur hiérarchie de dieux et de mythes, identifiant deux courants de forces spirituelles qui incarnaient deux tendances de base dans la société et la culture : the ‘balanced, rational’ Apollo, et the ‘intoxicated, irrational’ Dionysus. Le culte de Dionysos fait partie des plus anciens, avec des racines dans l’encore plus ancien culte pré-aryen de Shiva. On a donné des surnoms à Shiva et Dionysos. Shiva was the Howler, the Noisy One, the Ithyphallic (god with a hard-on), or Skanda, literally ‘the jet of sperm’.» Sex & drugs & rock’n’roll. Tout devient clair. Il harangue encore son lecteur un peu plus loin : «As rockers, we are heirs to one of our civilisation’s richest, most time-honored spiritual traditions.» Il fait un saut de ligne pour ajouter ça qui sonne comme un dicton : «We must never forget our glorious Dionysian heritage.» La messe est dite. C’est un peu comme si tu choisissais entre Dieu et le diable. Le choix est vite fait. Et alors que tu navigues au gré de ces pages en frisant l’overdose intellectuelle, Palmer t’injecte une nouvelle dose de mythe pur, en citant Hakim Bey, «a self-described poetic terrorist» : «Au fil du temps, les concerts de rock allaient devenir ce qu’Hakim Bey appelle des ‘Temporary autonomous zones’. Une TAZ est une zone de liberté, une sorte d’anarchie fonctionnelle qui existe à l’intérieur d’une culture mainstream plus ou moins répressive. Une tournée rock is a portable TAZ, creating a temporary Dionysian community in a different location night after night.»

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             Palmer revient longuement sur la spécificité du studio Sun et notamment son plafond. Uncle Sam y avait installé des tuiles ondulées qui maximalisaient la qualité du son. Il avait aussi imaginé un système entièrement original de slap-back tape echo : le signal rentrait dans une tape machine puis dans une deuxième tape machine with an infinitesimal delay. Uncle Sam avait en plus l’oreille : il savait équilibrer les instruments et les voix, et faisait en sorte de donner à ses artistes «the influence... to be free in their expression.» Palmer parle ici d’un «customary live sound».

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             C’est aussi Uncle Sam qui découvre Willie Johnson, le wild guitariste de Wolf et ses «slashing rhythm licks and jazzy fill-in runs», qui bien avant tous les petits culs blancs, savait foutre son ampli à fond pour le faire craquer, «slamming out dense and distorded power chords.» Et Palmer exulte, il voit «Johnson’s slamming power chords crashing like thunder», et il cite Wolf qui, en pleine session chez Sun («House Rockers»), «catapulted Johnson into his guitar solo by hollering, ‘Play that guitar, Willie Johnson, till it smoke... blow your top, blow your top, blow your TOP!» (L’harangue rappelle celle de Captain Beefheart quand, dans «Big Eye Beans From Venus, il lance : «Mister Zoot Horn Rollo, hit that long lunar note and let it float»). Les Sun Sessions de Wolf font partie de ce qui s’est fait de mieux en matière de rock. Et quand Uncle Sam enregistre Wolf, il n’a pas encore de label, alors il cède ses enregistrements sous licence à Chess, et comme Leonard le Renard voit en Wolf un jackpot, il le barbote à Uncle Sam - For Phillips, losing Jackie Breston and Wolf to Chess, and Rosco Gordon and B.B. King to Modern/RPM, was devastating - C’est là qu’Uncle Sam décide de monter un label, alors qu’il ne roule pas sur l’or. Son premier label s’appelle Phillips Records, un seul single : «Boogie In The Park», «one of the loudest, most overdriven and distorded guitar stomp ever recorded», «by Memphis one-man-band Joe Hill Louis».  Et crack, deux autres cakes se pointent chez Uncle Sam : James Cotton et Junior Parker, qui vont enregistrer avec un guitariste black qu’Uncle Sam a repéré en 1952, alors qu’il jouait dans le Walter Bradford’s combo : Pat Hare. Pat Hare et Willie Johnson même combat - Johnson and Hare were originators of one of the most basic gambits in the rock and roll guitarist arsenal, the power chord - Il faut entendre Pat Hare gratter ses power chords sur le «Cotton Crop Blues» de James Cotton paru en 1954. Entre 1952 et 1954, Pat Hare est le power chord king chez Sun - Rarely has a grittier, nastier, more ferocious electric-guitar sound been captured on record, before or since -  On va retrouver Pat Hare avec Muddy Waters sur Muddy Waters Sings Big Bill et Muddy Waters At Newport. Tout cela relève du mythe pur. On retrouvera Pat Hare prochainement. Où ça ? Inside the goldmine.

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    Al Jackson

             Palmer est un cabri : il saute d’un pic à l’autre, de Sun à Motown. ll commence par saluer James Jamerson, «the most influential bassist of the sixties». Un Jamerson qui avoue des influences orientales - My feel was always an Eastern feel, a spiritual thing - Comme chez Stax et à Muscle Shoals, Berry Gordy a mis en place une «house rhythm section to build records from scratch.» Mais Steve Cropper estime que «Motown was white music», alors que Stax «was a form of community music that spoke for the black person. And it was a step above what people call the blues. It was slicker, but it wasn’t too slick.» John Fogerty qualifiait Booker T & The MGs de «world’s greatest rock and roll band». De son côté, Dylan qualifiait Smokey Robinson d’«America’s greatest poet». Et Palmer boucle ‘Respect’, le chapitre qu’il consacre à la Soul, en l’enterrant - The Soul era was over en 1975, le jour où Al Jackson s’est fait buter chez lui par un cambrioleur, et en 1979, quand Al Green s’est retiré du music biz pour chanter le gospel dans son église.

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             Palmer attaque aussi sec ‘A Rolling Stone’, un court chapitre consacré à Dylan. Pour nous mettre dans l’ambiance, il évoque la première rencontre des Beatles et de Dylan qui eut lieu dans un hôtel new-yorkais, le Delmonico, sur Park Avenue. La scène se passe en 1964 et c’est Al Aronowitz qui en donne tous les détails. Palmer cite Al car il fut à ses yeux «one of the first journalists to specialize in writing intelligently about popular music.» C’est aussi Aronowitz qui allait brancher Andy Warhol sur le Velvet, un peu plus tard. Donc Dylan et son road manager Victor déboulent dans la suite des Beatles au Delmonico. Ils sifflent des verres, Dylan demande du cheap wine, puis ils abordent la question des drogues. Dylan propose un joint de marijuana. Les Beatles ne connaissent pas. Dylan tend le joint à John qui répond que Ringo est son royal taste tester. Ringo fume le joint et il se met à rigoler. Alors tout le monde rigole - and that’s all it was, one big laugh - Paul fume et croit que c’est la première fois dans sa vie qu’il fait du real thinking. Aronowitz indique en outre que cette rencontre fut déterminante, «Bob went electric and the Beatles started to write much grittier lyrics.» Palmer a raison de dire que Dylan a cassé la baraque avec Bringing It All Back Home - His electric music was not guitar-band pop rock; it was wildly original, high-energy brand of electric blues, as gritty and unpolished as the rural folk music that had inspired his earlier acoustic work - Al Kooper rappelle de son côté que Dylan «was not a Gershwin» et qu’il était en fait très primitif. Durant l’enregistrement de «Like A Rolling Stone», Dylan a demandé à Tom Wilson de monter l’orgue de Kooper, «turn up the organ», et Tom Wilson lui a répondu : «Oh man, that guy’s not an organ player», and Dylan said : «I don’t care, turn the organ up.» Palmer n’en finit plus de se prosterner devant la triplette de Belleville, «Bringing It All Back Home, the luminous, from-the-hip Highway 61 Revisited (with Kooper and Bloomfield), and the epic Blonde On Blonde, cut with Kooper, Robbie Robertson, and a crew of ace Nashville session men and described by Dylan himself as ‘that wild mercury sound’.» Et Palmer de conclure son chapitre en rappelant que Dylan et les Beatles ont créé «a kind of rock and roll art music, explicitly designed for listening and thinking rather than dancing and romancing.» De là vont naître les Byrds, qui s’inspirent de Dylan pour les textes, et des Beatles pour les harmonies vocales.

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             Palmer consacre quelques pages aux Anglais : Jeff Beck, qui est traumatisé par Jimi Hendrix - He was doing things so up front, so wild and unchained, and that’s sort of what I wanted to do, but being British and the product of these poxy little schools I used to go to, I couldn’t do what he did - Oui, Hendrix avait déjà «alchemized his many blues influences into an approach that was unmistakably his own.» Et Paf, ce démon de Palmer embraye sur l’Experience - The Experience took blues-based, improvisional rock to perhaps its ultimate level of development. Hendrix himself expanded the tonal and sonic resources of the electric guitar so spectacularly that his work remains definitive a quarter-century after his death - Palmer adresse aussi un gros clin d’œil à Keef, rappelant que quoi qu’il fasse sur une guitare, personne ne sonnera jamais comme lui. Par contre, Muddy remet bien les pendules à l’heure : il voit des blancs jouer le blues - They got all these white kids now. Some of them can play good blues. They play so much, run a ring around you playin’ guitar, but they cannot vocal like the black man - Palmer abonde dans le même sens : si vous ne grandissez pas avec cette culture, votre chant va passer pour ce qu’il est : une imitation. Il n’ose pas dire une pâle imitation, mais on le devine.

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              Palmer consacre des pages émouvantes à Alan Freed, l’un des personnages clés de la rock culture américaine. Son boss lui demande un jour de signer un papelard comme quoi il n’aurait pas touché de blé au noir, et bien sûr Freed refuse de signer, considérant que ce papelard est une insulte à son intégrité. Pouf, viré ! Puis il est arrêté et jugé. C’est le fameux scandale du payola. Il s’en tire avec 300 $ d’amande, mais il est mentalement rincé. Il a continué un temps d’animer un radio show, mais dans l’obscurité. Il est malade. Urémie. Il casse sa pipe en bois en 43 ans. C’est une tragédie.

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             Palmer passe du coq à l’âne, c’est-à-dire d’Alan Freed à Leonard le renard, pour nous raconter l’une de ces fascinantes anecdotes dont il s’est fait une spécialité : apparemment, la mafia de Chicago s’intéressait de près au Chess business. Mais Leonard le renard avait grandi dans le ghetto juif polonais et s’était endurci. Les mafieux chopaient Leonard et le tabassaient de temps en temps. Ils menaçaient même de le buter. Mais Leonard était têtu comme une bourrique. Il a tenu tête. Comment ? En envoyant un émissaire à New York, chargé de rencontrer Mr. Big, dont les liens avec la mafia sont connus comme le loup blanc. Palmer ne cite pas de nom, mais on en déduit qu’il s’agit de Morris Levy. Mr. Big passe quelques coups de fil. Les mafieux de Chicago foutent enfin la paix à Leonard le renard. Pendant les années suivantes, les stations de radio que possèdent les frères Chess vont consacrer pas mal de temps à la promotion des «records from Mr. Big’s family of labels. Naturally, this was purely coincidental.»

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             Petit hommage vite fait à Little Richard qui reste avec «the rable-rouser Alan Freed» le pionnier «of what we might call the rock and roll lifestyle.» Au détour d’une page, Palmer rappelle qu’à l’âge de 15 ans, en 1960, il assista à un sacré show - some arcadian dream - À la même affiche, t’avais Sam Cooke, Jackie Wilson, Jesse Belvin et Marv Johnson. Et pouf, Palmer te claque l’anecdote de choc : c’était la dernière fois que Jesse Belvin montait sur scène. Plus tard dans la nuit, «he died in a flaming collision on a dark Arkansas highway, and some of us missed him as much as we missed Holly and Valens.» Il faut lire ces pages, car elles sont grandioses.

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             De la même façon qu’il restaure le culte de Dionysos, Palmer restaure celui du LSD 25 - un cadeau que fit la CIA to the burgeonning youth culture of the sixties - Il rappelle que le LSD fut synthétisé en 1938 sous le nom de lysergic acid diethylamide. Il fallut des cobayes et Ken Kesey en fit partie : «Je suis allé au Stanford Research Institute chaque mardi  pendant des semaines. Il me donnaient du LSD 25, du LSD 6 ou de la mescaline et me payaient vingt dollars.» Puis quand la CIA a stoppé les tests, les cobayes se sont révoltés. Kesey : «Well if you guys don’t have the balls to carry on with this, we’ll do it on our own. And it’s still going on.» Alors Kesey et ses amis les Merry Pranksters ont lancé des LSD parties à San Francisco. Et toute la scène de San Francisco est partie de là. Plus bas, à Los Angeles, David Crosby et les Byrds vont rendre hommage à cette drug-culture avec «Eight Miles High» - We had a strong feeling about drugs, or rather psychedelics and marijuana. We thought they would help us blast our generation loose from the fifties. Personnaly, I don’t regret my psychedelic experiences. I took psychedelics as a sort of sacrament.

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             Palmer continue se surfer sur les mythes avec le Velvet - En 1965, deux des founding members of the Velvet Underground, Lou Reed & original percussionist Angus MacLise décrivaient leur groupe comme «the Western equivalent of the cosmic dance of Shiva. Playing as Babylon goes up in flames.» - Le Lou se souvient aussi des recommandations d’Andy Warhol - Keep it rough - Le Lou : «Andy wanted it to disturb people and shake ‘em up, so did we.» Calimero parle d’une «punk attitude» basée sur la haine et la dérision. Le meilleur exemple de cette punk attitude est «Sister Ray». Palmer rentre dans les détails de «Sister Ray», rappelant pour le cas où on l’aurait oublié, que «Partway through, Cale’s organ took off with a tremendous surge of power amid the guitarist’s howling feedback. Il était le vainqueur de cette bataille sonique, mais il perdit la guerre  quelques mois plus tard quand Reed, malgré les protestations de Sterling Morrison et Maureen Tucker, lui demanda de quitter le groupe.» Calimero va devenir le producteur que l’on sait, en produisant deux des plus importants punk-rock precursors, Jonathan Richman et Patti Smith - mais il avait déjà anticipé the shape of punk to come avec les Stooges - Le jeune Palmer avait déjà bien frémi durant ses high school years avec le «Louie Louie» des Kingsmen et le «Farmer John» des Premieres - It was a transcendental experience - Palmer revient aussi sur the Ostrich guitar du Lou, avec ses six cordes accordées sur une seule note - in order to get a harmonic-rich drone sound - un détail qui avait frappé Calimero. La Monte Young étudiait lui aussi la drone music et avait demandé à Calimero et à Tony Conrad d’accorder leurs instruments respectifs - the electric violin and electric viola - sur la même note. L’influence de La Monte Young sur l’early Velvet était donc manifeste, comme le souligne Palmer : «the drome and shimmering harmonics of Indian music, the distinctive melodic language of the blues, the classical avant-garde of Weber, Stockhausen and Cage, and an affinity for volume levels surpassing anything previously heard in rock.» Et Palmer entre de plus belle dans le chou du détail : «John Cale put heavy-gauge guitar strings on his electric viola, played it through an amplifier stack, and achieved a sound he favorably compared to that of a jet taking off.» Ce démon de Palmer se met ensuite à analyser : «Voici l’une des façons de voir le rock tel que le conçoit le Velvet : les paroles montrent le monde tel qu’il est, alors que la musique rend la souffrance plus supportable en incarnant la géométrie sacrée d’un paradis sonique imaginaire.» Palmer rappelle aussi que les Stooges furent les premiers à capter le message du Velvet et que David Bowie ramena la dimension du «demi-monde» warholien dans le British rock. Palmer rappelle encore que «Television carried on the Velvet’s legacy of street-real lyrics and harmonic clang-and-drone, with approrpiate nods to John Coltrane’s modal jazz and the Byrds’ resonating raga-rock from lead guitarist Tom Verlaine.» C’est dingue ce que Palmer peut être précis. Et quand Danny Fields découvre les Stooges sur scène à Detroit, il déclare : «They were by far the most interesting band since the Velvet Underground.»

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             C’est là que Palmer embraye sur le chapitre le plus hot de son book, ‘The Church of the Sonic Guitar’, déjà évoqué via Willie Johnson et Pat Hare. L’autre géant qu’il épingle est bien sûr T-Bone Walker. Il épingle aussi Goree Carter, un guitariste d’Houston, inspiré par T-Bone Walker. Selon Palmer, le «Rock Awhile» de Goree Carter est un sérieux candidat pour le titre de «first rock and roll record». Et puis voilà le Texan Clarence Gatemouth Brown - One of the flashier, and perhaps the most resourceful explorer of the electric guitar’s sonic resources. Ses early and mid-fifties singles abound in volume and sustain effects, deliberate amplifier overloading, wildly stuttering scrambles up the neck, screaming high-note sustain, and other proto-rock-and-roll devices - C’est vrai que Gatemouth Brown est un sauvage. Il faut le suivre à la trace. On en reparle.

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             Comme si c’était possible, Palmer monte encore d’un cran avec Guitar Slim. Selon Jeff Hammusch, Guitar Slim est le prototype du «live fast/die young» rock’n’roll comet - He was the best! Slim just wouldn’t take care of himself. He lived fast. Different women every night - Quand on lui demandait de se reposer et de prendre soin de lui, Guitar Slim répondait : «I live three days to y’all’s one. The world don’t owe me a thing when I’m gone.» Il casse sa pipe en bois à New York à l’âge de 32 ans. Gros mélange d’alcool et de pneumonie. Palmer embraye aussi sec sur Ike : «If Guitar Slim was the  patron saint of our Church of the Sonic Guitar, Ike Turner can only be its fallen angel, the dark prince, who is also Lucifer, the ‘light-bringer’.» Grâce à Ike, on reste chez Dionysios. Palmer rappelle au passage que St. Louis was a mecca for black southeners. C’est une sorte de capitale du country blues et du sophisticated jazz. En 1955, la concurrence est rude entre les Kings Of Rhythm d’Ike et le Chuck Berry’s trio. Albert King traîne aussi dans les parages. Quand Uncle Sam voit débarquer Ike dans son studio à Memphis, il sait tout de suite ce qui se passe : «Ike had the best-prepared band that ever came in and asked me to work with them.» Ike est aux yeux de Palmer le plus wild d’entre tous - Turner unleashed his full power, wrestling twisted, tortured, bent and shattered blue notes and chords out of his guitar, not just for empahis, but practically every bar of every solo. On n’avait encore jamais entendu une telle sauvagerie, il était tellement en avance sur son temps - Puis Palmer remet un peu les pendules à l’heure, car après son divorce avec Tina Turner, le pauvre Ike a fait la une des canards qui puent - Il y eut cette séparation dûment médiatisée, des accusations et des arrestations. It’s too bad because Ike Turner deserves a prominent place in rock and roll history, and not just as a guitarist whose wild-man strategies were rarely heard again until the advent of the Velvet Underground and later punk groups like Richard Hell & The Voidoids, with resourceful gonzo-guitar inheritor Robert Quine - La parenté Ike/Velvet/Quine est parfaite. Par ici, on appelle ceux-là des triplettes de Belleville essentielles.

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             Palmer consacre ensuite des pages indécentes de classe à Lowman Pauling, des Five Royales, et à Tarheel Slim qui est quasiment inconnu - Lowman made his mark as the musical director of one of the most accomplished and consistently innovative of fifties vocal groups, the «5» Royales - Quand Hank Ballard veut appeler son groupe Hank Ballard & The Royals, on lui dit : impossible. La réputation des Five Royales est trop bien établie. Palmer rappelle aussi que Pauling était le moins connu des greatest r&b guitarists de l’époque : Chuck Berry, Bo Diddley et New York sessionman supreme Mickey Baker. Lowman savait tout faire : gratter ses cordes avec les dents, gratter derrière sa tête. Steve Cropper le cite comme sa principale influence. Doctor John vénérait aussi les Five Royales. «The Slummer The Slum» est Pauling’s masterpiece - It begins  with Pauling unleashing some of the most ferocious lead-guitar riffs heard on record up to that time - Les royales sont sur King, mais il y a du tirage avec James Brown qui est aussi sur King, alors les Royales doivent quitter King. Ils se retrouvent sur le label Home Of The Blues et bossent avec Willie Mitchell. Et bizarrement, leurs singles ne marchent pas. Les Royales se séparent et sombrent dans l’oubli. Lowman Pauling casse sa pipe en bois en 1974 - Recognition for his achievments has long been overdue - Heureusement que t’as des mecs comme Palmer qui écrivent des books, mais si personne ne les lit, alors tout ça ne sert à rien.

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             Palmer passe aussi sec à un autre géant inconnu du grand public, Tarheel Slim. On peut le croiser inside the goldmine. Avec l’immense Tarheel Slim, on passe au black blues-rockabilly. Slim enregistre avec un autre démon, the redoutable Wild Jimmy Spruill. Palmer connaît tous les gens qu’il faut connaître. En 1959, Slim et Spruill sortent «the cataclysmic two-sided nonhit single» «Wildcat Tamer»/«Number 9 Train», sur le label Fire du grand Bobby Robinson. Robinson enregistrait déjà Elmore James - the most thunderous electric-guitar records of the decade - Palmer souligne en outre que ce single de Tarheel Slim et Wild Jimmy Spruill définit le son à deux guitares que vont développer Hound Dog Taylor et les Gories - Both players mix tremolo, twang, slamming runs, and crazed lead playing.

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             Palmer salue aussi bien bas le «Down On The Farm» de Big Al Drowning, «backed by a white rockabilly combo under the leadership of one Bobby Poe - it was Little Richard-meets-Carl Perkins in flavor.» Palmer s’enthousiasme facilement. Il prend feu à la moindre étincelle. Rares sont les pages qui n’explosent pas. Il boucle ce chapitre hors du temps avec les Falcons qui comprenaient Joe Stubbs (le frère le Levi Stubbs, lead des Four Tops), et Eddie Floyd qui allait donner à Stax ses lettres de noblesse. Le baritone des Falcons n’est autre que Mack (later Sir Mack) Rice, qui allait composer «Mustang Sally», un hit qui allait rendre célèbre le remplaçant de Joe Stubbs dans les Falcons, Wilson Pickett. Quand les Falcons décrochent un hit avec «I Found A Love», Wicked Pickett quitte les Falcons pour signer sur Atlantic - If any fifties vocal group was a school for future soul stars, it was the Falcons. Comme les «5» Royales, Nolan Strong & The Diablos, and other gospel-soul vocal groups, ils ont aussi contribué au développement de la guitare électrique - Et Palmer cite le nom du guitariste des Falcons, Lance Finnie. 

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             Il passe aussi sec au funk avec Bootsy en face du titre : ‘Brand new bag’. Comme c’est bien vu, Palmer ! Il commence par rappeler l’origine du mot funk : «In black vernacular, le mot funk se référait à une odeur, une odeur impolie. Funk était l’odeur de la sueur, l’odeur du sexe, l’odeur de...». Il n’ose pas dire du cul, mais il cite le funky butt. Et de rappeler dans la foulée que personne n’a mis autant de sueur dans un show que James Brown - Add to this Ki-Kongo concept of positive sweat, the Yoruba concept of ashé, or ‘cool’, and what have you got? ‘Cold Sweat’ - Et voilà James Brown qui part en quête du Graal, c’est-à-dire «l’ultimate groove». Palmer consacre des pages hallucinées à James Brown, «playing drums with his larynx», «Audiences dig go crazy, making ‘Bag’ one of Brown’s biggest hits so far - Even Brown was surprised by what he had created.» Le sujet échappe au maître, c’est bien connu. Et Palmer y retourne à coup de «Bag» qui electrified the musical community, et t’as Jerry Wexler affolé qui déclare au coin d’un paragraphe : «‘Cold Sweat’ deeply affected the musicians I knew. It just freaked them out. For a time, no one could get a handle on what to do next.» Oui, James Brown brouillait les pistes, il était devenu en son temps l’artiste le plus moderne, le plus puissant du monde. Au même moment, à Detroit, Norman Whitfield «crafted a series of revolutionary singles that synthetized both the James Brown and Sly Stone versions of funk.» Palmer évoque bien sûr les Temptations - The Whitfield/Temptations collaborations of 1967-72 are among rock ans roll’s most consistently creative and adventuesome bodies of work - S’ensuit un hommage fulgurant à Bootsy - Bootsy had truly taken to heart Brown’s practice of accenting «on the one» which reversed the rhythmic priorities that had long been standard in jazz, rock and r&b - Il redéfinissait le funk. Puis George Clinton récupère Bootsy - If Bootsy was taking some weird new drug, George didn’t necessarily want him to stop; he wanted to try some himself - Et pouf, Palmer part droit sur Parliament-Funkadelic, c’est-à-dire P-Funk, qui tournait à l’époque avec les Stooges - In their early years, P-Funk incorporated all the volume a Marshall stack could crank out, all the onstage brinkmanship an Iggy Pop could munster, and all the drugs in the rocker’s pharmacopoeia - Nous voilà parmi les géants - Clinton developped a more positive mythology involving outer space, black tribalism and the whole-system integrity of the funk itself. «If you fake the funk» warned Clinton, «your nose will grow.» - Pour beaucoup de gens, Earth Wind & Fire était les «black Beatles» et P-Funk les «black Rolling Stones».

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             Quoi de plus naturel que de passer au punk après le funk ? Le chapitre s’appelle ‘Blank Generation’ et s’ouvre avec les Dolls. Palmer n’y va pas de main morte, puisqu’il attaque par la racine du punk, le rockab - Rock and roll has always had a «punk» underground of sorts. In the fifties, there were rockabilly wild men who played hard and fast, leaving a trail of pandemonium and wreckage behind them - Et pouf, il cite Billy Lee Riley, Sonny Burgess et ses «flaming red suits, socks and shoes, with guitar ans hair to match.» Et puis bien sûr Gene Vincent (hello Damie), qui «with his black leather jacket, his sneer, and his frenzied, amphetamine-stoked stage shows, was a fifties punk who greatly influenced the wilder side of John Lennon.» Sans oublier Eddie Cochran et ses teenage anthems repris par les garage bands et les Who.

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             Palmer fait un focus sur Cleveland - an unlikely hotspot for early protopunk activity - Il rappelle que les Stooges et le Velvet ont joué à Cleveland et qu’ils ont bien marqué les gens - The Velvets the thinkers and the Stooges the thugs - Oui, car Palmer dit aussi quelque part dans le book que pour mener une révolution, il faut à la fois des thinkers pour l’imaginer et des thugs pour la mettre en œuvre. Cleveland, ça commence avec Rocket From The Tombs dont font partie Peter Laughner et David Thomas, qui vont ensuite former Pere Ubu, «injecting a healthy dose of Captain Beefheart’s mutant blues strains into their Velvets/Stooges/glitter influences.» Palmer rend bien sûr hommage à «Final Solution» et à ses lyrics, un «cleverly twisted teenage-wasteland psychodrama.»

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             Par contre, il ne trouve pas grand-chose à se mettre sous la dent dans les années 80, à part The Fall, «an abrasive, ratchety-sounding agitprop outfit», Public Image Limited, Birthday Party et The Jesus & Mary Chain, «an unlikely hybrid of the Velvet Underground and the Beach Boys.» Bizarre qu’il oublie de citer les Cramps et le Gun Club. Étant américain il cite bien sûr Sonic Youth qui aurait inspiré My Bloody Valnetine, the Wedding Present et Swervedriver. Il retombe finalement sur ses pattes en rappelant que les Dolls, vus comme un rip-off des Stones, «was a fundamental inspiration for the entire New York punk movement.»

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             Il faut aussi voir le petit docu qu’il consacra à Trane en 1990, et paru sur DVD en 2010 : The World According To John Coltrane. Tu vois Trane souffler et Elvin Jones de dos battre le beurre du diable. Tu sens la puissance de ces deux locomotives de l’ultra-freedom : larges épaules et racines du beat. Les anecdotes pullulent, la plus savoureuse étant celle-ci : Trane apprend que Bird se balade avec une partition de L’Oiseau De Feu, alors il va dans une bibliothèque municipale de Philadelphie écouter Stravinsky. On voit Trane jouer avec Miles, puis en 1960, Trane quitte Miles pour explorer le modal. Mais tu risques l’overdose de modernité. Trane joue les yeux fermés, il tortille son free à l’infini. Trane joue toujours, avant, pendant et après le concert. Robert Palmer a l’intelligence de ne pas couper les cuts. Palmer dit aussi que Trane a influencé les Byrds («Eight Miles High»). C’est juste, Croz est un fan de Trane. Il raconte un bel épisode dans son autobio : il est dans les gogues d’un club à Chicago et soudain, il entend un sax. C’est Trane. Trane jouait même dans les gogues. En visionnant ces images, tu comprends un truc élémentaire : la musique de Trane parle toute seule. Pas besoin de commentaires. Tu assistes à la glorification du peuple noir via sa spiritualité. Trane devient fou sur scène. Alice pianote. Trane se tortille. Robert De Niro/Jimmy Doyle va s’inspirer des fabuleuses contorsions de Trane pour saxer son set dans New York New York. Et petite cerise sur le gâtö, Palmer nous ramène au Maroc avec Roscoe Mitchell qui réussit à jouer avec les derviches marocains, ce que Trane voulait faire et qu’il n’a pas réussi à faire de son vivant. Merci Palmer pour cet hommage au Love Supreme.  

    Signé : Cazengler, Pied Palmer

    Robert Palmer. Rock & Roll: An Unruly History. Harmony Books 1995

    Robert Palmer. The World According To John Coltrane. DVD 2010

     

     

    Label bel bel comme le jour

    - Ready SteadyBoy

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             Tiens tiens... Tu feuillettes Record Collector et tu tombes sur un petit article illustré par des pochettes d’albums recommandables : Rocky Erickson & The Explosives et Bob Mosley. Et t’as la photo d’un mec chapeauté de frais, un certain Freddie Knoc. Il se trouve que ce Knoc est boss d’un label, SteadyBoy Records. Wow quel label ! Tu lis la short-list du bas de la page et tes yeux dansent la rumba : Peter Lewis, Mike Wilhelm, Charlatans, The Explosives, Doug Sahm, Davie Allen & The Arrows, plus les deux pré-cités, Roky et Bob Mosley. Il enregistre aussi ses propres albums sous le nom de Freddie Steady.

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             Freddie le crack est un Texan. On s’en serait douté. Un Texan d’Austin. Il a choisi de s’appeler Steady parce qu’on le dit régulier, c’est-à-dire steady, au beurre. Freddie est multi-instrumentiste. Quand Nick Dalton lui demande quels sont ses modèles, il cite Immediate, Sundazed, Chess, Sun, Stax - Immediate seemed the most creative and adventurous - Il rêve de rencontrer Andrew Loog Oldham pour un chat. L’une de ses fiertés est d’avoir sorti Halloween II de Roky Erickson & The Explosives. Et paf, il indique que «The Explosives were my band from 1979 to 1981 and then 2005-2008.» Il dit aussi avoir eu la chance de produire Sal Valentino. Mais aussi de co-produire le Just Like Jack de Peter Lewis, l’ex-Moby Grape. La chance encore de rééditer le True Blue de Bob Mosley, un autre ex-Moby Grape. Puis il a profité d’une belle tranche de vie à Londres dans les année 80 pour sortir le Dangerous Ground des Downliners Sect. Et quand Dalton lui demande quel album il aurait aimé publier, il répond sans hésitation le premier Moby Grape. Et la réédition de ses rêves ? Moby Grape’s second album Wow. Il prévoit de publier son autobio, Freddie Steady Go! A Journeyman’s Guide To A Life In Music. Le coco est assez complet.  

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             Alors bien sûr, tu vas fourrer ton nez dans les affaires de Freddie Steady. Ça tombe bien, il réédite son Lucky 7. Le groupe s’appelle Freddie Steady’s Wild Country. Te voilà donc au Texas, Amigo ! L’album est trop country pour être honnête, tu te retrouves coincé dans le saloon, mais tu persévères. Freddie Steady ne jure que par le tradi. Tu ne l’écoutes que parce qu’on lui rend hommage dans Record Collector. Ça s’arrange quand il va traîner dans le Bayou avec «Night Time». Et ça devient passionnant lorsqu’il passe au Cajun wild as fuck avec «Love You Tonight» et l’accordéon. Sinon, il campe sur ses positions et propose une belle country texane sans histoire. Il va plus sur le r’n’b avec «I’ve Been Framed» : il tape dans la veine de Wolf à coups d’oooh-oooh oooh. T’as des bonus à la pelle et tu vas te régaler de «Midnight Special», un boogie rock texan bien claqué du beignet, il y va à coups de shine a light on me !     

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             Que dire du Dangerous Ground des Downliners Sect sinon que c’est encore un disque énorme ? En plus, l’ami Art Wood a peint la pochette. Les Downliners proposent pas moins de cinq bombes sur ce disque, à commencer par «Keep On Rocking», une énormité cavalante. On sent les Anglais bien formés à Richmond. Ils sonnent comme les Pirates. Voilà ce qu’on peut appeler a high octane blend of r’n’b.  Ils rendent hommage à Bo avec «Escape From Hong Kong» et «In The Pit». Puis on tombe sur la bombe suivante qui est en fait le morceau titre, un gaga-cut bien plié au bombast d’ambiance rampante. S’ensuit une autre bombe intitulée «Lucy’s Bar Room». Del Dwyer fait un véritable festival, il chauffe le cut à blanc. Il arrose cette somptueuse rythmique de guitar licks éclatants. Encore deux belles bombes pour finir : «Quicksand» et «Deamon Lover». «Quicksand» pourrait sortir du Crusade de Mayall. Les Downliners vont chercher le guttural pour honorer ce boogie blues d’excellence définitive. Tu vas aussi te régaler de «Deamon Lover», fantastique shoot de rocky road pulsé au beat anglais et plein de son. Pur jus de rave-up. Les Downliners ont du génie.

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             Il a eu raison Freddie Steady de rééditer cette petite merveille qu’est le True Blue de Bob Mosley. Petite merveille car «Lazy Me», balladif à la Gene Clark de qualité supérieure. Suprême dérive abdominale. Et puis t’as ce coup de génie, «Rainbows End (Used To Be My Friend)», un autre balladif de rang princier. T’es frappé par la stupéfiante qualité du cut. Bob adore le boogie, comme le montrent «Come Back Woman» et «Sad & Blue». C’est le boogie de San Pedro, celui qu’on appelle l’heavy boogie down bien sanglé. Tout aussi impressionnant, voici «Never» un heavy balladif circonstanciel. Bob tape ça au pur power vocal. Bob est un bon. L’intensité n’a décidément aucun secret pour lui.

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             Peter Lewis ? T’y vas parce qu’il jouait dans Moby Grape. Dans les liners de Just Like Jack, David Fricke nous explique que Peter Lewis «could sing in a voice of deep-velvet warmth and gently commanding force, play intricate, effervescent rhythm guitar in a unique finger picking tangle of folk-blues roots, bluegrass facility and the drive’n’sheen of the Byrds gone surfin’.» Il nous rappelle aussi que Peter Lewis est le fils de Loretta Young. Qui bat le beurre derrière lui ? Freddie Steady, le vétéran des Explosives, bien sûr ! Peter Lewis attaque Just Like Jack avec la jolie country pépère de «Be With Me», enrichie jusqu’au délire par du picking texan d’Austin. La température monte au fil des cuts, on sent vraiment les vieux restes légendaires, Peter Lewis n’est pas né de la dernière pluie. «Last Chance» sonne comme une belle énormité. Il chante son heavy boogie blues d’une voix blanche. T’en reviens pas de toute cette qualité. Il sonne comme Tony Joe White sur «Valley Music Festival». Il remonte jusqu’à 1967 et rend hommage à Neil Young et au temps de Mister Soul. Il attaque sa B avec un «Sailing» co-écrit avec Skip Spence. C’est tout simplement somptueux et traversé d’éclairs de killer solo flash d’éclat majeur. Tout se tient admirablement sur cet album qui sonne comme une belle suite à Moby Grape. Il boucle avec «These Blues», well okay, il gratte ses gros coups d’acou d’Austin, I mean these blues for you.

    Signé : Cazengler, Steady oui

    Freddie Steady’s Wild Country. Lucky 7. SteadyBoy Records 2003

    Downliners Sect. Dangerous Ground. SteadyBoy Records 2011

    Peter Lewis. Just Like Jack. Shagrat Records 2017

    Bob Mosley. True Blue. SteadyBoy Records 2024

    Nick Dalton : label of love. Record Collector # 566 - January 2025

     

     

    Inside the goldmine

    - Eddy sois bon

             Avec Adi, on s’amusait bien. Disons qu’on s’amusait à ses frais. Adi donc ! Adi quoi ? Ça nous venait naturellement. Il faisait le canard. Celui qui n’entendait pas. Adi peut ! Adi Baba ! Il tournait la tête de l’autre côté. On sentait qu’il avait de l’entraînement. Ça avait dû commencer très tôt, à l’école. Adi mentaire ! Adi Xion ! Dans la vie, c’est toujours la même chose : on choisit chaque fois la facilité. Dès qu’on sent une faille, on s’y engouffre. C’est plus facile de s’engouffrer que de réfléchir. Adi Bouti ! Adi Gaga ! Comme il ne réagissait pas, on prenait ça pour une invitation à continuer. Adi Quat ! Adi Lescent ! On en rajoutait. Adi Das ! Adi Boron ! Il n’existait plus de limites, on battait tous les records d’automatisme psychique de la pensée. Adi Solu ! Adi Plôme ! Évidemment, tout ça se déroulait au moment le plus opportun, alors que nous étions en route pour un braquo. Adi s’installait toujours à l’avant, à la place du mort. On ne trouvait rien de mieux que de se divertir aux frais d’Adi pour faire baisser la tension. Adi Vague ! Adi Fâme ! Parfois, on rigolait de nos conneries. Adi veillait à rester de marbre. Il n’était pas question pour lui de s’abaisser à notre niveau. C’est comme si on lisait dans ses pensées. On se demandait parfois pourquoi il restait dans le gang. Il devait bien se douter que ça n’allait pas s’arranger. À sa façon, il savonnait la pente. Nous entrâmes à trois dans l’agence, comme d’usage. Le chauffeur restait à l’extérieur et laissait tourner le moteur. Ce jour-là, il y eut un gros hic. Le caissier était enfouraillé et il se mit à canarder comme un cow-boy, bam babam bababam ! Gégé la Guigne prit un pruneau en plein tête et tomba raide mort. J’en pris un dans le ventre et fis un sacré vol plané, allant exploser la porte d’entrée en verre. Adi riposta et calma le cow-boy d’une balle dans la tête. Il regagna la sortie, et passa près de moi. Il vit que j’étais blessé, mais au lieu de m’aider à me relever pour me ramener jusqu’à la bagnole, il souleva sa cagoule et me dit, avec un drôle de sourire en coin : Adi Os ! 

     

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             Espérons qu’Eddy a mené une vie plus pépère que celle d’Adi. On ne sait pas comment s’est terminée la carrière d’Adi, mais on sait comment s’est terminée celle d’Eddy : par de très bons enregistrements.

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             Ace propose une belle compile pour découvrir l’excellent Eddy Giles : Southern Soul Brother. The Murco Recordings 1967-1969. Dean Rudland se tape les liners. Il commence par nous expliquer qu’Eddy est devenu sur le tard le Reverend Eddie Giles hosting his Old Time religion Show.  On voit une photo du vieil Eddy en train de prêcher. Dans les années 60, Eddy enregistrait sur le label de Dee Marais, Murco, à Shreveport, en Louisiane. 18 cuts en tout, que Rudland rassemble sur cette compile. Puis il donne la parole à Eddy qui raconte son incroyable histoire de pauvre black né en 1938 et qui ne vit que pour la gratte. Il traverse toutes sortes de galères, joue dans un groupe itinérant de gospel, revient au bercail et finit par se faire connaître à Shreveport. C’est là qu’il capte l’attention de Dee Marais qui lui propose d’enregistrer un single. Mais Eddy n’a pas de chanson. Alors il dit qu’il va s’en composer une  - I’m going to write me a song and I’m going to write me a hit song - Incroyable détermination ! Il attrape un bloc et un crayon - I got out a pad and a pencil and wrote down the title, «Lonely Boy». I said, «That’s not strong enough». Then I wrote «Losin’ Boy». After writing the title, I started asking myself questions - Eh oui, Eddy n’a jamais écrit de chansons auparavant. Il sait juste qu’il faut un couplet et un refrain. Alors il se demande ce qu’est un Losin’ Boy, «and the words came out.» - I’m a Losing Boy, because my baby’s gone - En gros Eddy raconte l’histoire de tous les blackos qui ont cherché à faire de la musique à cette époque. Et c’est extrêmement bien raconté. Rudland a bien respecté le ton d’Eddy. «Losin’ Boy» ouvre le bal de la compile. Puis Eddy va enregistrer chez Stax, avec Al Bell, mais ça ne marche pas. 

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             Sacré Eddy ! Il est très Wilson-Pickett dans sa démarche. Sur «Don’t Let Me Suffer», il est délicieusement conventionnel. L’époque veut ça. 1967 est l’âge d’or de la Southern Soul. Son «Eddy’s Go-Go Train» est assez hot, il y va au c’mon ride with me ! Pur Black Power ! Il alterne avec des slowahs de haute volée bien enracinés dans le gospel («Happy Man»). Il refait son wicked Pickett avec «Music», mais il est bien meilleur dans les slowahs, comme le montre encore «Love With A Feeling» : excellent de lourd de sens. Ah il est bon l’Eddy ! Faut pas le prendre pour une brêle. Il fait encore du classic Pickett jerk de 1967 avec «Soul Feeling Pt 1» et «Soul Feeling Pt 2», il y va au sock it to me babe et au black scream, soutenu par un beat fabuleusement primitif. Mais Eddy reste le roi du satin jaune. Il perce davantage sur les slowahs, comme le montre encore «That’s How Strong My Love Is», l’un des hits d’O.V. Wright. Il ne fait aucun effort pour échapper à l’influence de wicked Pickett («Pins & Needles»), et il revient à son fonds de commerce avec «It Takes More», un groove suspendu en l’air, oooh baby, un cut extrêmement intéressant, tellement moderne dans sa structure.

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             Tant qu’on y est, on peut aller voir ce qu’il y a sous les jupes de Murco : Shreveport Southern Soul. The Murco Story. T’y retrouves le bon Eddy Sois Bon, c’est sûr, avec «Losin’ Boy» et «That’s The Way My Love Is», où il pousse bien son bouchon. T’as aussi son «Love With A Feeling», cet heavy slowah de séduction massive et rose, c’est même un Southern hit un peu spongieux. Côté découvertes, t’as trois choses. La première s’appelle Ann Alford, avec «Got To Get Me A Job». Big funk out ! Elle est hard on the beat. Quand t’entends ça, tu sors ta pelle et ta pioche pour aller creuser. La deuxième chose s’appelle Reuben Bell avec «Action Speaks Louder Than Words», un vieux ramshakle communautaire : organ + cœurs de louves, quasi église en bois. Reuben Bell est très présent sur la compile, mais tout n’est hélas pas au niveau d’Action Speak. Troisième chose : Dori Grayson. Et là, jackpot ! C’est elle qu’on voit sur la pochette. Elle a au moins quatre hits sur la compile, à commencer par «Got Nobody To Love». Dori forever ! Soul Sister de choc, même si on la sent un peu verte. Elle est tellement sincère avec «I Can’t Fix That For You» qu’elle te fend le cœur. Elle fait du real deal de Soul impubère. Dori se dore encore la tranche avec «Sweet Lovin’ Man» et elle redevient fantastique d’opportunisme avec «Be Mine Sometimes», elle y va de tout son corps, elle s’essouffle facilement, c’est d’ailleurs ce qui la rend touchante, elle chante comme une ingénue libertine à peine éclose. Elle reste très tendue avec «Try Love», elle chante le cul entre deux chaises, la puberté et l’hot as hell. Elle reste délicieusement imparfaite avec «Never Let Go». Ce miracle d’imperfection aurait tellement fasciné Uncle Sam ! Et bien sûr, Dori n’a enregistré que deux singles sur Murco. Pas d’album, rien d’autre. Encore une fois : merci Ace.

    Signé : Cazengler, Eddy donc

    Eddy Giles. Southern Soul Brother. The Murco Recordings 1967-1969. Kent/Ace Records 2014

    Shreveport Southern Soul. The Murco Story. Kent/Ace Records 2000

     

    *

    Quand je vais à Troyes, la teuf-teuf connaît le chemin, je la laisse faire, je ferme les yeux et roulez jeunesse, non je ne dors pas, je regarde mon cerveau (fertile) travailler.  L’est en train d’inventer un nouveau jeu de cartes, Les Sept Familles, non ce n’est pas celui que vous connaissez, celui-ci ne possède que trois cartes, attention trois as, non pas une de plus, oui trois as ça suffit amplement, je ne vous explique pas la règle, l’on commence la partie tout de suite, bon, dans la famille rockabilly je veux : le père, le fils, non surtout pas le Saint-Esprit, tout simplement l’oncle. Voilà, c’est parti, je place les cartes sur le plateau de jeu, nous allons passer une soirée passionnante !

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    EDDIE GAZEL  AND THE FAMILY ECHOES

    3 B

    (Troyes / 19 – 09 – 2025)

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    Admirez le Père, c’est Thierry Gazel, l’est sur notre droite, tout de noir vêtu tout comme sa big mama, au centre le Fils Eddie Gazel, sur notre gauche lui aussi tout de noir vêtu Stéphane Gazel, oui c’est l’Oncle, non il ne vient pas d’Amérique, celui qui en revient c’est le fils, parti depuis trois ans, l’a vécu bien des aventures, nous les raconterons une autre fois, l’est revenu faire coucou à la famille, et comme c’est une famille Rockabilly, par un hasard (pas du tout) extraordinaire, les voici aux 3B, pour un concert  que nous nous pourrions nommer  : Festives retrouvailles musicales de la famille Gazel.

    Z’ont fait les choses en grand. Je n’avais jamais vu de set-lists aussi magnifiques, aussi grandes que des affiches, striées de rouge pétant et de jaune trompettant, les titres des chansons aussi larges que des manchettes de journaux à sensation, un coloré tapis de corolles éblouissant écloses sur le carrelage.  Terrible question métaphysique : à quoi peut servir une set-lists si ce n’est de l’utiliser à coups d’œil discrets pour se remémorer le titre qui suivra celui que l’on est en train d’interpréter ! Pourquoi faire simple quand c’est si facile de faire compliqué. La Gazel Family n’a pas osé user d’un tel subterfuge qui ne trompe personne. Se penchent dessus, méditent, s’interrogent, jettent leur dévolu sur l’un d’entre eux, hésitent, se concertent, finalement ils se mettent d’accord sur le numéro Quatre. Ouf c’est parti jusqu’au prochain morceau. Parfois changement de braquets, ils en interprètent trois à la suite qui manifestement ne sont pas sur la liste… Ce pourrait être pénible, pas du tout, parfois on se prend à se demander comment va se dérouler le prochain épisode du sketch interludique. En fait c’est un magnifique objet transactionnel pour emprunter un terme au jargon des psychologues. C’est ainsi que très vite se noue une grande complicité entre le public et le groupe.

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    Pour le premier plat nous mijotent un succulent gumbo, plus qu’un titre d’Hank Williams hommagial c’est une déclaration d’intention, plus tard ce sera le tour de Your Cheatin Heart, Eddie se hâtant de spécifier que c’est le dernier morceau composé par Hank, juste avant sa mort. Une manière de nous présenter le programme, après Hank la prochaine star sera Elvis. Le tour de chant oscillera dans l’interzone, entre country et l’orée du rock’n’roll ce qui nous vaudra quelques raids audacieux  dans les contrées sauvages du rockabilly.  Du rock’n’slow à la Conway Twitty aux farouches chevauchées de Charlie Feathers. C’est qu’Eddie Gazel n’a pas qu’une corde vocale à son arc. Un véritable chanteur capable de plier sa voix aux exigences de bien des courants de la musique populaire américaine.

    Ny avait pas qu’Eddie, y avait aussi ma modeste personne. Tout devant, voluptueusement assis à quarante centimètres de la contrebasse de Thierry Gazel. J’étais au mieux je ressentais les ondes sonores de la big mama que Thierry traitait, il faut l’avouer, un tant soit peu abruptement, une véritable balnéothérapie, j’étais délicieusement heurté par les apports incessants de la houle de cette mer sans cesse recommencée, mes yeux subjugués ne quittaient pas les cordes, lorsque la grosse mémère nous fit le coup Du Titanic, même pire car sans l’aide d’un iceberg elle explosa littéralement, le chevalet s’envola et tout le cordier s’effondra comme s’affaient les voiles d’un trois-mâts qu’une bordée de canons ennemis a sans préavis démâtés. C’est dans ces moments que l’on reconnaît les grands capitaines, sans la trace du moindre affolement, Thierry se saisit des débris du naufrage, se faufila derrière ses deux camarades pour remettre de l’ordre dans ses abattis. Moins de dix minutes plus tard il était de retour, sa big mama prête à reprendre le combat.

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    L’ingratitude humaine est sans limite. Les deux survivants changèrent illico leurs fusils d’épaule. Je ne peux pas dire leurs guitares car les deux bandoulières ne bougèrent pas. Nous eûmes un magnifique lot de consolation, un petit Comin’ Home de Gene Vincent. Moment adéquat pour présenter Stéphane Gazel dont nous n’avons pour l’instant qu’entrevu la noire silhouette. Nous l’agrémentons d’une Gretsch, un coloris London Grey si je ne m’abuse, c’est étrange quand il ne joue pas Stéphane regarde sa Gretsch d’un regard suspicieux comme s’il ne lui faisait pas confiance. Mais quand il joue ! D’abord il ne joue pas, il la touche à grande parcimonie du bout des doigts, il  l’effleure, à peine s’il la frôle, et tout de suite vous ne percevez ni les notes, ni la musique, ni la sonorité, ce qui coule comme du miel dans vos oreilles, c’est une espèce de musicalité arachnéenne, un son comme nous n’en n’avez jamais entendu jusqu’ à lors. Une espèce de suavité rock inédite, un prestidigitateur, ses mains survolent sa guitare comme des hirondelles qui choisissent le fil et l’emplacement précis sur lesquels elles vont s’appesantir comme un soupir rapidement évanoui, et toujours cette ambroisie musicale qui englobe et vous transporte tout en haut de l’empyrée. De l’empyrock.

    En plus il sait se servir d’un harmonica d’une façon diabolique et en  surplus l’est nanti d’un à-propos et d’un humour pince-sans-rire interjonctif dévastateur, un seul exemple : son adaptation d’Eddie Sois Bon ! des mythiques Chaussettes Noires, pour  presser le choix d’un morceau.

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    Eddie toujours à fond sur son Epiphone, n’en est pas pour autant aphone. S’il vous plaît ne confondez pas bruit de fond et mur du son. Eddie se redresse et s’approche du micro, l’a l’étrange besoin qu’il soit deux centimètres plus haut que sa bouche, ses doigts battent le beurre, j’emprunte cet expression à notre Cat Zengler national, pas la tambouille à la je-t-embrouille, z’engendrent à chaque morceau un espace sonore différent, et puis il jette le vocal, plus exactement il se jette sur le vocal comme s’il voulait le bouffer, à n’importe quelle sauce,  sucré pour le doo wop – ses deux acolytes  et le public se chargeant des chœurs - mélasse aigre-douce pour les slows déchirés, rasade de piment de cayenne pour le rockab, mais surtout ce qui vous surprend toujours ce sont ses accélérations vocales foudroyantes, un étalon qui s’enfuit du corral et que personne ne pourra rattraper, ou encore cette façon de poser la voix juste là où il faut, perso vous n’en avez aucune idée, mais vous vous reconnaissez que c’est exactement à cette hauteur, à cet élan, à cette vitesse, à cet instant précis qu’il faut la mettre.

    Le pire c’est que quand c’est terminé, c’est fini. Entente familiale. Chacun coupe le robinet de son instrument en même temps que les autres. Pas un centimètre de plus ou de moins. Coupure abrupte. Désintégration sonore surprenante. L’on vous supprime le gâteau que vous comptiez savourer. Vous auriez envie de rouspéter, mais au fond de vous ? vous reconnaissez que vous êtes repu. A satiété.

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    ( Photos : Rocka Billy)

    Revenons à Thierry. Faudrait peut-être disséquer nos trois malandrins  pour savoir comment percer le mystère : pourquoi une certaine ressemblance dans leur manière de jouer, est-ce de l’inné ou de l’acquis, Eddie a avoué que c’est son père qui l’a initié aux sortilèges de doo wap, mais seule une étude scientifique de haut niveau pourrait répondre à cette angoissante question.  Quoi qu’il en soit Thierry ne frappe comme un madurle sur son cordier. Il ne passe pas en force. Pas aux poings. Mais à point. Une précision grondante, big mama en tant que chat noir hérissé, du swing, mais sans verbiage, une espèce de métronome ondulaloire, une mécanique quantique en ébullition mais par-dessous existe un ordre inapparent, une structure invisible, qui joue sue le fait que les mêmes causes produisent les mêmes effets mais que les effets ne sont pas nécessairement dus aux mêmes causes. Un jeu cérébralement instinctif comme si l’outrance du rockabilly prévalait sur la variabilité du swing.

    Bref l’on a beaucoup ri. Et pris beaucoup de plaisir. Un public réceptif et un groupe éruptif. Sont allés chercher Pascal Lambert pour qu’il joue deux morceaux sur scène. Il nous a offert un Mystery Train dans lequel l’on serait tous montés sans vouloir redescendre. A la réflexion Elvis a été un peu le contrefort musical auquel se sont acculés les trois sets. Lorsqu’ils ont fini, Béatrice la patronne en personne est intervenue à la demande générale pour que la fête continue encor un peu(beaucoup). Pour un concert pratiquement improvisé la famille Gazel a visé dans le mille. Cœur de cible.

     

    Damie Chad.

     

    *

    Certains cherchent de l’or, moi je cherchais l’origine. Du blues.  J’ai trouvé. Je vous en reparlerai bientôt. Rien ne sert d’avoir trouvé, encore faut-il continuer à chercher. Bref, je me suis retrouvé à tourner, autour de la petite Minnie. En tout bien et tout honneur, ai-je besoin de le préciser. Mais quand vous vous intéressez à une fille, vous ne tardez pas à tomber nez à nez avec un autre gars.  Qui n’est jamais là par hasard.  L’a eu de la chance. Je le connaissais. Depuis un demi-siècle et plus. Vous aussi, je vous refile son nom, au cas où vous ne le reconnaîtriez pas sur la photo. L’a vieilli. Le pauvre.   Vous voudriez  son blaze : Robert Plant !

    Au total trois vidéos en annonce de son prochain album. A paraître dans deux jours !

    SAVING GRACE

    ROBERT PLANT

    And SUZI DIAN

    (Nonesuch Records / 26 – 09 – 2025)

             Sûr que la photo veut être belle : le chromo nature écologique parfait, avec sous-entendu accusatoire, toutes les espèces animales que nous avons décimées… Maintenant, soyons futé, j’avons rien contre les bisons, mais celui-ci qui accapare le premier plan vous a un petit air de descente de lit usée, peut-être pas anguille sous roche mais sûrement bison sur la plaine.

             Je ne vous fais pas l’injure de présenter Robert Plant.

    Robert Plant : vocal, harmonica / Suzi Dian : vovals, accordéon / Oli Jefferson : drums, percussions / Tony Kelsey : acoustic or electric guitar / Barney Morse-Brown : violoncelle / Matt Worley : banjo, vocal, acoustic guitar, cuatro (petite guitare à quatre cordes).

    CHEVROLET

    (Official Music Video)

    Je connais ce truc, je ne regarde pas la vidéo, je cherche dans ma tête, ah oui Hey Gyp des Animals, tiens un led Zeppe qui reprend Eric Burdon, c’est étonnant, l’est vrai que l’original est de  Donovan. Les anglais étant tous des voleurs, vérifions, pour sûr c’est de Memphis Minnie, une des plus grandes chanteuses de blues, le Zeppelin lui a déjà subtilisé When The Levee Breaks sur le IV, le dernier morceau de la Face B, au début je stationnais sur la Face A de Black Dog à Stairway to Heaven et à la fin je ne quittais plus ces maudites digues que le Mississippi avait emportées… Je file écouter Minnie, elle n’est pas seule, décidément encore un gars autour d’elle, cette fois c’est son mari Kansas Joe McCoy, l’auteur de When the Levee… Le titre original qui nous préoccupe est Can I do it for you ? le pauvre gars ne sait pas quoi faire pour séduire la fille, lui offre des tas de trucs jusqu’à une collection de voitures, et la girl refuse tout. Suis étonné que les féministes ne l’aient pas pris pour hymne. En tout cas le morceau est superbe, comme tout ce que fait Minnie, l’est long, s’étale sur les deux faces d’un Vocalion, d’où les parties 1 et 2. Ce qu’il y a de bien avec Led Zeppe c’est qu’il faut farfouiller un peu… Maintenant que nous avons à chacun rendu son bien, regardons la vidéo. N’oublions pas de l’écouter, ce

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     n’est pas le screamin’ Plant de la belle époque, mais l’est bien plus en forme qu’il y a quelques années, dans certains concerts avec Alison Kraus, Plant murmurait, ici  la voix est douce mais presque rauque, un sortilège, quant à la zique un délice, très zeppeline, très folk. Avant d’être le titre de ce nouvel album Saving Grace est le nom du groupe qui depuis plusieurs années accompagne Plant. Une osmose parfaite, le chant d’Alison écrasait celui de Plant, a contrario la voix de Suzi Dian possède ce privilège de conforter, d’enlacer et de soutenir celle de notre ancien shouter man. Faut l’écouter plusieurs fois pour saisir la richesse de la cavalcade de l’orchestration, nous sommes loin du country, dans une espèce de tourbillon musical, quasi symphonique tant la diversité des timbres et leurs entrecroisements incessants s’avère multiforme. La vidéo tient du conte de fée, une version moderne, enfin c’est moi qui l’affirme l’histoire de Rapunzel avec ses longs cheveux blonds, mais vous n’êtes pas obligés de me suivre sur cette piste… surtout qu’au début nous sommes dans un paysage typiquement américain, disons symboliquement car par du tout naturel, plutôt dans un dessin animé constitué d’images de synthèses, si bien faites que la fille semble vivante, sans doute incrustée, nous subodorons qu’elle est jolie, car l’on ne voit pas, l’est cachée par ses cheveux, pas vraiment une longue chevelure, imaginez-la plutôt enfermée comme le premier des trois petits cochons dans sa maison de paille, pas de méchant loup pour venir souffler sa fragile demeure, une maîtresse femme, Plant a mis toutes les chances de son côté, survient à toute vitesse dans sa Chevrolet décapotable, l’est beau comme le prince de l’histoire de La Belle et la bête, s’est déguisé en lion. Entre nous soit dit, le royal animal est en aussi mauvais état que le bison de la couve. L’est pas seul, toute une ménagerie, de pacotille, des jouets usés de gamin peu soigneux, un élan, un aigle, le fameux bison… Ce clip ressemble à de maladroites manipulations d’objets sur les tréteaux d’un théâtre de Guignol. La princesse n’arrête pas d’agiter son index, comme un doigt d’honneur, rien ne lui plaît…

    Si vous ne me croyez pas, allez-y voir par vous-même, vous en ai livré une description cryptée, c’est qu’avec Led Zepe vous avez des symboles cachés un peu partout à déchiffrer. N’oubliez pas que selon Edgar Poe ce qui est caché est intentionnellement posé au premier plan. Si vous n’avez pas envie de vous prendre la tête jetez un œil sur le site de Manu Viquera, c’est lui le créateur : un véritable Artiste.

    GOSPEL PLOUGH

    (Official Audio)

    La version de ce traditionnel, parue en 1962 sur le premier trente-trois tours de Bob Dylan,  est un crachat lancé à la face de Dieu qui métamorphose la lourde plainte de l’esclave le dos ployé sur sa charrue en cri de haine, en envie nietzschéenne de tuer le Seigneur esclavagiste des âmes.

    Difficile de faire mieux. Certes vous avez une version de Mahalia Jackson, la diva du gospel, qui vous en offre une cover totalement déjantée, une espèce de cavalcade, avec un piano qui hennit comme un étalon qui s’apprête à honorer la plus belle des juments du troupeau, je ne voudrais pas insinuer des faussetés mais quand vous l’écoutez, vous en tirez la conclusion qu’elle et ses musiciens, l’orchestre de Ducke Ellington, sont totalement  ivres.

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    Face à Dylan et à Mahalia, le Plant n’a que sa voix, diminuée tout de même, et son orchestre.  L’est mal parti, c’est vrai faut arriver au troisième tiers morceau pour comprendre comment ils vous retournent l’âme comme une crêpe au rhum. Premier tiers : les musicos au boulot, c’est beau comme un arbre de Noël, vous retirez vos pataugas pour ne pas faire de bruit, de la belle ouvrage, au fond un bourdon, devant une guitare qui n’ose pas être totalement espagnole. Deuxième tiers : Plant et Suzi au chant, magnifiques, les musicos font les zigouigouis attendus, mais vous ne leur prêtez aucune attention, une brise de printemps vous frôle l’échine et vous insuffle la force de vivre. Troisième tiers : instrumental, mettent la gomme  au début, le barouf d’honneur, pas du tout, une espèce d’apocalypse sonore fond sur vous, elle ne fait que passer, elle s’éloigne et bourdonne au fond de l’horizon. C’est Dieu qui s’éloigne de vous. Définitivement.

    EVERYBODY’S SONG

    (Official Music Video)

    A l’origine une chanson du groupe Low. Pourquoi Plant l’a-t-il choisi. J’ai ma réponse : parce que ce morceau ressemble à un morceau de Led Zeppelin, très mal joué, une imitation grossière, y mettent tout leur cœur mais leur manque la grâce. La maîtrise aussi. Trop brouillon. Des idées jetées pêle-mêle. Rien de structuré. Rien de digéré.

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    La vidéo n’est pas un chef d’œuvre, elle recycle un peu des idées de Chevrolet. L’on est content au début de retrouver le bison qui court qui semble vouloir nous emmener dans les vertes prairies de l’Eden, l’est vite rejoint toujours en surimpression par toute la faune du paradis… Là où ça se gâte c’est quand vous vous retrouvez dans votre salle à manger à visionner une émission animalière, sur TV couleur grand écran, de belles images d’animaux sur sites naturels, tellement vues et revues que l’on a envie d’arrêter.

    Ce serait dommage car maître Plant vous remet de l’ordre dans la bouillie à gros gruaux d’avoine de Low. Désormais le morceau est high. Et allégé. Extermination des gluances marécageuses Luxe, calme charliphores et volupté baudelairienne à tous les étages.

    Damie Chad.

     

    *

    Sur le coup le nom du groupe ne m’a rien dit, ma mémoire est certes infaillible mais là toute mon attention était monopolisée par le son des guitares, une marmelade de bon augure. C’est en parcourant leur discographie que j’ai sursauté, j’ai reconnu la couve, le lion ailé, j’ai vite retrouvé la chronique de l’album Ouroboros de Krampot dans la livraison 573 du 03 / 11 / 2022. Donc trois après ils sévissent encore, illico je kronico. Je ne suis pas un escargot.

    DIS

    KRAMPOT

    (Bandcamp / Août 2025)

    N’ont pas changé : Claudia Mühlberger : vocals, guitar / Andrea Klein : guitar /Georg Schiffer : drums /Julian Kirchner : bass.

    Viennent de Vienne, pas notre antique Vienna située sur le territoire gaulois des Allobroges, mais la capitale de l’Autriche. Ne sont pas des stakhanovistes : trois singles en trois ans, Dis est le premier titre de leur futur album… à venir à une date indéterminée.

    Ils se définissent comme une formation  Pagan Desert Doom mais leur emblème incite à penser qu’ils se réfèrent davantage à l’infâme créature dominatrice des mondes souterrains et ténébreux qu’aux lumineuses divinités de la Grèce antique. Si vous êtes une âme sensible ne jetez pas un seul regard à l’Instagram d’Andrea Klein peuplé de monstre voraces et inquiétants. Si vous visitez l’Instagram de Krampot vous vous apercevrez qu’elle n’ignore point qu’il existe des couleurs moins angoissantes que le blanc et le noir.

    Le single est précédé d’une courte notule du groupe : l’album projeté raconte un voyage vers la Cité de Dis. Ne vous précipitez pas pour vous inscrire : la Cité de Dis appartient à Pluton, le dieu des enfers, ainsi surnommé le Riche (dives en latin) puisqu’il règne sur l’innombrable peuple des morts. Dante cornaqué par Virgile nous la fait visiter. Elle s’étend sur les derniers cercles des Enfers, les plus profonds qui renferment les âmes les plus exécrables non pas parce qu’elles auraient commis le plus grand nombre d’assassinats mais parce que leurs crimes révèlent leurs bassesses naturelles : elles ont menti, volé, trahi… sachant qu’elles commettaient le mal en toute connaissance de cause… Le voyage devrait s’achever dans la zone du froid absolu de la souffrance…

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    Ne vous fiez pas à la première impression lorsque vous regarderez la couve. La couleur rouge ne représente pas la joie de vivre mais la souffrance des supplices. Les volutes torsadées ne représentent pas les dentelles d’une robe de princesse, elles sont les émanations glacées du cœur gelé de Dis. Toi qui te diriges vers ce concentré de haine froide abandonne tout espoir. La bestiole verdâtre qui semble parfaitement à l’aise dans ces eaux polaires n’est pas votre amie !

    Dis : les lignes précédentes n’incitent guère à l’optimisme, la voix de Claudia est sans pitié, aussi froide qu’un couteau qui s’enfonce dans votre cœur très doucement pour que vous souffriez éternellement. Les vingt premières secondes, guitares et batterie sont comme toutes les guitares et toutes les batteries de tous les groupes de stoner doom, vous respirez, vous êtes en terrain connu, rien de plus brûlant et réconfortant que le rock, hélas, elles deviennent insupportables, ce n’est pas qu’elles hurlent et pilonnent, pas du tout, elles ne cherchent pas atteindre le noise industriel grinçant et insupportable, elles restent dans le domaine mélodique, elles s’appesantissent, elles deviennent aussi lourdes qu’une calotte d’iceberg, elles vous englobent, elles vous phagocytent, elles s’emparent de vous, il y a longtemps que Claudia s’est tue, que dire d’autre que cette sensation d’être enfermé vivant ad vitam aeternam dans un des tiroirs de la morgue de votre esprit. Imaginez le parcours d’une âme avide de savoir, de voir, de se fondre, voire de se morfondre dans l’absolu de la mort, lorsque résonnent les derniers mots prononcés en latin, la créature ressuscitera. La créature qui est la mort : oui. Mais toi : non.

             Un morceau sibérien ! La curiosité n’est pas nécessairement un vilain défaut. Ce dernier titre nous a donné envie d’écouter l’avant dernier.

    LORD OF DARKNESS

    (Bandcamp / Octobre 2023)

    Reprise d’une démo parue en 2017. La couve de ce tout premier opus représentait sur un fond mauve les trois gueules de Cerbère beaucoup plus proches du loup que des molosses de l’iconographie grecque traditionnelle. 

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    La couve de cette reprise préfigure celle du single qui suivra. Un peu plus mystérieuse, peut-être est-ce dû qu’au fond d’une obscurité érébéenne s’agitent des formes transversales, seraient-ce des larves, la vivacité de l’orange qui tranche superbement sur ce tableau noir inciteraient, malgré le titre, à l’optimisme, mais les longues mâchoires de crocodile sans corps qui les enserrent nous aident à comprendre que nous faisons fausse route. Les grosses majuscules du titre semblables à un panneau d’affichage nous le confirment.

    Sur YT la présentation de la couve est davantage explicite : les larves orange se révèlent être les langues serpentines des trois gueules de Cerbère et les mâchoires orphelines des crocodiles se transforment en la caninique et terrible dentition  dans le dessin au trait fin des trois têtes du gardien des Enfers. 

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    Lord of Darkness : rythmique lancinante, le chemin sera long et peu voluptueux, franchement on n’est pas là pour rigoler, la traversée de cercles infernaux s’avère harassante, des morts partout qui essaient de mourir ou de vivre, ce genre de postulations se ressemblent, le pire c’est le Seigneur des Ténèbres lui-même, ne paraît prendre aucun plaisir à son rôle, donne l’impression qu’il accueille les âmes mourantes parce qu’il ne peut pas faire autrement, certes la rythmique s’éparpille un tantinet quand elles se retrouvent au plus près de lui, Krampot fait tous ses efforts pour nous dissuader de quelque espoir, les morts essaient d’attirer son attention, peine perdue… la partie qui se joue se passe ailleurs, les Dieux se meurent, ils sont engloutis dans l’oubli et cèdent la place aux Titans, ce n’est pas dit mais sans doute le Seigneur des obscurités suppute-t-il que lui aussi, un millénaire ou l’autre devra périr, ne serait-il pas nécessaire de l’écrire sur les vitres du néant avec le sang des morts…

    SLAVIA DIVINORUM 

    (Bandcamp / Mai 2023)

    De l’avant dernier nous passons sans complexe à l’antépénultième comme dirait Stéphane Mallarmé. Pas besoin d’être un spécialiste en musique classique pour savoir d’où provient l’inspiration d’Andrea Klein pour cette couve si différente des deux précédentes.

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    Nommons le coupable : le grand compositeur russe Modeste Moussorgski qui pour rendre hommage à son ami peintre Viktor Hartmann décédé en 1873 composa l’année suivante une série de dix pièces pour piano intitulées : Tableaux d’une exposition. Ainsi nommée car le musicien s’est inspiré de tableaux ou d’aquarelles de son ami, notamment de l’une  d’entre elles nommée la Cabane Aux Pattes de Poule qui n’est autre que la maison d’un des personnages les plus célèbres des contes russes : la sorcière Baba Yaga.

    Slavia divinorum : encore une reprise d’un des quatre  morceaux de leur premier opus Odyssea :  l’auditeur qui aura écouté les deux morceaux précédents sera surpris. Certes c’est du doom, mais un doom qui mériterait d’être qualifié de joyeux, les guitares ronchonnantes jouent un peu à l’ogre de nos contes d’enfant mais la batterie imite à merveille la démarche claudiquante de l’isba aux pattes de poules. Nous sommes à mille lieues des antres obscurs plutoniens. Le problème, c’est qu’à la moitié de l’opus tout change. La batterie brinqueballe un petit peu  moins mais encore une fois  c’est la voix de Claudia qui vous glace le chant, les paroles s’inscrivent sur la vidéo, pas bien longues, de très courts vers, morphologiquement vous avez l’impression d’une comptine pour endormir les enfants, mais avec ce vocal qui résonne sous les voûtes des cités interdites vous vous dites qu’il y a quelque chose qui cloche, vous voulez en avoir le cœur net d’autant plus que lorsque la voix se tait après une apothéose chorale qui se termine par deux stridences, les instruments abandonnent leur allure sympathique  pour s’adonner à un doom de la mort qui se termine sur un long grondement d’orage… Vous demandez à votre traducteur de vous traduire les paroles, sans doute du russe, peut-être de l’ukrainien, c’est tout mignon, avec un gentil renard, parfait pour une classe de maternelle, ben non, le renard n’est que l’image de la mort… Serait-ce une illustration de l’âme slave, de son infinie tristesse… mais cette maison aux pattes de poule ne repose-t-elle pas sur une large tache verte à laquelle on pourrait prêter la forme d’une feuille de sauge (salvia), plante médicinale par excellence, la mort médicament des dieux…

             Un groupe qui vous vous apporte des réponses aux questions que vous ne leur posiez pas. La poudre noire qui reste au fond du creuset.

             Je pensais en avoir fini avec Krampot pour cette kronic, mais voici qu’en cherchant j’ai trouvé deux autres titres. Sont-ce deux morceaux qui se retrouveront sur l’album à venir, je n’en sais rien, toutefois leur visionnage apporte non pas quelques lueurs mais quelques noirceurs.

             Le premier est une démo-vidéo sur laquelle le groupe interprète :

    HADAL HYBRIS

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             Osons le dire cette vidéo est bien plus puissante que les trois titres précédents. Les quatre membres de Krampot sont enfermés dans un local, image grise, ne jouant aucunement sur les ruptures expressionnistes du noir et du blanc. La musique est la même mais totalement différente, cette assertion  n’est pas aussi absurde qu’il pourrait le paraître de prime abord, le même inclut le retour or le retour n’est déjà plus le même, pensez au titre de leur premier album Ouroboros… dès les premières secondes vous vous trouvez projeté en une dimension orientale (évacuez de votre esprit l’Orient typique pour ne pas employer le terme de touristique à la Led Zeppelin), pensez à la notion d’intemporalité de la musique indienne qui semble avancer infiniment tout en laissant par de rares modulations qu’elle reste toujours dans le même confort acoustique d’une zone dont elle ne s’échappe pas. A part que nous avons affaire à un véritable groupe de rock, deux guitares, une basse, une batterie, et une voix, féminine puisque proférée par un être féminin, mais ô combien d’outre-sexe, d’autre part, venue d’ailleurs, une mélopée atemporelle qui serait fichée dans un gosier pour prendre pied dans notre monde. La section rythmique s’active méchamment, les images le prouvent, mais leur action semble n’avoir aucune action efficiente sur le rythme du morceau, j’ai envie d’écrire que ce groupe ne produit pas de la musique mais de l’intensité sonore, une lampe qui éclaire d’elle-même sans être branchée sur une source d’électricité quelconque et dont parfois la luminosité devient plus forte sans qu’elle semble en être la responsable car n’obéissant qu’à ses propres injonctions. Musique fascinatoire. De quelle hybridité ce morceau rend-il compte ? De celle des Dieux et des Titans s’engouffrant dans les profondeurs abyssales, rappelons que toute glace n’est que de l’eau, que l’abîme n’est que l’image renversée du soleil mort, que la lumière se congèle aussi facilement que de l’eau de vie métamorphosée en eau de mort. Toute alchimie n’est-elle pas réversible. D’où cette impression d’immobilité parcourue de tempêtes sans frein… Comme si musique et poésie s’équivalaient sans cesse sans parvenir à un équilibre fondationnel.

             Deuxième vidéo :

    MARENA

    (Music vidéo / Krampot / 21-12 -2021)

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              La vidéo portée par la voix de Claudia permet d’entrevoit le groupe en train d’interpréter sa chanson, la primauté est toutefois accordée aux images. Les premières sont magnifiques, grandioses paysages de forêts recouvertes de neige, arbres le tronc engoncé en leur carapace de glace. Splendeurs naturelles figées en une immobilité morbide.  Elles sont bientôt suivies de vues ravissantes mais beaucoup moins fortes, écureuils, cerfs, loup… toute une faune qui s’éveille ou qui sort de ses tanières pour se réchauffer. Après l’hiver, le printemps. Après la mort, la vie. Dans une note sous la vidéo il est nous est expliqué que dans les pays d’Europe de l’Est  le titre Marena désigne la déesse de l’hiver, de la mort et de la renaissance. Parfois une effigie de Marena était noyée ou brûlée pour fêter le printemps. Le mythe païen a survécu au christianisme, les villageois expliquant que ce n’était pas une déesse que l’on brûlait mais une sorcière.

             Ce titre fait partie du premier album de Krampot : Odyssea. Le titre est à lui tout seul une revendication paganiste. L’odyssée en question ne conte pas les aventures du héros grec mais évoque le cycle de la nature, qui paraît s’teindre, puis qui renaît de ses cendres tel un phénix immortel.

             Le lecteur n’aura pas été sans remarquer que ce titre contient à lui seul la vision du monde développée par Krampot dans son œuvre.

    Damie Chad.

     

    *

    Il y a des mots que l’on préfère à d’autres. Excusez-moi de cette introductive évidence. J’entends la radio sans l’écouter. L’on déblatère sur un roman qui s’intitule Nous Les Moches. Qui pourrait s’intéresser à la mocheté des hommes et du monde, certains auteurs doivent détester avoir des lecteurs, enfin ça les regarde, des bribes parviennent à mes oreilles, tiens un romancier, normal la séquence porte sur les romans de la rentrée littéraire de septembre, tiens en plus c’est un militaire, drôle de zèbre une rayure noire pour la guerre une blanche pour l’écriture, je ne vais pas critiquer, un  de mes livres préférés ne se nomme-t-il pas Les Sept Piliers de la Sagesse de T.E Lawrence plus connu sous la prestigieuse nomination de Lawrence d’Arabie, qu’importe de toutes les manières pour moi la littérature s’est arrêté au dix-neuvième siècle, après la génération 1870 - 1930 je ne suis que très rarement preneur, j’ai terminé mes ablutions matinales, mes doigts s’apprêtent à retirer le cordon de la prise lorsque surgit un mot incroyablement incongru, aurais-je mal compris, ne serait-ce pas mon cerveau compatissant qui voulant me préserver de la laideur actualitoire  m’aurait fait accroire qu’il aurait été prononcé par le journaliste, mais non, je ne suis pas fou, je ne suis pas en train de prendre mes désirs pour la réalité, pas du tout, le speaker le répète : Norfolk !

    Norfolk ! La ville de Gene Vincent !

    Bref, je me suis précipité chez ma libraire préférée et j’ai acheté le bouquin.

    NOUS LES MOCHES

    JEAN MICHELIN

    (Editions Héloïse Michelin / Août 2025)

             Evidemment je m’y attendais, pas la moindre trace de Gene Vincent in the book. Dommage d’ailleurs, car c’est un peu la même histoire, de grandes similarités si l’on se donne la peine de réfléchir. Donc un roman. La trame est simple. Quatre gamins américains qui rêvent de devenir des Rock’n’roll Stars. L’histoire est racontée du début à la fin. Ce qui ne veut pas dire chronologiquement. Narrativement c’est beaucoup plus complexe que ça n’en a l’air. Jean Michelin n’est pas retors. Ne fait pas ses coups en douce. Vous avertit en toutes lettres chaque fois que le récit est victime (consentante) de ce  que j’appellerais un désencadrement, imaginez un tableau qui vous montrerait un paysage différent de celui que vous êtes en train d’admirer ? Entre parenthèse du paysage vous allez en bouffer, de toutes sortes, nos quatre héros ne traversent-ils pas les Etats-Unis en voiture, paysages géographiques à gogo, paysages mentaux à vous rendre gaga.

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             Retournons à nos rockers. Utilisons un terme précis : des metalleux, z’étaient gamins quand ils ont été percutés par Metalicca, Iron Maiden, Megadeth, vous entrevoyez la tribu à laquelle ils appartiennent. Marx ne l’a pas dit ainsi : mais dans chaque tribu rock il y a une sacrée lutte de classe. Pas de chance ils ne font pas parti de l’upper class, ne sont pas tout-à-fait non plus des soutiers à fond de cale. En France on dirait des bénéficiaires des aides sociales, celles-ci n’existant pratiquement pas dans la Grande Amérique  ils seront obligés de se fader toute leur vie des petits boulots de merde, de durée volatile… Bref la colère vous habite. Une seule solution. Non ce n’est pas la révolution. C’est la formation. A l’école certes, mais aux USA faut avoir les moyens intellectuels (un peu) et financiers (beaucoup). Donc ils opteront pour la formation d’un groupe.

             Evidemment ils partent de rien. Logiquement ils arrivent à pas grand-chose. Ne voyons pas tout en noir, ils ont in niveau déplorable, ils bossent, ils s’améliorent. Ne sont plus des nuls. Ne leur manque qu’un peu de chance pour se faire remarquer. Elle se présente, ils n’oseront pas la prendre. Tant pis pour eux, bien fait pour leurs gueules ! C’est que voyez-vous quand le système pourrait vous accueillir, faut pas hésiter.

             Fatalité sociale ! Ils sont pauvres, ils sont  moches, l’argent, les filles, la gloire ce n’est pas pour eux. Broken dreams ! Les années passent… Et Doug le batteur les rappelle. Notons, c’est écrit sur la quatrième de couverture, l’auteur Jean Michelin est aussi un batteur.

             Doug a un plan. Foireux à l’évidence. Suffit de faire comme si l’on croyait qu’il était réalisable. Je vous rassure, il ne fonctionnera pas. Pourtant Jean Michelin fait tout pour les aider. Partent sur un coup de dés. Pipé à la base. Mais Michelin leur trouve une solution de substitution. Le lecteur n’y croit pas. Eux si. Enfin quand les dés sont lancés il faut les regarder rouler. Alors ils roulent au travers des Etats-Unis, d’est en Ouest, de Norfolk à la Californie.  (Tiens la même trajectoire que Gene Vincent).

             Pour les cartes postales vous irez sur le Net. Nos quatre pieds nickelés ne s’intéressent qu’aux gens. Ne profitent pas du voyage pour devenir des ethnologues. Partout où  ils passent, mégalopoles ou bourgs ruraux ils ne voient que la même chose. Une égalité démocratique parfaite : des jeunes cons et des vieux cons.  American Beauty is not American Reality dirons-nous pour parodier une couve du Grateful Dead. Des vaincus de la vie, le ventre bouffi d’alcool, le cerveau empli de bêtises hideuses. Misère partout : sociale et intellectuelle.

             Soyons justes : il n’y a pas que des pauvres. Il y a aussi des riches. Les vrais riches ils sont rares dans le bouquin. Les riches auxquels se heurtent nos héros, sont des gagne-petit, ne vous louent pas des chambres mais des espèces de galetas… La richesse n’existe pas, ce qui lui sert de substitut c’est le dollar. Alors dès que vous en avez en poche vous faites tout pour les garder… Avarice et égoïsme seraient-ils les deux mamelles de cette société inégalitaire…

             L’Amérique que nous présente Michelin n’est pas attirante. Mais tout cela ce n’est rien, presque un conte de fée, à côté de la face sombre de l’Amérique : la leçon est simple : même si vous êtes riche, vous n’êtes pas libre, vous êtes obligé de pactiser avec le système, de le faire fonctionner. Même si vous ne le voulez pas. Sans quoi il vous rejettera. Prenons un exemple : le rock’n’roll. Doug et ses camarades ont la rage. D’autres l’ont eu avant eux. Metalicca par exemple. Mais si vous percez, si vous émergez, pour rester tout en haut vous êtes obligé de mettre de l’eau tiède dans votre rock. Les idoles se décolorent vite… Metalicca par exemple.

             Nos héros ne sont pas dupes. Même le guitariste qui s’est joint à eux. Plus jeune et peut-être encore plus désespéré. Michelin est assez malin pour nous proposer une fin ‘’heureuse’’. Du moins qui le semble. Elle ne l’est pas du tout. Chacun des personnages retourne dans sa nuit et l’on pressent que la lumière ne sera pas au bout du tunnel.

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             Vous fermez le livre. Je n’aimerais pas vivre aux USA concluez-vous. Remarquez, par chez nous ça y ressemble de plus en plus… Le roman n’incite pas à l’optimisme… Jean Michelin né en 1981 n’est pas un militaire de salon, il a servi au  Kosovo, au Liban, en Afghanistan et bien d’autres… il a travaillé à Norfolk dans les services de l’Otan, un itinéraire de haute responsabilité, je ne m’attendais pas à un tel livre chez un homme officiant à de tels postes…

             En tout cas un roman qui analyse les USA à partir d’un lieu d’observation peu utilisé : le rock’n’roll.

    Damie Chad.

     

     

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    Le nom de Chas Hodges (1943 – 2018) n’est guère connu du grand public en France. Le seul titre de gloire que nous lui reconnaissons est d’avoir accompagné Gene Vincent  en tant que bassiste des Outlaws.  Sa carrière en Angleterre et aux Etats-Unis ne se limita pas à ce groupe… Pour la petite histoire rappelons que le célèbre John Peel – le rock anglais lui doit beaucoup - animateur et producteur sur Radio One (BBC) décréta que le titre Shake With Me enregistré en 1964 par les Outlaws fut le premier morceau d’heavy Metal apparu sur cett terre… Et les Outlaws et Chas Hodges furent des figures agissantes du rock anglais qui mériteraient davantage de renommée que la réputation de seconds couteaux du rock anglais qui leur est trop souvent attribuée. Ecoutons Chas, ses souvenirs sur Gene Vincent sont essentiels quant aux tribulations de Gene outre-Manche…

    The Gene Vincent Files #8: Chas Hodges reminiscing

     the times he toured with Gene and The Outlaws.

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    Les Outlaws se sont formés, à l’origine ils s’appelaient The Formers, Mike Barry voulait un groupe d’accompagnement, pour enregistrer au studio de Joe Meek en 1961, nous avons donc auditionné et Joe changea notre nom en Outlaws, je tenais la basse, Kenny Ludgren était à la guitare rythmique, Ritchie Blackmore était à la lead, et Mickey Underwood à la batterie, nous avons repéré une annonce sur le Melody Maker selon laquelle Gene Vincent était à la recherche d’un groupe de soutien, le guitariste Kenny Lundgren téléphona à Don Arden et Don Arden vint nous auditionner dans un studio de répétition, nous avons joué quelque chose comme cinq ou six morceaux et il a dit ‘’ Ok les gars vous avez le job’’ nous étions tous contents d’être de cette tournée mais nous sommes arrivés trop tard pour la  tournée, Don Arden a dit, oui il a dit j’ai déjà un groupe pour accompagner Gene Vincent, nous partions, lorsqu’ il a dit, oui  il a dit : Jerry Lee Lewis a besoin d’un groupe d’accompagnement, et c’était parfait parce que nous avons accompagné Jerry Lee sur cette tournée et quand Jerry est rentré chez lui, nous avons pris la route avec Gene Vincent, ainsi tout s’est parfaitement combiné, ainsi vous avez eu les deux bouts du monde ! bien sûr mais je veux dire que quand je regarde cette année 1963 c’est une de mes plus belles années, derrière Jerry Lee et ensuite sur la route avec Gene Vincent et de retour à la maison je me suis mis au piano, Jerry Lee oblige !, oui ce fut

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    une très belle année. Nous avons répété avant le Saturday Club, assez drôle, nous avons couru jusqu’au domicile de Gene, à Muse quelque part dans le West End. Je me souviens de Gene disant nous allons organiser  une cocktail party, j’avais seulement entendu dire cela dans les films, je n’avais aucune idée de quoi il s’agissait, Gene m’expliqua : on y boit, j’étais partant, j’ai bu quelques verres, ainsi nous avons organisé une cocktail party et avons répété en même temps. Il savait ce qu’il aimait. Gene était très bon pour organiser les choses que nous faisions. Nous jouions Baby Blue : I got her name, it’s Baby Blue, well, baby, baby, baby, et nous avons pris l’habitude, je pense que c’était sur sa suggestion, nous étions vraiment agiles en ce temps-là, sur le solo nous sautions sur nos  amplis, le guitariste s’allongeait sur le sol, imaginez des contorsions de tous genres, c’était super, Gene se jetait à terre, nous étions capables de reprendre nos places initiales, de la manière dont nous l’effectuons c’était presque une chorégraphie.  Est-ce que Joe Meek and Gene Vincent travaillaient ensemble ?, oui ils l’ont fait et je ne sais pas avec quel groupe d’accompagnement, j’ai découvert cela après, j’ai été un petit peu déçu que Joe ne m’ait pas embauché comme bassiste, c’est sorti dans un film, Live It Up, dans lequel les Outlaws sont crédités, qui était aussi bien foutu qu’une série A , ce n’était même pas une série B, c’était une C,  ou une D, je dirais même une E, avec Heinz comme star, mais Gene a chanté un morceau appelé Temptation Baby, plutôt bon, il l’a enregistré chez Joe je crois, mais je n’étais malheureusement pas présent lors de cette session.  je pense

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    hélas que Gene avait quelque chose de spécial, je l’ai compris pendant que j’étais en tournée avec lui, pas systématiquement,  il le faisait toutes les nuits, chaque fois qu’ il était de mauvaise humeur, c’était terrible, il  se laissait aller durant le show et je me souviens que je l’encourageais, allons Gene il faut y aller, je n’aimais pas cela, mais s’il y avait quelqu’un qui attendait, si quelqu’un dans le public était venu spécialement pour le voir, comme Johnny Kidd qui avait pris l’habitude de venir le voir ça et là, eh bien si Johnny Kidd était là Gene était capable de donner un show fantastique. Je pense qu’il avait une très grande voix. Il  était le rock’n’roller le plus pointu. Elvis était très bon. Gene était très bon et très pointu. Il était plus pointu qu’Elvis dans son style. Gene avait cette attitude de rock’n’roll agressif et il avait tout ce qui va avec, il avait la voix, et il avait les mouvements sur scène, je veux dire qu’il avait le rythme, la première fois que je l’ai vu sur scène, j’étais derrière lui, nous avions l’habitude de garder le micro en position basse et sa jambe passait par-dessus, c’était exécuté en une seconde, c’était comme un plan coupé dans un film, vous savez il esquissait à peine sa parade et à la seconde suivante ses jambes s’envolaient invisibles, et comme par magie vous les aperceviez à leur place  sur le plancher c’était fantastique, il faisait cela à la perfection, Gene avait l’habitude de dire des choses, je veux dire qu’il a dit alors que nous  rentrions en Angleterre depuis Hambourg, il disait que sa femme, il pensait que sa femme avait une liaison, je ne sais pas si c’était vrai ou pas vrai, il a dit ‘’je rentre à la maison et je  tue ma femme’’, je disais ‘’Ok, veux-tu prendre un verre !’’  ‘’Entends-tu ce que je suis en train de dire sur ma chaise, je rentre à la maison, et je vais descendre Margie ! »  ‘’D’accord Gene, tu veux un café ou quelque chose d’autre ?’’  ‘’ Les copains, vous n’écoutez rien !’’ … Nous sommes  enfin rentrés à la maison, deux jours plus tard j’avisai une grosse manchette sur un journal, il avait réellement pointé son arme sur Margie, mais apparemment, j’ai lu la chose, le pistolet n’était pas en état de fonctionner, ainsi il ne l’a pas réellement tuée, il a juste reçu, je crois, un avertissement. Nous avions une répétition cette après-midi-là à Londres et j’ai pensé qu’il était en train de filer un très mauvais coton, vous savez après ce truc dans le journal, c’était au Din Studio de répétition, in the West End fréquenté par de nombreux groupes et chanteurs, où nous avions l’habitude de répéter, nous sommes arrivés, Gene était dans une pièce, Gene nous a ouvert  la porte et nous regarda, il arborait un très grand sourire sur son visage, ‘’ Je t’ai dit que je jouais aux échecs n’est-ce pas !’’ et il était réellement en train d’y jouer tout seul. Sur ce, il me dit : ‘’

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    Demain, demain je pars à Gênes’’ et il ajouta ‘’ils veulent que je joue avec leur orchestre, je veux que tu viennes avec moi pour que tu leur montres ce qu’il faut faire’’. C’était super ! je me revois écrire un mot dans la maison de ma copine, qui est aujourd’hui ma femme, disant, ‘’S’il te plaît je suis obligé de rester avec Gene, je file chez lui à l’instant, dans le West End, parce que nous partons à cinq heures du matin à Sumit D’’.   Cette nuit-là nous sommes restés éveillés, il a sorti toutes ses armes , je faisais genre parce que je n’étais pas intéressé, ‘’Chas regarde cette arme’’, ‘’oui’’ il disait ‘’c’est un Smith & Wesson’’ ou quelque chose comme ça, et il possédait des brassards, des brassards Nazis, il collectionnait des trucs comme ça, mais je me suis rendu compte que je n’avais rien à craindre, j’ai juste dit d’accord, alors il m’a dit ‘’viens voir mon nouveau bébé’’, sa femme était au lit, il devait être deux heures du matin, ‘’c’est mon nouveau bébé’’, sa femme a dit ‘’Gene tiens-toi tranquille tu es en train de réveiller toute la maison’’, Gene et moi avons fini par nous mettre au lit à quatre heures du matin,  il me réveilla sur les cinq heures, je me souviendrai toujours de Gene sur sa chaise avec cette première cigarette et    cette première bière,  j’ai répondu, je préfèrerais plutôt une tasse de thé ou quelque chose comme ça, de toutes les manières Don Arden a hurlé à la porte sur les cinq heures du matin, je ne sais pas si vous connaissez la voix d’Arden, la plus grosse voix que vous n’ayez jamais entendue ‘’Gene, dépêche-toi, lève-toi’’, je suis debout ma valise à la main, ‘’ô Gene je n’ai pas de costume’’ et Gene Vincent, il était plus petit que moi, déclara ‘’j’ai un costume pour toi ‘’   il me passa un de ses costumes et un de ses pantalons qui m’arrivaient là, je me suis un peu contorsionné  pour me donner une contenance présentable, et je me tenais debout, et certainement Don Arden était déjà dans l’appartement et Don déclama : ‘’dépêche-toi Gene nous allons être en retard’’ et sans même me regarder ils sont passés devant moi : ‘’ Pour le premier groupe,  je pense que Chas pourrait venir !’’  ‘’Nous n’avons besoin de personne d’autre, nous n’avons pas de ticket pour quelqu’un d’autre, le  groupe connaît ton boulot, grouille, monte !’’ Il monta dans la bagnole et ils arrivèrent à l’aéroport et je suis resté là debout, dans cet état en plein milieu de Londres, et le costume de Gene Vincent dans la valise, et je n’avais pas réalisé, je ne sais pas comment je suis revenu chez moi, et je ne peux me souvenir si j’ai évoqué cela avec Gene ou pas, je ne sais pas si je n’ai pas encore probablement par là son costume quelque part. Don Arden était Don Arden, une grosse voix, il semblait totalement insensible, quelle que soit la situation il aboyait ses ordres et il ne savait rien faire d’autre qu’aboyer. Nous avons été payés. Nous avons l’habitude de ces histoires sur Don Arden, cela ne s’est jamais produit avec nous, nous avions une avance de  30 livres par weekend et nous étions payés au plus vite, c’était parfait pour nous. Toutefois  je pense que c’était une honte d’après ce que avons su  il a gagné beaucoup avec Gene qui sur l’alcool a été le meilleur de tous ceux que j’ai jamais connus, j’ai toujours connu dans ma famille de gros buveurs de bière, je peux les traiter de gros buveurs mais pas d’alcooliques, Gene a été au sens propre du mot le premier alcoolique dont je me souvienne, il se levait, il prenait une bouteille de whisky, s’il y avait aussi de la viande, je lui disais ‘’tu n’as rien mangé’’ je n’ai jamais vu quelque chose comme cela, je lui disais ‘’ Tiens, je te ramène un hamburger ou quelque chose qui lui ressemble, si tu veux autre chose, un bol de soupe offert par le voisin’’, ‘’non, non, c’est bon’’ et il a juste vécu seulement avec du whisky. La semaine suivante, je n’ai pas insisté, et il a fait ce qu’il voulait…

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    J’étais dans un groupe avec Albert Lee, les Heads Hands Feets, et Tony Colton avait écrit une chanson Warmin’up in the band ( Alerte rouge dans le groupe) et il a pompé une ligne à la fameuse chanson de Gene Be Bop A lula, Be Bop A Lula To night oh Mama you’re allright et il se produisit que nous étions juste en train de l’enregistrer, et Gene devait jouer au Marquee tout près, j’ai dit au producteur si je pouvais aller chercher Gene pour qu’il vienne chanter ce couplet, j’ai dit je sais que tu aimerais faire cela et ça ferait un petit coup de publicité pour Gene Vincent qu’il chante actuellement ce couplet, maintenant je sais que c’était une excellente idée, donc je suis parti le chercher et on me dit il y a une grosse affiche dehors : En raison de circonstances imprévues Gene Vincent est rentré aux USA pas de show ce soir bla-bla-bla et j’ai cherché pour savoir si c’était vrai ou non, j’ai découvert assez

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    facilement qu’il était en litige pour la pension alimentaire de sa femme, qu’ils sont venus le chercher et qu’il était retourné en Amérique, et je pense qu’il est mort environ un mois plus tard. J’ai lu qu’il est mort alors que j’allais  enregistrer. Jamais vous ne le verrez plus, et c’est une honte terrible que Gene ne soit pas avec nous aujourd’hui, car il serait encore en train de rocker et d’attirer les foules et même davantage, je pense qu’il était englué dans la crise du rock’n’roll  des mid-sixties, ce qui n’a pas été le cas pour moi, mais quand les Beatles éclatèrent et quand la Soul éclata, vous savez que j’aime bien la soul, mais un grand nombre de rock’n’rollers n’ont pas gagné beaucoup d’argent, ils se sont battus, et certains comme Jerry Lee Lewis aujourd’hui, ce n’est pas le Jerry Lee Lewis  des premiers temps  mais il attire les foules et Gene Vincent aurait pu le faire, mais il nous reste ses disques à écouter et Rock A long Time… là c’est moi qui chante avec Gene…

    Transcription Damie Chad.

    Notes :

    Don Arden (1926 - 2007), figure controversée et irremplaçable du rock anglais, il suffit de citer, parmi d’autres, les noms de Gene Vincent, Small Faces, Black Sabbath, pour comprendre que ses activités de ‘’manager’’ ne furent pas sans conséquence sur l’histoire de notre musique.

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    Johnny Kidd ( 1935 – 1966 ) : rocker anglais de la première génération qui ne fut pas submergé par l’arrivée des Beatles… Tony Marlow, grand admirateur de notre pirate a consacré deux albums à son œuvre.

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    Heinz Burt (1942 – 2000) : l’ami Alain Couraud, souvent ici nommé Mister B, qui n’écrivit jamais une ligne dans ce site, mais sans qui ce blog n’aurait jamais existé, tenait Heinz et Billy Fury pour les deux meilleurs rockers anglais de la première génération.

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    Albert Lee (né en Angleterre, en 1943) guitariste rock prodigieux qui participa aux London Sessions de Bo Diddley et Jerry Lee Lewis… Quelle autre caution rock’n’roll avez-vous à offrir… La seule lecture de sa discographie est un émerveillement…

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    Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos