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CHRONIQUES DE POURPRE

  • CHRONIQUES DE POURPRE 702 : KR'TNT ! 702 : FIN DEL MUNDO / BEATLES / SHARP PINS / WILD BILLY CHILDISH / FEELIES / THRAEDS / DRONTE / BRONZE AGE VISIONS / GENE VINCENT+ JACK NEAL

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 702

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    18 / 09 / 2025

     

     

    FIN DEL MUNDO /  BEATLES

    SHARP PINS / WILD BILLY CHILDISH

    FEELIES  / THRAEDS

       DRONTE / BRONZE AGE VISIONS

        GENE VINCENT + JACK NEAL

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 702

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    L’avenir du rock

     - Fin Del Mundo n’est pas la fin du monde

             À force d’errer dans le désert, l’avenir du rock a parfois l’impression d’être arrivé au bout du chemin. Et chaque fois que cette idée effleure sa pensée, il constate que le chemin continue. Soit il s’en agace, soit il s’en désole, ça dépend des jours. Alors il reprend son petit bonhomme de chemin, convaincu qu’un beau jour, il arrivera au bout du chemin. Car enfin, tout chemin a sa fin, se dit-il. Comme le jour ou comme la vie ! Il développe l’idée dans sa tête surchauffée et aboutit au concept de fin en soi. Ah ça lui plaît ! Ça le rassure. Ça lui met du baume au cœur. S’il ne trouve pas le bout du chemin, au moins il a ce beau concept en compensation : la fin en soi. Ça pourrait presque calmer sa soif d’aboutissement. Et donc, chaque fois qu’il croise un erreur, il se vante de chercher une fin en soi. Les autres erreurs ne comprennent pas forcément, mais sous ces latitudes, les finesses dialectiques perdent facilement leur importance. Les déserts ne sont pas des salons où l’on glose. On se contente généralement du strict minimum. Intrigué par cette idée de fin en soi, l’avenir du rock continue de réfléchir. Ça tombe bien, à part marcher, il n’a que ça à faire : réfléchir. Au moins, il ne perd pas son temps. Il se concentre sur les fins. Il décide de les collectionner. Chaque fois qu’il croise un erreur, il lui demande quelle est sa fin et lui propose de l’échanger contre l’une des siennes. Alors pour en avoir en double, il se met à fabriquer des tas de fins. Un jour, au pied d’une dune, il tombe sur un mourant et lui propose une fin qu’il a en double : «La fin justifie les moyens». Alors, dans un dernier râle, le mourant lui cède la sienne : «La fin des haricots». L’avenir du rock repart tout guilleret. Deux jours plus tard, il croise Lawrence d’Arabie. L’avenir du rock essaye de lui refourguer l’une de ses fins en soi, et du haut de son chameau, Lawrence éclate d’un gigantesque rire cristallin : «Le suicide n’est pas une fin en soi. C’est la fin de soi !» Vexé, l’avenir du rock rétorque d’un air mauvais : «Ah ! La fin Del Mundo n’est pas encore pour demain !» 

      

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             L’avenir du rock parle bien sûr de Fin Del Mundo. Elles arrivent d’Argentine. Elles sont quatre. Pas de mec sur scène, donc c’est le groupe parfait. Elles sont très jeunes. Sur les 4, 3 sont tatouées. Elles sortent à peine du collège. Vu les tatouages et des Doc Martens, tu t’attends à du punk latino. Le punk des labyrinthes de Jorge Luis Borges. Tu fantasmes un peu, c’est normal, on ne voit jamais d’Argentines

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    tatouées dans le coin. Formation classique : deux grattes, basse et beurre. Ça commence mal, la petite chanteuse n’a vraiment pas de voix et son cut sonne gnan-gnan. On se croirait à la MJC de Buenos Aires. En plus, elles n’ont pas de son. La petite chanteuse s’appelle Lucia. T’avales ta déconvenue et, philosophiquement, tu te dis que ça va forcément s’arranger. Dans ces cas-là, il faut toujours trouver un moyen de se remonter le moral, car avec l’âge, on s’aperçoit que le moral prend la vilaine habitude de descendre vite fait dans les godasses. Comme tu ne connais pas les cuts, tu fais confiance à tes oreilles. Et voilà que cut après cut, elles font honneur à

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    ta confiance, car elles se mettent à chauffer la cave qui est déjà surchauffée, et ça devient vite extraordinaire, d’autant que la petite vingtaine d’happy few exulte, et l’ambiance devient géniale, alors les Argentines montent d’un cran et on assiste à un phénomène assez rare qui est celui de l’élévation d’un groupe inconnu. Elles s’élèvent toutes les quatre du sol et claquent une pop excitante, révélatoire, même pas exotique, une pop fine et racée, bourrée d’énergie, éclatée par de trop rares harmonies vocales, celles qu’on entend dans Le Temps Des Gitans, les poux prennent du volume, t’en reviens pas de les voir régner sans partage sur cette cave qui en a déjà vu des vertes et des pas mures. La petite guitariste qui est devant toi s’appelle

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     Julieta. Elle porte des lunettes et mine de rien, elle ramène énormément de son. La bassiste Yanina est la plus tatouée des quatre. Et derrière ses fûts t’as une autre Julieta qui lance tous les cuts au tac tac tac. Elles sont tout simplement sidérantes de fraîcheur saumonique, t’as l’impression que cette pop s’adresse directement à toi, cette pop fait de toi le bec fin de service, t’en goûtes chaque seconde avec une délectation dégoulinante de sueur, et si le dieu de l’underground existait, t’irais lui serrer la pince pour le remercier d’avoir mis ensemble dans la cave ces deux groupes géniaux que sont Zement et Fin Del Mundo.   

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             Comme elles n’ont pas de merch, tu réunis le soir même un conseil restreint pour voter les crédits de rapatriement superfétatoire, car cette pop t’intrigue et quand une pop t’intrigue, il faut la tirer au clair. Elles ont deux albums à leur petit

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    palmarès argentin, Hicimos Crecer Un Bosque (qui veut dire en français ‘Nous Avons Fait Pousser Une Forêt’) et une compile, Todo Va Hacia El Mar (qui veut dire ‘Tout Va À La Mer’). Et au vu de la setlist, on constate que ces petites coquines jouent sur scène un mix des deux albums. Le conseil restreint chougne un peu mais finit par voter le budget. 

             Alors attention : avec Hicimos Crecer Un Bosque, t’as un pot-aux-roses. Ces petites coquines d’Argentine ont du son, rien à voir avec celui de la cave. Sur l’album, elles sonnent comme les Pixies, aussitôt «Una Temporada En El Invierno». C’est plein d’élan et plein de vie. Te voilà transfixé. S’ensuit une autre fontaine de jouvence, «Vivimos Lejos». Non seulement les poux sont précis mais voilà qu’elles font les chœurs magiques du Temps Des Gitans, ceux qu’on entend dans la scène des funérailles sur le fleuve. Et ça plonge dans l’inferno du vivid, c’est hot as elles, la plongée est en fait une montée au firmament, elles cultivent leurs harmonies vocales juvéniles et c’est une aubaine pour tes vieilles oreilles, une aubaine fouettée par des vents de poux, t’en reviens pas de tant de maîtrise. Elles grattent des petits poux lumineux, chaque cut est exaltant. T’as un joli Wall of Sound dans ce «Refugio» puissant et comme illuminé de l’intérieur. Elles créent bien leur monde et savent mettre le paquet quand il faut. T’es frappé par la grosse attaque de «Devenir Paisaje». Elles développent des chevaux vapeur, elles déroulent du continuum, elles sabrent les goulots de leurs cuts avec des accords inconnus, elles fourbissent des résonances mystérieuses, tu crois entendre un instro, mais elles arrivent au chant quand tu ne t’y attends plus et ça devient génial. Cut après cut, t’as l’impression de monter dans les échelons, elles se fondent dans «El Dia De Las Flores», elles sonnent quasiment comme les Breeders, tant de power t’éberlue, elles se montrent vertigineuses d’ambition sonique, leurs abysses ressemblent à s’y méprendre à celles des Pixies. Elles regagnent la sortie avec «Vendra La Calma» et se barrent en mode heavy pop. Elles te drivent ça sec, avec des coups d’acou, c’est puissant, et même sur-puissant, saturé de power féminin et de clameurs argentines. Tu les adores.

             Une seule déconvenue : le Todo Va Hacia El Mar commandé en Espagne n’est jamais arrivé. Ainsi va la vie.

    Signé : Cazengler, fan del Mundo

    Fin Del Mundo. Le Trois Pièces. Rouen (76). 5 août 2025

    Fin Del Mundo. Hicimos Crecer Un Bosque. Spinda Records 2024

    Concert Braincrushing

     

     

    Wizards & True Stars

     - Sale petite Beatlemanie (Part One)

     

             — Tu traînes cette sale petite Beatlemanie depuis combien de temps ?

             — Soixante ans...

             — Pourquoi ne tu vas-tu pas te faire soigner ?

             — Certainement pas.

             Les Beatles, c’est comme Elvis : ils sont le tenant de l’aboutissant. Ce sont eux qui ont inventé les hits, qui ont enchanté les radios et par conséquent nos vies de jeunes coqs. On a tous aimé à la folie Lady Madonna et pris la main que John nous tendait pour aller faire un tour dans Strawberry Fields, c’est lui qui t’a expliqué que rien n’était réel - nothing’s real - et que la vie est easy quand tu fermes les yeux. On a vérifié : c’est vrai.

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             Les Beatles ? Zéro défaut et toutes les qualités. Lorsque tu entends des gens cracher sur les Beatles, tu les plains secrètement, non pas pour leur manque de curiosité, mais pour ce sectarisme qui est hélas l’une des formes «culturelles» de l’extrême vulgarité. Et souvent, les qualificatifs sont à l’avenant. Un jour, dans la voiture, alors qu’on roulait avec Janvuc vers un patelin normand, nous échangions nos points de vue sur nos vieux coups de foudre. Après les Zombies, les Small Faces et Syd Barrett, vint le tour des Beatles :

             — Que penses-tu de l’Album Blanc ?

             Avant de répondre, Janvuc prit une profonde inspiration, puis il lâcha avec tout le dégoût dont il était capable :

             — C’est de la merde !

             Au moins les choses étaient claires. Et ce fut la fin de nos échanges «culturels». Nous parlâmes ensuite de la pluie et du beau temps. Puis, tout naturellement, nous nous perdîmes de vue.

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             Ce que cet abruti de Janvuc n’avait pas compris, c’est que le White Album est l’un des albums parfaits de l’histoire du rock. C’est en tous les cas ce que nous ré-explique Opher Goodwin dans son minuscule mini-book : Rock Classics: The Beatles White Album. Il plafonne à 80 pages dans le format qui rentre dans toutes les poches, et t’es bien content de lire sa prose, car il te redit tout ce que tu sais déjà, mais avec la passion dévorante d’un fan resté en phase.

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             L’idéal est de coupler cette lecture avec l’écoute de la box White Album - 50th Anniversary, qui propose les fameuses ‘Esher Demos’. T’es pas surpris de constater que le White Album n’a pas pris une seule ride, que toute sa diversité a gardé sa fraîcheur et que John, aussi bien que Paul, restent des interprètes exceptionnels. La Beatlemanie n’a jamais été une vue de l’esprit.

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             Goodwin commence bien sûr par rappeler le contexte révolutionnaire de 1967 : l’émergence de la psychedelia (The Piper At The Gates of Town, Are You Experienced, Mr. Fantasy et Disraeli Gears), puis l’arrivée de l’acid rock de la West Coast («the strange days of the Doors, Captain Beefheart dropping pout, Frank Zappa freaking out, The Byrds being notorious, Love forever changing, Country Joe & The Fish applying electric music for the mind, and Jefferson Airplane taking off.»). Il rappelle aussi l’évolution spectaculaire des Beatles, à partir de «the folkie essence of Beatles For Sale», suivi du harder pop-rock de la B.O. d’Help, puis Rubber Soul «qui vit the beginning of a new type of songwriting ultimately exploding into full ferocity on Revolver.» Et comme Syd Barrett, Jimi Hendrix et le West Coast acid rock avaient ouvert les portes en grand, la counterculure «was in full swing» et quelques-uns des «vieux groupes», nous dit Goodwin, s’étaient eux aussi engouffrés dans ce full swing : les Rolling Stones, les Who, les Yardbirds et les Pretties. Et bien sûr, les Beatles naviguaient au sommet du full swing avec Sgt. Pepper - They never disappointed lyrically, poetically, thematically, and musically. The Beatles remained right at the forefront of wathever was happening - Sgt Pepper étant alors considéré comme le sommet de 1967, le problème des Beatles était alors d’enregistrer le sommet suivant, celui de 1968. Entre les deux sommets, et contraints par leur contrat, ils allaient enregistrer cinq singles qu’il faut bien qualifier de magiques : «Strawberry Fields Forever»/«Penny Lane», «All You Need Is Love»/«Baby You’re A Rich Man», «Hello Goodbye»/«I’m The Walrus», «Lady Madonna»/«The Inner Light», «Hey Jude»/«Revolution». Pardonnez du peu. 

             C’est aussi à ce moment qu’ils montent Apple Records et qu’ils signent une palanquée de cracks, James Taylor, Jackie Lomax, Mary Hopkins, Doris Troy, Badfinger et Billy Preston. C’est leur vision de full swing. Le full swing bat son plein.

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             Si on a eu la chance de vivre le full swing des sixties en direct, on a le souvenir d’un vertige. La radio déversait son lot quotidien d’hits tous plus magiques les uns que les autres. Et par la force des choses, tu devenais une sorte de pirate en herbe, puisque tu jetais ton grappin sur tous les bateaux, tous les oiseaux, tous les singles, tous les EPs et tous les LPs qui traînaient dans les parages.

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             Pendant ce temps, les Beatles étaient aux Indes, chez le Maharishi. Ils ont profité de ce séjour pour composer une quarantaine de chansons, dont le fameux «Sexie Sadie» qui concerne la libido galopante du Maharishi. Ils bidouillaient des chansons avec leurs copains Donovan et Mike Love qui étaient aussi du voyage. Rentrés en Angleterre, ils sont allés chez le roi George enregistrer 28 demos. Ce sont les fameuses Esher Demos.

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             C’est le CD3 de la box. Et l’un des plus beaux jours de ta vie, quand tu l’écoutes. Ça démarre sur une version grattée à coups d’acou de «Back In The USSR». T’entends un truc unique au monde. Ils formatent ton esprit, ils chantent cette merveille à deux voix et font les cons à la fin. Ils vont pondre leurs démos une à une, comme des œufs d’or. Cot cot ! Les Beatles, amigo. T’as la version démo de «While My Guitar Gently Weeps», sans Clapton (le ton c’est bon). Tout repose sur la qualité des harmonies vocales. Heavy druggy John tape l’«Happiness Is A Warm Gun» au Mother Superior/ Jump the gun et il part en délire de Yoko Ono/ Yoko Oh yes. C’est un peu comme les démos du Parachute des Pretties : tout est déjà là. Encore une belle démo de wanna die avec «Yer Blues» - If I’m dead already/ Girl you know the reason why - Et tu retrouves l’early frénésie d’«Everybody’s Got Something To Hide Except Me And My Monkey», c’mon c’mon such a joy ! T’as aussi le «Revolution» gratté à coups d’acou. Très haut niveau, ils font les chœurs d’you know it’s gonna be, et Lennon ajoute «alrite !». Puis on attaque les inédits avec le «Sour Milk Sea» du roi George, qu’a enregistré par la suite Jackie Lomax. Pure magie vocale, c’est chanté à la petite arrache congénitale, le roi George fait sortir sa voix du virage. Encore une fantastique dérive Beatlemaniaque avec «Child Of Nature». Retour en force du roi George avec «Not Guilty». Ces finesses mélodiques et harmoniques n’existent pas ailleurs. Ils te swinguent ça à coups d’acou et au chant. La cerise sur le gâtö Esher s’appelle «What’s The New Mary Jane». Toute la magie des Beatles tombe du ciel. T’as le fondu des voix d’espolette, une qualité d’osmose de big time de what a shame ! C’est chanté dans l’or de l’âge d’or, dans l’immense torpeur du génie Beatlemaniaque - What a shame Mary Jane/ Had a pain at the party.

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             Nouveau rebondissement dans la vie des Beatles : leur père adoptif Brian Epstein casse sa pipe en bois en août 1967. À partir de là, les Beatles vont dysfonctionner et le White Album  sera l’une des conséquences de ce dysfonctionnement. Le groupe se casse littéralement en deux : d’un côté John et George, de l’autre Paul et Ringo. Et puis t’as Yoko qui entre dans la danse. Impossible pour John et Yoko de rester séparés plus d’une minute. La voilà donc dans les pattes  du White Album. Comme le dit si diplomatiquement Goodwin, Yoko allait amener une nouvelle dynamique et abîmer les relations qui n’étaient pas en très bon état. 

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             Fin mai 1968, ils attaquent l’enregistrement du White Album. Il devait s’appeler A Doll’s House mais le titre fut abandonné car Family venait de sortir Music In A Doll’s House. Pour les Beatles, Richard Hamilton pond le concept d’anti-pochette. Il ne voulait rien sur la pochette, histoire de créer un contraste avec celle de Sgt. Pepper. 

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    au centre : George Emerick

             Pendant les sessions, la tension est palpable. Il y a des engueulades et des portes claquées. L’atmosphère est tellement lourde que George Martin part en vacances et confie les Beatles aux bons soins de l’ingé-son Geoff Emerick. Une chanson du roi George disparaît du track-listing : «Not Guilty». Cut compliqué. 101 takes, nous dit ce brave Goodwin. Les Beatles décident de virer «Not Guilty» du track-listing pendant que le roi George est à New York. Lennon dit aussi que les sessions furent bizarres : «It’s like me and a backing group and Paul and a backing group. I enjoyed it, but we broke up there.» Quand on écoutait le White Album à l’époque on avait le sentiment d’un accomplissement, alors qu’en fait l’album scellait le destin du groupe. Qui l’eût cru ?

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             Puis Goodwin va décortiquer les cuts un par un et nous apprendre une foule de petits détails intéressants. L’influence de Mike Love sur «Back In The USSR» est flagrante. On y retrouve en effet des échos de «California Girls». C’est le cut d’ouverture de balda. T’as là toute la magie plastique des Beatles. Tout swingue, même l’honey disconnect the phone ! C’est l’hymne intemporel que tu vas chanter toute ta vie, You don’t kow how lucky you are boy ! S’ensuit «Dear Prudence» : John Lennon at his melodic best. La Prudence en question est Prudence Farrow, la sœur de Mia - The sun is up/ The sky is blue - Cette magie est effarante de clarté. Tu te re-repais de «Glass Onion», tout y passe : la fabuleuse attaque, le big beat, Strawberry Fields et The Walrus. «Wild Honey Pie» est un cut solo de Paul. Il joue tous les instruments. C’est ce qui se passait lorsqu’on laissait Paul tout seul une heure ou deux dans un studio : il bricolait un hit. Dans «While My Guitar Gently Weeps», la voix du roi George est saturée de chagrin. Il fait pleurer l’I look at you all/ See the love that’s sleepy et l’I don’t know why nobody told you.  

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             «Happiness Is A Warm Gun» est une chanson sexuelle - My finger on your trigger - John surnomme Yoko ‘Mother Superior’. Il rappelle qu’au début, leur relation était extrêmement sexuelle - When we weren’t in the studio, we were in bed - La fuzz qu’on entend est celle du roi George sur sa Bartell fretless. John répète qu’il need a fix because I’m going down, singing in a mournful, desperate voice spanning two octaves. «Piggies» s’inspire de l’Animal Farm de George Orwell. Le roi George ne cachait pas son dégoût de la cupidité des décideurs et du business side du showbiz : il les voit comme «des greedy pigs dressed in their immaculate white shirts», se roulant dans la boue «while stabbing each other in the back.» Paul et Ringo enregistrent «Why Don’t We Do It In The Road». John aurait bien aimé participer à ce festin. Paul voyait que John et George étaient occupés dans leur coin, alors il dit à Ringo «Let’s go and do this». Même chose avec «Revolution 9».

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    Chris Thomas

             C’est «Birthday» qui ouvre la bal de la C. Chris Thomas produit en l’absence de George Martin. Le groupe déboule un soir après avoir vu Little Richard dans The Girl Can’t Help It - Paul was the first in and began thumping out a riff. He was joined by the rest and they improvised the song, delivering it as a wild rocker in the Little Richard style. T’entend bien l’heavy bassmatic de Paul. Il n’existe rien de plus rock‘n’roll que les Beatles dans «Birthday». S’ensuit «Yer Blues». John aimait tellement son «Yer Blues» qu’il a choisi de le jouer dans le Rolling Stones Rock And Roll Circus, accompagné par le Dirty Mac Band (Mitch Mitchell, Keith Richards et Clapton - le ton c’est bon). Nouveau shoot de big rock out avec «Everybody’s Got Something To Hide Except Me And My Monkey» : référence évidente à l’hero, dont John décrochera, comme il en témoigne dans «Cold Turkey». Les Beatles rockent le boat comme nul autre groupe. Tu tombes ensuite sur l’inégalable beauté purpurine de «Sexy Sadie». Ton sens de la beauté vient peut-être de là, ou alors d’un poème d’Apollinaire, tu ne sais plus. En tous les cas, ces vers te hantent encore - Sexy Sadie, you broke the rules/ You laid it down for all to see - Et aussitôt après, t’as le plus gros smash de l’histoire du rock (avec «Sister Ray») : «Helter Skelter». Quand Paul voit que Pete Townshend se vante d’avoir écrit «the raunchiest, loudest, most ridiculous rock’n’roll record you’ve ever heard», il dit aux autres Beatles : «We should do a song like that, something really wild. And I wrote ‘Helter Skelter’.» Goodwin ajoute que de soir-là les Beatles étaient out of their minds. Goodwin dit encore que Paul sonne comme un Little Richard on amphetamines - It’s relentless, crazy, fast and dangerous. Saturé de violence définitive. Macca y va au yeah yeah yeah. Helter Skelter résonne encore dans tes os.

             Puisqu’on est en pleine crise, continuons.

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             Qu’est-ce qu’une compile idéale ? C’est une compile qui propose des chansons parfaites.  Et juste au-dessus, t’as la compile supra-idéale : celle qui propose des chansons parfaites interprétées par des artistes bénis des dieux. Ace en propose trois : Come Together - Black America Sings Lennon & McCartney, Let It Be - Black America Sings Lennon McCartney & Harrison et Here And There And Everywhere - Black America Sings Lennon McCartney & Harrison.

             Des chansons parfaites, ça veut dire quoi ? Les Beatles, bien sûr. Les interprètes bénis des dieux, ça veut dire quoi ? Les blackos, évidemment. Ace ne s’est donc pas trop cassé la nénette. Te voilà avec trois CDs magiques dans les pattes. Ma-gi-ques ! Non seulement tu voyages dans le temps, c’est-à-dire que tu remontes aux sources, mais en plus t’entends tous ces Soul Brothers et toutes ces Soul Sisters sublimer la magie des Beatles. T’es bien obligé de parler de magie. Tu ne peux pas faire autrement.

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             Quand en 2011 est paru Come Together - Black America Sings Lennon & McCartney, on criait déjà au loup. Eh oui, comment peux-tu résister à la cover que fait le grand Chubby Checker  de «Back In The USSR» ? Toute la niaque des Kremlin girls est là, ça te replonge aussi sec dans la grandeur fiévreuse du White Album, t’en revenais déjà pas à l’époque de toute cette classe Beatlemaniaque, mais là c’est encore pire. Plus loin, t’as Fatsy qui tape l’excellent «Everybody’s Got Something To Hide Except Me & My Monkey» et il te rocke bien le boat du Monkey, comme le fait aussi Jim Jones sur scène - Your outside is in & your inside is out/ Make it easy ! - T’es effaré par la classe invraisemblable du cut, mais tu l’es encore plus par ce qu’en fait ce démon de Fatsy. Et puis voilà Wee Willie Walker avec une version à la dynamite de «Ticket To Ride». Il t’explose ça vite fait et te laisse comme deux ronds de flan. Roy Redmond tape une version heavy de «Good Day Sunshine» et tiens-toi bien, le bassmatic vibre entre tes reins. Plus loin, les anges du paradis arrivent avec «And I Love Her» : ce sont les Vibrations, bien sûr, ils hissent la Beatlemania au sommet de la grâce et ça chante à la glotte de lumière. T’es au sommet d’un art qui s’appelle le rock, amigo. Ace t’emmène ensuite à Chicago retrouver les mighty Chairmen Of The Board et leur cover de «Come Together» qu’ils bouffent toute crue. General Johnson et ses Chairmen tapent ça au chant d’esclaves africains, ils groovent dans le dur de la condition. Avec «Drive My Car», les Black Heat ramènent tout le swagger black, il faut les voir groover leur c’mon baby you can drive my car. t’as le groove des black dudes et des chœurs de blackettes. Tu ne peux décemment pas espérer mieux. Dans la foulée arrive un autre magicien, Junior Parker avec «Lady Madonna» et Linda Jones tartine «Yesterday», elle s’en va groover ça là-haut sur la montagne. Il n’existe rien de plus raw qu’Otis et sa cover de «Day Tripper». Il sonne comme un coup fatal d’I found out, personne n’enfonce un clou dans la paume du beat comme Otis. Et lui, là, le Lowell Fulsom, il amène sa cover de «Why Don’t We Do It In The Road» au proto-black de do it in the road. Tu retrouves l’extraordinaire poids de la Soul dans la cover de «The Long & Winding Road» des New Birth. Le blackos chante à la voix extrêmement fêlée. Et ça se termine en apothéose avec Al Green («I Want To Hold Your Hand», il sonne comme le génie suprême, il fait danser les Beatles sur ses genoux) et pour finir Aretha («Let It Be»). T’as plus rien au-dessus d’elle. C’est l’universalisme des Beatles magnifié par la plus grande chanteuse de tous les temps.   

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             Une fois que t’as retrouvé ton souffle, tu peux attaquer Let It Be - Black America Sings Lennon McCartney & Harrison. Cette fois, Aretha ouvre le bal avec «Eleanor Rigby». Elle tape ça à l’attaque directe de where do you come from, elle a des petits chœurs de Soul Sisters et ça swingue. Elle reste the Queen of Soul. Tu restes au sommet du genre avec Earth Wind & Fire et leur cover de «Got To Get You Into My Life». C’est imbattable. Mary Wells est incroyablement sensuelle avec «Do You Want To Know A Secret». Elle se frotte contre la braguette de John Lennon. Fatsy cloue les Beatles à la porte de l’église avec «Lovely Rita» et Nina Simone bascule dans le surnaturel avec «Here Comes The Sun», elle t’emmène au little darling. Retour de cet effarant groover qu’est Junior Parker avec un «Tomorrow Never Knows» qui préfigure le Prophète Isaac. Il plombe le beat. Pur genius. La fascinante Randy Crawford tape «Don’t Let Me Down» au beat élastique primitif, et The Undisputed Truth rivalisent de grandeur marmoréenne avec Joe Cocker sur «With A Little Help From My friends». Le mec fait de son mieux pour le scream. Gary Us Bonds explose «It’s Only Love», il va le chercher à la force du poignet. Et puis t’as bien d’autres choses : Dionne la lionne, Screamin’ Jay Hawkins, Ella Fitzgerald, et pour finir l’excellent Bill Withers avec un «Let It Be» groové à l’orgue. 

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             La troisième compile Ace vient de sortir : Here And There And Everywhere - Black America Sings Lennon McCartney & Harrison. Fais gaffe à l’overdose. Natalie Cole tape un fantastique «Lucy In The Sky With Diamonds» et le prend très perché. Tu retrouves bien sûr ce démon de Junior Parker avec «Taxman». Il te groove ça dans la couenne du lard et fait de la Soul psychédélique. On passe au petit sucre de Motown avec les Supremes et «You Can’t Do That». Quel punch ! Ça joue derrière la Ross. Le bassmatic du paradis ! T’as tout le son du monde. Carmen McRae te jazze la Beatlemania («Here & There & Everywhere») et Randy Crawford donne une chance au «Give Peace A Chance». Nouveau coup de Jarnac sensuel avec Mary Wells et «He Loves You», elle te feule ça vite fait et te jazze le beat. Les Drifters chantent «Everynight» à la pointe du génie et Margie Joseph nous fait son tour de magie avec «My Love». Elle te le tortille et tu fonds dans sa main. On remonte plus loin au sommet avec les Chiffons et «My Sweet Lord», elles te plongent en plein rêve. Hallelujah ! Elles t’explosent tout au really want to see you Lawd. Pur black power ! Marvin Gaye monte là-haut sur la montagne pour rajouter du doux au doux de «Yesterday». Et cette compile invraisemblable de qualité se termine avec sans doute l’une des covers les plus mytiques de l’histoire du rock, pesons bien les mots : Esther Phillips et «And I Love Her». Elle te fend le cœur à coups d’I gave him/ All my love, fabuleuse Esther Phillips, elle presse le jus des syllabes et elle t’abreuve de magie.  

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             Tant qu’on y est, on peut aussi sauter sur une belle petite box qui date de 2020 :  Looking Through A Glass Onion - The Beatles Psychedelic Songbook 1966-1972. Pareil : trois CDs bourrés de chansons parfaites, mais cette fois, les interprètes sont des petits culs blancs. On n’est pas tout à fait au même niveau. Il n’empêche que ça se laisse écouter. Et qu’on se régale car les chansons sont là. T’as des groupes qui font leur petite sauce (Deep Purple avec «Help» et Yes avec «Every Little Thing»). Bon t’as la chanson et ce que les gens en font. Ils font comme ils peuvent, won’t you pleeeease. Souvent, il vaut mieux écouter les Beatles. On le sait, les Hollies sont presque plus balèzes que les Beatles, et la compile commence à prendre de la hauteur avec The Mirage et un joli «Tomorrow Never Knows». Ça se confirme à la hausse avec Kippington Lodge et «In My Life», c’est à la fois overdosé et intéressant, avec une prod tenace, c’est poignant et bardé de barda à outrance. Nouvelle révélation avec Episode Six et «Here & There & Everywhere». C’est la cover d’une Beautiful Song de rêve. Il n’existe rien de plus parfait sur cette terre. Et ça continue d’atteindre des sommets avec Cliff Bennett & The Rebel Rousers et «Got To Get You Into My Life». En plein dans l’œil du cyclope, wild as Cliff ! Le «Fixing A Hole» de Duffy Power ne passe pas, car trop écorché vif, mais par contre, les Tremoloes passent comme une lettre à la poste avec «Good Day Sunshine», les Trem savent mettre le paquet. C’est la plus belle cover du disk 1. Puis t’as Infinity qui tape un «Taxman» de rêve. Ils taillent un beau costard au Taxman !

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             Le disk 2 est nettement plus dense. Spooky Tooth donne le La avec «I’m The Walrus». Version d’apothéose comme on sait avec un Luther qui vrille sa chique et un Mike de choc au mic. Énorme cover d’«Hey Bulldog» des Gods, le groupe pré-Uriah Heep de l’excellent Ken Hensley. Don Fardon fait son white nigger sur «Day Tripper» et Andy Ellison tape «You Can’t Do That» à l’insidieuse cacochyme. Il dispose des gros moyens du cabaret. On retrouve bien sûr l’excellent Cliff Bennett avec un smash, «Back In The USSR», il a tout le power des réacteurs. Franchement, là t’as tout : le raw, le killer solo et le souffle de l’aéroport. Encore un flash avec The Majority et «Hard Day’s Night», car ils te tapent ça aux harmonies vocales. Magique, car chanté à la traînasse de la rascasse. Retour en fanfare du wild as fuck avec Bo-Street Runners et «Drive My Car», and baby I love you/ Beep Beep/ Aw Beep Beep yeah ! Maggie Bell (et Stone The Crows) fait de la charpie avec «The Fool On The Hill». Elle chante ça à la glotte ensanglantée. En fait, Maggie Bell chante exactement comme Rod The Mod. Et cette belle aventure se termine avec Lol Coxhill et sa version Dada d’«I’m The Walrus». Lol fait chanter des gosses et essaye de détruire le groove en pianotant à l’envers et en pétant.

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             Le disk 3 est nettement moins dense. On ne sauve que trois covers : le «Strawberry Fields Forever» de Tomorrow, le «Taxman» de Loose Ends et l’«I Will» de Real McCoy. La cover de Tomorrow est forcément psyché, Steve Howe y fait des miracles. Loose Ends tape son Taxman en mode fat r’n’b, avec des percus. Et Real McCoy restitue bien la magie des Beatles. Bon t’as d’autres choses, comme par exemple le «Good Day Sunshine» des Eyes et l’«Ob-la-di Ob-la-da» de The Spectrum. Même ça c’est beau. C’est Vera Lynn qui referme la marche avec le «Good Night» qui refermait jadis la marche du White Album.  

    Signé : Cazengler, Beatlemaniaque

    Beatles. White Album. 50th Anniversary. Apple Corps 2018

    Opher Goodwin. Rock Classics: The Beatles White Album. Sonicbond Publishing 2024

    Come Together. Black America Sings Lennon & McCartney. Ace Records 2011

    Let It Be. Black America Sings Lennon McCartney & Harrison. Ace Records 2016

    Here And There And Everywhere. Black America Sings Lennon McCartney & Harrison. Ace Records 2024

    Looking Through A Glass Onion. The Beatles Psychedelic Songbook 1966-1972. Grapefruit Records 2020

     

     

    L’avenir du rock

     - (Sharp) Pins up

             — Bon les gars, je vais vous parler de Sharp Pins !

             Boule et Bill s’interloquent. Leurs quatre sourcils s’arquent de concert.

             — De charp qui ?

             — Sharp Pins !

             Boule et Bill éclatent de rire. Bon, ce n’est pas un rire très fin, c’est le rire gras des rades de banlieue.

             — Wouaf wouaf wouaf !

             — Pourquoi vous rigolez comme des bossus ?

             — Wouaf wouaf wouaf !

             Ils sont pris d’un fou rire. À travers leurs larmes, ils aperçoivent l’air ahuri de l’avenir du rock. Alors ça repart de plus belle !

             — Wouaf wouaf wouaf ! Wouaf wouaf wouaf !

             Boule lance d’une voix hystérique :

             — Arrêtez vos conneriiiiies, les gars, j’vais piiiisser dans mon froc ! Wouaf wouaf wouaf !

             Ils en hurlent de rire. Et plus ils hurlent de rire, plus l’avenir du rock s’ahurit, et plus la crise de fou rire s’aggrave. C’est automatique. Rien de tel qu’une tête de merlan frit pour aggraver les choses. Boule réussit à reprendre le contrôle de ses zygomatiques :

             — Comment qu’y s’appelle déjà ton groupe ?

             Avant que l’avenir du rock n’ait eu le temps de répondre, Bill lance d’une voix stridente :

             — Sharp Piiiiiiiiiiiiiiiiiiine d’alouette ! Wouaf wouaf wouaf !

             — Sharp Piiiiiiiiiiiiiiiiiiine de s’rein ! Wouaf wouaf wouaf !

     

             Chaque fois que la situation dégénère, l’avenir du rock préfère se barrer. De toute façon, il n’y a rien a faire, avec des cons pareils.

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             Sharp Pins, c’est pas de la tarte. L’avenir du rock en sait quelque chose. Eh oui, rien de plus vitalement futuristic que Sharp Pins, c’est-à-dire Kai Slater, un petit mec de Chicago qui reprend tout à zéro, fermement ancré dans un passé trié sur le volet. Dans Shindig!, Tess Carge le coince pour lui faire avouer des noms. Alors il

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    parle : «I tried to do The Ronettes drum sound on it («You Don’t Live Here Anymore»), so I flipped the snare drum upside down and hit it like that.» Oui car c’est lui qui joue tous les instrus sur son Radio DDR qui vient de paraître. Voilà donc le nouveau Todd Rundgren.

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             Côté références, Carge cite aussi Guided By Voices, le Paisley Underground, les Soft Boys et les Mods. Mais ça va beaucoup plus loin. «You Don’t Live Here Anymore» sonne comme du Lennon intimiste. Sur Radio DDR, le Kai fait de la big British pop. Il se lance sur les traces de Syd Barrett avec «Lorelei». T’as tout l’éclat du Swinging London et le jingle jangle des Byrds. «If I Was Ever Lonely» sent bon la Ricken. D’ailleurs, t’en vois une au dos de la pochette. Quel brillant coco ! Il n’en finit plus de prendre de la hauteur avec «Circle All The Dots», il fait une early pop anglaise avec un jingle jangle à la Television Personalities. Nouvel élan pop avec «You Have A way», surgi de nulle part et soudain énorme. Ça sonne comme un hit, pas la peine de tourner autour du pot. En B, impérieux comme pas deux, «Is It Better» est tendu à se rompre, et c’est bardé de tortillettes vénéneuses. Puis ça atteint encore des sommets avec ce «Race For The Audience» allumé par un fantastique battage d’accords et des harmonies vocales qui feraient pâlir les Who d’envie. «I Can’t Stop» sonne comme une pop incroyablement carrée et inspirée. La pop du Kai a le même éclat que celle de Big Star, une pop stupéfiante de clarté harmonique et allumée par des guitares scintillantes.

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             Dans un autre numéro de Shindig!, Jon Mojo Mills a la chance de le voir sur scène à Londres. Le Kai est accompagné par Joe Bass (bass) et Peter Cimbalo (beurre). Mills est flabbergasted - And bam, they’re straight into the buzzsaw pop - Il les décrit sur scène avec leurs pantalons à rayures et leurs casquettes de marins grecs, et il redit sa fascination, lui qui a pourtant du métier, pour ces newcomers : «The audience is transfixed. He (Kai) processes the kind of rock’n’roll frontman star quality that you rarely witness outside of a Lemon Twigs or Daniel Romano gig.» Voilà donc les vraies références. Mills affirme au passage que Radio DDR est un brillant album. Il compare encore Peter Cimbalo à Jody Stephens et à Keith Moon, c’est dire s’il en bave d’admiration - These kids have it - Il dit encore que les harmonies vocales à trois voix captent «an early Beatles-meet-Rubinoos sensibility». Il les a dans le baba. Il parle de «collision of early Fabs, The Who and Television personalities». C’est une évidence qui crève les yeux.

    Signé : Cazengler, Sharp pain rassis

    Sharp Pins. Radio DDR. Perennial 2025

    John Mojo Mills : Live. Shindig! # 165 - July 2025

    Tess Carge : Circle all the dots. Shindig! # 164 - June 2025

     

     

    Wizards & True Stars

     - Le rock à Billy

     (Part Eight)

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             Toujours avide de nouvelles aventures, notre héros Wild Billy Childish monte en 1998 Billy Childish & The Blackhands et pond Play Capt’n Calypso’s Hoodoo Party. Comme il a un trompettiste et un mec à l’accordéon, Billyl opte pour l’exotica

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    de New Orleans («Rum’n Coca Cola»), l’exotica de Ludella («Underneath The Mango Tree» et «Three Blind Mice»), l’exotica de Screamin’ Jay («I Love Paris»), et l’exotica du zydéco (punk-zydéco avec «Long Tall Shorty», banjo, trompette et hard beat, seul Billy peut sortir un tel son). Puis il tape dans l’Americana avec «Sen’ Me To The ‘Lectric Chair», judge ! My judge ! Et puis en B, il transforme l’«Anarchy In The UK» des Pistols en exotica de banjo, d’accordéon et de beat foutraque. Les Blackhands ont encore la main lourde sur le beat foutraque de «Yella Skinned baby» et Billy t’explose le vieux «Tequila» des Champs, oun, dès, très, quatro, booom !     

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             Les Blackhands re-sévissent en 1992 avec The Original Chatham Jack et sa pochette néo-moderniste signée Billy. Ils restent dans l’exotica de fake Americana, c’est-à-dire un mélange de jazz New Orleans, de zydéco, on entend bien l’accordéon dans «Chatham Jack», et avec «Millionaire, ils font même le chain gang, et là c’est pas terrible, car on ne joue pas avec ça. En B, Billy gratte «Crying Blud» au banjo et chante à la bonne arrache de don’t let me be misunderstood. On entend le slap du tea-chest bass dans «Broken Stone» et il nous surprend encore une fois encore avec cette resucée de «Louis Louie» qui s’appelle «Louis Riel», mais qu’il tape en mode Augie Meyers avec de l’accordéon. En bout de B, il rend hommage à Linky Link avec un petit coup de «Rumble».

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             On retrouve Bruce Brand dans les Blackhands pour une tournée hollandaise et donc le Live In The Netherlands. Un joli bois gravé de Billy orne la pochette. Sur ce live, on croise fatalement les cuts des deux albums précédents, le «Chatham Jack» tapé en mode zydéco, le «Yellow Skinned Baby» tapé en mode fast boogie de ventre à terre, avec un incroyable débraillé énergétique. Belle cover du «Black Girl» de Lead Belly et fantastique apologie du débraillé avec «She’s Fine She’s Mine». En B, t’as le grand retour de «Louis Riel», puis «Lambreth Walk» bascule dans le bal du 14 juillet, c’est absurde et joyeux à la fois, et on en arrive à la viande avec l’«Alabama Song» de Kurt Weil. Billy en fait une version plus joyeuse que celle de Jimbo, il crée les conditions du Bal des Naze et tout cela se termine en apothéose avec l’«Anarchy» des Pistols tapé en mode heavy barroom bash, c’est une version demented, tu crois entendre Augie Meyers & The Sex Pistols, avec un pont à la trompette New Orleans et le beat de la frontière, du côté d’El Paso.

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             En 1993, Wild Billy Cildish monte un nouveau projet de dark gothic country avec Arf Allen et Bob Shepherd, Billy Childish & The Singing Loins. La pochette d’At The Bridge s’orne d’un beau painting post-moderniste de Billy, coiffé de son canotier, comme sur la pochette de The Original Chatham Jack. Bon, c’est pas l’album du siècle. Au dos tu peux lire : «Folk variations and new songs.» Billy explore le folk anglais et on s’ennuie comme un rat mort. On croise Pocahontas dans «Pocahontas Was Her Name.» On la connaît bien, elle, on l’a vue dans Le Nouveau Monde de Terrence Malik. Avec «I Don’t Like The Man I Am», Billy va plus sur le Dylanex. On retrouvera d’ailleurs ce cut dans l’un des albums de The William Loveday Intention - I don’t like you/ Cause I don’t like the man/ I am

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             Le deuxième album de Billy Childish & The Singing Loins paraît dix ans plus tard et s’appelle The Fighting Temeraire, le Temeraire étant un vaisseau. C’est pourquoi les trois Loins portent des chapeaux de marine marqués «Téméraire» et fument des pipes de marin en os de baleine. Sur la pochette, ils sont vieux et ils sont armés, avec l’air de vouloir dire : «On est pas là pour rigoler.» Il faut continuer de comprendre que l’œuvre de Wild Billy Childish est d’essence littéraire. Afin de ne pas tourner en rond, il monte des projets pour styliser à outrance, il est même devenu au fil du temps un virtuose de l’Exercice de Style, une sorte de Raymond Queneau du rock moderne. Il est même d’ailleurs le seul au monde à réussir un tel exploit. Tu écoutes Wild Billy Childish comme tu lis Queneau, car c’est en écoutant qu’on devient liseron, de la même façon qu’on devient écouton en lisant. Et ce Fighting Temeraire est un prodigieux pastiche de Sea Shanty, il faut le voir, le Billy, chanter «A La Mort Subite» à la traînasse de bave et d’édentée, avec derrière l’harp de John Riley qu’on entend aussi avec The William Loveday Intention. Billy the sailor fait aussi de l’early Dylan avec «I Don’t Like The Man That I Am», suivi par un violon mélancolique. Tu savoures chaque seconde de cet exercice de style, tu goûtes au privilège d’écouter l’un des plus beaux artistes de ton époque. Dans «White Whale Blues», il recycle son vieux «to sing the blues, man, you gotta be true», déjà entendu dans The William Loveday Intention. Il sonne encore comme l’early Dylan avec «The Broken & The Lost Of The Old Long Bar», et te mixe ça avec du Sea Shanty à la chantilly, c’est une âpre chanson de taverne, pas loin des Pogues. En B, il recycle encore un vieux coucou du William Loveday Intention, «A Rusty Stain» - Somewhere in the distance/ I hear her calling my name - et on retombe sur ce final devenu légendaire chez les fans de big Billy, ce kiss this rusty stain fabuleusement dylanesque. Plus loin, il fait son McGowan by the factory wall dans «The Walls Of Red Wing», à coups de by the wall of the gas factory. Et puis tu as cette fantastique chanson de marin, «The Jutland Sea», c’mon you sailors ! Don’t you wanna go ! Chaque fois, big Billy t’envoie au tapis.  

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             Pour l’anecdote : vient de sortir un nouvel album des Singing Loins, Twelve, mais sans Big Billy. Bizarrement, l’album est bien meilleur que ceux auxquels a participé Big Billy. T’as là un bel album de folk-pop, tu te régales du joli, frais et vivant «House In The Woods» et de l’excellent «God Bless The Whores Of Rochester». La seule trace de Big Billy est la cover qu’ils font d’«I Don’t Like The Man» qui est en fait l’«I Don’t Like The Man That I Am». «Where’s My Machine Gun» est plus rocky roady, et ils terminent avec un brillant «Angel Of The Medway».

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             Comme il garde la nostalgie du James Taylor Quartet, Big Billy monte en 2022 The Guy Hamper Trio et invite James Taylor sur All The Poisons In the Mud. Derrière Billy, on retrouve Juju Hamper et Wolf, ses deux bras droits de CTMF. T’adores l’orgue Hammond et le James Taylor Quartet ? Alors tu vas tomber de ta chaise dès «All The Poisons In The Mud» qui ouvre le balda au heavy shuffle d’orgue, ça chauffe comme au temps du Spencer Davis Group. Power maximal ! On reste dans l’heavy gaga d’orgue des Prisoners avec «Come Into My Life», c’est l’instro du pouvoir totalitaire aux semelles de plomb. Deux cuts et te voilà déjà gavé. C’est l’apanage du big Billy. Il te prend pour une oie. Il te cale un shuffle comme s’il t’enfonçait un entonnoir dans la gorge. Et il envoie la purée. Encore du lourd de la main lourde avec «Moon of The Popping Trees». Quel tour de force ! Il ressort ensuite un vieux «Girl From 62» du CTMF et big Billy chante «Full Eclipse Of The Sun», un brûlot sournois que les trois autres swinguent jusqu’à plus soif. Le «Step Out» qu’on trouve en B sonne exactement comme un hit de Booker T. & The MGs. Et le «Polygraph Test» qui suit est encore plus rampant que Booker T. Juju joue devant dans le mix, comme Duck Dunn à Memphis. Chez les Hamper, on respecte l’étiquette. Et comme coup du lapin, voilà une version instro de «Fire», ce démon de Billy tape encore une fois dans l’hendrixité des choses, James Taylor fait le can’t stand by your fire au shuffle, et Wolf bat comme une brute. Quel que soit le genre, chaque album de Wild Billy Childish est passionnant.

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             Retour cette année du Guy Hamper Trio avec Dog Jaw Woman. C’est un album d’instros, dans la tradition de ceux du James Taylor Quartet. James Taylor sort le grand jeu, accompagné par Juju Hamper et Guy Hamper. Big Billy raffole des pseudos. Tout ici est tapé au big instro d’anticipation allègre et vindicative. «Young & Able» est monté sur le riff que joue Brian Jones dans «King Bee». Bien vu, très Swingin’ London.

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             Toujours en trio avec Wolf et Juju, big Billy lance en 2005 un nouveau projet : Wild Billy Childish & The Chatham Singers. Avec sa belle pochette primitive, Heavens Journey signe le grand retour au primitif et à Bo. Absolute beginner to begin with, «The Man With The Gallow Eyes», avec Bludy Jim on harp. Big Billy tape ensuite un duo d’enfer avec Juju sur le morceau titre et on bascule dans l’énormité primitive avec «Gods Rain» et là, oui, tu reprends ta carte au parti. Wolf vole le show dans «Ballad Of A Lost Man». Pur Diddley beat ! En B, Billy lit ses poèmes avec une diction de punk. Textes fantastiques, tu te gorges d’échos, dans «I Am A Angry Man» il claque ça : «angry enough to have twelve bad teeth/ Angry enough to say nothing» et dans «I’m Bathed In Forgiveness», il te claque ça : «Walking from God/ I’m walking to God/ I’m kissing your lips» et plus loin, il clame qu’il hait les galeries d’art et les éditeurs. Wild Billy Childish forever ! 

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             Juju et un crâne ornent la pochette de Juju Claudius, deuxième album des Chatham Singers. Au bout du balda, tu vas tomber sur le plus bel hommage qui soit ici bas à Slim Harpo : «Queen Bee». Quelle violente cover, baby ! Big Billy tape ça dans les meilleures formes du lard, avec le buzz dans le son. Nouveau coup de génie en B avec «Demolition Man» gratté au riff pernicieux, Juju te chante ça à la desperate de la rate et ils terminent avec un gros clin d’œil à Jimmy Reed et «Baby What’s Wrong». Big Billy adore torcher ça au I shaid baby/ What’s wrong with you honey.      

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             Pour leur troisième album, Kings Of The Medway Delta, Wild Billy Childish & The Chatham Singers se payent une pochette fantastique. Tu sais tout de suit à quoi t’en tenir. Ils attaquent avec «The Good Times Are Killing Me», un wild blues qu’ils tapent au raw du wouahhhh ! Cette fois, big Billy opte pour l’early Stonesy, car il tape une prestigieuse cover de «Got Love If You Want It» et retrouve le spirit des early Stones de Brian Jones, il est en plein dedans, avec Jim Riley à l’harp. On retrouve tout le côté mystérieux et sauvage des early Stones. Même chose avec le «Wiley Coyote» d’ouverture de bal de B, un heavy blues de type Queen Bee. On croise plus loin un fantastique boogaloo sentimental, «Why Did I Destroy Our Love», gratté aux poux fantômes.

             Et en 2007, le trio Billy/Wolf/Juju se lance dans une nouvelle aventure : Wild Billy Childish & The Musicians Of The British Empire, et trois albums, Punk Rock At The British Legion Hall, suivi de Christmas 1979 et de Tatcher’s Children.

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             Ils attaquent Punk Rock At The British Legion Hall avec «Joe Strummer’s Grave», du Clash en real deal d’heavy punk, mais avec de accords de proto-punk. Pur sonic hell ! Au-dessus de ce truc-là, t’as rien en Angleterre. Le ton est donné : c’est un album explosif. Big Billy ne tient pas en place, il fonce dans le tas avec «Dandylion Clock» et claque les accords de Dave Davies sur «Date With Doug», pendant que Nurse Juju t’emmène en enfer. Nouveau coup de Jarnac avec «Bugger The Buffs», this is the story of the Buff Medways, amené au heavy blues d’early Stonesy. Ils bouclent leur balda avec le wild gaga craze de «Walking Off The Map». Tout est bardé de power à ras-bord. Ça repart de plus belle en B avec ce vrai chef-d’œuvre s’anticipation qu’est «Snack Crack», emmené ventre à terre sur un thème efflanqué et t’as à la suite ce «Comb Over Mod» amené au dialogue de dingues et au riff à Billy, repris par l’heavy beat de Wolf. Et cette folle aventure se termine avec le morceau titre monté sur le beat de «The Final Solution». Ah comme big Billy a bon goût !

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             Big Billy & The Musicians Of The British Empire savent aussi dézinguer un Christmas Album, comme le montre Christmas 1979. Woah, comme dirait Bo In The Garage ! 11 bombes sur 12 cuts, pas mal non ? Ça t’éclate à la gueule (désolé, il n’y a pas d’autre mot pour ça) dès «Santa Claus», Hello little girl/ What would you like for Christmas ?, fait Big Billy d’une grosse voix délirante de Santa Claus, et Nurse Juju répond d’une voix d’ingénue libertine en rut qu’elle veut les Sonics. Wouaahhhhhh, alors ça duette dans le garage des dingues au killer kill kill et au yeah yeah yeah. Nurse Juju est la pire de toutes ! Ils sont sur «Farmer John». Et ça continue avec «Christmas Lights» et l’attaque mortelle de big Billy, ça punche à outrance. Tu prends tout en pleine gueule. Tu les vois enfiler les bombes comme des perles, «Knick Knack Daddywach (Chuck In The Bin)», ça bascule dans le gaga-protozozo, big Billy rocks out son «Downland Christmas» sur l’air d’Anarchy In The UK. Guitar ! Guitar ! Guitar ! Clin d’œil à Pete Townshend avec «A Quick One (Pete Townshend’s Christmas)», big Billy tape en plein dans la cocarde des Who, il recrée toute l’effervescence, t’en reviens pas de voir tout ce bordel remonter à la surface et Nurse Juju lui fait les chœurs de Shepherd’s Bush. Compréhension totale des Who, et bien sûr, final explosif. Il fait un pastiche des Ramones avec «Mistleto», oh-oh !, il est en plein dedans et Nurse Juju te claque ensuite «Dear Santa Claus» au sucre avarié. Méchant clin d’œil à Linky Link avec «Comanche (Link Wray’s Christmas)» et plus loin, t’as ce «Christmas Bell» drivé à l’harp du diable. Tu vois big Billy entrer là-dedans un lance-flamme. Pour finir, il amène son morceau titre au cockney de Chrrristmas seventy nâïne, il fait son Rotten. On retrouve là toute la tension des Pistols et la cocote fatale, c’est le rythme d’Anarchy - Merry fucking Christmas to you all – Ah ! il adore le merry fucking !

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             Le troisième album de Wild Billy Childish & The Musicians Of The British Empire est un album politique, puisqu’il s’appelle Thatcher’s Children, et ça démarre sur des chapeaux de roues avec le morceau titre, everyone’s a loser !  C’est du protest à la big Billy. Puis ils vont faire de l’heavy pop extrêmement chargée de la barcasse («Little Miss Contrary» et «An Image Of You») et basculer dans les Who avec l’explosif «Rosie Jones». Exactement le même power que celui des early Who ! Juju reprend la main en B avec «Coffee Date», «He’s Making A Tape» et «I’m Depressed». Elle est encore plus wild que les Headcoatees. Elle est effroyablement bonne. Big Billy revient faire corps avec sa matière dans «I Fill All Of Your Dreams», et cette folle virée se termine avec un «Back Amongst The Medway Losers» monté sur le riff de «Summertime Blues». Juju te jacte ça en mode Medway punk, pendant que Big Billy claque son riff et passe vite fait bien fait le plus wild des killer solos flash.

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             Au hasard des autres projets, on croise d’autres albums extrêmement intéressants, comme par exemple le Poets Of England des Vermin Poets, qui sont en fait les Spartan Dreggs dont on va reparler ailleurs. Pochette faramineuse de ce quatuor monté autour de Neil Hereward Palmer, avec Wolf, Big Billy et Nurse Juju. Ils cultivent tous les quatre une esthétique de la bohème anglaise. Wolf et Juju se partagent le beurre et big Billy bassmatique. Neil Hereward Palmer chante et gratte ses poux. C’est d’ailleurs le cut d’ouverture de balda, «Spartan Dregg», qui donne naissance au projet suivant. Autant le dire tout de suite : Poets Of England est un fantastique hommage aux early Who. Ça s’entend dès «He’s Taken His Eye Off The Sparrow». T’as encore quatre hits whoish à la suite, «Like Poets Often Do» (avec un chant à la limite de la rupture), «Baby Booming Bastards» (chargé de cocote lourde comme au temps des Who, et une mélodie chant en surface), «Grandfathering» (power chords à la Townshend et chœurs de folles), et en B, «Vermin Poets» qui rappelle «Can’t Explain». Exactement la même volonté d’en découdre. Whoish pur encore avec «A Cup Of Deadly Cheer». Ça gicle dans tous les coins ! 

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             En 1988, big Billy prend le maquis avec Jack Ketch & The Crowmen et un horrible album punk, Brimfull Of Hate. Au dos, tu vois une illustration gravée de pendaison, avec un bourreau qui tire le pendu par les jambes. L’album sort sur le label de big Billy, Hangman Records. Tu ne perds pas ton temps à l’écouter, car big Billy règle ses comptes avec le punk-rock. Il gratte ses cuts à la cocote sourde et vénéneuse. Il fait du Fall de Medway avec «I’ve Been Wrong», il tape dans le sommet du genre, il se paye ce genre de luxe intérieur. Il gratte la grosse fournaise de «Brimfull Of Hate» à la dure et envoie des coups de wah. Il est enragé, notre Jack Ketch. Encore une fantastique volée de bois vert avec «You Shouldn’t Do That» en B. Punk at its max ! Wild Billy Childish ne peut faire que du wild punk. Mais le pire est à venir et là t’es content d’avoir chopé cet album. Billy Ketch termine avec une cover du «Boredom» des Buzzcocks. Hommage définitif. Mythe pur. Il jette toute sa niaque dans se smash d’early punk et ça t’explose sous le nez, boredom ! Il fait bien le budum budum et le solo sur deux notes, il y jette toute la Méricourt dont il est capable. Wild punk définitif. Budum budum !

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             En 2006, big Billy produit l’album des Buffets. Saucy Jack. Il s’agit d’un trio monté autour de Sister Tiffany Lee Linnes «who flew from Seattle», avec Nurse Juju et Matron Bongo des Headcoatees au beurre. Tiffany Lee Linnes joue dans les Stuck

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    Ups. Elles attaquant avec «Misty Water» qui sonne exactement comme un early cut des Buzzcocks, même si c’est une cover de Ray Davies. Elles tapent ensuite dans le «Troubled Mind» de big Billy et en font une version wild as fucking fuck. Elle est bonne la Tiffany, elle sait claquer des killer solos flash. Matron Bongo vole le show dans «I’m A Lie Detector» et dans «Archive From 1959». On croit vraiment entendre Wolf, mais non, c’est elle. En B, on se régale encore de l’heavy gaga d’«Unable To See The Good». C’est excellent, bien pulsé par le team Juju/Bongo. Grosse tension encore dans «Just 15» et Sister Tiffany Lee Linnes passe un killer solo flash d’étranglement contigu. Elles terminent cet album solide avec une cover de l’«Ivor» de Pete Townshend. C’est donc très Whoish, battu à la diable de Moony par Bongo, et ça devient parfaitement exubérant, avec bien sûr tous les glorieux développements qu’implique ce genre de démarche, t’as même les bouquets de chœurs magiques.    

    Signé : Cazengler, Billy Chaudepisse

    Billy Childish & The Blackhands. Play Capt’n Calypso’s Hoodoo Party. Hangman Records 1988       

    Billy Childish & The Blackhands. The Original Chatham Jack. Sub Pop 1992

    Billy Childish & The Blackhands. Live In The Netherlands. Hangman Records 1993

    Billy Childish & The Singing Loins. At The Bridge. Hangman’s Daughter 1993

    Billy Childish & The Singing Loins. The Fighting Temeraire. Damaged Goods 2022

    The Singing Loins. Twelve. Damaged Goods 2024

    The Guy Hamper Trio. Featuring James Taylor. Hangman Records 2023

    The Guy Hamper Trio. Dog Jaw Woman. Damaged Goods 2024

    The Buffets. Saucy Jack. Damaged Goods 2006 

    Wild Billy Childish & The Chatham Singers. Heavens Journey. Damaged Goods 2005

    Chatham Singers. Juju Claudius. Damaged Goods 2009       

    Wild Billy Childish & The Chatham Singers. Kings Of The Medway Delta. Damaged Goods 2020

    Wild Billy Childish & The Musicians Of The British Empire. Punk Rock At The British Legion Hall. Damaged Goods 2007

    Wild Billy Childish & The Musicians Of The British Empire. Christmas 1979. Damaged Goods 2007

    Wild Billy Childish & The Musicians Of The British Empire. Tatcher’s Children. Damaged Goods 2008

    The Vermin Poets. Poets Of England. Damaged Goods 2010

    Jack Ketch &  The Crowmen. Brimfull Of Hate. Hangman Records 1988

     

     

    Inside the goldmine

     - Feelies all right

             Philip porte des lunettes. Comme autre signe distinctif, il dispose d’une intelligence supérieure. On l’écoute très attentivement lorsqu’il prend la parole. Son discours frise souvent la prophétie. Et quand on bosse dans un domaine aussi sensible que celui de l’e-learning et de ses applications digitales, on tend l’oreille lorsqu’un mec de son acabit énonce un postulat. Il faut toujours essayer de garder une distance avec les gens qu’on admire. Mais ce n’est pas toujours facile, surtout quand on bosse en tandem. Ça crée de relations de proximité extrêmement tendues, au bon sens du terme. Les interactions agissent parfois comme des électrochocs, et ceux qui y sont passés savent de quoi il s’agit. Pour être plus clair, il faut savoir se montrer en permanence à la hauteur, et intellectuellement parlant, c’est aussi épuisant qu’une séance d’électrochocs, surtout quand, dans la conversation, arrive un petit leitmotiv du genre «Tu vois ce que le veux dire ?», ou pire encore, «Tu me suis ?». Philip a pour habitude de jeter les bases d’un dossier par écrit, mais de le retravailler oralement, en direct, afin de tester la faisabilité. Le concept de base est toujours bon - que dis-je, flamboyant ! - mais il doit trouver chaussure à son pied pour devenir un outil pédagogique, et la chaussure se bricole à deux, on la teste, aïe, ça ne marche pas, on la modifie, ou on change de cap, on part dans l’autre sens, plein Sud ? Non, plein Nord ! Petit format ? Non grand format ! Et tout à coup ça devient une nouvelle possibilité excitante, alors on l’explore, et Philip adapte son contenu en conséquence, l’échange monte en température, ça monte ! Ça monte encore ! Il exprime des doutes, «T’es sûr sur ça va marcher ?» et pour garder sa confiance, il faut surtout répondre avec une formule hasardo-mallarméenne à base de coups de dés, ce qui le fait toujours bien rire. Il adore rire ! Soudain le processus créatif nous échappe et devient une sorte de golem destiné à terroriser les réactionnaires pédagogiques, et d’un commun accord, nous décidons de le lâcher dans la nature.

     

             Comme Philip, les Feelies portent des lunettes. Et comme Philip, ils lâchent dans la nature des golems destinés à terroriser les réactionnaires du rock.

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             C’est grâce ou à cause de Garnier qu’on écoute les Feelies. Il en faisait une petite apologie dans Les Coins Coupés. Pourtant, on a longtemps reculé. La pochette de Crazy Rhythms ne faisait pas envie. Les binoclards n’inspiraient pas confiance. C’est une vieille histoire. Il avait tout de même fallu un bon coup de «Reminiscing» et de «Rock A-Bye Rock» pour tomber dans les bras de Buddy Holly. T’avais aussi des binoclards chez les Zombies et Manfred Mann. Pour surmonter les a-priori, tu devais écouter les disks. Puis, de la même façon qu’avec Buddy, tu tombais carrément des nues. Comment de tels binoclards pouvaient-ils être aussi bons ?

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             On la voyait partout cette pochette bleue des binoclards d’Haledon, New Jersey. Ce qui frappe le plus à la première écoute de Crazy Rhythms, c’est l’immédiateté du son. Il apparaît clairement qu’immédiateté et crédibilité non seulement vont de pair, mais sont en plus les deux mamelles des Feelies. T’as de l’énergie dès «The Boy With The Perpetual Nervousness» et «Fa Ce La». Et surtout un beurre de fou. Il s’appelle Anton Fier et vient de Cleveland. Et bien sûr, il a joué avec Electric Eels et Pere Ubu. Anton Fier se trouve à gauche, sur la pochette de Crazy Rhythms. Les principales influences des Feelies sont les Beatles et le Velvet. D’où la cover d’«Everybody’s Got Something To Hide Except Me And My Monkey», qui a forcément tapé dans l’œil de Jim Jones qui la reprend aujourd’hui sur scène. La mouture des Feelies tape en plein dans l’œil du cyclope à coups de take it easy. Fantastique ! Le Velvet apparaît dans «Forces At Work», un cut très axé sur le drone. Le beurre, toujours le beurre ! Très hypno, très bienvenu très clairvoyant. Il faut dire que Glenn Mercer et Bill Million le binoclard grattent des poux de clairette subliminale. On se gave aussi de cet «Original Love» sur-vitaminé et gratté à ce qu’on imagine être deux Teles, et qui ne sont peut-être que des Stratos. On détecte une volonté de clameur dans «Moscow Nights» et un horizon génétiquement complet dans «Raised Eyebrows». Le chant arrive tard et ça monte en petite neige du New Jersey. 

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             Garnier recommandait deux autres albums des Feelies, The Good Earth et Time For A Witness. Alors tu dis «Merci Garnier !». T’es frappé par la présence indéniable d’«On The Roof». Et par le beurre ! Mais ce n’est plus Anton Fier qui est parti rejoindre les Jesus Lizards, mais Stan Demeski. Il te bat ça si sec ! On reste sur une impression très favorable avec «The High Road». Leur fonds de commerce est la tension. Ils ultra-jouent. Ils naviguent très haut avec des grattes Velvet. On les entend dans «Slippin’ (Into Something)». C’est gratté sur les accords de «Gloria», mais ça tourne à la belle virée impérieuse. Ils trafiquent une sorte d’artefact minimaliste sur de beaux accords de clairette. Quel fantastique album ! Idée que vient encore conforter «When Company Comes». Avec «Let’s Go» et sa petite énergie Velvet, ça marche à tous les coups. Le mec Demeski est un cake du beurre. Il te monte «Two Rooms» en neige du New Jersey vite fait. Ils sont aussi denses que Yo La Tengo. Ils adorent monter en neige. «Slow Down» sonne comme du pur Yo La Tengo. On se croirait sur Electropura. Ils ont exactement le même schéma directeur.

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             Time For A Witness est un album encore plus dense. Trois gros points de repère : Dylan, le Velvet et les Stooges ! Stooges avec une cover de «Real Cool Time». Rien de plus véracitaire que cette intro de poux grattés à la sauvage - Can I come over/ Tonite - Belle tentative de stoogerie, même si ça manque cruellement d’Iggy touch. Glenn Mercer fait bien son Ron Asheton, il arrose dans tous les coins et le batteur demented te cloue ça vite fait à la porte de l’église. Velvet avec «Decide», où le filet de Tele croise bien le bassmatic. On trouve aussi du Velvet dans les arpèges lancinants de «Find A Way». Dylan avec le morceau titre, c’est du «Maggie’s Farm» sous amphètes. Pure ecstasy de neige. C’est énorme ! Et les Feelies allument encore avec «Sooner Or Later», puis plus loin avec «Invitation», pulsé à l’outrance de la jouissance. Leur outrecuidance danse entre tes cuisses. Et puis t’as ce «For Now» fin et sournois, bien drivé du bikini.

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             Only Life n’est pas leur meilleur album, loin de là. Ils pompent adroitement le riff d’«Alabama Bound» dans leur morceau titre, mais ils tapent ça avec un léger parfum Velvetien. Puis ils enchaînent une série de cuts à la fois plan-plan, pisse-froid et passe-partout. Tu n’apprendras rien de neuf, inutile d’espérer. Ils peuvent même devenir incroyablement conventionnels. Ils savent très bien tourner en rond. Ça fout un peu la trouille de les voir errer ainsi. Ils se veulent denses, incompressibles, mais ils ne sont pas sexy du tout. Toujours ce beat rapide, un peu âpre, parfois gentillet et sautillé. Leur plan est de faire du post-Velvet. Il faut attendre «Too Far Gone» pour frémir d’une oreille. Belle ferveur des deux grattes, la clairette d’accords d’un côté, et la fuzz tête chercheuse de l’autre. Fast et frais. Tout droit, avec un joli solo introspectif. Ça te rattrape à la course. Ces mecs ont un bon fond, ils s’y entendent, oh-oh yeah ! Ils passent enfin en mode Velvet avec un «Away» bien fouetté au sang, en plein dans l’esprit du drive Velvetien, joué au fouette-cocher de Times Square. Et ils terminent en beauté avec une cover de «What Goes On», amenée au tire-bouchon de disto et reprise au petit chant de what goes on. Ils te grattent ça à la clairette de Die, ils zyvont au zyva, ça file droit sur l’horizon du mythe hypno.

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             Eh oui ! Encore un big album : Here Before. Et même un very big album. On y retrouve le Velvet dans un «On & On» bien enveloppé d’accords ondoyants, c’est une démarche purement velvétienne, ça décolle au nah nah nah et ça vire vite hypno. Le yeah n’a aucun secret pour eux. Coup de génie avec «Change Your Mind», cut joyeux, hit merveilleux, bien en main, Glenn Mercer chante un peu comme Lou Reed, il sait peser de tout son poids. Mais c’est Brenda Sauter qui vole le show avec son bassmatic sur «Nobody Knows», un mid-tempo monté sur un fast drive de clairette. Le bassmatic chatoyant prend vite le dessus. Elle va partout, avec une allégresse qui laisse rêveur. On la retrouve sur «Way Down», un cut encore porté par un bassmatic revigorant et les poux gracieux et bien secs de Glenn Mercer. Mais c’est Brenda Sauter qui vole le show à force de grâce chorégraphique. «Should Be Gone» sonne comme une Beautiful Song. Les Feelies sont un groupe idéal, warm et attentionné. Même chose pour «So Far», avec son thème de guitare qui te fait rêver. Ils troussent encore «When You Know» à la hussarde. Ils ne traînent jamais en chemin. C’est dru et fast, avec un solo liquide en fin de course. Ils savent bien tirer les marrons du feu.

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             Bel album que cet In Between de 2017. Ça sonne Velvet dès le morceau titre d’ouverture de bal. Glenn Mercer et Bill Million sont toujours là, bien rivés dans leur tatapoum à la Moe Tucker. Ils n’ont rien perdu de leur vieux cachet Velvétien. On les retrouve encore plus allumés dans «In Between (Reprise)». Ça repart en mode Sister Ray. En plein dans l’œil de bœuf, avec un départ en bassmatic comme dans le Velvet de Calimero. Ils poussent la mécanique du Velvet encore plus loin avec une vraie architecture de bassmatic. L’In Between s’étend quasiment à l’infini, c’est bardé de départs en vrille et de motifs géométriques de bassmatic vitupérant à la Calimero. On assiste ici à une fantastique réinvention du mythe Velvet. Très beau «Flag Days» aussi, bien amené au hey now/ Hey now, c’est un hit, le claqué est beau comme un cœur et ça monte comme la marée. Avec «Been Replaced», ils revisitent le vieil adage du raw Velvetien. Quelle fantastique assise ! Les grattés de poux restent implicitement délétères. Ils montent leur «Gone Gone Gone» sur un fast beat à la Lou Reed, vite rejoint par une petite fuzz du New Jersey. Et on retrouve avec «Time Will Tell» cette belle ambiance de chant chaud et les poux de clairette. Ils ont l’air contents du résultat. Et voilà une Beautiful Song : «Make It Clean», superbe et lumineuse.

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             Avec Some Kinda Love (Performing The Music Of The Velvet Underground), t’as le meilleur tribute au Velvet. Ça rivalise de power velvetien avec tout ce que font les Subsonics. Ce double album live des Feelies est même un véritable chef-d’œuvre. Ils alignent tous les hits un par un, «Sunday Morning» (en plein dans l’œil du real deal), «Who Loves The Sun» (moins connu, mais vibrant de velvetude, c’est gratté à l’ongle sec, avec une réelle ampleur), et puis ça s’emballe avec «There She Goes Again» (claqué à la clairette flamboyante), «What Goes On», et son évasion fiscale d’accords vers la frontière, «Sweet Jane» (trop classique pour être honnête, mais Glenn Mercer est dessus au chant, un vrai clone), et puis t’as l’«Head Held High» bien dévastateur et attention, tu vas tomber de ta chaise avec «Waiting For The Man» et le bassmatic de Brenda Sauter en roue libre. C’est une cover endiablée. On reste dans l’hot as hell avec les sur-puissantes moutures de «White Light White Heat» et «I Heard Her Call My Name» (les Feelies plongent dans la folie du Velvet. Pur génie interprétatif, c’est saturé de fuzz distoïque, c’est même l’un des sommets du genre), puis ça va se calmer avec «That’s The Story Of My Life» et «All Tomorrow’s Parties» que chante Brenda Sauter, avec en prime un divin bassmatic. Elle part bien en vrille sur la fin de «Rock & Roll» et les Feelies replongent dans la folie avec «We’re Gonna Have A Real Good Time Together», fast one on fire, et Brenda devient folle ! Pur génie sonique ! Tu croises rarement des tribute albums d’un tel niveau). Le «Run Run Run» qui suit est encore plus allumé, avec un solo trash d’extrême onction. Trash définitif ! Ils enfoncent terriblement le clou avec «I Can’t Stand It» et Brenda Sauter chante «After Hours». Magie pure. T’as pas idée. Concert enregistré en 2018, au White Eagle Hall in Jersey City.  Dans les liners, Howard Wuelfing cite Lou Reed qui avait pris les Feelies en première partie d’une tournée : «They remind me of myself, only five times faster.» Wuelfing qualifie aussi le son de Mercer et Million de «suitably scrappy guitar swagger» et salue le «fiercely corrosive lead guitar from Mercer.» Tu sors de cet album complètement ahuri, comme lorsque tu as écouté pour la première fois The Velvet Underground & Nico.

    Signé : Cazengler, Filou

    Feelies. Crazy Rhythms. Stiff America 1980

    Feelies. The Good Earth. Coyote Records 1986

    Feelies. Only Life. A&M Records 1988

    Feelies. Time For A Witness. A&M Records 1991

    Feelies. Here Before. Bar/None Records 2011

    Feelies. In Between. Bar/None Records 2017

    Feelies. Some Kinda Love (Performing The Music Of The Velvet Underground). Bar/None Records 2023

     

    *

             En ce mois d’août, regard sur les nouveautés, pas grand-chose, enfin si, beaucoup de gros riffs sans âme à la chaîne sur thématiques éculées, après maintes recherches mon attention est attirée par un drôle de titre, le genre de mot qui promet le pire comme le meilleur, à première oreille pas de mon goût mais il faut savoir prendre son risque dans ce monde mouvant qui nous entoure…

    IMPERMANENCE

    THRÆDS

    (Bandcamp /Juin 2025)

             Un peu torturé, beaucoup tortueux, normal le projet initial est d’Angelos  Tzamtzis, originaire de Thessalonique, or en règle générale les grecs font preuve d’une intelligence subtile et abstraite qu’ils adaptent à l’esprit de l’époque dans laquelle ils vivent. Tzamtis s’est installé en Allemagne, à Berlin, pour réaliser son projet. Qu’il voulait solo. La chose s’est transformée, Thraeds se présente aujourd’hui comme un groupe à part entière et Impermanence comme leur premier album. Le groupe continuera-t-il sur sa lancée, je ne le certifierai pas car peut-être vous en êtes-vous rendu compte en ce bas monde tout change…

    Thread signifie fil. Ne pas comprendre le fil à couper le beurre qui dénoue en un clin d’œil une situation a priori peu compliquée, avec Threads ce serait plutôt les fils entremêlés de la bobine de la réalité sur lesquels il faut tirer pour tenter, en pure perte, de déceler dans l’inextricable pelote de notre implication personnelle dans le monde ne serait-ce qu’un semblant de signifiance.

             La pochette n’est guère engageante, une silhouette humaine déambulant sans but dans le monde post-industriel de notre modernité aux teintes grises et glauques.

    Celso Borralho : vocals /Angelos Tzamtzis : guitars, synths / Tim Crawford : guitars, backing vocals / Felipe Melo Villarroel : drums / Barnabás Mihály : bass :

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    Timeless : incertitudes sonores, émerge un doux clapotement, la voix ne parle pas, elle chuchote avant de s’allonger comme si elle passait sous un laminoir, elle est comme le titre, elle décrit une temporalité dont on ne sait s’il faut profiter de sa durée illimitée ou  la regretter, car si ce qui a eu lieu n’existe plus, son existence n’est-elle pas encore accessible, directement ne nous pouvons-nous nous y reporter par la force de l’esprit, ne pouvons-nous accéder à ces instants de bonheur suprême où nous avons eu l’impression d’échapper aux serres voraces du temps, est-ce pour cela que la batterie se précipite et que le vocal donne l’impression  d’embrasser le ciel, mais nous voici arpentant sans désir notre société de consommation, prisonniers de notre solitude, hantés par l’immarcessible émerveillement de de notre échec à nous fondre dans le soleil communautaire de l’être. Reflections : musique brillante, ne pensons-plus à la splendeur du soleil mais à des braises rougeoyantes dont nous devinons qu’elles déclinent doucement, scintillements de guitares, vocal éjaculé puis s’étendant en longues ombres, la batterie concasse le gravier de nos rêves, c’est un drame mais d’une telle splendeur qu’il n’est pas encore mort, qu’il se débat, qu’il crie comme une salamandre qui agoniserait dans le feu qui lui fut jadis protecteur, ce n’est pas l’extérieur du monde qui se meurt, mais notre monde intérieur qui s’éteint en beauté  pour disparaître à jamais, nous abandonnant au vide de l’univers.  Nothing Good to Say : pourquoi cette intro si douce alors que nous cheminons dans l’hostilité du monde et de notre vécu, peut-être parce qu’il existe une solution, un autre abandon, la voix gémit et se fait amadouante, il existe un autre monde, une autre réalité, une autre histoire, une autre épopée qui n’est accessible que si on se laisse emporter par le tumulte de l’ultime tentation, quand on n’a plus rien à dire ne reste-il pas autre chose à vivre, un autre appel, colère et angoisse, les vagues de la mer, une nacelle à enjamber pour rejoindre l’autre rive… Clockworks :

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    cliquètements, juste pour se raccrocher aux petites branches qui n’ont pas su nous retenir, les aiguilles de l’horloge avancent doucement nous offrant le cadeau de la beauté des choses, toutes les merveilles que les générations humaines nous ont léguées, ces instants de beauté qui sont comme les supports de notre seule transcendance, et cette leçon des choses de la vie et de la nature, toute cette sagesse d’être au monde dans notre propre émerveillement.  Sole Survivor : petites cascades de notes, se faire à l’idée que l’on est le seul à survivre à son propre anéantissement, hurlements, la mort et la vie ne se ressemblent-elles pas si fort qu’elles soient identiques, une seule et même chose, un espoir et un désespoir absolus, quelques accords de basse jugulent la crise, il suffit d’entrer dans l’acceptance des choses, un jour  ou l’autre la nature   décidera quelle que soit la stase existentielle de notre état de notre égocité. Devolve : background un peu chaotique, à qui déléguer sa propre vie, la proposition mérite qu’on s’y arrête, le vocal scande et puis s’apaise, plus exactement la réflexion mûrit lentement sur sa branche dont est n’est qu’une efflorescence arbitraire, se donner, s’abandonner à la vie ou au contraire s’y soustraire, mettre illico un point final, qui a raison, qui se défend avec davantage d’acharnement, des pensées diffuses s’entrechoquent, il est temps de choisir. Vaut-il mieux être mort ou vivant ?  Einsten Rosen Bridge : vous conviendrez que la question mérite une réponse. A moins que vous ne soyez le chat de Schrödinger. Mais laissons-là ce satané matou. Elaguons, le morceau est très court, très beau, très poétique, très lyrique mais il ne répond qu’imparfaitement à la question : que dans la mort, l’âme se débrouille comme dans la vie ! D’ailleurs Thraeds appelle la cavalerie en renfort, en l’occurrence une curieuse idée : en effet s’il est facile d’imaginer la distance entre un point A et un point B, il existe sûrement ne serait-ce que dans le monde du possible hypothétique un autre chemin plus court, c’est ce raccourci que Albert Einstein et Nathan Rosen  ont baptisé bridge, une espèce de pont qui permet cette liaison rapide. Exemple si le point A et le point B situés sur une pomme sont diamétralement opposés, pour se rendre de A à B il est plus simple de passer par le trou qu’un ver aurait creusé à l’intérieur de la pomme, bien sûr en physique la pomme représente l’univers (n’oubliez point la courbure de l’espace-temps chère à Einstein père de la théorie de la relativité)  et le souterrain créé par le ver d’identifie aux fameux trous noirs dont tout le monde parle sans en avoir jamais vu un… Laissons mathématiciens et physiciens discuter doctement dans leur coin, Thraeds applique cette théorie à leur propre thématique nettement plus métaphysique.  : si le point A représente la vie et le point B la mort, si vous voulez parcourir le chemin qui les sépare plus rapidement achetez-vous un revolver.  Si cette réponse vous apparaît comme trop risquée ou trop radicale voici une autre solution : si vous trouvez un chemin encore plus court, si court que les points A et B se touchent presque, peut-être-mêmes sont-ils si proches  qu’ils sont juste à côté l’un de l’autre et pourquoi n’auraient-ils pas un côté commun, voire aucune séparation qui les différencierait… Et si vous-même cher lecteur étiez déjà en même temps  mort et vivant, voilà de quoi alimenter le fil de la conversation lors de votre prochain

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     petit déjeuner familial… Merci Thraeds ! Story in Reserve : il est une autre façon de lire cet album, non pas le vertige métaphysique d’un individu oscillant entre la vie et la mort, il suffit de comprendre que la mort c’est celle de l’autre, pas de n’importe qui, de l’être aimé. Scénario de secours bien plus romantique ! Mais si l’Un est vivant et l’autre morte, quel étrange paradoxe puisque tous deux sont morts et vivants en mêmes temps, incompréhensible gymnastique positionnelle que d’être séparés dans un même lieu. Et si cette survivance de l’un et cette mort de l’autre n’étaient pas la mort de l’autre mais la mort de l’amour. Comment l’amour peut-il être mort alors qu’il vit encore dans deux êtres séparés qui n’en forment qu’un. Curieux quand on y réfléchit : la physique moderne donnerait-elle raison au mythe de l’Androgyne initial. Etrange embrouille ! Que l’amour meure alors qu’il vit encore ! Le morceau précédent était celui où les contraires s’annulent, un point paradisiaque spirituel ancré dans la science, d’où cette musique rayonnante, mais nous voici revenu dans la vie concrète, dans la chair humaine confrontée à son insuffisance pragmatique, il est une barrière infranchissable entre les choses de l’esprit et l’engoncement strictement existentiel, il suffit de franchir la porte fermée à double-tour dont on possède la clef magique, la musique s’arrête, hésitation ultime, rugissements et apaisements. Définitifs. Dans le Coup de dés de Mallarmé les dés ne sont pas en une suprême hésitation lancés il n’empêche que l’univers salue d’un signe cette possibilité de l’impossible qui n’est que l’autre face de l’impossibilité du possible… ici notre héros refuse de pousser la porte de l’amour, que vous préfériez le Rêve de l’Action à l’Action du Rêve, n’est-ce pas dans les deux cas se confronter à sa propre vie, à sa propre mort… autant dire la mort  de l’Action et la mort du Rêve…

             Attention cet album ne s’écoute pas, il se médite. Vous pensez que vous allez entrer dans un sujet bateau, par exemple l’impermanence de tout ce qui est. Toute chose n’est-elle pas en train de devenir ce qu’elle n’est pas… Encore convient-il de nommer la chose telle qu’elle n’est plus.

             Rock métaphysique. Soyons subtil.

    Damie Chad.

            

     

    *

             Ce n’est pas que je sois particulièrement nationaliste mais ce matin je me suis levé en ayant envie de kroniquer un groupe français. Qui cherche trouve, j’ai découvert la perle rare, un tintouin tordu, un bathyscaphe bizarroïde, un truc qui normalement ne devrait pas exister, ne se présente-t-il pas lui-même comme un groupe de post-metal acoustique. J’avoue que je n’aurais pas dû, mais d’instinct je m’étais entiché d’explorer le catalogue de P.O.G.O Records. Voici quelques mois j’avais jeté mon dévolu sur un objet phoniquement assez redoutable (numéroté : 185) à savoir Ghost : Whale – imaginez le raffut que ferait Moby Dick dans votre bocal à poisson rouge – chez P.O.G.O. vous n’êtes jamais déçu, je n’ai pas eu à farfouiller longtemps, juste la case 184 ! Jugez-en par vous-mêmes !

    LA BÊTE

    DRONTE

    (P.O.G.O. Records  184 / Octobre 2024)

    Z’ont déjà commis deux opus : en premier Quelque part entre la guerre et la lâcheté : magnifique titre, l’on pourrait croire qu’il s’agit d’une description de la situation politique de ces derniers mois mais il est sorti en 2019, suivi en 2023 d’un split avec Thomas Augier intitulé Dés - Astres, titre qui fleure bon Mallarmé.

    Le dronte n’existe pas. Je ne parle pas du groupe mais de ces oiseaux trop gros pour voler, communément appelé dodos sur l’île Maurice qui ont été dévorés par les chiens introduits par le capitalisme colonisateur. Si vous croyez que j’exagère reportez-vous aux titres de l’Ep.

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    Toute une tribu : Benoît Bédrossian : contrebasse / Camille Segouin : vibraphone, percussions / Frédéric Braut : chant, shruti, bâton de pluie / Gregory Tranchant : guitares / Lucas de Geyler : batterie / Nicolas Aubert : guitares. Devaient se sentir seuls puisqu’ils ont demandé la collaboration de Raoul Sinier : clavier. Producteur, musicien, graphiste, écrivain, artiviste, Raoul Sinier mériterait une chronique à lui tout seul.

    Le shruti est un instrument indien bourdonnant, attention certains shrutis se prêtent mieux aux voix féminines et d’autres, carrément masculinistes, aux gosiers virils.

    La couve est de Benoît Bédrossian. Encore un artiviste, dessinateur réalisateur de films et de dessin animés. Nous avons dû rencontrer son nom voici quelques années aux temps heureux de la Comedia à Montreuil puisqu’il a publié dans Kronik, fanzine BD que nous avons kroniké à plusieurs reprises.  Au début l’on n’y voit que du jaune, notez la structure diagonalique de la composition qui répartit  équitablement tout en les séparant la face claire du monde et son  côté obscur. Quant à la bête, être mal dégrossi dont on n’aperçoit que la tête, elle fait sûrement partie de l’espèce la plus dangereuse qui peuple  notre planète. Si vous ne vous êtes pas reconnu c’est que vous êtes un incurable optimiste.

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    Perspective : attention piégeux, un départ coolos et cette voix qui se met à parler, l’on se croirait dans un début de chanson française, et puis c’est insidieux le rythme se met à jazzifier, les voix se croisent, l’on ne comprend pas très bien de quoi ils causent, on se croirait dans un fumoir chez des gens bien, maintenant on lève le pied, le moment où les musicos se la coulent doucereux, z’ouvrent une boîte à sourdine,  du coup tout le monde se tait et l’angoisse fond sur vous, ça djente à mort, font de la parodie metal, c’est au tour de la cavalerie de foncer, galop de générique de film d’aventure, et l’on repart à pas lents et lourds, du coup le mec prend sa voix philosophique de vieux sage, du gars  qui a tout vécu puisqu’il s’est contenté de se complaire en lui-même. N’en déplaise au titre l’on a l’impression que les perspectives sont bouchées, que l’on n’est pas encore sorti de l’auberge. Soyons franc, on se demande si en fait on y est déjà entré. Révolution : ( Feat Raoul Sinier) : quelle est cette note de guitare qui insiste pour se répéter tout en fluctuant sur elle-même, le zigue reprend la parole, quand il se tait l’on peut goûter la beauté de l’accompagnement quand il n’accompagne pas, la plaine est envahie, il vous le répète une vingtaine de fois de plus en plus rapidement, l’on s’attend au pire, c’est le meilleur qui survient, un long passage musical, même sans fermer les yeux vous sentez qu’une engin interplanétaire cherche à se poser sur la terre, évidemment vous pouvez imaginer tout autre scénario, c’est un peu dramatique, et multo intriguant, la musique s’éloigne, le poëte reprend la parole, on l’a échappé belle puisque l’humanité a survécu, auprès de ma blonde qu’il fait bon vivre… Soyons sans crainte : la bête reviendra. Perspective : ne faites pas les malins, vous n’avez rien compris au film, normal c’est juste un disque, alors pour que vous intuitiez mieux, ils vous repassent le premier morceau, à l’identique, enfin presque z’ont coupé la piste du microphone, désormais micraphone, oui c’est juste l’instrumental, ce n’est pas que c’est mieux parce l’on peut apprécier la fluidité de la zique, en fait la musique toute seule nous permet de comprendre que le chanteur, non il ne chantait pas puisqu’il parlait, ne faisait que nous communiquer son angoisse à déblatérer sur son malaise à paraître sur la scène du monde. Révolution : (Feat Raoul Sinier) : donc la reprise instrumentale du deuxième morceau. Bien sûr on déguste la partoche, sans toutes ces bavardages bavassant, mais là n’est pas le problème, vous avez cinq minutes et quelques secondes, pas une de plus, pour résoudre la problématique. Non la perspective ne débouche pas sur la révolution, c’est la révolution qui tourne sur elle-même pour vous renvoyer à votre perspective, vous avez cru accéder au nirvana de l’amour, ben non la bête de l’angoisse est en vous, c’est vous la bête, c’est vous le bête, à peine avez-vous trouvé le bonheur que vous sortez de vous-même afin de mieux vous retrouver en vous-même au cœur de votre angoisse. Terrible incomplétude humaine.

             L’opus est composé de deux miroirs qui se réfléchissent l’un dans l’autre. Bien sûr votre image qui est dans l’un des deux miroirs n’est pas dans l’autre, car cela signifierait que vous auriez atteint à une certaine complétude humaine, mais puisque vous n’y êtes pas c’est que vous n’y êtes pas, vous êtes juste à côté, comme un crottin de cheval sur un chemin vicinal dont la pluie  dissoudra jusqu’au souvenir...

             Cela ressemble à cette littérature fort en vogue dans les années soixante-dix, on n’écrivait pas un livre, on disait que l’on était en train d’écrire un livre. Que le lecteur aurait peut-être le malheur ou le bonheur de tenir un jour entre les mains.

             Curieuse expérience concepto-auditive.

    Damie Chad.

     

    *

             Je reconnais que les deux kronics précédentes peuvent désarçonner la stabilité granitique  des esprits sensés, je m’étais donc juré de présenter un groupe bourré de riffs électriques dévastateurs, j’avais un candidat redoutable sous la main, hélas les Dieux ne l’ont pas voulu. Evidemment je parle des Dieux grecs. Je plaide non coupable car qui pourrait résister à l’appel de Ganymède. Pas moi. Comment vous non ! Quelle folie ! Quelle inconséquence !  C’est votre droit le plus absolu. Par contre je m’interroge sur la nécessité de votre existence sur cette planète.

    Bref encore une embardée musicale hors-norme. Doublement sidérante. Je pensais me trouver face à un groupe grec. Pas du tout. Sont domiciliés à Budapest. Capitale de la Hongrie.

    THE GANYMEDE’S CALLING

    BRONZE AGE VISIONS

    (Bandcamp / 2024)

    Pour les malheureux qui n’auraient pas eu accès à des visions provenant  de l’âge de bronze voici quelques rudiments historiaux. L’âge de Bronze succède à la période néolithique, elle débute au troisième millénaire avant notre ère, se poursuit durant la Proto-histoire et débouche dans l’Histoire. Si le néolithique s’apparente à l’essor de la l’agriculture, si l’Histoire débute par l’invention de l’écriture, l’âge de bronze est celui de l’émergence de la métallurgie, bref une époque tumultueuse et guerrière…

    Ganymède, de sang royal issu de cette lignée qui fondera Troie, fut tout jeune réputé pour sa beauté. Zeus, se métamorphosant en aigle, l’enleva et l’emporta dans les demeures de l’Olympe. Pour remercier son nouvel amant Zeus lui offrit le poste d’échanson des Dieux, chargé de distribuer lors des banquets divins le nectar nécessaire à leur immortalité… Jalouse, Héra somma Zeus de se débarrasser de ce rival insurpassable… Zeus lui conféra l’immortalité en le plaçant dans la voûte céleste. Aujourd’hui il forme la constellation du Verseau. Ce personnage qui partagea le quotidien des Dieux retint l’attention des Grecs, on le retrouve aussi bien chez Homère que chez Platon…

    Kaszas: guitar / A. Marias: bass / B. Bodis : drums / E kaszas-Kosa : vocals.

    La couve représente ce qui doit être un détail d’un tableau de Frans Franken dont le titre serait : La sorcière. Nous sommes loin de Ganymède, mais quand nous ne comprenons pas il faut instinctivement savoir faire confiance et attendre que les visions qui nous semblent floues prennent netteté et consistance.Nous remarquons que l'appel de Ganymède passe par l'intelligence, le livre et le savoir...

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    Come with me : le titre est paru en 2023 sur Bandcamp accompagné d’une couve empruntée à Frans Franken (1581- 1642), le tableau n’est pas représenté en entier, seulement une petite portion sise dans le coin gauche supérieur. Un détail sans importance : un morceau de fenêtre, une applique architecturale, une étagère. Le choix est d’autant plus surprenant que la gravure intitulée La Mort et l’Avare représente notre riche bourgeois endormi et le squelette de la Mort interprétant sur son violon une danse

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    guillerette. Guitare morbide, par bonheur le chant survient, ce n’est pas exactement l’envoûtement de sirènes, mais dans ce bourdonnement riffique nous parlerions plutôt d’un répit salvateur, la voix quoique voilée s’avère douce et mélodique, même lorsqu’elle se change en plainte et que le ronronnement de la guitare reprend sa place, toutefois l’appel indistinct revient pour notre plus grand soulagement, bruit de scie égoïne découpant un cercueil ou un cadavre, l’on ne sait pas mais il faut l’avouer on succombe à la beauté de ce vrombissement d’élytres funéraires. Même si vers la fin on a l’impression de déboucher en un drôle d’endroit. Listen to the Thetis Ocean : beaux accords de guitare, est-ce en l’honneur de Thétys l’ancienne maîtresse des Océans, aussi mère d’Achilles, la batterie exsude le rythme régulier du battement des vagues monotones de la mer, en catimini une guitare aigre rappelle que le sel de la mer est amer, un long solo tortueux étend la monstruosité de ses tentacules de pieuvre, celle que sa propre noirceur efface au regard des hommes, qui n’ont plus droit de cité dans les antres abyssaux qu’éclaire le soleil rayonnant des cymbales. Chalices : une résonnance de conque marine, serait-ce l’adieu définitif des vaisseaux qui ne sont jamais revenus de Troie ou un thrène funéraire en l’honneur d’Achilles mort au combat, ou simplement le regret de ces coupes, de ces calices dans lesquels Ganymède n’a encore versé aucun breuvage revigorant, béance symbolique de l’inhumanité humaine. The Ganymede’s calling : présence du son, le chant mélodieux se glisse sous la guitare tandis que la batterie impavide trace son lourd sillon impavide, ce n’est pas la voix de Ganymède qui appelle mais celle de Io, la douce voix cosmique qui se languit de Zeus, son amant, la guitare se fait lyrique, la voix de Zeus n’apaise-t-elle pas n’importe quelle souffrance, n’importe quel mal, tant pis si la mer se gonfle, le flot impétueux n’emportera-t-il pas sa victime jusqu’en Egypte, terre de rut et d’assomption, l’on entend le mufle de la vache qui mugit de plaisir et se perd en un long râle définitif. Le groupe a joint à ce titre une Official Vidéo dont le déroulement risque de laisser le spectateur dans la plus grande perplexité. Elle semble n’avoir aucun lien avec Ganymède. Les esprits subtils comprendront qu’il s’agit d’une image métaphorique de l’histoire de Zeus bâtie sur le double féminin de notre échanson, Io et Ganymède tous deux amants de Zeus, et si c’étaient eux qui avaient appelé et ravi Zeus par leur seule beauté, la vidéo nous montre deux personnages féminins, affublées du nom de Sorcière, peut-être pour se mettre au diapason des baroques tableaux de Frans Francken, peut-être pour marquer l’évidence d’une relation avec le mouvement féministe actuel qui souvent revendique le pour la femme le titre de sorcière, donc deux femmes l’une en robe indigo et l’autre en robe cramoisi jouée par la même actrice, normal puisque toutes deux incarnent le même personnage, mais chacune des deux à un degré d’initiation désirante différente, l’une plus haut que l’autre, l’indigo qui correspond au noir alchimique et le rouge à la complétude philosophale, je vous laisse non pas regarder mais contempler. Pour ceux qui n’y verraient que du vert naturel, saisissez-vous de la baguette magique des sorcières exhaussé en bâton phallique de grand-papa Freud pour essayer de mettre en place les pièces du puzzle. Other wordly Exhaling : résonnances multiples, les instruments sont fatigués, ils reprennent leur souffle, comme des membres rompus aux plus doux combats qui perdent leur tension et se reposent en leur satisfaction de ce qu’ils viennent de commettre. De connaître aussi. Car il est des actes qui n’ont de sens que s’ils sont pénétrés de leur propre conscience. Repos. Onde berceuse.

             A première vue l’ensemble semble disparate, composé de bric et de broc. Il n’en est rien, il fonctionne par déplacements quasiment poétiques, refusant le verbiage explicite, négligeant les structurations causales.  Des visions de temps anciens et homériques, ayant traversé bien des époques, mais gardant par-delà les représentations culturo-circonstantielles l’actualité primordiale et constitutionelle de notre hominisation.

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              Pour ceux qui veulent en savoir plus Bronze Age Visions a sorti ce 25 août 2025 un EP enregistré en public intitulé … And The Io Too ( Live At Dopamine). A Bucarest.   

    Damie Chad.

     

    *

    Jumpin’ Jack Neal fut le contrebassiste des Blue Caps. Il fit partie des Virginians qui devinrent le groupe de Gene. La carrière américaine de Gene est vite partie à vau l’eau, Capitol ne les a pas pris en main… Peut-être ces amateurs de génie n’étaient-ils guère malléables, en même temps trop jeunes et trop âgés…

             La lecture des propos de Jack Neal n’est guère facile. A l’intérieur d’une même phrase  il change facilement de sujet. Il semble que le montage de la vidéo n’aide pas à s’y retrouver… Quoi qu’il en soit, ce témoignage nous dresse un beau portrait de Gene.

             Il est évident que Jack Neal n’a pas réalisé l’importance de l’aventure qu’il a traversée.

    The Gene Vincent Files #6: Interview with Jack Neal,

    first bass player for Gene and the Blue Caps.

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    Eh bien pour commencer, ils avaient un groupe de studio et ils s’appelaient les Viriginians, et donc nous y sommes allés et tous ceux qui voulaient passer une audition nous les avons accompagnés. Il y avait Dickie, nous : Willie William et Cliff Gallup et moi-même. Je n’ai jamais connu Gene Vincent avant que ce truc maigre n’entre par la porte d’entrée et que je dise que cette maigre brindille devait être Gene Vincent, mais il s’est vite révélé, c’était un bon chanteur, et WCMS l’aimait et c’est comme ça que tout a commencé avec WCMS pour autant que je me souvienne, ils, Gene et le Sheriff Tex Davis, ce dernier  était notre propre manager, ont écrit Be Bop A Lula, donc pour essayer de faire avancer les choses ils ont envoyé la cassette à Capitol Records à Nelson et immédiatement Nelson l’a aimée et donc il a voulu que nous venions l’enregistrer au studio Owen Bradley qui n’existe même plus, et je pense que c’est de là que le bruit a couru que Nelson ne nous voulait pas, ou un truc du même genre, ce n’est pas vrai. Mais pour obtenir ce que Gene voulait faire il nous a mis à part et nous a séparés de Gene, il était comme derrière une porte fermée, mais bien sûr nous pouvions l’entendre, mais c’est comme ça que nous avons enregistré

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    tout ça, c’est-à-dire Race with the Devil, Blue Jean Bop et Up a lazy River. mais avant cela nous avons fait tous nos concerts à Norfolk, nous avons fait le Wilkin Show sur Military Highway, le Old Commodore Theater à Portsmouth, et quel était le nom du Grand dans le Sud, oui le Grand Hotel dans le sud de Norfolk, puis nous sommes allés au  Nags Head Casino. Ensuite nous avons pris la route, nous avons fait le spectacle pour le Perry Como Show. Le groupe était au complet, et quelqu’un vous a-t-il raconté comment cela s’est passé quand nous avons pris la route nous n’étions pas des romanichels.  Nous avions  une Ford, seulement c’était une de ces longues limousines, une sorte de limousine avec un porte-bagages sur le toit, nous avons mis nos affaires sur la galerie, et en avant. Plus tard nous avons changé   le  véhicule contre une Cadillac.  Lorsque nous avons eu  la Cadillac, nous sommes allés de Las Vegas à Nevada.  Je tiens à dire qu’en voiture de chez moi à Las Vegas dans le Nevada c’était alors une véritable aventure mon Dieu ! J’étais vraiment  heureux quand j’en eus terminé avec cette épreuve !  C’est un interminable chemin, nous sommes crevés, l’habitacle sent mauvais, les gars mangent là-dedans et ils font un ramdam du diable, Dickie est devenu fou, Seigneur aie pitié de nous ! il ne voulait même pas s’asseoir sur son siège la plupart du temps, et il est devenu tellement cinglé qu’il a déchiré le fond de son pantalon. Une fois à Los Angeles j’ai cassé le cheviller sur ma basse, ce n’était pas ma basse, elle appartenait à l’endroit où nous jouions et le Sheriff Tex Davis n’aimait pas beaucoup ce genre d’ennui, Gene s’en fichait, eh bien dis-leur

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    comment tu faisais, oh je l’ai juste levée au-dessus de moi et quand je l’ai redescendue et qu’elle a heurté le sol  le cheviller s’est cassé en-dessous, et a brisé l’un des ressorts, les cordes et le chevalet sont tombés en-dessous, et le sheriff Tex Davis n’a pas du tout aimé mais Gene raffolait de cela, il était à fond pour ce genre de truc, mec il devenait totalement dingue chaque fois que nous allions faire un spectacle, il nous disait toujours de ne pas rester immobiles, pour bouger il n’était pas le dernier, il était souvent là, mais la plupart du temps c’était juste parce que l’on aimait la musique. Vous savez il fallait bouger quand on l’aimait. Vous ne pouviez vous empêcher de sauter partout. Gene était quelqu’un de bien, un homme pour qui il était agréable de travailler. Il ne s’est jamais fâché contre l’un de nous. Il était toujours dans le mouve. Il venait toujours nous demander conseil, c’est ainsi que ça se passait. C’était un homme bien. Parfois on pouvait voir qu’il souffrait mais il essayait de ne pas le montrer. Je pense qu’il a assuré. Il m’a toujours bien traité, tout ce genre d’anecdotes que ma femme a racontées, un désastre rapporté dans les livres, j’ai  du mal à croire que c’était ce genre d’homme. Je n'y crois pas, mais c’était un homme bien. N’ai-je pas l’air stupide ! (Jack s’est coiffé d’une casquette bleue) si ça

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    l’est tu peux l’enlever ! Oui, il y avait une raison, ça avait quelque chose avoir avec Eisenhower, ne portait-il pas une caquette bleue ou quelque chose de ce genre. Je ne le crois pas non plus mais ça avait quelque chose à voir avec ce dont tu parles, comme Willie Williams. Eh bien je le pense. Sa femme a été la cause  de son départ. Cliff dès le départ il n’avait pas l’intention de rester. Il était en congé. Eh bien, c’était un guitariste fabuleux. Je peux vous dire que beaucoup de gens ont essayé de l’imiter mais ils n’y sont pas parvenus. Tellement il était bon. Et moi aussi, quand tout, je veux dire quand le fric n’a plus été au rendez-vous je suis parti. Dickie a été le dernier à rester avec lui. Puis il est finalement parti et Gene est parti en Angleterre.

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    J’ai entendu dire qu’il était très populaire là-bas, en fait il était plus populaire là-bas qu’ici.  Pourquoi ? je ne sais pas. Ainsi ils pensent toujours qu’il est Dieu, mais il est devenu célèbre là-bas même une fois mort, il est devenu célèbre depuis le jour de notre départ. Je n’ai jamais eu de ses nouvelles, je ne l’ai jamais contacté. Je pense qu’une fois que tout cela a été fini il est parti en Angleterre, je ne sais pas si Dickie a gardé des contacts avec lui ou non. Je ne pense pas, oui ça m’a surpris qu’après 50 ans des gens comme vous continuent à faire un film sur ce sujet. Après 50 ans, oui ça me surprend, on aurait pu penser que tout cela disparaîtrait au bout de huit ans, mais je ne pense pas que ce sera le cas, peut-être que lorsque j’aurais 90 ans cela continuera encore.

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    Transcription : Damie Chad.

    Notes :

    Jack Neal né en 1930 nous a quittés le 27 septembre 2011.

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    Wilkin Show on Military Highway : peu d’indices sur ce Wilkin Show, par contre voici deux vues de la Military Highway la première de 1954, la seconde prise en 2015 ou 2018.

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    Commodore Theater à Norfolk, ouvert de 1945 à 1975. Aujourd’hui, voir notre photo, transformé en cinéma.

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    The Grand Hotel : sis à Norfolk, plus tard devenu le Continental Hotel. Puis fortement remanié et vendu sous forme d’appartements. La photo a été prise circa 1960.

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    Nags Head Casino, un des haut-lieux de distraction des Outer Banks, situé en Caroline du Nord. La salle de spectacle a reçu dans les années 40 tous les grands noms du jazz. Dans les années cinquante elle s’est ouverte au rock’n’roll, Platters, Fats Domino, Jerry Lee Lewis, Gene Vincent. Dans les années soixante elle s’est ouverte groupes de surf. Le complexe fut détruit en 1970.

    Perry Como Show : Gene participa à cette émission de télévision à New York le 26 juillet 1956.

    A suivre.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 701 : KR'TNT ! 701 : BLACK SABBATH / TÖ YÖ / WILD BILLY CHILDISH / ZEMENT / WHEELS / SNAKES IN THE BOOTS / MISS CALYPSO / THE CORALS / GENE VINCENT+ WANDA JACKSON

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 701

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    05 / 09 / 2025

     

     

    BLACK SABBATH / TÖ YÖ

    WILD BILLY CHILDISH / ZEMENT

    WHEELS / SNAKES IN THE BOOTS

    MISS CALYPSO / THE CORALS 

        GENE VINCENT + WANDA JACKSON

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 701

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Sabbath tous les records

    (Part One) 

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             On se doutait bien que l’histoire d’Ozz allait mal finir, mais la nouvelle de son cassage de pipe en bois nous a tout de même surpris. C’est arrivé quelques jours après l’ultime concert de reformation de Sab à Birmingham. Encore une page d’histoire qui se tourne. On va bientôt se retrouver seuls. Ils seront tous partis. Rien n’est pire que de voir partir ses amis et de se retrouver seul.

             On a tous été fans de Sabbath, sans doute parce qu’ils étaient fans des Beatles. Il ne faut jamais perdre ceci de vue : dans les années 60 et 70, les Beatles furent au cœur de la vie de tous les kids anglais : ils ont eu cette chance extraordinaire d’avoir eu comme modèle un groupe parfait. En France, on proposait aux kids un autre genre de modèle : Johnny Hallyday. C’est pas la même chose.  

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             Dans Mojo, Keith Cameron assiste pour nous aux préparatifs de l’ultime concert de Sabbath, prévu le 5 juillet 2025 au stade Villa Park de Birmingham, à côté duquel les quatre Sab ont grandi - We all lived around that Villa ground - Le concert porte le doux nom de ‘Back to the beginning’. L’Ozz a 76 ans. Il ne tient plus debout. Parkinson. Son dernier concert date de 2018. Un Ozzfest à Los Angeles.

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             Puis l’idée d’un concert d’adieu a commencé à germer dans les vieilles cervelles vermoulues des quatre Sab. L’Ozz a donné son accord et il a repris l’entraînement avec son équipe d’assistants : respiration, altères, on imagine le travail. L’obsession de l’Ozz est de dire adieu à tout le monde avec un seul big show. Sharon Osbourne : «Well why don’t we just do one big show and you can thank everybody? So we’ve been working on it for nearly two years. You know, Birmingham has given Ozzy so much, he’s so proud of where he was born. He’s working his little old arse off to get there.»

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             Ça n’a pas été simple de rassembler les quatre Sab originaux, surtout Bill Ward, qui avait quitté le groupe depuis belle lurette. Geez indique qu’Ozz l’a appelé pour lui proposer de «finir là où tout avait commencé», et Geez lui a répondu qu’il était d’accord si Tony et Bill donnaient eux aussi leur accord. Alors l’Ozz appelle Bill et lui propose le deal - I’m gonna do one last time. Do you want to come and play? - Bill accepte, mais Tony Io n’est pas très chaud. Il commence par dire non - To be honest, when it was first mentioned to me, I said no - Tony Io se demande surtout si les quatre Sab sont encore en état de monter sur scène, myself included - We need to be good. We’ve got a good legacy, and I didn’t want to destroy it by everything not being right - Et voilà, c’est the end of the End, comme il dit. Tony Io n’est pas beaucoup plus frais qu’Ozz : il s’est tapé un petit cancer, et fait pas mal d’allers et retours à l’hosto. C’est l’âge. 77 ans, la zone de tous les dangers. On vient de lui retirer un gros truc dans la gorge et crack, il s’est coincé un nerf dans le cou - When you get to our age, things just go wrong - Il craint surtout qu’un des quatre Sab ne se casse la gueule sur scène après deux cuts. C’est le risque qui pend au nez des vieux crabes quand ils montent sur scène à l’âge de 77 ans. Faut savoir ce qu’on veut dans la vie.

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             Geez n’est pas beaucoup plus frais. En 2022, il était trop malade pour grimper sur scène avec l’Ozz et Tony Io. Et comme dit Cameron, «he’s currently working hard on his flexibility». Il a des crampes dans les mains. Il craint que ça ne lui arrive sur scène. Devant les fans, il aurait l’air d’un con avec ses cramps. Quant à Bill, il fait du fitness avec son drum crew. Ils ont tous des crews. Ils ne parlent que de crews. C’est l’apanage des vieilles superstars. Un crew sinon rien ! Bill bosse son leg power pour driver «Sabbath’s massive double bass drum attack.» Vazy Bill, drive ! À son âge, Bill a encore des choses à prouver. Il a lui aussi 77 ans - that’s a whole other world, 77 and playing 26-inch bass drums. One could call it lunacy - Tu l’as dit, Billy !   

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             Justement, Bill donne une grosse interview dans Uncut. Dans son introduction, John Robinson parle d’une «incredible unity of purpose». C’est bien vu. Bill rappelle qu’il a fait une petite crise cardiaque en 2017, et donc, il a dû mettre la pédale douce. Et surtout retrouver la forme, grâce à son crew. Puis il raconte la formation de Sabbath à Birmingham et leurs premiers cuts, «Wicked World» et «Black Sabbath». Ils répètent chez Tony - We wrote it and we played it - Puis ce sont les tournées en Europe, le Star Club d’Hambourg, les putes, le premier album, et patati et patata. Puis Robinson le branche sur les farces de Sab : c’est vrai Bill qu’ils mettaient le feu à ta barbe ? - They were pranks - C’est Tony qui avait le briquet. Bill n’a pas grand-chose à raconter, mais il fait un petit retour sur la pochette de Sabotage. C’est lui qui porte les collants rouges de sa femme sur la pochette. Comme il ne porte rien en dessous, on voit ses balls, alors il demande à l’Ozz de lui prêter son calbut, «which he more than happily did». C’est pourquoi l’Ozz porte une robe.  

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             Luke la main froide n’en finit plus de loucher sur la pochette de Sabotage, «the most psychologically damaged record (just look at the sleeve)». Et il ajoute, emporté par son élan : «Le Midland death trip d’Ozzy culmine en 1975 avec l’album Sabotage qui depuis la pochette jusqu’au contenu est l’un des albums de rock les plus étranges jamais enregistrés. Les paroles sont pour la plupart signées by Brummie shaman Terry ‘Geezer’ Butler.» C’est l’album chouchou des fans de Sab, à cause de cette énormité qu’est «Hole In The Sky», un nouveau modèle de riff anglais sorti du cerveau de Tony Io. Il fabrique du Sab en permanence, et quand l’Ozz ramène son chat perché, ça fait l’identité de Sab, avec en plus derrière les deux cavemen qui allument sec. C’est dans «Symptom Of The Universe» qu’on entend cracher les haut-fourneaux de Birmingham. Dommage que les petits épisodes prog viennent perturber le bel équilibre. Il semble que Tony Io ne gratte que des séquences mythiques, comme ces espagnolades de fin de parcours. Et puis avec «Megalomania», ils se rapprochent du premier album, ils sont si heavy et si présents ! Ils disposent d’une science inégalée en matière de redémarrage en côte et se payent en plus le luxe d’un final épouvantable aux lueurs du génie sabbatique. L’autre hit de Sabotage est le dernier cut de la B, «The Writ», un heavy blues chanté au chat perché d’Ozz, sans doute le perché le plus perçant de tous. Ils ont du panache, le monde entier le sait, on ne fait pas l’impasse sur le Sab, on les connaît par cœur, ces beaux cuts de Sabotage, sans doute les a-t-on trop écoutés. Avec «Am I Going Insane», ils sonnent comme Syd Barrett. Tout est beau et puissant sur cet album. Tony Io fait exploser des bouquets fatals sur «The Thrill Of It All», il soigne ses fins de loup. «Supertzar» est le cut qui a dû impressionner le plus la main froide, car on y entend des voix surgies du passé. On se croirait dans un film d’Eisenstein, c’est exactement la même ampleur catégorielle.

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             Dans sa colonne infernale, Luke la main froide avait raison de se prosterner devant les six premiers Sabbath de la période Vertigo - Without doubt some of the greatest rock’n’roll ever made. These records fucking swing, man - Ils font partie des albums fondateurs de l’empire du rock anglais. Tony Io est l’un des grands guitaristes classiques du rock anglais, il fait partie de ceux qui ont tout inventé. Ah comme on a pu adorer ce Black Sabbath paru en 1970 ! Chaque fois qu’on le réécoute, il fonctionne comme une machine à remonter le temps. Tous les cuts de l’album sonnent comme des classiques, cette belle et étrange musicalité s’installe avec «Behind The Wall Of Sleep». Rien à voir avec l’hard-rock, c’est de l’heavy pop dotée d’une mélodie chant d’une indicible qualité. Le génie riffeur de Tony Io prend forme avec «NIB» et l’Ozz entre dans l’histoire avec son fameux Oh yeah ! Fabuleuse énergie ! Très beaux longings de Tony Io, il est fabuleux d’à-propos. Ils ouvrent leur bal de B avec «Evil Woman Don’t Play Your Games With Me», monté sur un riff classique bien contrebalancé par le bassmatic du Geez. Ces quatre Brummies fabriquent du rock classique, et cette fois c’est le Geez qui vole le show. Ils finissent en beauté avec «Warning» et l’Ozz revient au chant après une longue absence, une si longue absence.  

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             Paranoid paraît la même année. On imagine l’ado Luke dans sa cave, secouant ses petits cheveux blonds au son de «War Pigs». Heavy, baby ! Voilà d’où vient toute cette culture heavy. Ils jouent à la respiration interrompue, c’est un peu emprunté, mais c’est Sab, alors respect. Ils réussissent l’exploit de créer un monde à partir d’un riff, puis ça part en virée seventies. Voici venu le temps des classiques avec «Paranoid» et «Iron Man». Le riff de Parano est tellement classique qu’on dirait du Led Zep. Bravo Tony Io ! Stop to fuck my brain, gueule l’Ozz et pendant ce temps, Geez fait un carnage. «Iron Man» est aussi monté sur un riff classique, et Tony Io le ralentit pour l’alourdir. Tout l’heavy métal vient de là, de l’Iron. Et cette manie qu’ils ont de partir en virée ! En B, on trouve deux autres pièces palpitantes : «Electric Funeral», d’abord, plus tarabiscoté, même si c’est monté sur un riff funéraire du grand Tony Io, un riff d’une portée universelle, c’est dire la grandeur de sa hauteur. Puis voilà «Fairies Wear Boots», un titre qui a dû beaucoup plaire à la main froide, mais ça se présente comme une jam, with no direction home, perdue dans la pampa, avec une succession de thèmes impies, et l’Ozz entre dans l’ass de la danse à l’impromptu, il s’installe dans l’ambiance du power Sab, c’est très fairy witchy, il raconte son histoire d’une voix étrangement perçante.

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             Paru l’année suivante, Master Of Reality a dû mettre la jeune main froide sur la paille. On retrouve notre cher heavy Sab dès «Sweet Leaf». Tony Io joue du gras double, ils sont dans leur élément, c’est saturé d’heavyness ralentie, mais après un moment, ça se barre en vrille prog, et ils reviennent on ne sait comment en mode rouleau compresseur. Le Geez fait vrombir sa basse. Sur toute l’A, le Sab se montre déterminé à vaincre, il fait même du boogie rock anglais avec «Children Of The Grave». Pas d’hit sur cet album, mais une constance sabbatique, comme le montre encore «Lord Of The World», ils restent dans leur formule, pas de surprise, Tony Io se place en embuscade et malgré les apparences, le son reste très linéaire. Ils reviennent au big sound avec «Into The Void». Chez Sab, ce n’est pas le gros popotin, mais le gros patapouf qui a le vent en poupe. Il est tellement gros, le patapouf, qu’il a du mal à respirer... Si on cherche des aventures, il faut aller voir ailleurs. Les kids adorent le gros patapouf de Tony Io.

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             La jeune main froide a dû beaucoup admirer la pochette du Black Sabbath Vol. 4. Quel rocking artwork ! Et hop ça démarre avec du classic Sab monté sur une nouvelle trouvaille Ionique. Pas question de s’énerver, il joue son riff en retenue et miraculeusement, on échappe cette fois au petit développement prog de mi-parcours. Tous les cuts de Sab sont montés sur un riff de Tony Io. Alors pour l’Ozz, c’est du gâtö. Il peut enfourcher son canasson et chanter «Tomorrow’s Dream» au chat perché. Tony Io remplit le son à ras-bord. Il lui donne de l’ampleur. «Changes» pourrait être un balladif de Croz, car c’est assez océanique. Peut-être s’agit-il du meilleur sob de Sab. Pour boucler l’A, Tony Io charge la barque de «Supernaut». Il est l’un des plus gros démolisseurs d’Angleterre et l’Ozz s’élance comme un loup à l’assaut de la caravane, ça joue pour de vrai. Tony Io a plus de son qu’avant, on voit qu’ils enregistrent à Los Angeles. La B se tient bien elle aussi, «Snowblind» reste du classic Sab. L’Ozz ne change rien à sa méthode, il va droit sur son petit chat perché. Tony Io boucle ce valeureux Snowblind à l’embrasée de Birmingham. «Laguna Sunrise» montre qu’ils sont capables de climat lumineux et d’espagnolades, et ce gros mélange de riffing et d’orientalisme qu’est «St Vitus Dance» montre qu’ils adorent danser avec Saint-Guy. Cet album surprenant s’achève avec «Under The Sun», classic package de Sab monté comme un millefeuille, bien bourré de crème au beurre et concassé à tous les instants comme le corps d’un malheureux soumis au supplice de la roue.

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             Paru en 1973, Sabbath Bloody Sabbath n’est pas le meilleur Sab. C’est du classic Sab, bourré de climats, de cocotes et de chat perché. L’Ozz se veut criard, mais il n’est pas toujours juste. Ils amènent l’«A National Acrobat» au heavy Sab, mais ça vire troubled troubadour un peu proggy.  Tony Io a du mal à renouveler le cheptel. Ses compos peinent à jouir. C’est encore dans la délicatesse diaphane qu’il excelle le mieux («Fluff»). Il revient à son pré-carré et à ses vieilles racines de mandragore avec «Sabbra Cadabra», on se croirait sur le premier Sab, tellement c’est bien foutu. C’est même l’hit de ce bloody album. Le «Killing Yourself To Live» qui ouvre le bal de la B semble lui aussi sortir du premier Sab. Merci Tony Io de ce retour aux sources. L’Ozz s’en donne à cœur joie. Ils font de la petite pop bien intentionnée avec «Looking For Today» et pour «Spiral Architect», Tony Io pompe les accords des Who dans Tommy. Cette fois, ils tombent dans le n’importe quoi, et ça finit par devenir trop poli pour être honnête. 

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             Pourquoi diable a-t-on ramassé Paranoid: Black Days With Sabbath & Other Horror Stories chez Smith il y a plus de vingt ans ? Certainement pas à cause de la couve et de ce mélange visuel complètement sabbatique de croix et de seringue (attention, le book est reparu avec une couve encore pire : une cuillère pleine de poudre et une seringue). Certainement pas à cause du nom de l’auteur : on savait que Mick Wall drivait Kerrang!, cet hebdo ou bi-hebdo metal qu’on n’approchait qu’avec des pincettes (c’était le seul canard anglais qui consacrait des pages aux Wildhearts). Et pourtant on a fini par lire ce book de Mick Wall. Et on l’a adoré. Pour deux raisons : Mick Wall écrit comme un cake. Et son book est un fantastique hommage à l’Ozz. Et pour saluer le départ de l’Ozz, on l’a relu, car le souvenir du bon moment était un peu fané et les notes de lecture ne semblaient pas trop fiables. Dans ces cas-là, on relit.

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             Alors attention, ce n’est pas exactement un book sur Sabbath. Mick Wall raconte ses années de junkie et ça démarre comme ça : «J’ai pris la seringue et l’ai plantée right in my arm. Habituellement, on ne pique pas une veine du premier coup, mais cette fois ça a marché. La chance était avec moi et je vis, fasciné, le petite nuage de sang remplir la seringue.» Mick Wall écrit dans un style direct, et comme Nick Kent, il s’est forgé un langage : «We called our works ‘guns’. I slowly squeezed the trigger on mine and waited for the bullet to hit. ‘Go on you slag!’.»  Il donne absolument tous les détails, dans un style à l’emporte-pièce, il traîne son addiction pendant un bon bail puis finit par décrocher pour pouvoir faire ce qui l’intéresse : écrire. C’est donc l’autobio d’un pur écrivain rock. Dans Apathy For The Devil, Nick Kent raconte qu’il est passé par les mêmes travers. Ça faisait semble-t-il partie du jeu.

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             Wall vit en coloc avec un certain Mandy - Like Mandy, I loved heroin. As drugs go, it was the best. Booze, coke, dope, even acid, they were social drugs, party tricks, something you shared with a crowded room. La différence entre le trip à l’acide et le trip on smack était comme celle qui existe entre le dernier blockbuster d’Hollywood et un small art-house movie from Europe. (...) Smack was for the conoisseurs of the anti-social, the solo artists and mavericks who stood for nothing - Et il ajoute ça qui permet de comprendre la suite : «Smack was not a recreational drug, it was a vocation.» Puis il décrit le glissement de l’addiction, car le smack cesse d’être un «personal statement and becomes purely a matter of day-to-day survival.» Ça se passe entre 1979 et 1980, endless junk summer. Il associe le smack au jazz - Willfully perverse, unashamedly self-absorbed, insistently élisist (il met un é), jazz was the perfect junk soundtrack. Like punk and speed, reggae and dope, Hendrix and acid.

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             Mandy prétend que ce n’est pas l’hero qui tue les gens, c’est la télé - Every fix we took was like a big, beautiful fuck-off to the world - Wall et Mandy voient le rite de l’hero comme le summum de l’anticonformisme. Plus loin, il rend hommage à Lou Reed et à «Heroin», «because when the smack begins to flow, it’s true, you really don’t care any more. There was no science to it. It was pure and simple. Smack was just the baddest and the best. Total white-out.» Comme il est écrivain, il peut sortir ça : «Smack was whaterver you wanted it to be.» Les mots n’ont plus d’importance. Il donne aussi pas mal de détails sur la marchandise : «Strickly Iranian brown was our mainman. Après la chute du Shah, by the end of 1980, London was awash with cheap, strong Iranian smack.» Mandy et lui bossent dans le music biz à Londres, et chaque jour, Wall raconte qu’il disparaît un moment dans les gogues pour se faire un fix - One fix at a time - Il va bien sûr se faire repérer et se faire virer. Il donne pas mal d’autres détails, comme par exemple la constipation - Not shitting for weeks on end becomes the norm - Il explique qu’il faut s’accroupir et s’aider soi-même avec les doigts. Mais le pire, c’est l’aspect financier. On vend tout ce qu’on a, même ses disques rares. En une semaine, il a refourgué ses 200 albums collectionnés pendant trois ans. Puis il vend sa machine à écrire, sa montre, ses bagues, son tourne-disques, sa télé, sa radio, et tous ses books.

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    Mick Wall

             Ce qui rend Mick Wall infiniment crédible, c’est bien sûr la qualité de son style. Quand on lui propose une grosse ligne de coke, Wall s’extasie ainsi : «Just go with the flow, baby! Chop ‘em out, Charlie! I was the Jean Genie, letting myself go...», et bien sûr t’entends sonner les accords de Ronno. C’est ça, l’écriture rock, ça sonne. Et quand il n’aime pas quelqu’un, il devient une sorte de Léon Bloy rock. Il évoque le Live Aid et pouf, qui arrive dans son viseur ?, «Geldorf himself. Who would remember Bob now, oher than as the big-headed, mouthy twat from the crappy Boomtown Rats.» Et puisqu’il est en plein dans la daube de Live Aid, il cible U2, «particulary in America, where Bono’s down-on-one-knee histrionics went down a storm.» Quand il devient célèbre grâce à Kerrang!, il ne se rate pas : «I was a cover story writer now, the fattest fat frog in the murky green pond.»

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             Lorsqu’il vit à Los Angeles et qu’il devient riche et célèbre, Mick Wall s’aperçoit qu’il ne bande plus beaucoup, alors il s’en explique très bien : «Il y avait des nuits when I could no longer get it up, que ce soit mentalement ou physiquement. Somewhere along the line, I’d lost a few steps. Pas à cause du smack - pas besoin d’être un junkie pour être fatigué de la chasse. Too much sun and not enough time, that was my excuse.» Et plus loin, il précise : «D’une certaine façon, j’avais de nouveau atteint ce point. Pas à travers l’hero cette fois, mais à travers une drogue plus puissante que le junk. I was high on life, man. And it was slowly killing me. J’ai essayé d’arrêter ça plusieurs fois, mais je n’avais plus d’énergie. À partir d’un certain point, même l’argent n’a plus d’intérêt. Je savais que je ne deviendrais jamais un millionnaire, mais une fois le loyer payé, à quoi peut-on bien penser ?»

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             Ailleurs, il vole dans les plumes des années 80, «the most stupid decade since the ‘50s. Les gens, me semblait-il, étaient prêts à payer pour n’importe quoi, aussi longtemps que c’était bien habillé. And the more stupid, the better. Look at Duran Duran. Look at Bowie and ‘Let’s Dance’. Look at JR and Joan Collins and Margaret Thatcher and Ronald Reagan... What a vulgar, unconvincing bunch of arse-sucking stupidity.» Pourtant, ailleurs, il rend hommage à Bowie qu’il rencontre pour une interview - What a great interview he gave, too - sharp, witty, full of fun, full of stories (...) He was just on it like a motherfucker. He was an interview-killing machine - Wall rappelle qu’«après Ozzy, Ziggy was my mainman. Il venait du futur et j’ai grandi en pensant que Diamond Dogs and David Live were the greatest, most underrated albums of the ‘70s.»

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             En attendant, il rencontre pas mal de gens, dont bien sûr toute la faune de Kerrang!, les Motley Crüe, les Guns N’ Roses et tous ces machins là. Il rencontre aussi David Crosby qui s’apprête à partir au ballon pour 5 piges et qui a le look of the condemned man. Puis Jimmy Page, avec lequel il a un échange intéressant. Wall lui demande pourquoi il est gentil avec lui, alors que tout le monde raconte qu’ils se conduit comme un «complete bastard», et Jimmy lui répond que cette gentillesse «is the other side of the coin. C’est comme la guitare électrique et la guitare acoustique, les gens veulent entendre le bruit le plus fort, alors que d’autres veulent entendre the more gentle acoustic side out. You’ve only ever seen the acoustic side of me.» Wall est tellement impressionné par la classe de Jimmy Page qu’ils vont rester amis. Et bien sûr, Wall va consacrer à Led Zep ce chef-d’œuvre mémorable qu’est When Giants Walked the Earth: A Biography of Led Zeppelin.

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             L’autre géant que Wall salue dans Paranoia est bien sûr Phil Lynott : «Tall as a vampire and dressed from head to foot in black leather, his fingers, wrists anf throat wrapped in a cluter of expansive bejewelled baubles, his dark afro framing his long, sly face like a publicity shot, Philip Lynott played the most convincing rock star I ever met.» Et bien sûr, il le compare à Jimi Hendrix - Maybe Hendrix was the original and the best, but Jimi wasn’t around any more - Quand Wall lui demande pourquoi il porte sa basse si haut, si c’est pour mieux jouer, Phil grommelle : «Naw. It’s so’s da girlies can gedda good look at me bollocks.» Wall rappelle que les punks respectaient Lizzy et que les Pistols se trouvaient backstage aux Lizzy gigs. Un soir, Phil Lynott propose à Mick Wall du Fleetwood Mac. Wall ne pige pas. Alors Phil précise : smack. Ils se font un petit snort ensemble. Et là t’as deux pages absolument magnifiques de rock writing.

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             Autre chapitre déterminant : Dave Brock. Un Dave Brock qui prend l’histoire d’Hawkwind très au sérieux. Voici comment Mick Wall l’épingle : «Alors que certaines pop stars - Phil Collins, say - vous font penser à des chauffeurs de bus, something about the greasy unwashed hair, the stringy beard, the decade-old jeans and rancid-looking fingerless leather gloves always made me think of Dave Brock as a dustman. Chaque fois que je voyais Dave, c’est comme si je le voyais jeter des sacs poubelles à l’arrière d’un big truck.» Mick Wall accompagne Hawkwind en tournée et un matin, au lobby de l’hôtel, histoire de briser la glace, Mick lance à Dave : «The bins are around the back, mate.» - Je m’attendais à le voir rire, ou au moins sourire, mais il me regarda, «his expression as inscrutable as the cosmos his music purported to explore» - La chute ne fit pas attendre. «You’re fired», he said and walked off.

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             On croise aussi des pages extraordinairement captivantes sur les rock critics - À quelques exceptions près, la plupart des journalistes rock que j’ai rencontrés étaient des gens ordinaires et décevants, generally of less-than-average intelligence - Et il ajoute ça qui tue les mouches : «None of them seemed to have much idea of what rock’n’roll might actually be about.» Eh oui, c’est bien ça le problème, même dans la presse anglaise. Il n’en sauve qu’un, Nick Kent - The dark prince. What hadn’t he written, done, been, said, thought, lost, won that wasn’t great? Nothing I could think of. Tall, rakishly handsome in a thin, permanently stoned way, his black raven’s hair cut like Keef’s and streaked with cat-piss yellow, paint-chipped fingernails, badly applied make-up, chandelier earring, the whole bit, Nick Kent was the man who invented the term ‘elegantly wasted’, not just on the page but in real life - Après Bowie, Phil Lynott et Jimmy Page, c’est le quatrième grand hommage du book, juste avant l’Ozz. 

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             L’Ozz, c’est pour ça qu’on est là. Mais encore une fois, ce book n’est pas Ozzé à 100%. Mick Wall brasse assez large, et c’est ce brassage qui à l’époque nous intéressait. Et c’est la raison pour laquelle on a décidé de suivre l’auteur à la trace, même si ensuite, il proposait des monographies, au sens plus strict du terme, mais quelles monographies ! Led Zep, Hendrix, Lou Reed, Lemmy, John Peel, les Doors, des books qui sont devenus, mine de rien, des ouvrages de référence, et dont on a bien sûr causé, soit ici-même (Doors, Lou Reed, Peely, Hendrix), soit dans les Cent Contes Rock (Led Zep). On reviendra plus tard sur son Lemmy et son Sabbath.

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             En 1980, Wall est embauché comme agent de presse de Sabbath et accompagne le groupe en tournée américaine. L’Ozz n’est plus dans le groupe, il s’est fait virer 18 mois plus tôt par Tony Io qui en avait marre de ses ‘antics’. Ils ont embauché Ronnie James Dio pour le remplacer. Wall s’amuse bien avec les Sab qui ne volent pas haut. Voilà ce qu’il dit de Bill Ward : «Dark panda-eyes, hair like a Christmas tree, full alky beard, big beer belly hanging over his spangly rock star belt.» Wall ne sait rien des drogues que prennent les Sab, à cette époque. Ils n’en parlaient jamais ouvertement - I suspected Tony was a coke man - Ils prenaient de tout dans les années 60 et 70, «but by 1980, in the aftermath of Ozzy’s dismissal for being too out of it, anything like that which still went on was kept strickly under wrap.» Ils ne touchaient plus à rien. Mais pour Wall, le Sab a perdu tout son charme - They were the most miserable and difficult bunch of bastards I’d ever had to deal with. Tetchy uncommunicative, grim; Truly Sabbath were an enigma for me - Il les voit comme des middle-aged men qui ont une upside-down cross to bear.

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    Sharon + Ozzy

             Avec l’Ozz, c’est une autre histoire. Mick Wall aura même une relation privilégiée avec lui - J’avais découvert qu’au-delà du masque de sad clown, Ozzy était l’une des très rares rock stars qui disait toujours exactement ce qu’il pensait - L’Ozz se confie à Mick et lui raconte qu’après sa détox d’alcool, il a encore un bar à la maison, «except it’s got no booze in it.» Diet coke. Et ça l’afflige. C’est comme d’avoir une table de billard sans les boules. Puis il reconnaît qu’il n’est ni un grand songwriter ni un grand chanteur - With me, it’s all the orher stuff, the mad fucking stuff - mais l’Ozz n’est pas dupe. Il sait ce que les gens pensent de lui et il fait avec. Il dit aussi qu’il a eu du mal à s’extraire «of that fuckin’ mess with Sabbath». Quand Mick Wall le rencontre, l’Ozz vit dans un seedy, second-string hotel de West Hollywood, «working his way through the ninety thousand dollars the band had given him when they told him to fuck off.» C’est bien que ce soit Mick Wall qui le dise. Dans la foulée, Wall rencontre Sharon qui explique pourquoi elle s’est attachée à l’Ozz : «Ozzy had always bugged me. Because he was lazy, he was insecure and... dumb!»

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             Wall revient sur ses premières amours : «I still loved my old Sabbath albums lile Paranoid and Master Of Reality the way I would always love The Man Who Sold The World and the first New York Dolls album.» Il rappelle aussi que Diary Od A Madman: The Uncensored Memoirs Of Rock’s Greatest Rogue fut son «first little success», comme il dit - Some of the worst writing I ever did was in this book - Il y collectionne en effet les anecdotes : l’Ozz qui pisse sur Alamo, l’Ozz qui trippe à l’acide et qui raconte qu’«il entre dans un pré and started talking to this horse. That was all right. Then the horse started talking back to me and I knew I was in trouble.» Ah la rigolade ! Et Wall de conclure : «The only rock star I could really relate to was Ozzy. Not just because he was funny, but because he was real. He was the only one I’d ever known who really felt his luck.»

             C’est avec cette image qu’on referme une page d’histoire nommé Ozzy Osbourne. Merci Ozz d’avoir enchanté nos adolescences.

    Signé : Cazengler, Black Savate

    Ozzy Osbourne. Disparu le 22 juillet 2025

    Black Sabbath. Black Sabbath. Vertigo 1970

    Black Sabbath. Paranoid. Vertigo 1970

    Black Sabbath. Master Of Reality. Vertigo 1971

    Black Sabbath. Vol 4. Vertigo 1972

    Black Sabbath. Sabbath Bloody Sabbath. Vertigo 1973

    Black Sabbath. Sabotage. Vertigo 1975

    Mick Wall. Paranoid: Black Days With Sabbath & Other Horror Stories. Mainstream 1999

    John Robinson : After forever (Bill Ward gets heavy). Uncut # 340 - July 325

    Keith Cameron : Into The Void? Mojo # 381 - August 2025

     

     

    L’avenir du rock

    - Pas trop Tö, Yö

    (Part Two)

     

             Boule et Bill observent l’avenir du rock du coin de l’œil.

             — On te voit venir, avenir du froc, avec tes Tö Yö...

             — On t’a vu faire tes petites photottes de branleur...

             — Tu vas même nous refourguer l’illusse que t’as déjà utilisée y’a un an !

             — Tu vas encore nous torcher une kro à la mormoille, comme d’hab’ !

             — T’es d’un prévisible qui fout la trouille...

             — Tout le monde s’en branle de tes Tö Yö...

             — À voir ta gueule, on sait qu’t’es en train d’chercher ton titre...

             — Ouais, t’as la gueule d’une poule qu’a trouvé un couteau !

             — Comme on est gentils, on va t’donner un coup de main, avenir du broc !

             — Tö Yö Tä pas cent balles ? Quesse-t’en penses ? Pas mal hein ?

             — Tö Yö ! Tö Yö ! Ferme ta gueule répondit l’écho !

             — Et ça : Thirty Seconds Over Tö Yö !

             — Et pis ça : Tö Yö Yö Stuff !

             — Et ça : Tö Yä Yä Twist !

             — Et pis ça : c’est ton destin, Yö Yö !

             — Et ça : Tö Yö La Tengö !

             — Et pis ça : Tö Tö Yö Lariflette !

             — Et ça : Tö Yö Kö Onö !

             — Et pis ça : Tö Yä Kä faire ci Tö Yä Kä faire ça !

     

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             L’avenir du rock les laisse parler. À l’heure où tu lis ces quelques lignes, ils y sont encore.  Passons aux choses sérieuses.

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             Tö Yö ? Tyva ! Ou plutôt t’y retournes. T’y come back (baby come back). Sont déjà venus dans la cave. En juin, l’an passé. Comme déjà dit, ce fut un set psyché aux frontières de l’exotisme et des japoniaiseries chères à Mallarmé. Sont les quatre mêmes, mais le son n’est plus le même. Tö Yö chevauche désormais un dragon. Et là, amigo, si tu veux voyager dans le cosmos, c’est l’occasion en or. Pas besoin de te schtroumpher, le son te monte droit au cerveau, par vagues, les vagues d’Hokusai, celles qui s’élèvent dans l’éternité graphique d’un artiste visionnaire. Ça prend même parfois la dimension extravagante d’une tempête au Cap Horn, telle qu’on se l’imagine, t’as l’impression que la cave tangue, tellement ces quatre Japonais sont puissants. En fait, c’est ta pauvre cervelle qui tangue, mais t’aime bien l’idée du Cap Horn. Ils reprennent les choses exactement là où Dave Brock les a laissées voici 50 ans avec Space Ritual, et ils vont plus loin, beaucoup plus loin. Ils font ce que des tas de groupes ne savent pas faire : mettre la virtuosité au service du dragon. Car leur

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    son, c’est le dragon. Quand les deux guitaristes grattent leurs gammes avec une infinie délicatesse, le dragon crache des flammes, le dragon crame les colonnes du temple, le dragon embrase ton imaginaire, soudain, la vraie dimension est à portée de main, tu peux toucher le dragon, t’en reviens pas de voir ruisseler cette pluie de feu sonique, t’en reviens pas de voir ces deux guitaristes lever des tempêtes comme d’autres ramassent des betteraves, t’en reviens pas de voir ce batteur fouetter la peau des fesses psychédéliques avec une vélocité criante de swing véracitaire, t’en

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    reviens pas de voir ce bassiste remonter les flots à contre-courant sur sa cinq cordes, barrant des accords en forme de barrage contre le Pacifique, t’en reviens pas de tous ce blasting flash et de toutes ces interactions entre les deux virtuoses, t’as l’impression de voir le rock renaître de ses cendres à chaque instant, t’es sidéré de toute cette affabulation lysergique précipitée dans l’écume d’Hokusai, ces mecs redonnent vie à un genre qu’on croyait éculé par tant d’abus, et du coup, le psyché remonte à la pointe du progrès, plein de vie, gorgé de sens, hallucinant, en avance

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    sur tous les peine-à-jouir, loin devant, t’as pas idée. Rarement un groupe aura autant fasciné la cave, ils n’ont même pas besoin de chanter, le dragon suffit, on attend juste qu’il se manifeste, et on va le voir cracher du feu jusqu’au bout du set. Il fait une chaleur à crever et t’es complètement flabbergasted. Pas d’autre mot possible.

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             Tu ramasses leur nouvel album au merch, Yosuieiho - Tö Yö Live At Shindaita Fever. T’auras pas exactement le dragon sur ce live, mais un simili-dragon, c’est déjà pas mal. Deux longs cuts sur chaque face. Leur «Jam» monte lentement, comme toutes les bonnes jams. Ils se la jouent délicate, en attendant le passage du Cap Horn. C’est très dedicated to the followers of the hollow.   Les Japonais jamment dans la soie, puis ça vire Krakatoa au Cap Horn, et là tu dis quoi ? Tu dis oui, mille fois oui, car ça valse dans les bastingages, le psyché krakatoate à gogo, ça Tö-Yöte dans les tuyaux, t’en as pour ton billet de trente. S’ensuit la très belle tension psyché d’«Untitled #1». Dans leur genre, ce sont des cracks, ils bouffent le psyché tout cru, ça croque de l’électron. Ah comme elles sont belles, ces interactions de poux, nos deux gratteurs s’en donnent à cœur joie, ils génèrent de longues giclées éjaculatoires. Tu veilles, tu penses à tout rien, tu écris des vers de la prose, tu dois trafiquer quelque chose en attendant le jour qui vient, sachant bien que près du passé luisant, demain est incolore. Ils attaquent leur B avec la belle exotica de l’«Untitled #2», un Untitled un brin Kill Bill, doux et floconneux comme la Seine sous le Pont Mirabelle. Puis avec «Li Ma Li», ils s’en vont brasser l’écume des jours à gestes larges, ça bassmatique aux galères, sur un beat lourd et lent, il n’existe rien de plus psyché sur cette terre que cet Untitled, c’est même du psyché limande dont la platitude s’étend à l’infini. Puis, sans prévenir, ça vire thermonucléaire avec une plongée en abysse, t’as le meilleur psyché du coin, ça bouillonne d’énergie avec un beat rebondi qui n’en finit plus de t’uppercuter sous le menton, les spasmes chevauchent les vagues qui percutent les storms de plein fouet. Cette affaire-là va très loin. 

    Signé : Cazengler, Tö Tö l’haricöt.

    Tö Yö. Le Trois Pièces. Rouen (76). 16 juillet 2025

    Tö Yö. Yosuieiho - Tö Yö Live At Shindaita Fever. Not On Label 2025

    Concert Braincrushing

     

     

    Wizards & True Stars

    - Le rock à Billy

    (Part Seven)

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             Après l’épisode Headcoats, Wild Billy Chidish repart de plus belle avec les Buff Medways, c’est-à-dire Johnny Barker et Wolf Howard. Ils virent les casquettes Sherlock et revêtent des uniformes anglais de la guerre de 14. On verra même Wolf porter un casque à pointe, histoire de bien rigoler avec la paraphernalia militaire. Buff Medways, c’est 5 albums, entre 2001 et 2005. Big Billy entre avec Buff Medways dans sa période Who/Hendrix.

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             This Is This est sans le moindre doute le plus hendrixien des albums de Big Billy. «Cross Lines» est une fabuleuse resucée de «Crosstown Traffic». Il recrée littéralement le mythe. Il monte aussi «Don’t Hold Me Back» sur les accords de «Fire». Même fin en soi à coups de let me stand by your fire, et t’as même la plongée en enfer. Ils sont encore en pleine hendrixité des choses avec «Till The End Of Time» et ils font monter plus loin «Don’t Give Up On Love» à l’hendrixienne, les chorus sont du pur jus d’Are You Experienced. Dans «Till It’s Over», tu crois aussi entendre dans les ponts des échos de let me stand by your fire. C’est un son très chargé, Big Billy y case tous les riffs hendrixiens qu’il a pu choper. Et puis rien n’est plus in the face que ce «No Mercy» d’ouverture de bal. C’est du mayhem ultime. Itou pour «This Won’t Change», attaqué au riff de basse sixties, un véritable chef d’œuvre d’attaque frontale. Et dans le morceau titre qui boucle le bouclard, Big Billy réussit l’exploit de sonner comme Richard Hell dans Dim Stars.

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             On sent une nette poussée vers les Who dans Steady The Buffs. Ils reprennent d’ailleurs «Ivor», qui n’est autre qu’Ivor The Engine Driver, qu’on entend via The Ox dans «A Quick One While He’s Away». Alors Big Billy tape en plein dans l’œil de la cocarde, avec des chœurs de folles, de l’énergie foutraque, et le moonisme de Wolf, tout y est ! Summum du genre ! Encore plus Whoish que les Who - You are/ Forgiving - Explosif ! Encore du killer Whoish avec «Strood Lights». Big Billy a fait ça toute sa vie, alors pas de problème. Il tape ensuite le «Misty Water» des Kinks en mode Buzzcocks. Rien ne peut arrêter Big Billy sur le chemin de la grandeur marmoréenne. Son «Well Well» n’est autre que le vieux «Baby Please Don’t Go» et il s’adonne à la suite à l’une de ses spécialités, le super-blast, avec «You Piss Me Off». Et le «Toubled Mind» qui ouvre la balda n’est autre que le vieux «Trouble Times». Il le recycle. C’est de bonne guerre. Il ne rate pas l’occasion de pousser l’un des plus beaux wouahhhhh de l’histoire du rock, histoire d’introduire un killer solo flash d’antho à Toto. Johnny Barker bombarde tout ça de bassmatic impénitent. «Archive From 1959» est purement autobiographique - Started school/ In nineteen/ Sixty five - Punk rock baby ! Et puis «Sally Sensation» va t’en boucher un coin. Les Buff Medways sont alors le plus puissant power-trio britannique.

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             Encore un wild wild wild album des Buff Medways : 1914. Triple hommage aux Who avec «Unable To See The Good» (pas de pire explosivité ! Coup de génie faramineux), «Just 15» (monté sur un bassmatic exubérant) et «Saucy Jack» qui n’est autre qu’«Happy Jack». Avec ça, t’es calé, mais il y a encore de la viande à avaler, comme par exemple ce vieux «All My Feelings Denied» qui date des Headcoats, monté sur une carcasse des Sonics. Big Billy indique qu’«Evidence Against Myself» est recorded live in the front room - The song is about my nature: I find a speck of dirt in my heart and hold it up for all the world to see - Et puis t’as «Nurse Julie» - Nurse Julie/ please talk to me - Complètement dévastateur, avec un killer solo tranché dans le vif, puis dans le riff. Tu tombes plus loin sur «Barbara Wire», un shoot d’heavy British Punk, très Buzzcocks. Avec «You Are All Phoneys», il dénonce tout le bordel - Rock stars/ Are phoneys - Il se paye un killer solo d’étranglement convulsif sur «Caroline». C’est sa grande spécialité. Sur l’encart, Big Billy indique qu’il enregistre avec deux micros - We don’t hide behind volume or celebrity - Et il déclare ceci qui vaut son poids d’or du Rhin : «We are not a rock group, we are not an garage rock group, we just play rock n roll in the tradition of Link Wray, British r’n’b and early punk.» À quoi il ajoute : «We are just happy to be good at what we do, we don’t need celebrity or all that junk. The Buff’s don’t go to parties et ne fréquentent pas les gens qui pourraient nous aider, on ne veut pas que nos chansons soient utilisées pour la publicité de bagnoles inutiles ou de marques de fringues qui font travailler les gosses with no piss break. We’re anti cool and plan to remain nobodies. Go and tell your friends that you’ve heard a real rock n roll group. May all beings be happy.» L’anti-star Big Billy signe ça en 2003.

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             Medway Wheelers est encore plus Whoish que 1914. Le solo d’«A Distant Figure Of Jon» est du pur Pete Townshend, et le bassmatic dévorant du pur John Entwistle. Big Billy attaque «Medway Wheelers» à la pure Whoisherie, c’est complètement enroulé dans «Substitute» et Graham Day te bassmatique ça en profondeur. Ils attaquent «Private View» aux chœurs des Who, c’est réellement explosé de chœurs et de Wolfmania : Wolf bat exactement le même beurre que Moonie. Rrrraplaplapla Rrrataplac ! En fait, Big Billy mélange les Who avec des stances à la Johnny Rotten. Il recycle aussi son vieux «The Man I Am» et l’attaque cette fois au riff proto. Big Billy n’en démord plus. C’est le roi de l’attaque frontale. Avec «Karen With A C», on voit bien que Wolf bat comme Moonie. Rrrraplaplapla Rrrataplac ! Big Billy chante son «22 Weeks» comme un vieux punk qui aurait trop écouté les Who. C’est bien enfoncé du clou ! On entend les accords de «My Generation» dans «Dustbin Mod». Graham Day fait encore des étincelles en B avec «You’re Out The Band Sunshine». On croit entendre la basse des Equals. Il te cloue bien la chouette à la porte du beat. Et puis tu vas te pourlécher les babines de ce «Poundland Poets» monté sur le beat du fondamental «Last White Christmas» des Basement Five. Que peux-tu attendre de plus d’un album de rock ? Rien.  

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             Pas question de faire l’impasse sur The Xfm Sessions. Tu sais pourquoi ? Parce que tu y trouves la seuls version enregistrée du «Fire» de Jimi Hendrix, que Big Billy joua au temps d’avant au Nouveau Casino. C’est l’une des covers définitives de l’histoire des covers, comme si l’élève dépassait le maître, et quel maître ! Cet album live est complètement Whoish, tu y retrouves «Strood Lites» que lance Johnny Barker au big bass drive, t’as aussi une cover d’«ATV», Action!/ Time!/ And vison !, il s’amuse bien le vieux Billy ! Wolf te bat sec le vieux «Troubled Mind», et Graham Day prend la basse pour bombarder «What You Got» et ramener des chœurs Whoish. C’est encore lui qui bassmatique «David Wise» et «Fire». Ce concert au Nouveau Casino fait partie des meilleurs souvenirs de concerts, avec ceux des Who à la fête de l’Huma et des Heartbreakers au Bataclan.

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             Nouvel épisode de la saga childishienne avec les Spartan Dreggs. Big Billy garde Wolf dans l’équipe et s’adjoint les services de Nurse Juju et de l’excellent Neil Palmer, qui du coup prend le lead, chant et guitare. Big Billy passe à la basse. Alors autant le dire tout de suite : les quatre albums des Spartan Dreggs sont un fantastique hommage aux Who. 

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             Sur Forensic R’n’b, t’as 7 cuts qui pourraient figurer sur un album des early Who. Ça commence avec le morceau titre en ouverture de balda. Ça a le mérite d’être clair : en plein dans le full blown Whoish, les Dreggs poussent l’art des Who dans les orties, même les chœurs sont purs. Et derrière, tas le bassmatic de Big Billy qui pétarade comme ce n’est pas permis. Palmer qui baigne les golfes clairs passe un petit solo inverti dans «The Ocean River Runs Around The Edge» et ça repart en mode infiniment Whoish avec «Tower Block» - My baby lives in a crumbling tower block - Neil Palmer est un puissant leader. «The Fishing Tameraire» est le Temeraire des Singing Loins. Ça joue de partout. Neil Palmer is all over. Et ça ré-explose de plus belle avec «Our Strange Power Of Speech», éclatant d’attaque frontale, avec des rosaces de solace, Maximum Forensic R’n’B ! Fais gaffe, la B va t’envoyer au tapis. Boom dès «Intertidal Marshland». Un mec siffle à l’intro comme chez les Dolls et ça part en mode power-blast. Retour aux Who avec «The Charcoal Burners Lament», ils raccordent les cocotes de Ricken avec des solaces étiolées. C’est glorieux. On reste dans l’éclat des Who avec «Scout-A-Boo» et de fantastiques montées aux chœurs. Ils font du rock Quadrophoniaque. «Are You A Wally?» sonne comme un hit de 1965 : Maximum R’n’B au Marquee ! Wolf a l’intelligence du beurre de Moonie, il recrée toutes les dynamiques explosives et Big Billy, via son tugboat bass, recrée le ramdam de The Ox. Alors le tour est joué. 

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             Hélas, Deggradation n’est pas aussi bon que le Forensic R’n’B. Ils sont dans un trip plus héroïque. Don Craine des Downliners Sect signe un petit texte au dos de la pochette, histoire de rappeler l’importance des Tales of the heroic age - From the Iliad to the Irish Mythological Cycle 1 - Le son s’en ressent. Big Billy fait du prog héroïque et ça coince, même si on retrouve le power pur dans «Grimen Mire». Big Billy rentre dans le chou de l’heavy heroic prog. On sauve encore «The Goose Girl» en B, mais pour le reste, ceinture. Palmer chante tout à la surface des golfes pas très clairs, comme dirait Bashung.

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             Histoire de bien brouiller les pistes, Big Billy fout un avion sur la pochette de Coastal Command. Encore quatre hommages aux Who : «A Shropshire Lad» (bardé d’éclats étoilés), «Punk Before Chips» (Punk before chips/ On Radio Six/ We’re the Spartan Dreggs!), «Transcending Utter Deggradation» (en plein dans le mille de la cocarde) et «We’ve Written Our Song (And Done Our Duty)», avec tout le power et les chœurs de lads des Who. Les Spartan Dreggs sont sans doute le groupe le plus entreprenant de Big Billy. Il défonce les annales d’«Eli The Baker» à la basse fuzz. Power incommensurable ! Et en B, t’as le morceau titre qui fracasse le freakbeat, ça claque dans tous les coins, Big Billy n’a jamais été aussi flamboyant !  

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             Dernier spasme des Spartan Dreggs : Archaeopteryx Vs Coelacanth. Album complètement Whoish, et ce dès «The Fen Raft Spider», où Wolf ramène tout le ramdam de Moonie et t’as en prime tout l’éclat des chœurs de lads des Who. Pareil avec «The Drawing Down Of The Blinds», très Who Sell Out, puis «A Romance British Song» et «The Insulted Choir», pure pop de frustration sexuelle et de gros pif boutonneux à la Townshend. C’est délicieusement imparable. Sur «Oak» Nurse Juju fait de belles harmonies vocales par derrière. Cut confus, bien brouillé de la piste. «Cure Of Love» qui est plus Downliners opère un beau retour aux sources. 

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             Il existe un autre album des Spartan Dreggs, Tablets Of Linear B, mais il fallait découper les coupons de deux autres pochettes des Dreggs pour l’avoir, alors laisse tomber.

    Signé : Cazengler, Bluff mais ouais

    Buff Medways.

    This Is This. Vinyl JapanJapan2001                                                                          

    Buff Medways. Steady The Buffs. Transcopic 2002

    Buff Medways. 1914. Transcopic 2002

    Wild Billy Childish & The Buff Medways. Medway Wheelers. Damaged Goods 2005

    Wild Billy Childish & The Buff Medways. The Xfm Sessions. Damaged Goods 2007

    Wild Billy Childish & The Spartan Dreggs. Forensic R’n’b. Damaged Goods 2011

    Wild Billy Childish & The Spartan Dreggs. Deggregation. Damaged Goods 2012 

    Wild Billy Childish & The Spartan Dreggs. Coastal Command. Damaged Goods 2012

    Wild Billy Childish & The Spartan Dreggs. Archaeopteryx Vs Coelacanth. Squoodge Records 2015

     

     

    L’avenir du rock

     - Zement c’est dément

             L’avenir du rock s’est encore fait ramasser par la Gestapo. Ces ordures ont tout essayé sur lui, mais rien n’a marché, ni les coups de barre à mine sur la bite, ni l’arrachage des ongles à la pince becro, ni le rat lâché dans sa culotte, ni les pieds plongés dans la friteuse, ni l’accrochage au plafond par les oreilles, ni l’obligation de manger le caca de l’Oberführer avec du ketchup, rien ! On ne parle même pas de la baignoire, du chalumeau ou des prélèvements de peau au scalpel, soi-disant pour lui fabriquer un abat-jour en souvenir. Chaque fois qu’on lui demande s’il connaît le chef de la Résistance, l’avenir du rock dit non, alors l’Oberführer lui dit qu’il ment, et comme l’avenir du rock déteste se faire traiter de menteur, il glapit :

             — Zement pas !

             Alors les brutes redoublent d’ingéniosité. Ils lui tatouent des croix gammées sur le front, ils le marquent au fer rouge sur les joues, ils lui greffent des boulons rouillés sous la peau.

             — Zement pas !

             Ça finit par les écœurer. Si vous souhaitez écœurer des bourreaux, suivez la recette de l’avenir du rock :

             — Zement pas !

             Ils finiront par en avoir marre avant vous.

             Ils essayent une dernière fois. Ils font venir un taureau pour sodomiser l’avenir du rock, puis ils l’enferment à poil dans un congélateur pendant une nuit entière et le réveillent en lui balançant l’huile bouillante de la friteuse dans la gueule, puis ils lui cousent une fermeture éclair sur la bouche pour qu’il la ferme quand il dit «Zement pas», puis ils tentent de lui greffer des nibards pour faire honte à sa masculinité, mais rien n’y fait.

             — Zement pas ! 

     

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             Tout le monde l’a bien compris : l’avenir du rock est prêt à faire n’importe quoi pour assurer la postérité d’un groupe dément comme Zement.

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             C’est une soirée à la cave qui va te remonter le moral, après le désastre binicole : Zement, en première partie des petites coquines argentines de Fin Del Mundo. Nous les saluerons un peu plus tard. En attendant, parlons un peu de Zement : des Kraut allemands, deux Johnny casquettes et un gros bassiste qui joue très peu. Celui qui gratte ses poux derrière un immense synthé germanique s’appelle Philipp, et comme on dit, l’habit ne fait pas le moine. Quand il arrive sur scène derrière son gros synthé et sous sa casquette, tu ne lui accordes pas la moindre chance. Tu te dis chouette, on va aller siffler une jupi vite fait au bar. Te voilà pris une fois encore en flagrant délit d’apriorisme, car Philipp est un crack : (long) cut après (long) cut, il réinvente un

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    genre qu’on prend difficilement au sérieux, le kraut de bic, sauf quand c’est Can the Can. Quand il est bien joué, le kraut de bic peut te monter au cerveau, et dans le cas de Zement, c’est exactement ce qui se passe. C’est le genre musical le plus insidieux de tous. Tu ne te méfies pas et soudain te voilà baisé. C’est exactement la même chose lorsque tu traînes avec une nympho : tu ne fais pas gaffe et soudain, tu t’aperçois qu’elle a mis la main dans ta culotte. Et il est trop tard. Zement t’engloutit, Zement te laboure, Zement t’assimile, Zement t’éclate au Sénégal, Zement te colonise, Zement t’asservit, Zement t’embarque pour un aller simple, Zement crée son monde, ce mec Philipp devient a hero just for one day, il gratte des poux qui prennent feu, il tellurique ta mère, il fait des grimaces d’un hérétique qu’on charcute au tison, et à sa droite, son pote Christian Budel bat une sorte de beurre de jazz somptueusement désarticulé, qui prend une tournure hallucinante lorsque Philipp embouche un sax pour Coltraner son kraut de bic, et franchement, tu te demandes vraiment ce que font ces deux superstars, ici, au fond d’une cave, en plein mois d’août. Ce qui t’affole le plus, c’est de voir que très peu de gens profitent de tout ce talent. On doit être une

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    petite vingtaine d’happy few, alors que t’avais des milliers de personnes qui assistaient à l’étalage de la daube binicole. Par ici, on appelle ça le monde à l’envers. C’est la même chose que de faire passer Kim Salmon AVANT Cash Savage, au Petit Bain. On vit aujourd’hui dans ce monde. Le plus difficile est de s’habituer à cette idée du monde à l’envers. Pour certains, ça ne sera pas possible.

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             En attendant, écoutons le Passenger que Philipp était tellement fier de vendre l’autre soir. Une fois passé le cap des deux premiers cuts, t’arrives au paradis de Philipp : «Making A Living» sonne comme de l’exotica germanique, ça monte doucement en pression hypnotique. L’hypno, ça marche toujours. Philipp est un fieffé musicologue, il ramène du sax sans sa soupe. Il exhorte au take off dans «Journeys To A Beautiful Nowhere». C’est vraiment très insistant, il gratte ses poux derrière ses machines, il installe un Wall of Sound derrière les spoutnicks. Puis il se fâche avec «Back To My Looping Cave». Il gratte les poux du diable et là ça devint sérieux, il se révèle tel qu’on l’a vu sur scène, un vrai killer, il en fait des kilos et bascule dans l’hyper violence, avec toute la dynamique du back to/ My looping cave, et ses poux prennent feu. Là ça devient extrêmement sérieux, Philipp fout le feu au Kraut, ça prend une tournure apocalyptique, l’effarant Christian Budel pulse tout ça au beat hypnotique. C’est avec «The Night We Saw The Holy Ghost» qu’il sort le sax d’Ornette et derrière, Christian bat le beat désarticulé avec la classe d’un squelette des catacombes. C’est du free à la dérive astrale. Diable, comme ce mec est brillant, il lance sa machine et fait haleter le sax, il a tout compris. Ça respire intensément, en free form, il se laisse complètement aller et t’as le vrai truc, au-delà du kraut de bic et des étiquettes à la mormoille. Il monte son free form en neige et comme Ornette, il te drive ça dans la nuit.

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             Intrigué au plus haut point, tu fous le grappin sur l’album précédent, Rohstoff, paru en 2021. C’est un pur album d’hypno. Mise en bouche avec «Goa», Christian Budel te bat ça dru, alors Philipp développe sa petite ambiance ambivalente. Le Goa s’accroche à toi comme un gros cancrelat hypnotique. T’as un beau drive de basse sur le «Soil» qui suit. Wow, ça zoue chez Zement, Philipp agrémente son hypno d’ambiances synthétiques extrêmement persuasives. Tout se tient sur Rohstoff, «Seine» aussi. Tout s’aboutit en toute logique, l’hypno t’obsède, tout s’absout, tout s’étire, tout s’admet, tout s’y met, tout s’omet et tout s’amène. Ils font du bon Can dira-t-on avec «Entzucken». Même power hypno, c’est subtil et bien pensé. Il ne se passe rien en surface, tout se trame dans l’attitude de la latitude, pas facile à expliquer. C’est du big bersek. Philipp sait monter son hypno en neige. Il regagne la sortie avec «Atem», une belle petite cavalcade. Tout est bien sérié, bien calibré, bien en avant toutes, tout est soigneusement délibéré, bien à dada sur le bidet, bien sanglé de frais, libre de toute contrainte, enclin à l’enclume. La claquemure est totale.

    Signé : Cazengler, Zement comme un arracheur de dents

    Zement. Le Trois Pièces. Rouen (76). 5 août 2025

    Zement. Rohstoff. Crazysane Records 2021

    Zement. Passengen. Crazysane Records 2025   

    Concert Braincrushing

     

    Inside the goldmine

     - Wheels on fire

             Will était ce qu’on appelle un surexcité. Et quand on a dit ça, on n’a rien dit. Il semblait écumer en parlant. De grosses veines saillaient dans son cou. Il répétait plusieurs fois la même phrase, et souvent, il claquait la table du plat de la main pour appuyer le dernier mot, avant de repartir dans une autre diatribe. Il avait les manies d’un speed-freak, mais ces sautes d’humeur répétitives semblaient naturelles, chez lui. Il avait ce qu’on appelait autrefois un tempérament sanguin, mais avec quelque chose de profondément malsain en plus. Tu te demandais parfois s’il n’allait pas te frapper. Ses mains volaient en permanence et il te fixait d’un regard noir. Comme tu fréquentais sa belle-sœur, il indiquait d’un ton menaçant à peine voilé qu’il valait mieux «que ça se passe bien avec elle», t’avais presque envie de rigoler, mais en même temps, tu sentais qu’il valait mieux éviter, car il était tellement imprévisible qu’il pouvait mal le prendre. Pour bien compliquer les choses, il avait pris la fâcheuse habitude de se pointer en pleine nuit. Quand on entendait tambouriner à la porte, on savait que c’était lui. Il savait qu’on était là car il avait vu la bagnole en bas. Il entrait, allait directement dans la cuisine chercher des bières et s’installait dans le canapé. Tu savais que tu n’allais pas pouvoir retourner te coucher. Il valait mieux essayer de prendre les choses du bon côté et faire semblant de s’intéresser à ses vitupérations intempestives. Et pour corser l’affaire, il guettait le moindre signe de malaise chez les autres, histoire de balancer un truc du genre : «Vazy, dis-le si ma gueule te revient pas !», ce qu’il fallait bien sûr éviter, car l’agressivité montait d’un cran et on le voyait serrer les poings, ce qui n’était pas bon signe. Il ne cherchait qu’une chose, en réalité : un prétexte pour frapper les gens qu’il n’aimait pas. Et à part lui-même, il n’aimait personne.

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             Avoir Will dans ton salon peut poser un problème. C’est tout le contraire avec Wheels. Will et Wheels n’ont qu’un seul point commun : l’art de créer de la tension, mais pour le reste, c’est le jour et la nuit : on accueille Wheels à bras ouvert, alors qu’on pousse un soupir de soulagement lorsque Will quitte les lieux.

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             Si tu veux écouter les Wheels, le mieux est de rapatrier la compile Big Beat sortie en 2012, Road Block. L’album fait partie des passages obligés, c’est-à-dire des albums indispensables, si tu en pinces pour le raw. Au dos du Big Beat, Grant Forbes amène quelques infos datées de 1966 (?) sur les Wheels. Il rappelle que le groupe vient du même endroit que les Them, Belfast. Puis ils sont allés s’installer à Bristol pour tourner dans le Nord de l’Angleterre. Les Wheels doivent leur réputation sulfureuse à Rod Demick et à sa «fantastic blues voice». Le mec au crâne rasé sur la pochette est l’organiste Brian Rossi, qui voulait se distinguer des «hordes of would-be

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    long-hairs». Les Wheels signent sur Columbia et sortent un premier single qui est une cover de «Gloria». C’est dirons-nous la cover des Athéniens qui s’atteignirent. Ils sont en plein dedans ! Leur deuxième single sera «Road Block» qui donne son titre au Big Beat. Tu y retrouves la tension des Them et le big bass sound, c’est du hot as hell. De l’autre côté de ce deuxième single, t’as «Bad Little Woman», un chef-

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    d’œuvre protozozo inspiré par la transe de Gloria. C’est de la pure folie d’its alriiiiite. Forbes indique que le single circula aux États-Unis et qu’il tomba dans les pattes des Shadows Of Knight qui s’empressèrent de le reprendre sur Back Door

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    Men. Et pour leur troisième et dernier single, les Wheels tapent une cover du «Kicks» signé Mann & Weil et popularisé par Paul Revere & The Raiders. Bizarrement, les Wheels en font un version poppy popette. Sur le Big Beat, tu croises une autre horreur, l’«Im Leaving» d’Hooky, et ça retombe en plein dans les Them, le Rod y va au that’s my home !, avec un final en mode Them apocalyptique, c’est du pur proto-punk digne de «Crawdaddy Simone». Déterré aussi, voilà «Send Me Your Pillow» un shoot de British beat chauffé à coups d’harp. Ce Big Beat est un vrai must ! On y croise aussi une mouture poppy du «Call My Name» de James Royal. Quatre bombes, c’est déjà pas mal pour un Big Beat.  

    Signé : Cazengler, Vil

    Wheels. Road Block. Big Beat Records 2012

     

    *

    Je ne pouvais pas rater ce concert. Jusqu’à ce que n’apparaisse son affiche j’ignorais jusqu’à l’existence de ce groupe, mais son seul nom raviva en moi un souvenir frémissant de lecture, une scène sise en Le Spectre aux balles d’Or, la suite de La Mine de l’Allemand Perdu, le douzième épisode des aventures du Lieutenant Blueberry, un scénario qui aurait été inspiré à Jean-Michel Charlier et Jean Giraud par le film L’or de MacKenna, un beau western (1969), je vous recommande la version française (Part 1 & Part 2) du générique, chantée par Johnny Hallyday, l’un de ses meilleurs titres.  Autre source d’inspiration  Les Chasseurs de Loups et Les Chasseurs  d’or de James Oliver Curwood. Tant que l’on cause de Curwood, allez faire aussi un tour sur son chef d’œuvre : Le Piège d’Or.

    Je vous résume succinctement la scène : un crotale criminellement introduit au fond d’une botte… Vous ne vous étonnerez donc pas si le groupe se nomme :

    SNAKES IN THE BOOTS

    3B

    (Troyes - 08 / 08 / 2025)

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    Sont trois, placidement alignés au fond du bar, z’ont de l’espace, vu la chaleur quasi-caniculaire l’on se dit qu’ils ont de la chance, un de plus z’auraient été serrés comme dans une cocote minute. En fait c’est nous qui avons eu de la veine, un vrai filon d’or, mais comme ils n’avaient pas encore joué une note, on ne le savait pas. Guitare, rythmique, contrebasse. Chanteur ? Vous voulez rire. D’abord ils n’en ont pas besoin. Ensuite tout le monde sait que le rockabilly ne se chante pas. Ne commettez pas un raisonnement stupide, non ce n’est pas un groupe instrumental. Le rockabilly a juste besoin d’un interprète. Ils en ont un. S’appelle Thibaud Lefaix. En trois titres l’a mis les pendules du rockab à l’heure. L’on en a oublié que ses doigts couraient sur la rythmique. Idem pour ses deux acolytes qui le flanquaient, un sur sa droite, un sur sa gauche. Ne vous inquiétez pas, ils s’occuperont de nous tout à l’heure.

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    Le rockabilly man ne cherche pas à chanter, tout réside en la parfaite adéquation entre la voix et la volonté de cette voix qui ne s’enkyste  pas  dans la recherche stérilement abusive de  la note juste – ce qui ne veut pas dire que l’on se doit de rechercher la fausse.  Il s’agit de mimer non pas le sens des paroles mais de maintenir l’intention explosive de l’exposition du récit de ce qui est en train de fondre sur l’auditeur. Lefay ne chante pas, il monte, il descend, il dégringole, il tranche, il rassure, il entre en transe, il clapote, il serpente, il minaude, il gronde, il galope, il stoppe, il winchesterise, ii rebelote, il séminole, il vérolise, il bêle, il blatère, il baraque, bien plus encore, et tout cela chrono en main en deux minutes. Vous avez reçu entre les deux oreilles, un film d’action trépidant, un dessin animé déjanté, mais maintenant c’est fini. N’en demandez pas plus. D’ailleurs le groupe ne vous fait pas le coup de faire briller l’enjoliveur de la malle arrière. C’est fini, alors ils arrêtent de jouer. Vous surprennent à tous les coups. En moins d’une seconde l’instrumentation se met en grève. Plus rien. C’est ça le rockabilly, le petit Chaperon rouge n’a pas le temps de se promener, le méchant loup sort du bois et la croque illico sur un tapis de coquelicots. Pas le temps de vous remettre de vos émotions ou de pleurnicher, c’est Barbe Bleue qui prend la suite et trucide sa septième épouse d’un coup de poignard intrusif et définitif.

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    A la fin du deuxième morceau, l’on demande à Stéphane Ferlay de monter le son de sa double bass. On n’aurait pas dû, fairplay il s’exécute. C’était introduire le renard dans le poulailler, l’a maintenant a quadruplex bass entre les pognes. Quel boxeur ! Quel swingueur ! Quel tapageur ! Stéphane il ne picore pas, il chicore. Ouragan sur le Caine non-stop !  Les hordes d’Attila sont lâchées, là où elles passent les poils de vos oreilles ne repoussent pas, mais quel régal ! A lui tout seul il est les Percussions de Strasbourg. Il doit confondre les cordes de son instrument de douce torture avec celles qui délimitent les rings de boxe. Il tonne, attention il n’en fait pas des tonnes, il ne joue jamais au matou-vu perché sur le toit de l’église en feu, l’est tout comme Zeus tout en haut de l’Olympe, il domine le monde. Silence, le morceau est terminé. Oui mais lui il n’a pas fini. Non il ne touche plus à sa contrebasse. Celle qui tabasse. Alors il vous achève, de deux mots qui tuent. De rire. La réflexion qui flexionne vos zigomatiques. Un pince-sans-rire qui ne le vous fait pas dire. Géant débonnaire désopilant.

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    ( Photos : Régis Laine)

    Suite aux propos précédents, il semblerait que Mathieu  Clairvoy en soit réduit à la portion congrue. Pourtant l’on n’entend que lui. Et sa guitare d’or. Une midasienne, tout ce qu’elle touche elle le transforme en or sonore le plus pur. Pas le gars qui tire la couverture à lui. Toutefois il ne se passe pas deux secondes sans qu’il n’intervienne. Avec un tel à propos que ça ressemble à une intervention d’urgence. D’orgence devrais-je dire si vous acceptez ce  très mauvais jeu de mot. Je passerai sous silence ces soli au maximum de quinze secondes. Comment peut-il bouter le feu à la forêt hercynienne de nos sensations en si peu de temps ! C’est la stricte loi du rockab. Ou vous vous y pliez ou vous adoptez un autre style de musique. L’a un truc en plus. Les fioritures irremplaçables, la chantilly  à l’arsenic sur la glace aux marrons, ou la bouteille de champagne emplie de nitroglycérine pour baptiser le destroyer, l’a les doigts qui patinent dans le platine et les tubulures du cerveau qui carburent aux hydrocarbures de l’inventivité la plus pure, le mec vous fait pousser à la queue-leu-leu  des bao(rock)abs soniques dans votre ouïe, des clinquances fabuleuses, des ronronnements de dinosaure, des feulements de tigre mangeur d’hommes, méfiez-vous vous appartenez à cette triste espèce de bipèdes en voie de disparition, un styliste, pas de brouillon, aucune rature, en plus il vous sert la pâture sans esbrouffe, sans esclandre, à croire qu’il ne s’est pas aperçu de l’uppercut qu’il vient d’envoyer au public.

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    Trois sets. Le premier vous n’avez jamais entendu cela de votre vivant. Ou alors c’est que vous avez une belle collection sur vos étagères, du Johnny Burnette, du Don Woody, du Carl Perkins, du Sony Fischer, du Buddy Holly, pas du revival à la Stray Cats, pas à la revisitation Cramps, proximité authentique, mais rien de mortifère, d’académique, de naphtalinaire, ils ont saisi l’esprit et la racine, n’érigent pas de mausolée, insufflent de la vie, de l’entrain, de la joie, l’on sent qu’ils aiment ça, ne jouent pas au papier calque, ni du papier calcre. Pas de triche. Fontaine de jouvence.

    Deuxième set un peu similaire au premier, cependant une imperceptible différence, mais c’est en écoutant le troisième que l’on comprendra ce qu’il préfigurait. Poétiquement parlant, sont passés de l’octosyllabe à l’alexandrin.  N’ont pas chevillé des rallonges à la tablature, mais les résultantes harmoniques sont différentes. En mentant un max l’on dirait : ce fut un set instrumental. Bien sûr il n’en fut rien, du rockabilly sans voix c’est comme un baiser sans noire moustache et même plus grave sans Cadillac rouge. Simplement z’ont laissé les aller les abrupts chemins de traverse du rockab dans quelques sinuosités instrumentales, rien à voir avec les longueurs d’une symphonie, simplement laisser couler le flot torrentiel sur son aire pour jouir de la vitesse pure de son impétuosité natale.

    Bref une soirée d’autant plus inoubliable que les connaisseurs étaient nombreux dans le public. Béatrice la patronne sait choisir les serpents les plus sauvages. Faut avoir déjà été mordu pour apprécier les morsures à leur  démesure.

    Viennent de Bretagne. Géographiquement le renseignement est bon. Mais z’ont dû être transfusés avec de l’ADN des Appalaches.

    SNAKES IN THE BOOTS

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    Brown Eyed Handsome Man : c’est par ce morceau de Chuck Berry qu’ils ont débuté leur show au 3B, n’avaient pas le piano de Johnnie Johnson, alors ils ont plutôt regardé du côté de Buddy Holly et son magistral saupoudrage de guitare, oui les pionniers c’est bien bon, mais faut parfois les booster pour les adopter à notre époque trépidante qui fonce vers sa propre autodestruction. Alors ils vous envoient un missile qui se dirige vers vous et vous fait exploser le palpitant. Devaient avoir un rendez-vous après la séance studio car ils sont pressés. Rien de mieux qu’une bonne baffée de gifles pour vous réveiller et vous avertir que vous n’avez pas vu passer le premier titre de cet EP dévastateur. You’re Barking Up The Wrong Tree : l’existe une compilation de Don Woody chez Bear Family, le titre est sorti en sorti en 1957, oui mais depuis les chiens aboient plus fort : si vous mettez en doute mes assertions éthologiques sur le comportement animal écoutez ce morceau, une espèce de piétinements de mille loups affamés qui foncent sur vous, et le meneur de la horde qui aboie à la lune qu’ils viennent de croquer. How come it : sur ce titre George Jones tangue salement comme un navire que l’océan submerge, nos serpents quittent leurs bottes et jouent au Léviathan, détruisent tout sur leur passage, ‘’hystérie collective incompréhensible toutefois fortement répréhensible dans un studio’’ a dû noter le commissaire alerté par les voisins sur son rapport. Red Ants in my Pants : Un original, apparemment des reptiles dans leurs pantoufles ne leur suffisaient pas, nous racontent un beau bobard qu’ils auraient des fourmis rouges (turgescentes ?) dans leur pantalon, perso aux bruits juteux (néanmoins délicieux) qu’ils émettent j’opterais pour un troupeau de brontosaures dans leurs salles de bain. Wild Wild Lover : un bel hommage à Benny Joy rockabillyman hyper doué, qui aurait pu, qui aurait dû… Dernière malchance, la camarde peu camarade ne lui a pas permis de profiter de la reconnaissance qui a pointé son nez à l’aube des années 80 : les Snakes en font une version torride, mais l’aspect gloomy de l’original aura votre préférence.

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             Un EP sauvage. Abattez sans sommation toute personne qui s’approchera de votre exemplaire à moins de douze mètres. Il est des plaisirs égoïstes qui ne se partagent pas.

    Damie Chad.

    P.S. : les deux derniers titres sont aussi disponibles sur le 45 t Snakes In The Boots sur Spare Time Records (FRS 011)sorti en mai 2023.

     

    *

             La vie de Maya Angelou (1928 – 2014) est un long fleuve torrentueux. Elle en décrit le parcours dans son autobiographie de sept volumes. Elle fut une activiste, une militante pour les droits civiques, sa vie mouvementée croisa celle de Malcolm X, de Luther King, de James Baldwin… des noms que nous avons déjà rencontrés à plusieurs reprises dans nos livraisons.

             Née pauvre et noire elle connut misère et petits boulots, prête à saisir toutes les occasions pour survivre. Notamment entraîneuse, danseuse et, détail qui nous intéresse particulièrement, chanteuse. Dans cette chronique nous nous pencherons sur le tome de son autobiographie qui conte cette période de son existence mais aussi sur les circonstances qui conduisirent plus tard au seul album musical qu’elle ait enregistré.

    CHANTER, SWINGUER, FAIRE LA BRINGUE

    COMME A NOËL

    MAYA ANGELOU

    (Noir sur Blanc Editions / 2024)

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             Le titre est attirant, avis aux amateurs de livres grivois il ne correspond ni aux saturnales, ni aux bacchanales qu’il semble nous promettre. Les amateurs de rock’n’roll se jetteront sur le QR code final ajouté par l’éditeur qui vous renvoie à une centaine de titres cités dans le bouquin, je ne cite que deux noms Wynonie Harris, John Lee Hooker, beaucoup de jazz aussi…

             Au début du livre Maya se voit proposé du travail par la patronne d’un magasin de disques. Bien sûr, défile toute une série d’albums que vous aimeriez posséder, mais là n’est pas la problématique. Elle est noire et son employeuse blanche. Qui fait preuve d’une attitude très déstabilisante. Tout dans ses actes démontre qu’elle est indifférente à la couleur de peau des clients et de sa vendeuse. Elle ne s’intéresse qu’aux individus. Voilà de quoi déconcerter une très jeune fille noire déjà mère d’un enfant.

             Toute la problématique des noirs américains, nous sommes à l’orée des années cinquante, vous saute à la figure.  Aujourd’hui nous dirions que les noirs se sentent racisés, ce qui ne veut rien dire car si les noirs sont racisés les blancs par simple contre-coup le sont aussi. Angelou se contente de décrire les stratégies des noirs vis-à-vis des blancs. Le passif de l’esclavage, OK ! Le poids de la ségrégation OK ! Mais malgré la lourdeur de l'handicap, les noirs subissent la dominance sociale des blancs mais en compensation ils exercent à l’encontre de leur monde clôturé une  indifférence totale. L’apartheid du pauvre en quelque sorte.

             Maya Angelou possède sa base-arrière de résistance mentale. Sa famille sa grand-mère, et sa mère qui lui ont transmis les rudiments d’une bonne conduite : l’on ne rencontre pas de problème dans son existence, si quelque chose vous pose problème, le problème c’est vous. Qui ne savez pas vous en dépatouiller.  En d’autres termes plus cruellement réalistes : affrontez les difficultés sans vous plaindre ou pleurnicher. Corollaire de ce conseil : Nécessité fait loi.

             Maya Angelou rêve d’un amant, mais aussi d’un mari. Elle en trouve un. Parmi la clientèle. Un blanc. Non, un grec. Sachez faire la différence. Un homme sérieux, qui travaille, qui s’occupe de son gosse qui bientôt l’appelle papa. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pas tout à fait. Elle finit par s’ennuyer dans son rôle de mère au foyer. Elle cherche un réconfort. Elle finit par le trouver. Non, pas un amant, Dieu en personne. Elle commence par fréquenter en cachette les diverses paroisses de son quartier. Une guerre idéologique couve dans le couple. Notre grec est athée. Pour elle retourner à l’Eglise, c’est retrouver une collectivité, du bruit, de la musique, du chant… mais surtout réintégrer l’ossature de la rédemption spirituelle du peuple noir. Les esclaves se sont assimilés au peuple hébreu de la Bible, prisonniers du pharaon ils n’ont pu traverser les aléas historiques que grâce à une fidélité exemplaire, à leur Dieu… Ce retour à la religion est d’autant plus curieux et symptomatique que Maya nous fait part de ses doutes quant à cette étrange mansuétude divine qui permet l’oppression de son peuple aimé…

             Une fois séparée de son mari la cellule familiale récupère le gamin pour qu’elle puisse travailler. Ce sera dans un cabaret, le Purple Onion, qui propose à sa clientèle des numéros chantés de striptease suggestif non intégral. Elle évitera ce genre d’attraction en proposant un numéro de danse. La direction insiste, en dehors de son passage sur scène elle devra se plier au rôle d’entraineuse. Question rémunération elle ne se plaint pas, toutefois pour un contrat en bonne et due forme elle devra adjoindre le chant à son attraction. Elle chante comme tout le monde mais ne sait pas placer sa voix, évidemment elle ne sait pas lire la musique… Le seul genre de musique sur laquelle  elle se sent capable, grâce à sa rythmique, de danser et de chanter lui paraît être le calypso. Elle sera présentée sous le nom de Miss Calypso.

             Le Purple Onion peut accueillir deux cents personnes. Elle parviendra à faire salle comble durant des mois… Nous devrions arrêter notre rapide résumé ici, car ensuite sa carrière se diversifie. On lui propose un rôle à New York dans une pièce de Truman Capote. Elle est acceptée mais elle refusera car elle est retenue pour la tournée européenne de Porgy and Bess l’opéra de George Gershwin (créé en 1935), la deuxième moitié du livre est consacrée à cette aventure intercontinentale, lecture passionnante pour tous ceux qui s’intéressent à la Musique américaine.

             La tournée s’achève, elle rompt son contrat avant les dernières représentations alertée par une lettre familiale : son fils âgé de neuf ans est gravement malade. Elle accourt à son chevet, maladie psychologique due à l’absence de sa mère. Elle lui promet de l’emmener partout avec lui. Le livre s’achève sur un contrat (très bien payé) qui spécifie un hébergement pour elle et son fils  à Hawaï. A croire que Maya Angelou est une vedette.

             Maya Angelou, est un véritable écrivain. Son récit est captivant. Peut-être en rajoute-t-elle un peu et en retranche-t-elle beaucoup… Mais en littérature tous les coups sont permis. Il suffit qu’ils soient exécutés avec style.

             Plus tard dans son existence elle partira en Afrique à la recherche des racines noires des noirs américains. Elle en reviendra dépitée mais convaincue que  la problématique du peuple noir des Etats-Unis ne pourra être surmontée que par le peuple noir d’Amérique, qui n’a plus trop rien à voir avec la situation des peuples noirs africains…

    MISS CALYPSO

    MAYA ANGELOU

    (Liberty  / 1956)

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             Soyons précis : Maya Angelou n’a-t-elle enregistré qu’un seul disque ? Oui et non. Parce qu’il existe une dizaine d’albums dans lesquels Maya Angelou lit ses poèmes. Elle est reconnue comme une des plus grandes poétesses d’Amérique.

              C’est vraisemblablement dans le tome suivant Chanter, swinguer, faire la bringue comme à Noël  qu’elle parle de l’enregistrement de son disque. Toujours est-il que la plupart des titres qu’elle cite lors de ces prestations au Purple Onion correspondent aux morceaux enregistrés sur cet album. Miss Calypso s’inscrit dans la lignée d’Harry Belafonte (né en 1927) surnommé King of Calypso qui sortit son album Calypso en 1956…

             La ressemblance des couvertures du livre et du disque est flagrante, celle du bouquin très classe, l’originale offre un décolleté davantage échancré…

    Maya Angelou : chant  / Al Bello : congas, bongos, drums / Johnny Tedesco : guitar.

    Run Joe : orchestration minimale, en comparant avec l’originale de Louis Jordan vous conviendrez que ce dépouillement permet surtout de mettre en valeur la voix de Maya Angelou mais avant tout de gommer l’aspect burlesque du morceau, certes ce n’est pas un drame shakespearien non plus, mais le vocal nous donne une sensation d’urgence inexistante chez son créateur. Oo-Dla-Ba-Doo : original de Maya, l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, juste l’envie de dire n’importe quoi, avec des percus derrière qui vous drossent le feu au cul. Scandal in the family : depuis

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    ( Toutes les photos tirées du film Calypso Heat Wawe (1957)

     dans lequel nous retrouvons Maya Angelou)

    l’adaptation française de Sacha Distel l’on ne saurait écouter avec sérieux ce scandale familial. L’original est d’Harry Belafonte. Mambo in the Africa : encore une fois gymnastique vocale, guitare téléguidée en sourdine, et la percu qui percute en douceur, le refrain est expédié sans frein. Since My Man Done Gone and Went : surprenant ça ressemble à un véritable morceau avec un début, un milieu une fin, y a même une intro mémorable (mais pas immémoriale) et un petit pont de guitare-jazzy, Maya  semble nous dire que la chanson n’est pas un simple assemblage syllabique, qu’elle aurait même peut-être un sens. Polymon Bongo : bongo partout, la musique polymorphe est faite pour remuer son arrière-train sur le polygone de tir, un bongo à vous rendre mongolo. Peut-être même bongolo. Neighbour, Neighbour :

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    un soupçon d’espagnolade caribéenne, très belafontien dans l’esprit, un voisin un peu trop entreprenant, rien de plus pour tenir la chandelle du vocal, les papillons de nuit s’y brûleront les ailes. Donkey City : non, ah non, Maya n’anone pas les syllabes, elle chantonne, elle ne tronçonne pas, elle ne hache pas, elle suit une ligne mélodique, à tel point que le morceau atteint presque les trois minutes, les percus filent doux, de la guitare s’échappent en douce quelques trilles de notes. Stone Cold Dead in the Market : attention à la concurrence sur l’original vous avez le combo de Louis Jordan mais celle qui partage le vocal n’est pas n’importe qui, Ella la diva Fitzgerald en personne, l’est vrai que cette dernière, pardon cette première, se met au niveau de Jordan, et non Louis à la hauteur d’Ella, la voix tranchante de Maya surplombe

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    l’original, l’est sûr qu’elle vient de tuer son mari ce qui lui donne du peps. Calypso Blues : de tous les titres précédents c’est le meilleur, emprunté à Nat King Cole, oui mais là où le roi Cole vous colle une chansonnette gentillette (écoutez en contre- exemple Havana Moon de Chuck Berry) Maya abandonne le calypso pour vous faire entendre le blues. Tamo : de quoi qu’elle cause on s’en fout, il y a ce mot Tamo qu’elle prononce de haut gosier, toute la force sur la première syllabe, toute l’énergie sur la seconde, vous n’entendez que lui, vous n’attendez que lui, elle aurait dû bannir tous les autres. Peas and Recel : Maya n’a peur de rien, encore une fois elle se confronte à Ella, qui nous concocte recette de cuisine à la sud-américaine avec trompettes bien embouchées. Celle de Maya est comme épurée, elle lâche ses mots à la manière de petits pois qui rebondissent dans la casserole, je ne prends pas de risque, pas match nul, mais match plein entre nos deux cuisinières au fourneau.

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    Down to Mexico (‘’Flo and Joe’’) : encore un truc volé à Nat King Cole, y’a pas photo, la guitare de Tesdesco enfonce le piano du brave Cole et la voix de Maya moins suave, davantage astringente mérite la palme. Push Ka Pee Shee Pe : Jordan possède sa fanfare, Angelou se contente de sa guitare jazz, Angelou n’a pas de de chœurs, sa voix lui suffit, elle est la trapéziste tournoyante dans les airs suspendue à quinze mètres du sol, Louis fait le clown au bas de la piste pour faire rire les enfants avec ses grosses chaussures rouges rutilantes comme des camions de pompiers…

              Tout compte fait je préfère les morceaux courts du début, genre d’exercice de gymnastique aux barres asymétriques qui essaient de se donner l’air de grandes chansons, même qu’’ils s’avèrent très souvent supérieurs aux originaux. Cet album s’écoute avec plaisir, mais il n’apporte rien de bien novateur.

    Damie Chad.

     

     

    THE COMPLETE RECORDINGS (2)

    THE CORALS

    (Around The ShackRecords 2020)

    THE LAST BUT NOT THE LEAST

             En novembre 1985 les Corals se réunissent pour enregistrer leur deuxième trente-trois tours. Le disque ne verra pas le jour. Il ne porte aucun titre, celui que nous lui attribuons sort tout droit de notre maladive imagination. Les morceaux devaient être réenregistrés, bien que le terme ne soit employé qu’une fois dans le livret ce sont en quelque sorte des démos. De véritables témoignages d’une époque qui s’achève… L’appel du rockabilly sera le plus fort pour Hervé Loison.

    Pierre Picque : lead guitar / Hervé Loison : bass guitar / Michel Francomme : rhythm guitar / Hubert Letombe : drums.

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    Hobo Rock : un soupçon de shuffle, normal, les hoboes sont les vagabonds du rail passagers clandestins des trains qui leur permettaient de traverser à les USA à la recherche de boulots (introuvables) de saisonniers… Ce sont les temps de misère noire, de la Grande Dépression, des luttes menées par les IWW… tout un pan de l’histoire souterraine des Etats-Unis. Le morceau roule tout seul, calibré à la perfection, mais au vu du titre l’on s’attendrait à quelques déraillements. Tribute To The Diggers : historialement un bond de quarante ans, nous voici avec les Diggers d’Emmett Grogan (lire son livre Ringolevio qui rend compte de cette épopée sociale) organisation anarchisante qui multiplia  spectacles, distributions de nourriture, lieux d’échanges dans le but de venir en aide aux populations de jeunes hippies attirées à San Francisco par l’idée d’une vie différente… le morceau jouit de quelques ruptures salvatrices, mais il paraît  bien en deçà de l’esprit de révolte activiste des Diggers. Spanish Guitar : qui dit guitare pense à l’Espagne, une manière pour les Corals de quitter les précédentes évocations sociales pour les vertiges égotiques de l’art pour l’art. Entre nous soit dit la veine espagnole n’est pas vraiment marquée, mais le morceau est de toute beauté. Une réussite qui démontre à l’excès que le groupe maîtrise désormais parfaitement son sujet. Coral’s Theme : vous convaincront de la justesse de notre approbation avec ce morceau de présentation : vous offrent la quintessence de ce que doit être un instrumental : d’abord la résonnance des cordes qui se doit de ne jamais être démentie ne serait-ce que d’un quart de seconde, enfin la présence de la batterie, jamais de prépondérance de m’as-tu-vu, toujours cette délicatesse d’effraction de gentleman-cabrioleur sur son pur-sang. Surfin Days : ici le son équivaut à la beauté du geste du surfer qui chevauche une grosse lame le sourire aux lèvres, la guitare et l’écume, la batterie et le ressac. Quand vous écoutez vous ne pensez plus aux filles aux seins nus sur la plage. Frankeinstein Hop ! : après les jours d’innocence les hurlements des nuits de terreurs, de l’ambiance, de l’adrénaline, des frissons, après le rêve, le cauchemar, ils se sont beaucoup amusés, vous envoient des giclées d’épouvante, un véritable film, vous ne vous plaignez pas de l’absence d’images, la bande-son est amplement suffisante. The Bullfighter : notre taureau de combat trotte allègrement dans les plaines herbacées de la country, la bestiole n’éventre personne, mais prisonnière dans le coral elle donne une impression de force tranquille que vous n’avez nullement envie de déranger. De toutes les manières elle vaque à ses propres affaires, aux coups de reins qu’elle donne doit être en train de saillir un troupeau de longues horns. Twangy Guitar : hé ! dis ! passage obligatoire à la duane quand tu te veux instrumentiste, pas question de rester en deçà de la frontière de la ligne séparation qui sépare les gratteux d’occasion de ceux qui caracolent sur les hauts de gamme, se plient à l’exercice avec imagination, ça twangue un max, mais chacun glisse sa propre lettre à la poste, ne vous laissent pas avec le résonnateur à fond la caisse, l’éloignent de temps en temps de vos tympans pour qu’il revienne en lonely cowboy encore  plus fort. California Road : une route pleine d’inconnu, vous démarrez avec le cœur qui twangue à mort, mais par la suite y a des coups de freins à vomir votre quatre-heures et virages desserrés surprenants. Je ne sais pas ce qu’ils ont fumé mais font preuve d’une imagination peu commune pour un combo purement  instrumental. Space Dreams : encore un incontournable à dépasser, le Telstar des Tornados qui en 1962 imposèrent non pas un son venu de l’’espace mais de l’imagination créatrice de Joe Meek… vous pouvez rêver mais il semble que les Corals aient confondu l’espace interstellaire avec les grands espaces, américains certes, toutefois le morceau le moins novateur de l’album. Coral Power : une belle cavalcade menée par le tambour d’Hubert, bien enlevée mais brève comme un coup de tampon ou un fer brûlant apposé sur la cuisse d’un animal pour lui montrer qui est le maître. Un paraphe de signature pour ceux qui possèderaient une âme sensible. Normalement ce titre devait clôturer cet album. Mac Bouvrie  tenait à écarter deux morceaux qu’il jugeait trop rockabilly. Dans leur infinie mansuétude, les Corals les ont rajoutés pour notre plus grand bonheur. Crazy House Bop : c’est vrai que ce Bop sent un peu trop Gene Vincent et vous avez des effulgences de guitare qui semblent sortir tout droit de Buddy Holly, des cris en sourdine inspirés de Dickie Harrell, et un rythme échevelé qui laisse à penser que nos instrumentistes regardent un peu ailleurs… Superbop ! Hot Foot Boogie : traversent leur boogie à trop grand pas pour être honnêtes. Le morceau dépasse à peine les deux minutes, le dernier tiers est un peu redondant. Peut-être n’ont-ils pas osé passer le Rubicon du rockabilly. Ne vous inquiétez pas, cela viendra bien vite. L’Histoire des Corals s’arrête-là.  

             C’est en octobre 2020 que les Corals se reforment à l’occasion de la mise en piste de ce Complete Recordings. Deux titres seront enregistrés.

    Fantastic Mac : morceau dédié à Mac Bouvrie disparu en 2014, d’autant plus hommagial que la plupart des enregistrements de son label sont malheureusement perdus. Trente-cinq ans plus tard the Corals n’ont pas perdu le son original mais l’est vrai que l’on peut ressentir des bribes de sonorité des premiers Beatles qu’affectionnait Mac Bouvrie. The Corals Bow Out : le dernier feu d’artifice, un peu Shadows, les Apaches sont en embuscade, les Corals tirent leur révérence.

             Nous n’avons fait qu’écouter les disques, si vous pensez avec raison que c’est une manière trop désincarnée, procurez-vous le CD, le livret vous racontera toute l’histoire des Corals. Photos et documents d’époque mais surtout le récit de leurs apparitions publiques avec les rencontres marquantes comme celle de Cavan Grogan

             Notons qu’Hervé Loison n’est pas le seul membre du groupe à avoir continué dans la musique. Hubert Letombe qui possède son propre studio d’enregistrement a particulièrement veillé à la qualité sonore  de ce Complete Recordings.

             Cette démarche est particulièrement importante quand on sait que les enregistrements des premiers groupes français du début des années soixante ne sont guère accessibles en leur intégralité…

    Damie Chad.

     

    *

    Quand j’entends le nom de Wanda Jackson, je ne peux m’empêcher à Phil des Ghost Highway qui l’accompagnèrent sur scène lors de sa dernière tournée en France, et de sa voix émue lorsqu’il me raconta comment elle se confiait et se raccrochait à lui dans cet étrange pays qui est le nôtre…

    The Gene Vincent Files #7: Wanda Jackson talking about the early days of her career and Gene Vincent

    L’on n’attend plus que Wanda, son orchestre fin-prêt sur la scène, on l’annonce, on ne verra pas, mais la voici assise, elle répond aux questions qui sont omises sur la bande-son, pour une américaine elle possède une voix très compréhensible, elle parle sans ostentation, on sent qu’elle a envie d’exprimer clairement ce qu’elle veut nous transmettre.

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    Le rock’n’roll a tout bouleversé. Nous les artistes, avions toujours enregistré des chansons avec l’intention de les vendre aux adultes. Mais à partir de 1955 ou 1954 le cirque a commencé.  Nous avons dû alors  évoluer et commencer à faire des chansons pour les adolescents et les jeunes. Car quand Elvis est arrivé sur scène, ce sont les jeunes filles qui achetaient les disques. Nous avons donc dû suivre le mouvement. C’était une période frénétique et confuse. Les artistes ne savaient pas quoi enregistrer. Nous cherchions à nous adapter. J’étais jeune à l’époque aussi. Tout ce que je sais c’est que c’était si frais et si nouveau. Ces chansons parlaient ou traitaient dans leur contenu de choses auxquelles un teenager devait se confronter. Les choses qui nous préoccupaient, les rendez-vous, les balades en décapotables, tout ce genre de choses, aller au bal de promo, et ainsi nous pouvions nous identifier à ce genre de chanteurs country appelés hillbilly, aucun d’entre nous n’aimait ce terme, mais c’est

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     comme cela qu’on les nommait. Mais quand Elvis jouait de la guitare et faisait ce nouveau style de truc, rien d’autre que du rock’n’roll, on a commencé à comprendre. Donc si vous jouiez de la guitare et chantiez ces chansons, vous étiez rockabilly. Il n’y avait probablement pas une très grande différence entre les morceaux, peut-être juste l’artiste qui les interprétait au début. Puis, bien sûr cela a évolué vers les années 60, les sons de la Motown, dans les groupes  ça a commencé à changer avec des concerts comme le Big D Jamboree à Dallas, puis il y a eu le Louisiana Hayride en Louisiane, le Town Hall Party en Californie, ces spectacles sont encore parmi les plus populaires aujourd’hui. Si vous pouvez mettre la main sur les vidéos, vous adorerez. Ce n’était pas difficile de jouer là-bas parce que j’étais un artiste country et la plupart d’entre nous l’étaient. C’étaient toujours du pur country. J’ajouterais simplement que je chantais Hard Headed Woman ou Let’s have a party. Rockabilly et Country sont comme des cousins germains, on peut difficilement avoir l’un sans l’autre, donc ils se mélangent très bien et je ne crois pas qu’aucun de nous ait eu des problèmes. Elvis Presley et moi avons eu des problèmes avec la grande vieille tradition qui était presque morte dans la région du coton et qui était très différente de ce que nous faisions et donc ce n’était pas une bonne expérience pour aucun de nous au début. J’ai signé avec Decca Records au bout de deux ans. J’étais encore au lycée mais je travaillais beaucoup avec Hank Thompson, je le considérais comme mon idole, il est devenu mon mentor, il était sur Capitol Records, donc pour moi Capitol Records était le plus grand label du monde et donc après que mon contrat

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    avec Decca a expiré j’ai signé, Hank m’a beaucoup aidé à obtenir un contrat, avec Capitol Records, c’était comme la réalisation d’une une utopie. En ce qui concerne les enregistrements de Capitol Records, j’ai enregistré sur la côte Ouest dans la fameuse Tower, puis à Nashville aussi. Du mieux que je m’en souvienne j’étais alors en tournée dans l’Ouest, j’avais besoin d’enregistrer, nous les artistes enregistrions beaucoup à l’époque, parce que nous devions produire  quatre singles et deux albums par an. En fait j’enregistrais à l’endroit où je me trouvais, on n’hésitait pas parce que les studios étaient  aussi bons l’un que l’autre.   Dans les années soixante on a commencé à utiliser davantage Nashville, je l’ai fait parce que le son de Nashville  était davantage apprécié par le public. Toutefois j’enregistrais quand même sur la côte, pour moi c’était un peu égal, mais Ken Nelson doit être le gars le plus gentil du monde, je veux dire qu’à travailler avec lui il pouvait vous apporter tellement ! Je peux dire que tout ce que j’ai appris sur l’enregistrement je l’ai appris de Ken, un grand producteur, je pense que ce que j’aime tant chez Ken, c’est que si je voulais faire une certaine chanson ou un certain type de matériel et qu’il ne comprenait pas pourquoi, il me permettait de le faire, il me disait ‘’si c’est ce que tu veux on va essayer’’, je ne pense pas que beaucoup de producteurs  soient capables d’agir ainsi, non je ne le pense pas. Je me souviens de la première fois où j’ai rencontré Gene Vincent, on était à une convention de disk jockeys, un très gros évènement à Nashville une fois par an, c’était le début de CMA, on l’a appelé ainsi plus tard, c’était une convention de DJ de tout le pays qui venaient rencontrer les artistes pour obtenir leurs disques et tout le reste, on a joué. Donc Capitol Records ainsi que toutes les autres maisons de disques avaient leur stand, toutes les portes étaient ouvertes, on pouvait juste aller et venir, ils offraient des boissons ou peut-être de l’eau, et on pouvait faire des photos. Donc Gene Vincent et moi nous nous sommes retrouvés au stand Capitol, on s’est rencontrés là pour la première fois, il était déjà

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    une grande star et je pense qu’on a fait une photo  je crois celle-ci (qu’elle montre du doigt derrière elle) mais je n’ai jamais eu l’occasion de travailler avec Gene, je suis désolée de ne pas l’avoir fait, mais c’est ainsi, je pense qu’il était comme tout le monde, nous étions de vrais gamins, nous nous amusions comme des fous, on faisait ce qu’on aimait et on devenait  célèbres et populaires, c’était tellement excitant, il était très sympathique, c’était agréable de lui parler, je me souviens, oui je me souviens, tu sais parfois, je ne sais pas comment les histoires commencent, c’est au

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     sujet de Let’s have a party, un mot là-dessus, je suppose que le son rappelait aux gens le groupe de Gene Vincent, les Blue Caps, je ne sais pas pourquoi exactement, tout d’un coup, j’entendais et je lisais des articles selon lesquels j’avais enregistré avec les Blue Caps, mais non c’était avec mon groupe et quelques musiciens de studio, au Capitol Tower que j’ai enregistré, ce n’était pas les Blue Caps. Oui, quand je pense à Gene Vincent je ne peux m’empêcher de penser à la première fois que j’ai fait une tournée en France. Nous avons vu les publications du journal et ils annonçaient que l’ouragan Wanda frapperait la côte ouest de la France pour ma tournée. Par la suite ils me surnommaient ‘’la Gene Vincent féminine’’ dans tous les articles qui me concernaient.  Je me demandais pourquoi. Je n’aurais jamais accepté d’être appelée l’Elvis Presley au féminin, ou quelque chose comme ça. Et voilà c’était imprimé. Mais ensuite j’ai compris grâce aux fans et aux gens avec qui j’ai travaillé. Ils répétaient que c’était le plus grand compliment que l’on puisse recevoir. J’ai dit comment se fait-il que les Français ne se soucient même pas d’Elvis. ni de Little Richard, ni de Chuck Berry ? Pour eux c’est Gene Vincent, donc être comparé à lui était le plus grand compliment qu’ils pouvaient vous faire . Que pensez-vous du fait, que les Européens, je pense que c’est bien connu, ne varient pas très facilement dans leurs habitudes, en tout cas  certainement pas aussi vite que les Américains. Nous, nous sommes tous toujours à la recherche de la prochaine grande nouveauté comme on dit, mais en Europe, ils chérissent ces, comment dire plus les gens sont vieux, plus les bâtiments sont vieux, plus les voitures sont de vieux modèles, ils continuent à aimer encore et encore, ils entretiennent ces vieux bâtiments de 700 ans et tout le reste, nous avons séjourné, dans des hôtels de cent ans toujours entretenus, au moins la structure, donc ils ne sont pas tellement si prompts à laisser partir quelque chose s’ils l’aiment, donc c’est une aubaine pour les artistes de cette époque comme moi parce qu’il n’en reste pas beaucoup, mais ils estiment vraiment ceux qui sont encore là et qui travaillent toujours, Jerry et moi et Sleepy Labeef, et beaucoup d’entre eux

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    parcourent les festivals. Oui quand nous avons appris que Gene Vincent était mort, je me souviens avoir pensé que c’était impossible, c’était que seulement à 35 - 36 ans il ne pouvait pas, ça devait être une erreur, et c’était assez dévastateur, parce que nous avions tous à peu près le même âge, et nous pensions qui si cela pouvait arriver, ça pouvait arriver à n’importe lequel d’entre nous, ce qui d’ailleurs est arrivé à certains, mais ce fut une grande perte pour l’industrie de la musique c’est sûr, cependant il a laissé beaucoup de bons souvenirs à beaucoup de gens et nous a laissé toute cette bonne musique qu’il a faite. 

    Damie Chad.

    Hank Thompson (1925 –2007) chanteur de country, bien qu’il fût admirateur du Western Swing de Bob Wills, il en proposa tout le long de sa carrière (quelques jours avant sa mort il était encore sur scène) une version un peu moins abrupte. Le rock’n’roll doit beaucoup au Western Swing.

    CMA = Country Music Assocciation, aujourd’hui nommé : CMA FEST, festival de musique country.

    Sleepy Labeef (1935 – 2019), chanteur de country et de rock’n’roll, tombé pratiquement dans l’oubli, le rachat des disques Sun par Shelby Singleton lui permit de revenir et de participer plus tard au renouveau du rockabilly.

    Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 700 : KR'TNT ! 700 : HOLLYWOOD BRATS / GLIMMER / HOOVERIII / TERRY REID / COATHANGERS / HOT CHICKENS / THE CORALS / MICHEL LANCELOT / GENE VINCENT+ JOHNNY MEEKS

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 700

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    29 / 08 / 2025

     

     

    HOLLYWOOD BRATS / GLIMMER

    HOOVERIII / TERRY REID / COATHANGERS

    HOT CHICKENS / THE CORALS 

     MICHEL LANCELOT   

    GENE VINCENT + JOHNNY MEECKS

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 700

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/ 

    Wizards & True Stars

    Wizards & True Stars

    - Hollywood Boulevard

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             Le 1er juin dernier, Andrew Matheson a cassé sa pipe en bois. C’est un nom qui parle à pas grand monde, sauf aux fans des Hollywood Brats. C’est grâce à Lo’Spider, dans l’After Chez Eddy (sur Canal Sud) qu’on a appris la triste nouvelle, en juillet dernier. Pour rendre un dernier hommage à Andrew Matheson avant que l’oubli ne l’avale tout à fait, nous allons ressortir du bocal de formol un texte jadis confié aux bons soins de Gildas (Hello darkness, my old friend) et publié dans Dig It!.

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             Allez ! Tiens, on va dire que l’histoire des Hollywood Brats que raconte Andrew Matheson dans Sick On You est le meilleur rock book de l’histoire des rock books. Meilleur que The Dark Stuff de Nick Kent ? Meilleur que le Gene Vincent de Mick Farren, que l’All The Rage de Ian McLagan, que Stoned et 2Stoned d’Andrew Loog Oldham ? Meilleur que l’Hellfire de Nick Tosches, que No Irish No Blacks No Dogs de John Lydon ? Et on pourrait encore en citer d’autres comme ceux-là, tiens, par exemple les classiques de Mick Wall ou encore ceux de Carole Clerk, et pire encore, toutes les bios de David Ritz. Pourquoi meilleur ? Un, parce que ce livre n’a aucune chance (trop underground) et deux, parce qu’il est écrit par un mec qui est non seulement brillant et drôle, mais qui est aussi un vrai punk, du genre de ceux qu’on aurait adoré fréquenter. Mais attention, on ne parle pas ici des punks du dimanche après-midi : Matheson portait en 1974 les cheveux longs, du rouge à lèvres, du mascara, des fringues de fille et un brassard nazi. Comme Lemmy et Ron Asheton, Matheson adorait choquer le bourgeois. Ron Asheton avait même trouvé un nom pour ça : confrontation tactics.

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             Pour des raisons qu’Andrew Matheson explique très bien dans son recueil de souvenirs, les Hollywood Brats sont passés complètement à la trappe, alors qu’ils auraient dû devenir énormes, au moins en Angleterre. On avait repéré leur nom dans ces rares articles du NME qui évoquaient le fameux proto-punk britannique, et dont les figures de proue étaient bien sûr les Social Deviants de Mick Farren, l’Edgar Broughton Band, les Pink Fairies et les Pretty Things, mais aussi d’autres personnalités moins connues comme Terry Stamp & Mick Avery (Third World War), Jesse Hector (Helter Skelter et Crushed Butler, à cette époque) et les Hollywood Brats dont le mystérieux album paru en 1975 en Norvège demeura inaccessible, jusqu’à sa réédition sur CD dans les années 90. Et là, on comprit immédiatement les raisons du buzz. Cet album intitulé Sick On You est une pure merveille de ramalama, l’un des meilleurs albums de rock jamais enregistrés en Angleterre, tous mots bien pesés.

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    Casino Steel

             Les seuls qui surent détecter l’énorme potentiel des Brats furent Ken Mewis et son ancien patron chez Immediate, Andrew Loog Oldham. Mais ni l’un ni l’autre ne réussirent à décrocher un contrat discographique pour les Brats en Angleterre. Les gens des maisons de disques jugeaient les Brats trop vulgaires - Sick On You - et trop agressifs. Casino Steel qui était d’origine norvégienne et qui jouait des claviers dans les Brats réussit l’exploit de convaincre un mec de Mercury en Norvège, mais il n’y eut aucune promotion et l’album des Brats disparut sans laisser de traces.

             Andrew Matheson ne vivait que pour ça : jouer dans un groupe, enregistrer des disques et vivre de sa musique. Il était tellement convaincu de la grandeur des Brats que l’échec du groupe faillit bien le ratatiner. Il consacre 300 pages à cette histoire fabuleuse qui ne dura que quatre ans : de 1971 à 1974.

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             Cette histoire des Brats est avant tout celle d’une amitié entre deux kids de 20 ans, Andrew débarqué à Londres avec sa guitare pour devenir rock star, et Casino Steel, qu’Andrew appelle son blood brother - a one-off, a classic, the real thing - Ils composent ensemble tous les cuts qu’on retrouve sur leur album, et fonctionnent par télépathie. Quand par exemple un impresario véreux fait glisser sur la table une enveloppe contenant 2000 livres, Andrew la repousse en disant que les Hollywood Brats valent mieux que ça. Il sait d’instinct que Casino assis à côté de lui est d’accord. C’est d’autant plus héroïque qu’une partie des Brats, c’est-à-dire Andrew, le batteur Lou Sparks et le guitariste Brady, vivent dans des taudis et des squats, sans un rond. Pour manger, ils doivent voler, et pour fumer, Lou Sparks ramasse les mégots. Pas un rond. Ceux qui ont vécu ça savent très bien ce que ça veut dire. Avant d’être l’histoire d’un groupe, celle des Brats est aussi une épouvantable histoire de misère noire, de rats et de morbacks, ils se font pas mal d’ennemis dans des pubs et doivent souvent la vie à leurs jambes. Andrew raconte les matins où ils se réveillent frigorifiés, les sachets de thé plusieurs fois ré-utilisés, les crampes à l’estomac quand il est vide et les raids éclairs dans les petits commerces du quartier pour piquer de quoi calmer la faim. Mais l’avantage de vivre dans un squat, c’est qu’on peut y répéter tous les jours. Et les Brats répètent ! Ils savent qu’ils sont bons. Ils ont cette énergie que donne l’arrogance quand elle relève de l’évidence. Johnny Thunders et les Dolls fonctionnaient exactement de la même façon. Tiens, puisqu’on parle des Dolls... Un jour, Casino passe à Andrew un numéro du NME ouvert sur une page précise. Oh no ! Un article sur un nouveau groupe américain qui s’appelle les New York Dolls. On est en 1972. Andrew stupéfait découvre que les Dolls font exactement la même chose que les Brats ! Pire encore, ils donnent pas mal de concerts et ont déjà un contrat chez Mercury ! Et pire encore, ils arrivent en Angleterre ! - My stomach sinks into my boots - Andrew sent l’estomac lui tomber dans les godasses. Un peu plus loin dans le livre, Andrew revient sur les Dolls, au moment de la parution du premier album, en 1973. Les Brats se rassemblent pour examiner la pochette. Ils se fendent la gueule. Ils trouvent que les Dolls ont l’air parfaitement ridicules - They just look plain ridiculous - alors que sur les autres photos, ils avaient plutôt fière allure. Dans son langage extrêmement imagé et musical, Andrew dit qu’ils ont l’air de se retrouver de la neuvième à la treizième place du Hottest Transsexual Contest d’Amérique. Il insiste en expliquant que le chanteur qui ressemblait au début à Jagger ressemble maintenant à la vieille tante de Jagger installée à Palm Springs, et qu’il a eu une permanente - He’s got a perm, a perm, for Christ’s sake - Non, ce n’est pas possible ! Puis les Brats écoutent l’album, avec un mauvais a-priori, car ils n’aiment pas Rundgren. Le verdict tombe sans appel : bon groupe, chansons faibles, production merdique - Good band, weak songs, horrible production - Voilà les Brats dans tout l’éclat de leur splendeur.  

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             Matheson ne fait de cadeaux à personne dans ce livre. Il a le courage de ses opinions plutôt tranchées, et c’est réellement cohérent avec le son du groupe : carré et brillant. Il salue Slade dont il entend «Get Down And Get Down With It» dans une boîte qui s’appelle le New Penny - The best thing I’ve heard for months - Il démolit Alice Cooper qui en 1972 fait sensation - Ils peuvent rocker, mais il y a toujours un côté comédie. C’est parfois drôle. Voilà le problème - Et il ajoute : They drink Budweiser, for Christ’s sake ! - Il salue aussi Michael Des Barres et Silverhead qu’il voit sur scène. Au premier abord, il trouve le petit marquis excellent - Des Barres is the real thing in terms of a front man - mais ça se gâte dès le deuxième cut, car Des Barres transpire abondamment et ruine sa coiffure. Le verdict tombe sans appel : un chanteur pas mauvais mais qui transpire, un groupe ordinaire et des chansons pourries - A not bad, if sweaty, front man, an ordinary band and naff songs. Dreck - Dreck, c’est le bruit du marteau. Quand il rencontre Tony McPhee dans le bureau de Ken Mewis, il remarque une grosse veine qui descend de son never-ending front et donc il le rebaptise Tony McVein. Et quand il voit une photo d’Ozzy Osbourne portant sa veste blanche à franges, il ricane et annonce que le chubby Sabbath singer a l’air de porter ce que Martha ou une autre Vandella mettrait pour aller dîner au Kentucky Fried Chicken

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             Mais le plus drôle est à venir. En 1974, the Hollywood Brats are dead, écrit Andrew, c’est la fin des haricots, la mort de tous ses rêves. Lou Sparks et Brady ont déjà quitté le groupe. Il ne reste plus qu’Andrew et Casino. Un jour deux mecs viennent taper à la porte du squat. Casino descend et leur dit de dégager vite fait. Les deux mecs reviennent le lendemain, et ils insistent. Toc toc toc ! Casino passe la tête par la fenêtre pour leur redire de dégager, mais les deux sangsues brandissent un petit écriteau où est écrit : PLEASE ? Andrew dit à Casino de les faire monter. Ils arrivent déguisés en Hollywood Brats, avec des cheveux longs, du rouge à lèvres, du vernis sur les ongles, du mascara, des bijoux et des foulards. Ils se présentent : Mick Jones et Tony James et ils expliquent qu’un certain Malcolm McLaren veut manager les Hollywood Brats. McLaren... Ce nom rappelle quelque chose à Andrew... Ah oui, le mec qui a managé des New York Dolls assez mal en point et qui les a conduits droit au cercueil. Ah oui, ce mec qui, avec l’aide de l’horrible Vivisect Westwood a réussi l’exploit de transformer les Dolls en Muppet Show. Andrew n’en revient pas. Il demande qu’on le réveille quand c’est fini - Wake me shake me when it’s over - Mais par curiosité, Andrew et Casino décident d’aller voir ce McLaren. Ils passent leurs brassards nazis et débarquent à Demnark Street pour rencontrer le schpountz. Ils entrent et tombent d’abord sur quatre gamins aux allures d’apprentis comptables, assis dans un canapé et dont les yeux s’exorbitent à l’apparition des deux Brats maquillés en brassards. Les quatre arpètes sont les futurs Pistols. Et puis Mick Jones commet l’irréparable. Il ramasse une guitare et lance à Andrew : «Let’s jam man !» Casino et Andrew font déjà demi-tour pour se tirer vite fait quand arrive dans l’escalier un autre asticot : il a le look exact d’une caricature de savant fou, des yeux globuleux et des cheveux rouges bouclés (les cheveux dont personne de voudrait, précise l’impitoyable Andrew). C’est McLaren ! Le stroumpf  leur dit de venir - Come come ! - Eye contact minimal and a handshake like an half-opend tin of sardines - Pas le moindre contact visuel et une poignée de main comme une boîte de sardines à moitié ouverte. C’est mal parti ! Malcolm leur annonce qu’il va aller droit au but : il veut manager les Hollywood Brats. Andrew répond que ça pue dans la pièce. Surpris, McLaren fait : Oh is it ? Et il se lève pour aller ouvrir la fenêtre.

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    Vivisect Westwood

             Andrew et Casino reverront McLaren dans un pub. Cette fois, il est accompagné par sa compagne qu’Andrew surnomme Vivisect Westwood. Et là, l’impitoyable Andrew nous brosse un portrait atrocement drôle de cette femme : «Elle était pâle comme un cadavre et portait un truc en soie orange sur lequel avait dû passer plusieurs fois une tondeuse à gazon. Installée au sommet de sa coiffure se trouvait une toque décorée sur le devant d’une moustiquaire. Elle avait cet air renfrogné qu’ont les gens condamnés à bouffer des chardons jusqu’à la fin de leurs jours. Elle attrapa le crayon bleu qu’elle avait sur l’oreille et d’un air ennuyé, elle se mit à dessiner des robes sur la nappe. Malcolm m’expliqua en regardant à un mètre au-dessus de ma tête que ses honoraires allaient nous coûter cher car il fallait financer les fringues que Vivisect allait designer pour nous. Je lui répondis que je préférais mes fringues, alors Vivisect renifla bruyamment et tourna la tête pour exprimer clairement son dégoût. Paniqué, Malcolm l’implora : Dis-leur ce que tu m’as dit ! Soupirant bruyamment avec l’air de dire que chaque mot qu’elle allait m’adresser était pour elle une colossale perte de temps (ce qui en fait était vrai), elle expliqua que l’avenir de la mode appartenait aux T-shirts et que si on acceptait le programme, on pourrait avoir tous les T-shirts qu’on voulait. Et McLaren ajouta : Ouais, boys, les T-shirts et Sick On You ! C’est l’avenir, boys ! Nous vidâmes nos verres et partîmes avant qu’elle ne nous poignarde d’un coup d’épingle à cheveux.»

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    London SS

             En fait, ce qu’Andrew raconte en 1974, c’est la formation des fameux London SS. Mick Jones et Tony James reviendront chercher Andrew et Casino pour les emmener dans un endroit à Maida Vale où répète déjà l’embryon de cette scène punk : un Norvégien nommé Geir Waade, batterie, Mick Jones, guitare, Tony James, basse, et un certain Matt Dangerfield, guitare (qu’on retrouvera un peu plus tard avec Casino dans les Boys). Ils veulent absolument jouer avec Andrew et Casino. Andrew acceptera de faire un bout d’essai et ne sera un London SS que l’espace de quatorze minutes, le temps de massacrer le «Bad Boy» de Larry Williams : «Ce n’était pas un groupe, mais une insulte aux instruments». Andrew ajoute que le bassiste et le batteur semblaient se haïr et Mick Jones croyait savoir jouer dans l’illusion du volume, mais il jouait comme s’il avait des jambons à la place des doigts. Perfide, Andrew ajoute qu’en fait, il n’avait pas tort de jouer comme ça puisqu’il allait réussir à en faire un fonds de commerce - It was that bad - that hopeless - C’était sans espoir. Andrew Matheson avait une idée tellement haute et pure du rock qu’il ne supportait pas la médiocrité. Il termine l’épisode Mick Jones dans le chapitre de fin qui s’intitule «Que sont-ils devenus ?» : «Il forma les Clash et eut un gros succès commercial, à l’apogée duquel il stupéfia les fans et les critiques en enregistrant cette hilarante comédie qui s’appelle Sandinista. Dans les années quatre-vingt, Mick continua de défrayer la chronique et devenant parfaitement chauve.»

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             Mais ce qui fait le charme toxique de ce livre, ce sont les épisodes franchement hilarants et certains méritent qu’on s’y attarde. Par exemple, lors d’une répète, le guitariste Brady s’électrocute en jouant : «Il y a un gros bang, un éclair et on voit le guitariste décoller du sol puis aller s’écraser contre le mur de briques. Il gît sur le sol, tout tremblant, le visage rouge comme une tomate, les bras blancs et ses doigts encore plus noirs que d’habitude. La Gibson Firebird est en flammes, avec des flammes d’un mètre de haut. Nous explosons tous de rire. On se tortille, en le montrant du doigt et en se tapant dans le dos. Littéralement vidés par cette crise de fou-rire, on finit par se calmer et on se penche sur Brady pour voir s’il respire encore. Pauvre Brady ! Il lui faut un temps fou pour réaliser la chance qu’il a d’avoir pu nous offrir un spectacle aussi tordant - This hilarious slice of entertainment - Il passera la nuit à l’hosto et ses cheveux ne seront plus jamais pareils qu’avant. Il a eu plus de chance que Les Harvey de Stone the Crows. Ce poor fucker a grillé vif sur scène, il y a de cela deux ans.»

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    Leslie Harvey

             Un peu plus tard dans le récit des aventures des Brats, Andrew nous raconte que pour rompre la monotonie de leur vie de squatters, ils décident de louer un bateau pour naviguer sur un canal. Ils embarquent tous les cinq. Une demi-heure plus tard, ils sont tous soûls comme des Polonais - all of us are blind drunk - Et encore une demi-heure après, Casino passe par dessus bord. Plouf ! Alors c’est à nouveau l’hilarité générale. Andrew : «C’est un fait scientifiquement avéré, il est impossible de sortir de l’eau un Norvégien tout habillé et qui panique quand on est pris de fou-rire. On essaie chacun notre tour de l’aider à sortir de l’eau, et on allait vraiment abandonner, histoire de satisfaire le souhait de Casino qui (comme dans les Dolls) voulait un mort dans le groupe. Mais d’un sursaut désespéré, il réussit à se hisser sur le pont et comme un gros thon à l’agonie, il cherchait à retrouver sa respiration.»

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    The Kray Twins ( de sinistre mémoire)

             On atteint des sommets lorsqu’Andrew et Casino sont conviés dans les bureaux de Worldwide Artists, l’agence dont ils dépendent contractuellement, et pour laquelle travaille Ken Mewis, leur manager. Andrew et Casino commencent par découvrir que Worldwide est une agence artistique qui gère des carrières, et non une maison de disques. Et ils ne sont pas au bout de leurs surprises, car ils découvrent ensuite que l’agence est affiliée à la mafia londonienne et aux Kray twins qui, même s’ils sont au placard de sa gracieuse majesté, n’en continuent pas moins de tirer leurs ficelles. Les autres artistes signés par Worldwide sont assez connus : les Groundhogs, Black Sabbath et Stray. Dans la hiérarchie de Worldwide, Ken Mewis dépend d’un truand nommé Wilf Pine, un dur aux mains tatouées : les mots Love et Hate, comme Robert Mitchum. Wilf explique aux deux Brats qu’il faut un single pour négocier avec les maisons de disques - Why can’t you write a fucking single, eh ? - Andrew répond que «Sick On You» est le single parfait. Wilf s’énerve : Cette chanson est dégoûtante ! Joue pas au con avec moi, Andrew, ou je vais t’arracher les tripes. Cette chanson est fucking obscène ! Andrew laisse passer l’orage et répond tranquillement que «Sick On You» est la meilleure chanson des Brats, puis il ajoute que de toute façon, les Brats ne font pas de singles, que c’est même un anathème que de faire des singles. Ana what ? rétorque Wilf qui devient rouge comme une tomate. Ana fucking what ? Et là il se met en pétard pour de bon, fuck you et fuck tes fucking words, espèce de petite merde - you little poofter shite - On veut vous envoyer à Top Of The Pops et il nous faut le single dans deux semaines, t’as compris, branleur ? Et bien sûr Andrew lui répond que les Brats détestent Top Of The Pops. À ce moment névralgique de la conversation, Casino ajoute : We’re like Pan’s People ! Ce que confirme Andrew en ajoutant : True ! Et là, ils voient une grosse veine apparaître sur la figure de Wilf, qui leur rappelle celle de Tony McVein. 

             Pendant un temps, Andrew crut qu’il allait finir avec une balle dans la tête. D’ailleurs, à la fin de ce livre tordant, il remercie Wilf Pine de ne pas l’avoir fait descendre.

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             D’autres épisodes tout aussi hilarants guettent le lecteur imprudent, comme cette cocktail-party chez Cliff Richard, ou encore cette nuit passée au poste après avoir été embarqué par les poulets. Andrew est sous acide et sa tête dodeline. Le flicard lui demande de vider ses poches, portefeuille, clés, the lot. Andrew vide ses poches : une pièce de deux pence et un tube de rouge à lèvres. C’est tout ce qu’il possède. Le flicard est sidéré, il examine les deux objets et ça dure plus de temps qu’il n’en faut. Au bout de ce temps interminable, il lève la tête et demande à Andrew : You cannot be fucking serious ? Andrew dodeline. En dodelinant, il comprend qu’il fait une énorme connerie, car le flic s’énerve, je te pose une question, branleur et tu dodelines ? Andrew s’excuse et dit que c’est tout ce qu’il a dans ses poches. Le flic se lève et s’approche de lui pour lui demander le nom de cette maladie qui le fait dodeliner comme un fucking bird. Andrew répond no no no, alors le flic lui demande pourquoi sa tête dodeline comme un nancy boy in a cubicle in Piccafuckingdilly Circus. Il s’énerve tout seul et Andrew voit arriver le moment où il va prendre des coups, alors qu’il est menotté dans le dos. Alors ce sadique de flicard lui dit : Tu ne vas pas du tout aimer ce qui va t’arriver... Andrew exulte ! Oui oui, monsieur l’officier, dites-moi donc pourquoi je ne serais pas content de me retrouver défoncé sous acide et menotté dans un commissariat à cinq heures du matin ! Par miracle, cet abruti de flicard se calme et se rassoit pour remplir le formulaire. «Je vais parler à voix haute et tu me dis si je me trompe. Premier objet. Nous avons là une pièce de deux pence, c’est exact ?» «Yes !» Puis il examine le tube de rouge à lèvres et d’une voix chargée de mépris, il dit : «Deuxième objet, un tube de lipstick ‘Cherry-Blaze Outdoor Girl, c’est exact ?» «Yes» répond Andrew, et cette ordure ajoute : «You disgust me !» Tout ce qu’Andrew trouve à dire, c’est yes ! C’est tellement bien écrit qu’on se croirait assis à côté, menotté au radiateur.

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             En fait, Andrew raconte qu’une nuit, Lou Sparks et lui ont forcé la serrure d’une épicerie pour voler quelques bouteilles de coca. On les a dénoncés, d’où l’arrestation à l’aube avec la violence policière habituelle et les chiens. Comme c’est un délit, ils doivent passer au tribunal et là, on assiste encore une fois à un épisode digne des Brats. Ils voient arriver dans la salle un juge perruqué qui affiche ostensiblement son dégoût. Andrew n’en revient pas de voir ce qu’il appelle the overkill at work : les témoins qui défilent au prétoire les enfoncent, le flic et puis le propriétaire de l’épicerie qu’il n’a jamais vu. Andrew se tourne vers Lou qui est aussi abasourdi que lui. Andrew demande aux flics qui sont derrière lui : pourquoi on n’a pas d’avocat ? L’un d’eux lui rétorque d’un air mauvais : Shut your fucking cakehole ! Le verdict tombe sans appel : une prune de 25 £ ou un mois au placard, au choix. Évidemment, ils n’ont pas les 25 £ et ne sont pas près de les avoir. Ils sont officiellement condamnés pour avoir privé le propriétaire de la jouissance de trois bouteilles de Coca-Cola - Permanently depriving the landlord of three bottles of Coca-Cola - Le lendemain, en se baladant dans le quartier, Andrew tombe sur la une d’un journal qui titre : Costly Coke, qui veut dire des Cokes qui coûtent cher. Le texte en dessous décrit dans le détail l’exploit hilarant de deux pauvres crétins qui ont au cœur de la nuit forcé la serrure d’un fish’n’chips fermé pour cause de faillite, à seule fin de voler trois bouteilles de Coca-Cola. Puis il tombe sur les noms des deux crétins.

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             Eh oui, la vie d’un groupe ne se résume pas aux disques et aux concerts. Avant d’être des légendes du proto-punk londonien, les Hollywood Brats multipliaient des exploits dignes des Pieds Nickelés, et c’est précisément ce qui les rend attachants. Ils sont tout ce qu’on aime dans le rock, des gros branleurs qui ne pensent qu’à déconner, mais dès qu’ils entrent dans un studio ou qu’ils montent sur scène, ils savent passer aux choses sérieuses. Pour en avoir le cœur net, il suffit simplement d’écouter leur album. Heureuse coïncidence, Cherry Red vient tout juste de le rééditer avec en prime un disque complet de bonus. 15 bonus des Hollywood Brats, croyez-moi, ça vaut tout l’or du monde. Dans cette foire à la saucisse, on tombe sur une version démentoïde d’«I Need You» des Kinks, montée sur une basse dévastatrice et chantée par ce dingue d’Andrew. Leur approche des Kinks est exactement la même que celle des Hammersmith Gorillas, ils tâtent de l’exaction parabolique. Comme le disait Keith Moon le soir de leur concert au Speakeasy : les Brats sont le meilleur groupe d’Angleterre ! Dans «Borgia Street», on entend un solo nasty de Brady qui est toujours en vie. Oui, si vous feuilletez le livret qui accompagne la réédition, vous verrez une photo récente des Brats. Ils traversent la rue, Casino marche devant avec ses cheveux blancs et ses lunettes noires, suivi de Brady coiffé d’un petit chapeau, puis d’un mec nommé Mick Groome, et Andrew, referme la marche, sobrement vêtu d’un petit costard et portant lui aussi des lunettes noires. Dire qu’on est content de les voir en vie serait un euphémisme. Parmi les bonus se trouve une violente version d’«Hootchie Coochie Man», du hot shivering bliss, comme le dit lui-même Andrew, on sent le shuffle du slum, et on voit la basse traverser le cut, ah quelle rigolade ! Leur version de «St Louis Blues» sonne comme un cut des Dolls. Ces mecs vont très vite en besogne, too much too soon. Le parallélisme entre les deux groupes est flagrant. Et puis, il faut avoir entendu au moins une fois dans sa vie l’effarant «Suckin’ On Suzie» pour se faire une idée de la puissance des Brats. Andrew éclate même de rire au chant tellement il sent le pouvoir du rock en lui. C’est embarqué au meilleur beat d’Angleterre et par un chanteur qu’il faut bien qualifier de génial. L’ambition d’Andrew Matheson : un groupe bien habillé qui joue vite et sale - a great looking band dressing sharp, playing fast and nasty - Rien qu’avec ces quelques mots, il résume le phénomène Hollywood Brats. Quand il passe une annonce une annonce dans le Melody Maker pour trouver un guitariste, il écrit : Guitarist wanted/ Great looking/ Drunk on scotch and Keith Richards. N’oublions pas qu’en 1971, le roi d’Angleterre s’appelle pour beaucoup de gens Keith Richards. Poor Brian is dead. Ah encore un détail intéressant : avant de s’appeler les Hollywood Brats, ils s’appelaient the Queen, rêvant de grands titres dans la presse du genre The Queen pukes on arrival in Heathrow, la Reine dégueule en arrivant à Heathrow (ce que ne manquera pas de faire Johnny Thunders). Mais à la même époque un autre groupe s’appelle Queen et un soir au bar du Marquee, Freddy Mercury vient agresser Andrew qui se voit contraint de lui coller son poing dans la gueule. Mercury est à terre, et bon prince, Andrew lui abandonne ce nom de groupe auquel il n’était pas vraiment attaché - Keep the name Queen. You can have it - Andrew tirera le nom des Hollywood Brats d’une chanson de Ray Davies qu’il chantonnait un jour en rentrant de Watford - You can see all the stars as you walk along Hollywood Boulevard - C’est l’occasion de réécouter cette pure merveille qu’est «Celluloid Heroes». 

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             L album des Hollywood Brats donne une idée de ce qui devait se passer sur scène. Andrew voulait ce Slum Kitchen Sound, ce son des taudis dans lesquels ils répétaient - We want control - Ils l’ont, grâce à Ken Mewis, et ça s’entend avec «Chez Maximes». Tout est là, c’est le son des Dolls mais avec en plus la violence des kids anglais. Andrew chante comme un diable trop maquillé. On entend des jolis chœurs de slum et une basse dévorante qui croise dans le lagon comme un requin blanc - Chez Maximes you make your dreams come true - Avec «Nightmare», ils passent au stomp de cave joué à la cloche de bois, c’est noyé de son, mais le côté canaille du chant domine bien la situation. C’est admirable, tout est là ! Ces mecs n’ont pas seulement le sens du son, mais aussi celui de l’Empire romain et de la poigne de fer, celle d’un César qui jette ses légions comme s’il lâchait des rapaces sur la moitié du monde. Avec «Courtesan», ils passent à l’heavy boogie et sonnent comme des Dolls de l’East End - She’s the darling of the Chelsea nights - C’mon, ça ramone salement le bulbe rachidien. Et si on sait apprécier le Slum Kitchen Sound, alors on est grassement servi. Leur coup de génie, c’est sans doute la reprise magistrale de «Then He Kissed Me», car ils la tapent à la sur-puissance catégorielle, ils poussent les pressions jugulaires au maximum des possibilités et ça édifie les édifices. On trouve aussi deux hits que reprendront les Boys un peu plus tard, «Tumble With Me» et le fameux «Sick On You». Tumble, c’est la modernité du rock anglais. Voilà un cut totalement inespéré, l’un des premiers chefs-d’œuvre de ce qu’on appellera plus tard le glam-punk. Les seuls qui savent jouer ça, ce sont les Brats, les Gorillas et les Derellas. Avec Tumble, les Brats tapent dans la fantastique ampleur. We’ve got the action, dit Andrew quand il évoque le souvenir du set des Brats au Speakeasy. Quant à Sick, on a là un fabuleux shoot de pop-rock noyé de fuzz. Ce shoot de folie pure tourne à l’hypnotisme. Et quand on écoute «Zurich 17», on comprend que ce genre de cut infectueux anticipe toute une vague à venir. Les Brats sont beaucoup trop en avance sur leur temps. Ils inventent sans le savoir le far-out bubblegum des bas-fonds de nowhereland. Et puis on ne se lassera jamais de ce «Southern Belles» qui sonne encore une fois comme un hit des Dolls, mais avec quelque chose de terriblement britannique dans le ton. C’mon darling !  

             Et comme l’ont dit Jerry Lee et les Brats à ceux qui osaient monter sur scène après eux : Follow that, pussies !

    Épilogue 1

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             En 1979, Andew enregistra Monterey Shoes, un album de soft rock un peu déroutant. Il semble avoir renoncé au fracas des guitares pour aller sur un son plus soft, mais il est trahi par une absence de production, et ses compos qui se voulaient ambitieuses retombent comme des soufflés. Le seul lien qui rattache cet album à la légende des Brats, c’est Gered Mankowitz. Pour les Brats, Andrew voulait le photographe des early Stones, celui de Between The Buttons. C’est donc lui qui signe la pochette de Monterey Shoes. On y voit Andrew dressé dans le crépuscule, avec le Starfish Cafe et un personnage en sailor suit en contrebas. L’image illustre «St Catherine Wheel», un balladif attachant mais atrocement mal produit, car la voix d’Andrew manque désespérément de profondeur. Dommage, car on le sent influencé par Ray Davies, et c’est criant lorsqu’on écoute «Debbie». Il revient à un tempo plus enlevé avec «Eyes Of Harlem» et retrouve un peu de sa superbe. Il s’y montre même très convainquant. Il fait plus appel aux cuivres qu’aux guitares et on note de légers accents d’«It’s All Over Now Baby Blue» dans son refrain. Une autre compo ambitieuse se niche en B avec un «Johnny Let’s Run» traversé par un solo de sax et «It Only Hurts When I Cry» pourrait presque sonner comme un hit, mais encore une fois, la prod dessert les ambitions du pauvre Andrew qui apparemment s’est fait baiser une fois de plus. 

    Épilogue 2

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             Pas facile de mettre le grappin sur The Night Of The Bastard Moon, l’album solo d’Andrew Matheson paru en 1994. Les rares heureux propriétaires qui le possèdent le vendent très cher. On y trouve deux merveilles dignes de l’âge d’or des Hollywood Brats, «Three Dead Mexicans» et «Postcards From Hollywood». Avec ses Dead Mexicans, Andrew fait du Sympathy For The Devil avec des percus exacerbées. Il renoue avec le gutsy et sonne comme les Stones à l’aube du rock - Shut it up c’mon - C’est fabuleusement drivé aux percus, comme dans Sympathy. Pur génie ambulatoire ! On a même des virées de basse et des yeah yeah yeah qui se perdent dans l’écho du temps. Ça tourne au demented are go. Andrew y renoue avec le génie des Brats. S’il fallait une preuve de sa grandeur, elle est là, dans les Dead Mexicans. Plus loin, il monte son «Poscard From Hollywood» sur le riff de «Jean Genie». Il repart sur les traces de Bowie en mode heavy glam. On peut aussi se pencher sur «Call It A Storm» bien enveloppé, bien touillé, mais ça frise parfois le Springsteen, ce qui ne vaut pas pour un compliment. Le pauvre Andrew y perd un peu de sa superbe. Il nous fait encore du Springsteen avec un «Love Is Stupid» atroce et prétentieux. On assiste à l’écroulement d’un mythe. On peut parler ici de prod cordiale, avec un solo de chais-pas-quoi. Andrew s’installe dans son cloaque springsteenien avec «Red Shoes In Italy». Cette prod cordiale cause bien des ravages. C’est même une malédiction. On voit le pauvre Andrew essayer de faire décoller sa pauvre daube. Quelle horrible tragédie !

    Signé : Cazengler, Hollywood Bric (et Broc)

    Andrew Matheson. Disparu le 1er juin 2025

    Hollywood Brats. Sick On You. The Classic Debut Expanded. Cherry Red Records 2016

    Andrew Matheson. Monterey Shoes. Ariola 1979

    Andrew Matheson. Sick On You. The Disastrous Story Of Britain’s Great Lost Punk Band. Ebury Press 2015

    Andrew Matheson. Night Of The Bastard Moon. MCA Records 1994

     

     

    L’avenir du rock

     - Glimmer twins 

             Chaque année, l’avenir du rock loue un stand au Salon des Désespérés qui se tient au Parc des Expositions de la Porte de Versailles. Les visiteurs s’y rendent par centaines de milliers, en quête d’une lueur d’espoir. Certains exposants proposent des petits discours de réconfort, des tisanes pour arrondir les angles, des onguents pour colmater les fissures, des flacons d’eau bénite pour laver les péchés, des promesses de félicité sur abonnement. Chaque année, l’avenir du rock se régale de tout ce tintouin chamarré. Les visiteurs errent dans les allées comme des âmes en peine et s’arrêtent ici et là. Les exposants rivalisent d’idées saugrenues. Oh, en voici un qui bêle, assis dans la paille de Bethléem, comme l’indique le panneau accroché au-dessus de sa tête. En voici un autre qui s’ouvre les veines au-dessus d’un verre et qui dit au curieux qui s’arrête : «Bois, ceci est mon sang.» Mais la spiritualité à l’ancienne ne fait plus recette. Une autre forme de spiritualité attire le gros des visiteurs : le populisme. Des harangueurs aux trognes porcines proposent la paix de l’âme en échange d’une adhésion à leur parti. On s’attroupe à leur stand. Ils promettent l’éradication de tous les problèmes. «Plus de pluie ! Un ciel bleu au-dessus du pays !» Ils haranguent à tire-larigot : «La fin des angoisses existentielles !» «Le paradis des souches !» Ils promettent encore l’éradication des impôts et la gratuité des transports. Alors les visiteurs se bousculent pour accéder au guichet. Ils veulent tous prendre une carte pour avoir accès au paradis des souches ! Ah le paradis des souches ! Quelle belle fin en soi ! Le spectacle de cet attroupement laisse l’avenir du rock circonspect. Ce n’est pas qu’il mette en doute la véracité éthique de ce que proposent les harangueurs aux trognes porcines, non, d’ailleurs il ne se mêle pas de politique. Il ne sent pas concerné. Par contre, il sait qu’il propose sur son stand une authentique lueur d’espoir, au sens propre comme au figuré : Glimmer.

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             Si tu demandes à Jaye Moore, le drummer blond de Glimmer, ce qu’il écoute, il va te répondre My Bloody Valentine et ça va te mettre sur une mauvaise piste. Ces quatre petits mecs sont des New-Yorkais et ils ne peuvent pas sonner comme My Bloody Valentine, c’est impossible.  Sur scène, Glimmer est pris en sandwich entre deux Jaguars et on peut dire que ça gicle. Ils ont quelques morceaux lents, mais dès

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     qu’ils mettent leur ramshackle en toute, t’as tout le New York City Sound des bas-fonds qui redevient d’actualité. On apprendra plus tard que le simili-Woody Allen aux bras couverts de tatouages s’appelle Jeff et qu’il est le frère de Jaye. Alors attention : Jeff Moore est une rockstar en devenir. Bien évidemment, il ne finira pas à la télé comme tous les rois de la fucking mormoille, mais il va rôder, du moins on l’espère, dans les imaginaires des happy few qui auront le privilège de le voir jouer

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    sur scène. Car oui, Jeff Moore a tout : les good looks, la stature, l’incroyable présence, les compos, la voix, le guitarring, il pue le big bad rock à dix kilomètres à la ronde. Tu ne trouveras pas une rockstar comme celle-là sous le sabot d’un cheval. Non, il faut aller le chercher au fond d’une cave, un jour de chaos urbain, car le fucking Tour de France passe en ville et des tas de rues sont barrées. La ville est paralysée. Mais ils ont réussi à passer avec leur van. Ouf !

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             Tu vois ces quatre New-Yorkais jouer dans la cave et t’en reviens pas de tout ce répondant, de toute cette constance de la prestance, de ces rocking blast intermittents, t’en reviens pas de les voir clouer leur chouette à la porte de la Sonic Church, t’en reviens pas de les voir régner pendant une heure sur l’underground. T’es une fois de plus convaincu que les vrais groupes descendent dans les caves pour honorer le vieux Dionysos, dieu du rock et des pires excès. Derrière ses lunettes, Jeff Moore rocke le boat de la cave comme un Achab qui n’aurait pas basculé dans la folie, il garde les yeux rivés sur l’horizon du prochain cut, il ajuste sa voix grave en permanence et claque des dégelées de power-chords new-yorkais, pendant que de l’autre côté de la scène, son copain fourbit les dissonances. Et quand il ne fourbit ses licks, il passe son temps à se ré-accorder, ce qui finit par devenir agaçant. Surtout qu’on est tout près de lui et qu’on voit sur l’accordeur qu’il n’est pas désaccordé. Sans doute est-il mal à l’aise.

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             À part un flexi («Self Destroyed», deuxième cut du set), ils n’ont rien à proposer au merch. Tu le ramasses. «Self Destroyed» accroche immédiatement, avec sa belle mélodie chant digne d’Adorable. Et t’as des clameurs de rêve. Tu baves d’avance. L’album devrait être énorme, à l’image du set.

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             Leur premier album sortira en october, nous dit Jeff Moore, vraiment ravi de sa soirée à la cave. Miraculeusement, il y avait un peu de monde. Ouf! 

    Signé : Cazengler, Glimmère de tous les vices

    Glimmer. Le Trois Pièces. Rouen (76). 8 juillet 2025

    Glimmer. Self Destroyed. Flexi High Voltage 2023

    Concert Braincrushing

     

     

    L’avenir du rock

     - Hoover sur le monde

             Comme tout le monde, l’avenir du rock a besoin de sous pour manger et payer son loyer. Alors il postule pour un emploi. Un patron obèse, chauve et lunetté le reçoit dans son bureau. Il jette un coup d’œil sur le CV.

             — Vous vous appelez avenir du rock, c’est bien ça ?

             — C’est écrit dessus, comme sur le Port-Salut.

             — Ce n’est pas courant comme nom... Bon, dites-moi, monsieur avenir du rock, quelles sont les limites élastiques de votre flexibilité ?

             — Je sais rester Hoover à toute proposition....

             — Vous venez de gagner un bon point... Résumez-moi en deux mots votre capacité à fédérer...

             — Hoover Ticalité !

             — Encore un bon point pour votre sagacité ! Comment inter-agissez-vous dans un contexte managérial alambiqué ?

             — Très simple : par l’Hoover ture des écoutilles ! Gestion des flux, si vous préférez !

             — Votre aisance à pacifier les contextes m’interpelle, croyez-le bien, aussi vais-je vous demander de quelle façon vous pragmatisez l’approche participative, comprenez-moi bien, je parle ici de l’extension du domaine de l’extraversion, laquelle, j’en suis maintenant persuadé, n’a aucun secret pour vous...

             — C’est très simple : Hooveriii.

             — Pardon ?

             — Hooveriii ! Hoo comme Hoo la la, ver comme vert émeraude, et iii comme iiiiiiii !!! Ou iii comme three, les trois petits cochons, si vous préférez.

     

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             Tu les prononces comme tu veux : Hoover three, Hoover 3, Hoover free, Hoover frit, Hoover III ou Hooveriii, chacun fait comme il veut. Par contre, lui, il s’appelle Bert Hoover, aka Bert le Grand Pied, co-sauveur de festival binicole avec les Bad Bangs. Bert Hoover sait exactement ce qu’il veut. On lit une extrême détermination dans le regard qu’il porte sur le public sinistré agglutiné à ses (grands) pieds. Il porte

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    le regard d’un empereur psyché déterminé à sauver Binic. Alors il sauve Binic avec sa petite Gibson Les Paul Junior. Bert devient le temps d’un show Ali-Bébert au Pays des Merveilles, il fait le Père Noël et arrache des milliers de personnes au désespoir le plus noir. Grâce à Santa Claus Hoover, on échappe au cauchemar du rap blanc australien dont on ne connaissait pas l’existence avant que la dérive programmatoire binicole ne nous l’impose. Soudain, Bert redonne du sens à ce vieux

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    cadre, et là pas besoin de pogo, toute l’énergie reste prodigieusement intrinsèque. Ouf, on échappe enfin à la mainmise australienne et Binic retombe miraculeusement sur ses pattes. T’es là en principe pour découvrir des gros trucs et en voilà un.  Bert au Grand Pied te donne une leçon de modernité psyché, il est extrêmement bien entouré, ses collègues hooveriens hooverisent comme des cracks, et te voilà ENFIN avec un show sous le nez. Ces mecs te rockent des cuts que tu ne connais ni d’Eve ni d’Adam, mais ces cuts te parlent et te montent droit au cerveau. La Californie arrive

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     comme le Septième de Cavalerie, juste au moment où les Mescaleros australiens allaient avoir ta peau. Hoover forever ! Du coup t’es content, ça te fait un slogan pour ta petite rubrique à la mormoille. Tu plains sincèrement tous ceux qui ne sont pas venus se faire piéger dans l’enfer binicole. T’es toujours content de te faire piéger, à condition bien sûr d’être sauvé in extremis par le Septième de Cavalerie de Bert au Grand Pied. Aw comme ce mec est bon, comme il en pince pour le real deal, il joue de toute sa pesanteur en apesanteur, il te rocke la boute, il te rocke la rate, ces cuts t’éclatent au Sénégal avec ta copine de cheval, pas de problème, t’y retrouves tout ton latin, t’y retrouves tous tes fucking repères et toutes les raisons de continuer à vivre cette vie qui ne t’intéresse plus du tout, mais tu te dis que ça valait le coup de tenir jusque-là, Hoover, c’est aussi simple que ça, tu prends au sérieux tout ce que

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    Bert te dit, tu le vois jouer et tu fais : «Ah oui !», t’es content de faire «ah oui !», c’est seulement la deuxième fois en trois jours, et après avoir vu une vingtaine de groupes qui n’ont strictement aucun intérêt. Bon la vie est ainsi faite, personne ne peut lutter contre ce genre de postulat, mais heureusement, t’as Bert qui déboule comme un dénominateur et qui dit halte là au numérateur binicole. Et ça marche, le numérateur ferme sa gueule. Pendant une heure, Bert règne sans partage. Un Américain dirait de Bert qu’il est fucking great. Un Anglais dira de Bert qu’il est fooking great. Un Français dira de Bert qu’il est le grand pied. Chacun fait comme il peut avec ses petits bras et ses petites jambes. En attendant, nous voilà avec un nouveau héros sur les bras.

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             Et là, t’y vas ! Ta soif de connaissance ne connaît plus de limites. T’attaques par leur dernier album, Manhunter. Tu y retrouves les hits du set binicole, notamment «Westside Pavillon Of Dreams» et ses belles dynamiques. On sent les pros. C’est même explosif. Ils décrochent le gros lot avec ce hit, c’est délié et puissant à la fois, et t’as ce refrain magique tapé à la traînasse lennonienne. «The Fly» s’offre un départ grandiose. Ils sont terrifiants d’inventivité. Tu te régales à l’écoute de cet album bourré de dynamiques. T’es encore frappé par la modernité d’«Heaven At The Gates», ses belles crises de frénésie, et ses ravissants petits éclairs de génie. C’est aussi dégourdi qu’un hit des Pixies. Malgré un départ rédhibitoire, Bert Hoover claque un fieffé killer solo sur «Tarentula Eyes». Quelle envolée ! Bert Hoover adore le firmament et les killer solos. Et puis au bout de la B, il fait de la pure Beatlemania avec «Stage», un cut puissant et languide.

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             Toujours émoustillé par ce petit choc révélatoire binicole, tu poursuis tes investigations et tu tombes sur Pointe. Comme t’attends des miracles de ce bon Bert Hoover, tu te dis qu’il va répondre à tes attentes, vu qu’il a du répondant. C’est logique. Alors tu le vois se lancer dans la fast pop de «The Tall Grass» avec une voix de canari impavide. On le voit ensuite chercher sa voie avec «This Rock», son art reste incertain. Pas de psyché là-dedans mais des accents lennoniens. Tu reprends espoir avec la grosse attaque de «Can’t You Hear Me Cathy». Alors tu vois Bert Hoover tordre le cou du cut, il le prend pour une volaille, mais la magie brille par son absence. Ni psyché, ni mélodie. Il ramène un brin de funk dans «The Game», mais ça n’a ni queue ni tête. Ce bon Bert fait n’importe quoi. Alors que tu allais jeter l’éponge, il allume son cut et tu l’entends gratter les poux du diable. Mais c’est limite. Car tu sens bien que ces Californiens font leur truc dans leur coin, sans se préoccuper du besoin de magie qu’on a tous. C’est une bonne raison de leur en vouloir. Comme Beckett qui attend Godot, on attend des miracles de Bert Hoover. Il vaut mieux en attendre de Smokey Robinson. Et puis voilà le cut sauveur d’album : «The Ship That I Sail». T’es encore là à te demander ce que tu fous sous ce casque et soudain le cut se réveille en sursaut, avec un riff dévastateur. Et ça vire coup de génie sur la seule foi de ce riff. La bête que sommeille en Bert Hoover s’éveille et ça prend des proportions considérables, tu prends aussitôt ta carte au parti, t’abjures toutes tes religions pour ne garder que l’Hoover, tu t’aplatis devant ce Ship, tu te sens rudement fier d’être un ver de terre inféodé, chouette, te dis-tu, ce mec Bert est capable de petits coups d’éclat. Dommage que la fin de cut soit si longue et si inutile.  

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             Quand tu envisages de rapatrier Water For The Frogs, tu te poses la question : c’est-y aussi bon que Manhunter ou c’est-y pas ? La pochette commence par te poser un problème, ce graphisme renvoie trop aux seventies. Mais bon, comme d’usage, la curiosité l’emporte sur les a-prioris et le voilà qui débarque chez toi, fier comme un général d’opérette. Il ne te reste plus qu’une seule chose à faire : l’écouter. Bert Hoover proposait déjà en 2021 du classic stuff, mais avec une belle insistance. On sent chez lui une volonté clairement affichée d’arracher son stuff du sol. Cut après cut, l’album s’installe confortablement dans l’inconscient collectif. Il ne casse pas la baraque, mais tu comprends vite que ce n’est pas sa vocation. Water For The Frogs fait son petit bonhomme de chemin. C’est un album pépère. C’est avec «Hang Em’ High» qu’il renoue un petit peu avec la modernité. Disons pour rester magnanime que c’est une belle atteinte à l’intégrité du schéma de pensée conventionnel. Bert au grand pied en profite pour passer un beau solo liquide. Quel fieffé bretteur ! Sa présence et la qualité de ses idées sont indéniables. En B, tu sens nettement une volonté d’en découdre affleurer dans «Erasure», mais c’est dommage, car ça n’aboutit pas. Belle énergie, mais rien de déterminant. Avec «Gone», Bert et ses amis visent l’envolée belle, alors ils s’y collent et ça leur va comme un gant. Voilà, c’est fini. Tu ranges l’LP dans sa pochette et tu te poses la question : au jour d’aujourd’hui, qui va aller investir un billet de trente dans ce type d’album ? Personne, excepté ceux qui ont vu Bert Hoover sauver Binic du naufrage.  

    Signé : Cazengler, Hoover de terre

    Hooveriii. Binic Folk Blues Festival (22). 27  juillet 2025

    Hooveriii. Water For The Frogs. The Reverberation Appreciation Society 2021 

    Hooveriii. Pointe. The Reverberation Appreciation Society 2023     

    Hooveriii. Manhunter. The Reverberation Appreciation Society 2025

     

     

    Wizards & True Stars

     - La terrine à Terry

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             Dans une brève, Shindig! annonçait le grand retour de Terry Reid : une tournée anglaise. Mais elle n’aura pas lieu, car la grande faucheuse l’a fauché dans son élan. Et comme l’extraordinaire Terry Reid ne fera pas la une des magazines, nous allons ici même lui réserver la place d’honneur qui lui revient. 

             C’est vrai qu’il a une bonne bouille. Au fil des ans, la terrine de Terry est restée celle d’un gamin attachant. Quand on examine son visage sur les pochettes de ses albums successifs, on ne voit que de la candeur. L’arrondi de ses arcades et son léger sourire en coin révèlent une sorte de douceur naturelle et un goût pour le calme, ce qui n’est pas très courant chez les superstars.

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             Superstar ? Mais oui, Terry Reid l’était déjà à seize ans, en 1966, année où il participa - avec les Jaywalkers - à la fameuse tournée anglaise des Stones et d’Ike & Tina Turner. Très vite, il fut happé par le tourbillon. Il n’avait que 19 ans quand Mickie Most lui mit le grappin dessus. Il voulait faire de Terry the Next Big Thing aux États-Unis - avec une reprise de Long John Baldry, «Better By Far». En 1968, Terry fit la première partie de la tournée américaine Get Yer Yas Yas Out des Stones. Il joua aussi en première partie de Cream, pendant leur tournée d’adieux de novembre 68 aux États-Unis. Il participa au festival de Glastonbury en 1971. Il faillit aussi se retrouver dans la seconde mouture de Deep Purple. Graham Nash qui était encore dans les Hollies voyait un génie en lui, et Terry n’avait pas vingt ans.

             Il fut donc plongé très jeune dans le chaudron du rock  biz, mais apparemment, il en est ressorti indemne. On imagine qu’il devait avoir assez de maturité pour ne pas céder au chant des sirènes, particulièrement actives à cette époque, dans l’entourage des Stones.

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             Et puis il y a la fameuse histoire de la fondation de Led Zep que tout le monde connaît et qui est rabâchée chaque fois qu’un article sur Led Zep sort dans la presse, c’est-à-dire deux ou trois fois par an. Jimmy Page voulait Terry comme chanteur. Mais Terry avait d’autres engagements. Il indiqua à Jimmy les noms de Robert Plant et de John Bonham, deux mecs qui jouaient dans Band Of Joy, un petit groupe sans avenir. L’embêtant, c’est qu’on ne connaît Terry Reid que pour cette histoire, pas pour ses albums. Tout le monde savait qu’il avait repoussé l’offre de Jimmy Page. Wow, quel prestige ! Et pendant ce temps, ses disques passaient à la trappe.

             On se retrouve confronté exactement au même paradoxe qu’avec Jackie Lomax. Ils sont réputés tous les deux, mais pour des raisons purement anecdotiques. Par contre, quand on connaît leurs albums, on sait qu’ils font partie des personnages les plus prestigieux et les plus doués de l’histoire du rock anglais.

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             Dès Bang Bang You’re Terry Reid, on sent un tempérament inventif et une soif de liberté absolue. Terry a le rock dans la peau. Il tente de moderniser «Bang Bang», le vieux hit de Sonny Bono. Il va chercher le prog à coups d’envolées jazzy et de tintements de cymbales intempestifs. On est aussitôt frappé par la qualité de la voix plaintive de ce jeune coq. Il s’échauffe au second couplet. L’orchestre bascule dans la samba et ça devient bizarre. Terry mène sa barque : on le sent essentiellement préoccupé par le feeling et surtout par les lointaines dérives du feeling. «Tinker Tailor» est monté sur un joli thème de gratte. Dans cet album, on va de surprise de taille en surprise de taille. Par exemple, ce petit mambo sympathique, «Without Expression» (qu’ont bien failli reprendre Crosby Stills & Nash sur leur premier album). Terry va chercher des choses très haut perchées. Il produit des ambiances extrêmement lumineuses. Il donne une ampleur extraordinaire à ses cuts, comme s’il était une sorte de Van Morrison heureux de vivre. «Sweater» préfigure le Led Zep acoustique, et «Something’s Gotten Hold Of My Heart» - compo de Gene Pitney - préfigure les errances mélopiques de Robert Plant. On trouve en B une cover du «Season Of The Witch» de Donovan. Pas mal de versions courent les rues, mais celle de Terry bat tous les records. Il va très haut chercher la déchirure palpitante. Il nous gave de grands passages inspirés. Ces dix minutes échappent définitivement à l’ordinaire. «Writing On The Wall» et «When You Get Home» renvoient directement à Tim Buckley. C’est du très haut de gamme.

             Ce premier album est un coup de maître, mais trop en avance sur son temps, parce que trop aventureux. C’est grâce à ce premier album - uniquement sorti aux États-Unis - que Terry va fidéliser ses admirateurs.

             Le single «Superlungs My Supergirl» nous rendra tous définitivement accros. Pochette superbe. Terry en sépia plaquant l’accord sur le manche de sa Gibson. L’incarnation du rock’n’roll animal, comme l’étaient à l’époque Jeff Beck ou même le Clapton de Cream en pantalon rouge. Superlungs est l’un des plus beaux hits des sixties, ruisselant de feeling, ambitieux et tendu à se rompre. Cinquante-cinq ans après, ce hit monumental fout toujours le frisson. N’oublions pas que «Superlungs My Supergirl» est une compo de Donovan.

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             On retrouve la superbe photo sépia de Terry sur la pochette de son deuxième album, Move Over For... Terry Reid. Il riffe «Marking Time» jusqu’à l’os et le gorge de feeling cramoisi. Terry sait créer l’événement. Il est vocalement beaucoup plus doué, plus chaleureux et coloré que Robert Plant. Ce chanteur puissant screame savamment au détour des montées de gammes. Tour repose sur la richesse de son chant. Il n’existe pas d’équivalent dans ce registre. Il tape aussi une solide reprise d’«Highway 61 Revisited», montée sur une grosse bassline. Il couple ça avec «Friends», et nous embarque dans une jam informelle, dans l’esprit des jams mythiques d’Electric Ladyland. On se régalera aussi de «Speak Now Or Forever Hold Your Peace», un bel heavy rock à l’anglaise, astucieux en diable et bien tempéré. Avec ce chant chaud, Terry irradie le bonheur dans la fraîcheur d’un petit matin d’Essex. Ses éclats de voix rappellent parfois ceux de Noddy Holder. Ambiance admirable teintée d’éclairs glam et nappée de shuffle. Cet album reste l’une des pièces les plus colorées de l’histoire du rock anglais. Et de très loin. Sa version du mythique «Stay With Me Babe» de Lorraine Ellison rivalise de grandeur épique avec celle de Sharon Tandy. Terry en fait quelque chose d’assez explosif, capable de frapper durablement les imaginations.

             Terry n’a que 23 ans et il veut échapper aux griffes de Mickie Most qui l’oblige à enregistrer des tubes romantiques. Le malheureux Terry a signé un contrat pour cinq albums. Il dit à Mickie d’aller se faire voir chez les Grecs. Mickie est d’autant plus fâché que la veille, Donovan lui a dit la même chose. À cause de cet imbroglio juridique, Terry va rester bloqué pendant trois ans. Impossible d’enregistrer à cause de ce fucking contrat. De quoi foutre une carrière en l’air. C’est Ahmet Ertegun, boss d’Atlantic, qui va tirer Terry de ce guêpier. Il débarque chez Mickie Most et lui dit : «Maintenant, ça suffit !»

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             Terry émigre en Californie. Il se retrouve évidemment sur Atlantic. Il enregistre son troisième album, River, considéré comme un album culte. On range généralement River à côté de John Barleycorn Must Die (Traffic), d’Astral Weeks et de Moondance (Van Morrison), d’Happy Sad et de Blue Afternoon (Tim Buckley). Malheureusement, River est un album assez mou du genou et on s’y ennuie comme un rat mort pendant au moins toute une face. On se réveille un peu aux accents bossa-nova du morceau titre. On retrouve le Terry qu’on aime bien, celui qui va chercher le mélopif très loin. «Dream» et «Milestones» ressemblent à des morceaux à la dérive, à de vieux radeaux paumés sur lesquels agonisent les derniers compagnons d’Aguirre.

             Dans un texte à caractère confessionnel, Terry avoue qu’il adore passer ses journées à observer le cours du fleuve. Il y trouve son inspiration. Il est entré dans une phase contemplative et sa musique s’en ressent. Il est arrivé la même chose à Van Morrison.

             Les délires contemplatifs font généralement des ravages chez les artistes ambitieux. On essaye de les suivre tant qu’on peut, et puis au bout d’un moment, ça devient compliqué. La spiritualité et le rock n’ont jamais fait bon ménage. D’ailleurs, Atlantic s’est vite débarrassé de lui. 

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             En 1976, il enregistre Seed Of Memory. Comme on sort un peu échaudé de l’épisode River, on se méfie. Dès le premier cut («Faith To Arise»), on voit que Terry est passé à la good time music de bord de mer. Il sonne un peu comme Little Feat. C’est le genre de disque qu’on écoute lorsqu’on passe une soirée romantique avec une poule qu’on aime bien. Cette espèce de soft-rock attise quelques vieux réflexes libidineux et on se laisse aller à éprouver une sorte de bien-être existentiel à la noix de coco. «Seed Of Memory» est un morceau lent et flûté. Terry chante comme Crosby & Nash, avec une certaine amertume. D’ailleurs, Nash fait les chœurs. «Brave Awakening» est un country-rock très lent. Terry sait tirer sur ses cordes vocales pour provoquer l’humeur d’un émoi. Quelque chose d’humide suinte de son essence. En dix ans, Terry a beaucoup changé. Il est passé à des choses très soft et adroitement sophistiquées, comme «Ooh Baby», qui va plus sur le Steely Dan. Mais il sait aussi revenir à des sons plus musclés, comme par exemple avec «The Way You Walk». De gros paquets d’accords tombent du ciel et la basse fait le pied de grue sous le déluge. Terry renoue avec l’heavy rock de sa jeunesse flamboyante. On retrouve là l’ampleur avantageuse de son allant d’antan. Avec «The Frame», on a du pur Crosby & Nash, avec les mêmes repères sur l’échelle des valeurs. Tel un géant en fuite, ce disque laisse derrière lui une traînée de suie. 

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             Rogue Waves est un album mille fois plus spectaculaire. D’abord par sa pochette : on y voit Terry le magnifique claquer un accord sur une Gibson SG blanche, la même que celle de Sister Rosetta Tharpe. Sur cet album, il fait deux covers de Totor : «Baby I Love You» et «Then I Kissed Her». Il fait de «Baby I Love You» un heavy slow de carrure planétaire, repris au thème par une guitare bien née. C’est là que se tapit le grand Terry. Il peut allumer autant que Rod Stewart à ses grandes heures. Il a cette science infuse de la beauté formelle. Avec «Then I Kissed Her», il fait son Vanilla Fudge et retapisse un classique intouchable, révélant une nouvelle fois au monde entier l’ampleur de son génie défenestrateur. C’est une véritable bénédiction ! Il fait exploser «Then I Kissed Her» au sommet du riff, comme un champignon atomique multicolore. On retrouve les fulgurantes dynamiques guitare-chant du Jeff Beck Group de Beck Ola et de Truth. Rogue Waves est du pur Terry, une chanson océanique qui s’étend à l’infini et qui scintille à la lumière de la lune. Il règne là-dedans une forte impression de désespérance et de démesure. Terry se plaît à repousser les limites. C’est un pieux rocker, il n’hésite pas à hurler et à égrener les arpèges pour suivre l’infini méandre de sa vision. Belle reprise aussi du «Walk Away Rene(e)» de The Left Banke. Terry en fait une vraie perle de rock têtue comme une bourrique. Il sort aussi de son chapeau un «Believe In The Magic» digne du «Season Of The Witch» qu’on trouve sur la B des fameuses Supersessions de Stephen Stills, Mike Bloomfield et Al Kooper. Admirable de groovitude et plutôt somptueux, il faut bien l’admettre. La chose t’enveloppe, comme le bras d’une fiancée amoureuse. Comme c’est doucement violonné, on sent l’influence du grand Marvin Gaye. Dernière grosse surprise de cet album fabuleux : «Bowang», un morceau digne des Faces. Magistral. Même hérésie de glotte fouillée. Même puissance de feu guitaristique largement sustainée. Terry concurrence directement le Jeff Beck Group. Même enfer et même classe cavalante. Même heaviness lévitative de haut rang.

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             Mais ce sera le dernier grand éclat de Terry Reid. L’album suivant, The Driver, est très beau, mais il manque de relief. Avec «Fith Of July», Terry nous embarque dans un balladif très beau dont se régaleront les âmes sentimentales. Toute ironie mise à part, «Fifth Of July» est un morceau chaudement recommandé aux amateurs de belles chansons. Mais sur les autres cuts, on retrouve le son pompeux des années quatre-vingt-dix, celui des succès commerciaux de Michael Jackson, de U2 et du Rod Stewart californien qui nous faisaient tant hennir quand ça passait à la radio.

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             Apparemment, Terry est toujours en forme. Il donnait un concert au Ronnie Scott Club de Londres en 2010 et un petit malin a eu l’idée d’en faire un double album : Live In London. Terry parle beaucoup avec les gens, il raconte des histoires drôles et plonge dans ses vieux grooves de triangle des Bermudes. On retrouve des versions actualisées de «The Frame» et de «Faith To Arise» qu’il illumine d’envolées de guitare acoustique et qu’il transforme en joyaux de cosmic americana. Absolument parfait, parce que très inspiré. C’est la marque de Terry Reid. Il tisse des mélodies incomparables. Toutes les notes de guitare s’allument comme des étoiles dans le ciel, au-dessus du bivouac. Il cultive la beauté de la frontière, il charme les cactus, un fluctue les sierras, c’est un fabuleux maître chanteur. Terry et les mecs qui l’accompagnent deviennent fous avec leurs guitares. «Too Many People» est un vieux hit prévalent, impartial et directif. C’est un truc radical qui dicte sa loi, rien que par son atonalité. Il nous raréfie l’oxygène dans le cerveau, il est limpide et désarmant de pureté mélodique. On a les yeux qui piquent.

             Sur l’autre disque, il chante «Wee Small Hours» comme Nina Simone. Il fait monter «Night Of The Raging Storm» d’une voix qu’il n’a plus. Il s’écorche la glotte. C’est affreux. Il renoue avec son passé de géant aux pieds palmés. Il nous refait le coup de la superstar à l’anglaise qui s’élève dans la stratosphère et il provoque un véritable délire bienfaisant, il crie yah-yah-yah, un spasme de phase terminale. Il fait le tour du propriétaire et continue de s’écorcher la glotte au sang. Mais comment fait-il pour s’infliger de telles blessures ? Pendant ce temps, nos oreilles se pâment. Il nous balance même un doom psyché labyrinthique des temps anciens, «Rich Kid Blues». On y sent le souffle de Spooky Tooth. Grosse jam informelle et captivante. Il sait plonger la tête d’un cut dans la friteuse.    

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             L’idéal pour entrer dans le monde magique de Terry Reid est de choper une rétrospective bien foutue, Superlungs, parue en 2004, sur laquelle figurent ses deux premiers albums et les morceaux qu’il enregistra avec les Jaywalkers en 1967. Avec la belle pop sucrée d’«It’s Gonna Be Morning», on voit que Terry a le même feeling que Steve Marriott. On croirait même entendre Sam Cooke. Il montre déjà une classe effarante avec un morceau comme «Funny How Time Slips Away», parce qu’il sonne exactement comme Smokey Robinson. Il monte sans cesse d’un cran. Il a déjà du génie à revendre. Les Jaywalkers sonnent comme des géants du jazz. Terry n’en finit plus de pousser son bouchon. Il nous fait le coup du r’n’b hot as hell avec «Just Walk In My Shoes». Il s’y montre monstrueux d’exaction. Il dégage autant d’air autant que Rod The Mod ou Chris Farlowe. Puis les choses se corsent. On lui demande de participer à la foire à la saucisse du Swinging London. Terry ne sait pas ce qui l’attend. Il fait confiance. On le fait entrer dans un studio pour enregistrer

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     «The Hand Don’t Fit The Glove». Catastrophe ! Quand on a un chanteur de cet acabit dans les parages, il vaut mieux lui donner de bonnes chansons. Sur la B-side du single, on trouve une chanson à lui, «This Time». C’est un morceau lent, mais Terry l’interprète comme un crack.

             À l’écoute de ces premiers morceaux, on comprend mieux pourquoi les Stones ont invité Terry a faire les premières parties de leurs tournées. À part le single raté, tout est vraiment excellent. On entre ensuite dans la période Mickie Most, avec un premier single, «Better By Far». C’est Graham Nash qui a mis Mickie Most, producteur de Donovan et des Animals, sur la piste de Terry. Mickie Most cherchait le tube comme d’autres cherchent le Graal. Il était complètement obsédé. Il ne pensait qu’à ça. Il fit sonner «Better By Far» comme un hit de Phil Spector. Il voulait faire de Terry un tombeur de demoiselles. Pas très malin. 

    Signé : Cazengler, Reid dingue de Reid

    Terry Reid. Disparu le 4 août 2025

    Terry Reid. Bang Bang You’re Terry Reid. Epic 1968

    Terry Reid. Move Over For... Terry Reid. Epic 1969

    Terry Reid. River. Atlantic Records 1973

    Terry Reid. Seed Of Memory. ABC Records 1976

    Terry Reid. Rogue Waves. EMI Records 1978

    Terry Reid. The Driver. Warner Brothers Records 1991

    Terry Reid. Live In London. House Of Dreams Music 2012

    Terry Reid. Superlungs (Bang Bang + Terry Reid + bonus). EMI 2004

     

     

     

    Inside the goldmine

     - Coathang on Sloppy

            Introduire Marie Coton dans l’équipe, ce fut la meilleure façon d’introduire le loup dans la bergerie. Avec son allure de petite sainte, douce et docile comme l’agnelle de service, elle inspirait la confiance. Elle posait son regard bleu sur toi et déversait toute l’innocence dont elle était capable. Tu n’attendais qu’une chose, qu’elle te demande un service ou de l’aide. Elle t’inspirait les sentiments les plus nobles, du type de ceux qui animèrent jadis ces abrutis de chevaliers servants. Elle était de petite taille, elle portait les cheveux longs et des robes longues. Elle semblait totalement asexuée, ce qui la rendait encore plus atypique. Tu ne pouvais même pas la soupçonner de jouer un rôle. Elle désamorçait le moindre soupçon. Elle ne dégageait aucune odeur, elle ne semblait cultiver aucune sorte d’arrière-pensée, elle participait aux réunions sans exprimer le moindre sentiment, elle prenait peu de notes, ne posait pas de questions, elle semblait même tout comprendre. On l’observait du coin de l’œil. Quelle part de mystère recelait cette présence insolite ? Quand on lui demandait si elle avait des questions à poser sur la mission qu’on lui confiait, elle répondait «non» avec un sourire en demi-teinte. Elle ne baissait pas les yeux, attendant que son interlocuteur détourne les siens. Elle était capable de fixité, et ça pouvait devenir dérangeant. Au fil des mois, elle ne modifia rien à son comportement. Elle remplissait ses missions avec succès. Elle allait en clientèle et les retours qu’on nous faisait étaient tous singulièrement positifs. Nos clients la qualifiaient de «charmante», d’«attentive», de «sérieuse» et même de «créative». Les événements qui suivirent montrèrent à quel point on s’était tous plantés. La consultante qui faisait équipe avec elle se tua au volant de sa voiture, sur le boulevard circulaire de la Défense. Puis son assistante ne trouva rien de mieux à faire que de se jeter du huitième étage de l’immeuble où elle vivait, à Puteaux. Nous n’étions que douze dans la structure, et bientôt nous ne fûmes plus que deux, Marie Coton et moi. Les autres avaient disparu lors des deux derniers mois, dont plusieurs sans laisser de traces. Ce matin-là, lorsqu’elle entra, ponctuelle, à 9 h dans l’atelier, je fus pris d’un accès de fièvre superstitieuse : et si elle était le diable ? Il était grand temps de la virer.

     

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             Pendant que la Coton fait des ravages, les Coathang en font aussi, mais ce sont des ravages beaucoup plus intéressants. C’est un copain qui te dit : «Tu devrais écouter les Coathangers», alors tu écoutes les Coathangers, parce que d’une part, c’est un bon copain, et d’autre part, le nom du groupe te plaît.  Les cintres. Plus qu’un pied-de-nez : apparemment, c’est une allusion à l’avortement sauvage. Comme le montrent leurs albums, ces trois petites gonzesses d’Atlanta flirtent pas mal avec le post-punk, et ce depuis vingt ans. Autre détail croustillant : la batteuse Rusty Coathanger est couverte de tattoos.

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             Si tu attaques par Scramble, tu risques d’être vite dérouté par leur côté Riottt-Girls, avec une voix rauque pas terrible. Mais elles corrigent vite le tir avec un «Stop Stop Stompin’» plus post-punk et plus sucré. Elles tapent un peu dans le crabe craze à la Fall. Tout espoir de girl-grouping s’évanouit. C’est la modernité qui prend le dessus avec «Bury Me», «Dreamboat» et «Arthritis Six». Elles y vont dare-dare au Bury Me, avec un sucre bien candy et presque un beat de Magic Band, elles te grattent le Dreamboat dans la solace du sucre fondu et l’Arthritis t’envoie une belle giclée de modernité dans l’œil. Dans «Gettin’ Mad & Pumpin’ Iron», le bassmatic se confronte à une cisaille barbare, et posé là-dessus, t’as un chant de sauve-qui-peut-les-rats, mais globalement, ça tient la route. Elles deviennent de plus en plus incoercibles avec «Killdozer», alors que «143» est plus sautillé : elles sont fraîches comme des saucisses de Strasbourg. Elles proposent une grande variété de styles et on sent chez les Coathang une fantastique énergie des idées. Donc on décide de les suivre à la trace.

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             Elles restent dans la Post avec Larceny & Old Lace. C’est Gildas qui appelait le post-punk la Post. Il n’aimait pas ça. Mais cette Post est excellente, comme le montre «Huricane», elles y vont au pousse-toi-de-là que-je-m’y-mette. C’est frais, carré, plein de jus, concassé, exacerbé. Elles voient les choses comme ça, alors il faut s’y faire. Ça re-concasse de plus belle avec «Sicker», ça concasse même du sucre sur le dos de la Post, avec un petit brin d’hypnotisme. Elles sont vraiment à vif («Call To Nothing») et elles se prennent pour Joy Division avec «Jaybird» qui vire hypno. Ça bassmatique dans les règles du lard fumant. C’est la Coathanguette tatouée qui lance «Johnny» au beurre salé. Quelle énergie ! Elle drive bien son beat. C’est mille fois mieux que les Slits.

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             Avec Suck My Shirt, les petites Coathanguettes explorent la profondeur de champ de la Post («Follow Me») avec une énergie phénoménale et un bassmatic en liberté. Encore plus terrific et mieux troussé, voilà que déboule «Springfield Cannonball». Elles regorgent littéralement d’élan vital. Encore de la Post exacerbée avec ce «Dead Battery» en alerte suspensive, monté sur une carcasse âpre et vinaigrée. Elles en pincent pour le sans-pitié-pour-les-canards-boiteux. Ça gratte au riff aigre et tanné. On salue aussi bien bas la Post de «Merry Go Round». La Coathanguette tatouée qui bat le beurre fait des étincelles dans «Love Em & Leave Em». Elles te grattent vite fait le «Derek’s Song». Elles ne font pas dans la dentelle, c’est du fast on the run, il pleut de la Post comme vache qui pisse. Ça explose au final avec «Drive», une véritable merveille de fraîcheur expiatrice, ça jaillit et ça dégouline de joie translucide.

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             Sur la pochette de Nosebleed Weekend, elles ont des allures de superstars. Crook Kid Coathanger a même le pif en sang. Avec «Dumb Baby», elles développent une belle énergie gaga-girly. Ça file bien sous le vent. Elles ne sont jamais loin de leur post-punk chéri. Elles trafiquent de belles ambiances d’étrangeté congénitale («Excuse Me»), mais c’est avec «Burn Me» qu’elles raflent la mise, car c’est bien sabré du goulot et fouetté au bassmatic. Elles savent très bien balancer des hanches («I Don’t Think So», qu’elles éclairent au hello hello), et elles finissent en ramenant un sucre de «Copy Cat» tendancieux. Ce n’est pas leur meilleur album.

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             The Devil You Know est encore un album très post-punk. «5 Farms» bénéficie d’un petit son bien serré. Mais très vite, tu t’aperçois que certains cuts laissent à désirer. «Hey Buddy» est mal chanté, par contre, elles ramènent du sucre dans «Step Back». Tu cèdes à leur charme, ça ne mange pas de pain. En fait, il y a deux chanteuses, la bonne et la mauvaise, la rauque et la candy. Elles sauvent l’album avec le joli post-punk hystérique de «Stasher», et voilà le travail.

    Signé : Cazengler, Coat Coat Codec

    Coathangers. Scramble. Suicide Squeeze 2009

    Coathangers. Larceny & Old Lace. Suicide Squeeze 2011

    Coathangers. Suck My Shirt. Suicide Squeeze 2014

    Coathangers. Nosebleed Weekend. Suicide Squeeze 2016

    Coathangers. The Devil You Know. Suicide Squeeze 2019

     

    *

    Dans notre dernière livraison nous avons eu Jake Calypso en concert, cette fois-ci nous avons Hervé Loison – ne cherchez pas l’erreur, les activistes rock ont parfois plusieurs identités - avec les Hot Chickens. Les poulets torrides sont un groupe essentiel du rock’n’roll dont ils ont su par chez nous, en un quart de siècle, perpétuer et refonder la légende.

    ROCK’N’ROLL VENDETTA

    HOT CHICKENS

    (AroundThe Shack Records / Mai 2025)

    Beau titre pour un album rock, le rock’n’roll n’est-il pas une vendetta métaphysique menée contre le monde entier, l’attaque n’est-elle pas la meilleure des défenses, est-ce pour cela que nos trois rebelles se camouflent derrière leur tricot d’hiver à la mode dans les années 60 et le masque des anonymous, les nouvelles peintures de guerre modernes.

    Hervé Loison : chant, basse harmonica / Christophe Gillet : guitares, chœurs  / Thierry Sellier : batterie, chœurs.

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    See See Rider : existe-t-il un meilleur chemin pour pousser la porte du rock’n’roll qu’un vieux blues de Ma Rainey, j’entrevois des sourcils qui se froncent, ne serait-ce pas un peu trop moaning pour une intro, peut-être mais il en existe une autre version, parmi des centaines, explosive, celle des Animals, c’est vers celle-là que s’orientent nos trois pistoleros,  oui mais faut avoir une sévère réserve de poudre pour s’y aventurer, autant monter l’Annapurna en pantoufles, ne sont pas des perdreaux de l’année, savent que le ridicule peut tuer, alors ils s’y livrent à fond, z’ont des arguments, la guitare de Christophe Gillet qui vous escalade à mains nues les précipices, les baguettes de Thierry Sellier vous entrechoquent les glaçons des parois les plus abruptes, quant à Loison, sa voix survole et se plie à toutes les dépressions exaltantes. Elle burdonne très fort. Magnifique reprise. Mister Jack : un original, yes but what is it, un truc inidentifiable, soyons honnête, un morceau de rock’n’roll vachement bien mis en place, qui swingue un max,  qui sonne et qui résonne comme il faut, avec en plus un vocal magistral de Mister Loison, mais une fois que vous dit tout cela, c’est là où commence la difficulté, à la réflexion ne serait-ce pas un blues déguisé en rock’n’roll, à moins que ce ne soit un rock’n’roll qui se fasse passer pour un blues, vous savez ça chaloupe en rythme mais ça tinte bizarre, l’est vrai que les cachalots se cachent dans l’eau, mais là nous avons affaire à un drôle de mélange, la basse qui bosse de dromadaire, la guitare sans cafard  jamais en retard et le Thierry pas du tout atterré qui vous envoie valser les moustiques qui voudraient se poser sur ses tambours de guerre. Until we die : ce troisième morceau est beaucoup plus franc du collier, sans tergiverser, un rock, un vrai, un authentique, ces trois zigotos finiront par crever s’ils mettent tant de cœur à l’ouvrage, sont partis pour ne jamais s’arrêter, mon passage préféré quand Loison minaude son vocal comme une princesse au petit pois, z’ont la frite et une pêche d’enfer pour le dessert, hélas vous n’aurez pas le temps d’apprécier le café, ils arrêtent les frais trop brutalement. Un bijou ciselé au marteau piqueur de précision. Mortel. In my way : tiens-tiens me suis-je dit après trois overdoses électrique, ils nous font le coup de la ballade à la Gene Vincent, quand Loison pépie du bec si doucement on lui donnerait la confession sans le bon Dieu, mais non dès le premier coup de guitare après l’intro, j’ai reconnu mon erreur et ma honte, non c’est pas Vincent, c’est Presley, j’aurais dû reconnaître c’est dans un de ses films que je préfère, vous y filent une dose d’amphétamine par rapport à l’original, Hervé ne renie pas ses préférences. Fait partie de cette génération que la mort du King a propulsé dans le rock’n’roll. Je ne  laisse pas tomber : l’est vrai que la langue monosyllabique de l’anglais est beaucoup plus flexible que le français qui ne possède que très peu d’accents toniques, bref le rock français est souvent chanté en langue shakespearienne, Hervé casse la soupière des interdits, met les choses au poing, nos poules au pot nationales chanteront désormais en français, quand elles en auront envie, un rock échevelé, un peu dans le style Je suis juste un rock ’n’roller (Sais-tu ce que cela veut dire) des Variations, en plus il s’amuse d’écraser les mots en fin de couplets à la manière d’Eddy Mitchell. Une révolution qui fera jaser en douce France. Goodbye rockin’ Mama : pour ceux qui auraient eu envie de se suicider après la déclaration d’intention précédente, un truc en anglais un peu passe partout, avec un vocabulaire limité que tout le monde peut comprendre. Cadeau de consolation un solo de derrière les fagots de Christophe Gillet.  Rock’n’roll vendetta : cette fois dans rock’n’roll dans le pur style Hot Chickens, sans surprise et terriblement efficace, Gillet démarre en trombe pour écraser le chat qui traverse la rue, et tout le groupe suit, une véritable boucherie, du sang partout sur le pavé glissant, aussi puissant qu’une nouvelle de Prosper Mérimée. J’écoute Eddy : quand on enfonce un clou, faut l’enfoncer jusqu’au bout. Oui les Hot Chickens qui ont rendu hommage à Little Richard, à Gene Vincent, au Rock’n’roll Trio, tressent une couronne de lauriers à Eddy Mitchell. Pas spécialement au rocker, plutôt au crooner, pas l’Eddy que je préfère, mais c’est bien qu’un gars comme Loison remette un peu les pendules du rock français à l’heure. Old black Joe : une bonne version, mais l'interprétation de Jerry Lou sur le même tempo avec en arrière-plan son piano dévastateur occulte toutes les autres que j’ai entendues. L’intro a capella, Loison nasal, est réussie mais la rythmique qui suit manque de légèreté. Ce dernier terme devrait être remplacée par tristesse, lassitude, fatigue, nostalgie… Hard workin’ man : un rock à cuisson lente ce qui n’empêche pas la mixture de monter à haute température, ce pauvre homme vous le laisseriez bosser toute la nuit rien que pour entendre la cadence du marteau  de Thierry Sellier marquer le rythme orphique, tout est parfait dans ce titre, une intrication parfaite entre les chœurs et la guitare de Christophe Gillet, la voix de Loison mène la danse du sabbat. Made in France : le titre est en anglais mais les lyrics sont en français. L’on pourrait supposer que le morceau s’inscrit dans la thématique de l’album, mais il n’en n’est rien et il en est tout. L’album est dédié à la mémoire de DIDIER BOURLON qui fut le guitariste des Hot Chickens de 1999 à 2007. Ce sont d’ailleurs ses lyrics, sa voix et sa guitare que l’on écoute que les Hot ont prélevé dans le titre éponyme du dernier album de Didier Bourlon duquel nous avions chroniqué son passage au 3 B à Troyes. Les Hot ont simplement serti la voix et la guitare de Didier dans leur background. Ecoutez les paroles, c’est un rocker, c’est un être libre qui s’exprime. Respect. Blues letter : nous approchons de la fin, c’est donc le blues qui revient, l’était-là à votre naissance, sera encore là lorsque vous passerez sur l’autre rive, la seule berceuse qui vous éveille à la vie et vous endort à la mort. Les Chickens nous font un merveilleux cadeau d’adieu. A credit et en stéréo : le Loison, l’a de la suite dans les idées, termine l’album sur un morceau de Chuck Berry, officiellement oui, car dans la version (en français) qu’en a donné Eddy Mitchell dans son album Rockin’ in Nashville. Reprend l’ironique phrasé du grand Schmall mais y rajoute le violon d’Ayako Tanaka qui se marie à merveille avec la guitare de Christophe Gillet.

             Un album décisif, dans la réhabilitation du french rock’n’roll.

    Damie Chad.

     

     

    *

             J’avons ramené du concert de Jake Calypso à Troyes le cd:

    THE COMPLETE RECORDINGS  

    THE CORALS

    (ATSR / CD 003)

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     Le premier groupe dans lequel officia Hervé Loison, au total 31 morceaux. Dans cette première kronic nous ne nous occuperons que des morceaux liés aux deux opus du groupe. Dans notre prochaine livraison nous nous pencherons sur les titres enregistrés pour un deuxième album qui  fut  jamais finalisé.

    CRAZY GUITAR

    THE CORALS

    (Mac 121 / 1983)

             Un groupe qui vient de loin. Z’ont trouvé le nom en 1975 dans un train Corail ! Moins original, ils viennent d’Annequin un patelin du nord de la France. Le nord – à cheval sur la France  et la Belgique -   a toujours, historiquement parlant, été une terre rock. Après quelques changements le groupe se stabilisera autour de :

    Pierre Picque : lead guitar / Hervé Loison : bass guitar / Michel Francomme : rhythm guitar / Hubert Letombe : drums.

    Naissance de nos héros dans un mouchoir de poche, 1964 – 1965, juste à  la fin de la période d’éclosion du rock’n’roll français. Certes en 1980 le premier album des Stray Cats déboule en France (et ailleurs) mais eux semblent davantage branchés sur les groupes instrumentaux de par chez nous qui surgirent en 1962 et disparurent en 1965 que par la renaissance rockabilly initiée par nos trois américains. L’est sûr que l’on peut avec passion et patience s’escrimer sur un instrument, par contre l’on ne s’improvise pas chanteur du jour au lendemain… Et puis, raison nécessaire et suffisante Mac Bouvrie patron du label Mac Records recherche un groupe instrumental…

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    Crazy Guitar : certes ils sont au point, mais peu originaux comparés à leurs aînés (j’en écoute beaucoup ces temps-ci) des années soixante. Un gros défaut, le titre ne tient pas ses promesses, il manque la folie annoncée. Un point essentiel, c’est bien un groupe qui joue cohésif, et non pas trois guitares d’un côté et une batterie surnuméraire que l’on intègre tant bien que mal comme un invité surprise que l’on ne sait pas où placer autour de la table.  Coral Rock : c’est d’ailleurs elle qui lance le morceau, les guitares lui emboîtent le pas et s’amusent illico à faire le grand écart autour de la piste, ça poinçonne de tous les côtés et surprise au milieu du morceau vous avez droit à une rafale force 10, elle se calme un peu trop vite, mais elle revient vous claquer la porte au nez sur le final. Perso je pense que  cette face B aurait mérité de s’appeler Crazy Guitar !

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    Seront en cette séance du mois de juillet 82 mis en boite deux autres morceaux qui resteront inédits durant 38 ans :

    Mac’s Boogie : un peu trop la même facture que  Crazy Guitar, mais entre les deux prises ils ont dû  avaler un steak de cheval de course, z’appuient à mort sur leurs instruments et ça s’entend. L’a sans doute été écarté car trop bref. Coral’s Jump : des quatre mousquetaires c’est lui qui mérite le nom de d’Artagnan, chacun à droit à son quart de minutes de célébrité, aucun ne se défile, ça file droit au but, sont au niveau de leurs glorieux aînés. 

    ROCK ! CORALS ROCK !

    (MAC 009 / 1984)

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    Rollin’ Corals Reefs : prennent leur temps, intro battériale, un rythme de stroll et c’est parti, c’est du mignon au point d’Alençon, prenez-en une leçon, l’on secoue la salade doucement, guitare et batterie. Sans sucre ni sel ajouté. Fire for sale : de la guitare comme s’ill en pleuvait. Un peu acoustique, un peu électrique. L’ensemble sonne un peu country. Américain. Ce dernier mot est un compliment. Three steps to rock : le titre n’est pas sans évoquer le Three steps to  heaven d’Eddie Cochran, fausse route le son est assez plaisant, rien de funéraire, dans cette trille maigrelette à l’entrée, pour la suite, ambiance sixties-surf, vacances assurées. L’on ne s’ennuie pas, le groupe vous mène par le bout du nez et vous tient par la barbichette. Southern memories : guitare sombre, changement d’ambiance, un peu de gravité, un soupçon de nostalgie, ces souvenirs se révèlent vite obsédants, ils tourneront longtemps dans votre tête. Devil Coral Blues : le blues s’en vient ronchonner à votre porte, l’heure est grave ? pourtant z’avez aussi une guitare qui ricane ironiquement, le matou bleu a beau faire le gros dos, c’est ce hennissement insidieux de petite souris moqueuse qui clôt le morceau. King of strings : ce coup-ci ils sortent le grand jeu, sont les rois de la gâchette, n’y a pas que les cordes, un orchestre western qui vous dessine une tragédie à OK Corals. Rock ! Corals Rock ! : batterie et basse échangent quelques gifles, ça ne peut pas faire du mal et comme survient une guitare qui jette du sel sur les égratignures, vous ne vous plaignez pas de la tonicité de cette morsure, enfin ces piaillements de garçons vachers pour vous avertir que notre groupe instrumental se lancerait bien dans les vocalises. Question d’envergure, il y a de la toile dans la voilure. Rattling boogie : quand ça ne shake pas, quand ça ne rolle pas ce n’est pas grave puisque c’est obligé que ça rattle un max, depuis quelques titres ils prennent de plus en plus d’assurance, de la vieille musique certes mais entre de jeunes doigts qui ne restent pas inactifs. Walking guitar : des walking deads, à pas feutrés, en chaussettes caoutchoutées, ils ne font pas peur, sont tout mignons, ils vous mèneront en enfer. Et vous penserez : c’est ici qu’on est le mieux.  Spring time rock : rythmique printanière hors de sa tanière, se balade dans la nature que nous qualifierons d’américaine, au début ce sont des sentiers verdoyants mais bientôt c’est presque un entrecroisement d’autoroutes suburbaines. 47Annequion stomp : retour à la maison, une bonne galopade pour revenir chez soi, ils ont un truc à eux, une marque de fabrique, ça leur appartient, on les reconnaît, z’ont le son que les autres n’ont pas. Singulier ! Diamonds Reefs : le meilleur pour la fin, trafiquaient le corail des récifs, désormais ils vous vendent des diamants, bruts ou ciselés, n’y en a pas pour tout le monde, juste pour les plus riches. Parce que les rockers sont tous riches.

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             Ces Corals nous étonnent, vingt ans après, ils ne font pas dans la revoyure, ni dans la copiure. Ils ne cherchent pas, ils trouvent : d’abord jouer ensemble, ensuite rechercher la précision, enfin être eux-mêmes. A suivre.

    Damie Chad.

     

    *

             Si le hasard est improbable, son improbabilité n’est-elle pas probable ? Dans notre livraison 310 du 05 / 01 / 2017 je chroniquais Le Jeune lion dort avec ses dents (1974) de Michel Lancelot, à peine avais-je fini que dans une notule je rajoutais que je venais de trouver un deuxième ouvrage de Michel Lancelot intitulé : Je veux regarder Dieu en face : vie, mort et résurrection des hippies, (1968). Quel splendide hasard m’écriais-je ! Dans les longs jours qui suivirent j’eus le temps de le lire et d’ajouter cette chro à la suite de la précédente.

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             Michel Lancelot (1938- 1984) anima sur Europe 1, l’émission Campus elle commença, juste à temps, le 15 avril 1968 et se termina le 8 septembre 1972, jeunes gens et étudiants perdus dans leurs provinces se hâtèrent d’écouter, Lancelot parlait d’abondance de phénomènes dont les radios n’avaient pas l’habitude de nous entretenir, la contre-culture américaine, la beat generation, le shit, le LSD, les hippies, sans éluder le problème de la non-obéissance, de la révolte, de la violence, et de son corollaire : la non-violence, Lancelot n’était pas un émule de la Bande à Bonnot. Il fut cependant en cette époque un passeur essentiel. Certains soirs l’émission dépassait le million d’auditeurs…

             Voici deux jours, feuilletant l’éphéméride des publications de votre site préféré je tombais par hasard en arrêt sur le nom de Lancelot et les titres de ces deux livres chroniqués, tiens me dis-je si mes souvenirs sont bons il  y  en avait un troisième. Au matin suivant, farfouillant dans une boite à livres je dénichais, quel hasard ce troisième volume ! Je me hâtais de le lire et de le chroniquer :

    JULIEN DES FAUVES

    MICHEL LANCELOT

    (Albin Michel / 1979)

             Si les deux précédents ouvrages relevaient de l’essai, du documentaire, du témoignage, rédigés au cœur de la tourmente tempétueuse qui agitait les esprits en ces années, celui-ci est très différent : un roman que l’on serait tenté de qualifier de politique et de science-fiction s’il n’était pas tout simplement étonnant. Pour ne pas dire déstabilisant.

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    Une nouvelle notule qui a son importance, ce roman n’est pas le troisième ouvrage de Michel Lancelot consacré à ces années tumultueuses. Entre les deux ouvrages susnommés est paru chez Albin Michel en 1971 : Campus : violence ou non-violence. Que je n’ai pas lu mais dont le titre à lui tout seul aide à comprendre la problématique qui structure Julien des Fauves.

    Le roman débute après les évènements de mai 68. Dix ans, vingt ans, cinquante ans après ? Plus ? Moins ? Aucune précision ne permet de désigner une date précise. Ce que l’on comprend, c’est que le grand rêve hippie est terminé. Comme disait Nougaro, une fois la fête terminée ‘’ chacun est rentré dans son automobile’’.

    La secousse a été terrible. L’establishment a été ébranlé en profondeur politique. Nous rappelons que le livre a été publié en 1979, ceci pour démonter la prescience de son auteur. La vieille social-démocratie a été renvoyée par les électeurs qui ont donné le pouvoir aux porteurs de l’idéologie économico-libérale.  S’ouvre une période de pseudo-prospérité qui donne aux populations européennes l’illusion d’un progrès social, les élites ne sont pas convaincues que le calme durera toujours, petit à petit sous couvert de sécurité et de précautions à prendre pour préserver la liberté, s’instaure un ordre des plus coercitifs.

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    Hélas, Mai 68 va renaître de ses cendres. En quelques jours éclate le mouvement des Immatures. De jeunes adolescents, entre treize et dix-sept ans dont le but revendiqué est de détruire la société qu’ils rejettent. Fini les colliers de fleurs, ils sont armés, ils tirent sur tout ce qui s’oppose à leurs mouvements. Ils massacrent allègrement. Faudra l’armée pour les réduire et une longue traque des meneurs qui seront jugés et pendus. Sans pitié. Ces jeunes révoltés ne se revendiquent d’aucune idéologie, si ce n’est bizarrement des premiers chrétiens d’avant la constitution de l’Eglise. L’on se demande alors pourquoi, plus personne en Europe ne se revendique du catholicisme, et les religions sont passés de mode… Le nouveau président de la communauté européenne qui sera porté au pouvoir s’emparera de tous les rouages, il a l’art et la manière d’établir et de maintenir un ordre hégémonique  mais nécessaire, au nom des plus beaux principes et des valeurs de haute culture qui ont permis à la civilisation européenne de dominer du monde… Polices serviles et services secrets ne reculent devant aucun crime : toute tête qui pense différemment est supprimée… Vous saupoudrez le tout d’un taux chômage élevé et tout citoyen sensé n’ose revendiquer une quelconque amélioration… Evidemment l’on désigne un ennemi. Ce seront les Arabes, n’auraient-ils pas les velléités d’augmenter le prix du pétrole. L’on fait semblant de négocier, l’on prépare une bonne guerre…

    Lancelot n’a pas tout inventé, sans doute s’est-il inspiré pour la révolte des Immatures, du film If sorti en 1968, des Khmers rouges cambodgiens (1975) et sur le plan international du premier choc pétrolier de 1973 causé par les pays Arabes. Toutefois toute ressemblance avec notre actualité serait-elle due au hasard ?

    A ce stade-là le roman se trouve dans l’impasse. Question espoir nous sommes en plein vide, dans le No Future des punks. Mais en pire, le mouvement hippie possédait une roue de secours : le christianisme, les hippies ne prônaient-ils pas l’amour universel ? En se réclamant du christianisme les Immatures ont brûlé les vaisseaux de secours de l’idéologie de la non-violence…

    Ne vous inquiétez pas pour le roman. Le héros arrive. Oui, il s’appelle Julien, les lecteurs de Kr’tnt sont perspicaces. C’est surtout Michel Lancelot qui doit se dépatouiller de l’équation qu’il s’est imposée à lui-même. Celle de l’intellectuel qui comprend la nécessité d’un changement violent et qui n’a plus à sa portée théorique le cache-sexe de la non-violence pour se défiler.

    Aujourd’hui Julien se servirait des réseaux sociaux pour toucher la population. Dans les années 70, le média de masse incontournable était la télévision. Julien, le parfait inconnu y accèdera. Grâce à un ami journaliste. Avec la permission, il ne le sait pas, du président dictatorial. Il prononce un discours. Un appel à chacun. Il n’énonce aucune grande vérité.  Que chacun refuse de coopérer avec le Système en place, et s’investisse de sa propre autorité pour ne plus obéir, pour agir selon ce qui lui semble juste. Un peu l’An O1 de Gébé, film de 1973.

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    Oui mais Julien a un truc en plus. Il n’est pas une figure charismatique. Une stature de géant mal-équarrie, un visage sans beauté, pour ne pas dire laid. Oui, mais il dégage. Quoi ? Une certaine force tranquille. D’où provient-elle ? Il n’en comprendra l’origine que trop tard. L’habite un trou perdu. L’a regroupé deux personnes autour de lui. Entre eux, aucune relation de maître à disciple, par hasard se joint à eux une des dernières immatures recherchée par la police. Après son passage à la télévision, du monde arrive, une dizaine, une centaine, mille, cinq mille… Les autorités s’inquiètent. On lui offre une participation à l’émission reine qui attire des millions de spectateurs. C’est un piège. Ses contradicteurs, jouant de son honnêteté intellectuelle, l’acculent non pas dans ses derniers retranchements, mais révèlent qu’il n’a rien de vraiment sensationnel à dire. Flop intégral. La dernière fois où l’on aperçoit il est totalement seul devant l’immeuble de la télévision…

             Et ensuite ? Rien. Lancelot se fout un peu de nous, le méchant-président n’est pas si méchant que cela, il ne déclarera pas la guerre aux Arabes. Tout est bien qui finit aussi mal que l’intrigue avait commencé. Voilà, c’est tout. Circulez, il n’y a plus rien à voir. Si ! entre temps l’on a compris, Julien a pris conscience qu’il est capable d’entrer en contact avec les forces germinatives de la nature. Cette nouvelle intelligence le retranche de son premier message. Voilà, c’est tout. Vous êtes insatisfait. Vous venez de lire 498 pages, et vous vous retrouvez le bec dans l’eau. Vous vous dites que vous aimeriez savoir ce qu’il va faire de son étrange compréhension des forces de la nature. Lancelot, n’en a pas la moindre idée non plus.  Comme le livre compte exactement cinq cents pages, ne lui en reste que deux pour apporter une solution.

    Lancelot jette sa dernière carte. Ce n’est pas le valet de pique. C’est la dame de cœur. Pas de méprise, la demoiselle de cœur, la petite fille d’une des premières révolucides ainsi se nomment les cinq mille personnes qui se sont regroupées autour de lui. Une petite fille avec laquelle il a noué une étrange relation. Pas du tout pédophilique. Nous la retrouvons dans les deux dernières pages. Seule, au milieu du désert, elle gît sur la terre et elle attend. Peut-être est-elle morte, peut-être la mort et la vie ne sont-elles que des variations dues aux agencements de nos éléments constitutifs. Elle n’est plus une petite fille, elle est un mythe, elle est la Femme.

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    Michel Lancelot n’ajoute aucune explication. A chacun d’interpréter à sa guise. Veut-il nous dire avec Aragon que la Femme est l’avenir de l’Homme, perso je ne souscris guère à cette hypothèse. Je ne crois pas plus aux miracles du Christ qu’à ceux de Marie-Madeleine…

    Si l’analyse de la contre-culture américaine initiée dans les deux premiers volumes doit se résoudre dans cette fable aux forts relents christianophiles… il me paraît inutile de s’appesantir davantage.  Par contre la description des modalités du déploiement du pouvoir politique s’avère des plus fines. Prophétiques même, surtout si l’on pense au ralliement inconditionnel à l’idéologie libérale des élites politiques européennes au début des années quatre-vingts.

    Damie Chad.

    S’il fallait  comparer Julien des fauves de Michel Lancelot avec un autre roman ce serait avec L’Evangile du Serpent de Pierre Bordage paru en 2001.

     

    *

    Johnny Meeks, un des guitaristes mythiques des Blue Caps, parle.  Il aurait tant à dire ! Pour ceux qui veulent en savoir davantage, je conseille de lire les pages que lui consacre Tony Marlow dans Rock’n’Roll Guitare Heros  Hors-Série Trimestriel N° 37 d’avril 2017 de Jukebox Magazine. A la lecture de cet ouvrage indispensable vous comprendrez ainsi que Johnny Meeks ne se vante guère, qu’il occulte toute une partie de son travail auprès de Gene Vincent et reste très succinct quant à sa propre carrière…

             Nous sommes plongés dans ce que nous pourrions appeler une Convention de Disques, nous supposons de rock’n’roll, davantage d’animation que dans les vidéos précédentes, peut-être pas l’endroit idéal pour la concentration qu’exigerait une interview de fond, mais lorsqu’un témoin de première importance prend la parole, il convient d’écouter avec attention. Johnny Meeks nous a quittés voici dix ans, le 30 juillet 2015.

    The Gene Vincent Files #5: The Blue Caps guitarist Johnny Meeks in a rare interview.

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     Johnny est en train de signer sur une brochure intitulée JOHNNY un autographe à un admirateur et répond semble-t-il à une question que l’on n’entend pas : un jour j’ai adoré, c’était le rythme des ados, tu sais c’était la nouveauté et j’ai adoré, et c’est ce que j’ai commencé à jouer, avant ça je jouais des chansons de Hank Williams et puis

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    le beat a frappé le tube rock’n’roll et je suis rentré au rez-de-chaussée du Sullivan Show un de mes amis était à Washington DC, ainsi va la vie, il marchait dans la rue, il a vu Gene Vincent, il s’est approché de lui et lui a dit ‘’ N’es-tu pas Gene Vincent’’, il a répondu’’ Oui, je suis à la recherche d’un guitariste rythmique’’ et Paul Peek (il sera guitariste puis clapper boy chez les Blue Caps) a dit ‘’Eh bien je joue de la guitare rythmique’’ , Gene a répondu ‘’ Tu veux un travail de guitariste rythmique ?’’ et Paul l’a rejoint, pour moi ça a bien commencé environ deux jours plus tard. Gene a dit maintenant nous avons besoin d’un guitariste solo, et Paul a répondu : J’en connais un à Greenville en Caroline du Sud, il joue dans un groupe là-bas et ils sont venus de Portsmouth en Virginie à Greenville pour me voir, je jouais sans doute un vendredi soir dans un truc style lycée, ils sont venus me voir et m’ont embauché sur place, alors je suis retourné à Portsmouth en Virginie, nous avons répété un peu et nous sommes partis sur la route. A cette époque je jouais d’une guitare à trois manches, il n’y en avait qu’une de plus dans le monde entier et j’avais la deuxième guitare à

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    trois manches dans le monde et Bubba (surnom de Tommy Facenda lui aussi clapper boy)  a raconté que c’est à cause de cette rareté que Gene m’a embauché et non pour mon jeu. Gene voulait cette guitare à trois manches dans son groupe, je l’ai finalement vendue à Gene et il m’a acheté une toute nouvelle Gretsch pour jouer et je lui ai vendu la guitare à trois manches donc il est devenu le seul propriétaire d’une guitare à trois manches donc c’est comme ça que selon Bubba je suis devenu l’un des Blue Caps. Gene était très généreux, il n’était pas une star du genre Primadonna, il était très terre à terre, mais il avait, j’avais l’impression qu’il était toujours mal, il avait eu un accident de moto et s’était cassé la jambe très gravement, elle n’a jamais guéri correctement, et j’ai l’impression qu’il avait mal, énormément, énormément, pour quelqu’un qui devait avoir mal 24 heures sur 24, j’ai l’impression qu’il s’est plutôt bien débrouillé. Oui, j’ai fait les premiers Blue Caps. Je comprends qu’ils 

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    voulaient  rester à la maison, ils avaient des femmes, des enfants, des boulots et ils n’aimaient pas la route. J’ai adoré parce que ça m’a fait sortir de Greenville, en Caroline du Sud, et nous allions partout dans le monde. Je veux dire, un petit gars en Caroline du Sud, un jour on est à New York, le lendemain à Chicago, le surlendemain à Dallas, le jour suivant dans le Dakota du Nord, c’était très excitant pour moi. Sûr je ne l’aurais échangé pour rien au monde. Mais Roy Orbison, Johnny Cash, Carl Perkins, Jerry Lee Lewis, tous les grands noms de l’époque, c’était en  57, vers Mars ou Avril, en 57, c’était une grande tournée en tête d’affiche, ils appelaient ça des packages shows, il y avait peut-être sept, huit ou dix artistes dans le même show.

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    Celui qui avait le plus gros succès à l’époque était la tête d’affiche du show. Vous savez, Gene avait à peu près le plus gros succès donc nous avons toujours clôturé le show. Gene et les Blue Caps. et  il était difficile de passer après Jerry Lee. Ils lui ont fait ouvrir le spectacle et tous les autres médiocres le suivaient, ça n’a pas vraiment marché, après une semaine ils ont dû réorganiser le modèle et arriver à disons à Furland H ou Sonny James pour ouvrir le spectacle, vous savez et Jerry Lee a dû venir à peu près jusqu’à la fin parce qu’il était si dynamique, vous savez, et puis nous suivions Jerry Lee parce que nous étions un peu plus dynamiques que lui, mais Jerry Lee, peut, oh oui ! jamais, nulle part  il ne sera un second couteau ! Il sait où se trouve sa place. Ainsi en Australie, nous avons joué là-bas pendant deux semaines avec Little Richard, inutile de dire qu’il a dû clôturer le spectacle, vous ne pouvez pas passer après Little Richard, ça s’appelait Send me some Lovin et ça a dû atteindre le numéro 10, ça n’a jamais été aussi gros que Be Bop A Lula, ça a atteint le numéro 10 et c’est comme ça, j’en suis fier et je signe mes autographes et tout ça, si c’est pour

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    une femme, je signe ‘’ beaucoup de semaines d’amour, Johnny’’ maintenant, je ne fais pas nécessairement cela pour les gars, vous savez, mais je suis fier de ça, beaucoup d’amour était le premier disque sur lequel j’ai joué et c’était un gros succès, et j’étais vraiment content de ça. Hollywood Capitol Tower, Hollywood, où je pense que Be Bop A Lula a été gravé, je suis presque sûr que ça a été gravé à Nashville, mais après ça tout a été enregistré à la Capitol Tower, Gene a eu un gros

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    succès grâce à une chanson intitulée Say Mama et j’en ai écrit la moitié moi et un gars nommé Country Earl, nous nous sommes réunis et avons écrit la chanson ensemble, je l’ai jouée pour Gene et nous l’avons enregistrée et elle se vend toujours à ce jour, c’était en 1958 et je reçois toujours dix ou quinze cents tous les six mois, vous savez donc c’est pour ça que je me dis que ça dure une seconde pour être… Quant à  Be Bop A Lula c’est l’un de ses plus gros succès, environ quatre albums et peut-être environ 15 singles, je joue sur la plupart de ses morceaux après Be Bop A Lula. Ils ont gravé Be Bop A Lula puis je pense deux albums, un ou deux albums là-bas, dans une période d’environ cinq mois. Les deux premiers des albums et Be Bop A Lula était la première formation des Blue Caps, c’était Cliff Gallup qui jouait la guitare leader, après ça j’ai joué ( l’on voit Meeks accompagné d’une jeune fille marcher dans

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    les allées) sur presque toute cette période de Gene sur Capitol. Tout le groupe se séparait, tout le monde voulait rentrer à la maison, ce n’était plus tout à fait le même groupe, Dicky le batteur est revenu et est parti et est revenu et est reparti, Bubba et Paul ont fait la même chose, ils sont revenus pour le film, puis sont repartis, ce n’était pas le même groupe, le même lien, ils envoyaient quelqu’un d’autre et il restait un moment et il partait. Donc c’est devenu fatiguant que tout le monde veuille arrêter et rentrer à la maison, et bla-bla-bla, nous étions à Hollywood, il n’y avait aucun moyen que je quitte Hollywood pour retourner à Lauren en Caroline du Sud, donc je suis resté à Hollywood et on m’a proposé un travail avant le jour où nous allions nous séparer, nous enregistrions à Capitol et tout le monde allait finir ça, et rentrer à la maison, donc nous avons terminé l’enregistrement et je suis resté à Hollywood, je n’étais pas prêt de retourner à la maison. Vous savez donc j’ai juste

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    continué à partir de là j’avais un travail que j’ai joué, puis j’ai joué un autre boulot, j’ai joué un autre, joué un autre, puis un autre, j’ai rejoint les Champs, quitté les Champs, et suis allé quelque part, bla-bla-bla, ça dure depuis cinquante ans ce jeu et je n’ai pas encore eu à demander pour un boulot… Gene était programmé en Angleterre, Eddie était programmé en Angleterre, et Gene voulait que j’aille avec eux, sur cette tournée qui a tué Eddie, j’aurais pu être dans le même taxi avec lui, mais j’ai refusé, je n’y suis pas allé, alors Gene a demandé à Eddie de le soutenir sur scène, tu sais maintenant Eddie n’a pas fait tous les anciens morceaux et tout ce qu’on avait fait mais il jouait bien de la guitare, donc il soutenait bien Gene sur Be Bop A Lula et des trucs comme ca, moi j’étais avec les Champs à ce moment-là, des gars qui avaient créé Tequila, je jouais avec les Champs, on était dans un bus, en direction de Cleveland je crois, et ils m’ont réveillé pour me dire que Gene Vincent et Eddie Cochran venaient d’avoir un accident de voiture en Angleterre, ils avaient entendu la nouvelle  à la radio. Ils m’ont réveillé pour me dire de me réveiller, pour me dire sur Gene Vincent et qu’ Eddie Cochran vient d’être tué dans un accident de voiture en Angleterre. Je me suis dit, oh mon Dieu c’est la même tournée que j’aurais pu faire. Lorsqu’il  était à Los Angeles, il a essayé de m’embaucher ou de partir en tournée avec lui, ou quelque chose comme ça. Et je… il n’y était pour rien. je ne voulais tout simplement pas le faire. Je faisais, d’autres choses vous savez et ça n’aurait pas été pareil en aucun cas sans les autres Blue Caps, Vous savez comme je l’ai dit, nous avions un lien particulier qui n’a jamais pu être brisé… L’incrédulité, vous savez quoi ? Gene est mort et j’ai dû entrer dans les détails. Il était revenu d’Angleterre.

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    L’ironie de la chose c’est que j’étais à environ deux ou trois miles. Il était à environ deux ou trois miles de moi, quand il s’est effondré. Je jouais dans une boîte de nuit et il vivait environ à trois ou quatre miles de là. Je jouais dans cette boîte de nuit et il était environ à quatre miles de là mourant d’un ulcère hémorragique. Il ne savait pas que j’étais là et je ne savais pas. Il était là, on était proche pour ainsi dire jusqu’à la toute fin, dans le sens où c’est arrivé en Californie et c’était le lendemain ou quelque chose comme ça avant que ça ne sorte dans le journal, avant que je ne le sache, je ne le savais pas et c’est sorti dans le journal et je dis  qu’à ses funérailles j’étais un Paul Bearer (porteur de cercueil), et c’était triste, très triste, Gene. J’ai vu beaucoup de documentaires et toutes ces choses sur le rock and roll, et ils ne mentionnent que très rarement, voire jamais, Gene. Gene était une grande star à cette époque et ils ne le mentionnent presque jamais, il n’est presque pas reconnu comme je l‘ai dit, et les Blue Caps sont très populaires en Angleterre, mais aux Etats Unis, ici il est très difficile de trouver quoi que ce soit sur Gene Vincent et les Blue Caps, ils mentionnent Jerry Lee, Elvis, Sam Cooke, Jackie Wilson, et Little Richard et jamais Gene, et nous étions tous là, dans le même sac, et j’ai joué comme je l’ai dit dans une centaine de groupes et aucun d’entre eux n’a été aussi proche pour moi. J’ai encore des souvenirs des Blue Caps   ce ne sera jamais pareil, ça ne sortira jamais de ma tête, et je n’ai pas forcément un tel lien avec d’autres groupes, tu sais les Blue Caps étaient uniques en leur genre,

    Say Mama, can I go out tonight?
    Say Mama, will it be alright?
    They got a rockin' party goin' down the street
    Say Mama, can't you hear that beat?

     Dis-moi, maman, je peux sortir ce soir ? Dis-moi, maman, est-ce que ça va aller ? Il y a une super fête dans la rue. Dis-moi, maman, tu n'entends pas ce rythme ?

    Damie Chad.

    Notes :

    Sonny James (1928 – 1983), chanteur de country dont le titre de gloire reste  Young Love paru en 1957.

    Ferland H : vraisemblablement Ferlin Huskin (1925-2011) en contrat avec Capitol Records, son simple Gone paru en 1957 fut classé quatrième au Billboard Top 100.

    Toutes ces vidéos consacrées à Gene Vincent sont à voir   sur la chaîne FB : VanShots - Rocknroll Videos.