KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 432
A ROCKLIT PRODUCTION
03 / 10 / 2019
GODZ / MYSTIC BRAVES / PATIENT Z / PRINCE ALBERT / POSPISH POTOM AMN&' ZIK / VELLOCET |
Oh my Godz !
S’il existe sur cette terre un groupe digne d’incarner l’anti-system, c’est bien les Godz. Oh my Godz ! Ces quatre New-Yorkais s’amusèrent en leur temps à enregistrer l’un des disques les plus insupportables de l’histoire du rock. Cet album ne pouvait paraître que sur ESP, le label new-yorkais un peu anar de Bernard Stollman. Sur ESP, on trouvait aussi les Fugs, Sun Ra et des albums de free dont personne ne voulait parce qu’ils faisaient mal aux oreilles.
Johnnie Johnstone nous rappelle qu’en 1965, la scène new-yorkaise était encore très classique. C’était juste un peu avant le Velvet. New York était alors la ville du folk et des jazz clubs. La rock music scene concernait très peu de gens. L’histoire des Godz commence chez un disquaire de la 49e rue : Sam Goody Record Store. C’est là que Larry Kessler rencontre Jim McCarthy et Paul Thornton. Ils ont en commun un strong love of rock’n’roll and marijuana et un dégoût profond de la politique que mène le gouvernement américain à l’étranger. Pour lutter contre l’impérialisme américain, ils décident de faire de la musique d’une façon très originale : en jouant par exemple sur des instruments dont ils ne savent pas jouer. Le guitariste Paul Thornton joue de la batterie, ils mettent le chanteur Jim McCarthy à la guitare, et le violoniste Larry Kessler joue de la basse. Leur concept : adventure throught unfamiliarity, c’est-à-dire au petit bonheur la chance. Et ils se mettent à faire du bruit like a bunch of maniacs, out of frustration. Qualifions leur démarche de parti-pris provocateur, si vous voulez bien. Une sorte de dadaïsme inconscient.
Ils admirent énormément les Fugs mais la grande différence c’est que les Fugs font jouer un groupe derrière eux, car ils sont poètes, pas musiciens. Les Godz ne sont ni poètes, ni musiciens. Les Fugs rêvent de devenir des rock stars. Les Godz font tout ce qui est en leur pouvoir pour ne jamais le devenir. Plutôt crever ! Les Fugs décrochent un contrat chez Warner Bros. Par contre, personne ne veut des Godz qui ne sont ni polis ni intellectuels. Avant de passer chez Warner, les Fugs avaient fait paraître leurs deux premiers albums sur ESP, et curieusement, Larry Kessler travaille chez ESP. Il négocie un deal pour les Godz avec Bernard Stollman. Okay Larry. Stollman leur accorde trois heures pour enregistrer un single. Les Godz en profitent pour enregistrer leur premier album - It was just a freak-out in the studio - Tout sur cet album est du 100% first take.
Ce premier freak-out des Godz s’appelle Contact High With The Godz. Comme chacun sait, tous les amateurs de rock purgent régulièrement leur discothèque. On vire les trucs qu’on n’écoute plus et ceux qu’on finit par détester. Curieusement, ma vieille copie de Contact High With The Godz a survécu aux purges. Pourquoi ? Sans doute parce qu’elle n’avait pas la moindre chance de survie dans une discothèque triée sur le volet. L’album continuait d’émettre une sorte d’infime éclat de légendarité underground. Il suffit d’écouter «Turn On» pour essayer de s’en convaincre : qualifions ça de folk-rock débilitant joué au basson. Pour des gens qui ne veulent pas savoir jouer, force est d’admettre qu’ils savent quand même jouer. Sur «White Cat Heat», ils miaulent. Ils inventent la psychedelia animale. En B, ils s’engagent dans le même genre de délire que les Holy Modal Rounders, avec du folk-rock psychédélique férocement anti-commercial. Pourquoi écoute-t-on «1+1=?» ? Parce que c’est aussi insolent que pouvaient l’être Les Chants de Maldoror. C’est l’unique raison. Ils s’enferrent dans le folk provocateur avec «Lay In The Sun». Les Godz veillent à rester sans foi ni loi, on entend des coups d’harmo ici et là, c’est très sauvage, au sens de l’étalon indomptable d’Hopalong Cassidy. Contact High With The Godz ne pouvait sortir que sur un seul label au monde : ESP. Ils terminent avec une reprise du «May You Be Alone» d’Hank Williams. Les spécialistes taxent ça d’insanely unmelodic drones. C’est vrai qu’en matière d’insanité, on est servi.
Ce premier album paraît six mois avant le premier Velvet. Les deux groupes ne se fréquentent pas - They were more commercial than we were - Les Godz n’aiment pas non plus les gens qui essayent de sonner comme les Beatles ou les Stones. En gros, Larry Kessler considère les Godz comme des hipsters du Lower East Side. Lester Bangs finira par chanter leurs louanges dans l’insupportable Carburator Dung.
Quand ils sont en studio, ils sont toujours high and drunk. Seuls avec l’ingé son. No visitors. Et l’ingé son finit toujours par jouer avec eux. Sur scène ils mettent une demi-heure à s’accorder et quand ils attaquent avec «White Cat Heat», la salle commence à se vider. En général, on les vire du club. Un petit jeu provocateur auquel se prêteront un peu plus tard Alan Vega et Martin Rev.
Larry et ses amis parviennent à enregistrer un deuxième album, Godz 2, en 1967. Comme ils ont commencé à travailler leurs instruments, l’album sonne un peu mieux que le précédent. C’est là que se trouve «Radar Eyes», considéré à juste titre comme un classique proto-punk. C’est même digne des 13th Floor, ils y vont à coups de cry cry cry sur le heavy beat le plus subterranean de l’underground. Ils s’arrangent même pour en altérer le son, vers la fin. Si globalement le son de l’album change, c’est parce que les drogues changent. Ils carburent alors au LSD. Ils reviennent à leur chère désaille folky-folkah avec «When» et au néant absolu avec «New Song». Voilà encore un album fort peu recommandable. Seuls les fous littéraires sauront l’apprécier. Il faut avoir le cœur bien accroché pour écouter un truc comme «Squeek». Ils sauvent leur fin d’A avec «Soon The Moon», petit shoot de garage psyché. En B, ils tapent éventuellement dans les Beatles avec «You Won’t See Me» et sonnent comme les Electric Prunes avec «Permanent Green». Ils sont parfaitement capables de jouer des cuts normaux et intéressants.
Ils se calment un peu avec le troisième album, The Third Testament, paru en 1968. Larry Kessler le considère comme le crowning achievement. Ils font un peu de musique conventionnelle avec un «Like A Sparrow» qui sonne comme un country-rock lumineux. Ils lui donnent la patine du grain de folie déterminant. C’est tout le secret de la puissance de l’underground, surtout quand un groupe devient culte : la liberté de ton, voilà le secret de son apanage. Jim McCarthy chante «Ruby Red» et c’est gratté à l’acou new-yorkais. Il chante aussi «Down By The River» à la small transe hypno. Il reste dans la petite pop insouciante pour «Neet Street», et flirte avec le son des Lovin’ Spoonful. Voilà un cut qui sent bon le printemps.
Ils évoluent encore avec Godzundheit, paru en 1973. On y trouve des mélodies et ils semblent même jouer ensemble. So what went wrong ? Larry Kessler explique qu’à cette époque ils avaient tous les trois des groupes différents et qu’ils étaient venus en studio enregistrer leurs chansons respectives avec leurs groupes respectifs. Mais ça ne sonnait pas comme les Godz. C’est pourtant leur album le plus consistant. Leur version de «Jumping Jack Flash» en bouche un coin. Ils chantent tous les trois le gas gas gas et Jim McCarthy drive la bête. Il shoote une sacrée dose de niaque new-yorkaise dans la Stonesy. On trouve pas mal de choses intéressantes en A, à commencer par «Take The Time» que chante et gratte Larry Kessler. Belle pop new-yorkaise ambitieuse et jouée à la bravado, aménagée d’espaces verts propices aux solos de Charles Cazalet. Oh my Godz, Kessler sait chanter ! S’ensuit un «Dirty Windows» bien senti. On retrouve les trois Godz des origines dans cette petite samba pop inopinée. Bob Ringo Gallagher y joue un bien beau lead. C’est au tour de Paul Thornton de chanter «Give A Damn». Ils changent d’équipe à chaque cut, c’est très étudié. On a là une sorte de balladif élégiaque à la dylanesque très bien ficelé. Ils bouclent l’A avec «Women Of The World». Paul Thorton chante et joue un petit lead sur ce beau groove entraînant pulsé aux clap-hands. L’album est extrêmement dense et plutôt agréable. Les Godz virent leur cuti en cultivant un goût prononcé pour la pop de bonne facture. Incroyable mais vrai ! Le monde à l’envers !
Ils se perdront de vue pendant vingt ans. Mais en 2005, une nouvelle tombe sur les téléscripteurs : les Godz se reforment ! Oh my Godz ! Jim McCarthy est moins présent, mais Larry Kessler et Paul Thornton piaffent de plus belle. Ils donnent pas mal de concerts, dans des facs et des frat houses, mais là où ça marche le mieux, c’est dans le Bowery, à New York. Ils ont enregistré un single en 2016, «America», et apparemment, un nouvel album est en route. Larry Kessler a 76 ans et il affirme en tapant du poing sur la table qu’il n’a pas l’intention de se calmer, Godzdamnit !
Signé : Cazengler, Godzmichet
Godz. Contact High With The Godz. ESP Disk 1966
Godz. Godz 2. ESP Disk 1967
Godz. The Third Testament. ESP Disk 1968
Godz. Godzundheit. ESP Disk 1973
Johnnie Johnstone : Permanent Green Light. Shindig #87 - January 2019
Braves Mystic Braves
Rien qu’à les voir déambuler dans le grand hall, on sait qu’ils sont musiciens, et même américains. Avec leurs dégaines des hipsters californiens à la cloche de bois, les Mystic Braves tranchent non seulement avec la faune environnante, mais aussi avec l’image qu’on se fait ordinairement d’un groupe de rock américain. Pas de danger qu’on les confonde avec les Guns N’ Roses. Dans la réalité, ils paraissent moins flamboyants que sur les pochettes de leurs albums. Ce n’est pas qu’ils soient à deux doigts de faire la manche, mais on voit bien que leurs godasses sont trouées. Le chanteur d’appelle Julian Ducatenzeiler, un nom très facile à retenir. Pas très haut, il arbore un visage triangulaire aux traits d’une extrême finesse, porte le cheveu mi-long, une petite moustache assortie et des fringues qui frisent la fripe : une veste de treillis ouverte sur un marcel blanc très décolleté, un pantalon délicieusement indéfinissable et des baskets bâillantes aux semelles de vent, comme dirait son cousin éloigné Arthur Rimbaud. Le parallèle n’est pas innocent. Julian et Arthur trimbalent dans l’air du temps le même genre d’insoutenable légèreté de l’être. D’apparence plus frappante encore, voici Tony Malacara (basse), l’un des deux chicanos du groupe, gaillard charnu, portant sur l’environnement un regard interrogatif et romantique à la fois, le visage cadré serré par d’épaisses mèches de cheveux noirs, portant lui aussi une sorte de veste de bleu de travail et un pantalon qu’il remonte régulièrement des deux mains, histoire d’accuser un fabuleux feu de plancher. Pour compléter cet anti-déguisement, il porte des Beatles boots noires à élastiques et des bagues quasiment à tous les doigts. On découvrira par la suite que Tony Malacara compose environ la moitié des cuts du groupe, Julian Ducatenzeiler se chargeant de l’autre moitié. On y reviendra plus tard. L’autre chicano du groupe s’appelle Shane Stotsenberg (guitare). Il offre l’agréable spectacle d’un visage extrêmement bien dessiné, il porte le cheveu mi long et une petite moustache. Il se fringue lui aussi comme l’as de pique : chemisette blanche, pantalon noir, gros trousseau de clés extérieur et boots aux pieds, mais pas n’importe quelles boots, baby ! Il porte les snakeskin boots de Keith Richards, oui, celles qu’on voit dans la séquence filmée à Muscle Shoals lors de l’enregistrement de «Wild Horses», avec Jim Dickinson dans les parages. Et puis voilà le batteur, Cameron Gartung, un blond moustachu au crâne anormalement rétréci, comme s’il avait réussi à échapper à une tribu de Jivaros. Mais attention, sur scène, il groove du buste et des bras, comme s’il voulait onduler.
Voici enfin le moment de vérité. Rien n’est plus parlant que de voir un groupe se préparer. Pouf, il débarquent sur scène, se branchent et s’accordent, allez on va dire cinq minutes. Comme c’est reposant ! Ils nous épargnent le triste spectacle du guitar-tech qui accorde et réaccorde les mêmes guitares pendant une demi-heure avec des mines confites de scientifique affairé. Comme si le quart de ton allait influer sur le destin du genre humain ! Bon d’accord, on peut comprendre que certains musiciens soient obsédés par l’accord parfait, mais les gens s’en foutent, surtout ceux qui se mettent des bouchons dans les trous de nez. Quand en guise de check-up Shane Stotsenberg claque un accord chargé de réverb de rêve sur sa demi-caisse, on commence à saliver, car c’est LE son, ce vieux son du psyché californien qu’on croyait à jamais disparu. Le fameux accord du désert. Les Mystic Braves n’ont ni jeu de scène ni disposition particulière.
Le trio Ducatenzeiler/Malacara/Stotsenberg se met dans un coin, le batteur derrière et un mec s’installe à l’orgue de l’autre côté. On apprendra par la suite que l’organiste du groupe s’est blessé à la main et qu’il a dû se faire remplacer. Ces mecs sont à la ville comme à la scène, complètement immunisés contre le fléau des temps modernes, le m’as-tu-vu. Par contre, ils plongent dès les premières mesures dans leur univers, alors libre à chacun de les suivre ou pas. Soudain, la corrélation se fait : Mystic Braves, bon dieu mais c’est bien sûr !
Ils glissent et nous avec dans une mystique du son, un univers musical extrêmement raffiné, presque abstrait par l’éclat de sa clarté, en droite ligne de ce que Gram Parsons appelait la cosmic Americana, une sorte de quête du Graal américain. Comme chacun sait, le Graal n’est pas fait pour être découvert, mais pour être simplement recherché. Tout chez eux n’est que luxe, calme et volupté, mais au sens psychédélique de la formule.
Julian Ducatenzeiler chante sans jamais forcer sa voix, en surface d’un son léger et beau comme un air de printemps californien. Il joue ici et là des petits solos crispés sur sa Jaguar et Tony Malacara passe la moitié de son temps à poser sur lui un regard bienveillant. Le trio semble extrêmement concentré, extrêmement soudé et extrêmement content de jouer. Ils sont admirables de présence, reliés au sol par leurs trois gros cordons blancs tombant directement des prises de jack. Ils jouent la plus soft des psychedelia californiennes, et ça prend vite des proportions voyagistes. Bien sûr on pense aux Byrds, et dans les moments un peu plus exaltés, aux Seeds, mais sans fièvre. Uniquement de la classe.
Les Mystic Braves se montrent bien plus excitants que les Allah-las qui réussirent l’exploit de transformer un concert caennais en fiasco épouvantable. Les braves Mystic Braves sont beaucoup trop fins pour glisser sur une peau de banane. Ils sont comme qui dirait visités par la grâce. Leur son peut se faufiler dans n’importe quelle cervelle et y chatouiller des choses. Comme le font de leur côté les Schizophonics avec leur ramalama, les Mystic Braves réactualisent d’antiques mythologies. On croyait cette dimension de la psychedelia californienne disparue avec les Byrds et Arthur Lee, mais non, elle reste sacrément d’actualité, car ces braves mecs veillent au grain.
Leurs quatre albums n’en finissent plus d’amener de l’eau au moulin d’Alphonse Daudet : ils démultiplient à l’infini cet étonnant mélange d’aisance et de fraîcheur qui caractérise leur prestation scénique. Quatre albums en cinq ans, ça va.
Le premier paraît en 2013, sans titre. La pochette au motif rondement abstrait flirte vaguement avec l’esthétique du Dead. Souffrant d’un léger déficit productiviste, l’album poursuit néanmoins son petit bonhomme de chemin, comme s’il se moquait du qu’en-dira-t-on. Il prend l’apparence d’un «Mystic Rabbit» d’Americana douceâtre finement peaufinée d’argentina californienne. Cette subtile combinaison de légèreté, de charme discret, d’absence totale de prétention et d’assurance semble dessiner un avenir. Curieusement, on se sent bien dans leur son, à la ville comme à la scène. Ils savent aussi passer en mode lo-fi, comme le montre «Misery Loves Company». Ces mecs ont une vision extrêmement pure du son et ça leur donne un crédit considérable. Un parallèle avec Anton Newcombe s’impose. On retrouve chez ces braves Mystic Braves le soin du son, ni trop peu, ni trop trop, juste ce qu’il faut, dans la droite ligne d’une Americana bien balancée, bien dans sa peau. Le «Cloud 9» qui ouvre le bal de la B frappe par sa fraîcheur de ton et le côté aérien des guitares. Ce subtil dosage impressionne et captive. Il est certainement plus difficile à réussir qu’un ramalama de guitares fuzz. «Strange Lovers» n’est rien d’autre qu’un beau mid-tempo d’Americana qui navigue en père peinard sur la grand-mare des canards. Ils ne sortent jamais de leur son, ils s’y sentent bien. Tony Malacara se laisse parfois tenter par le Tex-Mex, comme le montre «Vicious Circle». Il renoue avec cette vieille tradition de la frontière qui remonte à Doug Sahm et qui mêlait si délicieusement psychedelia et Tex-Mex Sound. Petite cerise sur le gâteau : le cut renferme un beau moment de folie qui rappelle ceux des Seeds.
Pour la pochette de Desert Island paru l’année suivante, les braves Mystic Braves posent assis dans les rochers, comme des guerriers apaches. Tiens puisqu’on parlait des Seeds, on trouve en B un cut qui sonne comme une reprise des Seeds : «Born Without A Heart». Joli jus de juke, et comme ils le travaillent avec soin, ça passe comme une lettre à la poste. «Earthshake» évoque aussi les Seeds, avec un son filigrané de perles et de spliffs, de dents blanches et de fleurs - All the pictures are falling from the wall - Le hit de l’album s’appelle «Coyote Blood». Ils l’emmènent à bonne allure et Julian Ducatenzeiler maintient son chant en suspension - It’s gotta be that damn coyote blood in me - Retour au Tex-Mex avec un «I Want You Back» salué aux trompettes mariachi. Voilà une petite merveille de sobriété hardiment troussée, extrêmement véloce et fine en même temps. «Bright Blue Day Haze» s’apparente à la meilleure psychedelia longiligne, diluée dans l’air chaud et soigneusement distillée. Si on aime l’envoûtement, il faut écouter les Mystic Braves, comme on écoutait autrefois les Byrds. Mesdames et messieurs, nous atteignons l’altitude de «Eight Miles High».
Paru l’année suivante, Days Of Yesteryear pourrait bien être leur meilleur album. On les voit tous les cinq bien rangés sur la pochette, comme le sont les Stones sur la pochette de 12 X 5. À voir l’expression de Julian Ducatenzeiler, en haut à droite, on comprend mieux l’essence du mysticisme des braves Mystic Braves. Il semble en effet un brin far-out there, ce qui est très bien. Puisqu’on évoquait la parenté avec les Byrds, en voilà l’illustration parfaite : «Down On Me». Stupéfiant ! Bardé de belles cassures de rythme psychédéliques et un solo se jette littéralement dans le tourbillon groovytal. Ils reviennent aux Seeds avec «Now That You’re Gone» et se veulent très infectueux. Ce mec chante réellement à l’idéale, à la pure insinuation psychédélique. S’il fallait les résumer par un seul mot, ce serait finessepsychédélique. Et dès l’ouverture du bal d’A, ce démon softy de Julian Ducatenzeiler impressionne. Il ne chante pas, non, il tartine plaisamment, bien emmené par un beat sec et pressé. Ils n’en finissent pas de jouer la carte de la finessepsychédélique, débitant nonchalamment leur groove racé à peine teinté d’orgue. Théoriquement, ces mecs devraient devenir les héros des amateurs de psychedelia. On note au passage que Tony Malacara signe cette magistrale entrée en matière. Ils ramènent à la suite un brin de Misery dans «No Trash», et un petit solo nerveux s’inscrit dans la droite ligne du party. Cet album s’installe latéralement, le son s’étend comme le crépuscule sur le désert. Nouvelle merveille que cet «As You Wonder Why» articulé sur des chutes de chant tirées à quatre épingles. Leur «Spanish Rain» d’ouverture de bal de B sonne presque anglais. Les voilà aux frontières de la pop, mais sans la moindre prétention. S’ensuit un «Corazon» joliment enlevé, joué à la bonne mesure de guitares discrètes, avec une voix bien détachée dans le mix. Tant qu’on y est, on peut aussi saluer «Great Company», fantastique shoot de psyché californienne élastique et pleine de saveurs, jouée dans les règles de l’art. C’est un son qui pourrait presque se humer.
Ils finissent par choisir un visuel psychédélique pour orner la pochette de The Great Unknown paru l’an passé. Une sorte de corolle rouge transfigure un crépuscule médusé. Par contre, l’album ne transfigure rien de spécial, il reste dans l’esprit tranquille des jours tranquilles à Clicky. «Under Control» ? Oh doucement, les gars, on a le temps, pas la peine de speeder. Ils ne forcent jamais le destin d’une chanson. Elle doit couler de source, comme un ruisseau dans les alpages. Les cuts sont parfois trop doux et peuvent endormir l’imprudent, c’est d’ailleurs ce qui s’est produit pour certains pendant le concert. Mais comme on le constate à l’écoute de «Perfect Person», la beauté sibylline finit par l’emporter et par laisser sur les lèvres un léger goût d’enchantement. Mais encore une fois, on a les lèvres qu’on peut. Sur cet album, tout est soigneusement calibré, aucun excès, les solos se délitent comme des fils d’argent dans l’embrasement du crépuscule. Les braves Mystic Braves emmènent leur «Can’t Have Love» au who-oh-oh et donnent encore une fois une belle leçon d’extrême pureté psychédélique. Ils ne font que rafraîchir les vieilles racines du rock californien. On tombe en B sur un «What Went Wrong» monté en mid-tempo et joué à l’économie maximaliste. Pas une note de trop, ils jouent à l’éparse et le solo s’écoule doucement en note à note dans l’aveuglant éclat d’un azur immaculé. «Back To The Dark» rappelle vaguement le son qu’ont les Yardbirds dans «Happening Ten Years Ago» et le hit de l’album pourrait bien être le morceau titre. Julian Ducatenzeiler chante avec de lointains accents dylanesques - Got no destination and I don’t mind - Ce qui résume tout.
Signé : Cazengler, Mystic trave
Mystic Braves. Le 106. Rouen (76). 18 septembre 2019
Mystic Braves. Mystic Braves. Lolipop Records 2013
Mystic Braves. Desert Island. Lolipop Records 2014
Mystic Braves. Days Of Yesteryear. Lolipop Records 2015
Mystic Braves. The Great Unknown. Lolipop Records 2018
COMEDIA / 27 – 09 – 2019
PATIENT Z / PRINCE ALBERT
POSPISH POTOM
Eloge de la folie. A écrit Erasme. A croire que notre érudit de la Renaissance a dû trouver un trou dans l'espace-temps pour venir visiter La Comedia, ce vendredi soir, avant d'écrire son bouquin. La soirée fut chaude. Very hot, muy caliente.
Mais peut-être lecteur ou lectrice émérite avant de commencer ta lecture voudras-tu être – au moins mentalement – semblable à ces élus qui sont allés communier à l'autel de la Comedia, afin de recevoir l'initiation ultime, après t'être longuement recueilli(e) devant l'icône, peinte par le maître Martin Peronard, de la Comedia, morte et enterrée selon les foudres administratives et les sectateurs de la moraline montreuilloise, mais miraculeusement ressuscitée depuis un an, telle un phénix éternel, et dont tu es, par le maître de cérémonie M' Coco, invité à boire les cendres mêlées à un mojito à base de vodka et de citron ce qui te donne droit de t'incliner devant le dévoilement de l'affiche du récidiviste Péronard qui présente la couverture du prochain vinyl ''Nasty Nest''dans lequel s'illustrent bruyamment quatorze des groupes qui cette année sont venus jouer dans l'antre comedique de la divine assagesse rock. C'est ainsi que pressé par l'émotion et par la foule tu peux te remettre de tes émotions en t'accoudant au bar ou en te présentant devant la scène.
PATIENT Z
Ne jouent pas sous X. Clament hautement leur origine, viennent d'Orléans, pas de la Nouvelle, mais l'ancienne, la seule, l'unique, à laquelle font référence les livres d'écoliers. Tout laisse à penser que dans leurs jeunes années ils ne furent pas des plus sages, ces jeunes gens respirent l'indiscipline gauloise, n'y peuvent rien, c'est dans leurs gènes, Z'adorent le bruit, Z'aiment la musique festive et Z'adulent les saccades remuantes vous Z'ettent tout de suite dans l'ambiance avec ce bruit de Zirène qui retentit pour annoncer l'explosion de la centrale nucléaire la plus proche. Vous ne pourrez pas leur reprocher de ne pas vous avoir avertis. Bizarrement personne ne Z'e rue vers les Z'orties de Z'ecours.
T'as qu'à, Xtrophe, regarder – je n'y peux rien Le Doyen se nomme ainsi - l'ont relégué dans un coin, difficile de l'apercevoir, par contre vous l'entendez, il a la frappe racinienne, vous savez ces serpents qui sifflent sur vos têtes, l'a un penchant monstrueux pour le chuintement délibératif des cymbales et le bruissement cachotier de la charleston, même que de temps en temps il lui refile en douce un coup de baguette afin qu'elle vibre davantage, c'est son job, vous affole les oreilles, z'avez l'impression d'avoir la tête de Méduse auréolée de serpents qui sifflent dans vos tympans, un sonore carnage à la Caravage, bien sûr il tape aussi sur les toms mais soyons-en sûr son taf c'est de vous remplir votre tube auditif d'un énorme et strident zézaiement de locomotive à vapeur.
PR Ben est à la guitare. PR, pour problème nous supputons. Et Camion Benne pour la fin du patronyme. Se charge de décharger les riffs. Pas un esthète. L'aime bien que ça tombe de haut et que ça vous ensevelisse d'un seul coup. Histoire de se mettre en joie. Il recommence illico. Vingt fois de suite. Il en sautille de ravissement. Et par un mimétisme incompréhensible la salle l'imite. Il attend que le calme revienne, et hop dans les trente secondes qui suivent il vous recouvre du gravier. Mais les meilleures plaisanteries sont les plus lourdes doit penser Dr No-no qui de sa basse pétaradante vient à son aide et vous prescrit une ordonnance de pluie de gros rochers contondants sur votre squelette. Et le public un peu maso entrechoque ses os avec encore plus d'entrain. Sur ce, Le Patient, ce n'est pas juste son nom, faut rajouter Just1 après le début, s'en vient déposer deux grains de sel supplémentaires. Le premier n'est pas le plus ulcérant, une fois sur deux il dépose sa guitare, car le plus grave c'est sa voix.
Ne peut pas terminer un morceau sans annoncer que le suivant sera encore pire. Un gars honnête, ses prophéties se réalisent avec une régularité exemplaire. Le mec tout sourire qui sait se faire obéir, vous fouette de ses cordes vocales et l'assistance entière et tout le monde se hâte de se tressauter comme Justine sous le fouet du Marquis de Sade. Des pois sauteurs, salement remueurs. L'a le chant joyeux et jovial. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne nous énonce pas nos quatre vérités. Font un subtil va-et-vient entre les reprises des classiques du rock alternatif français et les morceaux plus mordants qui proviennent du punk d'outre-manche. Z'ont aussi leurs originaux pour lesquels vous reporterez plus bas à la chronique de leur dernier EP 7 titres.
Vous ont déclenché une pagaille monstre, manière de hisser la barre à très haut niveau. Vous accaparent tellement l'esprit que les neuf dixièmes de l'assistance ne s'aperçoivent pas de l'entrée en force de la vague d'immigration russe qui traverse la Comedia et qui après avoir déposé un monceau de bagages s'engouffre pour se restaurer dans la cuisine.
PRINCE ALBERT
Sa Majesté Royale s'empare de la scène comme l'on accède au trône. En offrant au peuple et aux fans ce qu'ils désirent. On va vite savoir le programme politique de la nouvelle dynastie. Un seule précepte, un seul commandement : rock'n'roll ! Prennent la succession de Patient Z sans vergogne. Refilent à Olivier le poste de ministre de la batterie. L'on sent tout de suite la différence. Se moque des cymbales, un peu de charleston certes pour occuper la population, mais lui c'est un mec à poigne. Vous abat de ces dégelées, à bras raccourcis sur la caisse claire à vous faire perdre la tête. Evidemment ce n'est qu'un leurre, une tambourinade gratuite et percutante pour vous abasourdir, vous ne savez plus où vous êtes, et c'est alors que Lefty Olivier vous met KO direct d'un direct du gauche sur le premier tom qui passe à sa portée. Imparable, deux coups de grosse caisse pour ponctuer le scoop de Trafalgar qui vient de vous tomber dessus, et hop il recommence aussi sec. C'est ce que l'on doit doit appeler une punch line.
L'on pourrait croire que Virgile hériterait du portefeuille de le poésie – deux mots qui ne vont pas très bien ensemble - mais non l' a été commis d'office à la guitare et il faut reconnaître que ce n'est pas un mauvais choix. Sourire aux lèvres et aux doigts le riff fil de fer barbelé qui vous laboure le corps et vous entraîne dans une espèce d'énervement destructeur qui ne tarde pas à se manifester devant la scène. Au lieu de se fracasser les uns contre les autres, comme ces œufs que vous cassez méthodiquement sur le rebord de la poêle pour obtenir une omelette juteuse, les participants aux grands entrechoquements collectifs adoptent la technique du bulldozer qui consiste à entrer vivement dans le tas gesticulatif et à le culbuter contre le mur, bref une immense cohue indisciplinée porteuse d'un grand désordre.
Tout devant Cédrick est le plus exposé au délire trépidant du fagot entremêlé des pogoteurs. Doit assurer les trois fonctions dumézilienne du chanteur de rock, chanter et jouer de la guitare, et de temps en temps lorsque la vague pogotrice passe à la hauteur de son micro, le recevoir sur les dents sans préavis. Mais il reste stoïque et continue et continue à diffuser comme si de rien n'était les édits claironnants du Prince Albert sur l'état du monde : Start up Nation, Les Hyènes, Ferme ta Gueule, Mafia, selon lesquelles tout va mal sur la planètehormis dans la Comedia emplie d'une liesse généralisée.
Les fans déchaînés envahissent quelque peu la scène à tel point que Cyprien se demande s'il lui restera assez de place pour sa basse, mais rassuré par les sourires ravis de Virgile, il continue son ronronnement de tigre épileptique qui n'est pas étranger au remue-ménage collectif. Pour la grande histoire, il ne reste plus qu'à noter que dans les anales, que ce soir-là le règne du Prince Albert régna longtemps pour le plus grand bonheur de ses sujets. Qui surent lui assurer une gigantesque ovation terminale.
POSPISH POTOM
L'on était prêts à tout leur pardonner. L'avant-veille ils traversaient l'Espagne, ce jour-là ils avaient parcouru, entassés dans une camionnette fatiguée, près de huit cents kilomètres depuis Toulouse, pour nous rejoindre. L'on subodorait une grande fatigue. Mais non, ont installé leur matos en un temps record, et la balance fut très courte, savaient exactement ce qu'ils voulaient. Virgile qui officiait pour régler les potentiomètres en est resté éberlué. Et puis, vous n'allez pas le croire, ce fut la folie pure. Il est indéniable que les russes ont le punk rosse.
Batterie, basse, guitare plaquées contre le mur. Même pas le temps de nous attarder mentalement sur le grand espace laissé libre sur la scène, une pluie de plomb fondu fond sur nous. Question metal, nos sidérurgistes en connaissent un filon, mais c'est-là le moindre de leur souci, sont plutôt des adeptes d'un stoner-rock ultra rapide qui ravage les contrées d'une espèce de grind-punk-hardcore-toutefois-mélodique inconnu sous nos latitudes. Et puis surgit le chanteur. Le scalde dans ses longs cheveux s'empare du micro, et par on ne sait quel miracle, quel mirage, sa voix s'impose au déluge de feu. Il danse, il est l'est partout à la fois, sur scène et dans le public, une sorte de feu follet humain qui rebondit sur les corps des pogoteurs, semble à tout moment disparaître sous la presse meurtrière des excités atteints de la tremblante spasmodique de taureau furieux devenus fous et ivres de bonheur, mais il en ressort vivant tel un oiseau-tempête qui se joue des ouragans, et qui glisse victorieux sur des courants vertigineux. Une voix acérée à la manière des lanceurs de couteaux sadiques qui s'amusent à atteindre leurs proies. Pospish Potom vous enchaîne dans les serpents de la démesure slave, des morceaux courts et percutants, pas le temps de réaliser que vous êtes déjà morts, mais il vous redonne vie au suivant, vous insuffle une énergie des plus folles, pour vous assassiner une nouvelle fois très vite.
Dans la salle, c'est une bronca céleste, beaucoup se précipitent pour hurler dans le micro avec ce chaman démoniaque qui vous le tend complaisamment afin que vous puissiez rugir de toutes vos plus bestiales pulsations. La violence est à son comble, le devant de l'estrade se vide, plus personne n'ose revenir dans cette espèce de maelström orgiague, mais le vortex hallucinatoire se reforme et vous appelle, pour vous moudre sur la meule de toutes les pulsions destructrices que renferment votre chair. Ne joueront pas très longtemps, mais une trainée de feu dévorante, un aérolite dévastateur qui s'en vient déséquilibrer votre climat psychologique intérieur. Désormais, il y aura un avant et un après. Surchauffe dans votre cavité crânienne, ça sent la Russie et le roussi.
( Plus tard : après le concert )
Damie Chad.
POSPISH POTOM / DORMEZ ENSUITE
REMINISCENCES EPILEPTIQUES 2013 - 2018
Je l'avoue humblement mes connaissances de la langue russe sont pour le moins lacunaires, pour le titre de l'album je me suis débrouillé comme j'ai pu ( très mal ) avec les traducteurs, ensuite j'ai synthétisé deux lignes en deux mots ! Autre traduction d'après Discogs : le fruit de Yiliya Rryppby attribué à Potom B : période 2013 – 2018.
Ce 33 tours tiré à 300 exemplaires est la reproduction des trois premiers disques du groupe dans l'ordre : Démo ( 2014 ), Trop peu de saleté ( septembre 2015 ), Ne venez pas tel que vous êtes ( avril 2018 ) agrémenté en face B d'un bonus track. J'ai disposé les trois pochettes au-dessus des titres idoines.
FACE A :
1 / Baiser comme une putain ( Dean dirg ) : partouze endiablée, une chatte pour vingt, la vie est belle, c'est fou comme on s'amuse, pour les réclamations adressez-vous à la ligue des Droits de l'Homme, la zique va droit au but, sur un air de fête. Déchéance sociale. Dénonciation au canon. 2 / Le perdant ( réseau social ) : dans la série j'ai tout perdu et je n'en suis pas plus fier que cela même si je ne cache rien de mon vécu. Je survis, c'est tout. La distorsion sociale érigée en art de vivre. A fond les ballons. C'est ainsi et pas autrement. La musique comme un crachat de fiel heureux. 3 /Le nez cassé ( règle de l'idiot ) : aussi bref qu'un coup de boule sur les narines, rien à redire, le punk qui vend son âme ne mérite aucune pitié, toujours cette goguenardise qui klaxonne et rutile lorsque la voix se tait avant de se jeter du haut du pont. 4 / La route de l'enfer ( Nitad ) : la guitare chuinte et la charge de cavalerie démarre. Attention, où que vous alliez l'enfer est sous vos pas. Même pas besoin de dire qu'il est facile de trébucher, il est là, un point c'est tout. Mais vous le saviez déjà. Pa la peine de déclamer, les chœurs du destin vous interrompent, mais pourquoi sont-ils emplis d'une telle bonne humeur ? 5 /Apprends-moi à baiser : ( brutal night ) : le puceau sarcastique demande des renseignements, s'énerve bellement mais la rythmique semble se foutre de sa gueule. Ce monde est décidément sans pitié. Qui baise bien, châtie bien. 6 / Un jour, il sera tard : comprenez qu'un jour j'aurai vieilli, j'aurai déjà vécu tous les coups foireux et cela viendra très tôt, le seul truc que vous pourrez faire pour moi sera de me tuer. La voix et l'accompagnement arrachent sec. Le meilleur morceau de ces démos qui sont à écouter comme des tranches de vie punk nihilistes. Réalisme socialiste sans concession !
7 / Pizdabol : menteur de merde, rien n'est plus beau que le punk, rien n'est plus beau que ma vie de dandy punk, je fais mon rock'n'roll punk, tu ne le feras jamais aussi bien que moi, menteur de merde ! Hargneux en diable et ces éclats de rire spasmodiques sur la fin, à croire qu'il est en train de déglutir de la merde. 8 / Tous les culs du monde : philosophie punk : bagarres tous azimuts,au fond des rades crades, camionnettes à fond de train, vivez intensément avant de mourir. Violent, méchant, cynique, rimbaldien, déplaira à Tante Berthe, surtout que la musique chauffe au chalumeau et la voix éructe grave. 9 / Je ne veux pas être ton chien : la voix aboie, la zique trombine, l'est sûr qu'il ne sera jamais l'esclave de la donzelle, ce n'est pas qu'il a mieux à faire, mais pire sûrement. Une explosion de haine. Se déchaîne sur la fin du morceau. Doit être en train de la mordre. 10 / Trop peu de saleté : attention une véritable profession de soi, souvent l'homme n'est que le singe de l'homme, entre eux et nous un abîme que rien ne pourra jamais combler, eux l'ennui, nous les créateurs d'une beauté convulsive. N'empêche que toutes les joies du désespoir sont permises. 11 / Club '' Le protagoniste de Last Night'' : rage intégrale, parfois l'on meurt au moment où l'on ne s'y attend pas, ne vous en prenez qu'à vous-même. Explosif. Le cerveau a dû être touché. 12 / Le punk m'a fatigué ( short days ) : le punk est partout, je le retrouve dans tous les endroits où je pose mes yeux, le système consomme et digère le punk comme toute autre merde. Le punk m'a tuer ! Le punk est un produit comme un autre. Amertume punk. Ces six morceaux ont permis au groupe de passer une étape, beaucoup plus violente, beaucoup plus maîtrisée.
FACE B :
1 / Quel bienfait : vous aurez beau accumuler les années vous n'engrangerez que du vide. Sentence sans appel. Le morceau déboule à toute vitesse. Dépasse à peine une minute. Quels mots pourrait-on ajouter pour décrire l'insignifiance dont vous êtes pétri. 2 / Ne venez pas vous-même* : seuls les abrutis ont le courage de se réveiller. Il vaut mieux rester en soi-même dans sa cervelle peuplée de folie. Ce pays dans lequel nous vivons n'est pas pour nous. Une introduction musicale mélodramatique et puis une irruption vocale comme des WC qui débordent. Très fort. 3 / Je veux être ennuyeux ( Citizens Patrol ) : le bonheur du couple bourgeois dans toute sa splendeur, dans toute son horreur. Être bien habillé et consommer sans fin. Vous débite le programme en moins d'une minute et l'accompagnement vous emballe la médiocrité vitesse grand V. 4 / Oui ça baise : attention aux récupérations en tout genre, l'univers nous tend tous les pièges. Faut savoir les éviter, mais une fois que vous avez mis le doigt dans l'engrenage il ne vous reste plus qu'à introduire votre pénis. Le titre le plus long, sardonique comme quand vous vous dépêtrez d'une toile de tarentule. C'est sur la dernière minute que le morceau devient vraiment méchant. Pas de pitié si vous voulez survivre. 5 / Le meilleur buzz : urgence, le punk et le bonheur gisent au fond des caves, c'est là où vous découvrirez la vraie vie et jetterez aux orties votre ancienne défroque. 6 / Soutien : la suite du précédent, au fond de l'antre le groupe à soutenir. Air de fête 7 / Si le punk meurt soudainement l'hiver prochain ( Margaret Trasher ) : vite démenti, si le punk ne survit pas que n'avez-vous pas réalisé pour lui permettre de vivre ? Ne venez pas vous plaindre si une bombe vous tombe sur le coin du museau ! Avertissement implacable. La musique ne fait pas de cadeau. Vous passe au hachoir. 8 / Mauvais point d'observation : les russes seraient-ils tous des nihilistes, ce dernier morceau semble nous dire que le bonheur est impossible et que même toute l'énergie que je dépense n'est qu'une bataille de retardement. Le morceau vous découpe à la pale d'hélicoptère de combat. Bonus : Oui ça baise ? ( prise Alternative) : quoique cette version soit égayée par des chœurs à consonances féminines nous préférons la première.
Damie Chad.
* : après avoir longuement médité, j'en suis venu à mieux comprendre le nom du groupe, faut l'intuiter comme la deuxième partie d'une phrase qui serait celle-ci : Deviens ce que tu dois être, ensuite tu pourras dormir.
DESORDRE & ISOLEMENT
PATIENT Z
( Autoproduction / Avril 2019 )
Le Patient Just 1 : chant et guitare / Le Professeur Ben : guitare et chœurs / Le Docteur No-no : basse et vocal / Le Doyen Xtophe : batterie et chœurs.
Désordre : ça commence mal, sur une musique de cirque, un petit florilège de vos hommes politiques préférés. Ce serait dommage de casser le CD en deux parce que tout de suite après l'on rentre dans le vif du sujet. C'était juste pour savoir si vous êtes assez réactifs. Bienvenue au cirque : guitares grondeuses, branles de batterie et c'est parti pour le grand galop : écoutez bien, tout est dans les paroles, une longue métaphore filée qui compare nos politicards à des artistes de cirque qui cherchent ( et apparemment réussissent ) à vous enfumer. Le patient Just 1 vous débite cela à toute vitesse comme s'il croyait ne pas avoir le temps de tout dire. Et les trois autres le suivent à train d'enfer. Les sacrifiés : tempo un peu ralenti au début mais ils ne savent pas faire doucement, alors ils nous racontent une triste histoire. De la politique fiction, mais ne craignez rien, un jour l'aventure arrivera plus vite que ne le voulez. Pas besoin de vous expliquer un bon solo de guitare, une gymnastique de batterie et sur ce une étonnante fin mirlitonesque. Je vous laisse découvrir le pot aux roses fanées. Isolement : doivent bricoler à la maison, on les entend discuter le bout de gras, le résultat est sur la piste suivante. Du son sur les murs : une critique du showbiz, la variétoche que l'on vous passe à la télé, z'ont les guitares fusantes par derrière, la voix qui s'amuse sur les murs, n'auront pas besoin de laisser sécher pour repasser une seconde couche. Montrent un peu ce qu'ils savent faire sur la fin. Et puis ils rajoutent un dernier coup de badigeon vocal. Viva el capital : Karl Marx n'y avait pas pensé, un fake remake de Viva Espana pour chanter les beautés du capital. Nous vivons une époque formidable. Dansons tous ensemble, chantons tous en chœur le casatchok de la monnaie qui tinte agréablement sur le comptoir des banques. PTZ : beaucoup plus rock. Patient Z se présente, nous refont le coup ringard de la présentation de l'orchestre, mais à toute blinde, vous promettent en plus de vous guérir sur les chapeaux de roues. Vous refilent les meilleurs conseils psychologiques. Mais pourquoi cette ambulance qui vient vous chercher. Mais quel est ce bruit de casier de morgue en fin de piste et ce ricanement diabolique...
Humour potache et satirique. Sérieux s'abstenir.
Damie Chad.
LA COMEDIA / 26 – 09 – 2019
AMN&' ZIK / VELLOCET
Normalement après la soirée de vendredi et la tornade russe l'on aurait dû rester au lit ce samedi soir. Oui, mais d'abord le monde est rempli d'anormalités et puis surtout il y avait Vellocet, et qui dit Vellocet dit wild fine rock'n'roll, alors aucune hésitation, direction la Comedia... Faut être franc, les rares rescapés de la nuitée précédente s'agrippaient au bar pour donner l'illusion qu'ils étaient en pleine forme, oui mais il y avait Vellocet, et le public est arrivé, c'est fou comme chaque groupe draine ses propres fans, mais comme nous ne sommes pas là pour philosophiquement sociologiser, passons à la seule chose sérieuse qui subsiste encore sur notre planète : le rock'n'roll.
AMN& 'ZIK
Un groupe que vous n'êtes pas prêts d'oublier. Durant la balance Eric Colère m'a glissé dans l'oreille '' C'est Amn& 'Zik, l'on tourne pas mal en Belgique avec eux !'' . J'étais prévenu, certes pour le moment les Amn& 'Zik étaient un peu en roue libre, calaient un début de morceau sans trop se presser, oui mais une demi-heure après vous ne les reconnaissiez plus. Un équipage de forbans. Plus question de se prélasser sous les cocotiers, le couteau entre les dents le long de la coque en train de s'emparer d'un galion chargé d'or.
Quatre. Pat le capitaine est au centre. Le mec solide, un dur qui n'est pas né de la dernière tempête, à la manière dont il empoigne sa guitare vous comprenez vite qu'il a déjà dû écumer le sel de tous les océans, tient ferme la barre, avec lui vous êtes sûrs que la baleine blanche du rock'n'roll a du souci à se faire, l'équipage va vous l 'harponner de belle manière et lui faire passer un mauvais quart d'heure. Âmes sensibles n'ayez crainte une fois qu'ils s'en seront rendus maîtres ils relâcheront le maudit cachalot, parce que le rock'n'roll est immortel. En attendant Pat donne ses ordres au porte-voix microphonique, et je peux vous certifier qu'il sait se faire obéir au doigt et à l'œil. Et puis attention, malgré sa mine Patibulaire de Capitaine Flint, l'a toutes les inflexions des sirènes rock'n'roll qui chantent à l'intérieur.
A ses côtés, Yann, l'âme damnée du Capitaine, aucun sourire n'éclaire son visage, souque ferme sur sa basse. Imperturbable. Le gars qui poursuit ses rêves sur ses cordes. Peuvent filer à la vitesse qu'ils veulent et virer lof sur lof, les tient dans sa ligne de mire, et ne les lâche pas du regard, n'a pas l'air de bouger mais toujours au plus haut des mâts à ferler les voiles lors des bourrasques apocalyptiques qui entraînent le navire amnésique vers les récifs sournoisement tapis au creux des vagues.
Max s'occupe de la batterie. Toms de tribord et toms de babord, feu roulant à faire exploser la sainte-barbe, l'est courbé sur sa caisse claire à croire qu'il n'arrête pas d'allumer les mèches de pétards de dynamite qui explosent régulièrement dans sa grosse caisse, les morceaux ont beau défiler, lui il n'a qu'une règle, vitesse de croisière en augmentation exponentielle, un véritable pousse à l'abordage. Pas de quartier. Pas de prisonnier.
Cocci et son foulard de pirate est à la lead. Sa spécialité c'est de s'accrocher aux haubans ennemis pour aller sous la mitraille noire hisser au plus haut de leurs mâts l'étamine noire à tête de mort flamboyante. L'a le solo fluide et translucide, un aileron de requin qui vous prend en chasse et qui ne vous lâche plus. Vous avez l'impression qu'il va s'élancer vers le ciel, qu'il est parti pour une extase d'or, et alors qu'il est en pleine expansion, ses collègues accélèrent le mouvement et passent par dessus-lui, une triple canonnade rythmique qui l'oblige à plonger au plus profond, à passer sous la coque du navire et à reprendre son ascension encore plus haut dans des hauteurs cristallines ignorées. Un soliste comme on n'en fait plus.
Un grand bravo pour Fab l'ancien guitariste à qui pour un morceau Cocci cède la place. Un riffeur, à l'envoi rythmique nerveux, en opposition au style de Fab qui excelle dans la continuité harmonique et structurelle, toute la différence entre un Keith Richards et un Mick Taylor. L'on aimerait les entendre voguer et divaguer sur les vagues riffiques tous les deux ensemble.
Lorsque Amn&'Zik vous a pris en chasse, il ne vous lâche plus, un rock noir et lourd, terriblement bien balancé, un rock qui cogne et qui bastonne, Ainsi va le monde, QHS, Plus sombre, Assume, les titres en français parlent d'eux-mêmes, de ce monde sans pitié qui nous entoure, dans lequel notre devoir est de survivre. Coûte que coûte. Coûte que rock'n'roll.
Entre nous soit dit, ne sont pas des amnésiques pour un sou, connaissent tous les sortilèges du rock'n'roll, vous les sortent un par un, les plus classiques, les plus tordus, un combo d'enfer, vous ont mis tout le monde d'accord, les jeunes moussaillons et les vieux loups de mer de la taverne du rat qui pète.
VELLOCET
Lumière noire. A peine si dans l'ombre trouée d'une rouge lueur blafarde on les devine. Eric Colère est devant, immobile, dans le silence complet, sanglé de noir dans sa longue veste, ses cheveux en colère tombant le long de ses épaules. Il porte le micro à sa bouche et l'orage se déchaîne à la seconde. D'abord l'on ne saisit que le jeu de la batterie qui arrive comme en contrechant du vocal. Un crachat de voix suivi d'un raquellement de caisse claire, Hervé Gusmini se livre à un véritable travail de sculpteur, fait voler des éclats de marbre sonore à chaque fois que le hachoir de la voix se fige dans le silence, un squash incessant balle-mur, balle-mur, des ricochets sur le fleuve du néant, dans le noir vous avez l'impression qu'un crotale vient de vous mordre au visage et c'est lorsque ce premier morceau s'achève, que vous prenez conscience qu'il y aussi une basse et une guitare.
'' Bonjour, on s'appelle Vellocet, on joue du rock'n'roll !'' Tout est dit. Rien à ajouter. La preuve d'abord. L'annonce ensuite. Et l'on repart sur A l'Ombre des Latrines, le titre à lui tout seul évoque je ne sais pourquoi, la splendeur des cruautés et des orgies romaines. Vellocet, le rock des ruisseaux et de la fange. De la pourriture qui corrode notre monde. Derrière Eric, Christian Verrecchia à la basse et Bruno Labbe à la lead, tracent des épures au fusains. Collent au squelette de la batterie comme le boa s'accroche aux branches, n'ont rien à faire sinon d'assurer l'insurmontable tâche d'être toujours là comme des éclats de soleil noir sur le miroir du rock'n'roll. Un travail d'orfèvre qui serait chargé de ciseler des gravures sur de la chair humaine sans que jamais un cri ne retentisse. Que le sang coule, mais ne bave pas.
Sont ensemble depuis plusieurs années, il est sûr que cette précision millimétrique exige une connaissance instinctive de ses alter-égos. Pour une fois, l'on a un groupe de rock'n'roll devant soi, pas un regroupement de musiciens plus ou moins hétéroclites, ils ont forgé un son, une entité, un alliage subtil d'orichalques les plus mystérieux. Chaque titre vous gifle à la face. Colère impérial, ne bouge presque pas, l'immobilité est la force des Dieux affirmait Aristote, la statue du Commandeur, l'ouvre la bouche comme les grilles de l'enfer, lâche les gladiateurs dans l'arène. Une simplicité extrême, une maîtrise extraordinaire.
Gusmini – ferait mieux de s'appeler Gusmaxi – s'agite méthodiquement dans l'ombre, l'on ne perçoit que de temps en temps ces deux avant-bras mais il abat un boulot phénoménal, des tambours en éruption perpétuelle, un crépitement héphaïstique, c'est lui qui façonne la ductilité du son, lui refile sa reptation primale, et c'est sur cette ombre mouvante que Chris Verrecchia enlace les pelisses noires de ses ondes cordiques maléfiques, il doome sec avec cette gravité hiératique d'Ulysse égorgeant un chevreau noir pour que les morts reviennent à la surface de la terre laper le sang agonal. Verrecchia apporte à la musique de Vellocet l'inquiétude, l'angoisse et la peur, sans lesquelles le rock'n'roll ne serait que rêve rose insipide. Gethsémani, Que la nuit l'emporte ! Nobru Sixcordes, l'on a les surnoms de gloire que l'on mérite, est un dompteur de riffs, s'enferme dans une cage étroite avec les fauves les plus dangereux, les reptiles les plus venimeux, et quand il en remet un en liberté c'est la fureur de l'ours blessé qui fonce sur vous, ou un tigre royal qui vous déchire les entrailles de ses griffes acérées. L'Orphée sauvage qui vous endolorit l'âme. Au nom de Dieu, Eleison.
Il y eut un Bomber magnifique qui écrasa tout ce que l'on a entendu dans la Comedia depuis des mois. Un truc maléfique, une chape de haine et de malheur qui vous engloutit comme ces suaires blancs dont on enveloppe les morts les jours de grandes catastrophes. Bref douze titres aussi irradifs et dangereux que les douze Ouraniens.
Et puis un rappel, trois derniers titres, Eric au micro, qui slappe les mots, les propulse, les atomise, les détruit. Et derrière les trois Parques qui s'amusent à couper les fils de notre existence au fur et à mesure qu'ils tissent le linceul des paroles proférées. Un set de toute beauté. Splendide. Ils s'appellent Vellocet. Retenez leur nom. Ils ne jouent que du rock'n'roll. Et ce soir ils furent le rock'n'roll.
Damie Chad.
( Photos FB : Florent Gilloury )