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CHRONIQUES DE POURPRE

  • CHRONIQUES DE POURPRE 711 : KR'TNT ! 711 : BOO RADLEYS / BOB MOULD / BLACK SABBATH / ACETONE / BELPHEGORZ / JOHN-MARY GO ROUND / HYPOCRISY / BLUES FOR NEIGHBORS / GENE VINCENT + DEKE DICKERSON

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 711

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    20 / 11 / 2025

     

     

    BOO RADLEYS / BOB MOULD

    BLACK SABBATH / ACETONE

    BELPHEGORZ / JOHN-MARY GO ROUND

      HYPOCRISY / BLUES FOR NEIGHBORS

     GENE VINCENT + DEKE DICKERSON

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 711

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Traînés dans la Boo

     (Part Two)

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             Dès les premières mesures, tu sens qu’ils vont rayonner. Les Boo Radleys sont de retour avec un Sice incroyablement ravi d’être sur scène. Rien de tel qu’un groupe anglais qui arrive sur scène. Les pas, les fringues, les allures, tout est typiquement anglais. Ils font autorité avant même d’avoir ouvert le bec. The Eggman approche du micro en souriant. Il est petit, mais c’est the Eggman superstar.

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    Il vient te chanter la suite de «Strawberry Fields Forver», c’est-à-dire «I Hang Suspended», il vient te chanter l’enchantement de Liverpool, il vient te gorger de magie, the Eggman, c’est Merlin, et tu sens aussitôt le souffle de la grande pop de Liverpool. Et ça va durer une heure comme ça, tu vas quitter ton enveloppe et regagner le monde magique que tu fréquentais assidûment à une autre époque, tu vas errer au fil des mélodies, porté par le sucre de Sice qui une fois encore s’infiltre dans ton âme pour l’imploser de bonheur, et crack il te craque «Barney And Me».

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    Alors ça gicle, ça jaillit, ça pulse du gimmick demented, Louis Smith qui remplace Martin Carr rajoute des cercles dans les cercles et ça devient aussi effarant qu’un hit de Brian Wilson, avec un Smith qui réitère les glissades démentes, qui joue gras, il a le gimmick du diable dans les doigts et il t’emmène au paradis. Avec Barney, Sice fout le feu au mythe de Liverpool - Now I’m getting older - Il monte encore d’un cran quand tu crois que ce n’est plus possible. Tout est dans l’I still can’t find the words - La trompette embarque Barney et tu te sens physiquement glisser dans une autre dimension. Et Sice qui sourit. Et Sice qui chante comme un dieu, sans jamais forcer. Tu vois ce petit bonhomme gratter sa Tele. Il sait qu’il a le pouvoir des hits derrière lui et donc il se sait le roi du monde pour une heure, just for one hour. Le public chante. Les fans sont tous là. Il règne dans la salle une réelle communion pop autour d’un groupe devenu légendaire par la seule qualité de sa pop, comme ce fut le cas pour les Beatles et Brian Wilson. Bon t’as des cuts en forme de passages à vide, mais Sice reste admirable de présence. Entre les cuts, il lit des petits mots rédigés en français et préparés à l’avance, il indique chaque fois le titre du cut pour que les gens aient un point de repère. Et pouf, «Wake Up Boo», cut de pop explosive, mais pas un hit. C’est pas Barney. «Wish I Was Skinny» sort aussi de cet album culte que fut Giant Steps. Sice est ses amis n’en font qu’une bouchée. 

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             Ils vont regagner la sortie avec un «Stuck On Amber» secoué par des relances de basse démentes. Sice plane sur la mélodie comme un papillon, il justifie et il explose - To get okay with me - Et ils vont boucler leur set avec une effarante restitution de «Lazarus», un cut tellement technicolor et orchestré qu’on ne pouvait imaginer le voir joué sur scène. Les paroles de Sice sont un délice de perdition, mais il règne sur ce final pharaonique une plénitude à laquelle personne ne s’attendait. Quand la musique atteint ce niveau d’excellence, l’air ambiant avale les âmes des gens. C’est ce qu’on appelle la communion et elle se fait bien malgré soi. L’enchantement siphonne les âmes, tout au moins est-ce l’impression que l’on se plaît à cultiver dans l’instant. Même si tu sais que ton âme ne vaut pas un clou, t’es content de te sentir dépossédé. En échange, tu récupères l’image d’un chanteur radieux et brillant, Sice Superstar, pour la coller dans ton album de souvenirs.  

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             Étonnamment, Keep On With Falling est un bon album, pour au moins quatre raisons, la première étant «I’ve Had Enough I’m Out». On a le Sice, c’est sûr, mais a-t-on le Carr ? Ils essayent et ça finit par décoller. On retrouve cette fantastique

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    énergie de la pop. Sice fait encore des miracles sur le morceau titre. Avec un cake comme Sice, ça reste délicieusement easy. Ce petit mec chante comme un dieu. Les Boos savent faire décoller l’hydravion d’Howard Hugues. Et puis voilà un premier coup de génie : «All Along». La clameur t’éclate le cortex, le cut se noie dans le bonheur, le Sice y va à coups d’all along et là t’as le phénomène Boos qui éclate au Sénégal. La quatrième raison s’appelle «A Full Syringe & Memories Of You», full blown de Boo, deuxième coup de génie Boo. Le Sice adore se rouler dans la Boo, c’est puissant, ça monte tout seul, il martèle son pilon pop et les forges explosent de bonheur, ça gicle partout, Sice y veille avec bonhomie. Ils retapent aussi dans le vieux mix de beat reggae et de trompettes («Here She Comes Again») et Sice remonte dans sa stratosphère chérie avec «You And Me». 

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             Avec Eight, Sice ramène sa fraise et son sucre. Il ramène sa voix chargée de sens. Il rétablit le règne des Boos avec «Hollow». Pure Beautiful Song. Sice est un être gracieux, il peut créer de la magie. Il décolle toujours de la même façon. On reste dans l’enchantement avec «Now That’s What I Call Obscene». Sice est comme un poisson dans l’eau. Encore une fantastique construction pop avec «A Shadow Darker Than The Rest». Pur génie pop. Le festin continue avec «Sometimes I Sleep». On appelle ça le génie vocal. Il rentre dans une faille mélodique et injecte sa magie. Tu sens une énorme pression arriver avec «Dust». Il est déjà là, le cut se présente comme une énormité bâillonnée, avec des accalmies et des rétributions illicites, et la voix de Sice porte tout ça mollement. C’est la voix qui fait tout, une voix en forme de nec plus ultra du fruit défendu, l’excelsior harmonique. Le power est bien dans les pattes des Boos de Liverpool, comme le montre encore «How Was I To Know?», ça te claque aux oreilles et la beauté te sidère. Eight est un album parfait. D’autant plus parfait que t’as un disc de bonus (alternates + des cuts Live at the Cavern). On y retrouve une alternate de «The Hollow». Sice est l’un des grands popsters anglais. Il s’applique derrière son micro et fait plaisir à voir. Il t’attaque ça au chant pur et l’Hollow s’envole. Sice l’enchanteur reprend le pouvoir et t’as tout le power des Boos au long cours. Ils montent «That Ain’t A Way Of Life» sur un dub, avec le Sice en écho. C’’est Tim Brown qui vole le show sur sa basse. Et puis voilà la triplette de Belleville, les trois bonus qui font le sel de la terre, Live At the Cavern, avec pour commencer un hommage au Roi George, «All Things Must Pass». T’as la trompette et ça devient mythique. Pire encore, voici le vieux «Spaniard» des Boos. Cette pop chaude ne tient qu’à un fil mélodique. C’est hallucinant de finesse et sublimé par la trompette mariachi. Aussi unique dans les annales de la pop anglaise que le fut «Strawberry Fields Forever». Le trompettiste s’appelle Nick Etwell. Nouvelle cavalcade de Boo avec «Find The Answer Within». Hallucinant de joie et de bonne humeur. Encore un drive de basse dément et la trompette. Sice part en tête, il est explosif de génie. C’est effarant d’élégance pop boréale, Sice et les Boos rivalisent avec John Lennon, cette merveille inaltérable entre dans l’histoire du rock anglais. Qui dira la grandeur de la pop invincible des Boos ?

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             Tu demandes au mec du merch ce que c’est. Il te dit : «Sice’s solo project!» Tu discutes pas, tu ramasses aussi sec. Le «Sice’s solo project» porte le doux nom de Paperlung et l’album celui de  Balance. Wow, quel album ! Si t’es fan de Sice et des Boos, alors tu te régales, dès «How Can You Sleep», t’as le big sound avec Sice on top, comme une petite cerise sur le gâtö. Tu lis vite fait les notes au dos et tu vois que Sice compose tout. Alors tu refais wow ! Car c’est fulgurant. Et tu l’entends chanter dans «The Days That God Sold You». Il s’étale à la surface de sa pop comme un petit caramel chauve et il revient dans la mélodie par le côté, alors ça sonne comme de la magie pop. Tu sens que ce groupe joue son va-tout. Ils rendent hommage à Aleister Crowkey avec «Do What Thou Will» et ça repart en mode big pop avec «The Ashes Of Your Life», et là t’as plus que tes yeux pour pleurer de bonheur, tu vois Sice monter au front la fleur au fusil - Are you happy/ In the ashes of your life - C’est la pop parfaite, la pop de Liverpool. Il sait monter une pop en neige comme le montre encore «A Cautionary Vision Of The Future». Il ne rate jamais son coup. C’est une grosse compo, comme «Spaniard» ou «Lazarus». Encore un coup de génie pop avec «What You Said». Sice l’emmène avec ferveur au firmament, t’as vraiment un envol. La voix de Sice donne un aspect flamboyant à la pop, il ne fournit aucun effort. Tout reste easy chez Sice. Il redécolle plus loin avec «Same Mistake». C’est d’une rare puissance mélodique, il file sur l’horizon, il chante la gloire de la beauté boréale, il chante comme s’il décrétait que le monde est monde. Sa voix te transporte. C’est l’ange de miséricorde qui chante «Where Were You Then?», c’est une bénédiction que de l’entendre tailler sa route vers l’horizon flamboyant, et pourtant Sice n’est pas un mec de carte postale, il est le Louis II de la pop anglaise. Cet album est son Neuschwanstein.

    Signé : Cazengler, Boo Raté

    Boo Radleys. Le 106. Rouen (76). 30 octobre 2025

    Boo Radleys. Keep On With Falling. BooSTR Records 2022

    Boo Radleys. Eight. BooSTR Records 2023

    Paperlung. Balance. Shifty Disco 2007

     

     

    Wizards & True Stars

     - Bob a du grain à Mould

     (Part One)

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             Bob Mould arrive tout seul sur scène avec sa Strato. Il a juste un petit ampli Fender derrière. Et pouf !, il commence à gratter ses poux à la volée. On n’avait encore jamais vu un bordel pareil, il gratte tout au pif, flic flac floc, de la main

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    droite, et il prince des combinaisons de notes de la main gauche, c’est un peu comme s’ils étaient deux ou trois, mais Bob est tout seul, il claque sa rythmique et ses solos à la bonne franquette et sort un son d’une densité extrême qui n’appartient qu’à lui. Il joue tout à l’esbrouffe mais son esbrouffe sonne comme un mystère impénétrable, plus on l’observe et plus on ne pige que dalle, et diable, il faut voir comme ça sonne.

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    Il n’a besoin ni de basse, ni de batterie, il fait son power-punk mélodique tout seul, il n’a besoin de personne en Harley Davidson. Au bout de deux cuts, il est rouge comme une tomate et il dégouline de sueur. Tu vois l’artiste à l’œuvre et franchement, tu te demandes comment il peut tenir ce train d’enfer, car tous les cuts sont quasiment des bombes atomiques, il tape dans le Dü, on chope au passage le vieux «Flip Your Wig», tiré de l’album du même nom, suivi d’«I Apologize», un vieux blaster qui date de l’album aux chiens, New Day Rising, le genre d’hit qu’on

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    vénérait à une autre époque. Le vieux Bob n’a rien perdu de sa niaque, on irait même jusqu’à dire qu’elle a empiré, il reste rivé à son micro et quand il part en solo-ramdam, il fait un petit tour de scène. Qui d’autre serait capable de jouer un set de 90 minutes tout seul à ce train-là ? On a beau chercher, on ne voit personne. Le vieux Bob devient à la fois une attraction et un héros, un funambule et un totem, un dieu vivant et un vieux punk, un golem des Amériques et un coureur de fond, un géant et un sorcier, il est tout cela à la fois et beaucoup plus encore, c’est un bombardier et un Cortez the killer, il repousse toutes les limites, il fait ce que personne n’a jamais osé faire avant lui, il pousse les aigus de sa Strato et sort un son d’une rare virulence, et toujours ce battage de maniaque, et cette purée fumante qui semble sortir à torrents.

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    Son arme secrète est le jet continu, le son brûlant, le chant extrême, quand il tape dans le Dü, ça ne rigole pas. Il va faire participer le public sur l’excellent morceau titre de son dernier album, Here We Go Crazy, et t’as des gens qui en connaissent déjà la paroles, car ça répond bien, et du coup, ce hit prend une ampleur considérable. Mais ça va encore monter d’un cran avec des vieux hits du Dü, l’effarant «Celebrated Summer», qu’il chante à l’efflanquée, il a sans doute trop forcé sur sa voix, il n’en peut plus, mais bon, c’est Bob Mould, il a besoin de repousser les limites, alors il trouve les ressources en lui, et bhammm !, il claque l’excellent «If I Can’t Change Your Mind» qui fut, t’en souvient-il, un hit massif au temps de Suger, et là c’est toute la salle qui chante pour lui, on aurait jamais cru que le Dü et Sugar avaient été si populaires en France. Et ça repart de plus belle avec un public allumé qui chante «Makes No Sense At All» à tue-tête et finalement, lorsque vient dans ta tête l’heure de conclure, tu te dis que ce vieux pop-punk vieillit admirablement bien. C’est même un modèle.   

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             Le nouvel album de Bob Mould s’appelle Here We Go Crazy. Cette petite merveille grouille de puces. Et ce dès le morceau titre qu’il attaque au sommet du genre. C’est bardé de son. Il retourne toujours la situation à son avantage. Quel

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    seigneur ! Son vieux power remonte à la surface. Il repasse en mode Dü pour «Neanderthal». Bob a tellement de génie que les mots te manquent. Face à cet éclat, tu vas devoir faire des efforts. Il monte chaque fois sa pièce montée au sommet de ce qui doit être fait. Il adore traîner ses cuts dans la bouillasse. «Hard To Get» rue comme un étalon indomptable. C’est d’une puissance exceptionnelle. T’as encore tout le son du monde dans «When Your Heart Is Broken». Le vieux roi du Dü grimpe encore au sommet de son lard fumant. Il fond son killer solo dans sa fournaise magique. Bob est une force de la nature et ses cuts sont à son image. Encore de la dégelée royale avec «Sharp Little Pieces». Avec Bob, ça n’en finit plus. Il chante d’en haut et ses poux coulent d’en haut. Avec lui, tu crois toujours entendre les Pistols, il sort un son bardé d’accords fondamentaux. Il repart comme si de rien n’était avec «You Need To Shine». Chauffer un album d’un bout à l’autre, c’est son métier. Même en mode ralenti, il est bon («Thread So Thin»). Il termine cet album éclair avec «Your Side». Il rassure son copain - I wanna be by your side - Bob est un protecteur, pas un barbare sanguinaire, comme on l’aurait cru.

    Signé : Cazengler, Bob Mou

    Bob Mould. La Maroquinerie. Paris XXe. 9 novembre 2025

    Bob Mould. Here We Go Crazy. BMG 2025

     

     

    Wizards & True Stars

    - Sabbath tous les records

     (Part Two)

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             Et si on pariait ? Geezer Butler sort son autobio, Into the Void: From Birth To Black Sabbath And Beyond, alors tu te dis que vu son pedigree, son histoire de Sabbath sera plus croustillante que celle de Mick Wall. Tu assois ton hypothèse sur deux autres évidences : un, Geez est le bassman/lyricist du groupe, donc, c’est vécu de l’intérieur et t’auras logiquement de l’intrinsèque véracitaire, celui que tu préfères. Deux, vu qu’il écrit les paroles, c’est forcément un styliste. Tu t’attends donc à un beau classique, à un ouvrage historique. T’en baves d’avance.

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             Première déconvenue : le book est tout rabougri ! C’est le format poche qui souvent coupe l’envie de lire. Même quand l’ouvrage en question est un classique littéraire, le format poche est un tue l’amour (excepté Folio ou 10/18). On préfère cent fois tenir un main une belle édition jaunâtre de la nrf. Non seulement le bouffant te flatte la paume, mais il te flatte surtout l’intellect. Dans le Geez rabougri, rien ne va te flatter l’intellect. On retombe dans ce qu’on déteste le plus : la collection des clichés du rock. C’est la même chose que d’aller voir les Pistols avec Frank Carter : l’horreur. Pas question de toucher à ça.

             Mais maintenant que le Geez est là, tu le lis. Eh oui, il est arrivé par la poste. Donc te voilà baisé. Tout est pourri : le format, les choix typo, le papier. T’as mal aux yeux avant d’avoir commencé à lire. C’est une corvée. T’es pas content. Tu vas lui trouver tous les défauts. Au moins ça changera des concerts de louanges habituels.

             Geez commence par rappeler qu’il a bossé 50 ans dans Sabbath, et quand on a bossé aussi longtemps dans un groupe, il y a, dit-il, pas mal de drama, et, ajoute-t-il d’un ton débonnaire, quand on bossait dans un «rock and roll band back in the seventies and eighties, the drama was turned up to 11.» Les autres disent 12, Geez préfère 11. Puis il rappelle que les music writers ont passé des décennies à cracher sur Sabbath. Voilà, le décor est planté : des hauts et des bas + la haine des critiques.

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             Bien sûr, Geez raconte son enfance à Aston, un quartier du centre de Birmingham, et ses deux premiers disks : le live de Muddy Waters, At Newport 1965, et un Dizzy Gillespie - Those two albums were my introduction to jazz and blues - Puis il se laisse pousser les cheveux like the Beatles. Il grandit chez les pauvres mais sa mère lui paye des Beatles boots et une collarless Beatles jacket  pour Christmas. Et bien sûr, il finit par récupérer une gratte pour gratter les chansons des Beatles. N’oublions pas que l’Angleterre est devenue pour tous les kids un pays magique grâce aux Beatles. Puis en 1964, le «Really Got Me» des Kinks détrône les Beatles dans la tête de Geez. Jusque là tout va bien. Le moral du lecteur remonte au fil des pages : ça grouille de petites infos passionnantes.

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             Avec ses quat’ sous, il finance le deposit d’une beautiful red Hofner Colorama et d’un Bird Golden Eagle amplifier, via Pay Bonds, la boîte qui fait les crédits pour les pauvres. En 1965, il voit le gig of a lifetime, les Beatles au Birmingham Odeon. Tout y passe, «Help», «We Can Work It Out», «Day Tripper» - No wonder everyone, inculding the blokes, was going hysterical - Puis en 1966, il voit les Stones au même endroit. Les Stones sont dans son trio de tête avec les Beatles et les Kinks, mais, s’empresse-t-il d’ajouter, les Stones «were almost blown off the stage that night by Ike & Tina Turner.» Détail capital. Il passe ensuite à Jack Bruce via Cream puis il chope Jimi Hendrix sur Top Of The Pops - These were heady time for a kid into his pop music - Eh oui, Geez, on a tous vécu le même déluge, mais c’était forcément plus violent en Angleterre.

             Bon, il est temps de monter un groupe. Geez cherche des kids pour jouer avec. Dans un magasin de musique, il tombe sur une petite annonce : «Ozzy Zig needs a gig. Singer with own P.A.» Il habite dans le quartier, à Aston, alors Geez le contacte. Et l’Ozz se pointe. C’est un skin, en tablier de ramoneur, pieds nus, avec un hérisson de ramoneur sur l’épaule et un petit chariot au bout d’une laisse. Geez n’y va pas de main morte - He was obviously a complete nutter - Un cinglé ! En plus, l’Ozz sort du ballon, car il s’est fait poirer sur un cambriolage.

             Le groupe de Geez s’appelle Rare Breed.

             Et c’est là que s’ouvre le bal des anecdotes. Geez commence par rappeler que l’Ozz fait caca sur demande. Un promoteur qui manque de respect au groupe va trouver sur le capot de sa Jaguar un étron de l’Ozz. Plus tard, dans les hôtels américains, l’Ozz fera caca dans les machines à glaçons. Tiens, encore une : Sabbath joue un soir dans une salle non chauffée, alors l’Ozz trouve des vieux bancs backstage et allume un feu pour se réchauffer, et quand le feu dégénère, les Sabbath essayent de l’éteindre en pissant dessus, «like some weird rock fire brigade». Enfin bref, on voit le niveau des anecdotes. Le book en fourmille. L’Ozz pisse un coup ici, l’Ozz fait caca là. Il y en a que ça fera marrer.

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    Tony Iommi jeune

             Puis Geez joint ses forces à celles de Tony Iommi et Bill Ward qui jouent dans un groupe nommé Mythology. Mais quand Geez dit à Tony Io que le chanteur du groupe sera l’Ozz, Tony Io fait : «Oh non, pas lui !». Il le connaît. Il dit que l’Ozz «had the kind of face you wanted to punch.»

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             Tony Io va être le boss, celui qui met tout au carré, surtout la gueule des fuckers. Quand Tony Io entre dans la pièce, tout le monde ferme sa gueule, y compris l’Ozz.

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    Earth

             Sabbath commence par s’appeler Earth. Jethro Tull essaye de récupérer Tony Io, en remplacement de Mick Abrahams, mais Tony Io ne le sent pas, «mainly beacause he didn’t like being told what to play.» Et pourtant Jethro Tull est en train de devenir énorme. C’est Tony Io qu’on voit jouer avec Tull au Rock’n’Roll Circus des Stones. Il porte un chapeau et tente de passer incognito. Pour les autres Sabbath, le fait que Tony Io décide de rester avec eux sera déterminant.

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    first gig !

             Et pouf, ils partent jouer au Star Club de Hambourg. C’est là qu’ils composent «N.I.B.».  Et c’est aussi là que Geez propose le nom de Black Sabbath. Alvin Lee qui est leur mentor dit que c’est trop glauque pour un nom de groupe et propose à la place Papa Sun. Mais les Sabbath n’en veulent pas - So Black Sabbath it was - And on 30 august 1969 we played as Black Sabbath for the first time, in Workington, Cumberland.

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             Leur premier album est un succès inespéré. Geez raconte qu’ils ont reçu une avance de 1000 £ et qu’elle est partie en frais de studio. Au final, il ne leur reste due 125 £ chacun. Leurs cachets sont ridicules : twenty quid gigs. Ils sont tellement pauvres qu’ils sont obligés de barboter des trucs dans les salles de concert - I nicked the carpet, Ozzy nicked the lightbulbs, and Tony nicked a big brass tea urn and sold it as scrap - Puis ils rencontrent le fameux Wilf Pine, l’un des gorilles de Don Arden. Un Don Arden qu’ils rencontrent à Londres pour signer un contrat. Geez nous donne tous les détails de la conversation, comme l’a fait Duke Fakir dans I’ll Be There: My Life With The Four Tops, lorsqu’il se retrouve face à Berry Gordy pour signer un contrat. Geez dit à Don qu’il doit lire le contrat avant de le signer, et Don lui dit non et lui dit de signer. Geez voit une ligne avec des pointillés qui dit : «The management will be paid... percentage.» Alors Geez demande de combien est le pourcentage. Et Don lui rétorque qu’il le définira plus tard. Geez lui demande s’il a quand même une idée, et Don pense que ça doit tourner autour de 20 %. Alors pourquoi ne pas l’écrire maintenant ? Et donc Sabbath ne signe pas. Un peu plus tard, Wilf Pine qui s’est fâché avec Don revient voir Sabbath et leur propose un co-management avec another fella called Patrick Meehan. Et hop, c’est parti.

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             Geez rappelle vite fait en passant que Tony Io n’est pas n’importe qui. Quand il a perdu deux doigts, son boss au boulot lui a filé un album de Django Reinhardt en lui disant qu’il avait eu le même problème, «but listen to what he can do.» Alors Tony Io a écouté Django et il est devenu l’un des grands guitaristes de rock de son époque, avec deux doigts en moins.

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             Geez rappelle aussi qu’ils ont enregistré le premier Sab en deux jours, puis Paranoid en cinq jours. Comme leur premier album s’est bien vendu, la record company leur fout la paix. Pas de connard d’A&R dans les pattes de Sabbath. Pour Geez, ces 5 jours de 1970 sont des jours magiques, nothing will ever sound like that again. Leur recette est simple : Tony Io gratte un riff de son invention, l’Ozz y greffe une mélodie, et Geez écrit les paroles. Et ils enregistrent aussi sec. Pas de problème. Puis ils décident de virer Don Arden et de faire équipe avec le duo Pine/Meehan. L’Arden les poursuit en justice et ça va durer dix ans. Et les music writers continuent de s’acharner sur Sabbath, mais les fans les soutiennent - That’s why Sabbath must be the most successful bunch of outsiders in music history - Geez oublie les Ramones. Il est un peu auto-centré, dans son petit format poche rabougri. Mais on l’aime bien quand même.

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             Fin 1970, Sabbath s’envole pour les États-Unis avec Wilf Pine. Geez est tout excité. Il se sent projeté dans l’espace. Dans l’avion, il y a des compatriotes de Birmingham, Traffic, mais les Traffic les ignorent complètement. Puis ça va commencer à déchanter quand ils arrivent dans leur premier hôtel new-yorkais : dans leur chambre, Bill et Geez voient des cafards se balader sur les deux lits. Au Forum de Los Angeles, ils ouvrent pour Mountain, un groupe qu’ils vénèrent. Geez donne pas mal de détails passionnants, de ce style : l’Ozz fout le souk dans sa chambre d’hôtel (his room was war-zone) et au checking out, le motel manager félicite les Sab, car dit-il, «you’re so well-behaved, compared to other bands.» C’est l’humour anglais, dans toute sa splendeur.

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             Lorsqu’ils enregistrent Master Of Reality, Tony Io a mal aux doigts après tant de concerts, alors il monte des cordes plus légères sur sa gratte et descend l’accordage de plusieurs tons, «which gave him a heavy, darker sound». Alors Geez descend aussi sa basse, «and suddenly Sabbath were heavier than ever.»

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             Les tournées vont finir par avoir la peau du groupe. Nouvelle tournée américaine en 1972. Bill Ward est devenu alcoolique, il descend une bouteille de vodka au breakfast. Mais bizarrement, ça n’affecte pas son jeu. Il chope ensuite une petite hépatite qui l’envoie au tapis. Il en réchappe de justesse. Quant à l’Ozz, il fait une conso de coke industrielle. Il s’en tord l’épiglotte. Malgré tout ça, Sabbath empile les disques de platine et remplit les stades, «doing sold-out arena tours, living in big houses and driving flashy cars.» Ils s’installent à Los Angeles et répètent dans une pièce à côté de la piscine. Et c’est là qu’on retombe dans les clichés. Miraculeusement, le Geez nous épargne les parties de cul.

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             Ils finissent par annuler une tournée américaine en 1973. Ils sont ra-ta-ti-nés. Ils s’arrêtent pendant un an et demi, ce qui est assez risqué à l’époque. Heureusement, Tony Io ne perd pas la main. Tout le biz de Sab repose sur lui. Et le Geez balance ça : «Je défie quiconque de citer trois better rock riffs tant ‘Iron Man’, ‘Supernaut’ and ‘Sabbath Bloody Sabbath’». Il n’a peut-être pas tout à fait tort. Puis ils vont se débarrasser de Patrick Meehan qui les baratine. Ils doivent lui verser un million de $ pour se sortir du contrat. Warner leur avance le million sur les ventes du prochain album. De toute façon, ils sont baisés de partout : par Meehan et par Warner - We were skint for the rest of the seventies - Et donc l’enregistrement de Sabotage tourne au cauchemar. Ça va durer dix mois. Ils l’appellent Sabotage «because we thought we were being sabotaged. That’s why it sounds so bloody angry.»

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             En 1978, les Ramones ouvrent pour Sabbath et se font huer chaque soir. En représailles, les Ramones ne jouent qu’un seul cut : ils le jouent plusieurs fois. Ils finissent par quitter la tournée. Puis c’est la catastrophe de Technical Ecstasy, «a pale imitation of Black Sabbath, too polished and too soft.» Geez raconte aussi que l’Ozz s’en prend aux animaux (poulets et homards), alors il est à deux doigts de lui mettre sa main dans la gueule.

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             Un jour, Geez apprend qu’il est viré de Sabbath. Bon, pas de problème. Quelques jours plus tard, il apprend qu’il n’est plus viré et qu’on l’attend à la répète. Il arrive et demande une explication. Personne n’est au courant. Viré ? Ah bah non. Le Geez n’a jamais eu d’explication. Du coup, il perd confiance en eux. Les brother bandmates ? Pffff - The dream was over. Welcome to reality - Puis ils partent enregistrer Never Say Die à Toronto - Another disastrous decision - De toute façon, ce sont des albums qu’on n’écoutera pas. On s’est arrêté à Sabotage, parce que l’album était en vitrine, qu’on adorait la pochette, et qu’on suivait Sabbath depuis le début.

             Le drinking de Bill et de l’Ozz est complètement out of control et ils passent leur temps à se battre comme des chiffonniers. Le Geez en a tellement marre qu’il prend l’avion plutôt que de monter dans le bus avec eux. Et puis il y a surtout «the Bill’s lack of hygiene». Bill pue comme un clochard. Et soudain, Tony Io décide de virer l’Ozz : «It’s not going to work with Ozzy anymore, it’s time to try somebody else.» Bill est chargé d’aller porter la bonne nouvelle à l’Ozz, de la même façon que Sterling Morrison fut chargé d’aller annoncer à Calimero qu’il était viré du Velvet. L’Ozz fond en larmes. C’est la fin d’une époque. On ne vire pas l’Ozz de Sab. Le Geez pense que Sab est foutu - Well that’s it. We’re finished - Il ne voit pas comment Sabbath peut survivre without Ozzy up front. C’est un peu comme les cuts des Ramones sans Joey, ça n’a tout simplement pas de sens.

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    Geez

             Ozzy nous dit le Geez s’est senti trahi. Le Geez qui a pour principale qualité l’opiniâtreté nous rappelle que les Sab sont quatre working-class kids from Aston qui ont changé the course of music et sont devenus one of the biggest rock bands in the world. Mais il sent qu’à cause de l’Ozz, Sabbath est mal barré. Aussi tente-t-il de justifier son éviction ! Il insinue qu’en restant dans Sabbath, l’Ozz aurait fini par overdoser. Et crack, il balance ça : l’Ozz avait besoin d’un choc pour se re-situer. Tu parles d’un choc ! C’est le passage le plus tendancieux de ce petit book qui grouille de passages tendancieux. On ne justifie pas l’éviction d’un compagnon de route. Sabbath et Pink Floyd même combat ? Comme Syd, l’Ozz savait très bien à qui il avait à faire : des bas de front qui ne rêvaient que de voitures de sport. L’horreur.

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    Black Sabbath avec Ronnie James Dio

             Tony Io avait déjà son idée en tête. Il voulait Ronnie James Dio qui venait de se faire éjecter de Rainbow. Et en 1980, Sabbath entame une tournée avec celui que Don Arden appelle le nain. Pas d’Ozz ? Personne ne sait comment vont réagir les fans. Les fans huent le nain mais le nain s’accroche. Puis Bill qui a des remords quitte le groupe en pleine tournée - Things went from bad to calamitous - Pas de problème, le nain connaît un batteur, le frère de Carmine Appice, Vinny, qui a joué avec Rick Derringer. Et hop, c’est reparti. Mais toute cette époque n’a bien sûr strictement aucun intérêt.

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    Vinny Appice

             Le nain veut toucher des royalties sur tout ce qu’il chante, alors le Geez se barre. Il ne peut plus supporter d’entendre le nain se plaindre. C’est là que Tony Io décide de le virer. Et voilà Sabbath sans chanteur, sans batteur et sans manager. Côté anecdotes, le Geez rappelle que Bill est un «combustible drummer», car pendant des années, les Sab se sont amusés à mettre le feu à sa barbe. Le Geez aime bien rigoler un coup : quand on lui demande s’il a vu Spinal Tap, il répond : «Seen it? I lived it.»

             Encore plus marrant : Tony Io ré-engage Meehan. What ? Le Geez refuse de lui serrer la pogne. Il demande à Tony pourquoi il a fait ça et l’Io lui répond : «He knows how to manage a band.» On profite du paragraphe pour apprendre qu’à l’époque, Don Arden est «sued to death by ELO» et qu’on vient l’arrêter pour le kidnapping et la torture de l’un de ses comptables, chefs d’accusation dont il sera acquitté. L’histoire de Sabbath est une histoire à rebondissements.

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             L’Ozz comme on sait a mené sa carrière solo et a épousé la fille de Don Arden, la fameuse Sharon. Et pendant toutes ces années, l’Ozz a publiquement insulté l’Io. Pire encore, «Sharon had sent Tony a bag of her daughter’s poo in the post.» Ils viennent tous des mêmes bas-fonds, ceux de Birmingam pour Sabbath, ceux de Manchester pour les Arden. Donc l’idée d’une reformation est mal barrée. Mais il y a un gros billet à la clé. Et Sabbath se reforme pour un Ozzfest, avec le batteur de Faith No More.

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             Et en 1998, ils enregistrent Reunion en Angleterre. Quel album ! T’as aussitôt le doom de Sab avec «War Pigs». L’Ozz harangue la foule. Oh le poids du Sab ! Ça sonne comme l’hymne définitif des seventies. Tony Io passe un long solo et le Geez laboure en profondeur. Et pouf, on revient au premier album avec «Behind The Wall Of Sleep». Le Power absolu ! C’est une heavy pureté évangélique. Te voilà de retour à La Saussaye. Ils tirent encore «NIB» du premier Sab. Ça prend feu. L’Ozz fait l’Oh Yeah ! Intangible ! Beautiful solo de Tony Io. Ah c’est un artiste. Tony Io est un entrepreneur entreprenant. Le Sab dégage un son qui t’emporte comme un fétu. L’Ozz hurle son «Sweet Leaf» au sommet de la montagne. C’est la fête du village en haut de l’Ararat. Les Sab sont terrifiants de power. L’Ozz est un chanteur complètement extraverti. Il est souvent à la limite du faux. Encore de la grosse purée fumante avec «Into The Void». Leur formule est vraiment au point. Il chante encore «Snowblind» à la pointe du progrès. Le power des Sab est magnifié par ces deux démons que sont l’Ozz et Tony Io. Et ça repart de plus belle sur le disk 2 avec la pluie d’acier de «Sabbath Bloody Sabbath». Sab on fire ! Quelle leçon d’heavyness ! Tony Io multiplie les départs en vrille d’excelsior. Tout est passionnant sur ce double live. «Back to the Beginning ! Thank you !», clame l’Ozz qui annonce «Black Sabbath». C’est la fondation du mythe Sab - Please/ Please God/ Help me - L’Ozz est d’une rare intensité et Tony Io fout le feu à la plaine. L’Ozz rechauffe la salle à coups de «louder ! Let’s fucking hear you guys !» et ça part en mode «Iron Man», l’hymne inter-galactique. L’Ozz annonce tous les cuts un par un, comme ça au moins t’es renseigné. Alors voilà «Children Of The Grave», Et en rappel, ils tapent bien sûr l’inévitable «Paranoid», c’est toute une époque qui remonte à la surface et qui va disparaître avec l’Ozz. C’mon ! Et derrière ce maelström, t’as la ventilation cardiaque du Geez.

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             Un peu plus tard, les Sab reformés enregistrent 13 avec Rick Rubin. Comme Rubin des bois produit, t’as du son. T’as même la chape de plomb, Rubin des bois fout le paquet sur le plomb. Ton casque saute. Rien de révolutionnaire, c’est du vieux Sab avec l’Ozz qui écrase bien ses syllabes dans le cendrier. Ils sont assez comiques, car à leur âge, ils jouent encore comme s’ils avaient 16 ans. Ils resservent grosso-modo le même raout. Ça fume et Tony Io n’en fait qu’à sa tête. La formule est restée la même, avec la purée de riffs et la voix perçante de l’Ozz. Rien n’a changé depuis le premier album. Tout repose sur un riff, et l’Ozz brode. Ils font du biz à la différence des Ramones qui faisaient du rock. Tony Io adore se fondre dans sa purée. Sur cet album tout est très paroxysmique. Rubin des bois fait monter les enchères. Le plus drôle, c’est que les deux autres ne comptent pas : ne comptent que l’Ozz et Tony Io. Sur «God Is Dead?» Tony Io gratte tout ce qu’il peut. Il plombe la chape de plomb. Et L’Ozz fait son bizz. Il est en pleine forme. Rien n’a changé en 50 ans. Il a bien appris à tartiner son chant et son God is Dead finit par devenir relativement crédible. Le riff raff de «Loner» sonne merveilleusement bien. Tony Io est aux anges, il gratte à qui mieux mieux, il gratte à mains nues, il incarne le riff raff mieux que n’importe quel autre guitariste anglais, il se joue de dessus et bricole des climats. Il fait encore du big Sab dans «Age Of Reason» et passe un killer solo Ionisé. Quand il se fâche, ça s’entend ! Encore du classic Sab avec «Live Forever», et t’as la belle voix d’Ozz à la surface du tagada de Tony Io. Ils battent tous les records d’heavyness avec «Damaged Soul». Tony Io tartine tout le gras double qu’il peut. On se croirait toujours sur le premier Sab. Ils n’en sont jamais sortis. C’est incroyable comme on est habitués à la voix bien appuyée de l’Ozz. Il hante bien l’heavyness du rock anglais. La formule de Sabbath est au point, comme celle des Ramones. C’est épais et bien appuyé. On peut écouter 13 les yeux fermés.

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             Ils repartent en tournée. Pas facile, car Tony Io fait des séances de chimio et il est un peu ratatiné. Mais ils ramassent 85 millions de $ - Not bad for a bunch of old fogeys who music writers had bashed for the best part of four decades - Puis vient le moment des adieux. Rien de très émotionnel, de la part de ces vieux working-class blokes from Aston. Some quick hugs and some «See ya». Et chacun repart de son côté. Et là le Geez se vautre : «Ignore the rumours, we’ll never do it again. Well the other three can do what they want, but for me, the Sabbath story is over.» Geez a 72 ans quand il écrit ça. On est en 2021. Il ne sait pas que quatre ans plus tard, il va remonter sur scène avec Sabbath à Aston pour un ultime concert.

    Signé : Cazengler, Black Savate

    Geezer Butler. Into the Void: From Birth To Black Sabbath And Beyond. Harper Collins Publishers 2024

    Black Sabbath. Reunion. Epic 1998  

    Black Sabbath. 13. Vertigo 2023

     

     

    Inside the goldmine

     - Acetone tu m’étonnes

             Il s’appelait Acheton, mais il n’avait rien à voir avec les Stooges. Et pourtant, la plupart des mecs de la classe l’appelaient Ron alors qu’en réalité il s’appelait Pierrot. Pierrot Acheton. Le matin, t’en avais toujours un qui lui balançait un truc du genre :

             — Alors Ron, ça solote ?

             — Vas chier dans ta rue !

             Acheton avait ce qu’on appelle un caractère bien trempé. Il valait mieux éviter de le provoquer. Il tolérait une petite vanne, mais pas deux. Il conduisait une moto anglaise qu’il avait bricolée lui-même, et portait un perfecto, ce qui à l’époque n’était pas encore très courant. Acheton était un punk avant les punks. Il vivait avec ses parents dans une ferme situé à 20 ou 30 km de la ville où se trouvait le lycée, aussi arrivait-il chaque matin en moto, et en perfecto, hiver comme été. Il avait poncé le réservoir de sa BSA pour enlever la couleur d’origine. L’engin était d’un beau gris métallique. Ça lui donnait un côté mystérieux. S’il t’avait à la bonne, Acheton t’emmenait faire un tour. Il sortait de la ville en longeant la Seine et rejoignait le circuit des Essarts, un circuit réputé pour ses virages en épingle. T’allais avoir la peur de ta vie. Acheton arrivait à fond sur la courbe, décélérait brutalement et penchait la moto pour prendre le virage. Il laissait traîner sa béquille pour faire jaillir des pluies d’étincelles. Même cirque à chaque virage. Il devait prendre son pied, mais pas toi. Il remonta tout le circuit, puis il fit demi-tour pour le redescendre, ce qui lui donna encore plus de vitesse. Et là tu fermais les yeux, tellement ça valsait, il basculait sur la droite, puis sur la gauche, et sortait du virage miraculeusement. Il s’arrêta en bas du circuit, cala la béquille et nous descendîmes de la moto. Il enleva son casque et éclata de rire :

             — T’es tout blanc ! Tu t’es chié dessus ?

             — Pfffff pas du tout ! On refait un tour ?

     

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             Pendant qu’Acheton conduisait sa moto en Normandie, Acetone construisait sa légende aux États-Unis. Après avoir salué la mémoire de ce vieux Pierrot Acheton, saluons celle de cet excellent trio américain.

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             Dans Uncut, Daniel Dylan Wray commence par dire qu’Acetone est le paradis des dichotomies : «promise and disapointment, calmness and noise, darkness and light, reverence and indifference, tender souls and hard drugs.» Ils sont trois : Richie Lee (le frisé, bass, chant), Mark Lightcap (le brun, poux, chant) et Steve Hadley (le blond, beurre). Ils sont arrivés dans le sillage de Nirvana en 92 et signés pour un très gros billet. Le mec d’Uncut les situe ainsi : «They floated between the stirring songcraft of Big Star, the guitar squeal of the Stooges and the woozy melodies of later-era Velvets, topped off with heavy lashings of country and touches of psychedelia, all wrapped up with a touch of sunshine-kissed dream pop and hypnotic, druggy grooves.» Avec ça, t’es fixé. Mais le succès n’est jamais venu au rendez-vous, et en 2001, Richie Lee s’est foutu en l’air. Un certain Sam Sweet a écrit une bio d’Acetone, Hadley Lee Lightcap. Épuisé. La vie est dure.

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             C’est Virgin qui les signe pour 400 000 $. Cindy sort en 1993. T’es vite impressionné par leur son : un joli laid-back bien épais, avec une légère disto sur la basse. Et ça monte vite au sommet de l’Ararat avec «Pinch». Richie Lee force sa petite glotte dans le feu de l’action - This is not a joke - Cet heavy rockalama te tombe dessus comme une pluie d’acier, ils deviennent quasiment hendrixiens dans la dégaine. T’en reviens pas ! Ils passent à l’heavy groove avec «Sundown». C’est «Season Of The Witch» avec le tonnerre de Zeus. Lightcap fout le feu à la plaine. Richie Lee attaque «Chills» au fast & wild bassmatic et Lightcap ramène une petite stoogerie. C’est hallucinant de violence sonique, ils savent brûler les étapes, brûler la chandelle par les deux bouts et même se brûler les ailes. Leurs déboulades sont des modèles du genre. Là tu dis oui. Et même wow ! Ils chantent «Louise» à la rosée de Ronsard, c’est très laid-back à la renverse, just close your eyes, mais pas de quoi en faire un fromage. Il faut ensuite attendre «Barefoot On Sunday» pour renouer avec l’Acetone genius. Lightcap se fâche et ça bascule dans Salammbô. Ça grimpe sur les murailles, ça bat tous les records d’énormité joyeuse, puis ça se calme, le temps de placer le petit chant moite. Ils travaillent des ambiances extraordinaires et Lightcap creuse des tas de tunnels sous le Mont Blanc.

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             La presse anglaise salue Cindy. Le mec d’Uncut qualifie le cut d’ouverture de bal «Come On» d’«unashamed hommage to The Velvet Underground’s ‘Ocean’». Il trouve aussi des traces du «Walk On By» d’Isaac le prophète dans «Sundown». Dans Mojo, David Fricke n’y va pas non plus de main morte sur Cindy. Il parle de «raw poise of psychedelic dreaming and desert-pilgrim crawl as if The Beach Boys’s Pet Sounds, Big Star’s Third and Spacement 3’s Playing With Fire were spinning on the same turntable - at Galaxie 500 speed.»       

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             Avec I Guess I Would, ils vont aller plus sur la country des Flying Burrito Brothers et John Prine. C’est un album de covers. Ils enregistrent leurs country ballad covers de George Jones, John Prine et Johnny Horton à Nashville. C’est un changement de cap assez radical. Fricke dit aussi qu’un «10-minute slow burn through Kris Kristofferson’s Border Lord was Acetone at their noisy and ascetic finest, spilked with Mightcap’s overloaded fuzz ans wah wah spasms.» 

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             Dès le «Juanita» de Gram Parsons, ils renouent avec le doux du mou du genou. C’est leur truc. Pas de panique, on a le temps. Ils tapent ensuite dans «The Late John Barfield Blues» de John Prine. Cut pépère, désuet, précieux, bien protégé. Tu sais dans quoi tu t’engages. Ils vont de la petite molesse du désert à la country de la torpeur en passant par l’«All For The Love Of A Girl» de Johnny Horton sans la voix de Johnny Horton, alors forcément, ça ne marche pas. Tu commences même à somnoler. Ça bascule dans l’heavy country soporifique. Ils se réveillent enfin - et toi aussi - avec le «Border Lord» de Kris Kristofferson. Lightcap ressort son artillerie lourde. Dommage que tout l’album ne tape pas dans ce registre. Ça aurait arrangé nos affaires. Ce Border Lord est le seul cut potable de l’album. Lightcap fait tout le boulot. Il se joue dessus en disto et en wah, c’est un démon !

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             Ils redressent bien la barre avec If You Only Knew. Même si ça part en mode mou-du-genou en suspension, au gnan-gnan de gnognotte, Lightcap arrive très vite avec des poux diaphanes. Ils cultivent bien la ramasse, c’est leur fonds de commerce. Ils passent à l’heavy groove de bon aloi avec «I’ve Enjoyed As Much As I Can Stand», cut délicieusement laid-back et chanté dans un souffle. Puis ils tirent l’overdrive pour passer en mode big pop avec «The Final Say». Lightcap explose enfin et ça devient terrific, ils déroulent le cut avec un power démesuré, et avec le chant d’un Richie Lee doux comme un agneau en surface. Ça prend des proportions extraordinaires. Ça redevient très sérieux avec «99», Lightcap pique sa crise. Ils atteignent le sommet du laid-back avec «Esque», ils hantent les profondeurs à coups d’have you been around. Et Richie Lee remonte à la surface d’«Always Late» comme une méduse psychédélique. Les trois cocos d’Acetone ont un univers réel, en dépit des défauts. Ils savent réchauffer une soupe aux choux. Richie Lee chante comme un fantôme qui ne va pas bien.  

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             En 1997, Virgin les vire et ils se retrouvent sur le label de Neil Young, Vapor Records, avec un album sans titre et un peu raté. Tu ne feras pas tes choux gras d’Acetone, même si Richie Lee pose bien les conditions du son, c’est-à-dire le mellow laid-back. C’est même parfois tellement laid-back que c’est presque beau. Tellement velouté. Ils sont dans l’after. C’est très plombé. Très retardé, mentalement parlant. Presque ennuyeux. Il faut attendre «Might As Well» pour frémir un petit coup. Richie Lee caresse un beau rêve de Croz. C’est pas loin du «Season of The Witch», celui de Stephen Stills. Real deal de groove psychédélique. Ils bouffent ensuite à tous les râteliers avec du tartignolle («Shobud») et de la country («All You Know»). Lightcap vole au secours de l’album avec un nouveau groove à la Croz, «Good Life». Ça redevient soudain très intéressant, et sa voix s’y prête mieux. Il a du moelleux dans l’accroche. «Dee» sonne comme une vague de chaleur», et Lightcap accompagne «Waltz» à la wah nonchalante. Hélas, il ne s’y passe rien. La plupart des cuts manquent de colonne vertébrale. «So Slow» est presque beau, mais trop laid-back. Tu sais que tu n’y reviendras pas. Ils excellent dans le gnan-gnan, ça peut plaire à certains, c’est bien là le problème. Cet album n’a vraiment rien de particulier. 

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             Par contre, York Blvd vaut le rapatriement. Richie Lee attaque «Wonderful World» en mode petit rock’n’roll animal et Lightcap te monte ça vite fait en neige. Grand retour du power trio de Cindy. C’est explosif ! Ils retrouvent la veine du «2000 Light Years From Home» des Stones. T’as l’impression d’écouter un groupe à la fois important et inconnu. Ils jouent «In» en apesanteur et «Like I Told You» sonne comme une belle psychedelia d’élan vital - Don’t waste your time/ On me - Il est gentil de la prévenir. Tu sens une réelle volonté d’en découdre dans «It’s A Lie». Ils ont le groove psyché dans la peau, c’est d’une rare puissance, bien sustainée par Lightcap. Ils créent du bon doom à trois, alors bravo les gars ! Lightcap est balèze, il fout encore le feu à «Bonds». Plus loin, «Vaccination» est tellement serpentin qu’il grimpe dans ta jambe de pantalon, puis ils glissent dans le mood de «Stay» comme des cadavres dans la fosse commune. Ils cultivent ce poids cadavérique assez enivrant. Les pestilences se mêlent aux rayons de lumière et le chant paraît mourant. Ils sont les rois des notes éparses. Et soudain, pouf, ils sont partis ! 

             Mark Lightcap donne une petite interview pour Uncut. Il indique par exemple qu’Acetone atteignit son pic au moment du dernier album, York Blvd - We were playing with complete fluidity - Pour expliquer le manque de succès, Lightcap dit qu’Acetone «sounded so out of step with everything else that was going on», mais ajoute-t-il, c’est précisément ce qui fait la force d’Acetone aujourd’hui, «the music doesn’t sound dated at all.» Et il rappelle que Richie «wanted to be a fucking rock star.» Mark Lightcap dit aussi qu’il reste pas mal de «red meat in the freezer», des «early demos, studio outtakes and some top-notch live recordings.» Miam miam.  

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             Et pour couronner le tout, t’as ce double album live, I’ve Enjoyed As Much As This As I Can Stand, paru en 2024. Il ne faudrait surtout pas le prendre à la légère. Tu t’ennuies un peu sur tout le balda, car ça reste très laid-back. Ça sonne même comme du laissé-pour-compte un peu moite. On attend que Lightcap se réveille. Il se réveille en B avec le morceau titre. C’est un hit lysergique et Lightcap part enfin en vadrouille. On tombe plus loin sur l’«All You Know» mélodiquement pur et digne des Byrds. Lightcap gratte ça aux arpèges lumineux dignes du Velvet. Puis t’as «Waltz» qui titube, ivre de vin et de liberté. En C, tu retrouves cette fantastique merveille de groove psychédélique qu’est «Barefoot On Sunday», suivi d’«I’m Gone/Misirlou», belle dérive acétonique. Ils t’embarquent pour la Cythère de tes rêves et finissent sur le riff d’«Interstellar Overdrive». T’as encore une belle bombe atomique en D : «Endless Summer», ils tapent ça en mode heavy groove qui ne plaisante pas. T’as là un pur power trio, digne des géants du genre.

    Signé : Cazengler, Assezcon

    Acetone. Cindy. Vernon Yard Recordings 1993

    Acetone. I Guess I Would. Vernon Yard Recordings 1994 

    Acetone. If You Only Knew. Vernon Yard Recordings 1995

    Acetone. Acetone. Vapor Records 1997  

    Acetone. York Blvd. Vapor Records 2000

    Acetone. I’ve Enjoyed As Much As This As I Can Stand. New West Records 2024

    Daniel Dylan Wray : Acetone. Uncut # 319 - December 2023

    David Fricke : The toxic avengers. Mojo # 362 - January 2024

     

     

    L’avenir du rock

    - BelphegorZ fantôme du boogaloovre

    (Part Two)

     

             Si tu cherches à rencontrer des personnages excentriques, il n’existe pas de meilleur endroit que le désert. L’avenir du rock en a vu de toutes les couleurs, de toutes les tailles, mais il n’aurait jamais pu imaginer voir Belphégor surgir au sommet d’une dune !

             — Mais qu’est-ce que tu fous là, Belphégor ?

             — Ouuuuh !

             — Tu m’fais pas peur !

             Il est là ! Le fantôme du Louvre, par cinquante degrés à l’ombre, sous sa robe noire et derrière son masque de cuir. Interloqué, l’avenir du rock tente de se raisonner.

             — C’est impossible ! Pas lui ! Tout mais pas lui !

             — Ouuuuh !

             L’avenir du rock se tape une belle crise de surchauffe paranoïaque. Il se suspecte d’inventer des rencontres à des fins bassement éditoriales ! Il réfléchit à voix haute :

             — Suis-je prêt à faire n’importe quoi pour alimenter ma rubrique ? Aurais-je atteint un tel point de déchéance éditoriale ? Comment peut-on descendre aussi bas ? N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?

             — Ouuuuh !

             — Moi qui a veillé pendant une éternité à maintenir une éthique de l’errance ! Non ce n’est pas possible ! Je ne peux pas accepter une telle décrépitude !

             — Ouuuuh !

             L’avenir du rock n’a même pas de quoi laver son honneur, ni corde pour se pendre, ni calibre pour se tirer une balle sous le menton. La honte lui bat aux tempes. L’enfer !

             — Ouuuuh !

             Excédé par les Ouuuuh de Belphégor, l’avenir du rock ramasse une grosse pierre et la lui balance en pleine gueule. Rien...

             — C’est quoi ce bordel ?

             — Ouuuuh !

             L’avenir du rock en ramasse une autre et la balance. Rien... Les pierres passent à travers Belphégor. Il sent bien que sa raison vacille, il n’est pas dupe, mais en même temps, ça le rassure que Belphégor soit bel et bien un fantôme. Au moins, c’est cohérent. Sentant qu’il faut vite arrêter les conneries, il rompt le dialogue, reprend son chemin et lance en guise d’adieu :

             — De toute façon, t’es devenu ringard, Belphégor, toi et tes intrigues et tes sarcophages. Je préfère mille fois BelphegorZ !

             — Ouuuuh !

     

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             Comment peut-on ignorer l’existence d’un album aussi génial que Kill The Pain ? C’est le deuxième album des Marseillais de BelphegorZ. On les a vus jouer à la cave en 2019. Gros flash. Qualité de tout : des compos, du son, du chant, de tout ! La chanteuse s’appelle Tallulah X et on la retrouve dès «Lovedolls», brillante et furibarde. Elle peut shooter dans les montées. Avec BelphegorZ t’as tout de suite du

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    son. Ce mec Krees D est un sorcier de la prod ultime, il navigue à un très haut niveau productiviste. Tu tombes plus loin sur un «Vintage Girl Is Dead» noyé de son et t’as Tallulah qui shoute à la surface. Elle te fait rêver. Ça grouille de coups de génie sur cet album, dès le morceau titre et une fantastique énergie du son. Tu sens bien la profondeur du beat et les éclats pixiques avec du rebondi. Ce «Kill The Pain» vaut tous les hits anglais des années antérieures et on peut même dire qu’il les surpasse. Ils amènent «Sleeping On The Bus» en mode power pop, mais avec tellement d’allure. Tallulah est sublime d’opiniâtreté. Krees D a misé sur la bonne screameuse. C’est un album très dense, tous les cuts sonnent comme des aventures. C’est tout de même assez rare en France. Ils réinventent la new wave, ils lui donnent une nouvelle jeunesse et les solos de Krees D planent dans le son comme des vampires de Murnau. Avec «No Question Of Maybe», Krees D rejoue le coup de «Lust For Life» au cœur de son havoc. Il gratte tout ce qu’il peut pour regagner la rive. Quel cake ! On repasse aux choses sérieuses avec «Kinky Gaze». Elle remonte au premier plan pendant que Krees D gratte la cocote du diable. C’est une tension noyée de son, une fantastique résurgence du big time out. T’as encore un son énorme sur «She’s Dancing». Tu crois rêver ! Nouvelle superbe delivery avec «Psychedelic Sniper (Shoot The Pusher)». Tallulah reste en tête de gondole. On a là une wild pop-rock précipitée la tête la première. Quel festin de son ! Avec cet album, t’as la conjonction parfaite du super beat et de la chanteuse de choc.

    Signé : Cazengler, Belphégrave

    BelphegorZ. Kill The Pain. Closer Records 2023       

     

    *

    Ne pas confondre la 66 avec la 619. Je ne m’étendrai pas sur la mythique double six américaine. La 619 est certes moins célèbre mais elle possède l’avantage de vous conduire tout droit en plein Troyes devant la porte du 3 B. Souvent elle mérite l’appellation de Rockabilly Road, mais ce soir, elle s’est repeinte en bleue, sous les trombes de pluie, imperturbable la teuf-teuf grignote son chemin sur la Blues Highway.

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    JOHN-MARY GO ROUND

    3 B

    (Troyes / 14 – 11 – 2025)

              Faut savoir reconnaître ses erreurs. Pas les miennes, ce n’est pas que je n’en fais jamais c’est que j’ai toujours raison, non je ne parle pas de moi mais des gens qui nous sont chers, que nous révérons. Ainsi à mon grand regret, je me sens forcé de contredire, pas n’importe qui, mais Charles Baudelaire en personne, qui a commis une sombre erreur dans une de ses dernières pages écrivant cette phrase lapidaire : ‘’Un Belge ne marche pas, il dégringole’’. Or je peux désormais témoigner du contraire. L’individu auquel je me réfère est né à Namur. Or, quelle classe, quelle aisance, une allure aristocratique à vous couper le souffle, fallait le voir se mouvoir dans le 3 B, la prestance d’un tigre, un costume impec, une large cravate arborée comme l’oriflamme de la distinction innée. Sans une once de frime. Naturel. Mais ce n’est pas tout. Faites votre révérence, un bluesman ! Pas n’importe lequel, un mec qui se suffit à lui-même, d’ailleurs il n’a pas de musiciens, l’est tout seul, il n’a besoin de personne. Ni d’un Massey-Ferguson. Non, je n’exagère pas. Toutefois je dois concéder qu’il n’est pas tout à fait seul. L’est entouré d’une extravagante collection de guitares. Ça y est, l’est assis sur son tapis avec cette simplicité des maharajas qui dans l’Inde ancienne donnaient audience à leur peuple. Il ne nous reste plus qu’à l’écouter.

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    ( Photo : Rocka Rocky)

             L’avait déjà sa guitare (hi !hi !) sur ses genoux lorsqu’il s’est collé et monté autour du cou un de ces porte-harmonica qui firent dans sa jeunesse la gloire de Bob Dylan. Puis il s’est mis à souffler. La tempête du blues s’est déchaînée en une fraction de secondes, une volée de flèches indiennes s’est fichée dans nos corps, toute la colère noire des anciens esclaves réduits en esclavage nous est tombée dessus. Comment peut-on tenir cela entre deux lèvres, exsuder de soi une telle tourmente. C’est le moment de revenir à sa guitare. Plus tard lui-même l’a décrite comme un moule à cake orange. L’est vrai qu’elle est d’un orange vif. Oui, mais aux pétarades qu’elle a émises dès qu’il l’a posé ses doigts sur ses quatre cordes, pas besoin de plus, on se serait cru au départ du Bol d’or, perso dans ma tête je lui ai refilé un surnom, ‘’l’agent orange’’ que les amerloques répandaient sur les arbres pour leur faire perdre les feuilles, voulait-il vraiment nous faire tomber nos oreilles ? Il n’a pas réussi, car ce son torturé de mille carburateurs criblés de stridences malfaisantes, c’était le blues en personne qui nous fracassait les tympans, le blues dans toute sa violence, dans tout son appel à l’incoercible insurrection individuelle.

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    ( Photo : Rocka Rocky)

              Ce n’est pas tout. L’avait devant lui deux vastes pédales que ses pieds n’ont cessé d’actionner, l’une pour bruit sourd du destin qui s’avance vers vous, l’autre l’aigre tambourinade du rire sardonique du tueur qui vous décoche  le sourire assassin de sa face de mort. L’a changé de guitare. Une cigar-box, sur sa caisse un Etat prévoyant devrait exiger la mention : ‘’ Ecouter tue’’. Trois cordes, pas aussi mélodieuses que la lyre d’Apollon mais aussi tonitruantes que le tonnerre de Zeus. Le son est moins ronflant, crépite toutefois à haut débit comme un incendie de forêt transformant en torches effroyables les chênes multiséculaires. Un gros plan sur les doigts de notre imprécateur s’avère nécessaire : l’a de grosses paluches, dont un doigt – je vous laisse, dans un souci pédagogique de participation, deviner lequel -  revêtu d’une armure d’acier, vous scie à l’égoïne crissante les feulements des demi-tons nécessaires à l’implosion allusive du tumulte du blues.

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    ( Image : Duduche )

    Y a des gars qui ont tout pour eux. Non seulement il joue de la guitare mais en plus il  parle, avec cet art de fausse innocence qui plaît aux filles et lui allie la sympathie des garçons. Ne passe pas son temps à baratiner non plus. Se sert de la parole comme le pêcheur qui appâte le poisson. Une semi-phrase par ci par là, une fausse confession entre deux morceaux, il sait se mettre en scène, une espèce de théâtre vocal dans lequel Guignol au lieu de taper sur le gendarme porte ses coups auto-dérisoires avant tout sur lui-même.  Quand le public veut se mêler à la conversation l’a de la répartie, un sniper qui fait mouche à tous les coups.

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    ( Image : Duduche )

    Il chante. Le jeu diabolique de ses doigts retient et monopolise votre attention. Certes l’on se rend vite compte que l’on n’a pas affaire à un demi-sel de vocaliste. L’a toutes les intonations, les intumescences qui haussent le ton et les cassures qui vous précipitent dans les failles. C’est à la fin du troisième set, lorsqu’il s’accompagne sur son acoustique que l’on peut profiter de son timbre de voix. Assez unique, il scalpe les mots, les met à nu, les vide de leur chair, il les entrechoque tels des os de squelettes, les agite, les roule dans le cornet à dés de sa mâchoire pour mieux les recracher aux vents de la vie et de la mort. 

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    ( Image : Duduche )

    Trois sets torrides. Beaucoup de compositions. Quelques reprises. Particulièrement apprécié son Johnny B. Goode accouplé à son Oh, Boy ! de Buddy Holly. Ne soyez pas surpris, le rock’n’roll n’est qu’une autre forme du blues. Un héritier, un fils de mauvaise famille, particulièrement dévoyé. Un dilapidateur éhonté d’héritage. Des surprises aussi : je retiens avant tout cette espèce de ghost-blues qui s’en va chercher noise au noise tintamarrique le plus caverneux.

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    ( Image : Duduche )

    Une soirée de rêve. Avec ses cigar-boxes, la ferblanterie de son résona(hâ)teur, sa Fenderatiboisante, John-Mary Go Round nous a tous mis en boîte.

    Remercions, encore une fois, Béatrice la patronne pour cette soirée !

    Damie Chad.

     

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    Duduche and friends !

    *

    Un coup d’oreille dans les nouveautés. A mon humble avis, pas de quoi se jeter par la fenêtre du trente-septième étage en hurlant de joie. Faut suivre l’exemple de Napoléon, quand les jeunes troupes flanchent l’on recourt à la vieille garde. Ça tombe bien, voici des hommes d’acier, ils viennent de Suède, blanchis  sous le harnais du death metal, plus de trente années d’active et une quinzaine d’albums. Z’ont mis un peu la pédale douce, mais ils entendent vivre encore dangereusement, ils entament une nouvelle tournée, ils remastérisent petit à petit leurs anciens opus. Jour de chance ils viennent de  sortir la réédition remastirisée de leur onzième album.

    A TASTE OF EXTREME DIVINITIY

    HYPOCRISY

    (Nuclear Blast / 2025)

             J’avoue que le titre de l’album m’a attiré. Première fois que je trouve cette expression, ou peut-être ce concept, ‘’ d’extrême divinité’’. Qu’est-ce qu’une divinité extrême ? Selon un homme, l’extrême divinité doit correspondre à la sagesse. Philia sophia : l’amour de la sagesse – en fait il vaudrait mieux pour rester dans l’esprit grec dire l’amitié de la sagesse -  ne doit pas être confondu avec philein to sophon, que l’on pourrait traduire par ‘’aimer le sage’’, ne pas confondre le sage avec la sagesse, la sagesse est une manière d’être des hommes, le sage est ce qui touche au concept du divin. Qu’un groupe de death metal hante ces parages logosiques m’intrigue. Nous ne sommes point loin d’une réflexion méta-philo-sophéenne.

             Kristian Wåhlin a réalisé la pochette du disque. La meilleure manière d’entrer dans son univers est de taper son nom dans Discogs et de s’attarder sur les nombreuses pochettes d’albums metal qu’il a réalisées. Un véritable artiste. Bon voyage au pays de l’horreur et de la beauté. Kristian Wåhlin a aussi participé à plusieurs groupes metal.

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             Interpréter la couve de A taste of extreme divinity comme une anecdotique messe noire se déroulant  dans un décor médiéval serait une lecture avant tout superficielle. Nous sommes dans une autre dimension, celle des sacrifices sanglants où l’on immole aux Dieux non pas des animaux mais des êtres humains. Le sang des bêtes coule vers la terre, le sang des hommes est le seul lien qui permette d’apaiser la colère des Dieux. Il fut un temps – entre la charnière paléo-néolithique - où la colère des Dieux paraissait être l’expression de leur sagesse. Comment ne pouvaient-ils pas entrer en de violentes humeurs en regardant ces chétives créatures qui prétendaient les vénérer. Seuls les hommes morts satisfaisaient les Dieux. N’en concluez pas que ces anciens Dieux étaient cruels, ils n’étaient que les projections de nos insuffisances humaines, le fait de sacrifier ses congénères étaient un acte qui remplissaient les bourreaux de l’illusion d’être comme des Dieux, de les égaler, d’être en accord avec ses propres rêves.

             Ne vous rassurez pas en déclarant que ce genre de scènes se déroulaient en des temps dépassés. Que l’espèce humaine s’est au cours des millénaires et des siècles passés améliorée. Que cette sauvagerie préhistoriale est très loin derrière nous. Nous sommes encore pétris de cette barbarie. Cette violence, cette brutalité, cette soif de sang  confinée en nous n’est autre que la laine, la lhaine, dont sont tissés les fils de nos rêves.  Si vous croyez que j’exagère, portez vos regards sur les conflits qui se déroulent pas très loin de notre pays. Pas besoin de regarder les siècles passés, le présent immédiat suffit amplement. Ne comptez pas trop sur demain pour améliorer la situation !

             En règle générale je ne commente pas le nom des groupes. Toutefois Hypocrisy a bien choisi son nom. Ils ne cherchent pas plus à se vanter d’être de parfaits hypocrites qu’à dénoncer l’hypocrisie des relations humaines. Leur nom est un scalpel. Ils ne dissèquent pas les relations sociales des êtres humains mais ils mettent à nu la force innée et de bonne foi qui nous anime. Parfois, peut-être malgré nous, toujours de notre plein gré.  Certains essaieront de se dédouaner en parlant de force malfaisante. Ruse d’autruche qui accuse une hypothétique présence pernicieuse d’un Mal indépendant de notre volonté. Comme le dit le proverbe : qui s’excuse, s’accuse !

    Peter Tägtgren : vocals, guitars, claviers / Mikael Hedund : bass / Horgh : drums.

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    Valley of the damned : une batterie qui hache menu le moindre de vos espoirs sur un fond d’entonnoirs soniques encastrés les uns dans les autres, un véritable mur du son, un seul soulagement, lorsque le groingnement de Peter se tait vous avez l’impression que l’on cesse d’asperger de sel votre corps auquel on aurait méticuleusement arraché la peau, mais peut-on parler de soulagement car vous sentez sourdre du profond intérieur de votre chair vive la souffrance de la brûlure de votre rage qui se répand sur l’univers. Nous sommes après la bataille. Qui se poursuit. Sur un autre plan. Dans la vallée infernale des damnés, ils sont vaincus, précipités à terre, mais l’on n’arrête pas une idée, encore moins un principe, elle fait son chemin, peuplée d’ombres elle repart à l’assaut, y a-t-il seulement quelqu’un qui s’oppose à son avancée, ni vaincue ni triomphale, elle avance dans la profondeur de sa propre immortalité consubstantielle à la structure de l’univers ; Hang him high : ça débute par un chuchotement pour s’épanouir en oratorio magistral, un torrent de haine qui surgit de nulle part et englobe la terre entière, tintements, turpitudes de guitares, cœurs de moines fous, chant de joie vicieuse, grognements de suppliciés. Mais qui pendre au juste. L’assassin ou la victime. Celui qui veut tuer ou celui qui ne veut pas mourir. Peut-être même prend-il un plaisir masochiste à ne pas périr. Mais qui est-elle cette victime qui refuse de ne pas vivre, serait-ce lui ou le contre-lui, le crime n’est-il pas un miroir compassionnel où aucun des deux se refuse à se reconnaître dans l’autre puisqu’ils sont tous les deux  semblables sans réussir à n’en

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    former qu’un seul, car le moins n’a-t-il pas besoin du plus autant que le plus a nécessité du moins pour savoir qui il est. Western métaphysique. Sans générique de faim. Le pire c’est le chant qui vous entraîne dans la farandole. Solar empire : sortons de l’entre-deux ou de l’entre-soi, le morceau décolle comme une fusée intersidérale qui s’arrache à l’attraction terrestre avec une telle puissance qu’elle sera capable de parvenir jusqu’au bout de la présence du monde, jusqu’au rien, que nous sommes, quel est le maître de cet empire solaire, est-il vraiment nécessaire de l’envahir puisqu’il est partout et même en nous. Avons-nous vraiment envie de trouver quelqu’un au bout des étoiles, la guerre continuelle n’est-elle pas préférable à une solution qui n’existe pas, et si elle existait ne serait-il pas davantage impératif de la continuer encore et encore sans fin. N’avons-nous pas besoin d’un Dieu pour le combattre.  Ce morceau est un hymne à la gloire de la monstruosité humaine. Weed out the weah : il existe une Official Music Vidéo de ce  morceau, je vous rassure c’est simplement le groupe sur scène, très bien faite d’ailleurs, mais ce n’est pas une mise en images du thème traité dans les paroles, le programme est d’une simplicité absolue : il s’agit d’éliminer les faibles. Soyons clair : éradiquer tous les faibles c’est-à dire l’entièreté de l’engeance humaine, qui est au juste ce sacrificateur ultime, est-ce un Dieu ou un Diable, l’essentiel est qu’il fasse son travail, aucun besoin d’idéologie, juste la nécessité intime de chacun à ne pas exister. Guitares tranchantes comme fil d’épée, batterie épileptique, basse encore plus noire que votre âme. Un hymne à l’autodestruction qui n’ose pas dire son nom, le besoin non pas de ne plus être mais d’être forcé à ne plus être.  L’homme est-il un être si veule qu’il a besoin de

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    quelqu’un pour faire ce qu’il n’est pas capable de faire par lui-même. No tomorrow : vous l’avez voulu, le voici, le pire n’est pas de réclamer mais de regretter que quelqu’un vienne réaliser votre vœu le plus cher. Humain, trop humain a dit Nietzsche. Tel est pris qui croyait prendre. On appelait la mort, voici le supplice. Séance de torture médicalisée.  Serait-ce un Dieu qui opère. Pourquoi s’infiltre-t-il dans mon âme, c’est au pied de la lettre et de l’être que l’on voit le démiurge de nos contradictions. L’instinct de vie est-il plus fort que l’instinct de mort. Avoir tué Dieu, l’avoir poursuivi aux quatre coins du cosmos pour se retrouver face à soi-même dans sa propre petitesse. L’instant est pathétique mais comble de tout le background orchestral qui nous tombe dessus comme le méchant loup sur le pauvre petit Chaperon rouge, semble se délecter, serait-ce une pointe d’humour noir. Le sourire crispé de l’auto-dérision. Global domination : à trop chercher Dieu on le trouve. Ne ressemble pas aux saintes images bibliques, plutôt à un roman de science-fiction, des extraterrestres venus nous transformer en esclaves. Sur la table d’opération précédente, ils ne voulaient pas nous tuer, simplement oblitérer d’un coup de bistouri notre volonté. Faut écouter  et lire entre les sons, d’ailleurs il ne chante plus, il parle. Et si c’était un conte d’extrême-réalité, si nos extraterrestres n’étaient que des hommes comme nous. Qui voudraient établir leur suprématie sur leurs semblables. Peut-être même infectés par un virus échappé d’un laboratoire. (L’album original est sorti en 2009, faudrait-il le qualifier de prophétique !). Taste the extreme divinity : entrée digne d’un empereur romain recevant le Triomphe, il est temps de se pencher sur cette notion d’extrême divinité, ronde orchestrale infernale, danse des fous, la divinité fait partie de la farandole, le chant culmine en cris de folie, tout est en nous, la divinité et la folie, peut-être même la notion de divinité n’est-elle que l’autre nom de la folie qui nous habite, nous nous prenons pour des dieux, médicalement parlant nous ne sommes que des psychopathes, aurions-nous en nous, serions-nous en personne le Midnigth Rambler des Stones dans Let it bleed… That’s only rock’n’roll ! But we like it. Suivez la trace sanglante qui coule de votre corps. Alive : vivant. Reprendre conscience du cauchemar, retrouver la généalogie de cette infecte abomination intérieure. Le coupable est facile à trouver. C’est l’Eglise qui t’a perverti en t’inculquant cette idée d’un dieu supérieur auquel il faut obéir. On a fait de toi un esclave en infusant dans ton esprit la sainte croyance que c’était là le bien. On t’a perverti, tu ne sais pas vraiment ce que sont le Bien et le Mal. Dieu travaille à ta perte. Certes on en veut à ton intelligence lobotomisée à coup de patenôtres mais l’on envie aussi  ton argent. The quest : autant le morceau précédent est scandé selon un rythme pédagogiquement binaire  autant ici l’on est dans la nuance, on laisse chanter la basse toute seule et l’on passe à des explications plus complexes, certes tu bosses, tu trimes pour enrichir tes exploiteurs, mais toi stupidement tu guettes le signe du retour du Dieu qui ramènera la paix et la justice, tu y crois c’est pour cela que la musique se fait douce (presque) et persuasive, écoute comme l’on tente de t’endormir. Tamed (Filled with tears) :  nous voici dans la dimension collective de la

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    soumission, ce n’est plus moi ou toi, c’est nous, l’on s’accuse soi-même d’accepter la vie d’esclave aveugle qui nous est impartie, l’on accepte le sort qui nous est réservé, nous ne refusons pas, nous ne nous révoltons point, on a perverti notre jugement, les théories du complot sont partout, elles sapent notre jugement, déboussolés nous ne savons plus qui croire ni penser par nous-mêmes. (Encore une fois Hypocrisy se révèle très pertinent pour expliquer l’état de fait actuel !).  Sky is falling down : le ciel nous tombe sur la tête, l’instrumentation hennit de toutes ses forces, le  vocal s’égosille, urgence absolue. Non ce n’est pas le crépuscule des Dieux, voire la mort de Dieu, c’est la chappe de plomb qui s’intensifie, la société de surveillance s’alourdit, nous ne sommes qu’au début, le pire est à venir, une seule solution, se faire tout petit, s’enterrer dans son petit égoïsme vital pour survivre. Evidemment c’est le dernier piège.  The sinner : (bonus track) : un dernier cadeau, frères pécheurs repentez-vous, quelle chance voici une bonne guerre, rien de tel pour vous sauver que d’être offerts en holocauste sacrificiel, évidemment vous y courez la fleur au fusil, prisonniers de vos égarements, de votre lâcheté, de votre croyance. N’est-ce pas la démocratie, en laquelle vous croyez tant, qui vous envoie sur les champs de bataille… Les dernières paroles ont une valeur prophétique :

    Sacrifiés pour la démocratie

    Abandonnés sur les lignes ennemies

    Par le pays de la liberté

    Nous brûlons Nous brûlons Nous brûlons

     Nous brûlons !

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    Un disque de grande lucidité. Très intelligent aussi, qui ne sacrifie pas à un satanisme de pacotille. Qui ne diffuse pas un message mais qui débouche sur une analyse généalogique de la situation conflictuelle et politique actuelle en fouillant dans ce que certains nomment fallacieusement les religieuses racines chrétiennes  de l’Occident.

             Comme quoi c’est vraiment dans les vieux pots de fer que l’on prépare de bons brouets roboratifs.

    Damie Chad.

     

     

    *

             Faudrait écrire une monographie sur le rock polonais. Sur le rock de toutes les autres nations aussi, mais les polonais ne traitent pas du tout le rock comme les autres. Je serais bien en peine d’expliquer pourquoi et même comment. Je suis toujours surpris quand je kronique un groupe made in Pologne. Ils ne font pas tout à fait les choses comme l’on s’y attendrait. En voici la preuve.

    RIVERS OF LIVING WATER

    BLUES FOR NEIGHBORS

    (Musica Tenebris / Novembre 2025)

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             Aurais-je seulement remarqué ce groupe s’il n’y avait pas eu la couve. Tiens ça ressemble à l’intro de L’Homme des Hautes Plaines, le premier western réalisé par Clint Eastwood, l’hommage funèbre à Sam Peckinpah dont le nom commence à s’effacer sur la pierre tombale moussue d’un cimetière, sur laquelle la caméra se focalise un dixième de seconde de trop… Du coup je m’attendais à trouver des noms comme Son House, Robert Johnson, Howlin’ Wolf… bref toute la tribu bleuâtre. Ben non, font de l’humour noir et en profitent pour indiquer l’identité des invités…

             Mais ce n’est pas tout, z’ont accroché un chromo style chutes du Niagara dessinées par un enfant de sept ans. En relation directe avec le titre de l’album, cela coule de source.  Au-dessus un inquiétant vortex bleu sombre qui débouche sur quelques constellations lointaines qui brillent à peine dans la nuit noire des espaces infinis.

             Les deux pieds nickelés, le cul posé sur les pierres tombales qui grattent leur acoustique voici leurs identités : MG : vocal, lyrics, guitar, cajon et percussions, keyboards et synthés, harmonica, mandoline /  PO: lead guitar.

             Le duo est actif depuis 2020 ils ont enregistré l’équivalent de quatre albums. Se définissent comme deux gars fumant des cigarettes, vénérant de vieux fantômes issus d’un vieux fonds maudit de folk-blues. Leur appellation les définit comme jouant du blues dans leur cuisine (ave Caesar, Robert !) pour les voisins. Pour le moment nous dirons, vu leur âge, qu’ils jouent du blues moderne, ce qui nous l’avouons ne signifie pas grand-chose.

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    Make me a bird : une belle voix, une guitare blues oui, mais pas franchement devant, voici un blues des champs plutôt qu’un blues des villes, de forts relents folk, d’ailleurs si en France on ne s’embarrasse pas de détail, l’on utilise le terme générique de blues, aux states dans les années soixante le terme folk-blues s’est généralisé pour catégoriser le blues traditionnel acoustique. Ceci étant posé ne boudons pas notre plaisir, on se laisse avec plaisir bercé par le balancement hypnotique de cette lente ballade agreste pour cette histoire d’une miraculeuse renaissance espérée mais  impossible tant l’attirance pour le désastre est grande. La fin du morceau s’accélère, l’oiseau s’est transformé en moteur d’avion qui s’éloigne.

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    Gallows Pole : (évidemment l’on pense à Led Zeppelin, mais c’est un traditionnel européen extrêmement connu dans toute la partie nord de l’Europe, ce qui n’empêche pas Bela Bartok d’avoir inscrit l’air dans ses Rhapsodies hongroises. Il en existe de multiples versions, Lead Belly l’enregistra en premier à la fin des années trente, Dylan la reprendra dans les séances de The Freewheelin’ Bob Dylan, sous le titre de Seven Curse ) : Rafał Przewłocki: banjo ukelélé : harmonica lancinant en intro, il revient entre les couplets, les paroles sont d’une cruauté sans égale, le rythme est celui d’une corde de pendu qui se balance doucement, ils ont repris les paroles de la version de Lead Belly mais pour le final ils n’ont pas hésité : le vrombissement terminal du Dirigeable. We’re all private property : chantent à tour de rôle, ils ne se répondent pas, ils accumulent les constats, celui de notre monde actuel dominé par l’argent et le principe de l’appropriation de l’homme par l’homme, l’on se croirait aux temps de colère contestataires du folk initiés par Dylan et Joan Baez au début des sixties, les guitares sonnent haut, les voix résonnent d’urgence, l’on discerne toutefois en sous-main une lassitude désespérée qui confère une étrange beauté à ce morceau.  John the revelator : retour à la tradition, un gospel adapté par Blind Lemon Jefferson et sa femme Willie, genre de monument auquel il vaut mieux ne pas se confronter, aussi y vont-ils franco de port, vous balancent les invocations bibliques à bras le corps, s’en tirent très bien, toutefois on leur reprochera la brièveté de leur version, ils étaient partis pour un délire apocalyptique des plus démentiels, c’est dommage qu’ils

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     n’aient pas cédé à leur propre vertige vocal. It’s all that simple : z’ont le péchon, vous balancent le blues comme un hymne à la joie, avec un long passage de percussions  tapotantes des plus joyeux, z’y rajoutent une bonne pincée de guitares sautillantes. Roboratif certes, sachez toutefois goûter la subtilité, c’est juste un gars qui en train de vivre ses derniers instants. Guillotine song : Błażej Grygiel: bouzouki, basse, organette (petit orgue de barbarie) : le titre n’est pas engageant, les paroles encore moins, chantent ensemble mais laissent surtout jouer les instruments, c’est un peu la suite du morceau précédent, vous aviez le gars qui crevait dans son coin, et maintenant c’est la mort collective infligée aux citoyens de base. Une critique sociale acerbe, préfèrent se taire, mais l’on entend la colère gronder.  Different places : une douce plainte, celui d’un homme solitaire qui quitte notre monde destructif, qui s’en va ailleurs, dégoûté de la société, qui se retire, un peu à la William Thoreau, inutile d’en dire plus, le jeu des guitares est simplement plus éloquent. Greengrass : Błażej Grygiel: basse : vous voulez savoir ce qu’est devenu l’homme qui s’est retiré dans son jardin, tra-la-la-lère, on va vous la raconter c’est marrant, on lui a pris sa terre, tra-lalère, ils ont tout détruit, les guitares gambadent gentiment parmi les champs ruinés, gardons le moral, ils ne l’emporteront pas au paradis. Consolation du pauvre.

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    Cukoos : Rafał Przewłocki: banjo-ukelélé : ne pas toujours accuser les autres, n’est-on pas responsable de son propre malheur, un chant franc, un banjo cukooslélé envahissant, le mythe country du ramblin’man qui se débrouille pour survivre et finit par perdre. Forest blues : une guitare qui frissonne le blues, un chant courageux qui vous inciterait à l’optimisme, à la nuance près que les paroles sont d’un nihilisme sans égal, la vie n’a ni sens ni but, vaut mieux en rire qu’en pleurer. Mieux vaut la fermer et gratter son instrument.  Song for Dylan : Kamil Bieńczak : vocal, Rafał Przewłocki: cigar box : une voix grave, et une autre étranglée qui crie, un harmo d’une tristesse absolue, des interrogations métaphysiques à la Dylan, ni Dieu ni Maître, ni Diable ni Bien, la voie est étroite, l’accompagnement larmoie un peu  trop longtemps, les cris reprennent, mais peut-être vaudrait-il mieux la boucler.  Little Omie : ballade populaire tirée d’une histoire authentique : cette jeune femme enceinte noyée par son amant s’imposait pour un album titré Rivers of  living water, serait-ce de l’humour noir, en tout cas ils vous l’interprètent sans tirer la couverture à eux, tout simplement, sans fioritures. La fin instrumentale se perd dans l’introduction de God bellow : la suite philosophique du traditionnel précédent. L’harmonica en pointe pour appuyer là où ça fait mal : nihilisme, la vie n’a pas de sens, bien et mal ne sont qu’une même chose, tout retourne un jour ou l’autre en poussière.

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             Un beau disque de blues feutré. De folk foncé. Une vision pessimiste de l’existence. Un album miroir de notre monde.

    Damie Chad.

     

    *

    Le père de Deke Dickerson collectionnait les avions et les camions des années trente, il a refilé le virus de la collectionnite à son fils, né en 1968, qui très jeune a commencé à accumuler les disques tous supports, tous formats. Devenu guitariste émérite et compositeur, passionné d’americana, de rockabilly certes, mais pas que… Il a rédigé nombre de notices pour revues spécialisées et les rééditions de Bear Family. Acheteur compulsif, farfouilleur impénitent, ses achats peuvent être divisés en deux groupes. Les disques qu’il écoute et réécoute même si la gravure est amochée, et ceux qu’il n’écoutera jamais qu’il a achetés pour la beauté, la laideur ou l’incongruité de la pochette. Natif de l’état du Missouri il est très fier de posséder l’entièreté de la production rockabilly de son état fluvial. Sur une île déserte, il n’emporterait que le deuxième album de Gene Vincent. Un homme de goût.

    The Gene Vincent Files #14: Deke Dickerson

    on Russel Williford, Johnny Meeks, Gene and more.

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             Contrebassiste, drummer, Deke Dickerson  émet de bizarres cliquetis sur sa guitare avant de lancer le stomp. Quand j’ai eu environ treize ans, j’étais juste en train de découvrir le rock’n’roll, c’était juste le moment où les USA connaissaient un boum revival rockabilly. Naturellement les Stray Cats connaissaient une grosse popularité.

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    A l’époque ils avaient plusieurs hits dans les charts. Lorsque le phénomène a commencé à éclater, d’un seul coup, les compagnies ont commencé à republier des disques de l’ancienne musique des fifties. Comme je l’ai indiqué j’étais très jeune, peut-être treize ans, quand dans  la boutique de disque j’ai vu ce disque Gene Vincent, The Bop That Just Won’t Stop, c’était une de ces rééditions vinyl LP des

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    années 80, je l’ai achetée et ramenée à la maison, wow ! je voulais savoir ce que c’était ! C’était tout ce qu’il me fallait. J’ai aussi acheté Eddie Cochran, Legendary Masters Series, le même jour. J’en ai eu l’esprit tourneboulé durant les mois et les années après. Maintenant vous connaissez l’effet que ça a produit sur moi. Gene a toujours été identifié en tant qu’artiste rockabilly, mais il n’est pas tout à fait rockabilly. Vous savez ce qui est intéressant à ce sujet c’est que, c’est que son spectre musical est vraiment unique, c’est vraiment du rock’n’roll mêlé à des éléments qui viennent du swing, du jazz et ce cette sorte de tuf. Je ne voudrais pas le classer uniquement comme rockabilly. Tenez, le bassiste ne slappe jamais sa basse. Ils produisent des sortes d’arrangements jazz, spécialement dans le jeu de guitare de Cliff Gallup, toutefois en même temps c’est définitivement rock’n’roll. Aussi je ne sais pas comment vous pourriez classifier Gene Vincent, mais il est totalement unique parmi tous les artistes des années cinquante. Je ne suis pas tout à fait impartial car je suis moi-même un guitariste mais je suis totalement persuadé que Gene avait un grand talent  je suis certain que l’histoire de Gene Vincent se serait

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    déroulée  autrement s’il n’avait pas eu les Blue Caps et surtout Cliff Gallup au tout début, vous comprenez ? Je vais dire pour classer à part   un hit comme Be Bop A Lula, tout dans ce morceau est parfait, je ne peux rien imaginer que l’on puisse changer en lui, vous voyez, c’est vraiment la combinaison, l’amalgame de tous ces musiciens et de Gene, en ce studio-là, en ce moment précis, pour produire le surgissement de cet éclair musical miraculeux, quelques secondes de Deke et ses boys sur scène. Je pense qu’avec cette plongée dans un style de vie rock’n’roll, sans cesse en tournée, à mener une vie de dingue, à donner ses concerts, à se coucher tard la nuit, à ne pas dormir dans votre propre lit, je me souviens avoir lu une interview de Cliff Gallup dans laquelle il déclarait très franchement qu’il n’aimait pas être sur la route. Je pense que le rythme de vie Gene était trop fou. La conséquence en a été que tous ces gars, l’un après l’autre, se sont lassés d’être sur la route. Je pense que c’est pour cette raison qu’il a recruté ce groupe en 57,   imaginez-le entouré de tous ces jeunes gars comme Tommy Facenda et tous les autres. Ils avaient tous à peu près le même âge. Alors quand je pense au premier groupe, je pense que Cliff Gallup et Jack Neal étaient un peu plus âgés que le reste de la bande. Vous savez Gene a eu un

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    hit stratosphérique  avec Be Bop A Lula et qu’il avait un sacré amour pour la danse et le bop, mais je pense qu’en 59 ses disques ne se sont plus vendus. Je le sais car j’ai quasi obsessionnellement étudié Gene Vincent. Si vous regardez la place qu’il occupait en 56 et 57, le gros paquet de tournées rock’n’roll, il jouait dans des stades et des foires, des audiences énormes, et en 1959 il jouait dans des clubs VFW et des trucs à 200 places ou à peu près. Ça ne m’étonne pas que Capitol l’ait laissé tomber. Le gars a réalisé quelques bons disques pour une bonne raison. Vous savez quand vous faites des disques si forts, je pense que vous pouvez vivre sur cette lancée pour toujours. C’est une espèce de honte que Gene soit mort si jeune comme c’est arrivé parce que ses disques étaient si grands qu’il pourrait être signé n’importe où aujourd’hui s’il était encore en vie. La réalité de ses audiences en Angleterre et en Europe est qu’il a toujours bénéficié de cette  fidèle ferveur des teddy boys, ce public n’en avait rien à faire qu’il ne soit plus dans les charts. Ils savaient simplement qu’il était bon. Donc il a pu continuer à travailler là-bas, et ce public l’aime encore aujourd’hui. Vous savez alors que je commençais juste à jouer de la guitare, je collectionnais les disques et j’ai compris très tôt : il est très  important de posséder une copie des six albums originaux   Capitol, ceux sortis dans les années quatre-vingt

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    sont très recherchés, ce sont des copies originales des six LP Capitol, comme j’ai eu la chance de rencontrer et de jouer avec plusieurs Blue Caps, je les ai tous signés par eux. C’est quelque chose dont je suis très heureux car maintenant un bon nombre d’entre eux ne sont plus réédités. Je me suis rendu à  Los Angeles au début 1991 et j’ai formé un groupe nommé The Dave and Deke Combo. Nous jouions dans les environs faisant quelques shows, et nous nous sommes retrouvés à faire le backing group de Johnny Meeks. Oh, mec c’était incroyable pour moi, je n’arrivais pas à croire que j’étais en train de jouer avec un véritable Blue Caps. Imaginez-moi apprenant toutes ces morceaux, me préparant pour le set, enfin le jour de la représentation arrive, Johnny déboule et il a l’allure d’un gars tout à fait normal, aucune prétention de rockstar. C’est juste un vieux bonhomme, et il se comporte comme s’il venait jouer un gig comme un autre, vous voyez ! Quand il découvre que nous sommes de gros fans de Gene Vincent, je pense qu’il a été un petit peu décontenancé car Johnny offrait  des country gigs,  il avait l’habitude de jouer quatre heures entières de country music. Et quand il s’est aperçu que nous voulions jouer quelques morceaux de Gene Vincent, c’était pour lui une sorte d’entorse à son programme habituel. Mais une fois qu’il a commencé à se plonger dans ce matos, à la manière dont il a mené le jeu et conduit, d’avoir joué avec Johnny Meeks ça a été, ça été, le moment le plus inoubliable de ma vie. (court intermède de Deke et ses deux boys en concert jouant Baby Blue) Quand Elvis le premier a démarré fort, il est très vite devenu énorme, il dégageait une image qui était vraiment celle de la joie de vivre, vous comprenez, il était le rock’n’roll guy par excellence, Il se démenait sur scène, Gene avait ce truc en plus qui je pense fut plus tard  repris en d’autres styles de musique, c’était cette espèce de suspense et de danger, rehaussé par la douleur sur son visage, occasionnée par sa jambe blessée. Vous pouvez voir cela avec d’autres gars comme Jim Morrison, je veux dire qu’ils ont vu cela et copié cela dans leur propre musique, cependant des tas de garçons n’ont pas cherché à prendre le  truc d’Elvis, dans les sixties et les seventies. Je pense que l’image de Gene Vincent, vous savez toute cette aura qu’il dégageait grandement et qui a été reprise plus tard par

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     tout un tas de performers. ( il joue un peu de sa guitare). Je suis très honoré de faire partie de ces quelques gars qui peuvent dire : ‘’J’ai joué avec Russell Williford’’ qui est un peu le  dernier survivant des Blue Caps perdus. Il est le gars qui sur la couve du second album joue cette Fender Esquire Guitar, mais il n’a jamais enregistré avec

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    Russell Williford entre Gene  Jack Neal à la contrbasse

    Gene Vincent. C’était à l’époque un grand guitariste. Il a joué avec un maximum de gars  dans le Washington DC Aera, mais il n’a jamais enregistré avec Gene. Un nom un peu oublié, mais voici quelques années j’ai été approché par un gars qui tenait le Richmond Virginia Folk Festival et ils préparaient un truc sur des gars du Virginia Rockabilly nommés Virginia Rock, dans lequel ils présentaient The Dazzlers qui était un groupe de rockabilly de Virginie et le dernier gars qui était vivant des Rockets qui faisait Whoohoo et ils emmenèrent Russel Williford et ils m’ont désigné pour accompagner ces gars. Pour moi c’était : Whaou ! Russel Williford, Je n’avais jamais pensé que je pourrais rencontrer ce gars, et encore moins de jouer avec lui. (Durant quelques secondes il gratte sa guitare) C’est une honte que Gene n’ait pas vécu plus longtemps. Vous vous doutez que s’il avait pu vivre dans les années quatre-vingts, ou quatre-vingt-dix je pense qu’il aurait pu réaliser pleinement combien il avait influencé de gens et combien sa musique était importante pour eux. C’est triste, il est mort en 1971, c’était au plus haut de la culture hippie, l’acmé de l’acid rock et du hard rock, j’ai toujours pensé qu’il avait dû penser que le monde était fini, que la

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    musique était terminée et que personne ne se soucierait plus jamais de lui. Vous connaissez ces histoires que Ronnie Weiser raconte de Gene jouant ses gigs autour de L.A. pour quarante dollars ou quelque chose comme ça. Je pense toujours quelle honte pour un gars qui meurt ainsi en pensant qu’il a été oublié. C’est vraiment trop bête qu’il n’ait pu vivre dix ou vingt ans de plus il aurait pu être apprécié à sa juste valeur. (question inaudible). Une des choses les plus tristes que j’ai vues c’est ce documentaire dans lequel il est sur la fin des années soixante et il est en train d’essayer d’apprendre à son groupe ses morceaux et ils ne connaissent aucun de ces morceaux, et vous pouvez lire sur son visage ‘’ Oh m’y revoici encore une fois ’’. Vous le voyez jouant avec un combo de musiciens hippies qui ne connaissent pas ‘’ma musique’’. Toutefois je dois noter, que toutes ces dernières années, il y a encore tous ces jeunes gamins qui sont en train de découvrir le rockabilly et le rock’n’roll. C’est la même chose qui m’est arrivée, c’est probablement ce qui vous est aussi arrivé. La minute où vous avez entendu pour la première fois ces enregistrements classiques de Gene Vincent and the Blue Caps, vous êtes ‘’ Wow !’’, Cela est au-dessus de tout. Ainsi  pour continuer sur cette idée  je pense que ces disques  seront encore écoutés  dans cinq cents ans et l’on dira disant ‘’ wow, c’est fantastique, c’est grand’’. Le sujet n’est pas de savoir ce que pense Lady Gaga ou tout autre qui soit dans les charts populaires. Je pense réellement que quiconque aime que la musique s’empare de votre âme, quand il  entendra ces disques sera obligé de les apprécier. J’ai une très bonne histoire à vous raconter si vous désirez l’entendre   ‘’ Bien

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      sûr !’’. En 1996 les Blue Caps ont effectué une tournée dans les States, ils ont joué à Los Angeles, j’étais alors en possession de mon lot de disques signés. Je les ai vus à 18 heures et ils étaient tous entièrement ivres, je veux dire qu’ils ne pouvaient pas faire un pas l’un devant l’autre, jusqu’à minuit ou à peu près. Ils étaient entièrement cuits. Moi je cherchais à à obtenir des autographes, je faisais la queue derrière le club, Paul Peek était complètement ivre et il était en train de causer avec une certaine Judy, il était en train de la draguer, vous imaginez la scène, j’ai tendu mon disque à  Paul, ‘’ Hé ! Paul signe ce disque pour Dee’’. Il continue durant encore cinq bonnes minutes de discuter avec Judy. Puis il attrape le disque et il signe ‘’ Pour Judy, Paul Peek’’. Ainsi un de mes disques sans aucune bonne raison porte la dédicace  ‘’To Judy, Paul Peek’’. Le disque se termine comme il a commencé, Deke et son band sur scène ! 

    Transcription : Damie Chad.

    Interview was recorded around 2015 in Tilburg (NL) by Kenneth van Schooten, assisted by Gerard van Leeuwen.

    Notes 1 : Clubs VFW : Veterans of Foreign Wars : importante association de vétérans américains ayant servi au-delà des mers. Membre de la Navy, ayant navigué le long des côtes de la Corée, Gene devait avoir la possibilité de donner des spectacles dans les clubs de réunions disséminés sur tout le territoire américain.

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    Note 2 : The Dave and Deke Combo fut formé en 1991 à Los Angeles par Dave Stuckey et Deke Dickerson. Le groupe  se sépara en 1995 après avoir enregistré deux albums. En 2005 sortit un troisième album fruit de réunions occasionnelles dont le titre est à lui seul un résumé et tout  un programme : There’s Nothing like an old Hillbilly. Lost and found treasures (1991 – 2005).

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    Note 3 : Russell Williford (né en 1933) a croisé plusieurs fois Gene Vincent et les Blue Caps. En 1970 Gene se rend à un concert de Williford et lui fait part de son intention de reformer les Blue Caps… Gene lui demande s’il était partant pour cette aventure. Il est impossible de résumer en quelques lignes la vie de Russell, il a participé a de nombreuses sessions  entre autres pour Patsy Cline et Lefty Frizzel. Russell Williford a connu Cliff Gallup avant de rencontrer Gene Vincent.

     Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos

  • CHRONIQUES DE POURPRE 710 : KR'TNT ! 710 : RAMONES / WILD BILLY CHILDISH / CLARENCE EDWARDS / 5.6.7.8's / KELLY FINNIGAN / AEPHANEMER / FARYA FARAJI

     

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 710

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    13 / 11 / 2025

     

    RAMONES / WILD BILLY CHILDISH

    CLARENCE EDWARDS / 5.6.7.8’s.

    KELLY FINNIGAN  / AEPHANEMER

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 710

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Les Ramones la ramènent

     (Part Two)

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             Oui, c’est sûr, t’avais quelque chose dans les Ramones. Kris Needs en fait douze pages dans Record Collector, avec en double d’ouverture une image qui dit tout des Ramones : wild on stage, perfectos, jeans éclatés aux genoux, out of their minds, cheveux au vent, punk new-yorkais, un modèle éternel. Toutes les images des Ramones disent le rock. Needs parle de suburban outcasts et d’une «chemical imbalance that helped catalyse a revolution.» Tout est dit, mais t’as encore dix pages à lire. Comme si la lecture s’accommodait mal du ventre-à-terre des Ramones. One two three four !

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             Needy Needs connaît bien son métier : il fait sortir les Brudders d’un ascenseur anglais en juillet 1976 : les Ramones sont à Londres pour deux concerts, Roundhouse et Dingwalls, «the UK punk movement first real show of strength», il parle même d’un «much copied (if ever equalled) blueprint». Et, magnanime, il ajoute ça : «Two gigs considered pivotal in lightning the fuse for UK punk». Comme c’est bien dit, Needy ! Il les décrit un par un au sortir de l’ascenseur, Dee Dee et son «New York street punk demeanour», Joey qui sort de la douche avec ses cheveux mouillés - This is my Bay City Rollers look! - Tommy, qui semble être «the most normal of the four Ramones», et Johnny, «dressed for work in black leather jacket».  

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             Needy Needs plonge dans les détails biographiques, avec l’Hongrie de Tommy qui débarque à Forest Hills en 1956, puis Needy passe le Johnny de Long Island au peigne fin, fils d’un «hard-drinking Irish father» et sa vie de petit délinquant change quand il voit les Stones sur scène en 1964 à New York. Johnny hait les hippies, mais il va voir les Doors dix fois sur scène. Il voit aussi Jimi Hendrix en 1967, nous dit Needy qui a lu Commando. Et en 1969, Johnny flashe sur les Stooges, au point de se coiffer comme eux - They looked tough - Ça tombe bien, son pote Dee Dee est lui aussi fan des Stooges. Dans Lobotomy: Surviving The Ramones, Dee Dee raconte sa saison en enfer, c’est-à-dire son adolescence - a catalogue of domestic hell, substance abuse and early addiction - C’est lui, le Dee Dee, qui découvre que McCartney se fait appeler Paul Ramon dans les hôtels, alors il décide de s’appeler Dee Dee Ramone. C’est lui la cheville ouvrière des Ramones, ne l’oublions pas. Puis il voit les Stones, les Who, les Kinks et les Troggs. Une pure éducation sentimentale ! Quand sa mère quitte l’hard-drinking Irish father et s’installe à Forest Hills, Dee Dee devient dealer d’hero pour financer sa conso perso. I’m living on Chinese Rocks ! Needy Needs qualifie Dee Dee de «commited teenage degenerate». Si on cherche les formules les plus rolling et les plus rocking, les formules qui ronflent sous le capot, c’est là, chez Needy Needs, the work-out king. Et si, dit-il, Dee Dee clique avec Johnny, Joey et Tommy, c’est parce qu’ils étaient «the obvious creeps of the neighbourhood». On se croirait dans une chanson des Ramones. Cet article est un exploit de mimétisme intrinsèque.

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             Et puis voilà Joey avec ses problèmes de santé dont on se contrefout, il y va le Needy, il donne tous les détails, par contre, il se rattrape en nous rappelant que Joey est fan des Who, des girl-groups de Totor et des Herman’s Hermits. Puis c’est le Love It To Death d’Alice Cooper qui va obséder notre Joey préféré, particulièrement «The Ballad Of Dwight Prye», ce qui le conduit tout naturellement dans les bras de Bowie et de «Rock’n’Roll Suicide» en particulier. Suite à ça, il va voir les Stooges sur scène à l’Electric Circus avec son nouveau poto Dee Dee. Les Stooges sont leur nouvelle obsession, de la même façon qu’elle devint la nôtre, la même année. 

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             Et voilà le grand déclic : les Dolls en 1972 au Mercer Arts Center. Les quatre futurs Ramones y ramènent leurs fraises. Lenny Kaye dit que les Dolls plaisaient beaucoup grâce à leur «bringing back to basics». Johnny nous dit Needy voit les Dolls vingt fois. Dee Dee commence à écrire des cuts, du genre «I Don’t Wanna Go Down To The Basement» et «Now I Wanna Sniff Some Glue» - Everything I write is autobiographical and very real - Dee Dee et Johnny s’achètent des guitares chez Manny’s Music shop on 48th Street : une Danelectro pour Dee Dee et Johnny claque 54 dollars dans une blue Mosrite Ventures II. Tommy incite Johnny à monter un groupe, et Johnny finit par accepter. Joey bat le beurre. L’idée du Dee Dee d’appeler le groupe Ramones plait beaucoup aux autres. Premier concert en mars 1974. Dee Dee chante et gratte ses poux, mais c’est compliqué pour lui de tout faire à la fois. Alors Tommy propose que Joey chante, car Joey a déjà chanté dans un groupe glam et il a une vraie voix. Ils cherchent un batteur, mais n’en trouvent pas. Alors Tommy dit fuck it et décide de battre le beurre. Craig Leon : «The whole Ramones things was very much like a conceptual art piece.» Tout sort du cerveau de Tommy, comme Roxy est sorti du cerveau de Ferry boat. Tommy dit aux autres ce qu’ils doivent faire. Leur look vient de Marlon Brando dans The Wild One, mais s’inspire aussi de celui des Dictators, déjà dans le circuit, de Brian Jones et des garage bands - We concocted a unique style and sound, se vante Joey qui a raison de se vanter - Puis c’est le premier set de 15 minutes au CBGB, en 1974, en première partie du pre-Blondie incarnation, Angel & The Snake. Ils laissent un mauvais souvenir au boss du CBGB, Hilly Kristal - They’d start and they’d stop, everything was screetching. They couldn’t get through a song, they were yelling at each other onstage - Les gens se foutent de leur gueule, surtout Alan Vega. Mais il les trouve géniaux et dit que c’est ce qu’il a vu de mieux sur scène depuis les Stooges. Kristal se montre charitable envers eux : «Nobody’s gonna like you guys so I’ll have you back.» Comme quoi, le destin d’un groupe tient vraiment à peu de choses. Les Ramones nous dit Needy jouent 24 fois au CBGB en 1974. Au début, ils jouent devant 5 personnes. Six mois plus tard, devant 30 personnes. Puis Lisa Robinson flashe sur eux. L’un de leurs premiers fans n’est autre qu’Arturo Vega, qui fera le light show des Ramones jusqu’à la fin. Needy Needs indique qu’Arturo a vu les Ramones 2263 fois sur scène en 22 ans. Ce sont des chiffres qui parlent. C’est Arturo qui dessine le logo des Ramones, basé sur le sceau présidentiel américain. 

             Tommy fait une démo de 15 titres et tente de la fourguer au former New York Dolls manager Marty Thau - who didn’t want to babysit another band - mais il donne un coup de main pour le premier single, «Judy Is A Punk».

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             Le modèle des Ramones s’impose. Pas de solos. Johnny : «The chords are doing everything.» Ils enchaînent tous les cuts - We don’t do any stopping - Un set ne doit pas durer plus de 30 minutes. Comme Craig Leon est l’A&R de Sire, il parvient à convaincre Seymour Stein de signer les Ramones. Coup de pot, son épouse Linda est une fan des Ramones. Danny Fields aussi. Il va même devenir leur manager. Il les qualifie de «perfect band». Pas mal pour un mec qui a signé les Stooges et le MC5 sur Elektra.

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             Les Ramones enregistrent leur premier album en 1974 - The studio bill was an astonishing $6,400 - Needy Needs se marre comme une baleine. Il ajoute que c’est enregistré live, chacun dans une pièce, «like early Beatles records». Et puis il y a la photo de Roberta Bayley sur la pochette, où ils sont like a gang gone punk. Quand l’album arrive en Angleterre, Nick Kent s’agenouille respectueusement : «If you love hard-ass retard rock, you’ll bathe in every groove.» John Peel flashe lui aussi sur le premier album : «The songs are all the same, but they’re all different, if you know what I mean.»

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             Et quand on écoutait ce premier album en 1976, on criait tous au loup ! Whoooo-ooooh ! Ramones est l’un des albums phares du siècle passé. T’es tout de suite frappé par la fraîcheur du bombing de «Blitzkrieg Pop», t’as aussitôt de wall de Johnny et le chant perçant de Joey qui traverse les blindages. Joey est le roi du oh yeah oh-oh, ça n’a pas l’air comme ça, mais c’est capital. Tu réécoutes cet album 50 ans plus tard, et ça n’a pas pris une seule ride ! «Judy Is A Punk» sonne comme l’archétype définitif du punk-rock new-yorkais. Ça éclate le firmament. «Chainsaw» est so fast de ventre-à-terre ! Et voilà Oh Daddy-o et «I Don’t Wanna Go To The Basement», c’est la Ramona pure et dure. Dee Dee te sous-tend ça à merveille. Ils créent encore un monde avec «Loudmouth». Offensive en règle. Et toujours le wall of sound. Encore de la pression avec «Havana Affair». Quand t’écoutais cet album à l’époque, tu sentais que c’était l’album de rock parfait. One two three four ! «Listen To My Heart». Tout y est : le drive de basse et le buzz. Refrain printanier dans «53rd & 3rd», avec une prod de génie bien à ras des pâquerettes. Et ça se termine en beauté avec «Today Your Love Tomorrow The World». Fantastique élan !

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             À ce stade des opérations, il paraît essentiel de se plonger dans la lecture de Commando, l’autobio de Johnny Ramone. La première de couve est à l’image du personnage : puissante. Johnny Ramone subit un traitement graphique innervé, strié dans la matière. Il implose et dégage des rayons. Le book, en tant qu’objet, est lui aussi puissant : l’éditeur Abrams a contrecollé deux plats de couve massifs (5 mil d’épaisseur) sur la une et la quatre de couve, et brutalement massicoté l’ensemble dans la fleur de l’âge, sans débord. T’as dans les pattes un bel objet d’art moderne, à l’image des Ramones. Quel joli coup ! Ces deux plats de couve enserrent les 180 pages du book comme deux serre-livres à socles de marbre. On ne pouvait pas rendre plus bel hommage à cette force de la nature réactionnaire que fut Johnny Ramone. On était presque fier de ramasser ce book chez Smith en 2012 : l’étiquette de prix W H Smith est encore collée au dos. EUR 27.20. Cadeau !

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             Sacré Johnny. Il avoue volontiers avoir frappé Dee Dee - I had to smack him a couple of time to get him into the van - Oui, Dee Dee n’en faisait qu’à sa tête, Johnny l’aimait bien, «but I think he just liked to be difficult». Et tu ne fais pas le difficult avec Johnny Ramone. Pour Johnny, le plan est simple : une fois que les Ramones sont sur les rails, ça doit tourner. Pas question de tout faire foirer. Il prévoit d’économiser assez de dollars pour pouvoir prendre sa retraite quand l’âge de monter sur scène sera passé. L’autre tête de turc des Ramones, c’est Joey. Johnny dit qu’il a essayé de l’apprécier, de lui parler, mais ça n’a pas marché - He was a fucking pain in the ass. So I gave up -  Johnny nous explique dans l’intro qu’il était entouré de «dysfunctional people, and I was the one who ran the business end, aside from our managers. Everybody else was a mess.» L’enfer, c’était le van. T’en avais toujours un qui voulait s’arrêter, et si on s’était arrêté toutes les dix minutes, nous dit Johnny, on ne serait jamais arrivés à destination. On voit bien le topo. Mais ça valait le coup : «The Ramones were fun, and the more intense the better.»

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             Il raconte son adolescence à Forest Hills en 1964. Il fait la connaissance de Tommy à l’école. Ils sont fans des Stooges. Johnny en pince aussi pour Grand Funk et se hâte de préciser que Mark Farner n’était pas un hippie - I hated the hippies and never liked that peace and love shit - Ado, il sombre dans la petite délinquance - I was just bad, every minute of the day - Sa mère trouve de l’hero dans le tiroir de sa table de nuit. Il arrache les sacs à main des grand-mères, il tabasse des gosses pour leur barboter du blé, puis un jour il décide d’arrêter les conneries.

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             Son premier concert ? Les Rolling Stones au Carnegie Hall en juin 1964. Puis il voit les Who, les Beatles au Shea Stadium, Black Sabbath sur leur première tournée américaine, il voit les Doors dix fois, les Amboy Dukes deux fois. Il adore le MC5. Il achète le premier album des Stooges sur la seule foi de la pochette - I just liked the way they looked: tough - Et la musique le rend dingue - I was crazy for it - Il voit les Stooges à l’Electric Circus on St. Marks Place. Il voit Ron Asheton avec son nazi stuff faire un discours en allemand. Mais ceux qui jouaient plus fort que tous les autres, c’était Grand Funk, at the Stony Brook University - That was probably the loudest show I ever saw - Il les revoit au Shea Stadium avec Humble Pie en première partie. D’où l’avantage d’être américain.

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             Et bam, on tombe fatalement sur les Dolls - The New York Dolls really did it for me - Il les voit over and over, twenty times in all, depuis le Mercer Arts Center en 1972 jusqu’au Conventry Club in Queens en 1974. Il indique qu’il notait tous ces détails in little notebooks. Il voit Kiss mais ne les trouve pas cool - Kiss wasn’t cool. The New York Dolls were cool - Il trouve aussi Wayne County «too perverse» - There was this uglyness to that - Il préfère la faune des Dolls, les filles sont jolies et Johnny Thunders looked good. Il aime bien les Dolls parce qu’ils sont comme les Ramones, assez limités, «but they knew what to do with what they had». C’est là que Johnny comprend que le rock’n’roll peut être une option - I can do this too, just as good - Mais il va lui falloir deux ans pour prendre la décision de monter les Ramones avec Dee Dee.

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             Il achète sa gratte en janvier 1974 chez Manny’s, on 48th Street and Broadway. Il paye sa Mosrite 50 dollars. Pourquoi une Mosrite ? Because of The Ventures et Fred Sonic Smith. Elle est bleue. Comme il n’a pas assez pour s’acheter un étui, il la met dans un sac en plastique. Dee Dee et lui démarrent le groupe en répétant dans son appart de Forest Hills. Ils grattent tous les deux leurs grattes. Joey bat le beurre et Dee Dee chante. Ils ont un pote nommé Richie à la basse mais Johnny le vire car ça ne va pas du tout. Dee Dee prend la basse et ça devient un trio. Mais Dee Dee ne peut pas jouer et chanter en même temps. Joey fait n’importe quoi au beurre. It was bad. Johnny veut virer Joey mais Tommy dit qu’il peut chanter. Comme Johnny a confiance en Tommy, il accepte. Alors ils auditionnent des batteurs. Finalement, c’est Tommy qui s’assoit derrière les fûts - He’d never played drums before, but it was working - Et ils se mettent à répéter sérieusement. Comme ils se savent limités, leurs cuts sont simples - They had to be simple - Ils jouent pour la première fois au CBGB en août 1974. Ils torchent 6 ou 7 cuts devant 10 personnes. Johnny est encore le seul des quatre à porter le perfecto. Puis ils reviennent jouer chaque semaine et font payer un dollar à l’entrée. Ils ont en moyenne une quinzaine de personnes.

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             Puis au, fil du temps, tout le monde vient les voir jouer, à commencer par Lou Reed. Johnny ne voit qu’un seul groupe concurrent : les Heartbreakers. Mais comme ce sont des junkies, Johnny sait qu’ils ne vont pas durer longtemps. Il voit Blondie comme un «lightweight pop band». Il voit aussi les Talking Heads comme something very different - It wasn’t really rock and roll, it was something else - Comme ça au moins, les choses sont claires. Il a même une petite altercation avec Debbie Harry, quand les Ramones jouent au Mothers avec Blondie en première partie. L’Harry veut un 50/50 split à l’entrée et Johnny la recadre : «‘No one is here to see you guys. Everyone is here to see us.’ We split the door 70-30 and she was mad. I never really got along with her.» Quand ils partent en tournée européenne en avril 1977, Johnny a deux raisons de flipper : les Talking Heads jouent en première partie, et l’Europe qu’il ne supporte pas - Europe was a horrible place. I hated the hotels - Pas de téléphones dans les chambres, rien à la télé, le bouffe toute pourrie - all this boiled shit or curry - Et t’as les Talking Heads qui sont des intellos qui s’écoutent parler - Tina Weymouth was unbereable - Quand Johnny dit à son roadie d’aller chercher sa guitare, elle interpelle Johnny lui dit d’aller la chercher lui-même. De quoi elle se mêle cette conne ? Johnny ne leur adresse pas la parole. Mais c’est en Europe que ça marche le mieux pour les Ramones, aussi reviennent-ils en tournée. Ils enregistrent It’s Alive le 31 décembre 1977 au Rainbow Theater de Londres - I think that’s our greatest moment as a band - C’est vrai que ce double live est une bombe atomique qui démarre en trombe avec «Rockaway Beach». Joey lance : «Hey we’re the Ramones!» et Dee Dee fait one two three four!, et c’est parti pour un set de folie Méricourt, «Blitzkrieg Bop», l’hymne du XXe siècle, avec «I Wanna Be Well»,  les Ramones deviennent le groupe de rock par excellence, Joey ramène tout son sucre magique, l’heavy beat d’«I Don’t Care» leur va comme un gant, «Sheena Is A Punk Rocker» sonne comme the perfect Ramona, «Havana Affair» déboule pour de vrai, ils expurgent «Surfin’ Bird», et en C, ça repart de plus belle avec «Listen To My Heart», puis «California Sun» explose, toute la vie du rock est là, «Chainsaw» sonne aussi comme un hymne, leur formule est terriblement au point. Cohérence ultime encore en D avec «Judy Is A Punk». Les Ramones sont un phénomène unique, «Let’s Dance» sonne wild as punk. Tu sors de là à quatre pattes.

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             London 1977, ça ne te rappelle rien ? Oui, les punks ! En décembre 1977, Johnny voit les Pistols sur scène et quand Johnny Rotten demande à Johnny Ramone ce qu’il pense des Pistols, le Ramone lui répond qu’ils puent - I told him I thought they stunk.

             Johnny fait régner la discipline : pas de booze avant le concert. Mais «Joey always had a drinking problem, he was hanging out with everybody. Tommy was fine, he had no vices except cigarettes. Dee Dee... whatever.»

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             Rocket To Russia sort en 1977. Johnny : «This was the best Ramones album, with the classics on it. That band had reached its peak both in the studio and live. This one has one great song after another.» «Cretin Hop» ouvre le bal et boom, beat inimitable, sucre inimitable, énergie inimitable, buzzsaw inimitable. C’est là qu’on trouve la version studio de «Rockaway Beach», one two three four!, Dee Dee fidèle au poste ! Et toujours ce Tom-Tom Tommy beat à la surface ! Il faut ensuite attendre «I Don’t Care» pour sauter en l’air. Fantastique buzzsaw, suivi de «Sheena Is A Punk Rocker» qui sonne comme un hit des Beach Boys. Ils déboulent sur la plage avec exactement le même power. Et en B ça repart en mode punch in the face avec «Teenage Lobotomy», belle flambée de violence ramonesque. Personne ne bat les Ramones à la course du Lobotomy. Nouvel hommage aux Beach Boys avec «Do You Wanna Dance» - Dee-Dee Dee/ Wanna dance - Ils grimpent au sommet de la power pop avec «I Wanna Be Well» et puis boom !, voilà la version studio de «Surfin’ Bird» - Well everybody saiz/ About the bird ! - Bel hommage aux Cramps.

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             Quand ils s’apprêtent à enregistrer Road To Ruin, Tommy jette l’éponge. Johnny embauche Marc Bell qui devient Marky Ramone. On a cité les  noms de Johnny Blitz (Dead Boys) et Paul Cook - We tried one drummer, Mark, and that was it - Marc jouait dans les Voidoids. Johnny ajoute que Marc pouvait manger n’importe quoi, des boîtes de dog food et des cafards. Johnny : «The production on this is the best of all of them.» Et plus loin, il ajoute : «This was the last of the great Ramones albums until Too Tough To Die.» C’est encore Stasium et Tommy qui co-produisent cet album bardé de Johnny power. Ils sonnent comme les Heartbreakers sur «I Just Want To Have Something To Do» et sur «I Don’t Want You». T’y retrouves la cisaille des Heartbreakers. «I’m Against It» et «Go Mental» sont du pur New York City Sound. Johnny sait chaque fois ce qu’il doit faire : riffer à la vie à la mort. Quel déballage ! Ils te noient «She’s The One» de son. Les Ramones sont une vraie machine. Ils claquent la plus reluisante des power-pop, montée sur l’incroyable cisaille de Johnny. Riffer, il n’y a que ça qui l’intéresse. Le coup de génie de l’album n’est autre qu’«I Wanna Be Sedated». Ramona classique, une vraie perfection de riffalama fa fa fa et de chant sucré. Joey titille bien ses petits refrains.

             Et crack : Johnny aborde l’épisode Totor. Quand ils jouent la première fois à Los Angeles, en 1977, Totor les voit et dit qu’il veut les produire. Il voulait produire Rocket To Russia et Road To Ruin mais Tommy produisait. Par contre, Johnny préfère cent fois Daniel Rey qui va produire le dernier album des Ramones, Adios Amigos

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    ( 1995 )

             Donc Totor leur court après, mais les Ramones n’en veulent pas. En même temps, ils savent qu’ils ont besoin d’un hit. Sire monte le coup avec Totor pour enregistrer End Of The Century. Johnny sent dès le départ que c’est pas bon - Right from the start, he was abusive to everybody around him, except us - Totor insulte les gens. En plus, il est très long. Hors de question pour Johnny de passer deux mois sur un album. Il voit Toror gueuler sur Larry Levine, l’ingé-son. Totor ne dort pas. Totor ne mange rien. Johnny le suspecte de tourner à la coke. Et il n’a pas une très haute opinion de ce «little guy with lifts in his shoes, a wig on his head, four guns - two in his boots and one each side of his chest - and two bodyguards.» Johnny pense que si Totor avait dû descendre l’un des Ramones, c’était forcément Dee Dee - Dee Dee drove him crazy and Dee Dee didn’t like Phil either - Quelle ambiance ! Johnny et Dee Dee finissent par se casser et Joey reste seul avec Totor pour enregistrer «Baby I Love You». Aucun autre Ramone ne joue sur cette cover. Puis Johnny évoque la pochette et l’absence des perfectos. Le photographe piège les Ramones en leur expliquant que ce serait bien de changer un peu, mais Johnny se doutait bien qu’il ne fallait pas poser sans les perfectos. Dee Dee et Joey votent pour la pochette sans perfectos. Johnny est baisé. La majorité l’empote. Puis Dee Dee et Joey prennent l’habitude de voter contre Johnny, ce qui le stresse - They were voting against me on everything artistic - Il pense que c’est la fin des Ramones, car les choix musicaux ne lui plaisent pas - I would never have put out something like a hit song just to have a hit if it wasn’t our style - Pour Johnny, la compromission est impossible. Il dit qu’il ne pourrait même pas se regarder dans un miroir. Plus loin, il explique que les Ramones n’étaient pas contre les gens, ils étaient contre ce que devenait le rock’n’roll - We wanted to save rock’n’roll - Il croyait que les Ramones, les Pistols et les Clash allaient devenir des major bands, comme le furent les Beatles et les Stones avant eux. Mais même avec Totor, ils ne passent toujours pas à la radio.  

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             Et l’album ? Une merveille. End Of The Century est l’un des très grands albums de cette époque. Coup de génie dès «Danny Says». Totor le développe doucement, Danny says we gotta go, et ça monte admirablement en neige, et soudain il pleut du son comme vache qui pisse. Voilà l’hit impérissable des Ramones. Puis on passe au mythe avec «Chinese Rock» : Heartbreakers + Ramones + Totor, tu vois un peu le travail ? Mythe encore en B avec le «Baby I Love You» des Ronettes somptueusement contrebalancé, Joey te chante ça jusqu’à l’oss de l’ass, et ce visionnaire de Totor fait littéralement swinguer les violons ! T’as jamais entendu ailleurs. Et t’en as qui vont cracher sur l’album ! Et pour finir la B, ça part en classic Ramona avec «This Ain’t Havana», puis «Rock’nRoll High School», Totor a bien compris la logique du beat serré des Ramones, et ça file encore ventre à terre avec «All The Way». Totor sublime les Ramones.

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             Quand Leave Home est sorti en 1977, nous fûmes tous frappés par la qualité du son de Stasium. Dès «Glad To See You Go», t’as le Wall of Sound, avec la voix de Joey qui résonne dans l’écho du temps. Et ça continue en mode Wall of Sound avec «Gimme Gimme Shock Treatment», avant de passer en mode power pop avec «I Remember You». Ils enfilent les hits comme des perles.  Joey arrache tous les cuts du sol. Dans «Oh Oh I Love Her So», on entend les chœurs des Dolls. C’est puissant, très new-yorkais. «Carbona Not Glue» situe bien l’époque. On sait où on est. Quel punch ! C’est encore la foire à la saucisse du power avec «Suzy Is A Headbanger». Un vrai ras-de-marrée ! La formule est au point. Ils sont à cheval sur la candeur et le rouleau compresseur. Ils portent «Swallow My Pride» au sommet du rock américain. Tout est laminé par la machine Johnny/Dee Dee, et le beat de Tommy bat comme un cœur. Fantastique cover de «California Sun». Un vrai brasier ! Les Ramones ont un son unique, une méthode bien établie. Tu les connais par cœur et tu leur accordes tout le crédit du monde. Ils sont fabuleusement cousus de fil blanc, mais tu ne t’en lasses pas. Avec la red de Leave Home, t’as un Live au Roxy en 1976 : une vraie bombe atomique, parce que «Loudmouth», one two three four ! Dee Dee is on fire, parce que «Beat On The Brat», ooh yeah oh-oh, parce que «Blitzkrieg Pop», hey ho let’s go, parce que «Glad To See You Go», parce que le wild punk d’«Havana Affair», parce que le génie punk de «California Sun», parce que «Judy Is A Punk», parce que «Now I Wanna Sniff Some Glue». Ça n’arrête pas.

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             Côté collègues, Johnny a ses chouchous, comme Johnny Thunders. Il n’aime pas Tom Verlaine, il hait Mink DeVille. Il aime bien les Dictators, mais ne traîne pas avec eux. Il aime bien Richard Hell et les Dead Boys. Et puis les Cramps - I became friends with Lux and Ivy from the Cramps too. They’ve always stayed true to what they were doing. We’re still friends to this day - Il évoque rapidement l’épisode Richie Ramone, qui a quitté le groupe en pleine tournée. Plus jamais de nouvelles - Last I heard, he was a golf caddie - Quand Richie quitte le groupe, ils testent Clem Burke en remplacement. Il allait devenir Elvis Ramone. Il a duré deux shows, «and it was awful».

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             Puis Dee Dee en a marre de la basse. Il est crédité sur trois albums sur lesquels il ne joue pas. Il est en studio, mais il ne joue pas. Il laisse Daniel Rey et d’autres jouer à sa place - Dee Dee was getting crazier and crazier and it wasn’t just drugs - Il va quitter le groupe en 1989 pour faire du rap, «which was everything we hated». L’arrivée de C.J. en remplacement de Dee Dee rallonge la durée de vie des Ramones de 7 ans. En 1988, Johnny a déjà 200 000 dollars à la banque. Pour arrêter le groupe, il lui faut un million de dollars.

             Son point de vue sur le vie de rocker est passionnant : «Le rock’n’roll n’est pas un mode de vie très sain. On a trop de liberté. Pas de patron, on peut faire ce qu’on veut. You can play stoned. Personne ne peut avoir un real job stoned.» Il ajoute que les hauts et les bas sont tellement violents qu’on finit par se droguer pour les supporter. «I didn’t. I went back to my room with milk and cookies.» Et puis ça qui vaut son pesant d’or du Rhin : «I owe my personal success to hard work, intelligence and luck, as well as knowing how to handle that luck. There’s also a certain amount of talent that I’ve developed. But most of all, it’s the fans. The fans are the biggest reason for the band to stick together and play all those years. Tout ce que je possède, je le dois aux fans.» Johnny est un cake captivant.

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             Il atteint son objectif du million de dollars au début des années 90. En 1995, il propose aux autres d’enregistrer un dernier album et d’arrêter. «And there was no resistance. None.» Il ajoute ça qui est poilant : «I thought we were becoming dinosaurs, which is why you see the dinosaurs on the cover of Adios Amigos.» Les Ramones terminent leur dernier concert au Palace de Los Angles en 1996 avec une cover du Dave Clark Five, «Any Way You Want It» - I said nothing to the other guys. I just walked out - Fin des Ramones. I tried not to feel anything.

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             Dans son avant-dernier chapitre, il dit quand même avoir espéré une reformation - In my head it was never officially over until Joey died in april 2001. There was no more Ramones without Joey - Puis c’est Dee Dee qui casse sa pipe en bois en juin 2002 - Here’s the most influential punk rock bassist of all time - He could be a problem, but I was really thrown by his death - Johnny termine avec un chapitre sur son cancer.  

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             C’est peut-être le moment idéal de voir ou revoir End Of The Century - The Story Of The Ramones. C’est du double concentré d’émotion. Dee Dee nous rappelle vite fait qu’au départ, les Ramones sont fans des Stooges et des Dolls. Ça ancre bien un groupe. Le premier cut qu’ils pondent est «Judy Is A Punk» et Tommy trouve que c’est du brillant stuff. C’est même something completely new. One two three four ! Leur premier fan est Alan Vega. Hey daddy-o ! Puis Danny Fields devient leur manager. Les voilà qui débarquent en Angleterre en 1976. Les Clash les copient avec «White Riot». On est frappé par les plans scéniques et le dévolu de Johnny & Dee Dee : ils font de l’art total. Johnny voulait que les Ramones portent l’«uniforme», pas question de se fringuer comme les Heartbreakers ! Puis Tommy en a marre - I’m losing my mind - Alors Marc Bell devient Marky Ramone. Danny Fields va se faire virer après l’épisode Totor.

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             On en arrive aux histoires de cul : Johnny pique la copine de Joey, la fameuse Linda. C’est le split entre Joey et Johnny, mais Joey ne quitte pas le groupe. Ils restent ensemble mais ils se haïssent. D’où «The KKK Took My Baby Away». Quand Marky dit a Johnny qu’il a déconné en barbotant la poule de Joey, il se fait virer. Richie devient le nouveau batteur pour 5 ans, avant de se faire virer, pour une question de merch : Richie voulait sa part. Pas question ! Alors Marky qui a réussi à stopper la picole revient. Dee Dee veut faire du rap, alors il se barre et C.J. le remplace. C’est vrai que Joey aurait pu se barrer depuis longtemps, but he needed a fix, and the fix was the Ramones. Ils arrêtent les frais avec Adios Amigos - On a fait ça pendant 21 ans - Dernier concert en 1996 et Joey casse sa pipe en bois en 2001. Il n’a que 49 ans. Santé précaire, disent les proches. 

    Signé : Cazengler, Ramone sa fraise

    Ramones. Ramones. Sire 1976

    Ramones. Leave Home. Sire 1977

    Ramones. Rocket To Russia. Sire 1977

    Ramones. Road To Ruin. Sire 1978

    Ramones. End Of The Century. Sire 1979

    Ramones. It’s Alive. Sire 1979

    Kris Needs : The Forest Hills are alive! Record Collector # 572 - July 2025

    Commando: The Autobiography of Johnny Ramone. Abrams 2012

    End Of The Century - The Story Of The Ramones. DVD Rhino 2005

     

     

    Wizards & True Stars

     - Le rock à Billy

     (Part Nine)

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             En plus des albums enregistrés avec Sexton Ming (salués bien bas la semaine dernière) et ceux enregistrés avec Russ Wilkins dans les Milkshakes (salués encore plus bas auparavant), t’as une belle ribambelle d’albums solos et au moins deux compiles rétrospectives qui valent cent fois tout l’Or du Rhin. Et même mille fois. Le panorama reste assez vertigineux.

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             Dans les années 90, tu ramassais tout ce qui portait le nom de Childish, à commencer par  I’ve Got Everything Indeed, son premier album solo. Pochette childishienne ornée de bois gravés et du punk Big Billy, et au dos, son état civil. On apprend qu’il est né à Chatham en 1953 et que l’album est produit par Stanley Arthur Jefferson, la cover signée Guy Hamper, et l’art direction est de William Loveday, autant de pseudos qu’il va réutiliser plus tard. C’est du fait-maison à 100%. Il enregistre déjà à Rochester et l’album sort sur son label Hangman, dont le logo est le bois gravé d’une potence. En 1986, tout l’univers est déjà là. Et puis t’as l’interview du Doctor X sur le côté. Big Billy commence par accuser Elvis Costello et Bowie de faire un dishonest buck avec de la fake culture. Alors pour échapper à ça, dit-il, tu fais ton art local, «qu’on appelle le punk rock», et quand le punk rock a été corrompu, «we moved on, not upwards but sideways, like a crab, to avoid it.» Puis il dit qu’il vend ses books à son comptoir, «that’s my bisniss (sic)» et il ajoute ça qui est terrible : «I put my money where my mouth is, I’m not Pete Townshend, I don’t weedle my way into Faber and Faber.» Quand Doctor X le branche sur Morrisey et Paul Weller, Big Billy se fout en pétard : «That Morrisey bloke, I’ve seen him on his videos crawling round on his ass singing to a bunch of flowers», et il ajoute plus loin : «The angry young man of modern rock?  He’s more interested in his haircut and clothes... the same goes for Paul Weller.» Il attaque l’album avec une cover primitive d’«Oh Yeah» qu’il gratte à coups d’acou. Puis il reprend le riff d’«Oh Yeah» pour gratter son «Troubled Thoughts (Resting On My Mind)». T’as vraiment intérêt à écouter Wild Billy Childish : il sait tout faire et fait tout bien. Il tape encore une version primitive de «Bright Lights Big City» avec des clap-hands. C’est enregistré dans la cuisine. En B, il gratte les accords de Bo sur «Strange Words» et passe au proto-punk avec «Get Out Of Here Pretty Girl». Il gratte son riff raff comme un démon. Plus loin, il claque un fast boogie blues primitif, «Coming Upside Your Head». Il est dans doute l’artiste le plus complet d’Angleterre. Et le plus fascinant.

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             Belle pochette hideuse pour I Remember, mais quel primitivisme ! Il gratte tout dans sa cabane de jardin à Chatham. On croise la première version de «Why Don’t You Try My Love» qu’on retrouvera plus tard dans les autres projets. Même le killer solo de «Come Love» est primitif. Tout sent bon la cabane branlante. En B, ils gratte son «Burn & Blind Me» à l’enroulée. C’est magnifique. Au dos de la pochette, il met la photo d’un homme qu’on pend dans la rue pendant la deuxième Guerre Mondiale.

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             Il apparaît en compagnie de sa poule Tracey Enim que la pochette de The 1982 Cassettes. Et au dos, il te prévient : «You most likely won’t like this record». Il colle en plus une photo de lui avec les dents pourries et un sourire de psychopathe. Il reste dans l’ultra-primitif avec «Col’ Col’ Chillen» et il accentue bien ses accents primitifs. Il déclare au bas d’un texte tapé à la machine : «no alls ain’t gonna sit down for an hour and listen to something that’s gonna burn your soul.» Cet album est l’artefact du primitivisme. Avec «Monkey Bisniss», il tape la cover la plus primitive du Monkey Biz. En B, il fait un peu l’Hasil à l’asile avec «Todays Menu» et il trashe complètement sa cover de «Little Queenie».

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             Rien de plus punkish que la pochette de 50 Albums Great. Il a peint son costard. Il sort un son cru et on l’entend cracher dans son micro. C’est sur cet album qu’on trouve les premières versions fabuleusement raw d’«I Don’ Like The Man I Am» et «Rusty Hook» qu’il reprendra beaucoup plus tard avec The William Loveday Intention. Il s’amuse aussi avec «Miss Ludella Black» - Miss Black/ Miss Black/ I’m in love with you girl - Au dos, il explique que cet album «is something like my 50th, it is a celebration of never having a producer», et signe Jack Ketch, un pseudo qu’il reprendra sur un seul album.  

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             Joli bois gravé pour la pochette de The Sudden Fart Of Larfter. Tu ramasses ça croyant que c’est un album de garage primitif, mais c’est encore mieux : Big Billy lit ses poèmes - I’m a desperate man/ With desperate hands/ And bad teeth - Au dos, on trouve la première partie de sa bibliographie : 30 books en 10 ans, de 1981 à 1992. En plus des albums. 

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             C’est Little Billy qu’on voit sur la pochette de Made With A Passion. Il a 14 ans. Au dos, il explique qu’il enregistre des démos dans sa cuisine, «as a memory device». Il rappelle qu’il a déjà fait «80 LPs without a producer», mais ajoute-t-il, il y a toujours une manipulation going on, «a dressing up (or dressing down) of the sound, to make it more live, more raw and exciting, or as is more often the case with contemporary studios, more dull...» Il conclut en expliquant que cet album «is a personal notebook that was never intended for release, so it sets out to please no one.» Effectivement, l’album est un peu austère. Mais Sympathy For The Record Industry n’a pas hésité un seul instant à le publier.

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             Et puis t’as ce duo de rêve, Billy Childish & Holly Golightly qui enregistre en 1999 un album de rêve : In Blood. Pochette de rêve et au dos, liners de rêve. Sous le couvert de l’Hangman Bureau of Enquiry, Big Billy déclare : «Three chords are a problem. There’s just too much diversity and choice.» Il s’en explique plus loin : «This album uses one chord and it’s simple and dumb, but really it’s sophisticated beyond the wildest dreams of the poor professional.» Il vole dans les plumes de la Brit-pop et clame que le futur appartient aux glorieux amateurs - One chord, one song, one sound! - Pour illustrer ce brillant slogan, ils tapent un fabuleux boogie down, «Step Out», bien stompé au Billy Boot, avec John Gibbs à la stand-up et Bruce Brand au beurre. En écho à ce fulgurant coup de génie, tu trouves au bout de la B un autre big boogie down de Billy Boot, «Hold Me». Ils roulent-ma-poule à belle allure, bien pulsés par le bop de Gibbs. C’est quasi rockab. Avec le morceau titre, Big Billy reste sur son accord avec derrière un beurre du diable signé Bruce. Ça vire hypno avec «Let Me Know You». C’est ce qu’on appelle une volonté clairement affichée. «Let Me Know You» tape en plein dans l’œil du cyclope, avec les coups d’harp de Johnny Johnson. Et avec son tacatac incessant, Bruce vole le show sur «You Got That Thing». Ils tapent tout «Demolition Girl» sur un riff de destruction massive, pas loin de celui de «Cold Turkey». Ils reviennent aux sources du British Beat avec «You Move Me», en ouverture du bal de B, et la stand-up ramène un brin de rockab dans «It’s A Natural Fact». Early British Beat encore avec «I’m The Robber», Big Billy n’en démord pas, c’est monté sur le groove du «Mama Keep Your Big Mouth Shut» des Pretties. On se régale encore de «Move On Up». Bruce Brand est plus dans le swing, comme Charlie Watts, alors que Wolf, l’autre batteur de prédilection de Big Billy, est plus dans Moonie. Big Billy a toujours eu les meilleurs batteurs d’Angleterre.

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             Ce serait une grave erreur que de faire l’impasse sur les rétrospectives de Big Billy. 25 Years Of Being Childish va te clouer vite fait à la porte de l’église. Cette compile est un peu le royaume du proto : Milkshakes et «Pretty Baby», puis «Please Don’t Tell Me Baby» (wild as proto-fuck, il n’existe pas d’autre mot possible), Mighty Caesars et «You Make Me Die» et «Lie Detector» (proto du diable et killer solo flash convulsif), puis Thee Headcoats et «Smile Now» (Big Billy ramène toute la morve de la fuzz), sans oublier l’enfer sur la terre, c’est-à-dire la cover de «Watcha Gonna Do About It» des Pop Rivets. Ils font passer les Small Faces dans leur laminoir. Le déluge se poursuit sur le disk 2, avec une ribambelle d’hommages : à Jimi Hendrix (Buff Medways et «Fire» claqué direct au uhhhh), hommage encore à Bo (Thee Headcoat Sect et «Deer Stalking Man», Downliners ruckus, incomparable !), hommage aux Pistols (The Blackhands et «Anarchy In The UK» tapé en mode balloche), clin d’œil aux Buzzcocks aussi (Billy Childish with Armitage Shanks et «Shirts Off»), et pur jus Dylanesque (Billy Childish et «Ballad Of Nettie Brown»). Puis t’as cette avalanche de coups de génie : Thee Headcoatees avec «Wild Man» et «Davey Crockett» (Kyra y va à l’oum pah pah oum yeah !, puis ça repart sur Farmer John, what you got in your pocket), et plus loin t’as Thee Headcoats et «The Hurtin’» (fantastique dégelée aérodynamique), Thee Headcoatees et «Hurt Me» (pur génie de montée en température, summum orgasmique), puis retour des Headcoats avec «The Same Tree» (early Stonesy), et t’as une belle cerise sur le gâtö : les Buff Medways avec «Archive From 1959» et «Troubled Mind» (tu retrouves le power des Who dans les Buff, c’est in the face, tout y est : la hargne et la hargne, le chien et la chienne).

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             From Fossilised Cretaceous Seams: A Short History Of His Song And Dance Groups vient de paraître et se présente sous la forme d’un double album bien dodu avec un very early Big Billy en maillot de bain. C’est une sorte de résumé de tout ce qui fait le génie du rock anglais : les Who (Spartan Dreggs et «Headlong Fly The Archaeans», en plein dans l’œil de la cocarde), les Pistols (Musicians Of The British Empire et «Christmas 1979», Big Billy fait son Johnny Rotten avec la scansion d’Anarchy, merry fucking Christmas to you’ll), et Wild Billy Childish himself (CTMF et «Last Punk Standing», heavy proto-punk à rebours de déclaration de pâté de foi). Bon, t’as aussi les Mighty Caesars, les Buff Medways, les Milkshakes, The William Loveday Intention, Thee Headcoats, les Singing Loins, le Guy Hamper Trio avec James Taylor et son Hammond organ, et bien sûr les Delmonas qui chantent «I Feel Like Giving In» en français - J’espère que tu comprends - Et ça continue sur le disque 2, c’est un vrai manège-à-moi-c’est-toi qui te fait tourner la tête Tu retrouves un hommage aux Who avec les Spartan Dreggs et «A Shopshire Lad» (encore plus Whoish que les Who, comme si c’était possible), un hommage à Bob Dylan avec CTMF et «Failure Not Success» (quel souffle !), du Pure Brit Art avec Buff Medways et «Medway Wheelers» (belle basse pouet pouet), du proto-punk avec Thee Headcoats et «The Same Tree» (C’est le son des Pretties, on est en plein protozozo), de la politique avec The Musicians Of The British Empire et «Thatcher’s Children» (The winner can’t win/ Save your own skin/ Everyone’s a loser), et des coups de génie comme s’il en pleuvait : Thee Headcoatees et «Hurt Me» (belle montée féminine), CTMF et «A Song For Kylie Milogue» (People think they know me/ But they don’t know me/ People think they know me but what do they know?) et The Musicians Of The British Empire avec «Joe Strummer’s Grave» (le power de Big Billy n’a jamais été aussi extravagant - Cool Britannia Jesus saves/ Rupert Murdoch rules the waves/ Richard Branson doesn’t shave/ And Joe Strummer’s lying in his grave).

    Signé : Cazengler, débilly

    Billy Childish. I’ve Got Everything Indeed. Hangman Records 1987

    Billy Childish. I Remember. Hangman Records 1988

    Billy Childish. The 1982 Cassettes. Hangman Records 1988

    Billy Childish. 50 Albums Great. Hangman Records 1991  

    Billy Childish. The Sudden Fart Of Larfter. Dog Meat 1992

    Billy Childish. Made With A Passion. Sympathy For The Record Industry 1996

    Billy Childish & Holly Golightly. In Blood. Wabana One Limited 1999

    Billy Childish. 25 Years Of Being Childish. Damaged Goods 2002

    Wild Billy Childish. From Fossilised Cretaceous Seams: A Short History Of His Song And Dance Groups. Damaged Goods 2024

     

     

    Inside the goldmine

    - La prestance de Clarence

             Tu t’enorgueillissais de fréquenter Édouard Clairon. T’avais là un homme fier de ses racines bretonnes, il en avait le bleu de la mer plein les yeux et du celticisme plein la verve. Il se dressait comme un dolmen. Il jonglait avec les prophéties comme d’autres jonglent avec des quilles au cirque. Il offrait l’hallucinant spectacle du prophète en la matière, de messie des data-bases, d’oracle des mutations irrémédiables, on voyait en lui le Grand Prêtre d’un Ra techno, le prédicateur des apocalypses digitales, l’augure d’outrances galvanisantes, la Bernadette Soubirou du Blue Tooth, le canonisateur des souris sans fil, le cartomancien des cartes mères, le devin de la dématérialisation, le visionnaire d’écrans 27 pouces, le vaticinateur du raccourci-clavier vicinal, l’extrapologue de la mémoire cache, l’empêcheur de tourner en rond, le fulmineur du fire-wire, l’annonceur des futures annonces, l’instigateur d’un nouveau domaine de la lutte, le ratificateur du rut numérique, t’en finissais plus de boire les paroles lénifiantes d’Édouard Clairon, son discours coulait en toi comme une rivière de miel, mais dans les abeilles. Alors imagine-toi un instant un tout petit plus primitif que tu ne l’es déjà : nul doute que tu lui aurais léché les bottes, ou bien les Nike, pour être plus précis, mais tu te l’interdisais, car il fallait conserver un minimum de dignité, même si tu soupçonnais Édouard Clairon de n’attendre que ça, qu’on lui lèche les Nike. C’est dire la considération qu’on avait tous pour lui. Et plus il parlait, plus cette considération fermentait dans les cervelles. Comme tous les pronostiqueurs du futur, il exerçait sur les esprits faibles une fascination indiscutable. Il nous rendait vraiment fiers de nos limites.

     

             Édouard Clairon et Clarence Edwards font exactement la même chose : ils te gavent comme une oie. L’un va te gaver de vent, et l’autre de blues. Et quel blues, my friend !

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             Tony Burke raconte que Clarence a appris à gratter le blues à 12 ans, en écoutant des 78 tours de Charley Patton. Clarence a démarré tôt dans les années 50/60, puis il est tombé dans l’oubli. C’est un Anglais, un certain Steve Coleridge, qui l’a redécouvert en 1989. Coleridge s’était installé à Baton Rouge pour bosser sur Slim Harpo. C’est lui qui va sortir Swamps The Word. Coleridge qui est aussi bassman va même accompagner Clarence en tournée. Burke situe Clarence ainsi : «One of the last of the great swamp blues artists in the style of Lonesome Sundown or Lightnin’ Slim.»  

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             Swamps The Word grouille de puces, à commencer par la plus mythique des covers : «The Things I Used To Do» de Guitar Slim. Hommage dément, avec tout le poids du spirit, le drive est pur - I’m gonna send you back to your mother - Il enquille à la suite une cover aussi hot d’«Hi Heel Sneakers». Hot as hell, sur les traces de Jerry Lee. On trouve aussi un hommage fabuleux à Muddy : «Hoochie Coochie Man», la racine du rock. Son of a gun ! Pas aussi raw que Muddy, mais Clarence prend l’Hoochie Coochie à la bonne. Il a tout : le black cat bone et le mojo too. Il prend tous ses cuts d’une voix de black dude des bas-fonds. Il n’en finit plus de charger sa barcasse. Coup de génie avec avec «Rocky Mountains». Il re-sort son énergie du diable pour «Chewing Gum». Il faut le voir swinguer son swagger ! Il reste maître du jeu de gimme some. Avec «I’m Your Slave», il balaye d’un coup tout le british Blues. Laisse tomber les blancs, c’est Clarence qu’il te faut. Il fait une cover démente de «Walking The Dog». Clarence est un punk black, le plus féroce d’entre tous. Il sait encore rocker le blues comme le montre «Still A Fool», sure ‘nuff it is ! Et il plonge dans les abîmes de l’heavy blues avec l’incomparable «Lonesome Bedroom Blues». Rien d’aussi balèze ici-bas, c’est gorgé d’écho. Fantastique justesse du ton ! Encore du panache à gogo avec «Done Got Over It». Et quand t’écoutes «Let Me Love You Baby», tu comprends que le blues et le rock, ça appartient aux blackos. T’as cet incroyable balancement basse/beurre, le black swing. Et t’as la pure diction du swamp rock. Clarence est rompu à tous les lards. Sur cet album, chaque cut est un petit chef-d’œuvre de perfection. Encore de l’heavy blues de rêve avec «Born With The Blues». Clarence mouille bien ses syllabes, il chante à l’accent pur. Il passe au pur piano blues de juke-joint pour taper un sidérant «Coal Black Mare». Bravo Clarence !

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             Tu peux prendre n’importe quel album de Clarence, c’est toujours bien. Et si tu en pinces pour l’Heartbreaking Blues, alors écoute Swampin’. Il attaque avec l’heavy blues cajun de génie, «Lonely Lonely Nights», puis il va enfiler ses heavy blues comme des perles : «Tried So Hard», «Cry Like A Baby» (fantastique balancement, on est là au max des possibilités de l’heavy blues), «Born With The Blues» (I got all them down in my shoes, et ça commence early in the morning/ Sure nff to write down some), «Long Distance Call» (Please call me on the phone/ Sometime, il est infernal, Yes my phone keeps ringing/ Sounds like a long distance call) et «Rocky Mountain» (heavy as hell. Clarence est un géant - That’s a place I like to see). Et puis t’as cette version de «Spoonful» ! C’est pas celle des petits culs blancs comme Cream. C’est le vrai Spoonful joué au beat tape-dur. Il se montre digne de Muddy avec «She Moves Me». Même attaque - She moves me man ! - Et il tape une autre cover mythique, «Will The Circle Be Unbroken». Il sort du cut en vainqueur, avec les accords de la modernité.  

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             Dans le 4 pages de Louisiana Swamp Blues, t’as une fantastique petite interview de Clarence. Il dit avec vécu à Alsen, en Louisiane puis à Thomas Scrap, où il a fait du farmwork. S’il a connu Robert Pete Williams ? Oui, «he used to bring scrap there in his truck, and Slim Harpo too.» Pour une raison X, Clarence n’a jamais enregistré pour Jay Miller «in the heyday of the Crowley blues recordings.» Sur ce fantastique Louisiana Swamp Blues, tu retrouves l’heavy «Cold Black Mare». On a écrit «cold» sur le track listing, alors qu’il s’agir de «coal». Clarence shakes down une belle cover d’«Hi Heel Sneakers» et se montre d’une rare crudité avec «Don’t Play With My Mistakes». Il est à l’aise dans le limon du boogie, il chante à l’accent déviant, c’est un bonheur que d’écouter ce blackos. Nouveau coup de Jarnac avec «Free Will». Ses riffs ne trompent pas. Il est encore extrêmement primitif avec «Up’s & Down’s». Clarence est un artiste complet. Tu peux y aller les yeux fermés.

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             Juste un petit conseil comme ça, en passant : ne fais pas l’impasse sur I Looked Down That Railroad (Till My Eyes Got Red And Sore). Clarence est vieux, mais il n’a jamais été aussi bon. Il tape une heavy cover d’«Highway 61» - I give her all my money - et enchaîne avec un autre Heartbreaking Blues de choc, «Trouble Don’t Last». Il est le prince de l’heavy blues - My father was a preacher And my mother prayed for me everyday day - Il tape dans le mille à chaque fois. Encore un fantastique heavy blues de many many years avec «I’m Your Slave». L’heavy boogie blues d’«I Walked All Night Long» est imbattable - She started screaming murder - et il tape à la suite un autre coup de génie, l’«I Just Wanna Make Love To You» de Big Dix - Love to you ! - C’est balèze et bien gras. Il tape «I Miss You So» au power vocal pur et rend un bel hommage à Fatsy avec la cover du diable : «Blue Monday». Back to the wild boogie avec «When The Weather Gets Cloudy». Clarence rôde dans le beat. Ces mecs jouent en rase-motte incendiaire. Et puis t’as encore un clin d’œil à Bo avec une cover d’«I’m A Man». Clarence t’estomaque.

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             Il attaque Baton Rouge Downhome Blues au pur raw to the bone, avec «Every Night About This Time». T’as le pur gras double de Baton Rouge. Et ça continue avec «Dealin’ From The Bottom Of The Deck», pur crack du boum, et ça solote dans le limon. Il tape ensuite dans la véracité de l’heavy blues avec une sidérante cover de «Crawling King Snake». Clarence Edwards est stupéfiant de power. Il explose l’«All You Love» de Muddy à coups de proto-Baton. Il ne dépasse pas les bornes, il les explose. Il monte sur tous les coups du blues. Tu seras scié par la classe du gimmicking dans «Well I Done Got Over It». Grand retour à l’heavy blues avec «Still A Fool». C’est un heavy blues d’une profondeur extraordinaire. Il bat Wolf et Muddy à la course. Il y va au aw aw sure ‘nuff I’ll do. On reste dans les coups de génie surnaturels avec «Rocky Mountain Blues» - These rocky mountains/ That’s the place I love to see - Il ne fonctionne qu’au pouvoir absolu. Clarence ramène des clameurs froutraques qui n’existent pas dans le Chicago Blues. Il tient encore sa fournaise en laisse dans «Don’t Make Me Pay For His Mistakes». Il tape ensuite un cover ahurissante d’«Hoochie Coochie Man», il y va au ha ha have mercy, et gratte des notes à contre-courant. On n’avait encore jamais vu ça. Il reste au sommet de l’Ararat avec cet «Everybody Has Those Ups & Downs» glorieux comme pas deux. Il n’existe rien de plus heavy sur cette terre. Il passe au mythe pur avec une cover du «Things I Used To Do» de Guitar Slim. Nouvelle descente au barbu avec «Highway 61 Blues». Clarence est le roi de l’heavy doom. Il te claque un beignet vite fait - I gave all my money - Toujours la même histoire. Clarence Edwards a tout le power de Baton Rouge. Il rocke mille fois plus que les blancs, c’est important de le dire. Il cultive une sorte de power intrinsèque, un downhome des enfers.

    Signé : Cazengler, rance tout court

    Clarence Edwards. Swamps The Word. Sidetrack Records 1988

    Clarence Edwards. Swampin’. Fan Club 1991  

    Clarence Edwards. Louisiana Swamp Blues. Wolf Records 1993     

    Clarence Edwards. I Looked Down That Railroad (Till My Eyes Got Red And Sore). Last Call Records 1996 

    Clarence Edwards. Baton Rouge Downhome Blues. Wolf Records 2023

     

     

    L’avenir du rock

     - Le take five des 5.6.7.8’s

     

             L’avenir du rock ne s’attendait pas à croiser Dee Dee Ramone dans le désert. Ah ça, pour une surprise, c’est une surprise !

             — Dis donc Dee Dee, qu’est-ce tu fous là ?

             — One two three four ! I don’t wanna go down to the basement !

             — T’en fais donc pas Dee Dee, ya pas d’basement dans l’désert !

             Interloqué, Dee Dee reste muet quelques secondes, puis il lance d’une voix rauque :

             — One two three four ! I wanna be sédentaire !

             Agacé par le niveau zéro de la répartie, l’avenir du rock reste de marbre un moment puis il finit par marmonner d’un ton grinçant :

             — Ah bah dis Dee Dee, t’es en pleine surchauffe pondérale !

             Dee Dee encaisse l’insulte et lance d’une voix de fouine délinquante :

             — One two three four ! The KKK took my barda away !

             L’avenir du rock lève les bras au ciel :

             — Te fais donc pas d’bile Dee Dee, t’as pas besoin d’barda ici ! Regarde-moi, Ducon la joie, est-ce que j’ai un barda ?

             Ça laisse Dee Dee interdit. Mais créatif comme pas deux, il repart de plus belle :

             — One two three four ! Judy is a baseball bat !

             L’avenir du rock ne sait plus quoi dire. Il se sent dépassé. Pire encore, il sent qu’il perd son temps. Il déteste pisser dans un violon. Pendant ce temps, l’autre continue :

             — One two three four ! I wanna be your gaufrette !

             — Dis donc mon con joli Dee Dee, ça t’écorcherait la gueule de changer d’disque ?

             — Five six seven eight !

             — Ah bravo, c’est beaucoup mieux...

     

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             The 5.6.7.8’s est un trio de petites Japonaises qui date de Mathusalem. On les voit en effet dans Kill Bill 1 et leur premier album date de 1988, donc on peut faire le compte. Le problème c’est qu’elles sont tellement kitsch qu’on a jamais réussi à les prendre au sérieux. Grave erreur !

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             L’occasion nous est donnée de les voir sur scène en première partie de Gyasi. On arrive avec un a-priori, on renâcle, on rechigne, on renaude, on se souvient d’un son inabouti, d’un girl-group amateur, et puis dès le premier cut, «Hanky Panky», elles raflent la mise. Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont aucune prétention. Elles jouent toutes les trois dispersées dans l’immense espace de la grande scène, ce qui équivaut à une sorte de dénuement, alors elles passent en force. Elles s’attaquent à un genre difficile qui est le gaga-kitsch, et seules des Japonaises peuvent réussir un coup pareil. Ronnie Fujiyama gratte ses poux sur une gratte vintage et sort le son clair des

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    origines du gaga-surf. Et derrière elle, t’as l’une des plus belles sections rythmiques de l’underground : Akiko qui swingue ses basslines avec une effarante maestria, et une fabuleuse batteuse de rockabilly, Sachiko, qu’on surnomme Geisha Girl Salad et qui pourrait très bien accompagner Charlie Feathers. Elles tapent à trois un set d’une heure qui ne cède rien ni à l’ennui ni à la médiocrité, c’est tout le contraire, elles subliment ce genre forcément difficile qu’on croit réservé aux dieux du stade, elles se l’approprient pour en faire du pur 5.6.7.8’s sound. Elles enfilent leurs vieux

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    hits comme des perles, «Godzilla», «Woo Hoo», Ronnie Fujuyama envoie parfois un coup de fuzz dans sa dentelle, et c’est du meilleur effet, elle est extraordinairement concentrée. Elle a ce côté vétérante de toutes les guerres qui assoit bien sa légende. Et tu vois cette diablesse d’Akiko tricoter ses lignes de basse athlétiques avec un sourire chargé de mystère. Franchement t’en reviens pas de voir un groupe défier les lois de la physique avec une telle retenue. Plus leur son paraît austère et plus tu les admires, car elles jettent toute leur énergie dans la balance et t’es rudement content d’être là, quasiment prosterné à leurs pieds.  

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             Pour entrer dans le monde magique des 5.6.7.8’s, l’idéal serait d’écouter Bomb The Rocks: Early Days Singles 1989-1996, une compile bourrée à craquer de bombes atomiques. Boom dès «Bomb The Twist», trash-punk de proto-punk, c’est même au-delà de tout proto, elles se jettent dans la bataille avec une vraie sauvagerie. Avais-tu

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    déjà vu un truc pareil ? Non. Elles tapent ensuite dans l’univers des Cramps avec «Jane In The Jungle», paradis de la reverb & du wild raunch.  Elles font encore les Cramps plus loin avec un «Jet Coaster» monté sur le modèle de «Fever». Tu veux de la délinquance juvénile ? Alors écoute «Guitar Date». Ronnie Fujiyama gratte sec. C’est une trash-punk. Elles foncent dans le mur du rock avec «Woo Hoo». Quelle bande de folles ! Leur cœur de métier est le trash, comme le montre «Continental Hop», fabuleusement arraché, ou leur version de «Long Tall Sally», trashée jusqu’à l’oss de l’ass, ou encore «Scream», allumé au scream de dingue, un summum d’insanité. Leur «Boyfriend From Outerspace» défonce les barrages et elles te cisaillent «She Was A MAu MAu» à la base : wild fuzz guitar ! Ronnie Fujiyama devient complètement dingue, elle bat tous les records de sauvagerie vocale. Elles savent aussi dealer du kitsch comme le montre «Bond Girl», elles tapent le thème de James Bond et ça sonne ! Joli shoot de gaga Jap avec «Fruit Bubble Love» et elles envoient un gros clin d’œil aux Shangri-Las avec «Motor City Go Go Go». Extraordinaire power délinquant ! Ronnie Fujiyama gratte des poux de dingue dans «The 5.6.7.8’s», un instro magnifico et tout rebascule dans le génie avec «Edie Is A Sweet Candy» qu’elles tapent à l’énergie fondamentale. Ronnie chante encore comme un monstre à la bouche gluante dans «I Was A Teenage Cave Woman», non seulement c’est hanté, mais t’entends des poux demented, t’as tout, le scream, la Jap, la démesure. Et ça repart dans le trash-bop avec «Ah-So», et du coup elles deviennent tes wild chouchoutes.

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             On retrouve la version originale de «Scream» sur le premier album sans titre des 5.6.7.8’s.  Ça hurle dans les couloirs du château d’Écosse. Whoooooh ! C’est excellent, soutenu par un gratté de poux génial, quasi rockab dans l’essence. Un vrai coup de génie, pour l’époque. Elles deviennent aussi les reines du trash avec «Oriental Rock», qu’elles trash-boom-huent, elles sont aussi pures que les Monsters, et leur version de «Long Tall Sally» en B bat tous les records de trash. Ronnie Fujiyama t’iconoclaste Sally en beauté. Elle sort ensuite sa plus belle fuzz pour «Cat Fight Run», et derrière, ça tatapoume de plus belle. Elles passent au kitschy kitschy petit bikini avec «Highschool Witch». Elles tapent ça à la finesse extrême, avec un beurre rockab. Elles font aussi deux belles covers jap : l’«Arkansas Twist» de Bobby Lee Trammell et elles allument «Tallahassie Lassie» aussi bien que les Groovies.

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             On retrouve le fameux «Scream» sur le Live At Third Man Records paru en 2013, c’mon scream yeah !, et elles tapent une version ultra-wild de «Teenage Mojo Workout». Elles sont tellement énergiques dans la dépenaille que ça devient génial. Par contre, le reste du Live n’est pas si bon. Le son est trop dépouillé, trop fête foraine. C’est même assez aléatoire. On perd la ferveur des early singles. Ça ne fonctionne pas. Elles tentent de sauver le Live avec «Bomb The Twist» et «Barracuda», mais ça se solde par un gros chou blanc.

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             On va donc se remonter le moral avec un album extraordinaire, le Teenage Mojo Workout paru en 2002. Elles te noient dans le trash dès «(I’m Sorry Mama) I’m A Wild One». Elles te jettent dans la friteuse, t’as tout, la folie, le beat, la démesure, le trash pur ! Et ça continue avec un «I’m Blue» stupéfiant de trashitude. Elles rendent un fantastique hommage à Bo avec «Road Runner». Fuzz-out ! Explosif ! Elles foncent dans la nuit avec «Typhoon Girl», un instro en forme d’incroyable déboulade pulsée par le beurre du diable. Et là tu vas tomber sur la triplette de Belleville, trois covers mythiques : «Hanky Panky» (attaqué à la fuzz, terrific), «Harlem Shuffle (elles tapent dans Bob & Earl de plein fouet, à l’arrache japonaise, elles sont héroïques, imbattables, elles atteignent leur sommet) et «Green Onions», amené à la Jap demented, elles le saturent de fuzz. Et puis voilà le morceau titre, d’une rare violence, wild as fuck, monté sur un drive de dingue, l’un des hits gaga du siècle, claqué aux pires accords Jap. Elles atteignent ensuite les somment du boogaloo-trash avec «Let’s Go Boogaloo». Elles te l’explosent dans la stratosphère.

    Signé : Cazengler, 9.10.11.12.13.14.15.16.17.18.19

    The 5.6.7.8’s. The 5.6.7.8’s. Time Bomb Records 1985        

    The 5.6.7.8’s. Live At Third Man Records. Time Bomb Records 2013   

    The 5.6.7.8’s. Teenage Mojo Workout. Time Bomb Records 2002

    The 5.6.7.8’s. Bomb The Rocks: Early Days Singles 1989-1996. Time Bomb Records 2003

     

     

    L’avenir du rock

    - Finnigan’s wake

     (Part Three)

             L’avenir du rock est fier d’appartenir au Cercle des Pouets Disparus. Il retrouve chaque mardi ces fiers barons de l’érudition rock dans un appartement de la rue de Rome dont nous tairons ne numéro pour éviter toute interférence mallarméenne. Le thème de la soirée est le Mono.

             Nick Cunt caresse son jabot et lance d’une voix cristalline de gazelle effilée :

             — Qui Monoterais-tu au radiateur, avenir du rock ?

             — Monoman, sans la moindre hésitation.

             Une rumeur admirative caresse les chevelures des convives.

             Charles Shaar d’Assaut s’écrie du haut de sa supériorité numérique :

             — Tu as toujours eu la glotte habile, avenir du rock. Ébahis-nous une fois encore : sur quel canasson Monomiseras-tu ton petit kopeck ?

             — Monochrome Set, comme je l’ai toujours fait depuis 40 ans ! Et toi Mick Tamère, quel est donc la nature de ton Monopole ?

             — Monoparental. Ma femme s’est barrée. Wouah quelle salope !

             Un vent glacial caresse les chevelures des convives.

             Philippe Panier-Garni s’élance fort héroïquement au secours de la situation :

             — Qui sauvera l’honneur du Cercle des Pouets Disparus ?

             — Il n’existe qu’un seul moyen !, s’écrie magnanimement l’avenir du rock.

             Médusée, la petite assistance attend la suite. Alors l’avenir du rock se hisse sur la table basse et lance du haut de son registre :

             — Back to Mono !

             Une rumeur de stupeur parcourt la petite assemblée. Alors pour river son clou, l’avenir du rock ajoute :

             — Back to Monophonics, bien sûr !

             — Ooooouuuhhhhhh....

     

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             Quand on voit Kelly Finnigan arriver sur scène, c’est un peu comme si on voyait revenir un vieux copain. Il ne va pas se passer grand-chose sur scène, car, fidèle à son habitude, Kelly reste assis derrière ses claviers, se contentant de pousser la chansonnette et de pointer du doigt, pour appuyer ses injonctions le plus souvent d’essence sentimentales. Il met aussi régulièrement la main sur le cœur pour nous assurer de sa bonne foi. On a presque envie de lui dire qu’on n’oserait pas la mettre en doute, mais ce sont des choses qu’on ne dit pas.

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             Alors forcément, cette Soul blanche te colle autant à la peau qu’au premier jour. Kelly est l’un des très grands chanteurs de son époque et il fait le choix de l’underground pour cultiver sa Soul en toute tranquillité, bien peinard sur la grand-mare des canards. Pas question d’aller promener son cul sur les remparts de Varsovie. Il tient trop à son intégrité. Il préfère ne vendre qu’une poignée d’albums à une poignée de fervents amateurs plutôt que d’aller faire la pute dans les émissions de télé à la mode. Et c’est pour ça qu’on le respecte. Avec Dan Penn, Kelly Finnigan est à peu près le seul Soul Brother blanc. On pourrait aussi remonter jusqu’à Eddie Hinton, Mitch Ryder, George Soule, Bobby Hatfield, et parmi les contemporains, épingler l’excellent Nick Waterhouse, ou encore Marcus King, mais Kelly se distingue des autres White Niggers par la qualité et la puissance de sa voix qu’on peut qualifier de grasse et colorée à la fois, de volatile et fruitée. Il est aussi perçant que Percy Sledge et hot qu’Otis. Il communique bien avec le public et n’a qu’un seul mot à la bouche : love. Alors love par ci et love par là. Tu sais pour l’avoir déjà vu à l’œuvre que rien ne va se passer et que tout se passe dans ta perception de la Soul,

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    dans ce que tu en attends. Il faut se souvenir de ce que Dave Godin disait de la Soul, il fallait qu’elle soit (pour lui) slow and fervent. Et passé le premier écueil, tu entrais alors dans le lagon d’argent de la Deep Soul. Kelly Finnigan ne fait que ça, de la Deep Soul slow and fervent, qui peut sembler atrocement austère au premier abord, mais qui est d’une rare qualité artistique. Une Soul d’une extrême pureté. On pourrait parler d’une Soul raffinée à l’extrême, comme ce «Promises», une Soul malade d’elle-même, une Soul huysmanienne, une Soul aux accents dépravés qui achèvent d’irriter ta cervelle ébranlée, une Soul de jazzmatose de la comatose, une Soul belle à pleurer dans ton verre de bière, une Soul fabuleusement privée de dessert, une Soul d’imprécations sur-oxygénées, comme le montre «Say You Love Me», une Soul qui brille parfois de l’éclat de topazes brûlées, la Soul d’une race à bout de sang, une Soul que Kelly colle comme un parement sur de féeriques apothéoses, une Soul charnue et molle qui sent parfois le fauve, comme ce «Warpaint» qu’on croyait pourtant bien connaître, et qui en concert, prend une autre allure. Il semble que sa voix hisse vers la cime de l’art de douloureuses imprécations aux lueurs vitreuses. Il martèle une Soul singulière et incantatoire, comme s’il cultivait le délicieux sortilège de la note rare. «Sage Motel» finit par sonner comme une Soul chimérique. La vague de Finnigan’s wake t’éveille.

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    Signé : Cazengler, Kelly Finigland

    Monophonics. Le 106. Rouen (76). 24 octobre 2025   

       

    *

     Dans notre livraison  705 du 09 / 10 / 2025, nous avons chroniqué les deux premiers titres parus en avant-première de l’album Utopie d’Aephanemer qui vient de sortir.

             La beauté est toujours énigmatique. Elle est un fruit qui ne s’offre pas de lui-même. A portée de main. Mais comme refusé. Il ne faut pas le cueillir, mais le recueillir, comme le logos heideggerien moissonne les mots, les actes, et les intentions. Ces trois attitudes, ces trois altitudes exigent une grande patience. Déjà, que signifie le nom de ce groupe : serait-ce un mot valise qui marierait l’éphémère mouvance porteuse de la grâce fanée des choses qui passent, ou alors selon une étymologie plus subtile, l’air qui resplendit lorsqu’il devient eau, en d’autres termes le symbole, le jeu incessant des métamorphoses élémentales, ailes d’un moulin qu’un vent subtilement éthernel instille dans la concrétude mouvante des choses. Des choses divines, pour reprendre le titre d’un essai aventureux de Paul Valéry.

    UTOPIE

    AEPHANEMER

    (Napalm Records / 31 Octobre 2025)

    La couve est due à Niklas Sundin, guitariste metal et graphiste, auteur de multiples pochettes metal. Il officie dans Dark Tranquility et Laethora. Le non du premier de ces deux groupes définit à merveille son monde intérieur.  Dans son Traité des Couleurs, le grand Goethe, créateur de Méphistophélès, n’explique-t-il pas que tout autant que la lumière, l’obscurité est au fondement de la couleur. Il s’agit de savoir voir.

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    A première vue la pochette de l’album n’offense pas le regard. Un orange lumineux et un vert clair, pas celui de la verte prairie, plutôt l’amandine de la peau de nos lézards qui se chauffent au soleil sur le mur de nos maisons. Peut-être existe-t-il au premier plan des traces de civilisations davantage rugueuses que cette tour élancée, à l‘assaut du ciel, dont nous subodorons qu’elle symbolise, la ville utopique de nos fierté hominiennes. L’illustration se poursuit sur le CD, même ambiance sereine, toutefois la tour semble s’être éloignée et sur notre droite n’est-ce pas un effrayant vortex dans lequel il vaudrait mieux ne pas s’engager…

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    Marion Bascoul : vocal, lyrics / Martin Hamiche : bass, guitars, orchestrations / Mickael Bonnevialle : Drums.

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     Echos d’un monde perdu : comme un point de tristesse qui fond du fond de l’espace-temps, il se déploie symphoniquement jusqu’à embrasser l’embrasure d’une plénitude surprenante, roulement, écroulement,  silence, s’élève alors l’écho perdu d’un monde disparu, une vague lointaine et cristalline, comme une plainte qui s’évanouit et disparaît, semble-t-il à tout jamais. Le cimetière marin : un voile qui se déploie, ce ne sont pas les civilisations qui sont mortelles, ce sont les hommes enfouis sous sous les sols qui les emportent avec eux, la voix de Marion Lascoul fouille la terre arable du songe des morts qui poursuivent leurs chemins intérieurs, égorgera-t-on une brebis noire sur leur tombe pour qu’ils reviennent à eux-mêmes se gorger de leurs souvenirs reviviscents, ne nous égarons pas, ce n’est pas parce que la musique l’emporte par amples stases mouvantes sur le vocal qu’il ne faille point tenter de vivre, si la bouche d’un mort s’accroche à l’humus, la morsure des combats qui nous guettent nous presse de vivre. Que seraient les morts si les poëtes ne les inscrivaient pas dans le marbre de leurs vers épars.  La règle du jeu : le vocal embrase l’élan

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    musical, c’est la vie qui se débat avec les morts dont nous sommes les héritiers, les vivants dont nous sommes les commensaux, même si souvent nous renversons la table, une basse funèbre, n’oublions pas que ce mot se partage entre le ‘’fun’’ de de la vie et les ténèbres tapies dans l’ombre mentale qui nous envahissent, ne soyons pas joyeux, sachons en rire, les lumières de la vie ne sont-elles pas un théâtre de décombres, décors et désordres de nos existences entremêlées. Tout cela a-t-il un sens, ou seulement une importance… Par-delà le mur des siècles : une introduction d’une légèreté quasi mozartienne, pour évoquer la vie au-delà de tout destin individuel, de tout hasard personnel, la voix ne chante plus, elle vitupère, se mêlant à l’orchestration comme le venin à la brûlure de la vipère. Que fais-tu de la Hache majuscule de l’Histoire, le spectre sanglant du progrès ne se cache-t-il pas derrière le fer dégoulinant. La batterie taille du petit bois pour le feu du matin suivant, presque un menuet en intermède, même si la flamme sombre d’une guitare nous rappelle que tout drame n’est peut-être qu’une comédie qui tourne, malgré toutes ses arabesques enivrantes, en farce grotesque. Parfois vous avez l’impression que la musique rigole

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    ( Photo : Daniela Adelfinger )

    en douce. Chimère : celle-ci n’est point nervalienne, elle ne traverse qu’une fois l’Achéron car le voyage s’avère sans retour, la trame rythmique est comme concassée, ce sont les remous de l’Histoire qui clapotent sans trop de bruit dans le marais des illusions perdues, la leçon est sans appel, la guerre même victorieuse n’est qu’une défaite, tout rêve de grandeur s’avèrera équivoque voire univoque, il court à sa perte et est appelé à basculer dans le néant informe.  Contrepoint : à quoi ? Au nihilisme du morceau précédent qui nous dit que tout se vaut et que rien ne vaut rien, nous voici place Maubert à Paris en 1646 sur laquelle fut exécuté sur ordre inquisitorial, l’imprimeur et écrivain, jamais nommé, Etienne Dolet, qui fut grand lecteur et intercesseur de Cicéron, le canal romain par qui fut transmis en France le vocabulaire de la philosophie grecque, le morceau pétille, parfois il semble se fondre dans la noirceur des cendres mais il reprend vie et force, une plainte noire émerge, mais elle est comme l’étamine de la pensée libre. La rivière souterraine : long flamboiement instrumental, ce n’est pas un moment de repos, mais la course sans fin

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    ( Photo : Polypycture Vanessa Housieaux )

     de l’Histoire qui coule au travers des siècles… au milieu du morceau s’élève le thème introductif de l’écho du monde perdu qui n’est peut-être pas aussi perdu que l’on pourrait l’accroire, il semblerait qu’en cette rivière se distingue un courant d’eau  plus pure que le limon habituel qu’elle charrie… une cascade pianotique de notes terminales nous laisse entendre que quelque chose fait sens. Utopie (Partie 1) : tristesse absolue de l’orchestration qui prend de l’ampleur telle la voile d’un navire que le vent enfle, le voyage n’est pas sans danger, la musique se ralentit dans les immondes sargasses de l’impuissance… lorsque enfin surgit non pas un allant triomphateur mais la sensation que le navire n’est pas livré au hasard, certes les écueils sont nombreux, les naufrages à tout instant à portée de coques, mais l’on discerne un ruisseau obstiné qui subsiste au milieu des tourbillons, qui se fraie un chemin, par deux fois la piste ténue du son semble s’arrêter, mais la marche reprend, doucement hésitante, la voix de Marion Bascoul grimpe dans la mâture, elle prend alors le commandement, elle discerne et édicte  le chemin parmi les obstacles accumulés, tout semble se terminer sur un beau générique de fin / Solitude, récif, étoile / A n’importe ce qui valut / Le blanc souci de notre toile / dixit le grand Mallarmé, car les eaux du rêve se mêlent à l’hideuse réalité. Utopie (Partie 2) : c’est alors qu’apparaît au loin le mirage de la cité d’or, la merde humaine repose dans les pots de chambre auréifiés, le voyage n'est pas terminé, l’Atlantide des songes s’éloigne au fur et à mesure que l’on s’en approche, toutefois, la musique se fait alors conquérante, le vent qui se lève cingle les voiles, tout paraît si proche que l’enthousiasme nous emporte, ce qui n’empêche point les retombées mortuaires, les eaux mortes qui nous attirent, les mains des morts étreignent la coque et tentent de nous ramener à eux. La voix de Marion Bascoul nous arrache au marasme, à ces infâmes reptilations, elle ne  cache rien, elle crache nos découragements, elle  se marie si bien au rythme porteur de cette rivière clandestine qui ne s’arrête que pour mieux aller de l’avant, désormais nous avons pour guide inaltérable cette aiguille fine et altière qui s’est implantée dans la membrane de notre idée fixe, de minuscules notes pures nous font signe, nous ne craignons ni tempêtes, ni naufrages.

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    ( Photo : Polypycture Vanessa Houseaux )

             This the end beautiful friends. Pas du tout. Pas encore. Tout recommence Aephanemer nous offre la suite orchestrale de son opus.  Etrange démarche murmureront certains. Les neuf pistes d’Utopie se suffisent à elles-mêmes. Le groupe n’a pas voulu retrancher, il a simplement dissocié la poésie de la musique. Etrange démarche orphique. Songeons à Valéry qui s’était opposé à une lecture d’Un Coup De Dés Jamais N’abolira Le Hasard accompagnée de musique. Toutefois Valéry donnera un Amphion, que nous qualifierons de drame lyrique, avec un récitant, le texte n’est pas chanté, chœurs et orchestre. La partition est d’Arthur Honegger… L’œuvre restera ce que l’on appelle une curiosité. L’idée initiale de Valéry était une œuvre totale (chant, danse, décors, musique) inspirée de Wagner. Elle ne sera écrite et réalisée que quarante ans plus tard. Toutes ces références pour montrer que les radicelles de la démarche aephanérienne possède des racines beaucoup plus profondes qu’il n’y paraîtrait de prime abord. Ne surtout pas la prendre comme un caprice surdimensionné d’Amin Hamiche qui est le compositeur de l’album.

    UTOPIE / AEPHANEMER

    Echos  d’un monde perdu, Le cimetière marin, La règle du jeu, Par-delà le mur des siècles, Chimère, Contrepoint, Utopie (Partie 1), Utopie (Partie 2

    Certes l’aspect rugueux du chant de Marion a disparu, il était un parfait contrepoint à la longue suite mélodique qui par un retournement logique pouvait en être perçu comme le contre-chant. Le sens véhiculé par les paroles, rappelons qu’elles sont en français, est-il lui aussi supprimé ? N’écoute-t-on pas Tristan et Isolde de Wagner sans comprendre le livret. N’en est-il pas de même pour le Tommy des Who. Nous avons toutefois des points d’appuis plus ou moins flous, des connaissances fragmentaires ‘’ du quoi que ça cause’’ qui permettent de se frayer un chemin. Pensons aussi à Mallarmé mécontent d’apprendre que Debussy s’est attelé à un poème musical inspiré par son poème  L’après-midi d’un faune. Je croyais déjà l’avoir mis en musique laissera-t-il échapper. Les méditations sont ouvertes.

    Ce qui est sûr c’est que cette suite orchestrale n’est pas ennuyeuse, l’on se laisse facilement emporter. J’en ai même oublié le motif de l’œuvre, me perdant en d’autres thèmes. Bizarrement l’orchestration de La Rivière souterraine m’a paru beaucoup plus rock que lors de la version chantée…

    Si je devais résumer mon écoute en un seul mot, ce n’est ni le thème de la mort ni celui de l’utopie qui me viendrait à l’esprit. C’est le terme de ‘’romantique’’. Ce qui n’est pas étonnant, la musique rock sous ces différentes et multiples formes m’a toujours paru être le dernier avatar du mouvement romantique né à la fin du dix-huitième siècle en Europe.

     Si cet opus d’Aephanemer était seulement un bon disque ce serait déjà très bien. Mais il y a la qualité sans égale  des textes de Marion Bascoul qui puisent aux grandes orgues de la lyrique française sans en être prisonnière. Et puis cet album peut être qualifié de projet. (Au sens Joycien) de ce mot. De projection d’une borne référentielle. En le sens où il me semble être un point de bascule dans la production metal française. Un point de ralliement ou de rejet, il y aura certainement un avant et un après Utopie.

    Damie Chad.

    A DREAM OF WIIDERNESS

    AEPHANEMER

    (Napalm Records / 2021)

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    La pochette de Niklas Sundin est un pur chef d’oeuvre. Non pas par l’habileté du dessin qu’elle a nécessitée, mais parce que par la seule force d’un seul dessin l’artiste est parvenu à rendre une idée. L’on parle du mythe de la caverne de Platon, l’on emploie aussi l’expression ‘’l’image de la caverne’’. L’on pourrait gloser à l’infini sur la signification du mythe platonicien de la caverne, mais une autre tâche tout aussi difficile nous attend : que signifie le terme ‘’ Dream of wilderness’’. Un rêve de sauvagerie tendrait à signifier que l’Homme se doit d’être brutal, sauvage, cruel, rétif à toute pitié, à toute faiblesse… Struggle for life, tout est permis pourvu que l’on survive. Pour ma part par la vitre d’un train j’ai eu la terrible  vision d’une scène lamentable : un cercle d’une vingtaine de chasseurs le fusil pointé sur un sanglier. S’est imposé à moi la célèbre scène de l’Odyssée où la vieille nourrice reconnaît en l’étranger Ulysse grâce à l’ancienne blessure à la jambe causée par la défense d’un sanglier… Les Grecs connaissaient la force brute de la bête. Mais l’homme se devait de l’affronter seul à seul. Un épieu à la main. Niklas Sundin nous raconte cela : la bête dans toute sa puissance mais encadrée de chaque côté par les silhouettes des deux arbres. Destruction et protection entremêlées.  Jeremiah Johnson de Sydney Pollack nous conte la même histoire. A sa manière, selon une autre mythologie, avec des images mouvantes d’une autre époque. Ne nous faisons aucune illusion : nous sommes pétris de cette sauvagerie sans limite, nous sommes des êtres de démesure, l’hybris est consubstantielle à notre sang, mais c’est parce que nous sommes imprégnés de cette force kaotique et élémentale, que nous savons que tout comme le sanglier dans sa bauge protectrice, nous  sommes partie prenante de cette nature naturante en constant devenir, sans cesse remis en cause et mus par le rêve d’une certaine équité que nous qualifions d’olympienne. Car nous sommes les fils de nos propres pensées plus grandes que nous. Qui en même temps préservent notre rêve, et nous recyclent ad infinitum. Durabilité grecque. Sauvagerine et ballerine.

    Marion Bascoul : vocal, lyrics / Martin Hamiche : bass, guitars, orchestrations / Mickael Bonnevialle : Drums / Lucie Woaye Hune : bass.

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     Land of hope : prélude et crépuscules, celui matutinal, celui entre chiens et loups, aurore ou entrée dans la nuit, heures claires ou heures sombres, soleil rayonnant ou lune blafarde, intense gravité et lueur d’espoir.  Antigone : surprenant changement de ton, avec l’intro précédente mais surtout avec ce à quoi l’auditeur s’attend, cris et désespoirs, drames sanglants, le drame d’Antigone est porteur de redoutables noirceurs, rythme enjoué, Maion Bascoul prodigieuse dans son vocal, elle vous hache le parmentier de la situation tragique avec un tel allant, une telle morgue d’analyste méthodique sans âme que l’on est surpris, le rouge pourpre sang des Atrides se teinte de rose printanier enjoué, el la musique se dandine dans cette joyeuse danse des morts, d’autant plus forte que rehaussée d’envolées violoniques et de chœurs féminins virevoltant, ne nous trompons pas ce n’est pas la mort d’une âme pure que l’on pleure, c’est l’acte de refus et de résistance d’une jeune fille que l’on fête, la mort peut-être un pied de nez exemplaire à la barbarie des lois. Ce morceau à rebrousse-poil de souventes lectures pleurnichardes est prodigieux. Un véritable appel à l’insurrection individuelle.  Of volition : les philosophies de la volonté sont souvent employées pour promulguer l’injustice politique coercitive. Le siècle précédent en est un parfait exemple. Celui dans lequel nous vivons fera-t-il mieux ? Une intro d’une gravité dramatique qui jure avec la fin du précédent, la batterie se charge de nous remettre les idées en place, c’est parti pour une charge à la cosaque, Marion Bascoul ne fait pas de prisonniers, elle mène le train à la tête de son vocal à la hussarde, c’est d’autant plus méritoire que le texte qu’elle énonce au grand galop s’apparente à une démonstration philosophique maîtrisée, en trois points : position : notre action  sur le monde ne serait-elle pas guidée par nos passions : ante-position : ne vaudrait-il pas mieux nous abstenir d’agir pour ne pas déclencher par notre native impétuosité éléphantesque un désordre encore plus grand que celui que nous comptions juguler : déposition : aucune possibilité de réaliser une synthèse, heureusement les sophistes nous ont aidé à entrevoir une manière d’agir, il s’agit de compter sur ses propres forces individuelles garantes de notre liberté mais aussi de la situation politique collective en développant notre action au bon moment, ce qui demande une juste analyse des situations. Cette méthode peut aussi être utilisée par nos ennemis mais c’est à nous à être plus adroits qu’eux, de chevaucher la tempête pour atteindre nos buts.  Le radeau de la Méduse : changerions-nous d’époque, non l’homme est de toutes les époques, toujours aussi lâche et égoïste, nous voici embarqués sur le radeau de Méduse, franchement nous n’échangerions notre place avec personne, c’est trop fort, trop puissant, trop excitant, trop rock’n’roll, Marion se transforme en grande prêtresse menant des milliers de fidèles à une mort honnie, le reste se de l’équipage se déchaîne et souque ferme, ce morceau est une épopée hugolienne, nous sommes embarqués pour le pire, mer tempétueuses, bassesses éhontées, fringale de cannibale, rien ne nous est épargnée même pas une salvation miraculeuse. A vous faire annuler vote dernière croisière sur paquebot de loisir touristique déniché sur un prospectus alléchant. Crudité humaine au menu. Roots and leaves : magnifique entrée oratorienne, si vous pensez vous reposer des émotions précédentes pas de chance Aephanemer ne vous procure jamais plus que trente secondes de repos, c’est reparti comme en quatorze, nous voici emportés dans un tourbillon. Modérez votre impatience, certes ça tangue violemment mais nous voici plongés non pas au cœur de l’action mais dans un maelström de réflexion, moins théorique que celles de Of volitions, disons que le groupe vous jette dans la concrétude des situations. Autrement dit les infames compromissions avec les réalités. Les conséquences de nos actes nous dépassent. Nous pensons bien faire, nous produisons une catastrophe. Et si nous réussissons, si dans l’humus des feuilles mortes, petite 

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     graine sans défense nous devenons un arbre majestueux, le pouvoir ne nous transformera-t-il pas en tyran prodigieux. Pensée terriblement incapacitante. A tel point qu’Aephanemer nous ménage une pause belle comme un oratorio classique, mais le ver vainqueur de la réflexion s’attelle à notre détresse et nous incite à l’humilité, perce même le désir d’une vie terne et sans éclat en accord avec la sagesse chrétienne…  Vague à l’âme : instant de rémission, serait-ce un interlude, hélas un manteau de tristesse nous tombe sur les épaules, nous n’en avons pas encore fini avec le poids de nos pensées et la déréliction de notre existence. Strider : lente entrée comme une bête de somme, cheval fourbu n’avance point à la halte, Marion Bascoul conte une histoire exemplaire non pas parce qu’elle est exemplaire et servira de modèle à tout un chacun, mais parce que tout un chacun s’y reconnaîtra, le vocal ne court pas, il galope lourdement surchargé de trop de souffrance, un intermède qui s’abat à terre, certes le vent ondoie la crinière, le conte reprend, celui qui se croyait libre n’est qu’un esclave soumis à une volonté qui n’est pas la sienne, même mort son corps ne lui appartiendra pas davantage, ses atomes seront dissociés et dispersés dans le renouvellement inconscient du recyclage naturel… Ainsi toute vie court à son terme.  Terrible loi du destin existentiel.  Panta Rhei : quel que soit notre destin individuel nous sommes tous voués à la même mort, la voix pourrait se transformer en morne complainte mais la musique est vive et le chant reste impétueux, comment se défaire du carcan de notre disparition, nous ne sommes pas loin de l’hymne à la joie, la solution est individuelle, chacun progresse à pas de pas grand-chose dans sa conscience, mais les petits ruisseaux forment les grandes rivières qui se fondront dans le grand fleuve de la vie, en le champ de l’espèce humaine dont chacun de nous n’est qu’une infime parcelle, mais aussi une cellule agissante. A plusieurs reprises le chant se tait pour nous permettre d’accéder à cette vision qui nous transcende. A dream of wilderness : Et maintenant ? comment répondre à cette question d’une façon positive, Marion Bascoul prend le vocal comme un cheval fou s’empare de son mors, elle résume l’Histoire depuis le début, la symbiose entre les hommes et les Dieux, l’émerveillement devant l’opulence de la nature offerte, le savoir fut le couteau des lois qui divisèrent le monde des hommes en maîtres et serviteurs, maîtres et esclaves, de la justice naquit l’injustice, la religion divisa hommes plus qu’elle ne les relia, c’est alors que certains commencèrent à se séparer des institutions humaines, ils s’en retournèrent, du moins dans leur tête, à l’état de nature, une marche en avant certes mais qui débouche sur des rêveries en totale contradiction avec le monde réel. L’heure est grave, retroussez vos manches, par deux fois le monde a débouché sur des échecs, mais si tout ce qui fut perdu est perdu à jamais, le moment d’exigence d’un nouveau chemin à parcourir est devant nous.

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             Ce dernier morceau est la conclusion de la problématique traitée dans l’album. Qui n’est pas tout à fait terminé. Pour deux raisons. La première est constituée de deux titres. En A nous avons : Old french song : ( Pyotr Ilych Tchaikovsky cover) : toutefois il s’inscrit si bien dans la structure de :  A  dream of Wilderness qu’il pourrait  être considéré comme  le final orchestral de l’album. Pour le compositeur russe il s’agissait d’une œuvre spécialement écrite pour de jeunes pianistes. Tchaikovsky n’a jamais caché qu’en cette démarche propédeutique il s’inscrivait dans la suite initiée par Robert Schumann. La filiation rockmantique d’Aephanemer se confirme. En B : version française de : Le radeau de la Méduse : par patriotisme éhonté je dirais que je préfère la version française, maintenant ce que je retrouve remarquable c’est que Marion Bascoul se débrouille aussi bien en français qu’en anglais, quelle facilité, quelle aisance, quelle chanteuse !

    WILDERNESS / PISTE MUSICALE

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    Antigone, Of volition, Le radeau de la Méduse, Roots and leaves, Strider, Panta Rhei, A dream of widderness :

             C’est donc une volonté affirmée d’Aephanemer d’attirer l’attention sur la partie instrumentale de leur création. Presque une inspiration cubiste du groupe de présenter une même œuvre selon deux aspects différents. La différence entre les deux pistes me paraît ici nettement plus marquée que pour Utopie.  Elle semble dans cet opus davantage légère, plus entraînante, l’on aurait envie de dire plus brillante, davantage virtuose. Davantage détachée du thème de l’album. Pour Utopie nous avons évoqué le rapport poésie et musique, entre chant et musique. Ici, ce n’est pas que la poésie en soit absente, c’est que le discours philosophique se taille la part du lion. Les rapports entre philosophie  et musique de prime abord sont moins évidents, c’est oublier qu’un des textes fondateurs de la philosophie grecque reste le Poème de Parménide. A l’autre bout du spectre l’on pensera à Nietzsche et à son rapport à la notion d’art, qualifions-le de wagnérien pour faire vite, et aux commentaires d’Heidegger sur les poèmes d’Hölderlin par exemple…

             N’empêche qu’avec A Dream of  Wilderness, Aephanemer semble s’assurer une des premières, si ce n’est la première, places dans la une nouvelle catégorie de rock que nous pourrions qualifier de philosophique. Si cet adjectif vous semble trop pompeux employons l’expression méditative, selon l’acception cartésienne de ce mot.

             A l’écoute de cet album nous comprenons mieux Utopie. Aephanemer poursuit une route musicale comme beaucoup de groupes, mais sa démarche épouse aussi un chemin de pensée.

             Un grand groupe.

    Damie Chad.

     

     

     *

    Me faudrait pas grand-chose. Juste un petit truc. Trois fois rien. Non je ne suis pas énervé. Je suis déçu. Cent soixante kilomètres pour voir le plus mauvais concert de ma vie. Oui je suis en rogne. Oui je grogne. Tout à l’heure en rentrant à la maison j’ai cru avoir trouvé la solution. L’était trois heures du mat, j’ai ouvert la fenêtre, et me suis emparé de mon Rafalos. L’idée était simple. J’abats sans sommation tout individu, à peine une douzaine, qui passera sur le trottoir d’en face. Des innocents, pour démontrer à la face du monde que je n’ai rien contre d’inoffensifs passants. Et puis, vous pouvez me croire, ça soulage. Manque de chance : personne. Pas un chat, même pas celui du voisin. Au bout d’une heure, totalement gelé j’ai refermé la fenêtre.

    Je me suis assis sur le divan et me suis perdu en amères réflexions. J’avais tout prévu. Je rentre du concert, j’écris la chro et le matin je poste la 610. C’était réglé comme sur du papier à musique. Oui mais comment infliger à nos lecteurs chéris le récit d’un tel désastre !  Les idées noires ont envahi mon cerveau. Ah, si seulement j’étais un homme pouvoir, il m’aurait suffi d’un bouton pour détruire la moitié de l’Humanité !

    Bon n’exagérons rien, tiens par exemple si seulement j’avais la puissance d’un Empereur Romain, un simple mot à un serviteur fidèle et hop  je n’y penserais plus. Hélas je ne suis pas un Romanus Imperator !

    C’est alors qu’une petite voix, celle de la conscience, a parlé :

    _ Voyons Damie reprends-toi !

    _ J’aimerais te voir à ma place, qu’est-ce que tu ferais toi !

    _ Moi je ferais comme l’Empereur Auguste, tout simplement !

    _ Et qu’est-ce qu’il ferait l’Empereur Auguste à ma place ?

    _ Il enverrait une légion traiter le problème !

    _ Oui mais moi je n’ai pas de légion romaine à disposition !

    _ Damie, si j’étais toi, au lieu de faire la tête, je réfléchirais un peu. Pense à Aristote qui a dit que quand on avait un problème c’est que l’on possédait nécessairement la solution, seulement on l’a oubliée.

    Alors, j’ai réfléchi et je me suis souvenu. Bien sûr tout comme Auguste j’avais une légion. Et l’idée d’une nouvelle chronique !

    LEGIO 5 MACEDONICA

    EPIC ROMAN MUSIC

    FARYA  FARAJI

    (Bandcamp / YT / 2025)

             Farya Faraji d’origine persane vit actuellement à Laval près de Montreal. Quebec. Il est passionné de musique antique et compose des musiques inspirées de l’Antiquité. De l’orbe méditerranéen, sans exclusive, ni époque précise. Grèce, Empire Romain, Byzance, il se joue des siècles et tout comme Alexandre le Grand il pousse jusqu’à l’Inde et comme Alix il ne dédaigne pas la Chine… Sa démarche semblera à certains un tantinet bâtarde, il restitue, il s’inspire, il compose, bref il crée. Il connaît plusieurs langues et manie de nombreux instruments traditionnels.

             Sur le morceau qui nous préoccupe le multi-instrumentiste grec Dimitrios Dallas, résidant à Chicago, joue de la mantoura, flûte grecque assez proche de l’aulos antique. Tambours, cymbales, lyre complètent l’orchestration. Stefanos Krasopoulis, sur lequel je n’ai réussi qu’à récupérer que de très maigres renseignements est un compositeur de musique lui aussi multi-instrumentiste.

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             La cinquième Macedonica participa aux guerres civiles menées par Auguste, elle fut cantonnée fut d’abord en Macédoine, patrie d’Alexandre le Grand. Elle bénéficie donc d’une appellation prestigieuse. Elle servit tout le long du limes romain. Elle fut notamment employée par Trajan en Dacie   et permit à Aurélien de raffermir l’Empire en luttant contre les troupes de Zénobie.  A la fin de l’Empire romain d’Occident elle fut versée dans l’Armée de l’Empire d’Orient. L’on dit qu’elle combattait encore lors des invasions musulmanes…

             Legio 5 Macedonica se présente comme l’hymne de cette légion. Le texte chanté est composé en latin par Guiseppe Regimbeau. L’écoute est surprenante, on aurait tendance à l’accuser de manquer de virilité. Le ton n’est guère martial, le chant passe en revue les campagnes accumulées durant des siècles. Aucun triomphalisme, aucune exaltation guerrière. Faut écouter à plusieurs reprises pour percevoir les variations orchestrales et rythmiques. Aucun instrument ne prend vraiment le dessus sur les autres, nous avons droit à une subtile combinaison d’éléments qui se fondent les uns dans les autres. On a plutôt l’impression d’un chant de marche martelé sans rapidité, mais l’on sent, gare aux centurions, qu’il n’est pas question de lambiner.

             Farya Faraji s’est aussi intéressé aux : Legio 6 Ferrata / Legio 12 Fulminata / Legio 15 Apollinaris. Enfin il a composé un titre générique Hymn  Of The Legio avec utilisation de cuivres qui confèrent à ce morceau l’aspect d’un générique de péplum des années cinquante.  Quand on regarde l’ensemble des morceaux de Faraji, on s’aperçoit qu’il n’a rien d’un idéologue ou d’un va-t-en-guerre. L’étude, extrêmement complexe des légions romaines, est un des chemins les plus instructifs et des plus éloquents pour comprendre le comment (hasard) et le pourquoi (nécessité) de la construction de l’Imperium…

             _ Damie, ce n’est pas tout à fait rock ta cinquième légion !

             _ En effet, mais c’est du folk !

             _ Vu sous cet angle lointain, en effet…

             _ En musique, comme en tout, la question des origines est primordiale, en plus j’ai ma légion, quoique, entre nous soit dit, je préfère la Legio I Adjutrix !

    Damie Chad.

     

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 709 : KR'TNT ! 709 : REVEREND BEAT-MAN / SEXTON MING / MAGIC SHOPPE / THEE HEADCOATES / FIVE ROYALES / MAATISFET / CELINE RENOUX / JOHN REECE + GENE VINCENT / JACKIE FRISCO

    KR’TNT ! 

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 709

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    06 / 11 / 2025

     

     

    REVEREND BEAT-MAN / SEXTON MING

    MAGIC SHOPPE / THEE HEADCOATEES

     FIVE ROYALES

    MAATISFET / CELINE RENOUX

    JOHN REECE + GENE VINCENT

    JACKIE FRISCO

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 709

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Monsters class/The Beat-Man way

    (Part Four)

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             Beat-Man sur scène ? C’est Attila, l’Hun de la une, l’u-nique ta mère, le Rev de rêve, l’empereur romain-lourde du Blues Trash, c’est écrit dessus comme sur le port-salut, il est aussi le Léon Bloy du raw, l’hacheur du punk, le Gévaudan du stomp, ah il faut le voir stomper sa viande des deux pieds et gratter ses accords inversés, Beat-Man est le diable en personne, le meilleur ami de l’homme moderne, le P’tit Quinquin devenu street-punk, ah si seulement Bruno Dumont pouvait voir ça ! On a vu le Petit Bain tanguer ces derniers temps, mais jamais aussi violemment que ce soir-là. Ça avoisinait l’Apocalypse que décrivit Saint-Jean. Un set des Monsters bat

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    tous les records de trash-punk, mais un set du Rev, c’est encore pire, car plus concentré, plus viscéral, comme s’il rassemblait en lui tout ce qui définit la sauvagerie extrême du rock : le scream, la sueur, le beat tribal, le rut, la rate, il n’oublie rien. Il porte tout au paroxysme. Beat-Man est un double concentré de Méricourt, il peut hurler dans la montagne, il peut gronder comme le tonnerre, il peut pulser le pire beat de l’histoire du beat, il y a quelque chose de surhumain en lui. Quelque chose d’absolu et de définitif. Et donc de sacré. On sent bien qu’il est à

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    la fois humain (car drôle) et surhumain (car trop puissant). C’est l’un des héritiers directs de Dionysos. Il est la rock star de l’underground dont t’as toujours rêvé depuis Captain Beefheart et Jerry Lott. Impossible d’imaginer un crack plus boom-hue, un trash-boomer plus pur, un être plus libre et plus sauvage. Beat-Man, c’est Dada au pays du Blues Trash, il nous réinvente la littérature et le rock, il partage sa vision avec toi, il écrit des vers, de la prose derrière sa grosse caisse, c’est Picabia avec une guitare électrique, c’est Artaud qui décide d’en finir avec le Jugement de Dieu, tu vois l’artiste à l’œuvre et tu frémis des deux naseaux ! Oumphhhhh ! Il est

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    imparable et sublime, il est l’incarnation de la pire authenticité, t’avais Elvis 54 et maintenant t’as Beat-Man. T’avais Aleister Crowley et maintenant t’as Beat-Man. T’avais Vince Taylor et maintenant t’as Beat-Man. T’avais tout ce que tu veux, et maintenant t’as Beat-Man. Et chaque fois, qu’on le voit, il empire, au bon sens du terme. On sent qu’il prend un petit coup de vieux, mais son corps massif dégage une énergie encore une fois surhumaine, alors pas de souci, tant qu’il continuera de monter sur scène, on sera là. Car Beat-Man est l’un des derniers à pouvoir te

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    démanteler ta clavicule, mon petit Salomon, à t’expatrier sur la lune, mon petit lunatique, à t’écarteler le cartel, à te recartographier la cartomancie, à te névroser tes pauvres petites névralgies, à te récurer toutes tes récurrences, Beat-Man te remet les angles au carré, il te donne la mer à boire, il t’astique tes stocks et te carapate ta rate. Beat-Man est le roi du tagada, le poète du pouet-pouet. Personne ne peut sortir indemne d’un concert du Reverend Beat-Man.  

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             Nos deux cocos jouent sur scène leur nouvel album, Death Crossed The Street.

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    T’y retrouves  les stomps du diable et cette façon qu’a Beat-Man de lancer le stomp d’un Ouh !. Alors oui, Ouh ! Et t’as l’enfer sur la terre. Il stompe tout ce qu’il peut des deux pieds. Absolute beginner de la guerre. T’as tout le trash-punk concentré dans la gorge pantelante de Beat-Man. Il tape «I Found Out» avec encore plus de férocité. C’est bombardé de Beat-Man Way - I found out she was cheating on me ! - Puis il insulte Jesus dans «Fuck You Jesus» - Fuck you Jesus/ Fuck you Lord/ Fuck you - Ouh ! Le stomp du diable est de retour en B avec «Feed My Brain». Ouh ! Puis il se met en rogne avec «Shut Up» - Shut the fuck up !, et pouf, il remet son enfer en branle. T’as ça nulle part ailleurs, pas le peine de chercher. Beat-Man et Milan Slick démarrent «Junkie Child» comme le firent jadis les Sweet avec Are you ready Andy ? Ouh ! Et ça part au rumble du Beat-Man Way.

    Signé : Cazengler, Munster

    Reverend Beat-Man & Milan Slick. Petit Bain (Paris XIIIe). 21 octobre 2025

    Reverend Beat-Man & Milan Slick. Death Crossed The Street. Voodoo Rhythm 2025

     

     

    Wizards & True Stars

     - La dynastie du Ming

     

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             Alors, tu débarques chez Born Bad dans les années 90, et tu plonges directement dans les deux bacs garage à droite en entrant. Arf ! Tu farfouilles là-dedans et tu sors un Big Hangman de Billy Childish & Sexton Ming, Arf Arf ! Wow quel titre ! Plump Prizes & Little Gems ! Wouuuah les punks sur la pochette ! Pas cher en plus ! Tu vois d’ici le petit coup d’enfer sur la terre que tu vas te payer en arrivant au bercail, une belle séance de gaga primitif ! Arf !

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             Bon alors t’arrive dans tes pénates, tu fais chauffer l’ampli, tu sors la rondelle de sa belle pochette underground et tu fais rouler le manège. Arf ! Dommage qu’un poto n’ait pas été là pour photographier ta bobine. T’es consterné ! Pas consterné parce que c’est mauvais, mais consterné parce que, coup de bol, t’es tombé par le plus grand hasard mallarméen sur un album Dada, pas gaga. C’est la consternation que tu préfères dans la vie, celle qui te prend au débotté, mais ça va encore beaucoup plus loin que ça : Sexton Ming, okay, mais aucune chance. Tu ne le sors pas du bac si tu ne lis pas le nom de Billy Childish sur la pochette, et ça veut dire quoi ? Ça veut dire que Wild Billy Childish dispose d’une grandeur d’âme qui lui permet de «protéger» Sexton Ming et de préserver sa liberté artistique, comme le fit en son temps Andy Warhol avec le Velvet : c’est exactement la même démarche. Wild Billy Childish fait le meilleur gaga d’Angleterre, mais il fait aussi du pur Dada avec son ami et protégé Sexton Ming. Et là, t’as dans les pattes un chef-d’œuvre artistique digne de ceux qu’on produisait au temps de Picabia et de Tristan Tzara. «Ain’t Gonna See Kansas No More» est du pur Dada-rock. Rien à voir avec le Kansas. Sur «Here On My Knee», Billy sort la disto pour taper une belle resucée du «Train Kept A Rollin’». Tu montes encore au paradis Dada avec «Fry-Up» - If you can’t cook my eggs baby/ I’m gonna find somebody else - On imagine qu’ils devaient bien se marrer tous les deux en enregistrant cette infâme merveille de Dada-blues. Ils terminent en tapant le «Dearest» de Mickey Baker, c’est gratté par derrière. Ailleurs, ils tapent un autre Mickey, «Love Is Strange». Au dos, tu as des félicitation d’Ivor Cutler pour Which Dead Donkey Daddy qui est paru juste avant - c’est hallucinant de dadaïsme cutlerien : «You, (+Mr. Ming, I presume) belong to a rare breed of instinctive commposers (sic), who, by stultifiying their intellects, are enabled to communicate in a most profundly satisfying way.» Tout est dit.

             Bien sûr, Sexton Ming n’a aucune chance en France. Il fait partie de ces excentriques britanniques très populaires chez eux, mais certainement pas outre-Manche. On avait découvert Ivor Cutler et Vivian Stanshall grâce au radio show de John Peel sur Radio One. Ces trois personnages font partie des derniers héritiers de Dada. Si Picabia et Tzara avaient vécu à notre époque, ils seraient certainement allés à Rochester dans le Kent enregistrer avec Wild Billy Childish. Un Childish qui en plus de «protéger» Sexton Ming, fait des bois gravés pour les pochettes d’Hangman, son label.

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             C’est lui qui grave le visuel de Which Dead Donkey Daddy, paru la même année que Plump Prizes & Little Gems, en 1987. Attention, c’est encore un pur Dada-album. Tzara n’aurait jamais osé ce shoot de Dada-Weirdy Weird qu’est «Mission Mulch». Ming va très loin, il échappe aux frontières. Encore un coup de maître avec «Big Beatle Mumma» - Big Beatle Mumma walking down the street - et il plonge définitivement dans l’underground avec «Trixy The Jolly Dustmen».   Billy et Sexton duettent à l’absurde dans «The Arthur Young Workbench». C’est ce qu’on appelle un duo d’enfer underground qui vaut tout l’or du Rhin. Ils terminent cet album qui échappe aux normes avec un pur Dada-goodbye, «Go To Sleep» - my baby.

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             Dans un vieux Dig It! de 1995, Sexton Ming accordait une interview à Philippe Migrenne, dans laquelle il se racontait brièvement et où il citait ses influences - Kevin Coyne, Leo Kottle, Blue Cheer, Love, Beefheart, les Mothers, Gong, John Fahey, Hawkwind, Motörhead, Slaughter & The Dogs, les Saints, Alice Cooper, Hindersmith, Erik Satie et Johnny Ray - Quel éclairage ! Il dit aussi avoir quitté l’Angleterre en 1989 à cause des «cons thatchérisants» pour aller vivre en France, «mais au bout de quatre ans, écœuré par les Français, je suis revenu en Angleterre pour y former les Diamond Gussets.» Alors attention, c’est la chute qui vaut le coup d’œil : «Je pourrais continuer mais je ne suis pas payé pour écrire tout ça donc je vous emmerde. Allez tous vous faire foutre, vous et votre rédacteur, votre traducteur, votre imprimeur, vos putains de lecteurs, votre mère et vos moutards. Fuck you all’!». Philippe ajoute qu’à l’époque des gens chez Dig It! étaient choqués. N’est pas Dada qui veut. 

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             Sexton Ming va ensuite attaquer une série d’albums solo sur Hangman, toujours accompagné par son poto Billy. Magnifique pochette encore que celle d’Old Horse Of The Nation, bien gravée dans le bois par le poto Billy. On y retrouve d’ailleurs le donkey de Which Dead Donkey Daddy. Au dos, on peut lire : «Hangman production. Specialists in North Kent literature.» Oui, car en plus des disks, nos ceux coco publient des Hangman books. Le Ming fait le God Of Hell Fire d’Arthur Brown dans «I Am Your God» et du pur Beefheart dans «Hot Red Man» : même raw de la démesure du so far out. Il enchaîne avec un fantastique balladif primitif, «Many Years Ago», magnifique expression d’un pur génie underground. En B, il embarque «You Can’t Polish A Turd» sur le jive du «Can’t Judge A Book By The Cover» et il monte son «Rumbing Man» sur le modèle du «Rumble» de Link Wray. Et voilà le aw aw aw d’Hooky dans «Votory of The Lotus Sutra». Encore un fantastique coup de génie underground ! Dans «Duff You», c’est lui le Ming qui gratte la disto d’I’m gonna duff you baby. Retour à Hooky avec «Old Horse Of The Nation 2». Il s’esclaffe - Old horse of the nation/ I’m in love with you !

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             La fête continue avec 6 More Miles To The Graveyard, un album encore plus excentrique que les précédents. Il gratte son «Octopus Weeps For You» en piqué, comme s’il allait s’écraser au sol. On entend aussi Kyra là-dedans. C’est elle qui chante ensuite «Smash Your Face In». Le Ming fait son lugubre en B avec le morceau titre qui s’y prête bien, et il finit en mode boogie blues avec «Bored Depressed & Lonely».

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             Re-belle pochette pour Birds With Teeth, l’Hangman de service, hyper-graphique. On croit voir Alfred Jarry sur la pochette. C’est encore un album très Ming. Il met ses poèmes en musique et avec «Lutennat Ohura 90», il refait une cover du «Love Is Strange» de Mikey Baker.  

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             Gros retour en force de Dada dans Master Of Gibberish. Pour les ceusses qui ne le sauraient pas, le Gibberish est la version anglaise du charabia. Alors bienvenue chez ce brillant Master of charabia. Il te gratte «Hide In The Cellar» aux beaux accords insidieux - Here comes a very strange virus - Le Ming fait planer la menace et te conseille d’aller te planquer - So hide in the cellar/ Or the attic - Quelle rigolade ! Il explose tous les records de Dada avec «We Hate You Byped Bastards» - Supermarket trollys ! - En B, ça repart de plus belle avec «Plegged To Die - Aumhh yum dum Diddley dum - et dans «The Cows Are Strong», on entend forcément meugler les vaches. Il te gratte plus loin «I Hate The Youth» au wild gaga-Dada de Medway - I’m normally a passive kind of guy but - et il profite de cette giclée paranormale pour saluer Oscar Wild (sic).

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             Le couple Billy/Sexton se reforme pour The Cheeky Cheese. Ils déboulent sur la pochette en petite tenue. Au dos tu peux lire : «Buy this record & listen to it before you die.» Trois Dada-shoots imparables cueillent le visiteur au menton, à commencer par «Insects In Your Stars», suivi plus loin de «Birds & Shoots», une belle pop artisanale et envoûtante - See the snail eating tweets - En B, tu vois le Ming attaquer «Mussel Horse In Holland» d’une voix de vieux marin aviné et il annonce «Curious Old Woman» ainsi : «Music by Billy Childishhhhh and sang by Sextôn Meng !».

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             T’as vraiment intérêt à voir la photo de Billy et Sexton au dos de la pochette d’Here Come The Fleece Geese : ils sont au jardin, avec des chapeaux de paille et des fourches, Billy en short des années trente et Sexton habillé en noir. Cette fois, Billy joue de l’orgue de barbarie sur le morceau titre - The flow to the North/ They flow to the East - Quelle rigolade ! Le Ming gratte bien quand ça l’arrange («Old Horse Of The Nation Tea Party»). Leur «Arnie Ice Cream Sargent» est aussi barré que l’Ice Cream For Crow de Captain Beefheart. «Honk Honk Gray Gooze» est du Dada complet, itou pour «They Call Me Mr. Tibbs» - They don’t call me Pussycat/ They call me Mister Tibbs - Puis on assiste au retour des oies dans le morceau titre qui ferme la boucle. Coin coin.

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             Dernière aventure en date : Dung Beetle Rolls Again. Comme chacun sait, le Beetle est non seulement à l’origine des Beatles, mais c’est aussi un scarabée. C’est le plus bel album Dada du duo. On retrouve au dos la photo de Which Dead Donkey Daddy, qui date de 1980. Ils démarrent avec le morceau titre, un gros Dada-boogie digne de Captain Beefheart, et enchaînent avec une autre performance Dada, «Slap Up Breakfast» - Slap up breakfas/ For me/ For me - Mais le chef-d’œuvre imputrescible de ce Dada-disk surgit soudain sous tes yeux ronds : «The Giggling Sausages», c’est-à-dire les saucisses qui se marrent. Typical Ming - Cook ‘em up !/ In the fryin’ pan ! - Il ramène ses saucisses en B dans «Arnie & The Meat Factory» et Billy ressort son orgue de barbarie pour jiver ce fabuleux Dada-gaga qu’est «Turd Mites». Et ça se termine en Dada-blast avec «Darcey Liver» - Kick out the jams motherfuckers !

    Signé : Cazengler, Sex-toy Ming

    Billy Childish & Sexton Ming. Which Dead Donkey Daddy. Hangman Records 1987

    Billy Childish & Sexton Ming. Plump Prizes & Little Gems. Hangman Records 1987

    Sexton Ming. Old Horse Of The Nation. Hangman Records 1987

    Sexton Ming. 6 More Miles To The Graveyard. Hangman Records 1988

    Sexton Ming. Birds With Teeth. Hangman Records 1990

    Sexton Ming. Master Of Gibberish. Tom Product 1996

    Billy Childish & Sexton Ming. The Cheeky Cheese. Damaged Goods 1999

    Billy Childish & Sexton Ming. Here Come The Fleece Geese. Damaged Goods 2002

    Billy Childish & Sexton Ming. Dung Beetle Rolls Again. Damaged Goods 2011

    Philippe Migrenne. Sexton Ming. Dig It! # 6 - Mai 1995

     

     

    L’avenir du rock

     - Magic carpet ride

    Comme tout un chacun, l’avenir du rock adore les bals costumés. Il arrive tout guilleret au bar et se fait servir un verre de champagne rosé. Accoudé à deux mètres, le Fantôme du Bengale l’interpelle :

             — Hé dis donc, toi, tu sais que c’est un bal costumé ? Tu ne respectes pas les règles ! T’es déguisé en quoi ?

             — En concept !

             — Mais c’est pas un déguisement ! Je vais te casser la gueule et t’imprimer ma tête de mort indélébile sur la joue, tu vas voir !

             Au moment où le Fantôme du Bengale lève son bras gainé de lycra rouge pour frapper l’avenir du rock, une main noire le bloque. C’est la main de Lothar, le valet de Mandrake le Magicien. Lequel Mandrake s’interpose, lève son haut de forme, salue l’avenir du rock, et s’adresse aussi sec au Fantôme du Bengale :

             — Hé dis donc, Ombre Qui Marche, t’es devenu complètement con ou quoi ? Ne sais-tu pas qu’il est interdit de frapper un concept ?

             Écumant de rage, le Fantôme du Bengale arrache la main de Lothar de son bras et lance d’une voix sifflante :

             — Mais un concept, c’est un con, Mandrake ! Tu vois bien qu’il a une tête de con et qu’il appartient à l’Empire du Mal ! Les cons sont partout, je dois les exterminer !

             Et il se prépare de nouveau à frapper l’avenir du rock. Alors Mandrake lève la main :

             — Tu l’auras voulu, Ombre Qui Marche ! Abracadabra !!!

             Et il transforme le Fantôme du Bengale en bongo.

             — Maintenant, tu seras le Fantôme du Bongo !

             L’avenir du rock pousse un sifflement d’admiration.

             — Je savais que vous étiez un crack, Mandrake, mais pas à ce point ! C’est vous qui avez inventé Magic Shoppe ?

     

             C’est normal que l’avenir du rock se pose la question, car Magic Shoppe semble tomber du ciel. Ou mieux encore : sortir du chapeau d’un magicien.

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             Il fallait s’en douter : le cerveau de Magic Shoppe, c’est lui. Lui qui ? Josiah Webb. On le voit gratter ses poux et poser sur le maigre public un regard indolent, alors on comprend immédiatement qu’on a sous les yeux l’une de ces petites superstars dont l’underground est tellement friand. Magic Shoppe est un groupe,

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    mais Magic Shoppe c’est lui. Sobrement vêtu d’une veste noire, réajustant de temps à autre une mèche par ci et une mèche pas là, et grattant ses poux dans une mélasse d’overwhelming permanent, il mène la danse. Ces quatre petits mecs de Boston saturent le spectre avec une certaine élégance, ils montent tout de suite à l’assaut de ton attention et t’embarquent dans leur monde avec une irrésistible maestria. Ils offrent un curieux mélange de déjà-vu et de fraîcheur, tu sens à la fois que ça tourne en rond mais t’as besoin d’en savoir plus, alors tu tends et tu retends l’oreille, et tu

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    finis par tomber sous le charme de ce mec Josiah Webb, tu le vois gratter ses killer solos dévoyés au tiguili hermétique, il sort un son noyé d’écho et de good vibes. Certaines clameurs évoquent celle de Swervedriver. On leur colle l’étiquette shoegaze, mais ils se situent bien au-delà des étiquetages, ils créent leur monde, comme Anton Newcombe crée le sien, et même si ce monde t’en rappelle un autre, tu le prends comme il est parce que ça finit par devenir brillant. Extrêmement brillant. Une fois que tu es entré, tu ne veux plus en sortir.

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             Tu ramasses leur dernier EP au merch, l’excellent Resurrection Machine, et tu retrouves ce son bien creusé dans le bâti de l’enfer sonique, ce son écorché vif, très

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    Bloody, comme dirait cette pouffe de Valentine, et quand tu lis les notes au dos, tu découvres que Josiah Webb est tout seul sur l’EP. Il est l’homme à tout faire de son petit empire, et ça tient bien la route. On retrouve le «Space Cadet» tapé sur scène, bien vivant derrière son heartbeat, avec ses guitares voraces d’Horace ta race. Josiah Webb est bien dans son monde, rien ne l’en fera sortir. Il se donne les moyens de ses ambitions, son «Oh No» sonne merveilleusement bien, c’est à la fois touffu et spacey. Bon t’as déjà entendu ça mille fois, mais ça te parle. L’Oh No est assez violent, t’en savoures la clameur, l’esprit de tempête dans un verre d’eau. En B, tu retrouves «Everything Sounds Better When You’re Dead», ce cut qui paraît immense car très répandu à la surface, Josiah Webb tartine son monde en long et en large et ça sonne glorieusement, même si ça reste très lancinant, très expat, très tiré par les cheveux. T’as de quoi faire, pour peu que tu sois un peu curieux.

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             Si t’en veux encore, il faut sortir les gros billets. Josiah Webb t’a pas attendu pour enregistrer des albums, ça fait 15 ans qu’il enregistre des albums à Boston et curieusement, son groupe est devenu culte. Ses sept albums coûtent très cher, quand ils ne sont pas épuisés. La vie est plus facile pour les riches. Le plus accessible est son dernier album, Down The Wych Elm. C’est un album de big time out qu’on croirait calqué sur les anciens exploits soniques de Swervedriver. T’as au moins trois cuts qui sonnent ceux des Swerve, «The Field Where I Died», «Something Hollow» et «Needle In Your Eye». Ce sont des belles dégelées d’oraison Swervy, tu retrouves exactement la même tentation océanique, le même boisseau d’argent, la même urgence d’alarme rouge, avec cette classe inhérente au Brian Jonestown Massacre. Josiah Webb ouvre son balda avec un véritable coup de génie sonique, «Have You Seen Bella?», c’est bardé à outrance de tout le vieux barda du monde. Josiah Webb est un bon, il connaît le secret des tempêtes soniques. Il multiplie encore les rafales dans «Whore». Quel Wall of Sound ! Il monte encore d’un cran dans l’art de la dégelée avec «An Empty Cartridge», il atteint la clameur d’alerte nucléaire, le beat bat comme un cœur trop gros, ça pulse au cataclysmic ! Il boucle sa B avec un «Coda» monté sur un heartbeat monstrueux. On retrouve la lancinance du bassmatic scénique.       

    Signé : Cazengler, Shoppe la crève

    Magic Shoppe. Le Trois Pièces. Rouen (76). 15 octobre 2025

    Magic Shoppe. Down The Wych Elm. Little Cloud Records 2024

    Magic Shoppe. Resurrection Machine. Little Cloud Records 2025

     

     

    Wizards & True Stars

    - Cotise avec Thee Headcoatees

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             Sous l’égide rigide de Wild Billy Childish, les Headcoatees ont pendant dix ans ravagé l’Angleterre. Pour big Billy, premier punk-rocker d’Angleterre, c’était un jeu d’enfant que de propulser ses pouliches au firmament du garage-punk. Il multipliait déjà les projets, alors un de plus ou un de moins, quelle différence ? Pour garantir leur succès, il leur écrivait des hits à la pelle et produisait leurs albums. Puis il les emmenait en tournée, et les filles cassaient la baraque en sa compagnie.

             Thee Headcoatees sont un véritable vivier de talents : Holly Golightly, Bongo Debbie, Miss Ludella Black et Kyra LaRubia sont toutes entrées dans l’histoire. Elles se répartissaient les morceaux au chant. Tout au long des années 90, elles ont pondu des albums exemplaires, souvent hirsutes, inspirés et poilants. Au-dessus d’elles planait en permanence l’ombre tutélaire d’un big Billy au visage aussi sec qu’un olivier abandonné de Dieu.

             Comme les Headcoats, elles portaient des casquettes de Sherlock. Comme les Headcoats elles se plaçaient sous la haute autorité de Bo Diddley. Elles devinrent les reines du garage punk britannique. Elles savaient mettre un classique à feu et à sang, elles savaient battre tous les records de délinquance juvénile. Les Anglaises ont cette élégance transgressive que n’ont pas les autres.

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             Un charmant petit book raconte leur histoire : Girlsville - The Story Of The Delmonas & Thee Headcoatees. Recommandé par un ami. L’auteuse s’appelle Saskia Holling. Les gros veinards qui ont pu voir Russell Wilkins et Lord Rochester sur scène la connaissent : elle y joue de la basse. Elle est aujourd’hui la compagne de Russell, qui a un pedigree aussi long que celui de son vieux partner big Billy. Dans sa petite intro, Saskia raconte qu’elle a rencontré Russell à l’époque où elle jouait dans Sally Skull.

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    Saskia

             Charmant petit book ? Oui, car pas prétentieux. Saskia n’est pas une styliste, elle se contente de témoigner et de faire témoigner. Elle cite abondamment. Elle regroupe les Delmonas et Thee Headcoatees dans le même book car les histoires de ces deux groupes sont liées : Sarah/Miss Ludella Black a fait partie des deux groupes, et big Billy les a mentorés tous les deux. Autre point commun : ce sont les girlfriends des Milkshakes puis des Headcoats qui constituent les Delmonas et les Headcoatees. Contrairement à ce que montraient certaines pochettes, ni les Delmonas ni les Headcoatees ne jouaient d’instruments. Ce sont les Milkshakes et les Headcoats qui assuraient le backing. Et quel backing, baby !

             Dans les Delmonas, t’as Hilary, Louise et Sarah/Ludella.

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             Hilary est à l’époque le poule de Russell, bassman des Milkshakes. Elle est aussi la mère de ses deux fils. Pour élever ses enfants, Russell va quitter les Milkshakes en 1983. Louise est la poule de Bruce Brand. Ils se sont mariés en 1986. Puis ils vont se séparer. Dans leurs longues interviews, Hilary et Louise restent très pudiques sur les fins de leurs relations respectives. Sarah est la poule de Mickey Hampshire qui fut membre des Milkshakes. Aujourd’hui, Sarah et Mick sont toujours ensemble. C’est le seul couple qui a survécu. Dans son interview, Sarah indique qu’elle a mal vécu la fin des Headcoatees, qui furent toute sa vie pendant dix ans, et soudain, plus rien. Elle réussira néanmoins à démarrer une carrière solo, avec deux fantastiques albums qu’on ira saluer ailleurs.

             Saskia prend soin de rappeler qu’en 1982, Hilary, Louise et Sarah se sont installées à Medway - South of London and north of Canterbury, Medway regroupe 5 villes : Strood, Rochester, Chatham, Gillingham et Rainham, toutes situées le long de la rivière Medway - Medway désigne aussi une scène, dont la figure tutélaire est bien sûr Wild Billy Childish.

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             Bruce et Rusell se connaissent depuis le début, ils jouaient ados dans des groupes de prog, puis ils sont passés au punk et ont rencontré le local lad Billy Childish, pour former les Pop Rivets. Big Billy ne pouvait pas espérer meilleurs partners. Le groupe va tenir trois ans, de 1977 à 1980. Et quand leur batteur Little Russ Lax les lâche, big Billy monte les Milkshakes avec Mickey Hampshire. Bruce passe au beurre et Russell bassmatique tout ça tout cru. Les Pop Rivets sonnaient punk, et les Milkshakes vont sonner plus rock’n’roll pour évoluer vers un garage primitif. Saskia : «Billy, Mick, Bruce and Russell had youth, arrogance, foul mouths and agression.» Ils s’inspiraient de Bo Diddley, de Link Wray, des Kinks et des Beatles.

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    Sarah / Ludella

             Hilary, Louise et Sarah/Ludella fréquentaient donc des superstars de l’underground ! Les Milkshakes furent à l’époque ce qui pouvait arriver de mieux à l’Angleterre. Leur manager n’était autre que Nick Garrard. Puis Mickey Hampshire va faire une overdose de Milkshakes et quitter le groupe. Sarah : «He didn’t want to do it anymore.» Mickey a cessé de jouer pendant 15 ans - He had had enough. He’d burnt himself out very quickly with The Milkshakes and was desillusioned by the whole thing - Mickey va renaître des ses cendres pour monter les Masonics, avec Bruce au beurre et Johnny Barker on bass. Premier album en 1991, sur Hangman. On y revient prochainement. 

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             C’est big Billy qui baptise le girlfriend group Delmonas. Sarah devient Miss Ludella Black et Hilary devient Ida Red. Mais elle n’aime pas son surnom - That was another decision made for me -Le groupe répète chez Hilary et Russell. On ne va pas revenir sur les albums, on en parlait assez longuement inside the goldmine en 2024. Comme ceux des Headcoatees, les quatre albums des Delmonas sont assez explosifs et chaudement recommandés. En 1985, Louise quitte le groupe. Big Billy explique qu’il s’est engueulé avec elle. Puis Bruce quitte le groupe aussitôt après Louise. Les Delmonas ne sont plus que deux : Sarah et Hilary. Le groupe devient  Delmonas 5 avec Johnny Gawen au beurre, Russell on bass et big Billy à la gratte. Saskia juge bon de rappeler qu’à l’époque, big Billy jouait avec Thee Mighty Caesars, et Russell avec le Len Bright Combo.  Et quand Hilary met au monde son deuxième fils, elle commence à prendre ses distances avec la musique. Elle part s’installer avec Russell au sud de l’Écosse. 

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    Hilary, Sarah, Louise,

             Fin des Milkshakes ? Pas de problème, big Billy monte Thee Headcoats, avec Bruce au beurre et Allan Crockford des Prisoners on bass. En hommage à Don Craine, ils portent les casquettes de Sherlock - Don had started wearing a deerstalker for photos and gigs back in 1964 -  Puis big Billy pose la question à Sarah qui chantait dans les Delmonas : on remonte un girlfriend group ? - I said yeah great - love to! - Naissance des Headcoatees. La nouvelle girlfriend de Bruce s’appelle Holly Smith, celle qui va devenir Holly Golightly. Et Kyra est la girlfriend de big Billy. Quand Allan Crockford quitte les Headcoats, il est remplacé par Johnny Johnson. Autre petit détail d’importance : lors d’une tournée scandinave, Bruce se fait porter pâle et big Billy fait appel à Wolf Howard qui bat le beurre dans d’autres groupes de Medway, The Daggermen, The Prime Movers et The James Taylor Quartet.

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             Les Headcoatees sont quatre. Holly Golightly, la poule de Bruce, qui était auparavant avec Louise. Holly tire bien sûr son pseudonyme de Breakfast At Tiffany’s. Sarah, on la connaît déjà. Ensuite, t’as Kyra qui est la petite poule belge de big Billy. Saskia : «Kyra is the one that is good at performing.» On la retrouvera ensuite dans les A-Lines avec Julie Hamper. Elle dit même dans l’interview que les A-Lines devaient enregistrer un deuxième album. Elle évoque aussi les Shall-I-Say-Quois, avec Julie et Sarah. La quatrième Headcoatee s’appelle Bongo Debbie, qui fut la poule de Johnny Johnson. Elle se mariera ensuite avec Ian Greensmith, le batteur des Armitage Shanks. Elle va aussi jouer dans les A-Lines et les Buffets. Tout cela est documenté par des albums fantastiques.

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             Le premier album des Headcoatees sort en 1991 : Girlsville. On les voit avec des instruments, mais elles n’en jouent pas. Elles ouvrent le bal avec une jolie pétaudière, « Wild Man », un cut des Tamrons chanté en mode Chrissie Hynde. Ça t’explose en pleine gueule. Elles deviennent des graines de violence avec « Round Every Corner » - Round every corner/Looking for your face - Les filles ne plaisantent pas. « Give It To Me » est une sorte de sale petit garage mal famé. Kyra pend ça en main, elle uppercute, la petite garce. Le garage le plus dégueulasse d’Angleterre, c’est là. Cris de folles - Yeeeeeeehhhhh - solo de dingue signé Big Billy, pure jute de génie garage, voilà l’explosion tant attendue. Les filles ont tout compris - Give it to me/ All your love ! - Puis elles passent à l’heavy rock avec « Boysville ». Elles sifflent comme les New York Dolls ! Et pour finir, elles explosent « Money ». 

             Les Headcoats et les Headcoatees vont aller trois fois au Japon, en 1991 avec Mudhoney, en 1994 avec les Phantom Surfers, et en 1998 avec les Flaming Stars. Billy et Bruce décident de tout : du choix des cuts, du design des pochettes, des set-lists. Holly dit qu’elles n’avaient aucun rôle dans les décisions - If you ask: ‘How much control did you have?’, It has to come out, none, none at all, by design - Sarah : «Billy wanted to be in control of the situation and the songs.» Holly propose ses chansons, mais Billy les trouve trop complexes pour les Headcoatees.

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             Le morceau titre de leur deuxième album Have Love Will Travel surpasse tout. Elles claquent ce classique avec tout le chien de Baskerville dont elles sont capables. Au dos de la pochette, Don Craine des Downliners Sect les salue : « Hey-oh Hey-ah ! » On entre dans le nec plus ultra du garage des bas-fonds avec « Don’t Try And Tell Me », épouvantable déballage de malveillance. On a du scream de folle et de la fuzz à la tonne. Pour l’amateur de garage, c’est le paradis sur terre. Elles chantent vraiment comme des traînées. Pire encore avec l’abominable « Mess Of Pottage ». Elles chantent ça comme si elles volaient une mobylette. Big Billy n’en finit plus de leur fournir des classiques imparables, comme ce « Tear It To Pieces », claqué aux accords de Dave Davies. Elles féminisent à outrance leur version de « Big Boss Man » et finissent cet album faramineux avec une reprise d’« I’m Gonna Make You Mine » qu’elles font sonner comme l’hymne des coursives d’un council flat.

             En trois ans, les relations sentimentales vont se détériorer. Debbie et Johnny, c’est fini. Les couples Bruce & Holly et Billy & Kyra vont traverser de sacrées zones de turbulences.

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             On monte d’un cran dans la violence délinquante avec Ballad Of Insolent Pup. Pour la pochette, elles prennent le thé dans la forêt. Ça part en mode fuzz avec « This Heart ». Hyper crade ! Ce sale garage puant relève du génie. Miss Ludella nous drive ça d’une main de fer. Waooouhh ! Elle pousse un cri de folle échappée de l’asile et big Billy descend aux enfers avec son killer solo. Encore pire : « Pretend » sonne comme un hit lent de Totor et chanté limite faux par cette teigne de Miss Ludella. Puis t’as cette sale teigne de Kyra qui attaque le morceau titre à coups de menton. Elle fait sa vicieuse et roule des accents allemands. Elle bat tous les records de délinquance, dopée par la fuzz des Troggs. Killer solo flash, et ça part en vrille avec des cris et des jappements, des hip et des wouap, franchement, on n’avait encore jamais entendu un tel bordel. Tout est survolté sur cet album. Garage sec et scream de folle dans « All My Feelings Denied ». Sur « It’s Bad », big Billy recycle les accords de « Gloria ». En B se planque une bombe atomique : « Now Is Not The Best Time ». Elles nous chantent ça à la ramasse. Encore plus monstrueux : « I Was Led To Believe ». Elles tapent ça avec une hargne inégalable.

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             Attention à Punk Girls, l’album sorti sur Sympathy For The Record Industry. Il se pourrait bien que ce soit l’un des albums du siècle. Il suffit simplement d’écouter le morceau titre pour s’en convaincre. Kyra chante ça avec toute la violence dont elle est capable. Elle enfonce ses clous dans la paume du diable. Elle pousse des cris de pinson électrocuté. C’est poinçonné aux Lilas. Kyra fait sa Méricourt de Gévaudan. Quelle atroce violence ! Et tout l’album est sur ce registre, dirty sound et coups de chaîne de moto. Hommage au patron avec « Billy B Childish ». Bongo Debbie bongote dans un mould tortillé à l’harmo névrotique. Son à la Pretties, fumace et inventif - Billy B poor and Billy B rich - et quand Billy entre dans la danse, ça devient insupportable de génie. Cover ultra-violente du « Teenage Kicks » des Undertones. Elles envoient les hussards. Bongo Debbie chauffe la soupe, c’est une version effarante de déviance, awite, et solo mortel. Normalement, rien qu’avec ces trois morceaux, t’es au tapis. Mais la fête continue. Kyra revient claquer le « Pinhead » des Ramones. Elle semble complètement butée. C’est la punk la plus sale, la plus méchante de toutes. C’mon ! Les Headcoatees ont un truc que les mecs n’auront jamais, cette petite niaque de folles qui vient du ventre. Ludella chante « Cara Lin », un stomp de glam complètement dément. Voilà qu’elles se mettent à défoncer la rondelle du glam. Big Billy claque le thème à la fuzz et c’est littéralement bardé de clichés bon esprit, c’est du Suzi Quatro sauvagement schtroumphé, dans une immense clameur de destruction massive. Kyra tape « Zig Zag » et en fait le punk-rock le plus dégueulasse d’Angleterre. Elle bat sa coulpe avec une outrecuidance qui dépasse l’entendement et t’imprègne la cervelle d’une fabuleuse émulsion punkoïde de bas étage. Messieurs les punk-rockers, prenez des notes.

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             On a un beau fish-eye hendrixien pour la pochette de Botzstick Haze. Rien qu’à les voir toutes les quatre le nez collé à l’objectif, on se régale. C’est avec cet album qu’on va pouvoir définir leurs caractères respectifs. Quand on entend Kyra chanter « Name Your Own Poison », on comprend qu’elle peut être très vacharde. Elle roule ses r avec un autoritarisme germanique qui glace les sangs. On voit d’ailleurs à sa figure sur la pochette que l’empathie n’est pas son fort. Il vaut mieux l’avoir comme amie que comme ennemie. Ludella prend « I Need Loving » d’une voix mûre. Chez elle, on sent le poids du vécu. Elle sait faire l’infectueuse. En Ludella, quelque chose rassure, mais lorsqu’on pousse l’examen de son regard, on détecte facilement la nature trash de sa complexion. Quant à Bongo Debbie, allez savoir ! Elle chante le petit garage de « Speak To Me » cordialement, mais on sent quelque chose de pernicieux dans le ton de sa voix. Mais il faut rester prudent avec ce genre d’interprétation, car on risque de basculer dans l’approximation délirante dont raffolent les lacaniens. Holly chante « Just Like A Dog » à la manière des Pretties, comme dans « Come See Me ». On est vraiment gâtés car c’est bien vrillé au killer solo flash. Des quatre, Holly pourrait passer pour la préférée, d’une part parce qu’elle est brune, et d’autre part à cause de ce regard voilé qui sent bon les alizés. On retrouve notre petite fouine Kyra en B pour un gros shoot de garage élémentaire, le morceau titre. Puis Debbie fait sa Bo avec « Baby Teeth Marge ». Elles ont vraiment le beat dans la peau. Miss Ludella illustre son côté pervers avec « He’s In Disguise » : elle se force à chanter faux. C’est assez osé. 

             Bongo Debbie finit par en avoir marre de toujours chanter les mêmes cuts sur scène. Puis elle s’engueule avec Holly - a massive fall out - Alors elle quitte le groupe. Et ensuite, tout va partir en eau de boudin : Billy se tape Holly et Kyra vit ça très mal : «I thought Holly hated me, and I didn’t like that she was going out with Billy in front of my nose.» Sarah : «It all went horribly wrong.»

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             Debbie disparaît donc de la pochette d’Here Comes Cessassion. Elles ne sont plus que trois, mais leur rage reste intacte. Elles attaquent avec un gros pâté de gaga sauvage, « You Say That You Love Me », elles te tartinent ça vite fait, c’est du graillon britannique, du couenné sévère, du fort en gueule. Les poules y mettent tout l’allant des suburbs. « All Night Long », c’est du pur Kyra la mauvaise. On la reconnaît aussitôt, à son accent fêlé de petite garce acariâtre. « Hurt Me » est un gros hit lent à la Billy, une vraie réussite mélodique, insistante et incisive. Elles bafouent toutes les Conventions de Genève avec « An Image Of You », on sent bien leur niaque et tout le trash dont elles sont capables. Sur cet album, elles tapent deux classiques de Bo : « Road Runner » et « Keep Your Big Mouth Shut » qu’elles balancent dans le même esprit que la version des Pretties, à la rentre-dedans, dans une belle atmosphère de délinquance. Autre coup de génie : « Is There Any Chance Of You Coming Into My Life », violemment riffé, tapé sur une seule phrase et monté serré sur les culbuteurs. S’il fallait retenir une seule chose de Billy Childish, ce serait ce riff raff de mauvaise vie. 

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             La même année sort une sorte de compile, The Sisters Of Suave (Dedicated to the memory of our dear departed Bongo Debbie). Les trois survivantes sont déguisées en bonnes sœurs et font le pendant des Earls of Suave en s’appelant Sisters Of Suave. Cette compile est un peu explosive. Déjà que les albums sont teigneux, alors on imagine ce que peut donner une compilation de singles et de bricoles enregistrées à droite et à gauche. Elles attaquent avec une reprise du « Davy Crockett » de Billy en mode laid-back - You are the king of the wild frontier who-oh oh oh - Puis elles balancent une tranche de Sonics avec une reprise de « Santa Claus » - Where have you been awho-who-oh - C’est exactement le même plan que Davy Crockett, mais la chose est tellement inspirée qu’on ne s’en offusque pas. Elles tapent l’« I Gotta Move » des Kinks, du coin du menton avec toute la morgue du monde. On a ensuite droit à une version de « Ballad Of The Insolent Pup » embarquée à la fuzz et différente de celle qui figure sur l’album du même nom. Un solo cataclysmique vient balayer tes derniers espoirs. On retrouve la morgue des filles dans « Johnny Jack » - Say yeah yeah/ Say wo wo wo - Elles emmènent ça avec une rare indécence, puis arrive le killer solo habituel. Billy participe aux chœurs, derrière. Ces gens-là regorgeaient d’idées, de talent et d’enthousiasme. Ils incarnaient l’avenir du rock anglais. Les filles tapent aussi dans les Ramones avec une fantastique cover de « Swallow My Pride » qu’on croirait produite par Totor. Et l’A se termine sur un truc terrible : « Spineless Little Shit ». Évidemment, ça s’adresse à un mec - I’ve got something to say to you/ You’re shit ! - On imagine que ce connard l’a bien mérité.

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             Sur la B se nichent d’autres atrocités, comme cet « Evil Thing » qu’on dirait chanté avec un mépris qui s’adresse à la terre entière. Puis elles nous proposent une reprise endiablée du « Strychnine » des Sonics. Elles prennent ça à l’arrache - I like the taste of straight strychnine - La version originale des Sonics reste bien sûr la chouchoute, mais les filles n’ont pas à rougir de la leur. Bien au contraire. D’autant que Billy fait un festival derrière. Sacré Billy. Il veille bien au grain. C’est un chouette type. Sa moustache de sergent major de l’Armée des Indes inspire la plus grande confiance. Et puis voilà « Come Into My Mouth », un titre qu’il faut prendre au premier degré, car chanté avec un hédonisme déterminant - I want to suck you dry - Je veux te sucer jusqu’à la dernière goutte - I want to taste you on my tongue - Je veux sentir ta bite sur ma langue - C’est traité comme un canular mais chanté avec la plus belle sensualité. Billy envoie là-dessus un solo exotique et ça prend l’allure d’un hit sixties. Absolument renversant. On entend rarement des choses pareilles dans un pays aussi prude que l’Angleterre. Elles referment la marche avec « Jackie Chan Does Kung Fu », chinetoqué à l’intro et repris au vieux jerk des bas-fonds de Soho. Le gros beat garage est tellement beau qu’il paraît impossible de faire mieux.    

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             Puis au retour d’une ultime tournée scandinave, Holly ramasse ses affaires et quitte Medway, «alone and for good, because, she said ‘It imploded, totally imploded.’» Après les Headcoatees, Holly ira aux États-Unis avec Dan Melchior que lui a présenté big Billy. Ensemble, ils vont enregistrer l’excellent Desperate Little Town. Elle a aussi monté un groupe à Londres avec Matt Radford et Brian Nevill. Puis elle va s’installer aux États-Unis et monter les Brokeoffs avec son mari Dave, qui a grandi avec un skate et en écoutant du metal, donc une culture radicalement différente, mais comme elle dit, «he was interested in learning to play music properly». Holly est longuement saluée ailleurs sur ce blog avec un Part One, un Part Two et un Part Three.

             Une fois Debbie, Johnny et Holly parties, pas de coming back pour les Headcoatees.

     

    Signé : Cazengler, Headcauteleux

    Thee Headcoatees. Girlsville. Hangman Records 1991

    Thee Headcoatees. Have Love Will Travel. Vinyl Japan 1992

    Thee Headcoatees. Ballad Of The Insolent Pup. Vinyl Japan 1994

    Thee Headcoatees. Punk Girls. Sympathy For The Record Industry 1997

    Thee Headcoatees. Bozstick Haze. Vinyl Japan 1997

    Thee Headcoatees. Here Come Cessation. Vinyl Japan 1999

    The Sisters Of Suave. Damaged Goods 1999

    Saskia Holling. Girlsville - The Story Of The Delmonas & Thee Headcoatees. Spinout Publications 2021

     

     

    Inside the goldmine

     - Majestés Royales

             On l’aimait bien Roya au début. Il avait l’air sympathique et cultivé. Il accepta de nous dépanner. On cherchait un guitariste. Il savait gratter trois accords, mais ça pouvait suffire. Il écoutait à peu près les mêmes disques que nous. Il fallut lui montrer les accords et on fit une première répète de formalité. Ça allait à peu près. Dans les groupes amateurs, on sait se contenter de peu. On l’intégra. Et puis à l’usage, on a commencé à déchanter. Roya ne travaillait pas les cuts chez lui, et chaque fois, lorsqu’il arrivait en répète, il demandait qu’on lui re-montre les accords - Ça commence comment, déjà ? - Ce qui au départ ressemblait à une bonne embauche se transforma en quelques semaines en fiasco à la fois technique et relationnel. Mais le pire était à venir. Les concerts ! Des dates étaient bookées à droite et à gauche et bien sûr, si tu montes sur scène avec un tocard comme Roya, tu cours à la catastrophe. Alors on s’est jetés dans la gueule du loup. On était tellement masos qu’on a adoré ça. Roya grattait n’importe quoi, il ne se souvenait plus des structures, il n’avait même pas l’air de s’en rendre compte. On se rattrapait aux branches, on jouait ce qu’on pouvait. Le chaos était indescriptible ! On était tellement paumés qu’on jouait tous les quatre des cuts différents. Quelle rigolade ! Captain Beefheart n’aurait jamais pensé à ça. On a alors battu tous les records de modernité auto-destructrice. C’est un luxe que tu peux t’offrir si et seulement si tu récupère un super-clampin comme Roya. En plus, il avait l’air fier de lui. On est descendus aussi bas qu’on a pu dans les abysses du nihilisme rock. On est devenus les jusqu’au-boutistes de la nullité. Même les pires groupes de punk-hardcore ne sont pas descendus aussi bas. Grâce à Roya, on a battu tous les records, ceux que personne n’oserait jamais aller battre. 

     

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             Roya n’est là que pour incarner l’antipode des Royales. Autant Roya est nul, autant les Royales sont géniaux.

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             C’est à grâce Steve Cropper qu’on finit par foncer sur les Five Royales. On espère y entendre le fameux guitar hero, Lowman Pauling. C’est pas simple. Tu commences par tester l’album sans titre paru su King en 1960 et heureusement réédité par Sundazed, car le King vaut 150 $. C’est un album de swing. Pas de poux. Juste du sax. Tu sors bredouille du balda. T’entends enfin le guitar hero en B sur «Wonder When Your Love Has Gone». Il est loin derrière, mais assez killer, il faut bien l’avouer.

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             Une fois de plus, c’est Rhino qui nous sauve la mise sur ce coup-là. En 1994, Rhino sortait Monkey Hips & Rice - The «5» Royales Anthology. C’est ce double CD qu’il faut écouter. Ed Ward signe les liners. T’en as pour ton billet. En plus du surdoué Lowman Pauling, t’as deux leads nommés Eugene & Johnny Tanner. Ward est bien renseigné. On se demande où il est allé chercher tout ça. Premier single en 1951. Ils s’appellent encore les Royal Sons et sont basés à Winston-Salem, en Caroline du Nord. Lowman Pauling compose pour le groupe. Ils signent sur King et en 1960, Puis Lawman Pauling quitte le groupe. Les Five Royales vont ensuite s’installer à Memphis pour enregistrer avec Willie Mitchell. Puis le groupe splitte et ils prennent tous des boulots normaux, sauf Lawman Pauling qui reste dans le showbiz et qui va accompagner Ben E King puis Sam & Dave, avant de casser sa pipe en bois en 1974.

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             Dès «Courage To Love» t’entends ces leads fabuleux que sont Eugene et Johnny Tanner. On les sent issus du gospel. Même les heavy jumps sont des merveilles de swing. Ils passent au heavy blues de stature primordiale de miss my pretty baby avec «Help Me Somebody». Éclatant !  Puis c’est une déboulade de jumps de jazz et de swing : «Crazy Crazy Crazy», «Landromat Blues» (Baby I got the best machine/ best machine in town, pur swing, so treat my baby kind/ Treat my baby gentle, tu te lèves et tu sautes en l’air), «All Right», «I Do», et toujours ce swing inespéré de she’s my kind of babe avec «I Like it Like That», et t‘as se sommet du swing de doo-wop : «Monkey Hips & Rice». On commence à entendre Lawman Pauling dans «Women About To Make Me Crazy» et ça rocke le boat à coups de that’s where my baby stays dans «Right Around The Corner». Pur genius, et ça continue avec «Come On & Save Me», et cet absolute beginner qu’est «Get Somebody Out Of It», un hit faramineux bardé de doo-wop explosif. T’es collé au plafond. Si tu veux du Black Power, c’est là.

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             Le festin se poursuit sur le disk 2, et là t’entend Lowman Pauling dès «Just As I Am», «I’d Better Make A Move» et «Say It» : il gratte comme un diable, il claque des intros incisives, il est carrément psychédélique sur «Say It». Laisse tomber Clapton. T’as aussi le swing dément de «Think». «Don’t Be Ashamed» sonne comme un hit des seventies à cause du rentre-dedans de Lowman Pauling. On passe au mythe avec «Dedicated To The One I Love», compo de Lowman Pauling dont les Mamas & The Papas vont faire leurs choux gras. Et là t’as Lowman en embuscade, il joue tout en surplomb. Quel démon ! Comme son nom l’indique, «Do The Cha Cha Cherry» tape dans l’exotica de choc. Puis ils groovent «Double Or Nothing» dans la couenne du doo-wop. On retrouve le génie vocal des Five Royales dans «Tell The Truth». «The Slummer The Slum» sonne comme un cut de Soft Machine et Lowman y gratte des syncopes de congestion. Quelle modernité ! Il faut bien dire que tous les cuts t’estomaquent. Lowman repart en embuscade sur l’heavy blues «Wonder Where Your Love Has Gone», puis ça repart en mode swing du diable avec «My Sugar Sugar» et on regagne la sortie avec une resucée d’«Help Me Somebody» noyée d’orgue. Il réclame de l’aide, avec des chœurs de doo-wop et ça vire swing. Black Power !

    Signé : Cazengler, pâté royal

    Five Royales. The Five Royales. Sundazed Music 2015

    Five Royales. Monkey Hips & Rice. The «5» Royales Anthology. Rhino Records 1999.

     

     

    *

    Il est des choses qui vous attirent sans que vous sachiez pourquoi. Cette première phrase est évidemment un mensonge. Ce qui vous attire n’est au mieux qu’un reflet de vous-même. Peut-être, au pire, une simple projection de votre propre entité qui s’est séparée de vous-même pour objectiver vos propres phantasmes. Cette fois-ci il y avait plusieurs mots attirants, des gemmes diamantaires qui brillent de dix mille feux. Mais surtout un seul d’entre eux, un des plus mystérieux, un mot lié à la puissance des Dieux latins, au fondement de notre identité inculturelle d’être vivant, dont il vaut mieux se détourner, faire semblant de ne pas être concerné, s’intéresser par exemple à votre numéro de sécurité sociale … Ceux qui se permettent d’évoquer ce genre de malfaisance ne sont pas nombreux. Nous n’avons donc pas affaire à un groupe de rock constitué de plusieurs individus. Simplement une seule individualité.

    NUMINA

    MAATISFET

    (Bandcamp / Octobre 2025)

             Ignorons, plus que cela nous soit possible, le titre de l’album, à première vu le nom de l’artifex est moins kaotique, Maât étant dans le panthéon de la mythologie égyptienne la déesse – nous employons à dessein un mot passe-partout – de l’harmonie universelle, elle est la force qui préside à la stabilité du monde dont elle surveille l’équilibre. Si une plume est son symbole, c’est pour vous avertir que si  un milligramme de plus ou de moins sur un des multiples plateaux de l’univers, tout s’écroule… Voici donc un artiste qui se donne comme le pourvoyeur de l’équilibre du monde, c’est vrai que sur sa photo il ressemble à ces personnages désaxés des romans de Dostoievski. 

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    D’ailleurs la pochette de l’album - que représente-elle au juste - nous semble l’image métaphorique de cet instant fatidique de bascule vers l’anéantissement… à moins qu’elle ne soit la seconde décisive ou après un  frémissement incoercible la plume se redresse fièrement et se tenant droite comme le pivot du monde veille à la pérennité de sa continuité. Examinez-la longuement et tâchez de vous mettre en accord avec vous-même.

     Si vous pensez qu’en se présentant comme le créateur de l’harmonie du monde notre artiste exagère un tantinet, dans un court texte introductif  Daniel Quero, de Barcelone, avoue humblement qu’il travaille depuis 2020 sur les titres de son premier opus, il ajoute que les Dieux et les mythes le fascinent car ils ont été créés par les hommes. Ainsi les Dieux ne seraient que notre reflet, mais pourquoi sont-ils plus beaux que nous…

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    Okeanos : ces chœurs féminins qui ouvrent le morceau sont-ce les filles d’Okeanos qui chantent la gloire de leur père, l’Océan qui entoure et délimite la Terre qui l’engendra, cette vision des premiers temps s’alourdit soniquement, la batterie frappe les coups fracassés d’un destin désarçonné, les guitares s’emplissent d’une nostalgie aigre-douce, nous sommes après les premiers temps de l’Age d’Or, la voix sombre et rauque d’Okeanos s’adresse aux hommes, ils ont troqué l’or des temps heureux contre l’argent compulsif, il fulmine contre cette race honnie qui s’adjuge la première place, le Dieu préfère se taire, le rythme s’accélère, sans doute rêve-t-il que les rouleaux homicides de ses vagues détruisent tous les navires insignifiants de ces ridicules créatures et que ses flots vengeurs engloutissent toutes les Atlandides qu’ils se permettront de créer.  Numen : auditeurs français rien à voir avec votre numéro d’identification sociale, le Dieu s’est tu car seul le silence est grand a dit Alfred de Vigny, il ne roule même plus ses flots, il laisse place à la puissance agissante des Dieux à laquelle personne ne saurait s’opposer, lorsque Thalès indique que la nature est composée à l’origine d’eau élémentale, c’est à cette puissance terrible dans laquelle baigne l’humanité à laquelle il fait allusion… Ce sont ces numina (pluriel latin de numen) des différents dieux qui donnent son titre à l’album. Ce morceau tempétueux, le plus beau et le plus puissant, ne possède qu’un seul défaut, l’on aurait aimé qu’il se poursuivît infiniment comme la mer toujours recommencée. Python : ce troisième morceau clôt le prologue protogonique d’ascendance grecque, Python était le serpent des profondeurs qui veillait sur le temple sacré de Delphes, il reprend la même tessiture instrumentale que le morceau précédent, un vocal éruptif se joint à lui, deux pistes de guitares se chevauchent, une qui alentit le rythme et une autre qui l’accélère, sont-ce les circonvolutions agoniques du serpent blessé par les flèches vengeresses d’Apollon, cet arrêt brutal marque-t-il le moment terminatif par lequel le talon vengeur d’Apollon écrasa l’infâme tête du reptile. Quoi qu’il en soit la fin de Python n’est que le symbole du trépas des hommes. L’île des Bienheureux n’est pas nous. Hugr :  ce rugueux monosyllabique guttural désigne dans la mythologie scandinave cette partie de l’âme que nous appelons âme, cette partie de nous capable de raisonnements et de sentiments, nous changeons de règne nous quittons l’Extérieur pour pénétrer à l’Intérieur. De nous-mêmes. Ce n’est guère mieux. Au-dedans ou au dehors le danger est le même, ne nous laissons pas amollir par ce long passage instrumental qui semble effacer tous les périls, nous avons eu raison d’hurler à pleine voix et maintenant de rugir comme des lions blessés, la mort est partout, ses ailes noires volent en notre tête et opacifient toutes nos volitions de tranquillité. Ungolianthë : ne dites pas que vous l’ignorez, vous l’avez tous rencontrée et vue en film, c’est elle, l’aragne noire du Seigneur des Anneaux, elle ne se situe pas uniquement dans le film, elle avance sans se presser sur son hideuse toile, elle s’approche de vous, elle est en vous, elle est tapie sur l’ouverture de l’abysse intérieur qui n’est qu’une des fissures qui donnent accès au gouffre originel, vocal angoissé porteur des échos criminels et meurtriers de la terre de Lammoth, est-ce pour cela que la fin du morceau ressemble à  une quincaillerie effrayante… doux froufous guitariques, êtes- vous parvenu à entrer dans la nuit primordiale…D(u)at : même douceur que les derniers accords chargés de résonnances qui vous procureront de froids frissons, ce mot en notre langue évoque la dualité, en Egyptien il n’est rien d’autre que l’au-delà cette région ombreuse dans laquelle Ré ferme ses yeux ensoleillés, croyez-vous que ces grands coups de marteaux soient-là par hasard, au bout de la nuit vous ne rencontrez que la mort, pourquoi la musique se fait-elle si belle et ce  vocal à gorge éployée pourquoi se tait-il sur cette ligne de basse à la démarche hésitante, encore un effort, tu accèdes à la cérémonie finale, la plume de Maât t’inclinera-t-elle vers les champs de Ialou, plénitude existentielle, toute proche de la numénité des Dieux, une guitare séduisante chante et déverse ses plus hauts arpèges, ne te fais pas trop d’illusion, malchance souveraine elle est tombée du mauvais côté. N’es-tu pas un être fait pour la mort !

             Un bon disque qui se termine mal. De quoi vous plaignez-vous, c’est bien vous qui avez inventé l’algorithme des Dieux, ne venez pas pleurnicher si maintenant il se joue de vous. Vous avez regardé la couve avec attention, n’avez-vous pas eu l’impression qu’elle ressemblait à une tête de mort en décomposition, et que de facto elle ressemble à un chien.

             Peut-être peut-on reprocher à ce premier opus une certaine monotonie, c’est souvent le défaut des one-man-bands, en tout cas nous serons attentif au prochain opus de Maatisfet.

             J’ai gardé le plus curieux pour la fin, sur son Instagram vous avez l’annonce de la parution, une très courte vidéo, presque rien, juste des lumières se mouvant dans le noir, et une autre avec une mer qui se couvre de noir. Des idées simples mais terriblement efficaces.

    Damie Chad.

     

    *

    Ce n’est pas la première fois que je tombe sur cette invitation. Oui mais nous les rockers si ce n’est pas accompagné d’une Cadillac Rose avec un tapis rouge pour nous accueillir, par principe nous n’y allons pas. Il faut savoir tenir son rang. En plus c’est un peu tordu, je sais bien qu’avec sa formule Ecouter Voir, Paul Claudel est un sérieux atout généalogique pour cette soirée Ecoutons Nos Pochettes. C’eût été ‘’nos pochettes rock’’ j’eusse regardé, sans quoi : méfiance absolue. Sait-on jamais, je clique et je reclique, tiens un exemple proposé : un texte de Céline Renoux sur la   pochette Big Science de Laurie Anderson. Anderson et Lou Reed, cette Céline n’a pas obligatoirement mauvais goût. Elle a marqué un point et même un deuxième puisque c’est joliment écrit.   J’explore un peu son Face Book, illico elle perd douze points, elle ne signale que des trucs qui ne participent pas de mon panorama sonore. Je me prépare à ce que mes santiagues aillent fouler une herbe plus rock lorsqu’un post attire mon regard, attention Céline Renoux n’est pas n’importe qui, elle vient de publier un recueil de poésies. Respect et honneur aux poëtes, en plus le titre est attirant : Mon âme est punk avec une fleur bleue au milieu. Punk et Rock ne sont-ils pas deux tétines qui appartiennent à la même mamelle bleue ! S’impose une lecture immédiate, hélas faut attendre quinze jours avant de recevoir un exemplaire. Le rocker n’est pas patient, c’est là son moindre défaut, avec lui c’est tout, et tout de suite. Conséquence : je cherche et je trouve. Que voulez-vous la réalité se plaît à réaliser les désirs des rockers, sans quoi elle serait inutile.

    TOUTES CES FILLES QUI VIVENT DANS MON CORPS

    CELINE RENOUX / YAN PECHIN

    (CD / Bancamp2013)

    La couve est magnifique. Certes je devrais d’abord rendre hommage au photographe qui a tiré la photo. Oui mais avec une fille si belle il est impossible de faire un mauvais cliché. De surcroît c’est marrant parce que sur son FB vous ne remarquez que le bleu céruléen de ses deux iris myosotis, or sur la pochette ses yeux sont jaunes. Ne dites pas que l’apprenti-photomatique a utilisé un filtre jaune, relisez plutôt La fille aux yeux d’or d’Honoré de Balzac.  

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    Par contre le gars a tout compris, le Yan Péchin qui est pourtant crédité au même titre que la demoiselle-libellule sur  la couve, ben notre artisan pelliculophile ne l’a pas voulu sur la photo. Ce n’est pas parce que le gars à la chevelure broussailleuse qu’il arbore sur les nombreux clichés disponibles sur le net aurait certainement fait un peu tache, nom pas du tout ce n’est pas lui qui chante et ce n’est pas lui qui a composé les textes. Se contente d’accompagner. A la guitare. L’a commencé avec Bashung puis avec plein de chanteurs que je n’aime pas. Toutefois je remarque sur son CV long comme la liste des morts engloutis par l’éruption du Vésuve à Pompéi en 79, qu’il a aussi joué avec Link Wray et Chris Spedding. Excellente caution rock.

    Sachez décrypter le titre, non Céline Renoux ne veut pas nous signifier qu’à elle toute seule elle vaut toutes les filles du monde, mettez-le en parallèle avec la fameuse déclaration de Victor Hugo dans sa préface aux Contemplations ‘’ Ah ! insensé qui crois que je ne suis pas toi !’’ Plus modeste que Victor, Céline Renoux ne s’adresse qu’à la moitié de l’humanité, celles, les femmes, que dans un élan lyrique Mao Tsé Toung a qualifié de ‘’la moitié du ciel’’. Evidemment depuis Hugo et Mao le monde a changé. En déduirions-nous que les textes de ce disque s’inscrivent dans le large mouvement de revendications féministes ?

    Mal recousue comme la bouche : non ce n’est pas chanté, c’est lu, récité, une voix posée, ce n’est pas qu’elle soit sûre d’elle, c’est qu’elle raconte, le Péchin, se débrouille bien, il ne suit pas le texte, il s’en éloigne, juste pour dessiner le drame, l’accompagner, garde bien ses doigts sur ses cordes, ne pas les faire traîner sur le corps de la danseuse, car elle danse, elle raconte, elle parle d’elle-même, de ses quatorze ans et de bien d’autres choses, de la blessure qui trente ans après dure encore et qui sera encore-là dans trente ans, une scène comme tant d’autres, que tout le monde a connue, chacun sur un côté de la blessure, sur une rive une fille et sur l’autre un gars, la ronde du flirt, de la première fois, cent fois répétées au cours de l’existence et toujours la même saignée, la même coupure, l’innocence suintante perdue qui revient à chaque fois, comme une envie de vomir, une libération et un enfermement en soi-même dans le dégoût de l’autre et le désir et la peur de soi. Une des filles qui vit dans mon corps : top départ, attention c’est parti, elle parle plus vite que le son du starter, Péchin fait du bruit, trop de hâte pour faire de la musique, c’est un corps à corps avec soi-même, car peut-être que toutes ces filles au-dedans de moi ne sont que moi seule, pépé Hugo peut aller se rhabiller, ce qui est sûr c’est qu’une fois l’on a été meilleure, bien plus qu’avant, bien plus qu’après, que c’est cette fois-là que l’on voudrait être et avoir été chaque fois, notre moi est-il si morcelé, si déchiré en petits morceaux que l’on voudrait éparpiller afin de ne plus être nos propres ratages, peut-être vaudrait-il mieux se tuer. Avec un pistolet en plastique. Sans retour ni écho : Péchin oragique, une fille regarde une fille prisonnière de sa propre solitude, un drame intime, son attitude suffirait à la trahir, tout le monde s’en fout, elle crie, elle n’en finit plus de crier, Péchin tirebouchonne et envoie des balles à blanc, elle ne crie plus, elle n’existe plus, elle est assise là où les autres ne la rejoindront pas. Celle qui regarde note quelques mots sur son cahier, c’est tout ce qu’il restera d’elle, un écho même pas sonore pour reprendre une expression hugolienne. L’insurrection : Péchin se tait, ensuite il envoie des sons discrets, fait un peu de bruit lorsqu’elle annonce la mort de la poésie, Péchin cacophonique, attention ce n’est pas une révolution qui balaie la rue, comme l’écrivit Daniel Giraud, toute révolution se doit d’être intérieure, l’insurrection est un kaos émotionnel, une révolte, l’envie d’envoyer blackbouler cette absence qui sépare en toute occasion et en fin de compte tout être qui n’arrive pas à se séparer de lui-même. Péchin se tait. Le manque est un pays habité : tiens une voix légère, Péchin nous joue une nuit de Chine câline, enfin pas trop, car il n’est pas là et qu’elle essaie de survivre, elle fait semblant, un semblant de colère, le Péchin nous sort un générique de western, elle s’accroche à son rêve perdu, elle essaie de se retrouver auprès d’autres, mais elle sait qu’elle triche, le Péchin nous sort un son de violoncelle funèbre. Que voulez-vous quand il n’y a plus personne à trucider la fin est un peu triste et manque d’action.

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    Muette et nue contre le colosse : Péchin foufroute, qui s’y frotte s’y pique, le monde au-dehors de nous est une montagne que personne ne saurait bouger et qui ne viendra jamais à vous, Péchin vous casserole le drame, même au milieu de la rencontre la montagne est toujours-là, l’amant et l’amante, même dans le stigmate de l’étreinte amoureuse sont séparés par des murailles de pierres infranchissables. Dragon : l’heure est grave, Péchin dramatise, elle parle, elle tire le bilan, elle règle ses comptes, non c’est lui qui cause, il lui reproche d’être ce qu’elle est, la vie étant ce qu’elle n’est pas l’amour se termine, il est temps de se séparer, son amour était comme le souffle dévastateur du dragon, mieux vaut s’éloigner. La fin du monde a déjà eu lieu : Péchin jazzize, elle a tout perdu, elle parle comme un chef de bureau. Qui dresse le constat d’un échec, non pas celui d’un couple, celui de tous les couples, celui de cette humaine solitude qui ne consent qu’à elle-même, Péchin a abandonné le jazz, donne dans l’industriel, production de masse, toutes les existences sont les mêmes, la comédie est terminée, le drame aussi. C’est ainsi. Accidentelle : la voix seule, nue, Péchin n’existe plus, elle s’intéresse à la tasse du réveil, bientôt elle sera terminée, juste un moment, puis partir dans le matin froid, marcher dans la rue mais surtout en soi, prendre le métro, se mêler aux autres et à sa propre solitude. The dream is over. Se retrouver du mauvais côté de la rive. Redevenir soi. Rien que soi. Le rouge est une matière soluble : Péchin carillonne, est-ce un mariage ou un enterrement, l’on y va, toujours là se recroqueviller sur soi-même et dans les images des jours heureux, Péchin larmoie, c’est fini : rien ne la retiendra. N’est-elle pas revenue dans son innocence. Péchin pose quelques points de suspensions interminables. Mais qui finissent par cesser. Car tout ce qui a eu faim, finira.

             Blues au bout de la nuit de l’incomplétude humaine. Pas spécialement féministe. La solitude de tout être humain. L’on n’est pas loin de L’Enfer de Barbusse. Ne le lisez pas si vous broyez du noir. Félicitations à Yan, n’a pas le beau rôle mais l’a su rester dans l’ombre tout en jouant à la perfection son rôle d’accompagnateur. Céline Renoux est émouvante. Une introspection sans équivoque. Fascinante. On l’écouterait dire toute la nuit. C’est d’ailleurs là où elle nous conduit. Mais l’aurore ne se lève pas.

             A franchement parler c’est beaucoup plus poétique que rock’n’roll. Une Eurydice perdue qui retourne aux Enfers toute seule. Comme une grande.

    Damie Chad.

     

    *

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    John Reece fut le bassiste des Shouts.  Son témoignage est captivant. Les Shouts auraient pu rester avec Gene, mais les disciples se doivent de dépasser le maître. Encore faut-il réussir… Les Shouts ne semblent avoir enregistré qu’un unique 45 ours après leur séparation avec Gene. L’ont-ils regretté ? Tout le long de la vidéo, John Reece feuillette un album de photographies de ces deux années qui ont dû illuminer son existence…

    The Gene Vincent Files #13: John Reece of The Shouts, toured and recorded with Gene for 2 years.

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    Voici une photo des Shouts prise derrière la mairie de Birmingham, et c’est tiré d’un des journaux de Birmingham pour prouver que c’était un groupe de Birmingham qui avait choisi pour accompagner Gene Vincent, et la photo dessous c’est nous tous ensemble dans un des vestiaires de Birmingham. Celui-ci c’est Jem (Field) le saxophoniste, Vincent vous le reconnaissez, Eric (Baker) l’organiste, moi-même avec une belle coupe de cheveux, Victor (Clark) le batteur fou, et voici Tim (Bates) qui fut un grand guitariste. Notre agent nous a demandé si nous nous étions intéressés pour une audition auprès de Gene Vincent. Mais il ajouta ‘’ Vous ne pourrez plus jamais travailler avec moi’’ Vous devrez désormais travailler avec Don Arden  qui  était très connu à Londres. Aussi nous avons répondu que ce serait un magnifique tremplin pour nous, d’avoir accès aux studios et tout le reste. Nous y sommes allés et avons eu une audition. Nous avons joué quelques morceaux de notre set et nous avons réussi. Il a dit : ‘’ très bien, c’est bon’’. Nous avons eu quelques répétitions avec Gene. Nous avons signé  tout de suite pour faire très vite quelques répétitions avec Gene. Il a loué un véritable cinéma  pour répéter, ainsi il pourrait entendre le son sur une scène

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    installée  en un  espace plein de monde où il pourrait se faire une idée de ce à quoi ressemblerait le son avec les Shouts. Ainsi nous avons répété durant plusieurs semaines à Londres. Nous sommes restés à Londres et nous avons répété avec Gene en prévision de gros shows avec Duane Eddy and The Rebels (?) et d’autres gars de cet acabit,  il était impératif d’être à la hauteur sur tous les plans. Voici une photo

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    qui a été prise dans un club en banlieue sud, un de mes amis qui jouait dans un groupe l’a aperçue  punaisée sur le mur du club, il a demandé au gérant s’il pouvait la prendre et il me l’a ramenée. A cette époque je pensais qu’il n’existait qu’une photographie de ce concert mais j’ai découvert récemment un photographe qui possède le négatif. Donc ce n’était pas la seule photographie de cette soirée.  Il doit y en avoir tout un tas. / Oui, j’étais un grand fan de Gene Vincent depuis mes quatorze ans, quelque temps avant que je ne quitte l’école. J’avais entendu quelques disques de Buddy Holly et de la plupart des gars importants de l’époque, mais Gene Vincent c’était quelque chose qui m’a harponné, je pense que c’était surtout le son des Blue Caps. J’ai aimé ce son et je suis devenu fou de cette musique et partout où j’allais j’ai pris l’habitude de collectionner les disques ou de dénicher quelques informations sur Gene et j’ai récupéré ces LP originaux que je possède encore aujourd’hui. Ils ne sont plus en très bon état, mais je les garde encore. J’ai donc récupéré tout un tas d’informations sur Gene.  J’étais un très gros fan. Jamais en 1963 j’aurais cru, ce devait être cinq ans après que j’ai quitté l’école, que je rejoindrais Gene. C’est inexplicable, c’est un peu comme un rêve qui  deviendrait réalité. J’étais vraiment en train de jouer avec cet homme, qu’il soit vraiment là, j’avais l’impression de m’être blessé au dos et aux cordes vocales.  J’adorais d’entendre les chœurs des Blue Caps, j’adorais les Blue Caps qui restent son meilleur groupe. Et ses premiers enregistrements, il n’y a aucun doute là -dessus. N’importe qui qui entende cela, tout le monde ne peut qu’agréer à ce boulot, ce premier boulot avec les Blue Caps, c’est le summum. Vous ne pouvez surpasser ce truc. / Bon voici quelque unes des premières

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    photos avec Gene, en tournée. Il est très intéressant sur ces photos c’est de voir, une jeune dame là, Jackie Frisco, qui était sa petite amie, qu’il a fini par épouser,  je pense qu’il est resté jusqu’à la fin avec Jackie. Gene nous a demandé si Jackie pouvait chanter avec nous. Ainsi nous avons fait quelques titres avec Jackie. C’était vraiment une fille très agréable. Comme vous voyez elle était assez jeune. Voici quelques photos individuelles du groupe. / Non, nous étions sous contrats pour jouer avec Gene. Nous aurions pu accompagner Gene durant dix ans, c’est ainsi que les choses se présentaient.  Gene nous aimait bien et nous nous sentions bien avec  Gene, il a été le seul à nous emmener en studio pour enregistrer un LP avec lui. C’est lui qui nous a poussés à franchir le cap, voyez-vous. Oui nous avons enregistré une suite de quinze, seize morceaux. La plupart d’entre eux sont sur l’album.  Ils ont sorti Private Detective en single, qui me plaisait bien. Ce n’est pas monté jusqu’au top 10 ou top 20, mais ça me plaisait bien. Nous avons fait un Show Granada en 1964. Ça

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    devait être en mars et nous avons fait cela avec Jerry Lee Lewis. Les Animals aussi ont fait une courte apparition qui était vraiment bien. Ils ont fait un morceau qui s’appelait Shout, croyez-le ou pas ! Quoique s’ils ont fait cela pour nous, non je ne le pense pas (il éclate de rire). Voici maintenant des clichés qui ont été pris par un

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    photographe qui nous a suivis au Civic Hall de Wolverampton et nous savions qu’il allait les prendre. Elles sont assez claires, de bonnes photos de nous en train de bosser sur scène avec Gene. Quelques clichés sont découpés sur le journal. Celle-ci est excellente, sur celle-là nous nous produisions au London Auditorium / Lorsque nous sommes venus pour la première fois en France, nous ne savions pas ce qui nous attendait. Et ce qui nous est tombé dessus, c’était phénoménal. C’était comme si nous étions les Beatles parachutés là-bas, parce que Gene avait cinq titres dans le Top ten, C’était joliment merveilleux. Vous vous sentiez comme une star au-dessus de tout. Partout où nous allions nous étions acclamés. Nous jouions et tout ce que vous pouviez entendre c’était du bruit. Vous ne pouviez même pas vous entendre penser, ou jouer, ou tout autre chose, c’était hors de ce monde. Je comprends pourquoi John Lennon a déclaré une fois que le bruit ne s’arrêtait pas, qu’il n’appréciait pas parce que ce n’était pas autre chose que du bruit. Je suis d’accord car si vous ne pouvez pas entendre la musique, vous pouvez porter ce jugement  sévère en fin de compte, mais c’est tellement bon pour votre égo ! En Europe de fut très différent qu’en

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    Angleterre, nous étions comme les Beatles et c’était super bon. J’ai réellement apprécié cette tournée, et nous avons tiré un maximum de publicité et quand nous sommes revenus en Angleterre, nous étions en extase. De retour en Angleterre, ce fut différent, la donne avait changé, car de nouveaux groupes survenaient, et vous vous retrouviez à jouer dans des salles de bal ou sur  des scènes du même genre, ce n’était pas vraiment la même ferveur que ce que nous avions connue en France car Gene n’atteignait pas en Angleterre au même niveau de popularité qui était le sien en France. / Là sur la gauche, la photo en haut, est un cliché du Granada Show que nous avons fait avec Gene. Comme vous pouvez le voir, il y a une haie de motos derrière sur le plateau. Mods and rockers le cul posé sur leurs motos et tout le cirque ! Ce fut un grand show. Ainsi vous pouvez voir que nous avons surtout effectué toute une saison d’été au Pavillon près de la Jetée Nord  de Blackpool. Gene jouait dans une ville un jour et la fois suivante dans une autre ville un autre jour. Mais à cette époque nous jouions pratiquement tous les dimanches à Blackpool ce qui était parfait. J’aime l’aventure et c’était vraiment bien tous ces différents types de publics. Gene aimait cela. / Don Arden  vous le savez avait une réputation de gangster. Il était petit, il avait un tabouret, et il avait un bureau. Gene avait, d’aussi loin que je me

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    souvienne, des hauts et des bas dans ses relations avec Don car Don ne payait pas les salaires ou disparaissait le jour où il était supposé le faire. Chacun devait se rendre au bureau attendre et s’asseoir sur son derrière sur la moquette pour voir Don et dire : ‘’ Te rappelles-tu que tu dois de temps en temps me payer ? Parmi toutes les personnes, le plus souvent vous trouviez the Nashville Teens en train d’attendre Don Arden, et nous-mêmes. Donc nous étions-là assis sur la moquette pour voir Don qui nous laissait attendre pendant assez longtemps pour nous payer. Les relations de Gene étaient à peu près similaires mais il ne s’asseyait pas sur la moquette. Je pense qu’il envoyait son manager récupérer un chèque de temps en temps. Toutefois je ne pense pas que c’était vraiment tendu entre eux. C’était sa façon d’agir. Je veux dire, je sais que Gene avait une réputation, j'en étais plus ou moins conscient quand nous l'avons rejoint, parce qu'il circulait beaucoup d'informations dans les journaux sur Gene, les armes et Dieu sait quoi. Je pense que tout cela s’est tassé un peu quand bien sûr Jackie Frisco est arrivée, elle a beaucoup contribué à apaiser Gene. Et pourquoi vous et The Shouts avez-vous arrêté de l’accompagner ? Nous voulions voler de nos propres ailes, car nous avons réalisé à l'époque, comme vous  vous vous en doutez : il y avait les Beatles, les Searchers et tous les grands groupes, les Rolling

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    Stones et The Shouts. C'était surtout Gene Vincent and The Shouts, et cet état de fait n’aurait jamais cessé à moins que nous prenions la décision de nous séparer de Gene. Nous voulions produire nos propres trucs, et produire ce dont nous nous sentions capables. Aussi avons-nous décidé de prendre notre envol. Nous avons enregistré et sorti She was my baby, un vieux titre de Jerry Lee Lewis sur React Records. Nous sommes restés un groupe stable auprès de Gene. Nous sommes restés une bonne période avec Gene. Je crois vraiment qu’il était heureux de pouvoir compter sur un groupe stable autour de lui. Ainsi il n’avait pas besoin de répéter avec un nouveau groupe, tous les six mois environ, après quoi un nouveau groupe arrivait. Il avait un

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    groupe stable, il nous a lancés, grâce à lui nous avons eu accès aux studios, l’on a participé à des spectacles télévisés, il nous a emmenés en tournée en Europe. On a réalisé tout ça grâce à Gene. Il a pu profiter durant deux ans d’une belle période de stabilité. Je pense que c’était ce que Gene désirait. Il a eu, je pense, l’impression de revivre ses années avec les Blue Caps. Bien qu’il soit impossible de nous comparer aux Blue Caps. Evidemment les Blue Caps sont au-dessus de tout ! Regardez ici, vous n’apercevrez pas grand-chose, l’écriture est toute pâle, il a écrit : ‘’ C’était un plaisir de travailler avec vous’’. C’est Gene qui a  écrit cela juste avant que nous rentrions chez nous.

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    Transcription : Damie Chad.

     Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos

     

     

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    Souvent je termine mes maladroites traductions relatives aux artistes qui ont travaillé avec Gene Vincent par quelques lignes sur un personnage dont le nom apparaît durant l’entretien. Voire un document iconographique sur un lieu nommé dans l’interview. Comme par exemple de mettre une magnifique photo couleur d’une des trois jetées de Blackpool. Je voulais aussi donc dire trois mots sur Jackie Frisco. Mais j’ai trouvé beaucoup mieux.

    WHEN YOU ASK  ABOUT…

    JACKIE FRISCO

    (Rave / 1962)

    Jackie Frisco est née en 1946 en Angleterre. Un an après sa naissance ses parents s’installent en Afrique du Sud. Sa sœur Christina se marie avec Mickie Most le célèbre producteur anglais à qui le rock britannique doit beaucoup. Most décide de faire fortune au pays de son épouse, il fonde Mickie Most and the Playboy. Onze fois numéro 1, il retourne tout de même en Angleterre. Non seulement il a senti d’où viendrait le vent mais il a réfléchi à la manière de le chevaucher. Chanteur c’est bien : producteur c’est mieux. D’abord producteur chez Columbia, il fonde RAK sa compagnie de disques, mais il ne se contentera pas d’enregistrer des artistes, il produit hit sur hit en prenant bien soin de rester propriétaire de ses enregistrements… Autour de lui gravitent les Animals, Jeff Beck, Jimmy Page et  Peter Grant… Il n’en n’oublie pas pour autant l’Afrique du Sud, Rave sera un sous-label de RAK, il enregistrera la petite sœur de Christina, la toute jeune Jacqueline qui par un tour de baguette magique deviendra Jackie Frisco… En 1961,   en tournée en Afrique du Sud Gene rencontre lors d’une soirée Jackie. Qui le rejoindra à Londres en 1964… Durant six ans elle restera avec Gene dont elle sut prendre soin.

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    (en France)

    Ils finirent par se séparer  sans divorcer… Dernières nouvelles ? Etant devenue très pieuse elle aurait tiré un trait sur sa vie d’épouse d’un rocker sulfureux, et se serait opposée, voici plus de dix ans, puisqu’elle en est légalement la ‘’ propriétaire’’, à des fans français qui auraient voulu restaurer la tombe de Gene…

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    When you ask about love : une voix de gamine, la première écoute est un peu pénible, mais quand on insiste, un charme discret opère, ce qui est étrange c’est cette espèce de dissociation entre la piste musicale et la bande vocale, cette dernière ne possède que la voix pour se défendre alors que l’on a l’impression que l’orchestration a toujours un petit truc en plus à proposer  pour monopoliser l’attention  par exemple trois secondes de saxophone et une espèce de piano dulcimérique qui se livre à d’habiles gymnastiques. Rocking horse : petit trot de poney gentillet, la cavalière saute bien les barres, pas plus de trente centimètres, sur le solo la guitare l’imite gentiment. Vous ne pouvez que féliciter la jeune cavalière de son parcours sans faute. Mais sans éclat. Young love : une reprise de Ric Cartey, jeune ‘’rocker’’ d’Atlanta, soyons franc l’interprétation de notre artiste est supérieure à l’original, ce qui n’est pas très difficile, Ric brame comme un cerf sans rut, et Jachie nous fait le coup de la petite fille innocente qui chante une chanson de ‘’grand’’ dont elle n’entrevoit pas tout à fait le sens. You can’t catch me : une simple guitare prédominante, la petite souris fait tout ce qu’elle peut pour attirer le matou mais elle n’est pas assez aguicheuse, l’on ne sent pas l’envie mutine de se faire prendre. Shooldays : virage rock’n’roll, la jeune élève aurait beaucoup à apprendre du vieux Chuck Berry, le guitariste beaucoup plus, l’ensemble reste rudimentaire, étrangement Jackie ne s’en sort pas trop mal. Endless Sleep : la version originale de Jody Reynolds nous a toujours paru supérieure celle de Marty Wilde, devant la charge mélodramatique du morceau la petite Jackie se doit de chanter comme une grande fille. La réussite n’est pas parfaite, surtout sur la fin, mais elle se débrouille pour ne pas être ridicule. Wait a minute : s’il n’y avait pas ces choeurs masculins de cha-cha-cha   d’une ringardise absolue qui perturbent dangereusement l’écoute, ce serait parfait, une instrumentation cavalcade, quant à Jackie elle caracole par-dessus comme une écuyère confirmée. Marty : une voix un tantinet plus alanguie que sur le morceau  précédent, mais la demoiselle maîtrise de plus en plus son sujet, elle donne l’impression de prendre de plus en plus d’assurance quand on avance dans le disque.

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     Lucille : n’a peur de rien, Marty rappelait Buddy Holly et nous voici avec Little Richard, pas question pour elle de screamer, alors elle prend sa petite voix de grande fille responsable, grandement aidée par l’organiste certes, mais elle tire son épingle du jeu avec une étonnante habileté. My dady told me : avec un tel titre l’on redoute le pire, Jackie se tire fort bien de son jeu (pas si) petite fille innocente. Elle vous roule le paternel dans la farine, et l’est assez satisfait de comprendre qu’elle n’est pas aussi niaise qu’il le craignait. I like summer : un petit slow pétillant qui ne crèvera pas de bulle à Wall Street, pas très long mais Jackie va jusqu’au bout. Beaucoup auraient abandonné entre temps ! I’m walking : notre sauterelle n’est pas de taille à se métamorphoser en gros matou débonnaire, c’est en l’entendant que l’on prend conscience de l’art de Fats Domino qui avec sa fausse indolence de renard rusé vous retourne une ritournelle dans la poêle à frire de son vocal pour la transformer en confiture ambroisique.  This little light of mine : elle se débrouille bien mieux sur ce titre de Ray Charles, deux noirs à la suite en Afrique du Sud ne serait-ce pas un peu trop, notre fine mouche a compris le truc, aucune chance de se mesurer avec le maître, alors elle trouve la parade, la seule possible : elle fait du Jackie Frisco. Mine de rien elle crée son propre style. When : la reprise, à elle toute seule, des Kalin  Twins, quelque peu impersonnelle parmi toute celles qui l’ont précédée et suivie...

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    Ce n’est pas le microsillon du siècle mais cela permet de cerner davantage la personnalité de Jackie Frisco et de mieux comprendre ce qui par son expérience de chanteuse a pu la rapprocher de Gene.

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    Deux titres qui se trouvent sur deux simples Decca sortis en 1963 : Sugar Baby : pas mal du tout, bien chanté  mais l’orchestration un peu trop vieillotte. He’s so near : manque un producteur aux idées claires, c’est dommage.

    Je n’ai pas trouvé d’enregistrement de Jackie Frisco en tant que chanteuse du Peter Chester Combo avec lequel elle apparut sur scène en 1962 /63 lors de prestations scéniques en Angleterre. Peter Combo fut batteur du groupe Five Chesternuts dans lequel un certain Hank Marvin tenait la guitare.

    Damie Chad.