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  • CHRONIQUES DE POURPRE 717: KR'TNT ! 717 : BOBBY WOMACK / BLACK REBEL MOTORCYCLE CLUB / TOM WILSON / AL WILSON / RAMONES / RODOLPHE / LIGNUM MORTIS / SHADOWS TALLER THAN SOULS

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 717

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR’TNT KR’TNT

    01 / 01 / 2026

     

     

     BOBBY WOMACK  

    BLACK REBEL MOTORCYCLE CLUB

    TOM WILSON / AL WILSON / RAMONES

    RODOLPHE / LIGNUM MORTIS

    SHADOWS TALLER THAN SOULS

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 717

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

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    Wizards & True Stars

    - Womack the knife

    (Part Two)

     

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             Il se pourrait bien que Bobby Womack soit l’un des personnages les plus centraux de l’histoire de la musique américaine. Par central, il faut entendre qu’il est au centre d’une galaxie d’autres personnages centraux. Il est aussi central que le fut Nico dont la galaxie comprenait Dylan, Lou Reed, Calimero, Andy Warhol, Jimbo, Brian Jones, Iggy Pop, Fellini, Philippe Garrel, Delon et John Cooper Clarke. Celle du p’tit Bobby comprend Sam Cooke, Pops Staples, James Brown, Jimi Hendrix, Ray Charles, Chips Moman, Janis Joplin, Wilson Pickett, Ike Turner, Jim Ford, Sly Stone, Ronnie Wood et donc les Stones. Il détaille tout ça dans son autobio : My Story 1977-2014. Le p’tit Bobby est donc un personnage considérable.

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             Nous n’allons pas revenir sur ses albums. Lorsqu’en juin 2014, le p’tit Bobby a cassé sa pipe en bois, nous lui avons rendu un p’tit hommage ici-même en déroulant l’habituelle revue critique de sa looooongue discographie. Ça peut avoir un côté gnan-gnan, et bien sûr, chaque fois on se pose la question : faut-il vraiment le faire ? Comme toujours, la réponse est dans la question. Comment peut-on oser évoquer un artiste de ce calibre sans rechercher une forme d’exhaustivité ? L’œuvre cache parfois sa grandeur dans la longueur. On l’a découvert en lisant certains de ceux qu’on appelle aujourd’hui les ‘auteurs classiques’. Le p’tit Bobby est un auteur classique. Il faut le ranger dans l’étagère à côté de Balzac et de Maupassant. Son œuvre est celle d’une vie. Sa p’tite autobio éclaire bien cette vie passionnante.

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             Pour la p’tite histoire : on avait ramassé ce p’tit book chez Smith, rue de Rivoli, en 2015, comme l’indique l’étiquette qui est encore collée au dos. Dix ans plus tard, on le sort de la pile, parce qu’on décide qu’il devient soudain plus prioritaire que les autres. Et comme il n’est pas lié à l’actu, sa lecture est plus pépère. On s’invente des compromis, on négocie du temps au temps - Chronos, donne-moi huit jours ! - Par contre, on ne sait pas si Chronos nous donnera le temps de lire toute la pile. Car il en arrive toujours d’autres - Des p’tits books, des p’tits books, toujours des p’tits books, sur l’air du Poinçonneur Des Lilas - L’avantage c’est que ça occupe. Pendant qu’on lit pour devenir liseron, on ne fait pas de conneries.

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             En plus d’être au centre d’une galaxie de superstars, le p’tit Bobby est un fabuleux romancier. Pour la p’tite histoire : peu de temps après que son protecteur Sam Cooke se soit fait dessouder, le p’tit Bobby a épousé sa veuve Barbara, ce qui l’a mis au ban de la société. Et puis quand le p’tit Bobby s’est mis à sauter en douce Linda, la fille de Barbara, les choses ont mal tourné. Et c’est là où le p’tit Bobby a de la veine : comme Barbara est arrivée avec un calibre pour le buter, le p’tit Bobby démarre son prologue avec cet épisode - My wife was packing a .32 pistol. It was the first thing I saw - C’est pas donné à tout le monde de se faire canarder par sa femme. Et puis voilà Linda qui accourt pour demander à sa mère d’épargner le p’tit Bobby, et elle répond : «I’m not gonna shoot the bastard, I’m gonna kill him.» Finalement, elle tire dans la porte du garage, elle ne le bute pas, c’est pourquoi on peut lire ce p’tit book. Le p’tit Bobby se raconte planqué dans le garage, en calbut, car il sort du lit de Linda. Il est terrorisé - I was scared shitless. I had done something wrong, terribly wrong - Il ajoute qu’il avait laissé sa queue lui dicter sa conduite, «but dick has no concience», comme nous le savons tous, et comme le raconte Aragon dans Les Aventures De Jean-Foutre La Bite

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             À la fin de ce prologue qu’on croirait rédigé par un professionnel du thriller, le p’tit Bobby fait un premier bilan : son mentor Sam Cooke est mort, Barbara sa veuve, vient d’essayer de la buter, Linda qu’il aime va épouser le frère du p’tit Bobby et n’adressera plus jamais la parole à sa mère - That was all really fucked up. And it wasn’t about to get better - Nous voilà donc tous plongés dans un p’tit book captivant.

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             Tu veux de l’Americana ? Lis ce p’tit book. Le p’tit Bobby évoque l’autre Americana, celle du peuple noir - I was born in a ghetto. This particular ghetto was in Cleveland, Ohio. The neighbourhood was so ghetto that we didn’t bother the rats and they didn’t bother us - C’est pas loin de Dickens. Son père s’appelle Friendly, il a 7 frères et 8 sœurs. Sa mère a 8 frères et 7 sœurs - It was a big family - Mom a 13 ans quand elle épouse Friendly qui en a 19. L’Americana, c’est surtout ça. La mère du p’tit Bobby met 5 baby boys au monde et chaque fois, elle pleure, car elle voudrait une fille. Mais elle n’en aura pas. Le p’tit Bobby est le troisième, on le baptise Robert Dwayne, Bobby for short. Bobby a une santé fragile - My mother said I was real weak, and every couple of months I came close to checking out - Tous ses frères ont des surnoms : l’aîné, c’est Jim, puis The Colonel, puis Bobby, puis Goat, mais il ne sait pas pourquoi on l’appelle Goat, puis Cecil, or Cornflakes, parce que ses mains pelaient «and to us that looked just like cereal». Toutes ces pages s’avalent d’un trait, car le p’tit Bobby est fabuleux styliste. Il s’exprime dans sa vraie langue, qui est le black slang, and Gawd, il faut voir comme ça sonne. Un autre exemple : «Chicken was the dish most blacks ate. It was wolfed down with watermelon.» Mais il explique que la viande du poulet est réservée pour l’église, les pauvres ne récupèrent que le cou, le croupion et les pattes «with the talons still on them. My mom would fry up those claws real good for dinner». Et puis bien sûr, le p’tit Bobby évoque les blancs. Son père met les cinq frères en garde contre les blancs : «Never look away when you’re passing white folk; that’s when they will hit you.» Le p’tit Bobby se souvient aussi d’épisode étranges, comme le simple fait d’entrer dans une boutique ou un ascenseur «and hear some little white kid ask, ‘Mom, is that a nigger over here?’» Le p’tit Bobby comprend que les blancs sont dangereux, et que les blacks n’ont pas d’autre choix que de devenir athlètes ou musiciens. Sinon, ils restent coincés toute leur vie dans leur quartier. Americana toujours : le p’tit Bobby récupère une gratte. Il manque une corde, mais il gratte de l’André Segovia, de l’Elmore James et du BB King. Il sait tout jouer à l’oreille, classical music, Soul, country & western, and rock’n’roll - I played my ass off.

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    Bobby à la guitare, orchestre de Ray Charles (1966)

             Le style ! Le p’tit Bobby en a. Quand il évoque le draft, au moment de la guerre du Vietnam, il balance ça : «I didn’t want anything to do with Wietnam. I thought I’d gone through enough shit just to end up in a lousy war trying to dodge a bullet.» Au moment où il se fait virer par Ray Charles, il résume ainsi : «I was canned by Ray en 1967. Jobless and potless again. Fuck. I was going nowhere as a solo artist.» Son rapport à l’argent fait partie de l’héritage du ghetto : «It was the same mentality with banks. Didn’t trust them. None of us did. I was probably in my mid-twenties before I had my own bank account. I used to keep my money in my shoe.» Et quand il devient riche et célèbre, voici comment il se décrit : «So I went shopping. Washed the car - my little white two-seater Merc, not the Rolls - and off I went  for a spin. I drove down Sunset Boulevard, just cruising, sat in that little sports car with my big old medaillon on and a cowboy hat. I looked good, I thought. Il also thought, ‘Fuck this shit, I don’t need a motherfucking wife, I need a drink.» Americana toujours.

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    Curtis Amy = Curtis Aimey

             Un jour, le p’tit Billy se retrouve au plumard avec une gonzesse tellement grosse que personne ne veut la baiser. Il se dévoue et raconte ça dans le détail. Si tu veux mourir de rire, c’est là  : «We got started, but it was pretty rough going. Betty was just so big. Man, every time I thought I had it in there, she told me I’d just found a roll of fat. There was just no much flesh, it was terrible.» Il raconte ailleurs qu’en tournée avec Ray Charles, il partage sa chambre d’hôtel avec le saxophoniste Curtis Aimey. Curtis a besoin de dormir la fenêtre ouverte, même en plein hiver - He’d push it open, snow would fly in the hotel room and I’d close it. He’d push it open again - it could be a blowing blizzard - and I would close it again. He said he couldn’t breathe. I said I couldn’t sleep, not with the gale blowing through the room - C’est presque du Charlie Chaplin.

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             Le p’tit Bobby découvre les Soul Stirrers à l’âge de 9 ans - They would change my life around - Et pouf, il embraye sur «the good looking» Sam Cooke - Sam was about 165 pounds, real slim, about  five foot ten, maybe a little more. (70 kilos et 1,70 m) He looked cool, wore sharp outfits. Always neat. Always. He didn’t need a suit to look smart - Né à Clarksdale, Sam a 13 ans de plus que le p’tit Bobby. Ce fils de prêcheur a grandi à Chicago - Cooke and the Soul Stirrers got on something called the gospel highway. Now this was showbiz, man - Le p’tit Bobby et ses frères font un gospel band, the Womack Brothers et ils ouvrent pour Sam on the gospel highway. C’est le père Womack  qui manage les Womack Brothers, mais il bosse à l’ancienne, à l’opposé de Pops Staples qui regarde vers le futur. Quand le p’tit Bobby dit à son père qu’il veut jouer du boogie-wwogie, son père le roue de coups - I’m going to boogie your woogie!

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             Le p’tit Bobby croise aussi les fantastiques Five Blind Boys Of Alabama d’Archie Brownlee. Quand les Blind Boys débarquent à Cleveland, ils font savoir qu’ils cherchent un guitariste et le p’tit Bobby va gratter ses poux pour eux. Il n’a que 13 ans.

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             Sam Cooke et son manager JW Alexander créent leur label, SAR (les initiales de Sam & Alex Records). Ils signent l’ex-Soul Stirrer Johnnie Taylor, Johnny Morrisette et the Sim Twins. Ils veulent aussi le groupe du p’tit Bobby. Sam lui explique en outre que le gospel va passer de mode et qu’il faut évoluer - I want you to write something with crossover appeal - C’est JW qui conseille aux Womack Brothers de changer de nom et de s’appeler The Valentinos. Ils remplacent ‘God’ dans les cuts par ‘girl’. Puis le p’tit Bobby découvre la réalité du music biz - The whole business was about screwing, c’est-à-dire se faire enculer - Alors il préfère la méthode soft de Sam, avec de la graisse, plutôt que la méthode dure, avec du sable - Or get screwed with sand. That was  painful - Le p’tit Bobby sait dire les choses.

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             Et hop, c’est parti pour les Valentinos. Ils ont besoin d’une vraie formation professionnelle, alors Sam les envoie tourner avec James Brown. Pas de meilleur prof. Le p’tit Bobby sait que Sam et James Brown se respectaient, mais il savait aussi que Sam voyait James Brown  comme un «arrogant motherfucker, a real rough ghetto kid.» C’était réciproque. Plus tard, James Brown dira au p’tit Bobby qu’il était jaloux de Sam, parce qu’il était beau et grand, alors que lui, James Brown, ne l’était pas. Ça se passe en 1962 ! Bien avant la bataille. James Brown est déjà un big performer. On trouve aussi à l’affiche de la tournée Solomon Burke et Freddie King. James Brown donne cinq concerts par jour. Le p’tit Bobby raconte aussi que Solomon Burke cuisine dans sa chambre d’hôtel et qu’il a toujours de la bouffe à vendre, du popcorn, du poulet ou des burgers. Il voyage avec ses ustensiles de cuisine. Plutôt que d’aller bouffer au resto, les musiciens vont dans sa chambre, car Solomon casse les prix. Il monte tout seul sur scène avec son ukulele - He didn’t have no band, but he sure as hell knew how to work a house. He could fill the hall with his voice, didn’t need no microphones - Dans les pattes du p’tit Bobby, les portraits prennent des proportions considérables !

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             James Brown leur apprend tout - You had to earn his respect to be in his army - Grâce à lui, les Valentinos apprennent to «kill the house». Et le p’tit Bobby ajoute : «I learned perfection from him.» Et ça encore : «He tried to teach us some stagecraft because we had none.» Pour un débutant, James Brown est la meilleure école. C’est un bel hommage que lui rend le p’tit Bobby.

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             Paru en 1964, le quatrième single des Valentinos est le fameux «It’s All Over Now». Mais ce sont les autres qui vont se faire du blé avec. Andrew Loog Oldham rencontre JW Alexander pour acheter le cut, et ce sont les Rolling Stones qui vont cartonner avec. Le p’tit Bobby se fend bien la gueule car il apprend que les Stones se construisent une image de bad guys en pissant contre une porte de garage, puis ils veulent se taper «a slice of blue-collar R&B and they went to Sam to get it.» Sam dit au p’tit Bobby que les Sones n’ont aucun talent, que leur chanteur ne sait pas chanter et qu’ils jouent out of key, «but there ain’t nobody like them.»  

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             On retrouve leur cover d’«It’s All Over Now» enregistrée chez Chess sur 12x5. Et ce fut leur premier number one en Angleterre. Merci p’tit Bobby ! Mais il est furieux, jusqu’au moment où il touche un premier chèque de royalties. Alors il ferme sa gueule. Il essaiera par la suite de leur refourguer d’autres cuts, car il trouve ça rudement rentable.

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             En 1962, le p’tit Bobby qui n’a que 18 ans devient le guitariste de Sam. C’est lui qui gratte ses poux sur «Twisting The Night Away». Sam fait maintenant du rock’n’roll. Le p’tit Bobby raconte aussi qu’en tournée, la première chose que fait Sam lorsqu’il arrive en ville, c’est de chercher une librairie. Il incite aussi le p’tit Bobby à lire. Comme il est encore très jeune, tout le monde le charrie. Il n’a pas vraiment accès aux gonzesses. Sam lui dit de se laisser pousser une moustache. Il lui conseille aussi de boire un ou deux martinis, mais pas trop, et de fumer une clope au bar. Chaque soir, le p’tit Bobby voit Sam entouré de gonzesses - I’d watch him pull chicks any night, all night - Mais le plus important reste la musique - Sam liked my unorthodox style - Sam trouve que son protégé joue avec the spirit, «you don’t play with no music». Effectivement, le p’tit Bobby n’a aucune formation et il ne sait pas lire une partition. Tout à l’oreille. Et Sam en rajoute une louche : «The way you play, it makes me sing.» Le p’tit Bobby voit Sam comme son big brother. En 1963, Sam part en tournée dans le Sud, avec une belle affiche : Johnny Thunder (sic), The Crystals, Dionne Warwick and Solomon Burke. Il y a le Greyhound bus, et trois bagnoles, une Jaguar, une Cadillac et un van, for himself and the headliners.

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             Et puis un jour, Sam fait écouter au p’tit Bobby une chanson tout juste enregistrée : «A Change Is Gonna Come». Il veut son opinion - What do you think? - Et le p’tit Bobby répond : «It sounds like death.» - That’s what I had been thinking. Yeah death - Sam ne s’attendait pas à ça. Alors le p’tit Bobby lui explique que la chanson lui donne des frissons - It gives me the chills, Sam - Alors Sam lui dit qu’il a lui aussi la trouille de cette chanson - That’s why the fucker will never come out, Bobby. I’m scared of that song - Et il précise : «Pas de mon vivant.» Pour le p’tit Bobby, c’est une rude expérience, l’une de plus rudes de sa vie. Puis il explique que Sam avait été bluffé par le «Blowing In The Wind» de Bob Dylan et qu’il voulait apporter the black man’s response. Il a enregistré «A Change Is Gonna Come» en décembre 1963. Le p’tit Bobby n’était pas au courant, car il n’y a pas de guitare sur ce cut, seulement des violons - And the death walk thing that was a drum. That was Earl Palmer. And Sam was singing his ass off.   

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    Sam Cooke in Rock Dreams par Guy Pellaert

             Et puis un jour Sam fait venir le p’tit Bobby chez lui pour lui expliquer qu’il va arrêter les tournées, parce qu’il perd de l’argent. Donc il n’a plus besoin de guitariste. Viré ! Et en décembre 1964, Sam se fait descendre dans un motel. RCA sort «A Change Is Gonna Come» deux semaines plus tard. Le p’tit Bobby ne s’était pas trompé : il avait eu une prémonition.         

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    Et puis voilà la magie des tournées de l’époque. Le p’tit Bobby raconte que quelque part en 1964, les Valentinos se retrouvent à Atlanta, Georgie, avec Sam, Jackie Wilson, BB King et un mec nommé Gorgeous George Odell - Gorgeous was some kind of character - Et puis il ajoute : «Odell had got himself a young guitarist named Jimi Hendrix.» Tout ce que le p’tit Bobby sait de Jimi, c’est qu’il vient de se faire virer des Isley Brothers. Dans le bus de tournée, Jimi n’arrête pas de gratter sa gratte et le p’tit Bobby n’en peut plus : «‘Just put that fucking goddamn guitar down for an hour, half an hour? Fifteen minutes, Jimi, please?’ But he never stopped. It just went on, ching ting ting.» Comme le p’tit Bobby, Jimi est gaucher. Mais à la différence de Jimi qui inverse ses cordes, le p’tit Bobby n’inverse pas les siennes et Jimi lui dit : «You’re worse than me! Your shit is fucked up!». Ils s’échangent des licks au fond du bus - That’s how we became friends - Il ajoute ça qui éclaire bien la scène : «We were both unique players, but our styles were so different.» Jimi gratte une Strato et le p’tit Bobby gratte «the Cadillac of guitars, a big Gibson L-5 hollow body, or sometimes a Gretsch.» Jimi lui avoue qu’il a du mal à trouver sa place : «The whites don’t want me ‘cos they feel I’m imitating them and the blacks don’t want me because they say I am a misfit. I’m between a rock and a hard place.» Le p’tit Bobby raconte aussi que Gorgeous George lui a filé une gratte, l’une des premières grattes de Jimi, mais le manche était cassé et avait été réparé avec des clous. Jimi l’avait cassée sur scène et Gorgeous George l’avait réparée avec des clous pour que Jimi puisse jouer le lendemain soir.

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             Le p’tit Bobby raconte aussi dans le détail la façon dont Barbara Cooke lui a mis le grappin dessus, aussitôt après la disparition de Sam. Le p’tit Bobby raconte qu’elle lui fout la trouille, mais elle le veut et elle l’aura. Elle va même l’épouser et l’entretenir. Elle a dix ans de plus que lui. Elle lui ouvre les placards de Sam : des dizaines de costards ! Deux ou trois mois après les funérailles, elle épouse le p’tit Bobby qui a tout juste 21 ans - That’s when the problems started - Il la voit se lever chaque matin à 6 heures, avaler un café avec du brandy et poser 50 $ sur la table de chevet, l’argent de poche du p’tit Bobby. Ça tombe bien, le p’tit Bobby n’a pas un rond, alors il peut s’acheter des carambars et des malabars.

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             C’est en 1965 que Ray Charles fait appel à lui. Il vient de monter un nouveau backing band, et comme il vient d’arrêter l’hero, il veut des musiciens clean. Mais il va y avoir un sacré problème : Ray Charles veut piloter son avion. Et il le pilote ! Il avait déjà conduit sa Cadillac et cogné des poubelles et des voitures en stationnement. Mais l’avion, c’est autre chose. Le p’tit Bobby est terrorisé. Il demande à Ray pourquoi il croit qu’il peut piloter un avion, et Ray lui répond : «Because it’s mine». Il avait déjà fait une tentative et cassé son avion en deux à Miami. Alors le p’tit Bobby décide de quitter l’orchestre. Pas question pour lui de monter dans l’avion de Ray. L’autre raison, c’est qu’il ne veut plus partager de chambre avec Curtis Aimey qui ouvre la fenêtre en grand, même en plein hiver - I’m freezing to death most nights and I got a blind man flying the plane. 

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    Chips Moman

             Il sera resté deux ans dans l’orchestre de Ray Charles. En 1967, Wilson Pickett lui dit d’aller à Memphis : «Bobby, there are some white boys down there; if you closed your eyes, you could not tell they weren’t black. Those fuckers can play.» Et le p’tit Bobby ajoute : «Those fuckers were playing at a place called American Sounds.» Et là, on re-rentre dans la mythologie. Il va chez Chips parce que Stax, c’est trop «locked-up». Chez Chips, chest beaucoup mieux, «it was a funky old hole in the wall in a real bad section of town. (...) It had a vibe, il all worked. I headed there.» Alors il demande à Chips s’il peut gratter ses poux chez lui : «I’m good», I told Chips. Et Chips lui répond : «That’s great ‘cos we got Aretha coming through and then Wilson Pickett the following week.» Le p’tit Bobby est au paradis : «I played on everything. I mean every-fucking-thing that came into town. Aretha Franklin, Jackie Wilson, Joe Tex, Joe Simon, King Curtis and Dusty Springfield when she was recording Dusty In Memphis.» Il est fier d’avoir gratté ses poux pour Aretha : «I worked on Aretha Franklin’s session for the album Lady Soul. I was playing guitar with a cigarette in my mouth. Cool. It was 1967.» Elvis vient aussi enregistrer des cuts chez Chips pour From Elvis In Memphis - We weren’t that impresed. Yeah, man, Elvis is coming, so what? The guy had had his day, so we thought. It was like, no big deal. But then he showed up. The back door opened and in walked Elvis and we all backed up a step. He looked great - C’est là que Chips lui propose «Suspicious Minds» et «In The Ghetto». On sait tous qu’Elvis a adoré ces deux hits.

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             Après avoir été le pote et le poux-man de Sam et de Ray, le p’tit Bobby devient celui de Wicked Pickett. C’est un mec gentil mais compliqué - He didn’t trust a lot of people, however and mostly, I don’t think he trusted himself - Wicked Pickett va enregistrer 17 compos du p’tit Bobby, dont «I’m A Midnight Mover» - He called me Womack Stack. I forget why - Wicked Pickett grattait un peu de guitare and he blew a mean harmonica. Il trimballait un big band en tournée, 15 musiciens - five horns, keyboards, couple of guitarists. I followed after, went on the road with him for a few years - Wicked Pickett pouvait être violent, et balancer une gratte dans la gueule d’un musicien qui avait joué une fausse note. L’ambiance dans les tournées était toujours explosive - Pickett’s  temper versus the racist white boys - Quand le p’tit Bobby s’est joint à son big band, Pickett lui a demandé s’il a un flingue - Oh man - Pickett en portait toujours un sur lui. Le p’tit Bobby nous révèle aussi que Wicked Pickett n’a pas de compte en baraque : il garde tout son blé dans un placard. Mais l’énorme tension et la violence qui règnent dans les tournées finiront par avoir raison de la patience du p’tit Bobby, qui reconnaît pourtant en avoir vu des vertes et des pas mures depuis son enfance, «but Pickett was a little harder».

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             L’autre personnage principale de cette saga, c’est bien sûr la dope. Le p’tit Bobby commence à porter des lunettes noires et à sniffer des tonnes de coke. Il ne voulait pas que les gens voient sa peur. Il se considère comme un «boy half-scared to death». Alors il sniffe tout ce qu’il peut - I chopped out fat lines like there was no tomorrow - C’est lui qui pousse Wicked Pickett à sniffer. Il lui dit : «With cocaine, I can write, I don’t fear no man, I don’t fear nothing, I don’t even feel nothing.» - Pickett laughed at that. Told me I was weird. A weird motherfucker - Et il ajoute, en guise de bilan : «So I did blow for 20 years of my life.» Il craque 700 $ par semaine. Au début, c’est Barbara qui paye.

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             Le p’tit Bobby est en compagnie de Janis, le dernier soir de sa vie. Ils sont dans sa piaule et il croit qu’elle veut baiser, mais Janis reçoit un coup de fil et elle demande au p’tit Bobby de dégager. Elle ne veut pas qu’il voie son dealer. Un peu plus tard, le p’tit Bobby reçoit un coup de fil : Janis is dead - I was the last person to see her alive - Ils avaient une bonne relation. Le p’tit Bobby la trimbalait dans sa Mercedes et c’est là que Janis a composé «Mercedes Benz».

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             Il évoque aussi Motown qu’il aurait bien aimé intégrer, mais aux funérailles de Mary Wells, Berry Gordy lui dit que ça n’aurait pas marché, car les Valentinos avaient un «distinctive sound». Too different, too gospel. Le p’tit Bobby va aussi fréquenter Ike Turner et le fameux Bolic Sound studio, down in Inglewood. Comme Marvin, Stevie Wonder et les Stones, le p’tit Bobby y a enregistré - What happened to the tapes? Ask Ike - Il évoque le big bowl de coke sur la console de Bolic Sound. Ike enfermait les gens dans le studio. Même les Stones, qui ont eu la trouille de leur vie. Tu peux taper à la porte, Ike n’ouvre pas. Quand Ike chope un musicien en train de barboter de la coke dans le big bowl, ça tourne très mal - Ike and Sly were both crazy like that.

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             Le p’tit Bobby est aussi pote avec un personnage pas très connu mais très important : Jim Ford, un blanc qui a deux particularités : il compose des hits et il est copain comme cochon avec Sly. Pendant un temps, Jim Ford est le writing partner du p’tit Bobby. Jim lui propose de rencontrer Sly, mais à une condition : «You’ll never go over his place without me.» Jim Ford sait que Sly est crazy, encore plus crazy qu’Ike. Le p’tit Bobby découvre qu’il y a deux Sly : le gentil, généreux, créatif, pretty cool Sylvester Stewart, et Sly Stone le destructeur. Ignorant la mise en garde de Jim Ford, le p’tit Bobby s’installe chez Sly, à Bel Air. C’est le bal des dopes. Comme chez Ike, Sly boucle tout et il ouvre quand il décide d’ouvrir - He’d stay up six, seven days with the drugs, and with that kind of punishment, you are going to hallucinate - Le p’tit Bobby bosse bien sûr sur There’s A Riot Going On, l’album culte qui sort en 1971. Quand Sly s’endort, c’est sur son piano. Le p’tit Bobby le réveille et Sly se met à chanter «A Family Affair» qu’il avait «composé» dans son sommeil. Il est plus efficace que les Surréalistes. Le p’tit Bobby évoque bien sûr Gun, le fameux pitbull dont tout le monde a la trouille. Il y a aussi un petit singe qui saute partout et un jour le Gun le chope, le tue et l’encule - that dog was vicious - Ce que le p’tit Bobby ne raconte pas, c’est la fin de Gun. Le clébard avait attaqué le baby de Sly et en représailles, Sly l’a emmené dans les bois et lui a tiré une balle dans la tête. On a tout le détail dans la fabuleuse autobio de Sly. Quand le p’tit Bobby a un fils, il demande conseil à Sly pour le prénom, et Sly  lui dit : «You should call him The Truth.» «The Truth?» «Yeah, Bobby». Aussi appelle-t-il son fils Truth - That was typical of Sly - heavy and totally unexpected, but right

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             En 1972, le p’tit Bobby enregistre Understanding à l’American Sound Studio de Memphis. Il se dit aussi très fier de BW Goes C&W - I really sang my heart out - Puis il sort The Poet en 1981, mais Otis Smith ne lui verse rien, alors que l’album se vend - He disrespected me - Le p’tit Bobby fréquente un autre requin, Allen Klein, qu’il connaît depuis les années 60, car Klein était le comptable de Sam - Allen was young then - and fat - Il portait un costard bleu tellement usé qu’il brillait. Sam avait confiance en lui. Et il écoutait ses conseils.

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             Puis Ronnie Wood devient son meilleur ami. Et comme Rod The Mod est dans les parage, il demande au p’tit Bobby ce que fumait et ce que buvait Sam - Told him L&Ms. Told him martini cocktails. Or Beefeater gin - Le p’tit Bobby se retrouve en studio avec les Stones, pour «Harlem Shuffle» sur Dirty Work. C’est une façon comme une autre de boucler la boucle.

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    Linda

             Alors attention, car la chute du p’tit book est hallucinante - I don’t speak to Barbara no more. Linda doesn’t speak to her. Haven’t spoken to Cecil (brother) for years. No one speaks to no one. Don’t know where Sly is at (....) Pickett I hadn’t heard from for a while by the time he died. I don’t talk to Jim Ford, but I think about him all the time (...) I don’t even try to talk to women now. Don’t need one. I ran out of energy. I don’t pick them up or see anyone else, not with this ton of baggage I still got. I guess I could tell them I got two kids in Chicago, one in New York, another in jail and two deceased. That’s enough.

    Signé : Cazengler, Bobby Fricotin

    Bobby Womack. My Story 1977-2014. John Blake Publishing 2014

     

     

    L’avenir du rock

    - Bienvenue au (Black Rebel Motorcycle) Club

             Pour retourner la situation à son avantage, l’avenir du rock a transformé le silence du désert en privilège. Il en est arrivé au point où il en savoure la moindre seconde. Il parle même de félicité. Il comprend ce que Baudelaire voulait insinuer, dans son Invitation Au Voyage, par luxe, calme et volupté. Pas un seul piaf pour lui péter les oreilles, pas le moindre fucking smartphone à l’horizon. Il goûte la paix céleste. Alors évidemment, quand il voit arriver à l’horizon un gros nuage de poussière accompagné d’une insolente pétarade, il sent la colère monter en lui.

             — Non mais c’est qui ce con !

             Rrrrombobobommm ! Rrrrombobobommm ! L’engin approche rapidement et la pétarade devient insupportable.

             — J’vais lui faire bouffer son bolide à c’te bâtard !

             Rrrrombobobommm ! Rrrrombobobommm ! Le mec arrive à fond et donne un coup de frein qui fait cabrer l’engin. À voir la tête ahurie et couverte de cloques de l’avenir du rock, le motard éclate de rire :

             — Aw Aw Aw, old chap, c’est ton jour de chance ! Monte derrière !

             Le mec est très beau. Une gueule de star du cinéma américain. Il porte un perfecto et une casquette en cuir blanc. Il a débrayé mais il remet les gaz pour faire tourner le moteur. Rrrombobobommm ! Rrrombobobommm !

             L’avenir du rock est tellement excédé qu’il décide de le snober :

             — J’monte pas sur ta fucking Triumph Thunderbird, j’monte que sur des BSA, sucker de mes deux !

             — Look out, old chap, faut que t’ailles voir un psy ! Le soleil t’a cramé la carlingue !

             Et il repart. Rrrombobobommm ! Rrrombobobommm ! Fou de rage, l’avenir du rock gueule après lui : 

             — Vas te faire mettre chez les grecs, Johnny Strabler ! Et ton Équipée Sauvage aussi ! Et ton Black Rebel Motorcycle Club avec !

     

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             La colère de l’avenir du rock est parfaitement légitime. S’il lui arrive de mordre de trait, c’est toujours pour la bonne cause. Par contre, le choix qu’a fait Peter Hayes d’appeler son groupe Black Rebel Motorcycle Club n’est pas très légitime. Ni l’Hayes ni Robert Levon Been n’ont des  dégaines d’Hell’s Angels. Ils sont même complètement à l’opposé. On les avait vus sur scène voilà  dix ans ou douze ans et Levon Been paraissait déjà chichiteux, sans doute victime d’une timidité maladive. On le sent lorsqu’il s’adresse brièvement au public, il n’ose pas trop la ramener. Contact minimal, même lorsqu’il descend dans la fosse avec sa basse, il garde ses distances. C’est pas Gyasi que tu peux tripoter. Quant à l’Hayes, il se planque sous une capuche pendant tout le concert. Zéro contact.

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             Tu dois presque te forcer pour retourner les voir sur scène. Tu gardais le souvenir d’un set prétentieux et statique, bien pompé sur les Mary Chain. Et puis tu gardes en mémoire la séquence de Dig! où Peter Hayes et les deux autres Brian Jonestown Massacre abandonnent Anton Newcombe en pleine tournée américaine. Autre chose : lors d’une interview, un journaliste demande à Anton Newcombe ce qu’il pense de l’Hayes, et l’Anton balance ça : «J’ui ai tout montré. Question suivante !». Donc ça fait un gros tas d’a-prioris. Mais comme on entre dans la pire zone de l’année pour les concerts, la fameuse trêve des confiseurs, on ne chipote pas trop : t’auras rien à te mettre sous la dent pendant deux mois, alors tu retournes voir les Black Rebel Motorcycle Club. 

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             La salle est pleine comme un œuf. Le Levon Been arrive sur scène avec son vieux caban. Au moins, on ne pourra pas lui reprocher de frimer. De l’autre côté de cette scène immense, l’Hayes chante sous sa capuche. Toute la première moitié du set reste extraordinairement calme, et les gens qui sont venus pour pogoter doivent crever d’ennui. T’en entends même au fond de la salle brailler des encouragements de football du genre «Allez Malherbe !». Au moins tu sais que t’es en France. Eh oui,

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    l’Hayes gratte son «Complicated Situation» et ça sonne comme un fabuleux hommage Dylanesque. Même chose avec «Restless Sinner». Ce sont les cuts d’Howl. En fait ils jouent tout l’Howl. Et tu vas découvrir par la suite que c’est la tournée anniversaire d’Howl, qui reste sans doute leur album le plus pépère. Mais c’est le calme avant la tempête. Ils mettent leur machine en route au bout d’une heure avec cette pure Marychiennerie qu’est «Red Eyes & Tears», tirée du premier album BRMC. Le Levon Been fait un carton avec sa basse, il gratte des accords et sort un son qui se fond bien dans le fleuve de lave que déverse son collègue encapuchonné.

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    Leur numéro prend une dimension épique, ça devient même grandiose, et tout explose avec «Berlin» qui sent bon la Marychiennerie. Et tout ré-explose avec l’imparable «Whatever Happened To My Rock’n’roll (Punk Song)», amené par un riff gratté au bas du manche de basse. L’Hayes chante ça à la Jim Reid et tu retrouves le grain de folie qui hante l’«I Hate Rock’n’Roll» des p’tits Jesus. Les

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    BRMC pompent ouvertement, mais au moins, ça fait sauter la Sainte-Barbe. Même chose avec «Spread Your Love» tiré du même premier album. Ils ressortent les vieux coucous que connaissent les gens. C’est de bonne guerre. On voit cependant les limites du genre. Les groupes qui pompent ont du mal à se renouveler. On va les appeler les Shadocks. Ou même les Shadrocks. Ils pompaient... Et ils pompaient...

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             Tu peux ressortir le BRMC de l’étagère. Pas de problème, c’est un very big album. Ça démarre en trombe avec deux Marychienneries, «Love Burns» (même snarl de by my side) et «Bad Eyes & Tears» (avec un beat dévoré par des incursions intestines dignes de celles de William Reid. C’est féroce et complètement hanté). T’as

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    une autre Marychiennerie plus loin qui s’appelle «Riffles» : ça groove dans la bouillasse. Et ça monte encore d’un cran avec «Whatever Happened To My Rock’n’roll (Punk Song)», l’Hayes a de la ressource, il fonce dans le tas, c’est assez viscéral, t’as là une merveilleuse défenestration, t’as la clameur et l’argent de la clameur, il a tout le revienzy du monde et le chant qui va bien. On se prosterne encore devant «White Palms», belle dégelée royale montée sur un beat bien têtu, et t’entends une basse de punk sidérante. Avec «Too Real», les Black Rebel battent pas mal de records de prod, c’est gratté aux accords tendancieux, avec une incroyable ambiance de la ramasse, ce sont des accords qu’on n’avait encore jamais entendus. La prod en devient extravagante. Belle intro de basse sur «Spread Your Love» et ça se barre en mode heavy stomp à la Sweet, mais bien pire. Peter Hayes gratte de purs accords de glam, mais on sent aussi le vieux Spirit In The Sky - Spread your love/ Like a fever ! - Cet album te re-bluffe chaque fois que tu le ré-écoutes.

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             Tu ressors les autres de l’étagère, tiens, pourquoi pas l’Howl, pour commencer ? Il date déjà de 20 ans ! Tu retrouves ce son enjoué et même bienvenu, et puis voilà l’«Howl», le morceau titre, beau et tentateur, doté d’une belle envolée finale. Une pure Beautiful Song ! Peter Hayes boucle son balda avec un gros stomp de boogie blues, «Ain’t No Easy Way», c’est bien vu, avec des ouh! au coin des couplets. En B, t’as encore des cuts qui forcent l’admiration («Still Suspicion Holds You Tight»). On peut dire que l’Hayes en a dans la culotte. La C est la plus réussie des quatre faces, grâce à ce «Gospel Song» digne de Spiritualized, un gospel électrique bardé de riffs cinglants, suivi de «Complicated Situation», gros clin d’œil Dylanex, avec ses coups d’harp et son gratté de poux fouillé. L’Hayes est un vrai caméléon.

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             Dans la foulée, tu te tapes un autre double album, Baby 81, qui date de la même époque. Celui-là regorge de Marychienneries : en B, tu tombes sur «666 Conducer», et en C, t’en as encore deux, «Lien On Your Dreams» et «Need Some Air» : c’est en plein dans le mille. Avec «Took Out A Loan», ils font du North Mississippi Allstars, c’est bien pompé, ils ne se cassent pas trop la nénette, et «Berlin» sent bon la Marychiennerie. Avec «Windows», ils font une espèce d’heavy Beatlemania, l’Hayes chante avec des accents de John Lennon, c’est de très haut niveau. Ce mec a de la suite dans les idées. En B, t’as encore un «Cold Wind» qui monte vite au cerveau, c’est bien monté en neige. Joli coup de Kilimandjaro. L’Hayes tient bien sa boutique. Il ne prend pas trop les gens pour des cons.

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             Tiens, encore un double album : Specter At The Feast. Tu te souviens que tous ces gros double albums coûtaient la peau des fesses. T’avais intérêt à bosser au black pour financer tout ça. Le Specter se met lourdement en route, tu assistes à un beau déploiement de forces sur «Let The Day Begin», mais les énormités se planquent en B, notamment «Hate The Taste» (bien sabré au riff acerbe, avec des refrains chantés dans la clameur de la chandeleur) et «Rival» (l’Hayes se jette à corps perdu dans la bataille à coups d’I need a rival, et ça sonne, ça splashe dans la bouillasse avec un sens aigu de la démesure). Les coups de génie se planquent en B : «Teenage Desease», une heavy gaga-punkerie qui te marque la mémoire au fer rouge, et «Funny Games», pur power blast. L’Hayes sait arracher son hydravion du lac. On sent chez ces trois mecs une nette volonté d’ampleur catégorielle. Tu te mets à les respecter pour de bon.

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             Take Them On, On Your Own date de 2003. Et c’est un big album, un de plus. T’as une Marychiennerie qui te saute dessus dès «Stop», te voilà dans le bain dès l’attaque à la basse fuzz. L’Hayes prend sa petite voix persistante de fouine lubrique. Puis ils basculent dans un genre qui leur est cher, le sonic genius, avec un «Six Barrel Shotgun» d’alerte rouge. T’as pas beaucoup de gens qui vont battre les BRMC à la course. Ils remontent un Wall of Sound pour «In Like The Rose», c’est de l’heavy Big Atmospherix, une montagne qui accouche non pas d’une souris, mais d’un gros cut titanesque. S’ensuit un «Ha Ha High Babe» noyé de violence sonique. Ils vont loin dans le piétinage des plates-bandes de la Marychiennerie. Mais tu ne t’en lasses pas. Ils allument encore leur «Generation» aux riffs de ferraille insidieuse, tout ici est taillé aux riffs de ciseaux tailladeurs, c’est une véritable agression. Ce mec Hayes a le génie du son. Même ses balladifs sont incandescents. L’Hayes ne vit que pour la dégelée royale («US Government»). Son «Rise Of Fall» est tendu à se rompre, les riffs sont compressés et soudain, tout explose sous ton nez. Nouveau wild ride avec «Going Under», mené de main de maître sur les accords de «Gloria». BRMC est une machine impitoyable. Nouveau coup de génie sonique avec «Heart & Soul». T’as là l’une des intros du siècle. Tu sais dès l’intro que ces trois mecs vont régner sur la terre le temps d’un cut, et ils remettent la pression de la Marychiennerie, alors les accords résonnent dans ta conscience, t’es allumé au plus haut degré, ils sont aussi ravageurs que les Mary Chain de la 25e heure. Là t’as tout : la persuasion, le génie électrique, l’excellence, le snarl, ils reprennent tous les poncifs des Mary Chain. Encore plus terrific, voici «High Low». Overwhelming ! Chargé de toute la menace sonique du monde, t’as plus de mots pour cadrer ce qui se passe sous le casque. Disons pour faire court qu’ils s’agit d’une Marychiennerie écrasée du talon dans le cendrier. L’Hayes t’arrache ça au raw de l’arghhhhh. T’en veux encore.

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             Si t’adores te faire sonner les cloches, alors tu peux écouter Beat The Devil’s Tattoo. Ils chargent vite la barcasse avec «Conscient Killer». Ah ils s’y connaissent en barcasse. D’ailleurs, leur barcasse s’écroule sous le poids de la charge, et les relances sont spectaculaires de violence. Ils ont des tonnes de son. Ils en font peut-être un peu trop. «Bad Blood» se noie dans le son. Glou glou. Ces mecs jouent à outrance, c’est une sorte d’upper-power trio, ils saturent leur Bad Blood de stridences florentines perverties. Le son est beau, le thème est beau, tout est beau et même glorieux. Comme son titre l’indique, «War Machine» est une machine de guerre. Le riff sonne comme les roues en bois d’une tour d’assaut et t’as même les éléphants de combat, ça glougloute dans le Salammbô. Ces barbares de BRMC transpercent la couenne du son. Ils reviennent à la formule magique de la Marychiennerie avec un «Evol» fouillé par un magnifique bassmatic. Ça monte comme la marée. Leur Evol est fabuleusement bien foutu, tu ne peux pas faire autrement que de te prosterner devant un truc pareil. C’est carrément une marée qui t’emporte. Les BRMC font partie de ceux qui réussissent ce genre de miracle. Ils reviennent au bord du fleuve pour «River Styx». Leur petite formule est bien au point. Somptueux, même si entre-deux. Plus loin, tu tombes sur l’hyper-violent «Aya». Ils te perforent la chair des oreilles. Ils savent monter un plan pour t’envoyer à l’hôpital. Back to the Mary Chain avec «Shadow’s Keeper». Ils saturent ça à l’extrême et mettent tout le paquet. Ils terminent en mode belle apothéose avec «Half State». Ce sont des spécialistes de la montée en neige.

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             Poussé par une curiosité dévorante, t’en écoutes encore un : Wrong Creatures. Tu tombes vite sur «Spook» qui t’hooke avec sa heavy riffalama de Marychiennerie. L’Hayes et son copain Robert ont bâti leur empire sur les ruines des Mary Chain. Ils ont encore un son énorme avec «King Of Bones». C’est l’heavy boogie des catacombes. T’as presque le poids des Cramps dans l’heavyness du beat. C’est à la fois puissant, mystérieux, glorieux et dangereux. Plus loin, tu croises un «Ninth Configuration» bien monté en neige. C’est leur Vice Suprême. Leur son sue sang et eau. Ils pleurent des larmes de sang. Et ça finit par prendre feu. Les BRMC sont des pyromanes, des dangers publics. Ils sont même submergés par leurs vagues de flammes. Tu vois encore «Calling Them All Away» se mettre en route tout seul pendant que tu te ronges l’os du genou. Ça devient épais, bourbeux et éhonté à la fois. Toujours le même cirque. Ave «Circus Bazooko» (sic), ils se prennent pour les Beatles, mais ils n’en ont pas les moyens. Et t’as «Carried From The Start» qui te tombe dessus comme une chape de plomb. Trop de son. T’es gavé comme une oie. Arfffffff.

    Signé : Cazengler, black re-baltringue

    Black Rebel Motorcycle Club. Le 106. Rouen (76). 2 décembre 2025

    Black Rebel Motorcycle Club. BRMC. Virgin 2001

    Black Rebel Motorcycle Club. Take Them On, On Your Own. Virgin 2003 

    Black Rebel Motorcycle Club. Howl. Echo 2005

    Black Rebel Motorcycle Club. Baby 81. Island Records 2007

    Black Rebel Motorcycle Club. Beat The Devil’s Tattoo. Cobraside Distribution Inc. 2010

    Black Rebel Motorcycle Club. Specter At The Feast. Abstract Dragon 2013

    Black Rebel Motorcycle Club. Wrong Creatures. Virgin 2018

     

     

    Wizards & True Stars

     - La case de l’oncle TomWilson

     

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             Il aura fallu attendre un bel article sur Tom Wilson dans Shindig! pour avoir enfin le fin mot sur l’enregistrement du premier Velvet, le fameux banana album : tout le monde raconte depuis bientôt soixante ans qu’il est produit par Andy Warhol. Faux. John Cale rétablit la vérité : «Warhol didn’t do anything. Tom Wilson produced nearly all the track.» Le producteur ne pouvait être qu’un esprit moderne.

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             Peu de gens savent qui est en réalité Tom Wilson : un grand black né au Texas. En fac, il se passionne pour le jazz et interviewe Charlie Parker. Il monte Transition Records et sort des albums de Sun Ra et de Donald Byrd. Le label coule en 1957, alors il s’en va bosser pour différents labels, avant de rejoindre Columbia. Et là, on lui demande de s’occuper du «folk revival poster boy Bob Dylan.»

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              Il est marrant, Tom Wilson : «J’avais enregistré Sun Ra et Coltrane and I thought folk music was for the dumb guys.» Alors il nous raconte la suite et on tend l’oreille : «This guy played like the dumb guys. But when these words came out, I was flabbergasted.» Et il s’approche de l’oreille d’Albert Grossman qui est dans le studio : «If you put some background to this you might have a white Ray Charles with a message.» On appelle ça le génie de l’opportunisme. Il faut aller vite, quand on a un débutant comme Bob Dylan dans le studio. C’est Tom Wilson qui enregistre Bringing It All Back Home, il overdubbe, comme il l’a fait pour Dion sur Wonder Where I’m Bound. Dion se souvient de Tom Wilson comme d’un mec très directif. Mais Bob Dylan et Tom Wilson s’embrouillent avec «Like A Rolling Stone». Dommage.

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             Tom Wilson quitte Columbia pour MGM. Il produit le Projections du Blues Project. Il s’intéresse à tout ce qui sort de l’ordinaire et s’en va rencontrer les Mothers en Californie. C’est grâce à lui que Freak Out sort - a subversive mashup of piss-take and doo-wop aberration - Mais il sait que ça va être dur à vendre. Il produit le suivant, We’re Only In it For The Money. Il récupère aussi les Animals qui viennent de rompre avec Mickie Most pour signer sur MGM. Ils sortent Animalization (their first Wilson-sponsored LP) et Zappa intervient sur le deuxième, Animalism. Zappa indique que des gens du Wrecking Crew jouent sur l’album. Tom Wilson produit ensuite Winds Of Change et The Twain Shall Meet - Wilson’s patronage of Burdon changed their material noticeably, transforming them from Northwest drinkers to West Coast thinkers - Et c’est lui qui signe le Velvet sur MGM. Il supervise l’enregistrement et voit «Sunday Morning» comme un «radio-friendly single».

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             Tom Wilson a aussi eu l’idée de muscler le son de «The Sound Of Silence» pour le faire sonner comme le «Mr Tambourine Man» des Byrds. Alors, en juin 1965, pendant les sessions de «Like A Rolling Stone», Tom Wilson demande à Al Gorgoni, Vinnie Bell, Joe Mack et Bobby Gregg d’overdubber guitars, bass and drums. Et pouf, «The Sound Of Silence» grimpe à la tête des charts. À la différence de Totor et de George Martin, Tom Wilson n’a pas «un son», mais il fonctionne par opportunités. Dylan : «Aujourd’hui on l’appellerait un producteur, mais à l’époque on ne l’appelait pas ainsi. He was a typical A&R man.»

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             En 1967, Tom Wilson a 8 albums dans le Top 100. Comme c’est un aventurier, il quitte MGM en 1968 pour bosser en freelance. Il monte des tas de structures : Rasputin Productions, Gunga Din, Lumumba, Reluctant Management, Terrible Tunes & Maudlin Melodies. Il mise, alors parfois il gagne, parfois il perd. Parmi les groupes qu’il sort, il y The Bagatelle. Il bosse avec le jeune Eddie Kramer. Il produit le premier Soft Machine avec Chas Chandler, mais Kevin Ayers dit que Tom Wilson a passé son temps au téléphone pendant que le groupe jouait. Tom Wilson produit des tas d’autres groupes tombés dans l’oubli, dont le fameux Road de Noel Redding.

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             Quand il casse sa pipe en bois en 1978, à l’âge de 47 ans, il tombe aussitôt dans l’oubli. Aucun docu, que ce soit sur le Velvet ou Dylan, ne mentionne son nom. «Même la date inscrite sur sa pierre tombale est fausse», nous dit Sean Casey. Un projet de biopic serait à l’étude.  

    Signé : Cazengler, Wilson of a bitch

    Sean Casey : Tom Wilson. The futuristic sounds of the factory workman. Shindig! # 159 - January 2025

     

     

    Inside the goldmine

    - Wilson is shining

             Al Weber était un personnage assez complexe. Il exerçait le métier de correcteur de presse. Il bossait à la fois pour les quotidiens et pour les agences de com. On faisait appel à lui régulièrement lorsqu’on bouclait un dossier pour l’envoyer en fab. On finissait souvent tard le soir, alors Al dormait à la maison. Et de fil en aiguille, il devint ce qu’on appelle généralement un proche. Son apparente décontraction cachait un malaise profond. Il restait silencieux à table et se montrait évasif sur sa vie de famille. On savait simplement qu’il était marié, père de famille et propriétaire d’une belle maison en Normandie. Il préférait raconter les anecdotes du marbre, au Canard Enchaîné, quand la rédaction jette un dernier coup d’œil aux pages avant le bon à tirer. Al évoquait des épisodes dionysiaques qui, bien sûr, nous laissaient rêveurs. Al était un homme plutôt grand, bien de sa personne, brun mais avec le cheveu rare. Il parlait d’une voix grave et cultivait un humour qu’il fallait bien qualifier de noir, c’est-à-dire qu’il ne faisait rire personne, à part lui. On appréciait sa présence, bien sûr, mais on savait en même temps qu’il ne fallait pas en abuser, car il finissait par nous taper sur les nerfs. On essayait de lui parler comme on parle à un adulte, mais il réagissait comme un ado : il se refermait comme une huître dès qu’on essayait de lui donner un conseil, du genre «prends des vitamines», «fais de la rando pour te changer les idées» ou pire encore, «tu devrais aller voir un psy.» On sentait bien que tout cela l’agaçait, mais il restait de marbre. On se demandait comment sa femme pouvait supporter un mec comme lui. Elle ne le voyait que le week-end, ce qui devait bien l’arranger. Et puis un jour, on fit le numéro du central qui permettait de joindre Al, mais il était absent. Le central envoya quelqu’un d’autre. Même chose la semaine suivante. Il fallut se résoudre à l’appeler chez lui, en Normandie. Sa femme nous apprit d’une voix sèche qu’Al s’était pendu à la branche du pommier, au fond du jardin. 

     

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             Pendant qu’Al se pend, un autre Al entre dans la légende. Al Wilson n’est pas du genre à aller se pendre au fond du jardin : c’est une force de la nature.

     

             On vient de rééditer l’album mythique d’Al Wilson, Searching For The Dolphins. Dans ses liners, Tony Rounce se demande comment un album aussi balèze que Searching For The Dolphins a pu flopper. Oui balèze car cet énorme Soul Brother tape dans Jimmy Webb, Holland/Dozier/Holland, Fred Neil, John Fogerty, Burt, Jerry & Billy Butler. Dans son ‘Spécial Sunshine Pop’, Shindig! cite l’album en référence. Heureusement que les Anglais sont là. 

             Comme David Ruffin, cet immense blackos a grandi à Meridian, Mississippi, puis après deux ans dans l’armée, il s’est installé en Californie. Dans une vie antérieure, Al Wilson fut certainement meneur d’une révolte d’esclaves. C’est en tous les cas ce qu’inspire son physique. Black Power !

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             Il attaque Searching For The Dolphins avec l’un des plus beaux hommages à Fred Neil. Il tape «The Dolphins» d’une voix grave - I’ve been searching/ For the dolphins/ In the sea - Grosse présence vocale. Le secret de la grâce : Fred Neil + le Black Power. Il enquille à la suite un autre chef-d’œuvre, «By The Time I Get To Phoenix». Il le prend plus doucement que le fera Isaac le Prophète. Al Wilson tape ça à son aise. Il donne des ailes à son power. Sur cet album, tout est impeccable. Quand t’as la voix, t’as tout. Il porte «The Snake» à bouts de bras. Il en fait du big story-telling et ce sera un cut culte de Northern Soul, nous dit Rounce. «Who Could Be Loving You Other Than Me» est une véritable merveille de pop Soul, puis il groove délicieusement le «Shake Me Wake Me When It’s Over» d’Holland/Dozier/Holland. Big time de Motown Sound. Il retape dans l’excellence avec le «This Guy’s In Love With You» de Burt. Il y plonge avec cette voix de miel suburbain, tell me now/ Let me be the last to know, Il écrase le groove dans l’écrin de son génie vocal - I need you/ I want your love - C’est l’absolu de la Soul - My hands are shaking - Il tape la cover le plus puissante de Burt. Il passe encore en force avec «Brother Where Are You», mais avec un talent fou. Il croone la vie par les deux bouts. Le gros intérêt de rapatrier cette compile Kent, c’est le tas de bonus qui suit l’album. Dix en tout, et c’est du gros calibre. Al Wilson tape le «Lodi» de John Fogerty en mode heavy black rock. Raw to the bone, un modèle du genre. Il tape aussi le «Mississippi Woman» de Leslie West en mode heavy boogie, puis plus loin, l’«I Hear You Knocking» de Dave Edmunds. Saluons aussi cette Beautiful Song qu’est «You Do The Right Things». Il croone comme un beau diable.

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             Sur la pochette de Show And Tell, Al Wilson pose avec la 1927 Phantom 1 Rolls Royce d’Hal Blaine. Mais c’est pas tout : avec le morceau titre, il sonne exactement comme Isaac le Prophète. Fantastique qualité de la Soul ! Puis il arrache «Touch & Go» du sol et l’emmène au firmament de la Soul ! Il s’en va ensuite sonner comme les Temptations avec «My Song» : même attentisme d’hey mama ! Ça chauffe encore en B avec l’heavy Soul de revienzy de «Love Me Gentle Love Me Blind». Al Wilson travaille chaque cut au corps. Il est le Rodin de la Soul. Il faut dire qu’H.P. Barnum lui arrange tous ses coups. Retour aux Tempts avec «Moonlightn’» et il enchaîne avec l’heavy boogie down de «For Cryin’ Out Loud», c’est hot as hell avec les chœurs des Lovely Ladies créditées au dos : Cisely Johnson et Carol Augistus. Il se dirige vers la sortie avec une fastueuse cover d’«A Song For Me», l’hit intercontinental de Tonton Leon, il faut voir l’Al groover l’oooooh baby/ I love you. Fantastique ambiance ! L’Al explose littéralement Tonton Leon !  

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             Weighing In est encore un fantastique album. L’Al attaque avec une cover foudroyante du «Born On The Bayou» de Creedence. Il rivalise de power vocal avec le Fog ! T’es au sommet du Black Power. Black Power encore avec «Somebody To Love» et des chœurs de blackettes folles. Il tape à la suite une Beautiful Song, «Settle Me Down», c’est dire si l’Al est un artiste complet. Il dispose là du power océanique, sa force s’étend jusqu’à l’horizon et te voilà une fois de plus avec un hit magique sur les bras. Ça te transperce autant le chœur que le ferait un slowah de Lanegan. Puis il balance une fantastique lampée de good time music avec «All For You». Tu crois rêver tellement c’est beau et puissant à la fois. En B, il tape avec «You Do The Right Things» un fantastique balladif d’extension du domaine de la turlutte boréale, t’es tellement ravi d’écouter cet album que les mots t’échappent pour danser tout seuls. Il est encore plus puissant avec «The Magic Of Your Mind» - C’mon let’s ride/ The magic of your mind - Il tartine ça là-haut dans l’apesanteur de l’excelsior parabolique, yeah c’mon ! Encore de l’heavy black rock avec «Keep On Loving You». Franchement t’en reviens pas d’entendre toutes ces merveilles. L’Al drive son black rock d’une main de fer.    

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             Encore un very big album : La La Peace Song. Pas question de faire l’impasse sur un album aussi génial. Et si l’Al était l’un des rois de la good time music ? En tous les cas, c’est ce que montre le morceau titre en ouverture de balda, l’Al te prend par la main et te fait danser dans la vie. Sa joie de vivre est contagieuse. Il tape un Medley fantastique, «I Won’t Last A Day Without You»/«Let Me Be The One». Il a tous les chœurs qu’il faut derrière, alors il y va au oooooh baby, il pousse son let me be the one au max des possibilités, l’Al est un beautiful Soul Brother, un fanatique de la beauté purpurine. Et t’as ce «Passport» au bout du balda, avec des blackettes qui jettent tout leur dévolu dans la balance, alors l’Al peut foncer dans le tas. Steve Cropper produit «I’m A Weak Man», en B. Ça strutte au strat-over. Retour de la good time music de rêve avec «Fifty Fifty». Quel panache ! Avec «The Longer We Stay Together», l’Al propose une superbe tranche de country Soul panoramique. Sa puissance s’étend à l’infini. Crop produit aussi «Willoughby Brook» et ça sonne comme un hit des Staple Singers, ça rocke le boat !  Et l’Al regagne la sortie avec «You’re The One Thing (Keeps Me Goin’)», un heavy groove de black rock bien  drivé. Le cut a tous les atours du rock, avec un brin de Tony Joe White, une énergie à la Fogerty et les chœurs de Toton Leon, tout est bien, tout explose chez l’Al, le voilà au sommet de l’Ararat du rut.

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             Surtout, ne vas pas te fier à la pochette d’I’ve Got A Feeling. Tu crois que c’est un album de diskö, alors que c’est encore un big album d’Al Wilson. H.P. Barnum est encore dans le coup. L’Al s’impose dès le morceau titre. Soul Brother de premier rang ! Il se montre aussi puissant que les Temptations avec «Stay With Me». Et puis les coups de génie commencent à pleuvoir avec «Baby I Want Your Body» : il passe à l’heavy swing avec une aisance effarante. Il te prend par les hanches et te fait danser le groove urbain. Il est aussi puissant que Sam Cooke, Marvin et les Tempts. Ça continue avec «Differently», un cut d’H.P. Barnum qu’il empoigne et ne lâche pas. On entend des échos de Jacques Brel dans son chant opiniâtre. En B, il tape une cover d’«Having A Party», un vieux hit de Sam Cooke. L’Al en fait du hard r’n’b. L’Al a tout : le good time et le power des Tempts. Avec «Ain’t Nothing New Under The Sun», il tape une Soul urbaine orchestrée et chantée à l’arrache rock-solid. Et ça continue sur le même ton avec «How’s Your Lovelife?» : big drive de basse et power vocal. Et il remonte au sommet de la good time music pour «You Did it For Me»

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             Count The Days est son dernier album, paru en 1979. Il est peu moins dense que les précédents, un peu diskoïdal, dirons-nous. «You Got It» est diskoïadal, mais bon esprit. L’Al tape là la diskö Soul des jours heureux. Il boucle son balda avec un «Save A Dance» infesté de relents de What’s Going On, et de chœurs perdus dans la stratosphère. C’est du pur Black Power briseur de chaînes. Et en B, tu ne sauves qu’un seul cut, la belle Soul ensorcelante de «You Really Turn Me On». L’Al t’accapare une dernière fois.

    Signé : Cazengler, Wilson of a bitch

    Al Wilson. Searching For The Dolphins. Kent Soul 2008

    Al Wilson. Show And Tell. Rocky Road Records 1973  

    Al Wilson. Weighing In. Rocky Road Records 1973    

    Al Wilson. La La Peace Song. Rocky Road Records 1974 

    Al Wilson. I’ve Got A Feeling. Playboy Records 1976  

    Al Wilson. Count The Days. Roadshow 1979

     

     

    Wizards & True Stars

     - Les Ramones la ramènent

     (Part One)

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             Oups ! On avait oublié le Part One !

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             Kris Needs fait feu de tout bois : dix pages sur les Ramones dans Vive Le Rock et 6 autres pages dans Mojo. Feu de tout bois pour Needy Needs, ça veut dire feu d’artifice de rock’n’roll language, pour lui c’est du gâtö que de qualifier le son des Ramones : «stripped down, speeded-up, insanely catchy and devoid of frills», des Ramones qui débarquent à Londres en juillet 1976 à la Roundhouse en première partie des Groovies. Puis il évoque le concert du lendemain soir au Dingwalls : «The Ramones coalesce into one blistering warhead, decimating the packed club with 17 songs in around 35 minutes.» Danny Fields qui a «découvert» les Stooges et qui a managé des Ramones de 1975 à 1980, résume bien l’impact du phénomène : «The Ramones ignited the power keg that was waiting to be ignited.»

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             Pour Mojo, Needy Needs retrace la genèse des Ramones, racontant comment Tommy Erdelyi, d’ascendance hongroise, rencontre John Cummings, d’ascendance irlandaise, puis arrive dans le circuit Jeff Hyman, grand amateur de Beatles, de Beach Boys, de Totor et de glam, au point de se rebaptiser Jeff Starship et de porter des platform boots, lequel Jeff Hyman rencontre Doug Collins qui a grandi dans les bases américaines en Allemagne et qui a déjà fait du ballon pour des vols de bagnoles et des braquos, et qui pour financer son hero, fait le tapin à l’angle de la troisième avenue. En fait Doug et John se connaissent et un jour ils décident d’acheter des grattes chez Manny’s Music store : John se paye une blue Mosrite pour 50 $ et Doug une Danelectro.  Ils demandent à Jeff Starship de battre le beurre. Doug passe à la basse et se baptise Dee Dee Ramone, en souvenir du Paul Ramon qu’utilisait McCartney dans les hôtels. Alors Jeff Starship devient Joey Ramone et Doug Collins Johnny Ramone. Comme ils savent qu’ils ne correspondent à rien, Joey déclare : «We were all outcasts.»

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             Les Ramones commencent à bosser leur formule : «Hit singles mixed with hard rock.» Ils jouent en public (30 friends) pour la première fois en 1974. Dee Dee chante, mais il a du mal à jouer en même temps. Tommy, qui a entendu Joey chanter, le fait passer au micro - It clicked right away - Les Ramones auditionnent des batteurs, mais aucun n’a le son. Alors Tommy se dévoue et devient Tommy Ramone. Needy Needs : «Ramones’ songs allied ‘50s and ‘60s rock’n’roll discipline to lyrics that mainlined their lives.» Et il balance l’info de choc : «The leather jackets and jeans look came from New York near-contemporaries The Dictators.»

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             C’est Jayne County qui branche Dee Dee sur le club d’Hilly Kristal au 315 Bowery - CBGB (Country, BlueGrass and Blues), appended by OMFUG (Other Music For Uplifting Gormandizers) - Les premiers à s’y produire sont Suicide, puis Television, puis Patti Smith accompagnée de Lenny Kaye. Et puis il y a les chiens d’Hilly qui chient partout. La plupart des habitués vivent dans les parages (Blondie et Talking Heads). Les Ramones jouent pour la première fois au CBGB en août 1974. Les Ramones sont loin d’être au point, mais Hilly les aime bien et continue de les programmer, sur le thème : si c’est pas moi qui le fais, personne ne le fera - Nobody’s gonna like you guys so I’ll have you back - Bravo Hilly ! Alan Vega les admire lui aussi : «The best thing I’d seen since the Stooges.» Itou pour les Cramps qui viennent d’arriver en ville, alors Ivy y va : «The Ramones are what set our pants on fire.»

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             Si les Ramones se retrouvent sur Sire, c’est grâce au scout Craig Leon : pendant un an, il essaye de convaincre son boss Seymour Stein de les signer. Le premier Anglais à comprendre le génie des Ramones sera Charles Shaar Murray en 1975 - They’re simultaneously so funny, such a cartoon vision of rock and roll and so genuinely tight and powerful - Marthy Tau qui a managé les Dolls n’est pas intéressé, et c’est finalement Danny Fields et Linda Stein qui récupèrent le management. Linda réussira enfin à convaincre son mari de les signer. Craig Leon produit le premier album en janvier 1976 pour la modique somme de 6 400 $. Arturo Vega leur designe un Presidential seal logo et les Ramones vendent plus de T-shirts que d’albums. Ils deviennent les rois du merch. Lester Bangs les traite de «punk revolutionaries», ce qu’ils sont en réalité. C’est Joey qui a le mot de la fin : «We were doing something completely alien. Now everyone’s tried to copy us to some degree but nobody comes close. It’s just our attitude. It’s ourselves.»         

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             Il est désormais question d’un biopic basé sur le book de Mickey Leigh, I Slept With Joey Ramone. Nouveau désastre en perspective.

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             Dans le bien nommé Vive le Rock, Needy Needs repart de plus belle sur les Ramones des années 80 avec le batteur Richie Ramone. Il indique que l’album Too Tough To Die a sauvé le groupe. L’épisode End Of The Century en 1980, sous l’égide de Totor, avait bien failli réduire à néant le following des Ramones. Les Ramones étaient donc en quête d’un killer album destiné à restaurer leur crédibilité punk. Needy Needs les voyait encore comme un «extraordinary unique beast that instinctively amped up and mutated rock’n’roll’s original energy to create their own warped punk universe.» Needy Needs cultive mieux que personne l’art des formules qui tapent dans le mille. Mais en interne, les choses ne vont pas très bien, le bras de fer qui existe entre Johnny et Joey détériore l’équilibre précaire du groupe, d’autant plus que Johnny a barboté Linda Danielle, la poule de Joey. Pendant ce temps, Dee Dee jongle avec sa drug addict-mania, et Marky reste «permanently on the piss.»

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             Pour l’album suivant, Joey voulait Steve Lillywhite, mais Seymour Stein a une autre idée en tête : Graham Gouldman, le mec de 10cc. Stein veut pousser les Ramones dans le mainstream ! L’album s’appelle Pleasant Dreams et Neddy Needs se marre  bien, car rien ne va plus en interne, avec «Dee Dee’s ongoing pharmaceutical merry-go-round and Marky’s booze problems.»

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    Richie

             Une fois Marky saqué, les Ramones embauchent Richie Reinhardt, basé dans le New Jersey. C’est Joey qui le dit : «Richie saved the band as far as I’m concerned.» Et ça en plus : «He put spirit back in the band.» Il faudra quand même qu’il attende trois mois pour être intronisé en tant que Richie Ramone. Le conte de fées va durer 4 ans. Et quand il demande pourquoi il ne récupère pas sa part au merch, il est viré comme un malpropre. Needy Needs se fait un devoir de le réhabiliter - For facilitating Johnny’s mission to resuscitate The Ramones’ inimitable onslaught so they could squash the softie jibes and get back to stirring serious live carnage

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    Milk 'n' Cookies

    groupe dans lequel  Richie a joué

             Needy Needs revient longuement sur les années d’apprentissage de Richie et notamment un job de batteur dans le groupe de Sal Maida, The Velveteens. Puis il entame une relation avec la chanteuse des Shirts, et un jour, le drum tech des Shirts, qui fait aussi le roadie pour les Ramones, dit à Richie que les Ramones cherchent un batteur. Il pose sa candidature et le road manager des Ramones Monte Melnick l’appelle pour venir auditionner à Daily Planet, le local de répète des Ramones. Il choisit de jouer trois cuts : «Sheena Is A Punk Rocker», «Blitzkrieg Pop» et «I Wanna Be Sedated». Il se pointe à Daily Planet avec ses cymbales, ses baguettes et son snare. Première session avec Johnny et Dee Dee : en plein dans le mille. Le lendemain, il revient, et cette fois Joey est là - I did it again and that was it - Richie rentre chez lui ce jour-là avec 35 cuts à apprendre, pour la prochaine tournée. Richie et Joey vont même devenir inséparables «pendant quatre ans et dix mois.»

             Richie se croyait assez pote avec les brothers pour pouvoir leur parler d’argent. Il voyait le cirque : le lendemain de chaque concert, dans le bus, on remettait aux trois autres Ramones une grosse enveloppe de cash : les ventes au merch. Que dalle pour Richie. Quand il réclame sa part, il est viré. 

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             Comme ça ne t’est jamais venu à l’idée d’écouter Too Tough To Die, tu profites de l’hommage que lui rend Needy Needs pour l’écouter. Richie bat le beurre et ça s’entend. Ça démarre sur un «Mama’s Boy» limite heavy. Les Ramones ont l’air sinistrés, en panne d’inspiration. On ne voit pas du tout l’intérêt de ce «Mama’s Boy». Il faut attendre le morceau titre pour retrouver les Ramones. Ils basculent dans la pop avec «Chasing The Night», mais ça reste dans le style de Joey. Il adore cette pop montée sur un big beat. Il reste dans la power pop avec «Howling At The Moon». Les Ramones remontent encore le courant de la grande pop new-yorkaise avec «Daytime Dilemma (Dangers Of Love)». Joey vole le show. Ah comme il est bon avec ses yeah yeah. Dans les bonus de la red, tu tombes sur une cover stoogienne de «Street Fighting Man» et t’es bien content de l’entendre, car ça rocke salement le boat.

    Signé : Cazengler, ramoné

    Ramones. Pleasant Dreams. Sire

    Ramones. Too Tough To Die. Sire 1984

    Kris Needs : To Tough To Die. Vive le Rock # 117 - 2024

    Kris Needs : New York state of mind. Mojo # 372 - November 2024

     

    *

    Exhumé d’une caisse. Tout neuf, tout beau. Pourquoi l’ai-je oublié. Je me souviens vaguement de l’avoir acheté, remisé sur le bureau de longs mois et puis… une seule excuse le blogue n’a commencé qu’en mai 2009… Comme quoi l’on est toujours plus riche qu’on ne le croit… Pourtant l’avait déjà sorti en 2007 la BD Gene Vincent : Une légende du rock’n’roll, et vous trouverez dans notre livraison 68 du 13 / 10 / 11 une chronique sur Rock’n’Roll Vinyls un de ses nombreux ouvrages consacrés à notre musique. La lecture de sa bibliographie, il n’est pas  monomaniaque, est un plaisir.

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             Que l’on retrouve Glénat comme co-éditeur paraît logique, si Rodolphe est écrivain il est aussi un satané scénariste de BD, Glénat étant un des plus importants éditeurs BD en France, nous restons dans l’ordre logique des choses. Les Editions Chronique, quoiqu’elles aient été rachetées par Dargaud, autre grand éditeur BD, ont affiché dès leur création une démarche historique. A vocation grand-public. Rien à voir avec la recherche universitaire de pointe.  Chronique aime les gros livres, des espèces de dictionnaires chronologiques abondamment illustrés, photos pour l’époque moderne, documents iconographiques variés pour les périodes reculées.  Des textes relativement courts, bien documentés, et doctement factuels. Au début, ils se sont consacrés à l’Histoire, celle du vingtième siècle, celle de L’Humanité, puis celle de l’année écoulée, puis des monographies de grands hommes politiques comme Staline, enfin se sont diversifiés, culture, cinéma, sports, question musique par exemple Tout l’Art du Blues de Bill Dahl, Le Blues de Mike Evans, si je ne me trope point nous l’avons chroniqué, Culture Punk de Phillipe Margolin, et pour finir en beauté :

    LES ANNEES ROCK’N’ROLL

    RODOLPHE

    (Editions Chronique-Dargaud / 2008)

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             Ce n’est pas une histoire du Rock’n’roll, plutôt in kaléidoscope Rock’n’roll, vous faudrait les cent yeux d’Argos, ce géant panoptique  aux cent prunelles, tué par Zeus. Héra les récupéra pour oceler la traîne magnifique de son animal favori : le paon ! Cette bête possède une voix discordante, un peu à la manière de  la musique que nous vénérons… L’est sûr qu’il faut du panache pour la défendre envers et contre tout !

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             Le principe du livre est simple : commence en 1955 se termine en 1965. Les puristes rouspètent : Rock Around The Clock  ne date-t-il pas de 1954 ! Même qu’il a été écrit en 1952 ! Certainement mais ce n’est pas un livre d’Histoire du rock’n’roll. Considérons-le plutôt comme un livre de géographie rock’n’roll, principalement centré sur trois pays, les USA, l’Angleterre et petit dernier la France. Inutile de faire la fine bouche avant d’insinuer que le rock’n’roll français gna-gna-gna… certes, parfois il est bon d’examiner le monde par le petit bout de la lorgnette. Depuis le lieu où l’on habite, oui sans les United States et l’United Kingdom le rock’n’roll… mais l’histoire que tente de nous raconter Rodolphe c’est comment et dans quel environnement culturel cette musique d’outre-Manche et d’outre-Atlantique s’est imposée en France. Notons que pour un lecteur américain et anglais cet ouvrage ne présente que peu d’intérêt. Sauf pour les esprits curieux et aristotéliciens. Retenons qu’un jeune français d’aujourd’hui risque d’être tout aussi déboussolé que ses homologues étrangers. Ne nous le cachons pas, ce livre fonctionne un peu à la nostalgie. Ceux qui sont nés un demi-siècle après cette époque ne possèderont pas les codes nécessaires à une telle lecture. Z’auront l’impression d’un aérolithe venu d’une autre planète…  Ceux qui ne reculeront pas devant l’effort se retrouveront à l’entrée d’une mine d’or dans laquelle débouche des centaines de galeries qui ne demandent qu’à être explorées…

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             La progression s’effectue de double page en double page. Un véritable calendrier : vous n’êtes pas perdus en haut à gauche vous est indiqué l’année, le mois ou les mois que couvrent les évènements racontés… Attention, le rock’n’roll est le sujet mais l’environnement culturel et politique dans lequel il se développe est intégré, une véritable avalanche : prenons un exemple : pour janvier-février 1955 : nous avons droit dans le désordre, à la naissance d’Europe 1, de Télé-Magazine, du catalogue disques Pathé-Marconi, à l’évocation d’Alan Freed, de Martine à la Montagne, à Fats Domino, aux Diaboliques de Georges Clouzot, au Déserteur de Mouloudji, à la mort de Johnny Ace, à l’Affaire Tournesol de Tintin… nous pataugeons en pleine franchouillarderie, encore est-il nécessaire de comprendre que ce salmigondis n’est pas dû au hasard, qu’il est utile de séparer le bon grain de l’ivraie, et de savoir reconnaître les présages annonciateurs de ce qui se met en place… Les deux pages suivantes pour ceux qui aiment les montagnes russes, Bill Haley, Paul Claudel, Nicolas de Staël… ce qui comptait, ce qui faisait signe, comment le nouveau se dégage de l’ancien…

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             Vous avez le fil, vous n’avez qu’une idée c’est de tirer la bobine, un gros dispatch, des photos, des couleurs criardes, des pochettes de disques, un paquet d’informations à attraper l’excitante tremblante du mouton, à sentir votre cerveau surmené attaqué par la maladie de la vache folle, encore faut-il garder tête froide et se livrer à une radioscopie d’un tel tourbillon. Ce qui nous est proposé c’est une espèce d’IRM de l’implantation du rock’n’roll en notre douce France. Les petites graines, la germination, l’éclosion, l’efflorescence et la contamination…

             Toutefois, ne jouons pas au rocker buté, bas du front, en filigrane se trouve aussi une histoire du monde. La politique en arrière-plan, mais toujours-là, Rodolphe se limite aux faits, il ne prend pas parti, c’est au lecteur de se débrouiller, de tenter d’apercevoir ce qui relie par exemple en 1955 la parution du premier disque de Bo Diddley avec la décision du général De Gaulle de se retirer de l’action politique… Il est clair que rien ne les relie directement. Cependant il existe aussi une loi de gravité phénoménale des évènements qui les poussent à interférer entre eux. Le mode ne serait-il pas un système de vases communicants étrangement complexe. Certaines théories mathématiques et quantiques donnent à réfléchir. De l’interférence de l’infiniment petit rock’n’roll à l’infiniment grand de l’univers ferait un excellent sujet de thèse de troisième cycle. Mais revenons à nos moutons. Noirs de préférence.

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    Commençons par le fil noir de chez noir qui apparaît et disparaît très régulièrement, depuis le début jusqu’à la fin du book, non il ne s’agit pas d’un chanteur de rock, mais d’un disc-jockey Alan Freed, qui a lancé le terme rock’n’roll, il existait bien avant lui désignant un certain ‘’ roulement’’ entraînant utilisé par les pianistes de boogie, un truc qu’ils exhibaient lors des concerts lorsqu’ils s’apercevaient que l’ambiance  mollissait et qu’il devenait nécessaire de booster le public. Alan Freed organisa des concerts regroupant plusieurs de nos idoles qui sont devenus mémorables. Son nom fut mêlé au scandale des payolas, ces accords passés entre les disc-jockeys et les compagnies de disques qui offraient des sommes d’argent contre le passage privilégié de certaines de leurs productions. Pratique déloyale certes mais courante à l’époque.  Par le plus grand des hasards la campagne de redressement moralistique menée par les autorités se concentra sur sa personne. Dans un premier temps, car très vite elle déborda sur ses soutiens avec menaces explicites pour les empêcher de manifester leurs désapprobations… Alan Freed se retrouva bien seul… abandonné de tous il mourut dans la solitude, l’alcool, le découragement et le désespoir. N’avait pas que des défauts, il passait des disques de nègres dans ses émissions radios, et invitait des artistes noirs dans ses nuitées tapageuses. Noir de chez noir !

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    A lire d’une traite le bouquin une question m’a turlupiné. L’on voit bien l’ascendance de la courbe rock’n’rollesque : point de départ in the States, les influences noires, la prise de relais des pionniers, noirs et blancs, la montée en puissance, le  jeu édulcorant de l’industrie, le saut en Angleterre avec une première génération de rockers anglais, la sournoiserie des maisons de disques qui poussent leurs vedettes à enregistrer des slows qui se vendent davantage, un leurre pour tous ces jeunes rockers qui ne réfléchissent pas à long terme se satisfaisant de leurs rentrées d’argent… En France, durant les années cinquante, le rock rampe, l’est un serpent dont les artistes de jazz se méfient, tout en essayant d’en profiter, tout en jetant le discrédit sur cette musique de dégénérés, Boris Vian est le parfait exemple de ces offensives  de retardement. Une jeune génération essaie de se former, pas très douée musicalement, font avec ce qu’ils glanent de-ci de-là, mais qui trouve un public enthousiaste… En Angleterre la première génération se dissout lentement mais sûrement. Mais une autre surgit. Beatles et compagnie… Qui très vite prend le dessus.

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    En France cette deuxième génération n’existe pas, un peu comme si la première avait constitué tout l’effort de guerre rock dont le pays était capable. Certes les maisons de disques ont veillé au grain mais n’empêche qu’il a existé comme un hiatus musical générationnel quasi intégral. Troublante infertilité… Jusqu’à 4000 groupes en 1962, quelques centaines en 1964, la quasi-totalité d’entre eux très vite jettent l’éponge et disparaissent sans bruit… Je tente une explication, totalement hypothétique, la période 64 - 68, s’est avérée pour la jeunesse de notre pays, un lustre (peu lumineux) d’incubation d’un mouvement de révolte qui prend une autre forme que musicale, elle endosse une coloration politique qui éclatera en mai 68. C’est dans l’après-mai que la musique reprendra ses droits, des groupes, porteurs d’une démarche de rupture, verront le jour mais leur audience restera minoritaire. Ces nouvelles démarches se veulent underground – teintées de ‘’philosophie hippie’’ - leur rêve de changer les formes de vie de la société les coupe de la plus grande partie de cette génération que l’on stigmatisait alors sous la méprisante appellation de ‘’minets’’. Cette scission se poursuivra durant des années, la minorité rock se retrouvera dans le mouvement punk, et les jeunes minets deviendront les adeptes du disco. Cette vue souffre d’un schématisme extrêmement réducteur mais me semble à l’origine de bien des fractures de la population actuelle si l’on se donne la peine d’affiner l’analyse. Sociorocklogique !

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    Les double-pages de ce livre ressemblent à ces portes de  frigidaires envahies de post-its. Lues une par une, ces notules sont des plus lacunaires et fragmentaires. Elles n’en trahissent pas moins, si l’on prend soin de les interpréter  en leur intégralité cumulative, le portrait assez fiable de la personne qui les a réunies, une vision  schématique certes, mais qui permet de saisir une insistante cohérence. Mais dans ce volume chaque post-it exprime non pas une existence individuelle, mais l’inscription  d’une volonté collective en le sens ou le nom du chanteur ou du groupe est à percevoir comme une réaction sise en  un moment donné dans un mouvement musical dont ils ne sont qu’un des rouages, plus ou moins déterminatif, qu’ils ne sont pas les seuls (staff et public, etc…) à vouloir faire tourner plus ou moins vite.

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    Le livre se ferme en décembre 65. Suit une double-page terminale. Apparemment le truc que l’on n’a pas eu le temps de traiter : le rock’n’roll look. Vous auriez envie d’une conclusion, vous ne l’avez pas. D’autant plus que le look roc n’existe pas, il varie selon les époques, des tendances mais pas d’une uniformisation d’une décennie… N’est-ce pas plutôt une manière de nous prévenir : le rock’n’roll est un phénomène complexe et multiforme. Voici les faits, les personnages, les œuvres, les artefacts pour l’idéifier ne comptez sur vous-même !

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    Se pose un dernier problème, le tout premier c’était le choix 1955, mais c’est le volume refermé que l’on peut se demander : mais pourquoi au juste 65 ? C’est bien une date charnière, perso j’aurais proposé 1964, mais une charnière possède deux volets articulatoires. La réponse me semble inscrite sur la couverture du livre. Une réussite. D’autant plus forte que d’une simplicité absolue, un fond rouge profond, de toute beauté sur laquelle se détache en blanc et noir la silhouette voltigeante d’Elvis Presley. Inutile d’aller chercher plus loin une explication, en 1965 le roi Elvis est détrôné par les Beatles, le rock’n’roll cède la place au rock. Une autre histoire commence, elle n’est que la suite de la précédente. Mais ce n’est plus la même histoire.

    Damie Chad.

    P.S.: pour illustrer cette chronique nous nous sommes amusés à rendre hommage à Bill Haley au travers de quelques pochettes… L’idée nous a été donnée par un des post-its consacré à l’immortel auteur de Rock Around The Clock !

     

     

    *

             Vous allez voir de quel bois je me chauffe, non je plaisante, une séquence strictement écologique, consacrée à un arbre, attention, il y a arbre et arbre !

    LIGNUM MORTIS

             Ne cherchez pas le nom du groupe, c’est un homme seul, ne cherchez pas le nom du gars, il ne fait qu’un qu’avec son œuvre. Comme Flaubert qui déclarait : ‘’Madame Bovary, c’est moi’’, à la différence près que notre homme a l’air plus intéressant que Mme Bovary. Je ne sais rien de lui, sinon qu’il vient de loin, du fin-fond du Chili. Ne donne que ses initiales J. E. ce qui permet de  le retrouver sur plusieurs autres groupes chiliens ultra-dark.

    Il n’arbore point pour se présenter comme la plupart des groupes metal un logo au lettrage gothique difficile à déchiffrer, il possède un sceau comme s’il voulait vous envoyer  une lettre de cachet. L’a choisi un symbole des plus réversibles, représente aussi bien le Christ promesse de vie éternelle qu’un arbre mort. Tous les catéchumènes savent bien que le Christ est mort pour nous, à moins que, selon certains hérésiarques, ce soit la mort qui ait été faite pour le Christ, ce qui change les perspectives…

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    Ecrit ses textes en espagnol et en latin, l’emploi de cet idiome me l’a rendu d’emblée sympathique. Pour moi tout ce qui vient de Rome et de Grèce éveille ma curiosité. J’avais envisagé de chroniquer son dernier opus, sorti ce mois de décembre 2025, mais j’ai trouvé  ces lyrics si bien écrits, le fait qu’il les ait tirés à 30 exemplaires sur K7 m’oblige à penser que pour notre poëte la poésie ne se divulgue pas. Elle attend qu’on la recherche. Du coup j’ai décidé de présenter l’ensemble de son œuvre, je vous rassure elle n’est pas trop longue.

    LIGNUM MORTIS

    (Mars 2015)

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             Ne souriez après un regard hâtif sur la couve, non vous n’êtes pas au Paradis, enfin si vous y êtes mais vous arrivez au mauvais moment, celui de la chute, le serpent batifole dans le feuillage et, fixez le dessin, l’arbre n’est qu’un squelette, vous n’êtes pas auprès de l’arbre de vie regorgeant de fruits et visité  par les oiseaux, vous êtes loin de l’amélanchier  que Chrétien de Troyes se plaît à décrire dans ses romans-poèmes, vous êtes auprès de l’autre, celui du Bien et du Mal, dont les fruits vous feront comme des Dieux, hélas, ils vous offriront en contrepartie : la mort ! Lignum Mortis en doux langage latin signifie arbre de mort. Dans la liturgie catholique il est même associé au pilastre de bois sur lequel le Christ a été apposé sans ménagement.

             Que le lecteur ne soit pas surpris par la noirceur de cette thématique, le Chili est de culture espagnole, or la poésie espagnole regorge de poèmes auto-sacrificatoires à vocation masochiste, pour ce peuple religieux rien n’est jamais assez noir pour faire luire encore plus fort la lumière divine. Rien de plus nihiliste que cette vision ibérique. Nietzsche nous a expliqué : plus vous donnez une valeur à une chose, plus elle est destinée à périr. N’allez pas chercher plus loin pourquoi Dieu est mort : vous l’avez trop aimé ! Bande d’idolâtres ! Relisez les sermons de Bossuet !

    Mortem : avec un tel titre vous doutez que ça commence mal, après un tel début n’osez plus prononcer l’expression silence mortel ! Des pistes sonores superposées chacune continuant son chemin sans que les deux autres ne se préoccupent d’elle, d’abord la voix, grondante, elle explose du plus profond de la gorge, un son dévastateur, notre mort se porte bien, il grogne et charge avec la fureur d’un rhinocéros enragé, nous raconte une scène des plus érotiques, des plus dégoûtantes, pas le genre de cadavre à se masturber en cachette dans son cercueil, il se vautre dans sa chair putréfiée, l’en est même fier, il a péché selon la chair mais aussi avec lui-même car son reniement est trop violent pour ne pas être un désir inassouvi, n’est pas tout seul dans son agonie post-mortem, une espèce de fouet à béchamel géant vous corrode l’esprit de son incessant battement métallique, le récipient ne serait-il pas la boîte crânienne où son cerveau monté en neige éternelle est soumis à rude épreuve, ensuite vous avez un grondement, une espèce de cri d’anaconda à l’étroit dans un tuyau qui ne parvient ni à avancer ni à reculer, en prime sur la fin une batterie qui hache sans rime ni raison, uniquement parce que c’est nécessaire.  In fluunt de infiniti : (Emanant de l’infinité) :  dans dans la série mort où est ton royaume, la réponse à la question vous est apportée, sur un plateau chaotique, visite guidée avec, incroyable mais vrai, l’infernal boucan qui s’arrête, et vous voici dans une église avec un prêtre qui récite son homélie, ce moment de répit, toutefois lugubre, est brutalement suivi par un charivari endiablé, essayez d’imaginer un charleston joué par un groupe de metal orgiaque, car le mort n’est pas au bout de ses surprises, la mort regorge de monde, les dieux morts sont tous là et plus loin les puissances élémentales, et bientôt une décorporalisation de la matière physique, la mort est une pensée qui pense la mort, et cette pensée traverse le mort et le pense lui-même, elle l’abreuve de tous les crimes qui ont été commis, un flux infini de colère et de regrets le roule violemment, d’où la révélation que la pensée de l’horreur et la pensée d’une chose supérieure sont toutes deux une seule et même pensée. Dialogus cum ignis : tumulte vocifératif, les idées s’entrechoquent, si le plus égale le moins, et si l’on est parvenu au plus par le moins, autant suivre la pente du moins, tout s’emballe, plus vite encore, les bruits se télescopent, la réalité n’est-elle pas un kaos triomphant, le feu infernal n’est-il pas un moment de purification et un tourbillon de cendres.

    VACUUM INFERNO

    (Décembre 2022)

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    La pochette est réduite au minimum vital, pardon mortel. Figurativement parlant comment voudriez-vous dessiner le vide ?

    Vacuum inferno I : (Enfer vide) : pour comprendre cet opus il est nécessaire de ne pas oublier que le disque précédent est le récit d’une descente, non pas d’un vivant dans la mort, mais d’un mort dans la mort, une expérience infinie puisque l’éternité de la mort ne saurait être que l’éternité du divin, la résultante de cette opération étant qu’il est difficile de considérer que mort et divinité ne sont qu’une seule et même éternité. Mais alors qu’en est-il de cette notion d’éternité que l’on retrouve en tant que puissance infernale. Au morceau précédent nous étions dans les flammes de l’œuvre au rouge, nous voici dans l’œuvre au noir. Opération alchimique inversée. Du bruit, des trompes venues de nulle part et de partout, des espèces de clameurs vocales au-delà des mots, mystère et boule de gomme, boule de pierre géante qui court après vous sans vous rattraper car l’on ne peut tuer la mort, l’impression que des orques mugissent sur un rivage désertique, désolé nous faisons au mieux, pas de grandes orgues à notre disposition. Vacuum inferno II : du bruit encore plus assourdissant, des étirements sonores, protégez vos oreilles, comme des roulements de canon, serait-ce une illusion, on dirait que le bruit essaie d’imiter des choses, chacun les interprétera à sa manière, est-ce que ça ne ressemble pas à… on s’en moque, avant tout n’est-ce pas un effort de signifiance, pourquoi pas un effet de gentillesse, car après tout si l’enfer est constitué du même infini  que le divin, au-delà de l’ambiance écrasante et mortuaire, est-il besoin de s’en inquiéter vraiment. Ne serions-nous pas entre un verre d’infini à moitié plein et exactement dans le même verre d’infini à moitié vide…    

    LIGNEM MORTIS II :

    (Décembre 2025)

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    Le quatrième disque de Led Zeppelin a été très vite surnommé IV.  Mais ce Lignem Mortis II n’est pas le deuxième opus mais le troisième. II signifie deuxième tentative. La première a fonctionné, mais maintenant elle ne satisfait plus son auteur. Alors il recommence : il ne reprend pas au début mais il commence là où la première tentative s’est arrêtée sur deux instrumentaux.

    Inmanencia : nous sommes dans l’immanence des choses, dans les choses elles-mêmes, une nuit de ténèbres, de pluie, d’orage et de tonnerre, un peu comme si depuis le fond de son infini infernal le mort haussait les yeux pour apercevoir le temps de chien qui ruisselle sur sa tombe. Un spectacle un peu cauchemardesque mais ô combien naturel. Même si l’on gît au fond de sa tombe l’on peut projeter un regard de peintre cubiste sur sa propre tombe.  Transubstanciacion : attention une inversion des valeurs pratiquement nietzschéenne, les instruments employés émettent de véritables sons d’instruments et le vocal porcin fait des efforts pour que l’on reconnaisse que celui qui s’égosille n’est pas un cochon, parvient même à articuler à la manière des êtres humains civilisés, normalement le vin se transforme en sang du christ, mystère de la transsubstantiation, ici le cycle est un peu plus long, le grouillement prostitutif de l’humanité et des dieux se nourrit de sa propre merde, une fois réduits en pourriture dieux et hommes repassent dans le grand recyclage, ils se transforment en herbe que broutent les moutons… les moutons nourrissent les hommes et tout recommence… ne pas confondre transsubstantiation et transformation…Cherchez l’erreur. L’infini de la mort ne se transforme pas en infini divin… Inexistentia : méditations ultra-rapide, moulin à paroles, drummerie galopante et guitares hors-bords, qui parle au juste, le mort, le Christ, la réponse n’est guère intéressante, de toutes les manières celui qui parle existe qu’il soit mort ou vivant, comme le cycle perpétuel de la nature qui se décompose et se renouvelle sans cesse, le divin n’est plus ce que l’on croyait il n’est qu’un autre mot, en plus ou en trop, qui philosophiquement s’énonce panthéisme… oui mais cette notion n’est-elle pas un voile jeté sur cette force kaotique qui n’est autre que l’infini divin. Oquedades : (= viduité) : quelle sérénité dans ces notes de guitare, c’est pourtant un moment de révolte métaphysique, combat contre l’hydre du vide aux mille têtes qui veulent m’imposer l’idée que tout existe, que tout se vaut, que ce que je nomme infini divin n’est pas supérieur ou inférieur à l’infini de la mort, chaque fois que ta pensée me touche je reprends force, car toi-même n’es-tu pas qu’uns forme de l’infini dans lequel tu serais englobé. Sol Occidit : (= le soleil se meurt) : ce morceau est sorti en avant-première au mois d’octobre, il était accompagné d’une couve très explicite : le sang

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    du soleil recueilli dans la coupe du néant, ce dernier symbolisé par deux crânes :  l’on dirait un prêtre psalmodiant un rituel, en tout cas l’ambiance est aussi mélodramatique que quand Socrate a saisi la coupe de cigüe, mais ce que saisit notre mortel n’est-ce pas la coupe du néant philosophique, une manière comme une autre, pas tout à fait, car après avoir bataillé toute sa vie contre l’infini conçu en tant que néant, décider soi-même de l’instant où l’on retournera au néant, n’est-ce pas une manière de signifier quelque chose au néant de lui donner un sens particulier qui le colorie en quelque sorte selon moi. Quelques notes de guitares qui tombent dans le silence, mais la voix décide, c’est elle qui mène la barque, c’est elle qui commande. Ataraxia : pluie, orage, comme au début, coups comme si l’on frappait à une porte. Elle grince, elle s’est ouverte. Quelqu’un rentre-t-il dans son tombeau ou en sort-il. Que l’on y entre ou que l’on en sorte, quelle importance si votre âme est en paix avec elle-même. Un peu comme notre promeneur privé de son tourment.

             Attention ce Lignum Mortis peut vous plonger dans d’interminables ruminations. Mais penser n’est-il pas le propre de l’homme. Qu’il soit mort ou vivant. 

    Je vous laisse méditer sur la couve de l'opus...

    Damie Chad.

     

     

    *

             Y a des noms de groupes à dormir dehors. Je ne jette pas la première pierre, pas facile d’être original, je le concède. Toutefois j’avoue un a priori pour les noms à rallonges. Pour celui-ci, j’allais passer sans m’attarder, mais mon esprit a vacillé un quart de seconde : mais non Damie c’est le titre de l’album, vérifie ! Je ne m’étais pas éléphanté. C’était bien le nom de la formation, par contre quand je vois un tel titre, je n’écoute même pas avant de prendre la décision de chroniquer.

    OUROBOROS

    SHADOWS TALLER THAN SOULS

    (Bandcamp / Décembre 2025)

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    La couve, due à Kyle Bialk, est plus profonde qu’il nous semble de prime abord. Le dessin un peu naïf en dit davantage qu’il n’y paraît. Une interprétation de la célèbre scène de Diogène se promenant à midi, l’heure la plus claire, dans les rues d’Athènes une lanterne à la main et répondant à ceux qui l’interrogent sur son étrange conduite : ‘’ Je cherche un homme !’’. Notre homme à nous, ne possède même pas une lanterne, sa seule boussole c’est son esprit, il regarde de tous les côtés, il cherche, il ne trouve rien, les ombres sont en effet plus épaisses que sa clairvoyance…

    J’ignore s’il s’agit du même Kyle Bialk mais voici huit ans est paru un ouvrage  titré :  The Diary of The Unknown Philosopher Vol 1 (Journal d’un philosophe inconnu. )

    Dan Schmidt : bass, addtl. guitars / Nick Stadler : guitars, vocals /
    Joe Widen : drums and percussion, addtl. guitars, backing vocals.

             Viennent de Milkwaukie célèbre par chez nous grâce à Jerry Lee Lewis, ville située à cent cinquante kilomètres de Chicago. Se présentent sans forfanterie : ce premier album est le résultat de leur travail depuis leur formation. Les premières démos remontent à 2019.On y retrouve toutes leurs influences : doom, punk, psyché, garage. Sont comme sur la pochette : recherchent tous azimuts.

    In darkness : ça déboule dur, pour des gars qui sont un peu perdus, ils tracent leur chemin à vitesse supersonique, galopent dans le noir comme en plein jour, une batterie qui cartonne et l’ensemble qui déchire, le vocal fondu dans la masse, sont honnêtes, ils sont pratiquement mort mais ils préfèrent vivre, sont comme Arthur Schopenhauher, ils ont le vouloir vivre chevillé au corps. Remarquez, c’est philosophiquement logique : Nietzsche a lu Schopenhauer et ensuite il a connu l’illumination de la pensée de l’Eternel Retour. Grim by reputation : ne sont pas là pour perdre le temps, ils essaient toutes les solutions, celle-ci est particulièrement violente, cassent même leur morceau en deux, une première partie, ils dévalent la théorie : on va tous crever, arrêt- buffet ils martèlent la solution : autant tuer que d’être tué, insinuent même avec un sourire sardonique qu’ils y prennent plaisir. Bonnes gens ne vous insurgez point, dans votre âme c’est le noir qui prédomine ! Mara : nettement plus lourd, plus doom, font le point, ce n’est pas tout à fait de leur faute, dans notre univers la tentation est partout, petit tour vers le boudhisme, mara ce n'est pas marrant, tout est possible, tentations illimitées, vous avez beau essayer, tentez ce que vous voulez, vous n’en serez pas plus heureux pour autant, même davantage malheureux, beaucoup de vocal, quand on est perdu on a tendance à se retrouver à  plusieurs, sur la fin on sent qu’ils ont pris une décision, la musique dément leur nihilisme affirmé. Shamsara : sont à cheval entre la théorie des cycles vie-mort qui n’en finissent pas de se répéter et de leur malaise physique à ne pas pouvoir s’en échapper : en tout cas ils ont repris du peps, y vont à tout berzingue, une voix de renard glapissant et toute la rythmique qui déboule à la Led Zeppe, une guitare ahane c’est sûr qu’ils n’ont pas trouvé l’escalier qui monte au Paradis, mais ils se permettent de ses dégringolades des plus énergiques. Stasis : beau son de guitare, ne pas confondre stase avec métastase, ni calme, ni luxe, ni volupté, certes on n’ avance pas mais on ne recule plus. Rebirth : en avant toute, les choses ne sont que ce qu’on en fait, un peu de courage, regarde ta triste situation comme l’oiseau s’approprie la branche sur laquelle il va construire son nid, à toi d’agir, si le temps est courbe, utilise la courbe, ne te bats pas contre elle, le bad trip se transforme en joyeuse farandole. Mage duel : les paroles sont inutiles, tu dois te battre contre toi-même, c’est fou comme les cymbales résonnent dans tes oreilles, c’est lourd, mais le chemin est à prendre et tu te mets à courir, droit devant toi, est-ce folie ou exaltation, délivrance ou cul-de-sac. Indecision : le rythme s’alentit, le vocal prend sa revanche, résonne comme un chant d’église, tu fais le point sur toi-même, est-ce que quand je serai mort je serai enfin tranquille, et pour combien de temps, les guitares klaxonnent, on dirait qu’elles se foutent de toi, tout le mode est déjà dans la voiture et l’on n’attend plus que toi, ne savent plus quoi faire pour que tu cèdes à l’appel, que tu prennes enfin ta décision, alors ils font un potin de tous les diables, l’on adore ce fabuleux tintouin ! Ouroboros : ben non, vous n’aurez pas la solution, la batterie concasse tes illusions, les guitares boutent le feu à cet amas de décombre qui t’encombre la tête, le vocal t’interpelle, les chœurs tentent de t’attirer, comme des matelots qui attendent que tu les rejoignes. Tout est en toi, ou tu souffres en masochiste ou tu danses comme la pensée de Nietzsche, ni bien, ni mal, ni tout, ni rien, tout dépend de ce que tu veux.

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             Rien à dire, les grandes pensées aident la musique à se surpasser. Pensez à Nietzsche et à Wagner. Et puis pensez à ces Shadows Taller Than Souls, ce groupe vous foutra un gros coup de pied au cul et au mental.

             Je ne saurais vous souhaiter meilleure année qu’en vous recommandant d’écouter cet album.

    Damie Chad.