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dee dee ramones

  • CHRONIQUES DE POURPRE 716: KR'TNT ! 716 : DEE DEE RAMONE / NOTHINGHEADS / SHE & HIM / GARY FARR / CHEAP TRICK / DENNIS COVINGTON / ELVIS PRESLEY / GENE VINCENT + McCARTNEY / CERBERE / MALEMORT

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 716

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    24 / 12 / 2025

     

    DEE DEE RAMONE / NOTHINGHEADS

    SHE & HIM / GARY FARR / CHEAP TRICK 

    DENNIS COVINGTON / ELVIS PRESLEY

     GENE VINCENT + PAUL McCARTNEY

      CERBERE / MALEMORT

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 716

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

     - Les Ramones la ramènent

    (Part Four)

     

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             Avec les Ramones, c’est un peu comme avec les Beatles : on a du mal à choisir son chouchou. Difficile de préférer John à George. Difficile de préférer Dee Dee à Joey. Mais ça ne nous empêche pas de faire des focus. Les focus ne disent pas une préférence. Ils se contentent de focuser. Comme Joey, Dee Dee a une vie en dehors des Ramones, oh pas grand-chose, mais ses quelques albums et ses deux ou trois books valent le détour.

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             À ceux qui ne l’ont pas encore lu, on recommandera la lecture de Legend Of A Rock Star: The Last Testament Of Dee Dee Ramone. Dee Dee y raconte dans le détail sa dernière tournée européenne, en mars/avril 2001, en trio avec Chase Manhattan (drums) et Chris Black (guitar). Le book s’orne en couve d’une somptueuse photo du Dee Dee torse nu. Il est en parfaite osmose avec le titre de son Testament. Il n’existe rien sur cette terre de plus rock-staric que Dee Dee Ramone.

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             Tous les fans des Ramones voient Dee Dee comme le plus créatif des quatre. Ce book alimente ce mythe. Bon alors attention, Dee Dee Ramone n’est pas un styliste ni un prosateur de haut vol. Il se contente de rester égal à lui-même, c’est-à-dire un outsider sorti de nulle part, qui est arrivé in the right place in the right time, with the right guys. Il ne faut jamais perdre ça de vue. Les Ramones ne pourraient pas apparaître en 2025. Ils ne pouvaient apparaître qu’en 1975. C’est une évidence, qui, comme toutes les évidences, n’a besoin d’aucune explication. Disons qu’au sortir de l’adolescence, on a eu la chance de «vivre» tout ça : Stooges, MC5, Dolls, Velvet et Ramones. C’était la troisième vague, la première étant celle d’Elvis/Jerry Lee/Little Richard/Gene Vincent/Chucky Chuckah/Bo Diddley, la deuxième étant celle des Beatles/Pretty Things/Who/Rolling Stones/Kinks/Beach Boys, et la quatrième sera celle des Pistols/Damned/Buzzcocks. Voilà pour les vagues. Les vagues sont importantes. Elles emportaient tout. On en garde des souvenirs grandioses. Aujourd’hui, elles semblent avoir disparu. Ainsi va la vie.

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             Le Dee Dee book est bien sûr richement illustré. Les photos de Dee Dee pullulent. Les amateurs de bon trash vont se régaler, car Dee Dee donne tous les détails, il s’amuse à faire dérailler son récit, il entre par moments dans le territoire du Conte Rock. Premier exemple avec cet échange entre Chris Black et lui. Ça se déroule dans l’hall de l’aéroport de Los Angeles. Chris mâche son chewing-gum et Dee Dee lui demande d’arrêter de mâcher comme un dingue, how about giving me a break, mais l’autre ne comprend pas, what do you mean a break Dee Dee?, alors Dee Dee est obligé de lui expliquer qu’il ne supporte plus le gum chewing et il s’enfonce dans le détail de son exaspération, your jaw is going a million miles a minute, il lui demande de jeter son chewing gum, get rid of the gum, all right?, alors l’autre lui dit qu’il vient d’arrêter de fumer qu’il chewe son gum, God! Damn! It! I’m doing this for the band. La scène se déroule juste avant d’embarquer dans l’avion à destination de l’Europe. Dee Dee remet les choses au point avec les deux autres : «I don’t like smart alecks. I hate gum chewing. It makes me dislike young people.»

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             Et c’est parti. Sur scène à Londres, il sniffe des lignes de coke entre deux cuts, feignant des problèmes techniques and walking backstage for a second. Sur scène, il joue des Ramones songs, plus le «Motorbikin’» de Chris Spedding et deux ou trois bricoles comme «Do You Love Me», «The Locomotion» et «Mr. Postman». Il décrit soigneusement les backstages, raconte qu’ils sifflent 44 canettes de bière à eux trois, qu’ils baisent des groupies, qu’ils laissent les murs couverts de bodily fluids, il rappelle que tous sont mariés ou dans des relations durables, mais ajoute-t-il avec un sourire en coin, il n’y a pas de mal à accepter un blow job once in a while and that’s not cheating for the guy. Et tout le monde fume de l’herbe là-dedans, and we could hardly see or breath anymore. Les scènes qu’il décrit sont marrantes. On sent que Dee Dee se régale à décrire le trash des backstages. Les petites gonzesses qui entrent dans les loges viennent clairement pour se faire baiser.

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             Ah ! Et les hôtels ! Encore un moment d’anthologie. Il décrit l’Hôtel Durante à Milan - The place litteraly stinks like cat piss - Les toilettes sont dans le couloir. Dee Dee va jeter un coup d’œil à la bathroom, et en ouvrant la porte, il tombe sur un «angry, centipede fiercely coiling in a corner, giving me a don’t-give-me-any-shit attitude on the garbage-covered floor.» Et c’est pas fini ! Il lève la tête et il voit au plafond des toiles d’araignées «with lethal-looking black widow spider calmly hanging down from them, giving me looks of death.» Bienvenue dans le punk fairy world of Dee Dee Ramones. Son récit déraille délicieusement, il crée un monde à partir de rien et ce sont ces gens-là qu’on aime bien.

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             On retrouve le chaos sur scène, ça dégénère assez souvent et pour ne pas se faire casser la gueule, ils doivent se barrer de toute urgence and throw ourselves into the van. Dee Dee claque la porte violemment et crack, il coupe les doigts d’un fan qui lui tendait un papelard pour avoir un autographe, alors le road manager Minna passe la première et fonce, et bam, il percute un fan «holding the first Ramones album in his mitts, probably killing him on the spot», et Dee Dee d’ajouter, goguenard et un brin fataliste : «I don’t know for sure (si l’autre est mort), but the one that got his fingers cut off looked a mess, shouting in pain and blood spraying from the amputated stumps.» On dirait les paroles d’un hit des Ramones, one two three four ! And blood spraying from the amputated stumps !

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             Un autre plan backstage : Dee Dee cause avec un angry Swiss psycho qui affirme que «Punk rock started in Ireland», ce qui fout Dee Dee en rogne. Wott? rétorque Dee Dee. Et il met les points sur les zi : «The fucking Ramones started punk rock music in New York, right?». Le Swiss psycho lui répond : «My favorite group is the Angelic Upstarts», alors Dee Dee attrape une chaise et lui fracasse la gueule, «over the head three or four times», puis il l’attrape par le pied et le traîne dans la rue pour le finir à coups de pompes, «then I dragged this poor, half-dead person and left him bleeding on a cow pile.» Dee Dee écrit tout simplement un punk book.

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             En Allemagne, il a un autre échange tumultueux avec un certain Herman qui ose dire à Dee Dee qu’il hait le punk : «We’re not punk, I hate punk, we’re rock and roll», alors Dee Dee se fout en pétard, il se met à hurler : «Aren’t the Ramones punk? Aren’t I the king of punk?» Et l’autre lui répond que les Ramones «are scheiss. I hate them.» Dee Dee sort de ses gonds, «What? You hate the Ramones?», et l’Herman en rajoute une couche, «And I hate punk. And I hate all Americans.» Dee Dee tombe des nues : «But America gave the world rock and roll music.»

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             Et voilà les frontières. Ils doivent aller jouer à Oslo. Les flicards norvégiens leur demandent de se garer pour une fouille. Ça caille. À poil ! Dee Dee repère un queer cop avec un gant en caoutchouc. Baissez vos frocs ! Quoi ? Le queer cop va leur mettre le doigt dans le cul ? No way ! Alors Dee Dee cogne l’un des flicards, lui pique son flingue et descend les autres. Le groupe les finit à coups de pompes - There was blood and guts all over the snow - Ils planquent les corps et se barrent. Punk book. Enfin un contrôle de frontière marrant ! Ne manque que Nico.

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             Dee Dee sent qu’il commence à fatiguer. Il ne veut plus faire ce genre de tournée. Il ne veut plus jamais revenir en Allemagne de l’Est. Et pourtant, c’est là qu’il a grandi - I used to feel sentimental about Germany. I grew up here. My mother is German. Maybe I don’t fit in, in Germany. That’s not my fault - Et sur la page d’en face, il se confie : «I’m not a punk, skin, Nazi, or snob. I’m defiant. I’m angry. You made me that way. So fuck you all. Yes, I’ll want my turn in line.» Et plus loin, il chute ainsi : «What I had to end up becoming in an American fucking outlaw. So burn, Germany, burn. I’ll light the fire.»

             Et quand les concerts dégénèrent un peu trop, Dee Dee se dit qu’il est grand temps d’arrêter les frais - After the set was over, things spilled out on the street. The police had to come, and an ambulance. The only way that I can protect myself against all this is to stay home where it’s safe, and to get out of the music business while I’m still in one piece. Classique.

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             Dee Dee décrit les toilettes du Club Atlantik, à Fribourg, en Allemagne. Pas de portes aux gogues et un canard pop allemand, Bravo, pour se torcher - Rip out a page and wipe your asshole with it. Ouch! - En plus, ce sont des toilettes turques et tout le monde a la diarrhée. Punk book. Dee Dee décrit une scène qui détend une atmosphère bien chargée (smelly farts, bad hotels and riding in the van) : comme il n’y a pas de porte, tout le monde voit Robert en train de chier. Il attrape un numéro de Bravo et tombe sur un pinup poster de Britney Spears, et plutôt que de se torcher le cul avec, il se branle dessus, «then masturbating his hard-on and then shooting a load all over her pouting face.» Dee Dee est encore pire que Michel Houellebecq.

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             On approche de la fin et Dee Dee raconte qu’il écrit ce texte le 4 juillet, Independance Day, 2001 - I can still sort of remember playing the Round House in London twenty-five years ago on July 4, 1976. Wow.

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             Il va finir sur l’épisode du Music Hall Of Fame où sont invités les trois Ramones survivants. Pour lui c’est important, car cette consécration indique que les Ramones «will hold a legendary position in musical history, right there after the Beatles.» Et voilà comment on boucle la boucle.

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             Pourquoi Zonked! est un big album ? Parce que Daniel Rey le produit et l’enlumine avec son jeu Johnny-Tunderien. C’est clair dès «Fix Yourself Up». Tu crois entendre ce vieux héros de Johnny T. Joey ramone sa fraise sur «I Am Seing UFOs», te voilà en plein dans le son des Dolls et des Ramones. «Get Off Of The Scene» est encore bien Dollsy. Daniel Rey est un fabuleux entremetteur. On monte encore d’un cran dans le mythical avec «Bad Horoscope» puisque Lux chante. Il tranche dans le vif. Il te propulse droit au cœur du mythe. «It’s So Bizarre» voudrait bien sonner comme un hit, le Dee Dee y va au what can I do ah ah ah-ah et on savoure son génie pop. Barbara chante deux cuts, «Get Out Of My Room» et «My Chico,» et on se régale une dernière fois avec le départ en vrille de wah que place Daniel Ray à la fin de «Victim Of Society».

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             Chris Spedding produit et joue sur Greatest & Latest. Dee Dee ne se casse pas la nénette, il tape dans la Ramona, donc pas de surprise. T’as Barbara on bass et Chase Manhattan au beurre. Ça joue sec. On assiste à une belle descente au barbu avec «Time’s Bomb», et avec «Sheena Is A Punk Rocker», ils passent au big time out, au punk de wild-as-fuck, ça taille salement la route ! Puis ils tapent une cover du «Motorbikin’» de Sped, c’est rondement mené, avec le Sped en concasse sur la fin. On a encore du pur jus de Ramona avec «Cretin Hop», mais c’est joué à la Sped, sans égards pour les canards boiteux. Belle cover du «Shakin’ All Over» de Johnny Kidd, le Sped veille au grain et ramène son expertise du rock anglais dans la Ramona, et avec Dee Dee, ça fait tilt. Ils tombent en  plein dans les Dolls avec «Fix Yourself Up». Sped s’en donne à cœur joie, il attaque à la Johnny T sur ce fast boogie. Le «Beat On The Brat» sans Joey sonne bizarrement, mais ça tient bon. Et le coup de génie arrive en fin de route avec la version instru de «Sidewalk Surfin’», le Sped gratte des poux magiques, il ramifie ses notes à l’ongle sec, il joue gras et futuriste, il flamboie de tous ses feux et gratte à la pure jouissive acidulée. 

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             C’est encore Sped qui produit Hop Around. Il y gratte aussi ses poux. Il gratte à la cisaille extrême. Quant à Dee Dee, il ne lâche pas sa formule : one two three four ! Il fait de l’heavy Ramona. «Get Out Of This House» sonne comme un coup de génie, itou pour «38th & 8th», chargé d’une riffalama énorme. Le Sped is on fire ! Barbara bouffe le morceau titre tout cru. On sent bien l’insistance du Sped dans «What About Me». Fantastique clameur ! Dee Dee bricole encore une weird tale avec «I Saw A Skull Instead Of My Face». C’est un créatif ! Sped te sature «I Wanna You» de disto et on revient au mythe avec la dégelée de «Chinese Rocks». Dee Dee on the rocks ! Sa compo ! Il chante comme Johnny Thunders. Barbara bouffe tout cru l’hard groove d’«Hurtin’ Kind» et Dee Dee incarne bien sa légende avec «I’m Horrible». Quel album !

    Signé : Cazengler, Ramone encore sa fraise

    Dee Dee Ramone. Zonked! Other Peoples Music 1997

    Dee Dee Ramone. Greatest & Latest. Conspiracy Music 2000

    Dee Dee Ramone. Hop Around. Other Peoples Music 2000

    Dee Dee Ramone. Legend Of A Rock Star: The Last Testament Of Dee Dee Ramone. Thunder’s Mouth Press 2002

     

     

    L’avenir du rock

     - Nothing(heads) to lose

     

             Bernard Pavot se tourne vers son invité :

             — Quel est le mot qui vous inspire le plus, avenir du rock ?

             L’avenir du rock fait semblant de réfléchir. Il fronce bien les sourcils et prend son air le plus con.

             — Laisse-moi gamberger un moment, mon Nanard.

             Il laisse encore passer une minute et lâche dans un soupir :

             — Ah tu m’as posé une colle, espèce de bâtard !

             Le silence s’installe. Les minutes s’écoulent. Bernard Pavot se tourne vers la caméra :

             — Pendant que notre invité réfléchit, nous allons diffuser une page de publicité. C’est à vous Cognacq-Jay !

             Dix minutes plus tard, le direct revient. Avec un grand sourire compatissant, Bernard Pavot relance son invité :

             — Alors, avenir du rock, allez-vous nous livrer le résultat de vos cogitations ? Nos téléspectatrices et nos téléspectateurs brûlent d’impatience de le connaître...

             — Nothing !

             — Vous n’allez quand même pas nous laisser en plan ?

             — Nothing ! Que dalle ! T’es bouché ou quoi, Nanard ?

             — Mais ça n’est pas possible, avenir du rock, vous qui êtes d’ordinaire si fécond, si prolixe... Vous qui êtes un tel puits de connaissances, un oracle insondable !

             — Nothing ! T’as les portugaises ensablées ? T’auras des coton-tiges pour ton Noël, mon Nanard !

             — Voyons, faites un effort, avenir du rock, vous êtes en direct devant des millions de téléspectatrices et de téléspectateurs...

             — Bon d’accord, c’est bien parce que c’est toi. Nothingheads !

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             — C’est tout ?

             — C’est déjà pas mal.

     

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             Tu vois les Nothingheads sur scène et t’en penses quoi ? Le plus grand bien. Pourquoi ? Parce qu’ils ont un sens aigu des montées en température et des shoots d’adrénaline. Leur set est un festin de son, un gros champ de bouillasse sonique que laboure en profondeur le petit mec du fond sur sa basse Burns. Ça faisait une

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    éternité que t’avais pas entendu gronder une basse Burns sur scène. Ces quatre Londoniens ont tout bon. On les catalogue ‘post-punk’, mais ça n’a rien à voir avec la Post. Ils se réclameraient plutôt du défenestratif, de l’onslaught, du rentre-dedans de revienzy, du so far-out de no-way out. Leur sens aigu du ramdam rappelle celui du Part Chimp de Tim Cedar.  

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             Au merch, tu ramasses Strongroom, leur petit bootleg live. Logiquement, il devrait te restituer l’ambiance explosive du concert. Dès «Down The Doomhole», ils labourent leur champ à coups de basse Burns. Ces mecs ont de la rémona plein les

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    pognes. La basse Burns creuse bien les sillons. Premier coup de génie avec «Lipstick». Quelle violence ! Et ils développent cette violence. C’est explosif. Tous leurs cuts vont osciller entre les Stooges et le Basement Five. Avec «Bean Engine», le bassman embarque la purée au paradis du no way out. Ils font du punch in the face en permanence. Soit ils labourent leur champ, soit ils le bombardent. Ils ne savent rien faire d’autre. Leur «Cabaret» file bien sous le vent et pouf, voilà un «Rat» bien dévastateur, monté sur un riff downhomy très Basement Five, ils sont même en plein dedans. Ils tapent dans cette fabuleuse esthétique du dark beat jadis initiée par Basement Five avec «Last White Christmas». Les Nothingheads deviennent très angulaires avec «Repeat Under The Lens», mais ça reste sans concession, joué à la vie à la mort. Et puis voilà «Salt», qui ne traîne pas en chemin, et la basse Burns retourne tout ça vite fait. T’as des échos de stoogerie dans «Blind Spot», ça destroy-oh-boy, il essaye d’élever le débat, mais la Burns bruine tout, on entend les accords de Wanna Be Your Dog, et ça se termine en explosion nucléaire où les Stooges se mélangent au Basement Five. Sur «Crumbs», le riff de basse renvoie aux Cramps, c’est encore du pur Basement Five, mais avec le swagger des Cramps, t’as vraiment cette combinaison de folies pures. Attaque frontale de la basse Burns sur «Diggins», et il chante au sang-froid explosif. Et ça se termine avec un «Private Pyle» bien dévoré du foie et explosé à chaque instant. Le plus drôle c’est qu’on n’entend pas les deux grattes sur le bootleg live, la basse Burns bouffe tout le son. Du coup, ça donne aux Nothingheads un allure encore plus sauvage. Tout prend feu sur ce bootleg live, c’est explosif de bout en bout. Il faudrait presque inventer des mots pour décrire tout ce bordel. 

    Signé : Cazengler, Nothing tout court

    Nothingheads. Le Trois Pièces. Rouen (76). 24 novembre 2025

    Nothingheads. Strongroom. Live Bootleg

    Concert Braincrushing

     

     

    Wizards & True Stars

     - Third World Ward

     (Part Two)

     

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             Suite des aventures d’M Ward avec le duo She & Him. Elle s’appelle Zooey Deschanel, et bien sûr, elle est très belle. Alors forcément, on s’attend au pire du meilleur, vu qu’M Ward est un surdoué. La meilleure façon de se conforter dans cette idée est d’aller écouter Melt Away: A Tribute To Brian Wilson. Ils en font un

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    carnage divin. Carnage car hors normes, et divin car encore plus hors normes. Ils attaquent avec «Darlin’» (Zooey arrive dans cette merveille avec une voix irréelle de beauté grasse). T’as Joey Sampinato d’NRBQ on bass. Et ça continue avec «Wouldn’t It Be Nice», c’est encore elle qui attaque cette merveille intemporelle au sucre de rêve. Elle traîne sa traînée, t’es au firmament de la pop, tout est parfait, on se croirait chez Des Esseintes. On entend bien sûr M gratter ses poux derrière, et ça vaut tout l’or du Rhin. On les attend au virage avec «Deirdre». C’est encore elle ! M gratte du jazz derrière. Et ça monte au ciel, ils duettent comme des coqs en pâte. Ils embarquent «Don’t Talk (Put Your Head On My Shoulder)» dans l’éther et elle arrive avec un sucre ferme. Zooey est infernalement juste et M déroule le tapis de velours du don’t talk. Dans une vie, on entend rarement des duos aussi brillants. Cet album est génial. On retrouve la pureté d’intention du duo dans «Don’t Worry Baby», M l’attaque au doux du menton et ça s’élève vers le ciel. Tu retrouves toutes les dynamiques des Beach Boys dans «This Whole World», les aouh dab dee lee lee, comme dans «Do It Again». Puisqu’on parle du loup, le voilà ! «Do it Again», dee dee dee lee. Le grand saut ! M est un crack ! And the beach was the place to go. M et Zooey le chargent à outrance, t’as même Brian Wilson derrière dans les da da lee lee lee, ça se noie dans le bonheur de l’endless summer, tap ta loo wahhhh ! Rien n’a jamais autant swingué sur cette terre que ce cut là, tap ta loo wahhhhhh !

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             Zooey et M tentent le diable sur Volume One avec «Sweet Darlin’» : ils recréent le Wall of Sound de Totor. Tout le bazar est là, intact, comme chez les Courettes, c’mon, ils tapent en plein dans le génie Totoric. Et Zooey fait sa Ronette dans «I Was Made For You», elle a exactement le même sucre que celui de Ronnie, et M a le son, il gratte une espèce d’heavy surf craze derrière Zooey. Autre coup de génie : la cover du «Should Have Known Better» des Beatles, mais ils tapent ça en mode country, and I doooo - Admirable ! - When I ask you to be mine - C’est M qui murmure ça dans la chaleur du sexe intense. L’idée de passer la Beatlemania en mode country est en soi géniale. Et c’est pas fini ! T’as encore deux coups de génie : «Why Do You Let Me Stay Here» (son fouillé, elle swingue son back-up des hanches, et ça devient sérieux, car M te monte ça en neige) et «This Is Not A Test», dont la qualité t’assomme littéralement. Zooey chante ça à fond de train et M fait les chœurs. Quelle puissance ils développent tous les deux ! Ils tapent une cover désossée du «Really Got A Hold On Me» de Smokey. C’est marrant et ça reste underground. Tous ces cuts ruissellent de power et de lumière, elle chante avec une indéniable grandeur tutélaire. T’es frappé de plein fouet par l’éclat de cette qualité artistique. Et donc tu sautes sur les Volumes suivants.

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             Volume Two est un hommage à la grande pop du Brill. Dès «Thieves», tu sens le souffle. Zooey compose de sacrés hits et M les produit. Pure magie pop avec cette voix éclatante, Zooey est déchirante de pureté évangélique. Elle tortille encore une pop de Brill dans «In The Sun», des chœurs somptueux la stimulent, we’re alright/ It’s okay, M s’y joint, et ça part dans l’extrême brillance du Brill avec une gratte qui fout le feu à Broadway, il pleut de la poudre de perlimpinpin  et t’as un final historique en guise de cerise sur le gâtö. Encore un hit immémoriel avec «Don’t Look Back». S’ils font une cover, ce sera celle du «Ridin’ In My Car» d’NRBQ. M adore NRBQ. Quand ils font de la country avec «Lingering Still», M en profite pour sonner comme James Burton. Encore une pure merveille d’you’ve got to be kind to yourself avec «Me & You» : intensité paradisiaque et guitare Hawaï. Dans «Home», M éclaire la baraque à coups d’interventions insensées et Zooey y va à coups d’I like the way you smile. C’est de si bonne guerre. Encore de la très grande pop avec «Over It Over Again». C’est d’une fraîcheur de ton qui te réchauffe le cœur. 

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             Encore un passage obligé avec Volume 3. On se croirait sur un album produit par Totor. La preuve ? «I’ve Got Your Number Son». Même ampleur, même ambition. Pur génie productiviste. Encore un coup de prod magistral avec «I Could’ve Been Your Girl», car tapé au tatapoum, avec en filigrane les trames de dingue d’M. Et ça atteint des sommets productivistes avec la cover du «Sunday Girl» de Blondie. T’as là une version ultra-dynamique, M fout le paquet avec sa cocote new-yorkaise. Et puis voilà les coups de génie : ça pullule. Zooey t’explose le souvenir des Supremes et de Motown avec «Never Wanted Your Love». Elle a tout pigé, elle tape directement dans la pop de rang princier, t’as du son partout. C’est le genre d’hit qui te chatouille l’intellect. Et ça explose encore avec «Baby», my little baby ! Magie pop des sixties. Elle tape encore dans l’œil du cyclone avec «Somebody Sweet To Talk To». Elle est explosive, elle t’éclate le Sénégal à coup d’I want you ! Elle se lance chaque fois à l’assaut du firmament et elle en a les moyens, la coquine ! Elle compose, chante et s’adjoint les services d’M le crack. Encore un cut de pop lumineuse avec «Hold Me Thrill Me Kiss Me». Elle est la Deschanel du paradis.

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             Comme Totor avant eux, Zooey et M enregistrent leur Christmas album : A Very She & Him Christmas. C’est un album très impressionnant. Elle attaque «The Christmas Waltz» au sucre de cristal. Voilà pourquoi M la veut : pour ce sucre. Il gratte ensuite des poux d’Hawaï dans «Christmas Day» et en fait un hit de fête foraine à la Brian Wilson. Et l’enchantement se poursuit avec «Have Yourself A Merry Little Christmas». L’M gratte les poux du paradis sur sa belle gratte. Il est l’artiste par excellence. On glisse fatalement vers le coup de génie avec «I’ll Be Home For Christmas», oui car ici, l’M renoue avec le génie productiviste de Totor. Ça bascule pour de vrai. Puis dans «Sleigh Ride», il claque un wild solo country. Plus loin, ils duettent comme des dingues dans «Baby It’s Cold Outside», et ça donne une merveille absolue. Ils ne sont pas les premiers à duetter cette antiquité : des tas de gens s’y sont frottés, dont Rod The Mod, James Taylor, Taj Mahal et les Boys sur leur Christmas album. Et pour finir, l’M gratte ses poux magiques derrière «The Christmas Song», et elle chante Christmas avec un chaleur qui te fait fondre comme beurre en broche. 

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             En 2016, ils retentent le diable du Christmas album avec Christmas Party. Grand bien leur fasse, car on retrouve cette version extrêmement musclée d’«All I Want For Chritmas Is You» qu’elle attaque à la clameur de la chandeleur. Fantastique Zooey ! Elle n’est pas loin du gospel, mais un gospel rockalama avec un beat solide et un solo de sax baryton. Ils font littéralement du Totor Sound ! T’as ensuite un «Let It Snow» bardé de son et derrière l’inexorable Zooey, t’as l’M qui gratte des notes liquides. Tout est stupéfiant de pureté, sur cet album. Encore un exemple avec «Mele Kalikimaka», c’est tellement pur qu’il faut rester concentré pour écouter ça, M gratte des notes en forme de boules de noël. Zooey transforme «Christmas Memories» en groove de jazz magique et tout bascule dans le rockalama des Beach Boys avec «Run Run Rudolph», oooouh la la la, merry go round ! M injecte dans son Rudolph tout le power des Beach Boys. «Winter Wonderland» est plus classique, mais chargé de pedal steel et de big voice à ras bord. Zooey is on fire ! Ils tapent ensuite dans le gros classique de Mann & Weil, «The Coldest Night Of The Year», belle pop de Brill, ils y vont au baby it’s cold out there, ils duettent à la vie à la mort. Ils te swinguent «A Marshmallow World» vite fait et M te gratte ça au jazz. Idem sur «The Man With The Bag», c’est jazzé jusqu’à l’oss de l’ass. Tu croises rarement un swing de jazz aussi pur. M se tape son petit quart d’heure Wes Montgomery. Ça te permet de le situer.

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             Comme tous les gens doués, ils proposent un album de covers triées sur le volet : Classics. Alors attention, c’est du sérieux. T’as du Burt avec «This Girl’s In Love With You» (plongée dans le rêve car c’est battu jazz, ça swingue au I need your love, t’as le slap, la trompette, et les accords gloutons d’M). T’as du Goffin & King avec «Oh No Not My Baby», repris par tous les cracks, d’Aretha à Rod The Mod, en passant par Maxine Brown, Merry Clayton et Dusty chérie (Zooey te fait rôtir cette merveille en enfer, elle se jette toute entière ans l’oh no not my baby, c’est tordu de bonheur intense). T’as le vieux «We’ll Meet Again» qu’avait repris Cash sur The Man Comes Around - We’ll meet again/ Some sunny day - T’as quelques duos d’enfer, notamment «Stars Fell On Alabama», un jazz standard de 1934, et «Would You Like To Take A Walk», où M chante d’une voix très rauque. Il faut aussi entendre M gratter «It’s Always You» aux accords de sucre d’orge. Zooey fais un carton avec «It’s Not For Me To Say», un groove de jazz, et ça passe, car elle est puissante, chaude et avenante. M se tape «She» tout seul, histoire d’ajouter une Beautiful Song à son collier de perles, enfin bref, on l’aura compris, cet album est un passage obligé pour qui en pince pour les grandes chansons, les grands interprètes et la grande prod. 

    Signé : Cazengler, M Whore

    She & Him. Volume One. Merge Records 2008 

    She & Him. Volume Two. Merge Records 2010  

    She & Him. A Very She & Him Christmas. Merge Records 2011 

    She & Him. Volume 3. Merge Records 2013   

    She & Him. Classics. Columbia 2014   

    She & Him. Christmas Party. Columbia 2016   

    She & Him. Melt Away: A Tribute To Brian Wilson. Fantasy 2022

     

     

    Inside the goldmine

    - So Farr out

             Avec Gorifor, tout fonctionnait sur le mode télépathique. Il suffisait d’échanger un regard pour prendre une décision. Pas besoin de discutailler. Exemple : nous voilà tous les deux dans un concert parisien de Lee Fields et ça tourne en mode participatif au bout de quatre cuts : le vieux Lee fait chanter la salle. Il se croit dans une église en bois. C’est laborieux et ça pète les reins du show. On échange un regard avec Gorifor et hop, on sort de là vite fait. On déteste les kermesses. On file vers un bar siffler quelques verres de pinard. On a vécu ce genre de mésaventure plusieurs fois. Quand c’est pas bon, c’est pas bon. Pas besoin de demander : «t’en penses quoi ?» Ça marchait aussi très bien dans l’autre sens, notamment avec les groupes de rockab. C’était peut-être notre «genre» préféré, au moins autant sinon plus que le garage. On faisait ce qu’il fallait pour s’en goinfrer, et pour ça, rien de mieux que les festivals de rockab. Gorifor avait épluché les programmes et il savait ce qui était bon et ce qui ne l’était pas. Et il ne se trompait jamais. Il était infaillible. Quand le groupe était vraiment bon, on restait jusqu’au bout. Lorsqu’un groupe se livrait à ce qu’on appelait le «rockab professoral», on décrochait d’un commun accord télépathique. On traînait pas mal ensemble chez les disquaires, il avait son réseau, pareil, il savait trier le bon grain de l’ivraie. On glosait pas mal sur le thème des bacs qui «avaient du jus». Ces bacs se raréfiaient. On remarquait souvent que d’une année sur l’autre, certains bacs ne «bougeaient pas». On les appelait «les bacs de la mort lente». On conseillait au disquaire d’aller s’acheter une corde pour se pendre au fond de son jardin. «T’es déjà mort, de toute façon.» Et comme on traînait dans les bars après les concerts, il est arrivé qu’on fasse des touches sans vraiment le vouloir. Exemple, un soir une belle gonzesse d’âge mur nous invite tous les deux chez elle à siffler des mojitos, alors on y est allés. On a sifflé les mojitos. On sentait qu’elle était du cul. On lui quand même posé la question fatale : «Qui de nous deux veux-tu baiser ?», et elle a répondu : «Les deux.» Alors elle a eu droit cette nuit-là à sa première séance de baise télépathique.

     

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             Pendant que Gorifor nous hante les dédales de la mémoire, Gary Farr hante les corridors de la légende, ce qui revient à peu près au même.

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             On ne pouvait pas résister au charme des pochettes de Gary Farr. Surtout celle de Take Something With You, qui nous le montre cadré serré. Le beau Gary est fils d’un boxeur gallois. Il tape un début de carrière avec les T-Bones et leur impressario Giorgio Gomelski les fait jouer en 1964 dans son Crawdaddy Club, en même temps que les Yardbirds et les Rolling Stones.

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    Barry Jenkins

             Meic Stevens raconte que Giorgio Gomelski avait loué en 1967 une baraque à Holmead Road, en face du Chelsea football club, pour y héberger des musiciens. Meic pouvait y loger à l’œil. Les autres locataires étaient Gary Farr, les Blossom Toes, Barry Jenkins des Animals, Shawn Phillips, des membres de The Action et de Blue Cheer - They were an interesting crowd.

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             Impossible de résister à l’envie d’écouter Gary Farr & The T-Bones. Giorgio Gomelski produit One More Chance, un excellent album. On est tout de suite frappé par le son mystérieux d’«How Many More Times». Bel écho. Gary Farr chante au doux du doux. Les cuts suivants sont très classiques, mais avec un son bien rond. Il faut attendre «Don’t Stop & Stare» pour frémir à nouveau. Gary Farr sait poser sa voix. En B, ils rendent un vibrant hommage à Bo Diddley avec «You Don’t Love Me» et «Dearest Darling». C’est vraiment bien senti. Dans ses liners, John Platt rappelle que 500 groupes hantaient le «club circuit» en 1964. Certains ont connu la gloire et la fortune - il cite les Yardbirds, les Stones, les Pretties et les Animals - et d’autres qui étaient aussi talentueux ont sombré dans l’oubli, comme les T-Bones. 

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             C’est en 1967 que le beau Gary opte pour une carrière solo. Il est accompagné par The Action. Gomelski s’occupe toujours de lui et le fait entrer en studio, avec des tas de gens intéressants : des membres de The Action qui sont devenus Mighty Baby, des Blossom Toes et de Spooky Tooth, pardonnez du peu.

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             Take Something With You est un album remarquable, produit par Reggie King. Au dos, on voit que les Mighty Baby accompagnent le beau Gary. Et on tombe aussitôt sous le charme de  «Don’t Know Why You Bother Child», une pop folky sensible à l’extrême, digne de Geno et de Fred Neil, avec Meic Stevens on guitar. Puis Martin Stone joue sur «The Vicar & The Pope», c’est dire si le beau Gary est bien entouré. C’est encore un cut très fin et très produit. On retrouve la flûte des Mighty Baby dans «Green», et puis Meic Stevens refait des merveilles sur le morceau titre qui vient boucler le balda. Encore un hit en B avec «Time Machine». Oh l’incroyable qualité du balladif ! Du pur Fred Neil ! C’est fabuleusement insistant avec le Meic dans le son. Puis Martin Stone groove le «Curtain Of Sleep» à sa façon, c’est-à-dire magnifique. La red Sunbeam propose deux faces de démos. Le beau Gary y chante à l’éplorée congénitale et renoue avec la magie mélodique dans «Images Of Passing Clouds». Là oui, big Gary so Farr out ! Toutes ces démos sont extrêmement paisibles. Encore une merveille avec «Pondering Too Long», cut lumineux et sourd. Le gratté de poux du beau Gary rivalise de délicatesse préraphaélite avec celui de Fred Neil. En D, on retrouve une démo de cette merveille tentaculaire qu’est «Don’t Know Why You Bother Child», elle est gorgée de lumière et de douceur. Et puis avec «In The Mud», le beau Gary tape en plein dans le mille de Nick Drake.

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             Mais quand Take Something With You sort sur Marmalade, le label est à l’agonie et Gomelski part s’installer en France. Le beau Gary a la poisse. Son deuxième album Strange Fruit va connaître le même sort que le premier : il va passer à l’as. Dommage, car c’est un merveilleux album glissé dans une merveilleuse pochette. Gary pose en famille avec sa gueule de rockstar, sa veste à franges et sa douze. Tu frémis sec dès «In The Mud», un folky folkah d’attaque frontale. Il gratte sa douze. Alors on s’installe pour guetter les miracles. Gary Farr est tellement so Farr out qu’il charge bien sa barcasse. Il passe au country boogie-down dylanesque avec «Old Man Boulder». Il refait le Maggie’s Farm No More à sa façon. Il tape ensuite le «Strange Fuit» de Billie Holiday et là, tu t’inclines respectueusement. Il revient au Dylanex avec «Margie». Comme c’est bon, aw Margie/ Sweet Margie, il y va au nothing to lose. Il a encore Mighty Baby derrière lui, ça s’entend sans «Revolution Of The Season». Et puis voilà «About This Time Of Year» qui sonne comme un hit universel. Puisant et beau, gorgé de son, c’est d’une rare puissance visionnaire. C’est tout de même dingue que Gary Farr n’ait pas explosé. Il atteint des hauteurs dylanesques à coups de good morning sun. Sa douze donne bien dans «Down Among The Dead Men», il sonne comme un Richie Havens blanc, il s’embrase, il te gratte ça à la sévère. Ses balladifs sont d’une classe tellement supérieure, «Proverbs Of Heaven & Hell» préfigure Nikki Sudden et tous les dandys du rock anglais. Back to the old boogie-down de Mighty Baby avec «Old Man Moses». Mais cette fois, il trempe dans la Stonesy. On se croirait sur Exile. Le so Farr Out est à toute épreuve. Il boucle avec un magnifique balladif, «Sweet Angelina». Il sait se montrer fascinant, il sonne comme une superstar, mais avec de l’émotion, il est partout dans le singalong. Magnifique artiste ! C’est de la très haute voltige. Qu’on se le dise. 

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             Comme ça ne marche pas en Angleterre, il décide d’aller s’installer aux États-Unis. Il signe sur Atlantic et enregistre Adressed To The Censors Of Love à Muscle Shoals. Jerry Wexler produit l’album. Décidément, Gary Farr collectionne les producteurs de renom. L’album vaut le détour pour trois raisons. Un, «Breakout Boo-Ga-Loo». Toute la bande de Muscle Shoals est là : Barry Beckett, David Hood, Roger Hawkins, il n’en manque pas un seul. Deux, «John Birch Blues», big heavy boogie down. Il faut dire que Gary Farr a un backing de rêve. Trois, «Rhythm King», très dylanesque. Par contre, sa version d’«I’m A King Bee» ne vaut pas celle des Stones de Brian Jones. Avec «Mexican Sun», il tape un balladif mexicain légèrement bronzé et ramène des trompettes mariachi. Le balladif domine largement sur cet album. Gary Farr est un être doux et paisible.

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             Puis il va disparaître des radars. Il va connaître un dernier spasme carriérique en 1980 avec un groupe nommé Lion et un album, Running All Night. Il propose une pop rock énergétique, avec des hauts et des bas. Il multiplie les tentatives d’envol vers le ciel. Il s’en donne les moyens : voix, son. Ça aurait pu marcher, mais ça ne marche pas. L’album se noie dans la masse des albums très moyens. Avec «Running All Night With The Lion»,  il tente le coup du big American rock à la cloche de bois : grosse énergie et grosse cocote des deux guitaristes, mais ça ne prend pas. C’est «Helpless» en ouverture de bal de B qui sauve l’album. Grosse compo. Gary Farr la tire en longueur et la relance au help help helpless, épaulé par des petits poux funky, et là ça marche. Puis il va couler le reste de l’album avec des tentatives de rock symphonique. Dommage.

    Signé : Cazengler, far breton

    Gary Farr & The T-Bones. One More Chance. Decal 1987

    Gary Farr. Take Something With You. Sunbeam Records 2008

    Gary Farr. Strange Fruit. CBS 1970            

    Gary Farr. Adressed To The Censors Of Love. ATCO Records 1973                   

    Lion. Running All Night. A&M Records 1980

     

     

    L’avenir du rock

     - Les chic types de Cheap Trick

     (Part One)

     

             Boule et Bill se marrent d’avance. Ils savent que l’avenir du rock va les brancher sur Cheap Trick, alors ils se préparent à tout.

             — Quesse tu vas encore nous sortir comme chic truc de choc, avenir du troc ?

             — C’est pas très cheac de ta part, Boule.

             — On te voit venir avec tes chips et ta trique, avenir du trac !

             — Là tu cheap dans la colle, Bill !

             — C’est marrant, tu trouves toujours des petites combines à pas cher pour t’en sortir, avenir du froc !

             — Tu cheapotes, Boule de cheat !

             — Ah cette fois, c’est toi qui deviens insultant. Nous, on prend tes conneries à la rigolade et toi tu montes sur tes grands chevaux... T’es vraiment pas un Cheac type !

             — C’était une cheacknaude, Bill, faut pas te formaliser...

             — T’es trop prétentieux, avenir du truc !

             — Tu deviens cheacheateux, Boule de pus.

             L’avenir du rock en bave avec ces deux cons. Ça fait longtemps qu’il les pra-trick, il essaye de la jouer cheap, mais il sent bien qu’il fatigue. Les cons, ça demande énormément de boulot. Plus ils sont cons, et plus ils sont lourds, alors il faut déployer des moyens considérables pour tenir une conversation. L’idéal est bien sûr de les éviter. Mais c’est pas toujours facile.

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             La presse anglaise salue bien bas la parution d’All Washed Up, le nouvel album de Cheap Trick, un groupe américain qu’on suit depuis cinquante ans, eh oui, depuis la parution de leur premier album sans titre sur Epic, en 1977. Dans Record Collector, John Tucker rappelle que c’est leur 21e album. Il les situe dans la power pop et le bubblegum metal. Et c’est avec Cheap Trick At Budokan que le groupe est devenu une «overnight sensation». Et même avec le succès et les platinum albums, Tucker se plait à dire que Cheap Trick «have continued to be an inventive and entertaining act.» C’est pour ça qu’on les suit à la trace. C’est donc un «band with 52 years on the clock». Tucker qualifie All Washed Up de spunky album, il a raison, ça spunke dès le «strident opener», c’est-à-dire le morceau titre. Il parle même d’un «pugilistic rock’n’roller».    

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             Comme la plupart des albums de Cheap Trick, All Washed Up est un brillant album. Il est même surchargé, et ça s’entend dès le morceau titre d’ouverture de bal, c’est riffé à la Rick et chanté à ras la motte. Pur power ! Avec «The Riff That Won’t Quit», ils cherchent à réinventer la poudre. C’est d’une rare violence et le Rick Rock passe l’un de ces killer solos flash dont il a le secret. Et puis en même temps, tu te dis  : aucune surprise, c’est du Cheap Trick. Ils tentent le coup du balladif d’ampleur collatérale avec «The Best Thing». Le Zander y va de bon cœur. Avec sa gueule de rockstar, il peut se le permettre. Il est encore plus romantique que les blackos. Et ils refont sauter la sainte-barbe avec «Twelve Gates». Ils sont dans leur élément : l’heavy power pop d’allure impériale. Voilà l’hit magique que t’attendais. Puis ils repassent en mode heavy balladif avec «Bad Blood». Le power n’a pas de secret pour ces mecs-là. S’ensuit un big dancing rock, «Dancing With The Band» - an upbeat poppy ooh-ooh funfest - Ils redeviennent les rois du monde le temps d’un cut. La capacité qu’ils ont de submerger le monde à coups d’Oh yeah est unique. On retrouve cette grâce impériale dans «Love Gone». Ils règnent sans partage sur la power-pop américaine. «A Long Way To Worcester» s’étend aussi jusqu’à l’horizon. Robin Zander, «the man with 1.000 voices», claque bien son chant. Il a des légions derrière lui. Et Tucker chute ainsi : «These legendary US funsters still have something to say.»

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             Dans la mini-interview qui suit l’éloge de Tucker, Robin Zander explique que le titre All Washed Up est son idée - It’s more like taking a shower and getting ready for spending time with your wife - Zander dit aussi qu’Oasis «learned their chops from us.» Il reconnaît aussi l’influence de Bowie dans «Love Gone». Zander se souvient d’avoir chanté «Rebel Rebel» et «Ground Control To Major Tom» quand il était plus jeune. Dans Mojo, c’est Rick Nielsen qui prend la parole. Il adore dire que Cheap

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    Trick n’a jamais progressé - We were loud and noisy when we started. We still are - Bill DeMain voit de la «Beatles melancholy and Slade stomp» dans All Washed Up. DeMain rappelle encore que les Trick ont bossé avec George Martin - He made us sound better than we were - et avec John Lennon sur Double Fantasy - Lennon said, ‘I wish I would’ve had Rick on Cold Turkey’, because Clapton chocked up - Rick Rock évoque aussi le saccage de Bun E Carlos en 2010 - He got nasty - Et finalement les Trick sont contents de faire encore claquer au vent leur «freak-flag». Cheap Trick were weird before it was cool to be weird.

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             Le We’re Allright paru précédemment va aussi sonner pas mal de cloches. Voilà en effet un disk produit à outrance, et ce dès «You Got It Going On» noyé de son. Quel déluge ! Ça sonne comme une hécatombe diluvienne. Ils jouent ce hard Trick biter rock qui reste miraculeusement dans le giron de la power-pop, mais avec un ultra-blast de son. C’est tout simplement explosif. Ces mecs sont dingues. On reste dans la démesure avec «Long Time Coming». Ils cultivent la radiation du son. Ils n’ont jamais été aussi puissants. Leur son s’inscrit dans la postérité. Même chose pour «Nowhere», ultra-bardé de bardasse. Rick Rock est un fou du tarabustage. Mais ça finit par donner la nausée. Trop de son. Ils repartent à l’aventure avec «Radio Lover». Rick Rock gratte tout ce qu’il peut, il joue sur plusieurs guitares à la fois. Il remplit le spectre. Les autres ont intérêt à taper fort pour se faire entendre. Et quel killer solo flash ! Tout est dans le rouge, avec des waouh qui accélèrent le débit, et cette canaille de Rick Rond fond sur son cut comme l’aigle sur la belette. Il crache même des flammes, comme le dragon des Hobbits. C’est atrocement bon, ultra-noyé de son. Ça dépasse même la notion de noyade. Il se dégage quelque chose de surnaturel de ce disk. Encore un cut paradisiaque : «Floating Down». Rick Rock se perd dans l’azur des chœurs. Il devient l’espace d’un album le guitariste de l’impossible. Encore de l’énervement patenté avec «Listen To Me». Rick Rock entre dans la danse, mais cette fois, ça ne marche pas. Trop cousu. Ce qui ne l’empêche pas de passer l’un de ces killer solos flash dont il a le secret. Ils terminent cet album somptueux avec un «The Rest Of My Life» joué au plus heavy de la possibilité d’une île.

    Signé : Cazengler, Chip à l’ancienne

    Cheap Trick. We’re Allright. Big Machine Records 2017

    Cheap Trick. All Washed Up. BMG 2025

    John Tucker : All dupe respect. Record Collector # 577 - December 2025

    Bill DeMain : Welcome back. Mojo # 384 - November 2025

     

    *

             Est-ce bête, je viens de marcher sur la queue d’un serpent, il m’a piqué, évidemment je ne suis pas mort, les rockers sont immortels, si vous ne me croyez pas lisez la chronique suivante sur Elvis. Suis quand même triste, Dennis Covington n’a pas eu cette chance, l’est mort le 14 avril 2024, non il n’a pas été mordu par un serpent. L’aurait pu. Il n’a pas réussi. Dennis Covington était écrivain, dans notre livraison 280 du 05 / 05 / 2015, j’avais chroniqué un de ses livres :

    L’EGLISE AUX SERPENTS

    MYSTERE ET REDEMPTION

    DANS LE SUD DES ETATS-UNIS

    DENNIS COVINGTON

    (Latitudes / Albin Michel / 2003)

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    I’m the lizard king

    I can do anything !

    Plus facile à dire qu’à faire. L’histoire commence in the borders. Ne cherchez pas sur la carte des USA, c’est en Europe. Au sud de l’Ecosse ou au nord de l’Angleterre, une région frontière, peuplée de sauvages. Des populations qui n’ont que des herbes et des rochers à manger. C’est dur et c’est maigre. Vraisemblablement des résidus des farouches tribus pictes que les Romains ne parvinrent jamais à mater. Des fortes têtes, des crève-la-faim patentés, vivaient en village refusant toute autorité étatique, communale. Des missionnaires chrétiens les avaient visités, les avaient chassés mais ils avaient gardé le Christ, avaient un peu perverti le message, le dieu d’amour l’avaient transformé en dieu de défi ce qui correspondait mieux à leur vision du monde.

    Au bout de quelques siècles de survie se sont vus obligés de trouver un territoire un peu moins âpre. Z’étaient pas des intellos, l’Irlande leur a paru être une terre de Canaan. Erreur funeste, pour ne pas irrémédiablement être au nombre des victimes de la famine, ont suivi le million d’Irlandais qui ont émigré en Amérique.

    Sont restés groupés. Pas fous ils ont tourné le dos au delta - une espèce de marécage infestés de serpents - ont plutôt lorgné vers les riches terres de la Virginie. Un look encore trop sauvage, pas de quoi rassurer un employeur. Les riches propriétaires des plantations de coton ont refusé de les embaucher, les noirs paraissaient bien plus dociles que ces bandes de racailles affamées aux regards meurtriers. L’était manifeste qu’ils n’étaient pas désirés.

    Alors ils ont continué le chemin et ont commencé à gravir les premières pentes des Appalaches. Se sont tout de suite sentis comme chez eux. Un paysages qui rappelait les Highlands et une terre presque aussi pauvre.   Personne n’en voulait, alors ils se sont installés heureux comme des papes. Excusez l’expression malheureuse pour ces méthodistes protestants ultra-rigoristes, mais à leur manière.

    Le conte aurait pu s’arrêter là : ils se marièrent, eurent beaucoup d’enfants (comptez trois morts pour deux survivants), et furent très heureux. Vécurent en quasi-autarcie, parvinrent à édifier un modèle économique d’autonomie de survivance, qui correspondait assez bien à leur mentalité. N’embêtaient personne, et ne demandaient rien à Dieu. En plus, eux, ils avaient une préférence pour Jésus.

    En bas des collines le monde tournait un peu plus vite. Le progrès technique bousculait la civilisation jusqu’à lors essentiellement agraire. Les villes offraient des emplois moins pénibles que les travaux des champs avec salaire fixe. Eldorado urbain. Au début, sur les hills on fit semblant de ne rien voir. Puis les jeunes commencèrent à déserter, puis les hommes allèrent chercher du boulot, rentraient le soir ou en fin de semaine. A la ville ils prirent de mauvaises habitudes, burent du whisky, fréquentèrent les dames de petite vertu,  commencèrent à prendre des maîtresses, à tromper leurs femmes… Nous nous garderons de leur jeter la première pièce, mais l’introduction de ces nouvelles habitudes, dynamitèrent l’antique ciment de cette société d’auto-suffisance patiemment bâtie durant tout le dix-neuvième siècle.

    Cela ne pouvait plus durer comme cela. Y eut comme une crispation identitaire et culturelle. N’avaient qu’une seule richesse : le christianisme. Mais tout le monde était chrétien. Fallut donc prouver que le Seigneur était de leur côté. Qu’ils bénéficiaient d’un accès direct et personnel à dieu. Le mouvement méthodiste se scinda en 1906, les pentecôtistes déclarèrent que l’Esprit Saint leur rendait de temps en temps une petite visite. Régulièrement pour certains. Vous pouviez le remarquer : durant les réunions les fidèles s’évanouissaient, piquaient des crises d’épilepsie, se traînaient par terre, déliraient, parlaient d’étranges langues logorrhéiques, bref un ramdam de tous les diables. Ce mouvement s’étendit un peu partout, c’est alors que dans les Appalaches l’on décida de faire mieux : l’on mania des serpents. Des vrais, des venimeux, des méchants, des crotales, des mocassins et parfois même des mambas. Dès que l’Esprit Saint vous tombait dessus, vous plongiez votre main dans votre boîte à reptiles en attrapiez un et selon vos intuitions vous l’agitiez de toutes vos forces ou le faisiez circuler en toute liberté sur votre corps ou vous vous essuyiez le visage avec sa tête… L’existaient aussi d’autres facéties telles que ramasser à pleine mains des charbons ardents dans le poêle de l’Eglise, et si vous éprouviez une légère soif boire une bonne bouteille de strichnine… C’est en 1909 que le premier manieur de serpents se livra à cette activité somme toute aléatoirement dangereuse. Roulette ruse. De serpent.

    DENNIS COVINGTON

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    Le livre commence en 1992. Dans un endroit que les lecteurs de KR’TNT ! connaissent très  bien, puisque lui a été consacrée dans notre livraison 235  du 28 / 05 / 2015 toute une chronique. A Scottsboro, bourgade perdue de l’Alabama  où se déroula l’infâme procès des boys de Scottsboro, huit petits nègres injustement condamnés à morts pour avoir prétendument violé une jeune femme noire. Depuis apparemment le tribunal de Scottsboro ne désemplit pas puisque nous assistons à l’audience de Glenn Summerford. L’est vrai qu’il a fait fort : l’a tenté de tuer sa femme (ce qui peut arriver à tout homme marié, j’en conviens) à l’aide d’un revolver, ce qui paraitraît la marque certaine d’un manque d’imagination, si au lieu de l’abattre froidement d’une balle, il  ne l’avait forcée, à l’aide de son menaçant calibre, à se faire piquer par un de ses serpents… Non seulement son épouse survivra mais le malheureux sera condamné à quatre-vingt-dix-neuf années de prison.

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    Dennis Covington est le journaliste de Birmingham (grosse ville du coin) chargé de couvrir l’affaire. L’a intrigué auprès de son rédac-chef pour être sur l’action. N’est pas venu là par hasard. Depuis tout petit, l’est obnubilé par l’emprise psychique que la religion peut avoir sur les esprits. Un croyant qui refuse d’être dupe mais qui reste fasciné par ce mystérieux pouvoir plus ou moins charlatanesque qu’une Eglise peut avoir sur les individus. Les manieurs de serpents l’attirent : enfant il adorait attraper les reptiles, les inoffensifs comme les venimeux… l’a l’impression d’un retour aux sources, les recherches généalogiques paternelles semblent indiquer que sa famille tirerait ses origines de ces villages écosso-irlandais où est née cette tradition des manieurs de serpent. Un retour sur soi-même, un peu comme le serpent qui se mord la queue.

    La recherche d’une plénitude en quelque sorte. L’a déjà vu la mort de près dans un reportage sur la guerre civile au San Salvador. C’est peut-être cela qui le guide, cet instant suprême ou l’absolu de la mort vous frôle… Désir des plus troubles, d’autant plus qu’il a trouvé le bonheur auprès de sa femme Vicky et de ses deux petites filles.

    N’est en rien un exalté, mais quelqu’un qui est attiré par les limites de la vie. Nous raconte deux années de sa vie. L’arc-en-ciel au-dessus de l’abîme. Toute frontière est intérieure. Le rêve américain consiste à la repousser. Nous n’avons plus qu’à suivre Dennis Covington, dès la première cérémonie à laquelle il nous entraîne nous nous retrouvons en pays de connaissance, ne nous présente-t-il pas Oncle Ully Lynn qui écrivit des morceaux pour Loretta Lynn, la reine emblématique de la country music. Plus tard il nous donnera une acception du terme revival que nous ne connaissions pas : des assemblées religieuses de plein air qui pouvaient regrouper plusieurs milliers de personnes où l’on assistait à des présentations de manieurs de serpents. Une sorte de liturgie à la Morrison Hôtel.

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    Nous pénétrons en un monde étrange, une petite communauté en marge des lois et de la vulgate sécuritaire du modernisme. Dennis Covington ne se contente pas de relater les aspects les plus superficiels des phénomènes auxquels il assiste et participe. Possède l’œil du sociologue qui pose toujours une grille d’interprétation sur le réel auquel il se confronte. Mais une fois qu’il a accompli son analyse la plus froide, il se hâte d’enlever cette armature de protection. Décrire un homme, décrire un serpent en toute objectivité est relativement facile, mais il arrive un moment où il faut bien toucher du doigt et le serpent et se frotter au corps de l’homme.

    De la femme aussi. Car toucher le reptile est un geste éminemment érotique. Inutile de vous dessiner le serpent du sexe. L’animal du péché. Vous pouvez le décliner sous forme d’auto-érotisme. Masturbation reptilienne. Mais cela n’intéresse que vous et le petit Jésus. L’acte se complexifie lorsque la femme s’en mêle. Le désir devient tentation. Le seigneur descend en elle et vous jouissez de son halètement extatique. Communion christique des plus étranges. Le livre se terminera lors d’une cérémonie de mariage. Où est Jésus ? Qui est la femme ? Où est le désir ?  Vicky, l’épouse de Covington, l’accompagne dans cette ultime rencontre avec les manieurs de serpent. Elle connaît alors l’illumination grâce à l’imposition des mains effectuée par Celle même dont Dennis nous a vanté la beauté et relaté la béatitude gémissante et ophidienne qui l’étreint lors d’une séance précédente. Te perdre pour mieux me retrouver.

    Covington paye de sa personne. Devient un manieur de serpents. L’obscure envie de faire partie du club des initiés certes, mais aussi de se rendre compte et de rendre compte de lui-même. N’écrire, ne parler que de ce que l’on a connu. Une expérience mystique. Qui lui pose davantage de problèmes qu’elle n’en résout. Le retour parmi la petitesse des hommes est décevant. L’on manie les serpents comme l’on devient chanteur de rock. Pour être devant et attirer les regards. Des filles et des hommes. Être le plus fort. A celui qui aura et manipulera le plus gros des serpents et le gardera le plus longtemps. Bouffissures d’orgueil.  Jusqu’à la mort. Car le reptile mord. Refuser le médecin et toute espèce de médicament. Rien de mieux que de rejoindre au plus vite Jésus quand il vous appelle. Entre la pulsion de mort et le vouloir vivre, Covington choisit de rester auprès de sa femme. Il cueille la rose de l’éros et délaisse l’asphodèle de la mort.

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    Vicky Covington

    Entre le corps de Jésus et la chair de la femme, il a opté pour le mauvais choix. La congrégation le pousse dehors. Entre le compagnonnage guerrier des apôtres et la splendeur de la pècheresse, un seul chemin est possible. Le livre s’achève ici. Tout choix est politique nous prévient Covington. Les manieurs de serpents appartiennent à un vieux monde patriarcal dépassé. Triomphe de la femelle petite-bourgeoise américaine ? Covington a retrouvé ses origines pour les nier. Le serpent finit par manger le serpent. Un livre étonnamment construit.  Dennis nous précise que Vicky a arrêté de travailler à son roman pour l’aider  terminer. Son livre Est-ce pour cela qu’il laisse en suspend au cours de son récit l’histoire familiale de ces deux adolescents privés de testicules devenus manieurs de serpents. Vision androgynique des jumeaux opératifs des menées alchimiques ?

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    Un livre qui ne recherche jamais le sensationnel. Un parcours êtral. J’ai même l’impression que Dennis Covington se retient. N’a pas tout dit. Mais a beaucoup suggéré. Une plongée sans précédent dans l’Histoire américaine, une subtile radiographie de la religiosité américaine, une vision politique de la mentalité des petits-blancs américains typiques, et une descente ophite et orphique dans les confins métaphysiques de l’individuation américaine. Un livre qui vous en apprendra davantage sur le pays du rock and roll que beaucoup d’autres.

    Damie Chad.

    Le titre anglais du bouquin paru en 1995 aide à mieux comprendre, me semble-t-il, l’état d’esprit de notre écrivain : Salvation on Sand Mountain: Snake Handing and Salvation in Southern Appalachia.

    Je pense qu’il s’agit du seul livre de Covington qui soit traduit en notre langue. Redneck Riviera, si j’en juge par le titre à rallonge et la couverture qui montre un homme portant sur ses épaules un énorme armardillo lové sur son cou donne envie. Il a aussi rédigé un roman sobrement intitule Lizard. Un bestiaire très rock’n’roll !

    Vicky et Dennis se sont mariés en 1977 et séparés en 2005.

    Je n’aurais certainement pas exhumé cette Kronic des oubliettes du blog si je n’avais reçu ce matin une piqûre de rappel.

    Un disque paru sur le label Sublime Frequencies un catalogue à rendre fou les amateurs de musique ethnologique qui vient de sortir : West Virginia Snake Handler Revival “They Shall Take Up Serpents” . La couve de l’opus est explicite :

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     Voici en traduction-Google la copie in-extenso de la presentation de ce disque sur le site Sublime Frequencies : 

     Le film « They Shall Take Up Serpents Revival » de Virginie-Occidentale marque l’arrivée d’un disque historique, documentant la dernière église pratiquant la manipulation de serpents dans les Appalaches. Avec ses guitares hillbilly rock, ses rythmes hypnotiques et ses vocaux hurlants, cet album a été enregistré intégralement en live, sans aucun overdubs, par Ian Brennan (Tinariwen, Ramblin' Jack Elliott, Zomba Prison Project), producteur et auteur lauréat d'un Grammy Award.

    Premier album de Sublime Frequencies à sortir aux États-Unis, Brennan déclare : « J'ai beau avoir parcouru le monde, explorant des régions reculées comme les Comores, le sud-est du Sahara ou les Appalaches, rares sont les endroits qui m'ont paru aussi étrangers, voire plus exotiques. » Cet enregistrement représente à bien des égards un pendant et un contrepoint – l'autre facette du Sud profond, en quelque sorte – à la musique explorée sur les albums de Parchman Prison Prayer.

    L'album « The Snake Handler » était une tentative d'écoute par-delà ce fossé – un fossé qui n'a jamais été complètement comblé et qui continue de hanter et de menacer les États-Unis à ce jour. L'enregistrement a eu lieu lors d'un office religieux de plus de deux heures, un dimanche, dans les montagnes de Virginie-Occidentale. Brennan raconte : « J'avais juré de me tenir loin des serpents pendant l'office, mais au lieu de cela, on me les agitait sous le nez, enroulés dans les mains du pasteur, et je me suis accroupi au pied de l'autel pour m'occuper du matériel. Le pasteur a rapidement été mordu et du sang a giclé, formant une flaque sur le sol. Les paroissiennes se sont précipitées pour nettoyer, et on a tout de suite compris à quoi servaient les rouleaux d'essuie-tout empilés sur la chaire. » On peut entendre ce moment précis vers la fin du morceau « Don't Worry It's Just a Snakebite (What Has Happened to This Generation?) ». L'assemblée s'est levée d'un bond et un mini pogo s'est formé. Les prédicateurs, se relayant, inhalaint des mouchoirs imbibés de strychnine en tournant en rond comme des chanteurs enragés, tandis qu'une fidèle âgée tenait la flamme d'une bougie contre sa gorge, fermant les yeux et se balançant. Le système de sonorisation de l'église sifflait sous les cris, tandis qu'une femme âgée coiffée d'un bonnet s'acharnait sur une batterie qui la dominait de toute sa hauteur. C'était la chose la plus metal que j'aie jamais vue, faisant passer Slayer pour un jeu d'enfant. Les fidèles prétendent être la première église à avoir fusionné le rock and roll avec des sermons enflammés, que la musique leur a été volée par Satan, qu'ils en sont les créateurs. Étant donné que des ministères pratiquant la manipulation de serpents remontent au moins à 1910, il y a peut-être une part de vérité dans cette affirmation.

    Le père et le frère du pasteur sont tous deux décédés après avoir été mordus par des crotales des bois, et le pasteur lui-même a beaucoup souffert il y a quelques années : son avant-bras a doublé de volume et est devenu d'un vert visqueux. Il a alors perdu connaissance et il a fallu l'inciser du poignet au biceps pour soulager la pression. Malgré cela, le pasteur Chris affirme avec conviction que « Jésus est notre antidote ». « Certains pensent que nous sommes des adorateurs du diable, une secte. » Mais la manipulation de serpents ne représente qu'une petite partie de nos activités. Dans les années 1970, on recensait environ cinq cents églises pratiquant la manipulation de serpents dans les Appalaches, mais il n'en reste plus qu'une seule aujourd'hui, en Virginie-Occidentale, le seul État où cette pratique demeure légale.

    On estime qu'au cours du siècle dernier, plus d'une centaine de prédicateurs sont morts de morsures de serpents venimeux reçues lors de ces offices. Cela inclut le fondateur du premier groupe de manipulation de serpents, George Went Hensley, illettré et condamné pour vente d'alcool de contrebande pendant la Prohibition. Sa mort a été officiellement considérée comme un suicide, car il avait refusé tout traitement médical. La population du comté a chuté de plus de 80 % suite au déclin de l'industrie charbonnière de Virginie-Occidentale dû à la mondialisation, et la région affiche désormais le taux de mortalité liée à la drogue le plus élevé des États-Unis par habitant, tout en étant la plus pauvre de l'État. Quelques minutes après être entrés dans un état de transe lors du service présenté sur cet album, les deux prédicateurs étaient trempés de sueur. Plus que de simples récitateurs de textes sacrés, les prédicateurs sont des improvisateurs de talent, capables de s'exprimer pendant des heures. Brennan raconte : « Le pasteur Chris plaisantait : “Vous ne voulez surtout pas m'entendre chanter !” Mais en réalité, c'est un chanteur exceptionnel, doté d'un phrasé unique. » À l'instar de nombreux classiques, leur musique semble jaillir simultanément du passé et du futur, comme venue d'un univers parallèle où, au lieu de découvrir les amphétamines, les Damned auraient trouvé Dieu (ou peut-être les deux) et connu une renaissance spirituelle. L'édition vinyle comprend un long morceau bonus de 13 minutes et un livret de 4 pages orné de superbes photos des rituels de la congrégation.

    Faut voir. A suivre.

    Damie Chad.

     

    *

             Elvis Presley n’est pas mort. Ils toujours vivant : soyons clair : je ne veux pas dire qu’il est toujours vivant dans notre cœur, dans notre esprit, dans notre âme, dans n’importe quelle autre partie de notre corps, simplement qu’il aussi vivant que vous lecteur qui êtes en train d’entamer la lecture de cette chronique.

             D’ailleurs pourquoi aurais-je acheté ce livre à l’époque de sa parution puisqu’il était déjà encore vivant. Pour être franc tout simplement parce que la modestie de ma bourse m’obligeait à des choix draconiens. Il sortait tellement de disques indispensables en ces mêmes moments…

             Je me dois toutefois vous prouver la vérité de l’assertion par laquelle débute cette chro pas magnon mais magnanime.

    ELVIS PRESLEY

    W. A. HARBINSON

    (Albin-Michel / Rock&Folk1975)

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    Quand j’ai saisi le livre, après l’avoir succinctement examiné, j’ai éclaté de rire intérieurement. N’ont pas fait fort chez Rock & Folk, z’auraient pu attendre l’annonce de sa mort pour filer le bon à tirer, n’ont pas su prévoir la fin tragique de l’idole et encore moins capitaliser sur le futur proche.

    N’ont pas été les seuls, l’auteur du bouquin non plus. La critique est aisée et les commentaires sarcastiques après coup trop faciles. W. A. Harbinson est bien connu aux Etats-Unis, il a publié une cinquantaine d’ouvrages, romans, science-fiction, biographies. Dernièrement nous avons présenté sur Kr’tnt ! deux autobiographies sur Elvis. Mais leurs auteurs étaient dans la même position que la nôtre, ils connaissaient la fin de l’Histoire, cela permet de circonscrire une trajectoire humaine, avant même d’en avoir écrit la première ligne. Le cas de W. A. Harbinson est plus intéressant. Certes Elvis avait déjà beaucoup vécu mais il était vivant. A peine avais-je lu les quatre ou cinq premières pages qu’une évidence s’est imposée : notre auteur sait écrire. A la dixième j’ai dû préciser mon constat : ce n’est pas qu’il sait écrire, c’est qu’il sait réfléchir. Quelques pages plus loin, diable, notre escritor ne joue pas sur la facilité, prenez n’importe quelle des rubriques relatives à la vie du King et très facilement vous rentrez en possession de multiples documents évoquant à cette tranche du vécu Presleysien. L’est sûr qu’au début des seventies, Internet bla-bla-bla n’existait pas, mais il y avait eu des centaines d’articles et de revues consacrées au Roi du Rock, notre Harbinson ne mange pas de breackfast-là. Il est anglais, irlandais de surcroît. Deux exemples au hasard : question détails affriolants il ne dresse pas la liste interminable des conquêtes féminines – ou de celles qui ont su conquérir – le cœur du chanteur. Pire, le nom de Priscilla n’apparaît qu’une fois, sur la romance en Allemagne ou la vie matrimoniale aux States pas un mot. Et toutes les autres thématiques à l’avenant. Dans ses remerciements, pour les concerts il cite les coupures de presse, les témoignages des fans, les actualités… bref il essaie de coller au plus près à l’évènement dans sa dimension historiale. Tel qu’il a été vécu, ressenti, et rapporté en son temps.

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    Harbinson, est comme l’araignée, il tire sa toile de lui-même et ne se préoccupe que de sa proie. Mot mal choisi, Elvis n’est pas sa victime mais son sujet d’étude. Il essaie de comprendre comment Elvis fonctionne. Il évite de déduire hâtivement. Il analyse longuement. Il ne retient que les détails significatifs. Il ne surfe pas sur l’écume des choses ou sur la mousse qui se forme sur la crête des vagues dégagées par un hors-bord lancé à toute vitesse. Sa caméra reste bloquée sur Elvis. Au tout début, Elvis, sa mère, son père, la misère en arrière-fond, c’est tout. Les enregistrements chez Sun : exit le couplet laudatif d’au minimum une demi-page sur Sun et Sam Phillips, il cause d’Elvis avant tout. L’est le cœur du livre. Le seul problème digne d’intérêt.

    Comment résoudre le mystère Elvis. Dans l’équation Elvis n’est pas l’inconnue, puisque notre Elvis sait très bien qui il est. Vous non. Mais vous n’êtes pas le sujet du livre. Elvis est un phénomène, comme toute chose qui apparaît au monde. Un brin d’herbe ou une girafe par exemple. Je déteste qu’on m’interrompe quand j’écris, mais j’entends vos récriminations, s’il n’y avait pas eu le Colonel, Elvis ceci, Elvis cela. Mais le titre de ce bouquin n’est pas : Le Colonel Parker. Le Colonel, Harbinson le considère comme un trouffion de dernière classe, un bleubite pour reprendre une expression militaire, lui octroie une quinzaine de lignes. Le problème ce n’est pas le Colonel, c’est ELVIS et le colonel, ne vous trompez pas de grandeur.

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    D’abord Elvis c’est une dichotomie ambulante, un garçon sage qui exprime d’instinct et à merveille les rêves velléitaires de sa génération. Va les secouer et leur donner le (mauvais) exemple, celui de la révolte pour la conquête de l’indépendance. Ne nous lançons pas les foutaises psychanalytiques, laissez dormir en paix dans son tombeau le pauvre jumeau Aaron qui occuperait la moitié vide de la psyché d’Elvis. Oui Elvis est double. Vous avez l’artiste, celui qui réussit et qui en profite, et puis l’autre qui n’est autre qu’Elvis lui-même, Elvis est le premier qui ne prend pas Elvis au sérieux, l’a toujours un fort sentiment d’auto-dérision, certes il est le King mais le roi n’est que la résultante de ceux qui s’assujettissent à lui… Et comme il ne croit pas tout-à-fait en lui-même il n’accorde à son entourage que la confiance dont il se juge lui-même digne. Si le Colonel, et toutes les huiles qui l’entourent l’ont si facilement ‘’manipulé’’ ce n’est pas parce qu’il était un esprit faible mais une espèce de philosophe relativiste qui condescendait à se mettre au niveau de leurs volontés.

    Harbinson, décrit à merveille l’emprise managériale qui petit à petit, minutieusement transforme le rocker en artiste de variété. Disque après disque, film après film il décrit la longue transformation. Elvis n’est pas dupe, il n’y croit pas plus qu’à son personnage de rocker rugueux, mais il s’ennuie davantage dans ce rôle subalterne, il préfère s’enfermer dans sa solitude à Graceland. Il vaut mieux être seul que mal accompagné. Que l’on soit rocker ou artoche. De temps en temps un coup de tête. En 1968, c’est le retour, me voici une nouvelle fois rocker et je suis toujours le Roi, les années suivantes il revient à Las Vegas chaque fois un peu moins rocker, l’est l’american trilogy à lui tout seul, l’est l’Amérique non pas à lui tout seul mais sans personne d’autre. Harbinson arrête son livre à cette époque, pour lui c’est une espèce d’apothéose, des shows spectaculaires  qui marient et expriment toute l’americana, un point d’acmé du haut duquel Elvis Presley représente et incarne l’Amérique. Une espèce de nouvelle Statue de la Liberté, vous ne voyez que lui lorsque vous pensez ou regardez du côté de l’Amérique. 

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    De tous les livres que j’ai lus sur le King, c’est le plus profond. Celui qui donne le plus à réfléchir. Qui a su saisir Elvis de son vivant. Qui nous le restitue alors qu’il n’est pas mort, tel qu’il a été. Et tel qui n’était pas. Toute la différence entre l’existence et l’être. Qui n’a rien à voir avec l’être et le néant.

    Juste un dernier mot sur l’iconographie, en noir et blanc. Ne vous fiez pas à la couverture. Un noir et blanc qui privilégie le noir au blanc. Peut-être grâce à l’épaisseur du papier. Pas glacé, cru.

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    Ceci est ma lecture, j’en ai une autre qui me semble beaucoup moins subtile. Sans avancer que Presley était neurasthénique, beaucoup de personnes, qu’elles soient artistes, travailleuses ou rentières sont sujettes après d’intenses périodes à des retombées d’énergie que l’on nomme communément dépressions nerveuses. Ce genre de désagrément, surgissent tout aussi bien, enfin tout aussi mal, durant des périodes existentielles ennuyeuses. La carrière d’Elvis a connu des hauts et des bas, il serait peut-être intéressant de les analyser selon cette perspective. Il me semble que la mère du King a connu aussi montées et descentes d’adrénaline. Trop de misère et trop de richesse nuisent vraisemblablement au maintien d’un certain équilibre nerveux.

    Damie Chad.

     

    *

    Je n’ai jamais été très fan des Beatles, dès Sergent Pepper’s Heart’s Club Band… j’ai entendu mais je n’ai plus écouté, à l’époque j’étais plutôt branché Sones, Yardbirds, Animals, Jeff Beck… mais ceci est une autre histoire. La vidéo, très courte, que nous allons regarder, ouvrez l’œil mental, ne fait pas partie de la série des quinze précédentes (voir VanShots – Rocknroll Videos).

    Concernant Gene Vincent j’ai quelques préventions envers les Beatles, ils ne lui ont guère renvoyé l’ascenseur durant les années noires, c’est mon idée que je partage à cent pour cent.

    Il me semble que cette vidéo est tirée De l’émission The Ronnie Wood Show Radio sur Absolute Radio, dans laquelle il reçoit durant une heure nombre d’artistes, souvent de sa génération, elle daterait du 25 juin 2012. Et serait intitulée Sir Paul McCartney Special.

    Ron et Paul : sont tous deux assis, je rassure notre lectorat féminin, ils étaient beaucoup plus beaux dans les années soixante, toutefois Ronnie avec sa figure en lame de couteau a encore de l’allure.

    Paul McCartney's first record,

    Gene Vincent 'Be Bop A Lula'

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    Ron : Je pense que nous allons parler de ces premières influences et de ce qui nous a permis de démarrer, parce que je sais ton premier choix : tu t’es d’abord procuré un disque de Gene Vincent. Paul : oui c’est le premier disque que j’ai acheté, et vous savez en ces temps-là, je partage cet avis avec les Beatles, nous avons réalisé combien était important pour les gens d’acheter un disque, car nous n’avions pas beaucoup d’argent, vous réfléchissiez à cet achat vraiment précieux, c’était tout votre argent de poche de la semaine qui partirait dans ce disque, Ron : il circulait de main en main chez vos potes, Paul : exactement, où est mon disque, et tu me le rends quand, vous ne le revoyiez pas toujours, Ron :d’accord moi-même je ne le rendais pas toujours, Paul : mais tu sais, j’aimais tellement Gene, c’était dans le Film The Girl can’t help it (La Blonde et Moi), aujourd’hui encore un de mes films favoris, nous l’avons enfin vu chanter avec les Blue Caps, et j’ai tellement aimé ce truc, c’était juste un disque

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    magnifique, Ron : tu sais j’étais au Hall of Fame à Cleveland, les Blue Caps étaient intronisés, c’était réellement mérité, j’ai pensé alors à cette époque, à ces vieux et fabuleux Blue Caps et aussi aux Comets de Bill Haley, et les Miracles, et tout ce tas de petits groupes géniaux,  ils comptaient beaucoup pour moi, ils nous ont  vraiment marqués et influencés, Paul si tu voulais nous jouer Be Bop A Lula, (séance coupée ) Paul : quand as-tu joué avec Gene, Ron : je l’ai vu dans un  Aim Court Ballroom, (chaîne de clubs de danse) loin dans le Cumberland, en pleine cambrousse, quand je suis rentré dans le vestiaire, il  m’a raconté des histoires sur Peter Grant, qui  était portier ,dans les escaliers Gene avait un revolver, Grant était à genoux, à lui lécher les bottes, ‘’tu pouvais lui faire lécher les bottes’’ en tout cas une histoire vraiment

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    hilarante, à me faire sortir du vestiaire ! Paul : nous avons assisté à un incident de ce genre quand nous étions à Hambourg, il pensait que sa girl-friend le trompait, il nous a demandé de rentrer avec lui à l’hôtel, il frappe à la porte ‘’Margie, Margie’’, nous lui conseillons de parler un peu plus fort,  Gene avait sa petite voix, tu vois, il était en train de tapoter à la porte de Margie, ‘’tu es là, je le sais’’   il frappe un peu plus fort  puis encore plus fort,  il crie ‘’ elle est  là, je suis sûr qu’elle est là avec un homme’’, finalement elle ouvre la porte, il n’y a personne avec elle, elle tient un rouleau, il est en plein délire, il entre, il se calme, Ron : on a dit qu’il était paranoïaque  Paul : oui, on a parlé d’une paranoïa précoce, il se rapproche de la table de nuit, il sort un pistolet, ‘’ Salut Gene à la prochaine, on te laisse chez toi, on se tire tout de suite, on adore ta musique !’’.

    Transcription Damie Chad.

     

    *

             Au mois de mars 2021, mon œil de lynx a été attiré par une couve. On n’y voyait pas grand-chose. Ce n’est qu’en y retournant que j’ai aperçu quelques minuscules points blancs. J’ai des excuses, hormis deux espèces de trucs indéterminés sur les côtés, c’était tout noir. Une noirceur absolue. Une espèce de gouffre sans nom. Soit, vous partiez en courant. Soit, vous y retourniez. Au début, j’ai cru que les points blancs devaient être un pointillé de poussières indues sur mon écran. J’ai essayé de les décoller avec mon index. Echec, ils faisaient donc partie du dessin. J’ai enfin pris le temps de déchiffrer le nom du groupe, fasciné par cette noirceur métaphysique je ne l’avais même pas remarqué. Tout de suite, j’ai compris. Ces six points blancs étaient les yeux de la bête canine qui défend les portes de l’Enfer. Vous êtes peut-être comme moi, chaque fois que l’on m’interdit d’entrer, il faut que vous alliez voir. Je n’ai pas été déçu de mon voyage. Or, voici une double surprise, je retrouve le groupe que j’avais apprécié, mais il n’est pas seul. Un split ! Partant du principe : qui s’assemble se ressemble…

    MALEMORT & CERBERE

    AIMLESS / GLACE MERE

    ( CD-Vinyl /  2025)

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    Un petit conseil : si vous avez le nez collé sur la couve vous vous demanderez ce qu’elle représente, reculez-vous, glissez un regard de biais et tout s’éclairera. Pardon, tout s’assombrira. Une tête de mort. Inutile d’attendre un clin d’œil, ses yeux vides ne font même pas semblant de vous regarder. Une présence. Un signe. Cette couve est signée de Thom Dezelus. Dans la série on n’est jamais mieux servi que par soi-même  nous le retrouvons tout de suite.

    Thom Dezelus : bass / Baptiste Reig : drums / Baptiste P : vocal, guitare.

    Nos trois lascars participent aussi à d’autres groupes : Frank Sabbath, Ragequit, Hallebardier.

    Viennent de Paris, sont partie prenante du label collectif : Chien Noir. Excellent nom pour un label doom. Rappelons que Chien Noir nous le rencontrons dans L’Île au trésor de Stevenson, Chien Noir est le pirate qui vient rendre une visite amicale au vieux Capitaine Billy Bones, sa visite annonce la tache noire que plus Blind Pew remettra au capitaine… doom, piraterie et mort imminente sont des mots de couleur noire qui vont très bien ensemble.

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    Glace Mère : (Face B) : est-ce du vent ou quelque chose de plus profond, serait-ce le blizzard sur les étendues du pôle Sud, nous opterons pour les solitudes glacées intérieures, l’extérieur n’est-il pas une simple projection, une image incertaine loin des abysses qu’elle est censée représenter, klaxons d’icebergs et souffles rauques des colères rentrées lorsque agrippées aux parois verticales glacées l’on a plus la force d’avancer, nos poings battériaux  frappant sans répit la croûte de glace dans laquelle nous sommes bloqués en nous-mêmes, qui nous empêche de nous extraire de nous-mêmes alors que nous savons très bien qu’il n’y a pas d’issue car nous sommes dans

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     notre capsule temporelle et que nous sommes nous-mêmes non pas notre propre lieu mais le lieu en lui-même, chappes de guitares isolantes qui tombent comme ces grandes gelées subites qui ont emprisonné en une fraction de seconde les mammouth colossaux que l’on retrouve dans les étendues sibériennes la bouche encore pleine de feuilles qu’ils s’apprêtaient à mâcher, la guitare sous forme de sirène de bateau qui hurle en vain dans l’étau d’une banquise fractale, la basse s’acharne, nous savons bien qu’ailleurs l’herbe n’est pas plus verte, pour la simple et seule raison qu’il n'y en a jamais eu sur cette terre qui elle-même n’existe pas, que les mammouths ne sont que nos icebergs intérieurs que nous manipulons comme des jouets, car nous aimons jouer avec nos phantasmes, l’on croyait que ce n’était pas possible de ressentir l’imminence rampante d’un danger qui se rapproche, le vent, le vent, rafales de mort

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     qui déferlent et nous glacent d’horreur, pourquoi tant de cauchemars, puisque nous sommes seuls et ces hurlements quels sont-ils, des clameurs sauvages à imaginer que nos pensées sont devenues vivantes qu’elles se ruent sur nous, qu’elles nous attaquent, qu’elles montent à l’assaut de notre citadelle intérieure, qu’elles tournoient autour de nous comme  vols de corbeaux enivrants, nous voici maintenant enkystés dans nos rêves d’évasion impossible, puisque nous sommes notre propre évasion, que nous modelons l’irréalité de nos songes comme de la neige molle qui coule dans nos doigts, le monde se défait et se reconstruit indéfiniment comme le sable d’un sablier qui s’enfuit ou s’amasse selon que nous le retournons,  nous y prenons plaisir, même si le sable lui-même gèle et reste coincé dans son goulot d’étranglement, qui nous ressemble tant, de même que ce que nous   proférons dans nos délires les plus surréalistes, selon lesquels, dehors, ceux qui meurent de froid ressentent une douce et bienheureuse chaleur les envahir, est-ce pour cela que la musique monte en ébullition et nous rend heureux. Retour dans le ventre maternel. Qui n’est que nous-mêmes.

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    *

             Première fois que nous rencontrons Malemort. Se dénomment aussi The True Malemort. Viennent de Rouen, ils sont soutenus par le label La Harelle un collectif qui regroupe les formations : Sordide, Mòr, Void Paradigm et Iffernet. Rappelons que la bonne ville de Rouen connut en 1382 une violente révolte contre la rapacité de l’augmentation royale des impôts indirects sur le sel et le vin… qui dégénéra très vite  en une espèce (prémonitoire) de ce que plus tard Marx, théorisa sous le concept de guerre de classes. Charles VI y mit bon ordre…  Comme quoi la révolte vient de loin. Félicitations à ce label local d’avoir choisi cette appellation très rock’n’roll…

    Derelictus : bass, voval / Ausrah : guitar, vocal / Nemri : drums, vocals.

    Ils n’ont sorti qu’un album quatre titres en août 2017, nommé : Individualism, Narcissism, Hedonism… tout un programme… Nos trois âmes sans but participent à plusieurs groupes aux noms charmants : Sordide, Ataraxie, Mhönos, Monarch.

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    Aimless : (face A) : une note, ô joie, n’exultons pas, les suivantes ne se pressent pas pour arriver, silence entre elles jusqu’à ce que ne tombe une espèce de lame de guillotine grandiloquente qui se répète au même rythme que les premières notes, une voix s’élève, peu ragoûtante, comme quelqu’un qui retient son vomi glaireux dans sa bouche, l’est comme un crapaud perdu sur une feuille de nénuphar sans fard, quand il se tait, l’on n’en  est pas plus soulagé car le doom-stuff se traîne à terre comme une vomissure qui coule sur le sol, d’abord très lentement puis plus rapidement, elle prend de l’épaisseur, une langue immense sortie de son palais natal pour proférer des paroles de haine et de malheur, une espèce d’égosillement de gosier qui dégueule son

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     gésier dans l’évier du monde qui peu à peu se remplit de cette laideur, de cette hideur, coups de batterie, bruits de fond de la basse, grésillements de guitares, c’est toute la tristesse du monde qui dégueule sur vous, une véritable douche fétide, la croûte s’enroule autour de vos jambes, elle grimpe, toute visqueuse elle s’accroche et adhère à votre torse, une trompe mugit, vraisemblablement pour vous avertir du danger, mais peut-être veut-elle clamer sa propre perdition, l’on n’entend plus qu’elle mais voici des pas lourds qui s’approchent, se dirigent-ils vers vous ou simplement vous ignorent-ils, juste pour vous donner une idée de votre insignifiance, et le dégueulis vous submerge, il entre dans votre bouche, ne serait-ce pas le seul

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    endroit qu’il connaisse, son berceau natal en quelque sorte, tout se précipite, peut-être pour être un témoin oculaire votre noyade, votre asphyxie mentale ne dure-t-elle que quelques secondes mais ils tentent de nous donner à entendre comment vous la vivez, un truc cataclysmique qui n’est pas autre chose que votre rencontre avec l’éternité, une espèce de triomphe, un acte victorieux, quelque chose qui submerge le monde entier et le recouvre de son propre accomplissement dont vous êtes le vecteur. C’est terminé, mais la musique ne veut pas cesser, elle prend son temps, elle veut une belle mort dont les auditeurs seront les témoins assermentés.

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             Plus noir que noir. Certains jugeront l’écoute de ces deux morceaux difficiles. C’est parce qu’ils ne savent pas discerner l’horrible beauté du monde. Deux groupes underground sans concession.

    Comme nous les aimons.

    Damie Chad.