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  • CHRONIQUE DE POURPRE N° 205 = KR'TNT ! 324 :TOY / NEGRO SPIRITUALS / JAMES BALDWIN / JIMI HENDRIX / RONNIE BIRD

     

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 324

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    11 / 04 / 2017

     

    TOY / NEGRO SPIRITUALS / JAMES BALDWIN /

    JIMI HENDRIX / RONNIE BIRD

    I’ll be your plastic Toy

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    Tom Dougall et ses amis de Toy aimeraient bien sortir d’une belle chanson des Mary Chain, mais il leur faudrait des épaules. Ils n’ont ni la démesure, ni le son qui permet d’atteindre le niveau d’un blaster comme «Just Like Honey». Les grands spécialistes classent Toy dans les noisy, c’est-à-dire les bruitistes, une catégorie aussi fourre-tout que ce qu’on appelle aujourd’hui la scène psyché et qui ne veut rien dire. Toy est tout bêtement un quintette de rock anglais basé à Brighton et qui propose, au long de ses trois albums, un rock ambitieux et atmosphérique typique d’une scène anglaise qui cherche à se renouveler sans y parvenir. Trois albums, c’est la distance idéale pour montrer qu’on tourne en rond. Ils rappellent les mauvais souvenirs de la fameuse scène Shoegaze anglaise, celle des mecs qui regardaient leurs pompes pendant une heure lorsqu’ils montaient sur scène, les Slowdive et autres Ride, des gens qui se prenaient alors pour les héritiers du early Floyd et de Spacemen 3, mais qui n’en avaient ni les moyens, ni les épaules.

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    Les Toy affichent pourtant un look qui met en confiance. Quand on voit les images, on se pourlèche les babines. Ils ont ce qu’on appelle des gueules et portent les cheveux longs. Deux d’entre eux ont mêmes des faux airs de Pretty Things, et pas n’importe quels Pretties, ceux de 1964. Le conseil qu’on peut donner, c’est de les voir jouer sur scène avant d’écouter leurs trois albums. Toy est véritablement un groupe de scène, même si le petit chanteur Tom Dougall ne semble pas à l’aise. L’âme du groupe s’appelle Dominic O’Dair. Il joue de la guitare, mais avec une sorte de virtuosité qui finit par fasciner.

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    Ce mec empoche tous les suffrages à lui tout seul. En plus, il a une petite gueule de rock star, il est d’une beauté angélique. Il joue des figures extrêmement biscornues pour créer des climats byzantins, il plaque des accords jusque-là inconnus et combine ses notes avec les gestes mesurés d’un alchimiste. On finit par ne plus quitter sa main gauche des yeux, car il ne fait jamais deux fois la même chose. Il joue sur Telecaster et s’énerve parfois tellement qu’il casse des cordes. Tout l’édifice de Toy semble reposer sur lui.

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    Et sur le bassiste Maxim Barron, dont le visage disparaît sous une cascade de cheveux blonds. Il porte une sorte de combinaison de sky noir et joue des basslines extrêmement sophistiquées. Il est l’élément le plus visuel du groupe, car il bouge énormément et secoue sa tignasse en permanence. Quelqu’un disait qu’il portait une croix de fer parce qu’il est fan de Metallica. Enfin bref. Le mec qui fait battre le cœur de Toy, c’est le batteur, l’excellent Chris Salvidge aux joues mangées par d’énormes rouflaquettes.

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    Au centre, se tient le fluet Tom Dougall, avec sa petite tête de pivert. Il joue sur Fender Jaguar et un cinquième larron complète les effectifs, debout derrière le clavier d’un petit orgue. Il remplace donc Alejandra Diez qui, quand on écoute les deux premiers albums, semblait être l’âme du groupe, au niveau du son. Alors oui, sur scène, Toy peut en mettre plein la vue. Ils ont des cuts taillés sur mesure pour créer la sensation, comme «Dream Orchestrator», un joli cut en up-tempo tiré du troisième album, ou encore «Join The Dots» le morceau titre du deuxième album qu’ils jouent en fin de set. Choix judicieux, puisque ce cut explose littéralement.

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    Ils jettent des paquets de mer sur les Dots et le cut sonne comme le messie qu’attend le public. Ils jouent ça à l’hypno aventurier, c’est claqué à la basse sur deux notes par un Maxim Barron surexcité qui descend aussi dans des sous-régimes de basse assez déments. Ils savent très bien ce qu’ils font. On voit ce bassman fou gratter ses notes à l’étage en dessous. On comprend alors pourquoi ils finissent avec les Dots : rien n’est plus possible après ça. On assiste là à une véritable dégelée de mad psychedelia.

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    Alors, si on s’est régalé du Dots final, on peut écouter leur deuxième album, Join The Dots, histoire de revivre ces minutes palpitantes. Le cut est bien là, tout aussi grandiose, mais avec les stroboscopes en moins. On se re-régale du jeu de basse extraordinaire de Maxim Barron. Puis on part à la découverte des autres cuts, les sens en éveil. Ils démarrent cet album avec un «Conductor» un brin floydien dans l’esprit de Seltz, très voyagiste, du type set the controls. Puis on voit les cuts suivants s’étaler en longueur, et ce n’est pas bon signe. Il ne se passe rien d’intéressant dans «You Won’t Be The Same», ni dans «As We Turn». C’est là que Dots intervient en sauveur d’album. Il faut ensuite attendre «Endlessly» pour retrouver un peu de pop intéressante, car ça sonne comme un hit pop oblique. C’est Alejandra qui noie «Left The Wander» de nappes de synthé. Sur cet album, Dominic O’Dair semble un peu en retrait, malgré quelques petites performances guitaristiques. Et puis ils tombent dans le panneau de la shoegaze avec «Too Far Gone To Know», beaucoup trop formel, perdu dans l’écho du temps. Plutôt que de chercher une voie vers la lumière, ils cherchent la petite bête. Quelle erreur ! À part le morceau titre, tout est très spécial sur cet album. Il faut vraiment céder à la curiosité pour l’écouter en entier. Les Toy sont durs à pénétrer, âpres au gain, trop opaques. «The Frozen Atmosphere» sonne pourtant comme une bénédiction, on y sent l’embryon d’une volonté d’en imposer au firmament, mais avec un vieux relent d’inspiration mélodique. Ce cut semble même vouloir se poser dans la paume de Dieu. Leur seule chance de s’affirmer reste bien la scène. Ils terminent cet album tendancieux avec «Fall Out Of Love», le cut d’ouverture du set. Ils y démultiplient les retours de vitesse, c’est overdrivé avec un certain tact. C’est l’un de leurs rares hits, dommage que les ponts soient si maladroits.

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    On passe aussi à travers leur premier album. On y retrouve du cousu de fil blanc à base de beat rapide et de pop noyée de nappes de synthé fantômes. Maxim Barron et Alejandra font le son à eux tout seuls. Elle crée de la magie dans «The Reason Why», un cut noyé de fog, comme la route de Pont-Audemer une nuit de mars. Au fil des cuts, on s’enfonce dans la shoegaze. Ils sont très forts pour créer des petites émotions caractérielles à coups de beat répétitif et de nappes incongrues. Avec «Motoring», ils visent les incontinences gravitales sur un beat sévère. Alejandra re-noie le groupe dans la magie synthétique d’«Heart Skips A Beat». Elle était bel et bien la petite reine du jouet. Le cut ne tient que par la beauté des nappes qui se dressent au fond du son comme des tornades de bandes dessinées. Elle embarque tout, y compris le peu de mélodie. Les Toy sont parfois crédibles, mais jamais énormes. Tout ce qu’on peut éprouver pour eux se limite à une certaine forme de sympathie psychédélique.

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    Leur set comprend bien sûr un certain nombre de titres de leur troisième album intitulé Clear Shot, dont l’excellent «Dream Orchestrator» qu’on ne se lasse pas de ré-écouter. Avec «Another Dimension», on les sent déterminés à relever les vieux défis orgasmiques et ils finissent par dégager une certaine forme de majesté. Au final, le cut rayonne et on sent une nette évolution. Ce troisième album est plus pop, au sens où ils reviennent au format chanson. «I’m Still Believing» sonne quasiment comme un hit. C’est à la fois poppy, allègre et joliment balancé au bassmatic. Ils se situent là dans la distance de la pop et montrent qu’il savent travailler cette matière généreuse. Encore une pièce joliment harmonique avec «Clouds That Cover The Sun», joué aussi sur scène, en milieu de set. C’est très hanté, au plan psyché. Voilà un cut qui colle bien au palais. Cette comptine coule comme de l’or liquide dans le gosier du consul capturé par les Parthes. On se re-régale aussi en B du fameux «Dream Orchestrator». Maxim Barron joue sa bassline avec frénésie et le cut passionne, aussi bien sur scène que sur le disque. On voit même le cut se développer, tellement ça grouille de son et d’idées de son. Ça monte comme une marée louvoyante et joyeuse. Ils reviennent à la pop anglaise (enfin !) avec «Spirits Don’t Lie», et avec un certain panache. Cette druggy song se montre digne des Spacemen 3. Étonnant et fiable. Ils finissent cet album réconfortant avec «Cinema», une pop de shoegaze dotée d’un final éblouissant. Dominic O’Dair y fait des miracles, de manière indéniablement indéniable.

    Signé : Cazengler, petit joueur


    Toy. Le 106. Rouen (76). 10 mars 2017
    Toy. Toy. Heavenly 2012
    Toy. Join The Dots. Heavenly 2013
    Toy. Clear Shot. Heavenly 2016
    De gauche à droite sur l’illusse : Chris Salvidge, Maxim Barron, Tom Dougall, Dominic O’Dair et Alejandra Diez.

     

    LE GRAND LIVRE DES NEGRO SPIRITUALS

    BRUNO CHENU

    ( BAYARD EDITIONS / 2OOO )

     

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    Le terme Negro Spiritual a été banni par la nova-langue politiquement correcte. Remplacé par celui de gospel, plus propre sur lui. Bruno Chenu se hâte d’établir la différence sémantique dès les premières pages de son livre. Negro spirituals et gospel sont tout deux des chants religieux nés dans la communauté noire des USA, mais aussi différents que peuvent l’être le country blues du blues électrique de Chicago. Deux époques, deux matrices différentes. Les negro spirituals sont nés dans les plantations, le gospel dans les ghetto des grandes villes du nord. Mais la différence n’est pas que géographique. L’on ressent dans les negro spirituals la prégnance de l’Ancien Testament, cette partie de la Bible qui raconte la sortie d’Egypte, modèle divin d’espérance et promesse de la programmation inéluctable de la fin de l’esclavage de tout un peuple asservi… Le gospel s’adresse à l’individu perdu dans la jungle des villes. L’on ne s’adresse plus au dieu tout-puissant, vengeur et libérateur, mais au Christ rédempteur qui vous apportera la délivrance et la lumière. Les mauvais esprits feront remarquer qu’il y met autant de mauvaise volonté que votre précepteur pour vous rembourser vos impôts, mais il paraît qu’il suffit d’y croire pour être heureux.
    En tout cas Bruno Chenu n’en doute pas une seconde. A la foi chevillée au corps. Suffit de lire le pédigrée de ses publications pour être convaincu de son engagement pour le Seigneur, l’a même été rédacteur religieux en chef de la Croix et professeur à la faculté de théologie de Lyon. Bref quelqu’un qui ne flirte pas avec la musique du diable. N’ai point trouvé le mot blues dans le bouquin et ce n’est qu’incidemment vers la cent cinquantième page que vous apprenez sans aucune explication complémentaire l’existence des blue notes. Le mentionne aussi dans sa conclusion en le définissant comme du spiritual sécularisé. Sans plus.

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    Le livre est divisé en trois parties, un disque qui regroupe vingt spirituals interprété par la chorale et les chanteurs de Moses Hogan. N’en dirai rien, car le bouquiniste ne le possédait pas. Outre cette absente de tous bouquets comme l’écrivit Mallarmé, la fin du volume réunit une anthologie de deux cents dix negro spirituals en langue originale et non traduits, et plus de trois cents pages très documentées relatives à l’émergence du christianisme parmi les esclaves.
    Contrairement à ce que l’on pourrait accroire la christianisation a pris du temps, plusieurs siècles. Pour la simple et bonne raison que les propriétaires d’esclaves n’étaient guère portés vers la chose religieuse. A peine dix pour cent des maîtres blancs se réclamaient du petit Jésus à la fin du dix-septième siècle. Passaient leur temps en cette vallée de larmes à forniquer sans fin, à boire de l’alcool et à amasser de l’argent. Fallut qu’au dix-huitième siècle dans l’Est des Etats Unis, les bonnes âmes s’inquiétassent de redresser les vices de ces mécréants. Les Eglises se hâtèrent de lancer les campagne de Réveil pour civiliser ces contrées sudistes.
    Cela ne se fit pas sans résistance. Les maîtres voulaient bien se repentir de leurs mauvaises actions - sans pour cela abandonner leur si agréables façons de vivre - mais ils tiquèrent méchamment lorsque les prédicateurs leur proposèrent d’évangéliser leurs esclaves. On leur expliqua que l’essence de la religion chrétienne était l’obéissance aux loi de Dieu et qu’un esclave qui respecterait le Seigneur ne pourrait se révolter contre ses maîtres. On voulut bien essayer, et tout compte fait dans un premier temps le résultat ne fut pas désastreux. Persuader par un prêche théorique les esclaves des bienfaits de Dieu ne provoqua guère de vocation dans la population noire. Mais méthodistes et baptistes avaient plus d’un tour dans leur sac à mensonges. Inventèrent le camp meeting. Réunion en pleine nature, blancs et noirs mélangés, tout le monde chantant ensemble les louanges du Seigneur et parole donnée à tout individu qui voulait témoigner de sa foi. Ferveurs, cris, chaleurs, le Créateur se dépêcha de donner un coup de pouce en provoquant transes et apparitions chez les impétrants.
    Faut être logique, ces nouveaux chrétiens noirâtres fallut bien les accueillir dans les Eglises et les appeler Frères et Sœurs. Ce qui n’empêchait pas de leur distribuer quelques coups de fouets en semaine. Car comme l’enseigne la Bible, qui aime bien, châtie bien. N’avaient pas le droit de s’asseoir devant, relégués à l’arrière et encore mieux au balcon quand le bâtiment en possédait un. N’empêche qu’ils étaient bruyants, qu’il fallait les recadrer sans cesse, et puis malgré les eaux du baptême leur peau restait irrémédiablement noire. D’un autre côté les noirs ressentaient de plus en plus fortement le côté ubuesque de la situation, l’amour des maîtres ne se manifestant qu’une heure par semaine fleurait un peu trop l’hypocrisie. D’autant plus qu’ils s’aperçurent que les maîtres ayant embrassé la foi chrétienne changeaient de comportement : leur mauvaise conscience soulagée, certains d’être agréés par le Tout-puissant, ils adoptaient une attitude empreinte d’une plus grande sévérité et cruauté envers leurs frères noirs qu’il convenait de maintenir dans le droit chemin... Les noirs ne tardèrent pas à réaliser qu’ils étaient selon leur cœur le véritable peuple de Dieu, bref l’on se sépara dès le début du dix-neuvième siècle de plein accord. Y eut désormais des églises pour les blancs et des églises pour les noirs.
    Les nègres surent saisir l’occasion. L’Eglise devint un mini contre-pouvoir. Un lieu où l’on pouvait se retrouver et parler librement. Les prédicateurs noirs devinrent une espèce de sous-autorité tacite, plus ou moins reconnue par les blancs. En cachette ils participaient aux filières d’évasion vers le nord, et apprirent à leurs paroissiens les plus doués à lire et à écrire. L’était nécessaire de savoir déchiffrer quelques versets de la Bible ou les paroles d’un nouveau chant. Les blancs fermèrent plus ou moins les yeux sur cette auto-éducation forcément à long terme libératrice mais encore très minoritaire.
    Pourquoi les noirs adhérèrent-ils à ce mouvement de christianisation ? Parce qu’ils n’avaient rien d’autre à se mettre sous la dent. Les trois révoltes de peu d’importance qu’ils fomentèrent furent à chaque fois réprimées en moins d’une semaine. Faute de fusils, l’on se contente de patenôtres. Théologiquement parlant la religion africaine en ses nombreuses déclinaisons régionales et tribales pose bien la figure d’un dieu-soleil unique qui délègue ses pouvoirs à des milliers d’esprits, mais dont la primauté est indéniable. Débarrassés du regard des maîtres les esclaves parfumèrent les cérémonies chrétiennes un peu coincées du cul de relents des rituels africains enfouis dans leur mémoire. Les questions angoissées des prédicateurs et les réponses survoltées des ouailles correspondaient miraculeusement aux structures questions / réponses qui formaient la base des cultes païens. Très vite s’installa le shouting qui correspond à l’incarnation d’un esprit en votre personne. Quiconque était ainsi visité déambulait en hurlant dans l’assemblée sans que personne s’en montrât indisposé. De quoi susciter des vocations. Le jeu devint collectif, ce fut le ring shout : un questionneur en transe au milieu et le reste de l’assemblée qui hurlait à qui mieux-mieux en tournant autour, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Les habitués des études sur le paganisme retrouveront là une structure fondamentale des anciennes cérémonies pratiquées dans toutes les ethnies de la planète, des peaux-rouges aux Indiens d’Inde, des Innuits au fin-fond de l’Afrique… C’étaient-là de grands moments de libération catharsiques des colères et des tensions accumulées au service des maîtres adorés… Ne pas oublier de noter que cette chenille collective rondement menée était aussi une espèce de danse du canard durant laquelle l’on n’avait pas le droit de lever les pieds. Après avoir rappelé l’hypothèse souvent émise par les spécialiste que cette étrange démarche de palmipède baudelairien était le résultat de l’interdiction de danser faite aux esclaves, Bruno Chenu propose une autre explication. Cette démarche malaisée et fatigante qui pouvait s’accélérer telle une tarentelle était une manière dans les locaux relativement exigus de l’Eglise de faire participer le corps aux muscles durement sollicités à cette fête spirituelle…
    Dès ses prolégomènes européens, la religion réformée remplaça le faste des célébrations catholiques par le chant. Cantiques et psaumes à tire-larigot. Les noirs s’emparèrent de cette coutume en l’adaptant à leurs organes. Basses profondes et barytons s’en donnèrent à coeur joie, mais furent vite rejoints par le reste de la congrégation qui tint à apporter son grain de gros sel. Trop facile de chanter en canon ou d’attendre sagement son tour, l’on précipita les variations de rythme et surtout l’on se dépêcha de donner dans la sophistification puisque l’on savait faire simple. L’on entremêla les voix, les tonalités, les timbres, et les tempos tout en respectant la place de chacun. Du travail instinctif d’orfèvre. Plus tard, bien plus tard, lorsque vint la possibilité d’enregistrer, l’on privilégia la beauté des voix les plus pures, à ce jeu-là, le negro-spiritual se rapprocha de la musique classique européenne… Adorée par la clientèle des petits bourgeois blancs. J’aurais tendance à penser que si l’on veut entendre un équivalent de cette ferveur noire des negro spirituals originaux, c’est vers l’exercice de haute voltige libératoire du scat jazz qu’il faut tendre l’oreille. Surtout pas vers ces chorales nauséeuses de gospel qui s’en viennent régulièrement prêcher dans nos contrées depuis plusieurs années. Tellement mauvaises qu’à les écouter elles vous feraient désespérer de Dieu, si par faiblesse d‘esprit et d‘intelligence vous croiriez en lui…
    Bruno Chenu consacre une centaine de pages à analyse le contenu des negro spirituals. La camelote christique habituelle. Plus près de toi mon dieu, c’est là où je suis le mieux. Délivre-moi du péché et laisse-moi monter au ciel. Genre de sempiternelles fadaises que répètent les curés depuis deux mille ans. Tirez votre mouchoir, versez des larmes de repentir, ici ce sont de pauvres esclaves qui espèrent être libérés de l’esclavage. Bla-bla-bla. Apparemment vu la situation actuelle des noirs aux Etats-Unis aujourd’hui, me semble qu’ils se sont trompés de logiciel. Peut-être n’aurais-je pas fait mieux à leur place, mais ce n’est pas une excuse. Préfère penser à cette séparation des églises noire et blanche si bien développée par notre auteur. Elle eut ses conséquences idéologiques et politiques qui nous expliquent comment s’ancra dans les mouvements noirs l’idée d’une partition géographique ( voire d’un retour vers l’Afrique ) des deux communautés. Qu’un Malcolm X ait prêché pendant très longtemps la nécessité de l’Islam s’explique aussi par le fait que les premières libertés acquises par les noirs fut actée sur un fonds religieux.
    Je n’ai point parlé de la guerre de Sécession pour la simple raison que Chenu contourne le sujet. Cause de l’esclavage mais ne s’intéresse pas à la ségrégation occasionnée par les lois de Jim Crow. Ce parti-pris de limiter l’éclosion du Negro Spiritual en tant que genre comme la musique mère de toutes les musiques d’obédience noire qui suivirent, blues, jazz, rhythm & blues, soul, funk relève évidemment d’un projet non anodin. Agissant ainsi, il coupe la mauvaise herbe des chansons, mélodies, airs populaires et airs profanes apportés par les colons anglais, irlandais, français et allemands qu’entendirent, adoptèrent et transformèrent les premiers songsters et musiciens… En d’autres termes notre auteur s'acharne à pourvoir d’une origine chrétienne toute la musique noire…


    Damie Chad.

    RETOUR DANS L’ŒIL DU CYCLONE

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    JAMES BALDWIN

    ( Christian Bourgois Editeur / 2015 )

     

    Le mot anthologie serait malvenu. Il vaut mieux parler d’une réunion de quinze textes de combat écrits ente août 196O et 1985 par James Baldwin. Un militant de la cause noire certes, mais avant tout un écrivain. Doté d’un style inimitable, une écriture et une parole - une des contributions est la simple retranscription d’une conférence prononcée - envoûtantes. Une espèce de long talkin’ blues qui puise aux sources mélangées de la situation historiale des noirs aux USA et au vécu de l’auteur dévoilé dans sa plus extrême intimité.
    Baldwin est son propre sujet d’étude. Aucun égotisme, aucune infatuation suprématiste d’un Moi haïssable, aucune vantardise, aucune fanfaronnade claironnante. Baldwin se juge même sévèrement. Ne cesse de se demander pour quelles mystérieuses raisons tant d’individus lui ont tendu la main et aidé à prendre confiance en lui-même tout le long de son parcours existentiel. Se présente comme un jeune homme laid et ignorant. Un pauvre petit nègre voué aux gémonies des misères sociales et culturelles. Mais il use de ce charbon opaque comme d’un prisme diamantaire. Focalise les rayons de la connaissance analytique sur les ténèbres de son vécu. Transforme celui-ci en expérience exemplaire. Ô insensé qui crois que je suis pas toi, dixit Victor Hugo en tête de ses Contemplations. Mais pour Baldwin, il ne s’agit ni de s’écouter pleurnicher, ni de se regarder ramper. L’Action directe est le seul levier qui permet d’avancer. A rebours de Stirner, Baldwin s’il a basé sa Cause sur l’épanouissement de son individuation, ne l’a pas assise sur Rien mais sur un contrat tacite et associatif avec l’ensemble de la Communauté Noire. Ce qui n’exclut en rien l’Alma Mater de l’Amérique dominante blanche. Ne parle pas contre mais du milieu d’un tout. Expression d’une fierté noire qui très souvent passe sous silence les souffrances passées et de ce fait risque de tomber en une revendication identitaire stérile et pratiquement raciale. Un raidissement idéologique qui par exemple a empêché le Black Panther Party de mordre sur une large frange de l’opinion américaine . James Baldwin est beaucoup plus stratège. Retourne l’arme de l’auto-culpabilité noire sur les blancs. Les premières victimes de l’esclavage et de la ségrégation ne sont pas les noirs mais les blancs qui se sont chargés d’un poids caïnique bien plus lourd à porter, car il leur sera toujours impossible de s’en démettre. Raisonnement imparable, boomerang - return to the sender - qui renvoie l’oppresseur à la contradiction de ses constitutifs préceptes religieux. L’on voit ici comment cette position est bien moins ambigüe que celle préconisée pendant longtemps par Malcolm X, partisan de la vision séparative bloc contre bloc, alors que Baldwin préfère l’éclatement du monolithe de l’intérieur par infiltration et explosive glaciation dans la fissures eidétiques. Rien à voir avec une quelconque moraline d’essence soit-disant supérieure qui vous permet de vous cacher derrière le petit doigt de votre bonne conscience. Que vous soyez blancs ou noirs.

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    Baldwin n’est pas dupe de l’ampleur de la tâche. Ne s’illusionne pas. C’est en cela qu’il n’est pas un illusionniste. N’écrit pas pour enjoliver la situation et endormir le lecteur sous de fallacieuses promesses. Ne se satisfait pas des oripeaux des progrès réalisés. Un contre-feu ne retiendra jamais la catastrophe du feu qui couve. N’est pas un optimiste. Ni à court terme, ni à long terme. Les derniers événements de Bâton-Rouge, ce jour-même où je rédige cette chronique éclaire les prédictions de Baldwin d’une inquiétante lueur. Les braises ne dorment jamais sous la cendre des hypocrisies.
    Ce livre est un merveilleux miroir d’une conscience en mouvement qui ne recule devant aucun interdit. Serait aujourd’hui cloué au pilori pour son analyse du rôle différentiels des juifs dans l’oppression économique dont sont victimes les noirs. L’antisémitisme ne saurait être une excuse pour s’enrichir sur le dos de plus faible que soi. Baldwin est malin comme un chat qui retombe toujours sur ses pattes, au moment où vous le croyez englué dans ses contradictions trouve toujours une parade pour s’en tirer sans dommage. Un satané bretteur qui possède plus d’une botte de Nevers en réserve. Foudroie l’ennemie au moment où il s’y attend le moins, lui enfonce la pointe raide de son intraitable intelligence jusqu’au fond du cerveau afin de lui court-circuiter les raisonnements les plus perversement fallacieux. Dialecticien de haut-niveau.

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    Se permet de raconter deux histoires parallèle qui se coupent en diagonale. La sienne et celle de son temps. Chronologiquement l’on commence par le pasteur Martin Luther King pour finir par… Boy George. Le siècle en kinopanorama. Du protest song à l’after-punk. A croire que le Christ n’était qu’un vil pédéraste. De la colère des masses à la libération sexuelle de l’individu. Un résumé condensatif exposé en toute innocence. Le pire c’est que Baldwin ne revendique rien : expose et impose. Vous dresse le constat avec un tel naturel qu’il ne vous reste plus qu’à déposer le bilan. Blancs et noirs dans les colonnes capitolines des pertes et profits.
    Un livre à lire pour votre édification immorale. Je vous laisse la jubilation post-coïtale de la découverte de cette espèce d’autobiographie intellectuelle. Narcisse et Goldmund réunis en un seul personnage. Une splendide coalescence de l’hermaphrodisme platonicien, non pas l’éternel féminin goethéen enfin réuni au désir infini du masculin, mais les liaisons explosives du tout avec la partie. L’altérité de l’unité enfin réalisée. Rouge sang de l’intérieur de tout épiderme humain. Une alchimie transfigurative de l’écriture. Le jour où le verbe poétique s’est réalisé en déploiement du politique.

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    Une leçon de coups de bâtons pour nos élites transnationales. Puisque apparemment c’est bien cela qu’elles recherchent.


    Damie Chad.

    JIMI HENDRIX
    LYRICS & PAROLES
    DERNIERE EXPERIENCE ROCK

    PETER RIGGS
    ( Editions Pages Ouvertes / Février 2015 )

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    Pour les lyrics, j’ai cherché partout, feuille par feuille et ne les ai point trouvés. De mes longues recherches infructueuses j’en suis ressorti hagard, du merle me conterai donc, faute de grives. L’ensemble des paroles se présente sous forme d’un collage d’extraits d’interviews - Jimi n’en refusait que très rarement la demande - classés en onze grands thèmes et regroupés à l’intérieur de chaque chapitre selon l’ordre chronologique de leur donné. L’aurait été plus logique de les exhumer en leur intégralité mais l’est sûr que cette façon de faire transforme le prince exalté et vaporeux du psyché en maître à penser des plus sérieux dont il convient de suivre les irréfutables enseignements qu’il aura tirés de ses expériences tant musicales qu’existentielles. Une démarche dont nous n’approuvons guère l’artificialité.
    Rien à voir avec les Pensées de Pascal. Jimi n’est pas un idéologue. Se retranche toujours sur la subjectivité de ses opinions, ce qui est bon pour lui ne le sera peut-être pas pour vous. Et vice-versa. Autant d’individus, autant de choix ou de préférences. L’est un adepte de la théorie psychologique de la relativité généraliséE. Encore faut-il relativiser ses assertions. Pour différentes raisons.

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    L’homme n’était pas méchant, dès qu’il égratigne un tant soit peu une personne - connue ou pas - il évasive aussitôt son propos en s’empressant de mentionner qu’il existe des types d’individus qui agissent ainsi. Détestait jouer la star, l’on sent le mec que l’on peut aborder facilement, n’en est pas moins pudique et secret. Déteste se mettre en avant et au lieu de vous livrer des sentences d’une précision absolue il noie le poisson en l’enfermant dans le bocal opaque d’une comparaison plus mystérieuse qu’éclairante… S’excuse souvent, de ne pas être là, de penser à autre chose, d’être ailleurs, une manière élégante de dévoiler les petites ( et les grandes ) fumettes qui le positionnent en un état second…
    Question musique difficile de trouver plus humble. Le plus créatif des guitaristes de sa génération ne se vante jamais. Quand on lui demande quelque précision ou un commentaire sur tel ou tel morceau, ah, oui, on avait essayé un truc, une idée qui était venue un peu n’importe comment l’on ne sait pas pourquoi, à l’écouter parler, Hendrix - seul ou avec quelques musiciens - a passé son temps à bricoler, un rafistoleur du dimanche qui ne ignore ce qu'il veut, et qui est toujours désolé du résultat. Aurait pu mieux faire. Ne cherche pas la perfection, tente l’amélioration continue. S’il a quitté tous les groupes auxquels il a participé dans sa jeunesse, c’est parce qu’il s’ennuyait à répéter à chaque spectacle le moindre riff. L’a pourtant accompagné des cadors comme les Isley Brothers ou Little Richard, mais l’a fini par se faire virer pour ses excentricités, un riff un peu trop malmené, un vêtement un peu trop voyant… En l’entendant, l’on se dit que le titre de son album Are You Experienced ? correspond davantage à sa méthode de création musicale qu’aux allusions aux produits récréatifs que l’on a voulu y voir à l’époque de sa sortie.

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    Jimi Hendrix est le plus grand guitariste de rock qui ait existé sur cette planète. Peut-être en préférez-vous un autre. Votre droit le plus absolu. Hendrix sera le premier à vous soutenir. Tellement de musiciens, tellement de styles, tellement de goûts. Pas le gars contrariant pour deux sous(-produits). Plus foxy mister que vous le croyez Jimi. L’emploie bien le mot rock and roll de temps en temps, mais il suffit de lire sur les lignes pour s’apercevoir qu’il se définit non pas comme un guitariste de rock, mais de blues. Le dit si naturellement qu’il faut soi-même avoir l’œil bleu pour y prêter attention. Se revendique d’une lignée blues, point celle de B. B. King si claptonienne - apollinienne puisque tendant vers une certaine limpidité de note - mais celle d’Elmore James, davantage rentre-dedans, chargée de plus grandes fureurs et criarde de frustrations. Paroles à méditer, lorsque Hendrix est mort beaucoup de spécialistes prophétisaient que s’il était resté vivant, il aurait évolué en une direction qui l’aurait emmené vers le jazz-rock…

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    Hendrix évite le sujet, ne l’aborde que par la bande, incidemment, sans employer de mots trop explicites, mais l’origine de sa musique n’est point tout à fait celle qu’il écoutait à la radio, celle-ci n’étant qu’un cache-misère, que la conséquence de la situation ségrégative imposée aux noirs et autres colorés. Savait aussi que sa musique était aux confluences du blues, du jazz et du rock and roll. Ces trois nœuds gordiens de la musique populaire n’étant que les rameaux multiples des deux branches maîtresses que sont la misère et le racisme. Sa musique charriait trop de colères noires et d’éclairs oragiques pour se diluer dans l’éther d’une séraphinité paradisiaque.

    Damie Chad.

     

    RONNIE BIRD

    EN DIRECT !

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    ROUTE 66 / JE NE MENS PAS / ELLE M'ATTEND / TU PERDS TON TEMPS / FAIS ATTENTION / I CAN'T STAND IT / CHANTE / FA FA FA FA FA FA ( Sad Song ) / C'EST UN HOLD UP / I WILL LOVE YOU

    25 cm JBM 027/ 2014

     

    La discographie de Ronnie Bird n'est pas des plus étoffées. C'est que sa carrière fut malencontreusement écourtée. Un accident de voiture non assurée qui trancha la jambe d'un de ses musiciens se révéla catastrophique. Ronnie préféra se faire oublier aux Etats Unis. Par contre nombre de ses fans de la première heure lui sont restés fidèles. Avec le temps Ronnie Bird est devenue une légende du rock'n'roll français. Il fit partie de cette génération - dont il est avec Noël Deschamps un des représentants les plus emblématiques - qui assura la transition du rock national originellement et historiquement marqué au fer rouge par une dévotion absolue aux pionniers à l'allégeance sans retour des neo-convertis aux groupes anglais. Saluons JukeBox Magazine de ce 25 centimètres rempli d'inédits.

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    Route 66 : ( en anglais sur scène à l'Olympia en février 65 en première partie de Chuck Berry), étonamment si l'accompagnement est des plus électriques le vocal reste tributaire d'un phrasé beaucoup plus rock'n'roll, la proximité physique de Chuck Berry n'est vraisemblablement pas étrangère à cette disparité, lorsque l'on rajoutera que l'instrumentation est stonienne en diable et que l'on se rappellera l'amour immodéré que les Stones portaient à Chuck l'on comprendra plus facilement comment en ayant débuté par un hommage à Buddy Holly ( Adieu à un Ami ), Ronnie Bird devint notre premier rocker à avoir introduit la prééminence du son électrique aux pays des mille fromages. Je ne mens pas : ( émission Âge Tendre et Tête de bois du 10 / 04 / 65 ) s'en tire plutôt bien le Ronnie, paroles un peu passe-partout mais le vocal haché les met bien en relief, batterie et guitares se passent le témoin comme des sprinters professionnels, le fait que Mickey Baker ait participé à l'écriture du morceau a dû aider à mettre les points sur le I de la ryhtmique. Elle m'attend : ( quatrième prise ), celle du quarante-cinq original est bien meilleure. S'attaquait à un gros morceau, l'Oiseau, le Last Time des Stones, mais ici l'alchimixage est fautif, le vocal est devant et l'orchestre derrière. S'en est rendu compte, au final ils réaliseront le miracle la voix semblant n'être qu'une guitare de plus parvenant ainsi à réaliser l'osmose sonore stonienne qui à l'époque arracha des cris d'admiration. Tu perds ton temps : ( Âge Tendre et Tête de Bois, 28 / 03 / 1966 ) des Pretty Things, le jungle sound de Bo Diddley pour structurer le morceau, un harmonica démoniac-blues qui marque les accélérations de la locomotive et le phrasé de Ronnie qui emmène le public. Fais attention : ( public Music-Hall de France, des Nashville Teens ). L'orchestre n'est pas au top, trop lointain - parti pris de jouer comme les Nashville Teens sur le live de Jerry Lee à Hambourg ? - n'atteint en rien à la magie subordinatrice et dévastratrice de la version du quarante-cinq tours. L'inanité des paroles et les yeah-yeah qui relançaient les lyrics toutes les vingt secondes en firent le premier titre proto punk. I can't stand it : ( public Music-Hall, repris à Traffic ) en anglais, l'orchestration se contentant de marquer le rythme, tout le morceau repose sur la voix de Ronnie qui s'oriente de plus en plus vers un vocal qui emprunte davantage au rhythm and blues qu'au rock'n'roll. Chante : ( public, été 67 ) une reprise des Troggs mais cette dimension reste occultée par le texte de la chanson qui s'en prend à Antoine ( l'élucubratif ), cette version est supérieure à l'originale du 45 Tours. Lui reproche un peu maladroitement de chercher à faire de l'argent et incidemment de surfer sur des thèmes politiques à la mode. Le troisième couplet un peu énigmatique cinquante ans plus tard. Rien ne se démode davantage que l'actualité. Le parallèle avec Cheveux longs et Idées Courtes de Johnny Hallyday s'impose, mais pas en faveur de Ronnie. Surtout si l'on se rappelle qu'il termina sa carrière en reprenant le rôle de Julien Clerc dans Hair, la comédie musicale hippie grand public... FA FA FA FA FA FA : ( public accompagné par les Sharks, 01 / 31 / 1967 ). En l'année 1967, les rockers nationaux adhérèrent en bloc au Rhythm and Blues cuivré des studios Stax, l'aboie bien l'oiseau. Roquet furieux qui vous déchirera le bas de votre futal si vous vous obstinez. La section cuivrique reste un peu maigre et imite davantage le sax vrillé à la rumble rock'n'roll que les architectures sonores des Memphis horns. C'est un hold up : ( public, accompagné par les Sharks, 01 / 31 / 1967 ) Ronnie en forme, c'est son premier hold up mais peut être fier de son coup, les cuivres assurent une couverture sans faille et vous avez envie de lui prêter main forte pour faire main basse sur les coffre-forts. Chef de gang. Une petite curiosité : la voix qui épouse des intonations à la Noël Deschamps. I will love you : ( fin 1967, maquette ), Tommy Brown qui s'en donne à coeur joie sur une étrange frappe – un ternaire contre-rythmé ? - et Micky Jones à la guitare. La voix en arrière-plan. Ensemble un peu confus, mais toutes les chances pour que cela soit voulu. Recherche pour une future évolution ?

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    Que dire de tout cela ? L'impression d'un grand gâchis, certes le disque est rempli de tâtonnements et de maladresses, mais il y avait là un chemin plein de promesses qui s'entrouvrait. Acculé par le sort, peu aidé, Ronnie a préféré jeter l'éponge. Notons que Noël Deschamps a agi de même en de dissemblables mais sommes toute similaires différences. Ne faisait pas bon d'être un rocker dans les années 1964 – 1968. Ont essuyé les plâtres et tout le monde s'en fichait. Fatalitas !

    Damie Chad.