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  • CHRONIQUES DE POURPRE 570 : KR'TNT 570 : BCUC / MONKEES / LOOP / SAM THE CHAM / ROCKABILLY GENERATION NEWS / ROBERT PLANT & ALISON KRAUSS / ROCKAMBOLESQUES

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 570

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR’TNT KR’TNT

    13 / 10 / 2022

     

     BCUC / MONKEES

    LOOP / SAM THE SHAM

    ROCKABILLY GENERATION NEWS

    ROBERT PLANT & ALISON KRAUSS 

    ROCKAMBOLESQUES

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 570

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://krtnt.hautetfort.com/

     

                    Baby come BCUC

     

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             Bon alors le plus simple serait de parler d’un grand choc. BCUC sur scène. BCUC pour Bantu Continua Uhuru Consciousness. Sept blacks de Soweto, ghetto martyr d’Afrique du Sud, pour les ceusses qui ne sauraient par où est Soweto. Oui, sept, désolé, il en manque sur l’illusse. Il s’est mis sur le côté. Voulait pas être dans l’image. Trois micros sur le devant de la scène et derrière, deux grosses caisses montées à la verticale sur des pieds en ferraille, plus un jeu de congas et un ampli basse. Ça sent déjà bon les tambours africains, avant même qu’ils n’arrivent.

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    Les voilà, trois devant et quatre derrière et tout de suite ça explose, ça t’explose directement entre les reins, directement sous le crâne, directement dans l’inconscient, car c’est le beat primitif, d’où vient toute la vie sur cette terre. Elle ne vient certainement pas de Mozart ni de Bach, elle vient des profondeurs de la vie, car avant d’être «civilisés», tous les peuples de la terre étaient primitifs et tu comprends ça immédiatement, car ça te parle, ça te raconte l’histoire du monde et de tes vraies racines. Tu n’appartiens pas à la civilisation occidentale, non, tu viens du beat des Africains et tu le ressens au plus profond de toi même, ton corps bouge sans que tu ne lui aies rien demandé, ça va très vite, dans l’instant, même pas one two three, comme dans le rock de Bill Haley, c’est là, bam-bam-bam-bam, en continu, bam-bam-bam-bam, à cent à l’heure et tu les vois danser, les trois qui sont devant,

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    ils vont te montrer comment on fait de la musique, bam-bam-bam-bam, la plus explosive de toutes, c’est un fleuve de vie qui charrie tout en même temps, le gospel, le rock, le boogie, le jump, le rap, le blues, le metal, le mental, le méthane, tout ce qui te passe par la tête, tout vient de là, c’est d’une évidence brutale, sans les Africains, le monde moderne n’aurait jamais existé, jamais t’aurais eu Sister Rosetta Tharpe, Chucky Chuckah, Jimi, Sly, Bo, pour ne parler que des plus importants, même Jerry Lee vient de Soweto, car sur scène le chanteur est encore plus crazy que Jerry Lee, plus demented qu’Elvis 54, plus wild que Wilson Pickett, il vaut dix Sam & Dave, il va si loin qu’on en a le souffle coupé pour lui, il est physique, ultime, c’est encore bien au-delà du wild as fuck des pauvres petits blancs qui se croient les rois du monde avec leurs petites guitares électriques, pousse-toi, whitey, c’est mon tour, il s’appelle Zithulele ‘Jovi’ Zabani Nkosi, pas la peine d’essayer de retenir son nom, c’est impossible, alors contente-toi de Jovi

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    et de le regarder chanter et danser la musique sauvage de tes origines, elle te rend fier d’être noir même si tu es blanc, mais ce sentiment d’appartenance est réel, tu as sous les yeux une authentique superstar, il fait partie de ceux qui lutteront jusqu’à la mort pour la grandeur du Black Power qui redevient soudainement une réalité, une suprême vengeance après quatre ou cinq siècles d’esclavagisme et d’apartheid, désolé, mais on y revient forcément, avec son génie scénique, Jovi balaye d’un coup toutes les injustices et réinstalle le pouvoir des tambours sur le trône qu’il n’aurait jamais dû quitter, alors il y va ce démon noir, il danse des deux pieds en même temps, il mime une espèce de gratté de guitare, il fait des pas de Zoulou dance, il s’essuie la figure d’un coup de paume et il te screame la grandeur de la négritude par-dessus les toits, c’est explosif, une sorte de mélange démentoïde de Fela Kuti et de free jazz sans trompettes, juste le précipité du beat, et derrière le black en short fait des miracles aux congas, ses deux copains battent la cadence du beat des forêts impénétrables sur leurs caisses et l’incroyable bassman tisse de l’africanité sur une basse à cinq cordes, c’est un rêve qui devient réalité, tu n’en perds pas une seule miette,

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    car des gens comme ça, tu n’en croiseras pas tous les jours dans ton fucking quotidien de whitey, Jovi n’en finit plus d’exploser sur ses pieds, il est petit, plutôt râblé, les bras tatoués, une barbe rase, il a une sale manie de vouloir faire des prêches entre les très longs cuts, mais dès qu’il repart sur l’Afro-beat demented, alors on remercie Dieu d’avoir créé le peuple noir, et puis à sa gauche, tu as un autre personnage extraordinaire, une blackette au visage d’ange dont tu tombes amoureux, une sorte de madone de Soweto coiffée d’un petit bonnet de laine, qui shake son tambourin et qui reste dans la folie du beat sans produire le moindre effort, elle s’appelle Kgomotso Neo Mokone, pareil, laisse tomber, n’essaye pas de mémoriser son nom, appelle-la la madone des no-sleepings, elle se fond admirablement dans l’extraordinaire fournaise de l’Afro-beat, qui redouble de violence dès qu’il redémarre et c’est toujours à cent à l’heure, mais c’est un cent à l’heure africain, qui n’a strictement rien à voir avec le pauvre cent à l’heure du rock, c’est un cent à l’heure qui sonne juste et qui t’excite, là tu dis, oui, c’est exactement ça, ce n’est ni de la frime ni du surfait comme c’est trop souvent le cas dans le metal, c’est le cent à l’heure organique que ton corps traduit immédiatement par des balancements que tu ne lui connaissais pas, tu comprends soudain ce qui se passe dans les villages lorsque battent les tambours, tout le monde danse et chante, c’est automatique, et c’est exactement ce que nous servent les BCUC sur un plateau d’argent, le beat universel que chacun comprend, en dehors de toute contrainte morale ou esthétique,

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    le vrai surréalisme, le surréalisme des racines universelles, pas celui du tyran André Breton, non, on parle du vrai monde, de la vraie musique, des vrais artistes et de l’incroyable simplicité, voire nudité, de tout ça. Ce sont des inconnus qui te révèlent à toi-même, qui t’ouvrent les yeux sur une réalité que tu croyais bien connaître, oui bien sûr Elvis, Bo, Jerry Lee, Wilson Pickett, les Como Mamas et tous les autres, mais ils doivent tout aux tambours africains, tels que les battent les démons de BCUC.

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             Tu es tellement fier de leur serrer la main à la fin du set. Tu vas ramasser leurs albums. Soweto Never Sleeps ! Bizarrement, leurs albums sont enregistrés en France. Tu en as un qui s’appelle Emakhosini. Seulement trois cuts. Tu ouvres et tu vois Jovi et la madone des no-sleepings en photo sur scène dans un nuage de fumée. «Moya» t’embarque pour 19 minutes sur un bassmatic africain, et le beat monte vite, bien sûr pas aussi nettement que sur scène, sous le casque c’est plus encaissé, plus studio, ça sourd comme une source, mais la conscience du beat des forêts profondes remonte en toi, pour un peu, tu te croirais aussi africain que ces mecs-là, mais impossible de s’ôter de la tête l’idée qu’ils te reconnectent aux origines de la vie. En même temps, c’est très progressif, comme l’évolution des espèces, et ça se passe comme dans le concert, tu as le sentiment que le sort du monde est intiment lié à l’Afrique, que tout vient de là, la vie, l’intelligence des corps, le rythme, l’idée remonte vite et se précise, les BCUC ont des choses à dire, surtout en Afrique du Sud, une aberration géopolitique tenue par une poignée de blancs cupides et cruels, mais ça donne Sowetao et l’un des plus brillants groupes d’Afro-beat des temps modernes, BCUC, come BCUC baby, c’est plein de vie et de colère intense, personne ne peut imaginer à quel point les blacks d’Afrique du Sud ont été fucked-up, et pourtant, ils sont le berceau de l’humanité, alors laisse tomber ta bible et l’Hosanna et tout ce bordel. C’est long 16 minutes, mais on ne s’ennuie pas, même si on perd le dance craze de Jovi le héros, ils font leur biz, chacun son tour, ils t’embarquent de toute façon, et soudain, le beat revient, fast and furious, ils sèment le vent et récoltent la tempête. Maintenant, c’est eux qui balayent tout après avoir été balayés. Quand ils calment le jeu, c’est pour mieux exploser. Le bassman lance tous les cuts au petit riff insistant d’Africana évolutive. Son thème revient dans le chant avec les échos de la madone des no-sleepings et très vite le beat reprend le pouvoir, il charrie toutes les insurrections de l’histoire, toutes les révoltes d’esclaves, tous les puits de mines et le travail forcé, ils rebouffent le foie des blancs qui les opprimaient et les tambours résonnent au plus profond de l’inconscient collectif. Ils sont au-delà de tous les genres.

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             Tu as un autre album qui s’appelle The Healing, c’est-à-dire la guérison, mais ça démarre avec «The Journey With Mr Van Der Merwe» qui n’augure rien de bon, car c’est un nom d’oppresseur Africaner, c’est amené au gimmick de basse africaine et soudain l’Afro-beat arrive, une marée, avec la voix de la madone des no-sleepings, les autres chauffent encore ça aux chœurs, ça te court bien sur l’haricot et bien sûr Jovi chante son gut out, il accuse Van Dr Merwe of having thought a new rule et les tambours combattent, c’est puissant, le beat charrie les cris des suppliciés, Jovi hurle sous les coups, ça va vite la mort dans les pattes des blancs, Jovi hurle comme une bête, c’est tout de même autre chose que le petit punk-rock des pauvres blancs, avec leur musique, le blacks se battent pour leur vie, ce n’est pas la même chose, voici que sonne l’heure de la victoire pour le peuple Zoulou, l’intelligence vaincra toujours l’oppression, surtout l’intelligence des blacks qui est musicale, le Black Power est de retour dans toute la force de son authenticité, les tambours te tapent dans la tête, les congas de Congo Square, fantastique cavalcade à travers le temps et l’histoire, là tu as tout ce que tu dois savoir à propos de la barbarie des blancs et de la grandeur sublime du peuple noir, et Jovi relance toujours le grondement des tambours, ces redémarrages au wild beat sont des bénédictions pour la compréhension, tu crois que c’est fini et ça continue, ils barbouillent des fresques comme des Black Fellinis de l’Africanité. La madone des no-sleepings croise les thèmes infectueux du bassman king, Jovi danse des deux pieds, quelle débinade ! C’est l’apanage des apanages, Jovi fout le feu. On retrouve Femi Kuti dans «Sikhulekile» et le fast beat revient, plus violent que jamais, une fournaise d’enfer vert, la madone des no-sleepings tente de calmer le jeu mais ça repart toujours de plus belle. Africa !

    Signé : Cazengler, vieux BOUC

    BCUC. Le 106. Rouen (76). 30 septembre 2022

    BCUC. Emakhosini. Buda Music 2018

    BCUC. The Healing. Buda Music 2019

     

     

    C’est parti Monkee Kee - Part Three

     

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             En dehors des albums, des films et des autobios, il existe encore bien d’autres manières d’entrer dans la légende des Monkees. Il faut pour cela étendre le cercle des recherches, en se rapprochant par exemple de personnages qui ont joué un rôle éminent dans la genèse de cette légende, des gens comme Bobby Hart (Boyce & Hart) et Harold Bronson (Rhino Records) qui ont eux aussi tartiné des autobios passionnantes.

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             Celle de Bobby Hart s’appelle Psychedelic Bubble Gum. Il est essentiel de rappeler que Boyce & Hart ont composé le premier hit des Monkees, «Last Train To Clarksville». Hart raconte merveilleusement bien son histoire. Jeune Arizonien débarqué en Californie, il se passionne pour Roy Orbison, Carl Perkins, Sanford Clark and all the rockabilly guys, puis Fats Domino et LaVern Baker. Il s’éprend aussi du gospel, du Professor Alex Bradford et de Sister Rosetta Tharpe. Il parle d’un «feeling of connection between the black music artists and me».  Puis un jour, dans un studio, Hart rencontre Tommy Boyce : «Il m’a seulement fallu quelques instants dans le studio pour comprendre que Tommy Boyce était un personnage singulier, spontané et extraverti, et en même temps très cool. Il avait l’assurance d’une rock star et il dégageait un charme irrépressible. Il avait un beau sourire et une poignée de main ferme, mais il y avait aussi en lui une certaine suffisance qui pour quatre laid-back kids venus d’Arizona était difficile à accepter.» En 1960, le jeune Hart s’installe donc à Hollywood pour faire carrière dans la musique. Il compose et il doit commencer à démarcher. Il obtient un rendez-vous avec Lester Sill. Il attend d’être reçu et engage la conversation avec un autre candidat qui dit s’appeler Phil Spector. Hart le connaît car il a vu son nom sur le disque des Teddy Bears. Totor dit à Hart qu’il a quitté le lycée depuis deux ans et qu’il veut aller à New York pour faire de la production. Totor est appelé dans le bureau de Sills, et Hart laisse entendre que ce jour-là, on l’a oublié.

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             Comme ça ne marche pas à Hollywood, Boyce & Hart tentent leur chance à New York.  Ils bossent pour Don Costa, au Brill, at 1650 Broadway. Ils commencent à composer ensemble, Boyce écrit les paroles et Hart la musique - On avait un respect mutuel pour nos compétences, mais on voulait travailler ensemble parce que c’était bien plus amusant de le faire ensemble - Boyce parle dans son autobio (How To Write A Hit Song And Sell It) d’un «pleasant and workable partnership». Le premier hit qu’ils décrochent en 1964 est «Come A Little Closer» pour Jay & The Americans. Mais Hart ne parvient pas à vivre de ses compos. Pour manger et payer ses charges, il doit prendre la route et jouer dans des clubs.

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             Hart évoque aussi des gens qui furent célèbres avant l’avènement des Beatles : Brian Hyland, Lou Christie et surtout Del Shannon qui fut une star en 1961 avec «Runaway», et qui eut les Beatles en première partie d’une tournée anglaise. Hart fait aussi partie des Surfaris, un groupe dans lequel John Maus joue de la guitare et Scott Engel de la basse. Hart raconte une tournée galère en 1963 dans le Middlewest avec les deux futurs Walker Borthers. Accident de voiture, puis deux corbillards achetés dans le même garage qui tombent en panne sur la route, une histoire similaire à celle de la dernière tournée de Buddy Holly. Hart se retrouve aussi en studio, avec Little Anthony & The Imperials. Il voit Anthony Gourdine sing his heart out, produit par Teddy Randazzo. Hart compose deux cuts pour Little Anthony : «Reputation» et «Never Again», sur l’album Goin’ Out Of My Head.  

             Hart ne se sent pas vraiment chez lui à New York : «Les bruyants corridors de béton et d’acier n’avaient rien de commun avec le paisible Oak Creek Canyon de mon enfance, et je ne me suis jamais senti chez moi à New York. Mais à l’été 1963, une chose était claire dans mon esprit : j’étais exactement là où je devais être. Je sentais le souffle chaud du succès prendre de la vitesse.» Plus loin, il fait encore le point, et il a une façon extrêmement intéressante de le faire : «Je passais mes soirées dans une ville où je ne connaissais personne. Je marchais tout seul dans les rues enneigées avant d’aller me coucher dans la chambre minuscule que j’occupais au Chesterfield. Le contraste avec Vegas où j’avais joué était d’ordre poétique, et ça m’a certainement aidé à garder la tête froide et à maîtriser mon ego. J’étais le plus souvent seul, sauf quand on composait avec Tommy, et j’étais déconnecté de la terre et aussi peut-être de mon esprit.» 

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             Hart fait aussi un portrait de George Goldner, nabab de l’industrie musicale new-yorkaise des fifties, un Goldner qui en pince pour Susan, la copine de Tommy Boyce. Elle lui dit qu’elle ne veut pas quitter Tommy, mais Goldner n’est pas homme à accepter un refus. Il finit toujours par obtenir ce qu’il veut. Il appelle Don Kirshner, «the man with the golden ear» qui vient de décrocher le jackpot en entrant chez Screen Gems Television, une filiale de Columbia. Il demande donc un service à son copain Donnie : «Écoute Donnie, j’ai besoin d’un coup de main. Il y a ce kid nommé Tommy Boyce qui a écrit quelques hits. Offre lui 100 bucks a week et signe-le. Je paierai l’avance moi-même. Je veux qu’il quitte la ville. Envoie-le dans ton West Coast office.» Bien sûr, comme le précise Hart, ni Tommy ni lui n’étaient au courant de la manigance de Goldner. Tommy aime Susan, mais son rêve est de faire carrière dans la musique and music was is life. Tommy dit à Susan qu’il accepte l’offre de Don Kirshner. Il est bon se savoir que les voies des Monkees sont parfois impénétrables.

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             Boyce part donc s’installer à Hollywood. Puis il appelle Hart pour lui dire de venir le rejoindre et de signer avec Screen Gems. Boyce lui promet de lui obtenir le même contrat que le sien, 100 bucks a week, à l’époque c’est une fortune - We’ll write some hits - Cette autobio est en fait une apologie de l’amitié. Il existe entre ces deux mecs le même genre de relation privilégiée qui a pu exister par exemple entre Mark Volman et Howard Kayland, ou entre Richard Foos et Harold Bronson : un lien à toute épreuve, un modèle du genre. Hart accepte et franchit à son tour les portes des West Coast offices of Screen Gems-Columbia Music at 7033 Sunset. Il est accueilli par Lester Sill qui se souvient très bien de lui et du rendez-vous manqué quatre ans plus tôt. Hart apprécie beaucoup Sill, a warm, encouraging father figure to me as he was to Tommy. Il les invite tous les deux à venir passer le week-end dans sa belle maison de Palm Springs. Sill attend de Boyce & Hart qu’ils pondent des hits, comme avait commencé de le faire Boyce avec «Peaches & Cream» pour les Ikettes. Le soir, Boyce & Hart vont traîner au Whiskey et sont frappés par les shockingly new sounds d’Arthur Lee & Love et de Jim Morrison & the Doors - We were excited and inspired by them - Du coup, ils dopent leur pop et composent «I’m Not Your Stepping Stone», «She» et «Words», des cuts qu’enregistrent The Leaves, The Boston Tea Party et Paul Revere & The Raiders. Pour enregistrer leurs démos, Boyce & Hart font appel à Keith Allison - «Guitar Keith» was a nautral heavy rock player who could lay down some incredible Stones-style riffs when we needed them - Allison fera ensuite partie des Raiders.

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             C’est le moment ou jamais d’écouter son album solo, In Action, paru en 1967. Wow quel album ! C’est produit par Gary Usher, autant dire qu’on entre dans le saint des saints du mythe californien. Ouverture de balda avec «Louise» et l’extraordinaire aisance poppy-gaga. Keith Allison joue fabuleusement bien sa carte de légende vivante. On trouve chez lui tout le raunch du proto-punk californien. Il fait une mouture d’«Im A Believer». Tout de suite du son. Fantastique allure, il injecte un sacré punch à son believer. Il tape dans Donovan avec «Colours» et y ramène une fantastique flavour country. Ça repart de plus belle en B avec «Good Thing». Pour le raunch, ce mec est bon, il chante avec un punch hors normes, une qualité qu’il a en commun avec Jackie Lomax. Il devient roi du californian gaga avec «Action Action Action», même niaque que celle des Raiders dont il va d’ailleurs faire partie. Il termine avec «Do It», au do it yeah, bien servi par un solo d’orgue. C’est puissant et bien produit, avec des harmonies vocales de do it yeah subliminales. 

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             Le cœur battant de l’Hart book, ce sont bien sûr les Monkees. C’est pour ça qu’on est là. Screen Gems demande à Boyce & Hart de composer un thème pour la série TV des Monkees - On a passé énormément de temps à nous préparer pour tirer le meilleur avantage de ce qu’on considérait comme notre plus belle opportunité : produire les disques d’un potential hit group with the power of television behind them - Le groupe n’est pas encore formé. Une annonce paraît dans The Hollywood Reporter et le Daily Variety : «Madeness!! Auditions. Folk and roll musicians-singers for acting roles in new TV series. Running parts for 4 insane boys, age 17-21.» On connaît l’histoire des 400 candidats, détaillée dans ‘C’est parti Monkee Kee - Part Two’. Hart brosse alors quatre portraits sommaires des heureux élus : Micky Dolenz - An effervescent comic actor with a gift for improvisation - et plus loin il ajoute : «D’une certaine façon, son côté énergique me rappelait Tommy, mais la personnalité de Micky was far more frantic and far less complicated.» Puis voilà Davy Jones (qu’Hart écrit David), «unquestionably a charmer with a great smile. Sa personnalité combinait un mélange d’impertinence brillante et de politesse à l’Anglaise.» Peter Tork était beaucoup plus réservé, mais Hart le trouve intelligent et ils avaient en commun des racines dans la scène new-yorkaise, Brill pour Hart et folk pour Tork. Et puis voilà Mike Nesmith qui aux yeux d’Hart s’impose comme leader du groupe. Hart essaye d’engager le dialogue avec Papa Nez, mais il se heurte à un mur. Hart ne cherche pas à forcer le passage, il sait que Papa Nez envisage déjà de prendre le contrôle musical des Monkees - À ses yeux, Tommy et moi devions apparaître comme deux sbires de l’establishment qui entravaient son chemin - Hart ne se trompe pas, car Papa Nez finira par avoir la peau de Don Kirshner et donc de Boyce & Hart. En 1966, le label Colgems Records est monté spécialement pour les Monkees et Kirshner devient le music supervisor du TV show. Rappelons que Boyce & Hart sont payés par Lester Sill et Screen Gems, pas par Kirshner, un Kirshner qui débarque enfin à Los Angeles. Il convoque Boyce & Hart pour remettre les choses au carré : «Bon c’est vrai que vous avez composé des hits, mais pour un projet de cette ampleur, we need record producers that have a proven track record.» Kirshner a raison, Boyce & Hart ne sont pas des producteurs. Tommy rétorque : «But Donnie, this is our project !». Kirshner ne veut rien entendre. Composer est une chose, produire en est une autre. Il sait de quoi il parle car il connaît très bien Totor et tous les grands producteurs new-yorkais. Sorry guys. Boyce & Hart sont catastrophés. Toute cette préparation pour rien !

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             Boyce & Hart ont déjà composé le fameux «Theme From The Monkees». Kirshner envoie la démo chez Mickie Most qui à l’époque cultive la réputation d’un magicien du son, mais cette fois, ça ne marche pas. Kirshner est déçu par le résultat. Il confie alors le projet à Snuff Garrett, un producteur en vogue sur la West Coast qui a produit Sonny & Cher, Bobby Vee, Johnny Burnette, mais le résultat ne plait pas non plus à Kirshner. Il trouve que ça sonne comme du Gary Lewis & the Playboys. On lui dit en plus qu’en studio, ça s’est très mal passé entre Garrett et les Monkees. Alors il fait venir Carole King et Gerry Goffin à Los Angeles, mais ça se passe mal en studio, car les quatre Monkees font pleurer Carole King qui rentre aussitôt à New York. C’est là que Boyce a une idée : rassembler quelques musiciens au Rainbow Studio et faire venir Kirshner pour qu’il entende trois cuts dont une version explosive de «Theme From The Monkees». Au premier accord, Kirshner s’emballe ! - These sound like hits ! Go ahead and book the studio, guys, you’re going to be producing the Monkees !

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             Quand en 1966, Boyce & Hart produisent les Monkees au RCA Studios on the corner of Ivar Street and Sunset Boulevard, Andrew Loog Oldham produit les Stones au studio B. Dave Hassinger bosse alors avec les Monkees et c’est lui qui enregistre «Last Train To Clarksville». Boyce & Hart ont monté un house-band avec Gerry McGee, Larry Taylor (futur Canned Heat), Billy Lewis, Louis Shelton et Wayne Erwin. Boyce gratte parfois une acou et Hart joue un peu d’orgue. Du coup, leur vie change et on les respecte en tant qu’auteurs, car ils composent quelques hits pour les Monkees : Clarksville, «She» et Stepping Stone, mais aussi des hits pour d’autres gens, notamment Paul Revere & The Raiders. Le conte de fées s’arrête brutalement : Papa Nez organise une conférence de presse où il révèle au monde entier que les Monkees ne jouent pas sur leurs disques. Papa Nez déclare la guerre : il veut récupérer le contrôle artistique des Monkees. Il veut surtout composer et récupérer sa part du gâtö, car le blé va dans les poches de Kirshner, qui accumule les droits. Il faut bien comprendre qu’à l’époque, le Monkees business représente des millions de dollars. Papa Nez fait partie des gens qui ont horreur de se faire plumer à vif. Il déteste le «Theme From The Monkees» - The Beatles would never sing about themselves like that, Hey hey hey we’re the Beatles ? C’mon on, give me a break ! - Début 1967, les Monkees enchaînent les hits, après Clarksville c’est «I’m A Believer» (signé Neil Diamond), avec Stepping Stone en B-side. Ils commencent à tourner et à remplir des stades, mais ils reçoivent toujours un salaire hebdomadaire de 400 $. La goutte d’eau qui fait déborder le vase ! (Hart dit «adding insult to injury»), c’est la parution du deuxième album : «Most of the group had never heard most of the music on it.» More Of The Monkees est en effet paru sans l’accord des Monkees, pendant qu’ils étaient en tournée, un coup de biz signé Kirshner. Un Kirshner qui revient à Los Angeles pour tenter de calmer ses poules aux œufs d’or avec des gros chèques de royalties, mais c’est là que Papa Nez fout son poing dans le mur, disant à Kirshner : «That could’ve been your face, cunt !». En février 1967, Kirshner est démis de ses fonctions chez Colgems Records et Lester Sill est nommé en remplacement. Hart sent que le vent tourne : «It has long been my personal feeling that this was the beginning of the end for the Monkees.» Eh oui, c’est Kirshner qui a fait d’eux des superstars. Les Monkees ne s’en relèveront pas. Papa Nez a gagné la guerre. Boyce & Hart glissent encore trois cuts dans Headquarters, troisième album des Monkees et le premier qu’ils enregistrent eux-mêmes, mais c’est un album foiré. Boyce & Hart composent un dernier hit pour eux, «Valleri», mais après ça, les Monkees ne sont plus jamais entrés dans le Top Ten - They got what they wanted, but they had lost what they had.

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             Après avoir été virés de Screen Gems, Boyce & Hart entament une carrière solo. Leur premier album s’appelle Test Patterns car comme le dit si bien Hart, ils ont besoin de savoir qui ils sont et comment ils sonnent. C’est Derek Taylor, l’ex press-officer des Beatles, qui signe les liners de l’album. Taylor leur recommande de se coiffer comme les Beatles, et Boyce & Hart ressemblent à Sonny Bono, Keith Allison et aux Byrds. Paru en 1967, Test Patterns n’est pas très bon. On sent un léger déficit composital. Ils aimeraient bien rééditer l’exploit de Clarksville, mais c’est difficile. Ils font un peu de r’n’b avec «In The Night» et empruntent un gimmick à Stax. Ils finissent l’A avec la soft pop de «For Baby». Ils sont plus à l’aise dans le susurré et les petits coups d’acou qui étincellent au soleil de la Californie. Ils retrouvent un brin de Clarksville en B avec «Sometimes She’s A Little Girl», c’est bien amené par cet excellent guitariste nommé Louis Shelton.

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             Ils retentent le coup l’année suivante avec I Wonder What She’s Doing Tonite. Le titre de l’album illustre bien la hantise des cocus. Ils se rapprochent de Clarksville avec «Teardrop City» et ils frisent le hit avec cette merveille qu’est «Love Every Day». Cette pop de chat perché est tout simplement fascinante. Ils s’auto-présentent ensuite dans «Two For The Price Of One» - My man Bobby Hart, the son of a gun - Ça swingue ! Ils sont bons au petit jeu du deux pour le prix d’un. Un autre hit se cache en B : «Goodbye Baby (I Don’t Want To See You Cry)». On y sent planer un léger parfum de Beatlemania, en tous les cas les harmonies vocales font bien tourner la tête. C’est quasiment «All You Need Is Love», même genre de puissance pop avec des cuivres et des belles harmonies vocales. Derek Taylor écrit au dos : «There is a fullness & vigor which is special.» Et vers la fin, on tombe inopinément sur l’énorme «Population», pur jus de rockalama.   

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             Paru la même année, leur troisième et dernier album s’appelle It’s All Happening On The Inside. Curieusement, ils font du gospel de haut rang avec «Maybe Somebody Heard» suivi du morceau titre. On sent une belle ardeur spirituelle et une profonde déférence. C’est impressionnant car explosif. Leur gospel est bourré de son, ils secouent bien les colonnes du temple et Louie Shelton embroche le morceau titre avec un fantastique solo. Leur «Abracadabra» est lui aussi gorgé de son et voilà qu’ils bouclent l’A avec une mouture de «Jumping Jack Flash» que Louie Shelton s’empresse d’embrocher, cette fois avec un solo liquide d’une insolence insupportable. Boyce & Hart adorent enfoncer leur clou. Ils prennent leur temps. En B, ils ne font pas de vagues, il restent dans le cadre d’une pop d’époque. Shelton placarde ses heavy shords sur «Strawberry Girl» et tape une cisaille effroyable dans «Thanks For Sunday». La pop de Boyce & Hart est bien foutue, mais tous ces cuts ne sont pas des hits. «My Baby Loves Sad Songs» est même un peu gnangnan. Ils tapent dans Motown avec une cover de «Standing In The Shadows Of Love» et cette fois c’est Joe Osborne qui vole le show avec son bassmatic de vieux pro, pendant que Boyce & Hart se prennent pour les Four Tops. Ils terminent sur un petit jerk, «Alice Long». Idéal pour les Monkees, bien monté à l’upbeat, avec des petites zones de douceur sucrée. C’est là qu’ils excellent. Ils adorent jerker tous les deux autour d’un juke. Des vrais gamins. C’est pour ça qu’on les adore. Et qu’on les respecte.

             Quand Tommy Boyce annonce qu’il quitte le business, c’est la fin du monde pour le pauvre Hart, qui du coup se retrouve tout seul chez lui à Hollywood - No music, no TV, and the phone never rang. Alors que les ombres des arbres se dessinaient sur le sol et les murs, je ressassais les mêmes pensées, over and over. Je suis resté dans le même état pendant trois ans. J’avais heurté de plein fouet un train lancé à pleine vitesse et j’étais encore debout par la seule force de l’inertie. Ma vie qui jusques là avait été un tourbillon s’étaient brutalement arrêtée, comme si quelqu’un avait freiné brutalement. Quelqu’un l’avait fait. C’était Tommy Boyce.»

             On découvre au fil des pages que Hart est un homme très porté sur la méditation. Au début, on ne fait pas attention, car on est là pour les Monkees, mais par son côté introspectif, Hart dégage quelque chose de très fort. Vers la fin de son autobio, il décrit une scène très spéciale : il reçoit sa seconde épouse Claudia. Elle a quitté Hart, mais elle vient lui demander de l’aide - Je l’ai tenue dans mes bras pendant un moment et j’ai attendu que sa respiration se calme. «Pourquoi ne vas-tu pas dans la salle de méditation pour observer ta respiration ?» «Que veux-tu dire par observer ?» «Ne cherche pas à la contrôler, contente-toi de l’observer, comme si tu observais la respiration d’une autre personne. Ça ralentira ton esprit et tu pourras te concentrer sur une seule pensée à la fois.» - Elle monte dans la salle qui est à l’étage et Hart prie pour elle. Dix minutes plus tard, elle ouvre la porte et semble sereine. Elle ne veut pas parler - «Un papier et un crayon», murmure-t-elle. Elle passa les dix minutes suivantes à rédiger ses pensées. Quand elle eut fini, elle me tendit les feuillets, me regarda droit dans les yeux et murmura a soft thank you. Puis elle me serra dans ses bras pour le dire adieu et partit. J’entendis la voiture descendre la rue. Alors je me lis à lire les feuillets qu’elle m’avait glissé dans les mains. Ça commençait par : «Hart, tu savais. Tu as toujours su.»

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             Beaucoup plus tard, Boyce & Hart vont repartir en tournée avec Micky Dolenz et Davy Jones. Ils demandent à Keith Allison de monter un backing-band pour partir en tournée. Ils enregistrent même un album. Paru en 1976, l’album sans titre de Dolenz Jones Boyce & Hart est très curieux, car il ne s’y passe pas grand-chose. On ne l’écoute que par curiosité. Et surtout parce qu’on prend Boyce & Hart très au sérieux. On est tout de suite agacé par la petite voix sucrée de Davy Jones sur «Right Now». L’ensemble des cuts de cet album s’ancre dans une petite pop très Monkiki. On se croirait chez Walt Disney. La seule pop song parfaite du balda n’est pas signée Boyce & Hart, mais Pomus/Shuman : «Teenager In Love». Fantastique atmosphère de Brill, baby, avec les chœurs d’ahooo. En B, Boyce & Hart sauvent les meubles avec «You Didn’t Feel That Way Last Night». Ils renouent enfin avec leur vieux filon. C’est excellent, dans la veine des early Monkees. On les voit ensuite repartir à la conquête des charts avec «I Remember The Feeling», une belle giclée de pop. 

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             On trouve un chapitre ‘Monkees’ dans l’autobio d’Harold Bronson, The Rhino Records Story: Revenge Of The Music Nerds. Rien de vraiment neuf dans ce chapitre, juste le point de vue d’un fan éclairé : «Les Monkees ont bénéficié de grandes compos, des bons producteurs, de temps de studio illimité et des meilleurs musiciens disponibles. Cet ensemble a donné de très bons disques qui n’ont rien perdu de leur intérêt quelques décennies plus tard.» Jeff Barry fut frappé par la voix de Micky Dolenz, pendant l’enregistrement d’«Im A Believer» : «Il chante d’une façon très différente des autres. Pour la plupart des chanteurs, les mots véhiculent les notes, mais comme Micky est un acteur, il ajoute une qualité dramatique au chant.» Bronson indique aussi que Peter Tork voulait jouer dans un groupe et tourner. Quand il a réalisé que ce ne serait pas possible avec les Monkees, il est parti. Il nous redit aussi ce qu’on savait de la générosité de Tork : les gens en ont abusé, Tork avait une maison de 14 pièces qui avait appartenu à la TV star Wally Cox. Quand Tork s’est retrouvé à sec, il a vendu sa maison à Stephen Stills. Les rapports entre les Monkees étaient assez complexes. Quand Bronson l’interviewe, Papa Nez rend hommage à Tork, à son intelligence et à ses qualités de musicien, mais il avoue en même temps ne pas l’aimer du tout. Il avoue dans la foulée ne pas aimer non plus sa mère et indique à Bronson que les Monkees ont enregistré 40 cuts qui ne sont jamais sortis. Ça ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Rhino va se hâter d’exhumer tout ça. Bronson revient aussi sur Head. L’histoire du projet l’amuse beaucoup, notamment le week-end enfumé à l’Ojai Valley Inn avec Jack Nicholson qui est invité à participer au brainstorm, un Nicholson qui dira après coup à Bob Rafelson : «Ces mecs sont dingues, ils se prennent pour Marlon Brando.» Le titre initial du film était Changes, mais comme un autre film titré Changes existait, ils ont opté pour Head, un mot de slang utilisé par les fumeurs de marijuana, qui est un shortcut de pothead. Le scénario est conçu comme un acid trip avec des effets de solarisation primitive sur certaines scènes. Bronson ajoute que des scènes sont inspirées de Body And Soul (boxing scenes) et de Lawrence d’Arabie (desert scenes). Tout le détail d’Head se trouve dans le book de Peter Mills. The Monkees, Head And The 60s, évoqué dans ‘C’est Parti Monkee Kee - Part Two’.

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             Avec son Hey Hey We’re The Monkees, Harold Bronson a frappé un grand coup. On peut même parler de coup de génie. Son Monkee book est un grand format richement illustré et plutôt que de nous rabâcher une fois de plus l’histoire des Monkees, il leur a donné la parole. Ce sont eux et d’autres témoins qui racontent leur histoire, c’est en quelque sorte une oral history, et dans les pattes d’Harold, ça prend une certaine allure. Les images sont soignées, les choix typo aussi, on a un texte très interligné géré par un type qui connaît toutes les ficelles de la mise en page et des gris typographiques. Chaque double flatte bien l’œil. Globalement, tu n’apprendras rien de plus que ce tu sais déjà sur les Monkees, mais c’est dit le plus souvent d’une manière différente. Davy Jones revient par exemple sur les origines du groupe lorsque Ward Sylvester et lui écumaient les clubs de Los Angeles à la recherche des futurs Monkees. Un soir, ils voient Sonny & Cher et les Byrds sur scène. Ils traversent la rue et voient Little Stevie Wonder. Puis ils voient Love et Davy Jones dit qu’il flashe sur le guitar player (Bryan MacLean), «a tall, good-looking blond guy we thought would be good for the show.» Quand ils voient the Modern Folk Quartet, ils pensent que Jerry Yester ferait aussi un bon candidat. Davy Jones avoue plus loin qu’il avait la trouille de Peter Tork : «Peter était dans un autre monde : water beds, riz complet, Hare Krishna. Il me foutait la trouille. Je ne voulais pas aller chez lui. J’avais peur de tomber dans une orgie ou un repaire de camés. J’étais encore très naïf à l’époque. Même Bobby Hart et Tommy Boyce me foutaient la trouille.» Bobby Hart rappelle qu’ils avaient composé Tommy et lui «Stepping Stone» pour Paul Revere & The Raiders, mais ils n’en voulurent pas - C’est la chanson la plus rock qu’on ait faite pour les Monkees. Ils finissaient leurs concerts avec. Quand c’est devenu un hit pour les Monkees, Paul Revere & The Raiders l’ont enregistré, ainsi que des tas d’autres groupes dans le pays. L’une des versions les plus dures fut celle des Sex Pistols dans les années soixante-dix - Micky Dolenz relate à sa façon la genèse du groupe : «Peter et Mike jouent très bien de la guitare et Davy était pressenti comme leader, avec des maracas et un tambourin. Alors je suis devenu le batteur. Je n’avais jamais joué de batterie. J’ai dit : ‘Fine !’ Dix ans auparavant, on m’avait dit : ‘Tu est un kid dans un cirque au début du siècle. Voilà ton éléphant !’. Ça ne me posait aucun problème.» Harold donne aussi la parole à Don Kirshner : «J’ai supervisé les deux premiers albums des Monkees qui ont tous les deux été numéros 1. La chanson que je préférais était ‘I’m A Believer’ parce que Neil Diamond voulait la garder pour lui et j’ai eu un mal fou à la lui arracher. Je pense que c’est la meilleure chanson qu’il ait écrite. C’est aussi ma chanson préférée car elle a catapulté les Monkees à un autre niveau. Chaque fille et chaque garçon d’Amérique voulait faire partie du Monkee phenomenon.» Eh oui, il a raison Donnie, on ne fait rien sans les chansons. Quand Michael Nesmith déclare la guerre d’indépendance, il obtient la tête de Kirshner. C’est ici, dans ce book, qu’on a enfin l’explication : les Monkees vont pleurer auprès de Bob Rafelson et Bert Schneider, leurs protecteurs, et comme le père de Bert est président de la Columbia, pouf, il obtient la tête de Donnie qui dégage - We want to get rid of Donnie Kirshner - Fatale erreur. Du coup, Hart & Boyce ont aussi dégagé. Peter Tork rappelle que la pression était insupportable - It is beyond the capacity of anybody to absorb. C’est une chose pour un banquier que de faire des milliers de dollars chaque année. C’en est une autre que de faire un million et demi de dollars en deux ans, après avoir vécu avec 50 dollars par semaine - Ce book fourmille de petits détails tous plus intéressants les uns que les autres. Comme par exemple cette amitié qu’a nouée Papa Nez avec John Lennon. Il a une façon très particulière de la raconter : «J’étais fan des Beatles. Quand je suis devenu une star de la télé, j’ai cru que j’allais pouvoir rencontrer facilement les gens que je voulais rencontrer. L’un d’eux était John Lennon. Je suis allé en Angleterre et je lui ai envoyé un télégramme qui disait : ‘Je suis descendu à cet hôtel et j’aimerais beaucoup vous rencontrer.’ Et j’ai signé : ‘God is Love. Mike Nesmith.’ À l’époque, c’était très radical d’employer l’expression ‘God is Love’. Il m’a appelé à l’hôtel et m’a dit qu’il m’envoyait une voiture. Il me proposait de m’héberger. Ce fut le commencement de cette relation d’amitié. Elle a duré longtemps. Quand j’allais à Londres, je l’appelais et quand il venait ici, il m’appelait.» Plus tard, quand Papa Nez évoque les concerts de reformation des Monkees, il se dit surpris de voir la réaction du public. Il ne comprend toujours pas pourquoi les gens deviennent fous - Vous allez voir les Eagles, ce groupe techniquement parfait, et les gens ne deviennent pas fous. Mais un concert des Monkees, c’est comme un concert du Grateful Dead, people go nutso. Je ne sais pas pourquoi. Mais c’est agréable d’être sur scène.    

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             Attention à l’album solo de Peter Tork paru en 1994, Stranger Things Have Happened. C’est un album raté. Non seulement le pauvre Peter n’a pas de voix, mais il s’englue dans une prod années 80. Il n’a aucune chance. Dommage, car la pochette est très graphique. On s’attendait à un album assez fin, mais c’est pire que tout. Il nous fait de la peine avec sa tentative de country rock («Giant Step»). Il réussit à chanter faux sur «Gettin’ In», et pourtant ça s’écoute jusqu’au bout, par respect pour le souvenir des Monkees. Il ramène son banjo dans «Higher & Higher». 

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             Si tu en pinces pour ce chanteur extraordinaire qu’est Micky Dolenz, alors il faut écouter son album de reprises de Carole King, King For A Day, paru en 2010. Dès «Don’t Bring Me Down», il claque la pop Soul de Carole par dessus les toits, d’ailleurs, il en fait un truc en plume et se débarrasse du pathos des Animals. Avec Carole King, on peut parler de big American songbook et pour un chanteur aussi génial que Micky Dolenz, c’est du gâtö. Et voilà «Hey Girl», composé par Goffin & King pour Freddie Scott. Dolenz s’y fond pour en faire un truc tentaculaire et ça devient génial quand il grimpe de douze octaves. Dolenz tape aussi une belle version d’«Up On The Roof», un hit des Drifters repris en France par Richard Anthony. Dolenz y danse des hanches sur fond d’espagnolades. «Take Good Care Of My Baby» est un vieux hit de Bobby Vee et Dolenz se glisse sous les jupes de cette fast petite pop, il est marrant, très candide, avec une belle voix de gorge. On le sent vénal. Il aime bien la vie. «Will You Love Me Tomorrow» fut un hit pour les Four Seasons mais aussi pour les Shirelles, aw yeah. Dolenz plonge dans la belle pop new-yorkaise, mais il en fait trop, il pourlèche la cuisse de Carole, ça tourne à la douche de Brill, avec des castagnettes. Par contre, il redevient génial avec «Sweet Seasons», un élégant heavy groove. Encore un vieux hit de Bobby Vee avec «Go Away Little Girl», on est plein Midnight Cowboy, ce démon de Dolenz cultive l’art suprême des vibes, il se rapproche de Fred Neil. Il duette avec Bill Medley sur «Just Once In My Life», il se prend pour Bobby Hatfield, ils sont complètement fous tous les deux de s’attaquer à ça ! Bill Medley prend la main. The voice ! Si tu en pinces pour la grande pop, elle est là. Bill Medley sonne exactement comme un géant qui s’écroule dans le lagon d’argent.  

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             En 2017, Micky Dolenz sort un album live, Out Of Nowhere. Il y reprend tous ses vieux hits et la fête commence avec «Last Train To Clarksville» - But tonite we are here to have a ball - Fantastique bash boom de Boyce & Hart avec tout le power de Micky Dolenz - I’ll meet you at the station/ Aw no no no - Encore une fois, Dolenz fait partie des plus grands shouters de son temps. Il calme aussitôt le jeu avec une reprise du «Sometime In The Morning» de Carole King - One of the best songwriters we ever had - Merveilleux chanteur, on se fait avoir. Dolenz aime la beauté, c’est pour ça qu’on l’aime. Il enchaîne avec «DW Washburn» - Leiber & Stoller, this is one by them - Dolenz est un génie de l’entertainment. Il passe toujours en force. Et la folie reprend avec «A Little Bit Me A Little Bit You» - from Mister Neil Diamond, dit-il - C’est du groove de Monkee-motion, ses bits volent partout, il nous ramène dans la légende et il enfonce son clou avec «(I’m Not Your) Stepping Stone». Il tape aussi dans l’«Hey Bulldog» des Beatles en mode instro d’anticipation et enchaîne avec un «Porpoise Song» encore plus beatlemaniaque que la beatlemania, Dolenz essaye d’émuler l’émulable. Il passe au round midnite avec «Since I Fell For You», il plonge dans the slow magic et chante comme un dieu. Il termine le set avec la triplette de Belleville : «Daydream Believer», «Pleasant Valley Sunday» et «I’m A Believer». Il fonce dans le fondement des Monkees et on sent tout le pouvoir de la nostagie. Le «Pleasant Valley Sunday» est explosif, on est là au somment de la pop de Brill et Dolenz la magnifie, il pose sa voix sur le sommet du lard et termine avec le groove parfait du Believer, Dolenz s’amuse bien avec le saw her face, c’est  l’un des hits définitifs des sixties, le then I saw her face marche à tous les coups.   

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             On attendait monts et merveilles de ce Dolenz Sings Nesmith paru l’an passé. Dans une courte présentation, Micky Dolenz indique que l’album est produit par le fils de Papa Nez, Christian Nesmith. On a dit dans un récent ‘C’est parti Monkee Kee - Part Two’ tout le bien qu’on pensait des chansons de Papa Nez et tout le bien qu’on pensait de la voix de Micky Dolenz, et par conséquent, l’association des deux ne pouvait que taper dans le mille. Ce n’est hélas pas le cas. On sauve toutefois trois merveilles de cet album en forme d’occasion manquée, à commencer par «Different Drum». Dolenz ne pouvait pas se planter avec ça, d’autant qu’il y ramène toute sa puissance vocale. «Different Drum», c’est la pop californienne à son meilleur niveau et là, Dolenz atteint le sommet. L’autre merveille, c’est «Tomorrow And Me», la mélodie ne tient qu’à un fil, comme souvent chez Papa Nez. On pourrait d’ailleurs qualifier son génie composital ainsi. Oh-ooooh, ça tombe et ça se relève pour s’envoler. Avec «Only Bound», on se croirait sur Revolver. Dolenz sonne comme les Beatles à Abbey Road en 1966. Une splendeur noyée d’excellence. Dolenz reste un chanteur considérable. On a aussi une belle version de «Little Red Rider», bien pulsée et jouée en force, un «Circle Sky» qui hélas retombe à plat alors que Papa Nez le chantait si bien dans Head. Dolenz tape aussi une version de «Propinquity (I’ve Just Begun To Care)» allumée à coups de banjos et la version du «Grand Ennui» qui referme la marche retombe elle aussi à plat, alors que Papa Nez en faisait un chef d’œuvre sur Nevada Fighter, avec The First National Band.        

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             Impossible de faire l’impasse sur The Songs Of Tommy Boyce & Bobby Hart, une compile Ace parue en 2012. Boyce & Hart font partie à 100 % du mythe des Monkees et cette compile grouille de coups de génie, à commencer avec Sir Raleigh & The Cupons et «Tomorrow’s Gonna Be Another Day». Tu as un mec qui chante comme un dieu et derrière ça gratte à la légendarité cavaleuse, alors ça donne du straight raw punk. Le dieu s’appelle Dewey Martin, batteur/chanteur qu’on va ensuite retrouver dans Buffalo Springfield, et la gratte de la légendarité cavaleuse est celle de Johnny Meeks, alors pardonnez du peu. Sir Raleigh & The Cupons n’ont enregistré que six singles, pas d’album. Encore une révélation avec The Regents et «Words», une belle pop américaine explosée aux harmonies vocales, et rendue vertigineuse par des descentes de break superbes. Nouveau coup de Jarnac avec The Sapphires et «Thank You For Loving Me», vieux shoot de doo-wop avec une Soul Sister à la barre, c’est le swing du paradis. Coup de génie bien sûr avec l’imparable «(Theme From) The Monkees» - Hey hey hey we’re the Monkees - Boyce & Hart ne sont pas en reste, comme le montre leur «I Wonder What She’s Doing Tonight», une vraie explosion de pop qui date de 1967, enregistrée juste après leur éviction du projet Monkee Kee. Nouvelle révélation avec le «Action Action Action» de Keith Allison, encore de l’explosif monté aux gémonies, avec du killer solo flash derrière, l’absolute pop-punk d’Amérique. Keith Allison allait ensuite rejoindre Paul Revere & The Raiders. On trouve aussi une version assez délirante d’«(I’m Not Your) Stepping Stone» par The Flies. C’est là où Ace frappe fort, en allant déterrer de telles merveilles. C’est le pire Stepping Stone de tous les temps. On croise aussi les Standells qui explosent vite fait «Last Train To Clarksville» et les Ikettes qui ne font qu’une bouchée d’«(He’s Gonna Be) Fine Fine Fine». Ça s’agite bien autour de Del Shannon sur «She», de toute façon, avec Del, c’est toujours énorme. Shangri-Las, pas de problème, il pleut du Brill avec «The Dum Dyum Ditty» et Sandra Gee fout le souk dans la médina avec «I Can’t Get Him», elle est fantastique de sucre, no no no, il faut voir comme elle y va ! Et voilà les merveilleux Little Anthony & The Imperials, avec «Hurt So Bad», il est à la fois impérieux et sucré, fantastique shouter ! Plus loin tu as Fats Domino qui embarque «Be My Guest» à la volée et bien sûr Paul Revere & The Raiders qui attaquent «Action» comme les Beach Boys le feraient, au dance dance dance

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             Pour couronner le tout, on peut aller faire au tour au Troubadour et assister à l’un des derniers sets du grand Papa Nez. L’album s’appelle donc Live At The Troubadour. Comme c’est enregistré en 2018, Papa Nez a 76 balais. Pas de problème ! Dès «Nevada Fighter», il nous embarque dans sa rockalama de flavour country. Pete Finney joue la pedal steel. On est surpris par le power de ce First National Band reconstitué pour l’occasion. Tout est chanté à la clameur des chœurs juvéniles et fileté à la steel. «The Crippled Lion» sonne comme un soft country rock fantastiquement élancé et il boucle cette bien belle A avec «Joanne», une Beautiful Song d’office. Ah il faut le voir lâcher ses syllabes dans l’écrin rouge de son génie. Ce double live est l’occasion d’écouter une dernière fois toutes ces chansons extraordinairement bien foutues. Papa Nez est un géant du rock américain, mais en toute modestie. Il ne s’impose que par la qualité d’une vision et des compos qui la servent. Et voilà qu’arrive «Rio», fantastique shoot d’exotica, ça devient puissamment beau, comme le «Brazil» d’Antonio Carlos Jobim, avec en prime un solo de steel en pleine exotica, il faut le faire ! C’est en C qu’on va retrouver l’imparable «Different Drum» et sa fantastique attaque. Papa Nez va chercher sa mélodie très haut, d’une voix de vieil homme émerveillé par la beauté du ciel. On entend encore des descentes d’acou magiques dans «Papa Gene’s Blues». La salle chante avec lui. Puis loin il part en délire de yodell avec «Keys To The Car». Il y va comme une folle, comme a known felon in drags, dirait Dickinson. C’est en D que les Athéniens s’atteignirent avec «Some Of Shelly’s Blues», balladif céleste. Papa Nez est un démon, un très vieux démon. Et puis l’apothéose arrive avec «Thanx For The Ride». La pureté de cette expression mélodique n’a d’égale que celle de Fred Neil. Papa Nez descend profondément dans des accents à la Gary Brooker et avec le fourvoiement de la steel, ça donne un résultat saisissant, bien appuyé au beurre de Different Drum. Aw quel artiste ! Avec cette échappée belle, Papa Nez entre dans la postérité. Il rejoint ses pairs au firmament, Brian Wislon, John Lennnon et Fred Neil. 

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             Pour terminer en beauté avec Papa Nez, voici Cosmic Partners. Paru en 2019, cet album de Michael Nesmith With Red Rhodes fut enregistré en 1973. Ce sont les fameuses McCabe’s Tapes. Dès «Tomorrow And Me», on est plongé dans un son plein et primitif. Nous voilà en plein heavy Papa Nez, autant dire que c’est fabuleux. Sa mélodie country monte directement au cerveau et il chante ça au vibré de glotte. Pur genius. Tous les cuts sont chargés de son, violons et guitares et toute l’Americana chère au cœur de Papa Nez le héros. Plus loin, ils va chercher la mélodie extrême avec «Some Of Shelly’s Blues». On grimpe directement au paradis, Papa Nez et Fred Neil même combat ! Il n’existe rien de plus parfait que ce son avec Red Rhodes dans les parages. Ils sont accompagnés par Colin Cameron (bass) et Danny Lane (beurre). Papa Nez fait bien rigoler le public avec ses blagues. Il fait de la heavy Mexicana avec «Poinciana» qu’il charge de toute la passion des fruits de sa passion et bien sûr, la dominante reste country. Mais quelle effervescence ! C’est avec «Joanne» qu’il rafle la mise, une country song illuminée de l’intérieur. Il la remonte à contre-courant et ça devient énorme, il taille Joanne à sa mesure qui est celle de la cosmic Americana, il fait de la Soul country-pop de rêve. Il la chante avec du cœur au ventre, «Joanne» est sans doute l’une des plus belles chansons du genre. 

    Signé : Cazengler et monkee, c’est du poulet ?

    Keith Allison. In Action. Columbia 1967

    Boyce & Hart. Test Patterns. A&M Records 1967

    Boyce & Hart. I Wonder What She’s Doing Tonite. A&M Records 1968 

    Boyce & Hart. It’s All Happening On The Inside. A&M Records 1968

    Dolenz Jones Boyce & Hart. Dolenz Jones Boyce & Hart. Capitol 1976 

    Peter Tork. Stranger Things Have Happened. Beachwood Records 1994 

    Micky Dolenz. King For A Day. Gigatone Records 2010  

    Micky Dolenz. Out Of Nowhere. 7A Records 2017 

    Micky Dolenz. Dolenz Sings Nesmith. 7A Records 2021 

    The Songs Of Tommy Boyce & Bobby Hart. Ace Records 2012

    Michael Nesmith. Live At The Troubadour. 7A Records 2018

    Michael Nesmith With Red Rhodes. Cosmic Partners. 7A Records 2019

    Harold Bronson. Hey Hey We’re The Monkees. General Publishing Group 1996 

    Harold Bronson. The Rhino Records Story: Revenge Of The Music Nerds. Select Books Inc 2013 

    Bobby Hart. Psychedelic Bubble Gum. Select Books Inc 2015

     

     

    L’avenir du rock - Faut pas louper Loop

     

             Rien n’amuse plus l’avenir du rock que de voir un diable sortir de sa boîte. Il soulève le couvercle, le diable surgit ! Schbooiiiiinng ! Alors l’avenir du rock pouffe de rire. Un vrai gamin. Il renfloue le diable au fond de la boîte, referme le couvercle, respire un grand coup et l’ouvre à nouveau. Schbooiiiiinng ! Heureusement, personne n’assiste à ce spectacle désolant. Schbooiiiiinng ! Ha ha ha ! Ça peut durer toute la journée. Schbooiiiiinng ! Ha ha ha ! Il est complètement taré ! Taré ? Montrons-nous très prudents avec les jugements à l’emporte-pièce, car c’est la meilleure façon de se vautrer systématiquement. Réfléchissons cinq minutes. Son éclat de rire n’est pas celui d’un beauf qui regarde une émission comique le samedi soir à la télé. Son ha ha ha est un ha ha ha mythologique. Pourquoi ? Parce que l’avenir du rock se prend de toute évidence pour Pandore. Il ouvre sa boîte, comme Pandore ouvrit sa jarre, non pour libérer tous les maux de la terre - la guerre, la vieillesse, la maladie, la famine, la folie, le vice et la passion - mais pour libérer les bienfaits du rock, qui, comme chacun sait, sont patronnés par le diable. Schbooiiiiinng ! L’avenir du rock est l’un des derniers à veiller sur le bien-être du genre humain, il tente même au passage d’absoudre cette pauvre Pandore qui fut critiquée pendant des siècles, c’est dire à quel point l’avenir du rock sait se montrer magnanime. Schbooiiiiinng ! Et si on lui accorde encore un peu d’attention, on fera un autre constat intéressant. Son schbooiiiiinng ! est à double détente : la première, comme on l’a vu, renvoie au diable qui gouverne ce monde, et la deuxième symbolise le retour inopiné des grands disparus. Schbooiiiiinng ! Ils surgissent du passé comme des diables hors d’une boîte alors que personne ne les attendait plus ! Illustrons cette théorie bondissante avec Loop.

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             Loop fut l’un des grands power trios de l’ère quaternaire du rock anglais. À la fin des années quatre-vingt, ils ramenaient du vertige sonique dans un rock anglais mal en point et infesté de machines. Avec Spacemen 3 et les Mary Chain, Loop entra en lice pour sauver l’honneur du rock anglais. D’où notre reconnaissance éternelle.

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             Shindig! déroule le tapis rouge à Robert Hampson pour saluer la parution d’un looping sonique, Sonancy. Ben Graham chapôte son texte à coups d’heavy-drone psych Loop et de first new album in 32 years. Hampson attaque avec la politique, il dit sa rage de voir l’Angleterre sombrer dans le n’importe quoi, «and that buffoon that we got in power now.» Il craint aussi que les choses ne se dégradent - I dunno if it’s gonna get any better. I’m not sure - Il évoque les romans de science-fiction qui deviennent réalité - I don’t have a very positive view of what’s going on at the moment - Graham qui connaît bien ses classiques situe Loop dans la heavy psychedelia, «fusing the motorik pulse of Can to the feedback-flecked nihilism of White Light White heat-era Velvet Underground and Hawkwind’s urban space-rock, adding a dash of the Stooges and MC5’s Detroit drive.» Bien vu Graham ! Hampson a remonté Loop une première fois en 2013 pour All Tomorrow’s Parties, puis il vient de remonter le groupe avec trois nouvelles recrues : Hugo Morgan (bass) et Wayne Maskell (beurre), deux membres de The Head, et un second guitariste, Dan Boyd. Hampson ajoute un détail capital : à cause du lockdown et de fucking Pandemic, l’album est enregistré en télétravail, chacun dans son petit coin. Hampson affirme qu’ils ont réussi à retourner la situation à leur avantage : pas de stress, chacun prend son temps et complète sa petite pi-piste. Hampson va encore plus loin en affirmant que chacun trouve plus facilement sa petite pla-place within the tra-track. Hampson cite le 154 de Wire comme modèle - I love Wire. They’re one of my favourite bands ever.     

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             Ah quel incroyable album que ce Sonancy ! Les Loop n’ont pas baissé d’un seul iota. Ils ramènent cette fois un son plus sec, plus wired. Robert Hampson charge bien la barque d’«Eolina». il fait passer sa psychedelia saturée de son par de nouvelles fourches caudines. Ce mec n’a pas de voix, mais il se débrouille comme un cake pour créer des climats. Il joue en mode traîne-savate aggravé dans «Isochrone», mais il ne le fait pas à moitié, c’est de la vraie savate. Puis il se met en rogne avec un «Halo» d’une vigueur insoupçonnable, joué clair et net dans les règles du ring de l’hypno. C’est là où le niveau de l’album monte d’un cran. Le beurre et le bassmatic exacerbé installent une belle tension hypnotique dans «Fermion». Ces mecs règnent sans partage sur leur petit empire, l’un des derniers empires britanniques. Il faut saluer l’excellence de Robert Hampson. Il maintient son cap droit sur le far out-so far out. On entend les power chords rebondir dans «Axion», encore un cut solide et imparable. Aw my Gawd, ce mec a le power. Il chante derrière les power chords comme si de rien n’était. La disto fait son retour en force dans «Aurora», il descend le son à la cisaille de la ferraille, ce sont les mêmes grooves qu’avant, mais avec un son révolutionnaire. Robert Hampson a du génie, mais à un point que tu n’imagines pas. Il recrée la fusion de l’atome sur sa guitare, alors forcément ça te perfore la cervelle, il rebondit mollement dans le son, il est là pour te rappeler à tes devoirs, notamment celui de tripper. Tu as tout, la cisaille et la furie. Fucking genius !

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             Leur premier album s’appelait Heaven’s End. Paru 1987, il fut salué par un bec fin dans le NME et donc rapatrié vite fait. Ah il ne fallait pas louper Loop ! La première chose qu’on remarquait était la dédicace : «Dedicated to Arthur Lee & Stanley Kubrick.» Et boom ça démarrait avec «Soundhead», une big sonic attack, un vrai déluge de feu orchestré par de violentes crises de wah, un excelsior léché par les flammes et pulsé par un beat têtu comme une mule berbère. Ils semblaient vouloir se spécialiser dans les plongées vertigineuses. Bienvenue au cœur de la mad psyché ! Avec «Forever», on voyait accourir tous les poncifs au rendez-vous, notamment les dissonances de «The Black Angel’s Death Song». Welcome in paradise ! Indépendamment du Velvet, leur fonds de commerce restait la mad psyshé, avec ce morceau titre en fin de B qui sonnait comme un bouillon de culture, un vrai chaudron de sorcière, et ce beat organique semblait chargé de toutes les vieilles insanités du Velvet, mais démultipliées. Ça repartait de plus belle avec «Too Real To Feel», avec des nappes voraces qui se jetaient sur la moindre particule d’espace et de temps pour la contaminer, la tuméfier puis l’engloutir. Loop était un trio atrocement cruel. Tous ces cuts étaient comme visités par des vents terribles de wah du Nord. Ils adressaient «Head On» aux bons soins d’un heavy doom et injuriaient une fois de plus les lois de la gravité. Ces gens-là n’en finissaient plus d’envenimer l’espace sonore. Ils terminaient cet album stupéfiant avec un nouveau clin d’œil appuyé au Veleet, «Carry Me», tellement inspiré qu’il dépassait l’entendement. Ils brûlaient toutes les étapes de la décompression et nous asservissaient le cervelet.

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             Une Loop Box japonaise parue en 1991 nous resservait Heaven’s End et proposait un autre album, The World In Your Eyes. Et une belle stoogerie pour commencer, l’implacable «16 Dreams» monté sur les accords d’un «No Fun» de caisse crevée et battu à la petite vérole. On retrouve à la suite le fameux «Head On» d’Heaven’s Head, claqué all over. Leur ténacité est historique. Quant à «Burning World», il s’agit plutôt d’un cut assez profond, au sens de la plongée. Here they go, les gogos. Comme les grosses caravanes, ça se meut lentement. Avec «Rocket USA», on a la cover la plus weird de l’histoire des covers. Ils entrent de plein fouet dans le Suicide. S’ils font du Suicide, c’est pour de vrai. Avec un son assez antique, il y a de la sourdine Salammbô dans l’air. Mais c’est bô. Leur «Spinning» est garanti sur facture, et «Deep Hit» nous ramène dans les bras du Velvet, avec exactement le même sens de la modernité funèbre. Le son est compressé dans la disto avec des effets de réverb poussées au max de la menace, comme dans le Death Song de l’Angel. Ils font aussi du Mary Chain avec «I’ll Take You There», on ne leur en demandait pas tant. En fait, les Loop retapissent tout le spectre de la légendarité infectueuse. Puis ils se réfugient dans leur forteresse de son avec «Burning Prisma». C’est amené par un beau thème de basse et vite rudoyé par la disto royale de Moloch Loop, grand destructeur de tympans devant l’éternel. Ces mecs connaissent l’art de dériver au long cours. C’est bien de pouvoir les suivre jusqu’à l’endroit où le ciel rejoint la mer. Ils font passer leur drive de mad psyché pour de l’éternité, alors on s’incline. Et toute cette belle débauche s’achève avec un «Pinning (Spun Out)» bien déterminé à vaincre. Chez eux, c’est une manie. On retrouve les trois notes de Will Carruthers dans la fournaise, ce joli riff de basse glissé dans l’excelsior du burnout. C’est terriblement loopy, ils cultivent la magnificence du disto-trip métronomique, l’amateur de real deal se retrouve au paradis, le thème de basse cogne bien dans le crâne, on se croit même sous acide quand on écoute ça, here we go down the line. Des langues de wah te lèchent les jambes alors que l’hypno t’emporte au pays des mille soleils. Dig ?

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             Et si Fade Out était l’un des grands albums classiques du rock anglais ? On se pose la question dès «Black Sun» car voilà le son d’un groupe qui est dans son son, my son. Un bon son. On les félicite. Bravo, bien joué les gars ! «Black Sun» est la porte ouverte à tous les excès, surtout ceux du heavy sound. Ils te pulsent ça dans les couches supérieures de la législature du heavy power. Pas de pire drug-song que «Black Sun». Ça dégueule de drogues. Deux coups de génie tiennent l’album en sandwich : «This Is Where You End» et «Got To Get It Over». On pourrait qualifier le premier de fabuleux shake d’all over, car les Loop jouent dans le lard fumant de la matière. N’oublions pas que nous sommes au royaume de la mad psyché et que toutes les audaces sont permises. Les solos entrent comme des éléphants dans un jeu de quille. Qu’y a-t-il de plus puissant ici bas ? Rien. Encore plus de son dans «Got To Get It Over», car cette fois ils jouent à la vie à la mort, c’est-à-dire au riffing maximaliste. Robert Hampson emmène son groupe en enfer, c’est exactement ce qui se déroule sous nos yeux. L’autre monster bash s’appelle «Pulse», ça réverbe dans tous les coins. «Pulse», c’est une forteresse assiégée par de violentes guitares. Une fois l’assaut lancé, les guitares se disputent la dépouille du Pulse, c’est un horrible spectacle, on ne peut pas aller plus loin dans l’expression de la violence sonique, Loop y va les deux pieds devant et les doigts dans le nez. «Fever Knife» est mille fois supérieur à tout ce qu’a pu faire Primal Scream. Tout fond dans la marmite, c’est très spectaculaire, ils ont une notion exacte du power de la mad psyché, ils sonnent comme une armée de barbares pouilleux qui descend vers Rome, ils sont glorieux et rien ne peut les arrêter. Alors tu te consumes de passion pour Loop. On voit Robert Hampson dégommer «Torched» vite fait. Il est bien plus puissant que Randy Holden. On avait encore jamais entendu une guitare aussi agressive et au fond du fond, on entend les accords des Stooges, alors ça donne un cut encore une fois hors du commun, c’est un son qui perce les blindages et ça revient par vagues de killer solos flash. Les ceusses qui ont eu la bonne idée de rapatrier la réédition Reactor en 2008 peuvent prolonger le plaisir avec un deuxième CD bourré de retakes, notamment celle de «Black Sun» joué en feedback pur. Ah la rigolade ! Ça joue dans les cordes. Ils attaquent une autre version de «Torched» à la note de béquille et basculent dans la pire des Stoogeries. On voit même les accords des Stooges remonter à la surface de la soupe aux choux. C’est véritablement hanté. Peu de gens savent jouer comme ça en Angleterre. On entend le riffing du diable dans «Got To Get It Over» et «This Is Where You End» s’embrase dès l’intro. Ils jouent «Pulse» chez John Peel. Tout est gravé dans la matière du lard de la manière, tout est ravagé de lèpres de réverb. On reste en Peel Session avec «This Is Where You End», encore une toison d’or de mad psyché. Tu bois la wah dans le crâne de ton ennemi. La tension est maximale. Ils attaquent «Collision» au maximum overdrive. C’est exactement ça, collision time, la clameur est comme éclairée par les coups de wah, ils joue à la moule frite du moule frais, c’est du pur dream come true. Ces mecs s’écroulent sur leurs pédales. Ça réverberate dans tous les coins. Personne ne sort indemne d’un tel trip.  

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             Leur troisième album s’appelle A Gilded Eternity. Il date de 1989. Robert Hampson continue d’y jouer avec le feu, c’est-à-dire la grande insistance psychédélique, mais il opte pour le punch, comme si Syd Barrett au lieu de se goinfrer d’acide s’était goinfré d’amphétamines. Hampson sort ce son anglais, tellement anglais qu’il semble s’inscrire dans les plis de la peau de la reine d’Angleterre. Il charge à outrance son «Afterglow» de cisaille, il cultive le petit chaos, celui qu’on met en cage, oh il cherche même à saper le moral de la cisaille, il taillade comme Laurent Tailhade, non pas les Imbéciles & Gredins, mais les layers de la mad psychedelia. Et c’est avec «The Nail Will Burn» qu’il entre sur le rocky road, Hampson contient sa colère, on le sent tendu, incapable de pacifier ses instincts, il s’exacerbe à vue d’œil. Il joue âprement et sans remords, et chante d’une voix de mec inconsistant. Ah on peut dire que les nappes sont belles, on voit déferler des nappes de wah monstrueuses. Ça bascule dans la stoogerie car les nappes de wah renvoient directement à celles de Ron Asheton. C’est une wah qui est là pour te détruire et te faire renaître. «The Nail Will Burn» est un cut chaud et rouge. Loop joue «Blood» dans l’incertitude de la drug elevation, un thème te revient vaguement à l’esprit alors que tu titubes vers la lumière, c’est du pur jus de far-out-so-far-out, tu as les échos, tu les connais, tu tends vaguement l’oreille vers ces rappels déconnectés et tu trouves que le ciel est ce soir d’une couleur étrange. Oh et puis ce silence dans la rue ! Avec «Breathe Into Me», les Loop des steppes passent à la wild exaction parégorique, les guitares dansent le jerk au bar de la plage, Hampson chante en dansant d’un pied sur l’autre, il sème le souk dans l’auberge espagnole, un âne amène du son et se roule dans la farine avec les Mary Chain. Oui, on voit tout ça dans «Breathe Into Me». Et la wah vient vite te moucher.

     

             On fait une bonne opération lorsqu’on rapatrie les rééditions Reactor, car sur le disk 2 se trouvent toutes les Peel Sessions de Loop. Ici, on a trois cuts de Guilded Eternity, «Afterglow», «From Centrer To Wave» et un «Sunburst» qui n’est pas sur l’album. Comme toujours, le son des Peel Sessions est supérieur au son de l’album. Loop joue l’«Afterglow» à la cisaille d’investigate, ils produisent les plus puissantes émanations d’hématomes. Ils travaillent ensuite la texture rugueuse de «From Centre To Wave» en grattant une gale de son à l’ongle noir, les bactéries soniques prolifèrent, l’organisme microbien finit par te manger la cervelle, mais tu pourras te consoler si tu estimes qu’au fond ta cervelle ne te sert pas à grand-chose. Et puis voilà «Sunburst» qui coule sous nos yeux, car les moules ont bouffé la coque, phénomène classique. On trouve une autre session à la suite, the House in the woods session avec «Arc-Lite» (plus alerte et même émancipé), «Breath Into Me» (Hommage aux Mary Chain avec l’écho des cavernes), «Vapour» (nouvelle prétention à la stoogerie) et «The Nail Will Burn» qui comme déjà dit, fait son chemin dans les esprits en brûlant tout sur son passage.

                       Signé : Cazengler, loupé

    Loop. Heaven’s End. Head 1987

    Loop. Fade Out. Chapter 22 1988

    Loop. A Gilded Eternity. Situation Two 1989

    Loop. Sonancy. Cooking Vinyl 2022

    Loop. Box. Alfa International 1991

    Ben Graham : Anger is an energy. Shindig! # 125 - March 2022

      

    Inside the goldmine - No shame for Sam the Sham

     

             Curieusement, son père l’avait appelé Sam. Il voulait un faire-part de naissance représentant le cosmonaute Sam dans l’espace, relié au vaisseau par un cordon ombilical. Sam était donc prédestiné à être largué, comme nous tous, d’ailleurs. Les parents n’étaient pas un modèle d’équilibre. Le père cultivait son goût pour le trash en buvant comme un trou, et la mère, en plus d’être la reine des connes, bossait à la DRH de la Poste, dans une direction régionale. Et elle fit ce que font toutes les reines des connes, elle obtint la garde de Sam et se délocalisa aussi sec, laissant le père privé de Sam flotter dans un bain d’alcool, pour reprendre une expression chère à Marguerite Duras. Le père revit Sam quelques années plus tard, sur une plage à Marseille où il obtint l’autorisation de le voir pendant une heure, mais sous haute surveillance. Il offrit à Sam une petite moto qui ressemblait à un jouet mais qui en fait était équipée d’un vrai moteur, il montra à Sam comment passer les vitesses et mettre les gaz, et Sam disparût dans une pétarade extraordinaire, roulant sur des gonzesses qui se faisaient bronzer. Les deux cerbères du service social se lancèrent à sa poursuite, pendant que le père, ivre d’alcool et pris de fou rire s’écroulait dans le sable. Sam échappa à ses poursuivants et disparut dans l’espace. Planet Earth is blue/ And there’s nothing I can do. Le père fut inquiété, mais lorsqu’il brisa une vitrine d’un coup de poing, se blessant gravement, on le laissa enfin tranquille. Les années passèrent. Le père fit ce que chacun fait dans ces cas-là : il refondit une famille. Nous étions donc restés en contact et nous donnions de nos nouvelles respectives de loin en loin. Bien sûr, le sujet de Sam était tabou, mais le père lâchait ici et là quelques infos qui devaient rester secrètes. Sam voyageait dans l’espace et cultivait un goût certain pour la clandestinité et la violence. Il fit en fait ce que son père avait rêvé de faire toute sa vie, aller risquer sa peau dans les zones de conflit. Ce soir-là, le père me dit d’une voix chantante que Sam venait enfin d’arriver à la frontière syrienne.

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             Un autre Sam hante les mémoires, Sam Samudio, plus connu sous le nom de Sam The Sham. Il fut l’un des premiers à défrayer la chronique du Memphis beat en roulant dans un corbillard entouré de musiciens coiffés de turbans. Grâce à Stan Kesler, Sam fit des étincelles et «Wooly Bully» fut un hit planétaire en 1965.

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    Le premier album de Sam The Sham & The Pharaos s’appelle aussi Wooly Bully et date de la même année. Si on cherche le Memphis Beat, il est là, dès l’effarant morceau titre d’ouverture de balda. Au dos, le linerman écrit : «He went to convert unbelievers to the Soul-stirring mysteries of his concept of the Memphis sound.» «The Memphis Beat» est comme son nom l’indique en plein dans le mille. Avec «Every Woman I Know», Sam the crack nous fait un groove de cry ‘bout an automobile. Il attaque sa B avec une reprise du «Shotgun» de Junior Walker, les Pharaohs en ont les moyens. Leur «Sorry ‘Bout That» est le précurseur du «Roxette» de Dr Feelgood, ce sont exactement les mêmes accords. Sam the Crack tape aussi dans Johnny Guitar Watson avec «Gangster Of Love», il prend ça au hip black slang avec l’accent des bas-fonds de Watts. Puis ça bascule dans le Tex-Mex avec «Mary Lee», tout est parfait sur cet album, même la cover de «Long Tall Sally» et son killer solo flash. Sam boucle la bouche en cœur avec «Juimonos», un chef-d’œuvre de Tex-Mex flavor.  

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             On trouve encore de belles bricoles sur Their Second Album paru en 1965, comme par exemple une cover fantastique du «Love Potion # 9» des Coasters. Ce fantastique interprète qu’est Sam conduit Leiber & Stoller au firmament des covers. Autre coup de Trafalgar : «Cause I Love You», pur jus de Memphis gaga à gogo. Ces mecs étaient tellement en place ! Et Stan Kesler les produisait aux petits oignons. On reste dans le pumping d’orgue pour «Medecine Man» et on danse à la danceteria. Ils font aussi en ouverture de bal de B une solide cover de «Got My Mojo Working» et rendent pour finir un bel hommage à Bo avec «I’m Your Hoochie Coochie Man». Sam chante ça à l’accent mal famé - Everybody knows that man - Sam a tout, le black cat bone et le mojo too.

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             Changement de ton avec The Sam The Sham Revue paru l’année suivante. Sam est bien gentil, il met les photos des gens qui l’accompagnent au dos de la pochette, sans indiquer leurs noms. On craque très vite pour ce «Struttin’» embarqué au bass sound de Stan Kesler. Son qu’on retrouve dans «Leave My Kitten Alone». Fantastique présence des notes rondes, on comprend mieux d’où vient la passion des basses de Jim Dickinson. Sur cet album, Sam est accompagné de trois choristes blanches et de quatre musiciens. C’est ce que les Américains appellent une Revue. Sur «My Day’s Gonna Come», il chante avec de faux accents de Dr John. Mais les cuts frisent ensuite le comedy act («The Cockfight», «Let It Eat»). Sam bascule ensuite dans le ridicule avec une petite pop commerciale («Love Me Like Before») et on donc perd le Memphis Beat.

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             Tous les albums de Sam The Sham & The Pharaos sont produits par Stan Kesler. On revient au cœur du Memphis Beat avec On Tour. Ils attaquent d’ailleurs avec une cover du «Red Hot» de Billy Lee Riley, c’est l’endroit précis où le rockab se transforme en wild gaga. Ils récidivent en B avec «Ring Dang Doo», joué au heavy Memphis beat. Tout l’album baigne dans la qualité, Sam va plus sur le Tex-Mex avec «Save The Last Dance For Me» et revient au gaga avec «Let’s Talk It Over». Encore une merveille d’art local avec cette cover de «Mystery Train». Sam pousse bien le bouchon du train train. C’est même très puissant. Ils finissent avec «Uncle Willie», un fantastique shoot de gaga punk. Ces mecs sont des convaincus, ils taillent leur son dans le Memphis Beat des origines.

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             Sur Li’l Red Riding Hood, on trouve une fantastique cover d’«Hanky Panky» - My baby does the hanky panky - Ils tapent ça au gros popotin de Memphis. Ah la verdeur de ce beat ! Avec «Deputy Dog», on voit le bassmatic remonter à la surface du mix. Sam a du pot d’avoir Stan au mix. Max de bass ! On retrouve ce beat phénoménal dans «Green’ich Grendel» et une fuzz vient cueillir «Sweet Talk» au menton. Stan met le beat en devanture et le raw de Sam n’en est que plus raw. Ils font une belle resucée de Wooly Bully en B avec «Pharoah A Go Go», et voilà le travail.

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             En 1967, Sam enregistre son premier album solo, Ten Of Pencacles. On s’y régale d’une reprise de «Stand By Me». Sam en fait une version tendue, jouée au Memphis Beat. Il reste l’admirable interprète que l’on sait. Il fait un peu son Dylan avec «I Passed It By», c’est bien foutu, il chante à la pince à linge et il boucle son balda avec un «It’s So Strange» monté sur un groove de basse à la «Tighten Up» d’Archie Bell & the Drells. C’est encore une fois bien foutu et battu si sec que ça vire fast boogie rock de Memphis. Stan Kesler signe toujours la prod et il monte la basse au devant du mix du fabuleux «Stagger Lee» qui ouvre le bal de la B. Sam revient à son cher Tex-Mex Sound avec «If You Try To Take My Baby». Il chante à l’accent tranchant et derrière, on croit entendre Augie Meyers. 

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             Le meilleur album de Sam est sans doute celui qu’il a enregistré sous son propre nom, Sam Samudio, accompagné par Jim Dickinson et les Dixie Flyers. Album énorme que ce Sam Hard And Heavy sorti sur Atlantic en 1971. Le coup de génie de l’album s’appelle «I Know It’s Too Late/Starchild», un long jamming au cours duquel les Dixie font feu de tout bois. On sent les surdoués de Memphis. Ils jouent à la folie Méricourt, au shuffle urbain ponctué de cuivres, et ça se transforme vite en embellie considérable, avec un Tommy McClure qui dévore tout au bassmatic et un Charlie Freeman qui vient tout emballer à la fin. C’est encore McClure qui allume le «Homework» d’ouverture de balda. Incroyable vitalité du son ! S’ensuit «Relativity», un énorme shoot de big heavy Memphis beat. On retrouve les Dixie au sommet du lard fumant. Ils tapent en B dans le chef-d’œuvre de Big Bill Broonzy, «Key To The Highway». C’est porté par la section rythmique et Sam chante son bout de gras. Ils passent au fast boogie avec «15’ At ASC», fantastique unicité des clés de la cité, ils jouent comme les cinq doigts de la main. Ils terminent cet album superbe avec une reprise d’Hooky, «Goin’ Upstairs», un groove de boogie down bien secoué de la paillasse, joué au fouetté de peau de fesse, juste en dessous du boisseau. Les Dixie sont les rois du rock US, c’est d’une qualité qui interlock le lockdown. Aucun groupe ne sonne comme les Dixie Flyers.

    Signé : Cazengler, arrête ton Sam the char

    Sam The Sham & The Pharaos. Wooly Bully. MGM Records 1965

    Sam The Sham & The Pharaos. Their Second Album. MGM Records 1965

    Sam The Sham & The Pharaos. The Sam The Sham Revue. MGM Records 1966

    Sam The Sham & The Pharaos. On Tour. MGM Records 1965

    Sam The Sham & The Pharaos. Li’l Red Riding Hood. MGM Records 1966

    Sam The Sham. Ten Of Pencacles. MGM Records 1967

    Sam Samudio. Sam Hard And Heavy. Atlantic 1971

     

     

    ROCKABILLY GENERATION NEWS N° 23

    OCTOBRE - NOVEMBRE – DECEMBRE

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    Etrange, étrange, deviendrai-je fou ou atteint d’un méchant stigmate visuel. Au hasard je pique sur l’étagère un ancien numéro de RGN, le number nine, parfait : même type de couverture, sur celui-ci le portrait de Johnny Fox, les titres sur la gauche et un fond marron, sur le nouveau, portrait de Gary Allen, titres sur la gauche et fond vieil or. Maquettes identiques. Pourtant l’impression d’une différence de longueur de trois centimètres. Je vérifie, tout au plus un millimètre supplémentaire pour le nouveau numéro… Zé bu dit le zébu !

    Les articles de Greg Cattez sur les pionniers sont toujours intéressants, mais là sur Bill Haley il s’est surpassé. Rock around the clock tout le monde connaît, mais Greg insiste sur les débuts, avant que l’horloge du rock ‘n’ roll ne se mette à sonner. Ne pas croire que le big Bill est juste un gars malin qui a pompé le rhythm and blues des noirs, s’en est inspiré bien sûr, mais ses racines remontent très précisément à Hank Williams qu’il a rencontré, tout le début de sa carrière il la passe dans la tenue de cowboy du chanteur country de l’époque, un peu à la Gene Autry ou à la Roy Roger… Bill est crazy mais pas foldingue, se rend compte qu’il ne sera jamais le grand countryman qu’il rêvait d’être. Pédale un peu dans la choucroute de sa tête pendant quelque temps. En 1952, il franchit le Rubicon. Adapte Rock the joint à sa manière. Autrement dit, il livre à un public blanc un morceau de musique noire un peu trop échevelée…  Succès confirmé en 1953 avec Crazy Man, et enregistre en 1954 le pharamineux Rock around the clock… L’aiguille de la pendule du rock carillonne à tue-tête et réveille le monde endormi. Passons sur les années fastes. Les belles histoires se doivent de terminer tragiquement pour être encore plus belles… Avec le temps le vieux rock est devenu une musique vieillotte. Il faudra attendre quelques années avant que la comète du rock ne revienne enflammer le monde, Bill entre en dépression, l’alcool ne l’aidera pas à remonter la pente, une tumeur (ça s’appelle ainsi parce que tu meurs ) au cerveau s’en mêle… 1981, end of the rocky road blues. Le beau portrait de Greg Cattez est agrémenté de photos qui valent le détour.

    Ne quittons pas les pionniers, dans la rubrique L’Echo du Mag, Claude Francisci consacre une page à Elvis en passe de devenir le mythe du vingtième siècle… Si la couverture signale la réédition CD de Rainy Day Sunshine, (Bluelight Records) démos enregistrées en 1969 afin de démarcher les maisons de disques, faut attendre le bas de la page 42 pour voir la repro de la couve, juste à côté du dernier CD des Hot Chickens.

    Avant Bill qu’y avait-il ? Julien Bollinger soulève un coin du rideau. Evoque Charley Patton, né en 1881, un des fondateurs du blues, au temps où celui-ci se confondait encore avec ce qui deviendrait la country, peut-être la première star, un sang-mêlé, guitariste, chanteur rebelle, meurt assassiné, une voix unique, reconnaissable entre toutes, j’ai l’habitude de dire que celui qui n’a jamais entendu Charley Patton ne comprendra jamais rien au rock’n’roll.

    Dix pages sur les Sureshots, sans compter le poster central. En France quand on prononce le mot Sureshots, les réactions principales sont : super groupe de Rockabilly et Mimile. Si les Sureshots viennent d’Angleterre Mimile est leur premier fan français. Les a fait venir par chez nous dès 1986. L’est d’ailleurs remercié à la fin de l’article de Sergio Kahz pour les documents fournis. Gary Allen, chanteur et guitariste du groupe ne manque pas de l’évoquer. Gary Allen, quarante ans de métier se présente comme un homme tranquille. N’esquive aucune facette du groupe, les débuts, les changements, l’honneur d’accompagner sur scène des tas de pionniers, les sets un peu dingues et leur goût pour l’alcool. Un homme jovial aussi qui aime les gens, les ambiances chaudes, communiquer avec le public, on le sent à l’aise sûr(eshots) de lui, de tout ce qu’il a accompli mais qui ne se fait aucune illusion, un jour tout cela se terminera, la vie est ainsi. La chronique du dixième Rockabilly Festival de La Chapelle-en-Serval relate justement un concert des Sureshots, loin d’être leur meilleur, poursuivi par la poisse, mais comme il est dit ‘’ ce n’était pas un concert ennuyeux’’. Plein d’autres groupes, mais vous pouvez acheter la revue aussi.

    Du beau monde au White Night # 2, notamment avec les Rebel Howl groupe formé au pied-levé pour palier le désistement de deux autres formations. Le rockabilly est un phénix qui sait toujours renaître de ses cendres… Folle ambiance dans cette nuit blanche. Au Vintage Day’s 2022 vous retrouverez Ady and The Hop Pickers et les Drifting sailors… prenez-en plein les yeux avec les photos de Sergio Kazh…

    Une petite nouveauté, deux pages, une pour Steve Aynsley, l’autre pour les Hoodoo Tones, afin de signaler la sortie de leur nouvel album, manière efficace de tirer un rapide bilan de leur carrière et de présenter leurs récentes réalisations.

    Un numéro particulièrement agréable à lire, très vivant, donne l’impression d’assister à un panorama du rockabilly depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui.   Rockabilly Generation News reste fidèle à lui-même, en s’améliorant à chaque livraison. Merci à Sergio et à son équipe.

    Damie Chad.

    Editée par l'Association Rockabilly  Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois),  5,50 Euros + 4,00 de frais de port soit 9,50 E pour 1 numéro.  Abonnement 4 numéros : 37, 12 Euros ( Port Compris ), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( cochez : Envoyer de l'argent à des proches ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de tous les magazines... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents !

     

    *

    Si le premier album de Robert Plant et Alison Kraus ( voir livraison 566 du 08 / 09 / 2022 ) s’était envolé à un million d’exemplaires, le deuxième paru quatorze années après a péniblement atteint les 60 000 ventes, cette décote est vraisemblablement due aux nouvelles manières dématérialisées d’écoute de la musique et n’entame en rien la confiance que nous accordons à nos deux artistes.

    RAISE THE ROOF

    ROBERT PLANT ALISON KRAUSS

    ( Rounder Records / Novembre 2021 )

     

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    La pochette américaine n’est pas au top, style prisunic, disons qu’il en faut pour tous les goûts. L’en existe une autre édition de luxe ‘’ Red Artwork’’ que je préfèrerais mais pas au point de me jeter du haut du toit. En bon français lamartinien l’on traduirait Raise the roof par monter au pinacle… Chez les amerlocs l’expression signifie soulever le toit ou, goûtez le jeu de mot pour un disque aux soyeuses sonorités, faire du vacarme, disons atteindre le sommet.

    T-Bone Burnett : production, guitares, mellotron /  Marc Ribot : guitares, banjo, dobro / Denis Crouch :   Jay Bellerose : batterie, percussions / Stuart Duncan : banjo / Bill Frizel : guitares / David Hidalgo : guitares, jarana / Viktor Krauss : contrebasse, mellotron / Colin Linden : dobro / Buddy Miller : mandoline, guitare / Russ Pahl : pedal steel guitar, basse, guitare / Jeff Taylor : accordéon, dolceola ( cithare à clavier ), marxophone ( cithare sans frette à marteaux métalliques ), piano / Lucinda Williams : background vocals.

    Quattro : reprise du groupe, un peu trop middle the road à mon goût, Calexico fondé en 1995 : Alison et Plant en duo, ils ont laissé en rade le petit côté espagnolade de l’original, ce qui confère au morceau une nouvelle dimension, un peu variétoche tout de même, pas besoin d’être grand-clerc en musicologie pour s’apercevoir que c’est le band au son velouté par derrière qui évite les récifs du naufrage. The price of love : déjà un morceau des Everly Brothers sur Raising sand, comment résister aux Everly lorsque l’on est un duo surtout à une petite merveille avec son harmonica qui rissole comme la friture dans l’huile : bye bye l’harmonica, Robert se fait tout petit, laisse Alison et sa voix féérique mener la barque, n’intervient qu’en force d’appoint sur le refrain, ont doublé la longueur de l’original, on ne s’en plaint pas, les musicos y vont tout doux, prennent leur temps sur l’introduction et le final. A peine au deuxième titre que l’on se rend compte que l’on n’a pas affaire avec un duo mais à un trio, Alison, Robert et l’orchestre qui tisse de fines toiles d’araignées    transparentes, n’y prêtez pas trop l’oreille elles sont gluantes, de véritables attrape-rêves. Go your way : complainte de la femme délaissée encore amoureuse qui n’a même plus la force d’en vouloir à celui qui est partie écrite et chantée par Anne Briggs. L’on peut résumer l’apport d’Anne Briggs au folk britannique par trois noms de groupes : Pentangle, Fairport Convention, Led Zeppelin : ce n’est pas Alison qui chante mais Robert, le cri de souffrance d’Anne Briggs se transforme en une doucereuse chansonnette tristounette, on aurait aimé entendre Alison, la plainte de Briggs est belle mais n’est pas exempte de monotonie, les gens en bonne santé sont vite fatigués par les esprits chagrineux, gageons qu’Alison aurait su jouer sur les harmoniques de la douleur. Trouble with my lover : l’on ne répètera jamais assez comme le pianiste de la New Orleans Allen Toussaint a apporté à la musique américaine : défi cette fois-ci relevé par Alison, Allen Toussaint avait confié la chanson  Betty Harris the lost queen of New Orleans Soul ( voir chronique du Cat Zengler in livraison 520 du 09 / 09 / 2021 ) autant dire que l’original groove merveilleusement, avec sa voix de petite blanche Alison montre qu’elle sait groover autant une grande noire, sans avoir besoin de la carpette volante de l’orchestration rhythm ‘n’ blues, un léger rythme percussif, elle marche sur la pointe des pieds sur le tapis d’amarante qui mène au trône royal et Robert Plant se contente sur le refrain d’imprimer de douces ondulations sur la traîne de mousseline. Searchin’ for my love : un des morceaux préférés de Robert Plant, voir in Kr’tnt 565 du 08 /  09 / 2022 : se débrouille bien le plantigrade, l’a le black feeling, maintenant l’a deux belles aides sur le refrain, le vocal musardin d’Alison et l’intervention de Lucinda Williams, irrémédiablement elle file au morceau une intonation américaine que le petit Robert se hâte de reprendre, z’ensuite nous refait le coup des slowacks des blackos, une fille ( ou un garçon ) vous quitte et vous avez l’impression que l’on est en train de vivre l’extinction de l’Humanité. Can’t let go :  un morceau du chanteur et songwriter Randy Weeks dont la reprise par Lucinda Williams ( album Car Wheels on a gravel road ) fut un de ses grands succès : l’a de la classe la Lucinda, alors s’y mettent à deux, pour une fois la guitare en fait trop, trop au-dessus du dénuement de l’accompagnement de Lucinda, nos deux ostrogoths semblent murmurer, l’on ne ressent pas dans leur phrasé la détermination lucide de Lucinda, heureusement qu’elle intervient un peu dans le refrain pour remonter la sauce, quant à Plant, l’est une souris qui rentre dans son trou à pas prudent pour ne pas réveiller le chat qui s’est endormi devant.  It don’t bother me : Bert Jansch fut un temps le compagnon d’Anne Briggs, il forma Pentangle et influença Jimmy Page… :  le même gratouillis de guitare durant cinq minutes, l’on s’en moque Bert chante et la mer monte et descend, l’élément vous trimballe à sa guise, vous vous sentez tout petit…  Jay Ballerose passe devant la guitare et c’est mieux ainsi, Alison mène la barque, les musicos font gaffe à la gaffe, la voix s’est transformée en écume, un coup elle vous fouette le visage, un coup elle caresse, elle s’étire comme une brume qui voile la réalité du monde, vous voici perdu dans l’immensité de votre solitude.  You led me to the wrong d’Ola Belle Reed, née en 1916, chanteuse américaine de bluegrass, et joueuse de banjo, paroles de pécheresse repentante christo-masochiste : autant la version d’Ola Belle Reed est des plus dépouillées autant celle de Robert Plant – encore une fois l’on aurait attendu Alison – est des plus romantisées, le violon mange le banjo, chez Ola l’on croirait entendre la lecture d’un article dans un journal local, ici nous avons droit à une dramaturgie romantique, ce n’est pas de sa faute, notre héros est accablé par le destin. On le plaindrait presque. La version d’Ola glacée comme un convoi funèbre sous un ciel de neige fait froid dans le dos. Last kind worst blues : un des six morceaux enregistrés en 1930 ( Paramount ) par Geeshie Wiley, elle aurait commencé à chanter vers 1920, après 1933 l’on ne sait plus rien de sa vie  sinon qu’elle serait morte en 1950, elle reste une figure fantomatique du delta blues… : quel contraste, après la couleur blanche du désespoir la couleur noire du blues, côté des Appalaches la misère intellectuelle des pensées conservatrices mutilantes, on the other side of the rural south la misère noire de la pauvreté, un texte d’une cruauté inouïe, un peu de basse et la voix pure d’Alison, différente mais respectueuse de la pureté et de la rugosité de l’original. Ce morceau et le précédent sont à comprendre comme un profond hommage à la musique populaire américaine. High and lonesome : un original signé Plant et T-bone Burnett : toute la mythologie country de derrière les fagots du blues, plus toute la modernité des poncifs rock, Robert Plant se fait plaisir, chante comme un seigneur, nous ressort des intonations qui rappellent les miaulements feutrés du Zeppelin et derrière les musicos s’amusent comme de fous, donnent de la gomme tout en restant dans les limites ambiancières de l’album. Going where the lonely go : l’on ne présente pas Merle Haggard, mauvais garçon et grand chanteur de country, ne cherchez pas l’erreur :  après l’imitation – n’oubliez pas que sans imitation la création n’existerait pas – l’originel, belle voix romantique, Merle l’homme qui a beaucoup vécu ne la force jamais, pas besoin le timbre suffit, pour les larmes la pedal steel guitar s’en charge, un sax sur la fin, est-ce là que Lou Reed est allé chercher la finition ( et pourquoi pas l’idée ) de Walk on the wild side,  maintenant passons au duplicata, cette fois l’on attend Robert et c’est Alison, oui avec sa voix  de jeune fille honnête et pure, ou de femme vertueuse si vous préférez, elle interprète ce que Me Too dénoncerait comme un hymne machiste hyper genré, elle y met tant de cœur que ce que l’on entend c’est le désespoir de la solitude humaine qui s’en vient cogner à notre oreille comme la mouche sur la vitre. Somebody was watching over me : de Brenda Burns chantée par Maria Muldaur interprète américaine de blues et de country : Maria nous offre un gospel variétoche pour les fidèles que recrache le Seigneur ceux qui boivent de l’eau tiède, Plant qui dans son existence a toujours préféré les alcool forts à l’eau bénite, sera peut-être agréé par le Seigneur, pas tout à fait pour nous, certes il s’en tire bien, merci à Lucinda pour les chœurs, mais enfin il aurait pu choisir mieux. My heart would know : ( Bonus track ) : un album country sans un morceau d’ Hank Williams serait-il un véritable album… Hankie nous surprendra toujours, avec sa voix de crocodile enroué qui a mal aux dents il remporte toujours le pompon sur le manège des préférences, Alison s’y colle, l’est comme le gamin qui chante petit papa noël devant le sapin, bien sûr ce n’est pas tout à fait l’air mais sa ferveur vous touche en plein cœur. Bon, le grand frère Robert qui le soutient dans les refrains, il est un peu de trop, on ne le lui dira pas. You can’t rule me : ( Bonus track ) : après le roi voici une de ses reines, Lucinda Williams, présente dans les sessions :  Quand vous l’avez écouté par Lucinda vous vous demandez ce que l’on pourrait ajouter ou changer dans son interprétation, une vipère qui se dresse en sifflant pour vous signifier d’aller ailleurs voir si elle n’y est pas. Un harmonica et Robert Plant qui roule des épaules comme dans un western, Alison le seconde discrètement, quant aux boys derrière ils assurent la bande-son de la pellicule, un peu d’incertitude relance le suspense, on aimerait bien un duel final mais ce n’est pas prévu au programme.

             Deux titres un peu patchouli-patchoula, mais un album qui s’écoute avec plaisir.

    Damie Chad.

     

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                                         

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    EPISODE ( INTERACTIF ) 1 :

                                                              1

             -   Chef ! Chef !

    • Agent Chad cessez de m’importuner dans mes recherches !
    • Avec plaisir Chef, si je pouvais savoir qui vous recherchez je pourrais peut-être vous aider !
    • Agent Chad, si je le savais moi-même je l’aurais déjà trouvé !

    Sur ce, le Coronado du Chef laisse échapper deux volumineux nuages grisâtres, en accord parfait avec la brume automnale, je ne peux m’empêcher de penser que le Chef est un grand artiste, il sait marier les fumigènes qui s’enfuient de ses Coronados avec les couleurs du paysage. Tout à l’heure alors que nous parcourions une allée jonchée de feuilles mortes, ses cumulus avaient pris une légère coloration bistre en totale adéquation avec les teintes rousses des frondaisons que le vent aigre de la veille avait jetées à terre…   Huit jours que nous arpentions méthodiquement le cimetière du Père Lachaise, avec station obligatoire devant chaque tombe. Le Chef ne profère aucune parole, il lit attentivement chaque inscription, puis sans mot dire il passe à la suivante.

    Au début Molossito s’amusait, il levait la patte sur les dalles funéraires et les aspergeait de quelques gouttes d’urine territoriale, maintenant il suivait - ces promenades commençaient très tôt le matin et se finissaient très tard le soir - la tête basse, la douce quiétude du local lui manquait. Molossa, sa mère adoptive, gardait l’œil vigilant, elle marchait derrière nous, de temps en temps elle s’arrêtait et d’une oreille attentive elle guettait je ne sais quel bruit furtif, mais jamais encore son museau ne s’était posé sur le bas de ma jambe pour m’avertir d’un quelconque danger. Le Chef s’arrêta brusquement :

    • Agent Chad, j’ai conscience que ces longues journées sont fastidieuses, croyez-moi, je préfèrerais être à mon bureau en fumant paisiblement une dizaine de Coronados, toutefois je vous rappelle que nous sommes ici pour défendre le rock ‘n’roll. Agent Chad ouvrez l’œil, sous nos pas un terrible volcan s’apprête à entrer en éruption, où, quand, comment, je l’ignore, je le pressens, les signes parlent d’eux-mêmes. Avez-vous remarqué qu’aucun souffle vent n’est perceptible, pourtant vérifiez la fumée de mon Coronado, elle penche légèrement vers la droite, ce phénomène n’est pas normal et terriblement inquiétant. Je vous le répète, soyez sur vos gardes, d’une seconde à l’autre tout peut arriver !  

    Pourtant rien de particulier ne survint et le Chef ordonna de rentrer au local.

    2

    Que le lecteur ne s’inquiète pas. La vie d’agent secret du rock ‘n’ roll offre aussi de doux moments de compensation. Le lendemain matin, le Chef m’attendait tout souriant, il alluma longuement un Coronado avant de m’adresser la parole :

    • Agent Chad, huit jours que nous tournons en rond dans ce satané cimetière, nous changeons de stratégie. Prenez cette lettre soigneusement cachetée et portez-là à la patronne du Drugstore du coin de la rue. Si quelqu’un tente de vous couper le chemin, abattez-le tout de suite, sans rémission, sans pitié. Femme, enfant, vieillard, qu’importe, nous sommes pressés, le rock ‘n’roll n’attend pas ! Exécution immédiate.

    Enfin de l’action ! Les chiens excités couraient de tous côté attendant que j’ouvrisse la porte. Nous dévalâmes les quatorze étages à toute vitesse. Cinq minutes plus tard nous franchissions l’entrée du magasin à fond de train !

    • Vite Alice, c’est un pli urgent pour votre patronne !
    • Oh ! Monsieur Damie, quel plaisir de vous voir ! Hélas le mari de la patronne est à l’hôpital, elle m’a confié les clefs et m’a demandé de la remplacer ! Je vais décacheter la missive de Monsieur LeChef et voir de quoi il en retourne ! En attendant partagez à Molossa et Molossito ce bocal de fraises tagada, ils les adorent !
    • Alice vous êtes une merveille !
    • Monsieur Damie, vous exagérez !
    • Non, non Alice, vous êtes le soleil de l’univers !
    • Monsieur Damie, ne vous moquez pas de moi, je ne suis qu’une petite vendeuse de Point Presse, mais tenez je glisse dans cette poche cartonnée ce que Monsieur LeChef veut que vous lui rameniez, il exige que le paquet soit hermétiquement clos par une bande de ruban adhésif, personne ne doit savoir de ce dont il s’agit, même pas vous Monsieur Damie, Monsieur LeChef est un cachotier, je suis sûre que c’est un cadeau pour vous, si j’avais su que vous ne l’aviez pas lu, je vous l’aurais offert !
    • Alice, j’en aurais fait mon livre de chevet jusqu’à la fin de ma vie, et dans mon testament j’aurais demandé qu’il soit glissé dans mon cercueil, ainsi durant toute l’éternité je ne me serais jamais ennuyé, j’aurais connu le bonheur de penser à vous !
    • Monsieur Damie, c’est trop beau ce que vous dites, prenez le paquet et partez vite car j’ai envie de vous embrasser.

    Nous sortîmes du magasin tout guillerets, les chiens l’estomac au ras du bitume. Nous n’avions pas parcouru une centaine de mètres que Molossa posa son museau sur mon mollet. Je me retournai, deux armoires à glace au patibulaire physique de catcheur se dirigeaient d’un pas rapide vers moi.

    3

    Ils n’étaient plus qu’à une quinzaine de mètres. Les malheureux, ils n’avaient donc pas compris pourquoi ma main gauche restait à l’intérieur de la poche de ma veste. Sans préavis, je tirai. Deux coups, une bastos dans le buffet de chacun des deux. Ma maman m’a toujours appris qu’il ne fallait pas faire de jaloux.  L’impact les cloua sur place, ils reculèrent d’un ou deux pas, mais à mon grand étonnement ils ne s’écroulèrent pas, pire ils éclatèrent d’un rire bête :

    • Alors agent secret à la manque tu n’as jamais entendu parler de gilet pare-balle ! Quand on est malin on vise la tête !

    Ce fut leur dernière parole. J’obtempérai à leur suggestion. Certes la terrible botte de Nevers, si chère à l’agent Cat Zengler, ne se pratique plus, ni au fleuret, ni à la rapière, mais deux balles entre les deux yeux au-dessus du nez s’avèrent tout aussi radicales.

    • Bon Dieu quelle horreur il a fallu que je sois arrière-grand-mère pour assister à un tel crime !

    Du monde commençait à s’amasser autour de la vieille commère :

             -  Reculez-tous, éloignez-vous de ces deux cadavres, ils sont porteurs d’un nouveau variant du Covid contre lequel les vaccins sont inefficaces, très transmissible et mortel. Je suis de la Police, le gouvernement nous a chargés d’abattre au plus vite les porteurs de ce nouveau virus, nous avons trois jours, sans quoi la pandémie sera plus terrible que la grippe espagnole...

    Je n’avais pas fini ma tirade que la rue s’était vidée…

    4

    Le Chef alluma un Coronado, il laissa se consumer la longue allumette sans rien dire, puis exhala une bouffée malodorante :

    • Agent Chad ne prenez pas cette moue dégoûtée, regardez les chiens adorent, ils hument l’air avec frénésie et remuent la queue avec entrain, c’est un Chacalito N° 4, il dégage un délicat fumet de charogne j’en conviens, les filles n’y résistent pas, vous devriez essayer avec cette jeune vendeuse, Alice si mes renseignements sont bons, mais laissons cela, il est temps de tenir un conseil de guerre afin d’analyser la situation. L’heure est grave.
    • Oui Chef, une semaine de cimetière et deux morts ce matin !
    • Ne mélangeons pas tout, cher Agent Chad, je pense que nous sommes en présence de trois affaires distinctes.
    • Trois ! Chef !
    • Oui, la guerre des trois aura bien lieu. Débarrassons-nous de l’incident de ce matin, rien à voir avec le paquet que vous m’avez ramené. Non, un coup foireux de l’Elysée, ils n’ont pas digéré la mort de l’ancien président. Nous n’y sommes pour rien, toute la faute en incombe à Molossito, ( Voir l’enquête précédente ) toutefois comme notre molosse est inscrit sur les tablettes officielles comme agent du SSR ils aimeraient se débarrasser de nous. Bref nous aurons de temps en temps à faire avec ces inopportunes piqûres de moustique, nous savons les traiter. Nevers more comme coassait le corbeau de Poe.
    • Chef, vous avez vraisemblablement raison, je vous suis dans vos raisonnements, mais…

    Le Chef, me fit signe de me taire, il allumait un Coronado, opération délicate qui exige silence et concentration.

    • Pour les deux autres affaires, je n’ai rien de très concret à vous offrir. Toutefois je suis intimement persuadé qu’elles sont toute deux liées au devenir du rock ‘n’ roll…
    • Oui Chef le fameux flair du rocker…
    • Pas du tout, l’adverbe ‘’intimement’’ traduisez-le par personnellement. Agent Chad ces deux affaires sont liées à ma vie personnelle. Elles sortent des missions intrinsèques du SSR. Agent Chad, vous ne m’offenserez pas si vous refusez de vous joindre à ces deux enquêtes. Il n’y a rien à y gagner, blood, sweat ans tears pour résumer parfaitement l’avenir.
    • Chef, entre nous deux c’est à la vie à la mort !
    • Ce sera plutôt à la mort qu’à la vie !
    • Ouah ! Ouah ! Ouah !
    • Agent Chad, je crois que nous venons de recevoir le renfort de deux fins limiers ! C’est bien, vous êtes libres jusqu’à demain matin huit heures, profitez de cette dernière soirée de liberté. Pour ma part je vais me livrer à une étude attentive de l’ouvrage que vous m’avez rapporté.

    Je rassemblais quelques affaires avant de quitter le service. Rien de très précis, j’avais juste envie de connaître le titre du livre que le Chef étudiait. Je fus stupéfait, c’était : Les contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault.

                                                              5

    Les chiens aboient joyeusement autour d’Alice qui se précipite pour leur un ouvrir un bocal de chamallows :                      

    • Monsieur Damie, vous êtes bien matinal, il est à peine neuf heures et demie !
    • Hélas Alice, un jour sans soleil, je pars en mission pour une petite semaine, n’en soufflez mot à personne
    • Monsieur Damie, ne craignez rien, je serai muette comme une tombe ! Mais je vais m’ennuyer, tenez déjà une petite larme glisse sur ma joue, n’ayez crainte Monsieur Damie, je vous attendrai sagement, et le soir je rêverai de vous.
    • Alice je reviendrai au plus vite, souriez, laissez-moi vous regarder que j’emporte l’image de la beauté avec moi, pour qu’elle m’accompagne tout le temps de cette absence, elle me ramènera vers vous comme l’étoile qui brille ramène le bateau au port !

    6

    A peine la porte du magasin franchie j’étais redevenu le loup solitaire qui traque sa proie sans pitié, le tueur sans âme et sans conscience, droit au but, quel que soit le prix à payer. Je me rendis à la bibliothèque du quartier. La cheftaine assise sur son bureau n’eut pas le temps de remarquer la présence non désirée des deux cabots, en échange du billet de cinq cents euros que je lui glissais en douce, sa main se referma sur cet inoffensif rectangle de papier et d’un sourire reconnaissant elle m’indiqua du doigt un petit recoin muni d’un ordinateur où personne ne viendrait me déranger. Les chiens s’assoupirent. J’avais tiré Les contes de ma mère l’oye de Charles Perrault que le Chef m’avait tendu dès mon arrivée au local :

    • Agent Chad, lisez-le, vous en savez assez pour établir les connexions nécessaires, suivez la piste jusqu’au bout. Où vous mènera-t-elle je l’ignore. Faites attention, cette affaire est dangereuse, je le pressens. Je vous ai préparé un peu d’artillerie, une épaisse liasse de biftons à gros calibre, quelques rations de survie et même trois Coronados dans leurs tubes de plomb qui résistent aux radiations atomiques, prenez ce sac, gardez-le près de vous, n’oubliez pas que vous et vos chiens serez seuls face à un danger qui ne porte de nom et que je nommerai donc l’Innomable. Agent Chad dès que vous aurez mis un pied hors de ce local, la longue traque commencera, n’ayez aucune illusion, vous serez le chasseur et le gibier.

    Les sens en éveil je quittai la paisible bibliothèque, la lecture de Charles Perrault avait été fructueuse, quelques clics sur Wikipedia avaient confirmé mes déductions. Mes chiens sur mes talons, le bouton du bas de ma chemise déboutonné, la main prête à saisir la crosse d’un des bijoux préférés du Chef – un Rafalos 713 capable de percer les blindages d’une auto-mitrailleuse – passé à même la peau sous ma ceinture, l’air de rien, je sifflotais Don’t step on my blue suede shoes

    7

    Cher lecteur, j’ai le regret de vous annoncer que l’Episode 1 de Death, sex and rock’n’roll s’achève. La suite la semaine prochaine dans notre livraison 571. Je sens votre déception. Toutefois c’est épisode n’est pas interactif pour rien. Au moment où il se termine, vous en savez autant que moi pour comprendre comment je vais procéder. Lisez les Contes de Perrault, activez vos méninges, vérifiez vos déductions sur le net… Le premier qui aura trouvé la solution recevra une fraise Tagada mâchouillée par Molossito. Toutefois prenez garde à votre santé mentale et physique.

    A suivre

  • CHRONIQUES DE POURPRE 544 : KR'TNT 544 : MONKEES / NOEL GALLAGHER / LEFT LANE CRUISER / NAOMI SHELTON / JOSE MARTINEZ / ROCKAMBOLESQUES

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 544

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    03 / 03 / 2022

    MONKEES / NOEL GALLAGHER

    LEFT LANE CRUISER / NAOMI SHELTON

    JOSE MARTINEZ / ROCKAMBOLESQUES

     

    C’est parti Monkee Kee - Part Two

     

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                Mike Nesmith, que ses amis surnommaient Nez, vient de casser sa pipe en bois. Il est parti, le Kee Kee, aussi allons-nous lui rendre hommage et plonger une fois encore dans l’extraordinaire histoire d’un groupe qui pendant un temps rivalisa de candeur pop avec les Beatles. Les Monkees font partie de ces groupes sur lesquels il n’est pas très élégant de cracher. Leur histoire est celle de quatre mecs brillants embarqués dans le tourbillon du music biz américain des early sixties.

             En 1965, on avait nos chouchous dans les groupes. John Lennon dans les Beatles, Brian Jones dans les Stones. Dans les Monkees, le chouchou c’était Nez, avec son bonnet vert. Il était le guitariste et l’âme du groupe, mais on admirait aussi ce chanteur fantastique qu’est toujours Micky Dolenz.

             Pour plonger dans leur histoire, on dispose d’un tas de choses : des disks (qu’on a épluchés dans un Part One), des livres et des films. Il existe un gros tas de livres sur les Monkees. D’ailleurs, les Monkees sont s’y quasiment tous mis, comme les Pistols. Tous sauf Peter Tork (dans les Monkees) et Paul Cook (dans les Pistols). Les autobios de Nez, Davy Jones et Micky Dolenz jettent un éclairage extraordinaire sur l’histoire du groupe et sur l’environnement dans lequel ils ont évolué. À quoi il faut ajouter l’ouvrage de Peter Mills, The Monkees, Head And The 60s, qui comme son titre l’indique focalise plus sur Head, le film surréaliste de Bob Rafelson qu’on revoit environ tous les dix ans, sans jamais admettre qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre, mais on le revoit, comme on revoit Hard Day’s Night

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             Nez a titré son autobio Infinite Tuesday. Au vu de l’objet, on croit que c’est un livre d’auteur : beau choix de papier, de format et d’interlignage, mais ce n’est pas le cas, loin de là. Dommage car Nez démarre en force en rendant deux hommages spectaculaires : le premier à Jimi Hendrix et le second à Bo Diddley. En 1967, Nez est à Londres. Il a rendez-vous dans un restaurant avec John Lennon et Cynthia, la poule d’avant Yoko. John nous dit Nez est en retard et il finit par arriver, essoufflé, il s’excuse et dit qu’il était dans un club où se produisait un mec qu’il a enregistré sur un petit magnéto. Il pose l’engin sur la table et fait écouter : c’est «Hey Joe» et l’inconnu s’appelle Jimi Hendrix. Et là, Nez parle de Visitation. Quand le cut s’achève, quelqu’un dit : «Comment un mec peut-il être aussi bon ?». Conscient que Londres est l’œil d’un typhon qui ravage le monde entier, Nez affirme que Jimi Hendrix est bien pire : un maelström - Both the center and the circonference, with his own gravitational force. He was music as a mass, and all that revolved around that music changed the landscape of the mind. Hendrix fit reculer les limites du son de la même manière que Duchamp fit reculer celles de la vision. Nude Descending A Staircase et «Little Wing» sortaient d’un Purple Haze - Pas mal, le parallèle avec Duchamp. Dommage que tout le book ne soit pas à ce niveau référentiel. Nez reprend : «En recyclant le rock’n’roll américain, les British bands ont levé une tempête, mais Hendrix a ouvert un monde et créé un nouveau style de musique. En créant ce monde et en explorant les sonic possibilities des instruments, il montra le chemin aux groupes qui se formaient.» Il rend à peu près le même genre d’hommage à Bo Diddley qu’il voit à la fin des années 50 dans un club de Dallas, Louann’s. Oui car Nez est texan. Il décrit l’un des génies de l’humanité : «Bo avait une présence énorme, avec la guitare bricolée sanglée très bas sur les genoux, son blazer blanc et son nœud pap, et ses musiciens qui portaient des blazers rouges, sauf Peggy qui portait un one-piece extrêmement moulant en lamé or et des talons aiguilles. Elle jouait elle aussi sur une guitare sanglée très bas, comme celle de Bo. Ils étaient branchés sur des Fender Twin Reverb.» Et un peu plus loin, il ajoute, la bave aux lèvres : «Bo and Peggy and Jerome were the first iteration of the Jimi Hendrix Experience in my life, the first time I kissed the sky.» C’est drôle comme ces phrases peuvent être jolies, plus jolies qu’en français - Quand Bo joua ce soir-là, j’entendis pour la première fois une musique qui correspondait à celle que j’avais en tête. En matière de rock, j’avais entendu beaucoup de choses, mais aucune n’était aussi complète que celle de Bo. Elle n’était pas seulement complète, elle était à la fois infinie et réelle.»

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             Bon, Nez postule pour un rôle dans les Monkees et l’obtient. Avant de devenir un groupe, c’est une série télé qui raconte l’histoire d’un groupe, ne l’oublions pas. Très vite, Nez propose d’écrire des chansons et Bob Rafelson l’encourage à continuer. Il le branche aussi sur Tommy Boyce et Bobby Hart, des compositeurs maison chez Screen Gem avec lesquels il s’entend bien, mais il ne peut pas travailler avec eux. Boyce & Hart pondent rapidement «Last Train To Clarksville». Nez ne s’étend pas trop sur le stardom des Monkees. Il raconte cependant une anecdote typique de cette époque. Un matin très tôt, vers 6 h, il se rend en bagnole au studio de télé. Il s’arrête à un feu rouge à l’angle de Berverly et Santa Monica. Il n’y a personne dans les environs, sauf une jolie jeune fille. Elle traverse la rue devant le Buik Riviera de Nez et le reconnaît au volant. Alors elle se met à hurler et se jette sur le capot. Elle frappe le pare-brise et crie : «Mike !». Nez est scié. Au bout d’une minute ou deux, elle semble retrouver ses esprits, elle descend du capot, se réajuste et s’en va, l’air un peu gêné. Elle disparaît aussi vite qu’elle est apparue, comme si rien ne s’était produit.

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             Nez évoque aussi le combat qu’il mène contre Don Kirshner, le mover shaker du Brill qui considère les Monkees comme sa poule aux œufs d’or. Nez veut obtenir l’indépendance artistique des Monkees et Kirshner s’y oppose. Alors Kirshner menace Bob & Bert, les réalisateurs de la série télé, mais les Monkees ignorent les menaces et enregistrent Headquarters. Kirshner les convoque à une réunion au Berverly Hills Hotel de Los Angeles. Il n’exige qu’une chose de la part des Monkees : la loyauté. Il leur promet monts et merveilles, il va faire d’eux les Beatles américains. Pour ça, il a toute son armada d’auteurs compositeurs au Brill. Nez refuse l’offre poliment. Il ajoute qu’il bosse pour Bob & Bert qui encouragent les Monkees à devenir indépendants, il ne bosse pas pour lui, Kirshner et son armada. Nez sent que Kirshner le pousse à trahir Bob & Bert. Le bras droit de Kirshner sort alors le contrat et fait planer la menace de procès et c’est là que Nez perd patience et défonce la cloison d’un coup de poing. Headquarters sera le seul album enregistré par les quatre Monkees.

             L’épisode le plus passionnant du Nez book est celui de sa relation avec Jack Nicholson, Peter Fonda et Dennis Hopper - Peter et moi sommes devenus potes grâce à nos motos. Je conduisais une Triumph Bonneville et Peter une Harley. On roulait dans les canyons. Peu de temps après, il fit transformer sa Harley en chopper et il commença à porter le casque de Captain America. Dennis Hopper était un pote de Peter et Jack Nicholson entra dans le cercle à son tour - Dennis Hopper propose à Nesmith de bosser sur la BO d’Easy Rider - Dennis était l’un de ces ‘movie types’, comme je les appelais, et je m’entendais bien avec lui, car on avait le même visual sense. Je comprenais ce qu’il voyait. Il était d’humeur changeante, et je ne savais jamais ce qu’il pensait, aussi n’était-il pas un dance partner, mais il avait tout mon respect et toute mon attention, car il amenait toujours quelque chose d’unique. Quand il m’a demandé de bosser sur la BO de son film, j’ai pensé à utiliser un brass big band, the Memphis Horns meet Harry James, mais c’était comme de dire oui à quelqu’un qui te demandait si tu savais piloter un avion cargo - Inspiré par l’Help de Richard Lester, Nez, Bob et Jack commencent à travailler sur le projet d’un film, Head. Bob & Bert envisageaient avec ce projet de tuer le mythe qu’ils avaient créé, c’est-à-dire les Monkees de la télé. Mais ils n’avaient aucune idée de départ. C’est Nicholson qui trouve l’idée de tout situer dans les cheveux du personnage : des pellicules dans les cheveux de Victor Mature.

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             Un peu plus tard, Nez et Nicholson voient Jerry Lee sur scène. En sortant du club, Nicholson dit à Nez que Jerry Lee est le plus grand live show qu’il ait vu dans sa vie - Bien des années après, Jack évoquait encore le power de Jerry Lee - Nez rend un autre hommage, cette fois à Chris Blackwell - One of the few authentic people I met on the business side of the music industry, without question the best record exec and music curator I ever knew - Nez dit en gros la même chose que Glyn Johns.

             On est alors en droit de penser que le book va rocker, mais il faut vite déchanter. La deuxième partie concerne en gros The First National Band, puis Nez raconte dans le détail ses mésaventures sentimentales et la façon dont il a inventé le vidéo-clip. Bon bref.

             En 1970, Nez rachète son contrat Colgems pour 160 000 $. C’est tout ce qu’il possède. Il  quitte Los Angeles et s’installe à Palm Springs.

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             L’un des meilleurs investissements qu’on puisse faire, c’est la box Edsel qui s’appelle Songs et qui rassemble douze albums de Nez, l’essentiel de sa carrière solo et surtout les extraordinaires albums du First National Band, qu’on prend très au sérieux une fois qu’on les a écoutés. Cette box est la mine d’or du roi Salomon. On savait le Nez doué, mais pas à ce point.

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             Le cœur palpitant de la box, ce sont les trois albums de The First National Band, avec des pochettes qui ne payent pas de mine, mais diable comme ces albums sont bons ! C’est chanté, ça sent bon l’Americana et ce qui frappe le plus, c’est la modernité de ton, à partir d’un genre éculé par tant d’abus, la country. Pochette bleue pour le premier National Band, Magnetic South. «Calico Girlfriend» sonne comme un fantastique assaut. Appelons ça le country power de Papa Nez, comme l’appelle Martin Ruddock dans Shinding!. Terrible et vite embarqué. Papa Nez propose une fantastique texture d’allure. Avec «Little Red Rider», il draine de la heavy country pop fabuleusement bardée de son. «The Crippled Lion» bascule dans une sorte de magie. Tiens je te donne dix Gram Parsons en échange d’un Papa Nez. Sa country sonne comme du rêve cadencé - What is the color of the sun - Il a juste un mec à la basse (John London) et un mec au beurre (John Ware), et bien sûr Red Rhodes à la pedal steel. «Joanne» sonne comme un hit. Papa Nez a des accents de génie. Essaie de claquer des trucs aussi purs, tu verras si c’est facile. Le First National Band embarque «Mama Nantucket» ventre à terre et Papa Nez fait du yodell. C’est extrêmement puissant. Il est parfait dans son rôle de country Monkee. Tous les cuts de cet album sont bons, les dégelées country se succèdent et avec «Beyond The Blue Horizon», il passe du rétro d’Americana aux clameurs de la modernité. Petite cerise sur le gâtö : Papa Nez indique à Bob Mehr qu’ils étaient complètement défoncés lors de l’enregistrement de Magnetic South - We did the entire Magnetic South album drunk and high - Il faut savoir que Red Rhodes adore jouer défoncé, qu’il cultive la meilleure herbe d’Hollywood et qu’il en vend à ses voisins. 

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             Papa Nez se retrouve enfin en couverture de Shindig!. Il porte son Nudie suit. Martin Ruddock emprunte «Beyond The Blue Horizon» pour titrer son bel article et qualifie Papa Nez de «reluctant teen idol» ayant mené la guerre d’indépendance contre Colgems et Don Kirshner et quitté les Monkees pour devenir un «risk-taking cosmic country-rocker, purely on his own terms.» C’est joliment dit et ça correspond à la réalité. Ruddock rappelle que Papa Nez enregistra une série de cuts à Nashville en 1968 avec les gens qui allaient devenir Aera Code 615, et produits par Felton Jarvis, le producteur d’Elvis. «The Crippled Lion», «Calico Girlfriend», «Little Red Rider» et «Hollywood» (qu’on retrouve sur Magnetic South) et «Some Of Shelly’s Blues» (qu’on retrouve sur Pretty Much Your Standard Ranch Stash), font partie de ces démos extraordinaires. Mais le son de Papa Nez n’intéresse ni les trois autres Monkees ni le Monkee-staff. Un seul cut sort en 1969 : «Listen To The Band» (qu’on retrouve sur Loose Salute). Ruddock parle de «rousing country-soul fusion with trippy drop-outs» et nous décrit dans le détail la formation du First National Band avec John Ware, John London et Red Rhodes, un groupe extrêmement audacieux qui combine «Bakersfireld swing, Appalachian yodelling, gutbucket R&B and even lounge music», en gros l’expression du «quicksilver fusion» que Papa Nez a en tête.

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             Rattrapés par l’actualité, les Monkees se retrouvent aussi en couve de Mojo, sur fond rouge. David Fricke leur alloue huit pages. Il confirme ce que dit Rubbock. Quand Papa Nez débarque au studio RCA de Nashville avec son idée de «quicksilver fusion», il déclare : «One of the things I wanted to do was experiment with pure Nashville players playing a type of rock’n’roll sensibility.» Ça s’appelle une vision. Papa Nez réussit là où Gene Clark a échoué.    

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             Le deuxième First National Band est rouge et s’appelle Loose Salute. Il est encore pire que le premier. Americana et modernité s’y affrontent au soleil de Papa Nez. «Silver Moon» ? Arrgh, laisse tomber ! - Anthemic stag night swagger, nous dit Ruddock - Rien de plus pur que ce Tex-Mex de la frontière, plein d’esprit et de choo choo train. Papa Nez invente un nouveau genre avec «I Fall To Pieces» : le country genius. Il explore et révèle le power souterrain de la country, celui si ingrat des saloons, et l’éclaire. Il amène une énergie énorme qui est celle du ventre de l’Amérique. C’est un bonheur que d’écouter Papa Nez. Il se situe au croisement des cultures, il sait que ce qu’il fait est bon et il n’en finit plus de nous montrer la voie. Il veille à rester au devant de son phénomène, comme s’il chevauchait en éclaireur. Joli shoot d’exotica que ce «Tengo Amore». Fuck, tu suivrais Papa Nez jusqu’en enfer. S’ensuit le vieux «Listen To The Band» - reborn as an up-tempo hoedown - qui te monte lentement au cerveau, encore du pur jus de country power. Avec «Bye Bye Bye», il fait du r’n’b de Nashville et il s’amuse ensuite avec les interférences de la country pour fignoler «Lady Of The Valley». On se demande d’où sort ce son étrange et beau. La country météorique des temps futurs ? Va-t-en savoir ! Fabuleuse modernité de l’attaque, Papa Nez a du génie, il faut le voir tailler ses harmonies.

             Après avoir enregistré leur deuxième album, the First National Band part tourner en Angleterre, en septembre 1970. Tournée bizarre nous dit Ruddock dans les petits salles d’Écosse et du Pays de Galles. Working Men’s clubs & occasional cabarets. Ringo Starr et Jimi Hendrix viennent saluer Papa Nez au Nashville Rooms, à Londres. Deux jours plus tard, l’ami Jimi casse sa pipe en bois. Le groupe reste plusieurs mois en Angleterre. Ils rentrent au bercail, un peu abîmés, pour enregistrer un nouvel album. 

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             Troisième et ultime album du First National Band : Nevada Fighter, pochette blanche. Le morceau titre est un authentique coup de génie. Papa Nez le claque à l’Americana de choc, les wild guitars sont de sortie, voilà un cut d’une incroyable puissance, les coups de slide éclatent au Sénégal, quelle violence ! Papa Nez nous fait de la heavy country de saloon. On trouve aussi deux Beautiful Songs sur cet album, «Here I Am» et «Texas Morning». «Here I Am» est d’une pureté extrême, monté sur un gros jeu basse/batterie. «Texas Morning» est du spiritual spirit. Voilà la cosmic Americana dont rêvait Gram Parsons - And the wind blows me/ Like a dixie cup down the highway - On se régale aussi du «Grand Ennui» d’ouverture de bal, country dynamique montée sur une basse dévorante - Runnin’ for the grand ennui - Papa Nez chante avec passion à l’accent persistant. Sur cet album, quelques luminaries comme Al Casey, James Burton et Joe Osborn prêtent la main. Bien que ce soit de la pure country, «Only Bound» envoûte. Encore un choc esthétique avec «Tumblin’ Tumbleeeds», un vieux classique errant de Bob Nolan dont Curt Boettcher fit ses choux gras. Quelle merveille atmosphérique ! C’est tout de même incroyable que Papa Nez parvienne à maintenir un niveau aussi supérieur, album après album. 

             Victimes d’un coup de burnt-out, John Ware et John London quittent le groupe en plein milieu des sessions. C’est la raison pour laquelle Papa Nez et Red Rhodes embauchent des pointures du Wrecking Crew, James Burton, Glen D Harding, Ronnie Tutt et Joe Osborn. Ruddock dit que «Tumblin’ Tumbleeeds» et «Rene» sont de la musique for haunted honky-tonks. Il a raison le bougre, rien de plus hanté que ce son. 

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             Après la fin du First National Band, Papa Nez monte le Second National Band avec an eccentric collection of players - dont Johnny Meeks - et enregistre Tantamount To Treason, un album un tout petit peu moins dense, mais attention à «Highway 99 With Melange» : il tape ça en mode barrellhouse et ça frise le destroy oh boy d’excellence. Il défonce les tenants des aboutissants, ouh-ouh, et bascule dans la weird psychedelia. Tantamount est un album étrange est passionnant. Nouveau choc émotionnel avec «You Are My One», un instro organique et puissant, un vrai tube digestif de good vibes - Nez let Rhodes and Cohen go nuts with fizzing psychedelic blasts of steel and moog - Papa Nez reste dans le sans-faute avec «Wax Minute», nouvelle merveille extravagante. Il chante «Lady Lady» à la déchirure de country lover. Il reste un singer parfait, allant même jusqu’à chanter son «Bonaparte’s Retreat» en français, avec tout le power du saloon.

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             Puis il attaque une petite série d’albums solo avec l’’all acoustic’ And The Hits Just Keep On Comin’, just Nez & Rhodes. Boom ! Dès «Tomorrow & Me», il part en mode demented, il sait créer du brouet, oh oh, the closeness is gone, il chante à l’éplorée seigneuriale, il tartine à l’infini son oh oh, the closeness is gone. Quelle ambiance ! Il enchaîne avec «The Upside Of Good-Bye» et Red Rhodes fait de la dentelle de Calais. Papa Nez dispose de tous les atouts de la country, mais il crée son propre monde qui est spectaculaire. Tant qu’on n’écoute pas ses albums, on ne se doute de rien. Les chansons sont parfois un peu pop («Listening»), mais c’est bien foutu, Papa Nez fouille sa chique. Il ressort le vieux «Different Drum», composé en 1964 et rejeté en 1967 Don Kirshner qui déclarait : «That’s nice but it’s not a Monkees’ song !», à quoi Papa Nez rétorqua : «Wait a minute, I AM a Monkee !». Papa Nez aura sa revanche un peu plus tard quand les Stone Poneys de Linda Ronstadt enregistreront «Different Drum». Papa Nez ressort donc cette vieille pop de harangue, mais diable, comme elle est bonne. Il balance du son, c’est excellent, bien remonté des bretelles à coups de guitares country. Ça grouille de ressources inexplorées. Bienvenue encore une fois chez Nez the cake avec «Harmony Constant». Sa musique vient du ventre de la country, qu’on appelle aussi la Soul des blancs. Sa notion de la beauté passe par la country, comme le montre encore «Keep On». Il termine avec «Roll With The Flow», une sorte de clin d’œil à Doug Sahm : son de la frontière de merveilleuse allure, avec Red Rhodes à l’avant-poste.

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             Un jour, Jac Holzman entend parler Papa Nez à la radio. Il le trouve intéressant et souhaite le rencontrer : «Il était tellement plus intelligent que le cute, ersatz, housebroken, simian image - et sachant bien à quel point c’est difficile de faire un disque.» Papa Nez passe un accord avec Jac pour lancer son label Countryside Records, sous l’égide d’Elektra. Il dit à Jac : «Si vous me construisez un studio, je monte un house-band around the Stax-Volt formula.» C’est ce house-band qu’on entend sur l’excellent Pretty Much Your Standard Ranch Stash.

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             Sur la pochette de Pretty Much Your Standard Ranch Stash, Papa Nez porte la barbe et un Stetson. C’est d’ailleurs cette pochette qui décore la box. L’album démarre avec deux coups de génie, «Continuing» et «Some Of Shelly’s Blues». Retour du fantastique power de Country Papa Nez, il amène une espèce de magie de manège, ça joue autour de lui alors qu’il tournoie, c’est Vienne et tout ce qu’on aime, Papa Nez est un immense artiste. Il joue à la petite mesure sans presser le beat, il se fond à la coule dans son moule de perfection country avec un backbeat balloche, mais c’est Papa Nez, l’authentique seigneur texan, il dispose de tous les droits et principalement celui de nous émerveiller. Il attaque «Some Of Shelly’s Blues» aux accents country, il en fait un cut élégant et parfait, bien monté. Il est à l’aise dans l’excellence et l’instrumentation nous monte tout ça en neige. Globalement, toutes ses compos tiennent la route. Il les appuie au chant, ce qui donne des résultats effarants. Il chante par dessus les cactus de sa country de cœur et c’est atrocement bon. 

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             Curieusement, l’album ne marche pas et Papa Nez quitte RCA. Il se sent un peu paumé et renaît de ses cendres en montant son propre label, Pacific Arts, qu’il inaugure avec un album spectaculaire : The Prison. Dès l’«Opening Theme (Life The Unsuspective Captive)», on sent clairement une volonté de mélodie universaliste. Papa Nez est capable de développer ce genre de power, il vise les voies célestes, il est dans la religion du son, il aménage de stupéfiantes ouvertures. C’est la révélation ! Et ça continue avec «Dance Between The Raindrops», qui part en mode heavy country, il claque ça comme de la Stonesy, il va sur un boogie rock demented et affreusement bon. Il chante dans les entrelacs de son boogie. Attention, ce n’est pas fini ! Voici «Ellusive Ragings» et ses merveilleuses dynamiques. Le fond est country mais devant c’est du pur Papa Nez. «Waking Mystery» confirme qu’il s’agit là d’un very big album, l’un de ces albums chargés d’ambiances et bien produits. Papa Nez dispose d’un incroyable pouvoir de persuasion et d’une voix qui tranche à merveille. Il diffuse sa magie, il chante à l’accent perché et la mélodie se transforme en féerie. Papa Nez joue avec toi, mais c’est pour ton bien. Il ramène des guitares country dans son rêve éveillé, il revient toujours au chant, pour exploser à la surface du couplet. Encore une fois, Papa Nez a du génie. Il se fond dans le moule d’«Hear Me Calling», un heavy boogie qui n’est pas celui des Ten Years After. Encore une belle échappée belle avec «Marie’s Theme». Papa Nez laisse filer, il prend le chant à la volée, il est superbe, c’est un héros, un fier rocker de country carnaval, il injecte de la furia del sol dans son shuffle. Il navigue exactement au même niveau que Doug Sahm. Il ramène toute la fête de la country, ça joue à bride abattue, Papa Nez lève de bien belles tempêtes, ça part à l’orgue et au piano, et quand il revient au chant, ça lui échappe, il y a trop de vie. Il claque son «Closing Theme» comme un groove de Croz, il dispose du même sens des dérives océaniques, il vise les mêmes horizons. Papa Nez n’en finit plus d’éblouir ses admirateurs.

             Ruddock s’arrête là, juste après The Prison. Il salue son héros : «Thanx for the ride, Papa Nez.» Nous, on continue.

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             Il se pourrait que From A Radio Engine To The Photon Wing soit encore un big album, ne serait-ce que pour «Love’s First Kiss», petit shoot de pop seigneuriale qui bascule vite dans le génie sonique pour devenir une pop-song surnaturelle. Il gratte «We Are Awake» au mur du son country avec des chœurs d’artichauts demented. Papa Nez est un sacré maître d’œuvre. Il drive sa chique et les filles font ah ah de temps en temps, tu vois le genre ! Il ouvre son balda avec «Rio», groove excellent et intrusif à la fois. Il fait couler un miel de guitares country dans un groove de rêve. Papa Nez serait donc un démon de l’enfer ? - So I think I will travel to Rio - Derrière lui on entend Weldon Myrick et Lonnie Mack. Comme le montre «Casablanca Moonlight», il sait attaquer un cut au pied de l’échelle. Il sait rester d’actualité comme le montre «Navajo Trail». C’est excellent, d’une incroyable véracité. Papa Nez est l’un des meilleurs explorateurs de l’Americana, il fond comme beurre en broche dans le Navajo Trail.

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             Il a l’air de vouloir se calmer avec Infinite Rider On The Big Dogma. Pour la pochette, il pose dans une pièce à plusieurs portes. L’album n’est pas très bon, mais on sauve «Capsule (Hello People A Hundred Years From Now)», car c’est un groove extraordinaire. Il rend hommage au groove - Check it out/ It’s the time of the day - Il s’amuse avec des petites conneries et ça devient vite énorme. Pour cet album, il abandonne complètement la country. Il se prend pour Leroy Hutson avec «Magic (This Night Is Magic)», il chante à la petite voix d’ange décervelé. On ne doute pas de sa sincérité. Puis il va dans le funk avec «Tonite (The Television Song)». Il donne libre cours à ses fantaisies, mais ça reste du Papa Nez, même si parfois il se vautre et fait pitié («Flying (Silks & Satins)», «Fractions (The Daughter Of Rock’n’Roll)»).

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             Pochette années 80 pour The Newer Stuff. Papa Nez porte le cheveu court et la barbe taillée. Deux grosses compos sur cet album : «Tanya» et «Dreamer». Il a troqué sa country pour un son plus synthétique, mais il tente de maintenir son cap. Il y parvient. L’ambiance pue un peu mais il chante à pleine voix, comme il l’a toujours fait. Mine de rien, ça reste du haut niveau. Tu peux suivre Papa Nez sans craindre l’ennui. Encore plus ambitieux voici «Dreamer», monté sur un thème classique d’une puissance évangélique - Why do we dream ? - Il se pose la question. L’orchestration emmène le cut plus loin que le chant, on sait que les trompettes peuvent déplacer les montagnes. Voilà Papa Nez dans les éclairs de Cecil B. De Mille, il éclate comme Moïse au bord de la Mer Rouge, il lève les bras face à la colère de Dieu, c’est très spectaculaire et ça se calme à la fin. Et pourtant, l’album était mal barré, car il commence avec de la diskö pop à la mormoille («Total Control»). Quand on entend «I’ll Remember You», on comprend que Papa Nez est l’un des survivants les plus brillants de l’âge d’or. Il est capable d’aligner des balladifs superbes. Comme tous les hommes de son âge, il fait un peu d’exotica avec «Eldorado To The Moon» et «Tahiti Condo», mais c’est une exotica qui ne porte pas à conséquence.

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             Tropical Campfires date de 1992. Comme Tav Falco, Papa Nez plonge dans la magie de «Brazil» qu’il chante d’ailleurs en brésilien. Il tape sa «Julianna» au froti de la frontière et la gratte à l’ongle sec. Encore une petite merveille avec «Moon Over The Rio Grande». Il crée de la country de carton-pâte, mais c’est brillant. Il se sert du Rio Grande pour régler ses comptes. Il tape dans Cole Porter avec «In The Still Of The Night» pour en faire un cut d’effarence, il chante à la voix blanche, mais en vrai fan et c’est extraordinaire. Encore du Cole Porter avec «Begin The Beguine». Ça frise encore le génie pur. Fabuleux Papa Nez.

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             Le dernier album de la box s’appelle The Garden, illustré par une toile de Monet. Papa Nez part donc des Nymphéas pour créer du climat enchanté et jeter de la poudre au yeux. Quand il arrive à la fin de «Garden’s Glow», on ne l’attendait plus. Puis il gratte «Ficus Carica» à sec dans une ambiance paradisiaque. Il abandonne sa chère country au profit d’un gratté de gratte fantôme, c’est assez spécial, plein de coups d’acou et de rebondissements d’acou. Il s’agit donc d’un album d’ambiances. C’est tout ce qu’on peut en dire. Les adieux sont tristes.

             On peut aussi établir un parallèle entre la créativité de Papa Nez et celle de Robert Pollard, ne serait-ce qu’avec les titres d’albums, tous plus dadaïstes les uns que les autres. Fricke parle de cerebral titles.

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             Ah il fallait lire le Mojo Interview mené par Bob Mehr en 2018. On tombait en ouverture sur un fantastique portrait de Papa Nez coiffé de son Stetson Nudie. À 75 ans, il a le visage d’un vieil homme, mais quelle élégance ! Mehr dit qu’il se fringue comme Steve Jobs, qu’il est entouré d’assistants pendus à ses lèves et qu’il «radiate a particular brand of Texas Zen». Plus rien ne peut plus nous surprendre de la part de Papa Nez. Il indique qu’il découvrit le Texas blues très tôt et qu’il décida de partir en Californie pour devenir écrivain. Arrivé à Los Angeles, il démarre au Troubadour et compose déjà quelques chansons, dont le fameux «Different Drum» et «The Girl I Knew Somewhere» qui sera un hit des Monkees. Bien sûr, Mehr revient sur les Monkees et les liens qu’entretenait Papa Nez avec les trois autres, à quoi l’intéressé répond qu’ils étaient tous les quatre très différents et que c’était voulu par le producteurs de la série télé - There was no feeling like the stars had aligned the way they did with The Beatles, or The Byrds or The Stones - Il demande à Mehr de lui pardonner cette métaphore : les Monkees étaient des légumes dans la soupe - Television was the soup and if one of us was the potato, the other was turnip, c’est-à-dire le navet - Pour Papa Nez, les Monkees n’étaient qu’un produit de télévision, rien d’autre, et il rappelle que la télévision «had taken a place in the American psyche that was dominant, it controlled the American thinking». Ce qui reste d’actualité. Si on veut aujourd’hui essayer de penser librement, il faut virer la télé. Retour sur Head et Bob & Bert que Papa Nez qualifie d’hommes courageux - These were guys on a quest for the artistic truth and they found a lot of it in the hash pipe and the joints and the parties and the women and the times - Hence Head and Easy Rider - Pour Papa Nez, le principal obstacle était Kirshner qui ne jurait que par les hits pop («Sugar Sugar» des Archies est cité en exemple), alors il fallait en sortir - I already had my Nudie Suit made. I was heading out. I was going to make psychedelic country and do The First National Band.

             Les huit pages de Fricke dans Mojo font bien le tour du propriétaire, c’est-à-dire l’histoire des Monkees. Fricke est solidement documenté. Aucun détail ne lui échappe, même pas les 186 000 $ que doit sortir Papa Nez de sa poche pour racheter sa liberté. C’est tout l’argent qui lui reste de sa vie de Monkee. S’en débarrasser est pour lui extrêmement symbolique. Fricke nous dit aussi qu’en novembre 2021, un mois avant de casser sa pipe en bois, Papa Nez a chanté pour la dernière fois «Listen To The Band» au Greek Theatre de Los Angeles. Il avait 78 ans. Papa Nez et Micky Dolenz avaient repris la route ensemble pour faire The Mike & Micky show. Maintenant que Davy Jones, Peter Tork et Papa Nez ont cassé leurs pipes en bois, Micky Dolenz se retrouve tout seul.

             Selon Fricke, c’est Barry Friedman qui en 1965 pousse Papa Nez à répondre à l’annonce de recrutement des Monkees parue dans The Hollywood Reporter. Papa Nez bosse le lundi soir au Troubadour, il organise les hootemannies et chante à l’occasion. Friedman bosse lui aussi au Troubadour. Il va changer de nom pour devenir le fameux Frazier Mohawk que Jac Holzman tenait en haute estime, autant que Danny Fields. Friedman/Mohawk est un fantastique dépisteur de talents. À l’époque, Papa Nez est fauché. Sa femme et lui vivent dans une bagnole. Comme on le sait, Papa Nez débarque au studio pour auditionner avec son sac de linge sale et le fameux bonnet à pompon vert qu’il porte en fait pour ne pas avoir les cheveux dans la figure quand il conduit sa moto.

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             Les producteurs qui initiaient le projet des Monkees tapaient à l’époque en plein dans le mille, car il n’existait alors rien d’équivalent sur le marché : ils ont généré «an explosive synergy of music, medium and mercantile zeal qui répercuta les ondes de choc de la Beatlemania via the power of Hollywood.» Oui, Hollywood servait d’énorme caisse de résonance et les Monkees furent immédiatement considérés dans les médias comme des superstars. The American Beatles. Mais quand Papa Nez apprend que Don Kirshner sort More Of The Monkees - leur deuxième album - sans avoir demandé l’avis du groupe, il annonce qu’il va quitter le groupe.

             Les journalistes ne comprenaient pas à l’époque du First National Band pourquoi Papa Nez quittait une vie de superstar pour jouer cette stone-country qui ne rapportait pas un rond. Papa Nez dut faire une mise au point : «Vous avez bien compris que je ne suis pas un chanteur/guitariste ordinaire. Je n’existe pas dans la communauté artistique. Je ne sors pas avec Steve Stills et je ne participe pas aux sessions d’Eric Clapton. Et je ne veux pas de Ringo dans les miennes. Je reste dans mon coin.» Ce que confirme Micky Dolenz. Papa Nez est un solitaire, il vit avec sa femme et ses enfants.       

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             Le Monkee-book le plus accessible est celui de Micky Dolenz, I’m A Believer. Ça se lit d’un trait, même si le style laisse à désirer. Peter Mills parle plutôt d’un style original et créatif, à l’image du personnage. Des quatre Monkees, Dolenz est sans doute le mieux placé pour rappeler un élément fondamental de l’histoire de Monkees : le côté pré-fabriqué du groupe qu’on surnommait d’ailleurs les Prefab Four, un produit purement hollywoodien, de la même façon que Dolenz est lui-même une créature hollywoodienne. Ils ont été recrutés individuellement lors d’un gros casting de cinéma pour jouer dans une série télé. Comme les producteurs voyaient que le teenage business commençait à rapporter gros, il leur fallait une série télé teenage pour les pré-ados. Pas pour les fans des Beatles qui devenaient adultes, mais ceux d’avant. C’est ce que raconte Dolenz dans son livre. Il évoque très brièvement ses collègues Tork, Nez, Davy Jones et se réserve la part du lion, car il a beaucoup plus de choses à raconter.

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             Dolenz est ce qu’on appelle un child actor, de la même façon que Davy Jones et Steve Marriott le furent en Grande-Bretagne. Et comme le Rusty de Rintintin, il démarre très tôt à Hollywood dans une série intitulé Circus Boy. Les épisodes durent une demi-heure et racontent les pérégrinations de Corky et de son éléphant Bimbo, dans le milieu du cirque au début du XXe siècle. Il devient tellement célèbre qu’il tourne à travers les États-Unis avec Bimbo et apprend à jouer de la guitare et à chanter. Ce cirque dure trois ans, au terme desquels on trouve Micky trop vieux pour le rôle. Fin de la série. Alors il passe du statut de star hollywoodienne à celui moins enviable de collégien. Il quitte un monde féerique pour se heurter de plein fouet à la banalité de la vie normale.

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             Plus tard, Bob Rafelson et Bert Schneider montent la série télé qu’ils intitulent The Monkees. Dolenz dit que ça marche parce que Bob & Bert sont eux aussi des mecs assez jeunes et assez irrévérencieux, ce qui à l’époque est plutôt atypique dans le milieu. À l’époque, John Lennon déclarait que les Monkees tels qu’on les voyait à la télé s’apparentaient plus aux Marx Brothers qu’aux groupes pop auxquels on voulait les comparer - The Monkees were Marx Brothers with long hair - Bob & Bert informent Micky Dolenz qu’il sera le batteur du groupe. Mais Dolenz dit qu’il ne sait pas jouer de batterie. Dommage car les autres places sont déjà prises par des gens accomplis : Nez et Peter, guitare et basse, et Davy lead singer et tambourin. Alors en bon pro hollywoodien, Dolenz apprend à jouer de la batterie. Et si les Monkees sont devenus si populaires, Dolenz insiste bien là-dessus, c’est parce qu’il s’agissait d’abord d’une entreprise collective. Autour de Bob & Bert, on trouve Lester Sill et Don Kirshner, le duo de songwriters/producteurs Tommy Boyce & Bobby Hart, et d’autres compositeurs de prestige comme Carole King, Neil Diamond, Harry Nilsson, Paul Williams, David Gates et Carole Bayer Sager. Redémarrer les Monkees comme ils ont tenté de le faire dans les années quatre-vingt était quasiment impossible sans tout cet entourage. Eh oui, si les albums des Monkees sont bardés de hits, c’est bien grâce à tous ces auteurs. Quand Lester Sill reçoit Dolenz pour la première fois dans les bureaux de Screen Gems, il l’emmène dans un couloir et frappe à une première porte. «Knock-knock, Micky, meet David Gates !». Une autre porte, «Knock-knock, Micky, meet Carole Bayer Sager !».

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             Autre composante fondamentale dans la genèse des Monkees : au sein du groupe, les styles sont très différents : Davy a un style très Broadway, Nez un style très Country & Western et Peter va plus sur le folk, car il vient de Greenwich Village, comme d’ailleurs Stephen Stills. Comme il a la plus belle voix, Micky Dolenz va chanter tous les grands hits, «Last Train To Clarksville», «I’m A Believer» et tous les autres. Une faille apparaît très vite dans le Monkee System : Nez exige the musical integrity and the creative control. Car évidemment, les Monkees ne jouent pas sur leurs albums et ne composent rien. Ils ne font que chanter. Il entame une partie de bras de fer avec le pouvoir, c’est-à-dire Don Kirshner. Il en fait même l’ennemi numéro un du groupe. Pour le calmer, Kirshner lui octroie le droit d’enregistrer deux compos à lui par album, mais ce ne seront pas des hits, loin de là. Dans une réunion, Nez exige le contrôle total des albums des Monkees et il annonce que s’il ne l’obtient pas, il quitte le groupe. Un avocat nommé Moelis lui répond qu’il ferait mieux de jeter un coup d’œil à son contrat : «Son, you can’t quit unless we tell you you can quit !». Cette déférence méprisante met Nez hors de lui. Il réussit par miracle à conserver son calme, se retourne et défonce la cloison d’un violent coup de poing : «That could have been your face, motherfucker !». Nez ne perd pas de temps et convoque une conférence de presse pour annoncer au monde entier que des musiciens de studio jouent sur les deux premiers albums des Monkees. Une belle façon de révéler ce qu’il considère comme une petite arnaque. Parmi les musiciens non crédités qu’on trouve sur ces deux albums figurent Glen Campbell, Hal Blaine, Earl Palmer, Buddy Miles, Billy Preston, Harry Nilsson, Stephen Stills, Neil Young et Carole King. Pardonnez du peu. Ce sont les méthodes californiennes de la Grande Efficacité.

             Concernant ses collègues, Dolenz reste très réservé. Il indique toutefois que Peter Tork et Nez ne s’entendaient pas très bien et quand Peter fut le premier à quitter le groupe, ce fut au grand soulagement de Nez qui entendait devenir ce qu’il voulait être depuis le début, le leader des Monkees. Réduits à un trio en décembre 1968, les Monkees enregistrent Instant Replay et Monkees Present. Mais encore une fois, ces albums se vendent moins bien que ceux de la première époque. Don Kirshner savait ce qu’il faisait.

             Dolenz va ensuite venir s’installer à Londres chez Harry Nilsson, à Mayfair. Endroit maléfique, puisque Mama Cass et Keith Moon vont y mourir. Dans l’appendice du book, Mark Bego rappelle que les Monkees vont enfin enregistrer un album entier de compos à eux, Justus, en 1996. Comme indiqué dans le Part One, Justus pourrait bien être le meilleur album des Monkees. Et curieusement, ce sont les compos de Micky Dolenz qui mordent la poussière. 

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             Peter Mills nous rappelle que Davy Jones a écrit deux livres. On peut se contenter de lire le premier, They Made A Monkee Out Of Me. C’est largement suffisant. Il n’est pas inutile de rappeler que Davy Jones est originaire de Manchester et qui s’est retrouvé jeune prodige dans des comédies musicales, à Londres puis à Broadway. Ce qui frappe le plus chez lui quand on le voit à l’écran, c’est la petitesse de sa taille. Bon, son book n’est pas un chef-d’œuvre littéraire, loin s’en faut, il parle beaucoup de son père, pur working-class lad de ‘Chester. Il rappelle aussi que c’est grâce à Aunt Jessie qu’il a commencé à faire du théâtre. En réponse à une annonce («Wanted school boys to audition for radio play») parue dans le Manchester Evening News, Aunt Jessie écrivit : «You must audition my nephew, David. He’s very good. He played Abdullah, the Turkish Magician.» Et voilà comment on se retrouve à Hollywood. Après un premier succès à Londres, le jeune Davy is going West. Bruce Prochnick qui le voit sur scène à Broadway est effaré par son talent : «It was obvious that this kid had everything.» Davy a 16 ans quand il joue dans Oliver. C’est juste avant l’arrivée des Beatles. Puis le succès d’Hard Day’s Night donne l’idée des Monkees aux producteurs - Four rock’n’roll musicians trying to make it, living together in a house in Malibu Beach - Même plan, il faut juste remplacer les costumes Pierre Cardin par des maillots de bain. Rafelson et Schneider se jettent à corps perdu dans le projet et commencent à auditionner. Davy, Bob & Bert écument les clubs et trouvent d’autres gens : Micky Dolenz qui s’appelle alors Micky Braddock. Davy insiste, si c’est lui qu’il faut ! Ils trouvent aussi Chip Douglas, Jerry Yester et Bill Chadwick. Davy est avec Lester Sill et Ward pour auditionner un certain Michael Blessing qui se pointe avec son sac de linge sale et son bonnet à pompon vert. Papa Nez ! Donc Davy s’octroie un petit rôle moteur dans la genèse des Monkees. L’autre détail biographique intéressant dans son book est le petit jeu auquel se livrent les quatre Monkees et un certain Frawley : leur jeu s’appelle Killer. Chacun a droit à trois coups par jour, le gun ce sont les deux doigts de la main, on mime le gun et quand on tire, il faut faire tssshhh ! Frappée d’une balle dans la poitrine, la victime doit s’écrouler, comme au cinéma - Whoever was shot had to die - Et celui qui a perdu ses trois vies est éliminé. Davy raconte qu’il s’apprête à embrasser une fille quand Peter l’interpelle, «Oh David !», et lui tire dessus, tssshhh ! Alors Davy doit s’écrouler et se convulsionner au sol comme dans un western. Ou s’écrouler à travers une porte. Ou s’écrouler sur un parking -  Arrrgh shot ! - Et puis un jour le jeu ne marche plus. Frawley ne veut plus mourir. Dolenz lui tire dessus. Rien. Nez tire à son tour. Rien. Puis Davy tire - All the feeling was gone. The beginning of the end - Ce que confirme le tournage de Head - Kill the Monkees - C’était le mot d’ordre.

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             Vers la fin de son book, Davy propose une série de portraits de gens qu’il a connus, comme par exemple Phil Ochs : «Un jour je suis allé chez lui. Comme d’usage, la porte n’était pas fermée, aussi je suis entré. Il y avait un plat sur la table qu’il n’avait pas fini de manger, de la vaisselle dans l’évier, des cendriers pleins, et le lit n’était pas fait. Pas de Phil. Je me suis dit que j’allais le rappeler plus tard. Mais je n’ai pas réussi à l’avoir. Il venait de quitter sa maison en laissant les choses en l’état. Il avait pris l’avion pour New York et s’était pendu.» Il brosse bien sûr des portraits de ses collègues, à commencer par Peter Tork : «Peter portait des pantalons moulants. Il ne s’intéressait pas à la mode. Il suivait la sienne. C’est la première fois que je voyais quelqu’un porter des chaussettes de couleurs différentes. Il portait la boucle de son ceinturon sur le côté. Il détestait les boots. Il portait toujours des sandales ou des mocassins. Il marchait avec une certaine allure, beaucoup d’aisance, en balançant ses bras. Il soignait l’hystérie et la dépression chez les autres.» Et plus loin il ajoute : «Musicalement, il est le plus doué de nous tous. Ses chansons sont de vraies chansons. «For Pete’s Sake» est de toutes les chansons ma chanson préférée. On rigolait à l’époque où Peter distribuait tout ce qu’il possédait. Mais il l’a fait pour de vrai. Il avait toujours une chambre libre pour qui avait besoin d’un hébergement.» Joli portrait aussi de Nez que Davy appelle Nes - Il aimait le style, Nes et sa limousine Cadillac, Nes et son garde du corps/chauffeur anglais, Alfie Weaver, Nes et son berger allemand Frak entraîné à tuer qui en jour planta ses croc dans ma tête sans même quitter le sol

             Dans les 300 pages de The Monkees, Head And The 60s, Peter Mills rebrasse tous ces éléments pour dire l’importance du phénomène Monkees. Il est persuadé que les Monkees sont des gens brillants et il a raison. Il en fait un postulat.

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             Il revient aux origines du phénomène avec le fameux casting de recrutement pour indiquer que des gens connus s’étaient portés candidats : Bryan McLean, le guitariste de Love, Stephen Stills, Jerry Yester, compagnon de Judy Henske et futur Lovin’ Spoonful. Stills n’est pas retenu car il a les dents pourries et commence à perdre ses cheveux. Il recommande alors son pote Peter Tork.

             Quand ils ont obtenu leur indépendance artistique et qu’ils commencent à tourner, les Monkees font sur scène des numéros radicalement différents : Davy fait le show avec de grandes chansons, Micky Dolenz fait du James Brown et se roule par terre comme on le voit dans le biopic Daydream Believers dont on va reparler plus loin, Peter Tork joue des airs de banjo, comme on le voit dans les concerts de reformation, et Nez rend hommage à Bo Diddley et Big Dix avec «You Can’t Judge A Book By Looking At The Cover».

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             Mills rappelle que Davy Jones monte sur scène à Broadway en 1963, neuf mois après ses débuts à Londres. Puis il attire l’attention de Columbia et il se retrouve en Californie pour jouer dans une comédie musicale inspirée de Dickens, Pickwick. Il est sous contrat avec Screen Gems. Tork passe lui d’un univers magique à l’autre : il arrive de Greenwich Village et devient le quintessential Laurel Canyon flower child : il fait partie de la bande à Stephen Stills, avec David Crosby, Buddy Miles et Jimi Hendrix, comme l’explique si bien Richie Furay dans l’excellent Buffalo Springfield book dont on va bien sûr reparler. Quant au Texan Nez, il en pince pour Hank Williams et, comme on l’a dit, Bo Diddley, ce qui va lui permettre de créer un style qu’il faut bien qualifier d’unique, la country Soul - country shapes and pop moves and a dash of R&B in the rhythm section - avec l’aide de Chip Douglas, ex-Modern Folk Quartet qui fait brièvement partie du Gene Clark Group, puis des Turtles, auquel Nez demande de produire les Monkees. Nez le chope un soir au Whisky A Go Go et lui dit qu’il aime bien ce qu’il a fait avec les Turtles, notamment son jeu de basse dans «Happy Together». Chip Douglas dit que les albums des Turtles étaient les mieux produits de cette époque.

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             Autre composante fondamentale du mythe des Monkees, le Brill Building sur lequel l’ami Mills s’étend longuement. Il dit avoir toujours connu l’adresse par cœur : 1619 Broadway, New York, NY 10019, United States Of America. C’est la même choses à ses yeux que London’s Tin Pan Alley on Denmark Street, in London W1. Quand Mills débarque à New York pour la première fois, il va directement voir le Brill. Don Kirshner a tous les grands auteurs sous contrat, comme le rappelle Davy Jones : «He had the Carole Kings and the Neil Diamonds and Carole Bayer Sagers, the Neil Sadakas, the Nilssons, Barry Mann, Cynthia Weil, Leiber & Stoller, Sears & Roebuck, Neiman & Marcus, he had them all under contract!». Kirshner est «The Man With The Golden Ear», il sait reconnaître un hit. Mais il est par dessus tout un businessman de talent. Il hésite pourtant à mettre Boyce & Hart sur le projet des Monkees. Il veut des mecs plus chevronnés. Il leur dit : «Sure you guys had hits as writers but for a project of this magnitude, we need producers that have a proven track record.» Il n’empêche que Boyce & Hart vont faire l’affaire. «Last Train To Clarksville» est une merveille intemporelle. Et la voix de Micky Dolenz !

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             Quand Peter Tork quitte le groupe en 1968, c’est le commencement de la fin. Head est un échec commercial retentissant. Puis Nez se barre. Davy Jones et Micky Dolenz continuent à deux, mais pas longtemps. Après la fin des Monkees, les choses se compliquent. Micky Dolenz continue de vivre la grande vie car sa mère a du blé, alors ils participe aux légendaires débauches hollywoodiennes en compagnie d’Alice Cooper, Keith Moon, Harry Nilsson et John Lennon. Peter Tork qui avait distribué tout ce qu’il possédait a du mal à s’en sortir. Il se fait en plus choper à la frontière mexicaine avec un stash de marijuana et passe deux mois au ballon. Nez fait comme on l’a dit des albums spectaculairement bons. Il vit bien car sa mère qui a inventé le Typex est milliardaire. Dolenz et Jones remontent une première fois les Monkees avec Boyce & Hart et partent en tournée. Le groupe s’appelle Dolenz, Jones, Boyce & Hart. Les fans ont pris un coup de vieux, mais ils viennent aux concerts. Dolenz, Jones, Boyce & Hart enregistrent aussi un album sur lequel il va falloir revenir. En fait les ex-Monkees font tous des albums solos, c’est la foire à la saucisse. Rhino Records réussit à rallumer le mythe des Monkees avec Justus, premier album entièrement composé, interprété et produit par les Monkees, depuis Headquarters. Puis Rhino va exhumer les inédits des Monkees, trois volumes, avant d’être absorbé par Warner en 1999. 

             Mills cite les groupes qui se réfèrent aux Monkees : Yo La Tengo et les Go-Betwwens et plus tard The Lemon Twigs et Foxygen. Pas mal ! Dans les annexes, le mec de KLF Bill Drummond explique que même si les Monkees n’ont écrit aucun de leurs grands hits, et qu’ils ne jouaient pas sur leurs disques, ils avaient «un power - a force. I knew the Monkees were great art.» Il dit aussi qu’à l’époque où il jouait dans Big In Japan, ils rêvaient lui et ses copains d’être les Monkees alors que les autres groupes rêvaient d’être Pere Ubu ou les Talking Heads ! Puis il est devenu manager d’Echo & The Bunnymen et il dit avoir mis le paquet pour en faire the best band that we could : «Le public ne se rend pas compte du travail que ça représente, ni même le groupe d’ailleurs et encore moins les journalistes de la presse rock. Sans ces efforts et la foi dans le groupe, ça ne peut pas marcher. C’est pourquoi les projets solo de band membrers ne marchent généralement pas.» C’est la façon qu’a Drummond d’expliquer que les Monkees ne sont pas tombés du ciel. Quand Drummond loue pour le groupe le dernier étage d’une massive Victorian house on the edge of Sefton Park in Liverpool, c’est pour recréer l’équivalent de la Monkees house on the ocean front of Malibu. Il dresse aussi un parallèle entre les Monkees et le Velvet : les deux avaient un mentor : pas de Velvet sans Warhol et pas de Monkees sans Kirshner, et les deux histoires se déroulent au même moment, entre 1966 et 1968. Les deux histoires ne doivent rien ni à Haight Ashbury (pour les Monkees) ni à Woodstock (pour le Velvet). Drummond se dit aussi fasciné par Head. Il ajoute que l’échec commercial de Head was the perfect ending for the ultimate manufactured band.

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             Le cœur du Mills book est bien sûr Head qu’il épluche dans le moindre détail. Il revient évidemment sur la genèse du film : Bob & Bert, Nicholson, les Monkees et le manager Brendan Cahill s’enferment pendant quatre jours dans un motel d’Ojai, en Californie et prennent de la dope à des fins créatives. Le biopic Daydream Believers recrée bien l’épisode, avec Nicholson qui leur balance : «You guys could be like danndruff in somebody’s hair...». Micky Dolenz comprend après coup que le but était non seulement de déconstruire les Monkees, mais aussi de déconstruire Hollywood. Le film fourmille de plans provocateurs, des pastiches de westerns et de Lawrence d’Arabie. Rafelson indique aussi que Nicholson a construit le script sur le modèle d’un acid trip. C’est encore Nicholson qui dessine le logo des Monkees en forme de guitare. Et puis Mills salue chaleureusement la prestation du Hollywood wildman Timothy Carey qu’on appelle un ‘heavy’ dans les studios.

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             Peter Mills consacre les deux tiers de son book au film de Bob Rafelson. Head est une tentative de loufoquerie cinématographique qui ne fonctionne pas. Pourquoi ? Parce que les Américains ne savent pas le faire. Dada et sa séquelle le surréalisme n’auraient jamais pu exister ailleurs qu’en Europe. Il faut du terreau culturel, du sang de fin de race et un don particulier pour la pure extravagance intellectuelle, trois éléments qui n’existent pas aux États-Unis. Ils ont autre chose, mais certainement pas ça. L’intérêt d’Head est qu’on voit les Monkees saboter leur image, c’est voulu, comme on le sait. On voit Micky Dolenz sauter du pont d’Amérique sur fond sonore d’un «Porpoise Song» très beatlemaniaque. Rafelson enchaîne des plans totalement dépareillés : les quatre Monkees sont dans une tranchée sous les bombardements et ils se retrouvent après l’assaut d’une caverne sur scène tout de blanc vêtus pour un fabuleux «Circle Sky» que chante Nesmith tout en grattant sa SG blanche - And it looks like we’ve made it once again - Ils sonnent comme les Byrds. Puis Rafelson commence à jongler avec les métaphores douteuses : Micky Dolenz erre dans le désert et tombe sur un distributeur de coca qui est God. On voit arriver un cavalier bédouin sosie d’Anthony Quinn dans Lawrence D’Arabie, puis un char de l’armée italienne dont le conducteur se rend, ainsi que toute l’armée italienne, Dolenz monte dans le char et tire sur God, boom ! Drôle de mélange : on voit la fameuse exécution du Vietcong à Saïgon, puis Dolenz se retrouve prince arabe avec un harem sur fond de «Can You Dig It». On se lasse assez vite de toute cette frénésie superficielle. Ils font des pastiches de westerns avec des flèches dans la poitrine puis Timothy Carey vient voler le show avec sa peau de mouton et une corde de pendu autour du cou, Davy Jones se fait boxer la gueule sur un ring par Sonny Liston et les quatre Monkees se retrouvent dans les cheveux de Victor Marure, c’est l’idée de base de Nicholson, dandruffs, c’est-à-dire des pellicules. Ils sont aspirés et Rafelson enchaîne avec le délire de la boîte noire. Mais Davy Jones s’échappe et s’en va danser à Broadway, il fait son Fred Astaire, on voit aussi Frank Zappa et une vache sortir d’un studio d’Hollywood. Il est évident que ce film ne pouvait pas marcher commercialement. Trop barré, trop n’importe quoi. Le film se termine par une poursuite géante que le pont d’Amérique et les quatre Monkees plongent dans le Pacifique pour aller nager solarisés avec des sirènes. Tout ça est bien résumé dans Daydream Believers, le biopic que Neill Fearnley consacrait aux Monkees en 2001 : il reconstitue quelques plans comme la birthday party géante très psychédélique, mais il montre aussi les salles de cinéma qui se vident lors de la projection d’Head. Pour une fois, ce biopic est assez réussi, les quatre acteurs collent bien aux personnages, Nez porte son bonnet à pompon vert et il arrive bel et bien à l’audition d’embauche avec son sac de laundry. On voit aussi Don Kirshner qui demande le contrôle artistique total du groupe pré-fabriqué. Il a les auteurs et pouf, ça démarre avec l’excellent «Last Train To Clarksville», Tork on bass et Nez on guitar et ce fantastique shouter de Dolenz ! Et ça continue avec «Hey Hey Hey We’re The Monkees». Micky Dolenz apprend à battre le beurre pour son rôle de batteur dans la série télé. Il n’y aura que deux séries d’épisodes. Comme Nez insiste pour jouer sur scène, on envoie les Monkees jouer à Hawaï. Encore un hit mondial avec «I’m A Believer» cette fois composé par Neil Diamond, ils portent tous les quatre leurs chemises rouges à huit boutons. Tout va bien jusqu’au moment où Nez tape dans le mur et demande la liberté. Le biopic restitue bien les épisodes de Monkeemania on stage avec les filles qui hurlent, Dolenz bête de scène sur Stepping Stone, puis Kirshner est viré. Les Monkees enregistrent Headquarters, un album plutôt raté. Ils savent que c’est pas bon. Not good enough. Lors d’une tournée, ils ont Jimi Hendrix en première partie, mais le public de gamines réclame les Monkees, alors Jimi sort de scène écœuré. On voit les Monkees habillés en blanc chanter «Daydream Believer» et cette façon qu’a Davy Jones de danser avec les hanches et le buste, tout en frottant les semelles ! Ah c’est un style ! La troisième série d’épisodes TV est annulée et c’est là que les Monkees, Rafelson et Nicholson auront l’idée «géniale» de tourner Head - You guys could be dandruffs in somebody’s hair.

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             Tant qu’on est dans les Monkees movies, on peut aussi jeter un œil sur les deux films qui documentent bien les reformations, surtout le Live Summer Tour qui date de 2002. Les Monkees ne sont que trois, Tork, Jones et Dolenz. L’intérêt de ces films est de voir Dolenz sur scène. Il s’est empâté mais quel fantastique chanteur ! Davy Jones a rapetissé et Peter Tork ressemble au coucou d’une horloge suisse. Ils démarrent avec l’excellent «Last Train To Clarksville». Ils chantent ensuite tous les trois à tour de rôle, Jones et Tork s’en sortent avec les honneurs, surtout Tork avec «For Pete’s Sake», c’est solide as hell, fin et ouvragé. Il faut voir Dolenz poser sa voix sur «The Girl I Knew Somewhere» : il va chercher le gorgeous avec une puissance et une mélodicité exceptionnelles. Puis il s’installe à la batterie pour «Mary Mary». Tout ce qu’il fait est bien. Il revient taper une impro jazz sur «Goin’ Down» et les trois Monkees dansent. Dolenz est un artiste complet, c’est surtout lui qu’il faut suivre. Ces trois vieux crabes font le show, pas de problème. Tork fait le clown au banjo et son «Higher & Higher» se révèle solide. Et quand ils attaquent la série finale des hits sixties, toutes les vieilles du public viennent au pied de la scène danser le jerk. «A Little Bit Me A Little Bit You» est le jerk sixties parfait. Dolenz chante «I’m A Believer» avec Tork à l’orgue. Dolenz le finit en force et ça enchaîne aussi sec avec «Steppin’ Stone» et ils finissent en apothéose avec «Pleasant Valley Sunday», l’un des hits les plus précieux de l’âge d’or du rock sixties. Pur génie pop ! 

    Signé : Cazengler et monkee, c’est du poulet ?

    Michael Nesmith. Disparu le 10 décembre 2021            

    Michael Nesmith. Songs. Box Edsel Records 2019

    Michael Nesmith. Infinite Tuesday. An Autobiographical Riff. Crown Archetype 2017

    Micky Dolenz. I’m A Believer. Cooper Square Press 2004

    Davy Jones. They Made A Monkee Out Of Me. A Book’s Mind 2014  

    Peter Mills. The Monkees, Head And The 60s. Jawbone 2016

    Bob Rafelson. Head. DVD Rhino 1994

    Monkees. Heart & Soul. The Reunion Tour Story. DVD Rhino 1988

    Monkees. Live Summer Tour. DVD 2002

    Neill Fearnley. Daydream Believers. The Monkees’ Story. DVD 2001

    Bob Mehr, The Mojo Interview : Mike Nesmith. Mojo # 292 - March 2018

    David Fricke : The cat in the hat. Mojo # 340 - March 2022

    Martin Ruddock : Beyond the blue horizon. Shindig! # 124 - February 2022

      

    Le père Noel n’est pas une ordure

     

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             Une belle actualité sur Noel Gallagher n’est pas pour nous déplaire. Il fait même la une du vieux Record Collector. Toujours la classe, au moins autant que son frère. Il est aussi l’invité du fameux Mojo Interview, avec comme toujours un portrait soigné en page de gauche de la double d’ouverture. Fuck, le père Noel vieillit extraordinairement bien, il arbore toujours la même gueule de rock star anglaise. Le genre de gueule qui ne peut exister qu’en Angleterre : Brian Jones, Keef, Liam Gallag, Rod The Mod, Jeff Beck, Jackie Lomax, pour n’en citer que six.

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             Dorian Lynskey branche le père Noel sur son enfance, alors forcément, ça démarre en trombe. Pas le genre de famille qui encourage les gosses à suivre leurs rêves - Get out to work. Earn your keep, that was it - Quant à l’obsession pour les Beatles, elle commence avec la mort de John Lennon. Intrigué, le jeune père Noel creuse dans l’histoire des Beatles pour savoir qui était ce mec. Puis ça embraye très vite sur Oasis et la soudaineté du succès. Le père Noel rappelle qu’un groupe indé ne pouvait pas espérer mieux que de remplir Brixton Academy, et pouf les voilà dans les stades, et ça secoue tellement que pour garder les pieds sur terre, le père Noel compose - The thing that kept me grounded was the songwriting - Alors bien sûr il parle de ses chansons, pas forcément celles qu’on préfère, comme «Wonderwall» ou «Don’t Look Back In Anger», mais ce sont les plus populaires. Et puis il y a les drug-songs, comme «Champagne Supernova» et là le père Noel a de la coke plein les yeux - Typical ‘90s scene - And the songs fell out of the sky. Songs used to fall out the sky every fucking day in the ‘90s - Alors Lynskey en profite pour lui demander s’il a besoin de se doper pour composer. Le père Noel lui fait une réponse à la Happy Mondays : «I don’t think I ever NEED to be on drugs, it’s just that I always WAS on drugs.» Il ajoute que ça lui permettait d’éviter de se poser des questions. Globalement, le père Noel est assez fier de ses compos. Il n’hésite pas à dire que des tas de compositeurs voudraient bien avoir eu au moins deux de ses chansons. Mais en même temps, il avoue qu’au fil des albums, la qualité des compos baissait : «We were still playing stadiums while not being very good.» C’est en effet ce qu’on voit dans les concerts filmés dans les stades. Oasis perd le punch du premier album. 

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             Que fait le père Noel pendant que son frère règne sans partage sur l’empire du rock ? Des albums avec les High Flying Birds. En 2011 paraît Noel Gallagher’s High Flying Birds. S’il y a une chose que le père Noel sait faire, c’est ramener non pas des jouets mais du son. On peut même dire que c’est son boulot. Mais sa voix n’est pas bonne. Il retombe à plat, il a beau gueuler son «Everybody’s On The Run», ce n’est pas ça. Liam l’aurait explosé. Le père Noel fait entrer des grosses orchestrations de Cecil B. de Mille pour cacher la misère, mais il manque l’essentiel : Liam. Liam d’Oasis. Par contre le père Noel est plus à l’aise avec le stomp, comme le montre «Dream On». C’est sa véritable identité. Il ramène le stomp des quartiers de Manchester et là ça prend une certaine allure. Voilà un hit de pop anglaise comme seul le père Noel sait en pondre. Il est dans les Beatles et les Small Faces, et là mon gars, t’as du solide. Ce mec génère du génie sonique, c’est mieux que de générer du profit. Il chante au sommet de son shout it out for me, on assiste à une superbe déflation de la livre anglaise, il chante par dessus les toits de Manchester, comme jadis John Lennon et Jackie Lomax chantaient par dessus les toits de Liverpool. Tous ces mecs sont incomparables. La meilleure pop vient d’Angleterre. Nous voilà de nouveau confrontés aux dures réalités. Puis il allume un heavy balladif mancunéen avec «If I Had A Gun», il chante à la revancharde et fait de l’Oasis sans Liam, alors c’est assez frustrant. Désolé, père Noel, mais pas mal de cuts n’ont aucun intérêt. Sa voix ne peut pas nous intéresser. On préfère celle de Liam. Forcément, le nom d’Oasis génère du following, mais il faut rester prudent. Il réussit à faire monter en pression «Aka What A Life» avec des claqués d’accords énormes et ce sera sa dernière tentative de putsch. Il tente un retour au glam qui ne marche pas avec «(Stranded  On) The Wrong Beach» et il finit à coups d’acou avec «Stop The Clock», le côté formaliste anglais à la con, ah on va finir avec un coup d’acou, mais il manque toujours la voix.

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             Le père Noel revient aux affaires trois ans plus tard avec Chasing Yesterday. Dès «Riverman», il gratte sa gratte. Il est toujours dans le mid-tempo, dans cette excellence du relentless mancunien, pas manucuré. Et puis voilà qu’il ramène les big guitars du rock anglais, c’est à la fois très puissant et bien torturé, claqué dans l’évanescence, en lien avec nos réalités et un sax vient traîner ses savates dans le son. Well done, père Noel ! Puis il amène «In The Heat Of The Moment» au stomp sans peur et sans reproche. Il peut gueuler, mais il n’a pas la voix de Liam. Liam is the man, ça saute aux yeux. L’autre cut bingoïde de l’album s’appelle «Lock All The Doors». Ça signifie le retour des bazookas et des guitares en feu, c’est-à-dire the supersonic Gallag sound qui a réveillé la vieille Angleterre. C’est explosé en plein vol, le père Noel se noie dans le crush des guitares, il disparaît dans un fantastique Wall of sound, il devient l’Achab des océans, le Victor Hugo des Contemplations, mais un contemplations que tu vas prononcer à l’Anglaise en te régalant du shionne, le père Noel commande aux éléments et un solo vient flotter à la surface de l’excelsior, dans l’écume des limbes sacrées. La magie sonique des Gallag n’était pas une vue de l’esprit. Il fait plus loin un «Right Stuff» qui n’est hélas pas celui de Captain Lockheed, repris et magnifié par Monster Magnet. Avec «While The Song Remains The Same», le père Noel va se lover dans le giron d’une pop de let me go. Il semble vouloir faire de l’Adorable mais sans la voix de Piotr. Le père Noel n’a pas de voix, c’est une dure réalité, il peut gratter tout ce qu’il veut, mais sans la voix. On lui passe cette incartade pour aller saluer «You Know We Can’t Go Back». Il y drive son biz au big beat, il va au plus court, il sait qu’on n’a pas le temps. Il ramène vite fait le pouvoir absolu d’Oasis et les solos d’exception. Alors on serre la pince du lad pour le remercier.

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             Dans l’interview qu’il accorde à Chris Catchpole, le père Noel révèle qu’il existe chez lui des tas d’inédits d’Oasis, notamment une version d’«It’s All Too Much» enregistrée le jour de la mort de George Harrison, avec Alan White et Johnny Marr. Alors évidemment, Catchpole qui porte bien son nom revient sur le split d’Oasis à Paris en 2009. Il rappelle qu’en 18 ans d’existence, les deux frères se sont souvent affrontés, mais la shoote de Paris en 2009 signa l’arrêt de mort du groupe. Lorsqu’il revient sur Oasis, le père Noel est catégorique : «I’ve only ever had the songs and that’s where, with the Liam thing, that’s what made Oasis great.» Il sait aussi qu’avec ses nouvelles chansons, le père Noel n’est plus obligé de chanter les vieux hit d’Oasis quand il monte sur scène. It’s all good. Puis il revient longuement sur l’Hacienda et l’acid house qui pour lui était le vrai truc, avec bien sûr les Smiths, Happy Mondays, Joy Division et les Roses. Il adore la diversité des goûts dans le rock, ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas, il se dit même fasciné par the «fascistness» of the tribes in music, mods and rockers and punks, ce qu’on appelle en France le sectarisme et il s’empresse d’ajouter qu’il est open-minded, even jazz. En ce moment il est dans Sun Ra - Of course everybody likes fucking Sun Ra - Il ajoute que Sun Ra is the rock guy’s version of jazz - It’s far out - And Archie Shepp who I just got into - C’est sa façon d’annoncer que la porte est ouverte à toutes les possibilités - The road’s open now for anything, really. Apart from heavy métal, of course. Heavy metal’s a bit shouty - C’est aussi sa façon de nous rassurer.

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             Et trois ans plus tard, qui que revoilà ? Le père Noel avec Who Built The Moon. Un album plus faiblard que le précédent, sauvé des eaux par deux coups de génie oasiens : «Holy Montain» et «Keep On Breaching». Ce sont deux raisons majeures de rapatrier cet album qui se présente comme un petit book emboîté, mais bon, il n’y a pas grand chose dans le petit book, de beaux photo-montages réalisés par un photoshopman, et comme on n’est pas là pour ça, on feuillette vite fait et on range pour aller se cogner un coup d’«Holy Mountain». The père Noel is on the move. Il veut un hit alors il le fabrique, il ramène des chœurs de Dolls et du heavy bad beat et boom, ça marche. Il enchaîne avec «Keep On Breaching». Comme il n’a pas la voix de Liam, il compense comme il peut et ça donne de l’Oasis à la petite semaine. L’essentiel est qu’il ramène du rock en Angleterre. C’est lui le frère de la rock star, alors il fait ce qu’il veut. Dommage que ce soit sans Liam - But can you keep a secret ? - Alors après, ça se gâte. Il pompe dans le Walrus pour «Be Careful What You Wish For». Il fait du sous-cutané lennonien, il cherche à retrouver le chemin des voies impénétrables, sa vieille fascination pour Lennon le travaille au corps, mais cette fois, il est d’une maladresse incroyable. Il fait du pompé de Pompéi et ça ne marche pas. Il vaut mieux écouter la légendaire cover d’«I’m The Walrus» qui date du temps d’Oasis. Puis on voit que les cuts peinent à jouir. Le père Noel va chercher la petite pop d’arpèges avec «Black & White Sunshine». On attend de la magie et il nous sert de la betterave. «If Love Is The Law» stagne dans la petite pop énervée. Le problème du père Noel, c’est qu’il fait des albums moins percutants que ceux de Liam. Il va puiser dans les vieux marigots, mais on sent le manque d’inspiration. Pourtant, on voit bien avec le «Fort Knox» d’ouverture de bal qu’il cherche à repousser les frontières, mais ça va bientôt faire trente ans qu’il repousse les frontières, et on comprend qu’il puisse en avoir ras le cul. Bon, il est temps de te dire adieu, père Noel, merci de ta légende et de ta générosité.

    Signé : Cazengler, gallaglaire

    Noel Gallagher’s High Flying Birds. ST. Sour Mash 2011        

    Noel Gallagher’s High Flying Birds. Chasing Yesterday. Sour Mash 2014    

    Noel Gallagher’s High Flying Birds. Who Built The Moon? Sour Mash 2017

    Dorian Lynksay : The Mojo Interview - Mojo # 332 - July 2021

    Chris Catchpole : Ballad of the mighty N. Record Collector # 519 - June 2021

     

    L’avenir du rock

     - Cruisin’ with the Cruisers (Part Two)

     

             Au courrier, l’avenir du rock trouve une invitation : le premier «Marché aux Actions Remarquables», organisé par la DRH d’une multinationale renommée, l’IUI (International Underground Incorporated). Initiative intéressante, se dit l’avenir du rock qui file aussitôt chez son voyagiste acheter un billet d’avion et réserver un hôtel. Arrive le jour dit. Les organisateurs ont installé le marché dans un grand hall d’exposition. C’est un vrai marché, avec ses stands en toile rayée bleue et blanche. Mais au lieu de vendre des saucisses et des pommes de terre, les exposants proposent leurs excentricités. Il y en a pour tous les goûts. L’avenir du rock s’engage dans l’allée centrale et tombe tout de suite sur le stand des Schizophonics. Il y a un petit attroupement, car Pat Beers, grimpé sur une table de camping, s’apprête à faire un numéro : il respire profondément et exécute un triple saut périlleux arrière en grattant des accords du MC5. Les gens applaudissent poliment. Un peu plus loin se dresse le stand de Turbonegro. Pour remplacer Hank Von Helvete qui a eu l’indélicatesse de casser sa pipe en bois, Euroboy et Happy Tom ont déguisé une poupée gonflable en Prince des Ténèbres. Ce curieux hologramme d’Hank a le cul nu, tourné vers l’allée. Dans le trou de ce cul est enfoncé un feu de Bengale qu’Euroboy remplace par un neuf dès qu’il s’éteint. Au stand Sleater-Kinney, Carrie Brownstein se roule par terre avec sa guitare : elle tente de battre le record mondial d’enchaînement de crises d’épilepsie. Au stand Endless Boogie, Paul Major est lui aussi grimpé sur une table de camping, histoire de montrer qu’il a les cheveux les plus longs du monde. Les pointes de ses cheveux atteignent en effet le sol. Plus loin, au stand des Black Lips, Cole Alexander crache jusqu’à trois mètres en l’air et des admirateurs ouvrent la bouche pour tenter de récupérer ces mollards de rock star. On peut aussi voir le Reverend Beat-Man danser la carmagnole sur son étal et Tav Falco danser le tango avec Belphegor. L’avenir du rock tombe enfin sur ses préférés : Left Lane Cruiser, qui assis dans des chaises, piquent des crises.

     

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             S’il n’en reste qu’un, ça pourrait bien être Freddy J IV, le roukmoute de la conduite à gauche, le rock-blues man issu de la nuit des temps et qui sera là jusqu’à la fin des temps du rock, car enfin, les accords restent les accords et le raw reste le raw, mais le raw qu’épure à n’en plus finir Freddy J IV atteint une sorte de niveau supérieur. Oh bien sûr, on parle souvent de niveau supérieur ici sur KRTNT, ça banalise de ramener à tout bout de champ des coups de génie et des coups de Jarnac, mais en fait, le problème n’est pas là. C’est parce qu’on atteint les limites du langage qu’on tourne en rond parmi les mots.

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    Il faudrait presque inventer un nouveau langage pour décrire l’explosivité scénique de Left Lane Cruiser, cette façon qu’ont ces deux mecs assis d’exploser sans bouger, bien que le corps de Freddy J IV semble parfois se désarticuler, comme le fait celui d’un batteur de rockabilly qui boppe le blues.

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    Entre chaque cut, Freddy J IV marmonne des conneries dans sa barbe, du style «le cut qu’on va jouer n’a pas de sens, comme tout ce qu’on fait», et pendant qu’il marmonne ses conneries de deep Indianais, il touille à n’en plus finir les mécaniques de sa gratte, une SG grise qui lui sert de planche de salut vers l’éternité, tout au moins aux yeux de ses fans, qui ne sont pas loin de le considérer comme l’un des géants de cette terre, mais il le mérite plus encore que les autres, car il semble se foutre de tout, ne comptent pour lui que ses hommages incendiaires à R.L. Burnside et à Freddie King, lorsqu’il s’attaque à «Goin’ Down».

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    Freddy J IV c’est l’anti-frimeur parfait, il s’habille d’un sac et d’un bonnet, il reverse tout son crédit de vie dans l’une des formes les plus infernales de blues-rock moderne, il en devient presque noir à force d’être primitivement bon, il fait toute la différence avec des pseudo duos qui depuis vingt ans font l’actualité de la scène gaga-blues-rock. Freddy J IV puise au fond de sa source intérieure et allume la grande scène, il est majestueux et poignant à la fois, et en même temps, il est par rapport à l’univers parfaitement insignifiant, et donc il s’efforce d’exister et racle tous ses fonds de tiroir pour offrir aux gens l’une des formes d’art les plus authentiques de notre époque. Il faut être soit très con, soit aveugle pour ne pas le voir. Le blues se situe au niveau de ces mecs-là, Freddy J IV, ou encore Cedric Burnside, des rescapés de vagues successives et héritiers d’un art purement africain. L’Amérique n’a rien à voir là-dedans. Freddy J IV invoque les esprits d’une antiquité dont il n’existe plus d’autre trace que celle-ci : la musique. Pas de temples, pas de pyramides, juste du blues et pas n’importe quel blues, le blues du diable qui va dévorer la civilisation des blancs, ses crucifix et ses vaticans, ses cathédrales et ses pontifes, car Freddy J IV véhicule la vie, il déverse de la vie pendant plus d’une heure, des torrents de vie, comme un volcan crache sa lave, c’est une vie qui va dans l’air et sous la peau, une vie qui redonne espoir aux gens qui croient encore aux valeurs primitives de l’art, Freddy J IV a ce pouvoir shamanique, assis au bord de sa chaise et grattant sa gratte à la folie, tellement à la folie qu’on se demande comment il fait pour remplir le son comme un œuf, il joue parfois prostré, puis rejette le buste en arrière alors que ses accords s’en vont télescoper de plein fouet ce profond sentiment d’éternité qui plane sous la voûte, il trépigne des pieds, il est en mouvement sans l’être, il exacerbe la violence du son et son big poto-man Brenn Beck bat l’un des meilleurs beurres qu’il soit donné d’entendre ici bas, un beurre complice, un beurre de tous les coups fourrés, un beurre d’ampleur domestiquée, un beurre claqué du beignet, un beurre blanc de barbu blanc, mais ça passe, ces deux mecs jouent leur va-tout et vont droit au but. L’ensemble croyez-le bien est sidérant.

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             On a déjà dit ici tout le bien qu’on pensait des albums de Freddy J IV (en 2014, et en 2017 pour King Mud, son side project). Il suffit juste de rappeler qu’il est fortement conseillé de les écouter de temps en temps, si bien sûr on en pince sérieusement pour le romp de raw. Une seule petite ombre au tableau : ce concert de Left Lane était le dernier des fameux concerts «assis/masqués» imposé par le petit père du peuple et ses conseillers hygiénistes à la mormoille. L’interdiction des « concerts debout » prenait fin ce soir-là à minuit, c’est-à-dire aussitôt après la fin du concert. Ce fut une façon pour le public d’entrer en osmose avec ces deux hommes, par la musique, bien sûr, mais aussi par le fait d’être assis. Première expérience d’atomic trash-blues blast le cul dans la chaise.

    Signé : Cazengler, Left Larve Cruiser

    Left Lane Cruiser. Nuits de l’Alligator au 106 (Rouen )

     

    Inside the goldmine

    - Gimme Shelton

                Baby Small n’avait pas inventé le fil à couper le beurre. Et encore moins la roue. Ne parlons pas de la poudre. Elle avait ce qu’on appelle charitablement une cervelle d’oiseau qui ne lui servait qu’à une seule chose : faire des mots fléchés. C’était sa passion, avec la clope et les bombecs. En dehors de tout ça, rien ne semblait l’intéresser. Elle vivait comme on dit dans son monde et il n’était pas question d’y interférer. Il faut savoir que les gens comme Baby Small existent. Et pour savoir à quel point ce mode de vie frise le néant, il faut le partager au quotidien. Chaque jour on se dit que ça va s’arranger, qu’en l’aidant un peu, elle va progresser, mais c’est une erreur. Plus grave encore : il faut être atrocement prétentieux pour imaginer pouvoir aider quelqu’un qui ne veut pas qu’on l’aide. On finit par comprendre qu’après tout les gens sont comme ils sont avec leurs petits bras et leurs petites jambes. Mais si on se fait un devoir de les accepter tels qu’ils sont, ça peut générer d’autres problèmes. Autant Baby Small piquait une crise de colère indépendantiste chaque fois qu’on cherchait à l’aider, autant l’ambiance consensuelle d’acceptation la rendait folle de rage, car elle perdait l’ennemi de vue : elle le traitait alors de fourbasse capable d’inventer des ruses pour mieux l’embobiner. Au lit ça pouvait se traduire par des insultes et des coups de pieds. À sa façon, elle était originale, car elle échappait à tous les modèles référencés dans la mémoire affective : ni nympho, ni romantique, ni intelligente, ni casanière, ni fantasque, ni féminine, ni cultivée, du coup ce petit être atypique et dramatiquement égocentrique devenait une sorte de cas d’école, un «objet» de curiosité. Mais bon, on a autre chose à faire dans la vie que d’observer les petits êtres atypiques qui de toute façon, ne vous apprendront rien de plus que ce que vous savez déjà.

     

             Baby Small se situe à l’opposé exact de Noami Shelton. Autant on ne peut rien attendre de Baby Small, autant on peut TOUT attendre de Noami Shelton.

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             Noami Shelton et ses Gospel Queens, ça commence par l’image et donc les pochettes des deux albums : elles semblent appartenir à une autre époque. On les verrait plus dans un bouge de la Nouvelle Orleans en 1854 que dans le studio Daptone de Troutman Street en 2009. Elles ont toutes les quatre des têtes de Hoodoo Queens. Si elles échappent à tous les critères ethno-culturels, c’est sans doute parce qu’elles incarnent mieux que toutes les autres Sisters l’incroyable mélange des races qui se fit à La Nouvelle Orleans pendant trois siècles, et qui avait commencé au XVIIe siècle, du temps où les colons français s’implantaient dans la région. Elles dégagent toutes les trois un violent relent d’histoire et d’exotisme, ce relent qui fut propre à ces régions du bout du monde, là où échouaient les aventuriers et tous ceux qui pour des raisons diverses fuyaient la civilisation et l’ordre moral.

             Les deux albums de Naomi Shelton sont parus sur Daptone Records, le label de Gabe Roth. Daptone est devenu un label mythique, aussi mythique que le furent Chess, King, Imperial et Specialty. Tous ces labels avaient des figures de proue (Chuck Berry pour Chess, James Brown pour King/Federal, Fats Domino pour Imperial et Little Richard pour Specialty). Daptone a aussi sa figure de proue : l’immense Sharon Jones. Daptone incarne surtout la renaissance de la grande Soul américaine. Gabe Roth réintroduit sur scène le sacro-saint principe de la Revue, telle qu’elle existait du temps d’Ike & Tina Turner et de James Brown & The Famous Flames. Avant que Sharon Jones n’arrive sur scène, l’orchestre chauffe la salle. Ils sont une bonne dizaine et les choristes chantent deux ou trois cuts avant d’aller rejoindre leur place sur une petite estrade à l’arrière de la scène. Tous ces grands artistes noirs savaient offrir un spectacle à leur public.

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             Naomi Shelton ne chante pas que du gospel. Elle tape aussi dans le r’n’b, mais le gros r’n’b, pas celui qu’on entend aujourd’hui à droite et à gauche, non, celui de Sam & Dave. On trouve sur son premier album What Have You Done My Brother un cut terrible intitulé « Am I Asking To Much ». Elle a exactement la même niaque que Sam & Dave. C’est monté sur une ligne de basse signée Gabe et on sait pour l’avoir entendu jouer avec Sharon Jones qu’il ne plaisante pas. C’est un Staxeur fou, peut-être pas aussi fantaisiste que Duck Dunn, mais tout de même très impressionnant. En plus, c’est lui qui compose les cuts. Naomi Shellton chante d’une étrange voix rauque qu’on pourrait dire unique au monde. On entend chanter une authentique Hoodoo Queen. Sa voix est un sortilège. Quand on l’entend chanter « What More Can I Do », on voit bien qu’elle ne fait pas partie des petites chanteuses à la mormoille. Elle chante d’une voix de femme qui a déjà vécu neuf vies. Sa voix évoque aussi celle des chats qu’on croise la nuit dans la lande de Lessay et qui vous souhaitent le bonsoir d’une voix sourde après vous avoir accompagné un bout de chemin. Avec « What More Can I Do », elle chante du r’n’b sensitif, mais la démesure lui fait défaut. Il faut attendre « Trouble In My Way » pour renouer avec le vrai shuffle de gospel, celui qui fonctionne au répondant. Elle chante dans l’église avec le diable dans le corps, ce qui ne peut pas plaire au Vatican. On retrouve le pur gospel de groove d’orgue d’église dans « He Knows My Heart ». Elle chante ça d’une voix de crocodile acariâtre. Stupéfiant ! Puis elle s’en va chauffer « Lift My Burdens » avec la voix de James Brown. Quand on a une voix comme la sienne, on peut tout se permettre. Gabe sait repérer les voix. Il a compris que la voix primait sur tout.

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             Le deuxième album de Naomi Shelton s’appelle Cold World. Il est beaucoup plus intéressant. On y sent une sorte d’accomplissement. Tous les cuts accrochent, à commencer par « Sinner » qu’elle prend d’une voix de squaw qui en a vu de toutes les couleurs. On pourrait même parler d’une voix de vieille négresse qui a miraculeusement survécu à toutes les humiliations et à tous les sévices qu’impliquait sa condition de femme noire dans une plantation. Naomi Shelton halète la Soul dans le cou de ses syllabes et parsème son chant d’ah-ahh gangrenés de feeling. Quand on écoute « Movin’ », on voit bien qu’il traîne au fond de son timbre ce léger accent de mauvaiseté qui le rend unique. C’est un peu comme si Daniel Emilfork chantait du r’n’b. Naomi revient au gospel avec « Bound For The Promised Land » - Oh Lord ! have mercy on you ! - Elle fait du gospel Soul comme seule Aretha sait en faire. Sa voix contient toute la rage de la Soul. Violente poussée de fièvre Soul pour « It’s A Cold Cold World », elle éclate chaque mot avec rage. Elle y met tout le chien de sa chienne. Il y a là de quoi faire rêver chaque jukebox d’Amérique. En B, elle revient au format classique du gospel festif avec « Get Up Child » - It’s in my body and soul and in my heart - La merveilleuse dynamique du gospel s’ébranle. Et ça grimpe par étapes, comme dans toutes les grandes exactions œcuméniques. Encore plus spectaculaire : « I Earned Mine », monté au beat gospel, pulsé à l’orgue d’église et claqué au tambourin. Ces gens-là savent faire des disques. Ils savent offrir un vrai son de gospel joyeux au sauveur, Papa Legba, couronné par un fantastique final expiatoire ! Toujours aussi fantastique, voilà « Thank You Lord », r’n’b digne des grandes heures du Duc de Stax. Naomi Shelton chante une fois de plus comme James Brown. Quelle niaque ! Et elle boucle l’affaire avec un balladif haut de gamme, « Everybody Knows (River Song) » et cette fois, elle s’en va chercher l’Al Green.

    Signé : Cazengler, Noamiteux

    Naomi Shelton & The Gospel Queens. What have You Done My Brother. Daptone Records 2009

    Naomi Shelton & The Gospel Queens. Cold World. Daptone Records 2014

    De gauche à droite sur l’illusse : Edna Johnson, Angel McKenzie et Bobbie Jean Gant. Devant : Naomi Shelton.

    *

    Le confinement a eu du bon. Pas beaucoup, je vous l’accorde. Du moins pour une partie de la population. Les artistes. Pas tous, nous pensons par exemple aux musiciens coincés dans leur appartements dans l’incapacité interdictoire de se réunir pour répéter, pire à la suppression des concerts. Gardons une positive attitude : pour ceux qui travaillent en solo tout seuls, chez eux devant leur écran ou une toile, écrivains, peintres, graphistes, le mal a été moindre. Encore cela dépend-il de leur monde imaginal ou de l’épaisseur protectrice de leur bouclier psychique.

    Je me doute que José Martinez aurait passé une bonne partie du printemps - soyons précis du 17 mars au 11 mai - 2020 à folâtrer sur son vélo – ceci est un euphémisme, à foncer comme un tambour sur les pentes les plus escarpées de la campagne ariégeoise – entre quatre murs l’a dû se contenter de la deuxième corde de son violon d’Ingres. L’a quadruplé sa production artistique habituelle. L’a même gardé ce rythme jusqu’à aujourd’hui : voici trois jours il présentait sur son FB son dernier autoportrait. Entre nous soit dit, il s’est un peu rajeuni, pas tant que cela, ce qui compte ce n’est pas ce que les autres appréhendent de nous mais ce que l’on projette de l’intérieur de soi au-dehors, que l’on est souvent seul à voir.

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    Dans notre livraison 451 du 13 février 2020, nous présentions vingt-quatre œuvres de José Martinez regroupées en un album sur ses photos FB.  Toutes en noir et blanc. Nous nous étions arrêtés à ce chiffre parce que la série ne se prolongeait pas, aussi à cause de ce pied-de nez, l’introduction d’une couleur sur un des personnages de l’ultime image. Signe annonciateur. Sans avoir totalement abandonné le noir et blanc, la couleur accapare une grande partie des dernières réalisations. Trop nombreuses pour que nous les présentions dans leur ensemble. La fois précédente nous avions pour nos commentaires emprunté l’ordre chronologique, partant du principe aristotélicien que ce qui précède est au moins partiellement la cause de ce qui suit. Aujourd’hui, nous remonterons le flot du temps à l’envers. Un peu comme la flèche ailée du cruel Zénon d’Elée qui recule quand elle avance. Chaque tableau étant ainsi envisagé comme un fragment à part entière, et néanmoins morcelé, de l’imaginaire créatif de l’artiste.

    18 FRAGMENCES MYTHOLOGIQUES

    DE JOSE MARTINEZ

    18 / 02 - 2022

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    Les 24 Fragments Mythologiques de notre livraison 451 relevaient du dessin. S’il fallait ajouter un adjectif pour les qualifier nous dirions psychédéliques.  Ici nous sommes dans un tout autre monde. Dans les deux sens du terme. Pour cette suite nous parlerons de visions. D’images qui viennent de loin, des abysses mémoriels, des résidus égrégoriens des siècles passés, qui affleurent en nous et que souvent nous renvoyons à leurs ténèbres. José Martinez ouvre les huis du rêve nervalien, son dessin est une pensée mythologique en action, présent, passé, futur, éternité s’entremêlent. La terre est suspendue dans l’espace, nous sommes sur la planète rouge, entre bourg médiéval et île de Pâques. Qui passe là ? Visiteur éphébique, résidente cramoisique, qu’importe, ces lieux filigraniques sont peuplés de nos phantasmes.

    17 / Janvier 2022

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    Elle nous attend, houri revêtue de bleue vénusté, dans un jardin ou dans un éden à l’orée d’une forêt, derrière une palissade qui s’ouvre sur le chemin d’échappée, par où l’on procède, alanguie sur son sofa, dans son voile qui dévoile tout ce qu’elle cache, la très chère était nue et n’avait même pas gardé ses bijoux, les bribes de Baudelaire s’imposent, ici tout n’est que calme, luxe et volupté, elles coulent de notre bouche comme cet incarnat de rosée s’est déposé sur ses lèvres, pointe aigüe du désir. Pourtant le plus beau c’est en arrière-fond cette luxuriance de vert équatorial qui pleut en rafales, serait-ce une bouffée d’angoisse métaphysique, la permanence des passions qui brûlent le cœur et l’âme, attisées par cette chair d’outre-ciel offerte dans la solitude de sa souveraineté.

    16 / Janvier 2022

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    Androgynil (ou androgynelle) céruléen(ne) qui court perdu(e) dans le monde de la réalité. Le paysage  semble s’être arraché par sa facture et ses bistres limoneux d’un tableau de Corot comme si déjà la nature se mettait à imiter l’art. Parfois nous sommes ainsi perdus entre deux mondes, entre deux planètes, à la recherche de nos rêves à moins que ce ne soit notre rêve qui nous cherche, ou alors peut-être s’est-il enfui, il était entré par mégarde en nos songes, les a jugés trop étriqués pour sa blondeur alexandrique, il erre dans le monde interlope des quatre éléments afin de trouver une niche où se lover, un logis digne de sa magnificence éthérale, un lieu intérieur de splendeur, une âme assez vaste pour servir de refuge, une aire de repos où il soit accueilli, fêté, honoré, puis prendre son envol.

    15 / Janvier 2022

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    La voici. Elle a rejoint l’empyrée des nuages. Photons d’or venus des étoiles lointaines sur sa chevelure blonde. Entre ses doigts elle tient la mort. Orgueilleuse vanité. Le néant est en haut, la beauté est en bas. Qui domine le monde ? L’image serait-elle moins doucereuse qu’il n’y paraîtrait. Ne serait-ce pas plutôt le repos du guerrier. Le rêve serait-il plus ambigu qu’on ne le rêve. Serait-on en train de découvrir le pot au rose qui d’ailleurs contient des tulipes jaunes. Il est des signes sur les azuleros de la voûte stellaire que l’on lit mais que l’on ne comprend pas. Ne sont-ils pas comme les arrêts des destins incompréhensibles. Dans le coin gauche, un mistigri vert aux longues moustaches de sagesse innée vous fixe du mystère de ses yeux bleus. Il connaît ce à quoi vous n’accèderez jamais.

    14 / Janvier 2022

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    Nous avions ressenti une fêlure. La voici. Elle s’exprime par un retour à un style beaucoup plus psychédélique, cet espace empli à foison – dans ce même moment José Martinez s’adonne à une suite de noirs et blancs que nous n’évoquerons pas ici – mais aussi par l’introduction de l’humour, pas noir, de toutes les couleurs, plus exactement ce que Poe nommait le grotesque, à tel point que l’on ne voit que les dessous de l’histoire, la petite culotte rose du toréador, ce n’est qu’après que l’on s’aperçoit que ce n’est pas un homme, mais un taureau qui torrée, n’empêche que si le Christ est affublé d’une tête de taureau son corps est celui d’un humain, on peut rire mais la muleta porte le dessin d’un bombardier. Morale : l’association homme-animal ne résout en rien notre fragilité.

    13 / Décembre 2021

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    L’heure d’Horus. Le Dieu faucon. Retour aux fondamentaux. Au réveil du monde la treizième heure s’apprête à revenir. Il détient les insignes de la puissance. Fleurs immortelles sur son sceptre. Auréole rectangulaire, qui se détache d’elle-même comme la marque de la surréalité du réel. Serions-nous dans un bestiaire orphique à la Apollinaire. Le monde est constitué de strates, le peintre en rajoute une sur laquelle apparaissent les anciens desseins des âges premiers comme la laitance du béton s’en vient affleurer la surface des murs. L’artiste ne recouvre pas, il dévoile. Etrange palimpseste, le texte que l’on lit est le plus originel. Qui peint, qui trace au juste ? Est-ce la main qui engendre le dessin ou le dessin qui guide le geste. La résurgence d’Horus nous interroge sur la nature de l’acte de création.

    12 / Décembre 21

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    Qui sait qui c’est. C’est Seth. Les couches les plus profondes que l’on remonte à la lumière sont les plus dangereuses. Doivent être traitées avec considération. Seth n’a pas droit à une image mais à un tableau de maître. Il est le Dieu du kaos. La force élémentaire de destruction. Le pendant d’Horus. A tous deux ils forment le Démiurge. L’artiste sait qu’il manie la foudre. Il ne la commande pas, il ne mesure pas au juste ses conséquences. Peut-être serait-il temps d’accorder notre attention à ces motifs décoratifs que l’on retrouve de station en station, ces runes hiéroglyphiques qui ressemblent à des voussures de fer forgé irradiantes sont les mots éparpillés d’un message illisible. En bas à gauche le chat aux yeux verts s’étonne de notre ignorance. A fouir le fouillis de sa folie créatrice, l’Artiste qui expose sait-il à quoi il s’expose.

    11 / Décembre 21

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    Serait-elle complètement femme. Lascive, l’on aimerait Vénus, planète bleue du désir ou Aphrodite née de la mer azuréenne, méfions-nous, le vautour au long bec et la tête de mort ricanante nous incitent à réfléchir. L’orange rougeoyant est-il celui de la passion pulsionnelle ou une tenture sanglante. Nous aurions toutefois encore préféré décrire une vanité, nous alarmer avec Villon, ô corps féminin qui tant est tendre, doux, suave et précieux, malgré nos vies si incertaines, mais nous nous devons opter pour Astarté, dont la latine et la grecque ne sont que des déclinaisons, Astarté si tentante, la grande et l’originelle, intercesseuse des Dieux et non des pauvres humains, les ossements sont notre avenir, si belles soient-elles, on ne fait pas l’amour avec des images. Miroir aux alouettes.

    10 / Décembre 2021

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    La tête d’équidé au bas du tableau est bien la signature d’Astarté. Nous avons affaire à un diptyque. L’Astarté bleue de la vie fertile et l’Astarté grise inhumaine. Comme le yin et le yang chacune des deux arcanes féminins de cette série comporte son contrepoint coloré. Ici souveraine hiératique juchée sur son piédestal elle se prête à l’adoration, sur l’autre l’ève charnelle pratiquement terrestre nous adresse un sourire complice, celle-là comme la chose même et celle-ci comme sa représentation, l’une est le mensonge de la vie vouée à la reproduction, et l’autre l’éternité de la mort destinée à la destruction. L’Artiste comprend intuitivement le statut de l’œuvre d’art, que son pinceau hausse sur la ligne de crête au sommet de deux pentes, celle qui monte vers l’éblouissance, celle qui descend vers le néant.  

    09 / Novembre 20 21

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    Nous glissons de la mythologie égyptienne à la romaine. Nous parlions de ligne de crête. La voici symboliquement manifestée par le Dieu Janus. Deux visages, l’un qui regarde vers le passé et l’autre vers le futur. Peut-être sommes-nous à la mitan de cette suite. Série qui n’est pas terminée. Mais le présent est toujours porteur de sa propre signifiance. Ou alors les Dioscures, ces jumeaux fils de Zeus et de la mortelle Léda. Castor sera mortel. Pollux d’essence divine. Lorsque Castor meurt Pollux lui donne la moitié de son immortalité. Chaque jour l’un est mort et l’autre vivant. Les deux frères adossés l’un à l’autre et ainsi à la mort. Janus porterait-il d’un côté son regard vers la vie et de l’autre scruterait-il la face à la mort. Image de l’Artiste qui regarde le monde vivant et le tue non pas en l’immortalisant mais en l’in-mortalisant.

    08 / Novembre 2021

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    Aurions-nous mal interprété. Janus regarderait-il d’un côté vers le monde des hommes mortels et de l’autre vers le monde des Immortels. Car nous voici face à Zeus l’étincelant. Zeus le dominateur. Depuis l’Olympe il impose sa volonté sur tous et toutes. Symboliquement sur le buste d’Héra. Les psychanalystes et les féministes se hâteront de dénoncer ce machisme viriliste outrageant. Nous adopterons une autre identification, celle de l’Artiste victorieux qui impose par la maîtrise de son art sa vision du monde. Plus on avance, plus on recule, davantage l’on s’aperçoit que le thème fondateur, le mythème directionnel de José Martinez réside en une longue et lente réflexion sur la notion de création. D’où la présence de la femme procréatrice et la figure de l’Androgyne qui réunit sa masculinité et sa part féminine.

    07 / Novembre 2021

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    Une des plus belles images de la série. Confrontation de Zeus roi des Dieux et de Prométhée ami des hommes. Symboles en évidence, la foudre de Zeus, l’aigle châtimentaire chargé de dévorer le foie qui repousse sans cesse de Prométhée. Ici dominent les valeurs virilistes, force contre force, bloc contre bloc, marbre divin contre granit humain. Serpent pythien entre les deux en sinueuse ligne de démarcation, celle qui sépare l’Art de l’Artiste. Le même qui se retourne contre le même et par ce geste même s’inscrit dans la naissance de l’autre. Fragmentation kaotique du dessin, à concevoir en tant que dislocation, lambeaux de flammes rouges éparpillés entremêlés aux débris bleus de la volonté humaine. La nudité de Zeus d’un gris bleu métallique sans éclat, terne, préfiguration de l’âge de fer qui viendra.

    06 / Septembre 2021

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    Nous y voici, selon un imaginaire médiéval, la bête vicieuse court sur nous, hyène vorace, chacal des cimetières, mystère du Gévaudan, épine dorsale dinosaurienne, le monstre de l’infra-monde est lâché, pas une once de vide dans ce tableau, le mal est partout, n’empêche qu’il a un petit côté sympathique, toutou fidèle qui accourt vers son maître pour son susucre, ne se déplace-t-il pas sur un tapis de fleurs luxurieux, de tous les animaux plus affreux les uns que les autres qui lui font cortège il est le roi. L’Artiste est ainsi, tout ce qui coule de son pinceau, toutes ces visions qui remontent de son esprit sont siennes, en quelque sorte ses enfants. Ses desseins nous ensorcèlent, il nous charme, peut nous présenter toutes les horreurs, nous y souscrivons sans état d’âme.

    05 / Septembre 2021

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    Nous croyions être au bout de l’horreur. Nous n’avions encore rien vu. Satan l’Adversaire, en personne déboule. Nu comme un ver sur son cheval vert. Il s’amuse, il mime le preux chevalier du moyen-âge fonçant au triple galop sur son ennemi, vision cauchemardesque, les têtes de mort se marrent de peur, pire que cela, il joue à l’Ange Gabriel terrassant l’hydre menaçante du mal, la pointe de sa lance plantée dans le gosier de l’infâme reptile, empirons le pire, composition en abîme, c’est le prince des ténèbres en personne qui s’en vient occire le serpent malfaisant, l’Artiste revendique son art, il n’est pas du côté de la morale, il chasse sur toutes les terres, il brouille les pistes pour l’image qu’il produit en soit que plus percutante. Le blasphème de l’imaginaire est une composante essentielle de l’Art.

    04 / Août 2021

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    Quel contraste avec le précédent. Serait-ce la Vouivre de Marcel Aymé, cette déesse rustique maîtresse des serpents qui hante les prés et les bois d’un petit village typique de la France campagnarde du début du siècle dernier. Son apparition attisera l’antagonisme entre ceux qui croient et ceux qui se targuent de pensée positiviste. Tous les éléments sont réunis, les vaches paisibles, l’enceinte fortifiée et protectrice qui regroupe les maisons, et cette dame énigmatique au collier vipérin. José Martinez a-t-il voulu produire une image de ses propres œuvres, lui qui vit dans notre époque post-industrielle et ses ouvrages qui mettent en scène de bien étranges créatures dont plus personne ne se soucie. Nul besoin de croire en l’existence des déesses, il suffit de les peindre pour qu’elles existent.

    03 / Juillet 21

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    Triomphe de sa majesté. Ne cherchez pas le bouc émissaire. Il est là. Il trône. Des pectoraux comme des seins. Qui est-il au juste. Ce que vous voulez. Le roi du monde. Impassible. Tel qu’il s’offre à vous devant vos yeux dès que vous posez vos yeux sur un point quelconque de la réalité. Même lorsque le regard de José Martinez reste des plus objectifs il montre qu’il ne peint pas l’apparence futile qui flotte devant tous, il est un voyant, translucide, il saisit les choses en tant qu’images mentales, il ne se laisse pas corrompre par l’extériorité, il peint ce qui affleure à l’intérieur de lui. Le monde ne se regarde pas uniquement avec nos globes oculaires, encore faut-il comprendre que lui aussi nous regarde, qu’il nous transmet sa propre vision, pas de nos chétives et pauvres petites personnes, mais de lui-même.  

    02 / Décembre 2020

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    Sous l’égide d’Athéna. Même si la colombe est consacrée à Vénus. Le monde sera-t-il sauvé par une déesse. N’exagérons-pas. L’épée est certes tranchante, et il ne manque pas de monstres répugnants à combattre. L’arme la plus étincelante reste celle de la pensée. L’esprit de décision commande. Notez sa flèche acérée. Elle n’a peur de rien, elle sourit au serpent qui se dresse. Les monstres visqueux resteront impuissants. Nous sommes en plein confinement. Cette image est une espèce d’icône protectrice. Un appel aux forces profondes du courage. Une tentative de test auto-persuasif. Un tatouage mental. Les Dieux ne sont jamais loin, il suffit de dégager les voies de remontée à la surface du présent pour qu’ils arrivent dans la nudité de leur présence. Se regarder dans son propre miroir intérieur pour qu’ils fassent signe.

    01 / Mars 2020

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    La terre et le ciel. Pleins comme un œuf. Pas celui originel de l’Eros. Ouvert au jour de sa date. Celle du confinement. D’ailleurs il est là. Oursins disséminés un peu partout. Une espèce de bal funèbre. Un carnaval d’opérette. Sont-ce des Dieux déguisés en homme ou des hommes déguisés en Dieux. L’on ne sait pas. Personne ne jettera le masque. Surtout pas celui de la mort rouge. Pied-de-nez au destin ou rire mortuaire. Ironie de la vie ou tristesse du dédain. Joyeux et désespéré. Ces instants où les plateaux du destin s’équilibrent avant que l’un des deux ne choisisse de triompher. Seul Silène est à visage découvert.  La situation ne l’inquiète guère, il est lui-même la situation, il voit le monde par le prisme de l’ivresse. Cela lui permet de le modifier à sa volonté. Tout comme le peintre qui ne connaît que l’ivresse de l’art.

    0 / Août 2020

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    Nous terminons comme nous avons commencé. Par un portrait. Plus exactement un auto-electric-portrait collectif, celui de l’incertitude interrogative pour ne pas dire de la peur suscitée dans la population par les mesures confinales. Le lecteur raisonnera sur la violence des couleurs. Nous n’avons dans ces analyses pratiquement pas tenu compte de la composition picturale des œuvres. Nous nous sommes plutôt concentré sur les vertiges de   l’inspiration de José Martinez, qui n’est qu’une expiration de remontées de choses lointaines, un peu comme ces bulles d’air qui viennent crever à la surface des marécages. Souvent dues à la putréfaction d’anciens organismes vivants en décomposition lente au fond des eaux. Il n’est pas donné à tout le monde de les traduire en images.

    Damie Chad.

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Episode 22

    ; monkees,noel gallagher,left lane cruiser,naomi shelton,josé martinez,rockambolesques 22?

    REVEIL MATINAL

    Nous avons dormi d’un sommeil de plomb. Tous, même Charlie Watts, je peux vous assurer que l’expression dormir comme un mort est fidèle à la réalité, il n’a pas ouvert l’œil de la nuit, Rouky couché à ses pieds. Nous fûmes réveillés au petit matin, l’on frappait violemment à la porte. En quelques instants nous fûmes debout. Le Chef alluma un Coronado, un exceptionalito, pour les grandes occasions nous expliqua-t-il, puis il ajouta :

    _ Agent Chad, veuillez ouvrir à notre visiteur, il semble pressé, je suppose qu’il ne s’agit pas du Père Noël, quoique avec le dérèglement climatique on ne sait jamais.

             Je fus étonné, pour avoir cogné si fort sur la porte blindée je m’attendais à une grosse brute épaisse, une tête de mort tatouée sur sa joue gauche, une veuve noire sur la droite, bref un hostile mastodonte qui d’entrée en matière m’aurait décoché un direct au foie. Point du tout, un gringalet engoncé dans un costume de tweed bon marché, genre représentant de commerce en papier toilette, au bout du rouleau, bafouillant et s’excusant longuement. Je n’en restais pas moins méfiant, comment un être aussi insignifiant serait-il arrivé dans notre repaire secret.

           _ Je vous prie de bien vouloir excuser mon intrusion à une heure si matinale, si ces messieurs-dames avaient l’obligeance de daigner m’accorder un entretien, je ne saurais le refuser.

    • Entrez cher ami – le Chef répondait à ma place – rien ne nous serait plus agréable que de partager en toute simplicité, une tasse de café et quelques croissants que mes commensaux et leurs chiens se feront un diligent plaisir de nous ramener de la meilleure boulangerie de Paris.

    Nous obtempérâmes tout de suite. Nous avions compris que nous n’étions pas invités. Lorsque nous nous retrouvâmes dans la rue, je pris le commandement de la petite troupe.

    • Les filles vous nous attendez au café, laissez tomber l’idée des croissants, nous avons mieux à faire. Joël, Charlie avec moi, gardez les chiens.

    Si Molossa et Molossito acceptèrent de tremper leur langue gourmande dans la bolée de whisky vint ans d’âge que leur présenta le garçon, Rouky refusa obstinément de quitter Charlie.

    Une heure plus tard nous nous retrouvâmes au café. Le Cheh fumait sereinement un Coronado.

    • Agent Chad j’espère que vous avez dégoté, ce dont nous avions besoin !
    • Sans aucun problème Chef, Charlie nous a emmenés dans un petit hôtel discret pour milliardaires que les Rolling Stones ont l’habitude de fréquenter lorsqu’ils viennent incognito à Paris, nous avons choisi une superbe Rolls Royce, spécial grand modèle, pouvant contenir jusqu’à quatorze personnes que nous avons empruntée à un émir du Qatar, il n’y a pas de hasard, sans lui demander la permission.
    • Parfait, je crois qu’il est temps de faire un petit tour.

    UN SYMPATHIQUE PETIT TOUR

    Je klaxonnais sans ménagement devant le portail de l’Elysée, les deux gardes surgirent des deux guérites disposées de chaque côté de l’entrée, mitraillette à bout de bras. La vue de la plaque Corps Diplomatique du Qatar les rassura aussitôt, le Chef abaissa sa vitre et spécifia que nous demandions d’urgence à nous entretenir avec l’intérimaire de service qui faisait office du Président de la République. Les deux battants s’ouvrirent instantanément. A peine avais-je arrêté la Rolls au bas du perron, que des huissiers nous ouvrirent les portières et que l’un d’entre eux nous déclara qu’il avait l’honneur de nous annoncer que Monsieur le Président du Sénat, assurant la fonction de Président de la République jusqu’aux élections, nous recevrait en compagnie de son conseiller spécial nous attendait.

    Firent une drôle de mine à notre entrée. S’apprêtaient vraisemblablement à négocier un important prêt bancaire (pots de vin à l’appui) avec l’émir du Quatar, et notre intrusion subite, leur déplaisait fort. Pourtant nous avions peaufiner notre cortège, les trois filles devant, quoi de plus aimable que trois sourires féminins pour briser la glace, nos deux cabotos derrière elle, la queue frétillante, surveillés de près par Joël, Le Chef et moi-même faisions rempart à Charlie et à Rouky. Malgré nos efforts méritoires, l’accueil fut glacial.

    • Qu’est-ce encore, le SSR qui se fait passer pour l’émir du Qatar et toute sa Smala, vous comptez transformer le palais de l’Elysée en refuge de la SPA pour chiens errants ?

    Molossa et Molossito grognèrent et d’un bond sautèrent sur le bureau présidentiel sur lequel ils s’assirent en grognant et en montrant les dents. Le Chef prit le temps d’allumer un Coronado avant de prendre la parole :

             _  - Lors de notre dernière entrevue vous nous avez demandé de vous ramener avant huit jours, le dénommé Charlie Watts, l’auteur pas du tout présumé des massacres de la Préfecture de Dijon, et de la Tour Eiffel, le voici.

    Ils ne lui jetèrent pas un regard.

    • C’est bien, le temps que les journalistes viennent prendre sa photo, que nos secrétaires rédigent sa confession, d’ici une demi-heure, il sera fusillé. Vous pouvez disposer.
    • Nous vous remercions pour la célérité de votre accueil – quel était donc ce Coronado que fumait le Chef, au goût si étrangement miellé, si capiteux que j’emploierai pour le qualifier avec une plus grande exactitude l’adjectif mielleux, nous avons aussi un dernier visiteur que vous ne connaissez pas mais qui vous apportera des détails intéressants !
    • Vous vous moquez de nous, si vous croyiez que nos services de renseignements ne connaissent pas l’identité de votre professeur d’université et de ses trois étudiantes, vous faites fausse route !

    Le Chef exhala de son Coronado un énorme nuage de fumée bleuâtre qui mit quelque temps à se dissiper. La surprise dépassa mes prévisions, je ne m’y attendais pas, en émergea un petit homme toussotant, en costume de tweed, avec son air minable et sa voix chevrotante :

    • Excusez-moi messieurs de paraître d’une manière si impromptue devant vous, ma timidité m’a empêché de paraître devant vous sans avoir été invité par vos sommités, j’ai saisi cette occasion, c’est mon directeur de vente qui m’a intimé l’ordre de me présenter à vous afin de régler un léger contentieux de rien du tout, trois fois rien, je n’en ai pas pour longtemps, quelques minutes tout au plus, deux, trois, quatre peut-être…

    C’était manifestement trop. Le Président nous désigna la porte d’un geste péremptoire :

    • Emmenez votre espèce de paltoquet, je suppose un représentant de commerce qui va essayer de nous vendre une machine à café, laissez-nous le dénommé Charlie et filez au plus vite avant que l’on ne vous fasse fusiller tous ensemble. Quant à ce petit dégueulasse qui vient de pisser sur mon bureau, nous appelons tout de suite le vétérinaire de la SPA pour l’euthanasier ! Dehors bandes de jean-foutres !
    • Je m’excuse de vous avoir dérangés, je peux toutefois vous certifier que je ne suis pas un représentant en cafetière, je…
    • On se moque éperdument de ce que vous êtes, déguerpissez !

    Il y eut une espèce de froissement, en une seconde l’homme en complet de tweed disparut, à sa place une clignota une espèce de lueur pâle, vaguement rose, et d’un seul coup le Grand Ibis Rouge se matérialisa devant nos yeux sidérés.

    A suivre…

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 388 : KR'TNT ! 408 : SCHIZOPHONICS / MONKEES / BILL CRANE / CRASHBIRDS / MELISA BERNARDOT / SPEEDBALL / KRONIK

    KR'TNT

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 408

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    28 / 02 / 2019

     

    SCHIZOPHONICS / MONKEES

    BILL CRANE / CRASHBIRDS / ISLATION

    MELISA BERNARDOT / SPEEDBALL

     KRONIK

     

    Pas de remède pour la schizophonie

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    Pas de surprise : le show des Schizophonics est un blast. The big blast. Pire encore : the real deal. Difficile d’imaginer un set plus explosif, au sens où le furent en leur temps Jimi Hendrix et le MC5. Difficile d’imaginer plus juste dans l’exaltation, plus pointu dans la fournaise, plus débridé dans le shaking all over, Pat le crac bim-bam-boome au delà de tout ce qu’on peut raisonnablement espérer. Tu veux du rock, c’est lui ! Tu veux du power-chord, c’est lui, tu veux du ramalama et de l’incendiaire, c’est lui, tu veux le revival des riches heures du Duc de Berry, c’est lui, tu veux du Black To Comm comme si c’était hier, c’est lui, d’ailleurs il démarre son set avec ce vieux stormer du MC5, histoire de bien marquer son territoire. Au moins comme ça les choses sont claires, tu peux dormir sur tes deux oreilles et laisser les décibels bercer ton âme de langueurs monochromes.

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    En fait, ce mec est tellement spectaculaire qu’il finit par évoquer le souvenir de Nijinski et de ses bonds de huit mètres qui fascinèrent tant le public des Ballets Russes durant années vingt. Pat ne danse pas le jerk mais un ballet de jerk. Ses cabrioles sont extrêmement précises, il ne laisse rien au hasard de l’explosivité sinon il passerait son temps à se cogner dans son pied de micro. Et c’est là où il devient très fort, car il ajoute l’énergie du corps en mouvement à l’énergie du son, comme si les deux énergies se stimulaient réciproquement. Il ne fait que réactualiser un vieil adage : un concert de rock est plus marrant quand les gens se roulent par terre.

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    Mais pour faire ce qu’il fait, il vaut mieux être en caoutchouc, oui car il rebondit, il se plie en deux ou en trois, ça dépend de l’angle d’attaque, il saute en l’air et retombe en grand écart sans s’éclater le cul, c’est très impressionnant. Seuls les athlètes sont capables de tels prodiges, alors saurait-on imaginer un athlète rock ? À part James Brown et Jesse Hector, on n’en voit pas des masses. Des gens du niveau de Jesse Hector qui passent quasiment la moitié du set au sol en combinant le chant, la rythmique et les solos, ça ne court pas les rues. Et puis quand «In Mono» arrive, il se produit exactement la même chose que s’il attaquait «Kick Out The Jams», on flaire le hit immédiatement, et par les temps qui courent, les hits de cet acabit valent tout l’or du monde.

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    Dans sa course folle, Pat le crac parvient toujours à caler un yeah dans son micro, ça n’a l’air de rien, comme ça, mais en une heure, il couvre pas mal de kilomètres et il semble logique de le voir perdre son souffle en fin de set. Il termine d’ailleurs avec une espèce de fin de non-recevoir, un petit medley en hommage à Little Richard, «Whole Lotta Shakin’ Goin’ On» couplé avec «Jenny Jenny».

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    Alors bien sûr, il faut écouter leur album. Le buzz est arrivé en 2017 via The Next Big Thing, le zine de Lindsay Hutton. On y trouvait un texte de Long Gone John qui annonçait après dix années de silence le redémarrage de son label Sympathy For The Record Industry à cause des Schizos qu’il venait de découvrir. Il en faisait une apologie long-gone-johnienne, et comme il fait partie des gens dont on boit les paroles, alors on buvait. Glou glou glou. Long Gone John racontait que la scène actuelle ne le faisait plus trop bander, mais en découvrant ce groupe, son vieil instinct s’était réveillé - And that was so great I simply could not refuse - Refuse what ? Redémarrer Sympathy, bien sûr ! Long Gone John racontait que Pat et Lety Beers s’étaient un jour installés à San Diego et avaient commencé à écouter le John Reis Swami Sound System weekly radio slow. Comme ils se goinfraient déjà de MC5, de Stooges, d’Hendrix et de James Brown, ils se sentaient en terrain de connaissance. Ils montèrent ensuite les Schizos et devinrent les chouchous de Mike Stax qui a d’ailleurs sorti un single sur Ugly Things - I think the Schizophonics are an amazing force, deserving attention (Je pense que les Schizos sont un groupe très puissant qui mérite votre attention) - Et ce fier poète qu’est Long Gone John ajoutait que trop de bons groupes disparaissent dans l’indifférence générale, while stylish derivative piles of useless wet shit continue to flourish and thrive (tirade scatologique qu’il n’est pas nécessaire de traduire, car tout le monde sait bien ce qu’est la wet shit - berk). Long Gone John terminait en conseillant vivement d’aller voir les Schizophonics sur YouTube, mais surtout d’aller les voir jouer en concert. You will love them and you can thank me later. (Vous allez les adorer et vous me remercierez plus tard).

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    L’album s’appelle Land Of The Living, et sa place se trouve à côté des albums du MC5 et de Little Richard que vous conservez précieusement dans vos étagères. Dès «Streets Of Heaven & Hell», Pat la bête gratte à la Sonic Smith et chante à la Rob Tyner. Il y va de bon cœur. Il fait même son Wayne Kramer pendant que sa poule Lety fait son Machine Gun Thompson. On assiste à une terrible débauche des forces vives de la nation. C’est d’un très haut niveau de blast furnace. On trouve au moins quatre autres cuts dignes du MC5 sur cet album, à commencer par un «Make It Last» noyé de son, pur jus purulent de Detroit Sound, fabuleux éclair de génie rockalama Fa Fa Fa. Même chose pour le «Welcome» qui ouvre le bal de la B, c’est pilonné du pilon, martelé au tatapoum de badaboum, giclé au crack-boum uh-uh et chanté à l’efflanquée, avec un son kramérisé à outrance. Ça coule sur les doigts. Ah comme c’est bon ! «World Of Your Gun» sonne comme «Kick Out The Jams». Pat joue ça au riff Pinder, il ne se refuse aucune exaction. Il halète comme Rob Tyner. Le hit du disk s’appelle «In Mono». Son riff glorieux entre dans Rome comme un général couvert de butin et d’esclaves, brillant, têtu, ardu, poilu et ventru. Pat joue son solo dans l’œil du typhon. Quelle bardée de bordée ! Tout aussi infernal, voilà «This Train» monté au Diddley beat trépidant et joué à la cisaille infernale. Encore un pur chef-d’œuvre avec «Move». Ses départs en solo sont des modèles du genre. Pat joue ses cuts à l’emporte-pièce de garage ardent. Pas de fioritures. Rien que du brûlot expansif à l’état le plus pur. Il termine cet album faramineux avec un «Put Your Weight On It» joué sous le boisseau en flammes. Motor City is burning baby, on y est, c’est le grand embrasement catégoriel, pas de demi-mesure, c’est d’une infamie démesurée arrosée à l’excès par des tas de solos éclatés du bas-ventre.

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    Signé : Cazengler, schizophrène

    Schizophonics. Nuits de l’Alligator. Le 106. Rouen (76). 19 février 2019

    Schizophonics. Land Of The Living. Sympathy For The Record Industry 2017

     

    C’est parti Monkee Kee - Part One

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    Souvenez-vous, dans les années soixante, les Monkees rivalisaient avec les Beatles en tête des hit-parades. On aurait tendance à les oublier de nos jours, mais en 1966, ils comptaient parmi les légendes de la pop américaine.

    Trois Américains (Micky Dolenz, Mike Nesmith, Peter Tork) et un petit mec originaire de Manchester (Davy Jones) jouaient dans ce groupe formaté pour les télés américaines. On s’apercevra au fil du temps que Davy Jones était l’âme du groupe, comme le fut Brian Wilson dans les Beach Boys. Il faut dire qu’on ne prenait pas vraiment les Monkees au sérieux, quand on voyait leurs photos dans SLC, mais quand «Last Train To Clarksville» passait à la radio, là, on ne rigolait plus.

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    Des quatre, il n’en reste plus que deux, Nesmith et Dolenz. Davy Jones fut le premier à casser sa pipe en bois en 2012, suivi de Peter Tork, tout récemment.

    Visuellement, celui sur lequel on flashait le plus était Mike Nesmith car il semblait un peu moins puéril que les autres. Il jouait le plus souvent sur une grosse Gibson demi-caisse et portait un bonnet de docker qui lui donnait un petit côté aventurier à la Jack London. Et celui qui nous agaçait le plus était le batteur/chanteur Micky Dolenz qui n’en finissait plus de sourire comme une gravure de mode. Il fut aussi pendant longtemps le chanteur principal du groupe, ce qui était un vrai gâchis, car Davy Jones paraissait beaucoup plus intéressant.

    Pour ce Part One, on se contentera d’un petit panorama discographique, histoire de vérifier qu’on n’avait pas rêvé. Oui, les Monkees méritent leur place au panthéon, parmi les géants des sixties.

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    Si on ne possède pas l’EP, on retrouve l’excellent «Last Train To Clarksville» sur le premier album des Monkees paru en 1966. C’est le premier cut de la B, le prototype du hit sixties, l’emblème psyché joué à l’attaque frontale, doté de la meilleure énergie continentale - Oh no no no ! Caus’ I’m leaving in the morning - Et il ajoute qu’il must go. C’est saturé d’effluves sixties et joué entièrement au riff. Et là, on entre sur le territoire de Tommy Boyce & Bobby Hart, le brillant duo de compositeurs qui vont travailler pendant quelques années pour les Monkees. S’il faut retenir un hit des Monkees, c’est sans doute celui-ci. L’autre gros hit de l’album s’appelle «(Theme From) The Monkees» - Hey hey hey we’re the Monkees - repris plus tard par les Gories qui en feront Hey hey hey we’re the Gories ! On a là toute l’énergie de l’Amérique teenage. C’est absolument renversant. Back to the Monkees’ Sound avec «Tomorow’s Gonna Be Another Day» que chante Micky le batteur avec du hey hey hey plein la bouche. Il est bon, dans ces coups-là. Il chante comme s’il chevauchait un étalon. Quel fabuleux popster ! Dommage que tout l’album ne soit pas de ce niveau. C’est Davy Jones qu’on entend chanter «Saturday’s Child», un cut éclaté aux guitares claires des sixties, sacrément psych-out et oh, so far-out, so faaar-out, baby. Et puis voilà qu’avec «I’ll Be True To You», notre petit Davy nous fait son Robin Gibb.

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    Ils reviennent l’année suivante avec More Of The Monkees sur lequel se niche l’autre grand hit du groupe, «(I’m Not Your) Stepping Stone», un hit exceptionnel et râblé. Figurez-vous que c’est la basse ronde qui mène le bal du garage, ici. Pas étonnant que tous les kids d’Angleterre et principalement les Pistols aient flashé là-dessus comme des ronds de flanc. On voit que les Monkees sont capables de jouer le meilleur garage de leur époque, surtout lorsqu’il est signé Boyce & Hart. Attention au dernier cut de la B : il s’agit bien sûr du troisième grand hit des Monkees, «I’m A Believer», composé par Neil Diamond. Rien qu’avec Stepping Stone et celui-là, les Monkees sauvent leur album. Ils amènent Believer au riff d’orgue et ça démarre dans l’intimité du génie des sixties. Tout s’articule admirablement, avec de l’énergie - I couldn’t believe it if I tried - Nous non plus, Micky ! Le When I saw her face est rentré dans l’histoire et on se goinfre de coups d’If I try et on se shoote de aaaaaah et des relances intempestives, il semble que l’énergie se démultiplie à l’infini, apanage des grands hits - I’m in love ! - C’est l’âge, ils sont dedans and then I saw her face ! Davy se tape plus loin un beau «Hold On Girl» et il semble dégager l’horizon, avec son extraordinaire dynamique de sucre d’orge. Il chante d’une voix de rêve. Davy le popster colle au bonheur. Il tape lui aussi dans Neil Diamond avec «Look Out (Here Comes Tomorrow)». Il sait tenir son rang de popster intercontinental. Disons que c’est le troisième hit de cet album qui semble quand même un peu mou du genou.

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    La même année paraît Headquarters, avec la belle photo du groupe sur un fond blanc, le genre de pochette qui vous fait de l’œil lorsqu’elle est accrochée dans la vitrine du disquaire. Alors on entre. C’est encore l’époque où le disquaire vous fait écouter le disque et vous en parle. Mais bizarrement le disque n’accroche pas. Il manque un truc important : les hits.

    — On ne peut pas dire que ce soit un grand disque, hein ?

    — Tiens écoute ça !

    Le cut s’appelle «Forget That Girl». Davy chante et c’est magnifique d’innocence poppy. On a l’impression de sucer une pop sucrée et chocolatée. Le disquaire tourne le disque et passe un autre cut, «Sunny Girlfriend». Ah voilà le hit de l’album, joué par Mike Nesmith qui gratte des arpèges à la volée, on a là un truc tonique et sur-vitaminé ! Wow ! Il faut voir à quelle vitesse il tricote ses mailles, c’est même effrayant et excessif. Mais ce n’est pas suffisant. Il y a trop de trous dans cet album. Mais on le prend quand même pour l’écouter tranquillement à la maison. On ne sait jamais.

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    En 1967 paraît un troisième album des Monkees, Pisces Aquarius Capricorn & Jones Ltd. On frise un peu l’overdose, d’autant que cette année-là paraissant des tonnes d’albums fantastiques. Impossible de suivre financièrement. Par chance, Pisces n’est pas bon. On l’écoute chez le même disquaire qui en convient lui-même. Bon ben bof... Le seul hit qu’on trouve là-dessus est le fameux «Pleasant Valley Sunday» repris par Gedge avec son Wedding Present. C’est logique que ce soit un hit puisque Carole King et Jerry Goffin l’ont composé. On retrouve avec ça tout l’éclat de la grande sunshine pop américaine. Davy Jones se tape la part du lion avec «Hard To Believe» qui ouvre le bal de la B, Il ramène sa pointe d’English class dans ce fatras de pop américaine et sauve un peu l’album en claquant des doigts. Il swingue son charme à la bonne mesure. Ce mec sait aller chercher du rêve dans l’exercice de la démesure. Et quand on écoute «Words», on a l’impression d’entendre une resucée de «Murder Mystery» du Velvet. Et puis on voit nettement se cristalliser les tendances bluegrass de Mike Nesmith à travers des cuts comme «What Am I Doing Hanging Around», une sorte de country-rock des collines qu’il joue au picking rapide, l’œil rivé sur l’horizon.

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    On approche de la fin de l’âge d’or avec The Birds The Bees & the Monkees, paru l’année suivante. Un hit s’y niche, le fameux «Daydream Believer», chanté par Davy, hit de pop suprême, orchestré aux trompettes. Davy joue la carte de la consistance de la consonance et il s’affirme en tant que héros du groupe. Il faut voir comme il remplit bien l’espace. Il chante aussi «Dream World», et on pense aux early Bee Gees, car c’est le même genre de magie, avec le même timbre de canard sucré que celui de Robin Gibb. Sa pop se veut enjouée, solide, envolée, voluptueuse, toute en bulbes et en coupoles dorées dans l’azur immaculé de ces sixties hélas disparues pour toujours. Davy refait son Robin dans «We Were Made For Each Other», balladif de charme intense et notre petit génie de Manchester chante au micro étoilé. Il est un peu le Gerald Love des Monkees. On reste dans le haut de gamme avec «Tapioka Tundra», sunshine pop over the rainbow, bien soutenue, bien fourbie, nerveuse à souhait et relativement élancée. Quand il chante «The Poster», en B, on détecte dans son timbre des accents de Robin, mais aussi de Bowie.

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    Oh et puis la même année paraît Head, un album qui s’arrache aujourd’hui à prix d’or et on se demande bien pourquoi. Les hits y brillent par leur absence. «Porpoise Song» sonne exactement comme un cut des Beatles. Niveau ambiance, c’est assez proche d’«A Day In The Life», mais il vaut mieux écouter les Beatles. On frémit un peu à l’écoute de «Circle Sky», amené avec une belle densité de son et monté sur un beat d’acou. L’autre cut solide de l’A s’appelle «Can You Dig It», un drive pour le moins fantastique joué à la guitare psyché. Et puis en B, eh bien, on bâille aux corneilles. Davy tente de sauver l’album avec «Daddy’s Song», mais l’étincelle lui fait cruellement défaut.

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    En 1969, ils sortent deux albums : The Monkees Present et Instant Replay. Present subit à peu près le même sort que son prédécesseur : il est privé de hit. On y entend Mike Nesmith jouer les virtuoses sur «Little Girl» et «Good Clean Fun» et Davy revient charmer les ménagères avec «If I Knew», une pop très anglaise dans l’essence de la gazoline. Mike revient à sa chère country avec «Never Tell A Woman Yes». C’est dingue comme ces mecs ont des goûts différents. Davy revient avec une compo signée Boyce & Hart, «Looking For The Good Times» et tente de faire décoller cet album. Il fait émerger ses tendances bubblegum. En B, on s’ennuie une fois encore comme un rat mort et Micky referme la marche avec un «Pillow Time» chanté au doux de la voix avec un petit côté duveteux de loutre pop, coquin de creux du cou.

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    Replay n’est pas beaucoup plus convainquant. Boyce & Hart continuent de travailler pour nos amis, mais on sent beaucoup trop les influences de Sergent Pepper’s. Dès que Davy chante, comme c’est le cas avec «Don’t Listen To Linda», l’atmosphère se réchauffe. Mais on sent bien que l’inspiration fait défaut. Les pop-songs comme «Me Without You» ou «I Won’t Be The Same Without Her» refusent obstinément de décoller. Le «Tear Drop City» qu’on trouve en B est un belle resucée de «Last Train To Clarksville» : on a exactement le même gratté de guitares. C’est Neil Sedaka qui signe «The Girl I Left Behind Me», une pop éminemment bien foutue, sucrée et raffinée à souhait. Et puis voilà. T’as encore dépensé des sous pour rien.

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    L’année suivante, ils ne sont plus que deux dans le groupe : Micky et Davy. Ils ne se formalisent pas pour autant et enregistrent l’album Changes. Avec «It’s Got To Be Love», il tapent dans la petite pop délicate, mais il leur manque l’envergure. L’intimisme qu’ils pratiquent ne fonctionne pas du tout. Par contre, ils défraient bien la chronique avec «99 Pounds». Ils reviennent à leurs racines pop-rock, avec du vrai son vitaminé, plein de tambourins et là, ça marche. En B, Davy ramène toute la chaleur poppy dont il est capable dans «Do You Feel It Too». Il chante de son meilleur timbre d’ambre jaune et un joli solo joué au velouté rehausse cet épisode joliment inspiré. Mais pour le reste, on pourra se serrer la ceinture.

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    Dix-sept ans passent sous le Pont Mirabeau et on les retrouve tous les trois dans une piscine : Davy, Peter et Micky. L’album s’appelle Pool It et ça démarre sur «Heart And Soul», une grosse pop à la Cheap Trick. On reconnaît bien là les penchants touche-à-tout de Micky. Avec «Secret Heart», ils font même de la diskö. Incroyable mais vrai ! Alors là, on peut dire qu’ils se grillent. En B, ils passent carrément au rock FM et histoire de bien finir de scier la branche sur laquelle ils sont assis, ils font aussi un brin de reggae. Cet album est un véritable catalogue des horreurs.

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    Paru en 1996, Justus pourrait bien être le meilleur album des Monkees. On y trouve en effet deux véritables coups de génie, à commencer par «You And I», fabuleuse pop de caractère. Davy Jones chante et il se montre extraordinaire de répondant. Il sait monter sa pop en neige. Avec «Admiral Mike», on passe au heavy groove. On se croirait sur l’Album Blanc tellement c’est bon, argenté et plein de son - Your copy kills/ Your copy smells - C’est joué aux énormes accords du ponant. Les Monkees ont du génie. Il faut voir avec quelle classe ils partent en sucette sur des accords rock’n’roll. Attention, ce cut est d’un niveau peu commun. En réalité, on s’embarque pour Cythère dès le premier cut, «Circle Sky». Ils lâchent une véritable cavalcade de pop portée à l’incandescence, sauvagement grattée et propulsée. On retrouve sur ce disque la formation originale du groupe et diable, comme ils sonnent bien ! Attention, avec les Monkees, les choses peuvent devenir très sérieuses ! Avec «Oh What A Night», le grand Davy Jones tape la carte de la good time music. On fond comme beurre en broche - Your kisses were so tender/ Oh what a day - Les Monkees poussent le bouchon très loin. Par contre, les compos de Micky Dolenz ne décollent pas. Il nous embête. Celles de Peter Tork accrochent un peu mieux, comme par exemple «I Believe You», pièce atonale à cheval sur trois pattes et qui tire un peu vers la gauche. Ah Tork sait avancer de travers. On perd l’habitude d’entendre des cuts aussi étrangement bons. Micky Dolenz finit par s’imposer avec «It’s My Life», un joli balladif. Chez les Monkees, le moindre balladif sonne pour de vrai. Celui-ci se révèle exceptionnel. On est aux antipodes des mauvais balladifs d’Aerosmith et de tous ces groupes de rock FM. Davy Jones boucle ce fantastique album avec «It’s Not Too Late». On sent l’Anglais dès l’intro. En fait, dans le groupe, c’est lui qui passe le mieux. Il sait modeler une mélodie pour la réchauffer et l’humaniser. Davy Jones est mort, désormais, mais il fut un petit roi de la pop. Il rayonnait et dardait de mille feux - It’s not too late/ To turn this ship around/ To sail into the world my love/ Before we run aground - Il est assez précis dans l’évaluation des conséquences. Davy Jones crée l’envoûtement. C’est un enchanteur pourrissant, comme dirait Apollinaire.

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    Nos amis sont de retour en 2016 avec un nouvel album intitulé Good Times. Même si Davy Jones n’est plus là, c’est bardé d’énormités, comme «Gotta Give It Time», une puissante compo de Jeff Barry. Ah on danse autour du juke et on note l’excellence de la corpulence d’Hortense, la grosse qui danse en mini-jupe. Effarante pop. On sent bien la force des vétérans. Dans le morceau titre qui fait l’ouverture du bal, on note la présence d’Harry Nilsson. Ils font une cover de Weezer, «She Makes Me Laugh». Micky, Peter et Michael jouent ça avec une énergie considérable. Ils retapent dans Tommy Boyce & Bobby Hart avec «Whatever’s Right». Back to the basics, les Monkees reviennent aux sources de leur légende. Avec «Love To Love», ils tapent dans Neil Diamond et la voix qu’on entend est celle d’un Davy Jones ressuscité. Encore une pure merveille avec une reprise de «Birth Of An Accidental Hipster», joli cut signé Noel Gallagher. C’est traversé par un solo extravagant et on se retrouve une fois de plus avec une pure merveille sur les bras. Ils reprennent ensuite «Wasn’t Born To Follow» de Goffin & King et jouent ça au bongo du bingo. Et ça se termine avec une autre énormité cavalante, «I Was There», jouée au boogie rampant.

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    Peut-être qu’au fond le mieux serait de se limiter à un bon Greatest Hits, comme par exemple celui sorti sur Arista en 1976. On y retrouve tous les hits qui firent la grandeur de ce groupe : «Last Train To Clarksville», «Daydream Believer», «I’m A Believer», «Pleasant Valley Sunday» et «Stepping Stone», bien sûr. On y trouve aussi un hit qui ne figure pas sur les albums, «A Litlle Bit You A Little Bit Me», mais qui se trouve sur un single. C’est l’un de leurs hits les plus resplendissants. On réécoute aussi avec un plaisir non feint «She», ce beau cut signé Boyce & Hart. Au plan mélodique, il se pourrait fort bien que ce soit la meilleure chanson des Monkees. C’est pur et toxique, comme peut parfois l’être le plaisir charnel.

    Signé : Cazengler, et monkee, c’est du poulet ?

    Peter Tork. Disparu le 21 février 2019

    Monkees. The Monkees. Colgems 1966

    Monkees. More Of The Monkees. Colgems 1967

    Monkees. Headquarters. Colgems 1967

    Monkees. Pisces Aquarius Capricorn & Jones Ltd. Colgems 1967

    Monkees. The Birds The Bees & the Monkees. Colgems 1968

    Monkees. Head. Colgems 1968

    Monkees. The Monkees Present. Colgems 1969

    Monkees. Instant Replay. Colgems 1969

    Monkees. Changes. Colgems 1970

    Monkees. Pool It. Rhino Records 1987

    Monkees. Justus. Rhino Records 1996

    Monkees. Good Times. Rhino Records 2016

    Monkees. Greatest Hits. Arista 1976

    Ah au fait, sur l’illusse, Peter Tork est celui qui est devant, avec les cheveux plus clairs. Derrière lui, de gauche à droite : Mike Nesmith, Davy Jones et Micky Dolenz.

    22 / 02 / 2019MONTREUIL

    L'ARMONY

    BILL CRANE / CRASHBIRDS

     

    Armony du soir. Un peu dissonante, je l'admets, mais le rock'n'roll est rempli d'aspérités, c'est ainsi, l'on n'y peut rien. En plus ce soir ce sont les oreilles qui vont saigner mais aussi les yeux. Disposés sur une table Speedball et Kronik vous arrachent la vue, pas de panique, les numéros sont présentés plus bas, plus un supplément la semaine prochaine, ne me remerciez pas, je sais que vous ne le méritez pas, mais c'est mon jour de bonté, profitez-en, en attendant, allons voir ce qui se trame du côté – pour le situer d'une manière proustienne - de la scène.

    BILL CRANE

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    Z'étaient l'objet d'une précédente chronique voici quinze jours, mais c'est comme les attaques de banque à mains armées, quand vous y aviez goûté vous ne pouvez plus vous en passer. Quand on y pense le rock'n'roll lorsqu' il est bien fait, ça vous prend très vite un petit air à la Jesse James. Mais ce soir les héros ce ne sont pas les frères de l'Ouest sauvage du bon vieux temps qui s'activent mais Bill Crane, une espèce de combo d'outlaws qui se complaît à fracturer non pas les coffre-forts, mais le rock'n'roll. Un art pas facile. Qui équivaut à se déplacer sur un fil de fer barbelé qui vacille en s'interdisant d'éviter toute blessure, une esthétique de la rupture.

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    Ce soir Gwen nous offre une basse de velours, la compresse d'ouate douce pour les ecchymoses que vous n'avez pas encore reçues mais qui vont très bientôt tuméfier votre visage. L'a adopté la démarche du chat en chasse, souplesse et indolente, qui arpente négligemment la faitière du toit le plus haut de la ville, griffes rentrées et coussinets feutrés. Semble marcher en somnambule, méfiez-vous la bulle de sa pupille est aux aguets, arrêtez de sourire et priez pour vos souris, ce soir Gwen a la basse carnassière, s'insinue partout, l'est maintenant le boa réticulé qui se glisse sous les toits et vous ne voyez plus qu'une traînée de tuiles qui se soulèvent et trahissent sa marche en avant, insidieuse et prédatrice. La vieille technique de la tortue chère aux légions romaines qui permet d'avancer sus à l'ennemi sans désemparer. Ce soir Gwen est métamorphose, l'est la ligne intangible, le filon d'or qui court sous la montagne, les trois autres ont compris qu'il était la fréquence de base ( et de basse ), le rayon de lumière noire qui indique la direction, et permet de foncer sans fin vers les confins du rock'n'roll, qui se dérobent toujours.

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    Le serpent qui rampe et l'aigle qui vole. Patrice suit l'avancée reptilienne, mais de haut, l'a le sax flamboyant, Gwen est l'ombre tutélaire et Patrice la lumière victorieuse. L'un qui fore fort et l'autre qui force l'or du feu à étinceler en gerbes flamboyantes qui n'en finissent pas de passer telles des queues de comètes interminables. Patrice a définitivement opté pour l'art de la surabondance, l'en rajoute toujours un max, toujours un sax, l'a décidé de saturer le palimpseste, de raturer les runes secrètes, l'institue ainsi un déséquilibre tangentiel dans le rock'n'roll de Bill Crane, une rupture sonique, une faille infaillible, une dévastation plénière. Une dénivellation ascendante, un escarpement différentiel. Faut le voir souffler sans interruption, comme s'il jetait sa force vitale dans le vide, comme s'il désirait se vider de lui-même, et remplir le monde de son influx nerveux.

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    Bodo n'est pas à la fête. Doit répondre aux deux postulations contradictoires, l'a les bras qui n'arrêtent pas de taper, mais le plus spectaculaire c'est de suivre son travail de frappe sur son visage. Ses baguettes donnent l'air de s'activer toute seules, un ballet d'essuie glaces automatiques qui se régule sans besoin d'aide et s'adapte au moindre changement de rythme avec une facilité déconcertante. Une machine. Mais c'est dans sa tête que ça turbine le plus. Un ordinateur qui pense, qui calcule, qui prévoit. Suit des yeux les moindres mouvements des trois autres, qu'est-ce qu'ils vont encore inventer, mais non, peuvent imaginer tout ce qu'ils veulent, lui il possède la parade et la solution, l'a cet air entendu du mec à qui on ne la fait pas, ah, bon ce n'était que ça, vous voulez la révolution, voici la résolution.

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    Et pourtant l'a du souci à se faire avec le Calassou, l'a sans arrêt, mais avec avec arête de poisson coincée dans le gosier, un truc de travers à sortir de sa guitare calebasse. L'a le riff qui ripe et qui râpe. Ne peut pas ne pas vous surprendre. Vous savez bien qu'il est le spécialiste de la déglingue, le skieur maudit qui déclenche l'avalanche, le chauffeur de bus qui casse le moteur, le capitaine qui coule, l'aviateur en panne de kérosène, vous attendez, et à chaque fois il invente un incroyable bidule de sauvetage, la neige qui fond, l'autobus sans abus, le sous-marin, le moteur à air, et il retombe sur les pieds du riff avec l'élégance d'une panthère qui saute par terre avec cette souplesse féline qui n'appartient qu'à elle. Sachez-le, un riff de guitare chez Bill Crane, c'est une catastrophe annoncée qui s'achève en splendeur éphémère, car il ne faut pas trop exagérer, le rock'n'roll sans danger qui reste sur ses acquis c'est comme le couteau sans lame auquel il manque le manche.

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    En plus possède une arme pas secrète du tout. L'agite à la manière d'un drapeau sur le champ de bataille, l'a la voix oriflamme qui claque au vent, aux quatre vents de l'esprit dirait Victor Hugo. Vous la jette dans la tambouille sonique à croire qu'il voudrait s'en débarrasser. Un grand pavois qui cloque et qui prend ses cliques, car elle file à folle rapidité, l'écrase les crevasses et décime les cimes. Et tout le monde suit sans demander son reste. Un set de Bill Crane, c'est comme quand vous avez enlevez la clef de voûte de la pyramide, tout s'écroule autour de vous, l'on ne compte plus les morts en marmelade sous les pierres, les femmes hurlent, les enfants pleurent, mais vous vous en foutez, royalement, sous vos yeux éblouis la chambre secrète est enfin ouverte et vous pouvez contempler le visage du pharaon inconnu, et vous vous apercevez qu'il vous ressemble.

    On s'en doutait, mais Bill Crane confirme.

    CRASHBIRDS

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    C'est le printemps, les cui-cui sont de retour. Z'ont quitté leur chaumière du Finistère rien que pour nous. C'est que nous sommes très importants, si beaux, si bons, si bien que nous sommes ( en filigrane ) sur leur prochain disque, un double CD enregistré en public à l'Armony, qui sera présenté le dimanche 7 avril de 18 heures à 23 heures à ( quel hasard ) l'Armony. Risque d'y avoir du monde vu que ce soir l'assemblée compressée ressemble à ces fagots d'haricots verts extra-fins retenus tout droit par un fil dans les restaurants qui se la jouent classe. En attendant ce jour faste Pierre est déjà au boulot, talque sa guitare avec le soin maniaque d'un pâtissier qui saupoudre ses millefeuilles, Delphine se pavane parmi un groupe d'admirateurs et d'admiratrices revêtue de son insolente beauté et d'un béret noir qu'elle porte comme une couronne de reine. Mais il est temps que les choses sérieuses commencent.

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    Crashbirds, this old dirty hot blues, l'effet d'une incantation voodoo dès les premières notes, la cérémonie bleue pétrole marée noire vient de commencer. Vous avez deux sortes de blues originel, celui de Charley Patton qui mugit de l'intérieur, faisandé sur lui-même, une explosion atomique souterraine dans l'auto-cuiseur de votre cervelle, et celui de John Lee Hooker, un balancement hypnotique, un cheminement incoercible, une marche en avant infatigable, qui vous mène tout droit dans le cœur putride de votre chair, deux sentiers différents qui se dirigent vers l'identique lieu, la forteresse désarmée de votre âme lézardée. Deux manières d'être au monde qui correspondent aux voies humide et sèche de l'alchimie intime, Crashbirds ose celle de feu, sans concession ni rémission. Une ligne de crêtes solitaires aiguisées comme autant de poignards impitoyables levés vers le ciel des aurores sanglantes. Le vieil when I awoke this morning, et toute la misère du monde qui s'affale sur vous et que vous allez lacérer en un corps-à-corps mortel, tout cela, c'est l'arrière-fond immémorique de la musique de Crashbirds, ne vous étonnez pas s'ils commencent par faire un sort à votre personnel grigri christique. Le blues est sans pitié, on y sacrifie aussi bien le dieu oublié qui vous appelle au téléphone que les alligators carnassiers qui nagent dans les boyaux de vos désirs et les bayous mortels de vos affects.

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    Rollin' To The South. Pierre regarde vers les Enfers et Delphine vers Dionysos. Il est le démon, elle est la ménade païenne échevelée. Pierre souque ferme sur ses boîtes soniques. Du pied il donne le rythme, s'obtient par le geste du talon répétitif qui écrase les têtes de serpents qui s'entrelacent à même le sol. Un peu voûté par ce piétinement primordial qu'il faut alimenter sans arrêt, mais les doigts courent sur les cordes de sa guitare, l'arakné obstinée du blues tisse le défi de sa toile, un tricotage riffique infini dont il semble impossible de s'arracher, la psalmodie orphique des cordes produit ses effets serpentiques et fascinatoires sur le public qui ne peut plus détacher les yeux de cette combustion venimeuse enchanteresse qui se communique lentement mais sûrement au monde entier.

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    Nous descendons les sinistres escaliers avec lui et maintenant nous les remontons derrière Eurydice, Delphine est renaissance, la germination primitive, c'est elle qui chante, crie, rit, et gesticule. Ses cheveux roux sont la flamme de la torche nuptiale du jour et de la nuit, l'ivoire de son teint est la blancheur matutinale des premiers rayons du soleil qui irise le monde. De sa gorge s'échappent les clameurs péremptoires de la joie de vivre, elle dit, elle ordonne, elle façonne, sa voix est un fouet délicieux qui coupe et cisaille. Prêtresse et comédienne, elle demande à boire et l'on se précipite pour lui apporter une bière bienfaisante dans un verre aussi long qu'un cou de girafe, elle s'amuse vocalise, escalade les aigus et les cimes cristallines avec une facilité et une gracilité vocales de petite fille et de grande diva.

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    Le message n'en est que plus noir. Elle dénonce et elle prophétise, We Lobotomy, No Mercy, European Slaves, Someone to Hate, les titres assénés comme des coups de couteaux dans le dos de vos illusions ne laissent planer aucun doute quant au constat de la réalité professé par nos ornithos qui vous déchirent le réel à cruels coups de bec, lui sortent les tripes du ventre pour que vous n'ignoriez rien de la puanteur sociale qui nous entoure. Et Pierre imperturbable en rajoute, entre deux morceaux, le temps d'agrémenter sa tambourinade de de quelques réparties vaseuses et scrofuleuses, élégance dénonciatrice selon un mode auto-dérisoire de l'inanité des choses. Puis comme le forçat attaché à son boulet, reprend son boulot de Sisyphe à pousser le rock du riff sur les plus hauts sommets incantatoires. Delphine le suit de près sur sa rythmique, mais ce soir elle a tellement incarné sa présence dans sa voix que ne me restent que quelques flashs de ses mains sur les cordes. Pétulante et pétillante, le cordon qui étincelle avant de détonner le bâton de dynamite. Les guys ne pensent qu'à la regarder mais devant la scène une cohorte de filles de feu s'adonnent à une étrange ronde nervalienne en son honneur.

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    Hélas sur cette terre les édiles ont décidé qu'il y avait une heure pour le bonheur dionysiaque à laquelle il convient de ne pas contrevenir. Le concert s'arrête, no fun for punks, telle est la terrible loi de nos existences grillagées. Qu'importe, même si le monde est une saleté, quelle soirée de rêve bleu et rock.

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    Damie Chad.

     ( Photos : FB : THIERRY LERENDU )

     

    ISLATION N° 31

    ( Hiver 2018 )

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    Je ne le savais pas mais c'était chez moi, bien au chaud sur le bureau, sous des tonnes de bouquins, de CD et de factures. Un véritable petit trésor, à peine plus épais qu'un feuillet à cigarettes, vingt-huit pages, j'ai dû réfléchir pour savoir d'où ça provenait, ah, oui la poignée de fanzines récupérée chez Vicious Circle à Toulouse l'été dernier, un coup de chance en farfouillant sur le net me suis aperçu qu'il avait seulement été distribué que sur la ville rose et à Paris in Le Silence et la Rue, boutique spécialisée en vinyles. Vous livre même le nom de l'individu qui est derrière cette publication, Bertrand Redon, un passionné de bonnes musiques. Allez faire un tour sur son bertrandmusicblogspot.

    Fanzine certes, mais pas un truc esthétique du pauvre les tripes à l'arrache, une maquette parfaite, en trois couleurs, noir, blanc, gris, bien écrit, plutôt porté vers le folk, mais l'on devine une ouverture d'esprit sans œillère.

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    Ai été attiré par le long article sur Tamara Lindeman. Actrice ( film et télé ) canadienne sous le nom de Tamara Hope, mais aussi compositrice et chanteuse. Elle raconte une histoire invraisemblable. Tombe amoureuse d'un garçon, passent leur temps à se promener dans les bois désertiques du Canada. André a une habitude bizarre, ramasse toutes sortes de plantes et les grignote toute crues. Elle comprend et admet cela, les gens qui habitent des contrées solitaires développent des comportements qui peuvent sembler étranges aux habitants des villes, mais qui renouent peut-être avec de très anciennes habitudes de préhension du monde, survie et connaissance, qui remontent pourquoi pas d'avant le néolithique. Le guy retourne chez ses parents sur une île lointaine, un coup de téléphone lui apprend qu'il est mort, il a mâché de l'aconit. Poison violent qui aura raison de lui en trois heures. André était passionné de musique, ayant récupéré les cassettes qu'il avait enregistrées sur son dictaphone, elle comprend qu'elle se doit de devenir chanteuse. A ce jour elle a produit quatre albums sous le nom de The Weather Station. L'on sent Bertrand Redon subjugué par le personnage de Tamara, comme si l'acte même de chanter était relié chez elle, d'une manière des plus intimes, à la manducation du premier garçon avec qui elle avait partagé une charnelle et spirituelle communication poétique.

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    L'article suivant est une présentation du treizième album de Chuck Prophet, Bobby Fuller Died For Your Sins. Un titre magique pour les rockers, même si question originalité il est un peu trop connoté avec le Horses de Patti Smith, d'autant plus qu'une autre plage du disque s'intitule Jesus Wass a Social Drinker. Ah, ce sentiment de culpabilité post-puritaniste du citoyen américain, moyen ou borderline, qui n'en finit pas d'éclabousser sa conscience ! Rien que le fait de se surnommer prophète est très symbolique d'une lourde hérédité. Reste que le titre éponyme de l'album est teinté d'une ironie de bon aloi. Quant aux paroles du petit Jésus et sa rythmique subtilement titubante elles valent le détour.

    Lee Bains King Krule, Cancer, Fleet Foxes, Hiss Golden Messenger, Big Blood, Susanne Sundfor, Real Estate, Gzauson Capps, John Moreland, Scott Miller, Widow-speak, Macolm Holocombe, Charlie Parr, David Rawlings, Cindy Lee Berryhill, Watermelon Slim, je cite tous ces noms pour que vous ayez honte de votre inculture ( de la mienne aussi ), autant d'albums chroniqués, peu de mots mais des évocations qui décrivent à chaque fois un univers particulier, Bertrand Redon est doué et en connaît un rayon. Par contre son article de tête sur Smoky Tiger est la preuve absolue que chacun de nous aime des horreurs abominables. Si vous êtes de ceux qui pensent que les goûts et les couleurs sont très symboliques de vos états d'être vous risquez d'être plongés dans des gouffres d'interrogation sans fin.

    Diantre, ce modeste fanzine vous en apprend davantage que deux numéros de Rock & Folk ! Pastèque sur le gâteau, il est gratuit. Il existe donc encore quelques bienfaiteurs de l'humanité.

    Damie Chad.

    MELISA BERNARDOT

    SHOOTS AND DRAFTS

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    Support parisian rock scene, c'est ainsi qu'elle se définit lapidairement sur son FB, c'est elle qui nous a fourni les photos de la livraison 407 du 21 / 02 / 2019 du concert Amain Armé / Britches de la Comedia. Je ne parlerai point en cette chronique de ces photographies si ce n'est pour signaler cette manière de présenter souvent le même cliché en couleur puis en noir & blanc, ce dernier se conférant, selon cette double présentation, pour emprunter un terme au philosophe allemand Friedrich Wilhelm Schelling, une dimension réale fort prononcée tout en se donnant à voir comme la vision idéelle de ce dont il procède. Rappelons que le mot réal signifie effectif, ce qui est étrange puisque c'est la juxtaposition des deux clichés qui produit l'effet, et non l'effectivité du seul cliché shirokurique. Comme quoi la répétition du même ne reproduit pas obligatoirement le même. Nous vous laissons tirer de par vous-mêmes les conséquences métaphysiques de la précédente affirmation...

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    Donc en cette kronic nous nous intéresserons uniquement aux dimensions draftiennes de la jeune artiste. En d'autres termes à l'album ( visible sur le FB : shoots and drafts ) 90377 : my drawings / visuals. Un dossier de cinquante trois vues qui forme un ensemble assez disparate de ces dessins et de ces esquisses que peintres et dessinateurs ont souvent l'habitude de jeter sur un carnet ou le premier bout de feuille qui leur tombe sous la main. Boîte à idées précieuses ou corbeille de bureau dans lesquelles on se débarrasse des mouchoirs en papier des rhumes de cerveau créatifs. La majeure partie de l'ensemble est d'ailleurs réservée à l'Inktober 2018. L'Inktober est une pratique relativement nouvelle lancée en 2009 par le dessinateur de comics Jake Parker, s'agit durant chaque jour du mois d'octobre de jeter l'encre de son imagination aiguillonnée par la proposition d'un seul mot fourni par le calendrier inktobrique. Autant dire que votre liberté est fortement bridée et que c'est à vous de vous débrouiller pour que votre propre vision du monde et votre style transparaissent dans cet exercice imposé. Une espèce de gymnastique intellectuelle qui n'est pas sans rappeler la pratique du Questionnaire Proust en littérature à la charnière des dix-neuvième et vingtième siècles.

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    Nous nous arrêterons au deux octobre. Un dessin plus travaillé que les autres. Qui sert à Mélisa Bernardot de vignette à son FB, une espèce de masque symbolique, une figure en quelque sorte héraldisée de soi-même, le trait anguleux du visage rappelle Bernard Buffet, et l'attitude les poses hiératiques des héroïnes de Klimt. Olympe de goule si je peux me permettre ce calembour qui allie la beauté à l'envers du décor. Le mystère de la féminité pour se replacer dans l'esthétique symboliste fin de siècle ! Pauvre poulette, l'a été condamnée, le trois de ce mois funeste, à passer quelques minutes dans le grille-pain, la donzelle en est ressortie quelque peu cuite aux entournures, l'a perdu ses airs de déesse et peut-être pire les ailes du désir. Ces deux dessins sont symboliques du travail de l'artiste quant à l' auto-représentation de la femme, tour à tour sorcière, fée, criminelle, attirante et puis brutalement l'envers du décor dézinguée, vieille, perdue, morcelée, découpée... Victorieuse ou défaite. Les deux versants de la vie, celui qui monte vers le point acméique pour aussitôt décliner vers la dissolution finale. Le deuxième dessin de ce codex 90377, visage auréolé d'une chevelure transformée en soleil noir qui surmonte un corps qui semble déjà soumis à l'informe dégradation des pourrissements terminaux, symbolise à mortveille cette dégradation horrifiante. Immédiatement après deux représentations féminines, camelote bijoutière à motif cabalistique de pacotille ou marque sur le front d'une croix inversée sont à mettre en relation avec l'œil rehaussé de travers de l'une, et totalement blanc de l'autre, ces yeux glauques trahissent la perception d'un réel et d'un outre-réel menaçant et inquiétant. Les longs cheveux de la deuxième s'entrecroisent avec les larges rayures de son pull-over écarlate et forment comme une grille derrière laquelle rougeoie comme une fournaise, annonciatrice de sa simple présence au monde. Nous apparaît comme le joker de la mort.

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    Nous sauterons les espèces de collages qui séparent les deux images qui répondent d'une esthétique mangaïque, force et beauté sont au programme. Pas très loin, beau portrait d'un jeune mec le visage habillé d'une insolence paresseuse. Aux claires couleurs des deux précédents succèdent trois noirceurs de fille, de face, de dos et ce visage pratiquement dédoublé par la coupure d'une mèche ombreuse de cheveu anarchique, vu de si près qu'il excède la pleine page. Ensuite nous picorerons, ce réveil englobé dans un semblant de gangue de main qui serre son étreinte sans pouvoir arrêter le temps. Une autre mouture de cette image se retrouve plus loin dans l'Inktober sous forme d'une gamine tenant dans sa main une tasse de café mais le corps engoncée dans le cadran de la montre du temps fatidique. Vous la retrouverez à la page suivante recroquevillée en position d'œuf fœtal que l'on espèrerait retour originel, mais sur un dessin suivant, accrochée aux ballons de son rêve que l'on pressent d'une tristesse infinie. Ne reste plus sur une image postérieure qu'une poupée jetable abandonnée sur un trottoir déserté d'humanité. Admirons cette tête d'E. T. aux cinq yeux qui pétillent d'intelligence d'autant plus forte que débarrassée du reste de la chair de son corps absent. Tout comme cet homme le corps englouti dans la boue d'un marécage qui atteint déjà les narines, derrière lui des arbres morts tendent leur branches désespérées vers le rien, à mettre en relation avec la coiffure de cette petite fille à la chevelure de palmes vivantes qui court à son shopping, à l'assaut du monde, les billets verts entre les dents.

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    Ce n'est qu'un carnet. Certains lui reprocheront de ne pas être spécialement rock, pour ceux qui ont nécessairement besoin d'une guitare pour qu'une image soit obligatoirement rock, ou une pancarte '' Eléphant'' accrochée à la trompe de l'animal idoine, un de ces jours je chroniquerai les photos de concert de Mélisa. Le rock c'est aussi un esprit diffus. Ça flotte dans l'air sous forme d'atomes subtils, certains sont de véritables passoires, sont traversés par ces nuages microscopiques mais ils n'en retiennent aucun. A moins que ce ne soient les corpuscules qui ne veulent pas d'eux. Ce n'est pas donné à tout le monde d'en abriter quelques uns. Regardez la planche entière qui regroupe l'ensemble des dessins. Sont empreints d'une terrible solitude. Les personnages sont figés dans l'apparence spectrale de leur image. Que ce soit la vieille grand-mère qui tient précieusement son sac-à-main, ou l'homme à deux têtes pour mieux insulter le monde, chacun s'entête à représenter sa propre idée, la mémé qui s'accroche à son goutte-à-goutte comme à son cancer, ou l'hoplite qui a traversé des siècles d'histoire en sentinelle avisée. Mélisa Bernardot a soigné le look de chacun, jusqu'à ce qu'ils deviennent les archétypes de notre société dont nous ne sommes plus que des pièces disjointes, des figurines d'œuf Kinder sur l'étagère du désespoir.

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    De fait ces croquis sont plus proches du blues que du rock. Ce qui n'exclut pas l'humour noir, la plus terrible des armes blanches. Mélisa nous offre cinquante-trois lamelles pour étude spectographique de la faune contemporaine, cinquante-trois arcanes du tarot spectral de la féminité moderne que vous ne saurez regarder sans être traversé d'un fort courant d'électricité. Lumière noire.

    Damie Chad.

    ( Dessins visibles sur FB : Shoots and drafts )

    SPEEDBALL

    MALEDIXION

    N° 13 / Février 2019

    Arnaud & Maniak / Romuald Martin / Manolo Prolo / Pierre Bunk / Lenté Chris / Chester / Carlota / Jokoko / Gomé / Kyja / Mlce / Madd / Slo / Méli / Louna / Jess X / Dr Silk / Krokaga / Gromain / Max Clem / Pat Pujol / Dav Guedin / Denis Grr / Tôma Sickart / Pierre Berger / Marc Brouillon / Gwen Tomahawk / Laurent Z. Rondet.

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    Sont comme ça les Bédéistes, vous achetez une revue, vous ouvrez et c'est aussi plein qu'un zodiac chargé de migrants au milieu de la Méditerranée, se déplacent en groupes d'entourloupe, en tribus de zébus assoiffés d'abus, en peuplades de camarades en rade, arborent leurs noms de guerre comme des étamines de pirates, se jettent sur vous à trente contre un, quand vous apercevez cette cohue tohu-bohu, vous vous dites que rien de sérieux ne pourra jamais sortir de ce pandémonium. Et plock ! ils vous glissent la lame 13 du tarot, sous les naseaux, un objet de luxe, rutilant, grand comme un département, avec papier glacé et teintes flaschy, malédixion ! et manque de bol, ils vous collent une balle de speedball en plein cœur.

    Vous n'y échapperez pas. Alors prenez votre temps. Sachez qu'il existe des malheureux qui se précipitent pour lire Speedball. Ce n'est pas de leur faute, ont dû être torturés par leurs parents dès le berceau, leur manque une case ou un igloo, je ne sais pas trop quoi, mais sûrement quelque chose... Non, Speedbal ne se lit pas. Speedball se regarde, Speedball s'écoute. Non, bandes de Béotiens, vous ne trouverez pas un CD enchâssé dans la couverture, soyez un peu esthètes par pitié, n'imitez pas  ces ignorants qui ont besoin de poser un disque de Beethoven sur la platine pour entendre la Neuvième, un véritable bédéimane est comme le mélomane qui se contente d'étudier avec soin et rigueur la partition pour apprécier le génie du musicien, idem pour Speedball, prenez la brochure dans votre menotte gauche ( non, pas celle-là, l'autre ) et de la droite laissez perler sous votre pouce les pages, doucement, une par une, et la symphonie vous éclate au visage. Un festival de couleurs se déploie lentement sous vos yeux, z'avez l'impression de voir le monde se refléter sur les écailles d'un naja de quinze mètres de long, un rêve coloré passe devant vous, n'essayez point de grappiller quelques mots, the beautifull dream tournerait vite au cauchemar, que votre attention se porte exclusivement sur le travail de composition, pensez qu'avec une trentaine de participations de bric et de broc, ils ont réussi à donner une unité formelle à leur bouquin, et tirez-leur votre chapeau.

    Voilà normalement cela devrait vous suffire, maintenant vous savez que c'est beau, vous devriez reposer votre intelligence en cette béatitude et laisser votre âme s'abreuver de ce seul sentiment idéal, mais vous êtes de ces mal-appris qui trempez vos doigts dans les plaies du Christ et puis dans l'anus de votre partenaire sexuel, alors pour satisfaire vos instincts touristiques les plus bas, vous aurez droit à une visite guidée. Nous ne verrons pas tout, nous effleurerons à peine, mais nous comptons sur votre perversité naturelle pour tout mirer par vous-mêmes.

    D'abord le truc bluffant, cette page blanche au début, vous venez d'être maudits et hop on vous refile la blancheur de l'agneau innocent. Un peu comme le bourreau sadique qui vous passe la corde au cou et qui vous demande des nouvelles de votre santé avant de remplir son office. Ensuite dorures titulaires sur fond noir, planche ( de salut ) couleur avec rectangles d'architecture HLM, et splash, Gomé s'y met. Esthétique minimaliste. Case absente ou ondulatoire. Joue avec le blanc. Deux couleurs, le noir de l'humour et le rouge cible. C'est pour rire. Plus loin, rouge sang, noir anarchie et gris existentiel, l'on ne rit plus, rien ne va plus, rien n'a changé, de Louise Michel d'hier aux manifestations d'aujourd'hui, la révolution communiste est en marche. Tremblez bourgeois. J'ai le regret d'attirer votre attention sur cet étrange fait : Speedball n'est pas une revue macroniste. Si vous ne me croyez pas, suivez les vikings de Pierre Bunk dans leur recherche du trésor oublié. Une œuvre archéo-actualitoire. Désopilante. Plus inquiétante le Psych X man de Jess K qui nous plonge dans les circonvolutions de l'auto-surveillance psychique, notre futur proche.

    Je vous laisse découvrir le reste. Ceux qui détestent l'humour punk s'abstiendront. En quatre-vingt dix pages, les histoires se suivent sans se ressembler tout en décrivant la même réalité. Mais surtout méditez ces pleines pages – dessins de styles divers ou photos trafiquées – elles rythment la revue, sont à regarder comme si dans notre quotidien des scénaristes pervers avaient remplacé les pubs de nos panneaux publicitaires, par des espèces d'engrammes symboliques, une efflorescence de représentation kaléidoscopiques des images les plus triviales de notre quotidien mêlées aux icônes les plus spasmodiquement mythiques de la culture populaire. Speedball ne recule devant rien, mais ceux qui en ressortiront choqués n'auront pas compris que la revue est à lire selon un autre plan. Ses dessins n'ont d'autres but que de mettre en mouvement la roue grippée des concepts dans la tête de nos concitoyens. Speedball, accélérateur de conscience.

    Damie Chad.

     

    KOMIKS KRONIK

    N° 15 / Novembre 2018

    Aurelio / Jokoko / El Primate / Toma Sickart / Chester / Syl / C. Sénegas / Camille Pull / Nemo / Pierre Lehoulier / Tusghin & Pierre Bunk / Tim64 / Mimi Traillette / Méli & Afeu / Pat Pujol / Toki / Gromain / Gwen Tomahawk / Madame Cruiii / Benoît Bedrossian / Gomé / Virginie.B / Jurg

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    L'on ne prend pas les mêmes – quoique en y regardant de près l'on s'aperçoit que certains participent aux deux aventures – et l'on recommence. Chez Kronik l'on n'hésite pas à renverser les axiomes du punk. No Future ? Eh bien si, et de beaucoup. Numéro spécial '' Space Robot''. Ne sont pas optimistes chez Kronik. Les robots ont gagné la bataille. Ne sont pas plus intelligents pour cela. Aussi médiocres que les humains. Les deux races coexistent aussi paisiblement que les ethnies humaines au cours de l'Histoire. Nous les avons créés à notre image. C'est sans doute pour cela qu'ils adoptent nos conduites et sont incapables de construire un univers mental différent du nôtre.

    Un format légèrement moins grand que Speeball, mais quarante pages de plus. Mais est-ce une illusion, les encrages semblent différents, teintes plus claires et en même temps plus vives chez Kronik. Mine de rien il y a un sacré travail de mise en page dans ce numéro. Jokoko en est le maître d'œuvre, tout est dans l'alternance, ne s'agit pas de marier les styles mais faire en sorte que les mises en page se succèdent sans que l'une ne mange la suivante ou la précédente. Orchestration visuelle. Tact graphique obligatoire. Le bistre de fond de page d'Outer Space d'Aurelio, les bordures noires pour les vignettes faussement naïves et réellement scatophiles de A Plus Uranus de Jokoko, les incipits à dominante bleue de nombreux épisodes, les images de Goldoraque de C Sénégas découpées et recollées, et puis Zizi et Pantoufle qui semble un texte illustré par des images, les vignettes panoramiques de Super Gros Con de Pierre Lehoulier ( le même qui guitare dans Crashbirds ) avec son en-tête très années cinquante, la poésie de Boracho Le Clodo de Riri qui n'est pas sans évoquer la maladresse des dessins d'enfants, les dessinS au fil de Framax qui rappellent l'esthétique de Tron, tout cela ( et bien d'autres ) il a fallu l'inscrire dans une continuité pour ainsi dire narrative. Car dans ce Kronik vous pouvez simplement vous éclater à lire les histoires une par une, mais ce serait passer à côté de l'intérêt du volume si l'on ne s'aperçoit pas que ce numéro 15 est aussi un déploiement du traitement de l'image, de sa mise en scène, de sa mise en réflexivité avec le texte, c'est peut-être avant tout l'histoire du rapport entre l'image dessinée et l'image cinématographique qui est ici parfaitement illustrée et évoquée. Que cela n'effraie pas le lecteur, ce numéro n'est pas théorique, se présente plutôt comme un condensé expériençal des différentes manières de concevoir la mise en forme du récit graphique.

    Qui dit robot dit science-fiction, l'imaginaire de nos auteurs ( pas tous ) est plus près de la science-friction. Frictions érotiques de la chair et du métal, comme si l'important du futur résidait dans cette approche mutuellement fascinatoire de l'Homme et de la Machine. Aussi tourmentée que celle de l'Un avec l'Autre. A croire que si les formes changent les problématiques ne varient pas d'un iota. Ce Kronik est beaucoup plus philosophique qu'il n'y paraît. Le rire n'est-il pas la force suprême de la sagesse ?

    Damie Chad.