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  • CHRONIQUES DE POURPRE 653 : KR'TNT ! 653 : BILLY VERA / MONONEON / JIM JONES / BCUC / KING FLOYD / THUMOS + SPACESEER / WITH MALICE / PERFECITIZEN / MONOVOTH

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 653

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    11 / 07 / 2024

     

    BILLY VERA / MONONEON

    JIM JONES / BCUC / KING FLOYD

    THUMOS + SPACESEER / WITH MALICE

      PERFECITIZEN / MONOVOTH

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 653

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://krtnt.hautetfort.com/

     

     

    TERRIBLE NOUVELLE

    POUR LES LECTEURS DE KR’TNT

    LE CAT ZENGLER ET L’AGENT CHAD

    PROFITENT DE L’ETE

    POUR VOIR

    SI AILLEURS LES FILLES SONT PLUS BELLES

    ET LE ROCK’N’ROLL DAVANTAGE DESTROY

    *

    SUPERBE MEDECINE

    POUR L’HUMANITE EPLOREE :

    ILS SERONT DE RETOUR

    POUR LA LIVRAISON 654

    LE MERCREDI 28 AOÛT 2024

    KEEP ROCKIN’ TIL  NEXT TIME !

    *

    CA FAIT QUINZE ANS QUE CELA DURE

    LE ROCK’N’ROLL A LA VIE DURE !

     

     

    Wizards & True Stars

     - Monte là dessus et tu Vera Billy

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             C’est par Chip Taylor que tu entres chez Billy Vera. Mais tu peux aussi y entrer par une belle autobio, Harlem To Hollywood. Un book à l’image du p’tit Billy sur la couve : rayonnant. Un p’tit Billy qui te raconte l’histoire d’un rock américain que t’aimes bien, c’est-à-dire le rock américain de qualité.

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             Ça veut dire quoi le rock américain de qualité ?

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             Le Billy book te donne la réponse. Il a 11 ans quand il écoute Alan Freed à la radio en 1955. Il se souvient vaguement d’avoir flashé sur l’«I Feel Good» de Shirley & Lee et sur Frankie Lymon & the Teenagers - I was hooked - Hooked par la musique noire. Dans une salle de spectacle du Bronx, il voit The Motown Revue, c’est-à-dire les Supremes, les Temptations, Smokey Robinson & the Miracles, Little Stevie Wonder qui a 12 ans, ET Kim Weston, qui, dit-il, n’a jamais été vraiment reconnue à sa juste valeur. Le p’tit Billy est ultra-hooked. Avec son argent de poche et les sous qu’il gagne en tondant des pelouses, il se paye ses trois premiers singles : «Blueberry Hill» de Fatsy, l’«Honky Tonk» de Bill Dogett et «Priscilla» d’Eddie Cooley & The Dimples. Le p’tit Billy s’empresse d’ajouter qu’Eddie Cooley compose en 1956 un hit qui va le rendre riche : «Fever». Puis il se paye l’«Oh What A Nite» des Dells, de Chicago. Il reprendra d’ailleurs ce titre pour l’un de ses albums avec les Beaters. Tu vois un peu le niveau du p’tit Billy ? Il a 11 ans et il craque pour les Dells, ces géants du Chi Sound que personne ne connaît ! Et tu n’en es qu’aux premières pages. Autant te dire que tu ne lâches plus le p’tit Billy book. Tu le lis même en claquant des doigts, wow, p’tit Billy, snap, p’tit Billy, snap-o-snap ! Et pour que tu comprennes bien dans quoi tu mets les pieds, il t’avoue ceci, avec un petit sourire en coin : «Étant né en 1944, j’appartiens à une génération pour laquelle le debonnair black style and black ‘cool’ était extrêmement influent. Il fallait s’habiller, danser, parler et même marcher comme the hip older black guys.» Pour illustrer le propos du p’tit Billy, t’as deux exemples : la façon dont marche Forest Whitaker dans Bird et dans Ghost Dog. La classe de la démarche ! Une classe qu’illustre aussi fort bien Spike Lee dans Malcolm X, lorsqu’il arpente les rues en compagnie de Denzell Washington : the way you walk. C’est l’image. La classe de l’image. Ahmet Ertegun fut lui aussi fasciné par l’allure des black cats. Comme Mezz Mezzrow, il passait ses nuits dans les clubs de Harlem.

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             Puis le p’tit Billy voit Chucky Chuckah à la télé. Nouveau coup d’hook - Once I saw Chuck, I wanted to be him - Alors il retond des pelouses pour se payer une gratte électrique, «a black and white Silvertone solid body.» Pas de sous pour l’ampli ? Pas grave, il se branche dans la radio de Mum et il apprend à gratter les Chuck’s licks, comme Keef en Angleterre à la même époque - B-b-b-b-b-b slacks make a cool daddy-o !

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             Puis il monte un groupe, The Knight Riders, qui accompagne toutes les stars locales, notamment les Isley Brothers, qui prennent le p’tit Billy à la bonne et qui lui refilent l’adresse de leur tailleur, on the Bowery in lower Manhattan - That cat Sol fait 300 costards par an pour Fats Domino - Le p’tit Billy évoque aussi Goldie & The Gingerbreads, la mafia et quelques mystérieuses démos, mais il garde ses distances. The Knight Riders accompagnent aussi Patti LaBelle & The Bluebells, sur scène, puis Little Anthony & The Imperials - Two acts with pretty difficult music - Le p’tit Billy sympathise avec les Bluebells et notamment avec Nona Hendryx, dont il admire la voix. Il lui propose d’enregistrer en duo. Ils réussiront à faire un album beaucoup plus tard, en 1992 : You Have To Cry Sometime.

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             C’est peut-être là qu’il est le plus à l’aise, en duo avec une black. Départ sur des chapeaux de roues avec le très beau hit des Isleys, «It’s Your Thing», cette Soul Sister de choc le prend à l’accent fêlé en mode diskö. En fait, ils alternent sur pas mal de cuts. Nona tape «All The Way To Heaven» toute seule, elle y va au power Soul, avec une belle rythmique bien grasse. Ils duettent enfin sur le «Storybook Children» des débuts - Why can’t we be like sorybook children in the wonderland - C’est une merveille définitive. Puis Billy prend le «Got To Get You Off My Mind» de Solomon Burke à la bonne, il n’a pas froid aux yeux. Nona claque ensuite l’admirable «Ain’t That Peculiar» composé par Smokey pour Marvin, et repris par Fanny. Elle le gère au mieux de ses possibilités et le rocke à la Soul Sistermania. Elle claque ensuite à la clameur le «Don’t You Know You’d Have To Cry Sometime» d’Ashford & Simpson, une heavy Soul de choc. On se retrouve une fois de plus avec un big album dans les pattes. Billy tape ensuite le «Three Minute Thing» qu’il a co-écrit avec Chip, il y fait son Elvis, c’est carré, très Sun d’alright mama. Il reduette enfin avec Nona sur «I Can’t Stand It», Billy est devant, alors comme elle doit s’imposer, elle rocke sa chique. C’est excellent.

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             Il a 20 ans quand il entre comme apprenti-songwriter chez April-Blackwood Music. Il en profite pour rappeler que le Brill est au 1619 Broadway, qu’April-Blackwood Music est au 1650, et qu’il existe un troisième Brill au 1697, au-dessus de l’Ed Sullivan Theater. Dans les trois Brill, on retrouve le même business : «music publishers, independant record companies, and various publicists, booking agents, voice coaches and other fringe characters.» Le p’tit Billy préfère le 1650, «the cooler one». C’est là qu’il rencontre Chip Taylor. Chip a son bureau en tant que «staff writer and executive». Il a quatre ans de plus que le p’tit Billy et déjà une grosse expérience, mais il est jaloux du p’tit Billy qui a déjà composé un hit pour Ricky Nelson. Aux yeux du p’tit Billy, «Chip is one of the great songwriters». Ils bossent ensemble et Chip forme le p’tit Billy au métier de songwriter. Chip lui apprend par exemple qu’une chanson est avant toute chose une histoire courte, avec un début, un middle et une fin. L’autre truc fondamental que lui apprend Chip : ne cherche pas à composer une chanson à la mode, mais plutôt une chanson que chanteront les gens dans 20 ans. Le premier hit qu’ils composent ensemble est «Make Me Belong To You» pour Barbara Lewis. Van McCoy qui bosse aussi au 1650 avait déjà composé «Baby I’m Yours» pour elle. Puis Chip et le p’tit Billy composent «Storybook Children». Ils prennent rendez-vous chez Jerry Wexler. Le Wex écoute la démo et donne un épouvantable coup de poing sur la table : «This is a fucking smash !». Il décide de sortir ça sur Atlantic. Il vient de signer Judy Clay, une cousine de Dionne la lionne et propose au p’tit Billy de duetter avec elle. Quand elle arrive dans le bureau de Chip, elle fait mauvaise impression : elle vient du gospel et elle doit s’imposer dans la secular music.

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             Et boom, ça donne l’un des grands albums classiques Atlantic. Le Storybook Children de Billy Vera & Judy Clay est ce qu’on appelle un album parfait, contenu comme contenant. Duo parfait, la black et le p’tit cul blanc, chansons parfaites, aussitôt le morceau titre d’ouverture de balda, Billy rejoint Judy là-haut, dans les harmonies vocales. Ils flirtent avec la magie. Chip & Billy co-écrivent une autre merveille, l’«Ever Since» qu’on trouve au bout de la B, et Judy y mène le bal. Billy et Vera tapent aussi quelques covers de choc comme le «Soul Man» d’Isaac le prophète, ils s’en sortent avec les honneurs, et en B, le «Bring It On Home To Me» de Sam Cooke. Solid cooking ! Avec Judy, ça jerke. Encore un shoot de r’n’b avec «Really Together», on se croirait chez Stax, mais Stax à Detroit, c’est du raw avec un sax à la Jr. Walker. Big Billy ! Il te tartine aussi «Good Morning Blues» au croon de cake. C’est là qu’on mesure la grandeur de Billy Vera. Il tape aussi le «We’re In Love» de Bobby Womack, qui n’est pas loin du «What Is Soul» de Ben E. King. 

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             Le p’tit Billy donne dans son book tous les détails de l’enregistrement de ce fantastique album. King Curtis et Paul Griffin jouent dessus. Puis le p’tit Billy et Judy montent sur scène à l’Apollo d’Harlem. Pour lui, le public black est le meilleur - There is no audience like a black audience - Le p’tit Billy est dans le public quand James Brown enregistre son fameux Live At The Apollo - It was the most exciting show I ever saw - Il ajoute que James Brown est celui qui a fait le plus de hits dans l’histoire de la black music, et qu’il a vendu des millions de disques que la grande majorité des blancs ne connaissaient pas, alors que Jimi Hendrix a vendu des millions de disques aux blancs, mais on se moquait de lui à Harlem. Tu veux savoir pourquoi ? «You couldn’t dance to a Hendrix song», nous dit le p’tit Billy.

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             Et très vite, tout Harlem parle du «white boy who was singing with the black woman at the Apollo.» Attention, il y a d’autres stars à la même affiche : Tommy Hunt, the Radiants, la pauvre Linda Jones disparue trop tôt, et Mable John, la sœur de Little Willie John - Mable était dans notre loge quand on lui a dit que son frère était mort en prison - Tu vois un peu le travail ? Puis quand le contrat entre Stax et Atlantic expire, Wexler annonce au p’tit Billy qu’il ne peut plus chanter avec Judy Clay, qui est chez Stax. Judy a un sale caractère, même Steve Cropper ne la supporte plus, alors Stax la lâche et elle revient chez Atlantic, dit Wexler, «la queue entre les jambes.» Toujours élégant, le Wex. Le p’tit Billy va essayer de relancer le duo, mais Judy a un sale caractère et elle refuse de revenir à l’Apollo si on n’augmente pas son cachet. Alors Atlantic la vire. Elle reste en contact avec le p’tit Billy : «Hey Billy we ought to do something». Mais le grand retour n’aura pas lieu. Fin d’histoire affreusement triste. Sur la pochette de Storybook Children, on voit dans le regard de Judy Clay toute la mélancolie du monde.

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             Et voilà l’un des plus gros scoops du book : le p’tit Billy compose «Don’t Look Back» pour Chuck Jackson, mais Chuck ne l’enregistre pas. Ce sont bien sûr les Remains qui vont l’enregistrer. Mais ce ne fut pas un hit à l’époque, contrairement à ce que tout le monde croit, même si les Remains ont tourné en première partie des Beatles. Le p’tit Billy ajoute qu’en 2012, on a tourné un docu sur les Remains et Barry Tashian l’a invité à Los Angeles pour assister à la projection du docu.

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    ( Neil Macaethur alias Colin Blunstone)

             Sur scène, le p’tit Billy accompagne aussi Clyde McPhatter. Il évoque Wilson Pickett qui redoute de jouer après les Knight Riders qu’il trouve trop bons. Le p’tit Billy les connaît bien tous ces mecs-là, il les croise dans les backstages. Ce book fourmille d’infos extraordinaires. Tiens par exemple la fin de carrière de Clyde McPhatter : il est sur scène et reçoit une bouteille en pleine tête. Il perd sa perruque et sort de scène, la gueule en sang. Fin de carrière. Tiens, et Wilson Pickett qui frappe son batteur en pleine gueule sur scène ! Et ça dégénère quand il passe à la coke, «which made him really nuts and really mean.» Le p’tit Billy fait aussi des démos pour Elvis, et raconte que le Colonel paye les musiciens avec des chèques à l’effigie d’Elvis qu’ils ne vont évidemment pas encaisser pour les garder en souvenir, sauf le p’tit Billy qui a grand besoin de ces 35 $. Il accompagne aussi P.J. Proby, et puis Colin Blunstone qui enregistre l’une de ses compos, «Don’t Try To Explain». Il accompagne encore les Coasters qui font les clowns sur scène. Il salue aussi au passage Evie Sands qui n’a pas eu de chance, car ses hits composés par Chip et Al Gorgoni n’ont rien donné pour elle, mais ont été des smash pour le Vanilla Fudge («Take Me For A Little While») et les Hollies («I Can’t Let Go»). Côté cul, le p’tit Billy ne s’embête pas : il vit pendant un an et demi avec l’une des Chiffons, Barbara Lee, et bien sûr accompagne les Chiffons sur scène, comme il accompagnera plus tard les Shirelles - The Shirelles being the top of the girl-group heap - Il les accompagne même en tournée. Le seul autre mâle sur la tournée est un gay back nommé Ronnie Evans qui suit les filles depuis 15 ans. Le passage grouille de détails faramineux.

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             Alors qu’il bosse pour les Shirelles, Ronnie Spector l’approche et lui demande de bosser pour elle - She’d heard I was the best conductor in New York - Ils vont dîner ensemble et traînent en ville jusqu’à l’aube. Et comme le p’tit Billy dit à Ronnie qu’il en pince pour sa frangine Estelle, alors, par esprit de compétition, elle décide qu’elle le veut. Et elle aura les deux pour le prix d’un : le boyfriend et le conductor - Vous devez savoir que pour ma génération de New York boys, the Ronettes were the number one sex symbols of their time, avec Marilyn Monroe, Sophia Loren et les autres - Et le p’tit Billy de s’exclamer : «Aussi, être le boyfriend de Ronnie après qu’elle ait quitté son mari, c’était un BFD, a Big Fucking Deal !» Mais c’est compliqué avec Ronnie : elle picole et se gave de tranquillisants. Alors elle dysfonctionne. Sur scène, elle s’endort. Le propriétaire d’un club de Boston qui appartient à la mafia dit au p’tit Billy : «T’as du pot que je te connaisse et que je t’aie à la bonne. Autrement, on aurait déjà pété les deux genoux de ta pute. Rentre à l’hôtel et trouve-moi un artiste potable pour finir la semaine. Et arrange-toi pour que cette pute quitte Boston demain matin.» En Floride, Ronnie s’écroule sur scène. Alors le p’tit Billy laisse tomber et file à Memphis enregistrer chez Steve Cropper qui vient de monter son label. Mais l’album ne sortira pas. Il évoque aussi le grand Bobby Robinson et ses labels mythiques, Fire, Fury et Red Robin.

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             Et puis, au cœur de ce tourbillon, le p’tit Billy lâche un nouveau scoop : sa frangine Kathy a enregistré en 1970 un album devenu culte, Kathy McCord, et réédité en 2010 par Ace/Big Beat : New Jersey To Woodstock. C’est un double CD qui a deux belles particularités : un, le p’tit Billy signe les liners, et deux, le disk 2 propose 16 inédits, parmi lesquels se trouvent des cuts figurant sur le deuxième album de Kathy hélas devenu tellement culte qu’il est inabordable. Autre info de poids : Harvey Brooks fait partie du casting. Alors le p’tit Billy y va, rappelant qu’il a grandi dans une famille de chanteurs (sa mère bossait pour le Perry Como Show) et sa baby sister s’intéressa très vite à la crème de la crème (c’est lui qui cite) : Van Morrison, Tim Hardin, Bonnie Bramlett, Taj Mahal, Dr. John, Mavis Staples and the Band, oh la la, pardonnez du peu. Quand le p’tit Billy bosse comme staff songwriter pour April-Blackwood, the music publishing arm of CBS, il présente sa baby sister qui est encore au lycée à Chip Taylor, son collègue d’April. Chip lui fait chanter «Angel Of The Morning», mais, nous dit le p’tit Billy, le collègue Al Gorgoni veut que ce soit Evie Sands qui l’enregistre. On nage ici au cœur de la super crème du Brill. Tous ces noms font un peu tourner la tête : Chip, Evie, Al... Du coup, Chip file deux cuts à Kat : ««I’ll Give My Heart To You» et «I’ll Never Be Alone Again». C’est un single sorti sur le label de Chip, Rainy Day Records, et qui a coulé à pic. Ces deux cuts sont par miracle en bonus sur le disk 1 : magnifique pop tranquille et romantique, surtout «I’ll Never Be Alone Again» qui est monté comme le Whiter Shade Of Pale et Kat la crack s’appuie bien dessus. C’est tout bonnement renversant de qualité. Quand t’es dans les pattes de Chip, t’es dans les pattes d’un dieu. Puis le producteur de jazz Creed Taylor prend le p’tit Billy et sa frangine Kat sous son aile et rassemble la crème de la crème pour l’enregistrement du premier album de Kat, en 1969. Le mec qui gratte ses poux là-dessus s’appelle John Hall. Il fait la pluie et le beau temps sur «Rainbow Ride» avec un fastueux solo d’acid psych qui vaut largement tous ceux de Jorma Kaukonen. Puis elle tape une cover des Beatles «I’m Leaving Home (She’s Leaving Home)», c’est du bon doux & tendu, elle épouse cette magie anglaise à la perfe inexorable. Maintenant tu sais pourquoi cet album est devenu culte. Kat est pure comme de l’eau de roche. Nouveau coup de Jarnac avec «Candle Waxing», un balladif gratté aux poux d’acou de lapin blanc, te voilà chez Lewis Carroll, et ça se termine en délire de poux d’acou et de flûte hippie. Baby Kat coule de source, comme Joni Mitchell. Tu ne perds pas ton temps à écouter son album. Elle se laisse porter par «New York Good Sugar/Love Lyric #7» et tu entends ce fou de John Hall derrière. «Jennipher» aurait dû être un hit, et elle reste dans la magie avec «Take Away This Pain», elle monte la passion en neige à coups d’I know you babe/ C’mon make me smile again. Puis Kat s’installe à Woodstock et fréquente la crème du coin, les mecs de The Band, Butter, Maria Muldaur et Bobby Charles, nous dit le p’tit Billy. C’est là qu’elle enregistre les 16 cuts du disk 2, dont certains qu’elle réengistrera pour le fameux deuxième album qui coûte la peau des fesses. Ces cuts sont d’une qualité impressionnante, à commencer par «New Horizon» (touchez ma bossa, monseigneur, elle groove à Copacabana), donc il n’est pas étonnant de la retrouver ensuite à «Acapulco», et elle y va au petit chien de sa chienne exotique. Elle propose une pop qui accroche sans parcimonie, une pop noyée de soleil, fascinante de qualité, comme ce «That’s A Love That’s Real» bien balancé, elle y va au come together, suivi d’un «No Need To Wait» plein de vie, elle y va au whoo-oh-oh. Les voies de la grande pop US restent décidément impénétrables. Et puis voilà qu’arrivent les coups de génie, comme ce «I’ll Be Loving You Forever», puissant r’n’b, une vraie merveille exécutive, et ce «Madman» bien descendu au barbu, elle est partout dans le son, elle te finit ça à la hurlette bien tempérée, c’est du Bach de Hurlevent. Encore un pur shoot de r’n’b avec «Keep Peace In The Family», elle s’y montre digne de Clarence Carter, tu vois un peu le travail ? Elle se positionne encore avec «You’d Convince The Devil», elle est en pleine possession de ses moyens, comme Jim Ford à la même époque, elle se situe au dessus du lot, t’en reviens pas de tant de qualité. Tu comprends soudain pourquoi un bec aussi fin que Tony Rounce ait flashé sur elle. Elle se montre encore fantastiquement intrinsèque avec «Who’s Been Fooling You», elle chante à l’accent vrai, elle est véracitaire jusqu’au bout des ongles. Elle adore s’engager dans le r’n’b, comme le montre encore «Don’t Go Talkin’ To Strangers», encore une compo à elle, comme les autres 15 cuts. Fantastique ! Elle est tellement fiable qu’on y va les yeux fermés. Nouveau coup de tonnerre avec le big heavy US rock d’«I Wanna Know Why» et elle boucle cette poursuite infernale avec «Shine On», encore un cut en pleine santé, plein aux as, cuivré de frais, elle chante dans la cuisse de Jupiter, elle effare dans la nuit, elle colle bien au papier, elle t’y sort une niaque de chienne, elle a du répondant, la baby sister du p’tit Billy, ah il peut être fier de sa frangine.

             Le p’tit Billy va quitter New York pour s’installer à Los Angeles. Et malheureusement pour lui, il croise le chemin de Lou Adler, un Adler qui lui promet monts et merveilles et qui ne tient pas parole. Alors Billy qui est devenu grand déprime. Il voit sa vie et sa carrière ruinées.

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             On ne perd pas son temps à écouter la poignée d’albums qu’il a enregistrés après Storybook Chidren. With Pen In Hand est son deuxième et dernier album sur Atlantic. Il n’est hélas pas aussi bon que Storybook Chidren. La viande est au bout de la B, avec une redite, «Good Morning Blues», dont on a déjà dit le plus grand bien. S’ensuit «Are You Coming To The Party», le hit de l’album, co-écrit par Chip & Billy, magnifique de party baby, très chippy, avec le Billy en cerise sur le gâtö. On s’émeut bien sûr à l’écoute du morceau titre qui est en ouverture de balda, compo de Bobby Goldsboro, superbe balladif, rayonnant de classe. Le «(You Keep Me) Hanging On» n’est pas celui des Supremes, mais ça reste de qualité, d’autant que Billy croone comme un cake. Il fait aussi une belle cover d’«I’ve Been Loving You Too Long». Il bouffe l’Otis tout cru. Pareil avec les Bee Gees et «To Love Somebody». Crounch crounch.

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             C’est sur Out Of The Darkness, paru en 1977, qu’on croise pour le première fois «Private Clown», un hit des jours heureux qu’on va retrouver par la suite sur d’autres albums. Il reprend aussi son vieux «Storybook Children», ce balladif d’envergure certaine qu’il composa jadis avec Chip Taylor. Billy embrasse l’horizon, c’est une merveille océanique. Au dos de la pochette, on peut lire : «Special thanks to Bob Crewe.» Il n’est donc pas étonnant de voir arriver une belle pop de joie de vivre signée Crewe/Vera, «Something Like Nothing Before». Billy sait créer l’événement avec cette pop élégante et attachante. Tout est beau sur cet album, et même stupéfiant de qualité. «Nouveau Riche» est encore une très grosse compo grouillante de vie et d’épisodes époustouflants. En B, il tape un gros clin d’œil à Fatsy, son amour de jeunesse, avec une cover de «My Girl Josephine». Il est bon, le Billy, pour la Nouvelle Orleans. Encore de l’ampleur à gogo avec l’océanique «I’ve Had Enough», et il termine avec un «Big Chief» digne de Dr. John, Big chief holler/ Second line follow/ See my queen now.  

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             C’est Jerry Wexler qui produit l’album sans titre paru en 1982, avec un Billy Vera en caoutchouc sur la pochette. C’est enregistré à Muscle Shoals. On y retrouve bien sûr «Private Clown», classieux comme pas deux. Billy chante vraiment comme Tonton Leon, c’est très beau, très soigné, avec un solo de sax et des oh oh oh. On croit entendre Tonton Leon sur «Oooh». Billy groove ça au nasal, mais avec talent. Un talent fou, dirons-nous. Il reste en plein Tonton Leon avec «Down» et une grosse flavour New Orleans. En B, on  doit se contenter de deux cuts : «I Don’t Want Her» signé Billy & Chip, mid-tempo très écrit et très classique, et puis «Peanut Butter», un heavy groove de New Orleans dans lequel Billy se jette à corps perdu.        

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             Malgré sa très belle pochette, The Mystic Sound Of Billy Vera n’est pas l’album du siècle. Billy sort des compos compliquées et ambitieuses à la Elton John («Behind The Wall») et on s’ennuie. Ça ne marche pas. En B, il adresse un gros clin d’œil à Huey avec «Rockin’ Pneumonia» et il faut attendre «Dance Til Your Draws Fall Down» pour trouver un peu de viande, car oui, ça rocke à la Mad Dogs & Englishmen, avec un piano honky tonk de type Tonton Leon et un chant vraiment Tonton. Il boucle cet album un peu décevant avec un brin d’exotica, «Sock It To Yourself». Il est bon dans l’exotica.

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             On ne se relève pas non plus la nuit pour écouter The Hollywood Sessions. Il fait son big easy, les deux doigts dans le nez avec «Fast Freight», pas de problème. Il est comme Chip : il assure sans faire la révolution. Il propose une pop classique, mais les miracles brillent par leur absence. «She’s Not So Young Anymore» est un balladif aussi poignant qu’une poignée, et c’est pas peu  dire. Il enchaîne avec «Billy Meet Your Son», un boogie rock classique. Pas de quoi s’en faire la gorge chaude, et encore moins des choux gras. Il revient à son cher Huey avec une nouvelle mouture de «Rockin’ Pneumonia». Il connaît bien son Huey. Mais globalement, tout est ordinaire sur ces Sessions. 

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             Curieusement, The Billy Vera Album paru en 1987 pourrait bien être son meilleur album. Il l’attaque d’ailleurs avec le vieux «Private Clown». Toujours ce sens aigu des jours heureux. Avec Billy Vera, on a toujours l’impression d’explorer un continent. Parfois c’est bien, parfois moins bien. Il est très Tonton Leon sur «Run & Tell The People». En B, il ressort des vieux coucous comme la cover de «My Girl Josephine», jouée au menton carré et au pas ferme, et le vieux «Something Like Nothing Before» jadis composé avec Bob Crewe. Il reste dans le haut de gamme des vieux coucous avec «Nouveau Riche», et finit avec le vieux «Big Chief» d’envergure apostolique, il fait l’Iko Iko comme Dr John, c’est en plein dans le mille, avec les congas de Congo Square.

             Voilà pour la partie solo. En 1980, il monte un nouveau projet, Billy & The Beaters - We were a hit, the hottest band in town - Ça repart de plus belle, après les années fastes de l’Apollo et d’Atlantic. Des gens comme l’ex-Doobie et l’ex-Steely Dan Jeff Skunk Baxter veulent jouer dans les Beaters.

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             Billy fait appel à Jerry Wexler pour enregistrer un album et Wex l’envoie à Muscle Shoals retrouver toute la bande Tommy Cogbill/Barry Beckett/Jimmy Johnson/Gene Chrisman. At This Moment sort en 1981. Pour Billy, le hit c’est «Hopeless Romantic», un cut d’essence très Fred Neil dans la délicatesse - I’m a believer/ Much more than anything/ I believe in you - Pour Wex, cet album est l’un des 5 meilleurs qu’il ait enregistrés. At This Moment fait un peu double emploi avec l’album sans titre de Billy & The Beaters paru la même année. Le morceau titre est une pure Beautiful Song d’une beauté déchirante. Le vrai power de Billy, c’est cette pop d’ampleur considérable. Avec «I Can Take Care Of Myself», il sonne assez Steely Dan, doux et ferme, ce qui vaut pour un compliment. Et puis au bout de la B des anges, t’as cette merveille intitulée «Here Comes The Dawn Again». Il est en plein dans Eric Carmen.  Mais à la réécoute, Billy trouve l’album trop poli.

             C’est là que Steve Binder entre un contact avec Billy. Binder ? Mais oui, le fameux producteur du T.A.M.I Show et du ‘68 Comeback Special. Binder voit Billy comme un «rock’n’roll Willie Nelson». Mais il n’a pas le temps de s’occuper de Billy, et le confie à une certaine Katie Wasserman. Billy rencontre un peu plus tard Johnny Otis qui comme Billy a vécu avec des blackettes, et qui comme Billy, sent qu’il fait partie de la communauté black.

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             Un album sans titre de Billy & The Beaters sort en 1981. Billy se contente de groover sa pop. C’est du sans surprise. Presque bon chic bon genre. Sur «Millie, Make Some Chilli», il sonne presque comme Elvis, et derrière lui, un mec fait le James Burton country : il s’appelle George Marinelli Jr. Un nom à retenir. En B, Billy tape une belle cover du «Strange Things Happen» de Percy Mayfield. Solide comme un heavy blues de big band. S’ensuit «Here Comes The Dawn Again», un puissant balladif à base de chagrin d’amour. Billy y rivalise de grandeur marmoréenne avec Eric Carmen.    

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             Quelques années plus tard, Billy & The Beaters enregistrent Retro Nuovo. On y trouve l’une de ces Beautiful Songs dont il a le secret, «If I Were A Magician». Il sait créer la sensation. Et il faut le voir groover son «Ronnie’s Song» - You play the fingers/ And I play the guitar - Superbe ! Il a encore du swing plein le chant dans l’«I Got My Eye On You» d’ouverture de bal de B. Billy est un artiste accompli, il ne cherche pas à faire le white nigger. Il fait du Billy. La surprise vient de «Poor Boys» qui est monté sur le beat de «The Beat Goes On». Son poor boys got a way with each other vaut bien le Drums keep pounding/ A rhythm to the brain/ La dee da dee dee, la dee da dee da de Sonny Bono. Try to get over !    

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             En 1987, Billy participe à un James Brown tribute à Detroit. Pourquoi Detroit ? Parce qu’Aretha refuse de monter dans un avion. Les autres invités nous dit Billy sont Wilson Pickett, Robert Palmer et Joe Cocker. Puis il joue en première partie de Chucky Chuckah au Caesar’s Palace de Las Vegas. Il voit Chucky sortir de l’aéroport en chemise rouge et fute pattes d’eph jaune, avec son étui de guitare à la main. Billy lui demande où il a trouvé ses fringues et Chucky lui dit : «At the Goodwill, man! Three dollars for the shirt and six for the pants!». Billy est scié d’entendre ça. Chucky Chuckah gagne des millions de dollars et il s’habille à l’armée du salut. Billy rappelle ensuite que Chucky ne répète jamais. Son contrat stipule qu’il doit avoir deux Fender Dual Showman sur scène avec TOUS les potards tournés à fond, que le backing band connaisse ses chansons et bien sûr, qu’il soit payé en cash et à l’avance. Billy se souvient de l’avoir accompagné plusieurs fois sur scène, et c’est l’enfer pour un backing-band, car Chucky Chuckah n’annonce jamais le cut qui vient, ni sur quel accord il le joue. Il démarre et les autres suivent comme ils peuvent. Pour corser l’affaire, si un cut est en La un soir, le lendemain, il le joue en Sol. Mais quand il voit que Billy suit bien, Chucky lui adresse un franc sourire et arrête de faire le con. Chucky teste les gens. Comme partout, t’as les cons et ceux qui ont oublié de l’être. Une autre fois, à Broadway, Billy demande à l’organisateur si Chucky veut bien répéter. Le mec lui dit que Chucky vient d’écrire 5 nouvelles chansons dans l’avion et qu’il veut les jouer. Billy lui dit que c’est un truc de dingue. «Pourtant il est stipulé dans son contrat qu’il doit jouer ses 3 plus gros hits», ajoute Billy. Alors le mec met fin au débat : «Yes but you know Chuck; he’s out of his mind.»

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             Billy décroche aussi un petit rôle dans le film d’Oliver Stone sur les Doors. Il joue le rôle du promoteur du concert de Miami. La fabuleuse scène du Miami show fut filmée à l’Olympic Auditorium d’Hollywood, avec 2 000 figurants, principalement des zonards locaux. Après la tournage, le sol était jonché de capotes et de seringues. This is the end, beautiful friend.

             Billy commence à s’en sortir financièrement avec les Beaters. Il fait aussi un Radio Show et reçoit des gens comme Frankie Valli, Merle Haggard et Dion DiMucci. Il réussit même à inviter Lou Rawls.

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             En 1992, Billy produit un album de blues de Lou Rawls sur Blue Note, Portrait Of The Blues. C’est vrai que Lou Rawls mérite toute l’attention de Billy, mais il a un gros défaut : il chante d’une voix trop blanche. Junior Wells passe des coups d’harp sur «I Just Want To Make Love To You» et «Baby What You Want Me To Do», et Buddy Guy gratte ses poux sur «My Babe», un autre classique de Big Dix. Pas de vague, mais bien vu. Joli coup de swing avec «Saturday Night Fish Fry» et Lionel Hampton. Et classic drive de dandy saxé dans l’angle pour «Person To Person». On retrouve le dandy sur «Suffering The Blues» - Sometime someway/ I did someone wrong/ And now I’m suffering with  the blues - Il passe à Percy Mayfield avec «Hide Nor Hair» mais il chante comme une tête à claque sur «Sweet Slumber».

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             Trois ans auparavant, Billy avait produit un autre album de Lou Rawls, It’s Supposed To Be Fun. Ce Lou-là a une particularité embêtante : il chante vraiment comme un blanc. Des fois ça passe, des fois ça coince. Exemple avec le morceau titre d’ouverture de bal : ça passe, car belle Soul de crooner. Ce Lou-là groove aux frontières du jazz. Il navigue entre Marvin et une Soul plus ferme, avec une classe élastique de black dandy. Nouvel exemple avec deux compos de Billy, «Good Morning Blues» et «One More Time» : ça passe encore, car ça se présente comme du Burt, tellement c’est beau. On note au passage la puissance compositale de Billy. Son «One More Time» est vraiment du grand art. «Moonglows» est aussi une compo de Billy, un brin exotique. Face à tant de beauté, tu clignes des yeux. C’est l’apanage des Beautiful Songs. Et puis tu as ce coup de génie, vers la fin, «Goodbye My Love». Ce Lou-là fait le dandy crooner et se montre exemplaire. C’est du croon de cake. Il tape aussi le vieux «Don’t Let Me Be Misunderstood», mais il n’a pas la niaque d’Eric Burdon, donc ça coince. Il en fait un cut dramatique. Par contre, sur «All Around The World», il se montre écœurant de jazz class et d’I know you babe - All around the world/ I got blisters on my feet - Il est marrant, avec ses ampoules aux pieds. Il tape plus loin l’«Any Day Now» de Burt. Alors comme c’est du Burt, on l’écoute jusqu’au bout. Mais ailleurs, il croone trop comme un blanc. Ça coince. Il termine avec «The Last Night Of The World» qu’il prend d’une voix trop blanche, ça le trahit et ça l’éloigne de Sam Cooke.

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              Billy bosse aussi pour Rhino, il rédige des liners pour The R&B Box et Genius And Soul: The Ray Charles 50th Anniversary Set. Ça paraît logique qu’il s’entende bien avec un cake comme Harold Bronson. Il fait aussi des compiles pour Specialty, ce label mythique auquel il a consacré un book dont on a parlé ici-même (Rip It Up: The Specialty Records Story). Il fait une box 5 CD sur Specialty de 1945 à 1958, date à laquelle Art Rupe s’est retiré. Pour lui, Specialty est avec Chess, Sun et Atlantic l’un des plus importants labels dans l’histoire du rock. Il a fait une cinquantaine de compiles pour le compte de Specialty, il a pris en charge le catalogue Vee-Jay, puis a fait The Capitol Blues Collection pour Capitol. Il va aussi bosser pour Ace et Bear Family. «J’ai aussi eu le privilège de bosser sur des artistes comme Sam Cooke, Duke Ellington, Count Basie, Louis Jordan, Louis Prima, Etta James, T-Bone Walker, Allen Toussaint, and so many more.» Quand il rencontre Dylan, celui-ci lui dit qu’il a adoré les trois CDs qu’il a produits de Percy Mayfield. Billy n’en finit plus de nager dans l’excellence. Il rencontre aussi Totor qui le serre dans ses bras et qui lui dit son admiration. Billy se demande alors s’il sait qu’il a baisé sa femme, Ronnie. Billy rencontre aussi Joel Dorn, the hippest cat in the room. Cet amateur de jazz a pris la suite de Nesuhi Ertegun chez Atlantic et a envoyé le label into the future en produisant Roberta Flack et Les McCann. Billy avait avec Dorn ce qu’il appelle the deep musical conversation.  

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             Billy participe à un tribute à Jerry Wexler au LA House of the Blues, en compagnie d’Etta James, Solomon Burke et Doug Sahm. Pour Billy c’est un honneur que de faire partie de cette caste et de rendre hommage à son mentor Wex. Billy en profite pour ajouter que Wex fut aussi un mentor littéraire et le premier book qu’il lui refile est le fameux Gospel Singer d’Harry Crews. Un book dont l’adaptation au cinéma eût été idéale pour Elvis, mais comme le dit si bien Billy, le Colonel préférait lui faire tourner des gros navets et encaisser les sous des «lousy songs they could publish.»

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             Billy demande d’ailleurs à Wex de rédiger des notes pour Creole Kings Of New Orleans, une compile de tous les diables sortie sur Ace. Les notes de Wex sont véritablement celles d’un fan qui connaît bien la chanson de la Nouvelle Orleans. Ça grouille évidemment de coups de génie là-dedans, à commencer par Percy Mayfield et «Lousiana», ah il faut le voir groover son loui-sah-nah/ Gonna settle down, et plus loin Guitar Slim avec «The Things That I Used To Do», il y va au heavy used to doo, c’est tout simplement incomparable, t’as le raw de la voix et le gumbo de cuivres. Plus loin, nouveau shoot d’hot as hell avec Li’L Millet & His Creoles et «Rich Woman»,  encore pire que le «Ya Ya» de Lee Dorsey, ce mec est le parfait délinquant créole. Quatre singles, et puis plus rien. Nouveau coup de génie avec Art Neville et «Cha Dooky-Doo», solo de purée gumbo, puis Larry Williams avec «Bad Boy/Junior Behave Yourself», complètement imparable ! Rien qu’avec tout ça, t’es déjà calé. Mais ça continue avec Jerry Liggins & The Honeydrippers et «Going Back To New Orleans» (heavy jump et sax des enfers), Lloyd Price et «Frog Legs» - I’m your frog legs man ! - Puis Alberta Hall et «Oh Now I Need Your Love», joli sucre juvénile, elle dégouline de sucre, un seul single et puis plus rien. Et ça continue avec Big Boy Myles & The Sha-Weez et «Who’s Been Fooling You», pur jus de jump NO. Et bien d’autres choses encore, dont deux cuts de Professor Longhair. Encore une compile digne de toutes les bonnes étagères.  

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             Oh What A Nite: Billy Vera & The Beaters Live est enregistré au Crazy Horse Saloon, Santa Ana, Californie, en 1995. Cet excellent album donne bien la mesure du grand Billy Vera. Il présente «Room With A View» : «This is one I wrote with a master of the blues, Lowell Fulsom.» Et il y va au I got a roooooom/ I got a room with a view. Oh l’excellence du round midnite ! Billy a du power. Il sonne comme un géant. Il ressort son «Poor Boys»/Beat Goes On, drivé par le bassmatic de Chuck Fiore. Il est en plein dans le chasing girls. Il tartine encore de l’heavy Soul de haut vol avec «Wrong When I’m Right» et rend hommage à la nite avec le morceau titre, il chante sa lovely nite à pleine gueule. Et puis tu as tout le power du big band derrière, qui écrase bien le champignon d’«I Got My Eye On You». Plus tu avances dans l’écoute et plus tu te passionnes pour Billy, son «Ronnie’s Song» est fabuleux d’à-propos, il y frise le Dr. John, you play fingers/ I play guitar. Son «La La For What’s Her Name» sonne très Doc Pomus, la la la la la, pas loin du gros hit d’Elvis, c’est mélodiquement pur et taillé pour la route doucéreuse. Billy est un puissant seigneur, il fait encore autorité sur Spanish Harlem dans «Let You Get Away».   

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             En 2013, paraît un big album live de Lowell Fulson With Billy Vera  & The Beaters : Live 1983. T’y vas les yeux fermés. C’est un mélange explosif de big boogie blast et d’Heartbreaking Blues de la meilleure espèce. Tout est classique sur cet album, mais quelle énergie ! «You Talk Too Much» et «Stop Down Baby» t’emportent bien la bouche, c’est drivé de main de maître. Lowell Fulsom ressort son plus gros hit, «Reconsider Baby», l’un des heavy blues de référence et il y gratte les poux de Dieu. Ils sonne à la fois sec et gras. Encore plus heartbreaking : «Black Nights». Lowell Fulsom est un démon, ça on le savait, mais ici, il bat tous les records de démonologie. On note au passage le fantastique entrain des Beaters et du grand Billy Vera. Ça jive dans le groove. Lowell Fulsom tombe encore du ciel avec «Do The Things You Do». Il est le roi du heavy blues, mais le vrai heavy blues, avec le gras de la glotte. Son «Guitar Shuffle» est wild as fuck. Ça part à l’hyper-hard drive d’one two three. On hésite entre deux adjectifs : explosif et dévastateur. Encore un super boogie blast avec «Your Daddy Wanna Rock», complètement sidérant de sax power. Lowell Fulsom drive encore l’heavy blues de «Sinner’s Prayer» dans la vulve du son et te travaille ça à la folie incendiaire, puis pour achever le travail de tétanisation, il ressort son vieux «Tramp», un hit aussi mythique que «Red Bird». L’impact sur l’inconscient est celui d’un boulet ramé dans un mât espagnol. Il te défonce la mémoire collective avec du killer solo flash, il déverse ici de la grandeur immémoriale. 

             Merci p’tit Billy. On aura passé un sacré bon moment en ta compagnie.

             Signé : Cazengler, Billy Véreux

    Billy Vera & Judy Clay. Storybook Children. Atlantic 1968 

    Billy Vera. With Pen In Hand. Atlantic 1968 

    Billy Vera. Out Of The Darkness. Midsong International 1977 

    Billy Vera. Billy Vera. Alfa 1982              

    Billy Vera. The Mystic Sound Of Billy Vera. Mystic Records 1983   

    Billy Vera. The Hollywood Sessions. Thunder Records 1987   

    Billy Vera. The Billy Vera Album. Macola Record Co 1987 

    Nona Hendryx & Billy Vera. You Have To Cry Sometime. Shanachie 1992

    Billy Vera & The Beaters. At This Moment. RCA Victor 1981

    Billy & The Beaters. Billy & The Beaters. Alfa 1981   

    Billy & The Beaters. Retro Nuovo. Capitol Records 1988    

    Billy & The Beaters. Oh What A Nite: Billy Vera & The Beaters Live. Pool Party Records 1996    

    Lowell Fulson With Billy Vera  & The Beaters. Live 1983. Rockbeat Records 2013

    Lou Rawls. It’s Supposed To Be Fun. Blue Note 1990

    Lou Rawls. Portrait Of The Blues. Manhattan Records 1993

    Kathy McCord. New Jersey To Woodstock. Big Beat Records 2010

    Creole Kings Of New Orleans. Ace Records 1992

    Billy Vera. From Harlem To Hollywood. Backbeat Books 2017

     

     

    L’avenir du rock

     - La stéréo de MonoNeon

             En bon monomaniaque, l’avenir du rock s’intéresse de près au Mono. Il a racheté à prix d’or le monocle que portait Tristan Tzara le jour de 1919 où il arriva chez Germaine Everling et Francis Picabia, rue Émile-Augier. L’avenir du rock donnerait tout ce qu’il possède pour jouer au Monopoly avec Polly Harvey. Soucieux du moindre détail, il n’hésite pas un seul instant à monologuer pour entretenir sa monomanie. Toutes ses chemises portent son monogramme AdR, et il veille scrupuleusement à garder le monopole de sa monovalence. Il possède bien sûr un monospace, mais refuse de se plier à l’infecte monotonie de la monogamie. Fuck it ! Il porte comme on s’en doutait un badge rouge ‘Back To Mono’ en l’honneur de Totor, l’une de ses principales idoles, et il ne tarit pas non plus d’éloges sur Monoman, l’extravagant chantre des Lyres et de DMZ. S’il est bien luné, il ajoutera volontiers un petit couplet sur les Mono Men de l’excellent Dave Crider. Soit dit en passant, c’est une âpre besogne que d’arracher des gens comme Momoman et les Mono Men à l’oubli, mais l’avenir du rock ne désespère pas. Il sait qu’il existe encore des gens intéressants qui s’intéressent aux gens intéressants. Il se souvient aussi d’un passage bizarre dans l’autobio d’Eric Goulden, plus connu sous le nom de Wreckless Eric, passage qui vantait les mérites de la version mono de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. L’avenir du rock se demande encore s’il s’agissait d’un canular. Et puis il se dit qu’il serait temps de collectionner les parutions du plus beau label underground français, Mono-Tone Records. L’avenir du rock n’hésite pas non plus à se prosterner devant l’effarant Back To Mono des Courettes, l’un des plus beaux hommages jamais rendus à Totor, et devant les Monophonics, l’un des groupes du grand Kelly Finnigan. Il déroule encore le tapis rouge au Monochrome Set dont le dandy Bid rivalise de classe avec Tristan Tzara. Et puis, s’il t’a à la bonne, l’avenir du rock te servira le joyau de sa monomanie sur un plateau d’argent : MonoNeon. 

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             C’est un extra-terrestre Dada qui arrive sur scène. Pas de visage. Des lunettes de ski démodées et une tête moulée par une cagoule blanche tricotée à la main. Le corps enveloppé dans un ensemble matelassé multicolore (alors qu’il fait une chaleur à crever) et les pieds chaussés de grosses godasses de ski, et sur lesquelles sont collées des grandes pancartes ‘MonoNeon’. Car il s’appelle MonoNeon.

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    Corpulence à la Spike Lee. La cagoule renvoie à la pochette du Dirty des Sonic Youth. Pendant le set, on ira même penser : corpulence ET génie à la Spike Lee. Il a des doigts extrêmement fins. Sur la main gauche, il porte bien sûr un tatouage ‘MonoNeon’. Ah, n’oublions pas le principal : la basse, une cinq cordes de gaucher avec les cordes graves en bas (tout à l’envers). Le haut du manche est enveloppé dans une grande chaussette de Bécassine.

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    Le tablier de la basse est bardé d’étiquettes ‘MonoNeon’. On n’avait encore jamais vu un Mono-délire pareil. Comme quoi, des fois, ça vaut la peine de continuer à vivre. Rien que pour voir NonoNeon arriver sur scène, par exemple. Et surtout pour voir MonoNeon arrêter le temps en jouant. Si on peut appeler ça jouer. En réalité, MonoNeon va bien au-delà du jeu. Il télescope de plein fouet toutes tes pauvres petites notions étriquées. Il barbouille le cosmos, il troue le cul des annales, il te mouline le Moulinsart, il débusque des cailles, il permute les pôles, il persiste et signe, il claque des pétarades extravagantes, il bourre et bourre son ratatam, il multiplie les sorties, il emballe des bulles, il perfore l’espace-temps mécaniquement, il arrête dans le beefsteak, il déjoue toutes les attentes sans exception, il flirte en permanence avec l’indescriptible, il est sans l’ombre d’un doute le plus grand bassman de son époque.

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    Il gratte des six doigts (4 +2) et sa main gauche marque les temps morts, c’est très spectaculaire, il hoche aussi le beat de la tête, tu as sous les yeux un corps fondamental, un corps qui s’auto-transporte tout en balançant de vastes giclées de dégelée royale, de vraies rafales de télescopage, il organise sa propre quadrature du cercle, il injecte toute l’énergie du jazz dans son funk. MonoNeon prend la suite de Funkadelic et de Bootsy Collins, sa façon de stopper net dans une descente au barbu en plaquant un accord de barbouille rappelle aussi Jeff Beck, MonoNeon joue avec les conventions comme le chat avec la souris, il se veut libre, donc il casse les règles, et si tu en pinces pour la modernité, te voilà servi. Et même gavé. Te voilà oie. Oie d’un soir. Fier comme un paon d’être une oie. Vazy MonoNeon, bourre-moi la dinde ! Ces mecs-là ont le droit de tout faire, de te ravager l’imaginaire, de t’empapaouter le percolateur, de te ripoliner la ribambelle, de te scarifier les scrofules, de t’alambiquer les calanques, de t’abolir le hasard, de te remettre l’équerre au carré, de te rendre ta liberté. Il souffle sur cette scène un vent extraordinaire de liberté.

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             Ils sont trois autour de cet extra-terrestre Dada-funk, à commencer par un black au beurre qui passe son temps à rire tellement il est heureux de battre son beurre, il drive tous les tempos, toutes les accélérations, tous les virages à la corde, il finit torse nu, libre, lui aussi, fabuleusement libre. Et puis de l’autre côté, t’as encore un jeune black aux keys qui groove comme un démon et qui s’amuse à passer des intermèdes dentelliers qui en disent long sur l’inhérence métabolique de son classicisme. Et puis, last but not least, t’as un petit cul blanc à la gratte, derrière, sur une Tele, un moujik massif et enveloppé d’une tunique russe qui lui donne cet air russe, et tu prends ta carte au parti quand ce petit cul prend la main : il passe ici et là un solo sidérant et même sidéral de jazz fusion digne de ce que grattait John McLaughlin à la grande époque, c’est-à-dire celle de Mile Davis, eh oui, t’as ça, tout ça, mais à un point tel qu’il te faudrait au moins deux yeux en plus pour tout bien voir, une cervelle en plus pour tout comprendre, et un corps en plus pour bien vibrer, car en plus de la liberté, MonoNeon et ses trois amis t’offrent les vibes, c’est-à-dire ce qu’il existe de plus précieux et de plus rare sur cette terre, les vibes, plus précieuses encore que l’or du Rhin des Nibelungen. Te voilà donc complètement Nibelungué. T’as une veine de pendu.

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             D’où sort cet extra-terrestre Dada-funk ? De Memphis. Discographie à roulettes. Il en pond un tous les ans depuis 20 ans. Albums intouchables. Hors de prix. Si tu veux briller en société, tu peux ajouter qu’il fut le dernier bassman de Prince. Le reste est sur Wiki, mon kiki.

             Alors tu cries au loup quand t’as vu cet extra-terrestre Dada-funk sur scène ? Retrouve-t-on cette urgence Dada-funk sur les disks ? Le seul moyen de le savoir est d’en rapatrier un, allez tiens, le Basquiat...

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             Le Basquiat & Skittles Album date de 2022 et répond à toutes les attentes. Tu y retrouves le morceau titre qu’il tapait sur scène : hommage d’un géant à un autre géant, en mode slow groove. Il fait du Funkadelic avec «I Got A Gold Chain With A Bad Name», mais il l’africanise. C’est insensé de qualité, et si tu fermes les yeux, tu revois MonoNeon hocher la tête sur le beat.  Attention au «Life Is A Glittery Fuckery» : groovy funk-out de Git it ! C’est le funk moderne, dans la suite de Funka. Et tu entends son divin bassmatic sur «Love Me As You Need», un son bien rond et bien dodu. Et comme le montre «It Was Never A Struggle It Was A Delicacy», MonoNeon pourrait bien être le nouveau roi du groove moderne. C’est une Beautiful Song de charme. 

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             Oh et puis tiens, le Jelly Belly Dirty Somebody, histoire d’en avoir le cœur net. Tu commences à écouter «I Drink My Bear & I Talk To God» et tu ne sais pas si c’est du 33 ou du 45, tellement le groove fond au soleil. Finalement, ça passe mieux en 45. Et tu régales de «Surfing In My Brain», car c’est un groove liquide d’une extravagante modernité. MonoNeon navigue à contre-courant dans le groove liquide. Il est complètement dans Prince. Il faut l’entendre malaxer son bassmatic dans le morceau titre en B. Il tape dans l’organique. Il reste dans le spongieux semi-liquide pendant toute la B et avec «The Answer Is In The Pyramid (Turn It Upside Down)», le groove se noie dans les brimes. Fascinant ! 

    Signé : Cazengler, MonoNéant

    MonoNeon. Le 106. Rouen (76). 27 juin 2024

    MonoNeon. Basquiat & Skittles Album. Not On Label 2022

    MonoNeon. Jelly Belly Dirty Somebody. Not On Label 2023

     

    Le péril Jones

    - Part Five

     

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             Thee Hypnotics ? Jim Jones & The Righteous Mind ? Jim Jones Revue ? Jim Jones All Stars ? Tu l’as déjà vu sur scène des tonnes de fois, mais bizarrement, et comme tu te crois futé, tu restes à l’affût. Pour l’indicible raison suivante : tu sais - deep inside your heart - que t’auras pas mieux sur scène, tu sais que Jim Jones est plus fort que le roquefort.

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    T’en mettrais ta main à couper, comme on dit quand on ne sait pas de quoi on parle. Tu sais qu’il roule le roll du rock dans sa farine, comme d’autres roulent leur caisse, tu sais d’avance qu’il va te claquer le beignet, qu’il va pousser le push et plumer le pull, tu sais tout d’avance, t’as même pas besoin d’aller le voir s’exciter sur scène, tu connais la moindre de ses exactions, le moindre outch et cette façon qu’il a de tressauter des deux pieds avec sa guitare pour faire le guerrier du rock à l’assaut de la postérité. Et tu sais aussi que malgré tout ce bataclan de fer blanc, il n’est jamais ridicule, jamais pris en défaut de fake, Jim c’est Jack the lad, Jook le crack, le boom hu-hue du jerk, the English jiver, le jolly jumper des jukes.

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    Il outche le rock et tape le raw du roll, mais pas n’importe quel raw, le raw to the bone, il déploie des trésors d’authenticité, tu ne peux pas en douter une seule seconde, c’est impossible. Il est plein comme un œuf, plus vrai que nature. Il est aussi pur qu’Iggy, Mick Collins et Wild Billy Childish. Tu veux voir un vrai de vrai à l’œuvre du Grand Œuvre ? L’apanage du Grand Jeu ? Le Gilbert-Lecomte du rock moderne ? Le Paracelse de la foire à la saucisse ? Vois et revois Jim Jones sur scène. Au temps de la Piste Aux Étoiles, Jean Nohain aurait adoré cet artiste. 

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             En plus de te rincer l’œil avec un beau mec bien conservé, tu vas faire une découverte de taille : de set en set, il est better and better, hotter and hotter, around and around, de plus en plus Jonesy, de plus en plus sharp, de plus en plus radical, et, c’est là où les bras t’en tombent, de plus en plus stoogy. Eh oui, amigo, il te ramène les Stooges sur un plateau d’argent, à travers son vieux «Shakedown», il te colle le museau dans l’imparabilité des choses, il est sans doute le dernier sur cette terre à honorer le spirit des Stooges sur scène, il boucle la boucle à sa façon, qui est royale, et tu roules avec lui dans les abîmes Hypnotiques.

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    Sa version de «Parchman Farm» monte aussi droit au cerveau, elle n’est pas aussi exacerbée que celle de Georgie Fame, mais il faut voir le jus qu’il y injecte, il la groove, et pour lui, c’est du gâtö que de groover ce vieux Parchman, car il a derrière lui l’un des meilleurs backing-bands du monde, et notamment Carlton Mouncher, le fantastique croque-mort sur la voodoo guitar. Les All Stars explosent littéralement avec le «Shoot First» tiré de Burning Your House Down. Ce cut voodoo plane comme un vampire sur la Normandie. Tu peux aller te cacher sous ton lit, il va te trouver. «Shoot First» sonne comme l’apogée des All Stars.

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    Côté covers, Jim Jones n’en finit plus de barboter dans l’excellence, il te balance un «Run Run Run» vite fait, pris comme une saucisse entre deux tranches de pain, ils en font hélas une version trop anglaise, tu perds la disto de Sterling Morrison, mais c’est pas si grave au fond, Jim Jones prend soin de ses racines, comme le montre encore sa cover d’«Everybody’s Got Something To Hide Except Me And My Monkey» des Beatles, il y va au here we go, et un coup de Beatlemania n’a jamais fait de mal à personne, surtout quand ça sort du White Album. Plus loin, l’imparabilité des choses revient en force avec la fameuse cover de «Troglodyte» du Jimmy Castor Bunch qui fait danser la Saint-Guy aux amigos agglutinés au pied de la scène. Et puis bien sûr, cette cover de «Big Star» en rappel, qui te cloue comme une chouette à la porte de l’église. Cui couic ! 

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             Et tu as encore en plus de tous ces oldies but goodies les cuts d’Ain’t No Peril. Comme par exemple ce «Gimme The Grease» qu’ils tapent dans le début de set, un cut monté sur une belle tension de Carlton Mouncher et un solo de sax, avec en plus de l’Outch et du gros beurre syncopé. Jim Jones fait aussi son white nigger sur «I Want U (Anyway I Can)», il arrive à sonner comme Wilson Pickett, alors t’as qu’à voir. Avec un mec comme lui, il ne faut plus s’étonner de rien. Et en ouverture de la B des cochons, tu retombes sur «Troglodyte», sans doute l’une des covers du siècle. Fantastique ! Son Troglo est même encore meilleur sur l’album, car il le prend à la Cro-magnon, back in the times, et ça bombarde dans la caverne - She said/ Ride on ! - Il tape aussi sur scène «It’s Your Voodoo Working» et fait carrément de la Nouvelle Orleans. Sur l’album, c’est Nikki Hill qui duette avec lui. Nikki est une bonne, on l’a déjà vue sur scène. Par contre, il ne reprend pas le morceau titre, sur scène. Sans doute trop dangereux pour la glotte, car sur l’album, il chante ce heavy groove à dominante voodoo à la grosse arrache sanguinolante. Il y sort son plus beau voodoo turgescent. Jim Jones est en rut.    

    Signé : Cazengler, Jim Jaune

    Jim Jones’ All Stars. Le 106. Rouen (76). 25 mai 2024

    Jim Jones’ All Stars. Ain’t No Peril. Ako-lite 2023

     

     

    Baby come BCUC

    - Part Two

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             Pour parler franchement, t’es content de revoir BCUC. Même sous la pluie. La fucking pluie. In the rain, mais pas celle de l’Edgar Brouhgton Band ou même de Fred Astaire, non, la fucking rain de Rouen, la Rouen-rain, la rain de Saba-pas du tout, the rain de rien, the rain de l’or du Rhingard, tu t’amuses comme tu peux, en attendant, tu t’abrites comme tu peux sous un fucking tree pour essayer de voir un peu de ce fucking concert, et comme de bien entendu, tu vois que dalle, alors tu entends, oh tu vois un peu, tu pourrais disserter pendant des plombes sur le «peu que tu vois», qui en fait correspond au peu que tu sais, et du coup la petite fucking rain devient sympathique car tu te mets à relativiser, comme lorsque tu voudrais bien mourir, quand tu te dis, oh finalement, la vie ce n’est pas si important. Pourquoi lui attacher plus d’importance qu’elle n’en a ? Si on se pose correctement la question, après ça va très vite, à condition bien sûr d’avoir un flingue dans le tiroir de la table de nuit. Pas toujours évident (d’avoir un flingue dans le tiroir de la table de nuit). Vaut peut-être mieux relativiser sur le blé, par exemple, ça fait du bien, pffffff, l’argent c’est pas si important, pareil, tu mets en pratique, tu payes des coups, tu te sens plus léger, à défaut de te sentir moins con, mais bon, c’est toujours ça de gagné, on fait comme on peut, avec ses petits bras et ses petites jambes, remettez-nous une tournée, s’il vous plait, elle te remet une tournée de pintes, pschhhhhh, et c’est drôle comme, dans les élans de générosité relativiste, les gens sont sympas avec toi, tu en as même qui veulent trinquer, alors tu trinques de bon cœur, ça fait du bien de trinquer, cling cling, ça pourrait même donner du sens à la vie, alors qu’en fait tu ne demandes rien de spécial, disons que c’est une façon de voir les choses, mais bien évidemment, tu te reprends, vite, très vite, tu sais bien que la vie n’a aucun sens, et paf, te voilà remonté dans ton train fantôme, chhhh-chhhh, ça doit bien faire soixante ans que tu fais des tours de train fantôme et tu sais très bien qu’il va arriver ce moment où tu en auras vraiment marre du train fantôme. En attendant, il te reste encore deux ou trois trucs à relativiser et comme toujours, à mettre en pratique. Par contre, l’arbre ne relativise pas. Les feuilles semblent céder une par une sous le poids de la fucking Rouen-rain. Le problème n’est pas le fait qu’elle te ruine ta mise en pli, non, le problème c’est qu’elle ruine le concert de ce fan-tas-tique groupe Sud-Africain. Et voilà que le destin fait contre mauvaise fortune bon cœur : le public se met à danser sous la fucking Rouen-rain ! C’est complètement inespéré, et même, pourrait-on dire, historique. Encore jamais vu un truc pareil dans cette ville abandonnée des dieux.

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    Sur scène, tu as toujours les deux rangs, avec à l’arrière, les deux grosses caisses montées à la verticale, la percu du diable et le bassmatic voodoo originel, et devant, ces trois superstars faramineuses, les deux blacks incompressibles et l’extraordinaire petite reine de Nubie qui DANSE tout le temps et qui apporte les contrepoints au chant, et là, tu as toute la musique, toute la transe, toute la magie dont tu as besoin pour vivre, pour peu que tu aimes vivre. Il rejouent grosso-modo les cuts qu’ils jouaient au 106 en 2022 et on retrouve les hits politiques, il y va fort le BCUCman, il salue l’Ukraine, la Palestine, Nelson Mandela, bien sûr, tout cela, c’est le même combat, honte aux oppresseurs, c’est un black qui scande ça le poing levé et soudain, tout reprend du sens, tu as ce concert ruiné par la fucking Rouen-rain et ce mec qui lutte contre l’oppression à sa façon, avec rien, juste un public génial qui danse sous la pluie et qui l’acclame.

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    Ça n’aurait pas été mieux avec 10 000 personnes. Même les rares copains qui ont fait l’effort de venir sont stupéfaits par la classe de ce groupe Sud-Africain. L’un d’eux a même eu la faiblesse de venir me glisser ceci dans l’oreille : «Mais ils debandent jamais ?». Il aurait fallu avoir la présence d’esprit de lui répondre un truc du genre «ce sont les blancs qui débandent, jamais les blacks», mais il était déjà reparti danser. Et puis ce poing levé. Tu ne voyais plus que ça. Fuck l’oppression & la fucking Rouen-rain. 

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             Leur nouvel album s’appelle Millions Of Us. Il est bourré à craquer d’Africana et de bassmatic anaconda. «Thonga Lami» te saute à la gorge ! Voilà un cut ambitieux comme ce n’est pas permis, le bassmatic y dicte sa loi et tu retrouves la petite reine de Nubie, là-bas, au fond du son.  Quelle équipe ! Tu as toute l’Africana dans le son, tout le hard beat africain, tout l’inimitable, le pulsatif des origines, le son des tambours et les voix qui scandent. C’est que qu’on appelle la classe primitive, c’est-à-dire l’art moderne. C’est exactement ce qu’avaient compris Dubuffet et surtout Apollinaire, lorsqu’il observait la statue forgée du dieu Gou au Musée de l’Homme, au Trocadéro. En fin d’album, tu retrouves une version de «Thonga Lami», amenée au bassmatic et reprise à la cassure de rythme.  Ça sonne tout de suite comme un coup de génie primitif et la petite reine arrive pour monter le cut à l’étage divin, les percus te groovent l’oss de l’ass, c’est la troisième dimension de l’art africain, tellement puissant. Le monde devra désormais compter avec BCUC. Et tu retrouves les tambours dans «Millions Of Us 1 2 3», c’est le jungle beat, mais le vrai, celui des forêts inexplorées. Tout ici est pulsé au beat des origines de l’humanité. Si tu veux entendre comme sonnait l’arrière-arrière grand-père de l’arrière-arrière grand-père de ton arrière-arrière grand-père, écoute ça. Tout vient de là, surtout le rock. Les gens de BCUC enfoncent le clou du beat dans la paume de l’inconscient collectif. 

    Signé : Cazengler, vieux BOUC

    BCUC. Festival Rush. Campus Université Mont-Saint-Aignan (76). 13 juin 2024

    BCUC. Millions Of Us. On The Corner Records 2023

     

     

    Inside the goldmine

     - King’s road

             La plupart des habitués méprisaient Rol Boy. Pourquoi ? Mais parce qu’il ramassait les disques dont personne ne voulait. Dans le jargon des marchands, on appelle ce genre de mec un éboueur. Celui qui vient racler les fonds des bacs. Pour aggraver son cas, il demandait en plus des remises sur des prix cassés. Et comme Rol Boy était aussi ce qu’on appelle un bon vivant, il ne ratait jamais l’apéro. Le rituel démarrait en général une demi-heure avant la fermeture du bouclard et ceux qui tenaient encore débout au bout d’une heure allaient poursuivre les festivités dans l’un des restaurants du quartier. Comme Rol Boy ne tenait pas l’alcool, il était le premier à rouler sous la table. S’il fallait monter à l’étage pour aller manger, il fallait que quelqu’un se dévoue pour l’aider à monter, et surtout à redescendre. Assez haut et bien bâti, Rol Boy pesait son poids. Il avait aussi conservé un physique de jeune loup, avec de longs cheveux blonds, mais sa myopie trahissait son âge. Comme il était ivre-mort, il passait tout le temps du repas la gueule dans son assiette et comme on lui remplissait régulièrement son verre de pinard, il revenait épisodiquement à la vie pour le vider. Il n’en finissait plus de surprendre tous ces gens qui croyaient pourtant bien le connaître. Ce soir-là, nous réussîmes à redescendre de l’étage sans dommage, mais avec d’infinies précautions, et Rol Boy alla s’affaler dans l’une des chaises en fer de la terrasse. Le spectacle qu’il offrait avec ses lunettes de traviole et ses bras ballants provoqua l’hilarité générale. Il n’existait pas dans nos souvenirs de meilleure caricature d’ivrogne. Il marmonna à un moment qu’il voulait rentrer chez lui. L’un de nous devait donc se dévouer. La ramener à pied était impossible. On réussit à l’enfourner dans une bagnole. Comme il n’y avait pas de place devant sa porte, il fallut aller se garer un peu plus loin. Évidemment, Rol Boy s’écroula sur le trottoir en sortant de la bagnole. Le relever pour le mettre sur ses pattes fut une autre histoire. Ça paraissait impossible. Il retombait. La solution consistait à le traîner près du mur pour qu’il s’y tienne. Il nous fallut près d’une heure pour parcourir les deux cents mètres. Il tombait, il voulait dormir sur place, allons Rol Boy, fais un effort, t’es presque arrivé, il repartait sur deux mètres avant de s’écrouler à nouveau. Nous atteignîmes enfin la porte. Coup de sonnette. Pour éviter les insultes de l’épouse, le mieux était de disparaître. Rol Boy était debout contre la porte. Quand elle s’ouvrit, il disparut en poussant un hurlement. Nous apprîmes consternés quelques jours plus tard que Rol Boy s’était tué bêtement cette nuit-là. Derrière sa porte d’entrée, se trouvait une volée de marches. Sa maison se situait à deux mètres en dessous du niveau de la rue et donc pour entrer, il fallait descendre quelques marches. Un vrai piège à cons.

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             Ces petites paraboles n’ont d’autre objet que de matérialiser l’écart qui peut exister entre des êtres aussi différents de Rol Boy et King Floyd. Chacun d’eux se situe à l’exact opposé de l’autre, sur l’échantillonnage des caractères humains : d’un côté le pauvre bougre abruti d’alcool, et de l’autre, un petit black d’une infinie délicatesse. Ils n’ont de commun que leur humanité, car malgré ses travers, Rol Boy était un chic type. De son côté, King Floyd aurait dû devenir une superstar. Ils furent l’un comme l’autre tragiquement privés d’avenir.

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             King Floyd est un artiste qu’il faut approcher avec d’infinies précautions. Il chante à l’étrange petit sucre, c’est en tous les cas ce que nous montre son premier album, A Man In Love, paru en 1969. Son timbre est unique, presque pré-pubère. King est un petit Soul kid. Il sait jerker le r’n’b comme le montre «Heartaches», ou encore le «Groove-A-Lin» qui se trouve au bout de la B : fantastique shoot de r’n’b monté sur le meilleur bassmatic du coin, King prêche le Groove-A-Lin, Louisiana up to Alabama, le bassmatic fend le groove comme l’aileron d’un requin fend la mer, Groove-A-Lin me ! Yeah yeah ! Soul-A-Lin me ! Il y va le King ! Il faut bien avouer qu’on s’attache à son étrange petit sucre, il faut le voir le swinguer au coin du couplet («You’ve Been Good To Me Thank You»). Tout est remarquable sur cet album. On note bien sûr la présence d’Harold Battiste. «Love Ain’t What It Used To Be» est quasi Motown dans l’esprit, monté sur un sacré bassmatic sous-jacent. C’est excellent, si black.  

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             C’est sur le Cotillon sans titre paru en 1971 qu’on trouve le «Groove Me» qui a lancé le King dans la stratosphère de la Soul. Comme son nom l’indique, «Groove Me» te groove, c’est du très très gros popotin, avec Vernie Robbins on bass et Wardell Quezergue on keys. King Floyd reste un singulier mélange d’énorme présence et de douceur. Mais attention, le King sait aussi faire son James Brown sous le boisseau, comme le montre «Baby Let Me Kiss You», il y va au ouh! et au euh !, c’est-à-dire à l’uppercut de funk. Il attaque sa B avec un «It’s Wonderful» plus poppy-poppy petit bikini, mais il n’y a pas de mal à ça. Il sait aussi taper le slowah intense, comme le montre «Don’t Leave Me Lonely», mais il va te le carboniser au final en sortant le scream des screams. Il termine avec «What Out Love Needs», un excellent groove de bonne mesure. King règne sur son empire du groove avec des airs magnanimes et une réelle bonté, comme le montre son portrait sur la pochette. Dans sa voix passent des accents de reggae, de Ben E. King, et de lointaines flavours de calypso.

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             Lorsqu’on croise la pochette de Think About It pour la première fois, on s’exclame : «Quelle gueule de star !». Il démarre d’ailleurs cet album de star avec «My Girl», le hit d’une autre star, Smokey. Fantastique version ! Wardell Quezergue signe les arrangements, yeah yeah yeah. Puis le King passe en mode r’n’b avec «Here It Is», il frise le rampant d’Hi, il chante à l’insidieuse. Et la température continue de grimper avec «Do Your Feeling». Il renoue avec sa fascination pour James Brown. C’est immensément bon, say it baby say it, il insiste, do it baby do it, il creuse le dig de do you feel it, il tape ça en crabe. C’est rare qu’un crabe soit aussi beau dans le funk. Il enchaîne avec un solide shoot de Malaco r’n’b, «It’s Not What You Say». King est bel est bien le roi de Jackson, Mississippi. Et puis en B, il tape dans l’Otis avec une cover magistrale d’«Hard To Handle», il y fait son Wilson Pickett, avec une fabuleuse niaque royale de King. C’est du pur Southern Soul de power maximal, le King sait claquer son mama I’m sure to handle it !

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             Well Done sort en 1971 sur Chimneyville Records, le label créé par Tommy Couch & Wolf Stephenson, les futurs boss de Malaco, qui en avaient marre de voir Wexler rejeter leurs enregistrements. Mais Atlantic va quand même distribuer Chimneyville. Tiens pourquoi un nom comme Chimneyville ? Dans le gros Malaco Story book, Wolf Stephenson explique que la ville de Jackson dans le Mississippi fut détruite en représailles par les Nordistes pendant la Guerre de Sécession, et comme il ne restait plus que des cheminées dressées dans cet océan de ruines, l’infortunée bourgade fut rebaptisée Chimneyville. Le King attaque son Well Done avec un groove digne d’Hi, «Movin’ On Strong». Fabuleux ! Il fait encore un peu de Soul d’Hi plus loin avec «Can’t Give It Up» et boucle son balda avec «I Feel Like Dynamite», mais il ne passe pas en force, il passe au smooth, il fait du James Brown en douceur et ses petits cris sont adorablement wild.  On passe hélas à travers la B, et il faut attendre «Very Well» pour frémir un peu. Le King renoue avec le groove de charme et il devient vite envahissant, il chante comme une superstar, il est all over the very well, doux et tendre comme un agneau, superbe d’ahhhhahahh et derrière, les filles se pâment dans l’ouate du satin royal. 

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             On retrouve Wardell Quezergue dans le studio Malaco pour Body English, un Chimneyville paru en 1977. Donc ça groove énormément, ce que montre d’ailleurs «I Really Do Love You». On finit par être habitué à ce groove royal. L’album est gorgé de son, les gens du Malaco rhythm section ne sont pas des manchots, mais les hits se font rares. Le King revient à son cher hard funk en B avec «Stop Look & Listen». Il y excelle. Puis il repasse en mode groovy pour «Doing That No More» et «So True». Encore une fois, c’est un son à part, ni Hi, ni Stax, ni New Orleans, c’est le son Malaco, coco, ponctué par un beau so true, pôt pôt pôt, comme joué au sousaphone. Un énorme bassmatic porte «We Gotta Hang On In There» - Hang on in there/ Don’t leave me baby - King Floyd aurait pu devenir King. On salue bien bas l’excellente qualité de sa Soul, et dans les backing vocals de «Can She Dot It Like She Dances», on retrouve Dorothy Moore et Jewell Bass.  

    Signé : Cazengler, King Kon

    King Floyd. A Man In Love. Pulsar Records 1969 

    King Floyd. King Floyd. Cotillon 1971

    King Floyd. Think About It. ATCO Records 1973 

    King Floyd. Well Done. Chimneyville Records 1971 

    King Floyd. Body English. Chimneyville Records 1977 

     

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    J’étais content, j’étais heureux. Vendredi 05 juillet, je tapais les deux derniers mots, les deux plus beaux de la langue française ‘’Damie’’ et ‘’Chad’’, de la dernière chronique de la dernière livraison de la saison, j’étais en vacances. J’avais oublié que le 04 juillet est le jour de la Déclaration d’Indépendance des Etats Unis, et que Thumos, j’aurais dû me méfier, a quelque peu l’habitude de faire paraître un de ses opus à cette date. Manière de rappeler qu’un pays se doit d’essayer d’atteindre à l’idéal platonicien d’une République qui œuvrerait à rendre ses citoyens heureux plutôt que de les asservir. Toute allusion aux dérives actuelles (et passées) de la grande Amérique ne saurait être le fait du hasard.

    CYNICS

    THUMOS / SPACESEER

    (Piste numérique / Bandcamp / 04 - 07- 2024)

    La couve est la reproduction d’un tableau de Jules Bastien-Lepage (1848 – 1884)  sobrement intitulé Diogène. Œuvre qui tranche dans sa production habituelle avant tout constituée de scènes rurales que l’on pourrait qualifier de naturalistes. Ne fut-il pas l’ami d’Emile Zola. Peut-être vaudrait-il mieux le qualifier d’impressionniste de la pauvreté, ce n’est pas la diffraction de la lumière pour la lumière qui l’intéresse, il l’utilise pour auréoler ses personnages, souvent des humbles, d’une douce luminosité qui les projette sur le devant de la scène. Les amateurs de Victor Hugo gardent en mémoire son portrait de Juliette Drouet réalisé en 1883, année de sa disparition.

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    Le titre de l’EP, un split de quatre titres, barre en grosses lettres noires toute la couverture : Cynics, difficile de cacher le sujet choisi par Thumos.

    Spaceseer : The Stone Cut Out of the Mountain : dans notre livraison 568 du 29 / 02 / 2022 nous présentions Feral Moon de Spaceseer, musicien très proche de Thumos, il est aussi crédité  comme collaborateur à part entière The Course of Empire, une des œuvres majeures de Thumos qui parut, extraordinaire coïncidence le 04 juillet !  The Course of Empire, inspiré par une fameuse suite de cinq tableaux dus au peinte américain Thomas Cole, conte d’une manière symbolique la création et la mort d’un Empire. Faire paraître cet opus le jour de la fête nationale américaine se doit d’être interprété d’une manière symbolique et politique. Un avertissement critique adressée aux élites et au peuple des USA sur la mauvaise pente sur laquelle s’est engagé le pays…  Ronflements de moteur l’on pense à une machine, mais en relation avec le titre nous préférons entendre le roulement d’une pierre qui dévale une montagne, le noise n’est jamais gratuit, certains penseront à autre chose, un monument, un immeuble, en train d’être édifié, un chantier en pleine activité... Dans notre France voltairienne la relation au deuxième livre dans l’Ancien Testament   de Daniel ne sera pas automatique, et encore moins avec le Livre de Mormon… Tout au plus évoquera-t-on Sisyphe d’Albert Camus poussant son rocher vers le haut d’une montagne pour, arrivé au sommet, le voir retomber tout en bas dans la vallée… C’est pourtant plutôt de cette manière que ce morceau se doit d’être compris. Que peut faire le simple citoyen pour remettre son pays dans le droit chemin, pas grand-chose mais qu’il fasse son possible, il est peu probable que Dieu décroche un gros rocher à la montagne (ainsi qu’il est chanté dans de nombreux gospels) pour faire barrage à la catastrophe annoncée, mais chacun peut apporter sa petite pierre… Thumos : Antisthenes : notre philosophe est réputé pour avoir fondé, sinon inspiré, au travers de son disciple Diogène, l’Ecole Cynique, hormis quelques bribes il ne nous reste pratiquement rien de son œuvre, pour ma part je le considère comme ces îlots formés par l’entassement des graviers et des alluvions emmenés par la réunion de plusieurs rivières. Ayant vécu entre 440 et 362 il se trouve aux confluences de la sophistique et de la philosophie, sa pensée est aussi bien l’héritière de Gorgias que de Socrate. Il est difficile de trouver deux auteurs dont l’attitude devant l’existence soit aussi antithétique que Gorgias et Socrate. Gorgias le glorieux qui aime d’autant plus la beauté, la faconde, le style qu’il  nie l’essence de l’êtralité du monde et Socrate le gratteur qui cherche à dépouiller toute représentation superfétatoire pour ne garder que le squelette de la pensée en mouvement. Si Platon a annexé dans ses dialogues le personnage de Socrate, il n’en a pas moins rédigé son oeuvre  en tenant compte de l’exigence survivaliste et littéraire de l’écriture de Gorgias. Vu le titre de ce mini-album, il est clair que c’est la vision d’Antisthène fondateur de l’éthique Cynique que Thumos a privilégiée. Phoniquement la relation avec les deux participations de Spaceseer est évidente, vous vous en rendrez compte une fois l’écoute entière de l’opus terminée. Le son se fait plus fort, imaginez l’action du sel sur une blessure, l’on soigne le mal par le mal, quel besoin d’Antisthène lorsque l’on a la République idéelle de Platon, et quel besoin du disciple quand l’on a Socrate, parce qu’aux grands mots les grands remèdes, lorsque le fer est tordu il est nécessaire de le remettre droit, après la mort de son maître Antisthène n’a-t-il pas traîné en justice les accusateurs de Socrate, l’heure est grave tout comme la musique. Très beau morceau d’une infinitude majestueuse. Thumos : Diogènes : Diogène (413 – 423, il vécut assez longtemps pour être offusqué par le soleil d’Alexandre le Grand) est l’incarnation jusqu’à la carricature du Cynique. Le cynisme est une sorte de nihilisme intégral  qui vise avant tout toute fatuité humaine sans porter la moindre considération aux institutions les plus sacrées de ce parangon sociétal qu’était pour les Grecs la Cité. Le cynique ne pète pas plus haut que le cul d’un chien. Il bafoue tous les usages, toutes les coutumes, toutes les attitudes de la bienséance… Diogène méprise les hommes et ne professe pas une plus grande estime pour lui-même. Avec sa lanterne allumée en plein midi il recherchait un homme digne de ce nom… Nous remarquons qu’il ne prit même pas la peine de chercher un Dieu. Diogène fut le fabuleux histrion d’un théâtre d’ombres sociétal dans lequel les individus se disputent pour jouer les meilleurs rôles… Diogène enseignait, n’est-ce pas là un suprême orgueil, à ses concitoyens de ne pas être dupes, ni d’eux-mêmes, ni des autres. Pourquoi Diogène, avec Antisthène l’on a commencé à régler les comptes avec les instigateurs, qu’il fit comparaître en justice, de la mort de Socrate. Toutefois le mal était beaucoup plus profond, ce ne sont plus les commanditaires que le cynisme veut éliminer, il ne suffit pas de s’attaquer nommément  à des individus mais à la lèpre morale généralisée qui corrompt les citoyens, les gonfle de leur fausse importance et les métamorphose en ballons de baudruche, l’on a besoin du chien le plus cruel pour qu’il plante ses crocs dans ces poupées boursoufflées, la musique devient de plus en plus violente, elle décape l’esprit des hommes, Thumos utilise la bougie de la lanterne de Diogène pour calciner les saletés de leurs âmes, elle agit comme le feu sacré qu’alluma Téthys pour brûler les chairs mortellement  humaines d’Achille. Musique des sphères en colère. Spaceseer : Waxing Crescent : allusion aux cycles de la lune, précisément à ce que nous appelons chez nous le croissant de cire, l’idée est celle du recommencement d’un cycle, retour à l’Arcadie initiale de la Course de l’Empire, tapotements divers, bruits de fond, c’est encore du bruit mais l’on pressent une ordonnance musicale, ce n’est plus le chaos, ce n’est plus le désordre, quelque chose est en train de se mettre en place, l’impression de voir surgir une structure, elle ne ressemble encore à rien de défini et encore moins de définitif, une intuition nous prévient qu’une volonté coordonnée est à la base de ce projet, de lointains sifflements de flûte, non ce n’est pas Amphion, c’est le travail coordonné de milliers d’êtres, chacun sait ce qu’il a à faire et surtout à quelle œuvre il s’adonne, un bourdonnement, c’est celui que l’on doit entendre à l’intérieur d’une ruche, c’est ainsi que nous l’imaginons ne serait-ce que symboliquement, chaque abeille aux ailes fragiles participant à la préservation de la Cité miellique. Une note d’optimisme généralisé.

             Les chiens de Thumos et de Spaceseer aboient, réveillée de sa léthargie la caravane humaine reprend son chemin.

    Damie Chad.

     

    *

             J’ai toujours eu une grosse tendresse, depuis le jour lointain où j’ai eu connaissance de son nom, pour le Kraken. Une charmante bébête, certains textes la décrivent comme une île qui atteindrait seize kilomètres de long. Je ne pense pas qu’elle contiendrait dans votre aquarium. C’est un mot qui détruit les bases de la linguistique moderne selon laquelle il n’y a aucun rapport entre les sonorités d’un vocable et la chose qu’il désigne. Prononcez Kraken et vous entendez le monde qui craque entre ses féroces mandibules, avec en plus la dernière syllabe ‘’-ken’’ qui semble glisser interminablement au loin comme des tentacules géants qui s’enfuient jusqu’au bout des océans pour s’enrouler autour d’un porte-avions et l’entraîner inexorablement jusqu’aux fonds des abysses insondables…

             Non le groupe ne se nomme pas Kraken mais son unique album est un salut adressé au terrible monstre marin. Je l’ai repéré sur la chaîne You Tube de Daniel Banariba qui se complaît à collectionner les monstres soniques les plus répugnants qu’il traque sans discontinuer.

    WITH MALICE

             C’est le nom du groupe. Ne lui appliquez point le sens que notre langue française moderne a octroyé à ce mot. Rien à voir avec un enfant malicieux. Rendons-lui sa force médiévale de malveillance diabolique, de stratégie délibérée de vouloir faire le mal pour le mal.

             With Malice n’existe plus depuis 2016. Venaient d’Edmonton capitale de l’Alberta au Canada. Avant de livrer son unique album, il a d’abord proposé un EP sans titre. Que nous écouterons en dernier.

    HAIL KRAKEN

    WITH MALICE

    (CD – 2015)

    Jessy Leduc : Vocals / Alex McIntosh : Drums / Ryan Kippen : Guitar / Jonathan Schieman : Bass

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    Hail kraken : le début est magnifique, bruits de vagues, chants de cachalots, hordes vengeresse de Moby Dicks enragées, par la suite z’y vont sans malice et franco de port, ne sont pas là pour enfiler des perles, plutôt des carcasses d’épaves pour offrir un collier à Poseidon, vocal, batterie, guitares saccadées comme des chœurs de marins wagnériens, plus des grondements et des heurts apocalyptiques, non ce n’est pas un calamar géant inoffensif si j’ose dire, un véritable monstre surgi des abysses sans fond du temps  d’un roman de Lovecraft, Le sort du malheureux navire est vite fixé, en moins de quatre minutes l’est englouti et l’équipage bouffé jusqu’aux os. Hall of extinction : jusqu’à ce titre l’on était à peu près tranquilles, sûr l’on pense qu’ils s’énervent un peu, qu’ils vous brandissent des riffs de guitares comme s’ils agitaient le drapeau de la destruction à la tête des hordes mongoles, un bateau de plus ou de moins sur cette terre, pardon sur cette planète bleue, on ne va pas en faire un fromage, on s’en gondole, oui mais les lyrics nous détrompent, les japonais ont inventé Godzilla pour nous avertir des dangers de la bombe atomique, là vous pouvez rire jaune, ça n’a pas marché, nous sommes après le big bang, pas le premier, l’ultime, la race humaine a été réduite à l’état de fossiles, en tout cas ils nous fournissent une bande-son du génocide final particulièrement vraisemblable, prennent leur pied, on se demande, vu le plaisir sonore qu’ils y exposent si ce ne sont pas eux qui ont appuyé sur le bouton. Filth : pourquoi tant de haine, pourquoi accélèrent-ils encore le rythme, et pourquoi cette batterie branchée sur trois milliards de volts, et ce chanteur qui vomit tant de hargne, pas la peine de tant se fatiguer puisque nous sommes tous morts, l’humanité reléguée dans le tableau des espèces disparues. C’est qu’il y a pire que l’extinction généralisée. C’est qu’il existe une raison au suicide collectif de la race humaine, prenons un cas au hasard, tiens, toi le lecteur, sois franc, sans doute es-tu même passé à l’acte, n’as-tu jamais haï quelqu’un, un de tes proches par exemple, au point d’avoir envie de le tuer, de l’égorger comme un cochon, et de te réjouir de son agonie. Maintenant vous comprenez pourquoi  With Malice est si violent. Puisque tu es capable de tuer ton voisin, inutile de jouer les Cassandre, de nous avertir que nous l’Humanité courons à notre perte, les armes bla-bla, l’écologie bla-bla, le réchauffement bla-bla, oui tout cela nous menace car c’est fiché au fond de toi. Espèce d’immonde saleté. Tout arrive à cause de toi.  Vengeful maniacs : hi ! hi ! vous croyez être sain et sauf, With Malice a radié l’espèce humaine et votre foi en la grandeur de l’Homme qui n’est qu’un assassin, vous pensez que plus rien ne peut vous arriver, n’oubliez jamais que l’on peut trouver pire, pire que les horreurs terrestres, agent Chad vous exagérez ! Pas du tout il reste encore la zone sombre des cauchemars. Parfois ils sont insupportables et vous vous réveillez, il semble que With Malice s’est dépêché de terminer ce morceau, même pas trois minutes, à fond de train, le batteur a dû courir pour le rattraper et lorsqu’il est arrivé sur le quai la locomotive du vocal et le tender des guitares lui sont passés sur le corps, je vous résume la situation, le gars est tout heureux, se délecte du bon tour qu’il vient de jouer à une centaine de personnes, il les a enterrées vivantes, mais voilà qu’elles s’agitent sous la terre, se débarrassent de leur gangue glaiseuse et l’acculent dans un coin du cimetière. Ces gars-là font attention à notre santé mentale, ils ne nous disent pas comment l’histoire finit.

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    Necrotic soul : profitez-en c’est le quart d’heure philosophique, de Natura Humanis, de la nature humaine, bon les gars ne vous font pas un cours ennuyeux comme la mort sur la morale de Kant, ils appliquent la technique orientale, plus qu’un long discours rien ne vaut un bon exemple. C’est ce qui marque les esprits. La chair aussi. Parce que voyez-vous, notre âme nécrotique est d’instinct attiré par les âmes pures à qui elles font subir les derniers outrages, viol, torture, assassinat, si par hasard la victime en réchappe, elle n’a plus qu’une hâte, c’est sans doute pour cela que le morceau est si rapide, se venger au plus vite, aussi bien sur son bourreau que sur un innocent. La vérité est que notre âme est meurtrière, que nous nous délectons de la mort des autres. Ce doit être ce que l’on appelle une vision pessimiste. Writing assembly : pas de panique, si la philosophie ne nous apporte aucune aide salutaire, il nous reste le secours de la religion. A la violence avec laquelle le prédicateur fait son sermon, avec cette batterie qui frappe sans répit, sa basse knoutique, et sa guitare qui assène ses riffs comme des coups de trique vous comprenez que nos frères d’Avec Malice ne font aucunement confiance à la colombe du Saint-Esprit pour vous apaiser, le message ne passe pas, personne ne l’entend, personne ne l’écoute, pas plus le prédicateur que les ouailles. Et Dieu dans tout ça. Figurez-vous que personne n’y pense. Gnosis : enfin on va tout savoir ! Sont fair-play, nous expliquent pourquoi le message  de Dieu ne passe pas. Même qu’ils laissent un long espace instrumental pour nous permettre d’apprécier la subtilité de leurs propos. Ils n’accusent pas directement le Grand Manitou mais ils laissent entendre que le message n’est pas clair. D’un côté c’est l’amour, c’est bon, c’est bien, on a envie d’y croire mais de l’autre côté c’est la longue liste infernale des punitions qui vous attendent. Dieu vous refile le Bien et le Mal dans la même pochette-surprise. Comment voulez-vous que l’Individu se dépatouille avec ce cadeau empoisonné. L’Individu est un être faible, comment trancher le nœud de cette contradiction si ce n’est par la violence ! Carving : comment font-ils, ils ont encore de l’énergie. C’est vrai que pour le dernier morceau ils ont décidé de régler le problème définitivement, de le prendre à bras-le-corps, puisque Dieu ne répond pas, ils vont le chercher dans le seul endroit où il se trouve. Nous assistons donc à une dissection in vivo, le sujet pensant se saisit de son scalpel et décide de savoir ce qu’il a dans le ventre, je vous épargne les détails, par exemple les viscères qui rampent sur le plancher. Incroyable mais véridique, à part de l’hémoglobine qui coule de partout, il n’y a rien d’autre. Ah, si autre chose, j’allais oublier, ça fait mal, très mal – essayez si vous ne les croyez pas – la douleur si forte, si violente, si insupportable qu’elle est divine. S’arrêtent là ne prononcent pas un mot supplémentaire. Comme vous n’êtes pas idiot vous en tirez la conclusion qui s’impose. Si Dieu est douleur, faire du mal à autrui est de l’ordre du divin.

             Vous pouvez écouter With Malice en faisant la vaisselle (vous pouvez du coup quitter votre petite amie, mais cela vous regarde), bref vous n’êtes pas trop attentifs et vous dites : un bon groupe de hard, un peu bourrin, toujours à faire un max de bruit, des gars qui ne se posent pas de problèmes métaphysiques, vous êtes totalement à côté de la plaque, sont beaucoup plus finauds que vous ne le croyez, écoutez les lyrics, ils allient brutalité et subtilité, cerise le gäto Cat Zenglerien, ils vous exposent une problématique, la déroulent jusqu’au bout et vous laissent le droit d’en tirer les conclusions. Celles qui selon vous s’imposent !

             Mais il temps d’écouter le premier EP :

    WITH MALICE

    (Bandcamp : Octobre 2012)

    Davis Hay :  vocals / Alex McIntosh : drums / Brent Bell : guitar / Ryan Kippen : Guitar / Jonathan Schieman : bass.

             La couve n’est guère pharamineuse à mon humble avis…

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    Singular : le son n’est pas le même, longue introduction, guitare ramassée et fusante, la voix mixée devant, leur reste trois minutes, trois strophes et deux refrains pour raconter l’histoire de l’humanité, des anciens cultes à la société de consommation le film est toujours le même, tout est fait pour enfermer les esprits  libres et originaux en des croyances ou des comportements appropriés, soit par la force ou la séduction, l’ensemble sonore donne l’impression d’un serpent fuyant qui parvient toujours à ses fins, est-ce pour s’échapper ou prendre à revers ses futures proies. La guitare de Brent se redresse tel un cobra prêt à frapper. Pas d’échappatoire sinon en soi-même.

    Gnosis : (lyrics différents de ceux de l’album) : tout de suite la voix, noire, gorgée de grognements et l’instrumentation qui balaie derrière, le même batteur mais pas du tout la même manière de battre le beurre, moins de roulements, davantage de tapotements, ce qui était raconté depuis l’extérieur dans le premier morceau est maintenant exposé de l’intérieur. L’esprit, le jugement dirait-on en employant un vocabulaire philosophique, est en butte avec la réalité, vide et folie au-dedans, mais il est encore plus dangereux de regarder au-dehors, le spectacle n’est jamais neutre, la chose vue vous attaque, elle est-là pour vous détruire. Avec ses deux premiers titres l’on s’aperçoit que With Malice avait un projet des idées et un son. La fin du morceau tordue par un essorage guitarique et une explosion vocale est jouissive. Vengifull maniacs : (la dernière strophe est plus explicite, des précisions sont apportées sur la manière dont les enterrés vivants se vengent : ils aspergent d’essence leur tortionnaire et le brûlent vivant) : à monde cruel musique forte et chant teinté d’une ironie noire, qui nous oblige à interpréter le sens de ce morceau d’une manière différente, la guitare ânonne et se grippe, le final confirme notre intuition, l’esprit n’a pas résisté au spectacle du monde, il débloque totalement, crazy world ! Wasteland : terre en friche, notre terre gaste de Perceval, mais ici le Graal n’y est pour rien, le coupable est le feu nucléaire, l’on comprend maintenant pourquoi la vision de ce monde de désolation a rendu fou notre héros, comme des hélices d’avions qui tournent sur elles-mêmes sans faire avancer l’appareil, Davis parle plus qu’il ne chante, le spectacle est trop hallucinant, le background semble tourner sur lui-même, serpent qui essaie de se mordre la queue pour coïncider avec lui-même sans y réussir. Dans un dernier effort Davis nous apprend que la mort a triomphé.

             Ce premier EP était prometteur. Le chanteur et le guitariste partis, le reste du groupe a continué. Avec les deux nouveaux venus, ils ont repris le matériau de ce premier opus et en ont fait autre chose. Différent mais sans rien trahir, ni renier. Dommage qu’ils n’aient pas continué…

    Damie Chad.

     

    *

    C’est leur premier disque. Un truc zen. Faites-moi confiance, un grain de grind vous détendra, signez-moi un tchèque en blanc. Oui ils viennent de Prague. Comme Kafka, comme Rilke. Dès que j’ai vu la couve, avant même de les écouter j’ai voulu en savoir plus. Je suis arrivé après la bataille. Sur leur Face Book, le dernier post daté de 06 / 10 / 2022 indique qu’ils avaient décidé de se séparer.   Dommage, tant pis, on les écoute quand même, ces gars me ressemblent, ils sont parfaits.

    THROUGH

    PERFECITIZEN

    ( CD : L’Inphantile Collective / L’C 013 / 2013)

    J’en vois certains qui tiquent, ce collectif leur semble bizarre, c’est juste une maison de disques, sise à Prague, un experimental/grindcore/metal label comme elle se définit, je vous l’accorde à la réflexion il est des chances pour que ce soit davantage zinzin que zen. Par contre ils arborent un joli logo, une espèce de wagon-trolleybus qui répond au nom éminemment valéryen de Neonarcis.

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    Belle pochette qui vous explique le titre de l’album, une main qui tâtonne sur une paroi de verre. Serions-nous tous prisonniers d’une immense cage de Faraday sociétale, à moins que ce soit notre cerveau qui soit incapable de communiquer avec l’extérieur.

    Tomáš Mleziva : guitars, bass / Olda Kamenetski : vocals / Jarda Haž : drums / Hjalli : samples.

    Avant de commencer l’écoute deux courtes notules : eux-mêmes se définissent musicalement comme un groupe ‘’extreme blast core, death grind band’’. La deuxième est une question à laquelle nous ne répondrons pas : pourquoi en règle générale les groupes de Metal nous emmènent-ils souvent en des univers post-apocalyptiques dans lesquels la survie s’avère au mieux aléatoire, sur d’autres planètes où l’on doit se confronter à de redoutables monstres, voire en d’étranges fantaisies peuplées de créatures informes et infâmes. Parfois c’est le Diable en personne qui s’occupe de notre propre engeance, ou alors nous plongeons dans les époques les plus noires de notre civilisation…

    Genesis : épouvantables sonorités, hurlements et crépitements battériaux frénétiques, Olda donne de la voix, dans les années soixante on lui aurait offert une boîte de pastilles Valda pour soigner son cancer de la gorge, si vous cherchez une semblance mélodique vous ne trouverez pas, lignes brisées, montagnes russes, crêtes tranchantes, pentes verglacées, bruits divers entre siphons d’évier et ustensiles ménagers divers et égoïnesques, mais pourquoi tant de déglingueries sonores, vous ne me croirez pas, parce qu’il est heureux, oui il est content et satisfait : normal il est libre. Libéré ! De quoi, de qui, demanderont les esprits curieux. Mais de ce dont vous êtes restés prisonniers. De vous-mêmes. Oui, il est sorti de lui-même, par extraction, il est nu comme un ver, désormais il vous sera impossible de lui prendre la moindre chose. Non, aucune allusion à des costumes de soie ou à un épais portefeuille bourré de grosses coupures, soyez moins matérialistes, n’a plus rien, l’est fauché, son cerveau est totalement vide, même son âme s’est envolée l’on ne sait où. A poil, totalement dehors et dedans. Reset the chaos : rien que le titre fait peur, l’est sûr que pour vos oreilles ce sera difficile de supporter ce chant épileptique, ce tabassage battérial perpétuel et ces bruits de fond qui s’installent tout devant, qui vous empêchent de penser, à tel point que quand ça stoppe brutalement vous n’espérez plus qu’une chose, que ça reprenne illico, je vous rassure ça repart immédiatement, en pire, attention aux membranes de votre cervelet qui risquent de subir de fortes trépanations. Faut écouter ce kaos comme une préparation mentale, pour comprendre quelque chose, ses effets sur votre personnalité par exemple, il faut l’expérimenter. Exemple, en règle générale vous vous méfiez des serpents, mais voir un cobra de huit mètres de long dans votre salon c’est différent, ça change les perspectives, ici ce n’est pas un reptile qui sort de sous le fauteuil sur lequel vous étiez assis, non vous êtes convoqué à une séquence de décervelage. Oui mais c’est moins rigolo que dans Ubu, car dans cet extracteur géant il y de l’abus, tous vos désirs, tous vos espoirs ont été extirpés de votre tête, vous êtes devenu un citoyen perfectionné rivé à sa chaîne de travail, attention pas de charloteries, vous n’êtes pas dans un film, rentrez dans le rang de l’uniformité, soyez comme les trois singes, ne dites rien, ne voyez rien, n’écoutez rien (avec ce vacarme vous n’aurez pas de mal à suivre la troisième injonction !). Accordance : pressurisation phonique, on augmente le volume et le rythme, c’est pour votre bien, cela vous empêche d’être pris à partie par de mauvaises pensées, voire de leur entrouvrir la porte, le mieux est d’accepter, fais ton boulot, rejoins sans tergiverser le rang des esclaves, sois un rouage, que dis-je une pièce indistincte, encore mieux une vis uniforme de la machine qui te broie et que tu es devenu, le vocal, moulinette folle, te hache à la machette, transforme la moindre de tes envies en charpie sanglante. Le concassage faiblit quelques instants pour qu’on l’entende couler au fond de la fosse d’aisance. Souviens-toi, tu n’es plus toi. Tu n’es plus. Enfonce-toi cette vérité dans la tête qui ne t’appartient plus.  Electrification : merveilleuse fée électricité, on l’entend siffler dans les tuyaux qui alimentent la machine que l’on a branchée sur ton cerveau. Remue-ménage dans tes synapses, coupures, recrudescence d’influx, c’est ce que l’on appelle le courant-alternatif, tabassage vocal sur ton occiput, le résultat est superbe, l’on entend par deux fois trois secondes les inflexions d’une véritable guitare, tes pensées déviantes ont été remises dans le droit chemin, tu avais besoin d’une petite révision (à coups de marteau). Tout est bien qui finit mal. Assimilation : quelle douceur, quel calme, quelle paisible atmosphère, l’on est tellement bien qu’il faut tendre l’oreille pour entendre, enfin un peu de bruit, rien de chaotique, même si peu à peu ça redevient un tantinet agité  surviennent des plages de plénitude, tout compte fait l’on n’est pas si mal ici, suffit de s’y faire, d’entrevoir la réalité du bon côté, maintenant l’on me certifie que je suis un citoyen parfait, dans un monde lui aussi insurpassable, la coopération doit marcher des deux côtés, dommage pour ceux qui sont morts et qui n’ont pas eu la possibilité d’atteindre à cette communion de l’Unique avec la Globalité, la parfaite égalité, qui aurait pensé qu’elle pouvait être atteinte si rapidement, le bonheur communautaire à portée de main… Tu vois on a eu raison d’insister. Emballé, c’est pesé. Les bons prix à payer font les bons amis. Our place : ça ronronne, l’on est dedans, l’on est au chaud, l’on suit le rythme, c’est aussi l’occasion de faire le point, de visualiser la situation, l’on réside dans le système qui nous empêche d’être nous, attention des discordances clinquantes nous avertissent qu’il est des sentes dangereuses, les pieds de notre pensée nous y engagent, est-ce vraiment malgré nous, le bruit s’atténue, ce n’est pas que son ait baissé, c’est qu’on ne l’écoute plus, qu’on ne l’entend plus, c’est que notre pensée monopolise notre attention, elle résonne dans le vide, certes nous sommes prisonniers du système mais nous sommes aussi le système, nous sommes la cage et en même temps la clef de la cage.  Productivity : alerte rouge, alerte noire, tout le système est en état d’alerte, les ordres sont hurlés, heureusement tout est prévu, il se régule de lui-même à heures fixes, c’est le moment de la kommandatur, pas d’affolement suffit de serrer les boulons et de purger les circuits, même pas question de gravir un Everest sonique, pas d’affolement, on continue sur la lancée, merveilleux système qui s’auto-régule à la perfection. Une machine qui se répare toute seule. Aucun grain de sable ne saurait s’entremettre. Ça y est, tout est au point. Ça roule. Tout fonctionne. Dubitation : grondements intérieurs, le ver est dans le fruit, les mots se bousculent, il rampe à toute vitesse, de temps en temps les pensées exultent, de temps en temps l’élan retombe, alors la solution se présente, prendre les armes, détruire le système, bousculades dans la tête, le son résonne sur lui-même, barbotage musical, le cerveau et les pensées défilent à toute vitesse, que faire, comment faire, suis-je prêt à tout, suis-je sûr de moi-même, tout va trop vite, tout tourbillonne, le cerveau n’est-il pas lui aussi une machine que je ne peux arrêter, alors je pète un câble et je hurle. Through : une mélodie qui devient folle, un serpent que la batterie hache en milliers de tronçons, tout s’emmêle, tout s’entremêle, nous sommes hors de la machine puisque nous sommes dans la réalité de notre société, la machine est-elle en nous ou hors de nous, ou plutôt ne suis-je pas la machine à moi tout seul et toi aussi n’es-tu pas la machine à toi-tout seul, c’est à devenir fou, la solution est là, seul je n’arrêterai jamais la machine, mais à deux, mais à plusieurs, mais à tous, mais à nous, ne parviendrons-nous pas à la casser. Un dernier hurlement. Fin de la bande, la machine s’arrête. Oui mais l’autre ? Nous ne sommes pas encore de l’autre côté.

             Un peu éprouvant pour les tympans fragiles. Toutefois l’impact s’amoindrit tout de même lorsque l’espoir d’un arrêt de la machine apparaît. Deus ex humana machina ! Des tchèques certes, mais j’entrevois en eux des adeptes de la philosophie déconstructiviste française. Derrida et consorts. Beaucoup d’analyses, de démonstrations, de démontages, mais peu d’efficience dans la réalité. Une dés-analyse du système ne le détruit pas. La déconstruction n’est-elle qu’une reprise du machinisme cartésien, voire de Malebranche qui tenta de faire de Dieu le moteur de la machine animale. Ne sommes-nous pas dans une resucée incapacitante du nihilisme ?

             Perfeccitizen a encore commis deux disques : Corten (2015), Humanipulation (2002), je ne les ai écoutés qu’imparfaitement, trop rapidement. Il m’a semblé, j’aimerais faire erreur, qu’ils n’ont pas réussi à sortir du cercle de leur machine mentale et systémique, nous ne saurions leur en faire reproche, au moment de la naissance du capitalisme (un mot qu’ils remplacent par système) moderne, au début du dix-neuvième siècle en Angleterre, les ludistes, eux non plus n’ont pas réussi à arrêter son extension en cassant les métiers à tisser.

             La critique est facile, la révolution beaucoup plus difficile.

    Damie Chad.

     

    *

             Cette livraison kr’tntique se termine. Que choisir parmi les nouveautés. La plus terminale de toutes. Ce sera donc :

    PLEROMA MORTEM EST

    MONOVOTH

    (K7 – CD : Trepanation  Recording)

    N’est-on pas toujours seul lorsque l’on se confronte à la mort. L’on ne sera donc pas étonné de trouver un seul mnovothoring comme principal artifex : Lucas Wyssbrod : composition, guitars, bass. Martin Visconti :  mise en place des drums.

    La couve est d’Andrea Navarro, son instagram : Andreanavarroartista dévoile une artiste surprenante aux confluences de diverses sensibilités… Par quel miracle peut-on aborder autant de noirceur que de clarté… Elle est le Yin et le Yang.

    J’avoue avoir été attiré par le titre en latin. Facile à traduire : Mortel est le plérôme. Ce qui nous laisse perplexe et suscite un plein d’interrogations quant à l’interprétation de l’opus. De quelle plénitude s’agit-il : de celle de l’homme mortel ou de celle des éons immortels chers aux gnostiques. L’analyse de l’artwork ne nous aide guère : l’on ne peut s’empêcher aux figurines des jeux de cartes les plus simples (Roi, Reines, Valets) qui ne possèdent ni haut ni bas puisque tous deux sont interchangeables. Pourtant ici tout est différent, entre le gisant et le vertical, entre l’horizontal et l’accroché, dans tous les cas supposés :  l’impossibilité d’accéder au même cercle.

    Peu d’indices à notre disposition : l’opus est composé de six titre, six instrumentaux, qui dévoilent le noir et cèlent la clarté des mots. Il est présenté avec un texte qui nous indique les rayons d’impédance et d’action qui sous-tendent chacun des six morceaux. A vrai dire les références philosophiques explicatives nous semblent en contradiction avec le titre de l’album, n’ayons pas peur des mots : elles nous déçoivent franchement. Les argentins -  Monovox est argentin – seraient-ils en retard d’un demi-siècle dans leurs références philosophiques…

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    Grata Mors : guest  guitars : Sebastian Barrionuevo : voici donc une mort agréable, statistiquement parlant nous sommes prêts à parier que nos concitoyens ne la jugent pas de la même manière… ce qui est sûr c’est que nos lecteurs sans en avoir entendu une seule note ne pensent pas que cette œuvre soit un tantinet joyeuse, ils ont raison, dès la première assourdance funèbre, ces graves et grasses sons de basse, c’est le glas annonciateur de mort qui résonne, suivi d’une magnifique et lyrique amplification majestueuse qui nous projette déjà dans l’autre monde, drone music certes mais ce n’est jamais tout à fait le même motif qui revient, l’est magnifiquement assorti de résonnances nouvelles, lancinantes et changeante, un peu comme la peau d’un serpent sinueux qui à chacun de ses méandres varie de teinte par le seul fait qu’il ne forme pas le même angle avec le rayon du soleil (noir) qui se pose sur lui. Monovoth place ces instants fatidiques sous le signe de l’étreinte, est-ce la mort qui étreint le vivant ou le mourant qui est encore étreint par la vie. Au lieu du verbe étreindre irions-nous jusques à employer l’expression faire l’amour, si proche en notre langue de faire le mort. Comme dit le proverbe : chacun fait comme il peut. Ainsi peut-on traduire grata mors par la mort reconnaissante. The Air Between Gardens : feulements de tambours, de l’air qui passe entre les jardins, mais de quels jardins s’agit-il et que vient faire cet air, ce qui est certain c’est que le son dramatise la scène, jusqu’à ce que la crise éclate, les derniers moments, les dernières fibres sectionnées qui préfigurent l’arrachement, la séparation du monde des vivants, les proches penchés sur le cadavre encore chaud et le mort déjà dans l’au-delà, l’affliction d’un côté et le sourire du masque du sphinx immuable qui s’est posé sur le visage du décédé tel un masque, à moins que ce qui soit essentiel soit ce troisième élément, cet air subtil qui passe, parcourt et arrose l’entre-deux du jardin des morts et du jardin des vivants, un trait d’union séparatif, le garden n’est-il pas ce qui garde, le gardien de l’enclos, celui dont est chassé, celui vers lequel on se dirige. Un jardin à chaque bout du chemin. Clamor Resonat : synthés Federico Ramos : douceur sonore et résonnante, ce qui subsiste de nous après notre passage, ces ondes subtiles, ces battements d’ailes d’oiseau du cygne évanoui qui n’ont pas fui, qui sont restés, qui bruissent et qui parlent, cet inaudible qui dicte, qui affirme notre présence alors que nous ne sommes plus, peut-être le plus beau morceau de cet opus qui en compte six, avec dans sa seconde moitié, l’autre moitié de l’envol dont on ignore tout mais que l’on pressent symétrique comme les deux ailes du papillon mort, l’une bat encore de ces anciens mouvements et l’autre immobile qui remue dans une sphère inatteignable aux vivants, bientôt il est si loin que l’on ne l’entend plus alors que l’on ne l’a jamais entendu.

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    Somnia : sombreur ce qui reste sont nos rêves, des projections de nos désirs avec lesquelles nous peignons et repeignons sans cesse notre destin, nous le voulons aussi doux que cette mélodie aussi tendre que cette brise qui nous emporte de l’autre côté, la seule chose que nous emmenons est cette figurine de nous que nous appelons destin, la plénitude de notre destin ne décline-t-elle pas notre mort, est-ce ainsi que l’on doit entendre le titre, les rêves nous ont précipités en nous-même, en notre vie, et hors de nous-même en notre mort. Collisions of souls : la batterie frappe de plat et d’estoc dans un film de cape et d’épée passé au ralenti, quel grabuge, tout destin se forge dans le fracas des volontés vives qui s’entrechoquent, peut-être de l’autre côté en est-il de même, nous heurtons-nous à d’autres âmes n’est-ce pas notre destin le seul viatique que nous emportons avec nous, le drone insiste de plus en plus fort, le motif de notre vie n’est-il pas leitmotiv de notre mort.  Denique Mors : vocals  Linseay O’Connor : donc la mort, il faut bien en passer par-là, il faut bien en finir avec ça. Reprise du même thème, serait-il envisageable qu’un autre survienne, ne sommes-nous pas ensablés dans ce même motif depuis le début, un éclat de batterie tonitruant, des guitares qui fondent comme un aigle sur sa proie, serait-ce un éclat de révolte métaphysique, inutile et perverse dixit Mallarmé, l’on sort les grandes draperies noires, les épais rideaux funèbres, l’attirail majestueux, des sons qui claudiquent, des cordes qui grincent, quelque chose se déglingue, le moteur dronique ne tourne plus rond, il bat de l’aigle, il bat de l’aile, tel un avion obligé de se poser, non plus sur la terre de la mort mais  en lui-même sur les morts de la terre, il atterrit, il roule, il quitte la piste, il cahote sur un terrain irrégulier, il perd une aile sur un gros rocher, il va trop vite, l’on pressent la tragédie, on subodore, on prévoit, on voit, on connaît la fin, crash final, crash landing. Sur quelle terre, sur quel jardin au juste ?

             Si l’on s’en rapporte à la notice explicative qui est fournie, faut s’en tenir aux visions sartriennes et camusiennes. Vous voyagez sur cette terre avec pour seule valise votre mort, n’espérez rien de plus. Tout se passe dans l’aval de la mort. En amont, en amort, il n’y a rien. Ce qui est bizarre, ce n’est pas qu’il n’y ait rien, c’est tout le mal que Monovoth s’est donné durant tout son opus à nous parler de la mort puisqu’elle n’est rien.

    Damie Chad.

     

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 570 : KR'TNT 570 : BCUC / MONKEES / LOOP / SAM THE CHAM / ROCKABILLY GENERATION NEWS / ROBERT PLANT & ALISON KRAUSS / ROCKAMBOLESQUES

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 570

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR’TNT KR’TNT

    13 / 10 / 2022

     

     BCUC / MONKEES

    LOOP / SAM THE SHAM

    ROCKABILLY GENERATION NEWS

    ROBERT PLANT & ALISON KRAUSS 

    ROCKAMBOLESQUES

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 570

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://krtnt.hautetfort.com/

     

                    Baby come BCUC

     

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             Bon alors le plus simple serait de parler d’un grand choc. BCUC sur scène. BCUC pour Bantu Continua Uhuru Consciousness. Sept blacks de Soweto, ghetto martyr d’Afrique du Sud, pour les ceusses qui ne sauraient par où est Soweto. Oui, sept, désolé, il en manque sur l’illusse. Il s’est mis sur le côté. Voulait pas être dans l’image. Trois micros sur le devant de la scène et derrière, deux grosses caisses montées à la verticale sur des pieds en ferraille, plus un jeu de congas et un ampli basse. Ça sent déjà bon les tambours africains, avant même qu’ils n’arrivent.

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    Les voilà, trois devant et quatre derrière et tout de suite ça explose, ça t’explose directement entre les reins, directement sous le crâne, directement dans l’inconscient, car c’est le beat primitif, d’où vient toute la vie sur cette terre. Elle ne vient certainement pas de Mozart ni de Bach, elle vient des profondeurs de la vie, car avant d’être «civilisés», tous les peuples de la terre étaient primitifs et tu comprends ça immédiatement, car ça te parle, ça te raconte l’histoire du monde et de tes vraies racines. Tu n’appartiens pas à la civilisation occidentale, non, tu viens du beat des Africains et tu le ressens au plus profond de toi même, ton corps bouge sans que tu ne lui aies rien demandé, ça va très vite, dans l’instant, même pas one two three, comme dans le rock de Bill Haley, c’est là, bam-bam-bam-bam, en continu, bam-bam-bam-bam, à cent à l’heure et tu les vois danser, les trois qui sont devant,

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    ils vont te montrer comment on fait de la musique, bam-bam-bam-bam, la plus explosive de toutes, c’est un fleuve de vie qui charrie tout en même temps, le gospel, le rock, le boogie, le jump, le rap, le blues, le metal, le mental, le méthane, tout ce qui te passe par la tête, tout vient de là, c’est d’une évidence brutale, sans les Africains, le monde moderne n’aurait jamais existé, jamais t’aurais eu Sister Rosetta Tharpe, Chucky Chuckah, Jimi, Sly, Bo, pour ne parler que des plus importants, même Jerry Lee vient de Soweto, car sur scène le chanteur est encore plus crazy que Jerry Lee, plus demented qu’Elvis 54, plus wild que Wilson Pickett, il vaut dix Sam & Dave, il va si loin qu’on en a le souffle coupé pour lui, il est physique, ultime, c’est encore bien au-delà du wild as fuck des pauvres petits blancs qui se croient les rois du monde avec leurs petites guitares électriques, pousse-toi, whitey, c’est mon tour, il s’appelle Zithulele ‘Jovi’ Zabani Nkosi, pas la peine d’essayer de retenir son nom, c’est impossible, alors contente-toi de Jovi

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    et de le regarder chanter et danser la musique sauvage de tes origines, elle te rend fier d’être noir même si tu es blanc, mais ce sentiment d’appartenance est réel, tu as sous les yeux une authentique superstar, il fait partie de ceux qui lutteront jusqu’à la mort pour la grandeur du Black Power qui redevient soudainement une réalité, une suprême vengeance après quatre ou cinq siècles d’esclavagisme et d’apartheid, désolé, mais on y revient forcément, avec son génie scénique, Jovi balaye d’un coup toutes les injustices et réinstalle le pouvoir des tambours sur le trône qu’il n’aurait jamais dû quitter, alors il y va ce démon noir, il danse des deux pieds en même temps, il mime une espèce de gratté de guitare, il fait des pas de Zoulou dance, il s’essuie la figure d’un coup de paume et il te screame la grandeur de la négritude par-dessus les toits, c’est explosif, une sorte de mélange démentoïde de Fela Kuti et de free jazz sans trompettes, juste le précipité du beat, et derrière le black en short fait des miracles aux congas, ses deux copains battent la cadence du beat des forêts impénétrables sur leurs caisses et l’incroyable bassman tisse de l’africanité sur une basse à cinq cordes, c’est un rêve qui devient réalité, tu n’en perds pas une seule miette,

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    car des gens comme ça, tu n’en croiseras pas tous les jours dans ton fucking quotidien de whitey, Jovi n’en finit plus d’exploser sur ses pieds, il est petit, plutôt râblé, les bras tatoués, une barbe rase, il a une sale manie de vouloir faire des prêches entre les très longs cuts, mais dès qu’il repart sur l’Afro-beat demented, alors on remercie Dieu d’avoir créé le peuple noir, et puis à sa gauche, tu as un autre personnage extraordinaire, une blackette au visage d’ange dont tu tombes amoureux, une sorte de madone de Soweto coiffée d’un petit bonnet de laine, qui shake son tambourin et qui reste dans la folie du beat sans produire le moindre effort, elle s’appelle Kgomotso Neo Mokone, pareil, laisse tomber, n’essaye pas de mémoriser son nom, appelle-la la madone des no-sleepings, elle se fond admirablement dans l’extraordinaire fournaise de l’Afro-beat, qui redouble de violence dès qu’il redémarre et c’est toujours à cent à l’heure, mais c’est un cent à l’heure africain, qui n’a strictement rien à voir avec le pauvre cent à l’heure du rock, c’est un cent à l’heure qui sonne juste et qui t’excite, là tu dis, oui, c’est exactement ça, ce n’est ni de la frime ni du surfait comme c’est trop souvent le cas dans le metal, c’est le cent à l’heure organique que ton corps traduit immédiatement par des balancements que tu ne lui connaissais pas, tu comprends soudain ce qui se passe dans les villages lorsque battent les tambours, tout le monde danse et chante, c’est automatique, et c’est exactement ce que nous servent les BCUC sur un plateau d’argent, le beat universel que chacun comprend, en dehors de toute contrainte morale ou esthétique,

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    le vrai surréalisme, le surréalisme des racines universelles, pas celui du tyran André Breton, non, on parle du vrai monde, de la vraie musique, des vrais artistes et de l’incroyable simplicité, voire nudité, de tout ça. Ce sont des inconnus qui te révèlent à toi-même, qui t’ouvrent les yeux sur une réalité que tu croyais bien connaître, oui bien sûr Elvis, Bo, Jerry Lee, Wilson Pickett, les Como Mamas et tous les autres, mais ils doivent tout aux tambours africains, tels que les battent les démons de BCUC.

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             Tu es tellement fier de leur serrer la main à la fin du set. Tu vas ramasser leurs albums. Soweto Never Sleeps ! Bizarrement, leurs albums sont enregistrés en France. Tu en as un qui s’appelle Emakhosini. Seulement trois cuts. Tu ouvres et tu vois Jovi et la madone des no-sleepings en photo sur scène dans un nuage de fumée. «Moya» t’embarque pour 19 minutes sur un bassmatic africain, et le beat monte vite, bien sûr pas aussi nettement que sur scène, sous le casque c’est plus encaissé, plus studio, ça sourd comme une source, mais la conscience du beat des forêts profondes remonte en toi, pour un peu, tu te croirais aussi africain que ces mecs-là, mais impossible de s’ôter de la tête l’idée qu’ils te reconnectent aux origines de la vie. En même temps, c’est très progressif, comme l’évolution des espèces, et ça se passe comme dans le concert, tu as le sentiment que le sort du monde est intiment lié à l’Afrique, que tout vient de là, la vie, l’intelligence des corps, le rythme, l’idée remonte vite et se précise, les BCUC ont des choses à dire, surtout en Afrique du Sud, une aberration géopolitique tenue par une poignée de blancs cupides et cruels, mais ça donne Sowetao et l’un des plus brillants groupes d’Afro-beat des temps modernes, BCUC, come BCUC baby, c’est plein de vie et de colère intense, personne ne peut imaginer à quel point les blacks d’Afrique du Sud ont été fucked-up, et pourtant, ils sont le berceau de l’humanité, alors laisse tomber ta bible et l’Hosanna et tout ce bordel. C’est long 16 minutes, mais on ne s’ennuie pas, même si on perd le dance craze de Jovi le héros, ils font leur biz, chacun son tour, ils t’embarquent de toute façon, et soudain, le beat revient, fast and furious, ils sèment le vent et récoltent la tempête. Maintenant, c’est eux qui balayent tout après avoir été balayés. Quand ils calment le jeu, c’est pour mieux exploser. Le bassman lance tous les cuts au petit riff insistant d’Africana évolutive. Son thème revient dans le chant avec les échos de la madone des no-sleepings et très vite le beat reprend le pouvoir, il charrie toutes les insurrections de l’histoire, toutes les révoltes d’esclaves, tous les puits de mines et le travail forcé, ils rebouffent le foie des blancs qui les opprimaient et les tambours résonnent au plus profond de l’inconscient collectif. Ils sont au-delà de tous les genres.

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             Tu as un autre album qui s’appelle The Healing, c’est-à-dire la guérison, mais ça démarre avec «The Journey With Mr Van Der Merwe» qui n’augure rien de bon, car c’est un nom d’oppresseur Africaner, c’est amené au gimmick de basse africaine et soudain l’Afro-beat arrive, une marée, avec la voix de la madone des no-sleepings, les autres chauffent encore ça aux chœurs, ça te court bien sur l’haricot et bien sûr Jovi chante son gut out, il accuse Van Dr Merwe of having thought a new rule et les tambours combattent, c’est puissant, le beat charrie les cris des suppliciés, Jovi hurle sous les coups, ça va vite la mort dans les pattes des blancs, Jovi hurle comme une bête, c’est tout de même autre chose que le petit punk-rock des pauvres blancs, avec leur musique, le blacks se battent pour leur vie, ce n’est pas la même chose, voici que sonne l’heure de la victoire pour le peuple Zoulou, l’intelligence vaincra toujours l’oppression, surtout l’intelligence des blacks qui est musicale, le Black Power est de retour dans toute la force de son authenticité, les tambours te tapent dans la tête, les congas de Congo Square, fantastique cavalcade à travers le temps et l’histoire, là tu as tout ce que tu dois savoir à propos de la barbarie des blancs et de la grandeur sublime du peuple noir, et Jovi relance toujours le grondement des tambours, ces redémarrages au wild beat sont des bénédictions pour la compréhension, tu crois que c’est fini et ça continue, ils barbouillent des fresques comme des Black Fellinis de l’Africanité. La madone des no-sleepings croise les thèmes infectueux du bassman king, Jovi danse des deux pieds, quelle débinade ! C’est l’apanage des apanages, Jovi fout le feu. On retrouve Femi Kuti dans «Sikhulekile» et le fast beat revient, plus violent que jamais, une fournaise d’enfer vert, la madone des no-sleepings tente de calmer le jeu mais ça repart toujours de plus belle. Africa !

    Signé : Cazengler, vieux BOUC

    BCUC. Le 106. Rouen (76). 30 septembre 2022

    BCUC. Emakhosini. Buda Music 2018

    BCUC. The Healing. Buda Music 2019

     

     

    C’est parti Monkee Kee - Part Three

     

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             En dehors des albums, des films et des autobios, il existe encore bien d’autres manières d’entrer dans la légende des Monkees. Il faut pour cela étendre le cercle des recherches, en se rapprochant par exemple de personnages qui ont joué un rôle éminent dans la genèse de cette légende, des gens comme Bobby Hart (Boyce & Hart) et Harold Bronson (Rhino Records) qui ont eux aussi tartiné des autobios passionnantes.

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             Celle de Bobby Hart s’appelle Psychedelic Bubble Gum. Il est essentiel de rappeler que Boyce & Hart ont composé le premier hit des Monkees, «Last Train To Clarksville». Hart raconte merveilleusement bien son histoire. Jeune Arizonien débarqué en Californie, il se passionne pour Roy Orbison, Carl Perkins, Sanford Clark and all the rockabilly guys, puis Fats Domino et LaVern Baker. Il s’éprend aussi du gospel, du Professor Alex Bradford et de Sister Rosetta Tharpe. Il parle d’un «feeling of connection between the black music artists and me».  Puis un jour, dans un studio, Hart rencontre Tommy Boyce : «Il m’a seulement fallu quelques instants dans le studio pour comprendre que Tommy Boyce était un personnage singulier, spontané et extraverti, et en même temps très cool. Il avait l’assurance d’une rock star et il dégageait un charme irrépressible. Il avait un beau sourire et une poignée de main ferme, mais il y avait aussi en lui une certaine suffisance qui pour quatre laid-back kids venus d’Arizona était difficile à accepter.» En 1960, le jeune Hart s’installe donc à Hollywood pour faire carrière dans la musique. Il compose et il doit commencer à démarcher. Il obtient un rendez-vous avec Lester Sill. Il attend d’être reçu et engage la conversation avec un autre candidat qui dit s’appeler Phil Spector. Hart le connaît car il a vu son nom sur le disque des Teddy Bears. Totor dit à Hart qu’il a quitté le lycée depuis deux ans et qu’il veut aller à New York pour faire de la production. Totor est appelé dans le bureau de Sills, et Hart laisse entendre que ce jour-là, on l’a oublié.

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             Comme ça ne marche pas à Hollywood, Boyce & Hart tentent leur chance à New York.  Ils bossent pour Don Costa, au Brill, at 1650 Broadway. Ils commencent à composer ensemble, Boyce écrit les paroles et Hart la musique - On avait un respect mutuel pour nos compétences, mais on voulait travailler ensemble parce que c’était bien plus amusant de le faire ensemble - Boyce parle dans son autobio (How To Write A Hit Song And Sell It) d’un «pleasant and workable partnership». Le premier hit qu’ils décrochent en 1964 est «Come A Little Closer» pour Jay & The Americans. Mais Hart ne parvient pas à vivre de ses compos. Pour manger et payer ses charges, il doit prendre la route et jouer dans des clubs.

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             Hart évoque aussi des gens qui furent célèbres avant l’avènement des Beatles : Brian Hyland, Lou Christie et surtout Del Shannon qui fut une star en 1961 avec «Runaway», et qui eut les Beatles en première partie d’une tournée anglaise. Hart fait aussi partie des Surfaris, un groupe dans lequel John Maus joue de la guitare et Scott Engel de la basse. Hart raconte une tournée galère en 1963 dans le Middlewest avec les deux futurs Walker Borthers. Accident de voiture, puis deux corbillards achetés dans le même garage qui tombent en panne sur la route, une histoire similaire à celle de la dernière tournée de Buddy Holly. Hart se retrouve aussi en studio, avec Little Anthony & The Imperials. Il voit Anthony Gourdine sing his heart out, produit par Teddy Randazzo. Hart compose deux cuts pour Little Anthony : «Reputation» et «Never Again», sur l’album Goin’ Out Of My Head.  

             Hart ne se sent pas vraiment chez lui à New York : «Les bruyants corridors de béton et d’acier n’avaient rien de commun avec le paisible Oak Creek Canyon de mon enfance, et je ne me suis jamais senti chez moi à New York. Mais à l’été 1963, une chose était claire dans mon esprit : j’étais exactement là où je devais être. Je sentais le souffle chaud du succès prendre de la vitesse.» Plus loin, il fait encore le point, et il a une façon extrêmement intéressante de le faire : «Je passais mes soirées dans une ville où je ne connaissais personne. Je marchais tout seul dans les rues enneigées avant d’aller me coucher dans la chambre minuscule que j’occupais au Chesterfield. Le contraste avec Vegas où j’avais joué était d’ordre poétique, et ça m’a certainement aidé à garder la tête froide et à maîtriser mon ego. J’étais le plus souvent seul, sauf quand on composait avec Tommy, et j’étais déconnecté de la terre et aussi peut-être de mon esprit.» 

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             Hart fait aussi un portrait de George Goldner, nabab de l’industrie musicale new-yorkaise des fifties, un Goldner qui en pince pour Susan, la copine de Tommy Boyce. Elle lui dit qu’elle ne veut pas quitter Tommy, mais Goldner n’est pas homme à accepter un refus. Il finit toujours par obtenir ce qu’il veut. Il appelle Don Kirshner, «the man with the golden ear» qui vient de décrocher le jackpot en entrant chez Screen Gems Television, une filiale de Columbia. Il demande donc un service à son copain Donnie : «Écoute Donnie, j’ai besoin d’un coup de main. Il y a ce kid nommé Tommy Boyce qui a écrit quelques hits. Offre lui 100 bucks a week et signe-le. Je paierai l’avance moi-même. Je veux qu’il quitte la ville. Envoie-le dans ton West Coast office.» Bien sûr, comme le précise Hart, ni Tommy ni lui n’étaient au courant de la manigance de Goldner. Tommy aime Susan, mais son rêve est de faire carrière dans la musique and music was is life. Tommy dit à Susan qu’il accepte l’offre de Don Kirshner. Il est bon se savoir que les voies des Monkees sont parfois impénétrables.

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             Boyce part donc s’installer à Hollywood. Puis il appelle Hart pour lui dire de venir le rejoindre et de signer avec Screen Gems. Boyce lui promet de lui obtenir le même contrat que le sien, 100 bucks a week, à l’époque c’est une fortune - We’ll write some hits - Cette autobio est en fait une apologie de l’amitié. Il existe entre ces deux mecs le même genre de relation privilégiée qui a pu exister par exemple entre Mark Volman et Howard Kayland, ou entre Richard Foos et Harold Bronson : un lien à toute épreuve, un modèle du genre. Hart accepte et franchit à son tour les portes des West Coast offices of Screen Gems-Columbia Music at 7033 Sunset. Il est accueilli par Lester Sill qui se souvient très bien de lui et du rendez-vous manqué quatre ans plus tôt. Hart apprécie beaucoup Sill, a warm, encouraging father figure to me as he was to Tommy. Il les invite tous les deux à venir passer le week-end dans sa belle maison de Palm Springs. Sill attend de Boyce & Hart qu’ils pondent des hits, comme avait commencé de le faire Boyce avec «Peaches & Cream» pour les Ikettes. Le soir, Boyce & Hart vont traîner au Whiskey et sont frappés par les shockingly new sounds d’Arthur Lee & Love et de Jim Morrison & the Doors - We were excited and inspired by them - Du coup, ils dopent leur pop et composent «I’m Not Your Stepping Stone», «She» et «Words», des cuts qu’enregistrent The Leaves, The Boston Tea Party et Paul Revere & The Raiders. Pour enregistrer leurs démos, Boyce & Hart font appel à Keith Allison - «Guitar Keith» was a nautral heavy rock player who could lay down some incredible Stones-style riffs when we needed them - Allison fera ensuite partie des Raiders.

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             C’est le moment ou jamais d’écouter son album solo, In Action, paru en 1967. Wow quel album ! C’est produit par Gary Usher, autant dire qu’on entre dans le saint des saints du mythe californien. Ouverture de balda avec «Louise» et l’extraordinaire aisance poppy-gaga. Keith Allison joue fabuleusement bien sa carte de légende vivante. On trouve chez lui tout le raunch du proto-punk californien. Il fait une mouture d’«Im A Believer». Tout de suite du son. Fantastique allure, il injecte un sacré punch à son believer. Il tape dans Donovan avec «Colours» et y ramène une fantastique flavour country. Ça repart de plus belle en B avec «Good Thing». Pour le raunch, ce mec est bon, il chante avec un punch hors normes, une qualité qu’il a en commun avec Jackie Lomax. Il devient roi du californian gaga avec «Action Action Action», même niaque que celle des Raiders dont il va d’ailleurs faire partie. Il termine avec «Do It», au do it yeah, bien servi par un solo d’orgue. C’est puissant et bien produit, avec des harmonies vocales de do it yeah subliminales. 

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             Le cœur battant de l’Hart book, ce sont bien sûr les Monkees. C’est pour ça qu’on est là. Screen Gems demande à Boyce & Hart de composer un thème pour la série TV des Monkees - On a passé énormément de temps à nous préparer pour tirer le meilleur avantage de ce qu’on considérait comme notre plus belle opportunité : produire les disques d’un potential hit group with the power of television behind them - Le groupe n’est pas encore formé. Une annonce paraît dans The Hollywood Reporter et le Daily Variety : «Madeness!! Auditions. Folk and roll musicians-singers for acting roles in new TV series. Running parts for 4 insane boys, age 17-21.» On connaît l’histoire des 400 candidats, détaillée dans ‘C’est parti Monkee Kee - Part Two’. Hart brosse alors quatre portraits sommaires des heureux élus : Micky Dolenz - An effervescent comic actor with a gift for improvisation - et plus loin il ajoute : «D’une certaine façon, son côté énergique me rappelait Tommy, mais la personnalité de Micky was far more frantic and far less complicated.» Puis voilà Davy Jones (qu’Hart écrit David), «unquestionably a charmer with a great smile. Sa personnalité combinait un mélange d’impertinence brillante et de politesse à l’Anglaise.» Peter Tork était beaucoup plus réservé, mais Hart le trouve intelligent et ils avaient en commun des racines dans la scène new-yorkaise, Brill pour Hart et folk pour Tork. Et puis voilà Mike Nesmith qui aux yeux d’Hart s’impose comme leader du groupe. Hart essaye d’engager le dialogue avec Papa Nez, mais il se heurte à un mur. Hart ne cherche pas à forcer le passage, il sait que Papa Nez envisage déjà de prendre le contrôle musical des Monkees - À ses yeux, Tommy et moi devions apparaître comme deux sbires de l’establishment qui entravaient son chemin - Hart ne se trompe pas, car Papa Nez finira par avoir la peau de Don Kirshner et donc de Boyce & Hart. En 1966, le label Colgems Records est monté spécialement pour les Monkees et Kirshner devient le music supervisor du TV show. Rappelons que Boyce & Hart sont payés par Lester Sill et Screen Gems, pas par Kirshner, un Kirshner qui débarque enfin à Los Angeles. Il convoque Boyce & Hart pour remettre les choses au carré : «Bon c’est vrai que vous avez composé des hits, mais pour un projet de cette ampleur, we need record producers that have a proven track record.» Kirshner a raison, Boyce & Hart ne sont pas des producteurs. Tommy rétorque : «But Donnie, this is our project !». Kirshner ne veut rien entendre. Composer est une chose, produire en est une autre. Il sait de quoi il parle car il connaît très bien Totor et tous les grands producteurs new-yorkais. Sorry guys. Boyce & Hart sont catastrophés. Toute cette préparation pour rien !

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             Boyce & Hart ont déjà composé le fameux «Theme From The Monkees». Kirshner envoie la démo chez Mickie Most qui à l’époque cultive la réputation d’un magicien du son, mais cette fois, ça ne marche pas. Kirshner est déçu par le résultat. Il confie alors le projet à Snuff Garrett, un producteur en vogue sur la West Coast qui a produit Sonny & Cher, Bobby Vee, Johnny Burnette, mais le résultat ne plait pas non plus à Kirshner. Il trouve que ça sonne comme du Gary Lewis & the Playboys. On lui dit en plus qu’en studio, ça s’est très mal passé entre Garrett et les Monkees. Alors il fait venir Carole King et Gerry Goffin à Los Angeles, mais ça se passe mal en studio, car les quatre Monkees font pleurer Carole King qui rentre aussitôt à New York. C’est là que Boyce a une idée : rassembler quelques musiciens au Rainbow Studio et faire venir Kirshner pour qu’il entende trois cuts dont une version explosive de «Theme From The Monkees». Au premier accord, Kirshner s’emballe ! - These sound like hits ! Go ahead and book the studio, guys, you’re going to be producing the Monkees !

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             Quand en 1966, Boyce & Hart produisent les Monkees au RCA Studios on the corner of Ivar Street and Sunset Boulevard, Andrew Loog Oldham produit les Stones au studio B. Dave Hassinger bosse alors avec les Monkees et c’est lui qui enregistre «Last Train To Clarksville». Boyce & Hart ont monté un house-band avec Gerry McGee, Larry Taylor (futur Canned Heat), Billy Lewis, Louis Shelton et Wayne Erwin. Boyce gratte parfois une acou et Hart joue un peu d’orgue. Du coup, leur vie change et on les respecte en tant qu’auteurs, car ils composent quelques hits pour les Monkees : Clarksville, «She» et Stepping Stone, mais aussi des hits pour d’autres gens, notamment Paul Revere & The Raiders. Le conte de fées s’arrête brutalement : Papa Nez organise une conférence de presse où il révèle au monde entier que les Monkees ne jouent pas sur leurs disques. Papa Nez déclare la guerre : il veut récupérer le contrôle artistique des Monkees. Il veut surtout composer et récupérer sa part du gâtö, car le blé va dans les poches de Kirshner, qui accumule les droits. Il faut bien comprendre qu’à l’époque, le Monkees business représente des millions de dollars. Papa Nez fait partie des gens qui ont horreur de se faire plumer à vif. Il déteste le «Theme From The Monkees» - The Beatles would never sing about themselves like that, Hey hey hey we’re the Beatles ? C’mon on, give me a break ! - Début 1967, les Monkees enchaînent les hits, après Clarksville c’est «I’m A Believer» (signé Neil Diamond), avec Stepping Stone en B-side. Ils commencent à tourner et à remplir des stades, mais ils reçoivent toujours un salaire hebdomadaire de 400 $. La goutte d’eau qui fait déborder le vase ! (Hart dit «adding insult to injury»), c’est la parution du deuxième album : «Most of the group had never heard most of the music on it.» More Of The Monkees est en effet paru sans l’accord des Monkees, pendant qu’ils étaient en tournée, un coup de biz signé Kirshner. Un Kirshner qui revient à Los Angeles pour tenter de calmer ses poules aux œufs d’or avec des gros chèques de royalties, mais c’est là que Papa Nez fout son poing dans le mur, disant à Kirshner : «That could’ve been your face, cunt !». En février 1967, Kirshner est démis de ses fonctions chez Colgems Records et Lester Sill est nommé en remplacement. Hart sent que le vent tourne : «It has long been my personal feeling that this was the beginning of the end for the Monkees.» Eh oui, c’est Kirshner qui a fait d’eux des superstars. Les Monkees ne s’en relèveront pas. Papa Nez a gagné la guerre. Boyce & Hart glissent encore trois cuts dans Headquarters, troisième album des Monkees et le premier qu’ils enregistrent eux-mêmes, mais c’est un album foiré. Boyce & Hart composent un dernier hit pour eux, «Valleri», mais après ça, les Monkees ne sont plus jamais entrés dans le Top Ten - They got what they wanted, but they had lost what they had.

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             Après avoir été virés de Screen Gems, Boyce & Hart entament une carrière solo. Leur premier album s’appelle Test Patterns car comme le dit si bien Hart, ils ont besoin de savoir qui ils sont et comment ils sonnent. C’est Derek Taylor, l’ex press-officer des Beatles, qui signe les liners de l’album. Taylor leur recommande de se coiffer comme les Beatles, et Boyce & Hart ressemblent à Sonny Bono, Keith Allison et aux Byrds. Paru en 1967, Test Patterns n’est pas très bon. On sent un léger déficit composital. Ils aimeraient bien rééditer l’exploit de Clarksville, mais c’est difficile. Ils font un peu de r’n’b avec «In The Night» et empruntent un gimmick à Stax. Ils finissent l’A avec la soft pop de «For Baby». Ils sont plus à l’aise dans le susurré et les petits coups d’acou qui étincellent au soleil de la Californie. Ils retrouvent un brin de Clarksville en B avec «Sometimes She’s A Little Girl», c’est bien amené par cet excellent guitariste nommé Louis Shelton.

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             Ils retentent le coup l’année suivante avec I Wonder What She’s Doing Tonite. Le titre de l’album illustre bien la hantise des cocus. Ils se rapprochent de Clarksville avec «Teardrop City» et ils frisent le hit avec cette merveille qu’est «Love Every Day». Cette pop de chat perché est tout simplement fascinante. Ils s’auto-présentent ensuite dans «Two For The Price Of One» - My man Bobby Hart, the son of a gun - Ça swingue ! Ils sont bons au petit jeu du deux pour le prix d’un. Un autre hit se cache en B : «Goodbye Baby (I Don’t Want To See You Cry)». On y sent planer un léger parfum de Beatlemania, en tous les cas les harmonies vocales font bien tourner la tête. C’est quasiment «All You Need Is Love», même genre de puissance pop avec des cuivres et des belles harmonies vocales. Derek Taylor écrit au dos : «There is a fullness & vigor which is special.» Et vers la fin, on tombe inopinément sur l’énorme «Population», pur jus de rockalama.   

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             Paru la même année, leur troisième et dernier album s’appelle It’s All Happening On The Inside. Curieusement, ils font du gospel de haut rang avec «Maybe Somebody Heard» suivi du morceau titre. On sent une belle ardeur spirituelle et une profonde déférence. C’est impressionnant car explosif. Leur gospel est bourré de son, ils secouent bien les colonnes du temple et Louie Shelton embroche le morceau titre avec un fantastique solo. Leur «Abracadabra» est lui aussi gorgé de son et voilà qu’ils bouclent l’A avec une mouture de «Jumping Jack Flash» que Louie Shelton s’empresse d’embrocher, cette fois avec un solo liquide d’une insolence insupportable. Boyce & Hart adorent enfoncer leur clou. Ils prennent leur temps. En B, ils ne font pas de vagues, il restent dans le cadre d’une pop d’époque. Shelton placarde ses heavy shords sur «Strawberry Girl» et tape une cisaille effroyable dans «Thanks For Sunday». La pop de Boyce & Hart est bien foutue, mais tous ces cuts ne sont pas des hits. «My Baby Loves Sad Songs» est même un peu gnangnan. Ils tapent dans Motown avec une cover de «Standing In The Shadows Of Love» et cette fois c’est Joe Osborne qui vole le show avec son bassmatic de vieux pro, pendant que Boyce & Hart se prennent pour les Four Tops. Ils terminent sur un petit jerk, «Alice Long». Idéal pour les Monkees, bien monté à l’upbeat, avec des petites zones de douceur sucrée. C’est là qu’ils excellent. Ils adorent jerker tous les deux autour d’un juke. Des vrais gamins. C’est pour ça qu’on les adore. Et qu’on les respecte.

             Quand Tommy Boyce annonce qu’il quitte le business, c’est la fin du monde pour le pauvre Hart, qui du coup se retrouve tout seul chez lui à Hollywood - No music, no TV, and the phone never rang. Alors que les ombres des arbres se dessinaient sur le sol et les murs, je ressassais les mêmes pensées, over and over. Je suis resté dans le même état pendant trois ans. J’avais heurté de plein fouet un train lancé à pleine vitesse et j’étais encore debout par la seule force de l’inertie. Ma vie qui jusques là avait été un tourbillon s’étaient brutalement arrêtée, comme si quelqu’un avait freiné brutalement. Quelqu’un l’avait fait. C’était Tommy Boyce.»

             On découvre au fil des pages que Hart est un homme très porté sur la méditation. Au début, on ne fait pas attention, car on est là pour les Monkees, mais par son côté introspectif, Hart dégage quelque chose de très fort. Vers la fin de son autobio, il décrit une scène très spéciale : il reçoit sa seconde épouse Claudia. Elle a quitté Hart, mais elle vient lui demander de l’aide - Je l’ai tenue dans mes bras pendant un moment et j’ai attendu que sa respiration se calme. «Pourquoi ne vas-tu pas dans la salle de méditation pour observer ta respiration ?» «Que veux-tu dire par observer ?» «Ne cherche pas à la contrôler, contente-toi de l’observer, comme si tu observais la respiration d’une autre personne. Ça ralentira ton esprit et tu pourras te concentrer sur une seule pensée à la fois.» - Elle monte dans la salle qui est à l’étage et Hart prie pour elle. Dix minutes plus tard, elle ouvre la porte et semble sereine. Elle ne veut pas parler - «Un papier et un crayon», murmure-t-elle. Elle passa les dix minutes suivantes à rédiger ses pensées. Quand elle eut fini, elle me tendit les feuillets, me regarda droit dans les yeux et murmura a soft thank you. Puis elle me serra dans ses bras pour le dire adieu et partit. J’entendis la voiture descendre la rue. Alors je me lis à lire les feuillets qu’elle m’avait glissé dans les mains. Ça commençait par : «Hart, tu savais. Tu as toujours su.»

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             Beaucoup plus tard, Boyce & Hart vont repartir en tournée avec Micky Dolenz et Davy Jones. Ils demandent à Keith Allison de monter un backing-band pour partir en tournée. Ils enregistrent même un album. Paru en 1976, l’album sans titre de Dolenz Jones Boyce & Hart est très curieux, car il ne s’y passe pas grand-chose. On ne l’écoute que par curiosité. Et surtout parce qu’on prend Boyce & Hart très au sérieux. On est tout de suite agacé par la petite voix sucrée de Davy Jones sur «Right Now». L’ensemble des cuts de cet album s’ancre dans une petite pop très Monkiki. On se croirait chez Walt Disney. La seule pop song parfaite du balda n’est pas signée Boyce & Hart, mais Pomus/Shuman : «Teenager In Love». Fantastique atmosphère de Brill, baby, avec les chœurs d’ahooo. En B, Boyce & Hart sauvent les meubles avec «You Didn’t Feel That Way Last Night». Ils renouent enfin avec leur vieux filon. C’est excellent, dans la veine des early Monkees. On les voit ensuite repartir à la conquête des charts avec «I Remember The Feeling», une belle giclée de pop. 

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             On trouve un chapitre ‘Monkees’ dans l’autobio d’Harold Bronson, The Rhino Records Story: Revenge Of The Music Nerds. Rien de vraiment neuf dans ce chapitre, juste le point de vue d’un fan éclairé : «Les Monkees ont bénéficié de grandes compos, des bons producteurs, de temps de studio illimité et des meilleurs musiciens disponibles. Cet ensemble a donné de très bons disques qui n’ont rien perdu de leur intérêt quelques décennies plus tard.» Jeff Barry fut frappé par la voix de Micky Dolenz, pendant l’enregistrement d’«Im A Believer» : «Il chante d’une façon très différente des autres. Pour la plupart des chanteurs, les mots véhiculent les notes, mais comme Micky est un acteur, il ajoute une qualité dramatique au chant.» Bronson indique aussi que Peter Tork voulait jouer dans un groupe et tourner. Quand il a réalisé que ce ne serait pas possible avec les Monkees, il est parti. Il nous redit aussi ce qu’on savait de la générosité de Tork : les gens en ont abusé, Tork avait une maison de 14 pièces qui avait appartenu à la TV star Wally Cox. Quand Tork s’est retrouvé à sec, il a vendu sa maison à Stephen Stills. Les rapports entre les Monkees étaient assez complexes. Quand Bronson l’interviewe, Papa Nez rend hommage à Tork, à son intelligence et à ses qualités de musicien, mais il avoue en même temps ne pas l’aimer du tout. Il avoue dans la foulée ne pas aimer non plus sa mère et indique à Bronson que les Monkees ont enregistré 40 cuts qui ne sont jamais sortis. Ça ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Rhino va se hâter d’exhumer tout ça. Bronson revient aussi sur Head. L’histoire du projet l’amuse beaucoup, notamment le week-end enfumé à l’Ojai Valley Inn avec Jack Nicholson qui est invité à participer au brainstorm, un Nicholson qui dira après coup à Bob Rafelson : «Ces mecs sont dingues, ils se prennent pour Marlon Brando.» Le titre initial du film était Changes, mais comme un autre film titré Changes existait, ils ont opté pour Head, un mot de slang utilisé par les fumeurs de marijuana, qui est un shortcut de pothead. Le scénario est conçu comme un acid trip avec des effets de solarisation primitive sur certaines scènes. Bronson ajoute que des scènes sont inspirées de Body And Soul (boxing scenes) et de Lawrence d’Arabie (desert scenes). Tout le détail d’Head se trouve dans le book de Peter Mills. The Monkees, Head And The 60s, évoqué dans ‘C’est Parti Monkee Kee - Part Two’.

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             Avec son Hey Hey We’re The Monkees, Harold Bronson a frappé un grand coup. On peut même parler de coup de génie. Son Monkee book est un grand format richement illustré et plutôt que de nous rabâcher une fois de plus l’histoire des Monkees, il leur a donné la parole. Ce sont eux et d’autres témoins qui racontent leur histoire, c’est en quelque sorte une oral history, et dans les pattes d’Harold, ça prend une certaine allure. Les images sont soignées, les choix typo aussi, on a un texte très interligné géré par un type qui connaît toutes les ficelles de la mise en page et des gris typographiques. Chaque double flatte bien l’œil. Globalement, tu n’apprendras rien de plus que ce tu sais déjà sur les Monkees, mais c’est dit le plus souvent d’une manière différente. Davy Jones revient par exemple sur les origines du groupe lorsque Ward Sylvester et lui écumaient les clubs de Los Angeles à la recherche des futurs Monkees. Un soir, ils voient Sonny & Cher et les Byrds sur scène. Ils traversent la rue et voient Little Stevie Wonder. Puis ils voient Love et Davy Jones dit qu’il flashe sur le guitar player (Bryan MacLean), «a tall, good-looking blond guy we thought would be good for the show.» Quand ils voient the Modern Folk Quartet, ils pensent que Jerry Yester ferait aussi un bon candidat. Davy Jones avoue plus loin qu’il avait la trouille de Peter Tork : «Peter était dans un autre monde : water beds, riz complet, Hare Krishna. Il me foutait la trouille. Je ne voulais pas aller chez lui. J’avais peur de tomber dans une orgie ou un repaire de camés. J’étais encore très naïf à l’époque. Même Bobby Hart et Tommy Boyce me foutaient la trouille.» Bobby Hart rappelle qu’ils avaient composé Tommy et lui «Stepping Stone» pour Paul Revere & The Raiders, mais ils n’en voulurent pas - C’est la chanson la plus rock qu’on ait faite pour les Monkees. Ils finissaient leurs concerts avec. Quand c’est devenu un hit pour les Monkees, Paul Revere & The Raiders l’ont enregistré, ainsi que des tas d’autres groupes dans le pays. L’une des versions les plus dures fut celle des Sex Pistols dans les années soixante-dix - Micky Dolenz relate à sa façon la genèse du groupe : «Peter et Mike jouent très bien de la guitare et Davy était pressenti comme leader, avec des maracas et un tambourin. Alors je suis devenu le batteur. Je n’avais jamais joué de batterie. J’ai dit : ‘Fine !’ Dix ans auparavant, on m’avait dit : ‘Tu est un kid dans un cirque au début du siècle. Voilà ton éléphant !’. Ça ne me posait aucun problème.» Harold donne aussi la parole à Don Kirshner : «J’ai supervisé les deux premiers albums des Monkees qui ont tous les deux été numéros 1. La chanson que je préférais était ‘I’m A Believer’ parce que Neil Diamond voulait la garder pour lui et j’ai eu un mal fou à la lui arracher. Je pense que c’est la meilleure chanson qu’il ait écrite. C’est aussi ma chanson préférée car elle a catapulté les Monkees à un autre niveau. Chaque fille et chaque garçon d’Amérique voulait faire partie du Monkee phenomenon.» Eh oui, il a raison Donnie, on ne fait rien sans les chansons. Quand Michael Nesmith déclare la guerre d’indépendance, il obtient la tête de Kirshner. C’est ici, dans ce book, qu’on a enfin l’explication : les Monkees vont pleurer auprès de Bob Rafelson et Bert Schneider, leurs protecteurs, et comme le père de Bert est président de la Columbia, pouf, il obtient la tête de Donnie qui dégage - We want to get rid of Donnie Kirshner - Fatale erreur. Du coup, Hart & Boyce ont aussi dégagé. Peter Tork rappelle que la pression était insupportable - It is beyond the capacity of anybody to absorb. C’est une chose pour un banquier que de faire des milliers de dollars chaque année. C’en est une autre que de faire un million et demi de dollars en deux ans, après avoir vécu avec 50 dollars par semaine - Ce book fourmille de petits détails tous plus intéressants les uns que les autres. Comme par exemple cette amitié qu’a nouée Papa Nez avec John Lennon. Il a une façon très particulière de la raconter : «J’étais fan des Beatles. Quand je suis devenu une star de la télé, j’ai cru que j’allais pouvoir rencontrer facilement les gens que je voulais rencontrer. L’un d’eux était John Lennon. Je suis allé en Angleterre et je lui ai envoyé un télégramme qui disait : ‘Je suis descendu à cet hôtel et j’aimerais beaucoup vous rencontrer.’ Et j’ai signé : ‘God is Love. Mike Nesmith.’ À l’époque, c’était très radical d’employer l’expression ‘God is Love’. Il m’a appelé à l’hôtel et m’a dit qu’il m’envoyait une voiture. Il me proposait de m’héberger. Ce fut le commencement de cette relation d’amitié. Elle a duré longtemps. Quand j’allais à Londres, je l’appelais et quand il venait ici, il m’appelait.» Plus tard, quand Papa Nez évoque les concerts de reformation des Monkees, il se dit surpris de voir la réaction du public. Il ne comprend toujours pas pourquoi les gens deviennent fous - Vous allez voir les Eagles, ce groupe techniquement parfait, et les gens ne deviennent pas fous. Mais un concert des Monkees, c’est comme un concert du Grateful Dead, people go nutso. Je ne sais pas pourquoi. Mais c’est agréable d’être sur scène.    

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             Attention à l’album solo de Peter Tork paru en 1994, Stranger Things Have Happened. C’est un album raté. Non seulement le pauvre Peter n’a pas de voix, mais il s’englue dans une prod années 80. Il n’a aucune chance. Dommage, car la pochette est très graphique. On s’attendait à un album assez fin, mais c’est pire que tout. Il nous fait de la peine avec sa tentative de country rock («Giant Step»). Il réussit à chanter faux sur «Gettin’ In», et pourtant ça s’écoute jusqu’au bout, par respect pour le souvenir des Monkees. Il ramène son banjo dans «Higher & Higher». 

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             Si tu en pinces pour ce chanteur extraordinaire qu’est Micky Dolenz, alors il faut écouter son album de reprises de Carole King, King For A Day, paru en 2010. Dès «Don’t Bring Me Down», il claque la pop Soul de Carole par dessus les toits, d’ailleurs, il en fait un truc en plume et se débarrasse du pathos des Animals. Avec Carole King, on peut parler de big American songbook et pour un chanteur aussi génial que Micky Dolenz, c’est du gâtö. Et voilà «Hey Girl», composé par Goffin & King pour Freddie Scott. Dolenz s’y fond pour en faire un truc tentaculaire et ça devient génial quand il grimpe de douze octaves. Dolenz tape aussi une belle version d’«Up On The Roof», un hit des Drifters repris en France par Richard Anthony. Dolenz y danse des hanches sur fond d’espagnolades. «Take Good Care Of My Baby» est un vieux hit de Bobby Vee et Dolenz se glisse sous les jupes de cette fast petite pop, il est marrant, très candide, avec une belle voix de gorge. On le sent vénal. Il aime bien la vie. «Will You Love Me Tomorrow» fut un hit pour les Four Seasons mais aussi pour les Shirelles, aw yeah. Dolenz plonge dans la belle pop new-yorkaise, mais il en fait trop, il pourlèche la cuisse de Carole, ça tourne à la douche de Brill, avec des castagnettes. Par contre, il redevient génial avec «Sweet Seasons», un élégant heavy groove. Encore un vieux hit de Bobby Vee avec «Go Away Little Girl», on est plein Midnight Cowboy, ce démon de Dolenz cultive l’art suprême des vibes, il se rapproche de Fred Neil. Il duette avec Bill Medley sur «Just Once In My Life», il se prend pour Bobby Hatfield, ils sont complètement fous tous les deux de s’attaquer à ça ! Bill Medley prend la main. The voice ! Si tu en pinces pour la grande pop, elle est là. Bill Medley sonne exactement comme un géant qui s’écroule dans le lagon d’argent.  

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             En 2017, Micky Dolenz sort un album live, Out Of Nowhere. Il y reprend tous ses vieux hits et la fête commence avec «Last Train To Clarksville» - But tonite we are here to have a ball - Fantastique bash boom de Boyce & Hart avec tout le power de Micky Dolenz - I’ll meet you at the station/ Aw no no no - Encore une fois, Dolenz fait partie des plus grands shouters de son temps. Il calme aussitôt le jeu avec une reprise du «Sometime In The Morning» de Carole King - One of the best songwriters we ever had - Merveilleux chanteur, on se fait avoir. Dolenz aime la beauté, c’est pour ça qu’on l’aime. Il enchaîne avec «DW Washburn» - Leiber & Stoller, this is one by them - Dolenz est un génie de l’entertainment. Il passe toujours en force. Et la folie reprend avec «A Little Bit Me A Little Bit You» - from Mister Neil Diamond, dit-il - C’est du groove de Monkee-motion, ses bits volent partout, il nous ramène dans la légende et il enfonce son clou avec «(I’m Not Your) Stepping Stone». Il tape aussi dans l’«Hey Bulldog» des Beatles en mode instro d’anticipation et enchaîne avec un «Porpoise Song» encore plus beatlemaniaque que la beatlemania, Dolenz essaye d’émuler l’émulable. Il passe au round midnite avec «Since I Fell For You», il plonge dans the slow magic et chante comme un dieu. Il termine le set avec la triplette de Belleville : «Daydream Believer», «Pleasant Valley Sunday» et «I’m A Believer». Il fonce dans le fondement des Monkees et on sent tout le pouvoir de la nostagie. Le «Pleasant Valley Sunday» est explosif, on est là au somment de la pop de Brill et Dolenz la magnifie, il pose sa voix sur le sommet du lard et termine avec le groove parfait du Believer, Dolenz s’amuse bien avec le saw her face, c’est  l’un des hits définitifs des sixties, le then I saw her face marche à tous les coups.   

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             On attendait monts et merveilles de ce Dolenz Sings Nesmith paru l’an passé. Dans une courte présentation, Micky Dolenz indique que l’album est produit par le fils de Papa Nez, Christian Nesmith. On a dit dans un récent ‘C’est parti Monkee Kee - Part Two’ tout le bien qu’on pensait des chansons de Papa Nez et tout le bien qu’on pensait de la voix de Micky Dolenz, et par conséquent, l’association des deux ne pouvait que taper dans le mille. Ce n’est hélas pas le cas. On sauve toutefois trois merveilles de cet album en forme d’occasion manquée, à commencer par «Different Drum». Dolenz ne pouvait pas se planter avec ça, d’autant qu’il y ramène toute sa puissance vocale. «Different Drum», c’est la pop californienne à son meilleur niveau et là, Dolenz atteint le sommet. L’autre merveille, c’est «Tomorrow And Me», la mélodie ne tient qu’à un fil, comme souvent chez Papa Nez. On pourrait d’ailleurs qualifier son génie composital ainsi. Oh-ooooh, ça tombe et ça se relève pour s’envoler. Avec «Only Bound», on se croirait sur Revolver. Dolenz sonne comme les Beatles à Abbey Road en 1966. Une splendeur noyée d’excellence. Dolenz reste un chanteur considérable. On a aussi une belle version de «Little Red Rider», bien pulsée et jouée en force, un «Circle Sky» qui hélas retombe à plat alors que Papa Nez le chantait si bien dans Head. Dolenz tape aussi une version de «Propinquity (I’ve Just Begun To Care)» allumée à coups de banjos et la version du «Grand Ennui» qui referme la marche retombe elle aussi à plat, alors que Papa Nez en faisait un chef d’œuvre sur Nevada Fighter, avec The First National Band.        

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             Impossible de faire l’impasse sur The Songs Of Tommy Boyce & Bobby Hart, une compile Ace parue en 2012. Boyce & Hart font partie à 100 % du mythe des Monkees et cette compile grouille de coups de génie, à commencer avec Sir Raleigh & The Cupons et «Tomorrow’s Gonna Be Another Day». Tu as un mec qui chante comme un dieu et derrière ça gratte à la légendarité cavaleuse, alors ça donne du straight raw punk. Le dieu s’appelle Dewey Martin, batteur/chanteur qu’on va ensuite retrouver dans Buffalo Springfield, et la gratte de la légendarité cavaleuse est celle de Johnny Meeks, alors pardonnez du peu. Sir Raleigh & The Cupons n’ont enregistré que six singles, pas d’album. Encore une révélation avec The Regents et «Words», une belle pop américaine explosée aux harmonies vocales, et rendue vertigineuse par des descentes de break superbes. Nouveau coup de Jarnac avec The Sapphires et «Thank You For Loving Me», vieux shoot de doo-wop avec une Soul Sister à la barre, c’est le swing du paradis. Coup de génie bien sûr avec l’imparable «(Theme From) The Monkees» - Hey hey hey we’re the Monkees - Boyce & Hart ne sont pas en reste, comme le montre leur «I Wonder What She’s Doing Tonight», une vraie explosion de pop qui date de 1967, enregistrée juste après leur éviction du projet Monkee Kee. Nouvelle révélation avec le «Action Action Action» de Keith Allison, encore de l’explosif monté aux gémonies, avec du killer solo flash derrière, l’absolute pop-punk d’Amérique. Keith Allison allait ensuite rejoindre Paul Revere & The Raiders. On trouve aussi une version assez délirante d’«(I’m Not Your) Stepping Stone» par The Flies. C’est là où Ace frappe fort, en allant déterrer de telles merveilles. C’est le pire Stepping Stone de tous les temps. On croise aussi les Standells qui explosent vite fait «Last Train To Clarksville» et les Ikettes qui ne font qu’une bouchée d’«(He’s Gonna Be) Fine Fine Fine». Ça s’agite bien autour de Del Shannon sur «She», de toute façon, avec Del, c’est toujours énorme. Shangri-Las, pas de problème, il pleut du Brill avec «The Dum Dyum Ditty» et Sandra Gee fout le souk dans la médina avec «I Can’t Get Him», elle est fantastique de sucre, no no no, il faut voir comme elle y va ! Et voilà les merveilleux Little Anthony & The Imperials, avec «Hurt So Bad», il est à la fois impérieux et sucré, fantastique shouter ! Plus loin tu as Fats Domino qui embarque «Be My Guest» à la volée et bien sûr Paul Revere & The Raiders qui attaquent «Action» comme les Beach Boys le feraient, au dance dance dance

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             Pour couronner le tout, on peut aller faire au tour au Troubadour et assister à l’un des derniers sets du grand Papa Nez. L’album s’appelle donc Live At The Troubadour. Comme c’est enregistré en 2018, Papa Nez a 76 balais. Pas de problème ! Dès «Nevada Fighter», il nous embarque dans sa rockalama de flavour country. Pete Finney joue la pedal steel. On est surpris par le power de ce First National Band reconstitué pour l’occasion. Tout est chanté à la clameur des chœurs juvéniles et fileté à la steel. «The Crippled Lion» sonne comme un soft country rock fantastiquement élancé et il boucle cette bien belle A avec «Joanne», une Beautiful Song d’office. Ah il faut le voir lâcher ses syllabes dans l’écrin rouge de son génie. Ce double live est l’occasion d’écouter une dernière fois toutes ces chansons extraordinairement bien foutues. Papa Nez est un géant du rock américain, mais en toute modestie. Il ne s’impose que par la qualité d’une vision et des compos qui la servent. Et voilà qu’arrive «Rio», fantastique shoot d’exotica, ça devient puissamment beau, comme le «Brazil» d’Antonio Carlos Jobim, avec en prime un solo de steel en pleine exotica, il faut le faire ! C’est en C qu’on va retrouver l’imparable «Different Drum» et sa fantastique attaque. Papa Nez va chercher sa mélodie très haut, d’une voix de vieil homme émerveillé par la beauté du ciel. On entend encore des descentes d’acou magiques dans «Papa Gene’s Blues». La salle chante avec lui. Puis loin il part en délire de yodell avec «Keys To The Car». Il y va comme une folle, comme a known felon in drags, dirait Dickinson. C’est en D que les Athéniens s’atteignirent avec «Some Of Shelly’s Blues», balladif céleste. Papa Nez est un démon, un très vieux démon. Et puis l’apothéose arrive avec «Thanx For The Ride». La pureté de cette expression mélodique n’a d’égale que celle de Fred Neil. Papa Nez descend profondément dans des accents à la Gary Brooker et avec le fourvoiement de la steel, ça donne un résultat saisissant, bien appuyé au beurre de Different Drum. Aw quel artiste ! Avec cette échappée belle, Papa Nez entre dans la postérité. Il rejoint ses pairs au firmament, Brian Wislon, John Lennnon et Fred Neil. 

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             Pour terminer en beauté avec Papa Nez, voici Cosmic Partners. Paru en 2019, cet album de Michael Nesmith With Red Rhodes fut enregistré en 1973. Ce sont les fameuses McCabe’s Tapes. Dès «Tomorrow And Me», on est plongé dans un son plein et primitif. Nous voilà en plein heavy Papa Nez, autant dire que c’est fabuleux. Sa mélodie country monte directement au cerveau et il chante ça au vibré de glotte. Pur genius. Tous les cuts sont chargés de son, violons et guitares et toute l’Americana chère au cœur de Papa Nez le héros. Plus loin, ils va chercher la mélodie extrême avec «Some Of Shelly’s Blues». On grimpe directement au paradis, Papa Nez et Fred Neil même combat ! Il n’existe rien de plus parfait que ce son avec Red Rhodes dans les parages. Ils sont accompagnés par Colin Cameron (bass) et Danny Lane (beurre). Papa Nez fait bien rigoler le public avec ses blagues. Il fait de la heavy Mexicana avec «Poinciana» qu’il charge de toute la passion des fruits de sa passion et bien sûr, la dominante reste country. Mais quelle effervescence ! C’est avec «Joanne» qu’il rafle la mise, une country song illuminée de l’intérieur. Il la remonte à contre-courant et ça devient énorme, il taille Joanne à sa mesure qui est celle de la cosmic Americana, il fait de la Soul country-pop de rêve. Il la chante avec du cœur au ventre, «Joanne» est sans doute l’une des plus belles chansons du genre. 

    Signé : Cazengler et monkee, c’est du poulet ?

    Keith Allison. In Action. Columbia 1967

    Boyce & Hart. Test Patterns. A&M Records 1967

    Boyce & Hart. I Wonder What She’s Doing Tonite. A&M Records 1968 

    Boyce & Hart. It’s All Happening On The Inside. A&M Records 1968

    Dolenz Jones Boyce & Hart. Dolenz Jones Boyce & Hart. Capitol 1976 

    Peter Tork. Stranger Things Have Happened. Beachwood Records 1994 

    Micky Dolenz. King For A Day. Gigatone Records 2010  

    Micky Dolenz. Out Of Nowhere. 7A Records 2017 

    Micky Dolenz. Dolenz Sings Nesmith. 7A Records 2021 

    The Songs Of Tommy Boyce & Bobby Hart. Ace Records 2012

    Michael Nesmith. Live At The Troubadour. 7A Records 2018

    Michael Nesmith With Red Rhodes. Cosmic Partners. 7A Records 2019

    Harold Bronson. Hey Hey We’re The Monkees. General Publishing Group 1996 

    Harold Bronson. The Rhino Records Story: Revenge Of The Music Nerds. Select Books Inc 2013 

    Bobby Hart. Psychedelic Bubble Gum. Select Books Inc 2015

     

     

    L’avenir du rock - Faut pas louper Loop

     

             Rien n’amuse plus l’avenir du rock que de voir un diable sortir de sa boîte. Il soulève le couvercle, le diable surgit ! Schbooiiiiinng ! Alors l’avenir du rock pouffe de rire. Un vrai gamin. Il renfloue le diable au fond de la boîte, referme le couvercle, respire un grand coup et l’ouvre à nouveau. Schbooiiiiinng ! Heureusement, personne n’assiste à ce spectacle désolant. Schbooiiiiinng ! Ha ha ha ! Ça peut durer toute la journée. Schbooiiiiinng ! Ha ha ha ! Il est complètement taré ! Taré ? Montrons-nous très prudents avec les jugements à l’emporte-pièce, car c’est la meilleure façon de se vautrer systématiquement. Réfléchissons cinq minutes. Son éclat de rire n’est pas celui d’un beauf qui regarde une émission comique le samedi soir à la télé. Son ha ha ha est un ha ha ha mythologique. Pourquoi ? Parce que l’avenir du rock se prend de toute évidence pour Pandore. Il ouvre sa boîte, comme Pandore ouvrit sa jarre, non pour libérer tous les maux de la terre - la guerre, la vieillesse, la maladie, la famine, la folie, le vice et la passion - mais pour libérer les bienfaits du rock, qui, comme chacun sait, sont patronnés par le diable. Schbooiiiiinng ! L’avenir du rock est l’un des derniers à veiller sur le bien-être du genre humain, il tente même au passage d’absoudre cette pauvre Pandore qui fut critiquée pendant des siècles, c’est dire à quel point l’avenir du rock sait se montrer magnanime. Schbooiiiiinng ! Et si on lui accorde encore un peu d’attention, on fera un autre constat intéressant. Son schbooiiiiinng ! est à double détente : la première, comme on l’a vu, renvoie au diable qui gouverne ce monde, et la deuxième symbolise le retour inopiné des grands disparus. Schbooiiiiinng ! Ils surgissent du passé comme des diables hors d’une boîte alors que personne ne les attendait plus ! Illustrons cette théorie bondissante avec Loop.

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             Loop fut l’un des grands power trios de l’ère quaternaire du rock anglais. À la fin des années quatre-vingt, ils ramenaient du vertige sonique dans un rock anglais mal en point et infesté de machines. Avec Spacemen 3 et les Mary Chain, Loop entra en lice pour sauver l’honneur du rock anglais. D’où notre reconnaissance éternelle.

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             Shindig! déroule le tapis rouge à Robert Hampson pour saluer la parution d’un looping sonique, Sonancy. Ben Graham chapôte son texte à coups d’heavy-drone psych Loop et de first new album in 32 years. Hampson attaque avec la politique, il dit sa rage de voir l’Angleterre sombrer dans le n’importe quoi, «and that buffoon that we got in power now.» Il craint aussi que les choses ne se dégradent - I dunno if it’s gonna get any better. I’m not sure - Il évoque les romans de science-fiction qui deviennent réalité - I don’t have a very positive view of what’s going on at the moment - Graham qui connaît bien ses classiques situe Loop dans la heavy psychedelia, «fusing the motorik pulse of Can to the feedback-flecked nihilism of White Light White heat-era Velvet Underground and Hawkwind’s urban space-rock, adding a dash of the Stooges and MC5’s Detroit drive.» Bien vu Graham ! Hampson a remonté Loop une première fois en 2013 pour All Tomorrow’s Parties, puis il vient de remonter le groupe avec trois nouvelles recrues : Hugo Morgan (bass) et Wayne Maskell (beurre), deux membres de The Head, et un second guitariste, Dan Boyd. Hampson ajoute un détail capital : à cause du lockdown et de fucking Pandemic, l’album est enregistré en télétravail, chacun dans son petit coin. Hampson affirme qu’ils ont réussi à retourner la situation à leur avantage : pas de stress, chacun prend son temps et complète sa petite pi-piste. Hampson va encore plus loin en affirmant que chacun trouve plus facilement sa petite pla-place within the tra-track. Hampson cite le 154 de Wire comme modèle - I love Wire. They’re one of my favourite bands ever.     

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             Ah quel incroyable album que ce Sonancy ! Les Loop n’ont pas baissé d’un seul iota. Ils ramènent cette fois un son plus sec, plus wired. Robert Hampson charge bien la barque d’«Eolina». il fait passer sa psychedelia saturée de son par de nouvelles fourches caudines. Ce mec n’a pas de voix, mais il se débrouille comme un cake pour créer des climats. Il joue en mode traîne-savate aggravé dans «Isochrone», mais il ne le fait pas à moitié, c’est de la vraie savate. Puis il se met en rogne avec un «Halo» d’une vigueur insoupçonnable, joué clair et net dans les règles du ring de l’hypno. C’est là où le niveau de l’album monte d’un cran. Le beurre et le bassmatic exacerbé installent une belle tension hypnotique dans «Fermion». Ces mecs règnent sans partage sur leur petit empire, l’un des derniers empires britanniques. Il faut saluer l’excellence de Robert Hampson. Il maintient son cap droit sur le far out-so far out. On entend les power chords rebondir dans «Axion», encore un cut solide et imparable. Aw my Gawd, ce mec a le power. Il chante derrière les power chords comme si de rien n’était. La disto fait son retour en force dans «Aurora», il descend le son à la cisaille de la ferraille, ce sont les mêmes grooves qu’avant, mais avec un son révolutionnaire. Robert Hampson a du génie, mais à un point que tu n’imagines pas. Il recrée la fusion de l’atome sur sa guitare, alors forcément ça te perfore la cervelle, il rebondit mollement dans le son, il est là pour te rappeler à tes devoirs, notamment celui de tripper. Tu as tout, la cisaille et la furie. Fucking genius !

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             Leur premier album s’appelait Heaven’s End. Paru 1987, il fut salué par un bec fin dans le NME et donc rapatrié vite fait. Ah il ne fallait pas louper Loop ! La première chose qu’on remarquait était la dédicace : «Dedicated to Arthur Lee & Stanley Kubrick.» Et boom ça démarrait avec «Soundhead», une big sonic attack, un vrai déluge de feu orchestré par de violentes crises de wah, un excelsior léché par les flammes et pulsé par un beat têtu comme une mule berbère. Ils semblaient vouloir se spécialiser dans les plongées vertigineuses. Bienvenue au cœur de la mad psyché ! Avec «Forever», on voyait accourir tous les poncifs au rendez-vous, notamment les dissonances de «The Black Angel’s Death Song». Welcome in paradise ! Indépendamment du Velvet, leur fonds de commerce restait la mad psyshé, avec ce morceau titre en fin de B qui sonnait comme un bouillon de culture, un vrai chaudron de sorcière, et ce beat organique semblait chargé de toutes les vieilles insanités du Velvet, mais démultipliées. Ça repartait de plus belle avec «Too Real To Feel», avec des nappes voraces qui se jetaient sur la moindre particule d’espace et de temps pour la contaminer, la tuméfier puis l’engloutir. Loop était un trio atrocement cruel. Tous ces cuts étaient comme visités par des vents terribles de wah du Nord. Ils adressaient «Head On» aux bons soins d’un heavy doom et injuriaient une fois de plus les lois de la gravité. Ces gens-là n’en finissaient plus d’envenimer l’espace sonore. Ils terminaient cet album stupéfiant avec un nouveau clin d’œil appuyé au Veleet, «Carry Me», tellement inspiré qu’il dépassait l’entendement. Ils brûlaient toutes les étapes de la décompression et nous asservissaient le cervelet.

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             Une Loop Box japonaise parue en 1991 nous resservait Heaven’s End et proposait un autre album, The World In Your Eyes. Et une belle stoogerie pour commencer, l’implacable «16 Dreams» monté sur les accords d’un «No Fun» de caisse crevée et battu à la petite vérole. On retrouve à la suite le fameux «Head On» d’Heaven’s Head, claqué all over. Leur ténacité est historique. Quant à «Burning World», il s’agit plutôt d’un cut assez profond, au sens de la plongée. Here they go, les gogos. Comme les grosses caravanes, ça se meut lentement. Avec «Rocket USA», on a la cover la plus weird de l’histoire des covers. Ils entrent de plein fouet dans le Suicide. S’ils font du Suicide, c’est pour de vrai. Avec un son assez antique, il y a de la sourdine Salammbô dans l’air. Mais c’est bô. Leur «Spinning» est garanti sur facture, et «Deep Hit» nous ramène dans les bras du Velvet, avec exactement le même sens de la modernité funèbre. Le son est compressé dans la disto avec des effets de réverb poussées au max de la menace, comme dans le Death Song de l’Angel. Ils font aussi du Mary Chain avec «I’ll Take You There», on ne leur en demandait pas tant. En fait, les Loop retapissent tout le spectre de la légendarité infectueuse. Puis ils se réfugient dans leur forteresse de son avec «Burning Prisma». C’est amené par un beau thème de basse et vite rudoyé par la disto royale de Moloch Loop, grand destructeur de tympans devant l’éternel. Ces mecs connaissent l’art de dériver au long cours. C’est bien de pouvoir les suivre jusqu’à l’endroit où le ciel rejoint la mer. Ils font passer leur drive de mad psyché pour de l’éternité, alors on s’incline. Et toute cette belle débauche s’achève avec un «Pinning (Spun Out)» bien déterminé à vaincre. Chez eux, c’est une manie. On retrouve les trois notes de Will Carruthers dans la fournaise, ce joli riff de basse glissé dans l’excelsior du burnout. C’est terriblement loopy, ils cultivent la magnificence du disto-trip métronomique, l’amateur de real deal se retrouve au paradis, le thème de basse cogne bien dans le crâne, on se croit même sous acide quand on écoute ça, here we go down the line. Des langues de wah te lèchent les jambes alors que l’hypno t’emporte au pays des mille soleils. Dig ?

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             Et si Fade Out était l’un des grands albums classiques du rock anglais ? On se pose la question dès «Black Sun» car voilà le son d’un groupe qui est dans son son, my son. Un bon son. On les félicite. Bravo, bien joué les gars ! «Black Sun» est la porte ouverte à tous les excès, surtout ceux du heavy sound. Ils te pulsent ça dans les couches supérieures de la législature du heavy power. Pas de pire drug-song que «Black Sun». Ça dégueule de drogues. Deux coups de génie tiennent l’album en sandwich : «This Is Where You End» et «Got To Get It Over». On pourrait qualifier le premier de fabuleux shake d’all over, car les Loop jouent dans le lard fumant de la matière. N’oublions pas que nous sommes au royaume de la mad psyché et que toutes les audaces sont permises. Les solos entrent comme des éléphants dans un jeu de quille. Qu’y a-t-il de plus puissant ici bas ? Rien. Encore plus de son dans «Got To Get It Over», car cette fois ils jouent à la vie à la mort, c’est-à-dire au riffing maximaliste. Robert Hampson emmène son groupe en enfer, c’est exactement ce qui se déroule sous nos yeux. L’autre monster bash s’appelle «Pulse», ça réverbe dans tous les coins. «Pulse», c’est une forteresse assiégée par de violentes guitares. Une fois l’assaut lancé, les guitares se disputent la dépouille du Pulse, c’est un horrible spectacle, on ne peut pas aller plus loin dans l’expression de la violence sonique, Loop y va les deux pieds devant et les doigts dans le nez. «Fever Knife» est mille fois supérieur à tout ce qu’a pu faire Primal Scream. Tout fond dans la marmite, c’est très spectaculaire, ils ont une notion exacte du power de la mad psyché, ils sonnent comme une armée de barbares pouilleux qui descend vers Rome, ils sont glorieux et rien ne peut les arrêter. Alors tu te consumes de passion pour Loop. On voit Robert Hampson dégommer «Torched» vite fait. Il est bien plus puissant que Randy Holden. On avait encore jamais entendu une guitare aussi agressive et au fond du fond, on entend les accords des Stooges, alors ça donne un cut encore une fois hors du commun, c’est un son qui perce les blindages et ça revient par vagues de killer solos flash. Les ceusses qui ont eu la bonne idée de rapatrier la réédition Reactor en 2008 peuvent prolonger le plaisir avec un deuxième CD bourré de retakes, notamment celle de «Black Sun» joué en feedback pur. Ah la rigolade ! Ça joue dans les cordes. Ils attaquent une autre version de «Torched» à la note de béquille et basculent dans la pire des Stoogeries. On voit même les accords des Stooges remonter à la surface de la soupe aux choux. C’est véritablement hanté. Peu de gens savent jouer comme ça en Angleterre. On entend le riffing du diable dans «Got To Get It Over» et «This Is Where You End» s’embrase dès l’intro. Ils jouent «Pulse» chez John Peel. Tout est gravé dans la matière du lard de la manière, tout est ravagé de lèpres de réverb. On reste en Peel Session avec «This Is Where You End», encore une toison d’or de mad psyché. Tu bois la wah dans le crâne de ton ennemi. La tension est maximale. Ils attaquent «Collision» au maximum overdrive. C’est exactement ça, collision time, la clameur est comme éclairée par les coups de wah, ils joue à la moule frite du moule frais, c’est du pur dream come true. Ces mecs s’écroulent sur leurs pédales. Ça réverberate dans tous les coins. Personne ne sort indemne d’un tel trip.  

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             Leur troisième album s’appelle A Gilded Eternity. Il date de 1989. Robert Hampson continue d’y jouer avec le feu, c’est-à-dire la grande insistance psychédélique, mais il opte pour le punch, comme si Syd Barrett au lieu de se goinfrer d’acide s’était goinfré d’amphétamines. Hampson sort ce son anglais, tellement anglais qu’il semble s’inscrire dans les plis de la peau de la reine d’Angleterre. Il charge à outrance son «Afterglow» de cisaille, il cultive le petit chaos, celui qu’on met en cage, oh il cherche même à saper le moral de la cisaille, il taillade comme Laurent Tailhade, non pas les Imbéciles & Gredins, mais les layers de la mad psychedelia. Et c’est avec «The Nail Will Burn» qu’il entre sur le rocky road, Hampson contient sa colère, on le sent tendu, incapable de pacifier ses instincts, il s’exacerbe à vue d’œil. Il joue âprement et sans remords, et chante d’une voix de mec inconsistant. Ah on peut dire que les nappes sont belles, on voit déferler des nappes de wah monstrueuses. Ça bascule dans la stoogerie car les nappes de wah renvoient directement à celles de Ron Asheton. C’est une wah qui est là pour te détruire et te faire renaître. «The Nail Will Burn» est un cut chaud et rouge. Loop joue «Blood» dans l’incertitude de la drug elevation, un thème te revient vaguement à l’esprit alors que tu titubes vers la lumière, c’est du pur jus de far-out-so-far-out, tu as les échos, tu les connais, tu tends vaguement l’oreille vers ces rappels déconnectés et tu trouves que le ciel est ce soir d’une couleur étrange. Oh et puis ce silence dans la rue ! Avec «Breathe Into Me», les Loop des steppes passent à la wild exaction parégorique, les guitares dansent le jerk au bar de la plage, Hampson chante en dansant d’un pied sur l’autre, il sème le souk dans l’auberge espagnole, un âne amène du son et se roule dans la farine avec les Mary Chain. Oui, on voit tout ça dans «Breathe Into Me». Et la wah vient vite te moucher.

     

             On fait une bonne opération lorsqu’on rapatrie les rééditions Reactor, car sur le disk 2 se trouvent toutes les Peel Sessions de Loop. Ici, on a trois cuts de Guilded Eternity, «Afterglow», «From Centrer To Wave» et un «Sunburst» qui n’est pas sur l’album. Comme toujours, le son des Peel Sessions est supérieur au son de l’album. Loop joue l’«Afterglow» à la cisaille d’investigate, ils produisent les plus puissantes émanations d’hématomes. Ils travaillent ensuite la texture rugueuse de «From Centre To Wave» en grattant une gale de son à l’ongle noir, les bactéries soniques prolifèrent, l’organisme microbien finit par te manger la cervelle, mais tu pourras te consoler si tu estimes qu’au fond ta cervelle ne te sert pas à grand-chose. Et puis voilà «Sunburst» qui coule sous nos yeux, car les moules ont bouffé la coque, phénomène classique. On trouve une autre session à la suite, the House in the woods session avec «Arc-Lite» (plus alerte et même émancipé), «Breath Into Me» (Hommage aux Mary Chain avec l’écho des cavernes), «Vapour» (nouvelle prétention à la stoogerie) et «The Nail Will Burn» qui comme déjà dit, fait son chemin dans les esprits en brûlant tout sur son passage.

                       Signé : Cazengler, loupé

    Loop. Heaven’s End. Head 1987

    Loop. Fade Out. Chapter 22 1988

    Loop. A Gilded Eternity. Situation Two 1989

    Loop. Sonancy. Cooking Vinyl 2022

    Loop. Box. Alfa International 1991

    Ben Graham : Anger is an energy. Shindig! # 125 - March 2022

      

    Inside the goldmine - No shame for Sam the Sham

     

             Curieusement, son père l’avait appelé Sam. Il voulait un faire-part de naissance représentant le cosmonaute Sam dans l’espace, relié au vaisseau par un cordon ombilical. Sam était donc prédestiné à être largué, comme nous tous, d’ailleurs. Les parents n’étaient pas un modèle d’équilibre. Le père cultivait son goût pour le trash en buvant comme un trou, et la mère, en plus d’être la reine des connes, bossait à la DRH de la Poste, dans une direction régionale. Et elle fit ce que font toutes les reines des connes, elle obtint la garde de Sam et se délocalisa aussi sec, laissant le père privé de Sam flotter dans un bain d’alcool, pour reprendre une expression chère à Marguerite Duras. Le père revit Sam quelques années plus tard, sur une plage à Marseille où il obtint l’autorisation de le voir pendant une heure, mais sous haute surveillance. Il offrit à Sam une petite moto qui ressemblait à un jouet mais qui en fait était équipée d’un vrai moteur, il montra à Sam comment passer les vitesses et mettre les gaz, et Sam disparût dans une pétarade extraordinaire, roulant sur des gonzesses qui se faisaient bronzer. Les deux cerbères du service social se lancèrent à sa poursuite, pendant que le père, ivre d’alcool et pris de fou rire s’écroulait dans le sable. Sam échappa à ses poursuivants et disparut dans l’espace. Planet Earth is blue/ And there’s nothing I can do. Le père fut inquiété, mais lorsqu’il brisa une vitrine d’un coup de poing, se blessant gravement, on le laissa enfin tranquille. Les années passèrent. Le père fit ce que chacun fait dans ces cas-là : il refondit une famille. Nous étions donc restés en contact et nous donnions de nos nouvelles respectives de loin en loin. Bien sûr, le sujet de Sam était tabou, mais le père lâchait ici et là quelques infos qui devaient rester secrètes. Sam voyageait dans l’espace et cultivait un goût certain pour la clandestinité et la violence. Il fit en fait ce que son père avait rêvé de faire toute sa vie, aller risquer sa peau dans les zones de conflit. Ce soir-là, le père me dit d’une voix chantante que Sam venait enfin d’arriver à la frontière syrienne.

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             Un autre Sam hante les mémoires, Sam Samudio, plus connu sous le nom de Sam The Sham. Il fut l’un des premiers à défrayer la chronique du Memphis beat en roulant dans un corbillard entouré de musiciens coiffés de turbans. Grâce à Stan Kesler, Sam fit des étincelles et «Wooly Bully» fut un hit planétaire en 1965.

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    Le premier album de Sam The Sham & The Pharaos s’appelle aussi Wooly Bully et date de la même année. Si on cherche le Memphis Beat, il est là, dès l’effarant morceau titre d’ouverture de balda. Au dos, le linerman écrit : «He went to convert unbelievers to the Soul-stirring mysteries of his concept of the Memphis sound.» «The Memphis Beat» est comme son nom l’indique en plein dans le mille. Avec «Every Woman I Know», Sam the crack nous fait un groove de cry ‘bout an automobile. Il attaque sa B avec une reprise du «Shotgun» de Junior Walker, les Pharaohs en ont les moyens. Leur «Sorry ‘Bout That» est le précurseur du «Roxette» de Dr Feelgood, ce sont exactement les mêmes accords. Sam the Crack tape aussi dans Johnny Guitar Watson avec «Gangster Of Love», il prend ça au hip black slang avec l’accent des bas-fonds de Watts. Puis ça bascule dans le Tex-Mex avec «Mary Lee», tout est parfait sur cet album, même la cover de «Long Tall Sally» et son killer solo flash. Sam boucle la bouche en cœur avec «Juimonos», un chef-d’œuvre de Tex-Mex flavor.  

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             On trouve encore de belles bricoles sur Their Second Album paru en 1965, comme par exemple une cover fantastique du «Love Potion # 9» des Coasters. Ce fantastique interprète qu’est Sam conduit Leiber & Stoller au firmament des covers. Autre coup de Trafalgar : «Cause I Love You», pur jus de Memphis gaga à gogo. Ces mecs étaient tellement en place ! Et Stan Kesler les produisait aux petits oignons. On reste dans le pumping d’orgue pour «Medecine Man» et on danse à la danceteria. Ils font aussi en ouverture de bal de B une solide cover de «Got My Mojo Working» et rendent pour finir un bel hommage à Bo avec «I’m Your Hoochie Coochie Man». Sam chante ça à l’accent mal famé - Everybody knows that man - Sam a tout, le black cat bone et le mojo too.

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             Changement de ton avec The Sam The Sham Revue paru l’année suivante. Sam est bien gentil, il met les photos des gens qui l’accompagnent au dos de la pochette, sans indiquer leurs noms. On craque très vite pour ce «Struttin’» embarqué au bass sound de Stan Kesler. Son qu’on retrouve dans «Leave My Kitten Alone». Fantastique présence des notes rondes, on comprend mieux d’où vient la passion des basses de Jim Dickinson. Sur cet album, Sam est accompagné de trois choristes blanches et de quatre musiciens. C’est ce que les Américains appellent une Revue. Sur «My Day’s Gonna Come», il chante avec de faux accents de Dr John. Mais les cuts frisent ensuite le comedy act («The Cockfight», «Let It Eat»). Sam bascule ensuite dans le ridicule avec une petite pop commerciale («Love Me Like Before») et on donc perd le Memphis Beat.

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             Tous les albums de Sam The Sham & The Pharaos sont produits par Stan Kesler. On revient au cœur du Memphis Beat avec On Tour. Ils attaquent d’ailleurs avec une cover du «Red Hot» de Billy Lee Riley, c’est l’endroit précis où le rockab se transforme en wild gaga. Ils récidivent en B avec «Ring Dang Doo», joué au heavy Memphis beat. Tout l’album baigne dans la qualité, Sam va plus sur le Tex-Mex avec «Save The Last Dance For Me» et revient au gaga avec «Let’s Talk It Over». Encore une merveille d’art local avec cette cover de «Mystery Train». Sam pousse bien le bouchon du train train. C’est même très puissant. Ils finissent avec «Uncle Willie», un fantastique shoot de gaga punk. Ces mecs sont des convaincus, ils taillent leur son dans le Memphis Beat des origines.

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             Sur Li’l Red Riding Hood, on trouve une fantastique cover d’«Hanky Panky» - My baby does the hanky panky - Ils tapent ça au gros popotin de Memphis. Ah la verdeur de ce beat ! Avec «Deputy Dog», on voit le bassmatic remonter à la surface du mix. Sam a du pot d’avoir Stan au mix. Max de bass ! On retrouve ce beat phénoménal dans «Green’ich Grendel» et une fuzz vient cueillir «Sweet Talk» au menton. Stan met le beat en devanture et le raw de Sam n’en est que plus raw. Ils font une belle resucée de Wooly Bully en B avec «Pharoah A Go Go», et voilà le travail.

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             En 1967, Sam enregistre son premier album solo, Ten Of Pencacles. On s’y régale d’une reprise de «Stand By Me». Sam en fait une version tendue, jouée au Memphis Beat. Il reste l’admirable interprète que l’on sait. Il fait un peu son Dylan avec «I Passed It By», c’est bien foutu, il chante à la pince à linge et il boucle son balda avec un «It’s So Strange» monté sur un groove de basse à la «Tighten Up» d’Archie Bell & the Drells. C’est encore une fois bien foutu et battu si sec que ça vire fast boogie rock de Memphis. Stan Kesler signe toujours la prod et il monte la basse au devant du mix du fabuleux «Stagger Lee» qui ouvre le bal de la B. Sam revient à son cher Tex-Mex Sound avec «If You Try To Take My Baby». Il chante à l’accent tranchant et derrière, on croit entendre Augie Meyers. 

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             Le meilleur album de Sam est sans doute celui qu’il a enregistré sous son propre nom, Sam Samudio, accompagné par Jim Dickinson et les Dixie Flyers. Album énorme que ce Sam Hard And Heavy sorti sur Atlantic en 1971. Le coup de génie de l’album s’appelle «I Know It’s Too Late/Starchild», un long jamming au cours duquel les Dixie font feu de tout bois. On sent les surdoués de Memphis. Ils jouent à la folie Méricourt, au shuffle urbain ponctué de cuivres, et ça se transforme vite en embellie considérable, avec un Tommy McClure qui dévore tout au bassmatic et un Charlie Freeman qui vient tout emballer à la fin. C’est encore McClure qui allume le «Homework» d’ouverture de balda. Incroyable vitalité du son ! S’ensuit «Relativity», un énorme shoot de big heavy Memphis beat. On retrouve les Dixie au sommet du lard fumant. Ils tapent en B dans le chef-d’œuvre de Big Bill Broonzy, «Key To The Highway». C’est porté par la section rythmique et Sam chante son bout de gras. Ils passent au fast boogie avec «15’ At ASC», fantastique unicité des clés de la cité, ils jouent comme les cinq doigts de la main. Ils terminent cet album superbe avec une reprise d’Hooky, «Goin’ Upstairs», un groove de boogie down bien secoué de la paillasse, joué au fouetté de peau de fesse, juste en dessous du boisseau. Les Dixie sont les rois du rock US, c’est d’une qualité qui interlock le lockdown. Aucun groupe ne sonne comme les Dixie Flyers.

    Signé : Cazengler, arrête ton Sam the char

    Sam The Sham & The Pharaos. Wooly Bully. MGM Records 1965

    Sam The Sham & The Pharaos. Their Second Album. MGM Records 1965

    Sam The Sham & The Pharaos. The Sam The Sham Revue. MGM Records 1966

    Sam The Sham & The Pharaos. On Tour. MGM Records 1965

    Sam The Sham & The Pharaos. Li’l Red Riding Hood. MGM Records 1966

    Sam The Sham. Ten Of Pencacles. MGM Records 1967

    Sam Samudio. Sam Hard And Heavy. Atlantic 1971

     

     

    ROCKABILLY GENERATION NEWS N° 23

    OCTOBRE - NOVEMBRE – DECEMBRE

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    Etrange, étrange, deviendrai-je fou ou atteint d’un méchant stigmate visuel. Au hasard je pique sur l’étagère un ancien numéro de RGN, le number nine, parfait : même type de couverture, sur celui-ci le portrait de Johnny Fox, les titres sur la gauche et un fond marron, sur le nouveau, portrait de Gary Allen, titres sur la gauche et fond vieil or. Maquettes identiques. Pourtant l’impression d’une différence de longueur de trois centimètres. Je vérifie, tout au plus un millimètre supplémentaire pour le nouveau numéro… Zé bu dit le zébu !

    Les articles de Greg Cattez sur les pionniers sont toujours intéressants, mais là sur Bill Haley il s’est surpassé. Rock around the clock tout le monde connaît, mais Greg insiste sur les débuts, avant que l’horloge du rock ‘n’ roll ne se mette à sonner. Ne pas croire que le big Bill est juste un gars malin qui a pompé le rhythm and blues des noirs, s’en est inspiré bien sûr, mais ses racines remontent très précisément à Hank Williams qu’il a rencontré, tout le début de sa carrière il la passe dans la tenue de cowboy du chanteur country de l’époque, un peu à la Gene Autry ou à la Roy Roger… Bill est crazy mais pas foldingue, se rend compte qu’il ne sera jamais le grand countryman qu’il rêvait d’être. Pédale un peu dans la choucroute de sa tête pendant quelque temps. En 1952, il franchit le Rubicon. Adapte Rock the joint à sa manière. Autrement dit, il livre à un public blanc un morceau de musique noire un peu trop échevelée…  Succès confirmé en 1953 avec Crazy Man, et enregistre en 1954 le pharamineux Rock around the clock… L’aiguille de la pendule du rock carillonne à tue-tête et réveille le monde endormi. Passons sur les années fastes. Les belles histoires se doivent de terminer tragiquement pour être encore plus belles… Avec le temps le vieux rock est devenu une musique vieillotte. Il faudra attendre quelques années avant que la comète du rock ne revienne enflammer le monde, Bill entre en dépression, l’alcool ne l’aidera pas à remonter la pente, une tumeur (ça s’appelle ainsi parce que tu meurs ) au cerveau s’en mêle… 1981, end of the rocky road blues. Le beau portrait de Greg Cattez est agrémenté de photos qui valent le détour.

    Ne quittons pas les pionniers, dans la rubrique L’Echo du Mag, Claude Francisci consacre une page à Elvis en passe de devenir le mythe du vingtième siècle… Si la couverture signale la réédition CD de Rainy Day Sunshine, (Bluelight Records) démos enregistrées en 1969 afin de démarcher les maisons de disques, faut attendre le bas de la page 42 pour voir la repro de la couve, juste à côté du dernier CD des Hot Chickens.

    Avant Bill qu’y avait-il ? Julien Bollinger soulève un coin du rideau. Evoque Charley Patton, né en 1881, un des fondateurs du blues, au temps où celui-ci se confondait encore avec ce qui deviendrait la country, peut-être la première star, un sang-mêlé, guitariste, chanteur rebelle, meurt assassiné, une voix unique, reconnaissable entre toutes, j’ai l’habitude de dire que celui qui n’a jamais entendu Charley Patton ne comprendra jamais rien au rock’n’roll.

    Dix pages sur les Sureshots, sans compter le poster central. En France quand on prononce le mot Sureshots, les réactions principales sont : super groupe de Rockabilly et Mimile. Si les Sureshots viennent d’Angleterre Mimile est leur premier fan français. Les a fait venir par chez nous dès 1986. L’est d’ailleurs remercié à la fin de l’article de Sergio Kahz pour les documents fournis. Gary Allen, chanteur et guitariste du groupe ne manque pas de l’évoquer. Gary Allen, quarante ans de métier se présente comme un homme tranquille. N’esquive aucune facette du groupe, les débuts, les changements, l’honneur d’accompagner sur scène des tas de pionniers, les sets un peu dingues et leur goût pour l’alcool. Un homme jovial aussi qui aime les gens, les ambiances chaudes, communiquer avec le public, on le sent à l’aise sûr(eshots) de lui, de tout ce qu’il a accompli mais qui ne se fait aucune illusion, un jour tout cela se terminera, la vie est ainsi. La chronique du dixième Rockabilly Festival de La Chapelle-en-Serval relate justement un concert des Sureshots, loin d’être leur meilleur, poursuivi par la poisse, mais comme il est dit ‘’ ce n’était pas un concert ennuyeux’’. Plein d’autres groupes, mais vous pouvez acheter la revue aussi.

    Du beau monde au White Night # 2, notamment avec les Rebel Howl groupe formé au pied-levé pour palier le désistement de deux autres formations. Le rockabilly est un phénix qui sait toujours renaître de ses cendres… Folle ambiance dans cette nuit blanche. Au Vintage Day’s 2022 vous retrouverez Ady and The Hop Pickers et les Drifting sailors… prenez-en plein les yeux avec les photos de Sergio Kazh…

    Une petite nouveauté, deux pages, une pour Steve Aynsley, l’autre pour les Hoodoo Tones, afin de signaler la sortie de leur nouvel album, manière efficace de tirer un rapide bilan de leur carrière et de présenter leurs récentes réalisations.

    Un numéro particulièrement agréable à lire, très vivant, donne l’impression d’assister à un panorama du rockabilly depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui.   Rockabilly Generation News reste fidèle à lui-même, en s’améliorant à chaque livraison. Merci à Sergio et à son équipe.

    Damie Chad.

    Editée par l'Association Rockabilly  Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois),  5,50 Euros + 4,00 de frais de port soit 9,50 E pour 1 numéro.  Abonnement 4 numéros : 37, 12 Euros ( Port Compris ), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( cochez : Envoyer de l'argent à des proches ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de tous les magazines... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents !

     

    *

    Si le premier album de Robert Plant et Alison Kraus ( voir livraison 566 du 08 / 09 / 2022 ) s’était envolé à un million d’exemplaires, le deuxième paru quatorze années après a péniblement atteint les 60 000 ventes, cette décote est vraisemblablement due aux nouvelles manières dématérialisées d’écoute de la musique et n’entame en rien la confiance que nous accordons à nos deux artistes.

    RAISE THE ROOF

    ROBERT PLANT ALISON KRAUSS

    ( Rounder Records / Novembre 2021 )

     

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    La pochette américaine n’est pas au top, style prisunic, disons qu’il en faut pour tous les goûts. L’en existe une autre édition de luxe ‘’ Red Artwork’’ que je préfèrerais mais pas au point de me jeter du haut du toit. En bon français lamartinien l’on traduirait Raise the roof par monter au pinacle… Chez les amerlocs l’expression signifie soulever le toit ou, goûtez le jeu de mot pour un disque aux soyeuses sonorités, faire du vacarme, disons atteindre le sommet.

    T-Bone Burnett : production, guitares, mellotron /  Marc Ribot : guitares, banjo, dobro / Denis Crouch :   Jay Bellerose : batterie, percussions / Stuart Duncan : banjo / Bill Frizel : guitares / David Hidalgo : guitares, jarana / Viktor Krauss : contrebasse, mellotron / Colin Linden : dobro / Buddy Miller : mandoline, guitare / Russ Pahl : pedal steel guitar, basse, guitare / Jeff Taylor : accordéon, dolceola ( cithare à clavier ), marxophone ( cithare sans frette à marteaux métalliques ), piano / Lucinda Williams : background vocals.

    Quattro : reprise du groupe, un peu trop middle the road à mon goût, Calexico fondé en 1995 : Alison et Plant en duo, ils ont laissé en rade le petit côté espagnolade de l’original, ce qui confère au morceau une nouvelle dimension, un peu variétoche tout de même, pas besoin d’être grand-clerc en musicologie pour s’apercevoir que c’est le band au son velouté par derrière qui évite les récifs du naufrage. The price of love : déjà un morceau des Everly Brothers sur Raising sand, comment résister aux Everly lorsque l’on est un duo surtout à une petite merveille avec son harmonica qui rissole comme la friture dans l’huile : bye bye l’harmonica, Robert se fait tout petit, laisse Alison et sa voix féérique mener la barque, n’intervient qu’en force d’appoint sur le refrain, ont doublé la longueur de l’original, on ne s’en plaint pas, les musicos y vont tout doux, prennent leur temps sur l’introduction et le final. A peine au deuxième titre que l’on se rend compte que l’on n’a pas affaire avec un duo mais à un trio, Alison, Robert et l’orchestre qui tisse de fines toiles d’araignées    transparentes, n’y prêtez pas trop l’oreille elles sont gluantes, de véritables attrape-rêves. Go your way : complainte de la femme délaissée encore amoureuse qui n’a même plus la force d’en vouloir à celui qui est partie écrite et chantée par Anne Briggs. L’on peut résumer l’apport d’Anne Briggs au folk britannique par trois noms de groupes : Pentangle, Fairport Convention, Led Zeppelin : ce n’est pas Alison qui chante mais Robert, le cri de souffrance d’Anne Briggs se transforme en une doucereuse chansonnette tristounette, on aurait aimé entendre Alison, la plainte de Briggs est belle mais n’est pas exempte de monotonie, les gens en bonne santé sont vite fatigués par les esprits chagrineux, gageons qu’Alison aurait su jouer sur les harmoniques de la douleur. Trouble with my lover : l’on ne répètera jamais assez comme le pianiste de la New Orleans Allen Toussaint a apporté à la musique américaine : défi cette fois-ci relevé par Alison, Allen Toussaint avait confié la chanson  Betty Harris the lost queen of New Orleans Soul ( voir chronique du Cat Zengler in livraison 520 du 09 / 09 / 2021 ) autant dire que l’original groove merveilleusement, avec sa voix de petite blanche Alison montre qu’elle sait groover autant une grande noire, sans avoir besoin de la carpette volante de l’orchestration rhythm ‘n’ blues, un léger rythme percussif, elle marche sur la pointe des pieds sur le tapis d’amarante qui mène au trône royal et Robert Plant se contente sur le refrain d’imprimer de douces ondulations sur la traîne de mousseline. Searchin’ for my love : un des morceaux préférés de Robert Plant, voir in Kr’tnt 565 du 08 /  09 / 2022 : se débrouille bien le plantigrade, l’a le black feeling, maintenant l’a deux belles aides sur le refrain, le vocal musardin d’Alison et l’intervention de Lucinda Williams, irrémédiablement elle file au morceau une intonation américaine que le petit Robert se hâte de reprendre, z’ensuite nous refait le coup des slowacks des blackos, une fille ( ou un garçon ) vous quitte et vous avez l’impression que l’on est en train de vivre l’extinction de l’Humanité. Can’t let go :  un morceau du chanteur et songwriter Randy Weeks dont la reprise par Lucinda Williams ( album Car Wheels on a gravel road ) fut un de ses grands succès : l’a de la classe la Lucinda, alors s’y mettent à deux, pour une fois la guitare en fait trop, trop au-dessus du dénuement de l’accompagnement de Lucinda, nos deux ostrogoths semblent murmurer, l’on ne ressent pas dans leur phrasé la détermination lucide de Lucinda, heureusement qu’elle intervient un peu dans le refrain pour remonter la sauce, quant à Plant, l’est une souris qui rentre dans son trou à pas prudent pour ne pas réveiller le chat qui s’est endormi devant.  It don’t bother me : Bert Jansch fut un temps le compagnon d’Anne Briggs, il forma Pentangle et influença Jimmy Page… :  le même gratouillis de guitare durant cinq minutes, l’on s’en moque Bert chante et la mer monte et descend, l’élément vous trimballe à sa guise, vous vous sentez tout petit…  Jay Ballerose passe devant la guitare et c’est mieux ainsi, Alison mène la barque, les musicos font gaffe à la gaffe, la voix s’est transformée en écume, un coup elle vous fouette le visage, un coup elle caresse, elle s’étire comme une brume qui voile la réalité du monde, vous voici perdu dans l’immensité de votre solitude.  You led me to the wrong d’Ola Belle Reed, née en 1916, chanteuse américaine de bluegrass, et joueuse de banjo, paroles de pécheresse repentante christo-masochiste : autant la version d’Ola Belle Reed est des plus dépouillées autant celle de Robert Plant – encore une fois l’on aurait attendu Alison – est des plus romantisées, le violon mange le banjo, chez Ola l’on croirait entendre la lecture d’un article dans un journal local, ici nous avons droit à une dramaturgie romantique, ce n’est pas de sa faute, notre héros est accablé par le destin. On le plaindrait presque. La version d’Ola glacée comme un convoi funèbre sous un ciel de neige fait froid dans le dos. Last kind worst blues : un des six morceaux enregistrés en 1930 ( Paramount ) par Geeshie Wiley, elle aurait commencé à chanter vers 1920, après 1933 l’on ne sait plus rien de sa vie  sinon qu’elle serait morte en 1950, elle reste une figure fantomatique du delta blues… : quel contraste, après la couleur blanche du désespoir la couleur noire du blues, côté des Appalaches la misère intellectuelle des pensées conservatrices mutilantes, on the other side of the rural south la misère noire de la pauvreté, un texte d’une cruauté inouïe, un peu de basse et la voix pure d’Alison, différente mais respectueuse de la pureté et de la rugosité de l’original. Ce morceau et le précédent sont à comprendre comme un profond hommage à la musique populaire américaine. High and lonesome : un original signé Plant et T-bone Burnett : toute la mythologie country de derrière les fagots du blues, plus toute la modernité des poncifs rock, Robert Plant se fait plaisir, chante comme un seigneur, nous ressort des intonations qui rappellent les miaulements feutrés du Zeppelin et derrière les musicos s’amusent comme de fous, donnent de la gomme tout en restant dans les limites ambiancières de l’album. Going where the lonely go : l’on ne présente pas Merle Haggard, mauvais garçon et grand chanteur de country, ne cherchez pas l’erreur :  après l’imitation – n’oubliez pas que sans imitation la création n’existerait pas – l’originel, belle voix romantique, Merle l’homme qui a beaucoup vécu ne la force jamais, pas besoin le timbre suffit, pour les larmes la pedal steel guitar s’en charge, un sax sur la fin, est-ce là que Lou Reed est allé chercher la finition ( et pourquoi pas l’idée ) de Walk on the wild side,  maintenant passons au duplicata, cette fois l’on attend Robert et c’est Alison, oui avec sa voix  de jeune fille honnête et pure, ou de femme vertueuse si vous préférez, elle interprète ce que Me Too dénoncerait comme un hymne machiste hyper genré, elle y met tant de cœur que ce que l’on entend c’est le désespoir de la solitude humaine qui s’en vient cogner à notre oreille comme la mouche sur la vitre. Somebody was watching over me : de Brenda Burns chantée par Maria Muldaur interprète américaine de blues et de country : Maria nous offre un gospel variétoche pour les fidèles que recrache le Seigneur ceux qui boivent de l’eau tiède, Plant qui dans son existence a toujours préféré les alcool forts à l’eau bénite, sera peut-être agréé par le Seigneur, pas tout à fait pour nous, certes il s’en tire bien, merci à Lucinda pour les chœurs, mais enfin il aurait pu choisir mieux. My heart would know : ( Bonus track ) : un album country sans un morceau d’ Hank Williams serait-il un véritable album… Hankie nous surprendra toujours, avec sa voix de crocodile enroué qui a mal aux dents il remporte toujours le pompon sur le manège des préférences, Alison s’y colle, l’est comme le gamin qui chante petit papa noël devant le sapin, bien sûr ce n’est pas tout à fait l’air mais sa ferveur vous touche en plein cœur. Bon, le grand frère Robert qui le soutient dans les refrains, il est un peu de trop, on ne le lui dira pas. You can’t rule me : ( Bonus track ) : après le roi voici une de ses reines, Lucinda Williams, présente dans les sessions :  Quand vous l’avez écouté par Lucinda vous vous demandez ce que l’on pourrait ajouter ou changer dans son interprétation, une vipère qui se dresse en sifflant pour vous signifier d’aller ailleurs voir si elle n’y est pas. Un harmonica et Robert Plant qui roule des épaules comme dans un western, Alison le seconde discrètement, quant aux boys derrière ils assurent la bande-son de la pellicule, un peu d’incertitude relance le suspense, on aimerait bien un duel final mais ce n’est pas prévu au programme.

             Deux titres un peu patchouli-patchoula, mais un album qui s’écoute avec plaisir.

    Damie Chad.

     

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                                         

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    EPISODE ( INTERACTIF ) 1 :

                                                              1

             -   Chef ! Chef !

    • Agent Chad cessez de m’importuner dans mes recherches !
    • Avec plaisir Chef, si je pouvais savoir qui vous recherchez je pourrais peut-être vous aider !
    • Agent Chad, si je le savais moi-même je l’aurais déjà trouvé !

    Sur ce, le Coronado du Chef laisse échapper deux volumineux nuages grisâtres, en accord parfait avec la brume automnale, je ne peux m’empêcher de penser que le Chef est un grand artiste, il sait marier les fumigènes qui s’enfuient de ses Coronados avec les couleurs du paysage. Tout à l’heure alors que nous parcourions une allée jonchée de feuilles mortes, ses cumulus avaient pris une légère coloration bistre en totale adéquation avec les teintes rousses des frondaisons que le vent aigre de la veille avait jetées à terre…   Huit jours que nous arpentions méthodiquement le cimetière du Père Lachaise, avec station obligatoire devant chaque tombe. Le Chef ne profère aucune parole, il lit attentivement chaque inscription, puis sans mot dire il passe à la suivante.

    Au début Molossito s’amusait, il levait la patte sur les dalles funéraires et les aspergeait de quelques gouttes d’urine territoriale, maintenant il suivait - ces promenades commençaient très tôt le matin et se finissaient très tard le soir - la tête basse, la douce quiétude du local lui manquait. Molossa, sa mère adoptive, gardait l’œil vigilant, elle marchait derrière nous, de temps en temps elle s’arrêtait et d’une oreille attentive elle guettait je ne sais quel bruit furtif, mais jamais encore son museau ne s’était posé sur le bas de ma jambe pour m’avertir d’un quelconque danger. Le Chef s’arrêta brusquement :

    • Agent Chad, j’ai conscience que ces longues journées sont fastidieuses, croyez-moi, je préfèrerais être à mon bureau en fumant paisiblement une dizaine de Coronados, toutefois je vous rappelle que nous sommes ici pour défendre le rock ‘n’roll. Agent Chad ouvrez l’œil, sous nos pas un terrible volcan s’apprête à entrer en éruption, où, quand, comment, je l’ignore, je le pressens, les signes parlent d’eux-mêmes. Avez-vous remarqué qu’aucun souffle vent n’est perceptible, pourtant vérifiez la fumée de mon Coronado, elle penche légèrement vers la droite, ce phénomène n’est pas normal et terriblement inquiétant. Je vous le répète, soyez sur vos gardes, d’une seconde à l’autre tout peut arriver !  

    Pourtant rien de particulier ne survint et le Chef ordonna de rentrer au local.

    2

    Que le lecteur ne s’inquiète pas. La vie d’agent secret du rock ‘n’ roll offre aussi de doux moments de compensation. Le lendemain matin, le Chef m’attendait tout souriant, il alluma longuement un Coronado avant de m’adresser la parole :

    • Agent Chad, huit jours que nous tournons en rond dans ce satané cimetière, nous changeons de stratégie. Prenez cette lettre soigneusement cachetée et portez-là à la patronne du Drugstore du coin de la rue. Si quelqu’un tente de vous couper le chemin, abattez-le tout de suite, sans rémission, sans pitié. Femme, enfant, vieillard, qu’importe, nous sommes pressés, le rock ‘n’roll n’attend pas ! Exécution immédiate.

    Enfin de l’action ! Les chiens excités couraient de tous côté attendant que j’ouvrisse la porte. Nous dévalâmes les quatorze étages à toute vitesse. Cinq minutes plus tard nous franchissions l’entrée du magasin à fond de train !

    • Vite Alice, c’est un pli urgent pour votre patronne !
    • Oh ! Monsieur Damie, quel plaisir de vous voir ! Hélas le mari de la patronne est à l’hôpital, elle m’a confié les clefs et m’a demandé de la remplacer ! Je vais décacheter la missive de Monsieur LeChef et voir de quoi il en retourne ! En attendant partagez à Molossa et Molossito ce bocal de fraises tagada, ils les adorent !
    • Alice vous êtes une merveille !
    • Monsieur Damie, vous exagérez !
    • Non, non Alice, vous êtes le soleil de l’univers !
    • Monsieur Damie, ne vous moquez pas de moi, je ne suis qu’une petite vendeuse de Point Presse, mais tenez je glisse dans cette poche cartonnée ce que Monsieur LeChef veut que vous lui rameniez, il exige que le paquet soit hermétiquement clos par une bande de ruban adhésif, personne ne doit savoir de ce dont il s’agit, même pas vous Monsieur Damie, Monsieur LeChef est un cachotier, je suis sûre que c’est un cadeau pour vous, si j’avais su que vous ne l’aviez pas lu, je vous l’aurais offert !
    • Alice, j’en aurais fait mon livre de chevet jusqu’à la fin de ma vie, et dans mon testament j’aurais demandé qu’il soit glissé dans mon cercueil, ainsi durant toute l’éternité je ne me serais jamais ennuyé, j’aurais connu le bonheur de penser à vous !
    • Monsieur Damie, c’est trop beau ce que vous dites, prenez le paquet et partez vite car j’ai envie de vous embrasser.

    Nous sortîmes du magasin tout guillerets, les chiens l’estomac au ras du bitume. Nous n’avions pas parcouru une centaine de mètres que Molossa posa son museau sur mon mollet. Je me retournai, deux armoires à glace au patibulaire physique de catcheur se dirigeaient d’un pas rapide vers moi.

    3

    Ils n’étaient plus qu’à une quinzaine de mètres. Les malheureux, ils n’avaient donc pas compris pourquoi ma main gauche restait à l’intérieur de la poche de ma veste. Sans préavis, je tirai. Deux coups, une bastos dans le buffet de chacun des deux. Ma maman m’a toujours appris qu’il ne fallait pas faire de jaloux.  L’impact les cloua sur place, ils reculèrent d’un ou deux pas, mais à mon grand étonnement ils ne s’écroulèrent pas, pire ils éclatèrent d’un rire bête :

    • Alors agent secret à la manque tu n’as jamais entendu parler de gilet pare-balle ! Quand on est malin on vise la tête !

    Ce fut leur dernière parole. J’obtempérai à leur suggestion. Certes la terrible botte de Nevers, si chère à l’agent Cat Zengler, ne se pratique plus, ni au fleuret, ni à la rapière, mais deux balles entre les deux yeux au-dessus du nez s’avèrent tout aussi radicales.

    • Bon Dieu quelle horreur il a fallu que je sois arrière-grand-mère pour assister à un tel crime !

    Du monde commençait à s’amasser autour de la vieille commère :

             -  Reculez-tous, éloignez-vous de ces deux cadavres, ils sont porteurs d’un nouveau variant du Covid contre lequel les vaccins sont inefficaces, très transmissible et mortel. Je suis de la Police, le gouvernement nous a chargés d’abattre au plus vite les porteurs de ce nouveau virus, nous avons trois jours, sans quoi la pandémie sera plus terrible que la grippe espagnole...

    Je n’avais pas fini ma tirade que la rue s’était vidée…

    4

    Le Chef alluma un Coronado, il laissa se consumer la longue allumette sans rien dire, puis exhala une bouffée malodorante :

    • Agent Chad ne prenez pas cette moue dégoûtée, regardez les chiens adorent, ils hument l’air avec frénésie et remuent la queue avec entrain, c’est un Chacalito N° 4, il dégage un délicat fumet de charogne j’en conviens, les filles n’y résistent pas, vous devriez essayer avec cette jeune vendeuse, Alice si mes renseignements sont bons, mais laissons cela, il est temps de tenir un conseil de guerre afin d’analyser la situation. L’heure est grave.
    • Oui Chef, une semaine de cimetière et deux morts ce matin !
    • Ne mélangeons pas tout, cher Agent Chad, je pense que nous sommes en présence de trois affaires distinctes.
    • Trois ! Chef !
    • Oui, la guerre des trois aura bien lieu. Débarrassons-nous de l’incident de ce matin, rien à voir avec le paquet que vous m’avez ramené. Non, un coup foireux de l’Elysée, ils n’ont pas digéré la mort de l’ancien président. Nous n’y sommes pour rien, toute la faute en incombe à Molossito, ( Voir l’enquête précédente ) toutefois comme notre molosse est inscrit sur les tablettes officielles comme agent du SSR ils aimeraient se débarrasser de nous. Bref nous aurons de temps en temps à faire avec ces inopportunes piqûres de moustique, nous savons les traiter. Nevers more comme coassait le corbeau de Poe.
    • Chef, vous avez vraisemblablement raison, je vous suis dans vos raisonnements, mais…

    Le Chef, me fit signe de me taire, il allumait un Coronado, opération délicate qui exige silence et concentration.

    • Pour les deux autres affaires, je n’ai rien de très concret à vous offrir. Toutefois je suis intimement persuadé qu’elles sont toute deux liées au devenir du rock ‘n’ roll…
    • Oui Chef le fameux flair du rocker…
    • Pas du tout, l’adverbe ‘’intimement’’ traduisez-le par personnellement. Agent Chad ces deux affaires sont liées à ma vie personnelle. Elles sortent des missions intrinsèques du SSR. Agent Chad, vous ne m’offenserez pas si vous refusez de vous joindre à ces deux enquêtes. Il n’y a rien à y gagner, blood, sweat ans tears pour résumer parfaitement l’avenir.
    • Chef, entre nous deux c’est à la vie à la mort !
    • Ce sera plutôt à la mort qu’à la vie !
    • Ouah ! Ouah ! Ouah !
    • Agent Chad, je crois que nous venons de recevoir le renfort de deux fins limiers ! C’est bien, vous êtes libres jusqu’à demain matin huit heures, profitez de cette dernière soirée de liberté. Pour ma part je vais me livrer à une étude attentive de l’ouvrage que vous m’avez rapporté.

    Je rassemblais quelques affaires avant de quitter le service. Rien de très précis, j’avais juste envie de connaître le titre du livre que le Chef étudiait. Je fus stupéfait, c’était : Les contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault.

                                                              5

    Les chiens aboient joyeusement autour d’Alice qui se précipite pour leur un ouvrir un bocal de chamallows :                      

    • Monsieur Damie, vous êtes bien matinal, il est à peine neuf heures et demie !
    • Hélas Alice, un jour sans soleil, je pars en mission pour une petite semaine, n’en soufflez mot à personne
    • Monsieur Damie, ne craignez rien, je serai muette comme une tombe ! Mais je vais m’ennuyer, tenez déjà une petite larme glisse sur ma joue, n’ayez crainte Monsieur Damie, je vous attendrai sagement, et le soir je rêverai de vous.
    • Alice je reviendrai au plus vite, souriez, laissez-moi vous regarder que j’emporte l’image de la beauté avec moi, pour qu’elle m’accompagne tout le temps de cette absence, elle me ramènera vers vous comme l’étoile qui brille ramène le bateau au port !

    6

    A peine la porte du magasin franchie j’étais redevenu le loup solitaire qui traque sa proie sans pitié, le tueur sans âme et sans conscience, droit au but, quel que soit le prix à payer. Je me rendis à la bibliothèque du quartier. La cheftaine assise sur son bureau n’eut pas le temps de remarquer la présence non désirée des deux cabots, en échange du billet de cinq cents euros que je lui glissais en douce, sa main se referma sur cet inoffensif rectangle de papier et d’un sourire reconnaissant elle m’indiqua du doigt un petit recoin muni d’un ordinateur où personne ne viendrait me déranger. Les chiens s’assoupirent. J’avais tiré Les contes de ma mère l’oye de Charles Perrault que le Chef m’avait tendu dès mon arrivée au local :

    • Agent Chad, lisez-le, vous en savez assez pour établir les connexions nécessaires, suivez la piste jusqu’au bout. Où vous mènera-t-elle je l’ignore. Faites attention, cette affaire est dangereuse, je le pressens. Je vous ai préparé un peu d’artillerie, une épaisse liasse de biftons à gros calibre, quelques rations de survie et même trois Coronados dans leurs tubes de plomb qui résistent aux radiations atomiques, prenez ce sac, gardez-le près de vous, n’oubliez pas que vous et vos chiens serez seuls face à un danger qui ne porte de nom et que je nommerai donc l’Innomable. Agent Chad dès que vous aurez mis un pied hors de ce local, la longue traque commencera, n’ayez aucune illusion, vous serez le chasseur et le gibier.

    Les sens en éveil je quittai la paisible bibliothèque, la lecture de Charles Perrault avait été fructueuse, quelques clics sur Wikipedia avaient confirmé mes déductions. Mes chiens sur mes talons, le bouton du bas de ma chemise déboutonné, la main prête à saisir la crosse d’un des bijoux préférés du Chef – un Rafalos 713 capable de percer les blindages d’une auto-mitrailleuse – passé à même la peau sous ma ceinture, l’air de rien, je sifflotais Don’t step on my blue suede shoes

    7

    Cher lecteur, j’ai le regret de vous annoncer que l’Episode 1 de Death, sex and rock’n’roll s’achève. La suite la semaine prochaine dans notre livraison 571. Je sens votre déception. Toutefois c’est épisode n’est pas interactif pour rien. Au moment où il se termine, vous en savez autant que moi pour comprendre comment je vais procéder. Lisez les Contes de Perrault, activez vos méninges, vérifiez vos déductions sur le net… Le premier qui aura trouvé la solution recevra une fraise Tagada mâchouillée par Molossito. Toutefois prenez garde à votre santé mentale et physique.

    A suivre