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l'araignée au plafond

  • CHRONIQUES DE POURPRE 254 : KR'TNT ! 374 : JAMES HUNTER / DEVIL'S CUT COMBO / MATOS DE MERDE / CHEPA / SUBSELF / L'ARAIGNEE AU PLAFOND /GRADY MARTIN

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 374

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    18 / 05 / 2018

     

    JAMES HUNTER / THE DEVIL'S CUT COMBO

    CHEPA / MATOS DE MERDE / SUBSELF /

    L'ARAIGNEE AU PLAFOND / GRADY MARTIN

    They call me the Hunter

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    Ce Hunter-ci n’a rien à voir ni avec Albert King ni avec Free - Ain’t no use to hide, ain’t no use to run/ Cause I’ve got you in the sights of my love gun - Oui, ça fait une bonne dizaine d’années que James Hunter fait son petit bonhomme de chemin, et depuis qu’un fabriquant de mythes à deux pattes nommé Daptone l’épaule, ce vétéran de la Soul anglaise est entré en vainqueur non pas dans Rome mais dans l’inconscient collectif des amateurs de Soul.

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    Enfin, pas tout à fait. Il n’attire pas encore les foules. À la Traverse, la salle était à moitié pleine. Ou à moitié vide, comme vous préférez. Tant pis pour ceux qui ont raté ça. Il faut dire que l’excellence était au rendez-vous.

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    Sacré showman que ce petit bonhomme. Éminemment sympathique au premier abord, avec un faux air d’early Robert Hirsch, vivace, prompt à la rigolade, terriblement expressif, pas avare de grimaces, usant de sa physionomie mobile comme d’un instrument, il embarque son public dès le premier cut, l’excellent «If That Don’t Tell You» tiré de l’album Hold On. James Hunter propose un numéro de cirque assez fascinant, directement inspiré de ceux des grands artistes noirs qui ont émerveillé l’Amérique pendant cinquante ans : il chante la Soul, le blues et le calypso avec une voix de Soul Brother à la Gary US Bonds, il joue de la guitare comme un manouche de Chicago et danse des pieds comme James Brown.

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    D’ailleurs sa petite corpulence et sa façon de stabiliser son corps dans le feu de l’action évoquent immanquablement James Brown. Il porte le même genre de petit costume anthracite boutonné et s’il esquisse des pas de danse, c’est pour rigoler. On voit bien qu’il adore la poilade. Il n’arrête pas de placer des mimiques entre deux solos killer flash. Il joue le jazz de Soul avec des mains de cordonnier, les doigts de ses deux mains enroulent les notes et semblent malaxer une pâte. Technique extrêmement sensuelle. On dirait qu’il joue à l’instinct et qu’il caresse le corps d’une femme offerte.

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    Sur scène, cinq vétérans de toutes les guerres l’accompagnent, claviers, stand-up, beurre et deux pépères affreusement doués aux saxophones. James Hunter s’étonne que la salle ne réagisse pas - On se croirait dans une librairie ! - Et pouf il balance une reprise des Five Royales, «Baby Don’t Do It», les deux pépères aux saxophones esquissent eux aussi des pas de danse concertés en snappy-snappant le tempo, tout ça prend une tournure affolante qui donne forcément envie de se replonger dans le monde magique des Five Royales, la salle tangue et James Hunter embarque son cut au firmament. Performer hors pair, il exécute aussi un petit numéro de virtuose avec sa Gibson jaune posée debout sur le pied, et quand il tape dans le r’n’b, il vaut largement tous les Staxers de l’âge d’or. Il fait ce qu’il veut de sa voix. Il croone comme un cake et screame comme un stroumph. Il chante sa Soul avec un tel déterminisme qu’il entre dans la caste des grands white niggahs contemporains, c’est-à-dire les géants des temps modernes, devenus tellement vitaux en ces temps de pénurie mythologique.

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    Les albums de James Hunter ne bénéficient pas de l’immédiateté de ceux de Lee Fields ou de Charles Bradley. James Hunter va vers un son plus calypso, de type early Gary US Bonds, c’est en tous les cas ce qu’inspire «If That Don’t Tell You», le cut d’ouverture de bal de l’album Hold On.

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    On a là quelque chose de très fin, à la lisière du mambo des îles. James Hunter peut chanter à l’accent fêlé, il sait crooner au clair de lune. Ses cuts dansants sont idéaux pour chalouper des hanches sur Coconut Beach, baby. Il se montre très coloré sur les slowahs de salon de thé de type «Something’s Calling». Il donne sa version du mambo ambiancier et revient toujours au good timey avec des cuts judicieusement orchestrés de type «A Truer Heart». James Hunter finit par captiver, car il ne force jamais la main du lapin blanc. Il calypsotte la calypsette, alors forcément, ça plaît énormément. Oh il peut aussi danser le jerk, comme le prouve ce beau «Free Your Mind» d’ouverture de bal de B. Mais au fond, il préfère les cuts d’allure intermédiaire de type «Light Of My Life», nettement plus ambianciers. Sa came reste bel et bien le swing des îles, épicé d’un soupçon de beat popotin. Avec «Stranded», il revient au jerk solide et bien senti. Ce diable de James Hunter connaît toutes les ficelles de caleçon. On a là un joli slab d’old school r’n’b. On peut dire que ça swingue comme au temps de Sam Cooke. Il boucle cet album bien rond avec un «In The Dark» bourré de feeling et chanté à la glotte fébrile, la seule qui vaille. Petite cerise sur le gâteau, c’est soutenu à la stand-up. Quel son my son !

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    Dans Shindig, Paul Ritchie affirme que le nouvel album de James Hunter, Whatever It Takes va ravir les fans d’old school rhythm ‘n’ blues. Et pouf, Paul cite les noms de Sam Cooke et de Ray Charles, comme ça, au débotté. Il parle aussi d’une stripped down production. Il va même jusqu’à insinuer que cet album devrait combler le vide laissé par les disparitions de Charles Bradley et Sharon Jones. En tous les cas, l’album est passionnant.

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    James Hunter dit s’être inspiré d’une obscure B-side de Barbara Lewis pour «I Don’t Wanna Be Without You», de Bobby Womack pour «I Got Eyes», de Johnny Guitar Watson, de Gatemouth Brown pour l’instro «Blisters» et d’Allen Toussaint pour «Show Her» - He’s a friend of our’s. Musically he was a mentor - C’est vrai, «I Don’t Wanna Be Without You» vaut le détour. James Hunter y groove littéralement le mambo. Il chante ça jusqu’à l’os du genou, cette merveille interprétative passe le Cap de Bonne Espérance. Il chante à la glotte fêlée, ça chaloupe sur la plage ensoleillée et les arrangements de cuivres intrinsèques apportent une touche de magie pure à l’ensemble. Il faut voir ces cuivres entrer dans le rond du projecteur et induire le génie mambique. Avec «Whatever It Takes», James Hunter va plus sur le blue beat. C’est tellement chanté qu’on frise l’overdose d’excellence. Ce mec pourrait bien devenir aussi énorme que Ronald Isley. Il possède tous les pouvoirs. On assiste à un nouveau Birth of Cool. James Hunter embobine aussi bien que Johnnie Taylor. Il semble agir en magicien sans même savoir qu’il est magicien. C’est l’apanage des cracks. S’ensuit une autre merveille intitulée «I Got Eyes», amenée à la vitesse du groove urbain. James Hunter y gratte des notes exacerbées. Voilà encore un cut stupéfiant de fluidité inspirée. On assiste au retour des arrangements de cuivres magiques dans «It Was Gonna Be You». James Hunter se fond dans le groove comme Zorro dans la nuit. Il chante à la glotte abandonnée. Il est sans doute le dernier grand chanteur magique de l’histoire de l’humanité. Tout est bon sur cet album. On pourrait aussi évoquer «Blisters» claqué au blisting de Gibson. Ce cat sait claquer une quenotte. Il sait même faire son Guitar Slim, aucun problème. Retour au mambo des îles avec «I Should’ve Spoke Up». Admirable velouté. On voit Major Lance danser plus loin sur la plage, avec Gary US Bonds, the calypso bad guy. Mais qui va aller écouter ça aujourd’hui ? Les albums de James Hunter sont beaucoup trop purs pour cette époque. Les accords de cuivres n’en finissent plus d’émerveiller.

    James Hunter est assez fier d’avoir joué avec la plupart de ses héros, mais il dit rester un fan avant tout - It’s good to keep a bit of that innocence. If you get too knowing, you do lose that spontaneity - Et pouf, il cite les noms de Chuck Jackon, Lou Johnson et Jerry Butler, ses idoles. Il bat tous les records de modestie en disant qu’il aimerait pouvoir sonner comme Ronald Isley - I can’t help feeling Jackie Wilson must have shit himself when he heard him - On sent qu’il est resté fan jusqu’au bout des ongles.

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    Son premier album sur Daptone s’appelle Minute By Minute. Il ouvre le bal de l’A avec «Chicken Switch», un doux rumble de calpypso, mais il chante ça façon Deep Soul. James Hunter frise son chant, c’est assez stupéfiant. On retrouve ses superbes arrangements de cuivres dans le morceau titre, un cut outrageusement coloré, dans des tons inusités. Ce mec cultive la finesse comme d’autres cultivent les betteraves. Il chante «Drop On Me» de l’intérieur du menton, comme s’il chantait de l’âme de glotte. Il pousse tellement loin le jeu de la subtilité qu’il frise la sud-américanisation des choses. Comme Dan Penn, il mange, respire, boit, vit la blackitude. Encore un cut imparable avec «Gold Mine». Voilà un shuffle pressé et jouissif, une véritable bénédiction. En B, il sonne un peu comme Ray Charles dans «Let The Monkey Ride», mais veille à rester dans l’ambiance enchantée d’une Soul des îles. «So They Say» sonne comme un hit de groove urbain signé Bert Berns. Les cuivres rehaussent le drapé d’or - They say life is short/ Love is blind - Encore un album digne des étagères de l’amateur éclairé.

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    Apparemment, James Hunter en a bavé. Paul Ritchie évoque en effet les petits boulots et le busking, c’est-à-dire chanter dans la rue pour faire la manche. Jusqu’à une rencontre avec Van Morrison qui lui aurait changé la vie. On entend en effet Van Morrison sur Believe What I Say. Ils se tapent un duo d’enfer, comme dit Dante : «Turn On Your Love Light». Extraordinaire charge émotionnelle ! Shine on me ! Ce diable de Van vampe sa Soul comme nul autre au monde. Ah les deux font la paire ! Arrive sans prévenir un extraordinaire shuffle de sax à la clé de sol et Van revient à la charge avec toute sa niaque irlandaise. Ils font tous les deux du Sam & Dave, c’est terriblement bon, joué dans les règles de l’art et ultra cuivré. On pourrait appeler ça la huitième merveille d’un monde ambivalent. James Hunter tape un autre duo avec Doris Troy : «Hear Me Calling». Pus jus de gospel batch. Doris entre dans la danse, elle attaque à la pointe de la Troymania. On dirait qu’elle a fait ça toute sa vie. S’ensuit un autre duo avec Van Morrison, «Ain’t Nothing You Can Do». James Hunter le prend en main, mais il n’a pas la grosse glotte de Van. On sent la différence quand l’Irlandais entre dans la danse. Avec «Out Of Sight», James Hunter va plus sur le r’n’b, il twiste le juke de Stax, c’est exactement l’esprit de ce vieux son sacré. Les coups de cuivres imitent la vieille Staxy fever à merveille. Nouveau coup de Jarnac avec «Don’t Stop On It». C’est un peu comme l’ombre décollée d’un profil, on se dit qu’il y a un truc. Mais comment un blanc peut-il être aussi doué ? Une fois encore, cet album atteint des sommets d’excellence. Ne cherchez pas de mauvais cuts sur cet album, il n’y en a pas. «Way Down Inside» sonne beaucoup trop américain pour un Anglais. Il swingue tellement qu’il démâte tout a-priori. Il passe du swing balladif («The Very Thought Of You») au mambo du clair de la lune («It Ain’t Funny») et revient au shuffle d’anticipation à la Ray Charles («Let Me Know»). Avec «I Wanna Get Old With You», il chante le rêve de tous les mecs : vieillir avec la fille qu’on aime bien. James Hunter fait sa cour sur fond de mambo des îles. Il rend ensuite un hommage direct à son héros Ray avec «Hallelujah I Love Her So». Il en a les moyens. Il recrée la frénésie du vieux Ray.

    James Hunter a une façon extraordinaire d’illustrer son art : «We seem to be getting the knack of turning out posher songs and at the same time they’re more in your face.» (Il semble qu’on aille plus sur des chanson chicos, mais en même temps, elles sont plus percutantes).

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    En 1986, il enregistrait sous le nom d’Howlin Wilf & the Vee-Jays. Sa botte secrète était une guitariste blonde nommé Dot. Il suffit d’écouter Cry Wilf! pour réaliser à quel point cette gonzesse était bonne. Il faut l’entendre partir en solo dans ce «Get A Thing For You» qui sonne comme un hit de James Brown. Dot est une acérée, une fervente, une précise. Quel son ! Dot claque sa dote de notes dans «Same Old Nuthin’». Elle atteint à une sorte de classe jazzy. Le problème c’est qu’à partir de là on n’écoute plus qu’elle. James Hunter revient à sa chère Barbara Lewis avec «Hello Stranger». Il adore le wap-doo-wap. Quel admirable crooner de clair de lune ! Il shoo-wappe son art au delà de tout ce qu’on peut imaginer. Avec «Get It Over Baby», il tape dans Ike. Ideal pour une killer-zoomeuse comme Dot. Elle intervient à la Ike, de façon incroyablement juste et claquante. Elle vole le show. S’ensuit un cut de guitar-slinger intitulé «Wilf’s Wobble». Dot gratte ses gammes à la régalade. Bel hommage au grand Little Walter avec «Boom Boom (Out Go The Lights)». Chicago hot sound ! James Hunter souffle comme un possédé dans son harp. Puis il nous fait le coup de Gershwin avec «Summertime», mais il le tape au caplypso. Il peut se permettre toutes les facéties. Il dispose de ce feeling vocal qui n’appartient qu’aux noirs. Encore un hommage de choc avec le «Further Up The Road» de Bobby Bland. On note la présence de cette brute de Don Robey dans les crédits. James Hunter chante comme un dieu, mais Dot se taille la part du lion. On reste dans les hommages de choc avec le «Mellow Down Easy» de Big Dix. Ainsi va la vie

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    On peut prendre n’importe quel album de James Hunter, on y trouvera toujours de bonnes raisons de s’émerveiller. Tiens, par exemple Kick It Around, paru en 1999 et produit par Boz Boorer, l’homme qui veille à présent sur le destin musical de Morrissey et qui fut un temps l’âme du rockab britannique avec les Polecats. On trouve sur cet album une merveille intitulée «Mollena», une sorte de balladif visité par la grâce, avec des chœurs d’hommes qui fondent comme du beurre dans les accords de cuivres. Ou encore «It’s Easy To Say», une sorte de mambo de rêve. James Hunter en épouse les courbes à la perfection. Il joue à l’apogée du style. Les joueurs de saxophone coulent de l’or dans sa voix colorée. D’ailleurs, c’est exactement ce qu’on vit sur scène à la Traverse : le sax ténor et le sax baryton transformaient le plomb du son en or des alchimistes. James Hunter chante son morceau titre avec le timbre de Johnny Gee, c’est-à-dire Johnny Guitar Watson. Et chaque fois qu’il tape dans le r’n’b, il fait des heureux. La preuve ? «Better Back Next Time». C’est du très haut de gamme à l’Anglaise. Ses goodbye baby sont des modèles du genre. Il peut flirter avec le Blue Beat comme on le constate à l’écoute de «Dearest». Il n’en finit plus d’affoler les lapins blancs. «Believe Me Baby» somme comme l’un des plus gros classiques de blues de Soul de tous les temps et «Night Bus» comme un hit des MGs.

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    On voit bien qu’en 2006, James Hunter essayait de percer. On le traitait de buried treasure, de trésor caché. C’est en tous les cas ce qu’indique le sticker collé sur la pochette de People Gonna Talk. L’album est d’autant plus précieux qu’il est enregistré au Toe Rag Studio de Liam Watson. Ça démarre avec le morceau titre qui sonne comme un rêve de calypso finement teinté de blue beat. On peut même parler ici d’assise fondamentale. Et avec «No Smoke Without Fire», il nous fait le coup du funky stuff à la Famous Flames, pas moins. Il renoue avec l’extase du blue beat dans «You Can’t Win». James Hunter fait penser au porteur de flamme de la préhistoire, tel que le montre Jean-Jacques Annaud dans La guerre Du Feu. Il passe ensuite au swing de jazz avec «Riot In My Heart» - Baby don’t you know - Il swingue comme tous ces vieux big bands de Los Angeles, on a là un cut hyper joué, cuivré de frais et James Hunter joue goulûment sur sa Gibson jaune. Il surchante son jive à un point inimaginable. Le voilà parti chez Benny Goodman. On le voit aussi claquer des breaks de guitar-slinger dans «Kick It Around». Il fait de l’art en permanence. On pourrait qualifier «Don’t Come Back» de groove hunterien et «It’s Easy To Say» de bluette tortillée du cul. Les racines calypso remontent au devant du mix. On a là une fois de plus une merveille de délicatesse. Il termine avec un vieux shoot de heavy blues intitulé «All Through Cryin’».

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    Sur la pochette de The Hard Way, on le voit justement gratter sa Gibson jaune. Dès le morceau titre, il flûte son chant de glotte fêlée. Il semble s’améliorer avec l’âge. On a là une superbe pièce de pop ultra-conservatrice et petite cerise sur le gâteau, Allen Toussaint fait le guest. James Hunter cultive l’à veau l’eau du doux. On note aussi l’extraordinaire succulence de sa prestance dans «Tell Her». On reste dans l’enchaînement magique avec «Don’t Do Me No Favours», un cut jivy et juicy à la fois. Tout ce qu’il fait tape dans le mille. Il sort un son plein de vie, frétillant, digne du printemps, totalement sélectif, nah nah nah et vlan, paf ! Il repart en solo sec de picking, il joue la carte de l’âcreté et un solo d’orgue vient le chapeauter. Quelle décoction ! Il revient au mambo avec «Carina». C’est son terrain de prédilection. Il aime ça, oh Carina ! Les accords de sax viennent saluer les canons de la beauté pure. Il passe au shuffle d’anticipation londonienne avec «She’s Got Away». Il renoue avec le style de Georgie Fame, mais jette toute sa niaque dans la balance. C’est jivé à l’orgue. Il se situe ici dans l’essence du early British Beat, celui du Ronnie Scott Club. Il revient jazzer le groove dans «Ain’t Got Nowhere». Malheur aux oreilles incultes ! James Hunter repart en tagada de mauvaise gamme et claque ses notes à la volée. Il termine avec un «Stange But True» excessivement brillant. Il crée la sensation à la seule force du poignet. Rien qu’en jouant de la guitare, il est écœurant d’excellence.

    Signé : Cazengler, Hunter-minable

    James Hunter Six. L’Escale. Cléon (76). 10 mars 2018

    Howlin Wilf & the Vee-Jays, Cry Wilf! Big Beat Records 1986

    James Hunter. Believe What I Say. Ace 1996

    James Hunter. Kick It Around. Ruf Records 1999

    James Hunter. People Gonna Talk. Rounder Records 2006

    James Hunter. The Hard Way. Hear Music 2008

    James Hunter Six. Minute By Minute. Daptone Records 2013

    James Hunter Six. Hold On. Daptone Records 2016

    James Hunter Six. Whatever It Takes. Daptone Records 2018

    Paul Ritchie : Heavy Hitter. Shindig #75 - January 2018

     

    11 / 05 / 2018 / TROYES

    3B

    THE DEVIL'S cUT COMBO

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    Trois semaines sans voir un concert – c'est qu'en Ariège le rock'n'roll ne court pas les rues – suis prêt à donner mon corps à la science ( d'une jolie and expert country gal ), voire à signer un pacte faustien avec le diable, justement le grand cornu l'a délégué un de ces combos au 3B. La teuf-teuf y court, y vole et y plonge. Nous voici déjà devant le troquet, le quai pas de trop, où ce soir fait escale un rafiot venu tout droit d'Angleterre. Du Kent, pour ceux qui sont friands de précisions géographiques.

     

    THE DEVIL'S CUT COMBO

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    Le diable vous prend toujours par surprise. Vous croyez que pour concocter une de ces mixtures empoisonnées dont il détient le secret il vous convoquera dans les antres obscurs de ses cuisines infernales, erreur sur toute la ligne. Souffle coupé, je ne reconnais plus le 3 B. On me l'a changé. Métamorphosé. Jugez-en par vous même. L'on se croirait dans le décor d'une pièce d'Alfred de Musset. Piano droit sur la droite, avec lampe de chevet, escarpin effilé,  fiasque ambrée,  posés religieusement sur le plateau supérieur, une austère contrebasse sur la gauche, mais c'est au fond qu'il faut chercher l'erreur, caisse claire, cymbale et chalerston, l'incongruité est posée juste à côté, un magnifique abat-jour de salon à motif fleuri suranné, plus les franges comme on n'en fait plus depuis Louis XVI, campé fièrement sur son pied torsadé, exhibé tel le labarum sacré d'une légion romaine en marche.

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    En tout cas nos légionnaires ne portent pas le cimier réglementaire, tout au plus une large casquette qui leur mange le haut du crâne, pantalon-pro-zazou à larges bretelles, chemises blanches rehaussées de cravates fauves parsemées de teintes rouges, z'ont le look et l'allure classieuse des fils de bonne famille des années vingt décidés à s'amuser. Follement.

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    Bill Renwick égrène les premières notes de Hot Porc, tout de suite ça remue salement, boogise à mort, mais la surprise ne vient pas de là, la batterie bat le rappel et Paul touche à sa big mama. Un doigt, deux doigts, z'avez l'impression qu'un orchestre de quarante musicos vient de démarrer, une épaisseur de son délirante, jamais entendu cela de toute ma vie, un volume sonore jamais égalé, et le bat-man comment fait-il pour taper si fort sur sa clairette, ça tonne comme une grosse caisse ! Invisible cylindre pourtant. Ruse anglaise ! Croyais que la caisse posée négligemment devant était juste un élément du décor servant à placarder une affiche old-age, ben non, c'est un gros caisson à pédale trafiqué qui sert de grosse Bertha. Comprends un peu mieux le mystère de cette intumescence, chaque fois que Paul tire sur une corde, la royal navy derrière vous lâche en douce un exocet sous la ligne de flottaison, cela demande une précision diabolique, mais vous pondent le bébé automatiquement sans même y penser. Bill possède un micro qui lui surgit d'entre les jambes, un périscope de sous-marin qui observe la côte ennemie, mais il ne s'en sert que pour les chœurs, le vocal est assuré par Robert Hiller, infatigable, l'on ne saura jamais comment au bout de trois sets ses cordes vocales ne se sont pas cisaillées toute seules, même pas éraillées d'un demi-dixième de ton, y met tant de cœur et de vaillance que pour un peu on en oublierait la grosse guitare jazz qu'il tient entre ses mains.

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    L'a l'art de passer les accords comme vous négociez les doubles zigzag dans une course de côtes, à tous moments vous vous dites qu'il n'y parviendra pas, qu'il va y avoir de la tôle froissée et du sang sur le pare-brise, vous verriez la maestria avec laquelle il se faufile dans les épingles à cheveux, les deux roues à vide sur le précipice mais le moteur en reprise qui vous pousse un glapissement de renard écorché vif et déjà les quatre pneus vous dégomment l'asphalte à toute vitesse.

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    Je me répète Bill est au piano, non c'est un mensonge, c'est un synthé(atti)seur qu'ils ont encastré dans le vieux meuble, s'il n'y avait pas le voyant vert allumé vous n'y verriez que du feu. Les deux mains de chaque côté du clavier – oui docteur, c'est grave et le mal est aigu – mirez bien les touches, vous les caresse à la façon d'un kleptomane, l'a ses trucs, la senestre qui pompe à mort un tangage de feu roulant comme pour un massage cardiaque et la dextre qui insiste plus de trente fois sur la même note, z'avez l'impression d'un fa-dièse épileptique secoué de commotion cérébrale, ne parlons même pas de ces tranchants de karaté – uniquement de la main gauche – mais ce que je préfère c'est quand il réunit ses deux battoirs – assez larges pour y découper la dinde de Noël - qu'il écarte les doigts, laisse le tout retomber, un dessin animé de deux pattes de canard qui claudiquent gravement vers la marre salvatrice et en même temps l'allure d'un prêtre qui s'en vient à toutes jambes vous refiler l'onction finale.

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    Le guy avec ses baguettes sur sa chaise c'est George Chessman. L'est blond comme un anglais et vous a la distinction british au dernier degré. Visage en lame de couteau et sourire enjôleur. Le gars qui ne peut se retenir de s'incliner pour faire un baise-main à la première demoiselle qui passe et qui vous envoie un direct mortel au foie du garçon-coiffeur qui l'accompagne. Genre amiral Nelson sur le Victory, n'arrête pas par en dessous de faire tonner son plus gros canon de marine, et par dessus il peaufine, un battement de charley par-ci ou par-là, l'a l'air de réfléchir profondément avant de vous tapoter un rythme sur la caisse claire, un coup de cymbale par hasard, en fait un feu de mousqueterie, une grêle de balles meurtrières qui vous tombent dessus sans crier gare, rigolard qui tape dans le lard et hilare dare-dare, le train entre en gare et vous roule dessus.

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    Paul Kish l'a kitché sa casquette sur la hampe de la big-mama. S'en sert comme d'un porte-manteau. De temps en temps il condescend à toucher une corde. C'est comme pour les verres, avec trois doigts c'est bonjour les dégâts. Un chasseur à l'affût. Un tireur d'élite. Touche la cible à chaque fois. Souvenez-vous que c'est vous. Entre les deux yeux. Vous n'y voyez que du bleu. Marron à tous les coups. Le pire c'est qu'il engendre le son le plus sinueux que je n'ai jamais entendu. De ses gros fingers boudinés à peine a-t-il frôlé une corde qu'une symphonie d'harmoniques s'échappent des esses de sa big mama comme un essaim d'abeilles dont vous venez de renverser la ruche. Des venimeuses, des colériques, non ça ne bruisse pas comme un rideau de soie froufrouté par une légère brise, ça vous aboie dessus comme un saxophone atteint de delirium tremens.

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    Je vous préviens, ces quatre gars sont dangereux. Seuls, pris un par un, vous avez une chance sur mille de les abattre, hélas, ils sont toujours tous les quatre au taquet. Jouent ensemble comme un seul homme. S'arrêtent de temps en temps pour se servir un   gobelet de whisky. Un rituel que l'on sent profondément ancré, qui leur sert de grigri. De grizzli plutôt. Jugez-en par les titres : Pass the Bottle to Me, Botton Shelf Bourbon Meldown, Monkey Shoulder, apparemment ne sont pas des fans du retour de la prohibition. Convenons que pour l'énergie qu'ils dégagent, z'ont besoin d'un carburant hyper vitaminé. N'ont pas arrêté de stomper comme des fous furieux. Les titres parlent d'eux-mêmes, Stomp the boogie, Shake that Boogie Baby, en plus vous trompent sur la marchandise, Be Cool, Quiet Bay, furent des espèces de tornades endiablées, à vous déraciner les gratte-ciels de Manhattan. Trois sets, bien sûr puisque 3 B, le premier avec un arrière-goût de pulsion jazz-swing, le deuxième qui vous a stompé le public à mort, et le troisième, carrément rock'n'roll, cite Bill Haley mais sans ajout cuivré, pour la simple raison qu'ils vous démolissent le bastringue avec une telle force que vous n'en ressentez pas le besoin.

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    Peu de monde – il faut l'avouer – sur les trois premiers morceaux et puis la déferlante, la salle n'a pas débourré – sometimes words have two meanings – d'un iota, un embrasement total, une frénésie innombrable, une chienlit  aurait proclamé le fameux Général, des danseurs fous dans la foule agglutinée. Des cris, des applaudissements, des rires, des corps contorsionnés. Un tabac monstre, que dis-je un bar-tabac avec PMU et brasserie, une soirée de folie. Un orchestre swing nous avait annoncé Béatrice la patronne – que nos englishes n'ont cessé d'appeler Misstress, le surnom lui restera-t-il ? - l'aurait dû préciser des fous furieux de la pulsation, des acharnés du jump, des rockers. Ni plus, ni moins.

    Une mention spéciale à Fab pour le son et à Laura qui du haut de ses dix ans lors du deuxième interset a su établir un dialogue des plus enlevés avec nos musiciens d'outre-Manche, manifestement ravis.

    Damie Chad.

    ( Photos : FB : Béatrice Berlot / Fabien Hubert )

    12 / 05 / 2018

    LA COMEDIA / MONTREUIL

    95ALLSTAR PUNK' EVENT

    CHEPA / MATOS DE MERDE / SUBSELF

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    Toujours en manque de concerts. Direction immédiate ce dimanche soir vers La Comedia. J'y trouverais bien un os à ronger. Pas de panique, y en avait trois. Avec beaucoup de viande autour. Du premier choix. Bien saignante. La Comedia, ce n'est pas la galerie des Glaces de Versailles. C'est beaucoup mieux, au petit matin vous pouvez vous regarder sans rougir dans le miroir. Avec son entrée à prix libre, son décor déglingué, sa faune rock, son cordial Rachid, et sa programmation sans concession, l'est un des bars les plus rock'n'roll du pays. L'est à parier que dans deux quarts de siècle, les promoteurs avisés vous en feront une reproduction à l'identique pour les touristes. Aseptisés et sans futur. Sans présent aussi, ce qui est beaucoup plus triste.

    MATOS DE MERDE

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    Un poème punk en trois mots. Ne prenez pas Matos de Merde pour un groupe misérabiliste. Juste un ras-le-bol enragé. Dés-esthétisé, ce qui est déjà un parti-pris esthétique de grande virulence. Cinq sur scène. Deux chanteurs, le grand luxe en quelque sorte. Des paroles en français, inutile de tricher viennent du 91, des alentours de Juvisy. Paddy est aux drums. L'est la base. Il drume comme les nageurs crawlent. A force de bras. Vous martèle la chanson du début à la fin, sans queue ni tête, parce que cela ne s'arrête jamais. Et qu'il n'y a jamais eu de commencement à la rage de vivre. Et de mourir. Le punch rabique est inné. Vous l'avez. Ou pas. Inutile de venir vous plaindre si vous nêtes pas touché par la foudre. Z'avez sûrement dû rater quelque chose dans le ventre de votre mère. Donc ce roulement et puis à intervalles réguliers cette volée de bois vert asséné sur la caisse. Un galvaniseur d'énergie. Lorsque vous avez en magasin cette ruée vers l'or noir de la colère, ne vous reste plus qu'à plaquer les riffs de guitare. Le bruit pour se faire entendre. L'un qui vient de clouer le cercueil et les deux autres qui vous le brisent de breaks incandescents. Mrick qui arrose et vous froisse les oreilles de délicieux orages torrentiels et Aladin qui vous colmate les brèches par en-dessous. Deux mauvais larrons en foire qui s'entendent à casser les merveilles. Un rock dur et violent, super bien en place. Kefran crête échevelée et vocal mordant. Vous plante les mots comme des crocs de requins, la vindicte l'habite, l'a la classe, basse hargneuse en bandoulière, laisse souvent le vocal à Flo, qui assène les scènes chocs, chante et danse de l'ours, dommage que le chant n'ait été plus en avant de la pâte sonore. C'est sûr que cette manière de mêler voix et musique fait partie de l'éthique égalitariste punk mais des paroles comme La Rage Dedans, J'envoie tout Chier et TPTG auraient à gagner à être davantage perçues. Un set mené de main de maîtres. Un seul bémol à mon goût l'Everybody final qui sonnait trop ska, le mauvais côté du Clash. Mais un parcours sans faute.

    SUBSELF

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    Une set-list aussi longue qu'un marathon. L'on va vite comprendre pourquoi. N'auront qu'à jouer dix secondes pour nous en persuader. Subself, est un comprimé d'énergie pure. La décharge d'une pile atomique au radium. Dès la première note, l'on sait que ça déchire. Barrez tout de suite le ça, déchire tout court. Une déchirure, point à la ligne. Formation minimale, batterie, guitare, basse. Plus un chanteur. N'a pas le temps de vous envoûter de trémolos raciniens. L'est à l'unisson des trois autres barbares. Vous décharge interdite, tout et tout de suite. Un break de drum, une guitare en agonie, un appuyé de noir profond à la basse et un dégueuli de vocal gerbé qui vous éclabousse de haut en bas, de l'âme jusqu'aux pieds.

    Moins de trois minutes pour vaincre. Se moquent de vous convaincre. Préfèrent vous tuer sur place. Inutile de venir se plaindre. N'ont pas de temps à perdre. Vous envoient le splash en pleine gueule. Eux-mêmes sont exsangues à la fin de chaque morceau. Ont besoin de reprendre leur souffle. C'est d'ailleurs là la seule faiblesse de leur prestation sauvage. Pas bien longtemps, un maxi-maximum de vingt secondes, mais mal placées, donnent l'impression de ne plus rien maîtriser, y a comme un vide, un espace de trop, une coupure dans le film, une page sautée dans le roman, une béance, l'on aimerait – non pas qu'ils reprennent leur marche tout de suite car vu la décharge physique cela paraît impossible – mais que ces trous dans le gruyère sonore soient davantage pris en compte dans la scénographie existentielle de l'artefact rock'n'rollesque. Ne rien laisser au hasard. Penser à Mallarmé qui assurait que le blanc des marges et inter-strophique était l'élément le plus important d'un poème. Ou alors compter sur l'exaltation de l'assistance. Savoir magnifier la montée d'adrénaline suscitée par le vomito pantagruellique de l'orgie sonore. Ce qui demande vraisemblablement un public plus nombreux. Ce qui ce soir n'est pas le cas.

    N'empêche que Subself subjugue. Chaque morceau s'inscrit dans l'éjection d'une parabole parfaite. Des titres qui claquent comme des drapeaux de haine sur des barricades : Vermin, Consumerist Fever, Collective Will, I shot the Devil, Mister K, I Deal with God... de la bonne avoine additionnée de bourbon pour les chevaux fourbus d'une population encalminée dans les eaux plates de l'inaction. Subself vous remue salement de fond en comble. Ne vous ménage pas. Vous coagule la mayonnaise du cerveau en moins de trois. Musique radicale. Tout ce que nous aimons.

    CHEPA

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    Chépa qui c'est, mais vais vite finir par le savoir. Z'ont un batteur. Rien qu'à voir la précision maniaque avec laquelle il a monté ses fûts, l'on devina que c'était le genre de gars qui a dû à lui tout seul réinventer la machine à baratter le beurre à l'âge de cinq ans. Quand il s'est mis derrière les toms, l'on a su qu'on ne s'était pas trompé. Torse nu, teint glabre et cet air de batracien fou, une tête d'affolé, le mec qui vous fait un break d'enfer et dans sa tête il se dit qu'il aurait peut-être dû rajouter un coup de baguette de plus sur la cymbale, l'obéit à une règle simple, jamais moins que le maximum, toujours plus que l'impossible, en quête de la perfection absolue, donne tout ce qu'il a et rajoute en prime ce qu'il n'a pas, l'on ne chépa, ça peut toujours servir. Avec un tel roulement à billes c'est du tout cuit pour les autres. N'ont qu'à se laisser porter par le vent.

    Mais leur orgueil le leur interdit. Vous pagaient de toutes leurs forces pour se maintenir à niveau. Guitares tintamarre à gogo et basse qui file à quinze nœuds coulants. Z'ont un chanteur aussi. Le mettent devant. Imposant comme une tour de château fort. L'a du coffre, chante sans effort mais quand la musique devient trop forte il s'emporte et se met à growler comme dans un combo métallique. Pas très longtemps. Punk is not dead. Ne bouge que très peu, ne se perd pas en gestes emphatiques ou mélodramatiques. N'en dégage pas moins une charismatique présence. Paroles violentes, Fuck, Je Crache, Politique, Le Boucher, Chépa ne fait pas dans la dentelle.

    Chépa c'est comme une pierre qui roule depuis le sommet de la montagne. Au début, pas de pitié, vous écrase tout sur son passage, les femmes et les enfants d'abord, l'on en redemande, mais pente après pente le cailloux prend de la vitesse, l'est catapulté par son propre poids et son allure croissante, l'en arrive à ne plus toucher terre et à glisser sur le coussin d'air que son déplacement suscite. A tel point que parfois le son perd de son âpreté punkéosidale et se transforme en chant de liesse alternative. En tout cas, ça plaît aux garçons, s'entrechoquent comme des boules de billards sur le tatami. Moins gracieux que les filles qui se refusent – une fois n'est pas coutume à la Comedia - à entrer dans ces danses d'ours débonnaires.

    Chépa festif remporte la mise. Rafle les cœurs et la sympathie.

     

    Une bonne soirée, revigorante à souhait. Un monde éclectique, un guitariste qui entend pour la première fois parler de Bo Diddley, un vieux rocker qui ne tarit pas d'éloges sur le jeu d'Eddie Cochran, et un lycéen venu de Brest pour passer une soirée sympa avec les copains... les strates du rock'n'roll, le millefeuille explosif.

    Damie Chad

    L'ARAIGNEE AU PLAFOND

    Mildred : chant, flûte / Eva : choeurs, percussions / Guillaume : choeurs, percussions / Phil-Lou : batterie / Enil : piano, synthé / Typhaine : clarinette / Ruben : saxophone alto et ténor / Bob : guitare / Kim basse

    Enregistrement et mixage par Stéphane Bachelet à : Le Studio d'à Côté / Jouy-Le-Châtel 77 970 /

    Spider Circus Production / 2018 / SCAAP01 /

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    Franchement qui parviendrait à caser une telle smala sur une pochette ! Pour une fois la folle aragne a fait preuve de sagesse, s'est elle-même reléguée en quatrième de couverture, en réunion de famille mafieuse, z'ont refilé le bébé à Bérénice Dautry, une voisine qui a honoré le contrat en vraie pro. Pour le baby, pas de panique, l'ont emmailloté en momie égyptienne et vogue la galère, s'en sont débarrassé en le jetant à l'eau, à la nevermind. Lui ont offert tout de go le nirvana, bref un malheureux de moins sur terre. Ne soyez pas hypocrites, ne faites pas semblant d'être indignés, ne les accusez pas de cruauté, c'est spécifié sur la pochette, ils l'avaient loué. N'empêche que la découpe de ce clodo-hobo-saxo-solo qui pète le feu exprime merveilleusement la rock'n'roll attitude dèche rebelle. A contempler.

     

    Alcoholize yer name : toute la fanfare qui déboule en trombe, et hop comme par miracle, l'attaque foudroyante se transforme en collier de perles. Et puis en écrin pour le diamant le plus pur, la voix de Midred aux facettes coupantes. Une maîtrise stupéfiante, un squash vocal d'une perfection absolue, et la tribu derrière qui se permet d'étonnantes virevoltes au trapèze volant, mais Mildred n'en rebondit que plus follement dans les étoiles. Facilité déconcertante. Shoes : chaussent leurs chaussures de luxe. Une longue cavalcade musicale, un point de poussière à l'horizon qui grossit, grossit, grossit jusqu'à ce que Mildred se lance dans ce qu'il faut se résoudre à appeler un étonnant solo vocal – pratiquement voscat – des chœurs et des cuivres qui vous allongent la sauce au poivre, tandis que la voix coupante de Mildred caracole sur les hauteurs. Nothing else matters : reprise de Metallica, la ballade qui tue, une montée graduelle vers l'extase, avec station agonique sur le chemin de croix, le combo processionne emphatiquement et Mildred énonce les stations des saisons en enfer intérieures. Ne l'écoutez pas, sans quoi sa voix sera votre perdition. Judas : un truc à vous rendre gaga, des cuivres qui tirebouchonnent et la voix de Mildred impérieuse comme une trahison. Musique de cirque et les éléphants qui jouent au ping-pong avec la ballerine qu'ils envoient valser en l'air sans qu'elle perde son sang-froid et son souffle. Chase halt : ( + Alain Guillard à la flûte ) : dans la lignée du précédent, une espèce de duo à un seul partenaire, Mildred en meneuse de revue, un brin de Broadway, Mildred tambour battant, l'orchestre qui se faufile derrière la flûte, c'est si bon qu'ils remettent le compteur à zéro à plusieurs reprises et que l'on ne s'en lasse pas. Lonely boy : pointillés de guitare en tintements de clefs, et ouverture cuivrée, et l'orchestre qui se presse derrière, c'est un peu le morceau des musiciens, une belle parade, s'en donnent à cœur joie, les interventions de Mildred leur permettant de montrer leur virtuosité à coller à sa voix qui joue aux montagnes russes. Fortunate son : retour au rock'n'roll, Mildred en pointe, la voix en haut, et l'orchestre qui se permet d'audacieux ralentis, un saxo à la Clarence Clemons, et des choeurs à la devil Stones dans le barnum final. Papa Bob est un sacré arrangeur. Kingdom of a secondhand mind : ( + Stéphane Bachelet dans les chœurs ) : troisième morceau original ( avec le premier et Chase Halt ) de Mister Bob et pas de seconde main : Enlil au clavier, flots lents et majestueux, la voix de Mildred comme une caresse sur une blessure qui refuse de cicatriser, douceur des chœurs, Mildred parcourt les solitudes glacées du dedans, cuivres funèbres, le morceau s'arrête comme la vie au moment de la mort.

     

    Ce premier disque de L'Araignée au Plafond est une surprenante réussite. Le groupe a su canaliser sa fougue scénique et réaliser un huit titres étonnant qui marque bien la maturité précédemment acquise. Nous l'évoquions dans notre chronique 366 du 22 / 03 / 2018. A su progresser sans se renier. Mildred se joue des difficultés, impose une modernité du chant qui s'intègre magnifiquement dans une esthétique de saltimbanques. Bizarrement, malgré tout ce qui l'en sépare, ce disque renoue avec le capharnaüm américain des années vingt lorsque la musique noire explosait dans toutes les directions. Le mouvement rock s'est focalisé au plus près de ses racines sur le blues rural et urbain, tout en oubliant les joyeuses fanfares entertainementesques de la New Orleans. Par quel mystère, quelles influences l'Araignée au Plafond rejoint-elle cette veine exubérante et mélodramatique du music-hall noir, nous n'en savons rien, ce qui est sûr c'est qu'il n'y a pas sur le marché français actuellement de tels artefacts qui atteignent à cette qualité.

    Damie Chad

    JUKEBOX N° 377

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    Jukebox 377 – Kr'tnt ! 374. Le score s'amenuise. Nous les dépasserons au mois de juin ! Trêve d'enfantillages ! Passons aux choses sérieuses. Eddy Mitchell en couverture. Avec interview. De 1972 ! Chez Jukebox l'on repasse les plats de l'avant-avant-veille ! En plus je l'avais lue à l'époque ! Du temps où Schmall pédalait dans la choucroute et s'éloignait à tire d'ailes du rock'n'roll. En plus se pose un peu en monsieur-qui-sait-tout et en insupportable donneur de leçon. N'avait pourtant pas de quoi pavaner alors qu'il venait de sortir des horreurs comme L'arc-en-ciel et Le Vieil Arbre. En plus se permet de critiquer les Who et d'admettre du bout des lèvres la validité de Cream... Heureusement, à la même époque Dick Rivers se lançait dans l'aventure du retour aux sources. Faudra encore attendre deux ans pour qu'Eddy s'envole vers Memphis... Bref pour les nouveautés, lire la rubrique Actualités de Jean-William Thoury et ses chroniques de disques. Dans la revue Livres ne ratez pas la kro d'Alicia Fiorucci sur la bio de Bon Scott et celle sur Jimmy Page de Tony Marlow.

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    C'est d'ailleurs pour Tony Marlow que j'ai acheté la revue. Marlou le récidiviste. Nous avait enchanté avec ses articles consacrés aux guitaristes des pionniers, et voici qu'il recommence. Nous prophétisons un tome II au Jukebox spécial Rock'n'roll Guitare Heros ( de Scotty More à Brian Setzer ), recollection de papiers égrenés sur plusieurs années, paru en 2017, car Tony entame la nouvelle série avec Grady Martin, un peu le Big Jim Sullivan des pionniers, qui n'apparaît nulle part mais que l'on retrouve partout, derrière ( adverbe mal choisi ) en première ligne avec Johnny Horton, Johnny Carrol, Johnny Burnette et Johnny Hallyday. Devait aimer le prénom ! Mais aussi aux séances de Brenda Lee, de Janis Martin, de Roy Orbison, de Willie Nelson et d'Elvis Presley bien sûr ! Ne cherchez pas, dès que ça sonne bien sur un disque des années 50 - 60 vous avez toutes les chances de retrouver sa signature dans les crédits. Fut avant tout un guitariste de studio, mais si son nom n'a pas dépassé les frontières des amateurs c'est vraisemblablement à cause de cette aisance intuitive à coller systématiquement au morceau qu'il accompagnait. Grady Martin est le guitariste caméléon par excellence, le gars qui vous pose le solo d'une telle perfection qu'il s'impose avec une telle évidence qu'il semble avoir été créé de toute éternité pour être mis sur ce titre précis. N'oubliez jamais que la couleur sable du serpent du désert participe de son attaque foudroyante. Ni vu, ni deviné, invisible et mortel. L'est le maître du solo camouflé qui se révèle être un camouflet pour tous les autres guitaristes.

    Chez Kr'tnt ! L'on évite de prononcer le nom de Grady Martin ( et du mythique Studio B ) devant Mister B, notre spécialiste guitare, devient fou ( de joie ) à chaque fois.

    Damie Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 246 : KR'TNT ! 366 : WOODY WOODMANSAY / L'ARAIGNEE AU PLAFOND / KING BAKER'S COMBO / LA BRUNE ET MOI / CANTATE POUR UN ASSASSIN

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 366

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    22 / 03 / 2018

    WOODY WOODMANSAY / L'ARAIGNEE AU PLAFOND

    KING BAKER'S COMBO / LA BRUNE ET MOI

    CANTATE POUR UN ASSASSIN

    Woods do you love

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    Tiens, Woody Woodmansay vient de publier ses mémoires de Spider ! Très intéressant ! Pourquoi ? Parce qu’il participa à l’ascension et au déclin brutal de Ziggy Stardust & The Spiders From Mars, l’un des épisodes les plus fulgurants de l’histoire du rock anglais. Pourquoi fulgurant ? Parce qu’il ne dura que deux ans. C’est très court, à l’échelle de l’univers. Tout juste le temps d’enregistrer cinq albums qui figurent parmi les plus grands classiques du rock anglais : The Man Who Sold The World (1971), Hunky Dory (1971), The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars (1972), Aladdin Sane (1973) et Pin Ups (1973) - Notons que Woods ne joue pas sur Pin Ups. Tony Defries venait de le virer comme un chien.

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    Woods ? C’est ainsi que son vieux pote Ronno l’appelait. Woods et Ronno venaient de Hull, une ville côtière de Nord de l’Angleterre, côté Mer du Nord. Bowie venait tout juste d’embaucher Ronno et dans la foulée, il lui posa la question fatale :

    — Connaîtrais-tu un batteur, par hasard ?

    — No probs, Dave !

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    Eh oui, il en connaissait un, et un bon ! Woods ! Juste avant d’aller tenter sa chance à Londres, Ronno jouait avec lui dans les Rats, un groupe de Hull qui comme des milliers d’autres à l’époque, écumait les scènes régionales. Et pouf, par un beau jour de 1971, Woods débarqua chez Bowie qui louait une grande demeure nommée Haddon Hall, à Beckenham, en banlieue Sud de Londres.

    Voilà encore un livre qui s’avale d’un trait. Qu’est-ce qui fait la force de ce récit ? C’est tout simplement le regard candide que porte Woods sur les choses et les gens. On est aux antipodes des discours ronflants d’exégètes qui parlent de Bowie comme s’ils l’avaient connu. Pendant des décennies, on a vu fleurir dans la presse et dans les conversations des théories de coupeurs de cheveux en quatre tous plus informés les uns que les autres sur les tenants et les aboutissants de la Bowiemania. Woods ne se penche pas sur la psychologie de David Bowie. Il se contente de rapporter les choses telles qu’il les a vécues, pendant les deux ans passés à ses côtés, quasiment dans la même maison.

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    Ronno et lui dormaient sur un matelas, en haut du grand escalier conduisant au premier étage. Bowie et sa femme Angie disposaient d’une chambre, au rez-de-chaussée. Tony Visconti vivait aussi à Haddon Hall, avec Liz, sa femme. Il jouait le basse dans ce quatuor qui s’appelait encore the Hype. Une septième personne vivait là : l’Australien Roger Fry, chauffeur et roadie de Bowie. Il dormait lui aussi sur un matelas, mais sous l’escalier. Cette configuration ne vous rappelle rien ? Oui, la maison de Woodland Hills que loua Captain Beefheart pendant six mois pour y enfanter Trout Mask Replica. Tout le monde sous le même toit. Immersion totale dans la genèse du mythe.

    Woods a commencé par se faire virer de l’école. Il voulait absolument devenir batteur, contre l’avis de son père. Puis il bosse à l’usine de lunettes locale et quand on lui propose un job de contremaître, il refuse. Il préfère aller faire du rock à Londres. C’est là où Woods devient intéressant : il ne raisonne pas en termes de révolte adolescente, il se met au contraire à la place de ses parents. Il comprend ce qu’éprouvent ces pauvres gens qui ont lutté toute leur vie pour échapper à la pauvreté et qui voient horrifiés leur fils abandonner une ‘situation’ stable pour aller jouer de la batterie dans un groupe de rock, ce qui à leur yeux est pire que tout - Son père : «Are you bloody mad ? You’ve just been offered a foreman’s job at Vertex !» - Mais Woods y croit, il réfléchit très vite : il se dit que s’il ne donne pas suite au coup de fil de Bowie qui l’invite à venir s’installer à Londres, il pourrait le regretter toute sa vie.

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    Le plus intéressant de toute cette histoire, c’est qu’en 1970, Bowie n’est rien. À peine un petit nom dans la presse, avec un album qui ne marche pas. Il n’a même pas de chansons. Il commence à les écrire. Il cherche un son. Il sent confusément que Ronno peut l’aider. Ronno n’est là que pour ça. Woods débarque donc un beau jour à Haddon Hall. Il n’a que 19 ans et deux sacs contenant tout ce qu’il possède. Mais il vit très exactement ce que des milliers de kids rêvaient de vivre à cette époque. Tout fan de rock rêvait de jouer dans un groupe.

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    Bowie le reçoit bien. Ils s’installent au salon pour parler de musique. Woods trouve Bowie drôlement intéressant. Soudain, une blonde déboule dans le salon :

    Hi, I’m Angie Bowie. I’m David’s wife and I’m lesbian !

    Poli, Woods répond qu’il est Woody, mais il ne sait pas quoi penser. Il se dit qu’il sait ce qu’est une lesbienne, mais comme il n’a jamais pu converser avec l’une d’elles, il ne sait pas quoi faire de cette information. Ce sont ses mots exacts. Il se demande même pourquoi David l’a épousée si elle est lesbienne. I needed some time to think about it. Il doit prendre le temps d’y réfléchir. C’est tout Woods. Pas de jugement.

    Voilà, ce sont les seules révélations sexuelles que va faire Woods dans son récit. Comme tous les vrais fans de Bowie, Woods ne s’intéresse qu’à sa musique. Il va rester dix-huit mois à Haddon Hall. Ronno et lui sont payés sept livres par semaine. Angie donne les sous chaque semaine, de la main à la main. Pas de contrat. Verbal agreement - I was just happy to be a professional musician, in London, with a chance of making it. Woods a la grandeur d’âme de ne pas se plaindre.

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    La vie quotidienne à Haddon Hall est très civilisée. Pas de débauche. Bowie ne boit pas. Pas de drogues non plus - The odd lager, but that was it - Ronno et Woods ne touchent à rien, eux non plus. No drink, no smoke. Bowie, Woods, Ronno et Tony aménagent un coin pour répéter. Et c’est là que les cuts de The Man Who Sold The World prennent forme - Bowie was experimenting with a new sound - Il passe en effet du poppy folky folkah qui le fit connaître à Londres à un son plus heavy rock. Selon Woods, personne ne savait dans quelle direction avancer - None of us - least of all Bowie - knew what direction was right for us - En fait, c’est Ronno qui donne intuitivement le cap, avec du heavy rock mélodique. Bowie se jette à corps perdu dans l’aventure. Il faut écouter cet album génial qui n’a pas pris une seule ride, et notamment «The Width Of A Circle». Ce sacré Woods n’en finit plus de dire et de redire qu’il trouve les chansons fantastiques. Il est aux premières loges : il voit Bowie les composer et commencer à les jouer sur sa guitare. Ronno amène tout le gras-double. Woods sait depuis longtemps que Ronno a du génie. C’est Bowie qui dira plus tard que le tandem Ronno/Bowie valait bien le tandem Jagger/Richards. Rien de plus vrai.

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    Bowie profite aussi de cet album pour faire évoluer son look. Sur la pochette, il porte une robe. C’est assez provocateur, à une époque où les gens s’intéressent plus aux chanteurs poilus comme Robert Plant ou Paul Rogers. Woods en déduit que la pochette provocatrice n’aide pas l’album - A different cover might have done better - Bowie est trop en avance sur son époque, mais à part lui, qui le sait ?

    Une fois l’album enregistré, Bowie et ses amis voudraient bien partir en tournée, mais c’est compliqué, car ils n’ont pas de blé : pas de van, pas de sono. Ronno et Woods commencent à déchanter. Ils doivent se débrouiller avec leurs bagnoles et les moyens du bord. Un jour, alors qu’ils doivent rejoindre Bowie à Leeds pour un concert, ils décident tous les deux de rentrer à Hull. Ils y redémarrent un groupe nommé Ronno avec Tony Visconti lui aussi débarqué à Hull et ils engagent un deuxième bassman, l’excellent Trevor Bolder.

    Et le concert de Leeds ? Bowie joue seul, avec sa guitare.

    S’il est un mec déterminé en Angleterre, c’est bien David Bowie. Il parvient à trouver un nouveau management et donc des moyens financiers. Il appelle aussitôt Ronno pour lui demander de revenir à Londres, avec un batteur et un bassiste, car Tony Visconti n’est plus disponible. Voilà, c’est aussi simple que ça. Pour des gens aussi normaux que Woods et Ronno, il était nécessaire que les choses se fassent simplement. Bowie l’avait bien compris.

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    Pourvu de moyens, Bowie se sent pousser des ailes et se met à composer des hits à la pelle, tous ceux qu’on va trouver sur Hunky Dory et Ziggy Stardust. Ronno et Woods passent de 7 livres à 50 livres la semaine. En plus, Bowie rentre tout excité des États-Unis où son nouveau manager Tony Defries l’avait envoyé promouvoir The Man Who Sold The World : il y a fait deux découvertes déterminantes : le Velvet et les Stooges. Il veut en faire profiter Woods, Ronno et Trev - Bowie played us music by the Velvet Underground, too, and we got off on the décadence of it - Bowie leur montre aussi un concert filmé des Stooges à Cincinnati, le fameux concert du peanut butter. Woods comprend l’importance capitale de ces deux groupes - There was definitely a spirit there. And that spirit influenced us profoundly - On ne saura jamais vraiment mesurer le rôle capital que jouent les influences. Et Bowie compose. Woods remarque un changement : ses chansons deviennent plus commerciales and definitely better - He’d grabbed that cult American scene feel and added it to the equation. The result was good music - Oui, Woods a raison, Bowie s’imprègne des Stooges et du Velvet, alors l’équation prend une sacrée allure. Ils enregistrent Hunky Dory avec Ken Scott, qui a travaillé sur Magical Mystery Tour et le White Album. Il n’y a pas de hasard, Balthazar. Bowie enregistre ses hits mirifiques en une seul prise, il veut que ça reste frais et spontané - It would be note-perfect in the first take - Il demande à Ken si c’est OK - Was that OK ? - Et Ken opine du chef. Woods s’émerveille. Quand Bowie enregistre «The Bewlay Brothers», Ken Scott lui demande sur quoi porte la chanson et Bowie lui répond qu’il n’en sait rien. Woods y perd déjà son latin, mais l’affaire se corse lorsque Bowie explique qu’il s’agit d’un palimpseste. Curieux de nature, Woods découvre dans un dictionnaire qu’un palimpseste est un vieux parchemin sur lequel on réécrit - That sums it up vey well - N’oublions pas que Woods est un chtio quinquin duch’ nord.

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    Puis ils passent tout naturellement à Ziggy Stardust et wham baam ! Tout explose, nouveau vent de folie sur l’Angleterre, deuxième vague après les Beatles, magnifique époque ! Le succès de Ziggy, les maquillages, les groupies, les tournées, tout cela est ultra-documenté. Woods et Ronno se décolorent les cheveux, et Angie teint les immenses rouflaquettes de Trev en argent, dans la même teinte que les cheveux de Pete Overend Watts. S’ensuit une première tournée américaine, puis une deuxième. Ronno, Trev et Woods consomment de la groupie, mais pas de drogues. Ils ne savent pas à cette époque que Bowie se goinfre de coke pour pouvoir tenir. En bon chtio quinquin duch’ nord, Woods se met à picoler. D’autant plus que les bouteilles sont gratuites. Alors il se déshinibe, histoire de pouvoir réussir à côtoyer la faune arty qui rôde autour de Ziggy Stardust. Mais Woods boit trop. Il devient très con quand il est rôti. Il en prend conscience - I knew I was a pain in the arse when I was drunk. It really made no sense.

    Woods est assez fier de pouvoir se réconcilier avec son père. Les Spiders jouent au Bridlington Spa, dans le Yorkshire et son père vient le féliciter : «Bloody hell, lad, you can play them drums !» (Ben dis donc mon chtio quinquin, tu bats ça sec !)

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    Après le Rise vient toujours le Fall : Bowie commence à dérailler. Trop de pression. C’est inhumain. Les gens ne peuvent pas se rendre compte. Mais Woods le voit. Il assiste au Fall en direct. Il est aux premières loges. Bowie commence par prendre ses distances avec les Spiders. Plus de contact, sauf sur scène. Woods découvrira plus tard que le problème vient des drogues. Les Spiders n’y touchaient pas - Mick and Trev certainly never did coke, as far as I knew. Et pour arrêter cette machine infernale, Bowie liquide Ziggy Stardust lors d’un ultime concert à l’Hammersmith - He was having a hard time with the monster he had created and he was losing control of it, because Ziggy Strdust was more powerful than David Bowie. At least that’s how I saw it. (Il ne parvenait plus à contrôler le monstre qu’il avait inventé, Ziggy Stardust écrabouillait David Bowie, du moins, c’est ce que j’ai vu).

    Évidemment, le soir du concert, personne n’est prévenu du rock’n’roll suicide. Pas même les Spiders. Ce soir-là, ils dégringolent du statut de superstars à celui de rien du tout. Woods n’a que 23 ans et il doit prendre ce qu’il appelle some big decisions. Un, il arrête de boire comme un trou, et deux, il arrête de baiser des groupies pour se rapprocher de sa fiancée June et se marier avec elle. Et le jour de son mariage, Tony Defries l’appelle pour lui dire qu’il est viré des Spiders - It knocked the shit out of me. I was lower than I’d ever felt in my life. Le jour le plus heureux de sa vie, Woods tombe au fond d’un gouffre.

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    Mais les Spiders doivent encore un album à RCA. Il vont au château d’Hérouville enregistrer Pin Ups. Sans Woods. Notre pauvre chtio quinquin en bave pour surmonter ça. Quand un peu plus tard il revoit son vieux pote Ronno et qu’il lui demande ce qu’il pense de sa liquidation, Ronno rétorque : «Tu sais bien que ça n’allait pas durer éternellement !» - which was very Yorkshire of him - Woods voulait pointer le manque de solidarité, mais il laisse tomber, car il sait que Ronno a lui aussi pas mal de problèmes.

    Voilà, c’est donc une histoire triste, celle d’un petit mec qui rêvait de jouer de la batterie dans un groupe et qui s’est retrouvé catapulté vers la gloire, dans ce qu’elle peut présenter de plus éphémère. Mais comme la plupart des chtios quinquins duch’ nord, il est solide et il encaisse. June et lui auront trois fils. Il continue à jouer en tant que session man pour des tas de célébrités, des gens du calibre d’Art Garfunkel.

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    Sous l’impulsion de Trev, les Spiders ont tenté de se reformer en 1976. Woods et lui ont reconstitué le groupe avec Pete McDonald au chant et Dave Black à la guitare. L’album est paru sur Pye. C’est loin d’être l’album du siècle. Le seul cut glam est celui qui ouvre le bal, «Sad Eyes». Dave Black y fait son Ronno, avec un jeu en vrille. Mais les autres cuts de l’album vont plus sur le groove de pop à la Steely Dan, pas inintéressant, mais ce n’est pas ce qu’on attend de gens qui ont joué sur Aladdin Sane. Un cut comme «(I Don’t Wanna Do No) Limbo» rappelle aussi Love Affair. On sent parfois le souffle de la grande pop anglaise, mais cette pop trop sensible s’éloigne considérablement du glam, et le fan de base y perd complètement son latin. Woods dit dans son livre que Ronno est venu jouer sur quelques morceaux, mais ces morceaux sont restés inédits, comme d’ailleurs beaucoup de choses que Ronno enregistra ici et là. Lorsqu’on consulte sa discographie à la fin de l’ouvrage de Weird And Gilli (The Spider With Platinum Hair), on s’effare de voir tant de choses coincées dans les vaults.

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    Woods est toujours en vie. Les photos du livre nous montrent un petit pépère rigolard et binoclard coiffé d’une casquette. Il monte encore sur scène avec Tony Visconti pour rejouer partout dans le monde les cuts de The Man Who Sold The World. Les gens aiment ça, d’après ce que nous dit Woods, dernier Spider vivant. Eh oui, Ronno, Trev et Bowie sont tous morts d’un petit cancer. On est bien peu de choses.

    Signé : Cazengler, knocked on Woods

    Woody Woodmansey. Spider From Mars: My Life with Bowie. Sidgwick & Jackson 2016

    Spiders From Mars. ST. Pye Records 1976

     

    16 / 11 / 2018 / GOUAIX

    LES PRES DE LA PRINCESSE

    L'ARAIGNEE AU PLAFOND

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    Temps pluvieux sur la Seine & Marne. Idéal pour faire du camping. Non, je n'ai pas une araignée au plafond, juste une dizaine qui s'agitent moultement dans les Prés de la Princesse. Un camping, pas très spartiate toutefois, rien à voir avec des toiles qui claquent au vent, des habitations en semi-dur. Mobil-homes immobilisés. On peut philosopher sur l'étrange idée de prendre ses vacances en ce département maudit, entre les inondations de la Seine et les déversements phyto-sanitaires ( un mot peu écologique ) à gros volumes de l'agriculture industrielle, mais comme dit Tante Agathe, il en faut pour tous les goûts, ce n'est pas de ma faute si les gens sont fous.

    Les aragnes sont au grand complet. Z'ont tissé leur toile dans le coin droit de le vaste salle de restauration, bénéficient d'une scène assez vaste – pas la toundra asiatique mais pas ridicule non plus – suffisante pour loger une batterie, deux percus, un synthé, et une section de cuivres et quelques autres... Public nombreux, les bestioles qui sévissent depuis plusieurs années dans les environs possèdent désormais un public fidèle qui les suit de concert en concert.

    L'ARAIGNEE AU PLAFOND

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    Pas vu les affreuses bestioles depuis la Fête de la Musique. Et quand le cat n'est pas là les araignées dansent. Ont mué. Se sont métamorphosées. Physiquement parlant. Du plus petit au plus grand. Prenez la jeune Eva, aux côtés de l'élégant Guillaume, en juin dernier c'était une fillette, en mars nous la retrouvons en adolescente espiègle, une parfaite comédienne, tous ont grandi, même la barbe du capitaine, cette espèce de toupet vindicatif raide comme un plumeau à poils de crin métallicaïen s'est allongé d'au moins six centimètres. Mais ce n'est pas tout, l'impression que ce n'est plus le même groupe, z'ont un son à vous rendre zinzin. Rien à voir avec tout ce qui a précédé. Force et amplitude. Moins rock, davantage funk festif mais super bien maîtrisé.

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    Devant les vents. Jeff au sax baryton qui barrit à lui tout seul tel un troupeau d'éléphants, un barytonnerre qui mugit à la manière de Zeus en colère sur son mont Olympe, l'écrase tout sur son passage, avec un doigté extraordinaire, juste ce qu'il faut, vous défonce la maison au bulldozer mais prend garde à ne point briser le service à thé en porcelaine de Saxe que vous préférez, c'est qu'autour de lui, il y a du monde, Ruben au sax – ténor ou alto – un pousse-au-crime, inutile de vous lamenter pour l'évacuation des déchets des ruines de la demeure, y met le feu, longues flammes dévorantes, combustion rapide. Une pétroleuse à ses côtés, comment fait-elle Typhaine pour tirer des sons aussi énormes de son espèce de fifrelet-clarinette dans lequel elle souffle sans répit, dans le genre, jette-moi-un peu d'essence sur le feu, elle est parfaite. L'expression section de cuivres serait très mal choisie, vaudrait mieux employer division blindée tellement ils ont le rythme chenillé au corps, ce soir sont les rois de la fête, cartonnent, pistonnent et poinçonnent, foncent et freinent, lancent et stoppent, à volonté, derrière ça suit les yeux fermés. Sont même fermement appuyés par les tambours. Une batterie tonitruante, grosse caisse en tête et un couple de percussion qui percutent au cutter effilé, n'entendent pas jouer les utilités, vous mènent le carnaval et la cavalcade, une véritable pantomime bruyante, changent de costume comme de rythme, chemise blanche ou canotier noir, un jeu de scènes et de mains vilaines à chaque nouveau titre, vous refilent l'image en plus du son. Collé contre le mur, on ne le voit pas mais on l'entend le synthé-attiseur. Pour lui les autres ne sont que des bricoleurs de génie, lui s'octroie le titre d'arrangeur, vous rafistole les morceaux en un tour de clavier, l'est le liant qui permet à la sauce au poivre de Cayenne de prendre. Force même un peu sur la dose. Mais l'on en reprend. Bref un beau remue-ménage. Maman Séverine est à la basse, peut être fière de sa couvée – dans la série c'est toujours mieux chez soi l'a volé quelques œufs chez les voisins - se débrouillent tous très bien sans elle, n'en rajoute pas moins quelques lignes de basse dans le capharnaüm, style ça ne peut pas faire de mal, idem pour papa-guitare, le pacha du vaisseau est un peu en retrait ce soir, ne va tout de même pas monter dans la mâture alors que ses hardis matelots peuvent le faire à sa place, tout le monde sait, lui le premier, que s'il n'était pas là ce ne serait pas aussi bien, alors il lève ses deux mains au-dessus de sa guitare, laisse s'écouler le temps, et puis vous laisse couler deux ou trois petites notes de rien du tout, quatre larmes de plomb fondu qui alchimise en or rayonnant le charivari de l'équipage. Juste pour rappeler à cette jeunesse trépidante que rien ne set de s'agiter, il suffit de passer la ligne d'arrivée en vainqueur.

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    Vous l'attendez tous. Mildred, is not dead. En première ligne, ne lui reste que peu de place sur l'estrade, ce n'est pas grave, on l'a vue avant tous les autres. L'a coupé ses cheveux longs. Hay, que Madona ! Signe d'indépendance féminine expliqueront les psychologues. Un T-shirt à maille transparente – toute corrélation avec les toiles arachnidiennes sera la bienvenue – la reine des araignées est parmi nous. Il en faut peu pour rendre le peuple que nous sommes heureux. Svelte et fine fille, sourire moqueur et voix tranchante. Ne sait pas rester immobile, danse sur place, remue son corps comme d'autres font miroiter des louis d'or, danse et piétine, s'écroule jusqu'à terre, vous prend deux secondes des poses alanguies de princesse au petit pois et se relève aussitôt comme une fleur. Le problème avec Mildred c'est son aisance insupportable – la souligne elle-même, profitez bien de ce moreau, il dure sept minutes, c'est le seul de la soirée qui sera lent, l'en profite même durant la traversée du gué pour se charger de l'intro et du solo central à la flûte traversière

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    - voilà c'est fini, dorénavant ce sera comme avant, up-tempo ultra-rapide, et hop, elle vous enchaîne quatre titres à provoquer des raz-de-marée. L'a la voix qui monte en une fraction de seconde, et les autres zigotos derrière ils embrayent comme des sauvages, vous tapissent le paysage de grenades, s'ils essaient d'étouffer sa voix, c'est raté, elle vous perce le plafond des nuages en un éclair et quand pour la désarçonner ils pilent à mort, elle s'arrête en même temps qu'eux mais repart en avant, et les voici obligés de presser le rythme pour la rattraper, trop tard l'a déjà monté d'un palier. Superbe technique. A ce petit jeu de moins fort que moi tu meurs, vous certifie que le set galope à une vitesse folle. Z'enchaînent les quarante titres sans quarantaine. S'amusent comme des oufs, le seul titre en français annonce Mildred et ils vous dégoupillent le Laisse les Filles de France Gall à tombeau ouvert, un massacre à la tronçonneuse avec les cuivres aussi épais que des forêts de baobabs obèses. Une tuerie. Une revisitation comme l'on dit pour les lectures iconoclastes. Elles est partie. Mildred a pris son micro et s'en est allée se promener, le petit chaperon rouge a pris le rôle du méchant loup, salue les connaissances sans s'arrêter de chanter, bientôt elle sera debout sur une table – ce qui s'appelle mettre les pieds dans le plat – et comme la fièvre monte elle ordonne aux convives de se lever et de s'adonner à une monstrueuse calinothérapie où chacun et chacune s'adonnent avec perversité à ses épanchement les plus vicieux. Ne lui reprochez rien, c'est une enfant innocente, la faute est à rejeter sur son père, n'a pas su résister au riff de Jumpin' Jack Flash, s'est jeté hors de scène guitare richardsienne en main et a déclenché la monstrueuse pagaille, pratiquement tous les membres de l'orchestre lâchés sur la piste comme des lions affamés invités à dévorer les chrétiens dans l'arène sanglante du Circus Maximus. Un grand moment. Y en a eu d'autres, mais je ne vous les raconte pas, juste pour vous faire souffrir, par exemple cette espèce de shuffle reptatif sur le dynamitage de All the Night Long... De l'impro de pro, se connaissent si bien qu'ils sont capables de retrouver instinctivement des réflexes de mise en scène jamais étudiés auparavant. Faut suivre, jeux d'attitudes, mimiques improvisées, une véritable chanson de gestes médiévale de la fête des fous.

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    Vous pourriez croire que c'est la fin. Mais non tout le monde remonte sur l'estrade sagement et Mildred va vous faire une démonstration de K.O. définitifs. Cinq derniers titres uppercutifs. Cinq bordées de canons qui vous envoient à chaque fois par le fond. Ne reste plus rien de vous. Mais non, manque la bombe H sur Hiroshima. Ce sera I Feel Food de James Brown, l'occasion de laisser le cuirassé des cuivres vous laminer littéralement et à Mildred de se livrer à des arrêts impromptus sur la catastrophe de Pompéi. Désormais vous n'êtes plus qu'une ombre enrobée dans la cendre noire de vos regrets car en ce bas monde tout a une fin, même les concerts de L'Araignée au Plafond.

    Pas tout à fait la fin, y a encore une équipe de télévision qui vous encoche pour vous demander ce que vous avez pensé du show. Mais des zombies groggy réchappés d'une catastrophe nucléaires sont-ils des témoins dignes de foi ?

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    Dernière nouvelle : sortie du premier disque de L'Araignée Au Plafond au mois d'avril prochain.

    Damie Chad.

    ( Photos : FB : L'Araignée au Plafond )

     

    17 / 03 / 2018LAGNY-SUR-MARNE

    LOCAL DES LONERS

    KING BAKER'S COMBO

     

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    Horreur des gens qui vous changent les règles du jeu en cours de partie. Pour se rendre chez les Loners dans la zone industrielle de Lagny-sur-Marne vous avez intérêt à avoir mémorisé le chemin, sinon c'est le coup du labyrinthe qui se transforme au fur et à mesure que vous avancez. Rue barrée. Autant dire tout de suite, tilt ! partie terminée. Ironie du sort la déviation indiquée mène tout droit au bout de trois kilomètres à une impasse ( et perd). Pourrais me consoler en disant qu'au moins je ne manque pas de cul... de sac. Maintenant rien n'empêchera un rocker d'arriver à un concert. Je donne carte-libre à la teuf-teuf, revient sur ses roues, s'enfile dans un sens interdit interminable, hésite entre deux propositions divergentes – genre livre dont vos êtes le héros – opine pour la gauche, tourne je ne sais pas trop pourquoi à tel embranchement qui s'avère être celui du local des Loners. Bingo pour le Combo !

     

    KING BAKER'S COMBO

    Du monde, chez les Solitaires, malgré les promesses alarmantes de neige nocturne ! Peu de courageux pour rester au-dehors discutailler dans la brise humide, comptoir revigorant pris d'assaut avant que le King Baker's Combo ne monte sur scène, ce qui suscite un rassemblement automatique devant l'estrade.

    Ne sont que trois de cordée. Pas de batterie - même pas une caisse claire -comme au bon vieux temps des débuts du rockabilly. Ce retour à la rusticité originelle implique une sacrée tenue rythmique, faut réussir à capter l'attention du public de bout en bout et s'interdire une répétition intensive des mêmes plans.

    Sur notre gauche Jim – the giant bean – une barbe de sapeur napoléonien, de ceux qui construisirent le pont de bois dans les eaux glacées de la Bérézina, arbore un T-shirt Gene Vincent – Blue Jean Bop et une vieille Gretsch pas démantibulée mais l'on sent l'objet qui a beaucoup servi, bref un de ces antiques alambics dont on extrait les mooshines les plus forts. N'est pas marié avec, mais c'est tout comme, porte l'anneau d'onglet au doigt. Sur notre droite Vince, chemise hawaïenne motif cocotiers penchés sur bord de lagon, casquette vissée sur la tête, tout contre sa contrebasse de vieux bois dont il va nous montrer dans quelques instants comment il se chauffe. Au centre Blanco, dans une chemise classic-country noire à haut et liserets rouges, électro-acoustique en main et micro ouvert.

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    Rockabilly Star pour ouvrir le bal. Un magnifique spécimen de ce qui va suivre. Carré magique et parfait. Que l'essentiel, mais rien ne manque. Ne sont pas genre à vous rajouter du sucre sur les fraises ou à vous laquer le cercueil. Des planches à peine rabotées feront l'affaire, par contre s'emboîtent sans défaut. Pas un interstice où passer une feuille de réclamation. Une fois que vous êtes dedans vous y êtes aussi bien que dans le lit douillet d'une princesse.

    Font tout pour que vous n'ayez aucune envie d'en ressortir. Vince, tchic-tchic-que-tise sur sa big mama, l'air de ne pas y penser, le regard vide tourné vers le mur, l'assure le slap initial, l'o-clock rock infatigable de la pendule du destin qui s'avance doucement sur vous à pas de fourmi, se retourne de temps en temps vers ses camarades, son visage pétillant de complicité et l'iris bleu de ses yeux fleurit comme fleur de myosotis. Z'avez l'impression qu'il ne voit rien mais il remarque tout.

    Jim joue et gagne. L'a les doigts véloces. N'en finissent pas de s'entremêler dans les cordes. Glissent en serpents crochus. Il cherche la note. Celle qui escarbille, celle qui étincelle. C'est lui qui raconte l'histoire. Vous tient en haleine. A chaque instant vous vous demandez ce qu'il va pouvoir faire – vous à sa place vous vous contenteriez d'aligner les riffs comme les casseroles dans le placard de Tante Agathe et vous seriez content de vous – Jim ne mange pas de ce pain-là, n'est pas inscrit dans la catégorie des sous-doués, agit en peintre qui, touche après touche, cherche la couleur idéale, celle qui vous monopolise le regard et vous oblige à admirer, à la différence près que Jim c'est le coloriste sans filet, n'a pas droit à l'erreur, ni le temps de méditer, s'il veut vous captiver l'oreille l'a intérêt à assurer, il ne cherche pas il trouve, sans lui Blue Blue Day et Long Black Train se ressembleraient étrangement, frères jumeaux en monocordie et monotonie. Se débrouille bien au micro, de trop brefs aperçus lors de rares chœurs d'appui en témoigneront, mais se concentre sur sa guitare. Sera harassé à la fin des deux sets, c'est que son jeu exige autant d'instinct que d'intellectualité pure. Impressionnant.

    Blanco chante. Ne cherche ni l'effet garanti ni le pathos. Ni comédien, ni tragédien. Juste un passeur de fournaise. L'a le timbre rockab rural. Pas du tout l'hilbilly nasillard et traînant, la voix sonore du journalier agricole qui trime dur au champ, le chant posé, droit au but comme le sillon tracé à la charrue, ou ses abattements méthodiques des ramasseurs de coton qui se plient à tous les caprices de la plante pour mieux la dépouiller. Un phrasé rectiligne qui n'aborde les virages que par des bouffées d'affects dont il diminue ou accentue la fréquence, pas vraiment de ligne mélodique, tout l'effet reposant sur des poussées d'adrénaline entrecoupées de dépressions lapidaires. Ce qui n'exclut pas des envolées goguenardes comme sur I Found a Friend. C'est peut-être sur le seul titre en français Le Swing du Tennessee de Victor Leed que Blanco marque sa dextérité vocale, donne l'étonnante impression de le chanter en langue américaine tant il sait plier les mots et s'en servir comme des boulets qui s'enfoncent en vous au-dessous de la ligne de flottaison de votre raison.

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    Kink Baker's Combo c'est le rockab d'avant l'Elvis du Studio Sun, le rockab de Carl Perkins et de ses frères qui sent la rudesse, l'authenticité, et l'honnêteté fondatrice des milieux populaires. Une apparente simplicité qui n'en cache pas moins une ampleur, une puissance, et une complexité non négligeable. Le deuxième set en sera une démonstration étonnante. Des morceaux comme Long Blond Hair ou Mary Mary, exhalés dans le plus simple appareil de leur nudité s'avèrent d'une saveur fascinante. Vince vous y a de ces frénésies de cordier à vous faire devenir dingue. Le public apprécie, et les connaisseurs sont nombreux dans l'assistance. Ne s'en laissent pas conter facilement. Connaissent les morceaux par cœur et ne sont pas prêts à acheter des artefacts de pacotille. La soirée se termine sur un Boogie Ducktail magnifiquement envoyé par Jim au micro et repris par toute la salle. J'allais oublier ces vols de culottes lancées par des admiratrices passionnées. Au cas où des enfants atterriraient sur ces lignes je préfère ne pas m'étendre sur ce sujet. Ce qui est sûr, c'est le King Baker's Combo a fortement séduit les esprits.

    Damie Chad.

    ( Photos : FB : Serge Bras )

    LA BRUNE ET MOI

    PHILIPPE PUICOUYOUL

    ( 1979 )

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    Le clin d'œil à La Blonde et Moi est évident. L'est sûr que les deux films n'ont pas eu le même destin. Succès international pour les cheveux blonds ( et l'opulente poitrine ) de Jayne Mansfield qui bénéficia de l'explosion rock de l'année 1956 et d'une pléiade de chanteurs de stature mondiale, pas moins que Gene Vincent, Little Richard, Fats Domino et les Platters...

    La carte de visite de La Brune et Moi est bien plus maigre, d'abord ce n'est qu'un court-métrage de cinquante deux minutes, et ses vedettes sont loin d'être des pointures mémorielles. Absence de cerise sur le gâteau sans sucre, la brunette ne bénéficia d'aucune distribution digne de ce nom. Une séance hebdomadaire dans un seul cinéma en l'an de grâce 1981. Difficile de faire pire. En contrepartie, voilà de quoi alimenter la légende. Noire et d'autant plus sombre que la majeure partie des acteurs ont eu la bonne idée de mourir à tour de rôle. Tout ce qu'il faut pour que le titre devienne culte.

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    Une différence essentielle entre la blonde et la brune. La première est une comédie légère qui surfe sur la vague montante du rock'n'roll, les rockers ne sont que des produits d'appel destinés à faire vendre une niaiserie sentimentale sans équivalent. La seconde est tout le contraire, le scénario insignifiant n'est là que pour donner l'image et le son à des groupes punk totalement inconnus du grand public. On peut parler de militance punk. A tel point qu'aujourd'hui le statut du film a changé : l'est devenu un document historique et parfois le seul témoignage filmé existant de certains des groupes qui n'ont même pas eu le temps d'enregistrer un disque. C'est sous ce seul aspect que nous le visionnons. Nous sommes en 1979 après la tornade punk venue d'Amérique et d'Angleterre. Le rêve de la révolte pure continue mais a salement baissé d'intensité. Du punk l'on a gardé l'assurance que le rock est le dernier paradis ouvert à tous, pas besoin d'être aussi habile que Clapton pour jouer de la guitare ou d'avoir la gorge de Robert Plant pour prendre son pied à poser sa voix... L'attitude a changé, moins d'assurance idéologique, l'on a intégré le fait que l'on ne bousculera pas l'ordre du monde avec une chanson, d'où un certain désespoir sous-jacent caché sous un flot d'ironie tournée en priorité vers soi-même. Plus tout à fait des punks purs et durs, des jeunes gens modernes porteurs d'une fragilité qu'ils cachent sous des éclats de guitare et des looks provocateurs.

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    L'argument du film est des plus simples : un jeune banquier ( joué par Pierre Clementi ) tombe amoureux d'AnousChka une jeune destroy-punkette, pour la séduire il lui propose de devenir une star, astuce cousue de fil blanc qui permet de visionner une dizaine de groupes. Pour l'anecdote cela se terminera mal.

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    Ici Paris : Le centre du monde : en guise de générique sur les premières images des punks autour de la Fontaine des Innocents, guitares fuselées top en place et voix à la Brigitte Bardot bien mise en avant ce qui donne un air assez rétro à ce rock de pointe, l'effet en sera d'autant plus accentué que les chœurs se mettent à yéyétiser fort innocemment à la manière des premiers groupes de nos sixties. Faire du neuf avec du vieux ? Un groupe de monte hongroise un cheval qui tire vers la variétoche et l'autre vers le rock le plus authentique. Entre twist and Cramps. L'on a retrouvé Maxime Schmitt et Vincent Palmer auprès d'Ici Paris. Une occasion du rock français perdue. Une de plus. Artefact : Be Bop Boogie : ce coup-là, ils pompent carrément Gene Vincent. Le vieux monde a du mal à lâcher prise. Artefact a comporté dans son groupe Maurice Dantec, faut les voir plutôt comme des partisans d'un rock arty qui ne s'étaient pas encore tout à fait trouvés. Astroflash : Le résau : habillés comme Bowie qui se serait fourni chez Emmaüs, ça commence comme du Kraftwerk mais la musique devient vite primairement binaire et le chanteur... disons que ce n'est pas le grand gosier inoubliable du siècle. Non seulement il chante mal mais en plus il ne parle pas mieux. Edith Nylon : La femme bionique : mieux en place que les précédents, étrangement l'ensemble sonne très modern-néo-bobo. Z'ont eu leur gloire de gloire. M'ont toujours insupportablement paru des faiseurs assez inauthentiques. Question : Take a ride : j'ignore tout d'eux, dommage car leur morceau qui se termine par une longue chevauchée de guitares échevelées donne envie d'en écouter plus. The Party : Nevada propaganda : Artefact le retour avec Gregor Dawidow en ajout. La musique sonne davantage en accord avec l'univers des romans de Maurice G Dantec, un son électronique à l'unisson d'une modernité déglinguée menaçante. Dieu porte-t-il des lunettes noires pour ne pas voir le monde tel qu'il l'a créé ? Marquis de Sade : Set imotion memories : la même chose que le précédent mais en dix mille fois mieux, maladif, malaisif, empoisonné, visqueux, nauséeux, tout ce que le rock trimballe de glauque avec le chanteur qui se frotte comme s'il était couvert de pustules prêtes à éclater. Sade, mais vu par le maso qui se prête avec la plus grande complaisance aux souillures les plus intimes.

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    The Dogs : Algomania : La classe. Démonstration rock. Normal ce sont les Dogs. Que voulez-vous de plus ? Le rock et rien que le rock, dans sa nudité essentielle. En plus ils ne sont que trois. L'est vrai qu'ils partent avec un avantage, plus beaux à eux tout seuls que l'ensemble du voisinage. Gogo Pigalle : La blonde, la brune et moi : ça sent le rock alternatif des générations suivantes, de l'entrain, un sax pas Stax, tout ce qu'il faut pour plaire à tous ceux qui ne sont pas amateurs de rock. Les Privés : Contrôle : formation évaporée, un 45 tours et un album, puis bye-bye. Anouschka est au micro, l'on assiste à la mise au point, et à la version définitive, ne s'en tire pas plus mal qu'une autre. Derrière les musicos assurent bien. Donnent envie d'écouter leurs disques. Taxi-girl : Les yeux des amants : on ne les voit pas, servent de toile de fond à la scène hot du film. Les Dieux m'ont préservé d'une telle ignominie, je parle d'une telle bande-son sur mes ébats voluptueux. Je sens que je vais être poursuivi par la vindicte de la secte des adorateurs mais je ne supporte pas cette mauvaise variété. Passons, ou je vais en dire du mal. Les Privés : Bath comme ça: générique de fin, qui cartonne bien. L'héroïne... s'éloigne dans la rue...

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    Pour la petite histoire, l'acteur au fond de la baignoire s'est tiré une balle dans la tête quelques jours après le tournage de la scène... personne ne sait ce qu'est devenue Anouschka qui joue son propre rôle. Beaucoup pensent qu'elle na pas survécu à l'époque... Le film est intéressant à regarder, le look et la dégaine de toute une génération, à écouter, c'est une autre affaire. Le rock français n'en sort pas grandi.

    Damie Chad.

    CANTATE POUR UN ASSASSIN

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    Les temps sont durs pour Bertrand Cantat. Moins durs qu'ils ne l'ont été pour Marie Trintignant profèreront ses détracteurs. Nombreux, 75 000, se sont regroupés pour partir en croisade. Pas très loin, suffit juste de sortir son portable et de signer la pétition exigeant l'interdiction de ses spectacles. L'a de la chance, au Moyen-Âge on vous l'aurait fissa mené au gibet de Montfaucon. L'est vrai qu'en ces sombres et lointaines époques l'on n'avait pas encore inventé le téléphone sans fil. Autre temps, autres mœurs, en notre période de grand libéralisme, il n'existe qu'une seule mort : l'économique. Pas de sang, sur les mains. On n'est pas des sauvages, nous. Au contraire de Bertrand Cantat.

    Autre avantage, pour une fois nos élus si souvent insensibles à nos demandes nous écoutent. Branle-bas dans les municipalités, les départements et les régions. Ce n'est pas encore les listes de proscriptions mais tout organisateur de spectacle ou de festival qui maintiendra la participation du sieur Cantat sera puni. Peuvent n'en faire qu'à leur tête, mais ils seront privés de subvention. En terme juridique cela s'appelle du chantage financier, mais il ne faut pas confondre droit légitime et droit juridique. Le second se traduit par la stricte application de la loi, le premier participe d'une l'éthique supérieure à laquelle personne n'a le droit moral de s'opposer. Comme quoi si vous désirez rester libre de vos faits et gestes en vos entreprises personnelles ou collectives sachez rester autonome et méfiez-vous de la corde de chanvre des subventions.

    Une autre réflexion en passant. Il est étrange de voir que lorsque des millions de voix s'élèvent pour demander par exemple l'abrogation de la '' loi travail'' ou de l'augmentation de la CSG sur les retraites de nos chers petits vieux, nos élites directionnelles nous écoutent un peu moins. A croire que l'interdiction des concerts de Cantat posent moins de problèmes financiers... L'est vrai que cela ne coûte rien et si ça peut faire plaisir aux futurs et potentiels électeurs pourquoi les priver d'un tel petit plaisir !

    C'est fou comme les moutons aiment bien se faire tondre dans le sens du vent. Quelle belle excuse que Bertrand Cantat ! Pour une fois que l'on peut montrer son mécontentement sans danger, l'on ne va pas s'en priver. Certes Corneille disait qu'à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, mais l'on ne laissera tout de même pas échapper une si belle opportunité. S'en prendre à Cantat équivaut à passer l'éponge sur ses propres lâchetés - les grandes comme les petites – toutes ces oppressions d'autant plus illégitimes, que l'on ressent d'autant plus douloureusement que l'on a toujours eu peur de les combattre à visage découvert.

    Nietzsche appelait cela l'idéologie du ressentiment. Si vous n'osez pas vous en prendre au gros chiens policier qui montre les dents, mord très facilement, et monte la garde devant la porte du bureau de votre patron, sortez votre barre de fer pour taper sur le chat de votre voisin. La pauvre bestiole n'y est pour rien mais cela vous soulagera. La chasse à Cantat me paraît participer de ce populisme de moins en moins rampant qui n'est que la soupape de sécurité de l'oppression libérale et du pouvoir étatique.

    Je n'ai jamais été un grand fan de Noir Désir. Mais ne comptez pas sur moi pour courir avec la meute. Je ne sais que trop bien que le cerf cerné et abattu, nos braves toutous rentreront la queue entre les jambes dans l'enclos de leur prison mentale grillagée. Et qu'ils n'auront le droit de ressortir que pour participer à des chasses soigneusement encadrées.

    Tout le mal que je souhaite à ces valeureux moralistes c'est de cesser d'être dupes de leurs propres auto-manipulations dérisoires.

    Damie Chad.