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CHRONIQUES DE POURPRE 246 : KR'TNT ! 366 : WOODY WOODMANSAY / L'ARAIGNEE AU PLAFOND / KING BAKER'S COMBO / LA BRUNE ET MOI / CANTATE POUR UN ASSASSIN

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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LIVRAISON 366

A ROCKLIT PRODUCTION

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

22 / 03 / 2018

WOODY WOODMANSAY / L'ARAIGNEE AU PLAFOND

KING BAKER'S COMBO / LA BRUNE ET MOI

CANTATE POUR UN ASSASSIN

Woods do you love

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Tiens, Woody Woodmansay vient de publier ses mémoires de Spider ! Très intéressant ! Pourquoi ? Parce qu’il participa à l’ascension et au déclin brutal de Ziggy Stardust & The Spiders From Mars, l’un des épisodes les plus fulgurants de l’histoire du rock anglais. Pourquoi fulgurant ? Parce qu’il ne dura que deux ans. C’est très court, à l’échelle de l’univers. Tout juste le temps d’enregistrer cinq albums qui figurent parmi les plus grands classiques du rock anglais : The Man Who Sold The World (1971), Hunky Dory (1971), The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars (1972), Aladdin Sane (1973) et Pin Ups (1973) - Notons que Woods ne joue pas sur Pin Ups. Tony Defries venait de le virer comme un chien.

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Woods ? C’est ainsi que son vieux pote Ronno l’appelait. Woods et Ronno venaient de Hull, une ville côtière de Nord de l’Angleterre, côté Mer du Nord. Bowie venait tout juste d’embaucher Ronno et dans la foulée, il lui posa la question fatale :

— Connaîtrais-tu un batteur, par hasard ?

— No probs, Dave !

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Eh oui, il en connaissait un, et un bon ! Woods ! Juste avant d’aller tenter sa chance à Londres, Ronno jouait avec lui dans les Rats, un groupe de Hull qui comme des milliers d’autres à l’époque, écumait les scènes régionales. Et pouf, par un beau jour de 1971, Woods débarqua chez Bowie qui louait une grande demeure nommée Haddon Hall, à Beckenham, en banlieue Sud de Londres.

Voilà encore un livre qui s’avale d’un trait. Qu’est-ce qui fait la force de ce récit ? C’est tout simplement le regard candide que porte Woods sur les choses et les gens. On est aux antipodes des discours ronflants d’exégètes qui parlent de Bowie comme s’ils l’avaient connu. Pendant des décennies, on a vu fleurir dans la presse et dans les conversations des théories de coupeurs de cheveux en quatre tous plus informés les uns que les autres sur les tenants et les aboutissants de la Bowiemania. Woods ne se penche pas sur la psychologie de David Bowie. Il se contente de rapporter les choses telles qu’il les a vécues, pendant les deux ans passés à ses côtés, quasiment dans la même maison.

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Ronno et lui dormaient sur un matelas, en haut du grand escalier conduisant au premier étage. Bowie et sa femme Angie disposaient d’une chambre, au rez-de-chaussée. Tony Visconti vivait aussi à Haddon Hall, avec Liz, sa femme. Il jouait le basse dans ce quatuor qui s’appelait encore the Hype. Une septième personne vivait là : l’Australien Roger Fry, chauffeur et roadie de Bowie. Il dormait lui aussi sur un matelas, mais sous l’escalier. Cette configuration ne vous rappelle rien ? Oui, la maison de Woodland Hills que loua Captain Beefheart pendant six mois pour y enfanter Trout Mask Replica. Tout le monde sous le même toit. Immersion totale dans la genèse du mythe.

Woods a commencé par se faire virer de l’école. Il voulait absolument devenir batteur, contre l’avis de son père. Puis il bosse à l’usine de lunettes locale et quand on lui propose un job de contremaître, il refuse. Il préfère aller faire du rock à Londres. C’est là où Woods devient intéressant : il ne raisonne pas en termes de révolte adolescente, il se met au contraire à la place de ses parents. Il comprend ce qu’éprouvent ces pauvres gens qui ont lutté toute leur vie pour échapper à la pauvreté et qui voient horrifiés leur fils abandonner une ‘situation’ stable pour aller jouer de la batterie dans un groupe de rock, ce qui à leur yeux est pire que tout - Son père : «Are you bloody mad ? You’ve just been offered a foreman’s job at Vertex !» - Mais Woods y croit, il réfléchit très vite : il se dit que s’il ne donne pas suite au coup de fil de Bowie qui l’invite à venir s’installer à Londres, il pourrait le regretter toute sa vie.

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Le plus intéressant de toute cette histoire, c’est qu’en 1970, Bowie n’est rien. À peine un petit nom dans la presse, avec un album qui ne marche pas. Il n’a même pas de chansons. Il commence à les écrire. Il cherche un son. Il sent confusément que Ronno peut l’aider. Ronno n’est là que pour ça. Woods débarque donc un beau jour à Haddon Hall. Il n’a que 19 ans et deux sacs contenant tout ce qu’il possède. Mais il vit très exactement ce que des milliers de kids rêvaient de vivre à cette époque. Tout fan de rock rêvait de jouer dans un groupe.

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Bowie le reçoit bien. Ils s’installent au salon pour parler de musique. Woods trouve Bowie drôlement intéressant. Soudain, une blonde déboule dans le salon :

Hi, I’m Angie Bowie. I’m David’s wife and I’m lesbian !

Poli, Woods répond qu’il est Woody, mais il ne sait pas quoi penser. Il se dit qu’il sait ce qu’est une lesbienne, mais comme il n’a jamais pu converser avec l’une d’elles, il ne sait pas quoi faire de cette information. Ce sont ses mots exacts. Il se demande même pourquoi David l’a épousée si elle est lesbienne. I needed some time to think about it. Il doit prendre le temps d’y réfléchir. C’est tout Woods. Pas de jugement.

Voilà, ce sont les seules révélations sexuelles que va faire Woods dans son récit. Comme tous les vrais fans de Bowie, Woods ne s’intéresse qu’à sa musique. Il va rester dix-huit mois à Haddon Hall. Ronno et lui sont payés sept livres par semaine. Angie donne les sous chaque semaine, de la main à la main. Pas de contrat. Verbal agreement - I was just happy to be a professional musician, in London, with a chance of making it. Woods a la grandeur d’âme de ne pas se plaindre.

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La vie quotidienne à Haddon Hall est très civilisée. Pas de débauche. Bowie ne boit pas. Pas de drogues non plus - The odd lager, but that was it - Ronno et Woods ne touchent à rien, eux non plus. No drink, no smoke. Bowie, Woods, Ronno et Tony aménagent un coin pour répéter. Et c’est là que les cuts de The Man Who Sold The World prennent forme - Bowie was experimenting with a new sound - Il passe en effet du poppy folky folkah qui le fit connaître à Londres à un son plus heavy rock. Selon Woods, personne ne savait dans quelle direction avancer - None of us - least of all Bowie - knew what direction was right for us - En fait, c’est Ronno qui donne intuitivement le cap, avec du heavy rock mélodique. Bowie se jette à corps perdu dans l’aventure. Il faut écouter cet album génial qui n’a pas pris une seule ride, et notamment «The Width Of A Circle». Ce sacré Woods n’en finit plus de dire et de redire qu’il trouve les chansons fantastiques. Il est aux premières loges : il voit Bowie les composer et commencer à les jouer sur sa guitare. Ronno amène tout le gras-double. Woods sait depuis longtemps que Ronno a du génie. C’est Bowie qui dira plus tard que le tandem Ronno/Bowie valait bien le tandem Jagger/Richards. Rien de plus vrai.

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Bowie profite aussi de cet album pour faire évoluer son look. Sur la pochette, il porte une robe. C’est assez provocateur, à une époque où les gens s’intéressent plus aux chanteurs poilus comme Robert Plant ou Paul Rogers. Woods en déduit que la pochette provocatrice n’aide pas l’album - A different cover might have done better - Bowie est trop en avance sur son époque, mais à part lui, qui le sait ?

Une fois l’album enregistré, Bowie et ses amis voudraient bien partir en tournée, mais c’est compliqué, car ils n’ont pas de blé : pas de van, pas de sono. Ronno et Woods commencent à déchanter. Ils doivent se débrouiller avec leurs bagnoles et les moyens du bord. Un jour, alors qu’ils doivent rejoindre Bowie à Leeds pour un concert, ils décident tous les deux de rentrer à Hull. Ils y redémarrent un groupe nommé Ronno avec Tony Visconti lui aussi débarqué à Hull et ils engagent un deuxième bassman, l’excellent Trevor Bolder.

Et le concert de Leeds ? Bowie joue seul, avec sa guitare.

S’il est un mec déterminé en Angleterre, c’est bien David Bowie. Il parvient à trouver un nouveau management et donc des moyens financiers. Il appelle aussitôt Ronno pour lui demander de revenir à Londres, avec un batteur et un bassiste, car Tony Visconti n’est plus disponible. Voilà, c’est aussi simple que ça. Pour des gens aussi normaux que Woods et Ronno, il était nécessaire que les choses se fassent simplement. Bowie l’avait bien compris.

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Pourvu de moyens, Bowie se sent pousser des ailes et se met à composer des hits à la pelle, tous ceux qu’on va trouver sur Hunky Dory et Ziggy Stardust. Ronno et Woods passent de 7 livres à 50 livres la semaine. En plus, Bowie rentre tout excité des États-Unis où son nouveau manager Tony Defries l’avait envoyé promouvoir The Man Who Sold The World : il y a fait deux découvertes déterminantes : le Velvet et les Stooges. Il veut en faire profiter Woods, Ronno et Trev - Bowie played us music by the Velvet Underground, too, and we got off on the décadence of it - Bowie leur montre aussi un concert filmé des Stooges à Cincinnati, le fameux concert du peanut butter. Woods comprend l’importance capitale de ces deux groupes - There was definitely a spirit there. And that spirit influenced us profoundly - On ne saura jamais vraiment mesurer le rôle capital que jouent les influences. Et Bowie compose. Woods remarque un changement : ses chansons deviennent plus commerciales and definitely better - He’d grabbed that cult American scene feel and added it to the equation. The result was good music - Oui, Woods a raison, Bowie s’imprègne des Stooges et du Velvet, alors l’équation prend une sacrée allure. Ils enregistrent Hunky Dory avec Ken Scott, qui a travaillé sur Magical Mystery Tour et le White Album. Il n’y a pas de hasard, Balthazar. Bowie enregistre ses hits mirifiques en une seul prise, il veut que ça reste frais et spontané - It would be note-perfect in the first take - Il demande à Ken si c’est OK - Was that OK ? - Et Ken opine du chef. Woods s’émerveille. Quand Bowie enregistre «The Bewlay Brothers», Ken Scott lui demande sur quoi porte la chanson et Bowie lui répond qu’il n’en sait rien. Woods y perd déjà son latin, mais l’affaire se corse lorsque Bowie explique qu’il s’agit d’un palimpseste. Curieux de nature, Woods découvre dans un dictionnaire qu’un palimpseste est un vieux parchemin sur lequel on réécrit - That sums it up vey well - N’oublions pas que Woods est un chtio quinquin duch’ nord.

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Puis ils passent tout naturellement à Ziggy Stardust et wham baam ! Tout explose, nouveau vent de folie sur l’Angleterre, deuxième vague après les Beatles, magnifique époque ! Le succès de Ziggy, les maquillages, les groupies, les tournées, tout cela est ultra-documenté. Woods et Ronno se décolorent les cheveux, et Angie teint les immenses rouflaquettes de Trev en argent, dans la même teinte que les cheveux de Pete Overend Watts. S’ensuit une première tournée américaine, puis une deuxième. Ronno, Trev et Woods consomment de la groupie, mais pas de drogues. Ils ne savent pas à cette époque que Bowie se goinfre de coke pour pouvoir tenir. En bon chtio quinquin duch’ nord, Woods se met à picoler. D’autant plus que les bouteilles sont gratuites. Alors il se déshinibe, histoire de pouvoir réussir à côtoyer la faune arty qui rôde autour de Ziggy Stardust. Mais Woods boit trop. Il devient très con quand il est rôti. Il en prend conscience - I knew I was a pain in the arse when I was drunk. It really made no sense.

Woods est assez fier de pouvoir se réconcilier avec son père. Les Spiders jouent au Bridlington Spa, dans le Yorkshire et son père vient le féliciter : «Bloody hell, lad, you can play them drums !» (Ben dis donc mon chtio quinquin, tu bats ça sec !)

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Après le Rise vient toujours le Fall : Bowie commence à dérailler. Trop de pression. C’est inhumain. Les gens ne peuvent pas se rendre compte. Mais Woods le voit. Il assiste au Fall en direct. Il est aux premières loges. Bowie commence par prendre ses distances avec les Spiders. Plus de contact, sauf sur scène. Woods découvrira plus tard que le problème vient des drogues. Les Spiders n’y touchaient pas - Mick and Trev certainly never did coke, as far as I knew. Et pour arrêter cette machine infernale, Bowie liquide Ziggy Stardust lors d’un ultime concert à l’Hammersmith - He was having a hard time with the monster he had created and he was losing control of it, because Ziggy Strdust was more powerful than David Bowie. At least that’s how I saw it. (Il ne parvenait plus à contrôler le monstre qu’il avait inventé, Ziggy Stardust écrabouillait David Bowie, du moins, c’est ce que j’ai vu).

Évidemment, le soir du concert, personne n’est prévenu du rock’n’roll suicide. Pas même les Spiders. Ce soir-là, ils dégringolent du statut de superstars à celui de rien du tout. Woods n’a que 23 ans et il doit prendre ce qu’il appelle some big decisions. Un, il arrête de boire comme un trou, et deux, il arrête de baiser des groupies pour se rapprocher de sa fiancée June et se marier avec elle. Et le jour de son mariage, Tony Defries l’appelle pour lui dire qu’il est viré des Spiders - It knocked the shit out of me. I was lower than I’d ever felt in my life. Le jour le plus heureux de sa vie, Woods tombe au fond d’un gouffre.

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Mais les Spiders doivent encore un album à RCA. Il vont au château d’Hérouville enregistrer Pin Ups. Sans Woods. Notre pauvre chtio quinquin en bave pour surmonter ça. Quand un peu plus tard il revoit son vieux pote Ronno et qu’il lui demande ce qu’il pense de sa liquidation, Ronno rétorque : «Tu sais bien que ça n’allait pas durer éternellement !» - which was very Yorkshire of him - Woods voulait pointer le manque de solidarité, mais il laisse tomber, car il sait que Ronno a lui aussi pas mal de problèmes.

Voilà, c’est donc une histoire triste, celle d’un petit mec qui rêvait de jouer de la batterie dans un groupe et qui s’est retrouvé catapulté vers la gloire, dans ce qu’elle peut présenter de plus éphémère. Mais comme la plupart des chtios quinquins duch’ nord, il est solide et il encaisse. June et lui auront trois fils. Il continue à jouer en tant que session man pour des tas de célébrités, des gens du calibre d’Art Garfunkel.

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Sous l’impulsion de Trev, les Spiders ont tenté de se reformer en 1976. Woods et lui ont reconstitué le groupe avec Pete McDonald au chant et Dave Black à la guitare. L’album est paru sur Pye. C’est loin d’être l’album du siècle. Le seul cut glam est celui qui ouvre le bal, «Sad Eyes». Dave Black y fait son Ronno, avec un jeu en vrille. Mais les autres cuts de l’album vont plus sur le groove de pop à la Steely Dan, pas inintéressant, mais ce n’est pas ce qu’on attend de gens qui ont joué sur Aladdin Sane. Un cut comme «(I Don’t Wanna Do No) Limbo» rappelle aussi Love Affair. On sent parfois le souffle de la grande pop anglaise, mais cette pop trop sensible s’éloigne considérablement du glam, et le fan de base y perd complètement son latin. Woods dit dans son livre que Ronno est venu jouer sur quelques morceaux, mais ces morceaux sont restés inédits, comme d’ailleurs beaucoup de choses que Ronno enregistra ici et là. Lorsqu’on consulte sa discographie à la fin de l’ouvrage de Weird And Gilli (The Spider With Platinum Hair), on s’effare de voir tant de choses coincées dans les vaults.

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Woods est toujours en vie. Les photos du livre nous montrent un petit pépère rigolard et binoclard coiffé d’une casquette. Il monte encore sur scène avec Tony Visconti pour rejouer partout dans le monde les cuts de The Man Who Sold The World. Les gens aiment ça, d’après ce que nous dit Woods, dernier Spider vivant. Eh oui, Ronno, Trev et Bowie sont tous morts d’un petit cancer. On est bien peu de choses.

Signé : Cazengler, knocked on Woods

Woody Woodmansey. Spider From Mars: My Life with Bowie. Sidgwick & Jackson 2016

Spiders From Mars. ST. Pye Records 1976

 

16 / 11 / 2018 / GOUAIX

LES PRES DE LA PRINCESSE

L'ARAIGNEE AU PLAFOND

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Temps pluvieux sur la Seine & Marne. Idéal pour faire du camping. Non, je n'ai pas une araignée au plafond, juste une dizaine qui s'agitent moultement dans les Prés de la Princesse. Un camping, pas très spartiate toutefois, rien à voir avec des toiles qui claquent au vent, des habitations en semi-dur. Mobil-homes immobilisés. On peut philosopher sur l'étrange idée de prendre ses vacances en ce département maudit, entre les inondations de la Seine et les déversements phyto-sanitaires ( un mot peu écologique ) à gros volumes de l'agriculture industrielle, mais comme dit Tante Agathe, il en faut pour tous les goûts, ce n'est pas de ma faute si les gens sont fous.

Les aragnes sont au grand complet. Z'ont tissé leur toile dans le coin droit de le vaste salle de restauration, bénéficient d'une scène assez vaste – pas la toundra asiatique mais pas ridicule non plus – suffisante pour loger une batterie, deux percus, un synthé, et une section de cuivres et quelques autres... Public nombreux, les bestioles qui sévissent depuis plusieurs années dans les environs possèdent désormais un public fidèle qui les suit de concert en concert.

L'ARAIGNEE AU PLAFOND

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Pas vu les affreuses bestioles depuis la Fête de la Musique. Et quand le cat n'est pas là les araignées dansent. Ont mué. Se sont métamorphosées. Physiquement parlant. Du plus petit au plus grand. Prenez la jeune Eva, aux côtés de l'élégant Guillaume, en juin dernier c'était une fillette, en mars nous la retrouvons en adolescente espiègle, une parfaite comédienne, tous ont grandi, même la barbe du capitaine, cette espèce de toupet vindicatif raide comme un plumeau à poils de crin métallicaïen s'est allongé d'au moins six centimètres. Mais ce n'est pas tout, l'impression que ce n'est plus le même groupe, z'ont un son à vous rendre zinzin. Rien à voir avec tout ce qui a précédé. Force et amplitude. Moins rock, davantage funk festif mais super bien maîtrisé.

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Devant les vents. Jeff au sax baryton qui barrit à lui tout seul tel un troupeau d'éléphants, un barytonnerre qui mugit à la manière de Zeus en colère sur son mont Olympe, l'écrase tout sur son passage, avec un doigté extraordinaire, juste ce qu'il faut, vous défonce la maison au bulldozer mais prend garde à ne point briser le service à thé en porcelaine de Saxe que vous préférez, c'est qu'autour de lui, il y a du monde, Ruben au sax – ténor ou alto – un pousse-au-crime, inutile de vous lamenter pour l'évacuation des déchets des ruines de la demeure, y met le feu, longues flammes dévorantes, combustion rapide. Une pétroleuse à ses côtés, comment fait-elle Typhaine pour tirer des sons aussi énormes de son espèce de fifrelet-clarinette dans lequel elle souffle sans répit, dans le genre, jette-moi-un peu d'essence sur le feu, elle est parfaite. L'expression section de cuivres serait très mal choisie, vaudrait mieux employer division blindée tellement ils ont le rythme chenillé au corps, ce soir sont les rois de la fête, cartonnent, pistonnent et poinçonnent, foncent et freinent, lancent et stoppent, à volonté, derrière ça suit les yeux fermés. Sont même fermement appuyés par les tambours. Une batterie tonitruante, grosse caisse en tête et un couple de percussion qui percutent au cutter effilé, n'entendent pas jouer les utilités, vous mènent le carnaval et la cavalcade, une véritable pantomime bruyante, changent de costume comme de rythme, chemise blanche ou canotier noir, un jeu de scènes et de mains vilaines à chaque nouveau titre, vous refilent l'image en plus du son. Collé contre le mur, on ne le voit pas mais on l'entend le synthé-attiseur. Pour lui les autres ne sont que des bricoleurs de génie, lui s'octroie le titre d'arrangeur, vous rafistole les morceaux en un tour de clavier, l'est le liant qui permet à la sauce au poivre de Cayenne de prendre. Force même un peu sur la dose. Mais l'on en reprend. Bref un beau remue-ménage. Maman Séverine est à la basse, peut être fière de sa couvée – dans la série c'est toujours mieux chez soi l'a volé quelques œufs chez les voisins - se débrouillent tous très bien sans elle, n'en rajoute pas moins quelques lignes de basse dans le capharnaüm, style ça ne peut pas faire de mal, idem pour papa-guitare, le pacha du vaisseau est un peu en retrait ce soir, ne va tout de même pas monter dans la mâture alors que ses hardis matelots peuvent le faire à sa place, tout le monde sait, lui le premier, que s'il n'était pas là ce ne serait pas aussi bien, alors il lève ses deux mains au-dessus de sa guitare, laisse s'écouler le temps, et puis vous laisse couler deux ou trois petites notes de rien du tout, quatre larmes de plomb fondu qui alchimise en or rayonnant le charivari de l'équipage. Juste pour rappeler à cette jeunesse trépidante que rien ne set de s'agiter, il suffit de passer la ligne d'arrivée en vainqueur.

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Vous l'attendez tous. Mildred, is not dead. En première ligne, ne lui reste que peu de place sur l'estrade, ce n'est pas grave, on l'a vue avant tous les autres. L'a coupé ses cheveux longs. Hay, que Madona ! Signe d'indépendance féminine expliqueront les psychologues. Un T-shirt à maille transparente – toute corrélation avec les toiles arachnidiennes sera la bienvenue – la reine des araignées est parmi nous. Il en faut peu pour rendre le peuple que nous sommes heureux. Svelte et fine fille, sourire moqueur et voix tranchante. Ne sait pas rester immobile, danse sur place, remue son corps comme d'autres font miroiter des louis d'or, danse et piétine, s'écroule jusqu'à terre, vous prend deux secondes des poses alanguies de princesse au petit pois et se relève aussitôt comme une fleur. Le problème avec Mildred c'est son aisance insupportable – la souligne elle-même, profitez bien de ce moreau, il dure sept minutes, c'est le seul de la soirée qui sera lent, l'en profite même durant la traversée du gué pour se charger de l'intro et du solo central à la flûte traversière

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- voilà c'est fini, dorénavant ce sera comme avant, up-tempo ultra-rapide, et hop, elle vous enchaîne quatre titres à provoquer des raz-de-marée. L'a la voix qui monte en une fraction de seconde, et les autres zigotos derrière ils embrayent comme des sauvages, vous tapissent le paysage de grenades, s'ils essaient d'étouffer sa voix, c'est raté, elle vous perce le plafond des nuages en un éclair et quand pour la désarçonner ils pilent à mort, elle s'arrête en même temps qu'eux mais repart en avant, et les voici obligés de presser le rythme pour la rattraper, trop tard l'a déjà monté d'un palier. Superbe technique. A ce petit jeu de moins fort que moi tu meurs, vous certifie que le set galope à une vitesse folle. Z'enchaînent les quarante titres sans quarantaine. S'amusent comme des oufs, le seul titre en français annonce Mildred et ils vous dégoupillent le Laisse les Filles de France Gall à tombeau ouvert, un massacre à la tronçonneuse avec les cuivres aussi épais que des forêts de baobabs obèses. Une tuerie. Une revisitation comme l'on dit pour les lectures iconoclastes. Elles est partie. Mildred a pris son micro et s'en est allée se promener, le petit chaperon rouge a pris le rôle du méchant loup, salue les connaissances sans s'arrêter de chanter, bientôt elle sera debout sur une table – ce qui s'appelle mettre les pieds dans le plat – et comme la fièvre monte elle ordonne aux convives de se lever et de s'adonner à une monstrueuse calinothérapie où chacun et chacune s'adonnent avec perversité à ses épanchement les plus vicieux. Ne lui reprochez rien, c'est une enfant innocente, la faute est à rejeter sur son père, n'a pas su résister au riff de Jumpin' Jack Flash, s'est jeté hors de scène guitare richardsienne en main et a déclenché la monstrueuse pagaille, pratiquement tous les membres de l'orchestre lâchés sur la piste comme des lions affamés invités à dévorer les chrétiens dans l'arène sanglante du Circus Maximus. Un grand moment. Y en a eu d'autres, mais je ne vous les raconte pas, juste pour vous faire souffrir, par exemple cette espèce de shuffle reptatif sur le dynamitage de All the Night Long... De l'impro de pro, se connaissent si bien qu'ils sont capables de retrouver instinctivement des réflexes de mise en scène jamais étudiés auparavant. Faut suivre, jeux d'attitudes, mimiques improvisées, une véritable chanson de gestes médiévale de la fête des fous.

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Vous pourriez croire que c'est la fin. Mais non tout le monde remonte sur l'estrade sagement et Mildred va vous faire une démonstration de K.O. définitifs. Cinq derniers titres uppercutifs. Cinq bordées de canons qui vous envoient à chaque fois par le fond. Ne reste plus rien de vous. Mais non, manque la bombe H sur Hiroshima. Ce sera I Feel Food de James Brown, l'occasion de laisser le cuirassé des cuivres vous laminer littéralement et à Mildred de se livrer à des arrêts impromptus sur la catastrophe de Pompéi. Désormais vous n'êtes plus qu'une ombre enrobée dans la cendre noire de vos regrets car en ce bas monde tout a une fin, même les concerts de L'Araignée au Plafond.

Pas tout à fait la fin, y a encore une équipe de télévision qui vous encoche pour vous demander ce que vous avez pensé du show. Mais des zombies groggy réchappés d'une catastrophe nucléaires sont-ils des témoins dignes de foi ?

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Dernière nouvelle : sortie du premier disque de L'Araignée Au Plafond au mois d'avril prochain.

Damie Chad.

( Photos : FB : L'Araignée au Plafond )

 

17 / 03 / 2018LAGNY-SUR-MARNE

LOCAL DES LONERS

KING BAKER'S COMBO

 

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Horreur des gens qui vous changent les règles du jeu en cours de partie. Pour se rendre chez les Loners dans la zone industrielle de Lagny-sur-Marne vous avez intérêt à avoir mémorisé le chemin, sinon c'est le coup du labyrinthe qui se transforme au fur et à mesure que vous avancez. Rue barrée. Autant dire tout de suite, tilt ! partie terminée. Ironie du sort la déviation indiquée mène tout droit au bout de trois kilomètres à une impasse ( et perd). Pourrais me consoler en disant qu'au moins je ne manque pas de cul... de sac. Maintenant rien n'empêchera un rocker d'arriver à un concert. Je donne carte-libre à la teuf-teuf, revient sur ses roues, s'enfile dans un sens interdit interminable, hésite entre deux propositions divergentes – genre livre dont vos êtes le héros – opine pour la gauche, tourne je ne sais pas trop pourquoi à tel embranchement qui s'avère être celui du local des Loners. Bingo pour le Combo !

 

KING BAKER'S COMBO

Du monde, chez les Solitaires, malgré les promesses alarmantes de neige nocturne ! Peu de courageux pour rester au-dehors discutailler dans la brise humide, comptoir revigorant pris d'assaut avant que le King Baker's Combo ne monte sur scène, ce qui suscite un rassemblement automatique devant l'estrade.

Ne sont que trois de cordée. Pas de batterie - même pas une caisse claire -comme au bon vieux temps des débuts du rockabilly. Ce retour à la rusticité originelle implique une sacrée tenue rythmique, faut réussir à capter l'attention du public de bout en bout et s'interdire une répétition intensive des mêmes plans.

Sur notre gauche Jim – the giant bean – une barbe de sapeur napoléonien, de ceux qui construisirent le pont de bois dans les eaux glacées de la Bérézina, arbore un T-shirt Gene Vincent – Blue Jean Bop et une vieille Gretsch pas démantibulée mais l'on sent l'objet qui a beaucoup servi, bref un de ces antiques alambics dont on extrait les mooshines les plus forts. N'est pas marié avec, mais c'est tout comme, porte l'anneau d'onglet au doigt. Sur notre droite Vince, chemise hawaïenne motif cocotiers penchés sur bord de lagon, casquette vissée sur la tête, tout contre sa contrebasse de vieux bois dont il va nous montrer dans quelques instants comment il se chauffe. Au centre Blanco, dans une chemise classic-country noire à haut et liserets rouges, électro-acoustique en main et micro ouvert.

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Rockabilly Star pour ouvrir le bal. Un magnifique spécimen de ce qui va suivre. Carré magique et parfait. Que l'essentiel, mais rien ne manque. Ne sont pas genre à vous rajouter du sucre sur les fraises ou à vous laquer le cercueil. Des planches à peine rabotées feront l'affaire, par contre s'emboîtent sans défaut. Pas un interstice où passer une feuille de réclamation. Une fois que vous êtes dedans vous y êtes aussi bien que dans le lit douillet d'une princesse.

Font tout pour que vous n'ayez aucune envie d'en ressortir. Vince, tchic-tchic-que-tise sur sa big mama, l'air de ne pas y penser, le regard vide tourné vers le mur, l'assure le slap initial, l'o-clock rock infatigable de la pendule du destin qui s'avance doucement sur vous à pas de fourmi, se retourne de temps en temps vers ses camarades, son visage pétillant de complicité et l'iris bleu de ses yeux fleurit comme fleur de myosotis. Z'avez l'impression qu'il ne voit rien mais il remarque tout.

Jim joue et gagne. L'a les doigts véloces. N'en finissent pas de s'entremêler dans les cordes. Glissent en serpents crochus. Il cherche la note. Celle qui escarbille, celle qui étincelle. C'est lui qui raconte l'histoire. Vous tient en haleine. A chaque instant vous vous demandez ce qu'il va pouvoir faire – vous à sa place vous vous contenteriez d'aligner les riffs comme les casseroles dans le placard de Tante Agathe et vous seriez content de vous – Jim ne mange pas de ce pain-là, n'est pas inscrit dans la catégorie des sous-doués, agit en peintre qui, touche après touche, cherche la couleur idéale, celle qui vous monopolise le regard et vous oblige à admirer, à la différence près que Jim c'est le coloriste sans filet, n'a pas droit à l'erreur, ni le temps de méditer, s'il veut vous captiver l'oreille l'a intérêt à assurer, il ne cherche pas il trouve, sans lui Blue Blue Day et Long Black Train se ressembleraient étrangement, frères jumeaux en monocordie et monotonie. Se débrouille bien au micro, de trop brefs aperçus lors de rares chœurs d'appui en témoigneront, mais se concentre sur sa guitare. Sera harassé à la fin des deux sets, c'est que son jeu exige autant d'instinct que d'intellectualité pure. Impressionnant.

Blanco chante. Ne cherche ni l'effet garanti ni le pathos. Ni comédien, ni tragédien. Juste un passeur de fournaise. L'a le timbre rockab rural. Pas du tout l'hilbilly nasillard et traînant, la voix sonore du journalier agricole qui trime dur au champ, le chant posé, droit au but comme le sillon tracé à la charrue, ou ses abattements méthodiques des ramasseurs de coton qui se plient à tous les caprices de la plante pour mieux la dépouiller. Un phrasé rectiligne qui n'aborde les virages que par des bouffées d'affects dont il diminue ou accentue la fréquence, pas vraiment de ligne mélodique, tout l'effet reposant sur des poussées d'adrénaline entrecoupées de dépressions lapidaires. Ce qui n'exclut pas des envolées goguenardes comme sur I Found a Friend. C'est peut-être sur le seul titre en français Le Swing du Tennessee de Victor Leed que Blanco marque sa dextérité vocale, donne l'étonnante impression de le chanter en langue américaine tant il sait plier les mots et s'en servir comme des boulets qui s'enfoncent en vous au-dessous de la ligne de flottaison de votre raison.

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Kink Baker's Combo c'est le rockab d'avant l'Elvis du Studio Sun, le rockab de Carl Perkins et de ses frères qui sent la rudesse, l'authenticité, et l'honnêteté fondatrice des milieux populaires. Une apparente simplicité qui n'en cache pas moins une ampleur, une puissance, et une complexité non négligeable. Le deuxième set en sera une démonstration étonnante. Des morceaux comme Long Blond Hair ou Mary Mary, exhalés dans le plus simple appareil de leur nudité s'avèrent d'une saveur fascinante. Vince vous y a de ces frénésies de cordier à vous faire devenir dingue. Le public apprécie, et les connaisseurs sont nombreux dans l'assistance. Ne s'en laissent pas conter facilement. Connaissent les morceaux par cœur et ne sont pas prêts à acheter des artefacts de pacotille. La soirée se termine sur un Boogie Ducktail magnifiquement envoyé par Jim au micro et repris par toute la salle. J'allais oublier ces vols de culottes lancées par des admiratrices passionnées. Au cas où des enfants atterriraient sur ces lignes je préfère ne pas m'étendre sur ce sujet. Ce qui est sûr, c'est le King Baker's Combo a fortement séduit les esprits.

Damie Chad.

( Photos : FB : Serge Bras )

LA BRUNE ET MOI

PHILIPPE PUICOUYOUL

( 1979 )

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Le clin d'œil à La Blonde et Moi est évident. L'est sûr que les deux films n'ont pas eu le même destin. Succès international pour les cheveux blonds ( et l'opulente poitrine ) de Jayne Mansfield qui bénéficia de l'explosion rock de l'année 1956 et d'une pléiade de chanteurs de stature mondiale, pas moins que Gene Vincent, Little Richard, Fats Domino et les Platters...

La carte de visite de La Brune et Moi est bien plus maigre, d'abord ce n'est qu'un court-métrage de cinquante deux minutes, et ses vedettes sont loin d'être des pointures mémorielles. Absence de cerise sur le gâteau sans sucre, la brunette ne bénéficia d'aucune distribution digne de ce nom. Une séance hebdomadaire dans un seul cinéma en l'an de grâce 1981. Difficile de faire pire. En contrepartie, voilà de quoi alimenter la légende. Noire et d'autant plus sombre que la majeure partie des acteurs ont eu la bonne idée de mourir à tour de rôle. Tout ce qu'il faut pour que le titre devienne culte.

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Une différence essentielle entre la blonde et la brune. La première est une comédie légère qui surfe sur la vague montante du rock'n'roll, les rockers ne sont que des produits d'appel destinés à faire vendre une niaiserie sentimentale sans équivalent. La seconde est tout le contraire, le scénario insignifiant n'est là que pour donner l'image et le son à des groupes punk totalement inconnus du grand public. On peut parler de militance punk. A tel point qu'aujourd'hui le statut du film a changé : l'est devenu un document historique et parfois le seul témoignage filmé existant de certains des groupes qui n'ont même pas eu le temps d'enregistrer un disque. C'est sous ce seul aspect que nous le visionnons. Nous sommes en 1979 après la tornade punk venue d'Amérique et d'Angleterre. Le rêve de la révolte pure continue mais a salement baissé d'intensité. Du punk l'on a gardé l'assurance que le rock est le dernier paradis ouvert à tous, pas besoin d'être aussi habile que Clapton pour jouer de la guitare ou d'avoir la gorge de Robert Plant pour prendre son pied à poser sa voix... L'attitude a changé, moins d'assurance idéologique, l'on a intégré le fait que l'on ne bousculera pas l'ordre du monde avec une chanson, d'où un certain désespoir sous-jacent caché sous un flot d'ironie tournée en priorité vers soi-même. Plus tout à fait des punks purs et durs, des jeunes gens modernes porteurs d'une fragilité qu'ils cachent sous des éclats de guitare et des looks provocateurs.

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L'argument du film est des plus simples : un jeune banquier ( joué par Pierre Clementi ) tombe amoureux d'AnousChka une jeune destroy-punkette, pour la séduire il lui propose de devenir une star, astuce cousue de fil blanc qui permet de visionner une dizaine de groupes. Pour l'anecdote cela se terminera mal.

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Ici Paris : Le centre du monde : en guise de générique sur les premières images des punks autour de la Fontaine des Innocents, guitares fuselées top en place et voix à la Brigitte Bardot bien mise en avant ce qui donne un air assez rétro à ce rock de pointe, l'effet en sera d'autant plus accentué que les chœurs se mettent à yéyétiser fort innocemment à la manière des premiers groupes de nos sixties. Faire du neuf avec du vieux ? Un groupe de monte hongroise un cheval qui tire vers la variétoche et l'autre vers le rock le plus authentique. Entre twist and Cramps. L'on a retrouvé Maxime Schmitt et Vincent Palmer auprès d'Ici Paris. Une occasion du rock français perdue. Une de plus. Artefact : Be Bop Boogie : ce coup-là, ils pompent carrément Gene Vincent. Le vieux monde a du mal à lâcher prise. Artefact a comporté dans son groupe Maurice Dantec, faut les voir plutôt comme des partisans d'un rock arty qui ne s'étaient pas encore tout à fait trouvés. Astroflash : Le résau : habillés comme Bowie qui se serait fourni chez Emmaüs, ça commence comme du Kraftwerk mais la musique devient vite primairement binaire et le chanteur... disons que ce n'est pas le grand gosier inoubliable du siècle. Non seulement il chante mal mais en plus il ne parle pas mieux. Edith Nylon : La femme bionique : mieux en place que les précédents, étrangement l'ensemble sonne très modern-néo-bobo. Z'ont eu leur gloire de gloire. M'ont toujours insupportablement paru des faiseurs assez inauthentiques. Question : Take a ride : j'ignore tout d'eux, dommage car leur morceau qui se termine par une longue chevauchée de guitares échevelées donne envie d'en écouter plus. The Party : Nevada propaganda : Artefact le retour avec Gregor Dawidow en ajout. La musique sonne davantage en accord avec l'univers des romans de Maurice G Dantec, un son électronique à l'unisson d'une modernité déglinguée menaçante. Dieu porte-t-il des lunettes noires pour ne pas voir le monde tel qu'il l'a créé ? Marquis de Sade : Set imotion memories : la même chose que le précédent mais en dix mille fois mieux, maladif, malaisif, empoisonné, visqueux, nauséeux, tout ce que le rock trimballe de glauque avec le chanteur qui se frotte comme s'il était couvert de pustules prêtes à éclater. Sade, mais vu par le maso qui se prête avec la plus grande complaisance aux souillures les plus intimes.

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The Dogs : Algomania : La classe. Démonstration rock. Normal ce sont les Dogs. Que voulez-vous de plus ? Le rock et rien que le rock, dans sa nudité essentielle. En plus ils ne sont que trois. L'est vrai qu'ils partent avec un avantage, plus beaux à eux tout seuls que l'ensemble du voisinage. Gogo Pigalle : La blonde, la brune et moi : ça sent le rock alternatif des générations suivantes, de l'entrain, un sax pas Stax, tout ce qu'il faut pour plaire à tous ceux qui ne sont pas amateurs de rock. Les Privés : Contrôle : formation évaporée, un 45 tours et un album, puis bye-bye. Anouschka est au micro, l'on assiste à la mise au point, et à la version définitive, ne s'en tire pas plus mal qu'une autre. Derrière les musicos assurent bien. Donnent envie d'écouter leurs disques. Taxi-girl : Les yeux des amants : on ne les voit pas, servent de toile de fond à la scène hot du film. Les Dieux m'ont préservé d'une telle ignominie, je parle d'une telle bande-son sur mes ébats voluptueux. Je sens que je vais être poursuivi par la vindicte de la secte des adorateurs mais je ne supporte pas cette mauvaise variété. Passons, ou je vais en dire du mal. Les Privés : Bath comme ça: générique de fin, qui cartonne bien. L'héroïne... s'éloigne dans la rue...

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Pour la petite histoire, l'acteur au fond de la baignoire s'est tiré une balle dans la tête quelques jours après le tournage de la scène... personne ne sait ce qu'est devenue Anouschka qui joue son propre rôle. Beaucoup pensent qu'elle na pas survécu à l'époque... Le film est intéressant à regarder, le look et la dégaine de toute une génération, à écouter, c'est une autre affaire. Le rock français n'en sort pas grandi.

Damie Chad.

CANTATE POUR UN ASSASSIN

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Les temps sont durs pour Bertrand Cantat. Moins durs qu'ils ne l'ont été pour Marie Trintignant profèreront ses détracteurs. Nombreux, 75 000, se sont regroupés pour partir en croisade. Pas très loin, suffit juste de sortir son portable et de signer la pétition exigeant l'interdiction de ses spectacles. L'a de la chance, au Moyen-Âge on vous l'aurait fissa mené au gibet de Montfaucon. L'est vrai qu'en ces sombres et lointaines époques l'on n'avait pas encore inventé le téléphone sans fil. Autre temps, autres mœurs, en notre période de grand libéralisme, il n'existe qu'une seule mort : l'économique. Pas de sang, sur les mains. On n'est pas des sauvages, nous. Au contraire de Bertrand Cantat.

Autre avantage, pour une fois nos élus si souvent insensibles à nos demandes nous écoutent. Branle-bas dans les municipalités, les départements et les régions. Ce n'est pas encore les listes de proscriptions mais tout organisateur de spectacle ou de festival qui maintiendra la participation du sieur Cantat sera puni. Peuvent n'en faire qu'à leur tête, mais ils seront privés de subvention. En terme juridique cela s'appelle du chantage financier, mais il ne faut pas confondre droit légitime et droit juridique. Le second se traduit par la stricte application de la loi, le premier participe d'une l'éthique supérieure à laquelle personne n'a le droit moral de s'opposer. Comme quoi si vous désirez rester libre de vos faits et gestes en vos entreprises personnelles ou collectives sachez rester autonome et méfiez-vous de la corde de chanvre des subventions.

Une autre réflexion en passant. Il est étrange de voir que lorsque des millions de voix s'élèvent pour demander par exemple l'abrogation de la '' loi travail'' ou de l'augmentation de la CSG sur les retraites de nos chers petits vieux, nos élites directionnelles nous écoutent un peu moins. A croire que l'interdiction des concerts de Cantat posent moins de problèmes financiers... L'est vrai que cela ne coûte rien et si ça peut faire plaisir aux futurs et potentiels électeurs pourquoi les priver d'un tel petit plaisir !

C'est fou comme les moutons aiment bien se faire tondre dans le sens du vent. Quelle belle excuse que Bertrand Cantat ! Pour une fois que l'on peut montrer son mécontentement sans danger, l'on ne va pas s'en priver. Certes Corneille disait qu'à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, mais l'on ne laissera tout de même pas échapper une si belle opportunité. S'en prendre à Cantat équivaut à passer l'éponge sur ses propres lâchetés - les grandes comme les petites – toutes ces oppressions d'autant plus illégitimes, que l'on ressent d'autant plus douloureusement que l'on a toujours eu peur de les combattre à visage découvert.

Nietzsche appelait cela l'idéologie du ressentiment. Si vous n'osez pas vous en prendre au gros chiens policier qui montre les dents, mord très facilement, et monte la garde devant la porte du bureau de votre patron, sortez votre barre de fer pour taper sur le chat de votre voisin. La pauvre bestiole n'y est pour rien mais cela vous soulagera. La chasse à Cantat me paraît participer de ce populisme de moins en moins rampant qui n'est que la soupape de sécurité de l'oppression libérale et du pouvoir étatique.

Je n'ai jamais été un grand fan de Noir Désir. Mais ne comptez pas sur moi pour courir avec la meute. Je ne sais que trop bien que le cerf cerné et abattu, nos braves toutous rentreront la queue entre les jambes dans l'enclos de leur prison mentale grillagée. Et qu'ils n'auront le droit de ressortir que pour participer à des chasses soigneusement encadrées.

Tout le mal que je souhaite à ces valeureux moralistes c'est de cesser d'être dupes de leurs propres auto-manipulations dérisoires.

Damie Chad.

 

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