Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

harold bronson

  • CHRONIQUES DE POURPRE 704 : KR'TNT ! 704 :LAISSEZ FAIRS / BOBBY LEE TRAMMEL/ SWALLOW THE RAT / HAROLD BRONSON / OUTSIDERS / ASHEN / AC SAPPHIRE / KRATON / ELVIS PRESLEY / GENE VINCENT+ SLIM JIM PHANTOM

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

    A20000LETTRINE.gif

    LIVRAISON 704

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    02 / 10 / 2025

     

      

    LAISSEZ FAIRS / BOBBY LEE

    SWALLOW THE RAT / HAROLD BRONSON

    OUTSIDERS / ASHEN 

    AC SAPPHIRE  / KRATON / ELVIS PRESLEY  

        GENE VINCENT +  SLIM JIM PHANTOM

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 704

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    L’avenir du rock

     - Il faut toujours Laissez Fairs

     (Part Three)

             Comme tout le monde, l’avenir du rock se fait régulièrement piéger dans des conversations. Boule et Bill prennent un malin plaisir à causer de tout ce qui n’a aucun intérêt : la fucking politique, le fucking football et pire encore, les fucking bagnoles.

             Boule est le plus irascible :

             — T’as vu, les Zémirats, y vont encore augmenter l’prix du diesel à la pomp’ !

             Bill en bave de rage :

             — Sont bons qu’à enculer leurs chameaux ! T’en penses quoi de tout c’merdier, avenir du stock ?

             — Faut toujours Laissez Fairs.

             Après une longue minute de silence, Boule relance la machine :

             — T’as vu, les Zémirats y zont tous des Essuvés et des smartfonnes dernier cri, c’est-y-pas une honte ! Ça a pas l’air de t’choquer, avenir du trock !

             — Faut toujours Laissez Fairs.

             Bill s’en étrangle :

             — Tu trouves ça normal que les Zémirats y roulent dans des gros Essuvés alors que toi t’as qu’un vieux diesel tout pourri ?

             — Faut toujours Laissez Fairs.

             Boule et Bill examinent attentivement la bobine de l’avenir du rock. Ils le considéraient jusqu’alors comme un mec équilibré. Un mec comme eux, un Français de souche, avec des valeurs morales. Cette fois, ils ne cherchent plus à dissimuler leur déception. Boule reprend d’un ton menaçant :

             — Alors t’es d’leur côté ?

             — Vous ne comprenez rien. Faut toujours Laissez Fairs.

     

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Avant de rentrer dans le vif du sujet, un petit correctif de rubricage s’impose : ce Part Three fait suite aux Parts One & Two qui s’intitulaient ‘Le loup des Steppes’, en mémoire des Steppes, le premier groupe de John Fallon. Mais depuis, la Seine a coulé sous le Pont Mirabeau, les Steppes appartiennent au passé (1984-1997), alors qu’avec les Laissez Fairs, John Fallon montre la direction de l’avenir. Le rock c’est par où ? C’est par là !

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Cryptic Numbers sera donc le septième album des Laissez Fairs. Les six premiers albums sont épluchés dans les Part One & Two du Loup des Steppes. Si tu demandes à John Fallon ce qu’il écoute, il te répondrait certainement ce qu’a répondu un jour Allan Crockford à la même question : «Syd Barrett and the ‘Hooo.» T’as au moins deux Whoish cuts sur Cryptic, «Steal The Whole World» et «(Live In A) Garbage Can». T’y retrouves l’énergie des Who. Même power explosif. C’est dynamité dans la couenne du lard. Cut vainqueur et glorieux. Tellement anglais ! Même chose avec ce «(Live In A) Garbage Can» qui prend feu. L’incendie des Fairs ! British glorious blow up ! Pire que les Who ! Fallon explose le freakbeat ! Quel démon ! T’as aussi deux cuts directement inspirés de Syd Barrett : «Jennifer Down» et «Living In The Summer». Le Jennifer sonne comme une belle descente aux enfers à la Syd. C’est terriblement barré. Fallon tape au cœur du Syd System, avec un petit Wall of Sound. On retrouve bien sûr l’enfer du paradis dans «Living In The Summer». c’est exactement l’esprit du Piper, avec le wild embrasement et l’éclat de la modernité. Pas de meilleur hommage au génie visionnaire de Syd Barrett. Et puis t’as la Mad Psychedelia du «Chapter Three» d’ouverture de bal. Ça sonne même comme une Mad Psyché à l’agonie, t’as là un son unique au monde, qui va bien au-delà de tes expectitudes. Fallon monte à l’assaut de la surenchère. Il rejette aussi sec tout son dévolu dans la balance pour «Cryptic Friend». Il balaye tout sur son passage, il hisse son Fallon Sound au sommet du rock anglais. Il rivalise de power carnassier avec les Prisoners. On le voit plus loin bourrer le mou de «That Final Road» avec un killer solo de gras double mal embouché. Il lance ensuite une grosse attaque frontale digne de The Attack avec «Idiot Proof». Même sens du punch vinaigré. Et dans les bonus, tu tombes sur un «Primrose Hill» stupéfiant, un shoot d’heavy psychhhh de Fallonmania claironné aux arpèges marmoréens. Les Fairs s’hissent au sommet du genre.

    Signé : Cazengler, John Falot

    The Laissez Fairs. Cryptic Numbers. RUM BAR Records 2025

     

     

    Rockabilly boogie

    - Trammell trame quelque chose

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Sacré Bobby Lee Trammell  ! Il a 14 ans quand Carl Perkins le fait monter sur scène au Netleton High School Auditorium, Arkansas, pour chanter un cut. Ça se passe bien «and Carl told me I should go and see Sam.» Sam le reçoit, mais il est trop busy. Il lui dit de répéter et de revenir dans deux ou trois semaines. No way ! Bobby Lee est trop impatient. Il décide de partir en Californie tenter sa chance - I didn’t have time to wait for Sun which was very stupid of me - C’est the Country legend Lefty Frizzel qui lui donne sa chance : une residency au Jubilee Ballroom de Baldwin Park, California. Un Country promoter nommé Fabor Robinson lui propose un million de $, et Bobby Lee lui rétorque fièrement que ça ne l’intéresse pas. Il fait 225 $ à l’usine Ford de 75 $ au Ballroom, et ajoute encore plus fièrement qu’il n’aurait jamais gagné tout ce blé en Arkansas ! Ça fait bien marrer Fabor Robinson qui lui file sa carte et qui lui dit qu’il pourra venir le trouver une fois qu’il aura réfléchi. Alors Bobby Lee se renseigne sur Fabor et le lendemain, il va chez lui à Malibu pour auditionner. Un mois plus tard, son premier single sort, «Shirley Lee», enregistré chez Fabor Robinson, avec James Burton et James Kirkland du Bob Luman Band.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             On peut l’entendre sur une belle compile Bear, You Mostest Girl. «Shirley Lee» ! Wild energy. At the utmost ! Bobby Lee va chercher la pointe du Raz du wild rockab. Il est indomptatable ! Aw shirley Lee you’re the girl for me ! - Dans la foulée, t’as «I Sure Do Love You Baby», gratté au heavy drive de James Burton. Et puis bien sûr, Burton passe un solo acide !

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Et crack, Bobby Lee part en tournée à travers tout le pays. Il joue au Louisiana Hayride - This was when I really started to tear up on all the shows - Il dit aussi qu’il était «much wilder than Jerry Lee or Little Richard.» Tout le monde veut voir Bobby Lee. Son single s’arrache. Il se retrouve sur ABC. Ricky Nelson adore «Shirley Lee» et en fait une cover. Bobby Lee est invité à chanter au Ricky’s TV show, mais Ozzy, le père de Ricky, le trouve trop rock’n’roll et lui demande de calmer le jeu. Même histoire que celle des Burnette Brothers. Bobby Lee envoie Ozzy sur les roses et commet une grosse erreur. Eh oui, un peu plus tard, il est avec Dorsey Burnette le jour où Dorsey récupère son royalty cheque et c’est le choc : 10 000 $. Bobby Lee comprend qu’il a encore perdu une occasion de fermer sa gueule. À cette époque, 10 000 $, c’est une véritable fortune.  Il comprend qu’il aurait dû composer des cuts pour Ricky Nelson, comme l’ont fait Dorsey et Johnny Burnette.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Il enregistre son deuxième single au Western Recorders d’Hollywood, «You Mostest Girl», mais on lui colle un big band et une chorale, et ça ne lui plaît pas, mais alors pas du tout ! - All I did was cut a, $5,000 flop - Alors Fabor Robinson retente le coup dans son home studio et cette fois ça marche. Mais bizarrement, le single ne décolle pas. Alors que c’est une bombe ! Un fabuleux drive d’heavy rockab. L’hit de Bobby Lee. Pur genius ! Aussi génial que Gene Vincent à Nashville ! Bobby Lee y reviendra plus tard pour une deuxième mouture, et cette fois, il va sonner comme Elvis. En B-side de Mostest Girl, on trouve «Uh Oh» un fabuleux rockab insidieux. Quelle merveille sexuelle !

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Il repart en tournée et choque les gens à travers le pays. On le trouve «downright vulgar, ten times worse than Elvis Presley.» Interdiction de rejouer au Louisiana Hayride. Pas de Grand Ole Opry non plus. Fini la rigolade. Mac Curtis qui s’y connaît en cats de haut rang le qualifie de «real fire and brimstone cat», ce qui vaut pour le plus brillant des compliments. Quand il part en tournée avec Jerry Lee, Bobby Lee entre en concurrence avec le plus sauvage d’entre tous.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Et puis pendant les sixties, il devient «the first American Beatle». Ses fans l’accusent de trahison, mais il s’en fout : il survit - I kept working and these Beatles helped me 100% - Il loue des salles pour jouer, car personne ne veut le programmer. Il enregistre «New Dance In France» avec Travis Wammack on lead guitar et Roland Janes à la prod. En 1977, il se retrouve sur Sun, mais pas celui de Sam, celui de Shelby Singleton à Nashville.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Ça vaut vraiment la peine de continuer à écouter cette belle compile Bear, You Mostest Girl. Il faut le voir sauter sur Susie Jane dans «My Susie J My Susie Jane», bien relayé au déboulé, mais moins rockab. Puis on le voit glisser petit à petit dans la country et même le convivial atrocement con («Love Don’t Let Me Down»). Il suit son petit bonhomme de chemin, et nous on suit les yeux fermés son petit bonhomme de chemin. Retour à l’excellence avec «Twenty Four Hours» et «Am I Satysfying You», c’mon honey ! Bobby Lee reste le best wild cat de choc in town. Retour fracassant au rockab avec «Come On And Love Me». Il claque son baby comme un punk. Laisse tomber Sid Vicious, écoute plutôt Bobby Lee. 

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             On s’amuse bien avec l’Arkansas Twist de Bobby Lee. L’album est enregistré chez Chips Moman. Les cuts du balda sont assez classiques, mais intentionnels - Carolyn you’re all mine - C’est très cousu de fil blanc. Bobby Lee fait du rock’nroll, pas du rockab. La viande se planque en B. «It’s All Yout Fault» te réveille en fanfare : bel heavy groove d’attaque magique, pur Memphis Beat ! On découvre un grand chanteur avec «Uh Oh» et un jeu  de caisse claire superbe. La B ne sonne pas du tout comme l’A. Plus loin, un orgue à la Augie Meyers challenge «New Dance In France». Extraordinaire ramalama ! Encore de l’heavy groove d’orgue derrière Bobby Lee dans «You Make Me Feel So Fine». Quelle viande extravagante ! Bobby est un prince du Memphis Beat. Il a le meilleur son du monde. Il tape pour finir une cover de «Whole Lotta Shakin’». Bien sûr, il n’a pas la voix de Jerry Lee, mais il a du son et une stand-up énorme. Tu assistes ici à une fabuleuse montée en neige du Memphis Beat, un truc que reprendra à son compte Jim Dickinson. Mais là,  c’est  Chips  qui drive la bête et il transforme Bobby Lee en superstar !

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Sur Toolie Frollie, Bobby Lee Trammell tape une belle cover de «Chantilly Lace». Grosse pulsion rockab et superbe presta du big Bobby Lee ! Il attaque son morceau titre d’ouverture de balda au pah pah ouh mah mah. Il a un petit côté Hasil Adkins. Bobby Lee reste un rocker assez puissant comme le montre «Betty Jean», tapé au pilon des forges. Il flirte avec le stomp. Son «Skimmy Lou» est plus rock’n’roll, mais avec une belle vitalité. Il ne mégote pas sur l’énergie. Avec «You Make Me Feel So Fine», on retrouve le rumble d’orgue d’Arkansas Twist. Il tape à la suite un fantastique boogie avec «Come On And Love Me». Il chante ça d’une voix de voyou qui guette le pékin moyen au coin de la rue. En B, il tape à l’efflanquée un slow rockab de classe supérieure, «Twenty Four Hours». On retrouve aussi le «Whole Lotta Shakin’ Goin’ On» de Jerry Lee et sa fantastique pulsion.   

    Signé : Cazengler, Trammell toi de tes oignons

    Bobby Lee Trammell. Arkansas Twist. Atlanta Records 1963

    Bobby Lee Trammell. Toolie Frollie. Dee Jay Jamboree 1984

    Bobby Lee Trammell. You Mostest Girl. Bear Family Records 1995

     

     

    L’avenir du rock

      Rat crawl

             Comme chaque année à la fin de l’été, l’avenir du rock convie ses amis à venir faire bombance sous son toit. Les voici attablés, prêts à festoyer. L’avenir du rock se lève et, s’aidant d’un petit clic-clic-clic de plat de couteau sur le cristal du verre, demande un moment de calme pour prononcer l’allocution de bienvenue :

             — Mes chers potes... Merci d’avoir ramené vos tronches de cakes.

             Les convives sourient mais n’en pensent pas moins. D’ordinaire, le langage de l’avenir du rock est un peu moins vernaculaire. Ceux qui le connaissent bien savent qu’il prépare un coup. Il poursuit, avec un bel accent des faubourgs : 

             — C’est un honneur que d’partager une gamelle avec des lascars d’vot’ acabit !

             Harold Ding ajuste son monocle et lance :

             — Tout l’honneur est pour nous, vieille branche !

             — Trêve de balivernes, les mecs ! Il est grand temps d’annoncer l’thème de la gamelle... Cette année, c’est le rat !

             Les convives s’attendent au pire. L’avenir du rock est tellement friand de trash qu’il est capable de lâcher des rats dans la pièce. Pour briser le silence qui suit l’annonce, Jean-Jean Valjean lance d’une voix de dindon inverti :

             — Dead cats dead rats ! Break on Trou to the river side !

             Jason Zon reprend la balle au bond :

             — Et si tu nous versais un coup de Rat Scabibine ?

             Émerveillé par la rock-inventivité de ses amis, l’avenir du rock éclate de rire. Sans transition, il annonce le plat de résistance, servi par deux putes : elles déposent devant chaque convive une assiette contenant un gros rat bouilli, complet, avec la queue.

             — Fini de rigoler, les gars, Swallow The Rat !   

     

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Au temps d’avant, Third World War chantait «Doin’ the rat crawl». Le rat est toujours là, mais sous une autre forme : Swallow The Rat, un trio basé en Nouvelle-Zélande. Si tu creuses un peu, tu découvres que le guitariste est un expat texan. Et quand tu le vois jouer, tu sens nettement poindre en lui le vétéran de toutes les

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

    guerres. Il s’appelle Brian Purington et il a joué dans des tas de groupes d’Austin, on ne va pas aller se fourvoyer là-dedans, car on y passerait la journée, et c’est un underground beaucoup trop ténébreux qui, comme beaucoup de choses, dépasse nos capacités limitées d’appréhension.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Swallow The Rat est un trio dont la loco s’appelle Hayden Fritchley, grand maître de l’hypno beat après Jaki Liebezeit. Fritchley est en plus l’une de ces perles rares qu’on appelle les batteurs chanteurs. Il tient bien la boutique du Rat. Et pour compléter le casting, t’as de l’autre côté de la scène un bassmatiqueur affûté qui fourbit un son rond et parfaitement appareillé au rat crawl. Tu rentres assez rapidement dans leur univers, car ils cultivent l’un des plus beaux Big Atmosphérix qu’on ait vus depuis le temps des Bury, et même le temps des Pixies. Dès qu’il écrase

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

    sa grosse pédale Fuzz War, Purington déclenche l’apocalypse. Ce sont des apocalypses dont on raffole, car elles te jettent dans des tourbillons, elles te mettent la compréhension sens dessus sens dessous, elles t’évacuent en vrac dans l’havoc avide, elles te vident de ton vain, elles t’évident les ovaires, elles t’avalent les ovules, elles te volent ton havre, tu subis rubis sur l’ongle et tu dis amen quand ça s’amène,

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

    t’es là pour ça, pour te faire éviscérer la cervelle, pour subir la tempête au Cap Horn, pour recevoir des gros paquets de mer en pleine gueule, et le Purington n’y va pas de main morte, il gratte des accords inconnus et se penche sur son manche pour faire jaillir des jus aigres et du poison sonique. S’il avait vécu au Moyen-Age, l’Inquisition l’aurait envoyé au bûcher. Les Swallowers ont le power, ils bâtissent de grandes zones hypno pour mieux sauter dans l’abîme. Sous sa casquette, Purington ourdit de sacrés complots contre l’équilibre sociétal. Il génère à la fois de la beauté et du chaos, c’est un sorcier des temps modernes.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Tu ramasses leur dernier album, South Locust, même si tu sais que tu ne vas pas retrouver l’intensité atomique du set. Mais au moins t’auras les carcasses. Et quelles carcasses ! Tu y découvres un truc qui t’a échappé pendant le concert : la

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

    proximité avec l’early Sonic Youth. C’est flagrant dans deux cas : «Gravois Park» et surtout le «Cave» qu’ils ont joué dans la cave. C’est noyé d’excelsior, complètement soniqué du bilboquet. T’as du solide vrac d’havoc, ils font le lit du bedlam, ils traînent vraiment sous les jupes de Sonic Youth, mais en beaucoup plus pernicieux. L’autre smash joué dans la cave s’appelle «ZZK», un cut monté sur un mötorik à la Can, mais féroce, avec un bassmatic d’attaque frontale sur lequel Purington verse du vinaigre. Tu raffoles de cette morphologie. Tu retrouves aussi l’agressif «Idea Of South», ils écrasent tout sur leur passage, c’est noyé de big sound, ils te font le coup du flush suprême. Tu les prenais déjà au sérieux, et là c’est encore pire. On sent bien le wild as fuck dès le «Terra Nullius» d’ouverture de bal. Ils sont gavés de son comme des oies, Purington bâtit un gigantesque Wall of Sound. Tu retrouves ce bâtisseur dans «Chain Mail», ça dégouline d’heavyness maléfique, il te barde tout ça d’outrance, t’as l’impression que ça te colle à la peau. «Mind» est encore plus dangereux pour ta santé mentale, car c’est bien heavy, bien sans peur et sans reproche, solidement implanté dans la paume du beat. Fabuleuse essence d’excelsior parégorique ! Les cuts sont parfois très insidieux, comme ce «Small Plates», mais tellement volontaires, tellement rentre-dedans. Le déluge de feu est leur raison d’être.

    Signé : Cazengler, rat d’égout

    Swallow The Rat. Le Trois Pièces. Rouen (76). 15 septembre 2025

    Swallow The Rat. South Locust. Shifting Sounds 2023       

    Concert Braincrushing

     

    Wizards & True Stars

     - Harold on, I’m coming

     (Part Three)

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Tiens revoilà le p’tit Harold Bronson, légendaire co-fondateur de Rhino. Rhino ? Mais  oui, bien sûr ! Rhino est à l’Amérique ce qu’Ace est à l’Angleterre, un gage de qualité. Aussi s’empresse-t-on de lire tout ce que gribouille le p’tit Harold. On l’aime bien, par ici. 

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             My British Invasion est son troisième book, et comme les deux précédents, c’est un book de fan extrêmement bien documenté. Bon d’accord, le p’tit Harold, c’est pas un styliste de la trempe de Stendhal ou de Louis Aragon, mais on ne lui en demande pas tant. Aussi longtemps qu’il nous racontera des histoires intéressantes, on lui ouvrira les bras.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Il procède par chapitres thématiques (Troggs, Spencer Davis Group, Manfred Mann, etc.). Il aborde aussi des thèmes que peu de gens songent à aborder : Emperor Rosko, les radios pirates, Granny Takes A Trip, Mike Chapman de Chinnichap, et quand il débarque à Londres, c’est pour interviewer Mickie Most. Notons aussi que ses chapitres sur le Spencer Davis Group et les Troggs sont pointus. 

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Dans sa préface, il se plait à rappeler que l’Apple Records des Beatles servit de modèle au concept de Rhino Records - Conçu en août 1968 with high ideals, Apple incarnait la qualité que les fans pouvaient attendre des Beatles - Il cite d’ailleurs l’ouvrage de Richard DiLellos, The Longest Coacktail Party, qui narre le détail du «large number of naïve, absurd, hubristic and delusional projects.» Le p’tit Harold s’empresse d’ajouter que son collègue Foos et lui «did a lot of crazy things, but we always tried to keep our heads on straight.» En plus des disks, Rhino a aussi sorti des films et des books, ce qui n’est pas courant chez les record companies. Et comme Ace, Rhino s’est spécialisé dans les reds - Our goal was to provide an excellent package - des liners bien écrits et des photos rares - and a superior-sounding album.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Comme on le sait depuis Time Has Come Today - Rock And Roll Diaries 1967-2007, le p’tit Harold tenait un journal, et pour son panorama de la Brisish Invasion, il démarre en 1971, quelques années après la bataille. Il voit Sabbath sur scène (qui sont d’actualité, puisque l’Ozz vient de casser sa pipe en bois). Il les voit en septembre 1971 au Long Beach Arena. La foule est jeune dit-il et il se sent vieux, alors qu’il n’a que 21 ans - Black Sabbath’s music was simple but solid - Voilà tout est dit. Il est enchanté par le «good-natured demeanor» de l’Ozz, en contraste avec le sérieux des trois autres cavemen. Il aura l’occasion d’interviewer l’Ozz un an plus tard et le trouvera charmant - a willing and engaging conversationnist - qui avoue humblement que les Beatles sont ses chouchous. L’Ozz rêvait même de voir sa sœur épouser Paul McCartney. Puis c’est avec l’«heavy guitar sound» de «Really Got Me» que l’Ozz dit avoir découvert sa vocation.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

    Le p’tit Harold rencontre aussi Emitt Rhodes qui, comme McCartney, vient d’enregistrer un album solo sans titre tout seul. Il avoue ensuite sa déception à l’écoute d’Exile On Main Street - Few tracks were of a high standard - Les «songs» comme il dit sonnent comme des «uninspired jams and the sound was muddy.» Il trouve aussi que Keef chante mal son «Happy». Il voit aussi Ramatam sur scène au Whisky. Il trouve Mitch Mitchell pas très bon, April Lawton charmante, mais ça ne suffit pas à cacher la misère des «mediocre songs and arrangements». Et puis t’as Mike Pinera, l’ex-Iron Butterfly. Toute une époque ! Il règle aussi son compte au School’s Out d’Alice Cooper et ses «many negligible tunes». Mine de rien, on est d’accord avec le p’tit Harold sur pas mal de choses.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Après un vaste chapitre consacré aux Herman’s Hermits, il passe enfin aux choses sérieuses avec Manfred Mann. Il commence par demander à son lecteur : quel est le the most proficient British Band ?, c’est-à-dire compétent - Les Beatles ? Les Rolling Stones ? Les Yardbirds ? Les Who ? My answer; Manfred Mann - Il commence par les décrire, Manfred Mann et son collier de barbe, et les autres qui semblent se réveiller d’une nuit passée à dormir sur le plancher, mais, ajoute-il, «comme ils ne sont ni des bad boys comme les Stones, ni aussi charismatiques que les Beatles, ni des flashy showmen comme les Who, alors ils ne retiennent pas l’attention.» Le p’tit Harold rappelle que les deux Jones s’entendaient bien, à l’origine des temps, le Paul et le Brian. Ils enregistrent une cassette pour Alexis Korner, espérant décrocher un job au Ealing Jazz Club. Mais ça ne marche pas. Alors Brian demande à Paul s’il veut bien monter un groupe avec lui et Keef. Paul décline l’offre, car il vient de s’engager avec Manfred Mann. Il va vite devenir une «consumate pop idol». Manfred Mann vient du jazz et il comprend que s’il veut survivre, il doit enregistrer des commercial singles - It was jazz men trying to make a living - Puis Paul Jones quitte Manfred Mann. It was devastating. Il sera remplacé par Mike d’Abo.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Le p’tit Harold passe tout naturellement aux Yardbirds - I rank the Yardbirds third to The Beatles and The Rolling Stones on artistic innovation - Quand Clapton quitte le groupe, tout le monde est soulagé. Jeff Beck qui le remplace ne supporte pas de voir l’asthmatique Keith Relf sortir son atomiseur sur scène. «I’m joining an asthmatic blues band», s’exclame-t-il. Beck a tout de même des bons souvenirs des Yardbirds, surtout du soir où Giorgio Gomelsky l’a emmené voir jouer Howlin’ Wolf dans un club : «There were Negroes standing and sitting everywhere eating chicken and rice. And up the stage was Howlin’ Wolf dressed in a black dinner jacket and sitting on a stool playing some battered old guitar.» Les Yardbirds considèrent Giorgio comme le 6e membre du groupe. Ils le surnomment Fidel Castro. Mais il y a un problème de blé. Ils ne pensent pas que Giorgio les arnaque, mais c’est un mauvais gérant - He was bad with finances - Alors ils le virent, et bien sûr, ça lui brise le cœur. Simon Napier-Bell devient alors le manager des Yardbirds en avril 1966. Il les trouve charmants, «gentle souls with good manners». Mais ce n’est pas la même ambiance qu’avec Giorgio, le contact ne se fait pas. C’est là que les Yardbirds enregistrent Roger The Engineer. Puis ils sortent «Over Under Sideways Down» : Jeff Beck sort le riff sur sa fuzz-tone guitar. Pour le p’tit Harold, «Jeff is brillant. In my opinion, the best playing of his carrer was with the Yardbirds.» Et quand Samwell-Smith quitte les Yardbirds, «they lost the creative heart of the band.» C’est là qu’arrive Jimmy Page. Jim McCarthy raconte : «On jouait en Écosse, Beck et Page portaient des vestes militaires avec des German Iron Crosses et on leur a craché dessus. Jimmy seemed interested in instruments of perversion. Every now and then he’d talk about the Marquis de Sade.» Les Yardbirds passent à la vitesse supérieure. Mais Jeff Beck décroche, rate des concerts, et quand il joue, il commence à démolir son ampli. Il ne supporte plus d’entendre l’atomiseur de Keith Relf pendant qu’il passe un solo. À force d’absences et de sulking (c’est-à-dire qu’il boude) Jeff Beck est viré - He was more from a car mechanic background - et Chris Dreja d’ajouter : «He’s a slightly out of control egomaniac.» Les Yardbirds ne sont plus que quatre. Jim McCarthy : «The four of us was the best combination we’d had.» Simon Napier-Bell finit par se laver les mains du groupe, les qualifiant de «miserable bloody lot» et trouve que Paul Samwell-Smith et Jimmy Page sont les plus «troublesome». Il les refourgue à Mickie Most. C’est là que Peter Grant devient leur manager. On connaît la suite de l’histoire.  

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

    Rosko sur RTL

             Parmi les objets de curiosité, le p’tit Harold épingle Larry Page qui fut manager des Kinks avant de se faire virer, puis manager des Troggs. Le p’tit Harold le rencontre, le trouve ni flamboyant ni excentrique, but he was a character. Dans le chapitre qu’il consacra à Rosko, il nous apprend que Rosko est américain, qu’il a grandi à Beverly Hills et qu’il fit embaucher Sly Stone dans une radio de San Francisco. Comme il avait appris le français au collège, Rosko s’installa à Paris et fit le DJ pour Eddie Barclay. Il étendit son règne impérial sur Radio Caroline et Rhino rêvait de consacrer un docu aux Radios Pirates. Le p’tit Harold évoque bien sûr Ronan O’Rahilly qui transforma un ferry néerlandais en Radio Pirate qu’il baptisa Caroline, en l’honneur de la fille de JFK récemment dégommé. Il avait paraît-il un buste de JFK dans son burlingue et lorsqu’il voyageait, il le faisait incognito, signant les registres du nom de Bobby Kennedy.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Le p’tit Harold rencontre aussi Andrew Lauder à Londres, qui vient tout juste de lancer un «local power trio», the Groundhogs. Il rencontre aussi Roy Wood qui n’est pas un «great concersationalist». Ses réponses sont courtes et conventionnelles. Roy Wood cite John Barry parmi ses références. Il dit aussi admirer Led Zep et les Carpenters. Le p’tit Harold rencontre aussi Hawkwind et trouve Lemmy «amiable despite  his intimidating 1950’ rocker look». Le p’tit Harold trouve le son d’Hawkwind «similar to Black Sabbath’s, mostly based around riffs», avec des hippie folk roots. Il ajoute qu’on qualifie leur son de space rock. Au moment où le p’tit Harold les voit, Robert Calvert vient de les quitter. Bien sûr, Lauder refile au p’tit Harold l’album que vient d’enregistrer Calvert, Captain Lookheed & The Starfighters - I preferred it to Hawkwind which I felt had been diminished by Calvert’s departure.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

              Le p’tit Harold rencontre Spencer Davis en 1971, longtemps après la bataille. Premier rappel : le Spencer Davis Group vient de Birmingham, deuxième ville d’Angleterre après Londres, d’où viennent aussi les Moody Blues, les Move, la moitié de Led Zep et bien sûr Sabbath. Quand il monte le Spencer Davis Group, Spencer Davis est déjà un vieux de la vieille : en 1962, il se produisait dans les coffeehouses berlinoises : il chantait Woody Guthrie, Joan Baez et Ramblin’ Jack Elliott. Puis à Birmingham, il voit le Muff Woody Jazz Band et note que le très jeune Stevie Winwood «played piano like Oscar Peterson, and he was incredible. He played the melodica in addition to singing». Il n’avait pas encore 15 ans et sonnait comme Ray Charles, «and it just knocked me sideways.» C’est là que Spencer Davis lui propose de monter un groupe. Stevie accepte à condition que son frère Muff soit de la partie. Ils récupèrent Peter York qui est un jazz drummer, et le Spencer Davis Group démarre en avril 1963. Tout le monde se met d’accord sur le nom de Spencer Davis Group. C’est toujours mieux que The Rhythm And Blues Quartet. Ils commencent à écumer la scène locale, et dans le public se trouvent des gens comme Robert Plant et Noddy Holder. Chris Blackwell leur décroche un contrat chez Fontana en août 1964. Ça ne traîne pas. Ils commencent par des covers : «Dimples» (John Lee Hooker), «Every Little Bit Hurts» (Brenda Holloway). Mais leurs premiers singles floppent, Puis ils tapent dans le «Keep On Running» du Jamaïcain Jackie Edwards, ils virent le côté ska pour le remplacer par un riff de fuzz inspiré de celui de Keef dans «Satisfaction». Gros succès. Puis attiré par l’hippie folky folkah, Stevie Windwood annonce son départ. Sa décision fait des ravages dans le groupe, alors que leur single «I’m A Man» est encore dans les charts. Et bien sûr, lors de son interview avec le p’tit Harold, Spencer Davis indique qu’il n’a jamais été payé au temps du Spencer Davis Group - On paper I had a lot of money, in the bank I had nothing. Where was it after all those smashes? - Dans la poche de Blackwell, de toute évidence. Classique.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             On passe aussitôt aux Kinks et à «Really Gor Me», loud and raw comme chacun sait. Le p’tit Harold précise que Ray Davies avait son propre style, comme Dylan avait le sien. Par contre, Nicky Hopkins n’a pas une très haute opinion des Kinks : «Après le Village Green LP, j’ai arrêté de bosser avec eux. Ils ne m’ont pas payé pour les sessions, et j’ai fait aussi pas mal de télés avec eux. Je suis vraiment dégoûté. Sur l’album, Ray est crédité pour le chant, la guitare et le piano. Jeez ! I did seventy-five percent of the keyboard work and I didn’t get the proper credit. Je ne travaillerai plus jamais pour lui. They’re greedy bastards. Ray Davies is so tight his arse speaks when he walks.» Et crack !    

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Au début de l’histoire des Troggs, on retrouve Larry Page. Après avoir été viré et poursuivi en justice par les Kinks, Larry Page ne rêvait plus que de vengeance. Pour ça, il devait trouver un autre groupe et en faire des hitmakers. On lui recommande les Troglodytes. On lui dit que leur cover de «Really Got Me» est meilleure que la version des Kinks. Page tient sa vengeance. Il signe le groupe et les rebaptise Troggs, comme il avait rebaptisé les Ravens en Kinks. Puis il rebaptise Reginald Maurice en Reg Presley et Ronnie Mullis en Ronnie Bond. Il demande ensuite à la boutique Take 6 de leur tailler des costards. Ce sont les fameux costards rayés qu’on voit sur la pochette du premier album des Troggs. D’une certaine façon, Larry Page a dû reformater ces quatre lascars originaires d’Andover, un bled paumé de l’Hampshire dont on qualifie les habitants de «country bumpkins» ou encore d’«hicks from the sticks». Larry Page leur fait enregistrer leur premier single sur du rab de temps de studio et Reg raconte qu’ils ont dû installer leur matos en un quart d’heure pour enregistrer ensuite «Wild Thing» et «With A Girl Like You» en vingt minutes. Reg dit aussi qu’il fait un solo d’ocarina, parque qu’il y en avait un sur la démo que Page leur a refilé. Les 45 minutes de leftover studio time ont été assez rentables puisque «Wild Thing» et «With A Girl Like You» ont été deux number ones, l’un en Angleterre et l’autre aux États-Unis. Ils enregistrent ensuite leur premier album en trois heures. Les cuts ne sont même pas terminés quand ils entrent en studio. Ronnie Bond raconte que Reg écrivait les paroles pendant que les trois autres enregistraient les backings. Le p’tit Harold indique que, comme les Beatles, les Troggs chantent des chansons d’amour, mais il ne s’agit pas du même amour : les Troggs privilégient un «lust-driven, sexually insatisfied caveman intent on ripping off the dress of the nearest appetizing girl and having a go at it.» Si les Troggs plaisent tellement à une certaine catégorie de la population, c’est sans doute à cause ou grâce à leur «we’re-tough-we-don’t-care punk attitude». On qualifie leur son de «simple» et le p’tit Harold les compare volontiers à Sabbath et aux Ramones. Quand on propose au gros billet aux Toggs pour une tournée américaine et un passage à l’Ed Sullivan Show, Larry Page refuse, car, radin comme il est, il craint de perdre de l’argent sur la tournée. Quand le Troggs apprennent la triste nouvelle, ils sont écœurés car bien sûr la décision a été prise sans eux, alors qu’ils rêvaient d’aller jouer aux États-Unis. Résultat : Page est viré. Ça fait tout de même la deuxième fois qu’il est viré par un groupe qu’il a lancé. Ce qui ne l’empêchera pas de sortir Trogglodynamite sans le consentement du groupe. Le p’tit Harold trouve que cet album est nettement inférieur au premier, ce qui est parfaitement juste. Mais après avoir viré Larry Page, les Troggs n’auront plus jamais un autre hit. Et bien sûr, l’Ozz adorait les Troggs et leur «very sexual» aspect.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Le p’tit Harold consacre l’un de ses plus gros chapitres au Dave Clark Five et plus précisément à Dave Clark qui débuta en achetant un drum set pour deux livres à l’Armée du Salut et qui apprit les rudiments. Un Dave qui avait quitté l’école à 15 ans, mais qui avait un sens aigu des affaires. Très tôt, il monte une publishing company pour le Dave Clark Five - Dave was a controlling person - C’est un mec spécialisé dans les arts martiaux, dont le karaté. Dave est aussi le producteur du Dave Clark Five, ce qui est nouveau à l’époque. Il trouve une combine pour avoir de l’écho sur «Glad All Over», son premier big hit. Dave est aussi le manager du groupe. D’instinct, il sait prendre les bonnes décisions et sait choisir ses collègues. Mike Smith est le musical genius du groupe, pianiste formé au conservatoire et co-auteur d’hits avec Dave. En 1964, Dave fait signer un contrat de 5 ans aux membres du groupe. Il les salarie : 50 £ par semaine, quatre semaines de congés payés et pas de royalties sur les ventes de disks. Ils devaient en outre rester disponibles 24 h/24, ils devaient prendre soin de leurs instruments, et suivre les consignes de Dave en matière de look : fringues et coupes de cheveux. Le line-up n’a pas bougé pendant les 9 ans qu’a duré le groupe. Petite cerise sur le gâtö : Dave, que le p’tit Harold surnomme Handsome Dave, est l’épitome du charme, quand il s’adresse à une gonzesse, il lui dit «luv» et se plaint qu’il est impossible de trouver une bonne tasse de thé aux États-Unis. Le Dave Clark Five plait tellement à Ed Sullivan qu’ils seront invités 12 fois dans son show, «more than any other rock band». Pour les tournées américaines, les DC5 rachètent un jet privé aux Rockefeller. Ils font peindre DC5 en grosses lettres sur le côté. Ils font 6 tournées américaines et du coup, le DC5 a plus d’hits aux États-Unis qu’en Angleterre. On qualifie leur son de «Tottenham Sound», ce qui les distingue du Mersey de Liverpool et de Londres. En 1965, ils sont plus populaires que les Herman’s Hermits et les Stones. Dave arrête le groupe en 1967. Bien sûr, Rhino veut leur rendre hommage avec une box, vu que les albums n’ont jamais été réédités. Dave qui avait récupéré les masters refusait de les céder. Il pensait qu’en bloquant les rééditions, la cote du DC5 allait monter. Et Comme il avait investi dans l’immobilier, Handsome Dave n’avait pas besoin de blé. Mais la cote du DC5 n’a jamais monté. Loin des yeux loin du cœur, comme on dit. Le p’tit Harold a beaucoup insisté pour convaincre Handsome Dave de faire une box en hommage au DC5, mais Handsome Dave a toujours dit non. 

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             On retrouve aussi l’interview de Mickie Most publiée dans Time Has Come Today - Rock And Roll Diaries 1967-2007, où Mickie explique qu’il n’a pas voulu produire les Stones car il les trouvait trop indisciplinés, arrivant en studio à minuit, alors qu’il voulait être rentré chez lui de bonne heure pour dîner en famille. L’interview de Mike Chapman est intéressante. Chinninchap ont d’une certaine façon inventé en glam. Mais le hits glam anglais (Mud, Showaddywaddy, Cockney Rebel, Slade et Wizzard) ne sont pas des hits aux États-Unis. Chapman bosse comme barman dans un club qui appartient au père de Nicky Chinn, et c’est là qu’ils se rencontrent. Ils  décident d’écrire des chansons ensemble et en 1971, ils démarrent avec «Funny Funny» pour les Sweet. Mickie Most prend Chinninchap sous son aile et leur demande de pondre des hits pour les glamsters qu’il enregistre sur son label RAK. Alors ils pondent. Cot cot ! Suzi Quatro, Mud, et puis Sweet. Quand ils se mettent au boulot, ils commencent par le titre, puis ils travaillent la mélodie et finissent avec les paroles. Ils composent «Little Wally» pour Sweet - Little Willie Willy won’t go home - Le côté comique de l’histoire, c’est que Willie est le slang de pénis. Chapman pense qu’il faut aller bosser aux États-Unis et il produit des albums pour Rick Derringer, Smokie, Suzi Quatro et Blondie.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             On garde le meilleur pour la fin : Marc Bolan, John Lydon et les Zombies. C’est là où le p’tit Harold casse bien la baraque. Il est assez fasciné par Marc Bolan, il qualifie son style vocal de «subtle, sensual, direct and snarlingly animalistic.» Il le trouve très anglais, assez proche de Ray Davies, «and a dedicated follower of the fashion, modeling a magnetic gold-threated coat, black satin pants and girls orange Mary Jane shoes.» Quand le p’tit Harold lui demande pourquoi il ne joue pas de solos, Marc lui répond sèchement : «I do. On stage.» Il rappelle que «Get It On» sur scène dure 20 mn - I blow my head off and I play to the audience - Il s’enflamme et lance : «Look out, man, I’m really Marc Hendrix!» Il se calme un peu et rappelle qu’il n’a jamais été un «folkie» - I started with an electric rock band which was called John’s Children. I started with a 1962 Les Paul and a 400-watt stack.» Marc remet les pendules à l’heure : «There were three records: ‘My White Bicyle’ by Tomorrow, ‘Granny Takes A Trip’ by the Purple Gang and ‘Desdemona’ by John’s Chidren. Dynamite records. Dynamite! Those records are what you would call turntable hits. They got mass airplay - mass - but they didn’t sell a fucking record because they were three years too soon. Each one would be a number one, no doubt about it.» Il ajoute que l’underground a mis du temps à s’établir en Angleterre. Marc rappelle qu’il est monté sur scène en première partie de Van Morrison à l’âge de 17 ans. Le p’tit Harold lui demande pourquoi il a quitté les John’s Children et Marc dit qu’ils voulaient faire de lui un Monkee - When I left John’s Children, they took my guitar away. They took my Les Paul and sold it. They took my stack and sold it - Puis Marc va commencer à démystifier le star system - Don’t believe there’s security in being a star - Il indique au passage qu’il n’y a de sécurité nulle part, puisqu’on va tous mourir. Il espère pouvoir conduire le Royal Philharmonic Orchestra «because that’s what I hear in my head. If not, I’ll retreat into my country Welsh island and disappear. I’ll send bootlegs out.»

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Le p’tit Harold est fan du Lydon’s book, No Irish No Blacks No Dogs. Il rêve de tourner un film adapté du book. Il rencontre Lydon à Santa Monica. Lydon a grossi. Le p’tit Harold le qualifie de «good conversationalist». Il faut trouver un scénariste pour adapter le book. C’est Jeremy Drysdale. Il passe 8 heures avec John Lydon et ils descendent 36  bières. Mais le projet va se casser la gueule. John Lydon demande si son personnage peut être joué par une femme, ou un gosse black, ou un vioque. Sur le moment c’est perçu comme une mauvaise idée, sauf que Todd Hayes va l’utiliser dans son portrait de Dylan, I’m Not There - I guess John was ahead of his time.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

              Autre groupe fétiche : les Zombies - Low budget horror movies were the rage with teens in the early sixties, so it was no surprise that original bassist Paul Arnold sugested ‘The Zombies’ - En 1964, ils ont déjà un problème de look - They looked like erudite schoolboys. Two even wore glasses - Le p’tit Harold se marre bien quand il ajoute que s’ils avaient été managés par Larry Page, celui-si les aurait déguisés en chimistes avec des blouses de laboratoire et des éprouvettes fumantes.   Comme «She’s Not There» se retrouve dans le Top Five américain, les Zombies sont expédiés vite fait au Murray the K’s Christmas Show at the Brooklyn Fox Theater. Ils se retrouvent à la même affiche que «Chuck Jackson, Ben E. King & The Drifters, The Shirelles, Dick & Dee Dee, The Shangri-Las, Patti LaBelle & The Bluebells, The Vibrations, Dionne Warwick, The Nashville Teens and The Hullabaloos.» Difficile à croire nous dit le p’tit Harold, mais les Zombies ont une grosse influence sur des gens comme les Byrds, Vanilla Fudge et Left Banke qui jouent des Zombies covers sur scène. Peu de temps après, nos cinq Zombies sont de retour aux États-Unis pour participer au Dick Clark Caravan of Stars, en compagnie de «Del Shannon, Tommy Roe, The Shangri-Las et dix autres artistes.» Ils arrivent aux Philippines pour jouer devant 10 000 personnes à l’Arenata Coliseum et on leur donne 300 $ à se partager en cinq. Ils sentent qu’il y a une petite arnaque. Puis on leur confisque leurs passeports et on leur donne des gardes du corps, pour soit-disant assurer leur sécurité. Les Zombies craignent pour leur vie. Rentrés au bercail sains et saufs, ils enregistrent Odessey & Oracle pour 4 000 $ (alors que les Beatles en avaient claqué 75 000 sur Sgt Pepper) et le p’tit Harold trouve que les chansons des Zombies sont bien meilleures que celles de Sgt Pepper. C’est le graphiste Terry Quirk qui s’est vautré en dessinant le titre : Odessey plutôt qu’Odyssey, mais personne ne l’a vu. Comme Rod Argent et Chris White empochent des royalties de compositeurs, les autres sont jaloux. Ils se plaignent de devoir prendre le métro alors et Rod et Chris roulent en bagnoles de sport. Et c’est là que le groupe splitte. Les trois autres sont obligés de prendre des jobs pour manger et payer leur loyer, car le groupe en tant que tel ne rapporte pas assez. Colin Blunstone bosse comme agent d’assurance, Hugh Grandy vend des bagnoles, et Paul Atkinson bosse dans une banque. Deux ans plus tard, ils sont tous de retour dans le music biz, Colin avec sa carrière solo, Hugh chez CBS, et Paul comme A&R chez CBS. L’un des premiers groupes que signe Paul n’est autre qu’Abba. De passage à Londres, Al Kooper achète quelques albums d’occasion sur King’s Road et flashe sur Odessey & Miracle qui «stuck like a rose in a garden of weeds». Comme il est A&R chez CBS, il parvient à convaincre son boss Clive Davis de rééditer l’album. Mais Odessey & Oracle ne se vend pas aux États-Unis. Tout le monde trouve l’album génial, mais il n’est pas assez commercial. Le groupe va se reformer en 2001 et en 2015, ils ont joué Odessey sur scène. Et voilà, c’est tout ce que le p’tit Harold peut en dire à l’époque. C’est déjà pas si mal.

    Signé : Cazengler, Bronson of a bitch

    Harold Bronson. My British Invasion. Vireo Book 2017

     

     

    Inside the goldmine

     - L’outsiding des Outsiders

             Tox portait bien son nom. Rien à voir avec les drogues. Ce qui était toxique en lui, c’était tout simplement sa connerie. Le pauvre ! Toutes les formules de Jacques Audiard le concernaient directement, à commencer par la plus célèbre, «Les cons, ça ose tout ! C’est même à ça qu’on les reconnaît.» Ou encore celle-ci, «Quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner.» Dommage qu’Audiard n’ait pas connu Tox, car il se serait régalé. Il aurait pu dire de Tox un truc du genre : «Dommage qu’on ne taxe pas la connerie. Tox rapporterait une fortune à l’État.» Ou encore celle-ci : «Si la vie était bien faite, Tox serait élu roi des cons.» C’est vrai qu’on reconnaît Tox à sa connerie, car il osait tout. C’est vrai qu’il semblait tourner en orbite. C’est vrai qu’à chaque rencontre, il réveillait l’Audiard qui sommeille en nous. Ça devenait presque automatique. «Si les cons n’existaient pas, alors il faudrait inventer Tox.» Tox n’en finissait plus d’inspirer ton imaginaire. Au point où on en était, on finissait même par parodier Audiard : «Après la mort, l’esprit quitte le corps, sauf chez Tox.» Ou encore : «Si Tox pouvait se mesurer, il servirait de mètre-étalon.» Ou encore : «Quand on est con comme Tox, on porte un écriteau, on prévient.» Le pauvre Tox, il ne semblait se douter de rien. Il rentrait dans les conversations en prenant la posture d’un mec intelligent et tatoué, il gueulait un peu pour imposer un point de vue, sa petite voix criarde sonnait tellement creux qu’il nous faisait de la peine. Pire que ça : il nous faisait pitié. Mais bizarrement, quand les gens commencent à nous inspirer de la pitié, on les voit autrement. L’angle change. Le doute s’installe. On se sent devenir con. Le con n’est pas toujours celui qu’on croit. Et comme le disait si justement Audiard, «Un intellectuel assis va moins loin qu’un con qui marche.» C’est tellement vrai. Il faut parfois toute une vie pour le comprendre.

     

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Pendant que Tox défraie la chronique, Tax règne sur l’underground néerlandais des mid-sixties. Tox et Tax sont tous les deux victimes de quiproquos, alors après avoir élucidé le mystère de Tox, penchons-nous sur celui de Tax.

             On  a longtemps considéré Wally Tax, le chanteur des Outsiders, comme l’équivalent de Phil May. Alors on a traqué les albums. Ça n’a pas toujours été très facile.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             On avait à l’époque ramené de Londres une belle compile des Outsiders, Touch. Un Touch qui démarrait avec l’excellent «Story 16» et sa belle tension protozoaire. Cut aussi très Seeds, par son côté insistant. Plus loin, «Lying All The time» sonnait comme un cut des Byrds et il fallait attendre «That’s Your Problem» pour renouer avec les Pretties et les fameuses virées de wild bassmatic signée John Stax. En B, le morceau titre renouait avec la belle tension sixties agrémentée de coups d’harp et tout allait finir un mode dylanesque avec «Ballad Of John B» et «Thinking About Today». Du coup, on éprouvait une légère déception.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Puis t’as Pseudonym qui s’est mis à rééditer tout l’Outsidering, à commencer par C.Q. devenu C.Q. Mythology, un fat double album. Très bel emballage mais rien dans la culotte. Tu croises les cuts en version chantée et en version instro, mais tu ressors bredouille des quatre faces. Même déception qu’avec les reds Pseudonym de Q65.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Chaque fois que tu croises un bel Outsiders dans le bac de Born Bad, tu le sors et c’est un Pseudonym. Tu te fais encore avoir avec Afraid Of The Dark, un live enregistré en 1967 qui démarre sur «Bird In A Cage» et les coups d’harp de Wally Tax. Ils ont un son assez confus, animé par le bassmatic dynamique d’Appie Rammers. La viande est en B, avec «Story 16». Les coups d’harp de Wally Tax valent bien ceux d’Arthur Lee. Wally fait les Pretties et reprend toute la transe de Van the Man dans le pont de «Gloria» - So tight/ Awite - Il te chauffe ça au c’mon, c’est puissant et c’est même un fleuron du protozozo, ça monte bien en température. Dommage que tout ne soit pas de ce niveau chez les Outsiders. Ils se tirent une balle dans le pied avec la poppy popette d’«I Wish I Could». Ils sauvent les meubles en bout de la B avec un «Won’t You Listen» ramoné à la fuzz, c’est un gros ventre à terre, ils ne rigolent plus, Wally fait ton protozozo, et derrière, Appie Rammers fait de la haute voltige.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             C’est avec Monkey On Your Back: Their 45s qu’ils s’en sortent le mieux. Ce fat double album rassemble tout le protozozo des Outsiders, à commencer par l’imparable «You Mistreat Me», même harsh, même désaille de la voyoucratie vocale que celle des Pretties. Pretties encore avec «Felt Like I Wanted To Cry» et «That’s Your Problem» : ils sont en plein dans les dynamiques des early Pretties. Pretties encore en D avec «Touch». On re-croise aussi le «Lying All The Time» qui sonne comme un hit des Byrds, et le «Ballad Of John B» plus dylanesque. Et puis en D, t’as ce «Talk To Me» qu’on dirait sorti d’un EP des Them : on y retrouve la tension de «Gloria» et de «Story 16». Le reste n’est pas bon.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Alors t’as aussi le photo sound book d’Hans Van Vuuren, The Outsiders - Beat Legends, paru en 2010. D’ailleurs, c’était le seul book au merch du Beatwave à Hastings. À l’époque de sa parution, Crypt le proposait dans son catalogue, alors on l’a rapatrié, car on s’attendait à monts et merveilles. Ni grand format, ni petit format, il se situe entre les deux. Autre avantage : c’est un photo book, c’est écrit dessus, comme le Port-Salut. T’as tout juste une introduction de deux pages en néerlandais et en anglais, donc t’as pas grand chose à te mettre sous la dent. Tu ne perds donc pas ton temps à lire les louanges d’un groupe que tu sais limité à une poignée de singles,  «That’s Your Problem», «Story 16» et «You Mistreat Me».

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

    (1965)

             Quand il débute en 1961, le groupe s’appelle Jimmy Ravon & The Outsiders. Wally Tax y gratte ses poux. C’est en 1964 qu’ils deviennent les Outsiders avec Wally au chant et aux poux.  Le batteur Leendert Buzz Busch porte un collier de barbe et des lunettes à grosses montures noires, comme Manfred Mann. Ah l’esthétique des early sixties ! Tout un poème ! Par contre, Wally a déjà une bonne coupe de douilles, comme on disait alors. Et en 1965, il a les cheveux sur les épaules, comme son idole Phil May. Les Outsiders n’ont tenu que grâce au look et au timbre de Wally Tax. Alors évidemment, on tourne les pages et ça grouille de photos. Ils passaient leur temps à se faire photographier. Wally était un petit mec extrêmement photogénique. Il y a notamment un photo session dans un parc à Amsterdam. Ils commencent à enregistrer en 1965. On suit tout le déroulement de carrière page à page, en se demandant quel intérêt peut avoir ce genre de photo book. Sortie de leur premier single, «You Mistret Me» sur Op Art. Au catalogue d’Op Art, on voit aussi les Bintangs, et Peter  & the Blizzards. Tiens et les Zipps ! On les avait oubliés, ceux-là !

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             En 1966, les Outsiders ont le look parfait. On n’a d’yeux que pour le wild Wally, qui n’en finit plus d’afficher sa mélancolie néerlandaise. En 1966 sort «Lying All The Time». Ça a l’air de bien marcher pour eux, on les retrouve même en première partie d’un concert des Rolling Stones au Brabanthallen, Den Bosch. En 1966, ils viennent jouer à la Locomotive. En 1966, sort un autre single protozozo, «That’s Your Problem».

             De l’image, toujours de l’image, encore de l’image.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             En 1966, ils jouent en première partie de Little Richard à l’Olympia. En 1967, les cheveux continuent de pousser. Ils apparaissent dans pas mal de petits canards pop anglais. On les voit aussi dans la caisse suspendue en l’air, dans le Port d’Amsterdam, où ya des marins qui dansent en se frottant la panse sur la panse des femmes, ils tournent, ils dansent comme des soleils crachés dans le son déchiré d’un accordéon rance.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Et soudain, on ne voit plus que Wally Tax, le voilà tout seul en couverture de Kink, avec un bouzouki. Et tout rentre dans l’ordre, les Outsiders reviennent au grand complet. Oh pas longtemps. Wally est trop photogénique. T’as des doubles entières consacrées au trop beau Wally, et crack, il enregistre On My Own en 1967.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

             Comme tous les autres à l’époque, les Outsiders se mettent à porter des grands chapeaux et deviennent des hippies. Fini les Pretties, ils sortent les flûtes et «Bird In A Cage». C’est foutu. Ils se déguisent avec des cols pelle à tarte comme les Young Rascals. Chute de l’empire Taxien. Pour chanter son single «Come Closer» à la télé, Wally se fait couper les cheveux. Enfin un petit peu. Il a l’air de porter une perruque.

    laissez fairs,bobby lee,swallow the rat,harold bronson,outsiders,ashen,ac sapphire,kraton,elvis presley,gene vincent + slim jim phamton

    1968 Amsterdam

             Sur les photos de 1968, ils ont encore de faux airs de Pretties. On voit même une photo de promo où ils ont l’air méchants. Sauf que Wally tient une flûte. Puis tout va s’écrouler avec le LP CQ. Et les barbes d’Appie et de Leendert se mettent à pousser. Pas si grave au fond, c’est même arrivé aux Kinks et aux Who.        

    Signé : Cazengler, taxé

    Outsiders. Touch. Emidisc 1976

    Outsiders. Afraid Of The Dark. Pseudonym 2010

    Outsiders. C.Q. Mythology. Pseudonym 2011

    Outsiders. Monkey On Your Back: Their 45s. Pseudonym 2012

    Hans Van Vuuren. The Outsiders - Beat Legends. Centertainnment 2010

     

    *

    z29835.jpg

            Nous le souhaitions depuis longtemps. Le premier album d’Ashen est arrivé. Nous suivons Ashen depuis plusieurs années, depuis leur début et même avant. Voici donc la chimère tant attendue.

    CHIMERA

    ASHEN

    (Out Of Line Music / 12 – 09 – 2025)

    Les chimères ne sont plus ce qu’elles étaient, elles ont bien changé.  Heureusement qu’il existe des artistes comme Mathieu Boudot, trafiquant d’images 3 D, pour nous donner accès à l’imaginaire de notre modernité. Ni pire, ni meilleure que les époques qui nous ont précédés ou de celles qui viendront après nous. C’est que les chimères ne procèdent pas de nous, elles sortent de notre cervelle dans laquelle elles nidifiaient, venues d’on ne sait où, comme l’indomptable Athéna surgit casquée, bottée, étincelante du chef fendu de Zeus. Mathieu Boudot sait les saisir en plein vol afin de les recouvrir d’une armure protectrice.

    z29534couvechimera.jpg

    La couve de Chimera ressemble à ces groupes de statues qui parfois hantent les monuments aux morts de nos cités. Ce n’est sûrement pas la Victoire ailée qui marche en avant conduisant des essaims de soldats vers une mort inscrite sur les monumentales pierres granitiques des cimetières. Pourtant dans la gangue de son scaphandre intersidéral elle est si loin de ses petits hommes pétris d’argile rouge qui s’agrippent à sa haute stature dans le vain espoir qu’elle les emporte avec elle. L’Humanité s’accroche à son rêve comme l’âne à sa carotte… Au loin tout au bout d’une route s’ouvre une porte étroite… Il n’est pas interdit de rêver, c’est le rêve qui est interdit.

    z29536groupe.jpg

    Clem Richard : vocal / Antoine Zimer : guitares / Niels Tozer : guitares / Tristan Broggia : batterie / 

    Z29563PROLOGUE.jpg

    You were always here : elle était là depuis toujours, des pas de palombes qui s’approchent, des coques d’œufs qui se brisent de l’intérieur, des notes qui tombent comme des gouttes d’eau dans la vasque qui les accueille, un souffle instrumental de gravité, comme un rideau inquiétant à la fenêtre qui s’agite en signe d’on ne sait quoi… Meet again : deux jours avant la sortie du disque est apparue une vidéo, intitulée Meet Again qui débute par la courte introduction précédente. Ashen nous a habitués à  de somptueuses vidéos inséparables de la sortie, étalée sur plus d’une année, de cinq titres en annonce de l’album sur lequel ils figurent. Le court film de Bastien Sablé proposé est moins esthétisant que les précédents et d’une  compréhension  davantage évidente. L’on y aperçoit le groupe en train de jouer mais l’on suit avant tout la marche d’un chevalier, d’ailleurs est-il deux ou sont-ils un, l’accoutrement est juste symbolique, une longue épée et une armure de pacotille, qui cherche-t-il, vers quel ennemi marche-t-il, pourquoi dégaine-t-il son arme trop grande pour lui, pourquoi tant de moulinets désordonnés contre l’invisiblee, quelle est cette épée plantée en terre, serait-ce une résurgence arthurienne d’Excalibur, ou  appartenait-elle à un ami dont elle désignerait la tombe. Peut-être même la tombe de notre chevalier… Nous n’en saurons pas davantage. La musique déboule, une espèce de flot symphonicco-post-metallicore, travaillé au corps par les assomptions batteriales, elle n’est qu’un faux-semblant absolument nécessaire et fondationnel, le déroulement éclosif de la tragédie, ramassée, exprimée, mimée par le chant de Clem Richard, elle est l’écrin chatoyant et hérissé, il est l‘écran noir et translucide de l’ubiquité de la parole qui révèle et recèle sans discontinuer.  Piétinement incessant d’une solitude romantisée qui se bat contre les fantômes du réel et du rêve. Cette brisure segaléenne entre le tigre du réel et le dragon de l’imaginaire, cet espace entre les deux mufles collés l’un à l’autre, cette lutte sans merci de l’autre contre l’un porte un nom, certains l’appellent porte de la folie, d’autres la nomment chimère. Chimera : déchirement, concassage sonore, vocal râpé,

    Z29562CHIMERA.jpg

    crise de folie subite, l’instrumentation comme un feu qui monte et retombe  braise calcinante pour des retours de flammes d’une hauteur spectaculaire, le morceau sonne comme un appel au secours, à soi, à l’autre et au monde, la chimère est au-dedans, la pieuvre se bat contre elle-même et contre le roi absolu de moi-même que je suis et que je ne suis pas, empereur fou de soi-même qui rêve de meurtre et de sang, de crimes et de règlements de comptes, je suis le bourreau de moi-même et  l’Imperator de tous ceux qui ne sont pas moi, qui sont contre moi, si contre qu’ils sont en moi-même, qu’ils sont moi-même, que je suis eux, leur époux ou leur épouse, ils veulent me clouer de leurs glaives au dossier de mon trône sur la plus haute montagne de l’univers, je ne suis plus qui je suis, j’ignore mon nom, car je ne sais plus si je suis le monstre chimérique de moi-même, ou bien le sujet de mes sujets assujettis à leur haine de moi. Je suis l’œuvre au rouge de mes angoisses, j’ignore si elles viennent de moi ou si elles viennent de tout ce qui ne serait pas moi.  Crystal

    z29538cristaltears.jpg

    tears : comme le précédent ce morceau a fait l’objet d’une vidéo. La précédente se déroulait au sommet d’une montagne, levez-vous orages désirés aurait pu être son titre, elle est l’appel à l’incandescence, elle défie la foudre et les Dieux, elle est la manifestation destructrice de la fureur mégalomaniaque humaine, elle en appelle à la destruction du monde et à l’auto-destruction de soi-même. Crystal Tears est tout le contraire. La scène se passe dans les antres terrestres, c’est la vidéo des profondeurs infernales, là où l’on expie  ses propres crimes en tâtonnant sans fin dans le labyrinthe de ses terreurs intimes. Moins d’exaltation, davantage de violence, musique compactée en bloc ténébreux d’anthracite, un vocal qui laboure ses propres entrailles, fracas intérieurs, sirènes d’alarmes, une boule de regrets qui dévale la pente de la folie sans frein, jusqu’à l’illumination intérieure, régression vers l’œuvre au blanc, le signe que quelque chose est en train de se révéler, une espèce de clarté étincelante qui pourrait vous servir de miroir si sa lumière n’était pas si aveuglante qu’elle vous empêche d’y voir, de reconnaître ce que vous savez déjà, une larme de cristal solidifié que l’on ne peut fendre ou fondre, qui ne coule pas qui restera toujours inaltérable figée en elle-même, fichée en vous comme une dent cariée. Une douleur inaltérable qui n’est pas sans rappeler la porte ouverte de la couve de l’opus. OblivionCe qu’il y a de terrible avec l’oubli c’est que l’on n’est jamais aussi près de ce que dont on voudrait se rappeler, une musique beaucoup moins torturée que les deux morceaux précédents, un chant ample signe d’espoir, l’on n’a jamais été aussi proche de l’extérieur de soi, des innombrables merveilles que nous offre la nature, un paradis certes encore à notre image, peuplé d’oiseaux de proie qui attendent que nous soyons dehors pour se précipiter sur nous et se disputer les morceaux pantelants de notre chair et de nos pensées, mais toutefois la promesse de nous extraire de notre bourbier, un magnifique et long solo de guitare nous berce dans cette illusion qui dure assez pour espérer que le plus dur soit derrière nous, mais la voix reprend, plus ample, insistante, ce n’est pas encore le retour de l’angoisse mais l’appel au secours à la Mère engendreuse et primordiale, pour qu’elle nous révèle les deux moitiés de l’œuf cosmique dont nous sommes issus, et nous persuade que les anges dinosauriens ne sont pas tous morts, que l’oubli n’est qu’un suaire que nous pourrions facilement déchirer. Chimera’s theme : instrumental, si l’on n’était pas qu’à la moitié du film, l’on pourrait aux premières secondes qui courent  croire à une happy end, que le prisonnier Zéro qui était si près de la porte de sortie s’évaderait si facilement de ses ennuis que ce n’est même pas la peine de nous le dire, mais quelques tapotements insistants nous alertent, la musique s’enraye avec ce bruit caractéristique d’une bande magnétique qui se bloque. Nous ne sommes pas naïfs, Wagner nous a appris que tout intermède lyrique n’est propice qu’à de proximales menaces.  Cover me red : Retour à la case départ. Encore plus violent. Encore plus déchiré. Davantage

    Z29561COVERRED.jpg

    une inclusion qu’une couche de peinture. Non plus le rouge alchimique mais le rouge du sang des blessures intimes et de l’hémoglobine suscitée par les agressions externes, selon cette musique qui s’entrechoque sur elle-même qui s’entasse, qui se recouvre, qui n’est plus qu’un hachis d’auto-grondements, qu’un grouillement de froissements comme si l’on appelait toutes les vipères du monde à venir nous recouvrir.  Altering : serait-ce le plus beau titre de l’opus, une intro style chevauchée des Walkyries, double partition, celle musicale et celle schizophrénique exposée par le vocal, suspendu sur l’abîme qui sépare ce que l’on est de ce que l’on pourrait être, deux rivages si éloignés que l’on ne sait plus sur lequel des deux bords de la faille l’on se tient, suspension de quelques notes, fragilité d’être dans l’entre-deux de soi-même, la voix s’élève pour plonger au fond de la chair qui l’émet, au sein du sang qui l’irrigue, symbiose instable en état de modification permanente, l’alternative insidieuse a pris les commandes, les deux mâchoires se refermeront sur moi et me dévoreront. Du sang sur les mains du meurtrier en puissance, la musique spongieuse glougloute comme un torrent qui se presse. Desire : à l’origine une vidéo de Bastien

    z29539desire.jpg

     Sablé, celle du désir rampant en soi, hors de soi, dans l’impossibilité de la solitude, à moins que ce ne soit le désir de l’autre, chimère extérieure de chair et de consomption, serpent musical furtif qui se lève brutalement pour mordre ou se fondre en moi, tous deux partagé par le même gouffre, vocal supplication, rejoins-moi, entre dans mon monde ou moi dans le tien, ce que je ne suis pas capable de faire, mais peut-être es-tu partagé par la même incapacité à t’exhaler de toi-même, rejoignons-nous, n’habitons plus qu’un même éspace-temps, mais n’es-tu pas qu’un phantasme solipsiste issu de mon esprit démembré, intensité musique et voix ne sont plus qu’un cri de haine ou de désir, es-tu ma chimère, es-tu inscrite dans le réel, es-tu mon désir, mais mon désir le plus vif n’est-il ma propre chimère, ne me désiré-je pas moi-même. Ne suis-je pas l’abysse dans lequel je plonge. Sacrifice (with Ten56) : être seul et si dépendant de sa souffrance, suite logique, après l’échec de l’autre, ne reste plus que la tentation du suicide, totalement cacophonique, grognements, grondements, mais peut-être sont-ce mes tourments qui désirent faire de moi une victime expiatoire de moi-même, même lorsque je suis enfermé dans le vase clos de moi-même je subis encore le déchirement métaphysique de ne pas être tout à fait moi-même et tout à fait autre. Habité par mes propres démons chimériques, expulsé de moi-même par ces mêmes démons. Clone of a clone : l’acceptation de soi et la non-acceptation de ne pas être soi, la première postulation comme un chant sous la voûte étoilée, sonorités éthérées alternent avec la pulsation râpée de se battre contre soi-même dans le seul but d’être le soi que l’on n’est pas. La situation est exposée, chacune des deux entités la répète à tour de rôle, à plusieurs reprises, pas de discussions, pas de tentatives de rapprochement. Chacun n’est que le clone de l’autre, ils s’auto-engendrent l’un et l’autre, si l’un des deux prenait le dessus, le vainqueur ne survivrait pas puisqu’il n’est que par cette béance qui les lie et les délie sans fin. Living in reverse : this is the end, cette fois c’est bien le générique de fin, non le héros ne meurt pas, c’est le metalcore qui cède le pas à l’ampleur lyrique, chaque instrument nous fait son petit numéro pour nous dire aurevoir, quant au chanteur il chante de toute son âme, il sait qu’il n’a rien réussi, il nous promet de s’améliorer, le pathos habituel de l’ivrogne qui jure qu’il arrêtera l’alcool, mais il n’y croit pas lui-même, lorsque la cassette s’arrête, un déclic et hop elle recommence, comme avant, comme après. Le héros retourne à sa solitude, ô combien peuplée de lui-même, il ne lui reste que son chien qui mourra avant lui, mais avec ou sans le canidé, tout recommencera, le serpent ne se mord pas la queue mais lorsqu’il est parvenu au bout de sa queue il remonte vers sa tête. Sempiternel aller-retour. L’on ne va jamais plus loin que soi-même. Plus loin que sa propre brisure.

    z29537surscène.jpg

             Chimera est un chef-d’œuvre. Existe-t-il à l’heure actuelle un groupe français qui soit capable d’atteindre à une telle excellence. L’opus se tient en lui-même. Il ne court pas après de chimériques propensions à ne pas être soi. La voix, les paroles, l’instrumentation, collent parfaitement au concept qui les ont guidées et gardées de toute embardée. L’œuvre est une, enserrée dans la tour d’ivoire de sa beauté. Ashen peut être fier, quoi qu’ils fassent par la suite, musicalement parlant ou dans leur vie privée, ils ont déjà accompli quelque chose, ils ont créé une citadelle, un point de ralliement, d’orientation, que personne ne pourra jamais leur enlever.

    Damie Chad.

     

     

    *

            Toujours de petites perles sur Western AF, ce coup-ci deux d’un coup. L’une après l’autre, très différentes, je vous réserve la première pour la semaine prochaine. En priorité nous écoutons la deuxième Une véritable pierre précieuse, un saphir, aux yeux azuréens, des lèvres coquelicots, une peau de  lait, qui pourrait résister à une telle merveille. Pas moi.

    WEED MONEY

    AC SAPPHIRE

    (Bandcamp / 2024)

    z39540souriante.jpg

             Elle ne chante pas encore. Elle n’est même pas sur la vidéo. A la place un van stationné au bord d’une route. Quand elle arrive elle explique qu’elle a pris soin de s’habiller en essayant de se mettre en accord avec le motif peint sur  la carrosserie  de son van préféré. Il appartient à une personnalité connue de Laramie (Wyoming) Shawn Hess, est-ce lui qui   l’accompagne à la guitare électrique soulignant de notes nostalgiques le chant de Sapphire. Quand elle ferme les yeux elle ressemble à une gamine, mais non elle est née en 1985, sa voix nous l’indique elle est marquée de toute la sage désillusion qu’apporte l’existence. Non pas que la vie soit particulièrement dure car tout dépend de soi, de ce que l’on a voulu traverser. Aucune plainte, un simple constat, sans haine ni ressentiment, juste le sentiment d’être ailleurs, de refuser d’être dupe de l’autre et de soi-même. Un vocal aérien, mais ce bluegrass est teinté de la tristesse indéfectible de ce qui pourrait se nommer le blues le plus gras. Son accoutrement prêterait à rire, un peu hippie, un peu pantalon rayé de clown, ses grosses bretelles, ses tatouages un peu trop kitch, presque un rythme envolé de valse, un tournoiement d’hirondelles dans le ciel qui parle de lui, qui parle d’elle, pas spécialement de lui et d’elle, il n’est plus là, elle est déjà partie, ce n’était qu’une escale, pas pire qu’une autre peut-être même mieux, mais les chemins qui se croisent sont destinés à se séparer. Pas un drame, pas une tragédie, tout dépend de la nature, pas les arbres ou les plantes qui nous entourent, la nôtre, celle qui fait que l’on est ainsi que l’on est, seul parmi les autres, seul parmi soi-même ? Deux mots qui qualifient la sienne, le miel des jouissances terrestres, la lune des songes et des rêves. Entre eux, entre tous, le lien ombilical de l’argent, une fumée d’herbe qui ne monte ni vers le ciel ni ne descend vers l’enfer. Juste une vie qui se consomme qui se consume doucement. Un bon moment qui passe et s’évanouit. Une voix qui berce et qui réveille. Qui vous tient éveillé pour mieux vous faire rêver. Et continuer à vivre.

    z29841devany le van.jpg

             Il existe aussi une Official Video du même morceau. Un peu décevante. Un peu trop réaliste. Un peu ménagère, un peu bobonne. Du moins à ses débuts, car si l’on reste dans le même décor, sweet home familial, tout se dérègle, plus rien ne coïncide, l’on se retrouve entre soi et soi, entre Sapphire et elle-même, entre la fumée du rêve et des œufs au plat que l’on qualifiera de brouillés. Il est indéniable que la magie opère, que le monde semble se décentrer de lui-même, sur lui-même.

             L’on reviendra plusieurs fois explorer le monde un peu labyrinthique d’AC Sapphire qui s’avère plein de surprises

    Damie Chad.

     

    *

    Vu le nom j’ai cru que c’étaient des grecs, vous connaissez  ma prédilection pour la péninsule hellénique, en plus des grecs qui font l’effort de s’exprimer en français, ben non, viennent du Luxembourg et comme tant d’autres ils parlent en anglais. J’ai hésité, mais ça avait tout de même l’air assez sombre, j’aime les trucs tordus, et puis dans les nouveautés il n’y avait rien de bien nouveau. Alors fonçons sur le Kraton. Grattons un peu.

    SPIRITUALITE SOMBRE

    KRATON

    (Bandcamp / Septembre 2025)

             Kraton vient du grec – en français l’on écrit ‘’craton’’, une phonétique un peu fragile pour ce mot qui chez le peuple d’Aristote signifie ‘’force’’. Les gratons définissent les aires géologiques continentales constituées des pierres les plus dures, il fut un temps on les désignait sous l’appellation (impropre) de boucliers hercyniens, les premiers gratons sont apparus voici deux milliard et demi d’années. Certes nous sommes encore loin de l’originelle formation de notre planète, mais demandez-vous pourquoi un groupe a pu choisir un tel nom. L’on imagine facilement une dimension primordiale, quelque chose de noir, de solide, de dangereux… Le titre de ce single n’incitant pas à l’optimisme l’on se dit que l’humanité, du moins ses êtres les plus sensibles, les plus éveillés, doivent être capables de ressentir les sombres émanations de cette puissance élémentale. Serait-ce un privilège ? Serait une malédiction intérieure ?

    z29542couvegraton.jpg

             La couve tend à nous incliner vers la deuxième interrogation. L’Homme n’apparaît pas royalement installé à sa place, la centrale que souvent habituellement il s’adjuge, l’est mis à l’écart, sur l’espace libre rien de bien enthousiasmant, un fond grisâtre gercé de taches noires, pas davantage de couleur pour ce représentant de notre espèce qui est censée demeurer tout en haut de la pyramide animale. L’est sûr qu’il n’est pas heureux, l’est refermé sur lui-même, en proie à de sombres pensées qui l’obsèdent, dont son intelligence ne peut se rendre maître.

             Patrick Kettenmeyer : bass / Jacques Zahlen :  guitar / Mike Bertemes : vocals, / Ken Poiré : guitar / Véronique Conrardy : drums.

    z29558kraton.jpg

             La photo du groupe est à l’unisson de la pochette. Donne envie de citer le titre Sombre comme la tombe où repose mon ami de Malcolm Lowry, ne sont peut-être pas nos amis mais sont sombres comme des cadavres, enfin des morts-vivants, leur esprit ne repose pas non plus, sont comme habités d’une idée monstrueuse, peut-être métaphysique, peut-être ultra-métaphysique. 

    z29543vidéo.jpg

    Spiritualité sombre : peut-être vaut-il mieux se passer de la vidéo sur YT, ce n’est pas qu’elle soit mauvaise ou trop minimaliste. Elle possède une force inhérente à sa mise en place. Les quatre boys formant un carré parfait, the girl sur sa batterie au fond, parfois l’angle de vue du montage change et s’attarde sur elle, surtout dans l’intro dans laquelle elle frappe incessamment les trois coups théâtraux du destin, pas du tôt beathoveniens, plutôt l’annonce d’une catastrophe qui a déjà eu lieu, entrée majestueuse mais une espèce de mélodie souterraine coulant lentement comme l’un des fleuves des enfers vient se greffer sur ces coups de semonce comme le serpent noir du désespoir qui ne vous quitte jamais, même si une mini-seconde il se pare de couleurs luminescentes,  Mike a crié le silence de sa solitude, il exècre cette impossibilité - est-elle native - à ne pas savoir voir la lumière, et tout se tait, un interlude de quelques notes lentes, des secondes qui se suivent et se ressemblent même si elles se teintaient d’une inexorabilité mélodique qui finit par s’effriter sous les pas lourds du vocal qui maintenant explose comme un rejet volcanique qui dégringole la pente fatidique de l’anéantissement du désir et de l’incompréhension humaine.  Si vous éteignez les images, le noir de l’ampleur sonore envahit votre pièce mentale, la vue relève de l’anecdotique, elle ne révèle rien de votre propre sort. La musique n’arrive pas qu’aux autres.

             En 2011, le groupe a sorti un mini-album Ker dont nous reparlerons.

    Damie Chad.

     

     

     *

             Dans la vie il faut choisir, par exemple entre Elvis : 350 photos inédites ou Unseen Elvis, candids of the King. Trois cent cinquante - l’on veut vraiment nous convaincre que l’on va nous en mettre plein la vue, quel déplorable esprit comptable et bourgeois qui sous-entend que l’on en aura pour notre argent. En plus des photos inédites, rien de mieux appâter le client ! Le titre original est beaucoup plus fort : Unseen Elvis, une promesse de mystère, presque un fantôme que personne n’a jamais vu, certes une approche d’Elvis, autant dire que l’on ne l’atteindra jamais, que nous ne serrerons jamais dans nos bras l’idole royale…

    Quant à traduire ‘’candids’’  par ‘’photos inédites’’ c’est ne pas jouer avec les fausses similitudes germinatives de l’anglais et du français, ce terme ne contient-il pas l’aveu d’une naïve fragilité destinée à finir brisée… Arrêtons de rêver à une langue des oiseaux poétique, contentons-nous de :

    ELVIS

    350 PHOTOS INEDITES

    JIM CURTIN

    (France Loisirs / 1992)

             Jim Curtin se présente comme un fan d’Elvis. Depuis toujours, depuis ses sept ans, depuis le jour où son père lui a offert son premier 45 tours d’Elvis : Return to Sender. Par la suite il a systématiquement acheté tous les disques, 45 et 33 Tours qui sortaient… L’a grandi, l’a fait une découverte : les pressages étrangers n’offraient pas les mêmes couves, ni même les mêmes titres, bref il s’est retrouvé avec cinq mille albums du King, vous y ajoutez tout le marketing imaginativement délirant: stylos, mugs, agendas, et les photos. Celles qu’il achetait, celles des magazines, celles qu’il s’est procurées auprès des fans… S’est débrouillé pour voir Elvis, sur scène bien sûr, mais aussi en privé, lui a offert une guitare acoustique modèle unique, puis une superbe ceinture… Oui il avoue que cette passion dévorante lui a coûté cher… Rien n’indique que c’est après avoir entendu Eddy Mitchell dans L’Epopée du Rock proclamer : ‘’ Le rock est notre vice / C’est la faute à Elvis’’ qu’il n’a pas hésité à monter sur scène pour interpréter les morceaux d’Elvis, avec les costumes adéquats…

    Traitez-le de collectionneur, de clone, ou de fou, de maniaque, pour ma part j’ai connu un clone de Claude François qui était bien plus heureux dans son rêve que bien de ses contemporains… D’ailleurs le fait de rédiger chaque semaine depuis des années des chroniques rock ne serait-il pas le signe d’un excessif dérangement obsessif…

    Z29547COUVEBOOK.jpg

    Jim Curtin ne s’est pas arrêté à ce premier bouquin, l’a successivement, à ma connaissance, donné : Elvis And The Stars (1993), Elvis : Unknown Story Behind The Legend (1998), Elvis, The Early Years (1999), Christmas With Elvis (1999)… un passionné.

    Les photos occupent la majeure partie du livre, z ‘auraient pu inscrire la légende juste sous les clichés, nous ne les regarderons qu’en fin de chronique. La vie d’Elvis est découpée en cinq grandes périodes : Les années cinquante / L’Armée / Hollywood / Las Vegas, le retour, / La descente aux enfers. Chacune d’elles est précédée de quelques pages évoquant cette partie du parcours de l’idole. Je m’attendais à une hagiographie de fan transi. Il n’en est rien. Jim Curtin n’est pas dupe de son idole. Passion froide. Il ne tarit pas d’éloges sur les débuts d’Elvis, ce garçon a été un révélateur, de quelque chose de plus grand que lui : de la mutation de la société américaine, il est une espèce de marqueur social, toutes les contradictions historiales de l’après-guerre ont été relevées par l’apparition de ce garçon tranquille qui n’en demandait pas tant, il s’est retrouvé dans un tourbillon qui l’a emporté et dépossédé de lui-même. C’est grâce aux tempêtes de l’Atlantique que l’ancienne Rome a rencontré les premiers américains. Qu’ils ont pris pour des indiens, provenant de l’Inde… Z’en ont simplement conclu que la terre était ronde, ce qu’ils savaient déjà puisque la mythologie leur enseignait que l’Okeanos entourait la terre…  Remarquons qu’Elvis n’a pas empêché la terre de tourner, mais qu’un grand charivari s’est installé dans sa tête.

    Z29546SERVICEMILITAIRE.jpg

    Le départ à l’Armée a été la première cassure dans la vie d’Elvis, approfondie par la mort de sa mère. Avant l’Allemagne tout était merveilleux pour Elvis, il volait de succès en succès, il n’avait même pas le temps de se demander quand cet ouragan triomphal s’arrêterait. On y a pensé pour lui. Le Colonel Parker et l’Establishment, les forces réactionnaires voyaient d’un mauvais œil ce garçon sans cause qui incarnait le désir de rébellion de toute une génération. Elvis a joué le rôle de l’idiot utile, le bon boy manipulé prêt à mourir pour sa patrie… C’est outre-Rhin qu’Elvis connaît les affres de la solitude, la mort de sa mère et  la peur de sa carrière arrêtée net par ce passage sous les drapeaux… En apparence tout se passe bien, beaucoup de bidasses aimeraient avoir fait le service militaire qu’a effectué Elvis, certes les manœuvres, les entraînements d’un côté, mas de l’autre sa maison personnelle, les amis et les filles autour de lui… Cadeau inespéré, Pricilla, le substitut de la maman morte, la pure et chaste jeune fille aimante à qui il peut se confier. Curtin nous présente une Pricilla beaucoup moins nunuche et beaucoup plus pragmatique que bien des biographes… L’Allemagne c’est aussi le moment durant lequel s’installe une espèce de faille tridimensionnelle dans l’esprit d’Elvis, l’amour romantique avec Priscilla, le besoin de continuer sa vie de garçons auquel les filles ne sauraient résister, jusque-là tout est normal pourrait-on dire, mais circonstance aggravante Elvis s’aperçoit de son incapacité à joindre  les deux bouts du sexe et de l’amour. Il aurait pu faire comme tout le monde naviguer au coup par coup entre la chair et le sentiment, mais l’inquiétude le ronge, le fait de ne pas pouvoir concilier ces deux postulations érotiques le plongent dans un sentiment d’angoisse, comment pourra-t-il  retrouver sa place de chanteur numéro 1 s’il n’est pas capable de surmonter cette contradiction intime, il n’est pas comme les autres, il se sent différent, un sentiment d’immense solitude l’accable... Pour mieux comprendre le désarroi d’Elvis il suffit de se rappeler qu’avant d’être l’inventeur du rock il ambitionnait de devenir chanteur de gospel. Nous voici face à un prétendant à l’amour du seigneur qui a opté pour la musique du diable. Toutefois nostalgique de sa native innocence.

    Z29544INT2RIEURBOOK.jpg

    Elvis s’effrayait du pire. Le pire fut qu’il obtint le meilleur. Les fans ne l’ont pas oublié, ses nouveaux morceaux se classent en tête du hit-parade, il vend des millions de disques, il engrange des millions de dollars. Le cinéma dont il a tant rêvé lui ouvre ses portes, Priscilla à ses côtés joue le rôle de la chaste fiancée, ou de la sainte vierge, substitut symbolique de la mère, bonjour doctor Freud, à Hollywood il enchaîne, actrices, starlettes, et amourettes de passage. Pour Curtin le responsable de la désagrégation de Presley porte un nom : Parker. Elvis engrange tant de succès qu’il vit sur une illusion. A tel point qu’il se pense assez fort pour consommer le mariage avec Priscilla, coup double puisque neuf mois plus tard, jour pour jour après la consommation, la sainte vierge enceinte se métamorphose en mère d’un ravissant bébé…  Il déteste les navets qu’il tourne, alors il compense par des achats compulsifs : voitures, chevaux, camions, ranchs… Le roi du rock a déserté son royaume, l’est devenu le paladin pâli d’une daube nauséeuse. Il n’est plus numéro 1, son compte en banque s’épuise…

    Z29544INTERIEURBOOK.jpg

    Elvis se réveille, nouveaux enregistrements de qualité, le sursaut du retour sur scène éblouissant… Le King est de nouveau le King. Hélas renaissance inespérée, la machine à cash tourne à plein régime, la vache sera traite jusqu’à la dernière goutte de lait… Elvis ne vit plus sur un nuage doré, son ciel est orageux, Priscilla s’en va avec son amant, il dort mal, il grossit, il se bourre de cachets pour ne plus ressentir son insatisfaction chronique, sa solitude est immense, son découragement aussi, il prend conscience que sa vie lui a échappé, la mort prend sa place.

    z29560elvis.jpg

    Reste les photos, la couleur ne devient prépondérante qu’à partir de la moitié des années soixante, je n’en retiens qu’une en blanc et noir, la pleine page 52, c’est fou comme il ressemble à Eddie Cochran !  Il y en a de très belles, de magnifiques portraits d’une beauté sauvage, mais ce ne sont pas les plus nombreuses.  Ni les plus parlantes.  Celles pléthoriques qui retiennent l’attention sont des photographies d’amateurs, des clichés parfois un peu flous, souvent maladroits, Elvis entouré de ses fans. De grandes quantités de filles, à plusieurs autour de lui, l’englobant de près, des enfants, des grandinettes prépubères, des jeunes filles, des femmes dont certaines qui ne sont pas là par hasard, le flot ininterrompu semble n’avoir jamais baissé. Preuve évidente de la proximité d’Elvis avec ses fans. Un fait étonnant : les grands absents sont les amateurs de rock’n’roll. Un signe révélateur. Je vous laisse l’interpréter.

    Damie Chad

                           

    *

    z29553slimjimphantom.jpg

             Il est inutile de présenter Slim Jim Phamtom batteur des Strat Cats, le groupe au début des années quatre-vingt a ravivé les brandons du rockabilly qui couvaient sous la cendre. Un bel incendie qui quarante ans après refuse encore de s’éteindre… Slim Jim n’a jamais rencontré Gene Vincent mais son témoignage est important, tout comme Brian Setzer et Lee Rocker, ils en sont les héritiers. Le portrait qu’il en trace est des plus émouvants, des plus intuitifs et des plus respectueux.

    The Gene Vincent Files #9 : Slim Jim Phantom

    on the impact Gene & the Blue Caps had on the Stray Cats

    z29551slimrit.jpg 

    Salut, Slim Jim Phantom des Stary Cats et dis-moi tout ce que tu veux savoir sur Gene Vincent (petit rire malicieux dans la série Return To Sender). Il y avait un jukebox au Max’s Kansas City, un  fameux club de rock’n’roll de New York, je suppose depuis les années cinquante là, Dylan y a débuté, tout un tas de gens ont joué durant la période Andy Warhol, c’était encore une grande sçène pour le punk rock durant les seventies, en 79, il y avait un jukebox et Be Bop A Lula et nous étions-là, nous faisions partie de la scène de New York, et nous avons entendu le titre, et je pense qu’il y avait aussi That’All Rifght Mama, Blue Moon of the Kentucky, Be Bop A Lula couplés à tout un tas de hits ultra-célèbres, que pour ma part je n’avais jamais entendus, c’était tout pareil pour Brian, et nous ne connaissions pas du tout cette musique, c’était époustouflant, qui étaient-ils et ce Gene Vincent, je ne connaissais pas réellement qui il était, en Amérique tout ce truc n’était pas aussi bien connu alors que plus tard nous avons découvert que c’était bien connu en Europe. Alors tu te précipites chez les boutiques de disques, Gene Vincent ils ne le possédaient pas dans leur assortiment, alors tu te rends dans un petit magasin de musique populaire qu’une ancienne greaser tenait chez elle... Gene Vincent c’était si essentiel si séminal,  que nous étions balayés comme par une tornade, je n’avais jamais entendu quelque chose comme cela, ce fut une énorme influence pour Brian,

    z29554setientlatête.jpg

     je pense que Cliff Gallup était probablement le plus grand guitariste de tous les temps, et il eut une influence tellement énorme, vraiment énorme, qu’immédiatement du jour au lendemain, vous avons voulu ressembler à ça, nous avons voulu sonner pareillement, nous avons voulu tout connaître sur ce sujet. Ce fut de même pour Eddie Cochran, Elvis, Buddy Holly, Chuck Berry, Carl Perkins, et tous les autres. Mais Gene Vincent spécialement eut une énorme, énorme influence, immédiatement nous l’avons accaparé, c’était très rock et c’était très sauvage, et surtout il était un si grand chanteur, c’est comme cette veste ( Slim agrippe le col de sa veste), c’est pour cela que je la porte aujourd’hui, comme la veste de cowboy sur la couverture de son premier album, une boutique au centre-ville  en possédait une,  nous n’avions pas les moyens de l’acheter, la veste de Gene Vincent, nous avons fini par en avoir une, et nous la portions à tour de rôle, c’était  qui a porterait la veste de Gene Vincent, certains jours vous aviez les cheveux lissés, rabattus en arrière, et la touffe toute graisseuse sur le front  ‘’ Oh aujourd’hui tu te prends pour Gene Vincent, c’est super !’’   désormais il faisait partie de notre langage, une partie de toutes les choses que nous faisions étaient très, très influencées par Gene Vincent.

    z29557laboucheouverte.jpg

    J’avais étudié et je savais jouer, mais nous étions à fond dans le jazz, nous étions de ces gamins studieux, on essayait d’apprendre la bon chemin et nous étions aussi autant à fond dans le punk rock que dans le blues, quant à moi en tant que drummer, le style de Dickie Harrel a tout englobé, il était encore swing tout en appuyant fortement sur les contretemps, techniquement il savait comment jouer, mais ça coulait de source et en même temps c’était très rudimentaire, c’était bon, je ne savais pas vraiment que ce style existait, soit tu tapais jazz, soit tu tapais rock, ça m’a totalement façonné cette manière de jouer sur les deux premiers disques, cette façon a résonné en moi  , c’était ce que je voulais faire dans telle partie du morceau, ça faisait sens pour moi, et vous savez les hurlements sur les breaks de guitare, nous étions-là-dedans, nous aimions cela si fort que nous le faisions sur tous les morceaux quand nous passions dans les bars de New York… quand nous sommes entrés en rockabilly, nous avons repris toutes ses chansons, toutes celles de ses deux premiers et géniaux albums, et toutes les Sun Sessions que nous connaissions, et tout ce que nous connaissions de cette music, et nous hurlions chaque fois que c’était possible et nous adorions cela. Nous avons rencontré les Blue Caps plus tard lorsque nous sommes revenus d’Europe, ce devait être en 82 ou 83 peut-être, et tout un tas de ces guys originaux, quelle chance ce fut, ce fut un frisson et un grand honneur, ils sont en quelque sorte heureux de nous de nous rencontrer, et nous avons joué, c’était probablement à Norfolk ou dans les environs, ce devait être à Norfolk en Virginie, Portsmouth , quelque endroit par-là, tous ces gars sont venus, Tommy Facenda, Bubba Facenda, Bebop Harrell, je pense à Johnny Meeks était-il là aussi, une fois ou l’autre j’ai rencontré la plupart des gars, mais je me souviens de la première fois qu’ils sont venus voir le show, ils étaient émus et ils nous remercièrent de garder cette musique vivante, parce que nous avions repris plusieurs morceaux de Gene sur le premier disque des Stray Cats et cela leur avait boosté leur carrière, ils avaient reçu de nombreux coups de téléphone ce qui leur avait permis de travailler davantage car il y avait un nouvel intérêt pour toute cette scène, que j’y sois parvenu ou non, en tant que musicien je voudrais continuer à jouer et aimer cette musique si j’avais pu obtenir un job régulier, je voudrais encore faire ça, si j’arbore encore cette veste c’est que j’aimerais encore avoir cette coiffure, quoi qu’il arrive ces gars étaient la meilleure preuve de cela, d’être ainsi capable de les aider de n’importe quelle manière c’était fantastique, et c’étaient vraiment de bons et fidèles cats, ils étaient encore branchés et volontaires, c’étaient des soldats du feu volontaires, tous les soldats du feu  volontaires de la caserne des pompiers se sont jetés sur le gâteau, c’est grandiose, moi aussi je suis un combattant du feu, ainsi je suis en quelque sorte

    z29532gene and eddie.jpg

    5Stray Cats sur scène interprétant Gene and Eddie

    relié à cela…  La chanson Gene and d’Eddie est trop belle, nous ne voulions pas reprendre une fois de plus leurs chansons, ces chansons dont nous manquions, nous jouions chaque Gene Vincent, chaque Eddie Cochran, mais nous avions envie de composer notre propre morceau et rendre en même temps hommage à ces deux gars. Gene and Eddie vous le savez sont ces deux gars, je me souviens c’était sur la route quelque part, Brian et moi étions en train de gratter notre  guitare lorsque nous avons eu l’idée que ce que nous faisions c’était comme jeter des citations issues de toutes les grandes chansons de Gene and Eddie, nous les découpions et nous les couchions sur le plancher de l’hôtel et essayons de voir lesquelles marchaient avec lesquelles, et ensuite nous est venue l’extraordinaire idée d’apposer la signature du riff de la guitare à chaque parole, c’était un procédé vraiment marrant, car c’était notre propre chanson que nous écrivions mais en même temps nous rendons notre hommage à ces gars, puis nous avons fait une vidéo et nous avons pu consulter l’ensemble des archives, ce fut un moyen de de visionner tous les vieux clips vidéos, je me souviens combien Dick Clark a été utile il nous a envoyé tout un lot de bandes d’American Bandstand, tout le monde aimait cette musique et  pour ainsi dire a fait ses débuts grâce à cela… comme tout un tas de rockers, je pense spécialement à ce second album, c’est probablement le plus grand album de rock’n’roll jamais enregistré, certainement tout en haut, certainement un de ceux que j’emporterais sur une île déserte je suppose avec le Sun Session… le second album de Gene Vincent

    z29550deuxièmealbum.jpg

    c’est quelque chose, Be Bop A Lula est indubitablement le titre le plus célèbre, le plus connu, mais n’importe quoi du second album, du premier aussi, mais comme il y a ce truc comme Race with The Devil, c’est tellement, tellement, tellement dur, si raide, si glissant, c’est, c’est, ça n’a jamais été dépassé, non ça ne l’a jamais été… je sais qu’en Europe, au Japon, en Australie, dans le monde entier,  Gene est le type est considéré comme le plus pur de l’americana, le produit américain par excellence, il est une sorte de légende, ayant une grande influence, et encore grandement aimé, beaucoup moins en Amérique, je ne sais pas pourquoi, nous ne l’avons jamais statufié… il existe une certaine scène ici maintenant, je pense que c’est l’effet des Stray Cats,  il existe davantage de sortes de rockabilly que quand nous avons été les premiers à commencer, disons les choses de cette manière, tout un tas de ces rock’n’rollers  des premiers temps ont été redécouverts, Gene naturellement puisqu’il était un des principaux, mais je ne sais pourquoi je vois ces kids japonais

    z29555lesyeuxfermés.jpg

    avec des tatouages de Gene Vincent, et j’ignore pourquoi pas les kids américains, je ne sais pas vraiment pourquoi, ayant dit cela, il existe une scène ici, les choses ont changé davantage qu’avant, mais ce n’est pas la même chose qu’en Europe où il est une figure légendaire révérée, il a dû travailler dur, vraiment dur, Gene est actuellement plus chanceux que tout un tas de ces gars parce que Gene était toujours capable de jouer en France, en Allemagne, en Angleterre, il était une légende il avait la possibilité de s’y rendre et de jouer, tout un tas de ces chanteurs de rockabilly avaient cessé de jouer, je pense que d’une certaine manière Gene était favorisé, mais c’était parce qu’il avait exercé un tel impact, il était un symbole pour ces rockers, ces français, ces Teddy Boys, il était un symbole, je n’ignore rien de la méchanceté,  il a toujours bien chanté, même s’il n’a jamais forcé sa voix, je sais qu’il était accompagné par différents orchestres, et qu’il se démenait pour payer son loyer, comme tout un chacun,, mais il n’a jamais perdu sa voix, il chantait toujours bien mais l’industrie avait changé et des gars comme lui étaient laissés à l’arrière, il lui est arrivé ce qui arrive à pratiquement tous, à très peu d’exceptions près, chacun a ses hauts et ses bas dans le business de la musique, mais il a réussi à bosser malgré tout, je pense qu’il a connu une vie rude, je pense qu’il a beaucoup souffert avec sa jambe et je pense qu’il a vu des tas de gens qu’il avait influencés peut-être lui passer devant, mais il a toujours eu des contrats d’enregistrement, il a toujours joué et il a eu une certaine quantité de gens qui croyaient en lui, si je ne l’ai pas connu je ne suis pas sûr

    z29556setientlenez.jpg

    qu’il était  le plus facile des cats à vivre, je ne sais pas, j’ai seulement entendu des rumeurs selon lesquelles il était difficile à vivre, d’après ce que j’ai lu que et que je n’ai pas aimé, je dis que je ne l’ai jamais rencontré, mais j’ai entendu qu’il vivait durement, qu’il était plein de tristesse, j’ai l’impression que sa vie ne s’est pas déroulée comme il aurait voulu, je pense que ce genre de problème vous sape le moral et vous gâte tout ce que vous faites, je pense qu’il ressentait une forme de tristesse, qui vous tombe dessus quand vous passez votre temps à accumuler des gigs pour parvenir à payer vos factures, et croyez-moi aussi bon que vous soyez, et quel que soit l’impact que vous ayez sur les gens, ou sur les musiciens qui vous ont quittés pour occuper une meilleure place sous les spotlights sous lesquels vous pensez que vous auriez dû être, je pense qu’il a eu ce qui peut facilement vous tomber dessus dans ce business, si tu deviens amer, il est difficile de remonter la pente, je pense au sommet qu’il avait atteint, vraisemblablement sans prendre soin de lui-même, je ne suis pas surpris, cela revêt l’espèce de mythe qu’il était devenu d’une teinte tragique, ainsi que tout le déroulement de sa vie. J’en prends acte, je le comprends, car je n’ai pas encore rencontré un seul rock’n’roller, un seul véritable gars, des  Beatles aux Rolling Stones, jusqu’aux Kinks, jusqu’aux Clash, jusqu’aux Sex Pistols, jusqu’à Lemmy, pas un seul de ces grands et authentiques rock’n’rollers parmi tous ceux que j’ai rencontrés dans ma vie, qui n’ait pas mentionné Gene Vincent comme l’une de leurs deux plus fortes influences.

    Transcription Damie Chad.

    Notes :

    Max’s Kansas City : restaurant, night-club qui de sa création en 1965 à sa fermeture  en 1981 fut fréquenté par toute la faune culturelle et underground de New York (et d’ailleurs). Les amateurs de rock possèdent souvent dans leur discothèque le disque du Velvet Underground :

    z29531disquevelt.jpg

    Gene and Eddie : le morceau sur trouve sur l’album Blast Off sorti en 1989. Sur la photo ci-dessous les Stray Cats interprétant sur scène le morceau hommagial à Gene et Eddie : 

    z29532gene and eddie.jpg

    Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 686 : KR'TNT ! 686 : COWBOYS FROM OUTERSPACE / SCREAMIN' MONKEYS / BOYS WONDER / HAROLD BRONSON / RAM JOHN HOLDER / / IMPERIUM DEKADENZ / MIDNIGHT ROSES / GALVÄO / PATRICK GEFFROY YORFFEG

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

    , cowboys from outerspace, screamin' monkeys, boys wonder, harold bronson, ram john holder,  imperium dekaden, galväo, patrick geffroy yorffeg,

    LIVRAISON 686

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    17 / 04 / 2025

     

     

    COWBOYS FROM OUTERSPACE

    SCREAMIN’ MONKEYS / BOYS WONDER

    HAROLD BRONSON / RAM JOHN HOLDER

    IMPERIUM DEKADENZ / MIDNIGHT ROSES

    GALVÄO / PATRICK GEFFROY YORFFEG

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 686

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Un Outerspace qui porte bien son nom

    (Part Two) 

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Avec Weird Omen et les Dum Dum Boys, les Cowboys From Outerspace appartiennent à la trilogie supérieure des French Cakes. Bientôt trente ans que les Cowboys labourent l’imaginaire rock et portent, non pas la flamme olympique à travers la France, mais le flambeau du Gun Club à travers la France, ce qui est tout de même beaucoup sexy, reconnaissons-le. Ils perpétuent le rumble Death Partysan et te collent un coup de «Goodbye Johnny» en fin de set, histoire de te rappeler qu’à une autre époque, le Gun Club et les Cramps étaient les rois du monde. De notre monde. Dans son costard noir, Michel Basly incarne à la perfection la grandeur du mythe Jeffrey Lee Pierce. Il lui donne même une petite allure de dandy spectral. Ça sent bon les bas-fonds marseillais et les secrets murmurés au coin du bar. 

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Si tu veux voir un vrai power trio à l’œuvre, c’est eux. Avec cette section rythmique de rêve, Michel Basly peut dormir sur ses deux oreilles. Il peut claquer ses riffs et réveiller le spirit de Jeffrey Lee, il peut screamer dans la nuit et foutre le feu au bush. Il a les coudées franches. Il hante plus qu’il ne chante, il cache son jeu avec une apparente sobriété, mais sous la cendre couve le feu, il n’en finit plus de rappeler à quel point le Gun Club était synonyme d’apocalypse, à quel point Jeffrey Lee Pierce savait réveiller un dragon pour mieux le chevaucher, à quel point ce démon savait le tenir le dragon en laisse pour le lâcher au moment opportun. «Death Party»

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

    et «Sister Ray» même combat. Et quasiment trente ans après leurs débuts, les Cowboys alimentent la même fournaise, avec une sorte «d’expérience» en plus, une patine d’apocalypse qui rend leur set encore plus traumatisant. Comme le firent les Gallon Drunk en leur temps, les Cowboys privilégient bien sûr les cuts atmosphériques, histoire d’embarquer les cervelles pour Cythère-sur-Styx, à défaut d’embarquer les corps, car on ne danse pas sur les Big Atmospherix des Cowboys, on glisse comme des corps dans le mood, ou dans la tombe, c’est du pareil au même, il s’agit là d’envoûtement, de messe noire, de voodoo, ça te plonge dans la confusion et ça te tire sur la paillasse, ça te compresse la cage et ça te trie les globules, les rouges d’un côté, les blancs de l’autre, comme au temps de la Révolution bolchévique, ça te purge de toutes tes fucking prérogatives et ça t’oblitère bien la gueule, ça te parle au plus profond, ça te malaxe les zones reculées du cerveau, c’est un rock qui s’infiltre en toi, t’en perds ton étanchéité, dis-lui adieu, tu ne résistes pas longtemps, ce rock te jette un sort, alors tu dis «chouette !», t’es bien content, car rien n’est pire que le rock qui ne jette pas de sort et qui ne t’oblitère pas la gueule. Pas besoin de t’agenouiller et d’implorer qu’on t’oblitère la gueule. Ça se fait automatiquement.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Là t’es servi. T’es même gavé. T’en as pour ton billet. Tu te goinfres. Si Jeffrey Lee le héros voyait ça, il serait bien content. Comme en ont les Cramps et le Velvet, Jeffrey Lee a des bons héritiers, des mecs qui font bien le poids, et qui ont du répondant, du charisme et du son. De la prestance et de la fière allure. Des mecs qui savent porter le feu sacré. Michel Basly parle même d’un nouvel album. Il serait temps, le dernier date de dix ans. Comme si les Cowboys s’étaient épuisés à la tâche. Peut-être en avaient-ils marre d’être les meilleurs. Le plus stupéfiant, quand tu les vois sur scène, c’est que rien n’a changé. La magie est intacte. Bazile Gonzalez roule sa poule sur sa basse et toise les gens comme au temps jadis, et derrière Mr Henri bat le beat à la main renversée. Ils sont tous les trois encore plus royalistes que le fucking roi.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             En attendant Godot, tu ne perds pas ton temps à écouter cette compile parue en 2019, The Worst Of... On Vinyl Now. La pochette singe bien celle d’Elvis. Si t’as un faible pour la dynamite, ce Worst Of est fait pour toi.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

    Tu y retrouves en B cette «Luna» qui fit fantasmer la France entière (ou à peu près) voici 20 ans, au temps de Bones Keep Smilin’, Basly gave sa Luna de son, il lui bourre le mou, et tu assistes à de fabuleuses montées en surchauffe. Quelle fournaise ! Et encore une fois, quelle chance elle a Luna de se faire bourrer le mou. Tiré du même album-fournaise, t’as «Such A Long Time». Basly chante ça au sommet de son registre, et c’est vraiment digne de Jeffrey Lee Pierce. Complètement allumé ! Encore plus allumé, t’as «I’m Waiting (For Nothing To Come)», tiré de Super Wight Dark Wight. Les Cowboys adorent rôder dans l’ombre et puis vers la fin, Basly devient complètement dingue. Si tu veux entendre un screamer fou, c’est lui. En A tu retrouves ce fast ventre à terre «She Said She Loves Me» tiré de leur premier album sans titre. C’est plein comme un œuf. T’as l’impression qu’ils sont déjà au sommet de leur art. Puis t’as trois cuts tirés de cet album infernal qu’est Choke Full Of, «Choke Me Up» (power punk-blues tentaculaire, avec cette énorme tension), le si brûlant «Let’s Get Wild», et l’indomptable «Dancin’ Machine», gorgé de blasting power. Un sommet du genre. Ah ils savent descendre au barbu ! Basly fait son Otis avec «I’ve Been Loving You (Too Wrong)» et tu le vois se barrer en ultra-vrille de coyote marseillais, fabuleux shout-off de guitar-slinger, et il te sert sur un plateau d’argent une belle fin apocalyptique. La cerise sur le gâtö est une cover démente de «Lo End Buzz», tiré du premier album sans titre des Chrome Cranks. C’est ta récompense quand t’arrives au bout de la B. Basly renoue avec la folie de Peter Aaron, il tape en plein dans le mille, c’est de l’ultra poussé-dans-les-orties, il a la voix qu’il faut pour ça. Il sait merveilleusement bien dérailler.

    Signé : Cazengler, cobaye from outerspace

    Cowboys From Outerspace. La Péniche. Chalon-Sur-Saône (71). 29 mars 2025

    Cowboys From Outerspace. The Worst Of... On Vinyl Now. Lollipop Records 2019

     

    L’avenir du rock

     - Too much Monkeys business

     (Part Two)

             — Alors, c’est vrai, c’qu’on dit, avenir du rock ?

             — De quoi tu parles ?

             — On m’a dit que t’allais souvent au zoo...

             — Et alors ?

             — Tu vas mater les animaux en cage ? Tu s’rais pas un peu baisé, comme mec ?

             — Désolé mon pote, mais je préfère mille fois mater la tronche des animaux plutôt que la tienne.

             — Pffffff.... Tu causes comme une vieille pute qu’a perdu tous ses clients. 

             — Pas du tout, si tu les voyais, tous ces animaux, tu serais agréablement surpris. Tiens, je prends un seul exemple, Thee Michelle Gun Elephant... T’es tout de suite en extase devant leur force tranquille, leur majesté garagiste, leurs riffs d’ivoire et leurs barrissements hystériques. 

             — Un Michelle Gun Elephant, ça trompe énormément !

             — Non seulement t’es moche, mais t’es con. Tiens je vais te donner un autre exemple. Les Buffalo Springfield, tu vois ce que c’est ?

             — Oui, ceux que Buffalo Bill s’amusait à canarder...

             — Quand tu les vois, t’es effaré par leur prestance. Ils sont gigantesques ! Ils régnaient jadis sans partage sur les plaines de la Californie, les Buffalo Killers ont eu leur peau mais leur spirit est intact. Ils ont cette majesté qui fait tellement défaut à la plupart de nos contemporains.  

             — Un coup d’épée dans le Buffalo du lac ?

             — T’aime bien les petits jeux de mots à la mormoille... Ça nous fait un point commun.

             — T’as d’autres chouchous, avenir de mes deux ?

             — Oui, les Deadly Snakes ! Ah si tu voyais leurs riffs ramper, tu les sens monter dans la jambe de ton pantalon, sssshhhhhh, quelle sensation mortelle ! Quel groove empoisonné...

             — Pas trop mon truc. T’aurais pas autre chose de plus sympa ?

             — Les Screamin’ Monkeys ! Tu veux du wild as fuck ? Avec eux, tu vas sauter partout.  

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Welcome in the chaloneeese jungle ! Tu entres sur le territoire des Screamin’ Monkeys et ça va screamer mon kiki. Sont six sous des branches. Petite chaleur tropicale. Cris d’animaux. Masques de singes, comme au temps béni des Hammersmith Gorillas. Et wham bam dès «Jungle Keepers» le morceau titre d’un premier album qu’il faut bien qualifier de puissant, et même de rentre-dedans. Six, c’est jamais trop lorsqu’il s’agit de kicker les jams, motherfucker. Alors ça kicke dans les brancards, ça monkeyte entre tes reins, ils mettent un peu de temps à chauffer leur marmite de cannibales, on les sent nourris aux bonnes intentions. Pas facile de monter sur scène après les Cowboys. C’est une sorte de défi. Ils vont le relever. Encore une fois, c’est leur territoire.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Ils virent les masques à la fin du premier cut pour redevenir humains. Tous sauf Zu qui va battre le jungle beat en Monkey jusqu’au bout du set. Tout le

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

    ramdam des Screamin’ repose sur le doublon Fouine/Franck, avec un Fouine qui fait du Keith Streng-sans-gratte à la puissance mille et Franck qui prend parfois le lead au chant tout en claquant sa riffalama fa fa fa. La combinaison des deux Screamin’ est explosive et peu commune, c’est un luxe que d’avoir deux excellents shouters dans un groupe. Ils fonctionnent comme une locomotive infernale, ils tirent derrière eux tout le groupe, et cut après cut, le set finit par décoller, comme le fit jadis le gros hydravion d’Howard Hugues. Ils tapent des cuts plus rock’n’roll comme «Belinda»,

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

    ou plus heavy comme leur vieux «Cosmic Farmer» qui date de Mathusalem, avec un panache qui n’a d’égal que leur enthousiasme viscéral, ils puisent aux mêmes sources que les Fleshtones et les groupes Crypt, avec en plus, dans certains cuts, de capiteux échos d’early Stonesy et même des Yardbirds. Tu sens remonter la sève du mighty British Beat, ça sent vraiment bon le rave-up. C’est là que tu commences vraiment à les prendre au sérieux, car peu de groupes ont cette facilité à récréer d’antiques ferveurs, surtout celles qui viennent d’Angleterre. C’est peut-être dû au fait que les

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

    deux guitaristes jouent en clairette de  Fender, Strato pour le mec des Buttshakers qui vient de rejoindre le groupe, et Tele pour Franck. Les deux grattes propulsent les Screamin’ dans la stratosphère du meilleur garage qui soit, poussées au cul par le jungle beat de Zu et les ultra-buzy basslines de Marco, qui pour les rendre plus royalistes que le roi, les joue au doigt. Et pour couronner le tout, t’as Jano derrière son clavier et derrière tout le monde, aussi discret qu’un Monkey qui guette sa proie, perché sur sa branche.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Quant à Fouine, il tourticote tout ce qu’il peut, il maracasse la baraque et fait son Jagger à la petite semaine, il performe et s’agite le vocal, il monte sur tous les coups, soutient Franck quand vient le temps des chœurs, il sait poser sa voix et s’élève au-dessus de tout soupçon. Fouine fait du foin. Fouine fait le fou. Fouine fout le camp. Fouine fait pas semblant. Fouine fun fun fun !

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Les Screamin’ recyclent tous les vieux coucous, «Poison Vivi», «Band Of Freaks», «Wakes Me Fever», «Ginger Twister», mais c’est avec les fleurons de l’album qu’ils raflent la mise, et notamment «That’s Not Mine», l’hit le plus spectaculaire : c’est même encore plus flagrant sur l’album, il faut voir comme ça

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

     taille la route au chant, Franck arrache la victoire à coups de that’s not mine yah yah ! «Basic» est encore un cut de Screamin’ Screamer qui sait écraser son champignon en plein virage. «Basic» sonne comme un modèle du genre, un énorme classique. T’as beau avoir écouté des tonnes de grands albums garage, il y aura toujours des mecs pour recréer l’événement, et le «Basic» des Screamin’ crée l’événement. L’autre cerise sur le gâtö de cet album est le grand retour du «Cosmic Farmer». Cette gigantesque fournaise te dévore tout cru. Ils t’amènent ça à l’abattoir vite fait. Autre surprise de taille : «Not Alone» est son attaque stoogienne. Là, Franck part en solo et creuse vite fait bien fait un tunnel sous le Mont Blanc. Encore une belle surprise avec «Shuttle» : Fouine se montre plus sculptural au chant et t’entend des chœurs qui te renvoient directement à l’«Heart Full Of Soul» des Yardbirds. Elles est pas belle, la vie ?

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Tu les vois aussi aller chercher la bonne petite braise sous la cendre avec «Cross The Line», et le «Band Of Freaks» qui refait surface en B est beaucoup plus Fleshtony, avec toutes les ficelles de caleçon. Saluons aussi le morceau titre d’ouverture de balda et ses belles dégelées riffiques, et t’as cette voix qui monte tout de suite au sommet du cocotier, ah il est bon le Fouine. Quel fabuleux ramdam ! Quelle belle clameur ! C’est encore une fois très Fleshtony, mais en plus joyeux et en plus vivace. Les élèves ont dépassé les maîtres. Ils terminaient leur set (avant rappel) avec l’exubérant «Boogaloop». Sur scène, ça devient incontrôlable. Ils terminent leur rappel avec leur vieille cover de «California Sun» dont les Dictators firent leurs choux gras, voici 50 ans. Proto-punk, baby.

    Signé : Cazengler, c’est parti monkey-key

    Screamin’ Monkeys. La Péniche. Chalon-Sur-Saône (71). 29 mars 2025

    Screamin’ Monkeys. Jungle Keepers. Pop The Balloon 2025

     

     

    L’avenir du rock

     - The Boys are back in town

             L’avenir du rock adore aller faire ses courses chez madame Prévertinette, l’épicière du fauboug Saint-Martin. Panier au bras, il pousse la vieille porte vermoulue et la petite clochette irise l’air tiède d’un carillonnage levantin.

             — Bien le bonjour, madame Prévertinette, comment tallez-vous bien ?

             — Oh je me sens comme une demi-pinte de bon sang, avenir du rock ! Que me vaut le plaisir de votre visite ?

             — Les contingences, madame Prévertinette, les contingences ! Elles me ramènent chaque fois vers vous comme le fleuve ramène le fétu à l’océan !

             — Quel flatteur vous faîtes, avenir du rock ! Comment puis-je satisfaire à vos contingences ?

             — Pour commencer, il me faudrait une pelote de ficelle, deux épingles de sûreté, un monsieur âgé et une Victoire de Samothrace.

             Elle farfouille dans ses étagères et dépose les désidératas de l’avenir du rock sur le comptoir. Puis elle tape soigneusement les prix sur sa vieille caisse enregistreuse.

             — Vous faudra-t-il autre chose ?

             — Une mouche tsé-tsé, un homard à l’américaine, un jardin à la française, deux pommes à l’anglaise...

             Elle refarfouille de plus belle et dépose ses trouvailles sur le comptoir. Elle tape les prix et lance d’une voix de Castafiore lunatique :

             — Et avec ceciiiiiii ?

             — Un face-à-main, un valet de pied, un orphelin, un poumon d’acier, un soleil d’Austerlitz, un siphon d’eau de Seltz, un vin blanc citron !

             — Ah il faut que je descende à la cave chercher le soleil d’Austerlitz, je le garde toujours au frais, voyez-vous...

             Elle disparaît par une trappe située derrière le comptoir et réapparaît quelques minutes plus tard couverte de toiles d’araignées.

             — Et avec ceciiiiiii ?

             — Des piles Wonder !

             — Elles n’existent plus, avenir du rock, mais en compensation, je vous propose les Boys Wonder ! Vous m’en diiiirez des nouvelles !

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Effectivement, l’avenir du rock est aux anges. Et comme le destin ne fait jamais rien au hasard, Shindig! annonce le retour des space-age mod-rock pionneers, the Boys Wonder. T’y crois pas ? Alors écoute Question Everything. Ça vient de sortir. On appelle ça une réhabilitation résurrectionnelle. L’un des groupes les plus brillants de son temps sort enfin de la tombe.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Quand t’entends «Goodbye Jimmy Dean», tu ne comprends pas qu’un tel groupe soit passé à l’ass. Intro à la Who et t’as aussitôt le poids du son, c’est-à-dire le power. C’est le Wonder power, à base de concordes de grattes explosives. Encore plus Whoish : «Platform Boots». Ce sont les accords de «Substitute». Terrific ! Ils font du glam-punk Whoish, on se croirait en 1966, au Marquee. Maximum R’n’b ! En plein dans la cocarde ! Encore du pur Whoish avec «Lady Hangover», ils tapent en plein dans ce glam d’étranglement convulsionnel qui fit la grandeur des early Who. «Song of Sixpence» pourrait sonner comme un hymne Mod. Pure Mod craze ! Ils sont aussi capables de sonner comme les Small Faces. La preuve ? «Soho Sunday Morning», avec le soupçon d’accent cockney qui les rend crédibles. Ben Addison est un pur et dur. Et puis, il pleut des coups de génie comme vache qui pisse : t’as «Shine On Me», monté sur la cocote du diable et t’as un killer solo flash enroulé dans le son. Même chose avec «Elvis 75», encore un défonce-moi-Johnny, allumé au glam power et t’as un  killer solo flash qui vient trouer le cul d’Elvis 75. Oui, flash, vraiment flash ! Ils jouent l’intro de «Friday On My Mind» sur «Hot Rod» et ça part ventre à terre, ils tapent dans le glam power avec des moyens énormes et une prod qui n’a pas froid aux yeux. Et t’as même le killer solo fantôme d’Écosse, wooooh, wooooh ! C’est dire l’étendue du registre. On s’extasie en permanence de la classe et de l’aisance du Ben. Leur «Now What Earthman» est encore d’une rare puissance, même si cette pop ne sait pas dire son nom. Le Ben chante son «I’ve Never Been To Mayfair» par dessus les toits. Il chante comme un dieu et fait de son Mayfair une authentique Beautiful Song. Et ils te claquent «We All Hate Honesty» à la cocote insidieuse, la pire de toutes, l’insidieuse anglaise. 

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Dans Record Collector, Lois Wilson parle de «stuff of legend», de cuts «brash, bold and irreverent», et de lien entre «the Who’s art school mod» et «the Sex Pistols’ cartoon fury». Et sur scène, t’avais tout le bataclan, l’exploding drum kit et le guitar-smashing. Boys Wonder était le groupe des jumeaux Ben et Scott Addison. Père pianiste et contre-bassiste de jazz. Sinatra sur le record player - Then came glam and the Sex Pistols - Alors wham bam ! Ben flashe sur les Pistols : «They had the look, the sound, the shock impact.» Ils montent un premier groupe, Brigandage, Ben on drums, Scott on bass - Sex Pistols with a female singer - Elle s’appelait Michelle Archer. Ils décrochent la couve du NME et enregistrent une Peel Session. Brigandage splitte et ils récupèrent deux mecs d’Haircut 100 pour monter Boys Wonder. Ils récupèrent un peu plus tard Tony Barber on bass. Ils se réclament des Who, des Fifth Dimension ou encore de Slaughter & The Dogs, en fait de tout ce qu’ils aiment bien. Ils travaillent leur look - Carnaby tat and boot boy chic - portent des futes en tartan, «and monster fringe haircuts by Vidal Sassoon.» C’est Eddie Piller qui les met en contact avec Seymour Stein. Un Stein qui fait venir Andy Paley des États-Unis pour les produire, Mais Ben trouve qu’Andy est trop obsédé par les Beach Boys. Leur single «Now What Earthman» sort en 1987 et floppe. Puis Sire les droppe. Allez hop, à dégager !

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Après le split, les jumeaux remontent le groupe avec un mec de Doctor & The Medics et le batteur de King Kurt, Rory Lyons. Ils enregistrent le mini-album Radio Wonder. C’est de la dancing pop d’une incroyable audace, mais en même temps, c’est un suicide commercial. Tu retrouves pourtant l’excellent heavy rock bien forcé du passage qu’est «Eat Me Drink Me». Sur ce coup-là, ils ont tellement de son !

             Nouveau split. Ils réapparaissent deux ans plus tard dans Corduroy, un Acid Jazz band, avec Dad Man Cat, un album d’instros. Corduroy fait l’objet d’un chapitre à part. 

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Clive Webb rappelle dans Shindig! que les frères Addison étaient en avance sur leur temps. Enracinés dans le mod-rock sound des sixties, ils préfiguraient la Britpop et tous ces groupes, Menswear, Supergrass, qu allaient connaître le succès. Aujourd’hui Ben Addison affirme que la Britpop was completely unspectacular. L’un des fans de Boys Wonder, Vic Reeves, va même jusqu’à proclamer : «The greatest band that never was, is now the future.» Eh oui, si les Boys Wonder sont si bons, c’est sans doute parce qu’ils ont commencé par flasher sur le glam et le punk des Pistols. Web dit aussi que Brigandage était annoncé comme «the next Sex Pistols». Eddie Piller devait signer les Boys Wonder sur son label Countdown, un sous-label de Stiff - Terry Rawlins and I absolutely loved the band - Piller venait de signer les Prisoners et Making Time, et il lui fallait un troisième groupe. Mais Stiff s’est cassé la gueule et Countdown a coulé avec. Piller voyait les Boys Wonder comme des «proto-mods and punk rockers, they were just spectacular.» C’est là que Piller les a refilés à Seymour Stein. Toutes les conditions étaient donc rassemblées. Mais ça n’a pas marché.    

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’histoire est d’autant plus triste que le groupe fut brillant. C’est aussi l’avis d’Eugene Butcher, dans Vive le Rock. What happened? Ben re-raconte l’histoire et précise que de jouer à Londres était à l’époque bien plus facile qu’aujourd’hui. On pouvait garer le van devant la salle et coller des affiches. Ça bloquait du côté des record labels. Comme les Boys Wonder ne rentraient dans aucune catégorie, les record labels ne voulaient pas d’eux. Ben dit aussi qu’en plus des Who et des Sex Pistols, ils adoraient Tom Jones, Todd Rundgren et les compositeurs, which is why we ended up forming Corduroy.

    Signé : Cazengler, Pile Wonder (usée)

    Boys Wonder. Question Everything. Townsend Music 2024

    Boys Wonder. Radio Wonder. Flat Records 1989

    Clive Webb : Beyond Question. Shindig! # 156 - October 2024

    Where Are They Now? Boys Wonder. Vive Le Rock # 116 - 2024

    Under The Radar : Boys Wonder. Record Collector # 567 - Christmas 2024

     

     

    Wizards & True Stars

     - Harold on I’m coming

     (Part Two)

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Comme on s’est bien régalé de The Rhino Records Story: Revenge Of The Music Nerds, on en redemande. Harold Bronson a écrit deux autres books, My British Invasion (sur lequel on reviendra un autre jour) et Time Has Come Today - Rock And Roll Diaries 1967-2007, sur lequel on va se pencher immédiatement.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’Harold prend en fait comme modèle le Journal d’Andy Warhol. Il reste très factuel et ne s’embarrasse pas avec la dentelle de Calais. Il fait une sorte de carnet mondain du rock qui s’étale sur 30 ans, et comme il vit en Californie, il rencontre tous les gens qu’il faut rencontrer. Il brosse pour chacun d’eux un portrait sommaire d’une justesse remarquable. Pas d’effets de style, pas d’analyse ni de dérives introspectives : il voit le mec pour l’interviewer et dit ce qu’il faut savoir de lui. C’est la qualité de ses choix et le nombre extraordinaire d’artistes rencontrés qui fait la force de ce book.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             En 1969, il a 19 ans et il voit les Kinks dans un gymnase. Il les trouve «sloppy, sang out of tune», «but they were exciting and a lot of fun.» Toujours en 1969, l’Harold lit un chronique des Stooges dans Rolling Stone. Un certain Ed Ward les décrit comme «loud, boring, tasteless, unimaginative, childish, obnoxious...» Et l’Harold d’ajouter à la suite de cette exécution en règle : «Yet, there’s a positive conclusion: ‘the fun is infectuous.’» L’Harold indique ce jour-là qu’il est «curious about the Stooges, a quartet from Michigan with a debut album on Elektra Records.» Mais à l’époque, les rock-critics américains ne supportent ni les Stooges ni le MC5. C’est bien que l’Harold rappelle à quel point ces pommes de terre de rock-critics américains ne comprenaient rien. 

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’Harold ne rate jamais l’occasion de rappeler quels étaient ses singles préférés. En 1970, il en pinçait par exemple pour Spirit («1984»), Blodwyn Pig («Dear Jill»), Dozy Beaky Mick & Tich («Tonight Today», il oublie Dave Dee), Savoy Brown («A Hard Way To Go»), les Seeds et d’autres qu’on ne connaît pas. Il balance une autre liste en 1973 : cette fois se sont des albums, Aloner de Scott Walker, Birthday Party d’Idle Race, Wyane Fontana et The Herd. On sent poindre le bec fin.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Comme il est fan des Them, il va voir Van The Man en 1971 au Santa Monica Civic Auditorium, mais Van le laisse froid. Aucun contact avec le public. Plus intéressant : Emitt Rhodes. Il trouve l’album sans titre d’Emitt meilleur que le premier album solo de McCartney, et crack, l’Harold précise que comme McCartney, l’Emitt enregistre tout tout seul «in his home studio, a shed behind his parents’ garage.» T’as pas besoin d’en savoir plus. Tout est là : prodigieux Emitt Rhodes one-man band. Quinze ans plus tard, en 1985, l’Harold rencontre l’Emitt qui vit à Hawthorne, là où vivait aussi la famille Wilson. Il a encore un garage au fond du jardin et son home studio. L’Emitt fait écouter des trucs à l’Harold qui aime bien ce qu’il entend, mais l’Harold trouve l’Emitt déprimé. Ce journal fourmille de petites rencontres avec d’extraordinaires artistes. On a déjà dit ici même à quel point Emitt Rhodes était génial.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Qui dit Californie dit bien sûr Van Dyke Parks. En 1971, le Philadelphie Daily News demande à l’Harold de retrouver Parks pour l’interviewer. En 1968, nous dit l’Harold, Parks avait enregistré Song Cycle, un album qui avait coûté une fortune à Warner Bros et qui s’était mal vendu, alors Parks a déprimé : «I was a genius one month and the next I was for sale for a cent. Both were débilitation and I was devastated psychologically.» Alors bien sûr, l’Harold le branche sur Brian Wilson et Smile. Parks dit avoir écrit tous les lyrics, sauf ceux de «Good Vibrations». Puis les Beach Boys ont décrété que ses lyrics étaient «undecipherable», c’est-à-dire indéchiffrables, «and they fired me.» Pouf, à dégager !

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             En 1971, l’Harold en pince pour Badfinger, «one of my favorite contemporary bands». Il adore leur ressemblance avec les Beatles de 1966. Mais sur scène, ils manquent de charisme et d’«excitement». Ils papotent avec l’Harold après le concert, et confient qu’on les a obligés à faire cette tournée américaine, sinon on leur coupait les vivres. Il faut rappeler que l’histoire de Badfinger est une tragédie : deux d’entre eux vont finir par se pendre, parce qu’ils ne supportaient pas de s’être fait rouler. Et Joey Molland vient tout juste de casser sa pipe en bois. Amen.

             L’Harold en pince aussi pour Peter Asher, qui fut célèbre avec Peter  & Gordon, mais aussi pour avoir été A&R chez Apple (celui des Beatles, pas l’autre) : c’est lui qui leur amène James Taylor que McCartney aime bien. L’Harold profite du paragraphe Apple pour rappeler que chaque Beatle avait ses chouchous. Le roi George amène Jackie Lomax. C’est Mal Evans qui ramène les Iveys, futurs Badfinger, chez Apple.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’Harold rencontre aussi Black Sabbath dans une superbe villa de Bel Air. Ozzy lui dit que leur groupe préféré reste les Beatles, mais ils sont aussi fans des Troggs («Wild Thing») et bien sûr du «Really Got Me» des Kinks. L’Harold rencontre aussi Paul Revere et Mark Linsday, beaucoup plus vieux que tous les autres, beaucoup plus professionnels, mais ils impressionnent l’Harold par leur candeur. En Europe, peu de gens savent que Paul Revere & The Raiders furent en leur temps des superstars aux États-Unis.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Tiens ! Voilà Mickie Most ! Qui qu’y fout là ? L’Harold va l’interviewer à Londres en 1972. Il lui trouve «a baby face» et des «wavy, orange-tinted hair». Mickie raconte l’enregistrement d’«House Of The Rising Sun», en 1964, quand il récupère les Animals à la gare à 7 h 15 (ils ont voyagé dans l’overnight sleeper train) et les amène au Kingsway Studio à 8 h pour une session de 3 heures, à 20 $ l’heure. Crack, à 8 h 15, ils ont fini d’enregistrer le single ! Sur le temps restant, ils enregistrent leur premier album. Ils reprennent le train de 12 h 30 pour rejoindre la tournée avec Chucky Chuckah et Carl Perkins à Southampton. Voilà le grand art de l’Harold : résumer en quelques lignes un épisode historique. C’est clair et net, bien mieux raconté que dans les bios des Animals. Mickie Most dit aussi à l’Harold que sa force «is in picking material to be released as singles.» Mickie Most évoque aussi Beck Ola et Truth, et des deux, il préfère Truth. Personne ne composait dans le Jeff Beck Group, ils étaient obligés de taper des covers. Mickie Most rappelle que Jeff Beck et Rod The Mod ne s’entendaient pas très bien. Autre détail considérable : en juin 1970, Mickie Most est à Detroit avec Jeff Beck et Cozy Powell pour enregistrer chez Motown avec «the company’s celebrated house band, but nothing was finished.» Autre détail considérable : Jeff Beck reprochait à Mickie Most ses horaires. Alors Mickie met le point sur les zi. Pour lui, la famille était plus importante que le biz, alors, il mettait un point d’honneur à rentrer à l’heure chez lui pour dîner en famille. C’est pourquoi il a décliné l’offre qu’on lui faisait de produire les Stones : ils n’avaient aucune discipline et commençaient à enregistrer à minuit. Mickie évoque aussi Donovan qu’il a fabriqué de toutes pièces et qui un jour lui a dit : «I can do it better without you.» Et crack, même chose avec Lulu qu’il a fabriquée aussi de toutes pièces, et il lit dans la presse qu’elle cherche un nouveau producteur. Alors Mickie en a marre : «I’ve had enough of these people, because most artists are slags», c’est-à-dire des garces. Et furibard, il ajoute : «Ils se servent de vous. Vous leur prêtez du blé qu’ils ne vous rendent jamais. C’est horrible.» C’est là qu’il arrête de produire les groupes pour monter «a nice little record company in England», RAK. Et cRAK !

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’Harold rencontre Gus Dudgeon. Le Gus fait l’apologie d’Andrew Loog Oldham qui n’a encore que 19 ans quand les Stones enregistrent «Poison Ivy» et «Fortune Teller» : «He was great at creating an atmosphere in the studio.» L’Harold termine d’ailleurs son journal avec l’Andrew, qu’il rencontre en 2007. Après son départ, le Stones avaient perdu une grande partie de leur mystique. L’Harold lui demande quelles sont les sources de son éloquence et l’Andrew cite les Nat Hentoff’s jazz liner notes, et celles qu’Hentoff a rédigées pour le Freewheeling Bob Dylan. Il cite aussi deux books d’Anthony Burgess, Clockwork Orange et The Wanting Seed. C’est après avoir lu les deux tomes de mémoires d’Andrew que l’Harold a pris la décision d’écrire l’histoire de Rhino - After all, if I don’t write the history of the label, who will?.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Qui dit Californie dit bien sûr Rodney Bigenheimer, the Mayor of Sunset Strip, comme le surnommait Kim Fowley, un mayor qui lors de son premier trip en Angleterre, a séjourné chez Rod The Mod. L’Harold rencontre aussi Nicky Hopkins qui évoque l’enregistrement d’Exile, dans le Sud de la France - It took four months and was enormoulsy boring - Quand il en a eu marre des Stones, il est parti rejoindre le Jeff Beck Group. Il joue sur 4 cuts de Truth. Puis il en a marre du studio et part en tournée avec le Jeff Beck Group. Tout allait bien jusqu’au moment où Jeff Beck a disparu. Il est rentré à Londres sans prévenir les autres. Hopkins dit que Jeff avait une «split personality» - One side of him wanted to be an egotistical rock star; the other side wanted to rush back to Surrey and be an auto mechanic.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             De la même façon qu’il était curieux des Stooges, l’Harold est curieux des Dolls qui débarquent en Californie en 1973, au Whisky. Il les compare aux Stones - Lead guitarist Johnny Thunders has cast himself as an animated Keith Richards - L’année d’après, il voit au Whisky d’autres rock stars fondamentales, les Raspberries - The captivating vocal harmonies never sounded better - Il  interviewe aussi Edgar Winter dont on a oublié le fabuleux Entrance. L’Edgar dit à l’Harold qu’à l’époque, il était influencé par Cannonball Adderly et John Coltrane - it was too weird for people and didn’t sell - C’est drôle comme on oublie tous ces artistes qui étaient si importants à cette époque. En 1975, l’Harold voit Suzy Quatro au Roxy - Onstage, leader-of-the-pack Suzi screams her tiny lungs out, plunking an oversized bass guitar - C’est merveilleusement résumé. Il rappelle qu’elle vient de Detroit et qu’elle vit désormais (grâce à Mickie Most) dans le Sussex, au Sud de Londres. L’Harold lui demande comment une Detroit girl s’adapte à Londres - «I’m adaptable», Suzi said - Il croise aussi Cub Koda dans le backstage du Starwood. Cub dit à l’Harold qu’il le connaît bien, via ses articles et Mogan Davis & His Winos. Alors l’Harold dit à Cub qu’il est fan de Brownsville Station depuis leur premier album qu’il avait chroniqué.

             En 1975, l’Harold flashe comme tout le monde sur Barry White - The effect he has on women defies logic - Il salue bien bas son «basso profundo» et dit qu’en fait, il chante très peu et que sa «Musak create a perfect mood for love-making.»

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             En 1976, il a la chance de flasher sur «by far the most imaginative figure in soul music», George Clinton. Clinton rappelle que Parliament était un «doo-wop group stylized after the Tempations.» Signés sur Motown, mais pendant les 5 ans du contrat, rien n’est sorti sur Motown. Quand l’Harold demande quelle différence existe entre Parliament et Funkadelic, Clinton répond : «Parliament is more vocal, more disco with horns, more conservative; Funkadelic is more guitars, no horns, more free-form feelings, more harsh and wild. There’s a crisscross, but generally Funkadelic get more pussy than Parliament.»

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’Harold reste chez les géants avec Kim Fowley. Pour lui rendre hommage, l’Harold organise un Kim Fowley Day chez Rhino. Kim fait le DJ. L’Harold voit Kim comme «Frankestein monster» - He’s tall, six-foot-five, with a high forehead and recessed eyes - Et bam, c’est le cœur battant du book ! Kim Fowley s’adresse à un client : «Hey asshole, do you jack off? Now, when you’re in the presence of a god, you fuck him, fight him, leave or shut your mouth.» L’Harold rapporte tout le monologue de Kim Fowley et c’est somptueux - I have a Lynyrd Skynyrd single I’ll play for you in a minute. Be cool - Puis, il parle d’un album sur Deram de l’Andrew Loog Oldham Orchestra, avec Gary Brooker, Mick Jagger «and Kim Fowley from Westwood. John Paul Jones plays bass and Jimmy Page guitar. This is the single recorded at Regent Sound in the same studio where they cut «Not Fade Away» and all that crap.» Puis il passe Soft Machine - This is on the Cyclop label - et il ajoute que «Kevin Ayers and Kim Fowley share lead vocals» - Le cut s’appelle «Shadows In The Sun», précise l’Harold. Plus loin, Kim Fowley déclare : «There’s no funk here, except in my underwear.» Puis il passe le «Gloria’s Dream» des Belfast Gypsies - I was a member of two legendary 1960s groups. One group was from Ireland. One of the guys in the group is ugly and short. His name is Van Morrison - Et il explique que «Gloria’s Dream» fut enregistré après le départ de Van the Man.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’Harold évoque la connexion Randy California/Jimi Hendrix. Randy a 15 ans à ce moment-là et Jimi Hendrix veut l’emmener à Londres, mais les parents de Randy s’y opposent. L’Harold rappelle aussi que Rhino a financé la sortie de Potatoland, avec un comic book et des posters, mais l’album ne s’est pas vendu, ce que Randy leur a reproché. L’Harold rencontre aussi Shel Talmy et le branche sur la reformation des Small Faces. Stevie Marriott proposait d’enregistrait «Looking For A Love» (un hit des Valentinos en 1962, repris par le J. Geils Band en 1972) et «Don’t Lie To Me» (un blues de 1940 par Tampa Red, retravaillé par Chuck Berry puis repris par les Stones). Marriott voulait en plus enregistrer chez lui, mais à l’époque, dit Shel, il prenait trop de dope - to the point where he went berserk - Et il ajoute, la mort dans l’âme : «Those sessions were the hardest thing I ever tried to do, but it broke down and nothing was finished.» L’Harold conclut son petit chapitre Small Faces 1980 en signalant la parution de deux «dreadful albums» sur Atlantic. On retrouve «Looking For Love» sur le premier, et «Don’t Lie To Me» «is unreleased.»

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’Harold rencontre aussi Sean Bonniwell en 1983 - Sean, once a good-looking pop idol, is now a bearded hippie who appears older than his 42 years. Ils m’ont fait écouter des Music Machine tracks inédits et j’ai été impressionné - Après Music Machine, les Standells ! L’Harold nous explique que c’est Jackie DeShannon qui a poussé Dick Dodd qu’elle trouvait bon à remplacer Gary Leeds qui quittait les Standells pour rejoindre les Walker Brothers à Londres. Il fut en fait un meilleur chanteur que Larry Tamblyn (un Tamblyn qui vient tout juste de casser sa pipe en bois). Avec le succès de «Dirty Water», ils se retrouvent avec les McCoys en première partie, sur la tournée 1966 des Rolling Stones. Dick Dodd se souvient d’une bataille de tartes à la crème dans l’avion de la tournée, initiée par Brian Jones. Autre détail fondamental : les Standells ne veulent pas enregistrer le «Tainted Love» d’Ed Cobb. Alors Cobb le file à Gloria Jones. Mais c’est Soft Cell qui va décrocher le pompon avec «Tainted Love» en 1982. En l’an 2000, Dick Dodd qui est à la ramasse appelle chez Rhino pour demander un job de disquaire, mais sa demande met l’Harold mal à l’aise. Dodd vient quand même chez Rhino déposer son curriculum. L’Harold le lit et voit que Dick la superstar a été vendeur de bagnoles et employé dans un entrepôt. Ainsi va la vie.

             Un jour l’Harold approche de Jeff Beck. Comme il a entendu dire que Jeff Beck est extrêmement timide, il fait gaffe en se présentant. Alors Jeff baisse le regard et fixe le sol - His social discomfort made me feel uncomfortable, as though my mere presence was causing him pain. I moved on. T’as pas besoin d’en savoir plus sur Jeff Beck. Plus tu avances dans la lecture de ce book, plus tu le perçois comme essentiel.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’un des grands avantages de vivre en Californie est de pouvoir rencontrer Sal Valentino.   L’Harold rappelle tout de même que le premier album des Beau Brummels fut produit par Sylvester Stewart, futur Sly Stone. Puis Autumn vend leur contrat à Warners et le drummer John Petersen quitte le groupe pour rejoindre Harpers Bizarre. En 1967, il ne restait plus que Sal Valentino, Ron Elliott et le bassman Ron Meagher. On connaît la suite de l’histoire : Triangle, Nashville et Bradley’s Barn. Autre légende californienne : P.F. Sloan qui préfère qu’on l’appelle Phil. L’Harold le rencontre chez lui, car Rhino envisage de sortir un Best Of.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’Harold dîne avec Jac Holzman sur Broadway et le branche sur les Stooges - Iggy had a subtle danger. Il se jetait du haut de la scène, espérant que les fans allaient le rattraper, ce qu’ils ne faisaient pas toujours - Plus loin, Jac ajoute : «Je trouvais que le mix original de l’album des Stooges était trop poli, étant donné ce que j’avais vu sur scène.» Puis la sentence tombe : l’album ne s’est vendu qu’à 32 000 exemplaires.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’Harold rencontre Herbie Flowers, le bassman légendaire qui a joué sur «Space Oditty», «Rebel Rebel», et des tonnes d’autres hits. Il a fait partie du dernier line-up de T. Rex, «which he rates as the best band he has played in.» On peut l’entendre nous dit l’Harold dans Dandy In The Underworld, le dernier album de Marc (Bolan, pas l’autre). Flowers rappelle au passage que Tony Visconti se tapait des montagnes de coke pendant les sessions de Diamond Dogs. C’est lui, l’Herbie, qu’on entend derrière le Lou dans «Walk On The Wild Side» - Lou only said three words to him, «My, that’s divine.» Herbie was paid £12 ($36) for the three-hour session.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Avec Kim Fowley, l’autre superstar de l’Harold, c’est bien sûr Arthur Lee. L’Harold le rencontre en 1980. Il lui demande si «Signed D.C.» concerne le drummer Don Conka et le roi Arthur répond : «Oh no, man. It’s about Washington D.C.» L’Harold sent bien que le roi Arthur se fout de sa gueule, mais il se régale de ses traits d’esprit. Le roi Arthur raconte qu’il avait vu les Byrds, et il savait qu’il pouvait sonner comme eux, «so Love got into folk-rock on the first album.» Puis il écoute Miles Davis et Tony Williams, «and so Da Capo was jazz-influenced.» L’Harold rencontre aussi Bruce Botnick qui a enregistré Love en 1966 - Ils sont arrivés au Sunset Sound Recorders et ont joué les morceaux les uns après les autres - Et Botnick se marre : «Arthur Lee played drums on the record. He was unusual, on acid 24 hours a day. In fact, everybody in the band was out of it.» Botnick donne aussi tout le détail de Forever Changes, «enregistré at Sunset Sound, Western and Leon Russell’s house.» En 1981, l’Harold découvre qu’Arthur Lee est chauve. On raconte qu’il s’était mis un gel pour raidir les cheveux, qu’il avait pris de la dope et qu’il s’était évanoui. Quand il s’est réveillé, le gel était resté trop longtemps et ses cheveux tombaient. Il a affiché son look chauve en 1972 sur la pochette de Vindicator. Pas de problème. Un jour en 1982, l’Harold reçoit un coup de fil du roi Arthur : «Il avait l’air drunk. Il m’accusait d’avoir sorti le Love Live Album sans avoir proposé de contrat. Je lui ai répondu que c’était faux, que je lui avais payé une avance et qu’il avait signé un contrat. Il ne me croyait pas. Alors je lui ai dit que j’allais lui Xeroxer une copie et la lui poster. Whew!».  

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’Harold se fait virer de Rhino en octobre 2001, quand Warner rachète Rhino - There was no «thank you» from the Warner Music Group, no gold watch, no party, no celebration of the great company we created. La mort pendant la vie.

    Signé : Cazengler, Bronson of a bitch

    Harold Bronson. Time Has Come Today - Rock And Roll Diaries 1967-2007. Trouser Press Books 2023

     

     

    Inside the goldmine

     - Le ramdam de Ram John

             Jean Rome était de tous nos clients le plus attachant. Il nous confiait le budget d’une revue trimestrielle de R&D diffusée en six langues. Il était en effet le patron de la R&D d’une multinationale, et donc les budgets étaient tellement conséquents qu’ils permettaient de financer des reportages sur des sites de production à l’étranger, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. Ces budgets nous permettaient aussi de rémunérer des experts, lorsque la complexité des sujets dépassait les compétences de notre ami Lucas, journaliste scientifique et rédacteur en chef de cette revue. Jean Rome était un homme assez jeune, brillamment diplômé. Il offrait l’apparence d’un manager classique, avec ses cheveux coupés en brosse, toujours en costard cravate. Ses lunettes à montures écaille qui lui donnaient un faux air de Roy Orbison. On le prenait pour un homme austère, mais en apprenant à le connaître, on découvrait des aspects de sa personnalité extrêmement intéressants. En réunion, on entendait parfois un bruit étrange, un genre de ‘pouet’. On ne le savait pas à l’époque, mais le ‘pouet’, c’était lui. Il nous avoua plus tard qu’il avait dans la poche l’un des jouets de son chien, une espèce d’os en plastique qui fait ‘pouet’ quand on le presse. Personne n’aurait jamais pu imaginer que ce ‘pouet’ venait de lui. Autre chose : pour animer la revue et illustrer les phrases sorties, il voulait une mascotte.

             — Tiens, pourquoi pas un mouton par exemple ? Le mouton des Technodes ! 

             On lui dessina sur le tas un mouton à l’œil roublard, mais Jean Rome ne le trouvait pas assez trash.

             — Ne peut-on lui mettre du rouge à lèvres et des talons aiguilles ?

             — Vous êtes sûr ?

             — Mais oui, voyez-vous, le mouton peut accoster un passant, moi par exemple, et lui proposer la formule du peroxyde nitrique pour 20 euros. Je vous donne mon billet que le lecteur, émoustillé, entrera dans l’article, voyez-vous.

             — On ne mord pas un peu le trait ?

             — Mais non, tenez, pour l’article suivant, on va mettre le mouton au lit, en train de se faire sodomiser, voyez-vous, et dans la bulle, on mettra : «Oh oui chéri, nos atomes d’hydrogène et d’azote font bon ménage !» Ça fera un tabac, voyez-vous.  

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Pendant que Jean Rome révolutionnait la presse scientifique, Ram John injectait une puissante dose de blues au Swinging London qui n’en demandait pas tant.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Ram John Holder est l’une des têtes de gondole de la belle box Gotta Get A Good Thing Goin’, une sorte d’antho miraculeuse de la musique noire en Angleterre. Il n’est pas né dans le Mississippi, comme on pourrait le croire, mais en Guyane Britannique, qui est de l’autre côté du Suriname, la Guyane hollandaise devenue indépendante. Avant de débarquer à Londres, il a fait en 1962 le folk singer à New York, et plus précisément à Greenwich Village, où Dylan, Tom Paxton et Richie Havens l’ont côtoyé. En 1963, il écume le circuit folk de Londres et Paul Jones produit son premier single «Just Across The River». Il y est accompagné par Jack Bruce, Keith Emerson, Mike Hugg et Mike Rooms.

             Puis il commence à composer pour la BBC. Ram John Holder est surtout connu comme acteur dans des séries anglaises.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Belle pochette que celle de Black London Blues, un Beacon de 1969. Ram John a des allures de black street punk du coin de la rue. Il porte des lunettes noires et un fut en velours. La photo est prise à Brixton. Avec «Brixton Blues», il situe son quartier, il tape un fast heavy blues sauvage et bien underground. On l’entend aussi jouer lead sur le puissant «Too Much Blues». Son London blues est classique mais excellent. Il visite tous les quartiers, le voilà maintenant rendu à «Ladbroke Grove Blues», c’est assez wild, avec un violon sinueux et un big bassmatic. Ram John est une sorte de tenant de l’aboutissant. Il passe au fast wimpy blues avec «Wimpy Bar Blues», c’est le black British blues racé, drivé sous le boisseau du London fog. Ce mec est bon, il surgit hors de la nuit - My wimpy and my coffee were getting cold - Il chante son blues au perçant lancinant. Le voilà maintenant rendu au «Piccadilly Circus Blues», il pianote en bon punk black de Ladbroke Grove - Baby don’t walk out on me/ Yes she did - Il rentre à Hampstead avec «Hamsptead To Lose The Blues». Ram John pose un problème : il ne s’inscrit dans aucun schéma. Il se contente de planter les graines du punk boogie blues de Ladbrooke Grove. Son London Blues flirte avec le primitivisme. Il peut chanter à la renverse, tomber dans l’excès, courtiser la misfortune et avouer qu’il est à dix shillings près.   

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Pochette moins sexy pour Bootleg Blues. Il quitte Londres pour aller faire un saut à Paris («Low Down In Paris»), petit heavy blues de went down to Paris to rest a little while - Comment allez-vous/ Avez-vous les Champs Élysées - Gros réveil en fanfare avec un «London Paris Rome Blues Express» embarqué au heavy groove des anciens, c’est-à-dire Isleys & co, c’est bardé de son et Ram John y va au heavy rumble d’hey going up the station. Retour à Hamsptead avec «Hampstead Blues», une merveille d’étalage cadencé, Ram John tient son blues en alerte à la note suspensive. Il fait un saut à Moscou avec «The Blues In Moscow» - Went over to Moscow/ To erase my trouble in mind - Il tape ça à l’heavy blues - But my friend the blues was my public hinde - Il termine ce très bel album avec «Freedom I’m Ready». Grosse énergie et chœurs de reggae. On comprend mieux pourquoi cet album est tellement recherché. 

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             You Simply Are Ram John Holder date de 1975. Ce black de London town est le roi du groove urbain et orbi. Il peut aussi aller sur la pop avec des chœurs comme le montre «Love You Love Me». Il trimballe son look exotique de black shades et de tunique africaine sur fond de briques rouges. Il est accompagné sur cet album par Kokomo et des chœurs d’anges. Il peut taper dans l’exotica de luxe. La viande se planque en B, et ce dès «Cool Earth Woman». Il excelle dans ce genre difficile qu’est le British groove. Il en maîtrise bien les fluides. Il se vautre dès qu’il cherche à faire la pute avec de la pop, et se rattrape aux branches dès qu’il fait son Richie Havens («Love What You See»). Le coup de génie se trouve au bout de la B : «London Ghetto». Il ramène des percus et du mystère à la Shaft, ça part en groove de belle espérance, alerte et bien black. Finalement, on apprécie cet album bien diversifié, hérissé de pointes de charme authentique. Il termine avec «Battering Ram», un raw groove extraordinaire. Aw comme Ram est raw !

    Signé : Cazengler, ramier

    Ram John Holder. Black London Blues. Beacon 1969 

    Ram John Holder. Bootleg Blues. Beacon 1970           

    Ram John Holder. You Simply Are. Fresh Air 1975

     

    *

                ’Je suis l’Empire à la fin de la décadence’’ proclamait Verlaine dans Jadis et Naguère, se complaisant à voir passer les grands barbares blancs, le bougre s’en vantait, il fit même école, mais lorsqu’un groupe de black metal atmosphérique joint les deux termes historialement oxymoriens dans leur dénomination, je vais voir. Le concept opératoire d’Imperium Romanum motivant mon intérêt.

    DIS MANIBUS

    IMPERIUM DEKADENZ

    (Season Of The Mist / 2016)

            Une rencontre fortuite a permis à Pascal Vannier et Christian Jacob a réunir leur force pour former la cheville ouvrière du groupe allemand Imperium Decadenz. Tous deux avaient été marqués par le Caligula de Tinto Brass sorti en 1979. Le personnage de Caligula a de toujours suscité le scandale, le film pimenté de scènes pornographiques non tournées par son réalisateur suscita bien des  polémiques. Comment aurait-il été accueilli en 2025 !  

             Certains lecteurs s’étonneront qu’un personnage tel Caligula ait pu susciter un engouement si fort que Pascal Vannier ait choisi le surnom de Vespasien autre empereur romain et Christian Jacob celui d’Horaz, notre bon poëte Horace selon notre langue françoise. Deux figures respectables de l’histoire romaine, mais enfin… Vraisemblablement ont-ils pensé que les individus sont transitoires mais que la forme politique de l’Imperium a, bon an mal an, rassemblé durant des siècles sous son égide protectrice des millions d’hommes. Ceci se discute. Surtout ces temps-ci où l’on assiste à l’éclosion de thèses expliquant que les invasions barbares ne sont qu’un mythe…

             Loin de ces querelles idéologiquement byzantines cet album ne  s’intéresse point aux actes et paroles des habitants de l’Empire mais à ses morts. L’on traduit souvent l’expression Dis Manibus inscrite, ou signifiée par les lettres DM, sur les stèles funéraires par aux Mânes des Morts, mot à mot il vaudrait mieux lire aux Mânes des Dieux.  Clarifions au plus vite ce dilemme, les mânes sont les âmes des morts, n’imaginez pas des fantômes ou des zombies, plutôt des présences qui pérennisent l’union des morts et des vivants. Mais les cendres des morts enfouies dans la terre ou gardées dans des tombeaux ne se promènent que fort rarement parmi nous, peut-être l’avez-vous remarqué, les romains avaient une explication. Lors de la crémation les hommes se transformaient en Dieux. Il vous plairait bien de passer le restant de votre mort à biturer et bâffrer nectar et ambroisie dans les demeures de l’Olympe, hélas les morts ne se métamorphosent qu’en des dieux inférieurs qui logent en bas dans de froides cavernes souterraines. C’est d’ailleurs pour cela qu’il existait des rites destinés à garder un contact avec eux pour qu’ils ne nous oublient pas.  Il faut concevoir la présence sur-terrestre des Mânes comme une force adjacente qui vous influait et insufflait courage, volonté et désir de maintenir la possession de ce territoire que vos ancêtres vous avaient légué.

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

    In Todesbanden : funèbre, l’on serait tenté de traduire en pensant au Livre de la Mort des Egyptiens ‘’dans les bandelettes de la mort’’, mais ce bruit imperceptible, cette espèce de gratouillement de plus en plus présent, qui accompagne la marée, est-elle descendante ou montante, n’évoque-t-il pas le grouillement incessant des larves sur le cadavre.  L’on pressent que la suite ne sera pas joyeuse. Only Fragments Of Light : roulement, chute précipitée, une longue descente, sarclage méthodique des dernières images préoccupantes de l’existence, éboulements rapides de tous les désirs, chute irréversible, comme un feu qui brûle les mauvaises herbes et les branchages coupés de l’existence, ne reste plus qu’une lumière cristalline, la musique semble vouloir disparaître, elle s’éloigne tout en restant présente soutenue par les ogives des chœurs, le dernier cri qui résonne dans le monde des vivants, à moins que ce ne soit qu’un écho perçu dans le monde des morts, procession chantée, enchantée, la lumière du jour est remplacée par celle de la nuit, plus froide, plus claire, elle n’illumine pas mais elle brille dans une étrange fixité immobile, me voici dans une autre nuit transparente, reflet inversé de la noirceur terrestre, l’âme s’est réfugiée dans son propre rêve, car la mort rêve à son retour, un jour le rêve remontera, il surgira  à la surface d’une autre lumière, la mort me vomira et je reviens. Still I Rise : étrange victoire, je suis mort, je suis au fond du fond mais je m’élève, j’obéis au mouvement des marées, à la marche incoercible des cycles de l’univers qui règle les étoiles, je laisse derrière moi tout ce que j’ai été, toute ma personnalité, tous mes actes, tout moi, mais je suis une pierre arrachée à son destin qui ne tombe plus mais qui monte, je traverse les abîmes, des mondes inconnus, des grèves grises ensauvagées, rien ne me retient, la batterie s’emballe, les guitares galopent, je monte sans fin, serais-je un soleil de la nuit noire et absolue, ma voix s’évase, tant de grandeur dans mon chemin d’altitude infinie, roulement effroyable des tonnerres en gestation. Un chant clair et pur résonne, est-ce un rayon de soleil ou une plainte déchirante. Dis Manibvs : peut-être suis-je en train de tourner en moi-même, de revenir aux derniers instants de mon trépas qui sont aussi tes derniers instants car si je meurs à moi-même toi aussi tu t’éloignes de moi, tu te détaches de moi, mystère insondable, qui meurt au juste celui qui s’en va ou celui qui reste, dans quel sens le bateau part-il, dans quelle nuit entre-t-il, comme une sirène de navire qui s’arrache à la terre, l’instant décisif, retrouvailles avec sa propre solitude, la musique monte et éclate comme une angoisse indicible. Rien de ce qui a eu lieu, ne s’effacera jamais. Pantheon Spells : silence des orgues, souffle indistinct des Dieux, à quel moment suis-je, après ou avant leurs éloignements, ils sont là tout près, se sont posés immuables dans ma méditation, que veulent-ils, que disent-ils, leurs voix a la douceur des colombes d’Aphrodite. Vae Victis : malheur aux vaincus, les Dieux m’avertissent, la ville est en flammes, la cité saigne, déjà l’on emmène les longues files des esclaves, ceux qui sont morts durant les combats n’ont-ils pas échappé à la honte, à la déportation, à l’esclavage, au sort commun des hommes, mais les vainqueurs rient et boivent, violent et tuent, la musique court comme la violence, la batterie affute le raffut, elle pousse au cri et au crime, le vocal grondant hurle et chuchotte à pleins poumons, sont les plus heureux ceux qui ont eu accès à  la connaissance suprême, au savoir divin des morts et des Dieux. Volcano : il existe une vidéo fabriquée par un fan du groupe qui a illustré le morceau avec des images prises au péplum  'Pompeï réalisé par Paul W. S. Anderson. Les images raviront les fans des films à grand spectacle, elles ont l’intérêt de démontrer que la musique du groupe est à la hauteur des scènes dantesques proposées… les malheurs du titre précédent peuvent être imputés aux hommes, race prédatrice par excellence, la responsabilité de la destruction  de Pompéi peut être rejetée sur les Dieux Immortels… après la scène de recueillement dans le Panthéon, les deux titres qui le suivent donnent à réfléchir sur la mansuétude des Olympiens… grondements vésuviens en ouverture, de la batterie surgissent les pierres propulsées sur la cité et ses habitants. Le texte est assez ambigu, la ville est-elle détruite à cause de l’insolence de ses citoyens, ont-ils voulu rivaliser avec l’éclat des Dieux en bâtissant une ville d’une beauté sans pareille dans laquelle la luxure et la débauche seraient reines… ambiance mélodramatique, chœurs et background imprégné d’une tristesse un peu surfaite. Le sujet mythique de la catastrophe a parasité le groupe, l’on voit les paysages mais la mort semble passer au second plan.  Somnia :

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

    instrumental. Le sommeil de la mort. Le repos éternel. La dormition inéluctable. Le titre assez court demande plusieurs écoutes pour être apprécié à sa juste valeur. Le cliquettement répétitif d’une note claire monopolise l’attention, mais la mort n’est-elle pas monotone et ennuyeuse, il empêche de goûter au travail d’orfèvre auquel se livrent les musiciens, derrière la flèche de l’if élancé se cache les rêves mouvants des morts dans leurs tombes. Pure Nocturnal Rome : une promenade nocturne dans Rome, dans la Rome d’aujourd’hui, ne vous étonnez pas du tumulte de l’orchestration et de la voix qui rugit comme un lion enfermé dans les cages du Colisée, ce n’est pas que le promeneur arpente les avenues encombrées de voitures c’est qu’il marche dans le passé de Rome, qu’il médite sur son histoire, qu’il déambule dans ses rêves, il refuse d’être dupe de ses propres mythifications, Rome vénale et luxurieuse portait en elle ses propres tares, et sa décadence, n’oublions pas que le groupe se nomme Imperium Dekadenz, l’Empire et la Décadence étroitement emmêlés, la putain et la beauté, pour qui sait les voir les Nymphes dans les bosquets sacrés dansent toujours en l’honneur des Dieux, et le sang versé par les légions pour établir la suprématie de l’Imperium ruisselle toujours sur son âme comme une énergie principielle et nécessaire. Son esprit s’abreuve à cette source mystique inépuisable. Seikilos : le texte de ce morceau provient d’une épitaphe (deuxième siècle après Jean-Claude) découverte en Anatolie inscrite sur une colonne placée sur la tombe de l’épouse (ou du père) d’un certain Seikilos. Elle est célèbre car les vers sont surmontés de notes de musique qui permettent de jouer et de chanter la mélodie. Elle est précédée des mots suivants non pris en compte par le groupe  mais qui personnellement  m’émeuvent davantage que le poème :  ‘’La pierre que je suis est une image. / Seikilos me pose ici, / d'un souvenir immortel signe durable. ». L’adage proverbial : ‘’La mort est certaine, la vie ne l'est pas’’ la remplace. Vous trouverez sur le net de multiples interprétations du poème de Seikylos. Imperium Dekadenz propose la sienne, version black metal qui n’a pas à rougir de sa création, si  au début elle se cale sur la pureté agreste des reconstitutions les plus’’ fidèles’’ le grondement en sourdine qui l’accompagne  laisse deviner que le groupe ne renonce pas à son électricité emphatique, les chœurs qui suivent malgré leur volume ne déparent en rien la mélodie de Seikilos, quant aux murmures d’outre-tombe qui suivent et l’ampleur sonore crépusculaire qui s’amoindrit pour finir par muer en un ultime grésillement de mèche de bougie qui vient de s’éteindre. 

             Nous ne savons rien de Seikilos, mais il semble que c’est sa voix qui traverse les siècles pour porter témoignage par ce thrène mortuaire l’ultime hommage des ombres à la grandeur d’un passé auprès duquel notre présence en ce monde ressemble à des haillons dérisoires dépourvus de pourpre.  

             Un album de toute beauté dont la thématique ne plaira pas à tous. La mort effraie tout le monde, la notion d’Imperium tous les autres.

             Je ne pouvais pas quitter  Imperium Dekadentz si rapidement, j’ai choisi un deuxième album qui me semble encore davantage réussi que le précédent. Mais encore plus noir…

    … DIE WELT WARD KALT UND LEER

    (… ET LE MONDE DEVINT FROID ET VIDE)

    IMPERIUM DECADENZ

    (Season of Mist / Février 2006)

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

    Einklang : étrange, einklang signifierait harmonie, mais les sons de cet instrumental doivent être une transcription phonique du cri discordant du cygne, je suis gentil en présentant ainsi ce vacarme issu d’un chantier de démolition, ou d’un atelier sidérurgique, pure noise, on aimerait bien comprendre les quelques mots marmonnés vers la fin du morceau, mais nos maigres connaissances de la langue de Goethe ne nous permettent pas de les déchiffrer. Nous n’avons pas évoqué la pochette, saisissons l’occasion pour reconnaître que le paysage informe qui nous est offert est particulièrement décrit par ce concert bruitique. Glanz der Klinge : après le kling-klang-klong de l’ouverture nous voici confronté au glangk – il existe une science rejetée par la phonétique moderne qui dote chaque lettre d’une signification phonique précise, Mallarmé l’a quelque peu exposée et utilisée dans Les Mots Anglais, et René Ghil (injustement oublié), l’a expérimentée dans une entreprise poétique totale que l’on peut qualifier de wagnérienne unissant le sens, la couleur et le son des mots – mais revenons à la clinquance éclatante de ce morceau dans lequel s’entrechoquent les épées, la victoire, le triomphe et la mort. Les paroles pourraient être interprétées comme un duel entre deux individus, mais c’est avant tout un combat singulier contre la mort, que l’on perdra un jour, et le combat de l’Empire contre sa propre Décadence, la leçon est simple la mort vaut mieux que la décadence, tant que l’on est vainqueur l’on contient  l’ennemi au loin. La mort possède sa beauté, l’on ne saurait résister à son baiser sanglant froid et incapacitant. Halls of lust : hurlements d’agonie, une chape de plomb musicale vous emprisonne, quelle différence, le temps a passé, les mœurs ont changé, l’âme des morts ploie sous les chaînes du péché, nous sommes à la fin de l’Empire, aux temps de la décadence, désormais les héros sont condamnés à croupir et à souffrir sans fin aux plus profonds des cercles de l’Enfer, le morceau s’écroule sur lui-même, éboulis de souffrance et de torture, l’on ne vit plus mais l’on ne meurt plus, désormais la mort n’offre plus de refuge, elle n’est que la continuation d’un monde déserté sans joie, les guitares galopent à l’infini, sans espoir. Of All Ends : bourdonnement d’une mouche géante, celle qui se pose sur les âmes des cadavres, hurlements, si ce n’est pas l’Enfer c’est sa promesse, ses châtiments, sa condamnation éternelle, les hurlements de terreur des damnés ne montent-ils pas jusqu’à vos oreilles, un seul conseil, qui ne vous délivrera pas du mal, oubliez vos dieux, tout s’effondre la musique tourne au supplice noisique, plus d’espoir n’est permis, une fois vos Dieux abandonnés vous pourrez vous vanter d’être morts… Ce qui est très fort dans l’écriture de ce morceau et du  précédent, c’est que le dieu chrétien n’est jamais nommé, il ne sert à rien de dénoncer ses ennemis, ce qui nous a perdu ce ne sont pas leurs attaques, c’est notre faiblesse, notre propre décadence intérieure, l’amoindrissement de notre volonté, notre mollesse… For Those Who Sleep Eternally : instrumental, pourquoi serait-il long, quelques notes tristes et fragilles comme un vent glacé qui souffle sur nos tombes. Fields Of Silence : seul en soi-même, dans les champs du silence, infini et peut-être éternel si je ne rassemble pas mes forces, si je n’habite plus mon rêve, si je le laisse échapper, si je ne parviens pas l’éjecter de lui-même comme une bulle qui doit percer la terre qui me recouvre, splendide épode, chant du recouvrement du rêve de l’Imperium, mort et triomphe d’une idée formée avec la lymphe désagrégée de mon esprit, de ma chair, de mon cerveau. L’infini espoir du retour. Meine Reise Durch die Zeit : instrumental, la traversée du temps, sein und zeit, là où se trouve le temps se trouve l’être heideggerien qui ne meurt pas, mais qui reprend le chemin du retour. Schwarze wâlder : une bise glaciale souffle, me revoici, est-ce moi ou un autre, cela n’a que peu d’importance, la même bulle de rêve squatte nos cerveaux, la forêt noire m’accueille, j’ai quitté l’Imperium, le rivage et la pensée ensoleillée de la Grèce, désormais je suis chez moi dans cette terre septentrionale, en l’Allemagne désormais originelle, si près du rêve d’Hölderlin, un chant s’élève, atteindrat-il dépassera-t-il, subsumera-t-il ces hautes futaies… Gefrone Wunden : c’était un chant qui se voulait de renaissance et triomphal, hélas le rêve porte encore mes propres meurtrissures, les blessures gelées ne cicatriseront jamais, autour de moi le monde est semblable à celui que j'ai quitté, ce n’est pas la différence des paysages qui me terrifie, si je crie c’est que j’aperçois que la lèpre qui obscurcit l’esprit des hommes est entâchée de la même décadence, que l’Imperium est définitivement perdu, qu’en le perdant j’ai aussi perdu l’espoir du retour, que ma tentative a échoué. L’on ne s’éveille jamais d’un rêve avorté. ...und die Welt ward kalt und leer : aboiement d’un chien abandonné perdu dans la forêt des ombres, engendrera-t-il un jour des loups qui refonderont Rome, pour l’heure c’est le chant crépusculaire d’un monde effroyablement voué à se perpétuer dans sa désuétude, s’il y a retour c’est le retour du même, alors que l’on espérait le retour de l’Autre celui qui brille au loin de mille éclats, mais nous voici condamnés au long temps de la décadence, à faire semblant de vivre dans un monde froid et gelé. Hostile à l’Homme…

             Imperium Decadenz davantage imperiumal que décadent !

    Damie Chad.

     

    *

             L’on sait toujours ce que l’on cherche, l’on ne sait jamais ce que l’on trouve. Rappelons-nous notre soirée du 27 mars dernier kroniquée dans notre livraison 683 avec The Coopers groupe rockabilly débordant d’une énergie folle. La Gretsch  de Lucky Will avait mis le feu… sur lequel avait amplement soufflé les trois autres pompiers pyromanes de nos Tonneliers. Lucky Will est comme notre vieille lune, il possède deux faces, et même davantage, mais l’avantage chez lui c’est qu’il n’en cache aucune. Rockabilly man certes mais avant tout guitar man, pas de frontière infranchissable pour lui, pas le genre monomaniaque à s’enfermer dans un étroit territoire… Mon idée première était de m’intéresser au Lucky Will ultra-électric   par exemple   il s’amuse  avec If You Want Blood d’AC / DC… Oui mais le démon de la perversité m’a retenu sur une vidéo insistante sur son FB…

    AWAY

    MIDNIGHT ROSES

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Quelle couve ! Plus glamour vous ne trouverez pas. Je connaissais La Tulipe Noire d’Alexandre Dumas, mais le roman ne tient pas la comparaison avec cette rose noire arquée dans son fourreau de désir noir… à ma grande honte, obnubilé par cette splendide créature phantasmatique  m’a fallu deux longues minutes pour m’apercevoir qu’elle n’était pas seule, hombre dans l’ombre, apparaît l’énigmatique silhouette de Lucky Will, déguisée en truand des années trente… certes nous sommes loin d’une ambiance typiquement rock’n’roll mais qui résisterait à ne pas humer d’un plus près les arômes subtils des fortes fragrances de cette tubéreuse et stuprureuse image  atteignant au statut iconique…

             Cette splendide création photographique est d’Anna Azarov, je me permets de reproduire une courte citation de son site (à visiter) : directrice de la création. Son objectif est toujours de capturer l'essence des artistes (…)    avec lesquels elle travaille, et de donner à leurs histoires une voix visuelle. Démarche sysnesthésique par excellence qui nous agrée…

    Remi Hiblot : producer & mix engineer , drums / Nicolle Rochelle : vocals / Lucky Will : lead guitar / Patrick Hiblot : bass.

    Away : attention attachez vos ceintures, quelques notes de guitares sèche sur lesquelles, fragiles une voix funambule se déplace avec facilité, quelques sauts de fil tendus parfaitement maîtrisés et nous débouchons dans le delta du fleuve en lequel le ruisseau du début s’est transformé à notre insu, jusqu’à lors nous ne sommes pas surpris, tout se passe selon les règles de la chanson grande dame – une chanson d’amour, une rupture, sans cri, sans scandale, sans coup de feu, un cœur brisé mais la volonté de survivre – touchée mais pas coulée, l’on est entre gens de bonne compagnie, oui mais quelle plasticité dans cette voix, une véritable leçon de chant, douée, très douée, elle vous mène là où elle veut par le bout de l’oreille, quand la vidéo est terminée, vous la remettez pour voir comment elle se débrouille pour les changements de tempo, une diction de rêve, une sereine facilité, une frégate toutes voiles dehors qui se joue des récifs, vous concluez par une évidence : cette fille est capable de chanter n’importe quoi et d’assurer en tout.

             C’est bien de donner son opinion c’est mieux d’apporter les preuves. Suffit de suivre son instinct, bon sur Away elle se l’est jouée Judy Garland, alors au hasard l’on tape évidemment la version de Gene Vincent,  celle que Garland préférait à sa propre interprétation, Over the Rainbow. Coup double, une vidéo au Paris Boogie Speakeasy, les Harlem Drive (piano, contrebasse, clarinette,) Nicolle Rochelle au chant. L’est plus jeune, ça date de 2012, elle s’amuse, chapeau grenat sur la tête, une voix pointue à trouer les tickets de métro, elle se balance, elle se dandine, elle minaude, elle joue à la petite fille, dans sa robe blanche, elle sourit, elle rit, elle vous fait le coup de la candeur innocente qui en connaît beaucoup plus de vous. Fausse sagesse proustienne pour gens huppés qui n’ont jamais lu A l’Ombre des Jeunes filles en Fleur. Deuxième déduction : elle sait roucouler comme un rouge-gorge mais attention  c’est une actrice.     

             Nicolle Rochelle n’est pas une inconnue. Elle est née dans le New Jersey, Paris est un peu son port d’attache, elle a joué dans de nombreuses séries pour la télé américaine, un détail qui va rendre fou les amateurs des Beatles, à huit ans elle a tourné avec  Ringo Star-  je sais ce n’est pas le meilleur des quatre mais vous ferez difficilement mieux – elle danse et elle chante. Beaucoup de jazz.  Elle a joué les rôles de Joséphine Baker, de Billie Holiday… l’on ne compte plus les formations de jazz qui l’ont accueillie. pour ceux qui préfèrent le blues et le rhythm ‘n’ blues, pas de problème elle adore les versions musclées. Faut l’entendre reprendre avec Lucky Will à la guitare, I’ d Rather  Be Blind d’Etta James cette générosité avec laquelle vous remplissez les verres des copains à l’apéro…

    C’est vrai que ce n’est pas du rock, c’est vrai que c’est un peu la vie en rose, mais quel talent, quelle artiste !

    Damie Chad.

     

    *

             Je me suis encore fait piéger. Par mes propres contradictions. Voici peu je m’insurgeais contre les one man bands. Et pouf je n’ai pas pu résister à la beauté fascinante de ses yeux. Ce n’est pas une jeune fille qui m’enverrait une œillade tropicale. Juste un serpent. En plus sur le dessin il ne nous montre qu’un seul œil. Un peu jaunâtre. C’est surtout la position du reptile qui m’a interrogé. 

    EL MOVIMIENTO PERPETUO

    GALVÄO

    (Avril 2025)

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Puisque nous sommes au Portugal il existe quelque chance pour que l’artwork signé, par Suzi Silva soit une chanteuse de fado qui porte ce nom, soit une graphiste qui possède une palette de styles très différents, mais aucune des deux ne revendique expressément cette couve. Si le mouvement peut être exprimé sous la forme d’un pendule, le fameux symbole du serpent qui se mord la queue exprime toutefois la même idée. Suzi Silva n’a pas dessiné le fameux glouton à l’appétit éternel sous sa forme habituelle, il est manifeste que notre ophidien fatigué de mimer un tuyau d’arrosage est en partance et en promenade, pour un voyage perpétuel…

             Pedro Pires qui reste le maître d’œuvre de du projet Galväo, entre 2021 et 2024 il a déjà sorti un EP et deux singles, nous laisse entrevoir son projet : un morceau qui ne comporte pas de structure répétitive et  qui se déplace par ce que l’on pourrait définir comme des dérivations musicales incessantes. Serait-on proche du free-jazz, Pedro ne le dit pas, il pense plutôt à notre existence qu’il faudrait considérer comme une avancée en ligne droite soumise à de nombreux zig-zags existentiels, dépendant et de nos désirs et de multiples rencontres  evènementielles qui sans arrêt modifient notre cheminement.

    Pedro Pires : guitarre, basse, mix et master / Filip Gäddnäs : batterie.

    El Movimiento Perpetuo : est-ce que le serpent vient vers nous, ou est-ce nous qui nous nous en rapprochons, des tapotements pratiquement imperceptibles au début, nous pouvons nous demander pourquoi nous ne les entendons pas depuis toujours, puis la basse, puis toute la quincaillerie guitarique qui se superpose aux tapotements, cisailleries de cymbales, nous sommes dans la continuité mais ce n’est plus pareil, tintements de clochettes, que sonnent-elles, que peuvent-elles indiquer, que la plasticité auditive se transforme mais que le rythme même s’il semble s’accélérer par l’effet de couleur des timbres induit un changement irréversible, assomptions lyrique des cordages, l’on sent que c’est parti pour ne plus revenir, la basse prend le relai et accélère comme un train dans un tunnel, maintenant avec ces tubulures de zinc nous osons parler de galvanisation, une impression de vitesse d’une fusée qui fonce dans l’espace, cliquettements infinis des cymbales, rupture, reprise, le mouvement perpétuel ne   saurait s’arrêter, faisons lui confiance, essayons de trouver dans ces changements de voie, dus à une manipulation d’aiguillage, ne serions-nous pas prisonnier d’une expérience à la John Cage, ce  n’est pas la répétition d’une même note qui crée en nous le mouvement par un séquençage auditif qui nous prouve que si la nature a horreur du vide notre cerveau agit de même, dans ce cas présent ce zigzagage incessant mouvemental s’inscrit en nous comme image de l’immobilité du silence entrevu en une  stase perpétuelle, un énorme boa dont les anneaux musculeux retiendrait par son étreinte monstrueuse l’étendue du monde en l’empêchant de s’enfuir éternellement en avant, ouf ralentissement, les boogies d’un train qui reprennent souffle et force, rien ne bouge et rien n’est pareil, sirène de cargo s’éloignant au loin sur la courbure de la terre qui devient de plus en plus présente alors qu’il est devenu invisible, mais le voici qui file dans un potin d’enfer comme un hors-bord vers la ligne d’horizon qui recule en une certaine stabilité qui lui permet de prendre de la vitesse, serions-nous dans un miroir sonore qui nous réfléchirait notre écoute, mais ce qui est encore notre chair, notre bras droit, devient dans notre reflet notre bras gauche, maintenant l’on file à toute vitesse, serions-nous prisonnier d’une espèce d’envers du Bolero de Ravel, tempo non temporisateur inexorablement invariable et crescendo circulatoire infini qui nous projettent dans l’infini d’une spirale, une espèce d’aleph zéro qui engloberait à lui-seul toutes les variations cercliques superpositoires, car les cercles de l’Enfer ne forment que l’Enfer quand on y pense, la pensée nous tourne la tête et nous détourne de notre appréhension acoustique, nous fuyons, nous nous nous fuyons nous-mêmes pour ne plus nous arrêter, car nous comprenons que nous arrêter équivaudrait à notre mort. D’ailleurs si le morceau s’arrête alors qu’il devrait se perpétuer sans fin, n’est-ce pas pour nous empêcher de mourir…

             Etrange expérience, doit-on considérer Galväo comme un bienfaiteur de l’Humanité.

             Il est vrai que nous avons entendu Pires.

    Damie Chad.

     

    *

             En toute occasion il est important de terminer en beauté. Donc ce sera Patrick Geffroy, un solitaire digne des cimes d’Engadine. Nous l’avons déjà rencontré dans Kr’tnt ! avec sa trompette, avec ses tableaux, ses textes, jouant dehors en pleine nature, ou chez lui. Cette fois encore dans son antre, mais ailleurs aussi, dans un ailleurs culminatif du jazz, du free, du noise… Une œuvre majeure.

    LA PEAU DE L’APOCALYPSE

    PATRICK GEFFROY YORFFEG

    ( YT / Chaine : TheXynos7 / Avril 2025 )

    (Flûtes , flugelhorn, piano, trompettes, synthé)

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             L’image est floue, un peu décalée de la réalité, grise, colorée, sous-exposée, soumise à des tressaillements souterrains,  Yorffeg-Orphée image de lui-même se déplaçant, glissant d’elle-même en elle-même, imaginons ces vieux films de Chaplin qui seraient passés en vitesse ultra-lente pour qu’elle puisse se superposer à elle-même tout en ne coïncidant pas exactement avec ses propres contours, mais comme cherchant à se retrouver, imaginez un cercle qui ne recouvrerait pas son centre, le monde vacille, il ne tombe pas, il ne s’écroule pas, il agonise debout, refusant de se coucher selon les injonctions sonores, une marionnette qui aurait coupé ses fils et qui tituberait dans une extrême solitude. Au moment où j’écris cela pépie le chant d’oiseau d’une flûte – l’on pense à Milosz dans le jardin de Fontainebleau – qui

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

    résonnerait dans le vide d’une aurore qui n’existe pas – il se fait tard dans le jour du monde disait l’oiseleur – et la partition sonore s’en va à vau-l’eau dans son propre grabuge, un cygne submergé qui hausse le col pour jeter un regard aigu sur la dégénérescence du monde. Cruelle pantomime, entre cuisine et salle de travail, dernière scène d’Orphée arpentant les couloirs immarcescibles de sa propre déperdition à la recherche de la peau de Calypso, la déesse éteint la lumière, la pâleur se mue en l’œuvre au noir de son propre cheminement, ne subsiste plus que processionnaires des rondos de piano aux notes fêlées qui s’égouttent de leur propre rouille clopinante dans un silence que l’on entend davantage car l’on est encore dans les paumes de la musique qui n’existe plus. Est-ce pour cela que l’on revient au début

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

    sa cacophonie synthétique à intégrer en soi-même en tant que kaophanie révélatrice que quelque chose est en train d’avoir lieu dans le manquement de sa déchirure-même, puis ces glissements de trompettes jazz, dernier adieu à ces silhouettes de phares immobiles qui s’éloignent tandis que la mer sonore de l’innommable  sophomorité nous entraîne, nous n’avons plus de mots pour crier mais il reste la fragmentation éclose de notes cassées qui meuglent et lamantinent sur le rivage inatteignable des rêves inaccessibles naufragés, quelque part argonautes sur une mer aux vagues siziphiques qui ne roulent aucun rocher, revoici l’Yorfegg-Orphique en tache rouge sanglante qui se meut dans le vide de sa propre pourpre pour réapparaître au détour inopiné du labyrinthe qui palpite dans l’absence de ses battements rythmiques. Assomption de notes funèbres pour sonner en douceur endurcie la fin de ce qui ne se termine jamais car résidant en l’infini de sa propre finitude…

    cowboys from outerspace,screamin' monkeys,boys wonder,harold bronson,ram john holder,imperium dekaden,galväo,patrick geffroy yorffeg

             Une pièce magistrale, une œuvre totale, trafic d’organe vocal réduit au seul  souffle de son émission instrumentale, turgescente activité sexuelle, bande-son éjaculatoire d’images onanistes fantomatiques. Appeau pour une apocalypse.

             Passée, future, déjà advenue en elle-même.

    Damie Chad.

     

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 572 : KR'TNT 572 : GALLO' S POLE & CHRIS FARLOWE / HAROLD BRONSON / MATT PATTON / DREAM SYNDICATE / JACKIE DAY / MISCELLEN / BLIND UNCLE GASPARD / ROCKAMBOLESQUES

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

    A20000LETTRINE.gif

    LIVRAISON 572

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR’TNT KR’TNT

    27 / 10 / 2022

     

    GALLO’ S POLE & FARLOWE A LA BOUCHE

    HAROLD BRONSON / MATT PATTON

    DREAM SYNDICATE / JACKIE DAY

       MISCELLEN / BLIND UNCLE GASPARD

    ROCKAMBOLESQUES

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 572

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://krtnt.hautetfort.com/

     

    Gallo’s Pole & Farlowe à la bouche

     

    z19221jean-louis.gif

             Ce n’est pas Chris Farlowe qui a cassé sa pipe en bois, mais Jean-Yves Gallo, un ami de très longue date. Au temps où nous étions lycéens, mon frère et moi le surnommions ‘Gallo’s Pole‘ en écho au «Gallows Pole» qui se trouve sur le Led Zep III et qu’on adorait écouter ensemble. Depuis 1966, nous n’avons quasiment jamais cessé de partager nos passions. De tous les spécialistes du rock rencontrés au cours de six décennies, Jean-Yves fut sans le moindre doute le plus évolué, le plus brillant et le plus élégant. Il a su créer autour de lui une véritable communauté de pensée. Ce n’est pas un hasard s’il est le dédicataire des Cent Contes Rock. Ces contes furent écrits spécialement pour lui, car nous avons bavé ensemble sur les trois-quarts des mythologies qui les alimentent. Le conte qui suit est tiré d’un Volume 2 à paraître. En fait, c’est Jean-Yves qui a vu Chris Farlowe dans le magasin, et il me fit jadis un récit si drôle de cette «rencontre» que l’idée m’est venue de la développer pour lui donner une suite et d’inverser les rôles pour en faire le conte présenté ci-dessous. Ça devait être une surprise.

     

    z19220chrisfarlowe.gif

             Farlowe à la bouche

             Lorsque vous descendez à la station Angel du métro londonien et que vous remontez Upper Street jusqu’à Islington Green, vous trouverez facilement Call To Arms, une boutique proposant des pièces de collection provenant de l’Allemagne nazie. C’est en tous les cas le trajet que je suivis, par une belle matinée de printemps.

             Comment en étais-je arrivé là ?

             J’avais depuis longtemps mes habitudes chez les disquaires d’occasion de Golborne Road et dans les officines de marchands de photos et de vieux magazines de rock. Alors qu’un jour je fouillais dans un carton de photos originales, se trouvait juste en face de moi, de l’autre côté de l’étal, un gigantesque personnage d’allure peu avenante. Sa figure massive, charpentée autour d’un long nez droit, semblait contenir toute la rogne du monde. Il se dégageait du personnage une sorte de brutalité, comme s’il était à la fois un soudard du moyen-âge, un féroce guerrier peau-rouge et un barbare russe issu des steppes les plus reculées. Ses lèvres entrouvertes laissaient apparaître de très grosses dents. Ses mains, son torse, la largeur de ses épaules, le volume de son crâne, la longueur de ses bras, tout en lui semblait hors de proportion. Il lorgnait les photos une à une, l’œil noir et un pli mauvais au coin des lèvres. Se sentant observé, il leva les yeux vers moi et me foudroya littéralement du regard. Je dus relâcher la photo inédite de Brian Jones que je venais de dénicher et prendre la fuite.

             Je revins toutefois le lendemain questionner le marchand. Il me semblait avoir reconnu Chris Farlowe. Je voulais en avoir le cœur net. Le marchand confirma que Chris Farlowe faisait effectivement partie de ses clients réguliers. 

             — Vous vous intéressez à lui ?, me demanda-t-il, amusé.

             — Oh, je connais très bien ses disques... Mais il n’a pas l’air commode...

             — Il a toujours été comme ça. C’est un être... comment pourrais-je dire... un peu sauvage... et même assez fantasque... Pas mondain pour deux ronds. Exactement à l’opposé d’un McCartney. Ne restez pas sur une mauvaise impression. Essayez d’aller le voir et de parler avec lui. Je vous assure qu’il est passionnant. Il fait partie des vrais pionniers du British Beat. Si vous gagnez sa confiance et que vous réussissez à le brancher sur l’époque où il jouait au Star Club de Hambourg, vous allez vous régaler, je vous le garantis.

             — Mais comment voulez-vous que j’aille le voir... Je ne connais pas son adresse...

             — Vous trouverez sa boutique sur Islington Green...

             — Il tient une boutique ? Une boutique de quoi ? De disques ?

             — Oh pas du tout. Lorsque vous verrez une vitrine ornée d’une immense croix gammée, entrez. Vous le trouverez au fond, assis derrière un comptoir.

             — Pourquoi une croix gammée ? Je ne comprends pas...

             — Il vend des objets nazis aux collectionneurs.

             Je mis plusieurs jours à prendre une décision. Finalement, la curiosité finit par l’emporter.

             J’éprouvais depuis longtemps une réelle admiration pour ce mec-là. Depuis l’époque où j’avais découvert ses deux fantastiques albums parus sur Immediate, le label d’Andrew Loog Oldham : 14 Things To Think About et The Art Of Chris Farlowe. Chris Farlowe se situait exactement au même rang que Rod Stewart et Steve Marriott. Ayant découvert par hasard à quoi il pouvait ressembler physiquement, je compris qu’il pût avoir cette voix hors du commun. Sa version de «Think» des Rolling Stones me fit souvent l’effet d’une montagne en flammes. Il donnait à cette pop-song d’apparence banale une allure monumentale. Quand Jagger lui demanda d’interpréter «Out Of Time», Chris Farlowe en fit l’hymne du Swingin’ London. Il ne fit qu’une bouchée du «Summertime» de George Gershwin, asticotant ce classique du jazz de c’mon d’antho à Toto. Il y barytonnait et la seconde d’après explosait en plein ciel. Grâce à ses deux albums et à une poignée de singles, Chris Farlowe donnait vraiment l’impression de régner sur Londres. Avec un morceau comme «Looking For You», il supplantait les stars de Motown dans l’art de chauffer le r’n’b à blanc. «Looking For You» fut l’un des plus beaux jerks de cette époque si riche en jerks. Comme par magie, il transforma l’«It’s All Over Now Baby Blue» de Dylan, en r’n’b dévastateur. Cette version outrancière semblait destinée à choquer le bourgeois. Pour Chris Farlowe, transformer les tubes en reprises pharaoniques semblait être un jeu d’enfant. De la même façon que Mark Lanegan, Chris Farlowe savait transformer le plomb en or. Sa reprise du «Rocking Pneumonia» d’Huey Piano Smith frisait la démence. S’il chevauchait l’«In The Midnight Hour» sur un énorme drive de basse, c’était uniquement pour humilier Wilson Pickett. Il fit subir le même sort à Otis en torchant une version ahurissante de «Mr. Pitiful». Chris Farlowe savait aussi écrire des chansons. Avec «Treat Her Good», il sortait un son Pretty Things à la puissance dix. Il fit aussi une version renversante de «My Way Of Giving», un classique des Small Faces. Chez Chris Farlowe, tout n’était que démesure : le registre vocal, la gouaille, la hargne, la classe, le son des basses. Sa version de «Satisfaction» atteignait le comble de la vulgarité. Aucun chanteur anglais n’avait cette prestance de soudard, cette classe d’aristocrate des bas-fonds. Il troussait tous ses morceaux comme les jupes des filles, à la hussarde. «We’re Doin’ Fine» prenait l’allure d’un bolide piloté par Mad Max. Et puis il y avait aussi l’effarante reprise de «Reach Out I’ll Be There», le hit suprême des Four Tops, qu’il chantait avec une sorte d’application morbide. Il partagea avec Rod Stewart l’immense privilège d’interpréter «Handbags And Gladrags», une fantastique chanson composée par Mike d’Abo. Il ne fut jamais possible aux amateurs de décider laquelle des deux versions était la meilleure, celle absolument grandiose de Chris Farlowe, ou celle, dégoulinante de feeling, de Rod The Mod.

             J’arrivai enfin devant la vitrine décorée d’une croix gammée. Intimidé, je n’osai pas entrer et continuai mon chemin. Un quart d’heure plus tard, je revins à hauteur de la boutique, et fis semblant d’examiner les objets disposés dans la vitrine. Je fouillai du regard le fond du magasin et, comme l’avait indiqué le marchand de photos, je ne vis personne. Finalement, je pris mon courage à deux mains et entrai. Une clochette tinta. Je fis quelques pas jusqu’au centre de la pièce, et attendis, à demi paralysé de terreur. Des mannequins alignés le long du mur semblaient m’observer. Ils portaient les uniformes nazis qu’on voit dans les films de guerre. Les uniformes noirs d’officiers SS avaient quelque chose de particulièrement oppressant. Au fond se trouvait un grand comptoir drapé d’un gigantesque drapeau nazi. Surgie d’un recoin noyé dans l’ombre, une voix me fit sursauter :

             — Vous cherchez quelque chose de spécial ?

             Et je vis apparaître la tête monstrueuse de Chris Farlowe.

             — Non non... Rien de particulier. Je suis entré par hasard.

             — Tiens, tiens, mais je te reconnais, toi, little red rooster. Je t’ai vu l’autre jour fouiner chez Harold... Tu collectionnes quoi, au juste ?

             — Oh rien, monsieur Farlowe, je suis français et je viens à Londres pendant les vacances scolaires acheter des disques et quelques photos...

             — T’as de l’oseille, fooking rooster ?

             — Juste de quoi acheter quelques disques d’occasion et loger dans un hôtel à South Kensington, monsieur Farlowe...

             — Regarde cet uniforme d’Oberstleutnant de la Waffen SS... J’ai vendu le même à Keith Moon la semaine dernière. Je peux te faire un prix, little prick...

             — Je vous remercie, monsieur Farlowe, mais je n’en ai pas les moyens. Il me reste environ 30 £...

             — Tiens, jette un œil là-dessus, fooking rooster...

             Il sortit de sous son comptoir un objet enveloppé dans un chiffon et prit un air de conspirateur :

             — Look out ! Voilà une pièce extrêmement rare... Je te la montre, juste pour le plaisir des yeux...

             L’emballage défait, une petite trompette apparut.

             — Voilà un clairon SS. Tu vois, là, gravé dans le métal, l’aigle du troisième Reich !

             Je commençais à regretter de m’être embarqué dans cette aventure. Je n’osais plus aiguiller la conversation sur le vrai but de ma visite. J’avais déjà perdu trop de temps. L’atmosphère sordide du magasin commençait à m’indisposer. Une odeur de mort et de camomille régnait dans la pièce. À demi paniqué, je décidai une fois encore de prendre la fuite. Pas de taille à me frotter aux géants du Swingin’ London. Je prétextai un train à prendre, remerciai Chris Farlowe de son accueil et sortis du magasin en hâte. Je courus jusqu’au métro et tentai vainement de surmonter la nausée qui montait en moi. Je dus ressortir du métro pour aller vomir au coin d’une rue.

             De retour au lycée le lundi suivant, je fis part à mon copain Jean-Yves du détail de cette mésaventure.

             — Tu sais pas qui j’ai rencontré à Londres ?

             — Non.

             — Chris Farlowe !

             Ses yeux s’arrondirent comme des soucoupes.

             — Putain, c’est pas vrai !

             — Ben oui... On est devenus potes. Tu verrais ce meeeeec ! La claaaaaasse ! T’as même pas idée !

             — Oh si... Je connais ses deux albums sur Immediate par cœur !

             — Ah mais là, les disques, c’est vraiment que daaaalle, Jean-Yves ! Y faut voir le mec en chair et en os... Lui parler... Lui serrer longuement la main... Y te domine d’au moins un mètre et te plante son regard de mérou, comme ça, là, dans le blanc des yeux. Si tu soutiens son regard, y t’adopte. C’est le test.

             — Il t’a adopté ?

             — Ben ouais. Mais j’savais pas que c’était un test. J’ai pigé après.

             — Mais tu l’as rencontré où ?

             — Dans son magaze... Y vend des reliques du troisième Reich... Une boutique complètement dééééémente ! Une vraie caverne d’Ali Baba, oh, tu verrais l’bordel ! Putain, j’aurais eu du blé, j’aurais acheté une casquette d’officier SS pour foutre un peu la merde au lycée ! Et une paire de bottes de fantassin... Tu verrais comme elles sont balèèèèèèèzes ! Wouahhhh les bottes !

             — Mais pourquoi il vend des objets nazis ?

             — Passe qu’y l’a la claaaaaasse ! Chris Farlowe cultive une es-thé-tique, tu piges ? Les amateurs viennent du monde entier lui acheter des dagues en or massif, des ailes de stukas et des chenilles de Panzers ! T’aurais vu tout ce bordel, la boutique elle grouillait de gens. T’avais des tas de vieux qui venaient de partout, d’Uruguay, du Paraguay, du Guatemala, du Japon, d’la Suisse, avec des rouleaux de billets de 100 dollars dans les pattes, comme ceux qu’tu vois dans les films avec la mafia, et y avait aussi d’autres mecs comme Keith Moon, Lemmy, Vivian Stanshall et Brian Jones qui essayaient des brassards par dessus leurs vestes en velours !

             — Comment peut-on imaginer un endroit pareil ?

             — Déééééément ! Absoluuument déééééément ! J’ai discuté pendant deeees heures et deeees heures avec le père Chris... Y m’a raconté ses souvenirs d’Hambourg, quand y jouait au Star Club avec les Thunderbirds. Y m’a dit qu’y jouaient cinq sets toutes les nuits et comme cet enfoirééé de boss du Star y leur filait pas un rond, y devaient aller tirer d’la bouffe dans des supermarchés ! Tu vois le déliiiiire ? Y m’a dit aussi qu’y partageaient l’affiche avec des lascars comme Fats Domino, Chuck et Jerry Lee ! J’te dis pas les anecdotes qu’y sortaiiiiit, putain ! Ça pleuvait d’partout ! Un vrai déluuuuuge ! J’aurais dû prendre des notes, putain, y’en avait trop ! Quand y l’a fermé son bouclard, y m’a emmené boire une pinte au pub. Quand j’dis une pinte, ah la la la, c’est une façon de parler ! Tu sais quoi ? Ben le patron y lui a claqué direct dix pintes sur le bar et dix verres de bourbon ! Chris y les a tous siffléééééés, les uns après les autres, bière, bourbon, bière, bourbon. Pif paf pouf ! Tout cul sec ! Puis y l’a fait signe au patron qui m’a servi la mêêêêême chose. Dix de chaque ! C’était l’second test... 

             — C’est encore pire que de passer le concours d’admission dans les Hell’s Angels !

             — Atteeeends, putain, c’est pas fini ! Le père Chris y m’a demandé si j’savais jouer de la gratte ! Jui ai dit oui, sans réfléchir. Y m’a embarqué aussi sec vers le fond du pub où se trouvait une petite scène et m’a carrément collé une Fender dans les pattes. On a fait tous les deux quelques chansons pour le public d’habitués. Baby baby baby you’re out of time, tu vois l’truc ? J’avais du mal à m’concentrer sur les accords, parce que j’arrêtais pas d’le regarder. Le père Chris sur scène, ça vaut l’jus, t’as même pas idée ! Tu verrais comment qu’y bouge ! Y fait un pas de côté, comme ça, et y remue le torse en rythme, han han, d’avant en arrière, han han. T’aurais dit Hercuuuuule ! Ce mec c’est une montaaaaaagne de punch ! En chantant, y tend le bras et pointe le doigt sur les gens du public, comme si y s’adressait directement à eux. Carl Palmer qui passait par hasard est v’nu faire le bœuf avec nous, alors t’as qu’à voir !

             — Celui d’Emerson Lake and Palmer ?

             — Ben oui, évidemment, mais avant, tu sais qu’y l’était batteur dans les Thunderbirds ? Après, j’leur ai payé une tournée. J’te dis pas la muuuuurge ! Le père Chris m’a d’mandé si j’avais un endroit où pieuter. Évidemment, j’ai saisi la perche. Y m’a emmené chez lui. Et voilà comment j’me suis retrouvé dans le saint des saints. Tu vois un peu le déliiiiiire, Jean-Yves ?

             — Tu ne vas quand même pas me dire que tu t’es fait enculer pour goûter au nec plus ultra du Swingin’ London ?

             — Ah la la, toi, faut toujours que tu tournes tout en dérision ! Bon, devine ce qu’y m’a fait bouffer ?

             — Des œufs au bacon ?

             — Ben non !

             — Je ne sais pas, moi... Des haricots blancs ?

             — Pfffff...

             — Des toasts avec de la marmelade ?

             — Non ! Des rations de l’armée allemande !

             — Non, là tu déconnes... Elles étaient encore bonnes ?

             — Super boooooonnes ! Des sardines à l’huile, du pâté de foie et du corned-beef, le tout arrosé de schnaps. On descendait la bouteille au gouuuulot, comme sur le front russe ! Après, y s’est mis torse nu pour me montrer ses tatouages. Wouaaaaaah ! Tu verrais le bordeeeel ! Sur la poitrine, y s’est fait tatouer une grosse tête d’Hitler, avec des yeux qui louchent. Et dans l’dos, un aigle, comme celui des enseignes de régiments.

             — Il t’a pas montré sa bite ?

             — Mais t’es jaloux ou quoi ? Pourquoi tu poses ce genre de question à la con ?

             — Parce que Pamela raconte qu’il a une tête de Mickey tatouée sur la bite et les deux oreilles sur les couilles...

             — C’est qui Pamela ?

             — Une groupie qui a écrit ses mémoires...

             — N’impooooorte quoi ! Comment tu fais pour avaler des conneries pareilles ? Bon, bref... On a parlé tout le restant de la nuit. Jui ai même parlé d’toi. Jui ai dit que t’étais un spécialiste des Creation, des Fleur de Lys et des groupes Mods. Alors y m’a dit qu’y serait heureux d’te rencontrer, la prochaine fois qu’tu déboules à Londres. Y l’arrêêêêêêêtait plus. Y s’levait pour aller mettre des albums de Johnny Burnette et de Muddy Waters sur le pick-up. On jouait de temps en temps au bras de fer. J’voyais les veines de son cou gonfleeeeeer. Comme ce mec a du fair-play, y m’laissait parfois gagner. Au matin, j’étais riiiiiiincé. Y m’a emmené prendre un breakfast au coffee-shop du coin. On a sniffé un ou deux rails d’Ajax et on est r’partis pour une journée d’folie. On a pris un taxi pour aller chez Andrew Loog Oldhamme qui nous a reçus comme des priiiiiinces, whisky, herbe, coke, pills, acide, tout l’bordel ! Chez Andrew, le pote Chris y l’a passé un coup de fil. Devine à qui ?

             — Sais pas, moi... Brian Epstein ?

             — Mais non... Mick Jagger ! Bon, bref, on arrive chez lui. Tu verrais la baraaaaaque, avec des chandeliers et des Rolls garées devant l’perron. Jagger nous r’met la rincette, whisky, herbe, coke, pills, acide. Y m’a même donné des 45 tours des Rolling Stones que personne connaît, mais j’les ai oubliés là-bas, autrement, j’te les aurais filés. On sonne à la porte, et devine qui c’est qui s’pointe ?

             — Sais pas, moi... La reine d’Angleterre ?

             — Mais noooon ! Paul McCartney, tout vêtu de blanc et pieds nus, comme sur la pochette d’Abbey Road, alors t’as qu’à voir ! Mais tu sais, la vraie star, là-dedans, c’était mon pote Chris, haut comme une tour du moyen-âge. Les autres y n’en finissaient plus de lui dire combien y l’admiraient. À un moment, Chris leur a dit que j’étais un super frenchie. Alors, Paul et Mick m’ont donné leurs numéros de bigo perso. Maintenant, quand j’me pointerai à Londres, plus besoin de m’faire chier à trouver une chambre dans un bed and breakfast. Et tu sais c’qu’on a fait, après ?

             — Non...

             — C’est pourtant pas difficile à deviner !

             — Vous êtes allés voir Brian Jones ?        

             — Ouiiiiiiiii !

             — J’en étais sûr...

             — Supeeeeeer Brian Jones ! Décadent, avec plein de sitars dans l’salon. Un vrai gentleman, gentil, prévenant, très cultivé, coiffé comme toi. Jui ai demandé si j’pouvais gratter quelques accords sur sa belle Vox Teardrop blanche. Pas de problèèèèèème. Gratte mon gars ! J’ai fait «Satisfaction» et «The Last Time». Mon pote Chris y chantait les paroles. Brian m’a félicité et m’a offert plein de drogues. Pour le remercier, jui ai conseillé de lire l’ouvrage de Barbey d’Aurevilly consacré au dandysme, tu sais, Du Dandysme Et De George Brummel. Y m’a écouté avec beaucoup d’attention. Jui ai dit qu’y trouverait dans ce précieux bréviaire des conseils pour parfaire ses manières. Avant que nous n’partions, Brian a chaudement remercié Chris de lui avoir présenté un frenchie aussi commak. Pendant les cinq jours où j’suis resté avec Chris, ça... n’a... pas... ar... rê... té une minute. Jour et nuiiiiit ! Y m’a présenté la crèèèème de la crèèèème du gratin londonien, des mecs comme Steve Marriott, Ronnie Lane, Keith Richards et Anita Pallenberg, Pete Townshend, Jimmy Page, Vincent Crane, et tout un paaaaaquet d’autres...

             — Tu vas te faire chier comme un rat mort, au lycée, avec des mecs comme nous...

             — C’est évident. Mais d’un autre côté, ça me permet de souffler un peu. Faut être vachement costaud pour partir en virée avec un mec comme Chris Farlowe. T’as qu’à essayer, tu vas voir ! Fais comme moi, commence par aller faire un tour sur Islington Green. Tu lui dis que tu viens d’ma part. De la part de fooking rooster !

    Signé : Cazengler, Chris Fallot

    Jean-Yves Gallo. Disparu le 8 octobre 2022

     

    Harold on, I’m comin’ ! - Part One

     

    z19216haroldbronson.gif

             Tous les amateurs de belles boxes connaissent Rhino et tous ceux qui ont poussé le bouchon un peu plus loin connaissent Rhino Handmade, des disques impossibles à choper car parus en tirage limité et vendus uniquement sur le web. Comme Bomp!, Rhino est un label devenu mythique qui ne tombe pas du ciel et qui ne sort pas non plus de la cuisse de Jupiter. Dans les deux cas, il s’agit de labels créés en Californie par des kids obsédés de rock et qui partent de triple zéro. D’un côté Greg Shaw (Bomp!), et de l’autre le duo Richard Foos/Harold Bronson.

    Z19222BOok.jpg

             Harold Bronson nous raconte dans The Rhino Records Story: Revenge Of The Music Nerds l’épopée Rhino, histoire de rappeler aux ceusses qui ne le savaient pas encore, que l’histoire des labels - comme d’ailleurs celle des studios - est aussi importante que celle des artistes. Dans l’étagère, il faut ranger le Rhino book à côté de l’autobio de Jac Holzman (Follow The Music), celle de Jerry Wexler (Rhythm And The Blues), et des books de base, Peter Guralnick (Sam Phillips: The Man Who Invented Rock ‘n’ Roll) Roben Jones (Memphis Boys: The Story Of American Studios) et bien sûr tout Robert Gordon, oh et puis il ne faut pas oublier les Anglais.

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,blind uncle gaspard,rockambolesques

             Rhino avait pour particularité d’être un label de réédition. Ils payaient des licences aux grands labels pour rééditer les artistes qui les intéressaient. Les plus beaux coups de Rhino sont la Buffalo Springfield box, la Fun House box des Stooges, les Monkees boxes, les cinq boxes inspirées par Nuggets (Nuggets 1, Nuggets II, Children Of Nuggets, puis, sans Bronson, Love Is the Song We Sing: San Francisco Nuggets 1965–1970  et la cinquième Where the Action Is! Los Angeles Nuggets: 1965–1968), et une multitude d’autres rééditions qui s’étalent sur une période de 25 ans. Il faut bien comprendre que Bronson et Foos sont des enragés, et comme ils sortent des objets de qualité, ça marche. À partir de là, il est facile de tracer un parallèle avec Ace en Angleterre. C’est exactement le même état d’esprit. 

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,blind uncle gaspard,rockambolesques

             En dehors de sa passion pour le rock, ce qui caractérise le plus Bronson, c’est sa bonne bouille. Une bouille d’ado attardé. Le genre de mec auquel on fait confiance les yeux fermés. Il rappelle d’ailleurs dans son book qu’une de leurs préoccupations principales, en tant que directeurs associés Foos et lui, était le bien-être du personnel. Ça marchait si bien que Foos et Bronson durent à l’apogée du Rhino system gérer 150 personnes. Ils développaient les techniques de gestion du personnel très avant-gardistes pour l’époque : association aux bénéfices et aux process créatifs. Ils avaient compris le truc de base : un salarié bien dans sa peau bosse mille fois mieux que celui qui ne l’est pas. Ce n’est pas une question de rendement, c’est une question de bon sens.

             Dans son intro, Bronson tient à rappeler qu’ils sont partis de rien : ils ont ouvert un record shop sans aucune aide financière. Comme il a beaucoup d’humour, Bronson compare Foos à Albert Einstein, mais un Einstein qui serait né à Pittsburg et qui plutôt que de s’intéresser aux maths et à la physique, se serait intéressé à l’absudist humor and rock’n’roll. Bon observateur, Bronson observe que ce qui a forgé l’humour de Foos, c’est d’avoir grandi dans un environnement extrêmement structuré. Foos prend à une époque Abbie Hoffman comme modèle et applique à la lettre ce qu’Hoffmann enseigne dans son book, Steal This Book. Foos et ses amis poussaient le bouchon très loin : pour ne pas payer les billets d’entrée dans les concerts, ils entraient en marche arrière par les sorties de secours. Quand ils mangeaient au restau, il n’était bien sûr pas question de payer l’addition.

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,blind uncle gaspard,rockambolesques

             La boutique Rhino Records devient vite un endroit réputé. Un jour, un mec d’Atlantic leur amène des Pretty Things qui viennent d’enregistrer Silk Torpedo. Comme personne ne veut interviewer les Pretties en Californie, on demande à Bronson de les interviewer, mais ça ne se passe pas très bien, Phil May et Jack Green sont mal à l’aise dans l’arrière-boutique Rhino. L’interview n’est jamais parue. C’est aussi l’époque où Phast Phreddie Patterson et ses potes viennent mettre leur fanzine Back Door Man en dépôt. Bronson note que ces kids en black leather originaires de LA’s South Bay sont rough around the edges et fans Iggy Pop et de Blue Oyster Cult. C’est à ce genre de petits détails qu’on jauge la qualité d’une ambiance. Kim Fowley traîne aussi dans le secteur et invite Bronson à venir voir the first public showcase des Runaways le 12 septembre 1975, non pas au Troubadour ou au Whisky, mais in Phast Phreddie’s parents’ sunken living room in north Torrence. Bronson avoue avoir adoré le concept, but they weren’t very good.

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,blind uncle gaspard,rockambolesques

             Un jour au magaze (hello Laurent), débarque Sky Saxon. Tout le monde serait ravi de voir débarquer Sky, mais pas Bronson. Il s’en explique. Comme tout le monde, il est fan des Seeds et il se souvient d’avoir rencontré Sky pour la première fois au Troubadour en 1971 - Saxon ressemblait au comédien Jerry Lewis, visage bien dessiné, menton fendu et voix nasale. Quand je l’ai rencontré, il avait encore his rock-star good looks - Puis Bronson essaye de lui organiser un concert à l’UCLA, «but he wasn’t together enough to make it happen» - la formulation est superbe, inutile de la traduire, elle tient debout toute seule - Sept ans plus tard, quand Sky débarque au record shop, il n’est plus le même, avec ses cheveux raides, il semble beaucoup plus âgé qu’il ne l’est en réalité,  de vingt ans, nous dit Bronson qui le compare à Old Witch dans Tales From The Crypt. La comparaison est bonne. On se souvient d’avoir arriver vu Sky un soir au Trabendo sur des jambes flageolantes, mais une fois sur scène, il ne flageolait plus du tout. Donc Sky se pointe au magaze, et d’une voix de burned-out hippie, il explique à Bronson qu’il s’appelle désormais Sunlight et qu’il vient de passer quelques années dans une communauté à Hawaï. Sky ramasse les chiens dans la rue parce que DOG est l’anagramme de GOD. Sky vient chez Rhino pour placer son single «Beatiful Stars» qu’on a tous acheté à l’époque. Bronson devient soudain féroce : «Je lui en ai acheté quelques-uns pour me débarrasser de lui.» C’est vrai que les mecs trop barrés sont parfois difficiles à supporter. Il faut savoir le faire. C’est même dit-on un métier. Il est marrant, Bronson, car il arrive à supporter plus facilement Wild Man Fisher, qui est encore plus barré que Sky. Fisher est même l’un des premiers artistes signés sur Rhino. Go to Rhino Records !

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,blind uncle gaspard,rockambolesques

             En tant que disquaires, Foos et Bronson sont attirés par tout ce qui est obscur à cette époque de surabondance, et pouf, il cite des exemples : Losing You To Sleep de Tommy Hoehn, Take A Sad Song de Godfrey Daniels, Whiz Kid de David Werner, les deux albums de Big Star, Zuider Zee, Van Dyke Parks, Michael Rother et The Moon avec David Marks qui avait joué dans les early Beach Boys. Ils sont aussi bien sûr amateurs de la scène locale : Beau Brummels, Byrds, Turtles, Doors, Love, sans oublier les Lovin’ Spoonful et Paul Revere & The Raiders.

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,blind uncle gaspard,rockambolesques

             Au rayons des grands barrés Rhino, voici Roky Erickson. Rhino sort en 1977 un single magique, «Bermuda/The Interpreter» et Bronson nous décrit le Rocky dans un restau (the International House of Pancakes, ça ne s’invente pas) où après avoir dit qu’il était un alien commença à se barbouiller la figure de sirop de myrtille. Le lendemain, dans un autre restau, Roky se lève soudain et se met à chanter à tue-tête «President Ford is a square queen».

    z19224mogandavis.jpg

             Bronson fait aussi partie de Mogan David And His Winos. Il existe un album qu’on ramassait à l’époque et qu’on revendait, car en dépit d’une pochette attirante (ils portent tous du cuir noir sur la photo) le contenu n’est pas de taille à conquérir l’Asie Mineure. Bronson avoue avoir voulu parodier les Beatles de l’époque Tony Sheridan et The Savage Young Beatles. L’album fut tiré à 1000 ex. Une grosse partie du pressage fut envoyé en France et jamais payée. Et puis un jour, on retombe dessus, dans le bac d’un disquaire parisien, alors on le re-ramasse. La pochette est toujours aussi belle, les cuirs noirs, la Rickenbacker. Harold Bronson est debout à côté du batteur. On ne sauve l’album que pour deux choses : «Street Baby» et la version toute pourrie de «The Last Time», en B. C’est Harold qui chante. Mais par contre, on se régale du jeu vif et alerte de Paul Rappoport, le guitariste. C’est lui qu’on entend dans «Love Potion Number One». «Street Baby» est du pur proto-punk et c’est uniquement sur ce cut que les Winos ont bâti leur légende, à l’époque. Le son de la B est comme on l’a dit tout pourri. Dommage, car ils ont un choix de reprises intéressant, notamment le «Last Time» signalé plus haut. Ils auraient presque le son, aw no ! Rappoport fait encore un carnage dans la cover de «Communication Breakdown». Ce mec est bon, il peut tenir la cocote de Jimmy Page. 

             Comme ils commencent à se lasser de la vente au détail, Foos et Bronson envisagent de monter un label. Bronson a trois modèles en tête : Apple Records, dont il apprécie la politique d’ouverture. Ensuite, Bizarre Records, fondé par Zappa et son manager Herb Cohen, qui en signant des artistes non conventionnels (Wild Man Fisher, Captain Beefheart et The GTOs), ouvraient la voie. Et puis bien sûr Elektra, où la dimension artistique prévalait sur les enjeux commerciaux - Qu’on soit capables ou non de suivre ces exemples n’était pas la question. Ils illustraient simplement nos aspirations.    

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,blind uncle gaspard,rockambolesques

             Rhino est donc le personnage principal de ce gros book frétillant de vie. Bronson ne nous épargne aucun détail, il donne les chiffres, nous explique les mécanismes, nous montre comment ils sont obligés de bosser avec Capitol, puis de se faire racheter par Warner Bros. Il nous explique qu’en 1987, par exemple, ils génèrent 14 millions de $ de chiffre, ce qui est énorme pour un petit label. Ils viennent de sortir le nouvel album de Monkees (Pool It) et ont passé un deal avec Bearsville qui leur rapporte beaucoup, grâce aux rééditions de Todd Rundgren et de Foghat. Ils ont alors cinquante personnes en charge. Foos et lui continuent de parier sur la qualité des Rhino Records plutôt que sur les profits, c’est leur credo. Ils comprennent vite fait qu’ils doivent cesser de signer des nouveaux artistes, car chaque fois, ils se plantent et perdent de l’argent. En 1990, ils font 32 millions de $ de chiffre. Ils font notamment un carton avec la réédition de l’album live de Betty Wright (Betty Wright Live). En 1991, ils passent un deal avec Atlantic. À cette époque, Ahmet était encore au label, but in a reduced capacity. Alors Bronson est triste de ne pas trop fricoter avec lui : «Ahmet semblait ralenti par l’âge, mais ça ne l’empêchait pas de picoler (But that didn’t stop his drinking).» Val Azzoli glisse cette anecdote dans l’oreille de Bronson. L’épisode se déroule  lors d’un meeting : «Après avoir sifflé douze vodkas, Ahmet a signé un lounge band au Grand Hyatt. Ils se sont pointés au bureau le lundi matin chez nous, à Atlantic, et on a dû les dédommager pour s’en débarrasser. Ce genre d’incident se produisait deux fois par an.»

    z19223talescouve.jpg

             Pour bien mesurer l’importance de ce que représentait un label comme Rhino à l’époque, il est essentiel d’écouter Tales From The Rhino Records Story, un  double CD qui offre un panorama assez complet du label et qui grouille de puces en or. Le disk 1 s’appelle ‘Novelty’. Ambiance Dada garantie, car ça démarre en force avec les deux pires traces du Dadaïsme américain, The Temple City Kazoo Orchestra et un Wild Man Fisher complètement fêlé. On croisera plus loin une cover de «Whole Lotta Love» par The Temple City Kazoo Orchestra : gag suprême ! Pur Dada jive ! Tzara Foos chante avec son monocle ! On tombe aussi sur le «Nose Job» de Mogan David & His Winos, un cut qui figure sur l’album évoqué plus haut. C’est un exemplaire unique au monde de gaga Dada. Au rayon farces et attrapes, voici Rockin’ Ritchie Ray et «Baseball Card Lover», une parodie d’Elvis - Baby show me a card - C’est atrocement moqueur. Au même rayon, voici Grefilte Joe & The Fish avec une parodie de Lou Reed : «Walk On The Kosher Side». Avec cette compile, on est au royaume des pastiches. Le meilleur exemple, c’est encore The Qworymen avec «Beatle Rap», hello lads ! Number nine ! C’est d’une incroyable véracité. Puis ils plongent avec The Seven Stooges dans la marmite de so messed up, mais au comedy act («I Wanna Be Your Dog»). Avec Bruce Spingtone, les Rhino se marrent bien («Bedrock Rap - (Meet) The Flintstones»).

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,blind uncle gaspard,rockambolesques

             Le disk 2 s’appelle ‘Rock’. Complètement une autre ambiance, puisque ça démarre avec le «Bermuda» de Roky Erickson - Master/ Master ! - Pas de meilleure introduction au génie libertaire des Rhino boys. Il semble d’après les liners que ce soit Harold qui ait enregistré le «Punk Rock Christmas» joliment glam des Ravers. On retrouve aussi Harold et ses Winos avec «All The Wrong Girls Like Me», une sorte d’hommage aux Herman’s Hermits. On passe aux choses sérieuses avec The Malibooz et «I Won’t Be Too Young», une power-pop des enfers, une belle révélation. Les mecs qu’on entend chanter sont Walter Egan et Lindsay Buckingham. Encore mieux : The Honeys avec «Running Away From Love», fast pop d’excellence carabinée, doublée de petit raunch féminin. On retrouve aussi les Beat Farmers avec «Bigger Stones». Vieille tarte à la crème. Pas de voix, ça ne peut pas marcher. Désolé les gars, d’autant qu’Harold y croyait dur comme fer. Par contre, House Of Freaks, c’est une autre paire de manches ! «40 Years» sonne comme de la pure magie, two house painters from Richmond, Virginia, nous doit le mec du booklet. Les House Of Freaks ont de l’allure. L’autre bonne pioche de Rhino, ce sont les Pandoras, avec «In And Out Of My Life (In A Day)». Pur gaga Rhino. Harold les comparait aux Bangles, plus pop, comme on compara jadis les Rolling Stones aux Beatles. Les Pandoras firent leur premier album chez Bomp, leur deuxième chez Rhino et allèrent après chez Elektra pour enregistrer un troisième album qui n’est jamais sorti. Autre bonne pioche Rhino : The James Harman Band avec «My Baby’s Gone» : excellent et même énorme ! Même chose pour Little Games, un projet monté par Harold. Terri Nunn chante «Ain’t Nothing But A House Party» et derrière c’est le Family Stone Greg Errico qui bat le beurre. Plus loin, on tombe sur le «Carolyn» de Steve Wynn, the crack of it all. Il a des allures de Bob Dylan. Fabuleux entertainer ! On apprend au passage que Steve Wynnn est un ancien employé du Rhino Record Store et qu’il a monté Gutterball avec House Of Freaks. On croise ensuite NRBQ avec «A Little Bit Of Bad», very big sound - A little bit of bad sounds good to me ! - Une pure merveille absolutiste. Et ce divin panorama se termine avec la reformation de Mogan David & His Winos et «I’m An Adult Now», pur jus de proto-punk expiatoire !

             Pour tous ceux qui sont férus d’industrie musicale, l’autobio d’Harold Bronson est une mine d’or, car il ne cache rien. Quand il évoque des artistes plus longuement que ceux évoqués plus haut, il leur consacre carrément un chapitre. C’est bien sûr le cas pour les Monkees, les Turtles et The Knack. Tu trouveras l’éloge Bronsonien des Monkees dans ‘C’est Parti Monkee Kee - Part Three’ et prochainement, celui des Turtles dans ‘Turtlelututu Chapeau Pointu’. Vu leurs poids respectifs, ces deux groupes font l’objet de chapitres autonomes.  

             Les trois autres grands chapitres de ce book sont consacrés à Fear And Loathing In Las Vegas, Frankie Lymon et Tommy James. C’est là où Foos et Bronson deviennent fascinants car ils poussent leur passion pour certains artistes jusqu’à vouloir faire des films et donc ils créent Rhino Films, alors qu’ils n’ont pas vraiment les épaules financières pour se lancer dans ce type d’opérations à gros budgets. Mais ils le font et la façon dont en parle Bronson est passionnante, car il s’agit chaque fois d’une conduite de projet, avec tout ce que ça implique : naissance de l’idée, composition d’une équipe, évolution financière du projet, mésaventures et finalement réalisation et parution. Dans les trois cas, Bronson fait des miracles. Il est autant fasciné par Hunter S Thomson que par Frankie Lymon et le couple Tommy James/Morris Levy. On a l’impression d’entrer avec Bronson dans l’univers des intelligences supérieures, un monde de lumières diffuses et de sonorités bizarres, du genre blurp blurp.

    z19225terry gilliam.jpg

             Pour Fear And Loathing In Las Vegas, Bronson commence par approcher l’auteur, l’infréquentable Hunter S Thompson. Puis il cherche l’acteur : plusieurs choix, John Cusack, Brad Pitt, Keanu Reeves, Sean Penn, Nicholas Cage, Kevin Spacey. À part Cusack, ils sont trop chers. Ce sera Johnny Depp qui veut absolument le rôle, au point d’aller séjourner chez Thompson et de mimer ses attitudes, notamment sa façon de parler en murmurant de façon inaudible. Depp accepte le rôle pour $500,000 ce qui nous dit Bronson est largement en dessous de ses cachets habituels. Depp plait beaucoup, car il fume dans les endroits où c’est interdit et descend des packs de bières en réunion. Il faut ensuite un réalisateur. Le premier choix se porte sur Jeff Stein qui a tourné le docu The Kids Are Alright. Puis c’est Alex Cox, qui a fait Repo Man et Sid And Nancy. Bronson le trouve créativement très limité. Le montage du projet est à l’image du film, complètement barré. Pur jus de Rhino. Cox ne s’entend pas bien avec Hunter : il commence par refuser la saucisse qu’Hunter lui a fait cuire. Pourquoi ? Parce qu’il est végétarien. Il refuse aussi de s’asseoir à côté d’Hunter pour voir le foot à la télé. Hunter ne veut pas de Cox, mais Cox fait comme si tout allait bien. Il va même rencontrer Depp dans son club, le Viper Room, sur Sunset Strip et Depp lui dit qu’il ne travaillera pas avec lui. Il faut donc dédommager Cox ($62,500 et $46,800, ça va vite, les ardoises au cinéma) et trouver quelqu’un d’autre. On suggère alors le nom de Terry Gilliam. Plus facile à financer car plus connu. Bronson indique que le budget du film s’élève à $19 million. Gilliam produit un script qui est accepté. Bien sûr, Gilliam va exploser le budget de $2 million. Mais bon, on tourne. Bronson donne encore quelques chiffres : Thompson ramasse un cachet de $300,00, Del Toro qui joue le rôle de l’avocat Dr Gonzo $200,000, Gilliam et Depp $500,000. Mais commercialement, le film ne marche très bien. Trop de dope. Il est présenté à Cannes en 1998. Bronson dit qu’il n’aime pas le film : «Je pense que Terry est passé à côté. L’esprit du book de Thompson est le fun, alors que le film n’est pas funny. Terry a rajouté des éléments qui ne sont pas dans le book et qui n’apportent rien à l’histoire, comme par exemple le casting de nains.» Bronson ajoute que Depp a poussé trop loin son imitation de Thompson - Sa dedication était admirable, mais l’effet raté, trop cartoonish, avec des mouvements stéréotypés et une façon de parler trop neutre - Bronson indique en outre que le projet s’est terminé par un procès avec un co-financeur, Alexander, qui coûte $200,000 à Rhino, ce qui fait qu’ils ne gagnent quasiment rien avec ce projet. Pour Bronson, c’est l’un des pires moments de sa vie. Il a aussi maille à partir avec l’agent de Depp, une gonzesse féroce. Et d’une façon encore plus diplomatique, il remet Gilliam en place, car la collaboration a été rude, un vrai bras de fer : «Terry Gilliam peut être affable et charmant. Vu le nombre de désastres financiers dont il est responsable, on ne peut que lui souhaiter de mieux profiter de ses opportunités.» Bronson indique aussi que Gilliam et Depp ont viré Rhino du tournage, alors qu’ils sont à l’origine de projet. Depp jouera encore une fois pour Hunter dans The Rum Diary, un film qui coûte $45 million et qui se solde par plusieurs millions de pertes.

             Fear And Loathing In Las Vegas est un film qu’on voit et qu’on revoit, même si effectivement Gilliam mord le trait, mais c’est pour ça qu’on le paye. Comme le book de Thompson est le book des excès, Gilliam en fait le film de tous les excès. C’est une véritable apologie des drogues et il n’est pas surprenant que ça ait planté. Too much is too much, mais il y a des moments superbes. Ils attaquent sur la route du Nevada à la mescaline et au sunshine acid. En arrivant à l’hôtel, Depp/Duke voit les lézards partout. Pur génie de Gilliam qui parvient à mettre en scène un acid trip qui vire au cauchemar reptilien. Puis ils se tapent de l’éther et vont tous les deux, Duke et Gonzo, dans un casino, et c’est la porte ouverte à tous délires. L’un des pics de Fear est la scène de la baignoire, avec un Gonzo sous LSD. C’est la drug-scene la plus géniale de l’histoire du cinéma, sur fond d’Airplane, avec «White Rabbit». Ils s’installent ensuite au Flamingo et retombent dans les excès hallucinatoires. Depp se balade dans une pièce remplie d’eau jusqu’au genoux affublé d’une longue queue de reptile. C’est encore le summum du délire, surtout quand il attaque la fiole d’adrenochrome, avec des petites mimiques facétieuses, il est au sommet de son art, la tête couverte d’une petite serviette orange. Il ressemble à une bigote espagnole sous acide. Le film est alors hors de contrôle, ça dépasse toutes les espérances du Cap de Bonne Experience. Have you ever been experienced ?

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,rockambolesques,blind uncle gaspard

             La passion de Bronson pour Frankie Lymon le conduit à lancer le tournage d’Only Fools Fall In Love. Frankie Lymon fut le premier teen rock’n’roll star. «Il n’avait que 13 ans quand son groupe the Teenagers fut catapulté en 1956 à la sixième place des charts avec «Why Do Fools Fall In Love». Les teenagers achetaient le disque parce que les chanteurs étaient aussi ados. Les autres stars du rock’n’roll à l’époque était beaucoup plus âgées.» Et il cite les noms d’Elvis, de Bill Haley, de Fatsy et des autres qui ont tous plus de vingt ans. Et c’est là qu’entre en scène George Goldner. Bronson a bien compris qu’on ne peut dissocier l’artiste de son découvreur. Frankie fut un chanteur et un danseur exceptionnel. Il est vite devenu un phénomène avec quatre titres dans le Top 50. Billy Vera : «Frankie was the best kiddie performer and singer there ever was.» À 12 ans, Veronica Bennett entend Frankie à la radio et inspirée par lui, elle va devenir Ronnie Spector. Dans les années 50, bien avant les Who et les autres, Frankie se fait virer des hôtels pour avoir secoué des bouteilles de bière et pour mauvaise conduite. Puis il se met à picoler et c’est Jimmy Castor qui le remplace sur scène quand il oublie de se pointer. Le manager des Teenagers n’est autre que Morris Levy. Quand Morris voit que les Teenagers sont jaloux de Frankie, il casse le groupe en deux, mais ça ne marche pas. Et puis en 1959, Frankie mue et sa voix change. Il devient une sorte de crooner et perd la magie. Il passe à l’héro en 1959. On connaît la fin tragique de l’histoire : overdose en 1968, à l’âge de 25 balais. Quand Rhino rachète le catalogue de Roulette, Bronson commence à vouloir faire un film sur Frankie. D’autres ont essayé, comme Martin Scorsese, mais ils se sont vautrés. 

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,rockambolesques,blind uncle gaspard

             Alors, oui, il est indispensable de voir le biopic produit par Rhino et réalisé par Gregory Nava : Why Fools Fall In Love. L’angle que choisit Bronson pour raconter l’histoire est du pur Rhino : il part des trois veuves qui tentent de récupérer devant un juge l’héritage du pauvre Frankie. Pour des raisons commerciales, Nava soigne l’esthétique des trois veuves, Zola Taylor, Elisabeth Waters et Emira Eagle. Il soigne aussi son Frankie : une vraie gueule de blackos glamour, alors que dans la réalité, Frankie n’est pas terrible : on le voit chanter à la fin dans un doc d’époque et on ne peut vraiment pas dire qu’ils soit beau, avec ses yeux gonflés. Mais my Gawd, comme il bouge bien. Tous les plans scéniques reconstitués pour le biopic sont des chefs-d’œuvre : il faut le voir, le Frankie, danser avec une extraordinaire frénésie tout en doo-woppant comme un beau diable. Ces sont les trois veuves qui racontent son histoire. Elisabeth est la première à épouser Frankie en 1961, elle raconte l’audition des Teenagers dans le bureau de Morris Levy chez Roulette, swing énorme, les Teenagers ne sont pas tous blacks, ce sont des gamins qui ont grandi ensemble, chapeautés par un certain Richard Berry qui les accompagne au piano. Bronson réussit à faire entrer Little Richard dans le film : en tant que témoin, il vient déposer au tribunal. En 1956, il faisait partie de la tournée avec les Platters et Frankie Lymon. Tout ça se tient très bien, Little Richard met du poids dans la balance du film. Lors de l’Alan Freed Show en 56 à New York, toute la salle ondule quand les Platters chantent sur scène. Puis c’est au tour des Teenagers de monter sur scène et Frankie casse la baraque, il jette sa veste bleue dans la foule et il fait le grand écart en twistant son doo-wop. Puis les choses se dégradent au sein des Teenagers lorsque que paraît le single «Why Fools Fall In Love» crédité Lymon/Morris. Frankie entame alors une love story avec Zola Taylor, la chanteuse des Platters et l’épouse n 1965. Frankie passe très vite au junk et ça crée des tensions. On voit les Shirelles sur scène en robes vertes, puis Frankie s’écroule sur scène. Alors Elisabeth fait la pute pour lui. C’est Zola qui relance la carrière de Frankie en 1965 en Californie, l’occasion de le revoir danser et chanter pour l’émission Hullabaloo. Il refait sa Soul de doo-wop au frantic dance craze de trash twist. L’épisode Nola se termine mal et Frankie disparaît. Il part à l’armée et revient en 1968 à New York frapper à la porte de Morris Levy qui le traite de loser, d’has-been et qui l’envoie promener. Out ! Alors le pauvre Frankie fait une petite overdose. Morris Levy et Little Richard assistent à ses funérailles. Au tribunal, les avocats accusent Levy d’avoir barboté tout le blé de Frankie. On estime la somme à quatre millions de dollars. Bien sûr, les trois veuves ne vont rien récupérer, juste de quoi payer leurs avocats. Cette histoire tragique est tellement classique que Bronson a eu raison de prendre des libertés avec la réalité. C’est l’apanage des créatifs.

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,rockambolesques,blind uncle gaspard

             Bronson rêvait aussi de filmer la vie de Tommy James et bien sûr de Morris Levy. Il commence par rappeler qu’«Hanky Panky» fut à l’origine un cut des Raindrops, c’est-à-dire Jeff Barry et Ellie Greenwich. Barry n’aimait pas «Hanky Panky» qu’il qualifiait de «terrible song». Et pourtant, quel hit ! On a tous jerké là-dessus, à l’époque. Bronson ne lésine pas sur sa fascination pour Morris Levy : «Morris (Moishe) Levy était un Damon Runyon character : grand, trapu, bourru, avec des manières héritées de la rue. Rude enfance : son père et son grand frère sont morts quand il était très jeune. Il a appris les vertus du music-publishing quand il était co-propriétaire du Birdland jazz club à Manhattan.» Chaque fois que Bronson commence à brosser un portrait, c’est un peu comme s’il démarrait un scénario. Puis Levy monte Roulette et quand un artiste vient lui demander ses royalties, il répond : «Royalty ? You want royalty, go to England.» Non seulement il est intimidant, mais il est lié à la famille Genovese, c’est-à-dire la mafia. Tout cela est détaillé dans l’excellente autobio de Tommy James, Me The Mob And The Music. Bronson rappelle que Levy est mort d’un cancer du foie en 1990, sans jamais avoir purgé un seul jour de taule, alors qu’il avait été condamné pour extorsion. Tommy James rappelle aussi qu’à la fin de sa vie, Morris Levy avait une très grosse ferme, «une laiterie de plusieurs millions de dollars. Il transformait tout ce qu’il touchait en or. Il me dit un jour : ‘Pourquoi tu ne cherches pas une ferme dans le coin ?’ Il m’a trouvé une grosse ferme in upstate New York. Il a fait le premier paiement - avec l’argent de mes royalties - et j’ai pris l’emprunt à ma charge.» Puis Levy lui propose un job d’A&R chez Roulette. Évidemment, au bout d’un an, plus de sous. Alors Tommy James envoie son comptable qui revient en tremblant de chez Levy. Bronson sait qu’il tient un vrai personnage pour son film. En plus, l’histoire se déroule dans un contexte explosif : en 1972 éclate la guerre des gangs à New York et les Gambinos prennent le contrôle de la ville. Levy et Nate McCalla quittent le pays pour un an et s’installent en Espagne. Mais Bronson ne trouve pas de partenaire pour financer le projet qui tombe à l’eau. On peut se consoler avec l’autobio de Tommy James qui d’ailleurs fonctionne comme un film, tellement c’est bien foutu.

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,rockambolesques,blind uncle gaspard

             Parmi les films Rhino, il faut bien sûr citer Daydream Believers - The Monkees Story, qui fut un succès et dont on parle abondamment dans ‘C’est Parti Monkee Kee - Part Three’. Bronson évoque aussi Dick Dale: «Âgé de quarante ans, Dick était un très bel homme. Ce que j’appréciais le plus chez lui, c’était son énergie positive et ses aphorismes. Mais je n’aimais pas trop son anti moi-je. Il parlait de lui à la troisième personne. C’était peut-être dû au fait qu’il s’appelait Richard Monsour.» Bronson dit aussi que Dick et sa femme avaient un type d’échange très curieux, pas loin du baby talk - Magnifique et voluptueuse, Jeannie suçait une sucette - Bronson nous redit aussi ce qu’on savait déjà : Dick n’aimait pas ses albums studio pour Capitol, parce que le power du groupe sur scène y brillait par son absence. Puis Dick va basculer en enfer : il va perdre sa belle maison, vivre un sale divorce et finir dans une caravane garée devant la maison de ses parents. Il se fera un peu de blé grâce aux rééditions de Rhino. Puisqu’on est dans les monstres sacrés, Rhino se rapproche aussi de Phil Spector. Cette fois c’est Richard Foos qui fait les frais des excentricités de Totor. Finalement, Totor ne fera pas affaire avec Rhino mais avec Allen Klein et ABKCO (le fameux box-set que tout le monde a acheté à l’époque) - Quand ils ont passé leur accord, Klein et Spector s’amusaient du fait que les deux hommes les plus haïs dans le music business avaient réunis leurs forces.

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,rockambolesques,blind uncle gaspard

             Rhino voulait aussi signer les Go-Go’s, mais IRS leur a brûlé la politesse. Foos et Bronson essayent aussi de signer Wall Of Voodoo. Chou blanc. Ils réussissent à signer les Beat Farmers avec un budget ridicule ($6,000) et à leur grande surprise, ils vendent 50 000 albums. Mais le manager du groupe signe ailleurs pour un deuxième album, sans avoir, nous dit Bronson, «la courtoisie de passer un coup de fil pour nous prévenir». Rhino signe aussi les Pandoras et sort l’album Stop Pretending.  

             La fin de l’autobio n’est pas réjouissante. Comme Rhino appartient à Warner, Bronson explique qu’en 2005, il est poussé vers la sortie, pour des raisons banales : dans une très grosse boîte, la réduction de la masse salariale fait monter la cote des actions en bourse. Il n’a même pas eu droit au pot de départ, alors qu’il est co-fondateur. En 2001, il n’avait pas reçu de bonus. Quand il revoit par hasard le dirigeant qui l’a viré, Bronson a envie de lui demander pourquoi il a fait ça, mais il connaît la réponse : pour mettre un homme à lui à sa place. Foos va dégager deux mois plus tard. Bronson aurait préféré que Foos parte en même temps que lui, mais bon, ainsi va la vie. Plus grave encore : les noms de Bronson et de Foos ont disparu du Rhino website. On appelle ça de l’éradication managériale. Il ne doit rester aucune trace. Ouf, heureusement que Bronson a écrit son livre. 

    Signé : Cazengler, Harold bronzé

    Harold Bronson. The Rhino Records Story: Revenge Of The Music Nerds. Select Books Inc 2013

    Tales From The Rhino Records Story. Rhino Records 1994   

    Mogan David And His Winos. Savage Young Winos. Kosher Records 1973

    Terry Gilliam. Fear And Loathing In Las Vegas. DVD 1998

    Gregory Nava. Why Fools Fall In Love. DVD 2017

     

     

    Patton en fait des tonnes

     

    z19216mattpatron.gif

             En vingt ans, Matt Patton est devenu une sorte de Sam Phillips de l’Alabama Sound. Bassiste émérite, on le retrouve dans les Dexateens et les cinq derniers albums des Drive-By Truckers (d’English Oceans jusqu’à The Unraveling). On le retrouve aussi dans les parages des grandes personnalités de la scène alabamienne, Lee Bains III et Dan Sartain. Mais c’est en tant que producteur de Jimbo Mathus, de Tyler Keith, d’Alabama Slim et de Bette Smith qu’il fait merveille. On le retrouve aussi en studio avec Leo Bud Welch, Paul Wine Jones, J.D. Wilkes et Candi Staton, pardonnez du peu.

    z19232thedexasteens.jpg

             Dans les années 2000, les Dexateens faisaient partie de l’excellente écurie Estrus, un label qui formait alors avec Crypt et In The Red une sorte de triumvirat définitif. Avec leur premier album sans titre, les Dexateens sortaient du lot. Ils ramenaient dans leur son un mélange détonnant de gaga-punk et de Southern rock, et on en prenait plein la barbe dès «Cardboard Hearts». Rien qu’avec l’immédiateté de sa violence et ses wild riffs d’Alabama, Cardboard raflait la mise. Elliott McPherson et John Smith croisaient le fer de leurs guitares et l’épatant Patton leur bourrait le mou au bassmatic. Et ça repartait de plus belle avec «Elrod». Ils avaient la fièvre chevillée au corps, ils balançaient de l’honey dans leur pétaudière, ils fonctionnaient comme une chaudière à deux temps et on allait tous se planquer aux abris quand arrivait le solo incendiary. Leurs descentes étaient des modèles du genre. Avec «Still Gone», ils jouaient encore au maximum des possibilités, en allant plus sur les Stooges et les Dolls, leur heavy boogie déferlait puissamment, mais sans la voix d’Iggy. Juste la tension nerveuse. Ils gavaient encore leur «Shelter» de son et explosaient littéralement le boogie down de «Settle Down». On entendait la fuzz de Tim Kerr sur «Cherry» et ils battaient encore bien des records d’agressivité sonique avec la doublette «Bleeding Heart Desease»/«The Fixer». Ils donnaient l’impression de forcer le passage, comme s’ils se taillaient un passage dans la jungle.

    z19233reddust.jpg

             Tim Kerr est encore dans le coup, pour leur deuxième album paru l’année suivante, Red Dust Rising. Il est crédité en tant que Chancellor. Bon autant le dire tout de suite, cet album est moins dense que le précédent. On sauve cependant deux choses. «Bitter Scene», car c’est le la Stonesy d’Exile à l’état pur. Et «That Dollar», où les Dexateens noient leur extravagance alabamienne dans un gigantesque bouquet de chœurs. C’est une merveille de Southern gothic - I’m so far away - Ils cultivent l’éclat mordoré. Sinon ils proposent l’habituel brouet de heavy blues rock saturé de guitares fluides. Les deux guitaristes n’en finissent plus de croiser le fer. C’est une tradition dans la région. On savoure la belle fin vénéneuse de «Diamond In The Concrete». On s’éprend aussi très facilement du joli déroulé de gusto d’«Anna Lee», un véritable plâtras d’acide alabamien, une authentique purée de gaga-punk blues grumelée d’accords rouillés. Avec ces mecs, on touche au nerf de la guerre du Southern Sound, c’est une zone sensible, si innervante, ils chantent leur «Devoted To Lonesome» au sursaut de spasme épisodique, mais baby love, comme c’est bienvenu ! Impossible de faire l’impasse sur «Take Me To The Speedway». C’est très très. Dans le genre très, on ne fait pas mieux. Ils sont vraiment très. C’est important de le savoir. Il faut dire que leurs explosions sont très très. Le très, ça change tout. Les Dexateens sont le grand groupe très d’Alabama.

    z19234healing.jpg

             Avec leur troisième album, Hardwire Healing, les Dexateens montrent des signes alarmants de faiblesse. Si on emmène un cut sur l’île déserte, ce sera «Fyffe», car en voilà un qui sent bon la ferveur rurale, racé et pas commode, un brin menaçant, du genre à rôder dans les parages. Leurs gros accords claquent comme des allers et retours. Ils attaquent aussi leur «Naked Ground» à la bonne franquette, avec ces deux guitares qui interactent in the flesh. Tout se passe sous la ceinture de l’Alabama, ce sont des riffs locaux, aigus et fiers, ça dexateene dans les bois. Ils proposent aussi un «Makers Hound» visité par des vents de guitar slinging pour le moins extraordinaires. Mais chaque morceau semble soigné et on perd l’unité de ton qui fait la grandeur des albums d’Estrus. On perd aussi la patte de Tim Kerr. Au fil des cuts, on voit qu’ils s’épuisent, ils n’ont pas de jus, pas de compos, pas de rien. «Own Thing» sonne comme une petite power pop de MJC. L’album tourne rapidement à la déroute. «Outside The Loop» sonne comme un dernier spasme et ils renouent enfin avec l’énormité. Leur coup de Loop est assez déterminant. Ils traitent ça au soft groove d’Alabama et on leur donne le bon dieu sans confession.

    z19235singlewide.jpg

             Pas de surprise avec le Singlewide paru en 2009 : passé «Downlow» et sa belle niaque d’Alabama, l’album somnole. Ils ont définitivement abandonné le gaga-punk blues du premier album pour mûrir dans une espèce de country-rock classique, parfois bien foutu («Hang On»). les Dexa dexateenent, ils bossent à l’arpège retardataire. Leur big country-rock de company suit son cours avec «Same As It Used To Be», c’mon c’mon, avec un peu de lave qui coule dans le fond du son. Ça reste extrêmement Southern, ils s’isolent dans leur excellence, celle d’un country-rock intimiste qui devient extrêmement élégant («Granddady’s Mouth»). Tout est bien joué, tout est traversé d’éclairs, un peu comme chez les Drive-By Truckers. Ils terminent avec «Can You Whoop It», il y tombe un déluge de guitares et ce final cut s’envole assez facilement. 

    ?, gallo's pole & farlowe à la bouche, harold bronson, matt patton, dream syndicate, jackie day, miscellen, blind uncle gasard, rockambolesques,

             C’est Jim Diamond qui produit There Is A Bomb In Gilead, le premier album de Lee Bains III & The Glory Fires. Ils portent bien leur nom les Glory Fires puisque l’album s’ouvre sur un véritable feu d’artifice : «Ain’t No Stranger». Nous voilà dans le Bains ! Bon Bains d’accord ! Lee Bains sait lancer sa horde d’Alabamiens, il est dessus, c’est un chef né, sa façon de lancer l’assaut est une merveille et tout le monde s’écrase dans les fourrés avec des guitares killer. C’est exceptionnel de son, d’enthousiasme et d’envolée. Le problème, c’est que la suite de l’album n’est pas du tout au même niveau. On oserait même dire qu’on s’y ennuie. Ils ramènent pourtant des chœurs de Dolls dans «Centreville», ce qui les prédestine à régner sur l’underground alabamien, mais après le soufflé retombe. Plof ! Ils végètent dans une sorte de boogie rock sans conséquence sur l’avenir de l’humanité. Ils font du heavy revienzy de bonne bourre, comme les Gin Blossoms et tous ces groupes de country rock américain qui rêvent d’Americana, mais qui n’ont pas l’éclat. Avec «The Red Red Dirt Of Home», ils deviennent très middle of the road, c’est sans appel, le destin les envoie bouler dans les cordes, c’est trop country rock. Il ne se passe rien, comme dirait Dino Buzzati face au Désert des Tartares (attention, à ne pas confondre avec le fromage).

    ?, gallo's pole & farlowe à la bouche, harold bronson, matt patton, dream syndicate, jackie day, miscellen, blind uncle gasard, rockambolesques,

             On reste dans les mains lourdes puisque c’est Tim Kerr qui produit Dereconstructed, paru sur Sub Pop en 2014. Dès «The Company Man», on est bluffé car les Bains développent une violence inexpugnable. Wow ! Et même deux fois wow ! Ils attaquent le rock à la racine des dents, ils te paffent dans les gencives. S’il fallait qualifier leur rock, on dirait in the face. C’est une horreur, une véritable exaction paramilitaire, toute la violence du rock est là, avec une voix qui te fixe dans le blanc des yeux, c’est d’une extravagance sonique qui dépasse les bornes. Alabama boom ! Ils font une autre flambée d’Alabama boomingale avec «Flags», c’est extrême, à se taper la tête dans le mur, tu ne peux pas échapper aux fous de Birmingham, Alabama. Oh mais ce n’est pas fini, tu as plein de choses encore sur cet album béni des dieux comme ce «The Kudzu & The Concrete» vite brûlant, viscéral, immanent, doté d’un power dont on n’a pas idée et d’un final apocaplyptique, ça balaye même les Black Crowes d’un revers de main, alors t’as qu’à voir. Toutes les guitares sont de sortie sur «The Weeds Downtown», toutes les guitares dont on rêve, c’est une sorte de summum du paradis rock, fooking great, dirait Mark E Smith, explosif, dirait le grand Jules Bonnot. On reste dans la violence alabamienne avec «What’s Good & Gone», encore une fois bien claqué, plein de son, extrêmement chanté, au-delà du commun des mortels. Si ces mecs n’étaient pas basés en Alabama, on les prendrait pour des Vikings, à cause de leur power surnaturel, poignet d’acier, rock it hard, mais avec l’aplomb d’une hache de combat. Ils développent un genre nouveau qu’on va qualifier d’outta outing, si tu veux bien. Même leur morceau titre est ravagé par des fièvres de délinquance, une délinquance de la pire espèce, celle qui rampe sous la moquette pourrie de ton salon. On savait que Tim Kerr était un génie de l’humanité, alors on peut rajouter le nom de Lee Bains dans la liste. Il est là pour te casser la baraque, son «Burnpiles Swimming Holes» t’envoie rôtir en enfer sur fond de Diddley swagger, c’est à la fois violent et beau, Lee Bains multiplie les exploits. On s’effare encore de «Mississippi Bottom Land» et de l’excellence de sa présence, de l’indécence de sa pertinence, fuck, ces mecs ramènent tellement de son que ça gonfle le moral de l’avenir du rock à block. Grâce à Lee Bains dis donc, l’avenir du rock navigue au grand large et respire à pleins poumons.

             Matt Patton joue sur les deux premiers albums de Leo Bud Welch, Sabougla Voices et I Don’t Prefer No Blues. Comme Leo Bud Welch est un gros morceau, on lui consacre un chapitre ailleurs. On y reviendra sous peu.

    z19236paul wine.jpg

             Matt Patton joue aussi sur le troisième album de Paul Wine Jones, Stop Arguing Over Me. La grande particularité de Paul Wine Jones est qu’il sonne parfois comme Captain Beefheart. Ça saute aux yeux dès «Watch Me». Quel incroyable croisement des cultures Detroit/Delta/Beefheart. Oui, car cet album est enregistré à Detroit, en plein hiver, sous la neige, chez Matthew Sweet. Paul Wine Jones et ses deux musiciens n’ont ni manteaux, ni gants, ni chapeaux, mais ils sortent un son terriblement dévastateur, low-down et prodigieusement inspiré. Même chose avec «Down South» qui referme le bal de la B : voilà encore du primitif foutraque à gogo, presque sauvage, en tous les cas très beefheartien dans l’essence - The midnight train/ Goin’ down south - Le tain s’emballe fabuleusement, ça sonne comme «Click Clack», même énergie, même coup de génie. Matthew Smith fait sonner les premiers cuts de l’A comme ceux de Why Don’t You Give To Me, l’album de Nathaniel Mayer qu’il produisit jadis à Detroit. Même son en profondeur, avec une électricité qui se perd dans l’écho du temps. Avec le morceau titre, Paul Wine Jones fait son Hooky. Il balance là un vieux coup de boogie blast. Par contre, «Ain’t It A Shame» sonne plutôt comme l’un de ces longs cuts lancinants de Junior Kimbrough, avec une africanité qui remonte à la surface par la jambe du pantalon. Puis Paul Wine Jones repart en mode Hooky dans «Damn Damn Fool». Quel excellent preformer ! Il tape aussi dans le slow groove entreprenant avec «I’m So Lonesome». Voilà le son typique des groovers californiens de la grande époque, emmené par une bassline tagada très présente. On croirait entendre Harvey Brooks !

    z19239candistaton.jpg

             Attention, le Who’s Hurting Now? de Candi Staton est un très bel album. Il ne faut surtout pas le prendre à la légère. L’ordre des titres imprimé au dos de la pochette ne correspond pas du tout à celui des titres gravés sur le vinyle. On entre dans une sorte de magie dès «Breaking Down Slow». On sent la voix qui a macéré dans le temps. Candi est admirable de sensibilisme patenté. Son art se perpétue dans le temps. Elle continue se sortir de son gosier la meilleure deep Soul du Deep South, comme au bon vieux temps de muscle Shoals - Little by little you’re breaking down -  Elle s’enfonce toujours plus profondément dans le deep - I’m breaking down slow - S’ensuit le morceau titre qui est un heavy groove majeur. Elle règne sur le vieil empire du deep groove et personne ne viendra plus lui disputer sa couronne, oh no no no no no. Elle retrouve sa vraie voix de Soul Sister pour cutter «I Feel The Same», un bon vieux boot de r’n’b rampant et solidement orchestré. Elle chante avec tout le chien de Tina, well well well, mais avec un style très personnel - Please believe me I feel the same - Oui, on la believe. On se régalera de «Lonely Don’t» qui ouvre le bal de la B, un balladif chanté dans l’intimité d’une féminité douce et chaude - Oh lonely don’t let me down - Et elle boucle ce bel album avec un «I Don’t Wanr For Anything» digne de Mavis Staples. 

    z19238incinerator.jpg

             S’il en est un qui intrigue au plus haut point, c’est bien Jimbo Mathus. On plonge de temps en temps dans sa discographie tentaculaire pour faire un test et on en tire parfois des conclusions mitigées. Comme c’est le cas avec Incinerator qui bénéficie pourtant d’une belle pochette, mais c’est enregistré à Nashville et non à Memphis. Il démarre avec «You Are Like A Song», un heavy Nashville jazz bond de gospel blues. Mais il vous faudra attendre «Alligator Fish» pour trouver de la vraie viande. C’est gratté en connaissance de cause, au raw to the bone. Jimbo est un requin, il allume son cut au solo de folie pure, il baigne dans son jus, et ça tourne à la fantastique dégelée de puissance trash. Jimbo Mathus fait l’actu à sa façon, sans jamais forcer le passage. On le sait présent. Il est là. C’est le principal. Il fait pas mal de cuts qui ne servent à rien, mais ce n’est pas grave. Il est capable de coups fumants comme «Born Unravelling», un heavy balladif décontenancé allumé aux miss my baby de big atmospherix, c’est-à-dire au piano et aux chœurs de gospel. Il cultive l’esprit du Deep South. Dommage que le fin de l’album parte en eau de boudin. Les compos se veulent plus ambitieuses, on quitte le bord du fleuve et la vie sauvage en plein air. Jimbo jimbotte, il peut même devenir un peu pénible. Dommage, on aimait bien son côté planche pourrie.

    z19240lastdrag.jpg

             On trouve aussi Tyler Keith dans les parages de Matt Patton. The Last Drag est un album qui en dit encore long sur heavy Matt et ses copains. Dès «You Can’t Go Home», on est frappé par l’ampleur du son. On se croirait à Memphis, on croirait entendre Jack Yarber ! Matt on bass et Jimbo on harp, fantastiques Alabamecs ! Ils ont le son, c’est une évidence. En fait, ils sonnent comme les Oblivians. Tyler Keith arrache «Take Me Home» du sol comme le ferait Greg Cartwright. Nouvelle férocité en ouverture de bal de B avec «In The Parking Lot», très pulsé au bassmatic, suivi de «Scarlett Fever», big fat rock flamboyant avec toutes les clameurs inimaginables, des coups d’acou, du beurre et du bassmatic, tout est en excédent. Ils montent «Down By The...» comme un cut des Cramps et cette belle aventure se termine à l’Obliviande avec «Have You Ever Gone Insane», Just perfect ! C’est plein d’allure, plein d’allant et d’avenants, sans doute le grand album que n’ont pas enregistré les Oblivians.

    z19237bettesmith.jpg

     

    z19241alabamaslim.jpg

             L’album d’Alabama Slim qui vient de paraître sur Cornelius Chapel Records (le label des Dexateens) est une sorte de modèle du genre : l’album d’un vieux blackos produit par un blanc, mais un blanc qui sait se tenir et qui ne la ramène pas avec ses guitares psyché, car oui, Alabama Slim chante le blues sur The Parlor. Matt Patton respecte le vieux Slim et du coup ça sonne comme l’un des grands albums de John Lee Hooker. Dès «Hot Foot», on est dedans, Matt et Jimbo s’effacent, c’est Alabama Slim qui swingue ses notes sur sa guitare primitive, c’est puissant, taillé pour la route, hole in my heart, il joue ça au miss you babe. Sur le «Freddie’s Voodoo Boogie» qui suit, Little Freddie King claque des notes qui réveillent le fantôme d’Hooky. Fantastique shoot de voodoo boogie ! C’est absolument dément ! - Baby you got the voodoo put on me - Primitif, toujours primitif, on croirait entendre du early Hooky. Alabama Slim va dans le heavy blues avec «Rob Me Without A Gun». Il sait de quoi il parle, oooh just stumble my mind, il ramone son heavy blues à sec et il revient dans le boogie d’Hooky avec «Rock With Me Momma», c’mon, c’est du all nite long, hey hey babe, I love the way you rock. Pur sex ! C’est bien qu’un mec comme Matt l’accompagne. Pas de take over, pas d’intrusion ni de détournement,  pas d’ego de petit cul blanc dégénéré dans la balance, Matt respecte le son et l’espace d’Alabama Slim. Il chante son «Forty Jive» au mieux des possibilités du groove et il revient au cœur du mythe d’Hooky avec «Someday Baby». C’est le son, on assiste à une fantastique résurgence du son de base, Alabama Slim joue son solo à la ramasse de la déglingasse, c’est du non-solo éclatant de non-m’as-tu-vu. Ah si seulement Clapton savait jouer comme ça ! Il termine cet album envoûtant avec «Down In The Bottom» qui est comme son nom l’indique un fantastique heavy blues, un vrai rêve de bottom, il y descend pour de vrai, Alabama Slim ne frime pas, oh yeah, c’est du claqué de la dernière heure.

    z19242williamson.jpg

             Matt Patton produit aussi les Williamson Brothers dont l’album sans titre est paru en 2021. Il y joue aussi de la basse, bien sûr. Gros départ en trombe avec «Take Back The Summer». T’as intérêt à aller voir sous les jupes de ces mecs-là, car il y a du spectacle. C’est violemment secoué du cocotier, ils jouent le push in the push, tu en prends pleine la gueule, comme on dit à Terre Neuve au moment des tempêtes. Petite cerise sur le gâtö : c’est hanté par le bassmatic de Matt the crack. Adrian & Blake Williamson ramènent un son de présence fondamentale et ont un sens de l’attaque qui les distingue du commun des mortels. Les frères Williamson roulent ma poule, ils sont dans le vrai, l’incroyablement vrai. Ils amènent «Pressure’s On» au big riffing d’absolute beginners, c’est encore du big fast rock d’Alabama starters, monté sur un rebondi de gaga rootsy, chanté au crutch de délinquency. Ils ont l’une des plus belles niaques d’Amérique, ils savent balancer des giclées de guitares. Ils jouent le rock intempestif et on a la big prod de Matt, as usual. Encore du power à gogo avec «Kick & Scream». Cette fois, ils soutiennent leur cut à l’orgue dylanesque et développent une énergie considérable. Ça s’achève sur un final d’orgue en forme de punch-out demented. Ils terminent ce Patton album avec un «Losing Faith» qui sonne encore une fois comme une aubaine inexpugnable. Leur sens aigu de la clameur les honore.  

    z19243bohannons.jpg

             En 2019, Matt Patton produit aussi l’album Bloodroot des Bohannons. On est tout de suite séduit par le heavy sludge de «Sleep Rock», les Bohannon Bros t’éclatent le rock vite fait, ça joue à la revoyure, c’est du pur jus de Black Dial Sound. Tout ce que produit Patton est du golden stuff, Matt et Marty Bohnannon jettent tout leur Bohannon dans la balance. On a là l’un des grands disques américains de 2019. Avec «Girl In Chicago», ils ramènent le power du pounding. Même les arpèges sont survoltés. Quant au beurre, inutile d’en parler ! C’est du stomp. Et le bassmatic gronde comme un lion en cage. Puis ils perdent un peu le fil, c’est dommage, ils font un peu de heavy rock à la Neil Young («Refills») et du heavy cousu de fil blanc («My Dark Boots»). Mais bizarrement, avec les Bohannon, ça passe bien. Ils s’arrangent pour passer des solos de destruction massive et pour maintenir leur pop-rock à un bon niveau. Ils font leur petit biz.   

    z19244adamklein.jpg

             Matt Patton joue aussi de la basse sur l’album d’Adam Klein paru en 2019, Low Flyin’ Planes. Les premiers cuts de l’album laissent une mauvaise impression : tiens, encore un péquenot qui se prend pour un songwriter et qui fait n’importe quoi, le genre de son qui reste dans la moyenne ennuyeuse. Quand on regarde sa photo au dos du digi, ça n’aide pas : coiffé d’un chapeau blanc, il gratte sa gratte. À part les fans de Matt Patton, qui va aller acheter ça ? C’est un son qu’on a déjà entendu mille fois, tous les Américains grattent la même pop d’acou à la con, ils restent enracinés dans leur petit pré carré, mais si on écoute plus attentivement, on s’aperçoit que Matt the crack donne une certaine allure à l’ensemble. Au bout de trois cuts, ça menace même de dégringoler dans l’excellence. Alors la voilà l’excellence, avec «Too Cool For School», chauffé au folk-rock, avec une niaque extraordinaire, et on retrouve la patte de Matt, cette énergie qui n’appartient qu’à ces mecs-là, c’est wild et libre comme l’air, absolute balèze blast de country fair, c’est Matt the crack qui porte le son. Très beau cut encore que ce «Dog Days», coulé comme un bronze au petit matin, superbe, fumant et odorant, ce mec taille sa route. Comme dirait Alain Delon, Monsieur Klein fait des siennes. Sur «Pretty Long Time», il sonne exactement comme Nikki Sudden. Puis il amène «Sport» au big heavy Klein. Alors on applaudit Matt bien fort.

    z19245jerryjoseph.jpg

             Attention à ce big album de Jerry Joseph qui s’appelle The Beautiful Madness. Sur la pochette, le pépère n’a pas l’air frais, mais ses chansons vont te faire tourner la tête. Surtout «Sugar Smacks» qui sonne comme le real deal. Laisse tomber Auerbach et les autres opportunistes, c’est Patton et tous ces mecs-là qu’il te faut. «Sugar Smacks» est balayé par des vents stupéfiants, meet you baby, à son âge, il cherche encore les ennuis, il tape ses lyrics vite fait au help me back, c’est puissant, heavy et profond - Take me back / To my sugar smacks - Jerry Joseph est le Dylan de l’underground moderne. Patton est là, mais c’est Patterson Hood qui produit et qui gratte sa gratte. Patton gronde sous la surface du son de «Good», encore un cut d’une exceptionnelle intensité. The rasping voice de Jerry Joseph rappelle celle de Graham Parker, mais dans ce contexte, c’est encore autre chose, les coups de slide paraissent surnaturels et Matt Patton relance à la basse. C’est follement inspiré, avec ces coups de slide aériens et le bassmatic dévorant du grand Matt Patton, c’est grounded to the earth - It’s coming back on me/ I know ! - Stupéfiante énergie ! Jerry Joseph développe son petit biz, on sent le souffle dès «Days Of Heaven». Il chante son rock avec une voix de vieux qui a la vie chevillée au corps. C’est sans doute la présence des Drive-by qui donne des ailes au vieux dans «Full Body Echo». Il tape plus loin un heavy balladif avec «(I’m In Love With) Hyrum Black», que Patterson Hood qualifie de «Mormon Outlaw Cowbow Song». Il défend bien son bout de gras, au moins autant que les Drive-by - He smelled of blood in the desert - Il raconte une vraie histoire de l’Ouest. On redescend dans le Sud avec «Dead Confederate», un dead confederate qui à l’âge de 80 ans ne lâche toujours rien - Wish they’d just leave me alone - Il explose plus loin son «Eureka» au day that he died you know/ You were going back to Eureka. Dans le booklet, Patterson Hood raconte comment il a fait la connaissance de Jerry Joseph à Portland, Oregon, en 1999, puis il donne tout le détail des sessions d’enregistrement de cet album chez Matt Patton, à Walter Valley, Mississippi.  

    z19246deadfingers.jpg

             Joli nom pour un groupe que celui de Dead Fingers. Leur album sans titre est paru en 2012 sur Big Legal Mess Records, ce qui veut dire ce que ça veut dire : produit par Bruce Watson. Dead Fingers est un duo de Death Country à la Blanche, Taylor Hollingsworth mêle sa voix d’anguille vermifugée à celle de Kate Taylor Hollingworth pour le meilleur et pour le pire. Leur drive à deux voix est excellent, leur son sent bon la charogne du désert. Il faut attendre «Against The River» pour les voir s’énerver un peu. Les gens du Sud savent mettre le feu quand il faut. Taylor Hollingworth passe des killer solos flash, il n’a besoin de personne en Harley Davidson. Ils sont impayables lorsqu’ils chantent à deux voix mêlées, «On My Way» est excellent et plein de jus. Puis il prend «Lost In Mississippi» à la petite voix humide. Ce mec chante comme un démon. Il est rejoint par des chœurs très moites, c’est encore fois excellent, bien moisi, avec des coups d’harp. Il amène ensuite «Never Be My Man» à l’envenimée de la big disto et des coups de bottleneck. C’est tout simplement énorme. Ils disposent de gisements de ressources extraordinaires. Affaire à suivre.

    Signé : Cazengler, échec et Matt

    Dexateens. The Dexateens. Pickmark Records 2004

    Dexateens. Red Dust Rising. Estrus Records 2005

    Dexateens. Hardwire Healing. Rosa Records 2006  

    Dexateens. Singlewide. Skybucket Records 2009 

    Paul Wine Jones. Stop Arguing Over Me. Fat Possum Records 2016

    Bette Smith. The Good The Bad And The Bette. Big Legal Mess Records 2017

    Jimbo Mathus. Incinerator. Big Legal Mess Records 2019

    Candi Staton. Who’s Hurting Now? Honest Jon’s Records 2008

    Tyler Keith. The Last Drag. Black & Wyatt Records 2020

    Alabama Slim. The Parlor. Cornelius Chapel Records 2021

    Williamson Brothers. Williamson Brothers. Dial Back Sound 2021  

    Bohannons. Bloodroot. Cornelius Chapel records 2019   

    Adam Klein. Low Flyin’ Planes. Cowboy Angel Music 2019  

    Jerry Joseph. The Beautiful Madness. Cosmo Sex School 2020  

    Dead Fingers. Dead Fingers. Big Legal Mess Records 2012

     

    L’avenir du rock

    - Syndicate d’initiatives (Part Five)

     

             Alors qu’il s’était bien juré de ne plus jamais le faire, l’avenir du rock a fini par accepter de participer à un débat télévisé, dans le cadre de l’émission «Vous l’Avez Dans l’Os», suivie régulièrement par des dizaines de millions de gens à travers le pays. Cette semaine, le thème du débat est «L’inexorable déclin de la civilisation». Sur le plateau de télé, alors que tous les intervenants tirent des gueules d’enterrement et déballent posément leur sinistre argumentation, l’avenir du rock sourit. Choqué par tant de désinvolture, l’animateur l’interpelle :

             — On dirait que ça vous fait rire, avenir du rock, de voir notre société s’effondrer sous nos yeux, de voir nos valeurs républicaines flotter dans le caniveau...

             — Non, je n’irai quand même pas jusque-là. Ce sont les têtes que vous tirez tous qui me font marrer. Vous êtes tous tellement lugubres, on dirait que vous faites un concours... Alors on imagine la gueule des gens derrière leur télé ! Déjà que les gens ne sont naturellement pas très gais, alors à vous voir, ils vont battre tous les records de déprime !

             — Vous ne faites donc pas le même constat que vos voisins ?

             — Pas du tout ! Cette médiatisation de la déprime est une insulte à l’intelligence de l’Homme. Il n’y a pas que la politique, l’économie, la santé publique et le chômage, dans la vie. Vous semblez oublier le plus important !

             — Nous attendons votre réponse, avenir du rock !

             — Le Syndicate !

             Les autres invités se mettent soudain à gueuler. Gros bordel sur le plateau !

             — Ce monsieur se fout du monde ! Il ose faire l’éloge de la CGT ! C’est un provocateur ! Sortez-le d’ici ou nous quittons le plateau immédiatement !

             L’avenir du rock se gondole dans son fauteuil. Il n’a jamais vu des gens aussi cons. L’animateur tente désespérément de ramener le calme. Un général invité pour parler des guerres qui menacent les frontières s’est levé :

             — Monsieur l’avenir du rock, vous êtes un traître à la nation ! Vous mériteriez d’être fusillé !

             L’avenir du rock n’en peut plus. Il en pleure de rire. Il les supplie d’arrêter leurs conneries.

             Madame Bignolle, invitée pour témoigner des graves problèmes des petits retraités, est la plus virulente. À travers ses larmes de rire, l’avenir du rock n’en revient pas de voir cette grosse femme en mini-jupe le menacer du poing :

             — Vous faites honte à la télévision, avenir du rock !

     

    z19218stevewyn.gif

             Le Syndicate que l’avenir du rock proposait comme un plâtre sur la jambe de bois médiatique est bien sûr le Dream Syndicate. C’est un coup d’épée dans l’eau, puisque tous ces cons n’iront jamais écouter le nouvel album du Dream Syndicate, mais d’autres gens, surtout ceux qui ne regardent pas la télévision, ne manqueront pas de le faire et vivront un petit moment d’extase. Un moment d’extase + un moment d’extase = une vie bien remplie et, un sourire gourmand au coin des lèvres, l’avenir du rock ajoute qu’il existe encore des kyrielles de moments d’extase en devenir. Car les grands artistes ne vont pas disparaître de sitôt. La preuve ? Steve Wynn continue d’enregistrer de très beaux albums. 

    z19247thesetime.jpg

             Tiens, justement, very big album que ce These Times paru en 2019. L’extrême musicalité des Dream ne faiblit pas, comme le montre «The Way In». Même attaque qu’avant, même acid freak-out de guitares, ça sent bon l’engagement. Ils se jettent dans leur son avec un aplomb en or. C’est du ferraillage Paisley réactualisé. Sacré Wynner, il ne perd rien de son prodigieux allant, comme le montre «Put Some Miles On». Il sait rester tendu et actif, il drive son schisme au nez et à la barbe des chapelles, il est unanime et complet, tenace et azuré de son. Tout est dans tout, mais lui n’est dans rien, il chante au nez et à la barbe des pâquerettes avec un sens de l’inhérent qui peut troubler les âmes sensibles. Il ne vit que pour l’échappée belle. On ne rêve plus que d’une chose : du Dream forever. Avec «Black Light», il sort un son qui se prête à tout, principalement à l’escapade en haute montagne. Il explose le concept de la black light et les notes de Jason le démon se perdent dans la stratosphère. «Bullet Holes» se veut infiniment plus pop. Ce diable de Wynner chante comme the last dandy on earth. C’est du très haut niveau, il va loin, it’s alrite, avec ce balladif émerveillé. Il passe à l’apesanteur apesantie avec «Still Here Now». Il sait de quoi il parle, en tant que vétéran, et derrière lui Jason le démon dépote son naphta. Ils jouent à l’acid freak-out californien, ils décapent le mur du son, Jason fissure l’atome au beautiful remugle, what a guitar muggler ! Comme l’indique son titre, «Speedway» file ventre à terre. C’est du big Wynn gagné d’avance, bien cogné dans les encoignures avec un Jason le démon en embuscade. Ces gens-là n’en finissent plus de jouer avec le feu. Fantastique plâtrée d’excellence ! Avec «Recovery Mode», le Wynner repart en mode vainqueur. C’est sacrément anthemic. C’est même de la heavy psychedelia, fine et racée, chantée dans les règles du lard fumant. Avec «Space Age», le Wynner va droit dans l’extrême onction. Les guitares ne pardonnent pas. Ils terminent avec «Treading Water Underneath The Stars». Perché sur l’épaule du cut, Jason le démon va fondre sur sa proie. Aw quelle rapacité ! Tout se passe entre les oreilles, juste en dessous des étoiles. Ces mecs relèvent de l’indestructabilité des choses du rock.

    z19248universe.jpg

             Et si The Universe Inside était le meilleur album du Dream Syndicate ? Comme ils optent pour les morceaux longs, alors nous aussi. «The Regulator» dure vingt minutes. Combien ? Oui vingt minutes. Ah bah dis donc ! Ils se basent sur un riff de basse et mettent le cap sur le psyché intrinsèque. Attention, Steve Wynn n’est pas un amateur, il sait ramener les brebis au bercail. Quel fantastique rameneur de brebis égarées ! Les Syndicalistes jouent à la folie des forges qui n’ont jamais existé en Californie. Leur son coule dans l’air du temps, c’est une fabuleuse dérive absconse émaillée de rots de basse - I’m the regulator - Steve Wynn fait son vieux robot de la Caisse d’Épargne. Ce routier de la transe acid sait ce qu’il fait, il part en mode groove de non retour, ça se remplit comme une crique d’une marée de son et d’esprit, dans le style de Cubist Blues, mais avec encore plus de temps et d’élasticité, ils réussissent le prodige de swinguer l’espace temps, on ne sait même plus où ils sont passés, il doivent se trouver par là, ils battent tous les records de nonchalance et s’enfoncent dans la dimension syndicaliste, ils jouent à contre-courant des modes, donc à l’envers du temps, leur rock devient philosophique, tu es barré avant même d’avoir pu dire un mot, c’est le trip du Syndicat, un trip gratuit à la Syd Barrett, un sax vient te nettoyer les oreilles et te rafraîchir et puis le génie de Steve Wynn n’en finit plus de nous sécuriser, cet homme est beaucoup plus puissant qu’on ne le croyait. Il utilise le groove interminable pour nous faire voyager dans les meilleures conditions, les virages et les montées se succèdent. Le sax sonne comme un accent de vérité. Pas besoin de prendre un truc pour écouter cet album. L’acide est dans le son. Le sax aussi, il est dans les montées et les descentes. Le Syndicat se montre aussi décisif que Sun Ra ou les Spacemen 3. Alors Steve Wynn fout la gomme et le sax démonte la gueule de Dieu qui se penchait pour regarder de plus près, la musique monte toute seule en température, elle n’a plus besoin de personne en Harley Davidson. Grâce au sax, le groove transgresse les genres, ça grouille de remontées souterraines inexplorables, les perceptions s’écartèlent à vouloir tout brûler, ça se fibrille dans l’underground planétaire et tout se disloque dans des concoctions diffamatoires. Steve Wynn pulse le son à la folie Méricourt, sa dérive échappe au regard, il se grille commercialement mais il s’en fout, seule compte l’envolée déterminante. Évidemment, on s’étonne quand ça s’arrête. Ils repartent avec «The Longing», une nouvelle élongation du domaine de la lutte Syndicale montée sur un beat si bienvenu. Steve Wynn réussit le prodige de rôder dans le timbre de sa voix. Il est encore plus à l’affût qu’à l’époque de ses débuts. Et pendant ce temps, Jason le démon promène son cul sur les remparts de Varsovie. Il y joue ses notes de la planète Mars et s’amuse à narguer l’apesanteur. La basse ramène la bouffe au cut Moloch. Une fois encore, ils jouent les prolongations. Si on ne devait retenir qu’un seul cut pour la postérité syndicale, ce serait sûrement «Apropos Of Nothing». Car c’est un cut très séduisant, ils sont là dans une énergie anglaise, dans une sorte de nonchalance. Cut merveilleusement beau, comme visité par la grâce. Steve Wynn dispose d’une modernité d’esprit qui lui permet de réussir ce genre de coup d’éclat. Incroyable exercice de style. Ils jouent ça au fin du fin. Ils embarquent «Dust Off The Rust» pour Cythère avec une big into de basse, puis ça vire hypno à la Babaluma. Jason le démon en profite pour voyager dans le son. On entend des cuivres dans le fond du cut. Cet album est un voyage extraordinaire. Rien à voir avec le Syndicalisme habituel. Ils sont dans un délire de transe hypno cuivrée de frais. Les grooves sont parfois un peu gratuits, mais ils ne sont que prétextes à dérives. Ils terminent avec les remugles de sax de «The Slowest Rendition». Steve Wynn revient au chant. On sent le meneur. Ça joue dans les clameurs du soir. Mais le story-telling de Steve Wynn ne fonctionne pas à tous les coups - I can hear those bells again - Il est dans un processus hallucinatoire, il a du temps. C’est toujours plus facile quand on a du temps. Ce dernier cut est relativement inexistant. On l’écoute uniquement parce qu’on aime bien Steve Wynn. Consciencieux, il reste jusqu’au bout. 

    z19249ultraviolet.jpg

             Joli retour du Wynner cette année avec Ultraviolet Battle Hymns And True Confessions. Nouveau Dream come true et attention, «Where I’ll Stand» est heavy dès l’abord. Le Wynner te tombe aussitôt sur le râble, tu dis amen car ton sort est scellé. Allez, on a va le redire encore une foie : Steve Wynn a du génie. Mais tout le monde le sait. Avec son Stand, il développe une apocalypse de son extrême, il vise la sinécure du rock atmosphérique, ça te tombe dessus, tu ne peux rien faire. Steve Wynn te tourne autour du pot depuis quarante ans et ça continue, il est devenu une sorte de tenant de l’aboutissant du rock californien, ça pleut de partout et tu remercies Dieu d’avoir crée le Wynn. Et bizarrement l’album se met à fléchir, avec une série de cuts moins décisifs, un brin new-wave, que Wynn chante à l’appuyé. La magie s’éclipse, il tente le coup des syllabes appuyées, très appuyées, et du coup, on voit qu’il chante d’une voix de vieux. Chant fripé de vieux Wynn. Il faut attendre «Every Time You Come Around» pour renouer avec le Wynn qu’on admire. Belle clameur de Dream, back to the big sound ! Ouf ! C’est même du haut vol de downtown Wynn, il crée sa magie avec une bassline dansante, retour à la grandeur du rock américain, et notre Wynner international réinvente la magie hypnotique du Velvet. On entend aussi Jason le démon faire des siennes dans «Trying To Get Over», fast oh so very fast. Voilà tout.

                       Signé : Cazengler, Steve wine (cubi)

    Dream Syndicate. These Times. Anti- 2019

    Dream Syndicate. The Universe Inside Anti- 2020

    Deam Syndicate. Ultraviolet Battle Hymns And True Confessions. Fire Records 2022

     

     

    Inside the goldmine

    - Le jour de Jackie Day viendra

     

             Robert Mitchoum et son bataillon étaient coincés sous le feu de l’ennemi, à Omaha Beach. Les boches canardaient sec, Mitchoum voyait les rafales découper en rondelles ceux qui avaient été fauchés sur la plage. Tchakatchakatchak, une vraie boucherie, des mains, des pieds et des éclats d’os volaient partout. Mitchoum en mordillait de rage son résidu de cigare. Fucking boches !, grommelait-il. Les balles sifflaient dans tous les coins, impossible de bouger, au moindre mouvement, on recevait une bastos en pleine gueule. Un vrai tir aux pigeons. Pour la première fois de sa vie, Mitchoum s’était fait piéger comme un bleu. La honte de sa vie ! Il se tourna vers le radio, allongé derrière lui, mais le radio ne bougeait plus. Mitchoum le retourna et vit qu’il avait reçu un pruneau en pleine terrine, fucking boches, il en avala son résidu de cigare et faillit s’étrangler. Il ramena le poste radio vers lui pour lancer un SOS :

             — Ici Tango Charlie, can you hear me Major Tom ?

             — Cinq sur cinq, Tango Charlie... À vous... Qui qu’y a ?

             — Quoi qui qu’y a ? Troisième bataillon cloué sur Omaha, 3/4 des hommes à terre, all fucked up, envoyez l’aviation, bordel de merde !

             — Faut demander ça au D-Day boss, baby !

             — Quoi ?

             — D-Day boss !

             — Hein ?

             — Touchez ma D-Day boss, monseigneur, eh eh eh...

             Mitchoum se mit à chialer. Dans la radio, l’autre se mit à chanter comme Sœur Sourire :

             — D-Day boss bosse bosse bosse/ S’en allait tout simplement/ Routier pauvre et chantant, la la la lalala...

             Outré, Mitchoum sortit son flingue et vida le chargeur sur le poste de radio.

             

    z19219jackieday.gif

             Bon, Jackie Day n’a de commun avec Omaha que le mot Day, rassure-toi. Il n’empêche que The Complete Jackie Day - Dig It The Most, compile parue sur Kent en 2011, sonne comme une sorte de D-Day de la Soul. Car Jackie Day ne chante pas, elle débarque pour libérer tout un continent. Kent nous régale encore une fois d’une histoire extraordinaire. Cette fois, c’est Jim Dawson qui s’y colle. Vas-y Jim ! Mais ça commence mal, car il nous raconte que les singles de Jackie Day se vendent une fortune sur Ebay, plusieurs milliers de dollars ! Heureusement Kent nous fait faire des économies avec sa compile. Plus besoin d’aller braquer une banque.

             Jackie Day est une petite black originaire de l’Arkansas, comme Tav Falco, et quand son père se fait la cerise, sa mère part installer la famille à San Francisco. Jackie a son premier gosse à 17 ans et se met en ménage avec le saxophoniste Big Jay McNeely. Puis elle rencontre Maxwell Davis que Leiber & Stoller qualifient de truly one of unsung heroes of early rhythm & blues. Davis avait tourné avec Louis Jordan et Amos Milburn, puis il a bossé pour Aladin et Modern (le label des Bihari Brothers), des labels qu’il faut bien qualifier de mythiques. C’est en bossant avec Davis et en enregistrant «Naughty Boy» que Jackie McNeely devient Jackie Day. Elle entame donc sa période Modern avec «Naughty Boy». Mais ça peine à décoller. Les Bihari arrêtent les frais avec Modern et continue avec le subsidiary Kent - un nom label que les Anglais d’Ace ont repris, en hommage (comme d’ailleurs Ace, en hommage à l’Ace de Johnny Vincent) - Alors que fait Jackie ? Elle va trouver Art Rupe chez Specialty. C’est là qu’elle enregistre sa chanson hommage à Martin Luther King «Free At Last».

    z19250jackyday.jpg

             On retrouve bien sûr «Free At Last» sur la compile - I am black/ I am a woman - Elle chante sa liberté, soutenue par des chœurs de gospel et là tu entres directement dans la mythologie. Jackie Day est la petite black juste par excellence. Quant à «Naughty Boy», le fameux single paru sur Phelectron et qui vaut des milliers de dollars, c’est un passage obligé. Voilà un hit embarqué au meilleur beat de r’n’b, à la magie pure, avec des cuivres et un drive de chœurs d’ah-ouhouh, elle fonce, c’est le hit parfait. Sur les 20 cuts de la compile, la moitié sont des hits faramineux. Elle attaque en force avec le «Before It’s Too Late» sorti sur Modern en 1966. Jackie est une battante, elle n’y va pas par quatre chemins - I said before it’s too late/ You better stop yeah yeah - C’est une rare violence, retire tes pattes, elle ne rigole pas, dégage connard ! Tous ces singles Modern sont des must, elle fait montre d’une extraordinaire maturité sur «Oh What Heartaches», comme elle est ferme, sa Soul en tire tous les avantages. Elle restera dans les annales pour sa fermeté. Elle chante avec une voix terrible et des grands gants blancs, il faut la voir embarquer «Long As I Got My Baby» au don’t need et les chœurs font ooh ooh. Quelle allure ! Elle claque son «Got The Steppin’» au steppin’ pur, fantastiques coups de come back no more, elle est exceptionnelle et puis il y a ce solo de sax. On est gavé. Encore trois cuts Modern enchaînés : «If I’d Love You», «What Kind Of Man Are You» et surtout «I Dig It The Most» qui est un véritable coup de génie, elle jette toute sa niaque dans sa Soul, son dig it the most flirte avec le génie. Elle fracasse le heavy slowah d’«If I’d Love You» au your dream is my dream too et elle règle encore ses comptes avec «What Kind Of Man Are You» - You took my money/ Without a word/ What kind of man are you - Elle ne pige rien en matière de psychologie masculine, can’t you ever be satisfied, eh oui, c’est énorme. Avec «I Can’t Wait» elle arrive sur Paula, un label de Shreveport, en Louisiane, c’est plus classique mais plein de son, fabuleux shoot de r’n’b et elle débarque ensuite chez Specialty avec «What’s The Cost». Elle rentre dans le lard du r’n’b avec un talent fou, sans forcer, elle est simplement Jackie Day. Si on doit emmener une petite black sur l’île déserte, c’est forcément Jackie Day. Elle est incroyablement douée. Les autres aussi bien sûr, mais elle a un petit quelque chose en plus. Chaque fois, elle reprend le fil avec un aplomb qui l’honore. Toujours cette fermeté, ce côté solide ! Elle propose une Soul inespérée de qualité et d’accroche, une Soul du ventre.

    Signé : Cazengler, Jacky Dette

    Jackie Day. The Complete Jackie Day - Dig It The Most. Kent Soul 2011

     

    *

    Où va le rock ? A fichtre dire, je n’en sais rien. Pléthore d’albums sortent tous les jours. Impossible de les écouter tous et de se faire une idée. Comme souvent c’est une pochette qui a attiré mon attention. Je n’ai pas tapé dans le mille mais dans MISCELLEN. J’ai navigué sur leurs trois albums. Si j’en crois leurs propres tags d’autodéfinition : alternative rock, psychedelic rock – ils proposent aussi heavy psychedelick - rock hard-hitting, noir post rock, je reste dans l’expectative, tant de groupes se définissent ainsi ou de manière à peu près équivalente que l’on ne sait plus à quoi ils vont ressembler. Au moins Miscellen annonce la couleur dès son patronyme qui signifie mélange. Peut-être l’ont-ils choisi parce que certains membres du groupe proviennent de Bristol – salut ô perfide Albion – et l’autre est originaire de Washington D. C. L’on suppose qu’ils n’ont pas leur salle de répétition dans le bureau ovale de la Maison Blanche. On l’espère pour eux. Comment l’homme a-t-il su que la pomme avait goût à pomme a demandé Karl Max. Possédait la solution qu’il s’est dépêché de donner : en la goûtant. Nous agirons de même pour leur premier disque.

    MISCELLEN

    LUCID ORANGE

    ( 26 Août 2020 )

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,rockambolesques,blind uncle gaspard

    Ce n’est pas cette pochette qui m’a attiré l’œil, certes la terre est bleue comme une orange, l’orange et le bleu sont des couleurs complémentaires et l’on ne compte plus les couves qui utilisent ces deux teintes…

    Nocturne : l’intro de l’intro nous laisse dans le noir, cette batterie incessante et légère nous déçoit d’entrée, faut attendre que l’on déploie les tapisseries colorées sur ce fond assez anodin, tiens les guitares fusent, mais ce qui séduit c’est la manière dont elles ne font que passer et mettent en valeur ces espèces de chœurs lointains venus d’un autre monde, si lointain que l’on se demande si ce sont des voix humaines ou des machines. L’est sûr qu’ils ont écouté Led Zeppe, pas le heavy mastodonte, mais le montage superpositionnel des pistes de guitares, ne copient pas, fabriquent leur propre moutarde.  Z’ont une vidéo, vous en verrez plus mais vous n’en saurez pas davantage, elle dessine très bien la structure du morceau, nous la classerons sous le tag art-effect, très belle, très mystérieuse – alors qu’elle ne recouvre aucun mystère - groupe mixte, j’ai surtout adoré la coiffure du batteur un mix entre le chapeau cloche et le chapeau de Napoléon, je ne rigole pas, la vidéo vaut le détour. Dark star in a brighty sky : après Chopin, Keats, ces jeunes gens sont à écouter de près, une voix dépourvue de charnellité, normal le texte aborde les rencontres qui ne se rejoignent pas, musique asthmatique rampante, c’est une fille qui chante mais déjà si loin d’elle-même, basse grondante plus basse que la terre, guitare tragique, au-delà du désespoir le bilan de ce qui aurait pu être, invitation au suicide. Existe aussi en noir et blanc. Une vidéo oscillant entre Bowie et Lou Reed. Expressionisme artificiel. Ce n’est pas l’homme qui venait d’ailleurs mais la fille qui partait autre part. Cold and ice. Tranchant comme une lame de rasoir. Starfish : sur l’éclat de la guitare vous pensez partir explorer l’espace, erreur totale, la basse vous entraîne vers les abysses sans fin, le gars qui chante et parle n’est pas près de renoncer, il fonce vers le bas, à la recherche des îles englouties, ne sont-elles pas au-dedans de nous, l’étoile de mer que recherche le poulpe de notre cerveau. Hemlock : instrumental, guitare acoustique, voix incompréhensibles, serait-ce pas le passage de l’apologie de Socrate où Socrate boit un dernier coup, l’ambiance est assez funèbre ! Karada :  l’assouvissement du désir est-il encore le désir, musique lente et incoercible, un très beau mix de batterie atterrit dans le vocal, grave et volcanique, voix iceberg qui s’éloigne, insaisissable en se rapprochant. L’on commence à se rendre compte que l’on est dans un album non pas original mais rare. Pour ceux qui ont du mal à percevoir, une vidéo vous enveloppe dans les rets du désir. N’allez surtout pas vous pendre à cette corde. Vous suspendre, oui. Safe world : mystère et boule de gomme, ça commence par un bruit de tirebouchon et ça finit comme une bande-son de film d’espionnage. Même pas une minute, mais l’on vous refile le mot de passe. Life above concrete : heureusement que la vidéo est explicite. Enfin presque. Elle vous dit tout. Sauf le mystère. Les lambeaux de paroles ne sont que fragments indécis, la musique sépulcrale vous permet de marcher sur le tapis rouge de l’ordalie en toute connaissance de cause. S’il y a cause, quel est l’effet ? Bone dry : flottements de basse dans lesquelles baignent quelques cordes de guitare qui s’enfuzzent par la suite, oripeaux orientaux mélodiques, deux voix, le yin et le yang, sonnent l’heure définitive qui recommence toujours. Z’ont dû aller chercher un sitar au fond du jardin pour les chuintements de la vie qui continue cahin-caha.

             Inutile de vous essuyer les pieds sur le paillasson en sortant de ce disque. Comme vous y êtes entré. En voleur. Dans la chambre aux merveilles vous n’avez pas su quoi prendre. On ressort les mains vides, la tête pleine d’échos qui se dissoudront dans le réel désormais fantomatique. Ah j’oubliai, il n’y a pas de paillasson. Somptueux et mystérieux.

    BLUE RUIN

    ( 26 Août 2020 ) 

    Ils ont remis le couvert un an après jour pour jour. Plutôt nuit pour nuit. Voici la pochette qui a titillé ma prunelle. Un peu la même que la précédente. Ils ont supprimé l’orange. Ne reste que le bleu. La beauté n’en est que plus énigmatique.

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,rockambolesques,blind uncle gaspard

    Your lucky day : le seul titre de l’album accompagné d’une vidéo. De celles qui ne montrent rien. Un peu de groupe en train de jouer, tous les détails explicites sont gommés par des prises de vue de guingois. Très agréable à regarder. Et à écouter ce qui est encore mieux. Parce que sous l’indigence – sa face dorée se nomme plénitude – des images partielles on lit très bien le balancement du riff. Tellement bon que les paroles sont réduites à quelques murmures. N’êtes-vous pas heureux d’avoir attrapé des morpions ( ou autres choses ) dans ces ruelles sordides. L’initiation du pauvre en quelque sorte. Chemical bonds : clinquance de pas discrets, les guitares fuzzent y el cantaor hurle. Raconte l’histoire que tout le monde connaît. L’attirance, la tentation, le passage à l’acte, le vertige et la nausée du réveil à s’apercevoir que tout, hélas, a une fin même les mauvaises choses. La musique appuie là où ça fait mal. Une guitare vrombit longuement, des voix adolescentes s’entrechoquent et le désir est plus fort que le refus, il n’y a pas de mal à se faire du bien. Autant le premier album reste énigmatique autant cette ruine bleue est explicite. Couleur de la musique du Diable. Sans regret. Scream all you want : sifflements, verres brisés. Révolte adolescente et baudelairienne. Ne rien regretter. Tout se permettre. Bréviaire de la dérive. Très beau pont. D’Avignon qui emporte les beaux messieurs, les bonnes pensées, celles qui sont coincées aux pieds du bon Dieu. Une voix féminine susurre à votre oreille. Vous ne résisterez pas longtemps. No saints allowed : musique glauque, l’est sûr que l’on ne se dirige pas vers les beaux quartiers. La batterie frappe dur et la voix martèle les évidences. Scène de peep-show. Que pouvez-vous vous payer d’autre. Miscellen explose et expose. Le rut social des ados qui ne se reprochent rien. Qui assument leur dépravation puisque ce mot est le synonyme de leur jouissance. Sneer : ruminations, musique fuyante, il parle dans sa tête, à voix basse, il est bloqué, dans ce rade, dans sa vie, alors il ricane de lui-même et de celui dont il cherche l’embrouille, et qui ne fait pas cas de lui et le laisse à sa solitude. Un spoken words blues qui se moque des douze mesures, qui coule tout doux comme le parapluie de la vie qui s’égoutte sans espoir. Quoi de plus réconfortant qu’un rire idiot qui en veut à soi-même et au monde entier. Rien à regretter. EDIAC : retour de cette voix féminine d’outre-tombe, elle chante, elle t’encourage, les guitares glissent et la rythmique poinçonne les carrefours dont tu ne dois pas user, n’emprunte que la voie droite de ta volonté semblable à l’étroit couloir qui mène aussi bien à ta propre volition qu’au cul profond de basse fosse de l’autodestruction. Dive :  Miscellen souffle le chaud et le froid, après l’appel à la vie, le chemin de feu et de flamme, voix éteinte de celui qui a dépassé les limites, qui est hors d’atteinte et hors de lui, agit en somnambule, derrière les guitares à bout d’énergie se consument lentement, basse et batterie exsangues stoppent leur marche funèbre. Aphotique : ils aiment ce mot qui désigne les profondeurs de l’océan que la lumière du soleil ne pénètre plus, musique en suspension, voix féminine, chant en français, c’est la grande descente lente et infinie, gloutonnements liquides. Après le feu, l’eau : final wagnérien. Cold comfort : une intro presque joyeuse, une fanfare cliquetante, la vie est ainsi, si tu la joues aux dés, un coup tu gagnes, un coup tu perds, cette dernière probabilité survient le plus souvent, c’est ainsi que l’on joue toutes les relations humaines, assez confortable quand on y pense, même si ça fait froid dans le dos. La musique suit les ondulations de la conscience. Tantôt plongeante, tantôt resplendissante. Valise à double-fond. Shadow blind : majestueuses notes de piano, voix écrasée, un rayon de lampe électrique qui explore les cadavres entassés dans les cabinets de la conscience, non sans allégresse, les guitares enflent, mélancolie du chemin parcouru, ces horreurs sont miennes, j’ai tout pouvoir sur elles. Même de passer à autres choses. Surtout ne pas se renier. Happy end : dialogue entre une fille et un garçon heureux de se rencontrer, voix suggestives, sont déjà ailleurs, les guitares balancent totalement, elles gardent le même son que lors des longues turpitudes passées, la fin est heureuse parce que tout ce qui a précédé était le chemin qui a conduit à celle-ci. Imaginez une fin shakespearienne où Hamlet trouverait après les épreuves et les morts amoncelés une sagesse à laquelle il n’aurait jamais atteint sans celles-ci. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort a dit Nietzsche.

    BLACK MANDALA I

    (  Août 2022 ) 

    Décidément Miscellen change de peau à chaque nouvelle incarnation phonographique. Si Blue Ruin peut être qualifié d’étude srockiologique sur le mental adolescent, dépourvue de tout œil moralisateur, Black Mandala s’inscrit dans une vision onirique et symbolique quasi philosophique. Rappelons qu’un mandala est un objet cultuel qui permet de se mettre en relation avec un dieu, et si vous êtes un incroyant invétéré un concentré représentationnel de la réalité qui aide à entrer en interaction avec le monde en d’autres termes d’avoir barre sur lui. Le lecteur s’interrogera sur les couleurs de l’arc-en-ciel : orange, bleu, noir.

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,rockambolesques,blind uncle gaspard

    Joe King : drums / Jason Servenik : bass, vocal, guitar / Rick Furr : guitar / Tyler Walosin : vocal / + Paul Gree : violin, lyrics / China Blue Fish : vocals. 

    Odyssey I : le titre est assez explicite, ce n’est pas 2001 Odyssée de l’espace, mais un voyage initiatique vers l’infini du rêve et de la réalité. Musique spatiale, le voyage débute, la musique s’envole et le vocal justifie ce raid audacieux vers l’inconnu puisque toutes les solutions envisagées n’ont apporté aucune réponses, intonations à la Robert Plant sur des vagues d’échos, ce dernier mot pink floydien pour insinuer que ce genre de partition n'est pas nouvelle… solo de guitare interstellaire final obligatoire. Nova : ne nous laissons pas impressionner par les vagues sifflantes d’un vaisseau fonçant dans le vide, ce morceau transcrit le passage du nous au je, du rêve au réel, du scénario du film d’expédition spatiale ( sujet explicite de la vidéo  visible sur leur FB ) à l’individu qui déambule sur les trottoirs de sa ville en magnifiant dans sa tête sa quête intérieure en se utilisant les splendides images sorties de ses propres imaginations culturelles… Odyssey II : poursuite du voyage dans sa tête, reprise de paroles extraites de du premier titre, voix féminine de China Blue Fish, envoûtante, apaisante, méfions-nous du chant des sirènes orientales, la danse du ventre n'est pas le nombril du monde, même s’il vaut mieux sitar que jamais. Gaian dolls : que ne prophétisions-nous pas, après les arachnéennes vapeurs du rêve, voici des poupées bien plus terre à terre, après l’idée, la concrétude, un peu d’écho et une musique plus lourde pour marquer la réalité des étreintes charnelles, il est des triomphes qui sont aussi des défaites. Partagées. Retour à la case départ. Wise Guiz : les erreurs forment la jeunesse et font de vous des garçons avisés. Musique toute douce, la magicienne déçue a compris que le monde s’obscurcit… Une berceuse pour vous consoler d’un monde trop terne. Stone fruit I : arabesque du rêve, China Blue Fish, voix présente chair lointaine, elle chante lentement, gravement, une berceuse, une nursery rhymes folâtre. Très loin de la terre. Lunatique. Lunatic asylum disent les anglais. La substance du rêve n’est-elle pas tissée de cette étoffe… Gone too long : vent du désert, un larynx venu d’ailleurs et de nulle part te parle, tu es allé trop loin, il est temps de revenir, une voix féminine décrypte tes échecs, cherche dans ta terre natale, course haletante, un film que l’on rembobine, qui remonte à la source. La sentence est annoncée d’un timbre beaucoup plu clair, pas d’échappatoire possible. Stone fruit II : la revoici, la ballerine du rêve, la folle du logis, elle te surplombe, elle t’attire, elle te nargue, tu peux essayer de l’attraper, elle t’échappe, elle viendra bientôt, une autre fois, tu es en attente, elle n’est pas encore là, la musique papillonne et butine de fleur en promesse, elle incline sa corolle, serait-elle l’Eternel Féminin annoncé par Goethe à la fin de Faust…

    Musicalement l’album est davantage prévisible que les deux précédents. Miscellen construit toutefois une œuvre à part entière. Les lyonnais diront que les trois disques si différents communiquent par des traboules inopinées qui établissent d’étranges relations entre eux. A eux trois ils forment un tout assez complexe. Nous n’avons plus qu’à attendre le 26 août 2023 pour écouter Mandala II qui clôturera le I.

    Damie Chad.

     

    *

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,rockambolesques,blind uncle gaspard

    Dans Sa Ballad of Geeshie Wiley and Elvie Thomas - livraison 571 du 20 / 10 / 2020 – John Jeremiah Sullivan cite le nom d’Amanda Petrusich qui a consacré un livre aux collectionneurs de 78 tours. Un chapitre entier du book  intiyulé  Do not sell at any price : the wild, obsessive hunt for the world’s rarest 78rpm records est accessible sur le net. Elle y parle notamment de James McKune. Amanda Petrusich a commencé à rédiger ce livre pensant que ces obsédés de la galette inconnue devait être un peu frappés de la cafetière, aussi essaie-t-elle d’en rencontrer un maximum et de les faire parler de leurs passions et de ceux ( priez pour eux ) qui ont passé l’arme à gauche… Que recherchent-ils au juste ces dingues des vieux disques. Bien sûr elle récolte des noms d’artistes et des titres de morceaux dont plus personne ne se soucie depuis longtemps. Ce genre de réponse ne lui suffit pas. D’ailleurs elle-même que recherche-t-elle à savoir. Quel est l’intérêt de son enquête. Le sujet est original, il ne manquera pas d’attirer les lecteurs fans de blues, s’il se vend bien elle sera la plus heureuse, et ces collectionneurs quel véritable but poursuivent-ils, trouver la pièce qui manque à leur collection, et une fois qu’ils l’auront dénichée, qu’en auront-ils de plus, et elle une fois qu’elle aura recueilli leurs témoignages à part l’agréable sensation d’avoir mené son travail à bien qu’en aura-t-elle de plus ? A les écouter exposer leur passion elle a peu à peu l’impression de se regarder dans un miroir. N’est-elle pas comme eux. Ne leur ressemble-t-elle pas ? A peine ont-ils mis la main sur la perle rare qu’ils se lancent dans la recherche d’une autre. La quête – il s’agit bien d’une quête et pas d’une enquête – du Graal est infinie. Si vous avez trouvé le Graal votre vie est terminée. Ces fureteurs de vieilleries ne sont-ils pas des chercheurs d’absolu ? Son regard change. Ne mènent-ils pas leur vie comme ils l’entendent, en même temps prisonniers de leurs passions et forgerons de leur destin. Chaque homme dans sa nuit ne s’en va-t-il pas vers sa lumière. Comme elle, comme chacun, ils filent le fil de leur existence. Elle les prenait pour des toqués, et ne voilà-y-il pas qu’elle ressent une immense tendresse pour ces fourmis besogneuses qui fouillent de vieilles galeries que toute la fourmilière humaine a désertées depuis longtemps. Elle se rit d’eux pour mieux se moquer d’elle-même, telle est prise à son propre piège. Toute misère humaine est splendide. L’on cherche ou l’on écrit pour échapper à sa finitude. Sans cette tension vers des objets insignifiants ( qu’ils soient des disques ou nos misérables égos ) nous ne sommes rien. Ou alors la vanité de notre néant. Mieux vaut s’en moquer qu’en pleurer. Porter un disque ou un coquillage à son oreille n’est-ce pas pour entendre quelque chose qui nous dépasse, le bruit des choses mortes qui nous semblent revivre, serions-nous des sorciers qui redonnons vie au temps passé, ou des imbéciles qui n’entendent que la rumeur de leur sang qui bat dans leurs veines. Pour encore combien de temps…

             Ce qui n’empêche pas Amanda Petrusich d’avoir du goût. Ainsi elle est subjuguée par la tristesse de Last kind words blues de Geeshie et Elvie. Elle cite aussi un autre morceau qui lui procure une semblable émotion : Au bord de l’eau d’Uncle Gaspard. Je ne connais pas, je cherche – discogs, YT – je trouve. En fait je ne trouve pas ce que je cherche. J’aurais désiré un disque ou un CD de Blind Uncle Gaspard. Déjà sur les cinq  Shellacs originaux il n’y en a qu’un qui est totalement crédité à l’oncle aveugle sur lequel il chanterait et jouerait tout seul. Le plus souvent il partage les plages avec Delma Lachney (violon ) et sur les rééditions il laisse la place à John Bertrand ( vocal et accordéon ). Je ne chroniquerai que les morceaux d’Uncle Gaspard, pour une raison suffisante, un américain qui chante en français faut l’encourager. A part le groupe Forêt Endormie, je n’en connais pas d’autres…

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,rockambolesques,blind uncle gaspard

             L’a toutefois moins de mérite que Forêt Endormie ( voir livraison 509 du 06 / 05 / 2021 ) qui sont des ricains entichés de poésie symboliste et de musique française, Uncle Gaspard vient de Louisiane, ancienne colonie française… L’on ne sera donc pas étonné que ces enregistrements aient reçu la dénomination Rare Cajun ou Earlier Cajun Recordings !

    Au bord de l’eau : face B du premier 78 tours paru chez Vocalion en 1929. Un petit détail amusant : sur YT le morceau est crédité de plus de trois cent soixante mille vues, les autres dépassent rarement le millier. Il semble que le livre d’Amanda Petrusich lui ait donné un coup de pouce : c’est sûr que cet accent traînant à la limite du moutonnement n’est pas de l’anglais, l’ensemble ressemble aux vieilles chansons du folklore français, l’est vrai que la guitare imite le bruit de l’eau qui goutte et coule, elle produit une certaine impression de tristesse impassible rehaussée par les paroles qui s’acheminent vers le dernier couplet dont la triste fin n’est pas sans rappeler Sur le pont de Nantes. Le texte d’une apparente limpidité laisse planer le mystère, il ne m’étonnerait pas que ce traditionnel dût comporter beaucoup plus que six couplets. N’empêche que la litanie est prenante et que l’on y revient tel un serial killer sur les lieux de ses crimes. Natchitoches : l’on comprend pourquoi elle était en A. Plus gaie – quoique,  à mots couverts et pudiques, l’on ne nous dise pas que la belle est morte – et surtout à la moitié du morceau ce long passage siffloté, ardent comme de la braise qui meurt. Est-ce que ces doubles vers systématiquement répétés auront influencé la structure du blues ? Mercredi soir passé : grésillances… l’on croit que l’on part pour un blues, mais non l’on se retrouve en une ballade, l’on serait tenté de traiter la guitare de musique d’accompagnement, une fois qu’elle est partie elle ne varie pas d’un iota, elle est la trame sans cesse renouvelée et c’est le vocal qui se charge des inflexions, elle agit comme si elle saupoudrait ce qui n’est même pas une rythmique de gouttes de blues. Assi dans la fenêtre de ma chambre : toujours cette guitare qui chantonne par-dessous, et la voix qui pleure sans trop y croire, elle est partie, pas de cris, pas de drame, c’est ainsi, dans l’ordre des choses qui ne durent pas, on préfèrerait que… mais tu es partie. Pourquoi se révolter contre le désordre du monde. Les chansonnettes d’Uncle Gaspard sont aussi cruelles que la vie.      Shoot mortifère en intraveineuse.   Avoyelles : Uncle Gaspard est à la rythmique et Delma Lachney est au violon, c’est lui qui mène le bal. Les filles ne voient que lui. Gaspard produit avec sa guitare le même son qu’il produirait sur une washboard, vous martèle le rythme sans équivoque, fonce droit devant, jamais une accélération, jamais un ralentissement, l’est loin d’être le guitar hero des seventies. L’est pourtant né à Avoyelles ! Marksville blues : ne porte pas le mot blues par hasard dans son titre, prononce les mots de telle manière que sur les premières mesures l’on croit qu’il chante en anglais, dès que vous avez saisi les consonnances de par chez nous le chant se balladise quelque peu, guitare simpliste sur deux notes qui ne déraillent jamais, vous cherchez la blue note, vous ne la trouvez pas, pourtant vous n’y voyez que du bleu. Baltimore Wallz : le violon de Delma Lachney et Gaspard qui gratouille à sa manière, une assise de fer ou de béton armé. Oui mais si pris par un doute l’on s’en va écouter Django et Stéphane Grapelli leur duo fonctionne de la même manière, certes tous deux vous pondent cascades de notes et d’effets au mètre cube, mais le violon tourbillonne et la guitare garde la tête froide.

    Damie Chad.

     

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    (Services secrets du rock 'n' roll)

                          Death, Sex and Rock’n’roll                          

    gallo's pole & farlowe à la bouche,harold bronson,matt patton,dream syndicate,jackie day,miscellen,rockambolesques,blind uncle gaspard

                        

    EPISODE 3 ( DELIBERATIF ) :

    17

             Ah, la douce quiétude du local ! Le monde semblait être revenu à sa place, le Chef allumait un Coronado, Molossa et Molossito dormaient devant leurs écuelles vides, je consignai quelques notes sur mon autobiographie, ces Mémoires d’un Génie Supérieur de l’Humanité, dont les lecteurs de Kr’tnt ont l’immense privilège de consulter de temps en temps quelques précieux aperçus.

             Le Chef alluma un nouvel Coronado. Peut-être un jour une civilisation plus avancée abandonnera-t-elle le stupide découpage temporel de la division du temps en heures à durée fixe pour la remplacer par celle de la flexible temporalité variable et modulable à l’infini de la fumation d’un Coronado. Prenons un exemple concret : vous décidez que vos huit heures de travail et de fatigue journaliers seront remplacées par un Coronado Expeditissimo qui se consume en cinq minutes : votre journée d’effort participatif à l’élévation du PIB national est ramenée à quarante minutes. Pour la pause déjeuner de 45 minutes vous lui donnez la longueur d’un Coronado Longitudissimo Maximito qui exige cinq jours de préparation mentale vous bénéficiez illico d’une pause de cinq jours… Question heideggérienne subsidiaire : les nouveaux rapports au Temps modifieraient-ils notre rapport à l’Être ?

    • Agent Chad si vous me faisiez le plaisir d’interrompre l’écriture de vos mémoires, je ne doute pas qu’un jour ou l’autre leur édition vous vaudra le Prix Nobel, toutefois j’aimerais que nous revenions sur nos aventures de la veille.
    • Chef, je vous dois une fière chandelle, sans vous j’étais mort !
    • Sans doute en dois-je encore une plus grande à vos deux chiens, sans eux je ne me serais jamais retrouvé, pour le dire vite, à l’intérieur de la pochette de Black Sabbath
    • Expliquez-vous Chef, je ne comprends pas, en quoi Molossa et Molossito vous ont-ils aidé ?

    Le Chef alluma un nouveau Coronado, il expira lentement une première bouffée et se mit à parler d’une voix grave :

    • Depuis deux mois j’ai passé tous mes weekends dans la forêt de Laigue. Je la connais par cœur, j’ai parcouru toutes ses allées, l’ensemble de ses chemins et le moindre de ses sentiers. Elle est magnifiquement entretenue, propre, nettoyée, parfaite pour les promenades familiales. Si je vous ai offert l’exemplaire des Contes de Charles Perrault, je voulais savoir si avec encore moins d’indices que moi, par vos  seules déductions vous arriveriez au même résultat que moi. Je vous ai suivi, j’ai été très heureux de voir que vous vous dirigiez vers Armancourt…

    Molossa et Molossito dressèrent l’oreille. Pour ma part j’étais tout ouïe. Il y eut un moment de silence durant lequel le Chef alluma un Coronado. 

    • Par contre j’ai très vite compris, comment dire… qu’à votre suite je ne pénétrais pas dans la forêt habituelle, sa physionomie avait changé, un peu comme si elle s’était ensauvagée, plus vous avanciez, plus il était difficile de progresser jusqu’à ce rideau d’arbres impénétrable… Un peu comme si nous avions pénétré dans un autre espace-temps…
    • Quant à moi Chef, je me demande pourquoi mes balles n’ont eu aucun effet sur la Mort alors qu’une seule des vôtres a suffi à la désintégrer.

    Le Chef esquissa un sourire. Je crus qu’il allait allumer un Coronado, mais non, il se contenta d’appuyer son index sur un bouton de son bureau. Derrière lui se déroula un large écran de home-cinéma.

    • Enfantin Agent Chad. Votre Rafalos 17 est un excellent joujou. Pour ma part je me suis acheté la nouvelle mouture, le Rafalos 19, vous savez c’est comme pour les portables, ils renouvellent la gamme tous les ans. Pour cinq cents dollars ils fignolent une nouvelle fonction gadget qui ne vous sert à rien. Ainsi le Rafalos 18 émettait une sonnerie lorsque votre grille-pain éjectait votre tartine. Pour le Rafalos 19, ils ne se sont pas foulés, ont juste rajouté une caméra qui se déclenche lorsque vous tirez, ainsi vous pouvez visualiser le trajet de votre balle. Nous allons donc suivre sur grand écran la balle que j’ai envoyée en la pleine tête de la Mort. Attention c’est très rapide, évidemment j’ai ralenti l’image au maximum.

    En effet ce fut rapide. A gauche du Rafalos 19 l’on distinguait une partie de mon menton, le Chef s’était servi de mon épaule pour poser le canon de son Rafalos, droit devant le squelette de la tête de mort souriait, au fond de l’orbite de ses yeux brillait une lueur de braise, tout se disloqua en une fraction de seconde, la balle se perdit au loin…

    • Voyez-vous agent Chad, ce n’était pas un mannequin ou une entourloupe quelconque, la lueur de haine qui brillait au fond de la cavité de ses yeux nous l’assure. C’était bien la Mort. Vos balles ne lui faisaient ni chaud ni froid, la mienne non plus, quand elle s’est aperçue qu’elle était filmée au plus près elle s’est hâtée de se dématérialiser. Nous n’avons pas été victime d’une manipulation initiée par un ennemi humain, c’est la Mort en personne qui nous a pris en chasse. D’ailleurs nous n’aurions pas eu besoin de cette caméra pour le savoir, nous possédions déjà un indice suffisant.
    • Lequel Chef ? Je ne vois pas !
    • Agent Chad, c’est facile. Tous mes dimanches à arpenter la forêt de Laigue et la mort ne s’est jamais manifestée ! La première fois que vous vous y rendiez elle est là, cherchez l’erreur !
    • C’est donc la présence de Molossito et de Molossa qui l’ont amenée, il est vrai que dans les diverses mythologies, le chien est un animal psychopompe qui conduit les âmes vers le royaume de la Mort !
    • Agent Chad, notre ennemi n’est pas de tout repos. Procédons avec ordre et méthode. A tout hasard filez au point-presse, ramenez toute la paperasse locale du département de l’Oise. En l’épluchant peut-être découvrirons-nous un détail quelconque sur ce qui s’est passé hier dans la forêt de Laigue.

    18

    Les chiens étaient survoltés. Ils descendirent les escaliers quatre-à-quatre ce qui est assez normal pour des quadrupèdes. Ils firent irruption bien avant moi dans le magasin en aboyant de toute leur force. Peut-être aujourd’hui auraient-ils droit à leur bocal favori. Celui qui contenait les Carambars. Des heures à mâchouiller, ils adoraient. Quand quelques secondes après eux je pénétrais dans la boutique, je les entendis gémir pitoyablement, deux clientes faisaient triste mine, la patronne au comptoir se tamponnait les yeux.

             - Oh ! Monsieur Chad, une triste nouvelle, Mlle Alice est morte hier, d’un seul coup, il devait être un peu moins de 15 h 30, elle était en train de ranger une revue, elle a porté la main à son cœur, elle a dit aië ! et elle s’est affalée par terre. Les pompiers n’ont pas réussi à la ranimer. Le médecin qui les accompagnait a établi un constat de décès pour crise cardiaque. J’ai téléphoné à ses parents, ils n’habitent pas loin, ils sont arrivés très vite, ils n'ont pas voulu que le Samu l’emmène à la morgue, ils ont exigé que l’ambulance ramène le corps chez eux. Ils étaient si malheureux que les autorités n’ont pas osé s’y opposer. C’est terrible Monsieur Chad, vous devez être peiné, elle aimait beaucoup vos chiens, mais je pense qu’elle vous aimait encore plus qu’eux…

    19

    Nous revînmes au local le cœur lourd. Molossa serrait les dents. Molossito chouinait de temps en temps. Un peu moins de 15 heures trente, à peu près l’heure exacte où la Mort avait posé ses doigts osseux sur mon cœur… Elle ne m’avait pas tué, en échange de ma vie elle avait pris celle d’Alice. Plus tard le Chef m’a révélé que lorsque je suis rentré au local, il avait eu l’impression que dans mes yeux brûlait une lueur rouge de haine. Ce n’était pas une impression, une terrible résolution était en train de se forger dans mon esprit : moi Agent Chad, je me jurai d’engager un duel à mort avec la Mort et de la tuer.

    A suivre