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  • CHRONIQUES DE POURPRE 652 : KR'TNT ! 652 : BUZZCOCKS / COSMIC PSYCHOS / HOMER BANKS / EBO TAYLOR / GHOST WOMAN / ROCKABILLY GENERTAION NEWS 30 / BILL CRANE / AIVVASS / SERPENT NOIR

    KR’TNT ! 

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 652

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    O4 / 07 / 2024 

     

    BUZZCOCKS  / COSMIC PSYCHOS

    HOMER BANKS / EBO TAYLOR / GHOST WOMAN

    ROCKABILLY GENERATION NEWS

    BILL CRANE / AIVVASS / SERPENT NOIR

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 652

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://krtnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Alors, ça buzz, cock ?

    (Part Three)

     

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             As-tu vraiment besoin de lire un livre pour savoir que Pete Shelley est un Wizard & une True Star ? Non, mais tu le lis quand même. Pourquoi ? Parce que Sixteen Again - How Pete Shelley & Buzzcocks Changed Manchester Music (And Me) est un book de fan à l’état pur. L’ex-Fall Paul Hanley est même un fan de la première heure. Comme pas mal de kids à Manchester, il est tombé en 1976 sous le charme des Buzzcocks. Il faut se rappeler que Spiral Scratch eut à l’époque autant d’impact sur les becs fins en herbe qu’«Anarchy In The UK» et «New Rose».

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             Bon, c’est vrai, Paul Hanley n’est pas Nick Kent. Ni Andrew Loog Oldham. Il se contente de rester fan et ne cherche pas à devenir écrivain. Il n’a pas vraiment de style, juste une bonne mémoire et une grosse énergie. Il est en outre extraordinairement bien documenté. Le book grouille d’infos. Et la cerise sur le gâtö, c’est qu’Hanley cite Pete Shelley en permanence, et là on se régale, car Pete Shelley est avec John Lydon le meilleur «théoricien» du punk. Pour lui, le punk c’est de l’art - Le punk m’a permis de justifier le bruit que je faisais. J’ai toujours pensé que Devoto et moi étions comme Gilbert & George. En voyant les choses sous cet angle, tu peux faire tout ce que tu veux et appeler ça de l’art - Il formule une évidence. Pete Shelley a créé et vécu le punk comme Tzara et Picabia ont créé et vécu Dada. C’est exactement la même approche. Ailleurs Pete Shelley rend hommage au génie provocateur de Johnny Rotten : «À l’époque, dire au public d’aller se faire foutre, c’était extraordinaire. Mais aussi hilarant. On a perdu de vue l’aspect comédie du punk. D’une certaine façon, le punk était le Théâtre de l’Absurde, il fallait  provoquer pour obtenir une réaction. Les Pistols ne tenaient qu’à un fil. On sentait que ça pouvait s’écrouler à tout moment.» Le regard que porte Pete Shelley sur le punk est d’une finesse extrême. Il en fut l’acteur, le pionnier, mais aussi l’observateur. C’est un peu comme si seuls son regard et celui de John Lydon comptaient, certainement pas celui des journalistes rock, mis à part Nick Kent, bien sûr. Pete Shelley rend le plus bel hommage qui soit aux Pistols : «Il y avait une mélodie, ce n’était pas du bruit pour du bruit, c’était viscéral, très chargé, très vivant. En les voyant jouer, Howard et moi avons décidé que s’ils pouvaient jouer comme ça, on pouvait aussi le faire. Alors on s’est attelé à la tâche : transformer notre rêve en réalité.» Il rappelle plus loin qu’au premier gig des Pistols qu’il ont organisé Howard et lui à Manchester, il n’y avait que 42 personne, mais ce gig a transformé la vie de ces 42 personnes qui après ont opté pour des activités créatives. Et Steve Diggle ajoute qu’à la première répète des Buzzcoks, avec Pete et Howard, ils étaient tous les trois motivés par ce gig des Pistols - The feeling that you don’t need money, you just need ideas - C’est tout l’esprit de Spiral Scratch. Pas de moyens, mais un EP révolutionnaire. Et Pete de surenchérir : «La seule chose qu’il faut se rappeler, c’est que le punk était une idée.» 

             Pour un kid de Manchester, les Buzzcocks, The Fall et Joy Division constituent la Sainte Trinité. Mais il précise que The Fall et Joy Division parlaient à sa cervelle alors que les Buzzcocks parlaient à son cœur. Il sentait en outre une certaine vulnérabilité et une chaleur dans les chansons de Pete Shelley, des qualités qui n’étaient pas vraiment de mise chez les autres punksters.

             Et pouf, c’est parti. Première grosse influence de Pete Shelley : les Beatles ! Il apprend à jouer et à composer en bossant sur le songbook des Beatles - J’ai appris en jouant sur les chansons des Beatles, puis j’ai étudié celles de T. Rex, puis celles David Bowie et du Velvet Underground. J’ai appris en jouant along with the records - Le premier groupe qu’il voit sur scène, c’est celui de Marc Bolan, en 1973, puis Bowie. Il est au premier rang. De son côté, Howard Devoto ne se nourrit que de Bowie, de Velvet, de Stooges et de Roxy. Howard et Pete étaient donc faits pour s’entendre. Kindred spirits, comme on dit en Angleterre.

             Alors il leur faut un nom pour le groupe. On demande à Julie Covington qui fait Dee, dans le TV show Rock Follies, pourquoi elle veut jouer dans un groupe. Alors Dee dit : «It’s the buzz, cock», cock étant nous dit Hanley un terme affectueux dans le Nord de l’Angleterre. Pas de connotation sexuelle. On peut dire cock aussi bien à un mec qu’à une gonzesse. Alors ça va, cock ? - Buzzcock has never actually been a slang term for a sex toy - Hanley a raison de redonner ces précisions : cinquante ans d’ignorance crasse ont conduit pas mal de gens en France à croire qu’on parlait de bite avec Buzzcocks.

             Maintenant, Howard et Pete ont besoin d’un bassman. C’est là que Steve Diggle entre en lice. Un Diggle qui toute sa vie sera marqué par des accidents. Grave accident de voiture à 17 ans, son pote Alan Hughes y casse sa pipe en bois et là, Steve Diggle jure qu’il va vivre to the full, et ça veut dire entrer dans un groupe - C’est là que j’ai juré de former the best fucking band I could and I’d do it for him - c’est-à-dire pour Alan Hughes. On reviendra sur les accidents un peu plus loin. Steve Diggle les collectionne.

             Maintenant il leur manque un batteur. Voilà John Maher, 16 ans, grand fan de Blondie. Il a même appris à battre le beurre en écoutant Clem Burke sur le premier Blondie. Il voit l’annonce dans le Melody Maker et rejoint les Buzzcocks. Une fois de plus, on se régale car Hanley donne tous les détails de la plus fascinante des phases qui est celle de la formation d’un groupe. Et quel groupe !

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             Comme tous les apprentis sorciers, les Buzzcocks commencent par taper des covers : «I Can’t Control Myself» des Troggs, «Steppin’ Stone» des Monkees, «Don’t Gimme No Lip Child» des Pistols, «I Love You Big Dummy» de Captain Beefheart. Jolis choix. Pete Shelley casse sa Stairway en deux lors d’une répète et il prend l’habitude de jouer sur une demi-Stairway, alors les Buzzcoks deviennent le groupe with half a guitar. Il faut voir les docus d’époque en noir et blanc. C’est wild as fuck ! À l’époque, Devoto ne jure que par les trois albums des Stooges. Tout le reste l’ennuie profondément. Quant à Pete Shelley, il aime bien dire que sans Marc Bolan et Michael Karoli de Can, il n’aurait jamais appris à jouer de la guitare. Il adore aussi Bowie qui n’en finit plus de citer le Velvet, Iggy & The Stooges et William Burroughs dans ses interviews.  Voilà donc le terreau dans lequel les Buzzcocks plongent leurs racines.

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             En octobre 1976, ils payent 45 £ pour 4 heures au studio Revolution, à Cheadle Hulme, une banlieue de Stockport, au Sud de Manchester. Ils enregistrent leur répertoire. Puis Pete Shelly monte New Hormones, le label du groupe, pour pouvoir sortir Spiral Scratch. Il faut un petit budget pour produire et fabriquer l’EP. 300 £ ! Ce sont les parents de Pete, Johnny et Margaret McNeish qui filent le blé. Pete dit que son père a fait un emprunt pour sortir les 300 £. Pete dit à son père que c’est une bonne idée et qu’il peut lui faire confiance - Je ne crois pas qu’il ait attendu que je le rembourse - Ils enregistrent en décembre 1976 chez Indigo, un studio 16 pistes installé dans le centre de Manchester. Ils profitent d’un prix réduit, car ils enregistrent le 28, entre Noël et le Jour de l’An. Ils enregistrent en live, mais avec des écrans de séparation - Everyone could play as loud as they wanted - John Maher indique que Pete s’est inspiré du «Canyon Of Your Mind» des Bonzo Dog Doo-Dah Band pour gratter les 2 notes de son solo sur «Boredom». La séance d’enregistrement dure trois heures. C’est vite plié. Pour la pochette de Spiral Scratch, ils choisissent un polaroid pris, nous dit Hanley, sur les marches de la statue de Robert Peel, in Piccadilly Gardens. Ils récupèrent les EPs chez le fabricant puis font des envois. Et ça marche tout de suite. Le Rough Trade shop en réclame 200. Les Spiral Scratch partent comme des petits pains. On en voit même en Normandie, alors t’as qu’à voir ! - It spiralled out of control ! - Les 1 000 premiers exemplaires sont sold-out en 4 jours. Avec l’argent des ventes, Les Buzzcocks en font represser d’autres. Howard Devoto offre une copie de Spiral Scratch à Iggy et lui dit : «I’ve got all your records. Now you’ve got all mine.» Ils en sortent en tout 16 000 ex, puis ils arrêtent les frais. Et c’est là qu’Howard Devoto jette l’éponge !

             Quand il quitte les Buzzcocks, c’est dit-il parce qu’il se lasse du train-train des concerts où on joue toujours les mêmes cuts. Et puis, il ne se sent pas aussi motivé que les autres. Pour Steve Diggle, c’est une bonne aubaine. Il passe de la basse à la guitare et ça devient autre chose, dit-il, avec deux guitares.

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             Et puis, tu vas tomber sur le témoignage de Walter Lure qui était en Angleterre à l’époque, extrait qu’Hanley tire de To Hell And Back. Walter voit les Buzzcocks sur scène et explose de rire, bon, il dit que c’était a good band, mais il est plié de rire en voyant la guitare sciée en deux, it looked ridiculous, et il jouait si fort que le chanteur était obligé de tout hurler, et en plus ils fonçaient à 200 à l’heure, it was so fucking funny. Mais Walter ajoute qu’ils vont vite s’améliorer.

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             C’est l’occasion ou jamais d’écouter un fantastique bootleg, Time’s Up, paru sur Voto quelque part dans le temps. On y retrouve les coups de génie de Spiral Scratch, of course, mais aussi une belle cover de «Can’t Control Myself». Pur jus de Chester sound, bien foutraque, mal coiffé, avec des carottes dans les cheveux. C’est là que le pah pah pah des Troggs prend tout son sens : ça devient moins poppy et plus raw des pâquerettes. Avec «Friends Of Mine», Howard nous sort son meilleur cockney strut. Fantastique dynamique ! Le cut exulte, avec la basse qui broute le pré carré. Une vraie brouette de brouet ! En B, ils pondent l’un des grands standards de punk-rock mélodique avec «Breakdown». Howard va chercher son cockney d’institut technologique et on tombe ensuite sur l’ineffable «Time’s Up» hanté par des chœurs de génie. C’est l’un des hauts lieux du rock anglais. On peut dire la même chose de «Boredom», avec son solo sur deux notes pendant que le bassmatic voyage dans sa mesure. Utter punk ! Bodum bodum ! C’est tarabusté à la basse de petite vertu alors que Pete reste sur son tili-tili-tili. Just perfect.

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             Le groupe va ensuite prendre sa vitesse de croisière. Steve Diggle est passé à la gratte et Garth Smith arrive avec sa basse. Andrew Lauder qui a adoré Spiral Scratch signe les Buzzcocks sur United Artists. Le problème c’est que Garth est colérique et il s’en prend principalement à Pete qui n’a peur de rien, ni de personne. Hanley nous emmène en tournée avec le groupe et on assiste à tout le ramdam d’une tournée punk en Angleterre, sous les crachats. Sur scène à Leeds, Garth insulte les gens. Après le concert, le groupe monte dans la bagnole pour quitter la ville et quelqu’un tape à la vitre, alors Garth baisse imprudemment la vitre et il prend un tas en pleine gueule. Paf ! Pete : «He wasn’t the world’s luckiest man.»

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             Toute la grandeur des Buzzcocks repose sur Pete et ses compos. Il crée un genre qu’on peut qualifier de fast power-pop, et qui va inspirer nous dit Hanley des tas de gens, notamment les Undertones, Ash et Green Day - L’idée n’était pas de sonner comme les Sex Pistols, dit Pete, qui redit à la suite sa passion pour Can et Neu! - C’est l’occasion ou jamais de réécouter ce qui est sans le moindre doute le meilleur album des Buzzcocks, Singles Going Steady. T’en prends plein la barbe dès «Orgasm Addict» et cette fantastique énergie de chant de délinquance juvénile. Art total et modernité fulgurante, voilà les deux mamelles des mighty Buzzcocks. Pete te singe l’orgasme, ahhhh ahhhhh, et ça débouche sur «What Do I Get», le hit fondateur de l’Occident chrétien, un hit qui repose sur la dalle d’un rumble de basse. Tu as là du pur génie civilisationnel. Pete te chante comme le roi des décadents. Te voilà une fois encore au sommet de ce que peut te proposer le rock anglais. Pete est encore plus décadent sur «I Don’t Mind», punk genius d’aïe aïe aïe. Toute l’énergie punk est là. Il amène son «Love You More» au I’m in love again, les autres font oh oh, et tu vois Pete monter son love you more au sommet de l’Ararat, alors tu fais oh oh avec les autres. Ça enchaîne aussi sec sur l’intro mythique d’«Ever Fallen In Love». Pete entre dans le chou du lard à l’émotion pure. Les Cocks buzzent encore à 100% sur «Promises», avec le fast & furious How could you ever let me down. T’es toujours au sommet du genre et t’es encore plus au sommet avec «Everybody’s Happy Nowadays», sans conteste leur plus beau hit de résonance universelle, avec le refrain du diable, l’expression pure et dure du génie atomique de Pete Shelley. L’impact de Buzzcocks est le même que celui des Beatles. «Everybody’s Happy Nowadays» est imbattable, c’est l’un des plus grands singles de l’histoire du rock anglais, avec «Arnold Layne», «Anarchy In The UK», «Jumping Jack Flash» et «Strawberry Fields Forever». Pas la même chose avec «Harmony In My Head» : Steve Diggle chante, il passe en force et il a derrière lui tout le power des Buzzcocks. Et ça repart en B en mode wild as punk avec «What Ever Happened To?», pur Buzz blow-out de Chester punk. Puis le filon va se tarir. La fin de la B est moins glorieuse. On passe à travers la plupart des cuts, sauf «Lipstick» que Pete attaque à la pointe de la glotte. Il en profite pour récupérer la carcasse du «Shot By Both Sides» qu’il a filé à Howard Devoto. Il tape ça au chat perché excédentaire. Pete Shelley est l’un des chanteurs les plus fascinants d’Angleterre.  

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             Puis il va s’épuiser, déprimer et menacer de quitter le groupe - J’étais très désillusionné. I really wanted to hit Buzzcocks on the head - it had become too much of a burden - Il existe aussi une tension entre Steve Diggle et lui : ils composent tous les deux, mais Pete passe ses compos en priorité. C’est Diggle qui compose «Harmony In My Head», mais Pete vole le show avec sa guitar line. Les tensions, oui, mais aussi tout le bataclan qui va avec la vie sur la route. Steve Diggle : «On était comme les empereurs de Rome qui ne voyaient pas que the place was burning down. We were having the orgies, and the drink and drugs, the coke binges and now it was crystal meth and the first signs of heroin.» Pendant les sessions d’enregistrement, la dope coule à flots - Cocaine, acid and heroin were the order of the day - Pete se souvient que c’était «quite chaotic. On allait en studio et on attendait que les drogues arrivent, où qu’elles fassent effet. I dropped a tab of acid every day that I worked on ‘Are Everything. I was in ‘the zone’, so to speak, on every part of that song.» Steve Diggle se souvient que le recording «was insane» - We were tripping so much we didn’t know what the fuck we were doing - Steve Garvey confirme tout le bullshit : «Bosser avec Martin Hammett était un désastre. Steve et Pete prenaient du bon temps parce qu’ils étaient totalement fucked up on all kinds of shit.» Personne ne prend la mesure de la pression que subit Pete en tant que leader du groupe. Il n’est pas taillé pour ça. Steve Garvey : «Composer hit après hit n’était pas facile pour lui, and he got into some heavy drugs.» Pete ne se rase plus et ne fait plus aucun effort pour plaire aux gens. Ils se retrouvent un jour en studio sans compos, sans producteur et Steve Diggle perd patience : «Pete allait mal, physiquement et mentalement. Je n’ai pas été surpris quand il a demandé à nous voir dans sa chambre d’hôtel pour annoncer qu’on allait prendre un an de congés et recharger nos batteries.» Belle façon d’arrêter les machines. Mais en 1981, John Maher, Steve Garvey et Steve Diggle reçoivent un courrier officiel du management : les Buzzcocks n’existent plus. Maher le prend mal et fait la gueule à Pete pendant des années. Pour Steve Diggle, c’est un coup de fourbasse et de lâche.

             Et comme toujours, après le split vient la reformation, en 1988. Même Pete est content.  Le moteur est bien sûr un gros billet. Pete et Steve espèrent alors que les 8 ans passés ont apaisé les ressentiments et éteint les volcans. Mais la tension entre Pete et Steve existe toujours. Terrible fights, dit Steve Garvey. Steve Diggle veut plus de compos à lui sur le nouvel album. Puis Tony Barber et Phil Barker entrent dans le groupe en remplacement de John Maher et Steve Garvey, démissionnaires.

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             C’est avec cette nouvelle section rythmique qu’ils enregistrent Trade Test Transmissions qu’Hanley qualifie de «most musically satisfying album» de la reformation. Il ajoute que «Who’ll Help Me To Forget» est «the best one the re-formed group ever recorded.» Mais après «Do It» et «Innocent», on devait se taper une interminable série de cuts médiocres, suivis de deux bonnes surprises : «Energy», un vrai standard punk, où Pete enfonce l’E d’Energy et soigne ses chutes, pendant que derrière les autres font oh-oh, le tout arrosé d’un killer-solo d’anthologie qui arrive en dérapage contrôlé. Puis «Crystal Night», amené par une intro monstrueuse et chanté avec une morgue épouvantable. Morceau du même niveau qu’«ESP» ou «Everybody’s Happy Nowadays», classique demented qu’on réécoute plusieurs fois d’affilée pour faire durer l’extase. Peu de groupes savent provoquer une telle excitation. Pete Shelley détient ce pouvoir magique.  

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             En 1998, ils enregistrent Modern, dont on a dit grand bien ici même en 2014, après avoir vu le groupe sur scène à Saint-Germain-En-Laye. Et puis en 2001, Steve Diggle se paye un horrible accident de scooter en Grèce qui lui abîme la main gauche, au point qu’il doute de pouvoir un jour regratter une gratte. On lui fixe un plaque dans le poignet, et ça marche. Il vient tout juste de refaire l’actu avec un autre accident de scooter : dans Mojo, tu tombes sur une photo de Steve scalpé. Il vient de se payer un nouveau scoot crash-boom ! - I had a bit of a scooter accident in Highgate - Comme il a un trou dans le scalp, il rase tout le reste - It symbolises a new start - Le onzième album est répété, il ne reste plus qu’à l’enregistrer. Juin ou juillet, dit-il. Holloway Road, mais pas chez Joe Meek. Steve profite de l’article pour dire qu’il voit arriver la fin des haricots : «I’m in the fast lane now. You can see the end of life in some ways.» Eh oui, Steve, toutes les bonnes choses ont une fin, même les Buzzcocks. S’il pense encore à Pete ? Ben oui, mais il faut avancer, dit-il. «You’ve got to keep moving, otherwise I’d be in a fucking lunatic asylum.» De toute façon, il sait qu’il va le revoir, son pote Pete - I’ll be seing him before I know it - Il annonce aussi qu’il ressort un book, ce sera le deuxième : on l’attend de pied ferme.

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             En 2014, les Buzzcocks enregistrent The Way, et Steve Diggle prend progressivement la main dans le groupe. Il compose une bonne moitié des cuts et ce sont eux qui flattent vraiment l’oreille. Pete Shelley semble traverser une mauvaise passe. Et pourtant son «Keep On Believing» qui fait l’ouverture du balda sonne comme un gros classique de power-pop à la buzz-buzz. C’est joliment roulé dans la farine de basse. Il faut dire que Chris Remington est un fucking dynamic bass master ! C’est idéal pour l’avenir du buzz-buzz. Avec «People Are Strange Machines», Steve prend la main. On voit bien qu’il ne vit que pour ça et rien ne pourra jamais l’empêcher de grimper sur scène avec sa Tele. Sacré punch. Ses compos restent incroyablement solides. Toujours du Steve avec «In The Black» et son vieux cocotage mancunéen. Il adore les sentiers battus du rock anglais. Son truc n’est pas de surprendre, il se contente de jouer du rock et d’envoyer des refrains élégants bardés de chœurs classiques. Il connaît toutes les ficelles et notamment celle du stomp qu’il sort pour «Third Dimension». C’est le stomp qu’il te faut. Steve connaît les bons stratagèmes. Brillant, efficace et venant d’un mec comme Steve Diggle, bienvenu. Pete Shelley revient au punch cockney avec «Out Of The Blue» Il n’a rien perdu de son mordant. Il sort là une belle compo un brin heavy, allumée aux riffs gras et aux remontées de teintes gluantes. S’ensuit un petit coup de génie signé Steve Diggle : «Chasing Rainbows/Modern Times» qui sonne comme un hymne. C’est amené par un beau brouet d’accords et paf, Steve nous pond le hit du disque. Édifiant ! C’est là que se niche la grandeur des Buzzcocks.

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             Et puis voilà : Pete casse sa pipe en bois en 2018, en Estonie. Alors Steve Diggle décide de continuer le groupe. Il a la bénédiction de Pete, qui est venu le trouver après l’un des derniers shows qu’ils ont fait ensemble - Il m’a dit : ‘Je veux juste me retirer, Steve. Mais je veux que tu continues. Tu as ma bénédiction.’ Et je lui ai dit : ‘Tu ne peux pas arrêter maintenant, on a encore des tas de trucs à faire.’ Ça m’aide beaucoup d’avoir la bénédiction de Pete, mais la situation est très étrange. Thing is tough. Pete est mort, et si je ne continue pas le groupe, ses chansons vont mourir elles aussi.

    Signé : Cazengler, triple Buzz

    Buzzcocks. Singles Going Steady. United Artists Records 1979

    Buzzcocks. The Way. BUZZP 001 2014

    Buzzcocks. Time’s Up. Featuring Howard Devoto. Voto

    Paul Hanley. Sixteen Again - How Pete Shelley & Buzzcocks Changed Manchester Music (And Me). Route 2024

     

     

    L’avenir du rock

    - Cosmic Trip

     (Part Two)

             Toujours intéressé par les conneries, l’avenir du rock décide pour se distraire de monter ce qu’il appelle «un coup faramineux». Il sait qu’il va dépasser les bornes, mais il y va quand même. Ceux qui l’approchent d’assez près savent qu’il est un peu caractériel, et que ça fait partie de son charme. Il part du principe qu’il faut savoir faire le con, car sinon, à quoi servirait la vie ? Pour mettre son «coup faramineux» en œuvre, il commence par se déguiser en femme. Allez hop, la perruque, le rouge à lèvres, le sous-tif bombardier, le haut minimal panthère, la mini-jupe en cuir, les bas résille et les talons hauts. Cette crapule d’avenir du rock ne lésine pas sur la décadence. Ça fait partie du jeu. Allez hop, il monte dans sa bagnole et prend la direction du motel de Norman Bates, là-bas, à la sortie de la ville. Allez hop, il se gare devant le bureau du motel. Il voit bien la maison sinistre en surplomb, avec la momie de la mère de Norman Bates derrière le rideau, à l’étage. Allez hop, il entre, cling cling, il tape sur la sonnette de la réception et Norman Bates arrive, allez hop, l’avenir du rock se fait inscrire sous le nom de Marion Crane et se suce un doigt comme s’il suçait une moule pour aiguiser la libido de Norman Bates. Allumé, Bates lui propose de partager sa modeste gamelle. La fausse Marion accepte et ajoute d’une voix frelatée et en se caressant les seins qu’elle va d’abord aller prendre une bonne douche bien chaude. «Le cul propre, telle est ma deviiiise !», glapit-elle d’une voix de délinquante juvénile. Elle voit un petit filet de bave couler au coin de la bouche de Bates. Allez hop, elle file dans la chambre en tortillant du cul, allez hop, elle commence à se désaper. L’avenir du rock sait que Bates va arriver avec son grand couteau de cuisine à la mormoille. Allez hop, il arrive, tire le rideau de douche d’un coup sec et, ahhhhhhh !, pousse un cri d’horreur, en découvrant l’anatomie de Marion Crane.

             — Mais vous zêtes pas une gonzesse !

             L’avenir du rock éclate de rire :

             — Je ne vous plais pas, madame Bates ? Profitez donc de cette belle bite !

             Norman Bates qui est déguisé en vieille ne rigole pas. Il a même l’air très con, avec sa perruque cendrée de traviole et son tablier en dentelle.

             — Ici on fait Psychose, lance-t-il d’une voix de vieille dame indignée. On n’est pas chez les tantes ! 

             — Non, Psychose, c’est fini, Norman. Ras le bol ! Maintenant, c’est Cosmic Psychose !

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             L’avenir du rock fait bien sûr allusion aux Cosmic Psychos. Il ne rate jamais une occasion de vanter les mérites d’un bon groupe. Il prend parfois des voies détournées pour parvenir à ses fins, mais le résultat est toujours intéressant. Les Cosmic Psychos sont ce qu’on appelle aujourd’hui un vieux groupe, mais par le diable, ils ont tout l’avenir du rock dans leur poche.

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             Soleil de plomb sur les quais de Seine. Pas un temps à aller voir jouer les Cosmic Psychos au P’tit Bain, mais t’y vas quand même. Et puis les Cosmic à Paris, c’est un événement. Pourquoi ? Parce que c’est un groupe qui n’a enregistré que des bons albums, souvent critiqués par les ceusses qui ne les ont pas écoutés, comme toujours. Les Cosmic sont même victimes d’un préjugé : dans des conversations, on a souvent entendu des gens les qualifier d’australobourrins, cousins des australopithèques, vagues descendants des australowilsonpiquettes des abyssinies abyssales, alors que non, grave erreur, les Cosmic ont une délicieuse tendance à sonner comme Motörhead. T’en connais beaucoup des groupes capables d’un tel prodige ? Ils font du No Sleep Till quand ils veulent. Ils sonnent comme une charge de cavalerie quand ils veulent. Ils tagadadent à travers notre imaginaire comme la Brigade Légère lancée à l’assaut des lignes russes, ils bam-balament à un niveau qu’on voir rarement, c’est-à-dire pas assez souvent, et là, t’as le vrai bam-balam, celui de Ross Knight, ce géant qui ferraille frénétiquement ses cordes de basse et qui réussit miraculeusement à contrôler son corps et à poser son chant, car les Cosmic, ça part au quart de tour et ça fonce comme un train fou, ou une Brigade légère, c’est comme tu veux. Il faut juste retenir la notion de vitesse et d’ultra-power, comme chez Motörhead. Ni punk ni hard-rock. Pur rock blast. Le blast, ils ne vivent que pour ça, comme les Lazy Cowgirls à la grande époque, comme Rocket From The Crypt ou encore les Drippers et les Coachwhips, l’un des premiers groupes de John Dwyer, comme la faramineuse Broke Revue de Dan Melchior, trois quatre et ça part. Boom !

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     T’en prends plein la barbe. Pas un hasard non plus si le batteur porte un T-shirt Zeke. Par contre, John McKeering ne porte pas de T-shirt Zeke. Il préfère opter pour un infâme T-shirt bleu clair troué et passé par-dessus une bedaine à la King Khan (en trois fois pire) et un short rouge, celui que portent les beaufs au camping de Fécamp.

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    But my Gawd, McKeering joue comme un dieu sur sa gratte trafiquée. Il ne va pas chercher forcément le Fast Eddie Clarke, personne ne peut aller chercher le Fast Eddie Clarke, il va chercher le Cosmic sound, il croise un son incroyablement incendiaire et mélodique avec les riffs que cisaille Ross Knight sur sa basse ultra-saturée.

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    C’est complètement irréel de bruit et de fureur. Gigantic, comme dirait Kim Deal. Ils livrent un set d’une violence superbe, sans jamais baisser de niveau, la qualité du set est telle qui tu comprends mieux pourquoi ce groupe est devenu légendaire. Ton imaginaire peine à suivre, mais il suit quand même, comme s’il trouvait un second souffle, et tu entres en osmose avec cette comatose incendiaire, ce mec Ross n’en finit plus de percuter les cordes qui ne cassent toujours pas, tu te demandes pourquoi, ah mais quel ferrailleur du diable, il dégouline des mains, et gratte des riffs australiens complètement inconnus, avec une étrange position de la main droite. Bel équivalent de Lemmy.

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    Et puis t’as la qualité des cuts. Ils attaquent avec «Pub» tiré de Go The Hack, leur deuxième album, l’album au bulldozer qui les résume si bien, et c’est un peu comme si la messe était dite, mais on en veut encore. Alors t’as tous ces cuts demented qu’on retrouve sur le live Slave To The Crave, «Custom Credit», «Rip & Dig», et l’apocalyptique «Lost Cause». Ils nous refont quasiment l’excellent live Hooray Fuck - Live At The Tote qui s’appelle aussi I Love My Tractor et qui pourrait bien être leur meilleur album. Nitro à l’état pur. On y retrouve le «Pub» dévastateur, Ross Knight gueule comme un Bob Mould devenu fou. Tu y retrouves aussi «Nice Day To Go To The Pub» avec un Ross on fire. Il prend «I’m Up You’re Out» en frontal. C’est dingue comme ces mecs savent tenir la distance. On pourrait qualifier leur style de «tout droit». Ou de boom-badaboom. Ou de tout ce qui te passe par la tête, tellement c’est bon, tellement ça parle à ta cervelle. Chaque cut est pulsé dans les règles du pire lard fumant. Leur passion pour le bulldozer prend ici tout son sens. Cette violence ricoche dans le son, comme le montre «Dead In A Ditch». Ils élèvent la violence sonique au rang d’art sacré. Encore une belle envolée avec «Quater To Three». Ils savent très bien ce qu’ils font. Grosse accointance avec the real deal. Les accords de McKeering rayonnent dans la chaleur du blast. Chaque cut sonne comme une invasion barbare. Ils cherchent chaque fois le maximalisme de la violence sonique et parviennent à la maîtriser pour en faire une sorte d’anti-art radical, comme le fut Dada en son temps. Et ils terminent leur set avec «David Lee Roth» - Suck me off ! - Puis ils se tournent, baissent leurs frics et te montrent leurs culs.

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             Par contre, ils ne tapent aucun cut de Mountain Of Piss, leur dernier album. Coup de pot, il est au merch pour un billet de 20 alors qu’il en vaut 100 sur Discogs. Commence par retourner la pochette, et tu reverras leurs culs, tels qu’ils les montrent juste avant de quitter la scène. En plus, l’album est sacrément bon, t’as dans les pattes un big album de power trio : magnifique son de basse et beurre du diable de Dean Muller. «Accountant Song», c’est en quelque sorte l’intraveineuse du diable. Ils te grattent «Bleeding Knuckles» sous le boisseau de la fuzz bass et John McKeering ramène ses power-poux. C’est d’ailleurs lui qui chante «Dickson» - I’m going down to Dixon/ I know you come in with me too - Et ils bouclent leur balda avec la belle descente au barbu de «Dunny Seat». Fabuleuse accroche, le riff ne te lâche plus. C’est vraiment digne de Motörhead. Ils te collent le morceau en ouverture de la B des cochons. T’as l’impression d’écouter un rock très ancien, très établi, avec son odeur de salle et sa clameur anglaise. C’est ce qu’on appelle le fumet britannique. S’ensuit un «Munted» embarqué au tagada de Dean Muller et Ross Knight attaque «Rude Man» à la basse fuzz. Crois-le bien, le vieux Ross sait driver un beat. Les trois larrons partent ensemble sur «Sin Bin». Quelle énergie et quel power !

     Signé : Cazengler, Comique Psycho

    Cosmic Psychos. Le Petit Bain. Paris XIIIe. 28 juin 2024

    Cosmic Psychos. Mountain Of Piss. Go The Hack Records 2021

     

     

    Inside the goldmine

     - Homérique Homer

             Les souvenirs d’Homais remontent à loin, environ cinquante ans. Nous ne savions pas qui était ce mec assis au fond de la pièce, dans la pénombre. Il ne parlait pas. Il portait des lunettes, une tignasse bouclée bien fournie et des vêtements noirs. Il s’entourait de mystère, ce qui n’est pas toujours très indiqué, lors de premières rencontres. On peut mal interpréter ce mystère et le voir comme du mépris. Les quelques personnes rassemblées dans la pièce papotaient gaiement. Homais gardait le silence. Personne n’osait s’adresser à lui. Le cirque dura un bon moment, jusqu’à la tombée de la nuit. Vint l’heure de quitter les lieux et en descendant les escaliers menant à la rue, nous échangeâmes quelques sarcasmes :

             — C’est qui cet abruti qui dit rien ?

             — Chais pas. Un super con.

             — L’a dû être un serpent dans une vie antérieure.

             Nous apprîmes un peu plus tard qu’il s’appelait Homais, comme le pharmacien de Flaubert. Comme il s’était maqué avec l’une des frangines de la smala. On fut amené à le croiser ici et là, mais il affichait toujours le même genre d’attitude, s’ingéniant à battre froid et à éviter méthodiquement toute amorce de conversation. Il cultivait l’antipathie avec un naturel désarmant et on s’amusait presque de voir son visage se transformer comme celui du portrait de Dorian Gray. Il devint rapidement affreusement laid, son vissage s’affaissait sous une épaisse broussaille de cheveux d’un gris très sale, et derrière des lunettes à grosses montures noires, ses gros yeux cernés brillaient d’un éclat reptilien. Il inspirait une sorte de répulsion. Pour parfaire ce panorama cauchemardesque, il portait en permanence une barbe de trois jours qui valorisait jusqu’au délire une bouche horrible, rouge et tordue. À l’instar du pharmacien de Yonville, Homais exerçait un métier de santé publique : gynécologue. C’est par le torche-cul local que nous apprîmes la fin logique de l’histoire d’Homais. Comme toutes ses clientes passaient à la casserole et qu’il les menaçait pour qu’elles gardent le silence, elles décidèrent de se venger. On retrouva Homais occis dans son cabinet, ligoté sur le fauteuil gynécologique, sans pantalon. On lui avait coupé sa petite paire de couilles pour la fourrer dans sa bouche rouge et tordue. 

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             Inutile d’ajouter qu’Homais se situe aux antipodes d’Homer. Encore une fois, l’analogie systémique permet de rapprocher les destins pour mieux les opposer. Homer ? Il s’agit bien sûr d’Homer Banks, personnage légendaire aux yeux des amateurs de Northern Soul et de Soul tout court. On croise Homer à tous les coins de rue, surtout sur la belle compile Wrap It Up, qu’Ace consacre au prophète Isaac. Homer est donc un blackos de Memphis. C’est Miz Axton qui l’embauche pour composer des cuts chez Stax. Homer va composer «A Lot Of Love» que va pomper goulûment le Spencer Davis Group («Gimme Some Loving»). Homer compose pas mal de hits pour des tas et des tas de gens infiniment respectables, notamment les Staple Singers.

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             Pour se faire une idée précise du talent fou d’Homer, le plus simple est encore d’écouter un bon Best Of, l’excellent Hooked By Love - The Best Of Homer Banks, paru en 2005. C’est le coup de cœur immédiat, dès «Hooked By Love», eh oui, Homer chante au gut de raw, il crée son monde à l’Hook. Encore une énormité avec «60 Minutes Of Your Love», il tape ça au heavy raw de r’n’b, il est à la fois explosif et éclatant, c’est l’école Stax. Il s’intéresse encore à l’amour avec «A Lot Of Love», et crée le fameux riff de «Gimme Me Some Loving». Cette pétaudière est typique d’Homer. Plus loin, tu vas croiser «Round The Clock Lover Man», il reste très classique, très Staxy, pas loin de Sam & Dave, pour lesquels il a d’ailleurs composé. Il fait du pur hot de Staxy pour Tobrouk. Ce démon d’Homer des Caraïbes génère du pur jus de raw, son r’n’b accroche bien («I Know You Know I Know», «I’m Drifting»). Il sait encore se montrer fabuleux d’explosivité avec «Sometimes It Makes Me Want To Cry», ah il faut voir comme il t’explose le sometimes, c’est incroyable de down the drain. Il se vante ensuite d’être un «Lucky Loser» - I’m a lucky loser/ Yes I am - Homer, c’est la crème de Stax. Il utilise le wild r’n’b pour poser la question : «(Who You Gonna Run To) Me Or Your Mama ?». Il veut savoir : alors, tu vas chez ta mère ou chez moi ? Homer restera dans les mémoires comme le prince du pré carré. Pas n’importe quel pré carré : celui du raw.

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             Il existe un autre album qu’Homer enregistra en 1977 avec son pote Carl Hampton, sous le nom de Banks & Hampton, le fameux Passport To Ecstasy. Ils adorent la Soul des jours heureux, comme le montre l’excellent morceau titre. Ils se complaisent aussi dans le heavy satin jaune, comme le montre «Believe». On y assiste à un joli développement de chœurs de gospel. Sur la pochette, on les voit porter des beaux costards et des bagouzes. En B, ils passent au big r’n’b avec «We’re Movin’ On». Just perfect. Ils reviennent à la Soul des jours heureux avec «Get On Up Shake Some Butt», c’est un dancing groove bien violonné à la Barry White, très chaud et très back, puis ils tapent en plein Barry White avec «Loving You». Ils s’enfoncent à deux voix dans le lard du groove magique.

    Signé : Cazengler, Banks postale

    Banks & Hampton. Passport To Ecstasy. Warner Bros. Records 1977

    Homer Banks. Hooked By Love. The Best Of Homer Banks. EMI 2005

     

     

    Ebo est beau

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             On l’attendait comme le messie de l’Afro-beat. Ebo Taylor est arrivé sur un fauteuil roulant, poussé par son fils Henry. Dès le début du concert, ça sentait la fin des haricots. Le pauvre Ebo n’est plus que l’ombre de lui-même.

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    Dommage, car autour de lui joue l’un de ces fabuleux orchestres d’Afro-beat dont l’Afrique, et le Ghana en particulier, ont le secret. Si tu veux groover, c’est là. Certainement pas chez les punks. L’Afro-beat ghanéen est aussi joyeux et propulsif que celui de Fela Kuti au Nigeria. D’ailleurs Ebo et Fela se connaissaient bien, d’après ce que raconte Wiki, la pipelette du village. C’est le fils Henry qui mène la sarabande aux keyboards, le fils William qui gratte une basse cinq cordes, et le fil Roy X qui gratte des poux délicieusement liquides sur sa demi-caisse. Ils sont tous magnifico. Ils créent un monde et t’es là pour ça.

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             Mais ça ne se passe pas comme tu l’avais imaginé. Le spectacle est terrible car tu as d’un côté cette effarante source de vie, et de l’autre un vieil homme aux portes de la mort, prostré dans son fauteuil, qui n’a même plus la force de chanter dans le micro installé devant lui. C’est la première fois qu’on voit la vie et la mort ainsi rassemblées sur scène. Du coup, ça donne au set un cachet particulier. Paradoxalement, le côté tragique n’apparaît pas chez les Africains, c’est autre chose. On a l’impression que le fils Henry fait du business, il n’en finit plus de sortir son père Ebo de sa torpeur. C’en est presque comique. Chez les blancs, ce serait révoltant.

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    Chez les blacks, c’est cocasse. Incroyablement cocasse. Et pendant que cette farce se joue sous nos yeux, l’orchestre tourne comme un gros moteur exotique. Le black aux percus bat tout Santana à la course. Au fond, t’as un black qui bat un beurre virulent et même inexorable, et de l’autre côté deux mecs aux cuivres qui font un véritable festival, surtout le tromboniste qui passe des solos hallucinants de swing. T’en reviens pas de voir des cakes pareils sur une scène normande ! À la vie à la mort ! Cette fois on est en plein dedans. Seuls les Africains peuvent te proposer un cocktail aussi capiteux. 

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             Palaver ? Tu peux y aller les yeux fermés, si t’aimes l’Afro-beat. C’est le dernier album en date d’Ebo qui chante au revienzy de paradis africain. Ces mecs groovent comme des anges du paradis. C’est un peu comme si t’arrivais à la fin du mythe et que tu découvrais un monde. Il faut le voir l’Ebo groover son «Make You No Mind», cette belle Africana gorgé de cuivres et de poux miraculeux. Et puis tu as ces extraordinaires solos de sax et de trompette. Tu ondules des hanches sur «Abebrese». Te voilà dans la cour des miracles, alors tu tortilles du cul. Le riff d’orgue est assez punk, avec une incroyable verdeur de la clameur sourde. Elle te brise le cœur. Supremo groovyta ! L’Ebo chante «Nyame Dadow» dans le creux d’un chou-fleur étincelant, tu ne le quittes pas des yeux, l’Ebo, il chaloupe avec les copines. L’Ebo et ses blackettes donnent une idée assez juste de ce que pourrait être le paradis. Tout y est facile et doux, et tu sens monter en toi la petite marée de bien-être.

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             Si tu tapes au hasard dans sa discographie, tu vas tomber sur Appia Kwa Bridge, un album au son plus dur, qu’on pourrait qualifier d’heavy Africana. Il y durcit le ton. On s’attache plus particulièrement à «Yaa Ampensah». L’Ebo fouille le beat de l’Afrobeat avec des poux délicieux. Il colle bien au papier. Quel cake ! Sa mélodie chant est un enchantement, l’Ebo est un orfèvre, un artisan de la victoire. Et puis quand tu écoutes «Assondwee», tu réalises qu’il s’agit là du Black Power originel. Te voilà à la source du fleuve. Il a derrière lui tous les pouvoirs, t’as même le solo de jazz liquide. Mais c’est avec le morceau titre qu’il groove to the max. Il redore le blason de l’Afrobeat, avec toute la belle clameur du continent noir. Tu ne bats pas ça, Sam.

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             Oh et puis, t’as Yen Ara, avec ce beau portrait d’Ebo sur la pochette, sous son petit chapeau. Ses fils Henry et Ray X sont déjà là. Les percus du diable aussi. Quelle majesté ! Coup de génie avec «Mumudey Mumudey». L’enfer, c’est l’Afrobeat. T’as pas idée ! Droit au cerveau. L’Ebo groove des hanches et toi aussi. C’est la clameur des origines. Excelsior + solo de trompette = big bang originel. Demented, baby ! Mudy/ Mumudy ! Ebo a le diable au corps. Il te groove le squelette et un solo de sax arrive en dérapage contrôlé dans l’Afrobeat, t’as en plus tous les congas de Congo Square, ça sort tout droit des forêts inexplorées. Encore du fondamental avec «Krumandey». C’est effarant de revienzy. Ebo y va au call my name. Percus + solo de trompette, toujours pareil. Hey les garagistes, prenez des notes ! Ebo fait du bon boulet et un certain Justin Adams groove sa Jazz Guitar.

    Signé : Cazengler, ÉpaBo

    Ebo Taylor. Le 106. Rouen (76). 14 mai 2024

    Ebo Taylor. Appia Kwa Bridge. Comet Records 2012

    Ebo Taylor. Yen Ara. Mr Bongo 2018

    Ebo Taylor. Palaver. BBE Africa 2019

     

     

    Evil Ghost Woman

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             Ghost Woman en concert, pas forcément le bon plan. Tu vois arriver sur scène deux nouveaux candidats au désastre, le Canadien Evan Uschenko et sa compagne Ille. Duo. Doom. Johnny casquette. Va pas bien. Zéro contact avec un public clairsemé. Cherche des noises à la noise. Elle bat un beurre métronomique. Vise l’hypno. T’es pas Can, baby. Mais elle persiste et signe. L’hypno. La fête à Nono. Hyp hyp hyp pas hourrah. On croirait voir les Kills. Aussi insignifiants. Au bout de cinq six cuts, tu ne sais toujours pas ce qu’il faut en penser. Du bien, du mal. Tu vas devoir faire ton Nietzsche et trouver une solution par-delà le bien et le mal. Trouve. Vite, car le temps passe.

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    Alors focus sur la gratte. Il gratte des poux intéressants. Tu t’intéresses. Tu fais ce qu’on appelle en langage pédagogique un focus de faux cul. Tu te forces. Mais tu restes sur l’impression que ces duos font tous la même chose. Ils montent leur soupe en neige. L’Evan groove à l’intérieur de sa neige de soupe. Il sait traîner un solo dans la boue sibérienne. Tu admires sincèrement quelques éclairs lumineux. Tu dis bravo aux éclairs. Et tu te réjouis à l’avance, car tu vas les retrouver sur Hinsight Is 50/50, qui est leur troisième album, celui qui est promu pour la promo à Nono. La promo à Nono vaut mieux que la fête à Neu-Neu, pas vrai ?

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             Ils portent bien leur nom. C’est vrai qu’ils ont quelque chose de fantômal. Hyp hyp hyp hypno, des fois ça prend. Comme ils bénéficient d’un bon buzz, ils en profitent pour rallonger la sauce de la soupe en neige. L’Evan gratte quelques incursions sauvages. On le voit aussi noyer ses portées dans la disto. On a parfois l’impression d’entendre du vieux rock indé des années antérieures. En attendant, il navigue dans ses Sargasses. Gros son, c’est vrai, mais zéro modernité. Inventer la roue ou le fil à couper le beurre, ça ne l’intéresse pas. Nos deux Ghosts sortent parfois les muscles, mais nul ne sait où ça les mènera. Il n’empêche qu’ils y vont de bon cœur. Foncer, ça ne leur fait pas peur. L’Evan sait foutre le feu. Sous la casquette se planque un petit pyromane. Son truc, c’est le Big Atmospherix. Tu fais des efforts pour le prendre au sérieux. Ça veut dire que sa musique ne s’impose pas automatiquement. Il faut attendre une heure pour adhérer au parti. L’Evan cultive un goût particulier pour les apothéoses abyssales. Ils bouclent leur set avec ce qui pourrait bien être «Buick», un fabuleux groove hypno qu’Ille bat au tom bass à la tension extrême. Là oui, ça devient faramineux. Il y va au I’m sacred of myself/ And everyone else, c’est assez Velvet dans l’esprit. Te voilà convaincu in extremis.   

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             Sur Hinsight Is 50/50, c’est elle qui chante «Ottessa», et ça vire electro-pop de girl group. Alors ça flirte avec le juke ! Le morceau titre est solide comme un morceau titre d’albâtre, et son «Juan» vire en bouquet d’apothéose. Il sait ménager ses effets. Le hit de l’album est bien sûr «Buik», un pur hommage au Velvet.

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             Leur premier album sans titre date de 2022. Rien d’écrit nulle part dans le digi. Tu te débrouilles avec le son, Sam. L’Evan ne vit que pour l’entre-deux eaux, celui qu’on a déjà entendu des milliers de fois. Il frise un peu le Steely Dan dans «All The Time», ce qui vaut pour un compliment. Et sur «Do You», il fait son Oasis. Globalement, l’Evan ne t’apprend rien. Il se contente d’exister. Mais tu t’ennuies toujours quand tu n’apprends rien. Le dernier album des Pink Fairies (Screwed Up) et les deux Third Mind que tu écoutes le même soir t’apprennent des choses. Pas l’Evan. Il ne cherche pas à créer la surprise. Il reste dans la charité bien ordonnée, comme sur scène. Puis l’album finit par se réveiller avec «Behind Your Eyes», plus psyché et plus insidieux. Même assez persuasif. Il bouffe à tous les râteliers, mais dans son cas, ce n’est pas un reproche. Il ramène sa petite gratouille dans le fond du tatapoum d’«All Your Love». C’est assez boom boom et plutôt bien vu, assez Velvet tordu dans l’esprit. Beau vertigo ! Et le «Screaming» qui suit est assez bien foutu, groovytal, inspiré et serpentin. Alors là, ouiiiiiiiiiii ! (avec une voix de femme au moment fatidique).

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             Anne If paraît un an plus tard. Et bien sûr, c’est leur meilleur album. Pochette inerte, pas d’infos, pas de rien, juste un track-listing au dos. Débrouille-toi avec le son. Il arrive très vite avec un «3 Weeks Straight» bien lesté de plomb. Ça frise même l’heavy stomp ghosty. Easy going ! Beau et puissant à la fois. L’Evan adore gratter ses poux. Il ne vit que pour ça. Il se joue dessus dans «Broke», il fait ses layers. C’est elle qui vole le show dans «Street Meet», elle bat ça si sec, elle tend bien l’hypno à nœud-nœud. S’ensuit un «The End Of A Gun» bien claqué du beignet. C’est vraiment excellent. Tu te régales. L’Evan graisse les trames d’«Arline» et surveille ses arrières. Il combine ses ambiances dans «Down Again». Un bon esprit règne sur cet album, ce que vient encore confirmer «Tripped». Cette fois il sonne comme Lanegan, il traîne la savate dans le gutter, il réussit une grosse opération d’osmose avec la comatose. Bravo !

    Signé : Cazengler, Ghost Ridé

    Ghost Woman. Le 106. Rouen (76). 22 mai 2024

    Ghost Woman. Ghost Woman. Full Time Hobby 2022

    Ghost Woman. Anne If. Full Time Hobby 2023

    Ghost Woman. Hindsight Is 50/50. Full Time Hobby 2023

     

    *

    Une odeur désagréable émane de la boîte aux  lettres. Le facteur facétieux aurait-il vomi dans le coffret aux missives. Non, ce n’est la fragrance imbibée d’alcool de ces échappées stomacales que dans mon Ariège natale l’on nomme un renard. Analysons, se dégage de cette émanation pestilentielle une senteur fortement poivrée, cela me dit quelque chose, et hop en une fraction de seconde mon cerveau restitue la scène, je suis en quatrième et sur l’estrade de la salle de musique, en train d’interpréter Si tu n’étais pas mon frère (je crois bien que je t’aurais tué) d’Eddy Mitchell, la voix du prof s’élève : je n’ai jamais aimé Les Chaussettes Sales !

    ROCKABILLY GENERATION NEWS N° 30

    JUILLET  – AOÛT – SEPTEMBRE (2024)

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             Les voici ! Non pas les sales, les Noires ! Avec Eddy Mitchell ! Jean-Louis Rancurel frappe un grand coup. Huit pages de photos inédites ! Les mythiques années 60, du début des Chaussettes à leur lente désagrégation, service militaire obligatoire… Rancurel raconte, factuel et réfléchi, nous on zieute les photos, le grand Schmoll, tout jeune, presque freluquet, belle prestance sur scène, s’affirme, devient un monsieur, prend de l’aplomb au fur et à mesure que le vedettariat le change… et puis l’on apprend des choses, Maryse Lecoultre, indispensable cheville ouvrière du magazine qui habitait à Noisy-Le-Sec, lieu de résidence d’Eddy et sa famille… flash-back personnel, une collègue de qui travail (voici plus de quarante ans, son prénom m’échappe) qui gamine habitait à Noisy, mitoyenne de la maison d’Eddy, qu’elle a bien connu par qui j’ai appris qu’Eddy avait un frère… J’ai été un grand fan d’Eddy pendant ma jeunesse, merci à Jean-Louis Rancurel. Belle idée cette série de documents inédits sur les pionniers du rock français, grâce à Jean-Louis Rancurel s’établit un beau trait d’union, une sorte de passage de témoin entre Rockabilly Generation et Disco-Revue la première revue de rock française…

             C’était un nom, une référence, on le citait avec respect, même si l’on n’avait pas entendu grand-chose de lui, un as de la guitare, une espèce de totem protecteur, on savait qu’il existait et cela nous faisait du bien, dur de le retrouver sur la page de gauche dès que l’on ouvre la revue, sur la photo l’est tout jeune, Duane Eddy nous a quittés fin avril de cette année, plus loin une page lui est consacrée, on apprend l’importance de Lee Hazlewood pour le début de sa carrière… On était gamin, il suffisait d’entendre le nom de Duane Eddy, qui sonnait si américain, que l’on comprenait que le rock’n’roll venait de là-bas…

             Julien Bollinger, celui qui a rédigé les deux numéros spéciaux sur Elvis, évoque Bob Wills, un pionnier d’avant les pionniers. L’est né trente ans avant Elvis, celui-là l’a fallu attendre longtemps avant d’épingler son nom, de déchiffrer quelques paragraphes et entendre sa musique, le roi du western swing, un musicien expert, lisez Julien Bollinger, en deux pages (avec photos) il vous dévoile tout un monde, another place, another time comme dirait Jerry Lee Lewis, plus près des racines…

             Vous en avez assez des vieux mecs, voici une jeune femme. Lil’Lou, elle se raconte, une belle personne, physiquement certes, mais surtout le regard qu’elle porte sur la musique, la country, le honky tonk, le hillbilly, le western swing, le rockabilly, la vie, les êtres humains, sa fille, son chat. Bien sûr elle évoque longuement son groupe les Cactus Candies, qu’elle fonde en 2015 avec son compagnon  Jull le guiar-hero de Ghost Highway, groupe qui évolue, qui permet des rencontres et des découvertes… Une grande chanteuse, ouverte à tous les styles, écoutez-la avec son ancien groupe les Pathfinders, vous découvrirez le rhythm and blues comme jamais aucune autre fille n’a  su le chanter par chez nous, ce n’est pas une star, une sensibilité, une personnalité, elle donne l’impression d’habiter en elle-même… Un être debout.

             Aïe ! Aïe ! Aïe !  Deux festivals, Good Rockin’ Tonitght (Bourg-en-Bresse), Boogie Bop Show (Mesnard-La-Barotière / Vendée), quand vous voyez les deux programmations, des jeunes, des vétérans, de tous les pays, vous regrettez de n’y être pas allé, les photos de Sergio vous font baver d’envie, vous êtes sûr que vous avez raté quelques concerts inoubliables. Pourquoi donc ces trois Aïe ! en début de paragraphe ? A  cause de ce magnifique printemps pluvieux ! Pas de panique, grosse humidité dehors, hot and dry dedans ! Par contre beau temps à Rock in Berry, in Toury.

    Voilà, c’est tout ! Non pas du tout ! une nouvelle chronique sur la dernière page, Good Rockin’ News, le Teddy Cat’s Rockabilly Live, vous ne connaissez pas, achetez la revue, lisez la revue et vous saurez ! En plus ils viennent de fonder un label : Teddy Cats Records !

    Numéro trente, sept ans d’existence, revue de plus en plus excitante !

    Merci à Sergio Katz et à toute l’équipe !

    Damie Chad.

    1. S.: n’en voulez pas à mon prof de musique, plus tard il m’a tiré des pattes du Surveillant Général, ce qui m’a permis d’éviter de sérieux ennuis !

    Editée par l'Association Rockabilly  Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois),  6 Euros + 4,30 de frais de port soit 10,30 E pour 1 numéro.  Abonnement 4 numéros : 38 Euros (Port Compris), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( Rajouter 1,10 € ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de tous les magazines... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites surtout pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents ! 

     

    *

    Sixième album enregistré par Eric Calassou sous le nom de Bill Crane. Bill Crane fut le nom de son groupe du temps où il habitait en région parisienne. Qu’il a quittée pour s’installer en Thaïlande. L’a passé plusieurs années à faire des photographies. Ce qui devait arriver arriva. La tarentule du rock’n’roll l’a repris. Devait être cachée sous les cordes de sa guitare qu’il a un jour effleurée sans y penser. Hélas l’antique malédiction du rock’n’roll lui est retombée  dessus. Que voulez-vous, rocker un jour, rocker toujours. Nous avons pris l’habitude de chroniquer ses nouveaux moreaux, EP’s et albums. Nous avons laissé passer le cinquième, nous en reparlerons à la rentrée prochaine.

    Une démarche particulière, un homme seul face à tout le passé et tout le futur du rock’n’roll face à lui. Une œuvre souterraine qui creuse ses galeries très profond, le passé est une terre friable modulable à volonté et le futur un roc impénétrable. On ne ruse pas avec lui, on l’use avec obstination.

    CRACKIN’UP

    BILL CRANE

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    La pochette est une photographie d’Eric Calassou. Ne dites pas : c’est quoi au juste ce truc ? Eric Calassou ne représente pas les objets, il ne les donne pas à voir, pour cela vous avez vos yeux, il vous les pose sous le nez, de si près que vous ne les reconnaissez pas, c’est à votre cerveau non pas de les reconstituer, mais de les restituer dans le mystère de leur apparence. Eric Calassou vous envoie deux messages, le premier vous caresse dans le sens du poil : rien n’est simple. Le deuxième vous prend un peu à rebrousse-poil : rien n’est plus simple que vous. Un peu vexant pour la condition humaine, je vous l’accorde.

    Come along : rien à voir avec le Come Along des Variations, si ce n’est qu’avec le rock c’est comme avec les pièces de base du Lego, tout le monde a les mêmes, mais chacun, dès qu’il s’écarte des modèles proposés en fait ce qui le différentie des autres. Une boîte à beat pour que chacun reconnaisse les battements des pattes de l’alligator qui s’approche de la rive, et la guitare qui s’abat sur vous comme un couperet de guillotine qui prend tellement de plaisir à vous trancher la tête qu’il vous découpe en tranches fines comme si vous étiez un jambon d’York, ensuite vous avez le trio de base qui entreprend sa parade nuptiale, la baby et le gars qui se fait tout sucre pour que la baby s’approche de lui, celui qui mène la danse c’est le désir, se pose où il veut quand il veut, alors le gars s’énerve sur sa guitare, et sa voix se liquéfie comme du sperme. Tout le drame métaphysique de la rock’n’roll solitude, le caméléon qui attend que la mouche se pose près de lui pour tirer la langue. Cracking up : Crackin’ up est aussi un titre de Bo Diddley, un des pionniers, élémental,  sémental et fondamental, l’a été repris par les Stones, écoutez sur Love You Live, pas tout à fait un hymne féministe mais nécessaire pour la sauvegarde viriliste. C’est la suite du précédent. L’acte  II. Le I n’a rien donné, alors le beat (je devrais écrire ce mot au féminin) devient plus obsédant et angoissant, il insiste, fait son baratin, sifflotements et sifflements, l’en remet une couche, le désir bleu triste vous peint la vie en rose tendre, quand il sait plus quoi dire, il fait la-la-la, de toutes les façons elle a compris, aux modulations finales, l’est arrivé au bout de sa faim. Party : si l’on devait me donner un dollar chaque fois que l’on rencontre le mot party dans les lyrics du rockab, je deviendrais riche. Pas de panique c’est du rock’n’roll, l’on vous montre tout, l’on ne vous cache rien. Coït intégral, le mec a allumé son portable et les copains l’entendent prendre son pied en direct. Un petit groove de guitare guilleret, l’on ne voit rien, mais le troisième œil fonctionne  à fond. D’ailleurs le gars à fond, fond de plaisir.

    Am so : le retour de l’égo, deux c’est bien, un l’on est davantage soi. Âmes sensibles s’abstenir. Guitare glauque, la bête se réveille, croyez-vous que ce soit un hasard si des chiens poussent en douce des aboiements cerbériques, le vocal épouse toutes les nuances de la folie. Pas douce du tout. Ce n’est plus l’amourette c’est l’amou-rets. The killer awoke au moment où l’on s’y attend le moins. Le conte à l’eau de rose se termine en pulp fiction. 100 % Rock ! Une guitare cinglante est-elle obligatoirement une guitare sanglante ? Dance pretty baby : bien sûr surgit dans notre mémoire Pretty Pretty Baby de Gene Vincent, la mémoire des rockers est une brocante, à tous les stands l’on trouve un truc intéressant. Après le drame, retour à l’innocence, le rock‘n’roll est une pirouette, un pied de nez gesticulatif que la jeunesse adresse au vieux monde fossilisé. Tout dans le vocal, qui ne tient pas laisser sa place aux castagnettes de la guitare, la voix est profonde et grave. L’est vrai que souvent l’on danse sur un volcan. Come around the world : Normalement le rock c’est around the clock, quand il délaisse sa pendule pour faire le tour du monde, c’est qu’il y a un lézard dans l’horloge. Le même morceau que le précédent. C’est-à-dire complètement différent. Ici la musique à son importance, elle en deviendrait presque lyrique dans l’intro, le vocal ne brigue pas la première place, vient de loin, n’a pas le regard porté sur l’objet de ses convoitises, l’est déjà teinté de nostalgie. Dancin’ in the world : les cats sont comme des chats, des animaux nyctalopes, ils aiment l’ombre, dans le noir tout est permis, l’est nécessaire pour voyager jusqu’au bout de la nuit.  Guitare clinquante et persuasive, un vocal couleur de serpent qui ondule, chargé d’attrait et de mélancolie, yodle en douceur et en continu, tentant et inquiétant. The strange case of Mr Edward : je  me permets d’attirer votre attention sur l’architecture secrète de cet album, 3 + 1 + 3 + 1, à chaque fois une trilogie, désir pour la première, danse pour la deuxième, suivie d’un épilogue dramatique : Oui le cas de Mr Edward n’est pas commun, un individu qui bouffe ses mots, l’a du mal à s’exprimer, de lui émanent d’étranges et plaintifs chevrotements ou d’inusuels borborygmes, parle tout seul car il a l’air de penser qu’il est le seul à pouvoir se comprendre, comme par hasard l’on entend le chien qui aboie sur Am so, le genre de gars que vous n’aimeriez pas rencontrer la nuit, par contre écouter ce morceau vous procurera de douteuses sensations dont vous ne pourriez  dire qu’elles n'éveillent pas en vous de troubles aspects de votre personnalité que vous refoulez au plus profond de vous.

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    The vault of horror : d’après Wittgenstein le philosophe : ce que l’on ne peut dire, il faut le taire, vous ne saurez rien du passage à l’acte de Mr Edward sous la voûte de l’horreur, ce morceau est un instrumental : une guitare qui résonne comme une intro de film policier américain, une poursuite à tombeau ouvert, elle dépasse à peine les deux minutes, mais déjà vous avez compris que l’affaire sordide ne vous sera révélée qu’à la fin du film. Pas d’images, vous êtes obligé de construire votre propre scénario… L’eau à la bouche et rien à boire ! Save my soul : j’ai toujours douté des gens qui ont besoin de quelqu’un pour sauver leur âme, comment peuvent-ils être sûrs d’avoir une âme, cela me semble bien présomptueux : l’appelle sababy pour qu’elle lui rende service, y a comme un broutement de trombone sur ce morceau, rien que pour ce bruit de basse il faut l’écouter, le gars bêle après sa babe, la guitare semble se moquer de lui, normal celui qui demande de l’aide est un faible. Close my eyes : sortez votre mouchoir, c’est la dernière bobine, celle qui est censée vous faire pleurer ou réfléchir. Généralement les spectateurs jugent la deuxième opportunité trop difficile :  this is the end beautiful friend, la guitare vous plante des petits motifs émotifs dans tous les recoins émojiques, le gars fait son examen de conscience, se prend un peu pour Tommy des Who, fait son cinéma, son dernier film, que regrette-t-il au juste, sans doute lui-même, on ne peut pas lui en vouloir, on ferait, on fera, de même. Dancin’ : générique de fin, la musique plus forte. Que la vie. Que la mort. C’est un peu comme si le film recommençait au début. Avez-vous déjà vu un truc qui finit vraiment. En tout cas les albums de rock s’appellent tous : reviens !

             Superbe réussite, avec trois fois rien, une guitare et quelques bribes de lyrics éculés depuis la naissance du rock‘n’roll, Bill Crane vous rejoue la funeste histoire du rock’n’roll. Vous explique comment ce poulpe destructeur a étendu ses tentacules prédateurs dans votre existence. Tant mieux pour vous. Tant pis pour vous. N’en dit pas trop, préfère que chacun comprenne et raconte la légende noire à sa manière. N’oubliez pas, personne n’en ressortira vivant.

    Damie Chad.

     

    *

    Il n’y a pas de hasard. Ou alors tout est hasard. La vérité doit être entre les deux. Le problème c’est que la vérité n’existe pas. Bref mon œil est attiré par une image, tiens, on dirait une parodie des armoiries de la Grande-Bretagne. Honni soit qui mal y pense. Je lève les yeux et je sursaute, ceux qui ont lu ma recension du Volume 2 de l’Anthologie introductive à l’œuvre d’Aleister Crowley, se rappelleront que le livre s’achève sur l’influence de la pensée et du personnage de la Grande Bête sur les productions littéraires, cinématographiques et musicales contemporaines. En voici un parfait exemple.

    SPIRITUAL ARCHIVES

    OCCULT RITES I + II

    AIVVASS

    (Darkness Shall Rise Productions / Juin 2024)

    Combien sont-ils ? Sur la photo : cinq. Mais le seul qui est crédité pour l’écriture, l’enregistrement, le mix et le master : Frater Thelis. Ne m’en demandez pas plus, sur la photo ils portent tous un masque, lui est au centre, sa robe noire agrémentée d’un soleil orange et invictus dans le triangle le désigne comme maître de cérémonie. Dernier détail : folk domm metal band de Germany. Vous pouvez maintenant poser vos questions, j’y répondrai avec plaisir dans la mesure de mes moyens.

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    Pourquoi l’album est-il surtitré comme ‘’Archives’’ ? : Parce ce qu’il s’agit de la compilation de deux EP’s, le premier Rites I paru en mars 2023 et le second : Rites II paru en juillet de la même année.

    Que signifie Aivvass en langue germaine ? : Rien du tout, ce n’est pas de l’allemand, c’est le nom d’une personne un peu particulière. Si vous permettez j’éclairerai un peu votre lanterne, toutefois je ne pourrais vous apporte que de la lumière noire.

    Aleister Crowley était tranquillou chez lui, au Caire, il vaquait à ses occupations favorites qui ne sont les mêmes que les vôtres. La scène se passe le 7 avril 1904, lorsqu’il entendit une voix derrière lui. C’était Aivvass, une entité, j’emploie ce mot mais Crowley laisse entendre qu’Aivvass se matérialise sous une forme évanescente, disons pétri d’une matière instable qui ne peut se maintenir trop longtemps dans un milieu qui n’est pas le sien, bref un être venu de loin  qui lui dicta ce qui allait devenir  Le Livre de la Loi. Ouvrage qui contient la base de l’enseignement de Crowley que  lui-même jivaroïsa en une formule quintessencielle : L’amour est la loi. L’amour sous la volonté. Un mix qui selon moi est composé d’un alliage improbable puisqu’il marie christianisme et Schopenhauer. Là n’est pas le débat.

    Crowley affirmera plus tard qu’Aivvas était son propre Ange Gardien Sacré. Ne riez pas, Socrate ne se vantait-il pas de posséder son propre Daemon… Généralement on élude ce problème en affirmant que c’est l’individu qui perçoit ses auto-projections quasi-somnambuliques désiro-intellectuelles qu’il s’adresse à lui-même comme si elles provenaient d’un tiers… Parfois quand on doute que notre individu ait une quelconque influence sur la marche de l’univers, l’on résout inconsciemment (perso je réprouve la notion d’inconscient, je parlerai plutôt de ruse instinctive de notre cerveau) notre nihilisme dépréciatif en affirmant que c’est l’univers qui exerce une influence sur notre petite personne dans le but d’exercer une influence sur lui-même. L’homme qui se châtie lui-même n’est que l’autre face de celui qui s’aime bien lui-même. (Pour mieux comprendre la phrase précédente voir la livraison 651). C’est ainsi que malheureusement naissent non pas les Dieux mais les religions.

    Frater Thelis n’est pas un adepte de notre scepticisme, il prononce des rituels dans le but d’entrer en communication avec une couche éonique supérieure.

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    Aiwass : disons-le, ce premier morceau est épique, une force qui déferle sans fin, et au milieu de la survenue de cette monstruosité, une voix psalmodiante et hachée qui énonce l’appel qui a déclenché l’avalanche sonore. Cela s’appelle aussi chevaucher le tigre. Satan : changement sonore, après le Metal grondant, la guitare néo-folk, le récitant n’invoque pas le Satan de la Bible, il invoque le Satan de la Bible, celui qui a appris à l’homme qu’il n’est qu’un Dieu, terrible dualité de cet Adversaire du Dieu unique qui est un libérateur, les Dieux sont au-delà du Bien et du Mal, est-ce pour cela que les passages violents alternent avec les plus doux. Satan n’est qu’un des visages d’Aivvass.

    Baphomet : laissons de côté l’idole hideuse que les Templiers étaient censés adorer ou alors tournons-la en son contraire, un être de lumière, la beauté de l’orchestration, le chant angélique, tout nous révèle que nous sommes en présence d’une êtralité parfaite qu’aucune dissociation ne saurait fragmenter, le couple alchimique réuni en un seul être androgynique.  Lucifer : le porteur de lumière, celui qui a libéré Crowley, une autre image d’Aivvas, il est celui qui a su s’opposer, celui qui détenait le savoir primordial, un double de Crowley, son Ange Gardien et quelque part Crowley lui-même. La musique allie sérénité et puissance, une antinomie kantienne spirituelle en action que rien jamais n’arrêtera.

             Etrange, à première écoute de cet EP s’est établie une connexion dans mon cerveau avec Eloa, la sœur des anges d’Alfred de Vigny, à priori rien à voir, si ce n’est de loin, des années que je n’ai pas relu ce texte, mais voici que je tombe ce matin sur une vidéo de Darkness Shall Rise Production consacrée au morceau Lucifer, et tout de suite la corrélation avec Eloa me revient à l’esprit. Je vous laisse libre de tenter l’expérience !

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    Un regard sur la pochette du premier EP, un seul être, et rien ne vous manque, ne possède-t-il pas tous les symboles, et n’est-il pas pour cela en lui-même un symbole, l’œil, l’épée, le serpent, les ailes angéliques et les cornes du diable. Tout le contraire de la deuxième, la sainte trinité en quelque sorte, Aivvass se dialectiquise, pour le personnage du milieu, ne dites pas : ‘’Je le connais c’est le Christ !’’, ce n’est pas tout-à-fait lui, l’est-là en tant que symbole représentatif d’Osiris, le dieu qui est mort (et ressuscité), la mort des Dieux correspond au changement d’ère. Crowley est persuadé que le message délivré par Aivvass annonce la fin de l’ère Chrétienne à laquelle doit succéder l’ère d’Horus, non pas l’ancien dieu égyptien mais celui engendré par la Nuit et le Diable. Ce nouvel Horus se trouve à la droite du crucifié, remarquez la beauté androgynique de l’effigie… A notre gauche, à première vue la Mort, peut-être le Diable. Toujours eu l’impression que chez Crowley la figure du Diable est une résurgence de son éducation chrétienne dont il n’a jamais su quoi faire dans son propre panthéon, je n’engage que moi, disons qu’il est la négativité de Ra, le dieu soleil suprême. Ne pourrait-on pas dire que les quatre rituels du premier EP sont adressés à quatre figures positives du Diable. Les Dieux sont-ils, chez Crowley, réversibles comme les symboles. Les Dieux possèdent d’autres masques que leur présentation habituelle, certains pensent que Crowley n’est qu’un monothéiste dont le Dieu porterait l’ensemble des masques de tous les Dieux créés par l’imagination humaine. Une espèce de sainte-trinité à la puissance mille.

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    Cruxificion : musique point torturée, exit le tragique, le dramatique, passion douce ! Parfait pour illustrer une vidéo champêtre sur le printemps avec les lapins qui courent dans l’herbe tendre, tout s’arrête, l’on entend les cloches sonner au clocher du village, serait-ce l’angélus, l’angélux, la lumière de l’ange. Qui passe. Witchcraft : ne pas traduire par le terme de sorcellerie très mal connoté en notre langue, la magie noire n’est pas la tasse de thé de Crowley, lui serait plutôt magick, rouge s’il fallait lui apposer une teinture alchimique. Il y a comme des reposoirs dans ce morceau, après de longues proférations dont le timbre épouse parfois une trame serpentique. L’on a l’impression que le rite s’effrite, qu’il laisse la place à une scansion transsique avant que l’écho mental du dôme créé ne retourne dans le silence. Cremation of care : il y a quelque chose de circassien dans ce rituel, l’on dirait plutôt une performance, une musique joyeuse pour accompagner  des images dévoilées au public - d’ailleurs il existe une vidéo – une manière de rappeler que si Crowley a beaucoup écrit il a aussi beaucoup peint. L’on ne connaît surtout que les images de son tarot, qui d’ailleurs ne sont pas de lui, rehaussées de couleurs vives, regardez toutes les planches, l’orange domine, non pas parce qu’il squatte un maximum de surface, mais parce qu’il miroite, il éblouit, il captive le regard, un soleil illuminatif. L’on pense aussi à la crémation finale de Crowley, comme s’il mettait une grande attention à ce que son corps, chair et esprit soit au ras de Ra. Danse de flammes. Prenez soin de brûler aussi les cendres des applaudissements. The Ghoul : reprise du groupe Pentagram : une sombre histoire d’une goule qui s’en vient faire l’amour avec les ossements d’une de ses précédentes victimes.  Le serpent se mord la queue, on se croirait un peu revenu au tout début du premier Ep, plus pour la voix que par la musique, les goules sont des espèces de vampires femelles qui se gorgent du sang et des forces vives des êtres masculins (sans exclusivité)… une manière comme une autre d’évoquer les pratiques rituelles et magickes axées sur la sexualité prônées et expérimentées par la Grande Bête. L’esprit et la chair forment un tout unique sensoriel. Qui se doit d’être exercé pour atteindre à une plénitude solaire zénithale. L’obscur n’est que l’autre face du soleil.

             Ce deuxième EP me semble plus diversifié que le premier. Sans doute ne suis-je pas en mesure de détenir toutes les clés d’ouverture. Mais rien ne vous empêche de forcer la serrure.

    Damie Chad.

             Une dernière note : vous trouverez plus facilement Aivvass écrit Aiwass.  Une question de numérisation kabbalistique. En attendant sur la pochette visez les deux ‘’S’’ en forme de serpent.

     

    *

    Les mots appellent-ils ce qu’ils désignent. Hier soir la chronique précédente s’est achevée sur le mot serpent. Or en ce début d’après-midi en ouvrant You Tube une vidéo s’offre à mon œil obstinément aigu. Chic un groupe français ! Sur bandcamp je m’aperçois qu’ils sont grecs. J’ai l’habitude d’accorder une certaine importance à tout ce qui vient de Grèce, même à un serpent noir.

    DEATH CLAN 0D (44,1 mastering)

    SERPENT NOIR

    (Vinyl épuisé / YT / Bandcamp / 2020)

    Etonnant de trouver cette mention que nous qualifierons   d’écologique et d’anticapitaliste sur un disque de l’Ordre du Dragon. En résumé vous n’avez pas besoin d’une fréquence supérieure à Khz 44,1 pour entendre pleinement un artefact sonore mis à votre disposition sonnante et trébuchante sur le marché. En effet toute norme supérieure inutile vous est évidemment facturée plus cher.

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    Freud n’aurait pas de mal pour nous apprendre que le crâne de la couverture représente la mort (Thanatos) et le signe phallique l’Eros. Je vous le sers à sauce grecque ; c’est le trident vindicatif de la neptuienne vitalité bestiale poseidonesque.

    Yiannis K. : Rhythm guitars, lead guitars, chants, lyrics  / Kostas K. : Lead Vocals, chants / Johannes K. : Bass guitar / Cain Letifer. : Lead guitars / George C. : Drums, percussion / Lead vocals on Goeh Raeh : Thomas Karlsson /  

    Pour mieux comprendre : lire La Magie Kabbalistique Qliphotique et Goétique de Thomas Carlsson fondateur de l’Ordre du Dragon. La goétie est l’art d’invoquer les démons. Serpent Noir se réclame de la Magie Noire.

    The black knighthoof of OD : l’entrée aussi inquiétante que La porte des Enfers d’Auguste Rodin, quelque chose de droit, de debout, de bronze et de mort. L’Ordre du Dragon se donne pour but d’entrouvrir le portail funeste. La chevalerie noire est un peu comme l’âme maudite et intérieure de l’Ordre du Dragon Rouge. Une bulle, un bulbe, au-delà de l’espace et temps. Aux lisières du soleil noir de la Nuit. Cutting the umbilical cord of Hel : pluie de cendres et voix rocailleuses, couper le cordon de Hel, la Perséphone nordique, c’est renaître à la vie. Une porte est un passage qui se franchit des deux côtés. C’est ainsi que se regroupe  la fraternité chevaliers du Dragon. Le chemin est tracé, les ordres et conseils sont dispensés, la route est dangereuse, le vocal va si vite qu’il semble courir à sa perte ou sa victoire, qui sont une seule et même chose, les plus grands démons vous guideront, les fils de la Mort ne meurent plus, sur la fin du morceau de leitmotive de l’entrouvrement des portes se fait entendre. Hexcraft : imaginez un Botticelli maudit qui n’ait pas composé le Printemps, mais une saison d’outre-tombe qui sente le sexe, la mort et le feu. L’ordre du Dragon se recrute aussi au pays des hommes où l’on brûle damnés et hérétiques, les âmes qui ont traversé le feu des bûchers se métamorphosent en ardences phénixales, les filles de Hel dansent dans une Walpurgis de renaissance et de fécondation. Si le rythme est relativement cadencé au début il prend peu à peu l’allure d’un cheval fou lancé dans un galop d’épouvante. Les guitares comme d’incandescents fulgurances d’épées brandies… Grondement du vocal qui s’étire comme les tripes d’un chat qu’on éviscère. Asmodeus : the sword of Colachab : attention Coalachab est l’inverse du feu de l’arbre de vie sérophital qui débarrasse le monde de ses miasmes et de ses impuretés, il est le feu de l’arbre de mort qliphothal qui détruit pour le plaisir de détruire, pour répandre le mal et anéantir l’ordonnance divine, Asmodée est un des Démons les plus importants – il se murmure que c’est lui sous forme de serpent qui a séduit Eve…  Asmodée ouvre les portes de l’Enfer pour qu’à la tête de la Chevalerie noire il aille semer la mort sur terre, sans doute respecte-t-il un équilibre de la terreur, autant de braves aura-t-il menés, autant de morts dont il ramènera les âmes victimales de l’autre côté du portail infernal, chevaux ployant sous le poids des corps morts, mais Asmodée brandit son épée et les têtes volent, il est le grand Destructeur, avant de passer la porte il se retourne et regarde tel un visionnaire le grand carnage que lui et sa troupe ont opéré. Astaroth : the jaws of Gha’Agseblah : Gha’Agseblah s’apparente à ce que l’on pourrait appeler l’érotologie mystique : ne soyez pas surpris de la beauté soyeuse de l’intro, ni de la chute vertigineuse qui suit, les vocaux sortent leurs griffes de chat, vous êtes la souris, Astaroth est un démon de l’Enfer d’autant plus dangereux qu’il est double, un être répugnant à l’odeur fétidé, oui mais aussi la plus belle de toutes les déesses, l’Astarté phénicienne, sœur en beauté d’Aphrodite, et parente d’Inanna déesse de la mort mésopotamienne, elle vous accueille, elle vous vous sourit, elle vous caresse, elle est la passeuse, l’étoile noire de l’abîme, déjà vous êtes son enfant sur terre et c’est elle qui vous redonne vie pour servir dans les légions ténébreuses du Dragon. Avez-vous déjà entendu un morceau de Metal aussi fou. Astaroth sait vous séduire. Necrobiological chant of Tara : nécrobiologie, le terme est contradictoire, comment la mort peut-elle être biologique, porteuse de vie, c’est pourtant ce que laissent entendre les morceaux précédents, pour mieux l’illustrer voici un exemple de mythologie hindou, Kali, Ananta, Inanna eet bien d’autres déesses nommées dans les lyrics, elles sont toutes différentes comme chacun des jours de votre vie forment une seul existence, De Kali la tueuse à Tara la consolatrice, toutes vous font le don de la vie et le don de la mort. Et le don de la vie après la mort. Soit dans le cycle des renaissances, soit dans l’ordre du Dragon Rouge originel. Serpent Noir, ne serait-ce pas la langue du Dragon Rouge, vous étourdit de son assommance battériale, de son grondement vocalisé, et de ses guitares de feu.  Goeh Ra Reah : garm unchained : (ce titre signifie-t-il  si je m’en rapporte à mes infimes connaissances interprétatives hébraïques ‘’Calme, mauvaise odeur – voir Astaroth - la lettre dévoilée,), le texte s’apparente à  une reprise de tout le parcours effectué durant les six stations précédentes. Carlsson ne chante pas vraiment. Il explique et vaticine. La scène est prise de plus haut, d’autant plus étonnant qu’il s’agit de la descente dans l’Abîme, la focale temporelle est élargie, Virgile et Béatrice sont nommés  pour avoir passé la porte des Enfers. Le Christ aussi - si Dieu est mort, n’a-t-il pas franchi le long calvaire du  seuil appelé via Dolorosa – le véritable Seigneur n’est-il pas celui qui règne en maître : le Dragon Rouge… Serpent Noir déroule sa musique comme l’on étendait un tapis d’ordalie chez les Grecs. A vous de tenter l’expérience. L’alchimie ne vous fait-elle pas passer du noir au rouge, de la Mort au Dragon.

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             (Il existe sur YT une Official Vidéo de ce morceau Enfin plutôt une projection engrammique rituellique destinée à émettre des effets psychiques. Comme sur les hypocrites recommandations qui accompagnent les publicités sur l’alcool je le ferais précéder de la mention : A consommer avec modération. Ceci n’est pas une mise en garde, juste une hypocrisie.

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             Pour ceux qui veulent en sa-voir davantage : Serpent Noir, Complete Show au Klub le 23 mai 2023 in Paris, longue mélopée insidieuse lyrique et serpentine. Soleil rouge.)

             Voilà, maintenant vous possédez les éléments prémissaux qui vous permettront de briguer l’initiation dans l’Ordre du Dragon. Vous n’êtes pas obligé. Vous pouvez vous contenter d’écouter la musique. Du très bon Metal dont on forge les meilleures épées.

    Damie Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 597: KR'TNT 597 : STANDELLS / SARI CHORR / PIXIES / BUZZCOCKS / CHUCK JACKSON / MARLOW RIDER / WESTERN MACHINE / STONE OD DUNA / ROCKAMBOLESQUES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 597

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    20 / 04 / 2023

     

    STANDELLS / SARI SCHORR

    PIXIES / BUZZCOCKS / CHUCK JACKSON

     MARLOW RIDER / WESTERN MACHINE

    STONE OF DUNA / ROCKAMBOLESQUES

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 597

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://krtnt.hautetfort.com/

     

    Les standards des Standells

     

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             C’est dans Shindig! qu’on a chopé l’info : parution de l’autobio de Larry Tamblyn, le keyboardist des Standells. Comme toujours dans ces cas-là, on se frotte les mains. On se régale même d’avance. De tous les ténors du barreau gaga, les Standells étaient les plus percutants, donc les chouchous, comme l’étaient les Pretties en matière de British Beat, et Jerry Lee en matière de tout.

             Les Standells sont arrivés en France via Nuggets, cette redoutable compile Elektra qui a mis pas mal de kids sur la paille. Parce que forcément, quand tu entends «Dirty Water», tu as envie de choper les albums. Oh c’est pas compliqué ! Il te faut juste sortir un bon billet et aller sur l’auction list de Suzy Shaw, chez Bomp! et avec un peu de chance, si tu mises bien, tu peux récupérer les gros cartonnés US des Standells sur Tower. C’est comme ça que les quatre Tower des Standells sont arrivés ici. On les ressort périodiquement de l’étagère, histoire de se rassurer.

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             Eh oui, les Standells furent un groupe à hits, comme le furent tous les groupes gaga-punk sixties, certainement pas des groupes à albums, comme vont l’être un peu plus tard le Jimi Hendrix Experience et les Small Faces. Sur chaque album, les Standells tournent sur une moyenne de deux ou trois hits, mais ce sont des hits majeurs. Le reste n’est que du filler. Tiens, si tu commences par leur premier album, Dirty Water, tu as deux grosses cacahuètes à te mettre sous la dent : «Dirty Water», bien sûr, radical - Aw Boston you’re my home - et en B, «Sometimes Good Guys Don’t Wear White» - But tell your moma and your popa that sometimes... - Sous des airs bravaches de balloche chicano, c’est le cut le plus punk de Los Angeles, bien épais, avec un Dodd bien raw to the bone. On se régale encore d’un «Little Sally Tease» plein de jus, harcelé par les interventions intestines de Tony Valentino et bercé par le shuffle d’orgue de Larry Tamblyn. Ils font aussi une belle cover du «19th Nervous Breakdown» des Stones avec lesquels ils sont partis en tournée. C’est l’une des plus belles intros des sixties - You gotta stop & look around - Ils piquent là une belle crise de Stonesy. Mais le reste de l’album n’est pas du tout au même niveau. Oh la la, pas du tout.

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             Alors après, voilà Why Pick On Me - Sometimes Good Guys Don’t Wear White, paru la même année, avec l’une des pochettes les plus iconiques de la culture gaga. C’est là que ça commence à carambouiller car on retrouve sur l’album le «Sometimes Good Guys Don’t Wear White» de l’album précédent. Joli cut c’est sûr, mais à l’époque, le procédé ne nous plaisait pas. Et comme on va le voir, cette façon de refourguer les mêmes hits sur des albums différents n’est pas finie. Côté covers, ils retapent dans les Stones avec un shoot d’acier de «Paint It Black», ils ramènent énormément de power dans un cut qui au fond n’en nécessite pas plus que ça, et puis ils tapent dans Burt avec «My Little Red Book», déjà repris par Arthur Lee & Love, et là, oui, banco, car grosse énergie punk, les Standells sont dans l’excellence du big L.A. brawl, ils y vont à l’énergie d’aw no ! L’autre coup de Jarnac est le «Mainline» qui traîne vers le bout de la B des cochons, encore du pur jus d’L.A. punk, qu’infeste à outrance le wild slinger Tony Valentino. En trois étapes («Dirty Water», «Sometimes Good Guys Don’t Wear White» et «Mainline») les Standells ont défini l’archétype du gaga-punk sixties.

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             Allez, on va dire que leur meilleur album est le Try It paru l’année suivante. Les deux coups de génie sont «Barracuda» et «Riot On Sunset Strip». Le Barracuda est le vrai hit des Standells - I’m a young barracuda/ Swimming in the deep blue sea - Wow, les fantastiques chœurs d’artichaut résonnent dans l’écho du temps. Ils finissent en mode hypno de c’mon c’mon c’mon. Planqué au fond de la B voilà l’excellent «Riot On Sunset Strip» - I’m going down/ To the Strip tonite - et ça va très vite avec le call for action. Vaillants Standells ! Dommage que le cut vire pop. Arrivent les sirènes de police, alors ça repart au wild as fuck avec le Tony en embuscade derrière les immeubles en flammes. Classic L.A. punk. Ils font aussi une cover bien standellienne de «St James Infirmary», gluante à souhait et chantée à outrance. Et puis bien sûr, tu as le morceau titre, belle invitation au c’mon girl. 

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             Le quatrième Tower s’appelle The Hot Ones et c’est un album de reprises. On y retrouve le «19th Nervous Breakdown» des Stones et le punk genius de «Dirty Water». Le troisième standout de The Hot Ones est la version punkish de «Last Train To Clarksville». Tony Valentino et Dick Dodd jettent tout leur swagger dans la balance. Par contre, ils se vautrent sur «Wild Thing». Les Troggs font ça beaucoup mieux. Ils tapent aussi dans Donovan avec «Sunshine Superman». Ils ont la main lourde, ils ramènent un gros bassmatic sur le dos de Don, disons que c’est de bonne guerre. Ils enchaînent avec «Sunny Afternoon». Choix étrange de la part de punks angelinos. Nouveau choix étrange en B avec «Eleonor Rigby», et ils retrouvent enfin des couleurs avec une retake tape dur de «Black Is Black», encore un hit qui date de la belle époque, une fantastique machine à remonter le temps.

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             Dans son book, Larry Tamblyn se dit très fier du Live On Tour 1966 exhumé par Sundazed. On y trouve à boire et à manger. Ils attaquent avec un classic gaga pysch, «Mr Nobody», pas vraiment de son, ça joue sous le boisseau, dans les ténèbres de la légende. Ils enchaînent deux covers, «Sunny Afternoon» et «Gloria». C’est très mou du genou dans les deux cas, le Gloria est doux comme un agneau, ils en font même un comedy act. Ça se réchauffe en B avec «Why Pick On Me», une valse à trois temps qui préfigure les Doors. Ils flirtent aussi avec Paint It Black, mais ça bascule heureusement dans le punk de why pick on me baby. Puis ils osent taper dans James Brown avec «Please Please Please», wanna be your lover man baby, mais c’est imbuvable. Même leur «Midnight Hour» est mou du genou, complètement édulcoré, chanté en mode petit cul blanc. On est aux antipodes de Wicked Pickett. Ils finissent en mode Standells action avec «Sometimes Good Guys Don’t Wear White» et «Dirty Water». C’est Dave Burke qui fait rouler la poule au bassmatic avec un son bien rond et de vaillantes transitions.

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             Pour tous les fans des Standells, le Tamblyn book est un passage obligé, même si globalement on y apprend rien de plus que ce qu’on sait déjà. Début d’autobio classique avec tous les détails d’une enfance californienne et fin d’autobio classique avec tous les détails des règlements de comptes et des petites trahisons, le traître principal étant Dick Dodd.

             Bizarrement, Tamblyn reste en surface. Il relate. Il raconte sa vie très simplement. Comme si sa vie se résumait aux quatre hits déjà cités. Mais il n’entre pas dans la chimie du groupe comme le fait Kid Congo avec le Gun Club. À la lecture du Congo book, on comprend pourquoi le Gun Club est un groupe si important. Larry Tamblyn se limite aux faits. Si les Standells sont devenus un groupe tellement mythique, on ne saura jamais vraiment pourquoi, on devra donc se contenter de les écouter. On grapille néanmoins quelques petites infos complémentaires et on s’en régale, puisqu’il s’agit des Standells, after all. Larry Tamblyn commence par nous rappeler que le Sicilien Tony Valentino s’appelle en réalité Emiliano Bellissimo et qu’ils ont co-fondé tous les deux les Standells en 1962. L’autre principale caractéristique de Tony est qu’il passe sa vie à courir les jupons et à baiser comme un lapin. Alors pourquoi les Standells ? Tamblyn tire le nom du «standing around in booking agents’ offices», c’est-à-dire «faire le poireau chez bookers». Larry a un grand frère, le fameux Russ Tamblyn, de neuf ans son aîné, qui deviendra movie star. En 1958, Russ joue le rôle d’un détective dans High School Confidential, avec Mamie Van Doren. On y voit surtout Jerry Lee. Larry avoue que Jerry Lee est l’un de ses héros et c’est grâce à lui qu’il arrête la gratte pour passer aux keyboards - After seing the movie, my musical perspective changed forever - Ça s’appelle une vocation.

             Le deuxième line-up des Standells comprend en plus de Tony et de Larry, Gary McMillan (bass), rebaptisé Gary Lane, et Gary Leeds (beurre). Gary Leeds qui vient de voir The Village Of The Damned veut changer le nom du groupe pour l’appeler The Children, en référence au film, et il propose que tout le monde se teigne les cheveux en blond. Proposition refusée. Gary Leeds commence alors à voir le groupe de travers. Il ne va d’ailleurs pas tarder à le quitter pour rejoindre les Walker Brothers. On ne saura hélas rien de plus sur ce personnage clé de l’histoire du rock américain.

             En 1965, Larry abandonne le Farfisa pour un Vox Continental organ. C’est Dick Dodd qui remplace Gary Leeds, un mec «handsome and self-assured», «half Hispanic and half Irish». Larry lui trouve «a real punk attitude». Dodd dit aux autres qu’il a eu l’info par Jackie DeShannon qui savait que les Standells cherchaient un beurreman. Dodd dit aussi qu’il a joué un moment dans le groupe de Jackie. 

             C’est aussi en 1965 qu’ils rencontrent Greengrass Productions et Ed Cobb, un ex Four Preps. Les Standells signent avec eux, parce qu’ils ont un deal avec Tower Records. C’est Cobb qui pond «Dirty Water». Il suggère de laisser Dick Dodd chanter. Et Tony sort le riff qu’on connaît tous, le fameux dum-dum-dum dump-da-dum. C’est Dick Dodd qui a l’idée de l’intro d’I’m going to tell you a story - It’s about my town/ I’m going to tell you a big fat story baby/ It’s all about my town - C’est aussi lui qui ramène les petites transitions du genre «along with lovers muggers and thieves», et «aw but they’re cool people». Et pour bien enfoncer le clou, Larry révèle que «Dirty Water» fut enregistré dans un garage aménagé en studio à Westwood, sur un trois pistes. Wham bam thank you pas mam, mais Armin Steiner, l’ingé-son. Inutile de dire que la version enregistrée de «Dirty Water» n’a plus rien à voir avec la démo d’Ed Cobb, mais les Standells ne sont pas crédités.

             En 1966, un mec de Screen Gems appelle Larry pour lui proposer la botte dans les Monkees, mais comme les Standells commencent à décoller, il reste loyal au groupe. D’autant plus loyal qu’avec «Dirty Water», les Standells obtiennent a «national prominence». Soudain, Dick Dodd annonce qu’il quitte le groupe pour rejoindre les Ravens. Tony est furieux : «Dat fucking Mexican ruined my life». Tony parle encore un mauvais Anglais que Larry s’amuse à le citer dans le texte. En remplacement de Dodd, ils recrutent Dewey Martin qui bat le beurre dans Sir Raleigh & The Coupons, et qui le battra ensuite dans Buffalo Springfield. Comme Dodd, Dewey est un excellent beurreman et un excellent chanteur. Quand Dick Dodd revient, Dewey gicle. Soulagement général, car Dewey se baladait avec un ocelot dont tout le monde avait la trouille.

             Il est temps d’enregistrer le premier album et Ed Cobb emmène le groupe au Keaney Barton’s Audio Recording Studio, là où les Kingsmen, les Sonics et les Wailers ont créé le Northwest Sound. Et quand Gary Lane quitte le groupe, c’est l’excellent Dave Burke qui le remplace.

             L’épisode le plus important dans l’histoire des Standells est certainement leur tournée en première partie des Rolling Stones, en 1966. Rick Derringer et les McCoys font aussi partie de cette tournée devenue mythique. Le tour manager des Stones est Mike Gruber que Larry voit comme un «major asshole». Dans l’avion les drugs sont plentiful : pot, mais aussi l’amyl nitrate qu’on utilise nous dit Larry pour relancer le cœur des mourants. Hélas, Larry reste à la surface des choses. On trouve beaucoup d’infos sur cette tournée dans Love That Dirty Water: The Standells And The Improbable Red Sox Victory Anthem de Chuck Burgess & Bill Nowlin.

             Ils enregistrent leur deuxième album Why Pick On Me à Los Angeles. C’est Ed Cobb qui choisit tous les cuts. Larry ajoute qu’il impose aussi le titre à rallonge. La même année sort The Hot Ones. Cobb fout la pression commerciale. Comme ça se vend bien, il accélère la cadence. Biz biz biz. Puis Larry voit Cobb changer. Il devient despotique et bien sûr, bosser avec lui devient compliqué. Il se prend pour une superstar, comme Totor, il s’attribue le fulgurant succès des Standells. En studio, il fait venir deux blackos, Ethen McElroy et Don Bennett qui composent et qui arrangent, puis des musiciens black qui remplacent les Standells sur un cut. C’est la même arnaque qu’avec le Chocolate Watchband. Larry assiste à l’enregistrement des faux Standells et demande à Cobb pourquoi il ne laisse pas jouer les Standells. Cobb lui répond : «These guys sound more like the Standells than you do.» Merci Cobb ! Le cut dont il parle est «Can’t Help But Love You». Cobb rajoute aussi des cordes sur «Trip To Paradise». Heureusement, le reste de l’album est purement standellien. C’est Larry qui chante «St James Infirmary». Puis les choses se dégradent encore avec Cobb qui décide de mettre Dick Dodd en avant, avec les Standells comme sidemen - He had lost all respect for our artistic integrity.

             C’est John Fleck qui va remplacer Dave Burke. Fleck n’est pas n’importe qui, il a joué dans Love. C’est un mec brillant qui sait aussi composer. Les Standells enregistrent encore un single avec Cobb : «Animal Girl»/«Soul Drippin’», qui paraît en 1968, puis un cut de Graham Gouldman, «Schoolgirl», mais comme Tony n’arrive pas à le jouer, Gouldman pique sa crise de fiotte et quitte le studio en claquant la porte. Larry se dit surpris de voir réapparaître le cut plus tard sur une réédition CD de The Hot Ones, mais il ne reconnaît pas la voix de Dick Dodd. Il se pourrait dit-il que ce soit celle de Gouldman.

              1968 est pour Larry l’année de la fin des haricots. Le single «Animal Girl» floppe. Le gaga-punk des Standells et des Seeds cède la place à l’acid rock de San Francisco. Les riffs de Tony n’intéressent plus les gens. Les Standells en profitent pour virer Cobb. Ouf ! Dunhill Records louche sur les Standells. Une fois de plus, Dodd quitte le groupe pour entamer une carrière solo.  Il reproche aux trois autres d’avoir viré Cobb qu’il considère comme un père. Cobb reproche aussi aux Standells de l’avoir quitté après qu’il ait tout fait pour les lancer et les rendre célèbres. Larry pense le contraire : Cobb leur doit tout, ce sont les Standells qui ont fait le son de «Dirty Water», certainement pas Cobb. La meilleure preuve dit Larry c’est qu’après les Standells, Cobb n’aura plus jamais de hits. Dodd avouera aux trois autres qu’il avait été manipulé par Cobb, lui faisant croire qu’il était The voice et que les autres ne servaient à rien.

             Les Standells se reforment avec Daniel Edwards (lead guitar) et Willie Dee (beurre). Le groupe tourne essentiellement en Californie. Puis Lowell George monte à bord, mais avec lui, ça se termine en eau de boudin. S’ensuit un autre line-up avec Bill Daffern (beurre), Paul Drowning (gratte) et Tim Smyser (bass) et là, on commence à s’ennuyer comme un rat mort. Larry finit par en avoir marre de jouer dans les nightclubs. Il se dit «disillusioned with the entire rock group thing». Il jette l’éponge. Pour lui, les Standells sont morts et enterrés. Kaput.   

             Grave erreur ! Le groupe se reforme en 1983 avec Bruce Wallenstein et Eric Wallengren. Ils partagent un studio de répète avec Motley Crüe que Larry voit comme des singes - Pour eux, l’abus d’héro et des orgies sexuelles sont probablement un pré-requis pour jouer dans un groupe de rock - En 1984, les Standells originaux se reforment pour jouer dans un festival rétro : Dick Dodd et Gary Lane remontent à bord. Puis c’est au tour de Tony de mal tourner et de devenir a pain in the ass. Il veut jouer ses compos sur scène et le problème, c’est qu’elles ne sont pas bonnes.

             Puis ce sera le fameux Cavestomp à New York. Le grand Peter Stuart des Headless Horsemen accompagne Tony, Dick et Larry. Et en l’an 2000, ils participent au fameux Las Vegas Grind avec les Remains et les Lyres. Larry est ensuite contacté par un tourneur espagnol qui veut les Standells au Go Sinner Go Festival de Madrid, et pour une tournée espagnole grassement payée. Tony dit non, parce qu’il doit s’occuper de son restau. Quand Larry propose de le remplacer à la gratte pour la tournée, Tony réussit à convaincre en douce Dick et Gary de refuser. Larry se dit trahi par son vieil ami. Il atteint les tréfonds de l’acrimonie. Pour lui, c’est la fin des haricots définitive.

             Il se fourre encore une fois le doigt dans l’œil. En 2009, les Standells originaux jouent à Vegas, puis à Amoeba Records, le super-marché du disque de Los Angeles, pour la parution de la box Rhino Where The Action Is, sur laquelle «Riot On Sunset Strip» est le kick-off cut. Larry découvre ensuite que Dick Dodd a détourné à son profit les royalties du fameux Live On Tour 1966 de Sundazed, sans bien sûr le dire aux autres. Il avait signé «Dick Dood for the Standells». Comment a-t-il pu faire une chose pareille, se demande le pauvre Larry, effondré au spectacle de cette abominable trahison. En 2010, les Standells reformés tournent en Europe. Ils jouent enfin au Go Sinner Go Festival de Madrid, dix ans après que Tony ait comploté pour l’annuler. Comme Tony a été viré du groupe, il appelle Larry pour lui demander de le prendre pour la tournée et Larry l’envoie sur les roses. Il a déjà engagé un guitariste «much better musician than Tony». Et puis la vraie raison, c’est qu’il ne peut pas recommencer à travailler avec Tony. Impossible !

             Alors la guerre éclate entre Tony et Larry. Tony ouvre un site officiel des Standells sur lequel il traite Larry de menteur. Les Standells continuent cependant à tourner jusqu’en 2017 et le concert final a lieu au Palace Theater de Los Angeles. Quelle histoire !

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             Dans Shindig!, Chaim O’Brien-Blumenthal re-raconte le book, comme le fait le cat Zengler, il reprend méthodiquement toute la chronologie et sort les anecdotes les plus croustillantes. O’machin sort par exemple l’anecdote du concert de Toronto, sur la tournée des Stones en 1966, lorsque les Ugly Dickings sont virés de la scène parce qu’ils tapent un cut des Stones. Ils ne savaient pas qu’ils jouaient en première partie des Stones et que, dans ce contexte, c’est interdit de jouer leurs cuts. Larry raconte aussi qu’un jour, il est invité à dîner chez les Stones, dans leur hôtel de Manhattan, et quand il demande du ketchup pour arroser son steak, le Jag le traite de «fucking yank». Larry raconte aussi que John Fleck fut débauché de Love, ce qui n’a pas plu à Arthur Lee. Pour se venger, le roi Arthur débranchera tous les amplis des Standells au moment où ils arrivent sur scène. C’est John Fleck nous dit Larry qui compose «Riot On Sunset Strip», et Tony ramène le riff, pour le film du même nom. O’Brien-Blumenthal cite bien sûr le garage revival des années 80 et le rôle crucial qu’a joué Rhino pour la renaissance des Standells. Et puis tout ça se termine bien sûr avec l’épisode du Red Sox Baseball team de Boston qui demande aux Standells de venir jouer «Dirty Water» dans leur stade en 2004 : c’est l’hymne du club. Et l’hymne des garagistes.

    Signé : Cazengler, Standouille

    Standells. Dirty Water. Tower 1966

    Standells. Why Pick On Me. Sometimes Good Guys Don’t Wear White. Tower 1966

    Standells. Try It. Tower 1967

    Standells. The Hot Ones. Tower 1967

    Standells. Live On Tour. - 1966. Sundazed Music 2015

    Chaim O’Brien-Blumenthal : I’m gonne tall you a story.  Shindig! # 135 - January 2023

    Larry Tamblyn. From Squeaky Clean To Dirty Water. BearManor Media 2022

     

     

    Sari jette un Schorr

     

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             Si on est allé voir Sari Shorr sur scène, c’est sur les conseils de Mike Vernon, le vieux boss du British Blues et de Blue Horizon, qui dans une interview récente disait avoir craqué pour elle. Sari Schorr est une blanche qui chante avec Joe Louis Walker en tournée - She’s the most extraordinary singer, a big-voiced blues rocker - C’est d’autant plus troublant que le vieux Mike doit être blasé, d’avoir fréquenté toute la crème de la crème du gratin dauphinois, de Mayall à l’early Fleetwood Mac de Peter Green, en passant par le Chicken Shack de Stan Webb. Et combien d’autres ? Alors on fait confiance à Mike et on y va. D’un pas d’autant plus ferme quand on a pris la peine d’écouter A Force Of Nature, paru en 2016.

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             Elle y fait une cover du «Black Betty» de Leadbelly. Elle la gueule mais on voit bien qu’elle en veut, la petite Sari. Derrière, Innes Sibun fait un incroyable travail d’ascension vers les dieux du blues. Sari gueule mais elle est bonne. On le voit dès l’«Ain’t Got No Money» d’ouverture de bal, elle chante au registre haut, ce qui n’est généralement pas bon signe, mais Innes Sibun amène l’eau du blues à son moulin et ça finit par sonner juste. Sari allume bien ses cuts. Elle s’investit à fond, comme on dit dans les entreprises. C’est Oli Brown qui vient gratter ses poux dans «Damn The Reason». On perd le blues, elle se barre dans son truc. Mais quand Innes Sibun revient pour «Cat And Mouse», les affaires reprennent leur cours normal. La petite Sari chante comme une black et Innes Sibun fait merveille au solotage, il va dans le sens de la fluidité, il est parfait dans son rôle de guitar slinger en embuscade. Il monte vite à la note. L’autre invité de l’album n’est autre que Walter Trout («Work No More»). Le Trout ramène du blues électrique. Alors Sari chante son blues à la dure, comme les femmes le chantaient dans les années 70, Maggie Bell, par exemple, à la rauque, et le Trout en fait des tonnes, il n’en finit plus de jouer son blues, il tombe dans sa démesure et c’est pas mal. Elle chante un peu «Demolition Man» comme Nicoletta, elle chante du ventre, et Innes est là, juste derrière. Elle fait un peu sa Guesh Patti, on s’attend à voir se pointer Étienne. Il n’empêche que le son est plein comme un œuf et qu’on en savoure chaque seconde. Oli Brown revient jouer sur «Oklahoma» et il joue plus jazz. Il se croit malin, il a raison. Avec «Letting Go», on entre dans le registre de la main courante, avec un Innes éclatant au coin du bois de Boulogne. Oli Brown revient sur «Kiss Me» et lui entre dans le lard à la colère latente. Il gratte en concordance, mais il reste prudent, il a raison, car Sari est chaude - All I want you to do is to kiss me - C’est très sexuel, kiss me hey hey, ça sent bon la cuisse offerte et le ventre afférent, c’mon kiss me ! Elle tape aussi dans le vieux «Stop In The Name Of Love» des Supremes, elle passe bien, même avec des accents mâles. Elle en fait une version heavy et donc on perd le Motown. Elle écrase son Why don’t you stop comme un mégot et rate son effet.

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             Sur scène, c’est un peu du sans surprise. Les Anglais qualifient ce type de spectacle d’old-school. Sari Schorr ramène son public dans les seventies. Tous les poncifs accourent au rendez-vous, les gros solos d’orgue Hammond, les grattés de poux grimacés d’un petit mec affreusement doué qui s’appelle Ash Wilson, on a même le bassman black au crâne rasé qui descend du heavy bassmatic sur un manche de basse plus large que la moyenne, et bien sûr une Sari Schorr qui incarne toute la bravado du blues-rock des seventies avec cette petite veste à franges qui rappelle celle de l’early Ozzy Osbourne.

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    Sari Schorr est une très belle femme aux cheveux noirs, dotée d’une voix extrêmement puissante, mais diable, comme elle peut être prévisible. Ce qui n’enlève rien bien sûr à l’intensité de sa présence.

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    Pour ce set en Normandie, elle tape dans ses deux albums et on est ravi de la voir niaquer le «Black Betty» du vieux Leadbelly. Dès qu’elle tape dans le blues, elle est passionnante. Mais quand elle tape dans les balladifs à l’Aerosmith, alors là, c’est plus compliqué. On bâille aux corneilles. Elle établit avec le public un lien de très bonne qualité, on sent qu’elle est contente d’être sur scène, elle sait se montrer très chaleureuse, en tous les cas, ses mots sonnent juste. La petite ombre à ce tableau angélique, c’est que la salle n’est pas très pleine. 

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             Il existe sur le marché un Live In Europe qui donne une idée précise de ce que donne Sari Schorr sur scène. On y retrouve son excellente retake du «Black Betty», elle le prend bien heavy et ça prend feu à force de craquer des allumettes. On y retrouve aussi «Back To LA», un balladif incendiaire porté par le pur power de sa voix, puis «Valentina», son cut de fin de set, juste avant les rappels. Des retrouvailles encore avec «Demilition Girl», heavy boogie élastique, mais avec de la voix, et «Ain’t Got No Money», un véritable shoot de hard boogie qu’elle éclate avec une force spectaculaire. Il faut la saluer, car elle génère énormément d’énergie. C’est une petite centrale à deux pattes. Elle pourrait alimenter une ville moyenne. Elle a joué aussi «Dame The Reason» à la Traverse, un cut de c’mon hanté par des fantastiques retombées d’excelsior, elle se fond dans le moule du bronze et n’en finit plus de battre de tous les records d’intensité énergétique. Elle peut se montrer très vindicative, avec une voix venue d’en haut, elle ramène des tonnes de power féminin. C’est dingue comme on s’attache à elle ! Elle fait une version superbe d’«I Just Want To Make Love To You», elle y déclenche une véritable émeute ses sens, elle s’y colle avec toute l’énergie dont elle est capable. Et puis elle ouvre son bal avec l’excellent big heavy boogie down de «The New Revolution», elle est vite dessus, beaucoup trop dessus. Trop de power, mais de ce trop-plein émane une forme de magie relative, c’est un hit, une vraie panacée, elle est splendide, elle épouse bien les développements, elle génère des petits phénomènes surnaturels. 

    Signé : Cazengler, Sari gole pas

    Sari Schorr. La Traverse. Cléon (76). 1er avril 2023

    Sari Schorr. A Force Of Nature. Marathon Records 2016

    Sari Schorr. Live In Europe. Marathon Records 2020

     

     

    Wizards & True Stars

    Have you seen the little Pixies crawling in the dirt ?

     (Part Four)

     

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             Se pourrait-il qu’après (bientôt) quarante ans de bons et loyaux services, les Pixies fassent encore les malins en enregistrant un album qu’il faut hélas qualifier de génial ? Se pourrait-il qu’après tant et tant d’années, le Pixass des Pixies, c’est-à-dire Frank Black, soit encore capable de puiser à la source même de son art, un art qu’il faut bien qualifier d’art total ? Se pourrait-il qu’au soir de sa vie, un petit homme à tête affreuse soit encore capable d’illuminer la terre, comme il a su le faire sa vie entière ? Se pourrait-il qu’après tant et tant d’albums extrêmement denses Frank Black soit encore apte à densifier la densité au point d’en troubler la nature profonde ? Se pourrait-il qu’un homme ayant exploré tous les recoins de la métaphysique du rock soit encore capable de pousser ses recherches pour éventuellement révéler au monde de nouvelles découvertes ? Se pourrait-il qu’une cervelle humaine, celle de Frank Black en l’occurrence, soit tellement rompue aux excès de l’intelligence qu’elle puisse s’auto-régénérer ? Se pourrait-il qu’un homme soit tellement amoureux de sa muse qu’il puisse envisager de l’épouser pour atteindre à l’immortalité ? Se pourrait-il qu’un homme soit tellement passionné par l’art magique de la composition qu’il puisse se croire autorisé à bousculer l’ordre des choses établies, au point d’éradiquer la notion même de déclin ? Se pourrait-il qu’un petit homme affreux du nom de Frank Black soit capable à lui seul de bouleverser le cours du temps ? Se pourrait-il que Doggerel soit le meilleur album des Pixies ? Se pourrait-il que cette hypothèse soit une vue de l’esprit ? Se pourrait-il que toute vue de l’esprit ne soit qu’une hypothèse ? Se pourrait-il que Doggerel soit en réalité un monstre sonique qui dévore vivantes toutes les hypothèses et toutes les vues de l’esprit ? Se pourrait-il que le morceau titre de Doggerel soit l’une des incarnations du mythe d’on a road to nowhere, c’est-à-dire le mythe du Graal ? Se pourrait-il que Frank Black fasse monter tout doucement la pression de ce morceau titre pour mieux nous convaincre de le suivre on the road to nowhere, c’est-à-dire vers le merveilleux néant ? Se pourrait-il que cet assaut - I’m a wonder Doggerel - soit le plus grand assaut de l’histoire du rock ? Se pourrait-il que sa scansion I’ll never wonder again/ I’ll never wonder again soit la scansion primale du rock, comme le fut en son temps l’Out Demons Out d’Edgar Broughton ? Se pourrait-il qu’il claque au passage un solo d’outer-space pour mieux nous convaincre de son extrême sincérité ? Se pourrait-il qu’il revienne inlassablement sur son never wonder again pour nous montrer la direction des nouvelles voies impénétrables ? Se pourrait-il que ce nerver wonder again soit the real wonder de l’histoire du rock ? Se pourrait-il que cet album incite les hommes à se prosterner ?

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             Foin des interrogations. Il est temps de passer aux affirmations : Doggerel se joue en Technicolor. Tu es là pour ça, bien calé dans ton fauteuil de velours rouge, mais tu ne sais pas encore à quel point c’est du Technicolor. Le gros va t’en foutre plein la vue, et même certainement plus qu’avant, plus qu’au temps de Trompe le Monde, quand il injectait sous ta peau un torrent de frissons baptisé «Letter To Memphis». Dès «Nomatterday», Frank Black nous ramène sur son spot de prédilection, back to the edge of sound. Tu le verras gratter sa cocotte au bord du gouffre. Il oscille dangereusement mais il reste le maître du jeu, c’est-à-dire le maître du rock américain, autrement dit le maître des éléments et des tempêtes soniques - It’s Nomatterday/ Here we go again/ Necromancers bending to and from - Il retape dans son vieil art de la digression, d’autant plus librement qu’il n’a plus rien à prouver. Il vise encore l’apocalypse avec «Vault Of Heaven», mais il y va en fourbasse, en dessous du boisseau, là où rôdent les reptiles vénéneux et aveugles, il emprunte la voie humide de la pop, accompagné du son de basse qu’il affectionne particulièrement - Here in the vault of heaven/ Just trying to keep me straight/ But I ended up still in outer space - S’ensuit une extraordinaire descente aux enfers («Dregs of The Wine»), nouveau numéro de charme killer de sixty-six - And then it’s time to go/ It’s really time to go - définitivement wild as fuck, il le tire au cul en feu. Le shaman Pixass détient tous les pouvoirs du rock. Pire encore avec «Haunted House» ! On se croirait sur un album solo du gros, au temps béni des Catholics, il nous a tellement habitués à ce genre de fantasia, mais fais gaffe, car ça devient vite incontrôlable, il va te bouffer le foie vite fait. Cet artiste surnaturel est capable de descendre aux enfers avec le chant du paradis. Il re-Cariboute sous la voûte étoilée - Haunted house all full of ghosts/ I’m gonna pass that way - Ça reste à la fois d’un très haut niveau et inexorablement sublime - Whoa, whoa, whoa, whoa, whoa - Il reste au paradis pour enfoncer un suppositoire dans l’anus rose de l’Ange Gabriel : «Get Stimulated» - ah-ah ah-ah - il schtroumphe sa heavyness, la bourre comme une dinde et claque sa chique aux accords délétères - Let it be said I’m a little narcissist/ But my favorite rock and roll is sealed with a kiss - Bizarrement, on se croit toujours en territoire connu, alors qu’il entre dans des zones inexplorées. Au point où on en est, on pourrait même parler de zones inexplorables. Il chante à l’agonie et reste magnifiquement infectueux - Get simulated/ I really get me down now - Il joue de sa voix comme d’un instrument. C’est sa façon de courir sur l’haricot du rock. Il reste le plus gros géant d’Amérique, un géant semblable à ceux que Zeus combattit et qu’Héraklès acheva. La seule différence avec les géants de Thrace, c’est que le gros est invulnérable. Il domine le monde et gratte sa petite pop. C’est un enchantement que de l’entendre. Il se permet même le luxe de sonner comme Creedence avec «Pagan Man». Il te concocte encore tout le bonheur que tu peux espérer avec «Who’s Sorry Now» et «You’re Such A Sadducce». Pix me up, Frank ! 

    Signé : Cazengler, Picsou

    Pixies. Doggerel. BMG 2022

     

     

    L’avenir du rock

    - Alors ça Buzz, cock ?

     (Part Two)

     

             L’avenir du rock prend souvent l’apéro à la terrasse du petit rade qui se trouve en face de la FNAC Saint-Lazare. Il se grise du spectacle d’une foule extrêmement dense, comme elle peut l’être aux abords de toutes les grandes gares parisiennes. Ce fleuve incessant charrie des êtres de toutes les couleurs et de toutes les tailles et semble les emporter vers leur destin. Quoi de plus vertigineux que le spectacle d’une foule en mouvement ? Un homme assis juste à côté engage la conversation :

             — Je vous connais. Suis certain de vous avoir vu à la télé, mais votre nom m’échappe...

             — Avenir du rock.

             — Vous rigolez ?

             — Pas du tout. Ai-je l’air de rigoler ?

             — Mais c’est pas un nom !

             — Et pourquoi ne serait-ce pas un nom ?

             — Excusez-moi de vous dire ça, mais ça sonne plutôt comme le titre d’un bouquin.

             — Non, je suis un concept, mais ce serait trop long à vous expliquer. Je préférerais que nous trinquions à l’arrivée du printemps, par exemple. Et puis dites-moi, à qui ai-je l’honneur ?

             — Je m’appelle Coq, comme un coq. 

             — Alors à la bonne vôtre, Coq.

             — À la bonne vôtre, Rock !

             Les tournées s’enchaînent, les visages s’empourprent et l’échange se fait plus cordial :

             — Pour un avenir, tu m’as l’air un peu fané, Rock.

             — On a l’âge de ses artères, Coq.

             — J’aimerais bien te tâter le bas, Rock.

             — Serais-tu bi, Coq ?

             — J’ai l’easy rut, Rock.

             — Là t’abuzz, Coq.

     

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             Pendant que l’avenir du rock tente de s’extraire de ce guêpier, Steve Diggle reprend en main la destinée des Buzzcocks, l’un des très grands groupes anglais rescapés, comme les Damned, de la première vague punk. Pourtant frappé de plein fouet par le cassage de pipe de Pete Shelley, le groupe existe encore. C’est inespéré.

             Pendant quarante ans, Steve Diggle a vécu dans l’ombre du grand Pete Shelley et ça n’a pas dû être simple pour lui. Diggle est un ‘Chester cat extrêmement brillant, c’est en tous les cas ce que montre Sonics In The Soul, le nouvel album des Buzzcocks, et on pourrait même aller jusqu’à dire : le nouvel album génial des Buzzcocks. Oui car quelle claque !

             Tiens, ça tombe bien, il en parle à Gerry Ranson dans Vive Le Rock. Ranson rappelle qu’il s’agit pour Diggle et Shelley d’une amitié vieille de 40 ans. Quand il a pris la décision de continuer le groupe, Diggle a dû surmonter le fameux «there’s no Buzzcocks without Pete», mais apparemment, nous dit Diggle, les fans ont accepté l’idée d’une continuation sans Pete. Il évoque les deux ou trois gros concerts de reformation donnés à Londres et comme ça lui tirait sur la paillasse, il est allé se reposer dans sa maison près de Thessaloniki, en Grèce - just walking up and down by the sea and having a cool drink - C’est là qu’il écrit des chansons - I always take a notebook - Il ne faut jamais perdre de vue que Diggle est un ‘Chester cat de base, brillant mais de base, un mec très ordinaire, qu’on est toujours content de revoir sur scène. Il dit avoir flashé très jeune sur Little Richard, Chuck Berry et Elvis et, comme tout le monde, sur les Beatles, les Stones, les Who, les Kinks et Bob Dylan. Puis il est passé à ce qu’il appelle le ‘hippie stuff’, «Donovan’s «Hurdy Gurdy Man», all that psychedelic thing», alors il s’emballe, «it was exciting, then later I got into The Velvet Underground, The Stooges and the MC5... via Bowie, really. ‘Cos as soon as Bowie came out, I remember seing the Ziggy Stardust Tour.» Voilà ce qu’on appelle une Éducation Sentimentale parfaite. Il a 16 ans quand il flashe sur Neu! et Can. C’est McLaren qui le présente à Pete Shelley au Lesser Free Trade, en 1976.

             Comme l’article s’étend sur 6 pages, Ranson retrace toute l’histoire des Buzzcocks, singles, albums, puis la première tournée américaine, et là, Diggle saute en l’air : «It was like Hammer Of The Gods!», il n’en revient toujours pas - Drink, drugs and girls every night. It was mental. But we always came out with the goods - Alors il développe, car c’est important : «Quand on est allés pour la première fois en Amérique, on a compris que tout était plus gros là-bas, alors on est montés d’un cran. Les Who pétaient leurs guitares et on a fait la même chose. Pas à cause des Who, mais à cause du public américain, the magic and the craziness of it!». Il raconte ensuite qu’à New York, les Ramones sont venus les voir en concert. Là, Diggle exulte : «Les Ramones nous adoraient et on leur a dit qu’on les adorait et qu’on avait été inspirés par leur premier album. Proper rock’n’roll times. But you have to live those times. That’s one of the reasons you get in a band: the excitement, the energy and... things!».

             Les Pistols choisissent les Buzzcocks pour jouer en première partie du Finsbury Park show en 1996. Là, Diggle devient sérieux : «That was the nucelus of 76. All the others came after. I always say, we wrote the fucking play, we wrote the script.» Diggle revient aussi sur la dernière tournée avec Pete, et un Pete fatigué qui vient le trouver chez lui pour lui dire qu’il songe à s’arrêter. Alors Diggle lui lance : «You’re not leaving it all with me! We’ve still got a lot to do!». Mais quelques jours plus tard, Pete casse sa pipe en bois.

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             Il est grand temps d’écouter Sonics In The Soul. Diggle attaque avec «Senses Out Of Control» et va se lover dans le giron de la légende. Quelle énergie ! Diggle crée de la bien bonne énormité, il insiste bien sur le control. S’ensuit un «Manchester Rain» vite torché. L’album s’annonce revigorant. Diggle est capable de ce genre de miracle, il t’explique comment on fonce à travers la plaine des Midlands, il te fait du pur jus. Il apparaît vite comme l’un des derniers géants de la grande époque du rock anglais, il tape en pleine power-pop avec «You’ve Changed Everything Now», il rue bien dans les brancards, Diggle dig it ! Le festival power-pop se poursuit avec «Nothingless World», ces mecs n’ont rien perdu de leur grandeur ancestrale. Diggle chante à la porte, mine de rien, il te sort un hit, il insiste et te colle au train. Il fait encore un prodigieux numéro de try it off avec «Don’t Mess With My Brain», il l’amène au heavy riffing de punch up, il chante à la menace à peine voilée, avec tout le poids de son héritage cocky, et ça prend de sacrées tournures, il rocke et il rolle à n’en plus finir, you betcha !, il transforme son mess en fookin’ legendary mess, you betcha, il n’en finit plus d’annoncer la couleur. Il illumine encore le rock anglais avec «Everything Wrong», il embarque ça au train d’enfer de Chester, il riffe avec une sorte d’incroyable facilité et une bassline croise sa route, ça sonne comme un hymne, tu as là du big Dig. Il te casse encore la digue vite fait avec «Experimental Farm», il te gratte ça à la vieille cocote. Diggle est l’un des mecs les plus attachants de l’histoire du rock anglais, mais aussi de la scène actuelle. Il gratte son énorme cocote en souriant, tellement il est heureux d’être là. Encore un coup de génie avec «Can You Hear Tomorrow», il claque ça au carillon, il pose bien ses conditions, il pousse le bouchon toujours plus loin, so far-out ! Il couronne son album à la dure de Chester.

             La chute de l’article de Ranson est magnifique. Diggle dit qu’après Devoto et Pete, c’est la troisième génération - We’re on the third generation now. You’ve been to the V&A and seen the Ming Dinasty? This is the Steve Diggle Dinasty, it’s my time now. Most people are on that journey now with us. Most people are saying ‘I’m glad you carried on, it’s nice to have Buzzcocks music in 2022’ - Magnifique artiste. Il devient chef de meute et trace la route vers l’avenir. Alors, on se prosterne jusqu’à terre.  

    Signé : Cazengler, la (triple) Buse

    Buzzcocks. Sonics In The Soul. Cherry Red 2022      

     

     

    Inside the goldmine

    - Un Chuck de choc

     (Part One)

     

             S’il fallait établir un hit parade des forces de la nature, nul doute que Jacques Somme trônerait au sommet. La notion d’obstacle ne l’a jamais effleuré une seule fois, tout au long de sa longue vie. Ne nous méprenons pas, Jacques Somme n’était pas un Hercule de foire. Il planquait ses biscotos sous un crâne garni de mèches blondes taillées à la serpe, comme celles de Jean-Paul Sartre, une autre force de la nature. Il était même courant, chez ceux qui goûtaient au privilège de sa fréquentation, de le comparer à Sartre, le strabisme divergeant en moins. Passionné de langues vivantes, Jacques Somme passait sa vie à les apprendre et à les enseigner. Il eut tôt fait d’apprendre le Russe et le Chinois et pour parfaire sa pratique, il y fit, comme Blaise Cendrars en son temps, des escapades sauvages. Plus tard, dans sa vie, lorsqu’il eût passé l’âge de sauter dans des trains en marche, il y organisa des voyages et créa un vaste réseau d’érudits et d’écrivains, dans les deux pays. Car bien sûr, la pente naturelle des polyglottes est la traduction. Il ne se contentait pas du Chinois officiel, il creusa un peu dans les régions et s’amouracha des dialectes locaux. Puis il entreprit à une époque où ce n’était encore courant d’apprendre TOUTES les langues des Balkans. Pour ce faire, il installait un magnétophone à cassettes sous son oreiller, et après avoir baisé ses deux maîtresses et son épouse qui partageaient sa couche chaque nuit, il s’endormait pour apprendre une nouvelle langue serbe ou croate. Il me confia un jour, en éclatant de ce rire rocailleux qui le caractérisait, qu’on apprend mieux en dormant. Il traduisait des auteurs qu’il connaissait personnellement pour le compte des fameuses POF, les Presses Orientales de France, et organisait des voyages culturels dans des pays très fermés comme la Corée du Nord et l’Albanie. Il nouait pour cela des contacts dans les ambassades et obtenait des autorisations que personne d’autre ne pouvait obtenir. Il commença au soir de sa vie à se pencher sur les dialectes d’Afrique de l’Ouest. Une nuit, son épouse et ses deux maîtresses furent réveillées par une atroce odeur de brûlé. Une fois la lumière allumée, elles hurlèrent en chœur : la tête de Jacques Somme était carbonisée. Sa cervelle en surchauffe avait pris feu. Ses lèvres bougeaient encore. Il semblait vouloir dire quelque chose. Son épouse se pencha. «Oua... ga... dou... gou...» Elle ne comprenait pas. «Oua... ga... dou... gou...»

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             Espérons que Chuck Jackson n’a pas connu une fin aussi atroce que celle de Jacques Somme. Enfin, atroce dans les apparences. C’est quand même pas mal de casser sa pipe en bois en apprenant une langue africaine. Chuck Jackson pratiquait une autre langue, la Soul. Il fut pendant 40 ans l’un des plus puissants Soul Brothers d’Amérique. Il ne connaissait qu’un seul rival, Wilson Pickett. Étant donné la nature tragique de l’événement, nous allons revêtir nos plus beaux habits noirs pour lui rendre un dernier hommage.

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             La meilleure introduction à l’œuvre de ce géant de la Soul est une belle compile Kent, Big New York Soul. Wand Records 1961-1966. Dans le booklet, c’est Ady Croasdell qui se charge des présentations. Il commence par rappeler que les Wand recordings du Chuck de choc sont considérés comme «some of the finest Soul tracks of their era». Entre 1961 et 1967, Chuck enregistre 30 singles et 10 albums pour Wand. Bien sûr, il est l’un des chouchous de la Northern Soul, sinon l’Ady ne serait pas là. Petite cerise sur le gâtö : les Kentomanes sont gâtés car l’Ady n’en finit plus de rappeler que cette compile grouille d’inédits découverts par les fureteurs d’Ace, lorsqu’ils ont récupéré les vaults d’or de Scepter/Wand, dans les années 80. Parmi les inédits, voilà «Things Just Ain’t Right», un heavy r’n’b gorgé de remona. Le Jackson boy y va au straight gut in the face. Chez lui, ça ne marche qu’à l’énergie du punch. Cette compile grouille littéralement de puces. Autre inédit : «All About You», cut dévorant dans une bruine de son. Chuck fait des étincelles, c’est raw, c’mon brother !, il y va au ah !’, il préfigure tout ce qui va suivre. Il t’aplatit l’All About You vite fait. Il allume aussi le «Why Why Why» à outrance. Upbeat and catchy, comme dit l’Ady. Il précise en outre que Doris Troy, Yvonne Fair et Maxine Brown chantent avec Chuck. Il fait un duo d’enfer avec Dionne la lionne sur «Anymore», qui date de 1963. Elle est jeune, presque fausse. C’est Chuck qui fait le show. Dionne vient se chauffer à la chaleur du Chuck. On peut dire de cet artiste extraordinaire qu’il chante d’une voix complète, cassée et cassante, une voix d’airain et d’étain, raw et polie à la fois. Il exerce une âcre fascination («Getting Ready For The Heartbreak»). Il est sur le pont dès l’aube de la Soul avec «In Between Tears». La série noire des coups de génie continue avec «Hand It Over», il te groove le hard du lard dans le creux de l’oreille, c’est de l’early Soul de génie, rien à voir avec la Soul plan-plan qu’on entend ailleurs. On plonge encore un peu plus au cœur du mythe Jackson avec «Big New York», le Chuck de choc rebondit dans le big heavy groove élastique. Voilà un mix idéal de groove et de big voice. Pour l’Ady, «Another Day» est une haunting performance. Chuck chante par dessus les toits. Avec «Why Some People Don’t Like Me», il passe au heavy blues. Il est dessus, mais au jazz bound. À chaque fois, il tape dans le mille. Il est énorme et plein, comme le montre encore «What You Gonna Say». Plein comme un plain singer. Dans «I’ve Got To Be Strong», il est juste derrière le groove. Chuck ne fait rien comme les autres. C’est un artiste unique, il groove son «Silencer» comme un cake. Il s’accroche encore à «This Broken Heart (That You Gave Me)», il s’y accroche de toutes ses forces, tu as sans doute là la meilleure Soul de l’époque, et donc du monde. Il faut le voir balancer des hanches sur «Forget About Me», il est d’une présence inexpugnable. Plus on progresse dans la compile et plus Chuck fascine par son talent et sa modernité de ton. Il est encore plus tranchant que Wilson Pickett. Un Part Two bien gras et dodu comme un sacristain viendra conforter cette idée.

    Signé : Cazengler, Chuck assomme

    Chuck Jackson. Disparu le 16 février 2023

    Chuck Jackson. Big New York Soul. Wand Records 1961-1966. Kent Soul 2017

     

     

    *

    Y a des gens cruels, vous n’y pouvez rien, c’est la nature humaine. Ici ils sont quatre, Tony Marlow, Amine Leroy, Fred Kolinski, à eux trois ils forment Marlow Rider, mais comme pour les trois mousquetaires, ii faut chercher le quatrième, un nom que l’on n’oublie pas, ce n’est pas le loup blanc, c’est Seb le Bison. On ne le voit pas, durant l’enregistrement du disque il était caché derrière la console et sur cette vidéo planqué derrière la caméra.

    Marlow Rider, l’on vous a présenté le premier opus ( 2021 ) du trio intitulé First Ride, l’on a doublé la mise, une fois le Cat Zengler, une fois votre serviteur, pour être sûrs que vous n’oublierez pas, un truc qui a foutu le sbeul partout où on l’a entendu. Gros succès, conséquence ils recommencent. La sortie de la deuxième rondelle vinylique est prévue pour ce début du joli mois 68, que dis-je, de mai !

    Pour le moment vous ne voyez rien à leur reprocher, pour un peu vous les traiteriez de bienfaiteurs de l’Humanité, vous avez tort, ils ont décidé de mettre le feu partout, des adeptes d’Héraclite qui pensait que le feu présidait au cycle éternel de la naissance et de la destruction du monde, leur nouvel album s’intitule CRYPTOGENESE, bref ils ne s’en cachent pas ils veulent nous brûler tout vifs comme Jeanne d’Arc. Les écologistes qui redoutent la sécheresse me font rire. En attendant, regardons et écoutons en avant-première :

    DE BRUIT ET DE FUREUR

    MARLOW RIDER

    ( Official Vidéo Bullit Records/ 05 – 05 – 2023 )

     

    Pas un bruit, sommes-nous dans un fond de banlieue là où commence ( presque ) la campagne, le Marlou étui de guitare en main, allure décidée, lorsqu’il passe devant une porte de garage, la caméra se focalise sur son visage, un quart de seconde pas plus, le Marlou vous regarde, votre sang se fige dans vos artères, maintenant vous comprenez pourquoi dans ses interviewes il n’oublie pas de spécifier qu’il est né en Corse, le pays des bandits d’honneur, très gentils mais il vaut mieux s’abstenir de leur marcher sur les pieds, même sur un seul, vous paniquez, pourvu qu’il ne m’ait pas vu, mais non il n’a rien contre vous, par contre dès l’image suivante il s’en prend à sa guitare.

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    Marlow envoie le riff, tout de suite lourdement ponctué par Fred à la main lourde, la contrebasse d’Amine vous pose des contreforts en béton précontraint, vous entrevoyez cinq minutes de volupté paradisiaque, déjà vous voyez venir la suite, riff + riff + riff + solo fulminant, puis retour riff + riff + riff + solo embrasement terminal, personne ne descend tout le monde totalement stoned, le Marlou vous réserve une surprise, une vipère froide comme la mort qu’il balance autour de votre cou, elle sort de sa bouche, une espèce de Ah ! de derrière le larynx, un feulement de lynx sauvage qui se laisse tomber du haut d’un arbre et enfonce les griffes de ses quatre pattes au travers de votre boîte crânienne pour le plaisir de labourer votre matière cervicale particulièrement spongieuse, le Marlou ne cessera de répéter  la déliquescence de son cri ante-primal tout le long du morceau, pour accentuer l’effet et l’effroi la caméra se bloque sur sa bouche ouverte et vous apercevez sa langue rouge comme la torche d’Erostrate avec laquelle il incendia le temple d’Artémis à Ephèse, sur l’autel duquel Héraclite avait déposé son livre, la même nuit où naquit Alexandre le Grand, vous voyez la conséquence que cette gutturalité spasmodique a produit sur ma modeste personne, mais ce n’est pas tout, puisqu’il a ouvert la bouche, Marlow parle, en français, comment il ose jouer de la guitare psykédélique et il chante en français, sachez-le Marlow n’a peur de rien, il sait imposer ses choix, l’image qui déjà n’était pas très stable se démultiplie, Marlow ressemble à l’Hydre de Lerne, il est impossible de compter ses têtes, Marlow partout, le reste du monde nulle part, z’êtes emportés dans un tourbillon stroboscopique, Fred vous plombe sa batterie, l’a tendu ses peaux sur des gouffres ce qui explique leurs résonnances, et Amine vous dénature sa big Mama, il vous décalamine le son en décalcomanie, le Marlou n’en continue pas moins à glapir tel le Renard du désert à la recherche du Petit Prince, à la fin sa guitare ondule comme une tête de cheval séparée de son corps, elle circonvolute avec la grâce et la maestria d’un évêque qui vous balance un encensoir autour d’un cercueil. La messe est dite. Ite. Sur l’image suivante, on retrouve le Marlou dans la rue tenant son étui à guitare d’une main et une jolie fille de l’autre. Normal c’est un rocker.

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    Damie Chad.

      

    *

    Je connais nos lecteurs, je n’ignore rien de nos lectrices, en lisant la chro précédente sur Tony Marlow, les premiers en lisant le nom de Seb le Bison ont rêvé à la légende indienne du bison blanc, les secondes ont cru qu’elles allaient enfin assister au retour de la femme Bison Blanc. Je crains de décevoir le lectorat, non Seb le Bison n’est pas un bison blanc, non il n’est pas une femme, l’est un homme comme tous les autres, avec quelques particularités, il est Directeur Artistique de Bullit Records, label Rock Indépendant basé à Montreuil City Rock. Enregistrent chez Bullit, Marlow Rider, Cooking with Elvis, Loolie & The Surfin Rogers, je cite ces trois en premiers car nous les avons déjà chroniqués, disques et concerts, mais aussi : Smash, Rikkha, Les Daltons, Nico Shona and the Freshtones, et Modern Delta. Enfin Western Machine dans lequel Seb le Bison officie à la guitare.

    SHORT CUTS

    WESTERN MACHINE

    ( Bullit Records 02 / 2021 )Jésus la Vidange : bass / Taga Adams : bass, vocals / François Jeannin : drums,  vocals / Fred le Bison : vocals, guitar, producteur / Matt le Rouge : saxophone / Andrew Crocker : trumpet.

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    Une pochette hommagiale, pas spécialement dédiée au western, pas mal au cinéma, pour le reste il n’est pas évident de reconnaître les effigies, ce qui est sûr c’est que les trois carrés blancs représentent les membres du groupe : Taga Adam, François Jeannin et Fred le Bison mais au cinéma. Faudra-t-il considérer chaque morceau comme une séquence de film.

    Going back to Hollywood : ne dites pas qu’à Hollywood les cowboys sont d’opérette car ça ramone sévère, si vous attendez une ballade country c’est raté, Jeannin s’obstine fatidiquement sur ses outils de travail, le Bison  meugle méchant, l’on intuite qu’il n’est pas dans un champ de pâquerettes en train de conter fleurette sous un soleil printanier, et pour finir Matt se fâche tout rouge sur son sax, déraille dans un long solo qui finit par se confondre avec des bruits de voitures. High shape woman : Jeannin balance la salière, et la horde cavale derrière, tous en chœur pour le refrain, à la manière dont il mord dans le vocal comme dans le fruit du péché il est sûr que Calamity a produit un effet bœuf sur notre Bison. Bison : Bison fait son autopromotion, sort de son étui une belle voix sombre à la Johnny Cash, sur le refrain les copains le soutiennent à mort, l’a encore une arme secrète, c’est Andrew qui dégaine sa trompette, illico l’on est transporté dans les grandioses paysages de la Sierra Nevada, hélas un coup de téléphone impromptu tire-bouchonne les illusions héroïques. Run run : galopade effrénée, tout se passe dans la tête, voix et contre voix, presque un instrumental serait-on tenté de dire, ce qui serait un mensonge éhonté, mais y mettent tant tout leur cœur que la coagulation rythmique des instruments emporte l’adhésion. Red horse : le cheval n’est pas rouge par hasard, c’est Matt qui mène le troupeau sauvage, se lance dans une espèce de solo vrillé qui tient autant du jazz-noise que du sixty-garage, à la toute fin il essaie de recracher le crotale de la fiole du moonshine qu’il avait avalé par inadvertance. Betty Jane : ce n’est pas Betty Jane Rose, plutôt Betty Jane blue, de toutes les manières rose ou bleue les filles sont toujours problématiques, n’y a qu’à se fier à la voix blanche qui raconte, en douce langue françoise, cette triste histoire, concentrons-nous plutôt sur le travail de François Jeannin que la valdinguerie de la guitare met en évidence. Down by law : voix implacable de la justice en intro, musique en cavale précipitée et voix hargneuse tout de suite après, nous n’avons pas encore parlé des chœurs masculins qui émaillent beaucoup de ces titres, ces soulignements lyriques ne sont pas à négliger, surtout dans ce titre où ils apportent stigmates du drame. I won’t back down : de Johnny Cash, rendons à César ce qui est appartient à Tom Petty et ses Heartbreakers, disons que Western Machine rajoute de la viande instrumentale autour de l’os Cashien, l’idée se défend mais parfois le dénuement squelettique est plus inquiétant. Diamond ring : une espèce de parodie westernique très bien faite, la scène du saloon avec le sax de Matt le Rouge qui se permet de danser la gigue sur les tables et les chœurs de cowboy qui rajoutent de l’ambiance. Moon phase : western interstellaire, avant tout un instrumental, Jeannin se démultiplie, le sax de Matt déraille et fouraille une fois de plus pour notre plus grand plaisir. Western dream : les westerns mexicains, ceux qui se passent au Mexique, de Vera Cruz à El Chuncho, sont-ils les plus beaux, la question mérite discussion, la trompette d’Andrew fait pencher la balance en leur faveur, pratiquement seule, elle surgit comme l’incarnation de l’âme d’un peuple sur un dialogue de film. Magnifique.

    Ne pas se focaliser sur le terme western, machinent un peu tous les styles, garage, rock, punk, ska, mélangent le tout et ressortent la mixture à leur sauce. Résultat : l’envie d’écouter le premier.

    FROM LAFAYETTE TO SIN CITY

    ( Bullit Records / 2016 )

    Olivier HSE : bass / Jésus la Vidange : bass, vocals / François François : drum, vocals / / Fred le Bison : vocals, guitar, / Matt le Rouge : saxophone.

    Big Zym s’est chargé de la chouette pochette, mélangeant mythologie western et modernité avec humour.

    Le titre désigne-t-il la ville de Lafayette située dans l’Indiana ou une autre, plusieurs bourgades des USA ont en effet pris le nom de notre célèbre marquis.  Quant à Sin City la difficulté de localisation est encore plus grande, certes c’est ainsi que l’on surnomme Las Vegas, toutefois nous partirons du principe suivant : il y a déjà une Sin City dans chaque ville où réside une lectrice ou un lecteur de notre blogue. Ailleurs aussi, mais la liste serait trop longue.

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    Hey Western Machine : est-ce en l’honneur de Bo Diddley l’homme à la guitare en fourrure que le titre démarre sur une cascade battériale, par la suite François s’amuse à nous servir le jungle sound en catimini, l’on change d’époque, guitare et basse écrasent tout sur leur passage, z’ont sorti la voiture de la pochette du garage et ça s’entend. Débutent leur disque par un instrumental, un peu comme les westerns qui s’ouvrent sur une tuerie.  Dead man : une guitare saignante, une basse grondante une batterie qui joue au tapis de bombes et une voix qui survole le tout comme un vol de vautours autour d’un cadavre, n’y vont pas de main morte, vous ratiboisent le secteur sous tous ses angles. Pour les amateurs de déglingue. I got a D : intro fanfaronnade, puis l’on prend les patins pour glisser sur le plancher sans rayer, avoir un D comme date, ça vous file de l’entrain, à la fille comme au boy, ne sentent plus, j’ignore le nombre de flacons pilules qu’ils ont avalés, mais ils sont en forme, une espèce de trombe joyeuse qui dévastera les adeptes de la sérénité zen. Failing down : après les deux giboulées précédentes, avec un tel titre on espérait un blues tempéré, totally raté, c’est encore pire, une folie furieuse vous emporte au vent mauvais, n’en finissent pas de jacter, à croire que le rendez-vous ne s’est pas passé comme on l’a cru, un jungle sound démentiel, une catastrophe auditive, les fauves sont lâchés sur les auditeurs innocents. Phénoménal.  Walking dead : pas de panique avec ce  que vous venez d’entendre vous pouvez croiser une horde de morts vivants affamés avec le sourire, un bon départ rock’n’roll, souplesse rythmique, la basse lourde comme un éléphant qui fait des claquettes, sur les refrains le morceau décolle comme un gros porteur, évitez les hélices elles vous décapiteront en un rien de temps, en fait c’est très métaphysique, notre mort-vivant ne retrouve personne, l’on comprend qu’il ait des poussées d’adrénaline, un drame de la solitude. Comme quoi même au milieu d’un vacarme l’on peut se sentir seul. You’re hot : vous ne résisterez pas à la féminine voix suave qui vous interpelle et encor moins à cette batterie aux abonnés présents, à cette basse épouvante et à ce riff éprouvant, hélas les meilleures choses sont les plus courtes. Deux minutes d’éjaculation précoce.  Lonesome hero : ne confondez pas avec Im a lonesome fugitive, décidément la ballade sentimentale ce n’est pas leur truc, le gars n’est pas abattu par la nostalgie, roule comme une pierre qui rolling stone, mais hargneuse, hérissée de rage et de fureur, le François se prend pour Rocky 2, et tout le reste à l’avenant, attention à l’avoinée qui vous tombe dessus. N’arrivent même pas à se calmer sur les trois dernières secondes. Des brutes épaisses. Adorable ! Come to me : n’écoutez pas ce morceau je vous en conjure allez sur YT visionner l’official video, et après vous ne reconnaîtrez plus personne, pas même une Harley Davidson. Very Hot. Pour ceux qui en veulent plus, Juliette Dragon officie aussi sur Sin City. Mustang : une chevauchée fantastique pleine de bruit et de fureur, du bitume et des motos, un shoot de basse à vous déchausser les dents, une cavalcade motorisée comme vous n’avez jamais osé, la poignée dans le rouge. Sin City : maintenant vous savez pourquoi ils étaient si pressés, la voix de Juliette Dragon incarne le péché à elle toute seule, le saxophone de Matt le rouge éclate comme un bulbe turgescent, il se dresse comme une tête de serpent en train de muer, le morceau chavire dans l’enfer du stupre et le gouffre de la dépravation, vous croyez avoir atteint le fond, vous n’avez pas tort, mais vous n’avez pas raison.  D blues : Blues urbain ou country blues. Epineuse question. Ces deux rails parallèles sont-ils fait pour se rencontrer. Pour ceux qui veulent comprendre une official video sur YT vous aidera. Entre délire et questionnement philosophique sur la nature de l’Homme cet animal bipolaire. Un morceau un peu à part, moins rentre dedans que les précédents, mais tout aussi bon.

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             Je pense que cet album est encore plus réussi que le précédent qui vaut son pesant de berlingots à la nitro. Sûrement plus tonitruant, pratiquement à chaque morceau vous auriez envie qu’ils nous en fassent une version instrumentale pour mieux en goûter la richesse. Power trio de choc. Luxuriant.

              D’une richesse extraordinaire.

    Damie Chad

     

    *

    STONE OF DUNA

    Des inconnus par chez nous. De Gothenbourg, deuxième ville de Suède située au sud-Ouest du pays, au bord de mer. Déjà un bon point, en règle générale les groupes Suédois raffolent de la violence, cela provient-il de leur ascendance viking, peut-être. En tout cas Stone of Duna ne semble pas déroger à cette règle. Ils ne donnent pas leur identité, mais les mots qu’ils emploient pour définir leur musique ne paraissent pas évoquer la douceur de vivre. Jugez-en par vous-mêmes : machine à riffs, doom, stoner, sludge, fuzz. Ne les traitez pas de grosses brutes épaisses sans peur et sans pitié. Sont comme la lune, z’ont une face cachée, sont aussi des amateurs et peut-être même des armateurs de musique progressive. Je reconnais que cette appellation recouvre le meilleur comme le pire, l’insipide ou la découvrance de terres inconnues. Se présentent comme des philosophes, pas dans le genre Kant rébarbatif, comme des adeptes de la pierre philosophale, ne l’appellent pas tout à fait comme cela, usent de l’expression de pierre de Duna, qu’ils cherchent à atteindre par la transmutation alchimique des éléments précités, voire précipités dans l’athanor de la recherche sonore. Quoi qu’ils en soient, en sont juste au début de leurs recherches, n’ont publié que deux singles, en mars et en avril de cette année.

    STYGIAN SLUMBER

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    La pochette n’est pas sans évoquer l’intérieur du Led Zeppelin IV, ce mystérieux vieillard encapuchonné perché sur le sommet d’un pic rocheux tenant en sa main gauche une lampe dont le halo lumineux paraît d’un diamètre bien trop réduit pour éclairer le monde. Sur la couve de Stygian Slumber, l’ermite est en marche, il n’est pas encore parvenu au point culminant de sa montée. Si tout comme sur le Led Zeppe il s’appuie sur un long bâton, il ne brandit aucune lanterne, le haut de sa silhouette s’inscrit dans l’orbe d’un astre satellitaire, il porte sur son dos un étrange appareil, entre appareillage de plongée et alambic portatif dans la transparence duquel s’agitent de verts linéaments. Une image aussi difficile à déchiffrer que celle du IV. A la bien regarder l’on pense intuitivement à la nuit du Walpurgis dans le Faust de Goethe.

    Etrange, étrange, étrange, oui trois fois étrange, une distribution parfaite, un tiers pour la musique, un tiers pour le vocal, un tiers pour les lyrics. ( Pour ces derniers si l’anglais vous pose des difficultés regardez sur YT la version Lyric Video ). C’est l’entrée du vocal qui est déstabilisante. L’intro mérite le logo classic doom sans discussion, une montée en puissance des cordes avec très vite le jeu de la batterie qui tient à jouer son rôle de jeune première, tout est parfait, quand l’on y revient l’on s’aperçoit que du premier coup on n’a pas fait attention au merveilleux équilibre sonore apporté à chaque instrument, tous traités à égalité, puissance équivalente, un peu plus tard la basse bénéficie d’une thérapie un peu spéciale, on la laisse grogner toute seule dans son coin à la manière d’un loup fourvoyé dans une cage, ce traitement de faveur n’est pas dû au hasard, l’est sans doute là pour attirer l’attention sur l’exhaussement des voix, pour qu’à l’instant où l’organe humain prend son envol l’auditeur en ressente la clarté absolue. En règle générale dans le doom l’obscurité de la musique assombrit la voix qui pour se mettre en diapason avec l’atmosphère morbide s’enkiste dans une raucité gutturale et le background instrumental pour ne former qu’une unique coulée de lave torrentielle, ici vocal el instrumentation font cavalier seul, aucun n’empiète dans le couloir de l’autre, ce n’est pas qu’ils s’ignorent, qu’ils essaient de tirer la couverture à eux, l’on pourrait parler de coexistence pacifique, si tu déchaînes ta puissance je libèrerai la mienne, tu as tout à y perdre autant que moi, alors ne joue pas avec le feu, tu te brûleras. En cherchant bien, un peu ce qu’avait réussi en 1970 Uriah Heep dans Gypsy sur Very ‘Eavy, Very ‘Umble. Toute constatation mérite explication. Elle réside dans les lyrics. Assez obscurs. Non pas l’histoire d’un cheminement extérieur plutôt celui d’un dévoilement intérieur, ces pensées par lesquelles survient la prise de conscience que la réalité qui s’offre à nous n’est qu’une croûte de mensonge, que sous la boue terrestre des chemins se cache la réalité d’un autre monde, que la fange alluvionnaire recouvre et cache une pierre à la dureté impérissable. Une fois que l’on a saisi c’est alors que commence le chemin, celui de la maîtrise opératoire, la première étape celle de l’œuvre au noir, par laquelle le compost de la matière première est réveillé, préparé, réactivé, cette épreuve exige habileté et réflexion, ce qui explique maintenant la construction de ce morceau dont les différents ingrédient sont portés à leur plus haut niveau d’intensité, la recherche du kairos dans le kaos, de l’instant précis où toutes les séquences ordonnées seront à même de subir l’épreuve de l’étape suivante. Les alternances, les phases, les déclinaisons instrumentales et chantées sont à écouter comme un processus rituelliques dont le but principal serait de reléguer le hasard dans le néant des inexistences parcellaires. L’on n’épuise pas ce morceau, il faut sans cesse le réécouter pour en signifier le déroulement.

    DEATHBRIGHT

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    L’on retrouve sur la couve le marcheur de la pochette de Stygian Slumber. Il semble (tout comme le vieillard du IV) parvenu au faîte du mont dont il n’abordait alors que les premières pentes. Il contemple le grandiose paysage qui s’étend devant lui. Des aiguilles pierreuses s’offrent à sa vue. L’artwork est manifestement inspiré du tableau Le voyageur de Caspar David Friedrich. Le lecteur aura remarqué de lui-même que si la première image reste dans une tonalité ombreuse, cette deuxième semble auréolée de couleurs beaucoup plus éclatantes.

    Musique plus vive, le vocal davantage dans le magma sonore, mais encore lumineux, nous voici dans l’instant du réveil, le maître a agi sur la matière noire, elle se rend compte qu’elle était morte puisqu’elle prend conscience qu’elle vit, le son se charge d’impétuosité, le morceau oscille, tantôt il penche du côté de la mort et tantôt de la vie. Si le maître a rendu la vie à la matière morte, que lui a donné en échange la matière morte, toute l’opération ne serait-elle pas un va-et-vient incessant entre les deux formes suprêmes de toute phénoménologisation, entre existence et inexistence. Entre couleurs et nuit, entre chaleur et froideur. Entre inertie et mouvement. Le deuxième menant immanquablement à l’autre. Nous n’avons parcouru qu’une partie du chemin. Nous attendons avec impatience la suite.

    Damie Chad.

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                             

    EPISODE 24 ( Black teeth  ) :

    129

    Je m’écroule sur la moquette. Evanoui. Ainsi la clef de cette mystérieuse et labyrinthique de cette affaire repose en moi. Le choc émotif a été trop fort ! Molossito me lèche le visage. Molossa me mord les pieds. Rien n’y fait. Lorsque les pompiers sont arrivés, ils sont à mes côtés et hurlent à la mort. Le toubib et les infirmiers du Samu, s’évertuent de longues minutes à pratiquer un massage cardiaque, en vain. Le docteur ne se décourage pas :

              _ La dernière chance, hier j’ai été appelé au zoo de Vincennes, l’éléphant ne se réveillait pas après la dose d’Angel Dust que le vétérinaire lui avait administrée, on lui a refilé cent soixante- dix-sept litres d’ammoniac dans le cœur sous forme de piqûres, l’était tout faiblard quand il s’est réveillé, n’est toujours pas en grande forme ce matin, avec trois mois de convalescence à l’isolement complet on estime qu’il a une chance sur cent pour retrouver la santé, il me reste une seringue dans le sac !

    Et hop il me plante l’aiguille dans la poitrine et m’instille direct un litre d’ammoniac dans le cœur. Je ne bouge pas, mon corps ne frémit même pas. Cinq minutes d’attente angoissée, le praticien se tourne vers le Chef :

             _ Monsieur, je suis désolé, la science ne peut plus rien pour votre collaborateur !

              _ Arrêtez vos jérémiades, d’abord sachez que les agents du Service Secret du Rock ‘n’ roll, ne sont pas comme les autres humains, maintenez-lui la bouche ouverte, et vous là débouchez-moi la bouteille sur l’étagère là-bas !

    Le Chef ouvre le tiroir de son bureau et en tire un Supositario qu’il allume sans tarder, il aspire longuement une énorme bouffée et se penchant vers moi, il me souffle un épais nuage de fumée malodorante dans les bronches. Les deux pompiers qui m’écartent les mâchoires se détournent pour vomir leur quatre heure. J’ouvre les yeux et tousse un bon coup.

             _ Un miracle, je n’ai jamais vu ça, balbutie le Diafoirus

             _ Au lieu de dire n’importe quoi ingurgitez-lui une demi-bouteille de Moonshine dans le gosier, dans un quart d’heure il batifolera dans le bureau comme un poulain qui vient de naître !

    130

    Après cette longue journée nous avons dormi au local. Je me hâte de rétablir la vérité historique. Après le départ des secouristes je me suis allongé sur un divan, mes chiens serrés contre moi, à ma grande honte j’ai roupillé comme un loir. Le Chef est resté à son bureau toute la nuit, en fumant Coronado sur Coronado. Lorsque je me réveille il est train de vérifier avec soin une dizaine de Rafalos posés devant lui.

             _ Agent Chad, vous devriez dormir toutes les nuits au bureau, nous gagnerions ainsi un temps précieux !

             _ Pour quoi faire Chef, je ne sais plus par quel bout continuer cette enquête, je suis perdu !

             _ Agent Chad savez-vous la différence existant entre un dédale et un labyrinthe ?

             _ A peu près la même chose, je suppose

             _ Pas du tout un dédale possède plusieurs entrées et donc plusieurs sorties, à l’opposé un labyrinthe n’a qu’une seule entrée qui est aussi son unique sortie.

             _ Oui Chef mais où cela nous mène-t-il, je ne vois pas où…

            _ Elémentaire mon cher Chadson, nous savons que tout ce mystère repose sur vous, l’espèce de commotion psychique dont vous avez été saisi hier le prouve, pour résumer vous êtes l’entrée et la sortie de cet imbroglio, nous sommes en plein dedans, il suffit de trouver la sortie pour nous en tirer. Actuellement nous nageons un peu si vous me permettez cette expression, il suffit donc de remonter le courant pour nous extraire de ce guêpier.

             _ C’est-à-dire que nous allons procéder en quelque sorte à l’envers !

             _ Exactement Agent Chad, mais en procédant selon notre logique et non pas selon celle du labyrinthe. Je vous explique parce que votre mine me signifie que vous n’entravez que couic. N’oubliez pas que c’est vous Agent Chad qui avez défié la mort, vous avez même dit que vous vouliez tuer la mort. Ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes, si vous réussissez, pensez à ces millions d’imbéciles qui nous entourent présentement et que nous devrions supporter durant des milliers d’années…

    • Présenté comme cela en effet il me semble…
    • Ce n’est pas le problème, dîtes-moi plutôt où l’on a la chance de rencontrer la mort ?
    • Dans les cimetières Chef !
    • Eh bien, nous allons revisiter les cimetières que nous avons traversés durant nos pérégrinations, mais en commençant par le dernier !
    • Si je comprends bien nous…
    • Allez plutôt me voler une grosse berline noire !

    131

    Nous avions pris l’air de promeneurs inoffensifs, des curieux, des touristes, nous avons tourné et retourné, ne pas attirer l’attention avait dit le Chef, personne n’aurait pu dire si au prochain croisement nous prendrions à droite ou à gauche tant notre promenade paraissait capricieuse et hasardeuse. Malgré cette nonchalance affichée, nos circonvolutions faussement aléatoires ont fini de nous rapprocher de notre but.

    • Nous sommes à moins de deux cents mètres, murmura le Chef, Agent Chad une main sur votre Rafalos, maintenant tout peut arriver !

    Le Chef croyait-il si bien dire ? Il ne nous restait plus qu’une soixantaine de pas pour arriver lorsque nous les vîmes. Ils étaient deux manifestement occupés à se livrer à une étrange tâche. Nous nous sommes rapprochés sans bruit. Ils ne nous ont pas entendu venir. En bleu de travail, ils avaient l’air de rassembler leur outillage. L’un s’est brutalement retourné :

    • Ah c’est vous ! Vous venez voir le travail, ça n’a pas été difficile ni trop long, j’espère que vous serez satisfaits
    • Non, non, nous sommes de simples visiteurs, nous nous demandions ce que vous faisiez
    • Excusez-moi, nous avons cru que vous étiez des membres de la famille. Nous sommes des marbriers, nous avons été chargés de terminer l’inscription sur la tombe, pour moi ce n’était pas difficile, juste rajouter 80 à l’année de naissance et 95 à l’année de sa mort, par contre pour le collègue ce n’était pas de la tarte.
    • Pensez donc Messieurs il a fallu rajouter une première lettre au nom et en plus l’attacher à la suivante, pas facile mais je ne suis pas mécontent de moi, pas mal l’artiste, qu’en pensez-vous ?

    Je m’extasiai :

             _ Sûr qu’accoupler le E initial avec un O qui prend sa place, il faut être sacrément habile, de la belle ouvrage !

            _ Par contre la personne qui est dessous est là depuis presque 30 ans, puisque nous sommes en 2023, et durant tout ce temps la famille n’a pas trouvé le temps de rajouter quatre misérables chiffres, des radins comme cela, ça ne devrait pas exister, une honte, il n’y a plus de respect dans cette société, même pour les morts, nous vivons dans un drôle de monde !

    Nous compatissons gravement. Un coup de klaxon rompt retentit.

              _ Ah ! le patron, doit y avoir un autre chantier, on prend le matos et l’on file, au revoir Messieurs !

               _ Bonne journée Messieurs et félicitation pour votre travail.

    Une camionnette s’arrête sans bruit un peu plus loin dans l’allée. Les deux gars ouvrent la porte arrière déposent leur matériel et s’engouffrent dedans… Le véhicule redémarre lentement :

    • Chef, le patron ne leur permet pas de monter avec lui dans la cabine, ce n’est pas sympa !

    Le Chef n’a pas le temps de répondre. La camionnette s’arrête et opère un demi-tour. Elle repasse devant nous. Le chauffeur ne nous jette pas un regard. Le Chef retient mon bras :

             _ Doucement Agent Chef, je l’ai reconnue moi aussi, notre vieille amie la Mort, malgré le col de sa veste remonté et la visière de sa casquette qui voile son visage.

             _ Chef sa camionnette fonctionne à l’électricité, elle ne doit pas aller bien vite, les engins de cette marque sont réputés pour ne pas battre des records, courons jusqu’à notre voiture et essayons de la rattraper !

             _ Pas d’affolement Agent Chad, inutile de nous faire remarquer, j’ai deviné où elle va !

             _ Où ça ?

             _ Sur une route que vous connaissez bien !

    J’arrête de marcher, mon esprit fonctionne à toute vitesse, tout s’éclaire soudainement.

             _ Chef avec la voiture que j’ai volée nous y serons avant elle, je vous le promets !

             _ Agent Chad je n’en doute pas, je vois que vous commencez à comprendre la différence entre un dédale et un labyrinthe !

    A suivre….