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chuck prophet

  • CHRONIQUES DE POURPRE 492 : KR'TNT ! 492 : WILD BILLY CHILDISH / CHUCK PROPHET / PLANETE METAL / STEPPENWOLF / ROCK STORY / ROCKAMBOLESQUES XV

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 492

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    07 / 01 / 2021

     

    WILD BILLY CHILDISH / CHUCK PROPHET

    PLANETE-METAL / STEPPENWOLF

    ROCK STORY/ ROCKAMBOLESQUES 15

     

    Le rock à Billy - Part One

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    Debout devant la pile des arrivages, il farfouillait attentivement (sur l’air d’Il Patinait Merveilleusement du pauvre Lélian). Brandissant un vinyle, il rompit soudain le silence :

    — Tiens... Jamais vu ce truc-là ! C’est quoi ?

    — The Watts 103rd St Rhythm Band, c’est une grosse équipe de blackos qui font du funk. L’album date de 1967. Y sont californiens. Y zont dû faire cinq ou six albums en tout. Gros son. Tu veux qu’on l’écoute ?

    — Ouais, vas-y, mets-le. Et ça ?

    — Explorers Clubs, des adorateurs de Brian Wilson, mais ça ne va pas te plaire. Trop pop pour tes oreilles de vieux renard du désert. Et ça, tu ne dois pas connaître non plus, c’est japonais.

    Pochette noire frappée de trois grosses lettres argentées : PSF.

    — PSF ça veut dire Psychedelic Speed Freaks. Ils portent bien leur nom. C’est l’un des trucs les plus explosifs que je connaisse. Comme les Schizophonics, ils repartent du MC5 et poussent le bouchon dans les orties, avec ta grand-mère. Comme si c’était possible de pousser le bouchon du MC5, hein ? Quand les Japonais font un truc, ils le font mieux que tous les autres, en voilà encore la preuve ! Tu sais le mec dont je t’ai déjà parlé, le mec de Dig It!, c’est lui qui passait ça dans son radio show. L’a passé ça plusieurs fois. Alors bingo !, j’ai rapatrié l’album.

    À la suite de quoi le farfouilleur éclata de rire :

    — Ha ha ha ! T’as encore récupéré des Billy Childish ?

    — Ben oui...

    — Mais t’as déjà tout. Ça n’a pas de sens !

    — Tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’au coude, camarade. C’est justement parce que tu as tous les albums de Billy Childish que tu continues d’écouter les albums de Billy Childish. Comme Aretha et James Brown, il est parfaitement incapable de faire un mauvais album. Je vais même te dire un truc : ces deux derniers albums que tu vois là sont fan-tas-tiques !

    — Ouais, tu dis ça tout le temps. Si on t’écoutait, on n’en finirait plus.

    La remarque du farfouilleur le piqua au vif et la répartie fut cinglante :

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    — Chacun cherche chon chat, camarade. Chacun fait comme il peut avec ses petits bras et sa petite bite. Mais bon puisque le train de mes enthousiasmes roule sur les rails de tes insuffisances et s’arrête à la gare de ta suspicion, on va stopper le funk pour donner la parole au vieux Billy. Alors je sais ce que tu vas me dire : il n’a pas inventé la poudre. Et là tu vas encore te vautrer ! La poudre, il la réinvente chaque fois qu’il fait un album. Tiens, on va attaquer avec celui-là, Last Punk Standing, tu vas voir, l’album porte bien son nom...

    Il mit l’album en route. Piégé dans cette conversation qu’il n’avait pas souhaitée, le farfouilleur s’efforçait de montrer un minimum d’attention :

    — Mais c’est pas Billy Childish qui chante ?

    — Non, c’est la Juju à son Billy, une nonchalante avec de la prestance à tous les étages. C’est elle que tu vois sur la pochette. Le cut s’appelle «It Hurts Me Still». Ça ne te rappelle rien ?

    — Les Headcoatees ?

    — Bravo ! La Juju joue de la basse et Wolf bat le beurre. Billy reste à la manœuvre. Tu vas voir, il va ressortir son meilleur accent cockney. Tiens, écoute celui-là, il s’appelle «Like An Inexplicable Wheel». Billy ressort ses gros accords psyché. Tu vois, avec sa toque de Davy Crockett, le vieux Billy fait encore de bons albums. Imagine que Jim Morrison ait vécu : il ferait certainement de bons albums. Ces vieux rockers ont ça dans la peau. Il y a d’autres exemples : Bob Mould ou encore Ray Davies. Tiens écoute celui-là, il s’appelle «The Darkness Was On Me»...

    — Ouais, c’est les accords de «You Really Got Me» !

    — Et Billy pousse le même waouuuuhh que Ray Davies, pas mal, non ?

    — C’est vrai que ça sonne bien.

    — ‘Coute ! Il termine l’A avec un bel hommage à Link Wray, mais attends, il y a encore de la viande de l’autre côté, tiens, comme ce truc qui s’appelle «Gary’s Song». La Juju va te rendre gaga, mon gars ! Et c’est encore pire avec celui-là, «The Happy Place». T’as vu l’attaque ? Putain, quelle niaque !

    — Pour du garage anglais, c’est vraiment bien.

    — Attention, voilà le morceau-titre ! Billy rend hommage à la résistance ! Il le fait à l’Anglaise, t’as qu’à voir, là, poto, t’as du mythe à la pelle ! Il sait même faire les Stooges, tiens, ‘coute l’intro de ce truc-là qui s’appelle «Some Unknown Reason», c’est les accords de Wanna Be Your Dog. Et qui c’est qui referme la boutica ? La Juju avec «The Used To Be», ‘coute comme elle est bonne, elle a cette engeance de la prestance qu’avaient les Headcoatees, tu crois pas ?

    — Y vaut cher l’album ?

    — Non, si tu le commandes chez Crypt, ça reste correct, 15 ou 16. Il tient ses prix. Comme au temps du Born Bad de la rue Keller, quand les albums étaient tous à 13.

    Il ne proposa pas au farfouilleur d’écouter l’autre album de Billy. Deux Billy dans la foulée ? No way. Ça fait beaucoup et ça risque de gâcher le plaisir. Bon, on va laisser nos deux amis vaquer à leurs occupations pour entrer dans des considérations plus épistémologiques. On peut en effet se poser la question de savoir à quoi rime d’écouter Wild Billy Childish en 2020. Quel sens ça peut avoir ? Aucun. Le seul sens est celui que donne l’artiste en agissant. Époque révolue ? Non, puisque Billy Childish enregistre encore un album, et pourquoi enregistre-t-il encore un album ? Pour qu’on l’écoute. Même s’il en a déjà fait 100 ? Et alors, ça fait 101 ! Vas-y Billy ! Tant qu’il tiendra debout derrière son micro, on sera là. Il y a plus de sens dans le 101e album du vieux Billy que dans toute ta philosophie, Horatio. Plus de sens que dans tout ce magma médiatique et tout ce décervelage organisé. Last Punk Standing, et comment ! Ce n’est pas un hasard si Billy peint. Il peint comme Gauguin et tous les hommes libres peignaient avant lui. Billy ne passe pas son temps à regarder des conneries à la télé. Il a compris qu’un cerveau ça pouvait servir à peindre et à faire des disques, et tant pis si les gens n’écoutent plus beaucoup les disques, l’essentiel est de continuer à servir ses dieux et ses diables. Billy fait son Last Punk Standing de la même façon que Jerry Lee fit son Last Man Standing. S’il n’en reste qu’un, il vaut mieux que ce soit Billy plutôt que Stong, pas vrai les gars ?

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    Thomas Patterson qui l’interviewait en 2019 le qualifiait de painfully honest, c’est-à-dire de dramatiquement honnête. Billy nous explique Patterson pousse sa logique de singular anti-commercial vision jusqu’au bout, allant jusqu’à continuer de s’illustrer dans un genre tombé en désuétude, commercialement parlant. Mais le paradoxe, c’est que Billy n’a jamais été aussi bon, aussi déterminé à nous sonner les cloches. Il rappelle à Patterson qu’il a tout fait : «We’ve done every single thing. We’ve got spoken word, blues, experimental and nursery rhymes. Everything.» D’une modestie qui pourrait servir de modèle à ceux qui en manquent tragiquement, Billy tient surtout à rappeler qu’il n’est pas musicien. Au Nouveau Casino, c’est Graham Day qui sur scène accordait la belle guitare rouge de Billy. Il s’en explique très bien d’ailleurs : «La grosse difficulté avec la guitare : c’est une chose que d’apprendre à en jouer, mais c’est complètement autre chose que d’en jouer débout derrière un micro.» Billy se fout de savoir si on l’admire et s’il a du succès, il ne s’inquiète que d’une chose : faire très exactement ce qu’il veut faire et la manière dont il veut que ça soit fait. Billy travaille son son comme Gauguin sculptait les bois de la Maison du Jouir, aux Marquises : tout à la main et fuck you. Billy ne doit rien à personne.

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    C’est exactement l’impression qui se dégage de Kings Of The Medway Delta. Rien qu’à voir la pochette, on comprend tout. Billy, Juju et Wolf sont là, ain’t got no friends around, claque Billy dans sa chanson, et il allume son boogie au scream, comme au temps des Sonics. Dans l’interview, Billy rappelle qu’il déteste le garage, son truc c’est l’early rock’n’roll des Beatles à Hambourg et le Bristish Beat, ce qu’illustre parfaitement son «Got Love If You Want It» : il y recrée la magie des vieilles pétaudières. Sortir un tel son relève du prodige. D’ailleurs Billy le dit et le redit : «La seule chance qu’a le rock’n’roll de survivre, c’est de faire ce qu’on fait, le jouer pour personne sous une pierre, à l’abri comme ça il n’est pas détruit par la lumière du jour. Et c’est parce que j’aime la musique qu’on enregistre toujours nos disques comme quand on avait 15 ans et qu’on enregistrait notre premier album. Voilà pourquoi on est cool and better than everyone else. C’est pas compliqué à comprendre, non ? It’s simple maths.» C’est vrai que cet album pourrait être enregistré en 1964. «All My Feelings Denied» est un cut souverainement inspiré. Si on en pince pour le British Beat de l’âge d’or, alors on est gâté avec «Wiley Coyote». Billy fait son Wolf (l’autre, pas le sien) avec une sacrée gouaille, il tranche bien dans le vif du sujet. On l’entend aussi jouer ses notes en apesanteur dans «Why Did I Destroy Our Love», un chef-d’œuvre de musicalité psyché à l’anglaise, avec un Wolf (le sien, pas l’autre) qui fouette les fesses du beat à la perfection. Il termine cette excellente déclaration d’intention en blastant «You Wonder Why I’m Hurting». Il drive son boogie comme il l’a toujours fait, en parfaite connaissance de cause.

    Signé : Cazengler, Billy Chierie

    Wild Billy Childish & CTMF. Last Punk Standing. Damaged Goods 2019

    Wild Billy Childish & The Chatham Singers. Kings Of The Medway Delta. Damaged Goods 2020

    Thomas Patterson : You’ve Got To Do Something. Shindig! # 87 - January 2019

     

    Prophet en son pays - Part Three

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    Fin 2020, année lugubre s’il en fut, Chuck Prophet est revenu dans le rond de l’actu avec les bras chargés : un book, un nouvel album et une interview dans Vive Le Rock. Pour dire haut et fort sa fierté de fonctionner à l’ancienne, Dandy Chuck brandit son vinyle et fait une interview de promo dans un canard de has-beens ! Il avoue même sa hâte de repartir en tournée, comme au temps d’avant - But as soon as we’re able, we’ll get out on the hillbilly highway and bring it to the people. I miss that connection with the crowd in a big way - Ah les dandys, c’est toujours pareil, ils ne peuvent pas s’empêcher de porter leur nostalgie en boutonnière, à l’instar du baron de Charlus arrangeant nous dit Proust une rose mousseuse à sa boutonnière.

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    Ce nouvel album s’appelle The Land That Time Forgot et fait suite à l’abondante discographie sur laquelle on s’est déjà largement répandu dans KR'TNT. Ça devait être en 2017, suite au concert de Dandy Chuck à la Boule Noire. Un Part One passait en revue les faits et gestes de Green On Red et un Part Two ceux du Dandy solo. Nous voilà donc rendus au Part Three avec un album qui peine à convaincre, tout au moins en bal d’A. Dandy Chuck fait toujours sa pop de Dandy et sa voix cristallise son élégance. Disons qu’il est au rock moderne ce que Dylan fut au rock de 65 : l’homme de la diction suprême. Il faut l’entendre dans «High As Johnny Thunders» déclarer : «If heartbreak was virtue/ Man I’d be so virtuous.» Avec sa compagne Stephie, il monte un coup de dynamique à deux voix dans «Marathon» et dans «Willie & Willi», il raconte l’histoire d’un couple qui écoute Metallica real loud, histoire d’emmerder des voisins qui appellent des flics qui ne viennent jamais. Dans la vie, c’est bien connu, il faut des baisés. Les deux chansons politiques qu’on trouve en B sont le seul intérêt de cet album. La première concerne Nixon et Dandy Chuck n’est pas tendre avec ce sale bonhomme. Dans «Nixonland», il raconte qu’il est né in the heart of Nixonland. Il fait parler Nixon s’adressant au fantôme d’Abe, c’est-à-dire Abraham Lincoln - Surely Abe you must understand/ The Jews are out to bring me down (T’as bien compris Abe que les Juifs veulent ma peau) - Personne n’incarne mieux que Nixon le fascisme à l’Américaine. Et dans «Get Off The Stage», Dandy Chuck s’adresse à Trump sans jamais le nommer. Il lui demande de dégager le plancher, sur un ton très dylanesque, dans tout l’éclat de sa hargne - Please get off the stage - C’est suprêmement bien dit - You’re one bad hombre/ So why don’t you just turn around and go home (T’es qu’une sale bonhomme, alors pourquoi ne rentres-tu pas chez toi ?) Tout ce qu’il dit sonne étrangement juste - We’ve heard everything you’ve got to say/ Take a book off the shelf - Rentre chez toi, ferme ta gueule et lis un livre. Apparemment, les dieux ont exaucé les vœux de ce merveilleux héritier de Dylan qu’est Dandy Chuck.

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    Back to the book. Bien évidemment, on attendait monts et merveilles d’un book de Dandy Chuck, au moins autant que du petit essai que consacra jadis Barbey d’Aurevilly à George Brummell, considéré comme l’inventeur du dandysme en Angleterre, Du Dandysme Et De George Brummell. Hélas, il faut vite déchanter, car l’auteur de What Makes The Monkey Dance - The Life & Music Of Chuck Prophet & Green On Red n’est pas Dandy Chuck mais un certain Stevie Simkin qui lui n’est pas dandy pour deux sous. Il passe complètement à côté du sujet qui est le dandysme. Il pourrait objecter - et il aurait raison - que les États-Unis ne sont pas terre de dandysme, à de rares exceptions près (Francis Scott Fitzgerald, Andy Warhol et Christopher Walken). Bref, il fait chou blanc, ce qui explique le fait qu’on ne trouve dans ce book qu’une seule et unique référence à l’élégance qui est tout de même le trait le plus marquant de Dandy Chuck : «D’une certaine façon, la musique et les fringues sont liées. J’aime l’élégance. Je trimballe des grosses valises. Comme dirait l’autre, le style est la réponse à tout. D’une part, le style n’a rien à voir avec la mode. D’autre part, le style est instinctif. Comme le dit Joan Rivers, c’est comme l’herpès, soit vous l’avez, soit vous ne l’avez pas.» En écho à ce trait d’esprit prophetic, on va citer Barbey : «Le luxe de Brummell était plus intelligent qu’éclatant ; il était une preuve de plus de la sûreté de cet esprit qui laissait l’écarlate aux sauvages, et qui inventa plus tard ce grand axiome de la toilette : ‘Pour être bien mis, il ne faut pas être remarqué.’»

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    Style ou grâce ? Dans le cas de Dandy Chuck, on aurait tendance à pencher pour la grâce. Une autre trait de Brummell que souligne Barbey lui sied à merveille : «Les femmes ne lui pardonneront jamais d’avoir eu de la grâce comme elles ; les hommes, de n’en pas avoir comme lui.»

    Le dramatique de la chose est que Simkin brosse un portrait extrêmement édulcoré de Dandy Chuck. Il en fait une sorte de rocker américain tellement soucieux de son indépendance qu’il se condamne à l’underground et cette façon d’aplatir les choses ne fait que normaliser un Dandy Chuck qui de toute évidence cherche depuis toujours à échapper à ses poursuivants, ce qui est comme vous le savez l’apanage des Dandys, ainsi que le scandait Barbey : «On ne se lassera point de le répéter : ce qui fait le Dandy, c’est l’indépendance.» Grâce à Barbey, Simkin retombe donc sur ses pattes. Gros veinard !

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    Ce book propose un panorama chronologique comme on en fait tous. Avec ce pétard mouillé, Simkin nous traîne aux antipodes du book de rêve, celui de P.F. Sloan par exemple, paru chez le même éditeur, un book en forme d’invitation au voyage, sur lequel nous allons bien sûr revenir. Si le Sloan slappe si joliment l’imagination, la raison en est toute simple : Sloan qui est un esprit fantasque s’adresse directement à son lecteur. Pas d’intermédiaire. Oh bien sûr, Dandy Chuck raconte aussi un peu sa vie, mais il n’apparaît que cité entre guillemets. Dommage, car Dandy Chuck est un vieux blogger confirmé qui n’a besoin de personne en Harley Davidson. Mais sur ce coup-là, il n’est pas le boss. Simkin organise les choses à sa manière et injecte ici et là ses petits trucs perso. On s’en passerait bien, car les petits trucs perso qui nous intéressent sont ceux de Dandy Chuck. C’est d’autant plus frustrant que Dandy Chuck crée la sensation chaque fois qu’il ouvre sa boîte à camembert. Ses tournures d’esprit sont extrêmement originales. Comme par exemple lorsqu’il conclut le chapitre consacré à un manager dont il doit se séparer : «Oui, j’éprouvais un profond ressentiment envers Mike Lembo. Mais j’ai fait la paix en moi, au sens où j’ai assumé toute la responsabilité de cette affaire. Je pense qu’il est préférable de choisir ses combats, au sens où on ne peut pas tous les gagner.»

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    Simkin rend un hommage rapide au fameux Paisley Underground, une scène californienne enracinée dans Big Star et qui va engendrer l’apparition de Green On Red, des Long Ryders, de Rain Parade, des Bangles, un mouvement dit Steve Wynn provoqué par le vide des années 80 - a very dead period of music in Los Angeles - Retour des guitares, alors que régnaient partout ailleurs les synthés. Puis voilà Slash, oh non pas le frimeur des Guns, non, Slash c’est d’abord un petit label basé à Los Angeles qui sort Dream Syndicate, les Blasters et X - of the wild and fertile LA punk scene - C’est d’ailleurs Steve Wynn qui suggère aux mecs de Slash d’écouter Green On Red qui sont alors des débutants et qui campent dans un rootsy song-centric approach, camp-meeting cross of Crazy Horse et Creedence et qui avec leurs collègues locaux Lone Justice, Los Lobos et Long Ryders vont participer à l’avènement de l’alternative country. Dan Stuart embauche Dandy Chuck pour muscler le son de Green On Red et les voilà partis pour une sorte de wild ride suicidaire - We were typically pretty out of tune and Dan was like John Candy on Ritalin - Dandy Chuck se plait à reformuler leur absence totale d’ambition quand il compare Green On Red à REM, deux groupes qui ont démarré en même temps - Je respecte totalement ces quatre mecs qui ont bossé pour devenir célèbres. Mais nous n’avions pas du tout ce genre d’objectif. On n’avait tout simplement pas de plan. Just really self-destructive - Voilà ce qui fait la grandeur de Green On Red. Quand le mec de China Records leur demande de faire un disk pour les gens qui ont des lecteurs de CD dans leur bagnole, Dandy Chuck rétorque : «Je n’ai jamais vu un CD. Je ne sais même pas de quoi tu parles !». Jusqu’au bout, ils allaient poursuivre leur petit bonhomme de chemin auto-destructif, tant au plan commercial, artistique que personnel. Dandy Chuck résumera bien la situation à la fin du book en déclarant : «I’ve always felt out of time.»

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    Nick Kent qui voit Green On Red sur scène à Londres trouve la voix de Dan Stuart intrigante sur disk mais décevante sur scène - Avec Gram Parsons à six pieds sous terre aujourd’hui et Neil Young en plein délire réactionnaire, il existe un énorme champ de possibilités qui n’attend qu’une chose : qu’on le laboure. Quelque chose me dit qu’un jour ce groupe va trouver du pétrole, mais pas avec No Free Lunch, qui n’est rien d’autre qu’une vieille faux rouillée - Il a raison, Nick Kent, les albums de Green On Red ne sont pas tous très jojo. À la fin de Green On Red, Dandy Chuck et Stuart ne s’adressent plus la parole. Stuart se coupe du monde et Dandy Chuck part vivre à Berlin avec sa copine de l’époque qui n’est pas encore Stephie Finch. Quand un peu plus tard en 1989 ils redémarrent Green On Red, nos deux amis oublient le prévenir le batteur et l’organiste. Dandy Chuck est assez fataliste sur l’extinction des relations : «That camaraderie was gone.» Et il ajoute : «Comme dans tant de relations, les choses se délitent et ça s’éteint. Sans qu’on ait dit un seul mot.» Il indique aussi que si Green On Red a duré aussi longtemps, c’est grâce aux drogues - Green On Red nous a permis de sortir le plus tard possible de l’adolescence pour entrer dans l’âge adulte. Le groupe nous a aussi épargné les dangers de la rue et pire encore, celui d’un job alimentaire.

    Si vous parvenez à faire abstraction du côté chou-blanc-pétard-mouillé, vous trouverez néanmoins de quoi vous sustenter dans ces 300 pages, car Dandy Chuck jouit du privilège de ne fréquenter que des gens intéressants, à commencer par Jim Dickinson, Alejandro Escovedo et Dan Penn.

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    C’est Dandy Chuck qui insiste à l’époque de Green On Red pour travailler avec Dickinson. Pour ça, il va trouver David Lindley dans un club de Memphis et Lindley lui recommande plutôt de choisir Ry Cooder comme producteur. S’ensuit un échange prophetic :

    — Ry Cooder ? J’aimerais bien, mais nous ne sommes pas ce genre de groupe.

    — Qu’est-ce que tu veux dire ?

    — Well, on ne sait pas très bien jouer.

    — Qu’est-ce que tu veux dire par ‘pas très bien jouer’ ?

    — Well, on sait jouer, mais comme le Velvert Underground ou ce genre de groupe.

    — Qui ça ?

    — Tu vois bien ? C’est pour ça qu’on veut travailler avec Dickinson.

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    Dickinson produit The Killer Inside Me en 1987 et c’est le début d’une relation d’amitié entre Dandy Chuck et lui qui va durer jusqu’à la disparition du vieux Dick en 2009. Une partie de l’album est enregistrée à Los Angeles. Dandy Chuck raconte qu’en arrivant à l’aéroport, Dickinson voulut faire un crochet par Alvarado Street, pour acheter de l’herbe, to get things rolling. Dickinson insistera aussi pour faire une session chez Ardent, à Memphis. Au passage, il commencera à inculquer quelques belles notions de base au jeune Dandy Chuck qui nous confie ceci, tendez bien l’oreille : «L’approche de Dickinson consistait à choper ce qu’il y avait entre les beats ou entre les notes. That ramdom element dont les gens veulent se débarrasser. Je crois qu’il voulait capter l’esprit de ce qu’on jouait.» Mais Dandy Chuck sent qu’une tension monte entre Dickinson et Dan Stuart. L’épisode est assez cocasse : «Peut-être éprouvaient-ils le besoin de sortir leurs bites pour se défier, comme on dit à Hollywood.» Stuart disait de Dickinson : «C’est le genre de mec qui quand ça va mal, ramasse le ballon et l’emmène chez lui. Il nous a planté pas mal de sessions en se barrant du studio.» Mais Dickinson finit toujours par revenir, d’ailleurs il glissera ceci dans l’oreille de Dandy Chuck : «Si quelqu’un doit piquer sa petite crise, je préfère être le premier.» Il avait trouvé le moyen de calmer cet imbécile de Stuart. Autre enseignement de base : Dickinson voit les deux Green perdre confiance en studio et pour les requinquer, il leur dit : «Never let anybody make you feel bad about what you’re doing.» Gardez confiance en vous, les gars, ce qui va sacrément toucher Dandy Chuck : «What a gift he gave us.» Il conservera toujours ce respect mêlé d’admiration pour Dickinson.

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    Green On Red ne sont plus que deux quand ils enregistrent Here Come The Snakes à Memphis avec Dickinson. Ils traînent un peu avec Tav Falco and the Burns guys, just having a good time. Ils passent une journée au Sam Phillips Recording Services (le neuf, celui de Madison Avenue), avec Roland Janes. L’idée de Dickinson est de jammer et d’enregistrer, Dandy Chuck on Tele, Stuart on acoustic, Dickinson on drums, no bass. Dandy Chuck se retrouve tout simplement au paradis : «Roland est le genre de mec qui te donne confiance en toi. Aujourd’hui, c’est difficile de trouver des gens aussi purs. La plupart ne sont là que pour pointer tes fausses notes. Ils n’ont rien compris. D’ailleurs pourquoi comprendraient-ils ? Ils n’ont jamais été faire une balade en Flying Saucer Of Rock And Roll et ils n’iront probablement jamais.» Ils ont ensuite ramené une cassette chez Ardent et ont bossé dessus avec Dickinson - Que penses-tu de ce passage de guitare ? Ça ressemble à quelque chose ? Alors on rajoutait de la batterie ici et une guitare là. Et j’overdubais un solo et Dickinson overdubait une ligne de basse et on a monté les cuts comme ça - Pour les autres sessions, Dickinson gère tout en interne. L’ingé-son adjoint Paul Eberslod joue un peu de batterie et René Coman qui accompagnait Alex Chilton vient jouer un peu de basse. Dickinson joue un peu de piano. D’ailleurs, Alex Chilton fait un saut chez Ardent au moment des sessions et bien sûr Dandy Chuck se pâme d’admiration pour lui. Ils passent aussi pas mal de temps avec Bill Eggleston - Il a mis un certain temps à nous donner l’image. On est allés chez lui plusieurs fois, tôt le matin. Et puis un jour, il l’a sortie d’une boîte : ‘C’est l’image. C’est votre pochette.’ On n’allait pas lui dire le contraire - Pour Simkin, Here Come The Snakes est le grand album de Green On Red, an outstanding collection of songs that captures the essence of the band’s reputation of genius teetering on the edge of substance-fuelled breakdown - Bien vu Simkin. Par contre, l’album suivant, This Time Around enregistré avec Glyn Johns est selon Stuart a disaster. C’est vrai qu’on passe à travers toute l’A et même à travers toute la B. Dommage, car Dandy Chuck fait des merveilles dans son coin, il joue des solos étincelants, mais il est à l’arrière du mix, ce qui constitue une très grave erreur. On note aussi sur cet album la présence de Spooner Oldham. Mais globalement, This Time Around ne vaut pas tripette. Ils enregistrent le suivant qui s’appelle Scapegoats à Nashville avec Al Kooper et pas mal de session-men réputés comme Spooner Oldham et Tony Joe White - We had more fun in Nashville in ten minutes than we did in two weeks in LA with Glyn - Tout l’album baigne dans une ambiance d’Americana exceptionnelle. Dandy Chuck gratte tout en picking des Appalaches et Dan Stuart promène son cul sur les remparts de Varsovie. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’ils enregistrent quelques démos avec Dan Penn.

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    Avec Alejandro Escovedo, c’est une autre paire de manches. En 2007, dans un studio du Kentucky et sous la houlette de Tony Visconti, Dandy Chuck enregistre avec Alejandro l’album Real Animal - Alejandro avec ses pompes à 800 $ et sa connaissance encyclopédique des Stooges réalisait le mariage idéal entre le luxe et la rue. Visconti mit de l’ordre dans le désordre - Alejandro et Dandy Chuck composent les cuts ensemble. Si on a autant de son sur cet album, on le doit de toute évidence à la présence de Dandy Chuck. «Smoke» sonne un comme un hit, avec son côté dylanesque et ses descentes spectaculaires. Le cut se tortille dans des breaks - We’re still going bop bop baby/ All night long - Alejandro Escovedo détient la puissance d’un Soul scorcher. Il rappelle par certains côtés l’early Graham Parker. Encore une vraie dégelée avec «Real As An Animal». Quelle puissance ! Ils filent au vent mauvais, sur un superbe pounding chicano et ça part en solo de non-retour. Avec cet album, ce démon d’Escovedo sort le grand jeu, the heavy American pop-rock chanté aux guts de good rider. Chuck Prophet gratte derrière. On croit rêver tellement c’est bien foutu.

    Mais comme le rappelle Dandy Chuck, la santé d’Alejandro bat de l’aile à cette époque, à cause d’une hépatite C et ils décident de composer sur le thème «a life in music through life, death, loss and the promise of Rock and Roll deliverance». Mais hélas Simkin ne rentre pas davantage dans cet épisode capital. Quand Sloan évoque sa rencontre avec Dylan dans un hôtel de Los Angeles, il nous fait entrer avec lui dans la chambre et on assiste à la scène. Là, on assiste à que dalle.

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    Un jour à Nashville, Dandy Chuck voit arriver un mec en salopette. C’est Dan Penn qui veut absolument composer avec lui - The time I spent with Dan in his basement in his studio were some of the greatest musical moments of my life - Ils composent ensemble «I Gotta Feeling For Ya», qu’allait enregistrer Kelly Willis sur l’album What I Deserve. Ils composent aussi «I Need A Holiday» qu’allait enregistrer Solomon Burke sur l’un de ses derniers albums, l’excellentissime Don’t Give Up On Me paru en 2002 sur Fat Possum. Mais pour le reste, tintin. Rien sur Dan qui soit d’ordre humain, alors que ce sont précisément ces rencontres qui font la sel de la terre.

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    Côté influences, Dandy Chuck avoue quelques trucs ici et là, mais avec parcimonie : le Desire et les Basement Tapes de Bob Dylan, I Want To See The Bright Light Tonight de Richard & Linda Thompson, Sister Lovers de Big Star ou encore l’Oar de Skip Spence. Il n’écoute pas Nirvana ni Pearl Jam. Il préfère Fairport Convention, Neil Young, Gram Parsons & Emmylou Harris. Il dit aussi que Joe Ely est l’un de ses all-times heroes. Il déterre aussi le Vintage Violence de John Cale de ses souvenirs de jeunesse. Et les Stones, bien sûr, en particulier Beggars Banquet - It’s pretty acoustic but it rocks - Dans l’interview (mais pas dans le book), il salue la mémoire de Johnny Thunders - He’s one of our greatest lost heroes of self-destruction. But you know, he’s really my idea of the singer-songwriter. Like Chuck Berry or Jimmy Rogers. He was the whole package (Il est l’un de nos grands apôtres de l’auto-destruction. Pour moi, il est le singer-songwriter par excellence, comme Chuck Berry ou Jimmy Rogers. Il était vraiment complet) - Bel hommage, non ? - I love his guitar playing. His songs. He was a stylist. Totally fearless. Always mischievous. Instantly recognizable (J’aime la façon dont il gratte sa gratte, ses chansons, c’est un styliste, il n’a peur de rien, toujours malicieux, immédiatement reconnaissable) - Et là, il tape en plein dans le mille - He was a dandy and he had the sartorial instinct of a jungle cat. A very inventive guy (C’était un dandy, un mec de la rue tiré à 4 épingles, un mec très inventif) - Dandy Chuck dit aussi pour rigoler qu’il attend un coup de fil de Dylan. Et quand Whyte lui demande qui sont ses musiciens préférés, Dandy Chuck lui répond : «Are you kiding ?». C’est une plaisanterie ? En réalité, il a peur d’en oublier. Il commence par les Rubinoos qu’il voyait sur scène quand il était encore au collège à San Francisco. Et avec lesquels il va enregistrer 40 ans plus tard quelques cuts sur l’album From Home. Il admire aussi Jonathan Richman qui était sur Beserkley Records, comme les Rubinoos - Everything cool really. Je pense qu’on peut appeler ça du pub rock. Je ne savais ce que c’était, en réalité, mais j’aimais ce son qui avait le charme de l’imprévisible - Et il conclut le chapter Beserkley en déclarant : «That was massive stuff for me.» Il revient ensuite sur ses collaborations avec Alejandro Escovedo, Kelly Willis, Kim Richey et évoque quelques souvenirs de Warren Zevon et de Kelley Stoltz.

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    Il adore aussi les Groovies auxquels il rend hommage sur le morceau-titre de l’album Temple Beautiful. Cet endroit que les punks ont fini par appeler Temple Beautiful était une ancienne synagogue qui se trouvait sur Geary Boulevard et qui fut un haut lieu de la scène de San Francisco. Le Grateful Dead y répétait, Hot Tuna y jouait, puis les Clash lors de leur deuxième tournée américaine, et tous ces groupes des années 80, Wall of Voodoo, les Go-Go’s et les Mentors. Dandy Chuck indique que Temple Beautiful est un album hommage à San Francisco : «It can suck you under. That first hit. It really does a whammy on you. And if you’re like me, you can find yourself chasing the San Francisco dragon for the rest of your life. That’s what this record is about.» Et il ajoute que les groupes qu’il a vus au Temple Beautiful ont changé le cours de sa vie. «Tout le monde a joué là.» Même les Groovies. D’ailleurs Dandy Chuck parvient à localiser Roy Loney : il bosse chez Jack Records Cellar, un disquaire installé dans le voisinage. Dandy Chuck lui envoie «une note» lui demandant s’il accepterait de venir chanter sur un cut et Roy répond qu’il sera là dans 20 minutes. C’est donc lui qu’on entend sur le morceau titre de Temple Beautiful.

    Simkin rappelle dans son introduction que Dandy Chuck n’est pas a rock superstar, mais plutôt un artiste culte suivi par une petite fan base très dévouée. La première règle du dandysme est le désintéressement, comme le dit si bien Barbey à propos de Brummell - Ses triomphes eurent l’insolence du désintéressement. Il n’avait jamais le vertige des têtes qu’il tournait - Dandy Chuck s’applique à lui-même cette règle fondamentale : «Une fois Bob Neuwirth m’a dit : ‘faisons les choses pour de l’argent.’ Mais si tu ne fais pas les choses en accord avec ta conscience, ça ne marche pas. Les gens cherchent toujours à brûler les étapes pour avoir du succès. En ce qui me concerne, ça produit l’effet inverse, comme la kryptonite : ça m’abat et ça m’affaiblit. Alors j’évite ça. Expliquer pourquoi je fais ci ou ça, pourquoi ça me fait vibrer ? Laisse tomber, c’est comme de vouloir expliquer le sexe à quelqu’un. Même pas la peine d’essayer. Il faut que ça groove, le groupe, les chansons, même un seul couplet. Si ça groove, c’est bon. C’est tout ce qui compte. Fais-le une seule fois et tu passeras tout le restant de ta vie à ça, à chevaucher le dragon.»

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    Ce qui caractérise peut-être le mieux Dandy Chuck, c’est sa passion des tournées. Et il répète à longueur de temps que la vie en tournée quand on n’a pas de moyens n’est pas de tout repos : «Je ne pourrais pas dire que la vie en tournée, c’est une partie de plaisir. Après avoir respiré le même air dans un van et y avoir vécu comme dans un sous-marin, les relations peuvent se détériorer.» Dans son cas, on peut même parler de ténacité. «Partir en tournée, rentrer fauché, secouer la poussière du voyage, trouver un moyen de payer le loyer. Il n’y avait pas de plan. Puis trouver un moyen de faire un nouvel album. Composer quelques chansons, se retrouver en studio, puis repartir en tournée. Chaque fois, on repart de rien.» Il évoque brièvement l’aspect financier des tournées : «C’est très compliqué de tourner aux États-Unis en partant de San Francisco. Tu as 15 heures de route pour aller à Portland, où est prévu ton premier concert. Et quand on retourne jouer en Angleterre, on y va pour presque rien. On a commencé à perdre de l’argent. Quand Lembo nous manageait, ça a créé une dette que j’ai dû rembourser après. J’essayais juste de maintenir le groupe en vie. Au plan financier, ça n’avait plus aucun sens.» À tel point qu’il finit par devoir prendre un job dans un parking. «Ça a duré deux mois, mec, le job le plus débile qui soit. Assis dans une cabine 8 heures pas jour. Mais ça me permettait de réfléchir. Un vrai luxe. J’avais un ordi portable et j’ai écrit pas mal de chansons. J’aimais bien être isolé.»

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    Quand en 2004, il est viré par East West Records après la parution d’Age Of Miracles, Dandy Chuck craque un peu : «J’étais dans la cuisine quand il m’a appelé. J’ai chialé. C’était la fin du groupe (the end of the road). On avait fait un bon bout de chemin, quelques album, yeah for sure. Alors je suis sorti et j’ai marché jusqu’à North Beach et à un moment je me suis demandé quelle heure il pouvait être et où j’étais. Just uttlerly lost.» Ce n’était pas la première fois que ça clashait avec un label. Après Brother Aldo, son premier album solo, Dandy Chuck flashe sur un album de Zachary Richard, Women In The Room et plus précisément sur Jim Scott, un producteur qui par la suite va travailler avec Lucinda Williams. Dandy Chuck aime bien le son - Just guitar, bass, drum, a lot of accordion. Sonically just a little bright. Hole in the middle, fat on the bottom. Kind of a roomy sound and clean guitar - Donc il enregistre des trucs avec Jim Scott. Mais les enregistrements ne plaisent pas au label China qui veut un album de rock. Fin de l’épisode. On retrouve néanmoins quelques cuts produit par Jim Scott sur Balinese Dancer.

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    Dandy Chuck revient aussi longuement sur Homemade Blood, enregistré entièrement live - I like the sound of all the music getting squished together so it’s ready to explode. Like Howlin’ Wolf records. Some Girls des Rolling Stones a un gros son but it doesn’t sound open - Donc pas d’overdubs là-dessus. Max Butler indique qu’ils écoutaient lui et Dandy Chuck pas mal les Stones à cette époque et qu’ils s’intéressaient au push-pull des guitares de Keef & Woody.

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    Dandy Chuck finit par comprendre qu’il en a marre de dépendre des autres. Alors il crée son label, Belle Sound - We fund our own records and license them to other labels, and so we still consider them to be a Belle Sound copyright. Somewhere down the road the copyrights will revert to us - Et le premier album à paraître sur Belle Sound sera Soap And Water.

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    Dandy Chuck ne s’étend pas trop sur ses années de braise - Shooting cocaine made me feel like I was thirty thousand feet above Fullerton - et dans la foulée il avoue avoir adoré conduire bourré - Driving dunk. I was abusive. I was contentious. I was a brat - L’histoire de Green On Red reste associée à la dope. Dandy Chuck n’y allait pas de main morte : «L’abus d’alcool et de dope étaient simplement dus à l’ennui.» Et il ajoute : «It was later that Danny and I sort of bonded on the fact that we started to really get into black tar heroin. That was a little bit later, a couple of years later at least.»

    Au hasard des pages, quelques personnes saluent le style de Dandy Chuck, comme par exemple Roly Sally : «Chuck has a fat touch on his Telecaster. La première fois que je l’ai entendu jouer, il me rappelait Ike Turner. Ses compos sont fraîches, profondes, drôles, musicales et solides. C’est le seul mec avec qui j’ai eu plaisir à composer.» Simkin salue lui aussi le style de Dandy Chuck - bluesy, folky, funky, a little bit country in all the right ways and places - Dandy Chuck avouait aussi dans un interview qu’il ne vivait que pour le process : «Bosser avec des amis chez eux, enregistrer, voilà pourquoi je vis. Ce n’est pas le produit fini qui m’intéresse, c’est le process.» Et comme tous les gens qu’il admire, Dandy Chuck cherche son Graal : «Mon but a toujours été de faire un grand album. Ça me suffirait. Ça donnerait enfin un sens à mes tares, mes erreurs et les mauvais choix que j’ai pu faire. Je ne cherche pas à écrire le grand roman américain, je ne parle pas d’argent, c’est plutôt la façon dont on peut définir le succès qui m’intéresse. Si tu laisses quelqu’un d’autre définir le succès pour toi, tu es un sucker. Je ne suis pas un sucker.» Merveilleux esprit.

    Signé : Cazengler, Chuck Profiterole

    Chuck Prophet. The Land That Time Forgot. Yep Roc 2020

    Steve Simkin. What Makes The Monkey Dance - The Life & Music Of Chuck Prophet & Green On Red. Jawbone Books 2020

    Joe Whyte : The Hurting Business. Vive Le Rock # 76 - 2020

    KR'TNT ! 360 du O8 / 02 / 2018 : Chuck Prophet en son pays ( Part I )

    KR'TNT ! 363 du O1 / 03 / 2018 : Chuck Prophet en son pays ( Part II )

     

    PLANETE-METAL

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    Qui refuserait un CD d'AC / DC pour moins de trois euros ! Pas moi, avec en plus un livret explicatif ! Je me méfie des explications, mais je reconnais que l'opuscule est relativement épais et comporte un dos carré. Pas le truc rafistolé avec deux agrafes baladeuses. Faudrait tout de même savoir quel album du groupe ils ont choisi, ce n'est pas indiqué sur la couve, je ne cherche pas sur le moment à approfondir le problème, d'abord parce que j'ai beau fouiller dans mes poches je n'ai pas un flèche sur moi. Ni une flèche que j'enfoncerais avec une délectation cruelle dans le cou du buraliste, le sang qui éclabousserait le comptoir affolerait la clientèle, je profiterais de l'affolement général pour sortir tranquillement ma prise de guerre sous le bras. Hélas, les guerres indiennes sont terminées depuis longtemps, je suis revenu le lendemain et ai fièrement aligné mes trois euros sous les yeux subjugués de la jeune vendeuse, non je ne mythifie pas, la preuve elle m'a rendu un centime, sans doute considérait-elle cela comme un échange symbolique de sang qui devait sceller notre indéfectible alliance jusqu'au jour de notre mort. Les filles ont toujours des idées bizarres, comment s'intéresser à l'une d'elles alors que l'on a un CD d'AC / DC ( un AC / CD ) à écouter !

    Bref j'arrive chez moi et fébrilement je déchiquette l'emballage pour extraire de la couve du livre, le fameux CD ! C'est-là que je me rends compte de mon erreur, ce n'est qu'un livre, je vérifie, pas une seule fois il n'est question d'un CD d'accompagnement. Je ne pleure pas parce qu'avec les larmes plein les yeux je ne pourrais pas lire. Soixante quatre pages, papier glacé – attention s'il vous plaît, recyclable – photos couleurs, d'autres en noir et blanc, une maquette aérée, avec des encadrés, deux encres la noire et la rouge, fonds blancs, noirs, gris... texte honnête, les débuts du groupe sont mieux décrits que la suite de l'aventure, discographie attendue, plus quelques pages sur les groupes de hard-rock australiens. Les rockers patentés n'apprennent pas grand-chose, mais l'ensemble est honnête. Parmi les contributeurs l'on retrouve Philippe Margotin ( marrant, je feuilletais ce matin son opus sur les Who ), Géant Vert ( désopilant, j'en ai mangé à midi ), Christian Eudeline ( hilarant, j'aurais pu en lire plus de deux lignes en soirée, mais je n'y ai pas pensé ).

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    C'est une collection, à trois euros le numéro vous me direz que ça vaut le coup, mais je me méfie, je suis sûr que ça va augmenter, pas tant que cela, pour 9, 99 E vous emportez les numéros 2 ( Metallica ) et 3 ( Iron Maiden ) + deux mugs thermo-réactifs ( ne confondez pas avec thermo-nucléaires ) + une bande dessinée ( pas géniale, je la connais ) intitulée le Heavy Metal. Zoui, ça se discute, c'est après que les ennuis commencent, ensuite c'est 3 numéros que vous recevez par la poste : 9, 99 multiplié par 3 = 29, 97 euros.

    Vous êtes en possession des six premiers numéros pour 2, 99 + 9, 99 + 29, 97 = 42, 05 E.

    Normalement la collection comporte 60 numéros pour acquérir les 54 qui vous manquent il vous reste à vous acquitter de : 54 fois 9, 99 = 539, 46 euros soit en tout la modeste somme de : 539, 46 + 42, 05 : 581, 51 euros.

    Bye-bye vos économies ! Ne sont pas fous chez Achète pardon chez Hachette, z'ont un peu peur que le client rocker, hard rocker ou métalleux ne morde pas à l'hameçon, aussi précisent-ils que faute de succès, ils se réservent le droit d'arrêter à leur guise la collection ! Ne vous filent d'ailleurs que les titres des 19 premiers numéros... Et si des milliers de gogos se ruent sur cette offre mirobolante, ils rajouteront quelques fascicules... C'est la loi du commerce me direz-vous, vieille comme le monde, Hermès le dieu des marchands n'était-il pas aussi le dieu des voleurs...

    Le rock'n'roll pour les grands groupes capitalistiques c'est comme les chiens, un public de niche, alors mes braves toutous faites attention à ces puces qui viennent sucer votre sang, n'en soyez pas victimes, évitez de céder au fétichisme faisandé de la marchandise mise sur le marché à moindre risque, nombreux sont les charognards qui se nourrissent sur les dépouilles des anciens exploits de la bête, ne confondons pas célébration avec consommation... Privilégions le DYE, l'échange, le don, le potlatch des tribus de l'Ouest. Rien n'empêche à chacun des individus que nous sommes de mener sa propre guerre indienne.

    Damie Chad.

    AT YOUR BIRTHDAY PARTY

    STEPPENWOOLF

    ( Octobre 1969 )

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    Gary Burden a fourni un bel effort pour la pochette. Si vous n'avez pas eu sous les yeux la première pochette de l'édition du premier pressage américain la phrase précédente ne remportera pas l'unanimité. Si la photo centrale des éditions suivantes ne pose pas de problème particulier – le groupe debout et assis autour d'une table, Gabriel Mekler remplaçant Michael Monarch – le reste, notamment toute la partie basse de l'artwork exige quelque attention, point de couleur, du blanc du noir qui étrangement donnent surtout une sensation de gris, est-ce un dessin ou une photographie, un montage des deux, regardez avec attention, vous discernerez un mélange, des souris et des hommes pour parler comme Steinbeck. Des soldats, une photographie issue de la Guerre de Sécession quoique la vue ressemble à une représentation des tranchées de 14-18, quelques uns affublés de têtes de Mickey. Comment l'interpréter : une condamnation de la guerre, dans laquelle les soldats menés à l'abattoir tels des rats pris dans une ratière jouent des rôles de héros de carton-pâte, une protestation contre l'envoi des GI's au Vietnam ? Toutes les rééditions de ce disque reprennent les mêmes motifs. L'on sait que la photo a été prise dans une maison où logea Canned Heat et qui avait été visitée par un incendie. Sur certaines photographies on mesure l'ampleur des dégâts sur le matos du groupe de Bob Hite et Alan Wilson. De quelle party d'anniversaire s'agit-il au juste, l'innocence du titre ne cache-t-elle pas des sentiments désespérés beaucoup plus ambigus.

    John Kay ; lead vocal, rhythm guitar, harmonica / Mickael Monarch : lead guitar / Goldy McJohn : organ, piano / Nick St Nicholas : bass / Jerry Edmonton : drums.

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    Don't cry : ne pleurez pas, sur ce titre le Loup vous ménage bien des surprises, le train est lancé et vous pensez que rien ne l'arrêtera que vous êtes parti pour un agréable morceau bien rythmé, en plus vous avez la mélodie qui marche avec, les pattes rythmiques qui courent et Kay qui mélopèse à souhait comme s'il prenait plaisir à hululer tout doux entre les dents, assez fort pour que tout le monde l'entende mais pas trop pour que l'on ne lui reproche pas de faire trop de bruit, les autres le soutiennent en sourdine surtout sur les refrains et tout le monde est content, insensiblement tout se gâte, du rififi dans la meute et tout le monde se tait tandis que la machine se précipite, s'éloigne, et disparaît dans un lointain cliquetis, vous aimeriez que l'on vous explique, mais non le loup vous est passé entre les jambes alors que ça faisait deux heures que vous le teniez dans la mire de votre fusil, vous vouliez l'avoir entre les deux yeux, c'est lui qui vous en a mis plein la vue. Sont bizarres chez Steppenwolf, font du hard sans riff, autant dire une omelette sans casser les œufs. Et pourtant ça bave sur votre pantalon. Chicken wolf : l'homme est-il un loup pour l'homme ou simplement un poulet. A vous de choisir votre totem. En tout cas ça pépie un max dans la basse-cour, Kay vous envoie vos quatre vérités à la figure sans prendre de gants, vous déchire un peu de ses ironiques canines, Monarch est à ses côté, vous refait le coup du lait sans crème mais qui vous émulse sans rémission un flacon de flan au cyanure, le monarque guitariste il a une manière inégalée de pousser ses notes juste sous les touches du clavier de Goldy McJohn, et au cas où l'une d'entre elles la ramènerait un peu trop, Edmonton vous les aplatit de ses baguettes, dans la musique du Loup rien ne se remarque, Nick Saint Nicholas vous noircit le tableau ( celui de la pochette aussi ) de sa basse, le hard du Loup est assez sombre et rapide, il ne montre rien, il dévoile tout. Cuisson à l'étouffée, le Loup ne frappe jamais de front, s'insinue en vous, disloque votre cerveau. Vous n'êtes ainsi plus en mesure de  nuire à vous-même. Pernicieux. Lovely meter : en deux morceaux le Loup vous a sapé le moral, c'est une bête gentille, une petite chansonnette d'amour pour vous remettre d'aplomb, un orgue tout doux qui vous caresse dans le sens des poils du pubis, guitare acoustique et Jerry qui vous susurre une gentille ballade pour endormir le bébé que vous êtes en train de faire, quelle prévenance, instant de recueillement, c'est si beau que l'on en pleurerait. C'est si bon qu'ils en ont un fait un clip, vous les voyez tout doux frôler les instruments, mais quels sont ces bruits étranges, serait-ce un cacatoès qui cacophonise, point du tout, c'est une attaque du train, et le Loup aux fenêtres du wagon en train de tirer sur les poursuivants, images de western... Round and down : tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, une facétie country and western de Monarch, y'a de la joie tout le monde s'aime et danse en rond, les images de Cimino me montent à la tête, la fabuleuse scène sur patins à roulettes, don de prescience parce que le vocal se tait et commence une longue séquence musicale dramatique où tout se précipite. En déduirons-nous que le calme n'existe que pour laisser aux tempêtes le temps de se former. It's never too late : que ne disions-nous, le titre et les refrains sont pleins d'espoir, il vaudrait mieux ne pas écouter les paroles, le rideau du blues tombe sur vous et vos vies ratées, le Loup a repris ses grandes traversées lunaires, Jerry précipite sa batterie comme Dieu verse le malheur sur les pauvres gens, pas de pitié chacun est responsable de ses errements, de ses erreurs, le Loup offre une sucette de consolation empoisonnée aux grands enfants que sont les adultes. Compact et implacable. Ce qui est terrible avec Steppenwolf, c'est qu'ils n'en font jamais trop, pourraient se déchaîner, sortir les orgues de Staline et les batteries de canons, non préfèrent juste vous enlever vos illusions sans forcer sur la musique. Sleeping dreaming : Nick a pris le vocal, c'est pour mieux vous niquer, inutile de vous précipiter sur votre éléctrophone, l'est à fond, mais ça commence tout bas, un chœur de boyscouts joyeusement bourrés, ne le dites pas à leurs parents, profèrent des mensonges, rêvent qu'ils aiment, mais non, c'est une satanée plaisanterie, si vous commencez à croire tout ce que l'on vous dit, d'ailleurs ils n'exagèrent pas, une minute, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures. Jupiter child : dernier morceau de la face A, Le loup laisse éclater sa force, Beau travail de batterie de Jerry, l'on dirait qu'il sert une mitrailleuse dans un film de guerre, et les autres n'y vont pas de main morte, lorsque le Kay a fini de crier sa hargne ils continuent comme de rien n'était. Un morceau qui a su parler à la jeunesse américaine, s'adresse aux enfants de Jupiter, à tous ceux qui se sentent différents, étrangers à notre monde, le Loup n'est pas optimiste, pas d'issue pour eux, la saleté de la commune humanité les rongera telle une lèpre. Pas d'échappatoire possible, ni dans l'avenir, ni dans le passé. Si vous venez d'une étoile lointaine, sachez que vous ne retrouverez jamais le chemin du retour. Vous êtes perdu à jamais.

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    She'll be better : Jerry a dû avoir des remords d'être si persuasivement pessimiste en fin de face B, du coup il prend le vocal pour vous rabibocher avec la vie. Une belle chanson d'amour. Ce disque de Steppenwolf ressemble au roman Le maître de Casterbridge de Thomas Hardy, dans lequel les chapitres où tout est pour le pire dans le pire des mondes alternent avec chapitres où tout tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, douches froides, douches chaudes successives, et quand le livre se finit bien vous pensez que ça ne pourrait pas ne pas être pire... quelle belle chanson, la plus longue de l'album, un piano prophétique à la Imagine de Lennon, mais beaucoup plus expressif, après les horreurs du titre précédents, orchestration grand style et trémolos vocaux à gogo, comme c'est long profitez-en pour aller faire pipi, comme durant les pubs de la télé qui vous racontent des menteries. Cat killer : le titre suffit pour vous rappeler la cruauté du monde, le morceau de Goldy ne dure qu'une minute-trente, prend son pied notre pianiste, après le country dégénérant de tout à l'heure, c'est le temps du ragtime, une musique d'accompagnement de dessin animé pour vous arracher de votre rêve d'amour précédent. Ragetime ? Rock me : bye-bye l'amour éthéré, revenons à des préoccupations intimes mais un peu plus ancrées dans la réalité des vies désabusées, le Loup a repris la tête de la horde, vous admirerez surtout la longue séquence instrumentale centrale, encadrée par les deux récitatifs enjoués de Kay, certes les premières secondes ça cliquette comme les claquettes de Fred Astaire mais cela dégénère, vous voici transposé en un camp indien, vous entendez sourdre les saccades de leurs chants et de leur tambours sourds, et vous ne pouvez vous empêcher de penser qu'il s'agit d'un peuple de vaincus et que vous aussi vous avez été défait dans les combats de l'existence, alors vous rapprochez votre sexe du sexe de quelqu'une qui a connu les mêmes défaites que vous. Chanson enjouée pour maquiller des vies tristes et ratées. Le Loup n'est pas tendre avec la rugosité du monde. Good fearing man : une intro presque pompeuse, la voix de Kay patine dessus tel un serpent qui glisse vers vous pour vous mordre, tempo simili bluezy, le Loup s'approche et quand il referme ses mâchoires il ne les rouvre pas, un hymne carrément anarchiste, qui ne nomme personne – on n'est jamais trop prudent – mais qui désigne clairement la bonne conscience des dirigeants. Par exemple ceux qui envoient leurs semblables à la guerre. Mango juice : instrumental, parfois il vaut mieux ne rien dire qu'en dire trop. L'occasion pour Nick Saint John de faire vibrer sa basse, un cadeau d'adieu pour Monarch qui quitte le groupe, peut-être, mais on ne l'entend guère et le morceau semble des plus inaboutis, une expérience qui a tourné court, ou une volonté de remplissage. Ou alors un signe prononcé de fatigue de la part d'un groupe qui tourne sans arrêt et soumis à produire deux albums par an... Happy birthday : Mekler a composé le premier morceau du 33 tours, et voici qu'il signe le dernier. Pas très joyeux, carrément lugubre avec cette basse funèbre, ce clavier qui imite des pales d'hélicoptère, et ces chœurs féminins nous feraient croire que nous sommes à l'église pour un enterrement. Le retour d'un soldat mort, en filigrane sous des lyrics faussement innocents, et quel regard porté sur le naufrage de la vie...

    Un disque assez noir. Qui joue un peu. Qui fait trois pas en avant, et un autre en arrière. Le Loup cherche-t-il à ménager l'auditeur. A retenir son attention. A le faire réfléchir. Ou avance-t-il masqué. Nous le saurons bientôt. La suite au prochain épisode.

    Damie Chad.

    UNE HISTOIRE DU ROCK

    EN 202 VINYLES CULTES

    PHILIPPE MANOEUVRE

    ( Hugo - Desinge / Septembre 2020 )

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    Cadeau inattendu sous le sapin. Un book. Le Père Noël serait-il un rocker ? Une formule qui marche. Déjà en Octobre 2011 Manœuvre nous avait donné La discothèque rock idéale, 101 disques à écouter avant la fin du monde était-il précisé sur la couverture. La fin du monde n'étant pas survenue, le voici qu'il double la mise. Ce qui nous laisse envisager vingt ans de survie programmée. Page de gauche, la pochette de l'album choisi, page de droite la chronique idoine, dans la marge un petit topo - attrape nigaud - pour nous apprendre en quoi l'album choisi est culte.

    Dans sa préface Manœuvre raconte les péripéties confinatoires de l'écriture de son bouquin. Qui prêtent à sourire. Toutefois nous en retiendrons surtout, sinon l'amer, du moins l'impuissant constat de la fin d'un cycle historial, celui de la musique rock. Nous y reviendrons. Le principe d'un choix quelconque est sujet à caution. Tellement de paramètres à mettre en jeu ! 202 c'est beaucoup et c'est peu, surtout si l'on pense à la sélection des 666 disques que propose ce mois-ci le Hors-Série N° 39 de Rock & Folk... Il vous manquera toujours le chef-d'œuvre essentiel et indépassable de cet art suprême qu'est le rock'n'roll que vous êtes le seul à avoir remarqué, en prime vous vous sentirez personnellement insulté par la présence de sillons honnis... Pour cette chronique nous nous contenterons de commenter les premières pages.

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    La première pierre qui doit soutenir l'édifice n'est pas facile à définir, dans le H. S. 39, ils ont visé l'indétrônable, l'incontournable, l'inattaquable Rock with Bill Haley and The Comets, Manoeuvre descend de deux crans au-dessous, le rock provient tout droit du blues et du country, donc ce sera en 1 : Robert Johnson, choix historialement judicieux qui exclut toutes les autres préséances possibles ( et impossibles ), en 2 : voici Luke the drifter d'Hank Williams, un disque un peu à part dans la production du country-man archétypal mais terriblement dans l'esprit américain, le pécheur qui se repent, entre deux chansons Luke vous exhorte à ne pas emprunter le sentier du mal, un véritable prêche, un sermon carabiné à la born again– entre parenthèses quand on voit comment la rencontre avec le Devil a été bénéfique pour Robert Johnson nous n' écouterons pas ses conseils - de toutes les manières Dieu himself qui devait s'ennuyer à écouter les cantiques à l'eau de rose des chœurs paradisiaques a envoyé fissa ses anges de la mort, avant que le temps réglementaire imparti à ces deux ancêtres du rock ne se soit régulièrement écoulé  afin de les avoir près de lui au plus vite. Preuve qu'il a bon goût.

    Bon, Philippou on passe au rock'n'roll, surprise, après le blues et le country, voici celui que l'on n'attendait pas. Dans Bye-bye, bye Baby, bye bye de Guy Pellaert et Nick Cohn il n'avait pas été oublié, mais il arrivait en dernier, juste à temps pour rappeler aux petits jeunes que la Voice les enterrerait tous. Ben là, même s'il est sur le podium en N° 3, Frank Sinatra ne rigole pas, le rital sardonique au sourire carnassier vous a une gueule d'enterrement pré-suicidaire, il pleure, et pas comme un crocodile, tout un album, In the Wee Small Hours, tout cela parce que Ava Gardner l'a laissé tomber, telle une vulgaire chaussette, un gros chagrin, suis allé entendre la fontaine amère couler sur You Tube, terrible, il en chante presque mal el povrecito, que voulez-vous le malheur des uns fait rire les autres.

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    Ouf : l'on est sauvé, voici Elvis, rien à dire quand les rockers ont le cœur brisé c'est revigorant. Ne pleurnichent pas comme des femmelettes, cassent la baraque quand ils n'ont pas la baraka avec les demoiselles. A part que chez RCA personne n'a pensé à glisser Heartbreak Hotel sur l'album ! Une regrettable erreur. Nous sommes d'accord. L'on saute au plafond en tournant la page, Johnny Burnette and the rock'n'roll Trio, l'album de rock parfait si l'on en croit les dithyrambes de Manœuvre, le crédite de tout, n'évoque même pas l'interrogation fatale qui de Grady Martin ou de Paul Burlison joue de la guitare sur tel ou tel morceau... Quand on aime on ne mégote pas.

    Nous sommes heureux, nous abordons le rivage des pionniers du rock, rien de mal ne saurait survenir. Ben si, il ne faut jurer de rien, un gars sympathique, que l'on aime bien Robert Mitchum, on doit se tromper de film, en plus une peau de banane trop mûre, un truc typico mes cocos, Calypso is like so... par acquis de conscience je suis allé écouter, pas vraiment mauvais, un peu cowboy aux envergures, le Mitchum s'en tire en professionnel, sympathique mais il manque un peu de sauvagerie rock'n'roll. Manœuvre fait tout ce qu'il peut pour se faire remarquer.

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    Se rattrape sur les trois suivants, Gene Vincent, Little Richard, Bo Diddley – ce vieux ( pas très ) Bo que l'on a l'habitude de passer sous silence – vous savez aux States dans les années cinquante les nègres qui n'en faisaient qu'à leur tête... - alors qu'il est une pierre angulaire du rock'n'roll, un paquet de fraises saignantes aux asticots de macchabées à lui tout seul, survient At Home with Screamin Jay Hawkins, là vraiment on est gâtés, pourris, surtout que deux pages suivantes encore un génie que l'on relègue dans les troisièmes zones des demi-soldes, Bobby ( Blue ) Bland, Two steps from the blues, l'on s'émerveille comme Alice en son pays miraculeux, attention à la face sombre et invisible de la lune, pas de Chuck Berry, pas de Buddy Holly, pas d'Eddie Cochran, Philippe Manœuvre mérite trois fois la mort, même si plus loin il nous entraîne au Star Club de Hambourg avec Jerry Lou, et surprise voici celui que l'on n'attendait pas, le fabuleux Vince ! de Vince Taylor. Because my Taylor is rich.

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    C'est que l'auteur éparpille ses papilles gustatives en papillon qui ne sait plus sur quelle fleur se poser. Pas tout à fait de sa faute. Tout le monde ne pourra pas monter in the blue bus, et puis l'histoire du rock'n'roll n'est guère rectiligne, elle ne se débite pas en tranches égales et millésimées de saucisson, quand les époques sont riches, ça part de tous les côtés, de 1956 à 1966 la musique s'avère sinuosidale, face sombre James Brown à l'Apollo Theater, face claire The Trashmen et leur Surfin Bird, on aurait attendu Dik Dale, mais autant rappeler la carrière de ceux qui n'ont surfé sur la vague montante de la gloire qu'une saison, ainsi si vous avez les Kinks, les Beatles, les Rolling Stones – pour ces deux derniers pas les titres des albums qui affleurent en premier dans les sables de votre mémoire - vous vous passerez des Animals ( crime impardonnable ! ) et des Yardbirds ( manquement irréparable ). Entre nous soit dit les Anglais sont sous-représentés dans le volume, à part les Pretty Things qui sont sauvés in-extremis... L'on commence à entrevoir la stratégie de Philippe Manœuvre, ne cherche pas à racoler ou satisfaire les fans, ménage les surprises, entre tous ces disques vous avez droit au Love Suprême de John Coltrane – Sainte Madone, c'est du jazz - et encore plus inattendu le Call me de William Burroughs, sans oublier pour autant le rock du garage, le Black Monk Time des Monks et Explosives des Sonics, pousse même le culot jusqu'à présenter ce précurseur des hippies que fut Eden Ahbez avec son Eden's Island paru en 1960...

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    Je m'arrêterai à l'année 1966, avec la grosse surprise nationale, encore mieux que Vince Taylor qui question nationalités est multi-cartes, an de grâce vocale 1965, un petit gars bien de chez nous, Ronnie Bird, carrière brisée par un stupide accident de camionnette non assurée, quant à dire que Le Pivert était son meilleur titre, voici le genre de contre-vérité à laquelle je ne souscrirai pas... pourtant qu'est-ce que nous l'avons aimé Ronnie qui était le chouchou du Président Rosco sur RTL, et sur France Inter le matin avant de partir au collège l'électrique Fais Attention '' demain tu te maries, yeah-yeah'' cela vous boustait le moral pour toute la journée, mais mince, stoppons les conduites criminelles, Noël Deschamps qui n'était déjà pas présent dans le volume Philippe Manoeuvre présente ( le ) Rock Français... est encore absent.

    Ce n'est pas mal écrit. Manœuvre profite de ses choix pour présenter le contenu du disque mais l'en profite aussi pour dresser l'air d'un pédagogue averti le panorama de l'histoire du rock'n'roll, les néophytes combleront les vides sidéraux de leurs connaissances, et les autres qui connaissent tout par cœur, feront comme les petits enfants qui chaque soir exigent la même histoire, celle du grand méchant loup Rock'n'roll qui finit toujours par grignoter leur âme de petit chaperon rouge qui ne rêve que d'être livrée à toutes les dépravations que leur fera subir la grosse bête vicieuse.

    Damie Chad.

     

    XV

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

     

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    Molossa et Molossito roupillaient sur la banquette arrière, nous roulions sereinement à une modeste vitesse de croisière de 160 km / H sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute en direction de Paris, le chef craqua une allumette pour allumer un Coronado, derrière les chiens dressèrent l'oreille, l'heure du grand conseil était venue, une question me brûlait les lèvres :

      • N'avez-vous pas remarqué Chef que chaque fois que nous sommes sur la piste de l'homme à deux mains, nous faisons chou blanc, rappelons-nous la pâtisserie, la maison bizarre et nos déboires tout récents en Normandie ?

      • Agent Chad votre constatation relève d'une analyse primaire, vous êtes comme le taureau qui voit le chiffon rouge et en oublie le torero meurtrier qui se cache derrière. Je dirais plutôt que chaque fois que nous suivons l'homme à deux mains, les Réplicants nous attendent. Je vous laisse réfléchir. Laissez-moi fermer les yeux pour goûter la saveur de ce Coronado. Ah, faites attention, si dans deux ou trois kilomètres, deux ravissantes jeunes personnes faisaient du stop sur cette bande d'arrêt d'urgence, appliquez la consigne N° 6.

    Le Chef avait raison trois minutes ne se sont pas écoulées que deux silhouettes de jeunes femmes pulpeuses me font des signes affriolants. J'applique sans faillir la consigne N° 6 : lorsque la survie du rock'n'roll est en jeu, l'on n'hésite pas occire les 3 / 4 de l'humanité si nécessaire. La panhard pistache fonce droit sur les deux donzelles, son aile gauche et le capot ressemblent désormais à une boule de glace à la fraise. Le Chef ouvre les yeux :

      • Excellent agent Chad, j'aperçois des morceaux de viande hachée sur la chaussée, ne reste plus qu'à attendre la preuve de mon raisonnement !

      • Elle arrive Chef, au loin une voiture fonce à toute allure, ils roulent au moins à 200 à l'heure, mais avec leur gyrophare bleu qui clignote on ne peut pas ne pas les voir !

    Une voiture de police sirène hurlante se range à notre hauteur, quatre types à lunettes noires scrutent notre habitacle, apparemment ils sont satisfaits, car l'un d'eux fait un signe, et le véhicule nous distance et continue son chemin, sans plus nous prêter d'attention !

      • Miraculeux Chef ! Nous avons enfin une piste, il existe un lien entre les Réplicants et la police !

      • Agent Chad, disons-le avec les mots idoines : l'Elysée a passé une alliance avec les Réplicants, pourquoi, comment, nous l'ignorons, mais nous n'allons pas tarder à le savoir !

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    Nous avons regagné le service sans encombre. Le Chef est assis à son bureau, il fume son Coronado, je sens que je l'énerve à me tortiller sur ma chaise. Moi-même je suis surpris, d'habitude lorsque je rajoute un chapitre à mon livre Mémoires d'un GSH ( Génie Supérieur de l'Humanité, pour ceux qui prennent le feuilleton en marche ) – mon stylo court sur le papier, une bombe atomique éclaterait à deux mètres de moi que je n'y prêterais aucune attention, mais cette fois-ci ce n'est pas le cas.

      • Agent Chad arrêter de vous trémousser, vous me gâtez mon Coronado !

      • Chef, ce sont les affres de la création, les mêmes qu'ont connues Proust et Joyce !

      • Alors ils étaient comme vous, ils avaient un gros objet qui les gênait dans la poche arrière de leur pantalon.

    Caramba, comment ai-je pu l'oublier, l'exemplaire de L'homme à deux mains d'Eddie Crescendo que j'ai récupéré dans la bibliothèque d'Alfred, avant qu'elle ne disparaisse aussi mystérieusement qu'elle était apparue, il est plus que temps de m'y plonger, malgré ma vie trépidante je n'ai aucune excuse, et le Chef qui l'a déjà lu ne m'en a pas parlé, c'est donc qu'il a besoin de comparer ses réflexions suscitées par sa lecture à celle d'un lecteur spécialiste et passionné de littérature, en l'occurrence un certain Agent Chad que je connais très bien... Ce soir-là de retour à Provins je me jurai de passer une nuit studieuse.

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    Je l'avoue je suis resté dubitatif. Le roman n'avait rien de bien prenant. Une vague embrouille policière, très mal écrite, à la va-vite, sans style ni soin, je l'ai examiné dans tous les sens, peut-être était-il codé, j'ai imaginé des tas de grilles de lecture, essayé de mettre en relation des mots qui me semblaient se rapporter à des évènements que nous avions traversés, mais ce tissu d'inepties ne présentait aucun intérêt.

    Le lendemain matin le Chef m'accueillit, Coronado et sourire ironique aux lèvres :

      • Agent Chad, vous me semblez fatigué, le roman d'Eddie Crescendo vous a-t-il tenu en haleine toute la nuit, ou vous a-t-il autant déçu que je le suis moi-même...

      • Pourtant Chef la seule fois que vous y avez fait allusion devant moi, il ne m'a pas échappé que vous y aviez puisé comme un enseignement !

      • Exactement Agent Chad, un récit déplorable, mais sa première page m'a interpellé, rappelez-vous Agent Chad, Mémoires d'un GSH !

      • Bien sûr Chef, j'en ai déduit qu'Eddie Crescendo se prenait pour un Génie Supérieur de l'Humanité, hélas, ses talents littéraires à l'opposé des miens ne...

      • Agent Chad, vous faites fausse route, les circonstances dans lesquelles ce roman nous est parvenu sont bien étranges, rappelez-vous, ce livre n'a pas été écrit par Eddie Crescendo, les seuls écrits qui nous soient parvenus de Crescendo sont ceux de la boite à sucre. Ce bouquin, trouvé dans la villa des Réplicants, a été écrit par les Réplicants, s'y sont mis à plusieurs pour le torcher, ce qui explique le décousu du récit, dans le seul but de nous tromper, de nous attarder dans nos déductions, mais il y en a un qui nous a adressé un message pour que nous n'y croyions pas...

      • Alfred !

      • Oui Alfred qui a glissé en première page cette grossière imitation du titre de vos mémoires, nous laissant ce message pour nous avertir du danger qui planait autour de nous !

      • Mais pourquoi Alfred aurait-il trahi les Réplicants, Chef, nous aimait-il donc tant que cela !

      • Pas du tout, ce qu'il aimait c'était le rock'n'roll ! Et s'il a trahi le peuple des Réplicants c'est parce qu'il connaissait le grave danger que courait le rock'n'roll, il a essayé de nous avertir, mais il a été tué avant de nous avoir tout révélé !

      • Chef, votre raisonnement est d'une logique éblouissante, je m'incline devant votre intelligence, je n'ai rien vu de tout cela cette nuit quand j'étudiais ce livre en le tenant bien fort à deux mains !

    Il se passa à ce moment-là un évènement mémorable. Molossa et Molossitos peuvent en témoigner. Le Chef ouvrit le tiroir de son bureau et me tendit un Coronado :

      • Agent Chad, prenez-le, je vous l'offre, vous en êtes digne, je suis convaincu que vous êtes un génie incompris !

      • Ne vous inquiétez pas Chef, un jour l'Humanité reconnaîtra ma supériorité, elle s'agenouillera devant moi et...

      • Peut-être, peut-être, agent Chad, je vous le souhaite, mais le premier qui ne pige rien à votre génie, c'est vous-même !

      • Chef, je n'y entrave que couic !

      • Vous voyez bien, Agent Chad, lorsque le génie parle, vous ne comprenez pas ! Mais vous venez de prononcer le nom de l'homme à deux mains !

      • Moi,Chef !, pas du tout !

      • Taisez-vous, l'homme à deux mains c'est vous Agent Chad !

    ( A suivre... )

  • CHRONIQUES DE POURPRE 243 : KR'TNT ! 363 : CHUCK PROPHET / PATTY VAREN / SISTER MOON /KIRIN DOSHA / JAY JAXSON / BLACK PEARL / / FOUR ACES / JOHNNY HALLYDAY

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 363

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    01 / 03 / 2018

    CHUCK PROPHET / PATTY VAREN

    SISTER MOON / KIRIN DOSHA / JAY JAXSON

    BLACK PEARL / FOUR ACES / JOHNNY HALLYDAY

     Prophet en son pays - Part Two

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    Green On Red s’arrêta en 1987. Chuck Prophet allait ensuite entamer une carrière solo absolument passionnante, pour le seul bonheur de nos chères petites oreilles.

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    Baptême de l’air en 1990 avec Brother Aldo. Chuck Prophet s’impose aussitôt, comme le ferait une star. Il en a le physique et le talent. Il place dans «Rage And Storm» un solo d’une conception architecturale originale et nous régale d’une embellie finale. Tout sur ce disque est infiniment supérieur à la moyenne. Avec «Scarecrow», il tape dans une ambiance à la Lanegan. S’il réhausse ce festival hallucinant, c’est bien sûr avec solo d’un classicisme échevelé - son clair et paquets de notes clairvoyantes - Il fait la moitié du morceau en roue libre. La fière allure et la hauteur de vue pourraient bien être les deux mamelles du Prophet. Il chante le morceau titre à la Lou Reed, très laid-back. À l’instar d’André Malraux, Chuck Prophet pourrait déclarer : «Le classicisme sera brillant ou ne sera pas.» Et il n’en finit plus de placer d’élégants solos qu’il dote d’un son clair comme de l’eau de roche. Sa copine Stephanie Finch double sa voix sur la plupart des morceaux. Il aménage dans «Stop Right This Way» de jolies montées vers les cieux éternels et nous sertit ça d’un solo d’une extrême rareté. L’album est si bon que tous les morceaux finissent par sonner comme des classiques et notamment «Face To The Wall», avec un ring that bell qui évoque Chuck, mais l’autre, le grand, le Berry. Si vous cherchez un guitariste prophétique, il est là. C’est Chuck Prophet. Il tape aussi dans la country avec «Tune Of An Evening». Il y saccade ses admirables passations de pouvoir.

    Brother Aldo en traumatisa plus d’un. Le jeu allait donc consister à guetter la parution de chaque nouvel du Prophet.

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    Paru en 1993, Balinese Dancer est un album beaucoup moins dense que son prédécesseur. «Savannah» sonne comme le werewolf of London. Chuck Prophet cajunise subtilement son morceau titre en lui shootant une belle dose d’accordéon. Il nous claque des accords beaux comme des dieux dans «One Last Dance» et nous plonge dans une espèce de romantisme fin de siècle - Of course I am - très sophistiqué. Avec «Angel», il emmène la Stonesy très loin au large et ça donne un cut éclatant de vérité. Il saupoudre sa voix gerbeuse d’une belle pincée d’accordéon et tire une fois de plus l’ensemble vers les ineffables régions de l’expertise sensorielle.

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    Et crac, Feast Of Hearts sort deux ans plus tard. Sur la pochette, Chuck Prophet rivalise de classe Wizard avec Todd ‘A true Star’ Rundgren. Voilà ce qu’il faut bien appeler un album d’anthologie. Lorsqu’il chante «What It Takes», Chuck Prophet dispose d’assez de souffle et d’ampleur pour rivaliser avec Bob Dylan. Il profite d’«Hungry Town» pour non seulement nous régaler du meilleur boogie-rock d’Amérique, mais aussi pour défenestrer son solo. S’il allume un brasier, c’est bien sûr avec une classe qui coupe le souffle. Il a cette désinvolture propre aux seigneurs qui s’ignorent. Et il balance un solo sur le tard, comme ça, sans prévenir. Quelle débine ! Il faut aussi le voir riffer «Break The Seal» à l’anglaise. C’est de la Stonesy à l’état pur - Oh I like to be moved/ And I love to sway/ And watch as the morning/ Turns into day (Oh, j’adore les sensations fortes, j’adore tanguer et voir le jour se lever) - Il gère ça en bon maître de céans, wow ! - Break the seal of the bottle - S’ensuit une fin de morceau aventureuse, percluse d’accordéon et vibrillonnée par une basse démente. Ah, il faut le voir pour le croire. Il revient au Very Big Atmospherix avec «Too Tired To Come» - You conquered my resistance/ I’m too tired to come (Tu m’as épuisé, je suis trop fatigué pour jouir) - Il élève un pont princier et fait monter la sauce. Comme Jackie Lomax, Chuck Prophet tape dans le trop haut de gamme. «Once Removed» nous cueille au menton et nous plonge une fois de plus dans la meilleure Stonesy. Il suit ses mots à la guitare. Épique, furieux, affluant, terrible et perspicace, il fait claquer toutes ses notes, il y croit dur comme fer et se rapproche de Big Star. Encore plus stupéfiant : «Oh Mary» qu’il attaque d’une voix de super star. Écrasant de classe. Son style romantique relève du génie pur - Oh Mary can I give you what you need ? (Puis-je te donner ce dont tu as besoin ?) - Qui penserait à formuler les choses ainsi ? Personne à part Chuck Prophet. On nage dans l’eau bleue d’un mythe rock - Something about you baby has got me hypnotized (Il y a quelque chose en toi qui m’a hypnotisé) - Il déroule à l’infini la pureté de ses intentions - I wanna kiss your mouth until the world is gone (Je voudrais te prendre la bouche jusqu’à la fin du monde) - Et sa musique sert un texte digne des géants de la prose. Comme Mark Lanegan, Chuck Prophet entre doucement dans la peau d’une rock star littéraire.

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    C’est en tremblant qu’on sort deux ans plus tard Homemade Blood de sa pochette. Et pouf, il part en mode Stonesy avec «Credit». Il aimerait bien aller passer un petit week-end à Paris mais on lui a bloqué son compte - They cut me off/ I want some CREDIT ! - Funny et grandiose, avec les chœurs de Stephanie Finch. Il revient au velouté de rêve avec «You Been Gone». Il chante d’une vraie voix, profonde et irisée, ambrée et chaude. Il continue de proposer des atmosphères solidement instrumentalisées et pimentées d’élégants petits chops de guitare. Il attaque «Inside Track» à la manière de Lou Reed et crée vite fait un univers complet dans lequel rien ne manque - Call it what you want to/ It makes perfect sense to me ! - Et ainsi de suite, tout au long de cet album une fois de plus flamboyant. Il whawhate son «22 Fillmore» de façon spectaculaire - Go on take a picture/ Take the whole fucking roll ! - Il finit par nous soûler avec son classicisme hennissant et son port altier de haut rang séculaire. Il tape aussi dans un joyeux son type Pogues avec «Whole Lot More». Il chante ça d’une vraie voix. Il méduse tout le monde avec ce coup-là. Il enfile les hits comme des perles. À part écouter, tout ce qu’on peut faire c’est regarder les hits s’enfiler. Spectacle d’autant plus intéressant qu’il n’est plus si courant. Fabuleux morceau que ce «Textbook Case» - He was a textbook case/ But he couldn’t read at all - Il enroule ça au chant, fait bien monter la sauce sur une énorme bassline, nous riffe ça sec et derrière, ça fait des ye-oooh ! - He was a textbook case/ There was no doctor in the house/ When his aunt said leave/ He quit as quiet as a mouse/ He robbed from the poor/ He gave to himself/ Looked in the glass/ And raised a toast to his health (C’était un cas classique, il n’y avait pas de médecin dans le coin. Quand sa tante lui a dit de se tirer, il a filé aussi discrètement qu’une souris. Il a volé les pauvres. Il s’est rendu à la police, il s’est regardé dans la glace et a levé son verre à sa santé) - Chuck Prophet rocke la littérature et rolle la prosodie. Dans «Til You Came Along», il redonne une petite leçon de puissance festive puis - ah-ahhh - il balance un solo liquide d’antho à Toto.

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    Deux ans plus tard, on repère The Hurting Business. On le sort du bac d’une main moite et tremblante. Sur la pochette, Chuck Prophet porte un seyant costume à carreaux et ressemble au plus cool des playboys. Il chante «Apology» d’une voix fatiguée, très laid-back et s’en prend à El Vez : si Elvis était là, il ferait payer ce sucker. Il tatapoume ensuite «Diamond Jim» à outrance et livre une belle carcasse de rock fumant. C’est en réalité un fantastique hommage à Jim Morrison. Chuck Prophet apporte son écot au moulin rouge de la postérité. Il chante «It Won’t Be Long» d’une voix lente bien intentionnée et enchaîne avec «Lucky» - Who’s gonna get lucky - Cette énorme pièce grise par son extravagance poppy mais elle a des reins d’acier. Monstrueux : il n’existe pas d’autre mot pour qualifier «I Couldn’t Be Happier». C’est monstrueux à tous les niveaux : couplets rimés et refrain honky-tonk. Chuck Prophet nous en fait voir des vertes et des pas mûres. Dans «Dyin’ All Young», il va même chercher le blues rap élégant à la Boz Scaggs.

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    Au fil du temps, notre héros semble conserver toute sa fraîcheur de ton et toute son aisance. Il sort en 2002 No Other Love, un album une fois de plus riche en rebondissements. Il alterne les heavy blues et les balladifs superbes. Il revient à son admiration pour Bob Dylan avec «Run Primo Run». Édifiant. Beau beat. Chuck Prophet sait asséner des couplets fatals avec la gestuelle dylanesque. On se dit : quel puissant seigneur... Dans «Storm Across The Sea», il raconte qu’il vit avec une folle - Hear me laughing with nothing up my sleeve - Il fait monter une sauce terrible dans «No Other Love». Voilà un nouveau coup de génie : «Elouise», fabuleux track-back monté sur une diction du diable - Take off thoses glasses girl/ I wanna feel your pain (Enlève tes lunettes, je veux te voir souffrir) - C’est une véritable énormité cavalante. Il y balance un killer solo flash de trois secondes. Sa fabuleuse énergie revient au grand galop dans cet élégant mid-tempo intitulé «That’s How Much I Need Your Love» - If I was a Cadillac/ You’de be my drivin’ wheel - Et il nous wha-whate un solo de deux secondes. Signé non pas Furax, mais Prophet. Puis il nous fait le plus beau des cadeaux avec un hymne à l’été : «Summertime Thing». Franchement, c’est digne du «Summer Nights» d’Allen Toussaint. Il y raconte une histoire de voisinage - Put the Beach Boys wanna hear Help Me Rhonda/ Roll Down the sides we’ll drive to the Delta, yeah ! - Pur moment de magie. Chuck Prophet ne vous lâchera jamais la grappe.

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    Age Of Miracles paraît en 2004. Rebelote. Il ouvre son bal du samedi soir avec un heavy blues nommé «Automatic Blues». Chuck Prophet traumatise ses power chords. Un invité de marque sur cet album : Eric Drew Feldman, vieux crabe du Magic Band, période Doc At The Radar Station. Drew joue du moog. Il règne sur ce morceau une ambiance mastodontique digne de «Cold Turkey», avec un riff arraché. Chuck Prophet renoue avec la classe céleste en attaquant «Just To See You Smile». Ce cut paraît aussi immense que l’océan - Ah baby just to see you smile - On assiste à une explosion de joie électrique portée par un chant éclatant et secoué d’énergie carbonique. Avec Mark Lanegan, Chuck Prophet est sans doute le dernier grand chanteur américain vivant. On passe ensuite à une autre merveille qui s’appelle «West Memphis Moon». Notre héros envoie sa bordée en fin de premier couplet et secoue son vibrato au moment du break. Voilà encore un rock bien charpenté chanté à la revoyure. Jerry Flowers joue de la basse et Drew du moog. On se retrouve face à une énormité stupéfiante. Stephanie Finch revient au micro dans «You’ve Got Me When You Want Me». Cette jolie pièce ruisselle littéralement d’inspiration. Madame la basse porte bien le heavy rock de «Pin A Rose On Me» et on tombe ensuite sur un stomp ahurissant, «Heavy Duty», doté encore une fois d’un texte sublime - If you want to be a better cook/ But you better be careful with the stuff/ You better be careful with this stuff - S’ensuit une montée fatale qu’il sabre d’un solo clair à la Big Star. Là, on s’enfuit dans la rue, hagard. On croise une connaissance :

    — Que vous arrive-t-il, vous n’avez pas l’air bien...

    — Ah mais si, tout va bien, seulement je viens d’écouter une terrible chanson...

    — C’est une chanson qui vous met dans un état pareil ?

    — Elle s’appelle «Heavy Duty» !

    — Oh, je comprends... Et comment s’appelle le chanteur ?

    — Chuck Prophet !

    — Chuck qui ?

    — Excusez-moi, je dois rentrer chez moi, il ne fait pas chaud !

    Notons qu’à la fin d’Age Of Miracles, Chuck Prophet rend hommage à Keef avec un bel exercice de style intitulé «Solid Gold». Il joue les accords de «You Got The Silver» (qu’on trouve sur Let It Bleed), fait entrer les nappes de violons circulaires de «Walk On The Wild Side» et couaque un énorme solo. Voilà comment le dandy Chuck salue ses héros.

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    Soap And Water ? Nouveau coup de Trafalgar. L’un des pires disques de l’histoire du rock, n’ayons pas peur des grands mots. Un disque dont il faudrait graver le titre dans les falaises de marbre. Un disque qu’on peut écouter à jeun ou pété, ça ne change pas grand chose. Démarrage en trombe avec «Freckie Song», shoot de belle pop drumbeatée à gogo. Il chante toujours ses formules fatales - I just can’t stand myself - d’une voix profonde et chaude et passe des solos d’un classicisme écœurant. Il lâche un couplet dément sur Elvis dans «Would You Love Me». On pourrait qualifier ça de balladif déroutant ou encore de belle claquouille chaperonnée. Final surnaturel. Alors franchement, que demande le peuple ? «Soap And Water» est un joli boogie à l’anglaise - Hot legs cold cash - Même si c’est cousu de fil blanc, Chuck Prophet pompe le dard du mythe, il captive en permanence - Sand mellow/ Oscar Wilde/ Blood Pudding/ Pink ties/ Sweet nothing/ Bitter tears/ Cracked Lips/ Bathroom mirrors - Il riffe «Small Town Girl» sur sa Telecaster et sa copine Stephanie Finch reprend la flambeau. Ce morceau est absolument dément de laid-back. C’est un défi aux dieux de la classe. Attention à ce truc qui s’appelle «A Woman’s Voice» : c’est un blues de juke. Chuck Prophet gratte dans un coin, il est rôti, il passe des notes vaseuses, il emprunte un tempo à Muddy - You start out down the middle - et les violons de Walk reviennent doucement, par petites nappes insignifiantes. Soudain, ça bascule dans le trash du blues électrique perdu sans collier. Stupéfiant ! On le sait, le passe-temps favori du Prophet, c’est d’effarer le petit peuple. On ne répétera jamais assez : ce mec est brillant. Il fait partie des très grands artistes américains qu’il faut suivre à la trace. «A Woman’s Voice» sonne comme une pure giclée de génie - Oh ! Sweet darling !/ Yes a woman’s voice can drug you - Il y bat tous les records d’élégance catchy. Avec sa grosse intro rattrapée à la course, «I Can Feel Your Heartbeat» nous emmène directement au paradis. Ce mec est beaucoup trop fort. On devrait se méfier. Comme le disait Javert à Robert Macaire, les gens brillants peuvent mettre la société en danger. «Naked Ray» rivalise de beauté pure avec le «Pale Blue Eyes» du Velvet. Même niveau d’élévation byzantine et d’inspiration pulsative. Il sort sa voix de Willy the Pimp pour chanter «Downtime». «Happy Ending» referme la marche et cet enfoiré nous démarre un stomp en plein balladif. Il passe du fabuleux à l’étourdissant - It’s too late in the game to start again - Il fait des Ah ! et des Aw ! écœurants de classe déterminante et il finit en déchirant le ciel pour libérer tous les démons de l’apocalypse. C’mon ! Qualifier ça de dément serait livrer un pâle reflet de la réalité objective.

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    Sort en 2012 Temple Beautiful, un nouvel album aventureux. Chuck Prophet affirme toujours plus sa stature de dandy américain - c’est vrai que ces deux mots ne se marient guère, mais on fera une exception pour ce Prophet en son pays. «Castro Halloween» relève du pur dandysme à la Kinks, des petits guitar licks filent dans l’azur d’une pop à la MGMT et comme on s’y attend, Chuck Prophet place un solo d’une incomparable limpidité. Il faut voir comme il embarque son monde. On parle ici de majesté. Le morceau titre se veut beaucoup plus musclé. Roy Loney vient y chanter des chœurs très perchés. Chuck Prophet sait choisir ses amis : près Drew et Dickinson, voilà qu’il fricote avec LE chanteur des Groovies. C’est une façon comme une autre d’alimenter la mythologie du rock américain. Comme Mark E. Smith à Manchester, Chuck Prophet ne s’intéresse qu’aux vrais artistes. Il reprend son rôle de séducteur pour chanter «Museum Of Broken Hearts» et nous refait le coup du hit fatal avec «Willie Mays Is Up At Bat», une histoire de virée nocturne alcoolisée - It’s three on two out under the lights/ Nobody knows who’ll make it home tonight - refrain magistral et bardé de chœurs chancelants. Si tu essaies de trouver ça ailleurs, tu risques de devoir chercher longtemps. Un tel dandysme ne court pas les rues, sauf en Angleterre. Syd Barrett, Kevin Ayers, Peter Perrett ou encore Viv Stanshall ont su cultiver l’héritage de George Brummel. Mais aux États-Unis, c’est plus difficile. Chuck Prophet reste dans le balladif soigné avec «The Left Hand Is The Right Hand». Il nous livre là une nouvelle pièce incroyablement inspirée, tant dans la diction que dans le jeu de guitare. Il profite de «Who Shot John» pour faire l’hendrixien. Il nous chante ça d’un ton ferme, on ne saura jamais qui a tué John, mais on s’en fout, parce qu’il joue comme un dieu.

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    Et puis voilà que paraît Let Freedom Ring qu’il enregistre à Mexico. Il se fait photographier en compagnie d’affiches cruelles. On voit par exemple l’aigle fondre sur le lièvre. Au dos de la pochette, dans un petit texte élégant, Chuck Prophet nous souhaite à tous de prendre autant de plaisir à l’écoute qu’il en a eu à enregistrer cet album. Ça part avec «Sonny Liston’s Blues» qui sonne comme un hit des Doors. Il y place l’un de ces solos en perdition dont il a le secret. Vous aimez le country-rock ? Alors «What Can A Mother Do ?» vous plaira. C’est en effet l’une de ces belles pièces désabusées et violonnées, d’une rare élégance et dignes de Gram Parsons. Puis il revient au riff sec et sauvage avec un «Where The Hell Is Henry» particulièrement morbide. Henry a disparu. Retour à la Stonesy avec le morceau titre, et solo de bottleneck sur deux notes. On a là une compo dépenaillée d’une redoutable efficacité et si profondément américaine, au sens où l’entendent les Drive-By Truckers - Let there be darkness/ Let there be light/ As the hawk criplples the dove (ici, l’aigle chope la colombe) - d’où l’affiche cruelle. Le morceau suivant qui s’appelle «You And Me Baby (Holding On)» devrait se retrouver en tête de tous les charts, ne serait-ce que pour la qualité du couplet - I went to see the doctor/ He said you should be dead/ I said I was doc but now I’m back/ I’m holding on/ yes I am ! (J’ai été voir le médecin qui m’a dit que je devrais être mort, j’ai dit que je l’avais été, mais que j’étais revenu et que je m’accrochais) - Pur panache ! Autre morceau spectaculaire : «American Boy». Nouveau shoot de Stonesy. Chuck Prophet fréquente les bars américains et en ramène des couplets rockants - In the Georgetown bars/ With the prozac kids/ And the Oliver Stones/ And the tabloid smiles - En B, on tombe sur un nouveau balladif inspiré, «Barely Exist» - When you barely exist/ Who’s gonna miss you when you’re gone ? (Quand vous existez à peine, vous manquerez à qui en mourant ?) - C’est une fois de plus très proche de ce que fit Dylan à une époque. Dans «Good Time Crowd», Chuck Prophet se moque des gens qui prennent du bon temps en tirant des coups de flingue dans le plafond, qui vont balancer des motos volées du haut des falaises, ou qui vous envoient des cartes postales de Crète. Il a raison. En plus, ça lui donne une superbe matière pour ses couplets. Il boucle sa puissante affaire avec un rock hautement atmosphérique : «Leave The Window Open». Il réussit à nous bricoler une montée sur des explosions d’accords. Mais ce n’est pas tout ! Il grimpe aussi dans les octaves au moment où il demande à l’autre d’ouvrir la fenêtre. Et là, on ne sait plus quoi dire.

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    Night Surfer ? Arrrghhhhh quel album ! Et dire que dans la presse musicale, des gens se plaignent qu’il ne se passe plus rien ! Il revient à sa chère Stonesy avec «Countryfied Inner City Technological Man». Il nous amène directement à l’effarance des niveaux supérieurs. Quelle énergie ! Ça sonne comme «Live With Me», rien de moins - Give me a holler cause we never close Oh - Oui, crie un coup, mon gars et pendant ce temps Prairie Prince bat le beurre. Et avec «Wish Me Luck», il ouvre les fenêtres et respire l’air à pleins poumons - And I shout look out all you losers/ here I come ! - Il envoie ça avec un fantastique allant décadent. Chez lui, les mélodies et les textes sont d’un niveau tellement soigné qu’il est recommandé de ne pas en perdre une seule miette. On monte encore d’un cran dans la stupéfaction avec «Guilty As A Saint» - My face a little longer, my mind on repeeeeeat - Ce mec ne finira plus de capter l’attention. Il passe au stade de la fantastique élévation avec «They Don’t Know About Me And You». Il y retrouve le chemin du pur génie. On a là du Prophet de la rock-song d’ambition démesurée - Oh baby come on you could be my savior - Encore de l’élan avec «Lonely Desolation» - Come on that’s gonna be hard to arrange - Il lâche ça avec une vieille rage dylanesque. On passe à «Laughing On The Inside» et l’incroyable de la chose, c’est que ça continue de monter en qualité - When you took off your dress/ I couldn’t believe my good fortune - C’est grandiose et élégant à la fois. Tout est absolument superbe sur cet album. Nouveau coup de Jarnac en B avec «Ford Econoline» et ce refrain dément - She pulled over said climb on in/ I did what she said/ She turned the music up real loud - Le problème, c’est qu’ils écoutent Talking Heads dans la bagnole, mais ce n’est pas grave, seule compte la classe mortelle de Chuck Prophet. Ça stompe sec et il balance cette métaphore lugubre de fin de cut - All these memories like dirty plates/ Stacked up in the sink of time - Oui, ces souvenirs qui ressemblent à des assiettes sales entassées dans l’évier du temps. Il revient ensuite à la Stonesy avec «Felony Glamour» et enchaîne avec une fabuleuse leçon de diction, «Tell Me Anything (Turn To Gold)». Il sort des syllabes pour les tordre délicieusement. Il retrouve l’art perdu de Bob Dylan. Il reste dans cette belle veine dylanesque pour «Truth Will Out (Ballad of Melissa And Remy)» qu’il chante à la notule gourmande. Et il finit avec une sorte de glam riffé comme «The Jean Genie». Non seulement c’est l’un des albums de l’île déserte, mais on pourrait aussi très bien apprendre les paroles de certaines chansons par cœur, comme on le faisait jadis avec «Lost In Mobile With The Memphis Blues Again» ou «All Along The Watchtower».

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    En ce qui concerne Chuck Prophet, il n’existe pas beaucoup de littérature. Aussi faut-il en profiter quand on tombe sur un article qui lui est consacré. Surtout s’il paraît dans Vive le Rock qui reste le plus sérieux des canards britanniques. Joe Whyte démarre son article ainsi : Si vous ne savez pas qui est Chuck Prophet, VRL seriously recommands you find out.

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    L’article salue la parution du nouvel album du Prophet, Bobby Fuller Died For Your Sins - Absolute corker, affirme Whyte. Il fait un petit retour en arrière pour rappeler que Green On Red fut le greatest bar band d’Amérique, avec des racines dans Dylan, the 70’s Stones, Gram Parsons et le punk rock des Dead Kennedys qui les mit en route. Il rappelle aussi que Chuck Prophet fit le session-man pour pas mal de gens intéressants : Warren Zevon, Lucinda Williams, Aimee Mann et Alejandro Escovedo.

    Pour qualifier son nouvel album, Chuck Prophet parle de California Noir, the dark underbelly of the Golden State - Doomed love, inconsolable loneliness, fast-paced violence - et il cite Jim Thompson - There’s a million ways to tell a story, but there is only one story to tell - Things are never what they seem - Oui, le choses ne sont jamais celles qu’on croit. Il évoque aussi The Mission Express, son touring-band dans lequel sa femme Stephanie joue des claviers. Pour Chuck, prendre la route après le parcours du combattant que constitue l’enregistrement d’un album, c’est un peu comme prendre des vacances. Joe Whyte trouve que l’album est très Americana and roots rock, à quoi Chuck répond : Sure, it’s all in there, I guess. American rock’n’roll, a little folky, a little greasy. It’s psychedelic ballroom rock’n’roll with a nod to Dylan, The Byrds, The Groovies and Motown, the British Invasion and Bobby Fuller. Chuck dit que pendant l’enregistrement de l’album, le fantôme de Bobby Fuller se penchait par dessus son épaule pour voir ce qu’il écrivait et pour lui rappeler qu’on pouvait faire énormément de choses avec trois accords.

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    Il brosse ensuite un portrait épatant du pauvre Bobby retrouvé mort dans sa bagnole. Dans les années cinquante, ce clone de Buddy Holly avait le plus grand teen dance band d’El Paso. Il enregistrait ses disques chez lui, dans le salon de ses parents. Quand il débarqua à Los Angeles, il se sentit complètement largué : les gens écoutaient les Beatles et portaient des Beatles boots. Il n’avait que 23 ans quand on le retrouva mort dans sa bagnole, avec du pétrole dans les poumons. Suicide ou exécution ? Personne ne sait. Pour Chuck, Bobby is the ultimate rock’n’roll Babylon feel-bad story. Et il ajoute que le mystère de sa mort veut rester un mystère. Il rend aussi hommage à sa hometown, San Francisco. Selon lui, chacun s’y rend à la poursuite d’un rêve - San Francisco is where I invented myself, it has been my education, in the arts and culture, politics and the sexes - Chuck rend aussi des hommages appuyés à Townes Van Zandt, aux Drive-By Truckers et quand Joe Whyte évoque la fameuse rumeur d’un Prophet pressenti à une époque pour jouer dans les Stones, il la chasse d’un geste de la main, comme si c’était une mouche : The Rolling Stones seem like pretty cool guys to me.

    On ne trouve pas moins de quatre coups de génie sur Bobby Fuller Died For Your Sins. À commencer par «Coming Out In Code», pure littérature - Like a bull in a China shop/ My heart beats in my chest - Un hit de plus, Chuck ! - They call me Willie Wonka Boys/ You tell me what it means - Il faut voir avec quelle bravado il lâche ses répliques. Chuck Prophet est le Pierre Brasseur des Enfants Perdus de la Garance. Encore du génie à l’état le plus pur avec «Jesus Was A Social Drinker» qui ouvre le bal de la B - He never drank alone - Forcément et le refrain tombe du ciel - So tell me where it hurts/ And I’ll tell what to feel - Okay, comme dirait Mick Farren, yes I will et il passe un solo arizonien d’une beauté surnaturelle. Les hits de Chuck Prophet sont en fait des historiettes mirobolantes. Encore un coup de bambou avec «Post War Cinematic Dead Man Blues» - I got the post war cinematic dead man blues - Forcément, avec ce côté dylanesque, ça sonne comme un hit planétaire, car en plus, ça chevauche aux clap-hands et ça pulse aux chœurs de ouh-ouh-ouh. Et comme si ça ne suffisait pas, il passe un solo flash fourvoyé. Encore une merveille avec «If I Was Connie Britton» - Man I tell you what to do/ I’d brush my hair every morning/ On the weekend too - Pure boogie motion - Leathers pants in the summertime/ Hot pants in the cold - Tout est taillé sur mesure, dans ce disque épouvantablement bon. Il dédie «In The Mausoleum» à Alan Vega et reprend le beat de Jukebox Baby sur sa guitare. Il fait bien son Vega et shoote au passage une jolie dose de sauvagerie. L’autre hommage qu’il rend est celui du morceau titre, c’est-à-dire à Bobby Fuller - Cruising through El Paso/ Carrying a heavy load - Il rend aussi un dernier hommage à Bowie dans «Bad Year For Rock’n’Roll». Il sort encore une fois sa fantastique élégance de mid-tempo catégoriel. Il prend «Your Skin» au fin garage US infesté de fuzz. Son garage se fête comme le retour du héros. Chuck Prophet passe des solos si délicats et tellement intrinsèques qu’il ne reste plus qu’à se pâmer. Et puis, il ne faut surtout pas oublier d’écouter «Killing Machine», car il entre dans les stores avec un gun, alors ça ne rigole plus.

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    Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule : la parution du nouvel album s’accompagne d’une tournée mondiale et voilà Chuck Prophet & The Mission Express sur scène à la Boule Noire. C’est inespéré ! Il surgit sur scène ultra athlétique, frais comme un gardon, jumping all over, il faut le voir pour le croire. Voilà un homme ravi de jouer. Il n’en finit plus d’exprimer son bonheur. Pour être tout à fait franc, on s’attendait à une prestation moins extravertie. Dans l’inconscient collectif, Chuck Prophet est un dandy, pas un zébulon qui saute partout. En outre, il commet sans doute une petite faute de goût en portant ces horribles chaussures montantes à guêtres, mais son enthousiasme l’emporte et devient vite communicatif.

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    Bien sûr, il voit lui aussi que la salle est loin d’être pleine, mais il met les bouchées doubles. Il prend soin de présenter tous ses cuts, rappelle que cette année fut a Bad Year For Rock’n’Roll : Bowie, Alan Vega sont morts, et ajoute-t-il, democracy in the USA ! Il reviendra saluer Alan Vega et illustrer mythe du cut monté sur un accord en jouant le Jukebox Baby d’«In The Mausoleum». Il salue aussi Jesus avec l’effarant «Jesus Was A Social Drinker» et n’en finit plus de passer des solos surnaturels qu’on ne trouve pas sur les albums.

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    Il tâte même du twin guitar attack à la Gorham/Robertson avec son guitariste James DePrato. Lorsqu’il revient pour le rappel, il commence par raconter une histoire : en plein mouvement punk, lui et ses copains ados déboulèrent dans un club de San Francisco pour voir jouer des groupes. Il se souvient des horribles Mentals. Puis un groupe de chevelus s’installa sur scène et la salle se vida. Sauf Chuck. Le son des chevelus lui plaisait. Il raconte qu’il vissa littéralement son regard dans celui du guitariste. Et là, il commence à gratter les accords d’intro de «Shake Some Action». Chuck Prophet évoquait les Groovies et il leur rend un hommage flamboyant.

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    Bien sûr, il réapparaît après la fin du set pour signer quelques autographes. Il porte un chapeau de dandy à plumeau et un T-shirt. Il déambule nonchalamment dans la salle et échange quelques mots ici et là. Ce mec tient plus de l’écrivain que de la rock star, on sent qu’il adore le contact. Il va naturellement vers les gens.

    — Thank you for the Dickinson days, Chuck !

    — Oh, it was just perfect.

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    Signé : Cazengler, prophêtard

     

    Chuck Prophet. La Boule Noire. Paris XVIIIe. 21 novembre 2017

    Chuck Prophet. Brother Aldo. Fire records 1990

    Chuck Prophet. Balinese Dancer. China Records 1993

    Chuck Prophet. Feast Of Hearts. China Records 1995

    Chuck Prophet. Homemade Blood. Cooking Vinyl Records 1997

    Chuck Prophet. The Hurting Business. Cooking Vinyl 1999

    Chuck Prophet. No Other Love. New West Records 2002

    Chuck Prophet. Age Of Miracles. New West records 2004

    Chuck Prophet. Soap And Water. Yep Roc Records 2007

    Chuck Prophet. Temple Beautiful. Yep Roc Records 2012

    Chuck Prophet. Let Freedom Ring. Yep Roc Records 2013

    Chuck Prophet. Night Surfer. Yep Rock Records 2014

    Chuck Prophet. Bobby Fuller Died For Your Sins. Yep Rock Records 2017

    Joe Whyte : Heavy Duty. Vive le Rock #44

     

    JOUARRE / 24 – 02 – 2018

    LOCAL SIGVALD'S MC SEINE & MARNE

    PATTY VAREN

    40 BIRTHDAY PARTY

    PATTY VAREN + GUESTS

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    Patty Varen fête son anniversaire. Quarante printemps. Les Rolling Stones ont beau nous avoir appris que le time était on our side, ce n'est jamais marrant de voir les jours filer, alors le mieux est encore d'inviter les amis et de montrer que l'on est encore vivant pour faire la nique au destin et arborer la vie, voiles déployées et pavillon haut.

    Les Sigvald's sont les pros de l'accueil chaleureux et cordial. Du monde partout, dehors, dedans, dans le hall, autour du camion à pizza, sur les banquettes, auprès du bar, beaucoup d'enfants occupés à des pliages, un maximum de bikers représentatifs de tous les moto-clubs des environs, les supporters attitrés des bands, de simples amateurs de rock'n'roll, bref le local est comme un verre de jack rempli à ras-bord, qui déborde de gaieté et de bonne humeur.

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    Vaudrait mieux ne pas parler de la scène. Un entassement innombrable de guitares, d'étuis hétéroclites et d'entrelacs tubulaires, un entrepôt d'usine, un capharnaüm sans nom, dans lequel les musicos s'essaient à retrouver leur matos... c'est que la soirée est spéciale, pas une queue-leu-leu de groupes en brochettes, Patty Varen en superstar, avec ses boyz, et une phalange d'amis et d'amies qui vont venir jouer quelques morceaux, sans compter les incessantes permutations de personnel. Pas tout à fait un concert, une soirée spéciale, une rencontre, des découvertes, beaucoup d'éclats de rire et d'amitiés, chacune des prestations comme un cadeau offert, à Patty, et par Patty, à tous ceux qui sont venus, partager cette festivité rock !

    PATTY VAREN

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    ( Photo : Didier Cattieuw )

    Yeux pétillants, cheveux blonds mi-longs, micro en main, tout sourire, échancrure qui dévoile la naissance des seins, aussi sereine que Jean Bart s'apprêtant à mener, sus à l'anglois, son équipage corsaire à l'abordage, véritable maîtresse de cérémonie, rameute ses boyz comme des enfants en retard, gentiment mais avec ce zeste invisible d'autorité naturelle qui fait toute la différence. Vient du Nord comme elle s'en vantera, mais ne le perdra pas de la toute la soirée. De toutes les manières quand elle sourit, vous ne pouvez qu'acquiescer à ses moindres demandes.

    AND HIS GUYZ

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    Sont quatre. Deux guitares, basse, batterie. Un peu mous du genou sur les trois premiers morceaux, question de réglage, c'est Boris de Kirin Dosha appelé à la batterie pour un morceau qui accomplit la soudure nécessaire. Vous black oute l'énergie en moins de trente secondes. Quand il sera parti, l'osmose se fera et la fête commencera. Deux guitaristes, Bruno le grooveur, une facilité déconcertante pour balancer le riff, Eryck spécialiste des sonorités craquelantes, surtout au moment où on ne l'attend pas. A la batterie Phil joue le rôle de l'homme orchestre, donne de l'ampleur au son, repousse les cloisons, distribue du champ et c'est cet espace qu'Alex inonde de la profondeur de sa basse. Jouent un style que j'appelle du hard mélodique, une musique qui demande énormément de puissance sonore, qui ne déploie parfaitement sa majesté que dans des salles bien plus spacieuses que le local des Sigvald's. S'en tirent bien, l'équilibre de leur jeu pallie ce manque d'étendue volumique. Et puis il y a Patty. Pose sa voix crescendo, rien ne la rebute, passe les obstacles comme si de rien n'était. Monte haut sans jamais se perdre et dérailler dans les aigus, les garz la suivent et la soutiennent, n'oublient pas d'en rajouter, s'amusent entre eux tout en restant à ses petits soins. Patty les soude et les emmène où elle veut, mais voici qu'elle laisse la place à :

    SISTER MOON

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    Z'ont gardé Phil à la batterie. Mano, guitare en main, se plante au micro et c'est parti pour trois – uniquement trois ! - morceaux. Ne mettent pas de temps à faire chauffer la colle. Mano apostrophe l'assistance- Hey ! Hey ! Hey ! - desserre la clef à molette et c'est parti pour le rock and roll. L'a fallu un peu de temps pour installer le synthé sur l'estrade, mais on ne regrette pas, un sauvage dessus, s'appelle Rit, joue comme s'il était en rut, une gueule de caraque ébouriffée, l'a les cheveux pétardés qui partent dans tous les sens, un look à la Mink de Ville, vous martyrise une touche, une seule, juste pour que vous sentiez que votre cerveau en frétille d'angoisse, plus tard prendra son harmonica à s'en démantibuler les gencives, à la basse R-One vous pousse des flots noirs aussi impétueux que le Rhône à la fonte des neiges, Mano aboie et vous galope de ces riffs à la vitesse d'un troupeau d'antilopes. Sister Moon vous file un shoot d'adrénaline à structures zépliniennes qui vous expédie dans la lune en dix minutes. C'est là que vous vous apercevez que, contrairement à ce que soutiennent les scientifiques, les fameux cratères sont en éruption continue. Personne n'a envie de redescendre. Hélas, trois morceaux !

    KIRIN DOSHA

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    Eux aussi sont soumis à la loi d'airain de l'infernale trinité. L'on se dit qu'avec le coup de speed asséné par Sister Moon ils n'ont pas intérêt à compter les moutons. Boris Massonnier nous rassure tout de suite. L'a préalablement scalpé la batterie de la moitié de ses toms. N'a gardé que l'essentiel : la force de frappe. Un plaisir de le regarder, l'a les bras qui bougent comme ceux d'une danseuse étoile, z'avez l'impression d'un tutu qui virevolte en apesanteur. A toute vitesse. Ce qui est surprenant parce que Kirin Dosha ne produit pas un rock'n'roll des plus rapides. Sont beaucoup plus complexes et subtils que cela. Ne cherchent pas à faire la course en tête. Possèdent un chanteur, Laurent Baup, une voix particulière, une tessiture inaccoutumée qui induit une musicalité différente. Dès qu'il ouvre la bouche, vous avez l'impression d'une chrysalide qui libère un papillon. Mikko Anquetil à la guitare et Kevin Corrie à la basse, sont comme plaqués aux nuances colorées de ses ailes chatoyantes qui prennent leur envol. Et décrivent d'étranges arabesques. Esquissent des structures inacooutumées, dessinent un monde inhabituel que vous aimeriez visiter un peu plus longtemps, mais, sont déjà en train de remballer le matos. Dura lex, sed lex.

    PATTY

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    Patty Raven et ses boyz ont repris la piste. Mine de rien le répertoire change, davantage appuyé, l'on quitte le hard technicolor pour des morceaux plus rythmés et incisifs. Patty encore plus à l'aise, captivant l'auditoire par cette espèce de désinvolture de ces grandes dames des salons du dix-neuvième siècle qui monopolisaient par leur parole ailée l'attention de tous les beaux esprits, mais sachant mettre en valeur et prêter main-forte aux nouveaux venus. Nous présente – étaient présents dans son premier groupe à son arrivée à Paris - Chouchou – batteur gaucher de son état, ce qui nécessite une inversion des fûts - et Valérie, de noir vêtue, style mystérieuse égérie, irradiant de cette fausse élégance discrète qui attire les regards... Toutes deux nous interprètent un titre de Noir Désir, obscur à souhait, tandis que Chouchou fait preuve d'une frappe franche et sans défaut qui accentue la pointe de perversité du vocal partagé.

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    JAY JAXSON

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    ( Photo : Didier Cattieuw )

    Patty appelle Jay Jaxson. Pour un duo. Dos à dos. La blonde et la brune. Jay pétille de joie et de simplicité. De ces filles que l'on ne peut s'empêcher de trouver sympathiques avant même qu'elles aient ouvert la bouche. Oui mais dès qu'elle ouvre, vous filez tout doux et vous vous précipitez droit sur l'évier pour faire la vaisselle, une voix de rock et de braise, parfaite pour la ballade à grand spectacle qu'elles nous offrent et Patty qui lui donne la réplique sans effort. Un grand moment. Cherche à s'éclipser, mais non, reste seule avec – ce doit être Bruno, mais ma mémoire fatiguée ne peut l'affirmer, à l'acoustique – et c'est parti pour un blues enlevé à la coyote, rythmique répétitive précédée d'une foudre d'harmonica aux piquants de porc-épic soufflée par Jay avant qu'elle n'enchaîne, un vocal aussi cinglant que des coups de fouets. Suivront deux morceaux, Jay toute seule, s'accompagnant à la guitare, deux brûlures au fer rouge, appliquées avec un savoir-faire de bourreau cruel, d'ailleurs elle s'échappe en éclatant de rire, nous laissant sur notre faim, dans notre incomplétude. Une révélation, qui nous vient d'Australie, en Europe depuis quelques années... La grande classe. La grande claque.

    BLACK PEARL

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    ( Photo : Black Pearl )

    Black Pearl - Rock Covers Band, l'autre groupe de Patty, l'en manque un, le batteur, no problem, ce n'est pas ce qui manque et la fête continue, à fond les ballons, de Born To Be wild de Steppenwolf à Highway to Hell d'AC / DC, du gros rouge classique qui tâche et qui ramone sérieusement, et Patty qui mène le bal des ardences... attention, gâteau d'anniversaire, bougies soufflées, applaudissements, bises spéciales aux Sigvald's qui ont agencé la fête et Patty demande si elle peut encore se permettre un petit morceau avec ses perles noires qui ont déjà ceint leurs guitares. Permission accordée, après tout c'est son anniversaire !

    Damie Chad.

    ( Sauf indications contraires, photos : FB : Sigvald's MC Seine et Marne )

     

    WONDERLAND / KIRIN DOSHA

    Laurent Baup : lead vocals, guitars / Mikko Anquetil : lead guitars, vocals / Kevin Corre : bass, keyboards, vocals / Boris Moissonnier : drums.

    Enregistrement, mixage, mastering : Sébastien Langle.

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    Bel artwork by Jo Design. Oeil rouge et cornes noires d'un kirin blanc – espèce de licorne chinoise à écailles dégageant une énergie ( dosha ) bienfaitrice – en lisière de pochette, comme posté à l'orée de notre monde d'une froideur bleutée mortelle. A moins qu'il ne soit au bord de l'univers merveilleux du vide accompli en sa perfection. Pochette ambigüe qui laisse à penser que dans le monde des hommes, celui qui peut se revendiquer d'une nature kirinique est d'une rareté yinique exemplaire. Quoi qu'il en soit, le message induit est à décrypter en tant qu'annonce d'un rock'n'roll qui ne brûle pas ses vaisseaux dans les flammes sans cesse renaissantes de sa propre énergie. Kirin Dosha fait partie – c'est ainsi que je le classe selon mes propres catégories qui ne sont pas celles communément admises - de ces groupes néo-progressifs qui ouvrent le livre mystérieux des légendes prophétiques du présent. Cela peut-être pour noter que le groupe que nous avons vu sur scène à la Patty Varen Party était résolument beaucoup plus primairement rock que celui donné à entendre sur ce CD.

     

    Command and control : tout de suite la différence, l'utilisation dominante des claviers qui classicise la musique. Pas vraiment une symphonisation mais une ampleur sonore quelque peu majestueuse qui donne profondeur et ouvre les perspectives. Ensuite tout repose sur la disjonction de la rythmique et de la voix. La batterie droit devant et le vocal sur une ligne faussement parallèle qui s'écarte insensiblement de cette direction, le reste de l'orchestration ménageant pauses et étapes qui vous envoûtent et vous empêchent de vous apercevoir de cette partition germinative. Evil Twin : la mauvaise part, le reflet de l'unicité qui se donne en tant qu'annihilation de son origine, très belle prestation vocale, barde qui vaticine les grêlons de l'existence, la musique comme fission éruptive et brutale. Surrender : les chants de la déshérence, une longue mélopée interminablement échevelée, jamais finie, toujours reprise, un galop sans fin auquel vous vous abandonnez, emporté, bercé, enlevé, kidnappé, s'entrouvrent les portes d'un ailleurs inconnu, il est trop tard pour reculer, vous n'en avez aucune envie. Sentenza : plus enlevé, dans le vif du sujet, rythmique accélérée, vocal auto-comminatoire, et ces touches cristallines qui laissent présager l'accueil d'un adieu, la voix qui rampe, s'évanouit et enfle comme poche de fiel ou de ciel crevés. Choeurs éloignatifs. Blessed : la voix étirée tel un drame, tout le reste comme accompagnement qui essaie de recouvrir plaintes, paroles et espoirs, plus que le piétinement de la batterie qui s'éteint et qui renaît identique au début du premier morceau. Le cercle se referme sur lui-même de la même manière qu'il s'ouvre...

     

    Kirin Dosha a su créer une atmosphère rockmantique qui n'appartient qu'à eux. Un beau disque pour ceux qui aiment les contes d'orichalque et de licorne unicorne.

    Damie Chad.

     

    WHEN YOU'RE GONE / THE FOUR ACES

    Rock Paradise Records / RPRLP 106

    ( 2012 )

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    Faut farfouiller chez soi. C'est la semaine dernière en cherchant ce que j'avais sur les Four Aces, que je suis tombé sur ce vingt-cinq centimètres tout neuf, encore emballé dans son plastique. Religieusement classé sur l'étagère idoine et oublié là depuis cela doit faire plus de quatre ans. Plus vraiment d'actualité mais le rockabilly étant une musique éternelle, l'on s'en moque. Et puis l'occasion de faire un signe d'adieu aux Four Aces qui ont donné leur dernier concert la semaine dernière ( voir Kr'tnt ! 362 ). Avec en prime quelques photos de cette ultime prestation dues à l'œil aiguisé de Serge Viennet.

    Laurent : vocal & rhythm vocal / Marc : lead guitar / Thierry : upright bass / Carlos : drum.

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    Won't You Stop : voix explosive et la contrebasse qui cliquette comme une crécelle de lépreux. Tout le rockabilly en cette entrée fracassante et toute la suite, la batterie qui grogne en chien méchant qui n'aime pas que l'on s'approche de sa gamelle, un solo de guitare à vous faire tirer dessus par un sniper, pourvu que ça n'arrête pas. Hélas si ! Goin' Strong : pour reprendre aussitôt. Guitare grondante, voix menaçante, batterie hébétante et contrebasse rebondissante. Laurent hausse et ralentit le débit de sa voix comme l'on négocie un virage mortel juste pour que la passagère se serre encore plus près de vous. Chaleur animale. My Baby's Gone : l'a dû avoir trop peur, à la fin de la croisière elle a claqué la portière et s'est tirée de la tire. Pour le blues vous repasserez, juste l'occasion d'être encore plus épileptique que sur les morceaux précédents, les Four Aces quand ça pique ils n'ont pas de coeur. Vous laissent sur le carreau mais c'est beau comme un trèfle à quatre feuilles. Tell Me Baby : avec les filles faut mettre les points sur les I, Marco vous poinçonne le boulot sur sa guitare de main de maître. Quant à Laurent il vous la briffe direct pendant que Thierry et Carlito en rajoutent par derrière. Envoyé de mains de maîtres.

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    I'm Out : atones les Four Aces ? Vous voulez rire, n'ont jamais été aussi in. Un festival instrumental, et Laurent vous remue la salade vocale d'une bien belle manière. When You're Gone : quand la souris est partie, les chats dansent. Pour la dépression, disons que le mental est au plus haut, vous avez Marco qui bouscule les meubles, Laurent qui s'accroche au lustre, Thierry qui tambourine sur la porte et Carlito qui vous siffle les verres de jack à tire larigot. Une espèce de tourbillon à la derviche tourneur, mais frénétique. What Can I Do : l'interrogation métaphysique. Savent très bien ce qu'il y a à faire. Du rockabilly explosif avec des trombes de contrebasse des éclairs de guitare, des hachis de drum et des persillades de vocaux au vitriol.

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    You'll never stop : ces gars-là ne sont pas partis pour s'arrêter, le proclament bien fort, et chacun y va de son bâton de dynamite pour vous en persuader. Y réussissent très bien. Avec une facilité déconcertante. Leaving On My Mind : le côté moqueur rockab, Laurent nasille et les trois autres frétillent du hillbilly, l'on étire le solo de guitare, la upright dodeline de la tête, et Carlito vous sautille le rythme, genre canasson qui clopine pour regagner l'écurie après avoir sailli trois juments dans le pré. Good Show no Go :

    Bon rockab ne saurait mentir, les cats n'engendrent pas des demi-portions, se régalent de jouer les méchants, vous le font à l'intimidation, pour un peu vous auriez peur, mais non sont trop bons pour les coups tordus. Emportent la décision comme le corbeau le fromage. Vous laissent tout penauds quand ils arrêtent les frais ( après avoir été si chauds ! ). Une seule solution remettre le disque !

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    Une petite merveille ce mini trente-trois se révèle être un grand album. Que du rockab, mais jamais d'ennui, vous le déclinent comme les milk-shake, à tous les parfums. A chacun sa saveur. Et vous vous sentez obligé de les goûter tous.

    Damie Chad.

    ( Photos : FB : Serge Viennet )

    JOHNNY HALLYDAY

    Rock & Folk / Hors-Série N° 36 / Janvier 2018

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    Rock & Folk, la revue, n'avait offert que quelques photographies inédites pour rendre hommage à Johnny, dans sa livraison de janvier. Peu, si l'on compare au tsunami de numéros spéciaux consacrés à l'artiste par des canards ( souvent boiteux ) pas spécialement célébrés pour l'intérêt qu'ils portent habituellement à la musique en général, et au rock'n'roll en particulier... On nous avait prévenus, l'on mettrait les petits plats dans les grands un peu plus tard. C'est à la mi-février que le festin a été livré dans les kiosques. Service minimum. Pas de branle-bas généralisé dans la cambuse. L'on n'a désigné qu'un grand-chef. Pas n'importe lequel, le maître-queue spécialiste du old style. Jean-William Thoury. Difficile de trouver mieux. Y a bien dû y avoir une armée de marmitons – les petites cuillères - qui ont disposé les photos sur la maquette et veillé à lisser les titres, mais c'est tout. N'a pas eu le temps de jouer les touristes, Thoury, idem pour les grandes réflexions et les mises en perspectives. L'est parti du principe qu'un chien écrasé n'était qu'un chien écrasé. Tant pis pour ceux qui aimeraient connaître sa race, sa taille, sa couleur, son pédigrée, le nom du conducteur, la marque de la voiture, et qui s'interrogent sur si l'acte était prémédité, intentionnel, la bête est-elle morte sur le coup, a-t-elle souffert, on s'en fout, idem pour le chagrin de la petite fille sur le trottoir devant la marre de sang. Non, les faits bruts, dans leur sécheresse. Un chien écrasé. Point. Passons au suivant.

    Ce qu'il y a du bien avec Hallyday, c'est que les clébards crevés au bord de la route, l'en a laissé des tonnes. Jean-William il écrit un numéro spécial, pas La Recherche du Temps Perdu. Pas une minute à s'attarder. L'a tordu le cou au lyrisme. Style télégraphique. C'est que Johnny, l'a pas roupillé ses journées dans sa chaise-longue à feuilleter des magazines, l'était pas du genre à passer trois jours sur sa pelouse à chercher des trèfles à quatre feuilles. L'a chanté, aimé, baisé, bu, descendu les rivières en radeau, s'est battu, a voyagé un peu partout, tourné des films, fait de la moto et du théâtre, disputé des rallyes automobiles, donné des concerts, enregistré des disques, vaudrait mieux lister tout ce à quoi il n'a pas touché, ce serait moins long. Jugez-en par vous-mêmes, tout compris, textes, photographies, gros titres, Jean-William Toury est arrivé à remplir cent pages. Gros boulot. Belle compilation.

    N'empêche que l'on reste sur sa faim. On attendait au minimum une beau cuissot d'éléphant, un pantagruélique plat de résistance, sept ou huit desserts plus les îles flottantes et leurs océans de crème au beurre, et l'on n'a eu à becqueter que les petits fours de l'apéro. En gros, expression mal venue, l'on a eu la madeleine, mais les rallonges de Proust elles sont restées dans l'encrier.

    Pourtant ce ne sont pas les facettes qui manquent, Johnny vous pouvez l'aborder par tous les côtés... l'on dirait que Rock & Folk a évité les sujets qui fâchent. Les faits, rien que les faits, permettent de ne pas prendre position. Prudence avant tout ! Surtout ne pas décevoir une partie de nos lecteurs, difficile d'établir un consensus entre les fans inconditionnels de Johnny et ceux qui ne le calculent même pas. Adoration ou mépris, ne pas choisir. L'on eût aimé autre chose. D'un peu plus rock'n'roll !

    Damie Chad.