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long chris

  • CHRONIQUES DE POURPRE 433 : KR'TNT ! 433 : GINGER BAKER / WAYNE KRAMER / WEIRD BRAINZ / TIGERLEECH / MISSILES OF OCTOBER / CRITTERS / VOLK / LONG CHRIS

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 433

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    10 / 10 / 2019

     

    GINGER BAKER / WAYNE KRAMER

    WEIRD BRAINZ / TIGERLEECH

    MISSILES OF OCTOBER / CRITTERS

    VOLK / LONG CHRIS

     

    Stup Baker - Part Two

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    Adieu Ginger Baker. Content d’avoir fait tout ce bout de chemin avec toi. Merci pour Cream et tous les autres grands disques. Merci pour la démesure et les drogues, pour le panache et les ruades. Qui est mieux placée que Nettie Baker pour lui rendre hommage ? Personne. Elle vient justement de consacrer un recueil de souvenirs à son père : Tales Of A Rock Star’s Daughter. Avec ce titre, on sait où on met les pied. L’ouvrage tombe à pic.

    Pour Nettie, c’est facile d’écrire un livre. Son père a défrayé la chronique pendant cinquante ans. Dans un Part One, on chantait les louanges de Ginger Baker, ce crazy cat auréolé de cheveux rouges. C’est à présent le tour de sa fille d’ajouter un chapitre à la geste du preux prince des batteurs junkoïdes britanniques, une lignée qui remonte à Phil Seaman, jazzman amateur de rythmes africains.

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    Mais cette chipie de Nettie aurait tendance à profiter du renom de son père pour parler d’elle et de ses aventures adolescentes. Si on attend de ce livre qu’il fourmille de détails sur la vie quotidienne de Ginger Baker, il faut le remettre tout de suite à sa place dans l’étagère du libraire. Nettie n’évoque son père que de temps en temps, juste pour nous rappeler qu’il est réellement le crazy hellraiser que l’on sait.

    Elle écrit dans un style très enroulé, très commère du quartier, assez franc du collier, une sorte de faconde teintée de ce brillant humour trash qui ne peut être que génétique. Comme tous les ados qui grandissent dans des milieux musicaux, elle se forge sa propre identité musicale. Elle va plus sur Elton John que sur Cream, qui pour elle est le son de ses parents. Elle ramène par exemple chez elle des albums de Neil Young. Son père qui entend ça dit que poor Neil Young sound pathetic and weedy, une formulation qu’on pourrait traduire par ‘branleur pathétique’. C’est vrai que c’est l’époque chèvre de Neil Young et Ginger avait d’autres chats à fouetter. Quand Nettie a des problèmes à l’école, Dad vient trouver la Headmistress pour la traiter de frustrated old lesbian. Nettie livre tout de même quelques anecdotes assez croustillantes, comme ce retour au bercail après une party un peu trop alcoolisée : en arrivant, Dad encastre sa Jensen dans la Range Rover garée devant la maison. Il ne fait jamais les choses à moitié. Il bousille deux bagnoles d’un coup. En réalité, Ginger Baker possède deux Jensen, il adore bombarder sur la route, flashing along at high speed. Il passe son temps à doubler ce qu’il appelle the ‘worms’, c’est-à-dire les files de bagnoles qui n’avancent pas. Nettie adore tout ce qu’adore son père : la vitesse, la boisson et le chaos.

    Pendant des vacances au Maroc en 1970, un riche marchand de Marrakech caresse les cheveux de Nettie et propose 600 chameaux à Ginger pour l’épouser, mais le batteur de Cream répond que ce n’est pas possible, car son jardin n’est pas assez grand pour contenir 600 chameaux. Par contre, il aurait certainement accepté 600 chevaux, car c’est avec sa passion pour le polo qu’il va ruiner la famille Baker. Et quand plus tard, Nettie vit avec un mec qu’elle appelle the Bell (la cloche), et qu’elle hésite à s’inscrire à l’aide publique (the dole), son père se met en pétard : «J’ai payé plus d’impôts que la plupart des gens en payent dans toute une vie, alors inscris-toi et récupère une partie de ce blé !»

    Ado, Nettie traîne dans un pub appelé The Towers of Flanagans. Elle s’amourache d’un nommé Johnny Gale qui porte du kohl autour des yeux, ce qui, à l’époque est encore extrêmement osé. C’est la finesse de certaines observations qui peut rendre ce récit passionnant. Nettie explique qu’on commence à voir des gens maquillés à Top of the Pops, the Sweet, en l’occurrence, mais c’est la télé. Dans la rue, c’est très perturbant. Elle parle d’un disturbingly androgynous effect. Elle cite aussi Roy Wood, Bowie et Marc Bolan, bien sûr, mais elle explique que ces maquillages les faisaient rire, elle ses copines, ‘nerveusement’. Elle cite aussi Rob Davis de Mud qui portait des boules de sapin de Noël accrochées aux oreilles. Pourquoi elle ses copines riaient-elles nerveusement ? Tout bêtement parce qu’elle ne comprenaient ce que cet androgynous effect pouvait signifier.

    Elle évoque aussi certaines de ces grandes fêtes auxquelles sa famille était conviée, notamment chez Clapton qui vivait alors avec l’ex de George Harrison, Pattie Boyd. Parmi les invités se trouvaient aussi Harrison et sa girlfriend, mais encore d’autres gens comme Elton John, Paul McCartney, Jeff Beck, Ringo Starr. Elle voit Jagger et le trouve sexy. Elle boit du Bacardi and coke. Ses parents la laissent tranquille. Elle a le droit de picoler tout ce qu’elle veut. Elle voit aussi la dope circuler, mais elle précise que c’est toujours in a clean and moneyed environment, quasiment au grand jour. Privilège aristocratique.

    Elle en déduit toutefois que la sainte trinité dope/infidélité/problèmes financiers a fini par avoir la peau du mariage de ses parents. Elle sait que son père prend de l’héro depuis qu’elle est née, mais c’est à l’adolescence qu’elle peut mesurer les dégâts que la dope opèrent sur Dad. Il l’emmène souvent manger au restau et il lui arrive de s’écrouler la gueule dans son assiette - He had nodded off into his soup and this was the very least embarrassing if nothing else - Elle trouve la situation ‘pour le moins’ embarrassante. Nettie raconte aussi que son père a toujours eu des poules à droite et à gauche, mais elle n’y voyait rien de mal. Ce qui n’était pas le cas de sa mère. Nettie a toujours vu ses parents se battre, s’envoyer des coups dans la gueule, avec une violence terrible. Un jour, elle voit son père sortir du sac sa tenue de polo et sur toute la hauteur du pantalon blanc est écrit le mot ‘CUNT’, c’est-à-dire gros con. Un jour, alors qu’ils sont tous les trois - le père, la mère et la fille - à bord de la silver Jensen en route pour une party, ils tombent en panne. Sa mère commence à gueuler : «Cette bagnole, c’est n’importe quoi ! Tu savais bien qu’elle déconnait !» et Ginger lui répond : «Shut the fuck up - Ferme ta gueule, you silly old bag or I’m going to kill you !»

    Les parents finissent par divorcer. Ginger Baker quitte sa femme et ses enfants pour vivre avec une gonzesse âgée de vingt ans que Nettie appelle ‘Number Two’. Nettie a un petit frère et une petite sœur et bien sûr leur mère interdit formellement à Ginger et à Number Two de les approcher. Mais Nettie les amène en cachette à son père, jusqu’au moment où sa mère l’apprend. Alors elle devient folle, débarque chez Ginger et saute sur Number Two pour l’étrangler. Ginger la décroche du cou de Number Two et la frappe. Résultat : deux côtes cassées. Quand Nettie appelle la police pour demander du secours, le flicard lui répond : «We don’t deal with domestics.»

    Comme une grande majorité d’ados britanniques, Nettie flirte avec les drogues. Elle en parle plutôt bien, avec une sorte de petite gouaille charmante. Dans une party, on lui tend une bouteille d’Amyl Nitrate. «Snif it hard», lui dit-on. Elle sniffe hard and my head flew off into outer space and I nearly had a heart attack (sa tête s’envole dans l’espace et elle frise la crise cardiaque). Plan classique. Ça amuse beaucoup ses copains. Un jour, Ginger récupère some extremely strong Nigerian grass, une herbe nigérienne particulièrement forte et Number Two en fait des cookies. Au bout de dix minutes, toute la famille devient complètement cinglée - We all became gigling maniacs after about ten minutes - Ginger sent qu’il faut calmer le jeu et il s’installe avec Number Two à Denham. L’idée est de s’éloigner un peu du circuit londonien des drogues. Ils font le choix d’un mode de vie au calme. Ginger débarque un jour dans la ferme voisine pour acheter des œufs et il tombe sur un hippie, qui est le fils du fermier : «Hello Ginger, fancy a toot ?» Il faut savoir qu’un toot est un snort d’héro. En fait, Ginger est tombé par inadvertance sur le plus gros trafiquant local d’héro - a veritable hive of smack heads.

    Dad finit par quitter l’Angleterre pour s’installer en Italie avec Number Two. Trop de problèmes, notamment avec le service des impôts britannique. Ginger Baker est ruiné. Il se fâche avec tout le monde, y compris Nettie qui reçoit une lettre contenant une pièce de cinq Lires, lettre dans laquelle il lui annonce qu’il la déshérite et qu’elle ferait mieux de retourner sous la pierre d’où elle est sortie. Ginger va ignorer sa fille pendant une éternité, ce qui, nous dit Nettie, lui permet de souffler un peu.

    Signé : Cazengler, Ginger Barquette

    Ginger Baker. Disparu le 6 octobre 2019

    Nettie Baker. Tales Of A Rock Star’s Daughter. Wymer Publishing 2018

     

    Kramer tune - Part Two

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    N’allez pas croire qu’après nous avoir servi la fulgurante triplette d’albums du MC5, Brother Wayne allait baisser les bras. Oh que non ! Très exactement vingt ans après High Time, il allait revenir aux affaires, soutenu par Mick Farren et Don Was, avec un album étonnant intitulé Death Tongue.

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    Il y tape une cover de «McArthur Park» digne de Syd Barrett et riffée à la Steve Jones. Il va chercher le recipe alors que le Park is melting in the dark et quand il explose ses again, ça devient très spectaculaire. Il en fait une version littéralement punkoïde et son génie se déploie lorsqu’il part en solo et que s’ouvrent les portes de l’enfer. Cette barbarie suprême en rappelle une autre, celle des Saints qui envoyèrent «River Deep Mountain High» rouler par mots et par vaux. Pendant ces quelques minutes, Brother Wayne redevient le roi du monde. Dans le morceau titre, Mick Farren ramone l’ambiance à coups de strange sensations in the danger zone et avec «Leather Skull» Brother Wayne donne sa version metallic KO du funk-rock. Il cherche des voies impénétrables pendant qu’une fille duette avec lui. Par contre, «Take Your Clothes Off» sonne comme de la pop de juke, mais avec beaucoup de swagger et des excavations de son qui évoquent le Spector Sound. S’il joue «Spike Heels», c’est à l’alerte rouge. Brother Wayne fouette sa crème au beurre dans le cake de Don Was.

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    Avec The Hard Stuff, Brother Wayne entre dans sa grosse période Epitaph, qu’on peut qualifier de Renaissance et même de temps des Lumières. Au moins quatre énormités là-dedans, à commencer par «Crack In The Universe». Le génie électrique de Brother Wayne s’y exprime dès les premières mesures. Non seulement il riffe comme un bâtisseur d’empire, mais il glisse en plus des tortillettes dignes de Michel-Ange. Il allie le muscle à l’ingéniosité. Aplomb d’acier. Voilà le véritable hit de the universe. Les coups d’harmo pleuvent sur le refrain. On le voit même prendre un solo de crabe à reculons. Il devient spécifique, il ne semble vivre que pour l’exaction. Suite du festin avec «Bad Seed», joué au pur maximalisme. Brother Wayne ne mégote pas sur la marchandise. Tu en as pour ton argent. Il devient même le riffeur le plus rapide de l’Ouest, il file comme l’éclair, descend des pentes vertigineuses et glisse un solo en douce sous le tapis, histoire de foutre le feu à la baraque. Le diable qui joue de la basse s’appelle Bradbury. Troisième coup de Jarnac avec «Realm Of Pirate Kings», pas loin d’All Along The Watchtower. Brother Wayne gratte ça aux mêmes accords et part en solax furax. Il chante sa soif de liberté et charge la barque à outrance. La quatrième raison de se réjouir s’appelle «Edge Of The Switchblade», un cut enflammé amené au riff de Motor City. C’est encore du grand Kramer, ses riffs rebondissent, c’est battu hard stuff. Son solo dégouline de mauvais jus. Il glougloute, il fait la pluie et le beau temps. Ce mec offre une sorte de spectacle, rien qu’en jouant. Il faut aussi l’entendre partir en solo dans «Pillar And Fire». Il est né pour ça. Il noie tout dans le son et s’y fore des passages. Encore de l’ultra-joué avec «Sharkskin Suit», descendu au riff malsain et battu sans remords. On a parfois l’impression qu’il joue tous les riffs du monde. Il tape «Poison» au heavy blues rock de Motor City. C’est tellement solide que ça rend les mots inutiles. Et cet enfoiré part en vrille à la première occasion. Si on aime la guitare électrique, c’est là que ça se passe.

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    Nouveau shoot de Detroit rock dans Dangerous Madness, et ce, dès le morceau titre. Brock Avery bat ça sec. Dès qu’il peut, Brother Wayne repart en vrille opiniâtre et lance des ponts somptueux. Tout aussi explosif, voilà un «Take Exit 97» qui gicle littéralement, c’est dégueulasse, tellement sexuel et pulsif as hell. Il passe d’un style à l’autre avec une aisance déconcertante, car après le heavy wah-wah riffing d’«It’s Never Enough», il part à l’aventure avec «Threats Of Illusion», mais au maximalus cubitus, rapide comme un requin blanc. Le hit de l’album s’appelle «Something Broken In The Promised Land», un balladif politique dans lequel Brother Wayne règle ses comptes avec le rêve américain - And Chuck Berry lied about the promised land - Il ramène pour l’occasion des chœurs explosifs.

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    Si on apprécie les coups de génie kramériens, alors il faut écouter Citizen Wayne. On en trouve trois, à commencer par «Stranger In The House». Brother Wayne attaque ça au pilon des forges. C’est révélateur d’un certain état d’esprit. Il profite de l’occasion pour nous rappeler qu’il est l’un des rois de la wah. Le deuxième s’appelle «Down On The Ground». Pur jus de MC5. Brother Wayne peut encore exploser le fion du rock quand il veut, il sort des tortillettes qui ravalent la façade des annales - I play my guitar/ And the beat comes down/ On a beautiful cosmic siren sound/ No one’s laughing there is no joy/ Down here on the ground - Il fait aussi du rap blanc dans «Back When Dogs Could Talk» et du funk avec «Dope For Democracy». Il tente de conjurer les sorts et joue à la circonvolution. En l’écoutant, on a l’impression de vivre un moment historique. Autre hit pharaonique : «Snatched Defeat». Brother Wayne raconte l’épouvantable débâcle de Gang War - While I was looking for life/ Trouble was looking for me - Il fait équipe avec Captain Jolly, Milky and Junkie the laughing clown. Et soudain, éclate l’un des plus beaux refrains de l’histoire du rock - We snatched defreat from the jaws of victory/ With holes in our arms for the whole wide world to see/ And the scandals would never end/ As the candle was burning at both ends - Huitième merveille du monde, car vécu jusqu’à la dernière goutte de son. Il raconte l’épisode du vol de la caisse du club où Gang War devait jouer et comme il était en liberté surveillée, il ne pouvait pas se permettre de repasser devant un juge pour vol - The last thing I needed/ Was a petty thieving case/ My whole life flashed before my eyes/ As I tried to flee that place. Sans doute est-ce là le cut qu’il faut retenir de la période solo du grand Wayne Kramer. Au moins aussi mythique que «Motor City’s Burning».

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    L’album live LLMF paraît en 1998 et rassemble tous les gros hits des trois premiers albums, avec bien sûr, «Kick Out The Jams» en guise de cerise sur le gâteau. Live, des cuts comme «Bad Seed» ou «Crack Of The Universe» arrachent les chambranles. Brother Wayne multiplie les prouesses et part volontiers en solo. Dans cette orgie de riffs, on trinque à la santé de Sénèque. Très belle version de «Something Broken In The Promised Land». Brother Wyane gratte son pathos miraculeux aux accords rougeoyants. Il joue avec aménité, en vrai petit soldat du rock. Il cocote et il chatoie. Mais comment fait-il pour chatoyer autant ? On se posera encore la question dans deux mille ans. Il part en solo smooth et la transition se fait en douceur - And the shit is real here/ In the promised land/ And Chuck Berry lied ‘bout the promised land - Il chatoie jusqu’au bout des ongles. Il multiplie les retours de manivelle dans «Down On The Ground» et se montre encore plus démonstratif dans «Poison». Il descend les escaliers en roulant. Il se prend pour une boule de feu. Mais c’est bien sûr avec Kick Out qu’il bat tous les records d’explosivité. Il sort une version encore plus explosive qu’au temps béni du Grande Ballroom, comme si c’était possible. Cette façon qu’il a d’attraper le train au vol !

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    Invité à venir jouer à Londres en 1979 par Mick Farren, Brother Wayne donne un concert devenu légendaire au Dingwalls. Les Pink Fairies l’accompagnent, et on peut entendre tout ça sur l’A de Cocaine Blues, paru en l’an 2000. Deux versions sautent à la gueule, le «Heavy Music» de Bob Seger et bien sûr l’inévitable «Kick Out The Jams». Brother Wayne fout littéralement le feu à Bob. Entre Detroiters, c’est de bonne guerre, pas vrai ? Cette façon qu’il a d’enflammer le son est unique au monde - Down there/ We don’t talk/ We do the camel walk - Et son Kick Out est au moins aussi inflammatoire que l’original enregistré au Grande Ballroom. Brother Wayne le passe à la moulinette imputrescible, le riff sonne comme le souffle d’un gigantesque incendie et le départ en solo bat tous les records olympiques. En B se trouvent des démos de type «The Harder They Come» ou «Do You Love Me». Ça se termine avec le fameux «Ramblin’ Rose» qu’il prend à la hurlette exacerbée - Diamond rings & a Cadillac car - Puis Brother Wayne s’en va glou-glouter goulûment - I wanna fuck you darling - On trouve quelques cuts en plus sur le Live At Dingwalls 1979 paru la même année, comme cette belle reprise de «Some Kind Of Wonderful» de Goffin & King : accouplement parfait entre the London Underground & the Detroit Scene. Très bel hommage à Chickah Chuck avec «Back In The USA» et pour finir, Brother Wayne déclare : «I used to play in a band called the MC5.» Looking at you babe ! Pure démence ! On est au sommet du rock blanc. Il joue son solo légendaire - Doin’ alrite/ Doin’ alrite - et il part à la chasse. Il n’existe rien de plus mythique que cette version jouée à la vie à la mort- And remember, my name is Peter Frampton, and I will be back !

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    Fin de l’épisode Epitaph. Brother Wayne enregistre désormais sur son label MuscleTone et Adult World parait en 2002. Il maintient sa tradition de cuts très écrits avec l’excellent «Great Big Amp» qui en fait est une bombe atomique - I got a great big amp/ It’s got a great big sound - Avec son gros ampli, il rêve de ruler the world et de winner the girls - With my great big amp/ I will liquify/ And I will melt away/ And I will touch the sky/ I’ll be free at last/ I will rise above/ I will know the peace/ And find eternal love/ With my great big amp - Il atteint le cœur du mythe rock, l’ange déchu renaît dans la lumière, il a tout le son du monde, I’ll be alone, ça sonne comme la voix de Dieu. C’est un hit incommensurable, l’un des plus spectaculaires de l’histoire du rock, tous mots bien pesés. Avec «The Red Arrow», Brother Wayne devient fou. Il rend hommage à Red Rodney, un trompettiste de jazz qu’il a rencontré pendant qu’il était au trou à Lexington. C’est explosé d’intro. Il nous fait le coup du couplet calme, the red arrow could play anything, avant de basculer dans la folie kramerienne. L’explosion échappe à l’entendement. Brother Wayne est l’un des seuls à pouvoir générer un tel chaos - The Red Arrow’s blowing be-bop from New York to LA - et ça explose, mais il ne s’agit pas de n’importe quelle explosion, c’est un phénomène sous-cutané d’excellence mortifico-hendrixienne. Il va loin au-delà des frontières du réel. Wayne Kramer a du génie et le déluge de son continue jusqu’à la fin, et là, tu n’as plus que tes yeux pour pleurer - And to me he was a father/ A giant of a man - Quel hommage ! On a aussi du pur jus d’Hellacopters avec «Talkin’ Outta School» et du talking jive avec «Nelson Algreen Stepped By». Brother Wayne en profite pour passer au groove de jazz, solide mélange d’accords secrets et de rap de Detroit. Il renoue avec les énergies ancestrales, Dizzy Gillespie, Down here on the ground et il rend hommage au Castor - She’s a whore/ She’s not Simone de Beauvoir - Tout est extrêmement inspiré sur cet album inespéré. L’un des sommets du rock américain.

    On voyait assez régulièrement Wayne Kramer à une époque à Paris. En 2004, il proposait une espèce de reformation du MC5, le DTK MC5, à l’Élysée Montmartre : les survivors Michael Davis et Dennis Thompson l’accompagnaient, avec en plus Mark Arm au chant et Lisa Kekaula en renfort.

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    En novembre dernier, il revenait avec une autre équipe pour fêter les 50 ans de cet album qui a marqué tellement de gens, Kick Out The Jams, enregistré live en 1968 au Grande Ballroom de Detroit. On pourrait reprocher à Brother Wayne de vouloir encore monter sur scène après avoir passé l’âge. Soixante-dix balais, c’est un peu limite, non ? Seulement, Wayne Kramer sort vraiment de l’ordinaire. Il ne fait pas ses soixante-dix balais. Dans son cas, on peut dire que le rock et la dope conservent bien. C’est même un bonheur que de le voir sautiller sur scène. En claquant simplement un accord, il balaye toutes les critiques. Rien qu’en apparaissant, il affirme sa légitimité. Il est tout bêtement entré dans la légende et on est vraiment content qu’il soit encore en vie et qu’il vienne pousser sa vieille hurlette de «Ramblin’ Rose», même si sa voix a muté. Alors bien sûr, le son du groupe qui l’accompagne peut poser un problème. La section rythmique sonne un peu hardcore, ces deux mecs viennent d’une autre scène (Fugazi et Faith No More) et le mec qui remplace Fred Sonic Smith sort de Soundgarden. Ce n’est pas la même chose. L’ancrage dans le son du MC5 va se faire via l’afro de Marcus Durant qui fut on s’en souvient l’excellent frontman de Zen Guerilla, l’un des fleurons du revival garage des années quatre-vingt dix. Pour fêter dignement cet anniversaire,

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    Brother Wayne entreprend de jouer sur scène l’intégralité de l’album paru en 1969, et comme c’est un peu court, il complète avec des petits blasters tirés des deux albums suivants, du style «Call Me Animal» et «Looking At You». Inutile de dire qu’on en a pour son argent. Même si on connaît tout ça par cœur, l’émotion se fond dans l’osmose de la comatose. On a pu remarquer au fil des ans que le petit jeu des reformations ressemble à une loterie. Celle des Pistols nous fit bien rigoler, celle des Stooges en fit bander plus d’un et celle du MC5 méritait bien son coup de chapeau, encore fallait-il en porter un.

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    Grâce au recul que donne le privilège d’avoir découvert le MC5 en 1969, l’apparition de Wayne Kramer sur scène provoque un sentiment étrange. Disons qu’on voit se tourner une page d’histoire. Pas n’importe quelle histoire, celle d’un certain rock. En 1969, Wayne Kramer annonçait l’avènement d’un son apocalyptique qu’on allait surnommer le Detroit Sound. Il en fête à présent les 50 ans et l’intronise, en quelque sorte, dans une espèce de Hall of Flammes illusoire. Tout se déroule dans sa tête et dans la nôtre. On espère seulement qu’il réussira à mourir sur scène comme le fit son meilleur ami, Mick Farren. Tout ça sent bon la fin des haricots et ce sont des haricots qui sentent bon.

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    Signé : Cazengler, Wayne Kramerde

    MC50. Élysée Montmartre. Paris XVIIIe. 14 novembre 2018

    Wayne Kramer. Death Tongue. Progressive International 1991

    Wayne Kramer. The Hard Stuff. Epitaph 1995

    Wayne Kramer. Dangerous Madness. Epitaph 1996

    Wayne Kramer. Citizen Wayne. Epitaph 1997

    Wayne Kramer. LLMF. Epitaph 1998

    Wayne Kramer & The Pink Fairies. Cocaine Blues. Captain Trip Records 2000

    Wayne Kramer. Live At Dingwalls 1979. Captain Trip Records 2000

    Wayne Kramer. Adult World. MuscleTone Records 2002

    O4 / 10 / 2019MONTREUIL

    LA COMEDIA

    WEIRD BRAINZ / TIGERLLECH

     

    L'on raconte que les filles ont parfois, vers deux heures du matin, des envies subites de fraises. On les excuse, parce qu'elles sont alors en des états que l'on dits intéressants. Moi ça m'a pris à 17 heures trente, dans une situation aussi innocente, je le jure, que la Sainte Vierge avant que le Saint-Esprit ne s'introduisît en elle. Non je n'ai eu envie ni de tagadas, ni de naturels tubercules roses estampillés bio, normal je suis un mec, me faut des émotions plus fortes, la dégustation des fragaria je laisse cela aux gamines, non simplement le subit et subtil besoin viril de caresser un tigre. Au zoo de Vincennes, ils ont décrété que j'étais toqué, c'est alors que je me suis souvenu que justement à la Comedia passait Tigerleech, je n'ignore pas que cela signifie la sangsue du tigre, mais j'ai pensé que la sangsue du tigre devait se trouver normalement sur le tigre.

    Arrivé à la Comedia, j'ai eu comme un doute, certes le tigre et sa sangsue étaient en train de faire leur balance, mais ce que j'entendais n'avait rien à voir avec la marche souple et féline du tigre royal du Bengale, capable de se couler au travers d'une forêt de bambous aussi serrés qu'un plant de persil, sans faire bouger une seule feuille. J'avais imaginé une musique svelte et légère, un peu folâtre comme le générique de la pink panther, mais non là, j'avais l'impression d'un lourd troupeau d'éléphants piétinants les récoltes du village d'indigènes promis à une future famine. Caresser le tigre serait-il une tâche moins facile que je ne le supposasse ? Je me suis promis d'attendre sagement leur set avant de réaliser mon projet et en attendant me suis préparé à écouter Weird Brainz.

    WEIRD BRAINZ

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    Sont jeunes et pleins d'avenir. Sofiane Omari, un garçon qui porte, sous ses cheveux en coupe afro-dreads, un T-shirt sur lequel Johnny Cash tend à nos figures de trous du cul son énorme doigt d'honneur, ne peut pas être entièrement mauvais, il nous en administre tout de suite la preuve en caressant sauvagement sa guitare sur l'ampli pour trois minutes de tonitruances bienvenues, il est évident que Weird Brainz entend livrer nos tristes méninges à un traitement de faveur, rien de tel qu'un bon électrochoc pour vous remettre les idées à l'envers, sans doute le meilleur moyen de porter un regard osmosique en accord avec notre monde avarié. Nous pouvons immédiatement apporter la preuve de ce dérèglement, ce soir Weird Brainz devait nous offrir tout chaud, tout brûlant, son premier EP, hélas les délais de livraison ne l'ont pas permis. Dommage, ce n'est que realease party remise, et en lot de consolation nous avons le groupe en chair bruiteuse et en os grondants devant nous. Léo, un air furieusement appliqué, penché sur sa batterie tel un élève sur sa version latine – n'a rejoint ce poste que depuis quatre jours - jette toute sa hargne sur la batterie qu'il maltraite fort joliment.

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    A la basse officie Martin Musy, un grand gars, un faux-calme, genre de guy à la mine innocente qui vous jette un bidon d'essence sur le camion des pompiers en train de tenter d'éteindre un incendie de forêt dévastateur qu'il a précédemment allumé. Pour compléter le tableau, nous rajouterons que Sofiane possède une belle voix, avec ce grain granuleux qui fait toute la différence, et qui vous gratouille agréablement le cortex. L'en profite pour nous interpeller Hey You, et nous intimer l'ordre de nous remuer, Jerk Yourself.

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    Rien de tel que la jeunesse pour vous filer un coup de pied sur votre auguste le postérieur. Sofiane ne ménage ni sa peine ni sa guitare. La pauvre enfant en a les plats-bords tout écorchés, pas besoin de vous faire un dessin, la jette violemment sur l'ampli, l'envoie par terre, où il la laisse vagir désespérément tel une baleine bistre échouée sur une plage inhospitalière, tourne les boutons de ses delays avec une minutie sadique la reprend pour vous écorcher de quelques riffs ninjas qu'à l'instant Martin soutient sans faille et le long manche de sa basse dépasse de la scène comme l'encolure de ces chevaux qui tentent de s'enfuir du camion qui les conduit à l'abattoir. Sur ce Léo se voûte sur les drums pour les taper encore plus fort, manière d'emmener sa quote-part au tumulte ambiant. Vous pouvez respirer entre les morceaux, car Sofiane se doit de réaccorder son instrument à chaque fois, avec cette sollicitude d'un père de famille qui offre un carambar à son enfant qu'il vient de défenestrer du troisième étage pour lui apprendre que la vie n'est pas facile et qu'il faut s'endurcir. Puis il nous fait le coup, qui marche toujours, de l'annonce du slow, immédiatement suivi d'une avalanche sonore sans précédent. Guilty, Diprozone, Energizer, Bloody Molly déboulent et se ressemblent à la manière de ces taureaux furieux qui lâchés dans l'arène vous encornent fort salement les toreros sur les planches et vous les laissent palpitants dans leur habit de lumière éteinte à la manière de ces papillons épinglés sur leur planchette qui agitent spasmodiquement une dernière fois leurs ailes diaprées de souffrance et de mort. Le pire c'est que le public de la Comedia apprécie hautement ces outrances sonores.

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    Des connaisseurs enthousiastes qui jerkent sans rémission et se tamponnent allègrement, se livrant à un brainztorming des plus jubilatoires. Finissent par deux coups d'éclats un Ghost Town à vous faire frémir d'horreur et un kicked out apocalyptique où la guitare de Sofiane abandonnée à son triste sort agonise sans fin sur les lattes de la scène, l'est sûr que ces jeunes gens ont toutes les qualités requises pour dans les années qui viennent alimenter notre provision de cauchemar tentaculaires.

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    TIGERLEECH

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    Le tigre nous a sautés dessus dès la première seconde, personne n'a eu le temps de tenter de le caresser, l'a commencé par nous balafrer d'une méchante escarre à l'image de l'écriture escarpée de son nom, puis il a déchiré notre cervelle en petits morceaux et les a jetés dans la poubelle comme de vulgaires confettis. Des sauvages. Sont comme les quatre pattes du tigre, il n'y en pas une qui puisse sortir ses griffes, toute seule dans son coin. Sont salement coordonnées. Toutes ensemble. Tâchons toutefois d'y voir un peu plus clair. Vous entrent sans férir dans le lard et c'est difficile de distinguer qui fait quoi. Commençons par Sheby, il est au chant, enfin plutôt aux chiens, la meute entière, avez-vous déjà entendu une cinquantaine de hound dogs sur les jarrets d'un pauvre cerf, certes c'est cruel, mais quelle musique délicieuse, vous êtes dans une quadriphonie de jappements infinie, aucun sorcier du son n'est parvenu à traduire cette onctuosité de cruauté ensauvagée dans aucun de leurs enregistrements, et ça n'en finit pas jusqu'à la fin, Sheby l'est comme cela, une voix féroce, le gars vous attrape le vocal et y plante ses crocs dedans, n'en démordra plus, on ne l'arrête plus. L'a toujours un grondement de fin du monde à ajouter, tire sur ses cordes vocales comme sur les chaînes d'un puits sans fond, ramenant à chaque traction un seau d'or liquide en fusion qu'il vous crache à la gueule sans plus de façon.

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    L'a une excuse. Derrière lui Olivier est partie pour une chevauchée fantastique sur sa batterie. Le même fonctionnement de base, 1 : je tape sans arrêt, 2 : je n'arrête jamais, de la folie brute, les bras qui tournent en ailes de moulins affrontés à une tornade. Don Quichotte peut aller se rhabiller, ici les géants sont les branches d'Olivier.

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    Cabor est à la basse. La confond certainement avec un baril de pétrole, l'en extrait une espèce de matière noire, une gluance noirâtre sans nom qui s'infiltre partout, à la vitesse de la marée du Mont Saint Michel, inutile de courir, elle vous submerge et vous oléagine en moins de deux, flexible comme un mamba noir, et tordue comme des pattes de mygales empoisonnées. Faite attention ça rampe par terre et puis ça vous ligote sans que vous ayez eu le temps de crier.

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    Vous étiez trop occupés à vous régaler des riffs nitroglycérites de Fabien. Fabien fait mal. L'a la guitare qui grogne et fuzze, vous creuse des galeries dans le magma granitique vomi par ses camarades, l'est la taupe dinosaure qui remonte à la surface de la terre pour procéder à l'extinction finale de sa propre espèce.

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    Ce qu'il y a de terrible avec Tigerleech, c'est qu'ils font pour ainsi dire leurs coups en douce. Pas un pour jouer plus fort que l'autre, mais vous êtes emportés dans un torrent sonologique dragonesque. Une machine à tuer. Un moteur d'une puissance prodigieuse, pas une ratée, pas un temps mort, pas une reprise asthmatique, pas un seul cafouillement malencontreux, un bulldozer lancé à toute vitesse qui vous aplanit les pus gros rochers avec la même facilité que l'éponge que vous passez sur la nappe cirée pour retirer les miettes. Vous alignent les titres comme des ogives nucléaires, et vous les font exploser à l'intérieur In my vein, Sexe dur, Burn Inside, ou au dehors Sandstorm, Acid Gang, Decline, vous font vivre une Experience que vous n'oublierez pas. Stoner hardcore, qu'ils disent, s'ils veulent pourquoi pas, ce qui est important c'est cet étrange délire collectif qu'ils sécrètent et qui s'empare de vous, vous enferme dans une bulle qui possède une dimension quasi-mystique par laquelle ils vous hypnotisent pour que vous puissiez libérer vos refoulement culturels et venir avec eux dans une Jungle Punk en folie jodorowskienne. Je préfère ne pas vous décrire l'état de l'assistance, en transe décalquée d'elle-même. Lorsqu'ils ont fini, l'on redemande une petite faveur. Nous font deux minutes un truc rapide, une queue de comète et puis arrêtent tout. Ils ont raison, ils ont déjà tout donné et l'on a déjà tout pris. Ils sont le tigre et nous la sangsue.

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    Damie Chad.

    ( Photos : Mélisa Benarda  : on FB  : Shoots and Drafts  + FB des artistes )

    O4 / 10 / 2019MONTREUIL

    LA COMEDIA

    MISSILES OF OCTOBER / CRITTERS

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    C'est bête mais l'on retourne toujours à la Comedia dès que l''envie vous prend d'écouter de la musique un peu sauvage. Et puis nous qui avons tant aimé The December's Children des Rolling Stones pourquoi ne pas essayer, puisque moi j'aime l'émoi des mois, les Missiles of October, un nom qui équivaut à une douce promesse de menace, et de toutes les manière après il y a les Critters, donc fouette Teuf Teuf et c'est reparti, car contrairement à ce que conseille les Evangiles, à la bonne herbe les rockers préfèrent l'ivresse de l'ivraie givrée.

    WHO'll STOP THE RAIN

    Je ne sais pas si vous l'avez remarqué mais depuis quelques temps il pleut de plus en plus de missiles sur notre terre. Je ne parle pas ici des scuds que sont les disques de Missiles of October, mais des vrais qui s'abattent en rafales sur des pays pas très éloignés du nôtre, de l'autre côté de la Méditerranée en Syrie, par exemple. Les mauvais esprits n'en finissent pas de maugréer, Premièrement affirment-ils ces bestioles ont la mauvaise habitude de viser principalement les civils, les enfants, les hôpitaux. Quelle terrible malchance ! Deuxièmement, vu le prix exorbitant de ces engins l'on pourrait à leur place construire des dispensaires, des écoles, des universités et des Comedia un peu partout pour que les gens vivent mieux. Dans les années soixante, nos glorieuses sixties, le rock s'élevait bruyamment contre la guerre au Vietnam, aujourd'hui c'est moins évident, l'état du monde a empiré, mais le rock parle moins fort aux oreilles de nos concitoyens. Peut-être parce qu'il ne crie pas assez fort. Heureusement ce soir nous avons les Missiles Of October.

    MISSILES OF OCTOBER

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    Avalanche bruitiste. Comment trois gars à eux seuls peuvent-ils déclencher un tel armagueddon sonore. Et surtout avec cette précision instrumentale. Pouvez suivre à l'oreille le moindre déplacement d'un doigt sur une corde, avec cette netteté du chant de l'alouette dans le radieux silence d'une aube nouvelle. Ils possèdent le sens de l'humour noir, commencent par Do you hear that noise ? Évidemment vous êtes submergé par le déluge sonore, mais il n'est de pires sourds que ceux qui ne veulent pas voir que cette musique n'est que le reflet de notre monde. Bob Seytor est au rotor. Terrible force de frappe. Les bras tourmentent la vitesse de Sleipnir la monture à huit pattes folles d'Odin qui vous emporte sur les terres brumeuses de Hel, la patrie des morts. Avec cette légère différence, que de nos jours l'enfer a pris résidence sur la terre. Bob nous distribue un fameux be-bob, nous martèle les drums dans le crâne, nous entatoue la peau à l'encre indélébile. Rouge sang giclant et noir de mort. De part et d'autre Lionel Beyet à la basse, et Mathias Salas à la lead. De véritables statues hurlantes. Pas de chant. Ils crient, ils screament, ils criment et châtiments, ouvrent le gosier comme des fournaises ardentes, s'en échappent des flammes, évoquez le Dieu Baal, sa gueule quémandeuse, grand-ouverte, béante fournaise, dans laquelle les carthaginois jetaient les nouveaux-nés en offrandes votives.

    Evidemment une telle masse sonique se suffit à elle-même, les musicos ne sont pas ici pour se faire voir et quêter votre approbation en se livrant leurs plus jolis soli. Pas de démonstration artistique et solitaire. Les morceaux sont constitués de courtes séquences rapidement enchaînées. Se suivent et ne se ressemblent pas. Des peintres qui déposent de larges aplats au couteau, et s'en vont tout de suite chercher sur leurs palettes un brou de noir encore plus sombre, un bleu métal d'un acier encore plus tranchant, un rubis encore plus sanguinolent. Faut voir Lionel et Mathias arquer leurs corps, leurs phalanges répétitives crispées sur un accord juste pour marquer leur désaccord avec le monde. Mais l'ennemi est plus fort qu'eux, il enfonce la porte contre laquelle ils se pressaient dans le but d'en empêcher la brisure, et celle-ci réalisée, nos guerriers de l'impossible et du rêve se replient aussitôt derrière un autre portail, mais l'on pressent que les chaînes de fer qu'ils entrecroisent seront à leur tour emportées comme des fétus de paille.

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    Tout de suite alors, Bob le stentor opère un break drumique, une espèce de chute, de salto-arrière avec rétablissement immédiat, You know, there is something strange, something dirt, et contre cela l'établissement d'une nouvelle ligne de défense, une muraille d'acier, Not a good idea, I'm nauseous, Dead bodies, une cause perdue d'avance, un rempart mouvant qu'il faudra sans cesse rebâtir et ériger, car le roseau pensant qu'est l'être humain plie mais n'abandonne jamais la lutte, surtout lorsqu'elle est désespérée et paraît inutile. Ne s'agit pas de jouer à la colibri-rock, mais de crier sans fin son dégoût du monde actuel, d'organiser le tumulte afin de l'anéantir sous le tumulus de sa stupide inanité.

    Colossal ! Missiles of October quittent la scène sans mot dire. Pas de rappel, inutile, après une telle démonstration le public a compris d'instinct n'y a rien à demander, rien à ajouter.

    CRITTERS

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    Tels qu'en eux-mêmes. Tranquilles comme Baptiste. Passer après Missiles of October ne doit pas être facile augurez-vous. Même pas peur. Sont des adeptes du trash punk, ils en ont vu d'autres. Se regardent tous les matins dans la glace, et ils ont beau insister ils n'arrivent pas à rougir d'eux-mêmes. Possèdent eux-aussi une philosophie de la vie. Jugeront la formule trop prétentieuse mais leurs lyrics, ils chantent en français, ne trompent pas. Portent un regard sans illusion - La mort en marche, Hybride TV-Net - sur la réalité sociale de notre vécu. Celui des human beings mais aussi des animals tout aussi beings que nous. Notre organisation sociale n'est point tendre, ni avec les uns, ni avec les autres.

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    Ne sont pas bêtes, mettent le plus fort devant. Un corps de rêve. Les filles, calmez-vous. Une musculature impressionnante. L'arrive même à arborer un modèle d'iroquoise qui n'appartient qu'à lui. Certes il est tout calme mais s'il vous allonge sa basse sur la tête vous êtes mort. En retrait, ils ont disposé les deux guitaristes, le brun sur notre gauche, le blond à droite. Ne pensez pas à des plantes grasses devant les portes de réception des hôtels, une fois que vous les aurez entendus étendre leurs doigts sur leur cordage, vous comprendrez qu'ils en usent des riffs comme ces cacte qui lancent leurs dards empoisonnés sur toute personne qui passe un peu trop près de leur zone de protection. En plus ils doivent être davantage trash que punk puisqu'ils arborent de conséquentes chevelures. Ne doivent pas aimer leur batteur parce qu'ils font bien attention à le cacher à nos regards en se mettant systématiquement devant lui. Doivent juger qu'il fait trop de bruit. Ce qui est vrai mais c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité.

    Car quand ils commencent que vous apercevez que vous avez intérêt à être Sans Illusion. Sont des gars qui ne ménagent pas vos tympans. Oh ! C'est bien fait, n'économisent pas leurs peines pour vous faire tomber dans leur piège. Vous transforment en ces fines guêpes qui foncent droit dedans vers ces récipients remplis de liquide confituré, une fois dedans impossible d'en ressortir. Z'ont aménagé leur musique en bel appartement, meublé avec goût et avec soin. Vous vous sentez chez vous, mais très vite vous comprenez que vous vous êtes fait avoir. Ce n'est pas qu'ils vous empêchent de quitter les lieux, laissent la porte grande-ouverte, mais vous vous apercevez que vous avez élu domicile dans un T 5 de luxe hélas totalement kaotique. La structure des pièces ne cessent de changer. Vous vous installez dans un fauteuil, plank ! une cloison s'abat sur vous, vous vous allongez sur le lit, blink ! le plafond s'abaisse brutalement avec la manifeste intention de vous écraser, vous êtes dans de beaux draps, vous vous mettez à l'abri dans la salle de bain, plunk ! plunk ! le pommeau de la douche vous prend pour un punching ball, en désespoir de cause vous vous réfugiez dans le frigidaire, krinchk ! il se transforme en grille-pain. Tout ce qui se précède pour vous faire entendre comment fonctionne la musique des Critters. Au début tout semble carré, un monde ordonné et efficace, mais c'est un faux-semblant, sont les adeptes des glissements de terrains sans préavis, des bombes explosent sous vos pas, des jungles luxuriantes envahissent les jardins, les soirs de Pleine lune vous vous métamorphosez en loup-garou, le lotissement se mue en labyrinthe, vous êtes perdu, vous craignez pour votre vie. Mais le pire c'est que vous y prenez goût, que cela vous change de votre train-train mortuaire, les Critters vous permettent enfin de vivre intensément.

    Les Critters réalisent ce miracle de vous engluer en un long générique de film anamorphosant, à partir d'une musique des plus primaires – rock'n'roll punk – ils vous jettent dans un monde d'effrayante complexité. De quoi nous laisser perplexe. Une musique aussi compacte qu'un iceberg mais qui dessine sur vos verreries intérieures des friselis aussi subtils que les cristaux de givre sur les carreaux des fenêtres en hiver. Oui mais comme ces gars-là sont aussi des responsables par leurs sets surchauffés du réchauffement climatique, notre automne s'avère de braises brûlantes. Pas étonnant qu'après leur prestation l'assistance était trempée de sueur.

    Damie Chad.

     

    BETTER DAYS

    MISSILES OF OCTOBER

    ( Pogo Records 075 / 2016 )

     

    Lionel Beyet : bass & scream / Bob Seytor : drums / Mathias Salas : guitar & scream.

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    Artwork : Sisca Locca. C'est elle qui se charge d'illustrer les couvertures des disques de Missiles of October. Si pour le premier album Don't Panic elle a opté pour une image choc, un fusil mitrailleur qui vous tire carrément dans les yeux, ici si vous apercevez ce Better Days dans un présentoir quelconque, vous risquez de le confondre avec un album de chansons pour enfants. Ces trois têtes de chats qui semblent jouer du pipeau – regardez de plus près, il s'agit de bombe – n'est pas sans évoquer le matou-vu Hercule, plus bête que méchant mais somme toute sympathique, qui sert de faire valoir à Pif Le Chien dans la célèbre bande dessinée de José Cabrero Arnal. Le fond jaune pâle du motif ne dément en rien l'impression première. C'est un peu une constante chez de nombreux dessinateurs issus de la mouvance punk de privilégier le rire grinçant et le comique sardonique pour mettre en images notre réalité. En tout cas la pochette cartonnée à trois volets est une belle réussite acidulée. Vous retrouvez Sisca Locca sur son FB, ensuite laissez-vous guider.

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    State of crisis : le sound quelque peu domestiqué si l'on pense au concert. Play loud, dirty and angry, svp. Par contre le vocal est mis en avant comme si le message primait sur son enveloppe ce qui change la perspective d'écoute. Mais pas d'inquiétude le turbo-sound est là, vous ratiboise vos illusions sans encombre pour les décombres. Compressé et arasif. Gigantesque hachoir mécanique. No brain, no headache : le début explose, les fusées de guitare giclent de tous côtés, un délire metallique qui réussit le défi de ressembler à un début d'émission de TV américaine qui vous vante les bienfaits du dernier médicament à la mode. Bientôt vous sombrez dans un informe cliquetis avant d'être écrasé par le rouleau-compresseur sonique. Abattage de bûcheron final. Satisfaction in nothing : rythme pimpant pour voix mortuaire, des clous de guitare, des trombes de batterie, they can't get no satisfaction eux aussi, mais ce coup-ci la révolte est totale et métaphysique, l'on n'est pas dans un petit malaise existentiel de bobo dépressif, le morceau finit par agoniser comme un python privé de son maître qui préfère se laisser crever que ramper dans les tuyaux du cloaque humain. Better days : il y a des jours où l'on hait le monde entier, sans doute sont-ce les meilleurs car l'on peut hurler à foison, foncer à 180 /km sur ses guitares et frapper de toutes vos forces sur le couvercle du pot de confiture où vous renfermez les cervelles de vos voisins. Ce violent morceau s'arrête trop tôt, c'est normal les horreurs les plus courtes en paraissent encore plus horribles. Everyday : lourdeur désespérée de votre quotidien, le morceau se traîne comme le serpent du blues, ces écailles cliquettent comme des cymbales, hurlement de ceux qui l'aperçoivent, mais comme dans les tragédies grecques, vous n'échapperez pas à votre destin et il ne vous reste plus qu'à implorer la mort de se porter à votre secours. Vous n'auriez pas dû, vous ressemblez à ces cochons que l'on égorgeait dans les cours de ferme. Couinements infernaux. Final pompéïen, le volcan explose, la lave brûlante vous engloutit. Sale bête, vous mettez du temps à crever, faut vous achever à la barre à mine. Loser : ( + guitar : Ralf Jock ) : les guitares relancent le moteur cacochyme les premières secondes, mais après ça tourne comme un moteur d'hydravion qui ne trouve ni fleuve, ni mer, ni lac, pour se poser. Ce n'est pas de votre faute, ni de votre gloire, vous êtes un perdant pas du tout magnifique. C'est clair le monde entier et cette guitare maintenant guillerette se moquent de vous. Chainsaw : dans la série je vous découpe à la tronçonneuse parce j'en ai assez, tout ce qui bouge subira le même sort. Zut je me suis tranché la tête, le morceau s'arrête plus vite que prévu, j'étais un peu trop énervé. Problems : les problèmes vous prennent la tête. Inutile de courir, c'est dans votre cerveau qu'ils klaxonnent, même docteur Freud ne s'y retrouvera pas dans ce nœud de serpents complexés, alors galopez comme si le diable était à vos trousses. Pas de panique il y a déjà longtemps qu'il squatte votre cervelle. Blah Blah Blah : le rythme s'accélère encore, font vraiment beaucoup de bruit pour ce rien qui tourne en boucle dans votre esprit volatile. A la batterie Bob casse du baobab alors Lionel et Mathias vrombissent comme s'ils avaient des ailes de fer aux talons. Effort inutile, ils ne tarderont pas à s'écraser. Two feet in sludge : rythmique pesante et collante, vous pataugez dans la boue de votre existence, la musique comme une ventouse de marécage qui vous attire inexorablement vers le fond vaseux. Ailleurs l'herbe des cercueils n'est pas plus verte. Enfoncez-vous les clous de la boite funèbre dans votre tête. Musique et voix s'affolent. Et puis s'arrêtent. Vérifiez si vous êtes encore vivant.

    Félicitations à Ralf Jock et Guido Lucas qui ont présidé à l'enregistrement et au mixage. ( Sthor Sound Studio / Germany ). Rares sont les enregistrements de groupes de metal qui parviennent à une telle netteté, à un tel profil sonore.

    Damie Chad.

    VOLK

    AVERAGE AMERICAN BAND

    ( Romanus Recods / Novembre 2017 )

     

    Christopher Lowe : vocals, guitar / Eleot Reich : : vocals drums.

    Plus que temps de chroniquer ce sophomore – mot typiquement américain qui désigne les étudiants de deuxième année - EP de Volk qui avait estomaqué la Comedia, lors de leur concert du 23 septembre dernier ( voir KR'TNT ! 431 du 26 / 09 / 2019 ). Ah cette version de Summetime Blues qui tinte encore dans nos oreilles ! Depuis ils sont retourné aux Etats-Unis où ils enchaînent les dates..

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    Lorsque vous retirez le disque de son plastique, vous vous apercevez que la pochette papier rigide n'est fermée que sur un seul côté. L'or de l'initiale V – qui tranche joliment sur le fond noir – jure quelque peu avec la galette rose bonbon et son étiquette centrale blanche. C'est un peu la spécialité de Romanus Records les tirages qui vous arrachent l'œil ! Allez faire un tour sur leur FB. Vous remarquerez l'anamorphose du V de Volk qui se change en tête de vache ! Mais comme un disque se regarde aussi avec les oreilles, posons soigneusement le pink object sur la platine.

    Hat & boots : ça déchire aux premières notes, la guitare qui klaxonne – ce n'est pas une métaphore – la batterie qui fout un potin de tous les diables et la voix d'Eleot qui vous présente la garde-robe. J'ai bien peur qu'on ne l'embauche pas dans une boutique Chanel mais dans un groupe de rock c'est parfait, elle vous crie dans les oreilles comme une mégère désapprivoisée et vous a de ces trémolos terminatifs bouleversants. Rajoutez que par-dessous Christopher vous glisse sans avertissements quelques éclats de guitare aussi sympathiquement que s'il vous balafrait le visage avec un tesson de bouteille. La réserve personnelle du patron en plus. Land of toys : ah ces ricains, sortent d'une bagarre dans un bar pour entrer dans une église. Reprenez vos esprits en écoutant les doux sons de l'harmonium. Le Seigneur en personne doit avoir quelque chose contre nous, Eleot caquette comme trois cents poules qui viennent de s'apercevoir que le renard est entré dans le poulailler. Brave gars, Christopher se précipite pour rétablir la situation, se sert de ses riffs comme d'un balai géant pour écraser les malheureuses gallinacées qui du coup piaillent encore plus fort. Ça se termine bien, les jouets montent dans une fusée transplanétaire qui démarre aussi sec et une somptueuse musique de générique les emporte vers une nouvelle guerre des étoiles. Respirez le cauchemar est fini. January : Eleot minaude de sa voix pointue, elle n'en n'oublie pas pour autant de poinçonner des parpaings en béton précontraint sur sa batterie, le genre de passe-temps qui n'a pas l'air de plonger Christopher en dépression. Vous donne l'impression qu'il prend un plaisir fou à lui tirer des rafales de guitares à balles réelles. D'ailleurs le morceau est assez court. L'année commence mal, il a dû la tuer. Honey bee : ( + Chris Banta : vocals ) : à voir la manière dont ses cordes dansent une monstrueuse gigue de joie, Christopher doit être satisfait de ce ce qu'il a fait, mais non the gal is en pleine forme, il se prend le délire verbal en plein dans les esgourdes, en plus elle s'énerve salement sur sa caisse claire qu'elle pilonne avec des envies de meurtre, Christopher essaye de baisser le son, mais non ça ne sert à rien, elle en profite pour prendre toute la place, alors il remet les gaz et c'est reparti pour l'enfer. Elle vous hache à l'ultra-rapide la batterie à coups de batte de baseball, et lui s'envole avec sa guitare en imitant le bruit d'une fusée qui démarre sur Cap Canaveral. Ouf, le calme revient dans votre appartement. Vous avez survécu. Mais expliquez-moi pourquoi vous vous précipitez pour la dix-septième fois de suite pour le réécouter.

    Chez Romanus Records ils ne lésinent pas sur la qualité du vinyle, presque aussi épais qu'un porte-avions. C'est cela les américains question rock, ils savent faire.

    Damie Chad.

     

    LONG CHRIS PARLE

    DE JOHNNY HALLYDAY

    ( sur You tube / Radio-Web-Passion )

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    Un enregistrement émouvant. L'on pourrait s'attendre au pire. L'on connaît la brouille entre les deux hommes suite au mariage de Johnny avec la fille de Chris. Ne se sont plus jamais parlé. Chris opposant un digne silence aux questions oiseuses. Mais là il se livre. L'interview a été réalisée après la disparition du chanteur. Non Chris n'écoutera pas le disque posthume, il n'en a pas envie. Mais il avoue qu'il aurait aimé être de ceux qui portaient le cercueil sur leurs épaules à la Madeleine. On n'enterre pas une amitié quelles que furent les fâcheries qui lui ont mis fin.

    Et le vieux rocker replonge dans sa jeunesse. Les plus belles années de sa vie. La rencontre avec Johnny, le pacte de sang passé entre les deux adolescents, et nous voici au cœur de la légende, racontée non pas par un témoin mais par un de ses activistes. L'écorne quelque peu. Non la bande de la Trinité n'était pas formée de blousons noirs, une dizaine de jeunes gens en cravate qui buvaient du Coca et Johnny, accompagné de Chris et d'un ou deux copains sur un banc, qui proposait aux filles qui passaient de leur chanter une chanson...

    Johnny ne s'est pas fait tout seul. L'a absorbé ce que lui proposait son époque : les poses quasi-métaphysiques de James Dean, le charisme étincelant de Marlon Brando, et le rock'n'roll, les premiers disques de Presley, de Bill Haley, de Gene Vincent. N'étaient pas très nombreux sur Paris à s'intéresser à cette musique. Les bandes de blousons noirs de Bastille et de République certes, mais aussi une autre composante, une jeunesse plus proprette qui se réunissait pour danser en les rares endroits qui passaient ces rythmes nouveaux... Milieux populaires et petits-bourgeois...

    Mais il n'est pas que Johnny au monde. L'itinéraire de Long Chris est aussi des plus intéressants. S'est d'abord intéressé à la musique noire américaine, puis aux chansons de cowboys, pour finir par subir le choc d'Elvis... Long Chris et les Daltons fut le premier groupe '' country-rock'' français. Chris n'en garde guère un bon souvenir. On lui imposait des morceaux qu'il n'aimait pas. L'adversité n'est pas une mauvaise chose en soi, elle n'est que la face visible de la stimulation. Chris décide d'écrire ses propres paroles. L'est un intello, un autodidacte, mais il a lu – Balzac, Zola, Prévert - et lorsque Johnny le presse de composer ce qui deviendra La Génération Perdue, il ne sait pas qu'il est en train de jeter les bases culturelles du rock'n'roll français et par ricochet d'aider Johnny à incarner son propre personnage. Chris s'attarde sur la composition de Voyage au Pays des Vivants, qu'il qualifie d'écriture surréaliste. D'après moi, ce morceau relèverait plutôt d'une esthétique rimbaldienne, mais là n'est pas le sujet... L'on regrettera que le projet du disque sur l'adaptation des Chants de Maldoror ait été abandonné...

    Long Chris ne se contente pas d'écrire pour les amis, il enregistre en 1966 l'album culte Chansons Bizarres Pour Gens Etranges, une espèce d'ovni poético-beatnick égaré sur la planète France, réédité en 2016 chez Rock Paradise Records de Patrick Renassia ( in Kr'tnt ! 344 du 19 / 10 / 2017 ). Le temps passe Chris décroche du métier et devient antiquaire, féru de Napoléon et spécialiste des petits soldats de plomb... Mais les assassins retournent toujours à leur crime initial et Long Chris sort un tome 2 et puis un tome 3 de ces gens étranges. Tout fier d'atteindre les cinq cents exemplaires vendus.

    L'évocation de son livre – un des deux meilleurs sur le sujet - Johnny à la Cour du Roi – chroniqué dans KR'TNT ! 283 du 26 / 05 / 2016 – sera l'occasion de replonger dans les années les plus tumultueuses de la vie de Johnny... Ce Johnny qui n'est plus le rocker des débuts mais qui est devenu un très grand chanteur. Chris est fier d'avoir avec quelques autres contribué aux fondations de cette tour de guerre que fut Johnny. Johnny menteur, Johnny solitaire, Johnny fabuleux, Johnny tel qu'en lui-même il s'est édifié.

    L'ensemble avoisine une heure et demie, mais il aurait pu durer trois fois plus, souvent Chris effleure à peine des domaines sur lesquels on aurait aimé qu'il apporte des précisions, mais en fin de compte ce n'est pas le plus important. A la fin de l'interview l'on ressort bouleversé, par cette fidélité exprimée si simplement, il nous semble que Chris s'est réconcilié avec Johnny mais surtout avec lui-même. Les derniers mots, plus forts que la mort, sont d'une beauté incandescente.

    Damie Chad.

  • CHRONIQUES DE POURPRE 225 : KR'TNT 344 : LORDS OF ALTAMONT / SPUNYBOYS / STEVE PEREGRIN TOOK / ( LONG )CHRIS / TRY ROCK & ROLL / TWILIGHTERS / BLUES & CO

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 344

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    19 / 10 / 2017

    LORDS OF ALTAMONT / SPUNYBOYS

    STEVE PEREGRIN TOOK / ( LONG ) CHRIS

    TRY ROCK'N'ROLL / TWILIGHTERS / BLUES & CO

    Altamont là-dessus et tu verras Montmartre - Part two

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    Jake Cavaliere semble sortir d’une cour de lycée. En tous les cas, il refuse de devenir adulte. Haut et mince, on ne voit que lui. C’est le but. La rockstar doit se voir comme le nez au milieu de la figure. Et ce plus que dans n’importe quel autre domaine artistique. Quelque chose dans sa physionomie indique clairement une sorte de prédisposition. Dans l’Égypte antique, le paysan qui voyait passer Pharaon sur son char devait se dire la même chose. Ce n’est pas vraiment une affaire de grâce. Parlons plutôt d’une affaire de configuration atypique, d’une stature, d’un certain port de tête, en somme, quelque chose de très concret qui finit par confiner à l’abstraction. Rien à voir avec la beauté. Jake Cavaliere n’est pas beau, loin de là, mais il dégage quelque chose de spécial. Chez lui, la minceur revêt un caractère pathologique puisqu’elle remonte jusqu’au crâne qu’on dirait aplati des deux côtés. Sa coiffure de cheveux plaqués renforce encore cette impression, ses cheveux encadrent son visage comme le ferait un casque de centurion : deux garde-joues de cheveux noirs descendent jusqu’au bas de la mâchoire se fondre dans des rouflaquettes mal fournies. Son visage paraît taillé en sifflet et ses petits yeux renforcent encore l’impression de croiser une fouine humaine. Il n’observe pas la salle du bar, il l’introspecte avidement. Ses cheveux noirs de jais paraissent taillés pour épouser la forme de son crâne étrangement oblong. Jake Cavaliere est ce qu’on appelle chez certains cinéastes une trogne. Quand Federico Fellini et Jean-Pierre Mocky montaient le casting d’un film, ils partaient à la chasse aux trognes. C’est la raison pour laquelle leurs films frappent tellement l’imagination des gens : ça grouille de trognes. Les trognes rendent les situations burlesques. Elles renforcent considérablement le pouvoir d’évocation. Elles donnent du sens à la grandiloquence du trash. Elles rendent certaines scènes inoubliables.

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    Pour consolider ses effets, Jake Cavaliere soigne bien sûr son accoutrement. Il ne porte que du noir : blouson de biker angelino avec le nom du concessionnaire dans le dos (Johnson Motors. Inc. United States Distributor. 36 W Colorado Street. Pasadena. California), jean taille basse et très gros ceinturon à boucle posé sur le bas des hanches, grosse chaîne de portefeuille à la pendouille et du tatouage en veux-tu en voilà. Les ailes d’un aigle remontent de l’encolure du T-shirt jusque sous la mâchoire et confèrent à sa pomme d’adam un statut impérial. Le mot LOVE est tatoué sur les doigts de la main droite et LOST sur ceux de la main gauche. Et quand il ôte son cuir pour jouer sur scène, il montre la suite de son impressionnante collection : sur ses bras, il ne reste pas un seul centimètre carré de peau qui ne soit pas tatoué. Jake Cavaliere ne fait pas les choses à moitié. C’est la raison pour laquelle on l’aime bien. Le ronchonneurs diront qu’il n’invente pas la poudre. Jake pourrait leur répondre qu’il n’est pas là pour ça. Dans un mauvais western spaghetti, il ajouterait qu’il est surtout là pour la faire parler.

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    Les Lords Of Altamont figurent aujourd’hui parmi les rois de la scène. Leur rock plonge des racines avides dans la culture du fameux Californian hell (bikes, death, drugs & Lucifer), dans une tradition garage qui remonte aux Standells et aux Seeds, dans la vampirisation de la Stonesy, dans l’énergie du all nite long typique des surdoués de la défonce angelinote (les Calforniens ont toujours mis un point d’honneur à pulvériser tous les records - hédonisme pour David Crosby, trash éthylique pour Charles Bukowski, wild acid overdride pour Dickie Peterson - et ce qu’on en sait montre que ça va si loin qu’on se demande comment ces gens-là s’y prennent pour agir avec autant de panache. Car vous le savez bien, lorsqu’on est vraiment défoncé, ça peut devenir compliqué de briller en société). Cette notion de démesure est capitale, en ce qui concerne Jake Cavaliere. Tout l’édifice des Lords repose sur cette démesure. Ce serait un château de cartes si Jake Cavaliere n’était pas aussi bon. Il n’en finit plus de consolider son impact scénico-icônique. Il semble qu’avec le temps, les Lords s’améliorent encore. Il se pourrait aussi que les bonnes vibes de l’Escale viennent encore renforcer cette nette impression d’amélioration. Ce bar havrais est un lieu taillé sur mesure pour recevoir un groupe comme les Lords. On peut même parler de conditions idéales : salle sans prétention, public sans prétention et groupe sans prétention. L’essence même du rock - the hardest core of rock’n’roll, dirait Mick Farren - et l’impression toujours plus nette que ce bar havrais devient le lieu idéal pour les concerts de rock. L’anti-thèse de la Gaîté Lyrique.

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    Si tu vas les voir jouer sur scène tu en auras pour tes dix euros. Tu passeras une bonne soirée, ce qui est toujours le but de l’opération. Tu verras opérer la magie d’un groupe américain et tu comprendras que ces gens-là amènent dans le rock une énergie spécifique. Tu comprendras aussi que le garage reste malheureusement l’apanage d’une petite élite. Quand on traîne au Cosmic, on voit trop de groupes misérables se priver d’avenir. Le garage est un genre ô combien difficile. Il ne suffit pas de porter une chemise à pois. Il faut s’appeler Jake Cavaliere, Kid Congo ou Leighton Koizumi pour savoir jouer à ce petit jeu, c’est-à-dire qu’il faut avoir les moyens physiologiques de l’incarner. Comme lorsqu’on parle du punk-rock : il faut s’appeler Steve Jones pour que ça marche, sinon, on voit à travers.

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    Jake Cavaliere s’est voué à son art, comme on entrait jadis en religion. Son set vaut tout l’or du monde, ses albums tiennent joliment la route. Une heure trente de set et pas un seul déchet. Les Lords stompent et blastent à tours de bras, ils n’en finissent plus de réinventer ce vieux garage complètement éculé. En rappel, ils font même une reprise du «Live With Me» des Stones, histoire de rappeler à un public qui n’achète plus de disques que Lords Take Altamont est le meilleur album de reprises des Stones de tous les temps. Mais ça, on l’a déjà expliqué en long, en large et en travers dans le Part One. Sur scène, Jake sort le grand jeu, il secoue la paillasse de son orgue, lui grimpe dessus, prend des poses historiques, il saute, il se cabre, il n’arrête pas une seule seconde, il redonne du sens à l’esthétique de l’art scénique, ça tombe bien, car on est là pour ça. Ce mec pense à tout, il crée des liens avec le public, le remercie d’être venu et Dino, le guitariste aux cheveux crépus, envoie un double blast de giclée riffique, histoire de ratatiner les dernières poches de résistance.

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    Les Lords pulsent un garage jouissif qui ne se prend surtout pas au sérieux. Ils sont à la fête et nous aussi. Ils renouent avec la tradition perdue des grandes fêtes païennes, un temps où les âmes communiaient spontanément dans l’animalité, en dehors de toute contrainte morale et esthétique, comme disait le despote Breton. T’as voulu voir Vesoul et t’as vu Altamont, t’as voulu voit Montmartre et t’es monté là-dessus pour voir les Lords. Bim bam, «Like A Bird» sonne comme l’uppercut de Marcel Cerdan, ah les fesses d’Edith en savent quelque chose, et bam bim boum, tiré de Midnight To 666, «Get In The Car» bingotte en plein dans le mille du bigorneau. Le set des Lords tourne comme une grosse cylindrée de ramalama, la métaphore est si parfaite que ça file sous les étoiles, ils ressuscitent «Action» et «$4,95», deux vieux coucous de Lords Have Mercy, et même ce vieux «Live Fast» qui fit tant d’étincelles, ces mecs jouent les infatigables, comme s’ils transpiraient à peine, ça blaste à qui mieux-mieux, on va de garage drive en garage share, de garage down en garage up, ça shebamme, ça powe, ça bloppe et ça wizze comme au temps béni des sixties, mais avec une dimension cavalierique sourde et profonde, quelque chose qui n’appartient qu’à lui. On parle ici de transsubstantiation garagiste.

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    Le roadie des Lords vendait The Wild Sounds Of The Lords Of Altamont 25 euros. Un peu cher mais qu’est-ce qui n’est pas cher aujourd’hui ? Tiens, tant qu’on est dans les interrogations existentielles : c’est un bon album ?

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    La réponse est dans la question amigo, tu n’as qu’à mettre la galette sur ton pick-up et tu verras arriver «Like A Bird» comme un énorme slab de hard drive monté au beat rebondi car frappé si sec. Tu noteras l’admirable aisance des Lords à pulser le pulmonaire du garage et Dani Sindaco va même te shooter des petites giclées d’adré à point nommé. Jake t’y raconte l’histoire d’une bird qui se prend pour un bird. Alors il la somme de se décider : Stay or go/ Go go go ! S’ensuit un «Been Broken» beaucoup plus énervé, une sorte de petit prodige d’anti-équilibre. Les Lords vont vite et ne craignent pas de se casser la gueule, emportés par leur élan, ils dévalent une forte pente caillouteuse à toute allure. Autre surprise de taille : Jake Cavaliere sonne parfois comme Iggy. Tu en as la preuve dans «Going Downtown» (il retrouve les accents de l’Iggy d’«I Got A Right») et dans «Can’t Lose» (Jake descend les marches chromatiques comme l’Iggy de Let’s go down to my favourite place). Autre bonne raison d’adorer ce disk : «Take A Walk», joué dans la première partie du set au heavy stomping psychhhh, un stormer d’une redoutable efficacité. Jake y bombarde son beat. Voilà un cut bien binaire et donc idéal pour des brutes comme les Lords. La surprise vient surtout d’une reprise d’«Evil», l’un des classiques que composa Big Dix pour Wolf. Jake y joue la carte du guttural. Il a raison, car il peut aller screamer au fond du bois et tu te régaleras de la belle bassline de Rob Zimmermann. Voilà une cover dynamique en diable, ce qui semble logique, vu le titre. L’autre classique garage se trouve en B : «Death On The Highway». Les Lords ne traînent pas en chemin, ils savent trousser un hit de garage pressé. Par contre, les textes de Jake ne volent pas très haut - Blood on the concret/ Better move along - Leurs cuts n’ont d’autre mérite que leur effarante efficacité. Le «Where Did You Sleep Last Night» n’est pas celui de Wolf, ne rêvons pas. Il s’agit d’un simple cut de rock nappé d’orgue et emmené à marche forcée vers le néant luciférien du fatidique Californian Hell.

    Signé : Cazengler, Lord of Altéré

    Lords Of Altamont. L’Escale. Le Havre (76). 10 octobre 2017

    Lords Of Altamont. The Wild Sounds Of The Lords Of Altamont. Heavy Psych Sounds 2017

    12 / 10 / 2017 / LAGNY-SUR-mARNE

    LOCAL DES LONERS

    SPUNYBOYS

     

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    C'est la faute à Totone rencontré par hasard sur le quai de la Gare de l'Est alors que nous étions en train d'attendre un train annulé. Remarquez que si le banlieusard convoi était hors-circuit le billet n'était pas remboursable... Donc Totone qui me remet la pendule mémorielle à l'heure «  On se voit vendredi aux Loners avec les Spuny ? ». Ouf merci, j'ai failli manquer le ravage de l'année ! Première fois que je dois remonter deux fois la longue et large rue pour que la teuf-teuf puisse se glisser dans un interstice stationnaire. Un monde fou, à croire que tous les bikers de la terre et tous les amateurs de cet old style qui never dies, se sont donnés rendez-vous. Qui oserait rater le concert de rentrée des Loners ? A l'intérieur c'est la caque de harengs saurs, d'ailleurs c'est quand on sort pour se rafraîchir entre les deux sets qu'un bouchon d'autoroute du 15 août vous oblige à prendre patience. Pour ma part j'y ai renoncé. Tout compte fait les Spuny me suffisent. Qu'avons-nous besoin de fraîcheur nocturne quand le rock'n'roll flamboie !

     

    POUR UNE APPROCHE SCIENTIFIQUE

    DU SCHEMA FONCTIONNEL

    DES SPUNYBOYS

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    Pas besoin de grand-chose pour monter un combo à la Spunyboy. Suffit d'un batteur. Précisons, pas n'importe quel batteur, pas un qui bat de l'aile, ni un qui branle bas, par contre obligatoirement un qui bat comme plâtre, un qui cherche la bâton pour vous abattre, un qui bataille victorieuse, qui batte de baise ball and chains , qui baratte à mort, qui balourde à bâbord et qui balance des armures d'amure à tribord, ne cherchez pas sur la mercuriale du marché, il n'y a en qu'un, un certain Guillaume qui, par hasard balthazar, bosse chez les boys spuniaques. Suffit pas de battre le beurre rance, faut encore la frappe idoine. Exacte, au pétale de pivoine près. Faut que ça pète sec et que ça loufe lourd. Pas de résonance, pas de réverbération phonique, le coup et c'est tout. Pas doux, plein atout. Pas besoin de s'attarder, l'on passe au suivant sans attendre. La grosse caisse à bout portant, la charley qui ne chuinte pas, les toms à l'atome et la caisse claire très foncée. Bref le Gui-Gui il vous bâtit le squelette, pas le genre femmelette aux bras d'allumette, non des murs de fémurs, des ténèbres de vertèbres, des cumuls de mandibules, des plate-bandes d'omoplates, un stentor pantocrator, un terminator qui vous alligatorise d'une seule frappe.

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    Une fois que vous avez déniché le rapace, vous êtes tranquille. Plus besoin de rien. Ou plutôt deux fois rien. Mais pas de ceux qui foutent rien. Sur la gauche, vous posez un bassiste. Rien de plus simple qu'un bassiste. Prenez le premier qui passe – par exemple celui-ci qui s'appelle Rémi et qui officie chez les Spunic Boys - et filez-lui une contrebasse. Ne confondez pas avec une haute-contre. Rien à voir. D'abord pensez à l'esthétique. Qu'il ait une banane hippopotamique, pharaonique, porte-avionique, supersonique, cela vous habille un rocker encore plus qu'un perfecto, mais ce n'est qu'un détail, qui tue. En plus vous voudriez qu'il sache jouer de la contrebasse ? Non c'est inutile. Sont des milliers de contrebassistes à jouer de la contrebasse dans le monde. Aucune imagination. C'est d'un vulgaire inouï. Ne s'agit pas de jouer de, mais de jouer avec. Verbe du premier groupe à polyvalence variable vous enseigneront les narratologues. Faut qu'il soit comme le gosse à qui vous venez d'offrir un train d'électrique qu'il vous le jette en l'air et qu'il vous le piétine de rage en hurlant. Pas question qu'il commence sagement à assembler les rails, exigez le déraillage immédiat, préférez qu'il plante sauvagement les wagons dans le bras de sa petite sœur avec un sourire d'enfant chérubinique de chœur. Ensuite ne pensez plus à rien. Laissez faire la nature. Elle revient au galop. Pas spunique, hunique.

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    Vous en avez assez avec les deux zigotos précédents ? Je vous conseille tout de même de poster un guitariste sur la droite, ce n'est pas qu'il soit indispensable, mais ça se fait dans le rock. Vous êtes les premiers à rouspéter au resto quand il manque une saucisse de Strasbourg dans votre choucroute. Prenons un exemple au hasard : tiens au pif, Eddie des Spuny. Un prénom rock de chez rock. L'est sur scène, bien sûr qu'il ne sait pas quoi faire, alors pour se donner une contenance, puisqu'il a une guitare entre les mains, faute de mieux, il en joue. Tout pour se faire remarquer. Personne ne lui demande rien. Mais il asperge les arpèges. A tout bout de champ. Dans l'incapacité totale de laisser ses deux camarades philosopher sereinement dans leur coin. Ramène sans arrêt sa fraise. A collerette. Pas le gars charmeur qui laisserait par mégarde s'échapper deux ou trois inoffensives couleuvres à collier, non pas du tout, vous darde d'aspics mortalifères destinés à vous envoyer ad patres au plus vite. Méfiez-vous, souvent dans le rock les guitaristes sont particulièrement venimeux. Celui-ci de la pire espèce. Du genre il n'est jamais crotale pour mal faire.

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    Bon voilà, j'espère avoir été assez clair, la mécanique est remontée. Action !

    THE SPUNYBOYS !

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    Scène un peu étroite pour les Spuny. Guillaume est aux anges, squatte à lui tout seul les deux-tiers du territoire. Trône au milieu, derrière les pièces de son artillerie. Lance la poinçonneuse sans tarder. L'a tous les plans dans ses poings. L'a raccourci les protocoles. Maximum d'efficacité et de force de frappe. Minimum, il ne connaît pas. N'a pas l'article en son rayon d'action. Et l'active dur. Des tours de passe-passe hallucinants. Prend de travers les chemins de traverse, ça les remet droit. Ligne directe. Héphaïstos dans sa forge forgeant le bouclier d'Achille. Du solide, parce que les deux autres héros ils n'apprécient pas le carton-pâte. Leur faut du solide. Leur sert de la tamponnade brevetée. Il pleut des grêlons de la grosseur d'oeufs d'autruches. Ça claque et ça cloque. N'arrête pas une seconde. L'est le démiurge primordial. La grosse aiguille de l'horloge qui indique l'heure d'envol et certifie celle du retour. Décide de tout, du poing final comme du lever du soleil.

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    Rémi s'adonne à son sport favori, le lancer de contrebasse. Maîtrise parfaitement. Le plafond bas ne lui permet pas les envolées lyriques, l'est privé de ses apothéoses altitudinales habituelles. Qu'à cela ne tienne il n'est pas à court d'imagination, sautille et gambade à côté d'elle avec la grâce d'une gamine de dix ans qui saute à l'élastique en cour de récréation, ou alors il saute dessus et tend une jambe bien haut en petit rat d'opéra qui toute fière tente d'atteindre la rampe d'exercice avec son chausson, parfois s'assoit dessus tout en haut et fait le pitre, tout en la faisant tourner sur elle-même, puis l'arrête, vous regarde avec des yeux rigolards, prend subitement la pause du Penseur de Rodin, fauche une casquette du premier rang, fait mine de donner quelques coups de pieds furibards à ses collègues, redescend enfin de son perchoir et continue à plaquer ses accords comme si de rien n'était. Doit avoir un léger creux, se couche par terre et essaie de l'avaler par le manche. Mauvais goût ?

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    L'envoie balader dans le public qui l'emporte on ne sait où, mais la ramène comme le chien fidèle qui rapporte la balle à son maître.

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    Ne partez pas ce n'est pas fini. L'est comme l'Apache que vous croyez tenir dans la poigne de fer de vos bras puissants. Vous pensez le vaincre. Pauvre de vous, sa main glisse et la voici armée d'un large coutelas qu'il vous plante dans le dos. Ce traître couteau qui vous assassine Rémi le sort de sa gorge. Pousse la goualante tout le long. Du nouveau dans le répertoire. Tous les cinq titres un classique de Little Richard. Ma ! Ma ! Ma ! Aoûûûh our souls ! Sauvez nos âmes, c'est trop beau, trop fort, trop puissant, sur ces morceaux de braise les Spuny sont incandescents, batterie, basse et guitare, se collent à la voix, ne forment plus qu'une rythmique folle, l'essentiel de la sauvagerie rock, ne soulignent plus, accompagnent ! Folie noire ! Les alligators sortent de l'eau et vous rongent les pieds. Ne boudent pas pour autant le rock anglais. Vont même jusqu'à exhumer un morceau de Cliff Richard dans la veine de ceux qu'il a commis de mieux du temps d'Apron Strings, en introduction à l'héritage ted qu'ils atomisent sans pitié. C'est là que l'on voit la classe des SpunyBoys, vous démontent les morceaux, mélangent les pièces détachées et vous les restituent selon une géométrie différente à leur guise, encore plus percutants et surprenants. Du rockartb ! Du nouveau sur les formes anciennes. Chamboulement dans les concepts. Idem pour leurs propres originaux. Ne les ont pas améliorés. Ne se sont pas pris la tête en petit comité, les ont mitraillés sur scène, après mille et un concerts à leurs actifs, en sont métamorphosés. Z'avaient des kalachnikovs, sont devenus des missiles. Les Spuny peuvent tout se permettre. Z'ont leur côté country. Un grand amour pour Johnny Horton par exemple. Mais quand ils le mettent en scène, rien ne manque, ni la petite maison dans la prairie, ni les grandes soirées de biture dans le saloon, juste un petit ennui, les sioux sont passés par là, ne reste plus que des cendres et des corps criblés de flèches. L'herbe bleue du Kentucky flambe et le désastre avance.

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    Va falloir télégraphier aux parents de Rémi. On a perdu leur grand garçon, l'a sauté dans la foule avec son instrument et le peuple cannibale des rockers s'est refermé sur lui. Moment d'angoisse, quel gaspillage, une contrebasse toute neuve, blanche comme une vierge de Raphaël, avec le logo des Spuny peinturluré en rouge hyménique sur sa peau ivoirine. Mais non, du fin fond perdu de la salle, il se lance dans un pharamineux solo tumultueux, Gui-Gui a capté le signal lointain, entre en communication avec lui, le guide pas à pas, tels les ingénieurs de la Nasa qui reprennent le contrôle d'une capsule égarée et la ramènent sur sa lampe de lancement. Ovation pour saluer son retour. Du coup il pose son engin contrebassiste sur ma tête, je suis ravi, je fais la promesse de ne plus me laver les cheveux jusqu'à ma mort. C'est qu'être au premier rang d'un concert des Spunyboys n'est pas de tout repos.

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    Un demi-mètre carré pour Eddie, apparemment ça ne lui suffit pas. Ce soir l'a l'âme vagabonde, un nomade insatisfait qui n'arrête pas d'échanger sa place avec Rémi. Le manche de sa guitare est trop long, dépasse de la scène, l'on jugerait qu'il cherche à vous assommer ou à vous éborgner. Prudentes les filles se reculent, reviendront en masse, lorsque Rémi dégoulinant de sueur tombera ses deux chemises successives, glapissent comme des hyènes et ricanent de plaisir en admirant ses pectoraux. Eddie reste insensible à ses frivolités féminines, l'est tout énamouré de sa guitare, ondule de plaisir chaque fois qu'elle miaule sur le toit brûlant de ses persillades riffiques.

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    Vous hache de ces grésils de notes qui vous entaillent le coeur, vous cisaillent le cerveau, que seraient les Spuny sans ses clous dont il vous transperce, il vous strombolise, il vous krakatoatise, il vous pitonise la fournaise. N'en peut plus, nous tourne le dos. Nous présente ses fesses – le monde s'affaisse - et fornique avec sa guitare. L'on ne voit rien, mais l'on entend sa longue plainte éruptive dont les échardes sonores nous déchirent les tympans et nous inondent d'une jouissance jusqu'à lors inconnue des rockers... Eloge de la folie disait Erasme, Eddie se coiffe d'un casque de moto ou se fond dans l'assistance pour que l'on sache de près à quoi ressemble une solophonie de guitare...

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    Difficile descente de scène, sont happés par le public émerveillé qui ne les lâche pas. Un concert de rêve. Le cauchemar des absents commence. N'en n'ont pas fini d'écluser leurs regrets éternels. Deux sets d'intensité incandescente.

    Damie Chad.

    ( Photos : FB : Rockin Lolo / Sergio Kazh Rockabilly Generation )

     

    Took it easy

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    Heureuse coïncidence : dans un numéro de Record Collector daté de mars 2017, Luke Haines rend hommage à Steve Peregrin Took. C’est probablement l’extrême rareté de ce genre d’hommage qui en fait un événement. Lucky Luke rappelle que 1969 ne fut pas une année érotique pour Took, car il la passa au ballon pour possession d’un joint. Il rappelle aussi que Took fit partie de Tyrannosaurus Rex, qu’il joua sur les trois premiers albums du duo, My People Were Fair And Had Sky In Their Hair But Now They’re Content To Wear Stars On Their Brows, Prophets, Seers & Sages The Angels Of The Ages et Unicorn et qu’il fut viré par Bolan à l’issue d’une désastreuse tournée américaine. Alan Vega se souvient très bien d’avoir assisté à cette débâcle lors d’un concert du duo à New York. Si on s’intéresse à ce prince de la désaille que fut Took, il est fortement recommandé d’écouter les trois premiers albums de Tyrannosaurus Rex, car il s’y passe des choses vraiment extraordinaires.

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    My People Were Fair And Had Sky In Their Hair... But Now They’re Content To Wear Stars On Their Brows parut en 1968. Marc Bolan y ramène «Hot Rod Mama» et «Mustang Ford» qu’il jouait déjà dans John’s Chidren, le Mod-band mythique qui l’avait accueilli en 1967, en remplacement de Geoff McClelland. À la fin du groupe, Marc dut restituer la Gibson SG et l’ampli. Pas grave ! Il ressortit aussi sec sa vieille acou Suzuki, se convertit au hippisme et engagea Took pour jouer des congas. Ils jouaient à deux, assis par terre sur des tapis.

    Avec «Hot Rod Mama», Marc invente le rockab hippie et il se met à bêler comme la chèvre de Monsieur Seguin. C’est d’une extraordinaire vitalité hippie. Mais ça marche uniquement parce que Took y croit. Ils se placent tous les deux sous le patronage de William Blake et John Peel les prend vraiment au sérieux. La version de «Mustang Ford» qui ouvre le bal de la B vaut largement le détour. Le parallèle avec le monde magique de Syd Barrett saute aux yeux, gentil monde d’étrangeté et d’innocence. Marc Bolan devient le prince des poètes du paranormal. Dans Bolan - The Rise And Fall Of A 20th Century Superstar, Marc Paytress fait un parallèle avec Donovan - un Donovan que Peely surnomme the prince of loveliness - Et puis avec Piper At The Gates Of Dawn et A Gift From A Flower To A Garden, le premier album de Tyrannosaurus Rex complète la trilogie du summer of love londonien. «Child Star» continuera de fasciner jusqu’à la fin des temps, car Marc chante ça à la savate traînée, avec du child star craché dans l’écume des jours. C’est stupéfiant de présence et complètement licornique. On sent l’ombre de Took planer sur un «Strange Orchestras» gorgé de cette volonté de transe londonienne. On les sent tous les deux déterminés à vaincre. Ils se spécialisent dans les beaux mantras, comme on le constate à l’écoute de «Chateau In Virginia Waters». C’est fou ce qu’à l’époque leur truc pouvait accrocher. Avec Chateau, on comprend les raisons pour lesquelles un bon gars comme Peely a pu craquer. Marc invente le neo-pyschedelic pastoral avec «Dwarfish Trumpet Blues», un fabuleux groove de drone hippie. En B, on tombe sur le fantastique «Knight», une transe épique et translucide. Voilà l’un des sons les plus intéressants du Londres d’alors, gorgé d’une énergie de bongos et de Took attitude. Ils étaient ce qu’on appelait alors des beautiful freaks, des créatures qu’on ne croisait que dans les rues de Londres, certainement pas à Paris. On tombe plus loin sur le joli freakout de «Weilder Of Words» et ils terminent avec un pur mantra, «Frowning Atahualpa», chargé de ces effluves orientales dont Londres raffolait à l’époque. On respirait tout ça chez Biba ou au Kensington market.

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    Avec Prophets, Seers & Sages: The Angels Of The Ages, Marc et Took s’affirment, Tony Visconti les produit et dès «Stacey Grove», ils sortent un son plus sourd et ineffablement judicieux. On sent nettement que Marc Bolan prend son envol, il chante à la corde sensible et bêle à l’occasion. L’amusant de cette histoire, c’est que ce hippie invétéré va devenir une glam-rock idol et même the godfather of punk. N’oublions pas que Captain Sensible le vénérait et que les Damned partirent en tournée avec T. Rex. On tombe en B sur «Salamanda Palaganda», un parfait délire hippie que Mark Paytress taxe de mesmerizing frenzy. C’est vrai qu’à deux ils parviennent à créer les conditions d’une espèce de transe. Quelque chose d’assez fascinant se dégage en permanence de ce concept sonore imaginé par Marc Bolan. En même temps, on ne sait plus si on écoute ces vieux albums pour Bolan ou pour Took. Encore un coup de Jarnac hypno avec «Juniper Suction». Took y prend le contre-chant. Et c’est avec «Scenesof Dinasty» que se joue véritablement le destin de cet album. Ce long poème fleuve joué aux clap-hands est un authentique coup de génie. Marc le chante si bien qu’on croirait presque entendre Dylan chez les hippies. Pur génie de la diction et du travail de souffle. S’il faut emmener un cut de Bolan sur l’île déserte, c’est forcément «Scenesof Dinasty». C’est là que Marc Bolan entre dans la légende.

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    Nouveau bond en avant avec Unicorn, paru en 1969. Il faut dire que les pochettes des trois albums sont particulièrement réussies : la première est une illustration féérique, la seconde nous montre Marc et Took photographiés en noir et blanc dans un parc et la troisième nous les montre tous les deux cadrés en gros plan. Ce troisième album du duo est une véritable pépinière de hits, à commencer par l’excellent «Chariots Of Silk», solide, envoûtant, gorgé d’adrénaline hippie et déjà T. Rexy jusqu’à l’os du genou. Ce cut sonne vraiment comme un hit, avec sa descente mélodique et ses tchoo-tchoo-tchoo à la Mary Chain. Marc Bolan se paye une belle tranche de décadence dans «The Threat Of Winter», une pop-song d’une effarante élégance, pleine de légèreté et de mystery bliss. On monte encore d’un cran dans l’extase avec «Cat Black (The Wizard’s Hat)». Marc Paytress rappelle que Marc est une fervent admirateur de Dion’s Runaround Sue sort of songs. Marc emmène sa mélodie au firmament, voilà un hit visité par la grâce préraphaélite et qui éclôt dans l’azur immaculé des sixties. Le génie de Marc Bolan s’y entend à l’infini. Par contre, la B est complètement ratée. On se consolera en rapatriant la réédition de l’album parue sur A&M en 2014. Il s’agit en effet d’un double album proposant sur le deuxième disque des choses qui ne figurent pas sur les albums officiels, comme par exemple le dernier single du duo Bolan/Took. N’ayons pas peur des mots : «King Of The Rumbling Spires» est pour le fan de base du duo un passage obligé : Bolan et Took s’électrifient. C’est du T. Rex avant la lettre, a riffy, mesmerizing gothic folly, avec Took on bass et Marc qui joue de la fuzzed-up reverberated guitar. C’est énorme et à l’époque, ça passa à l’as ! Voilà un hit qui sonne comme ceux des Move. Le Tyrannosaurus fait de l’œil au Brontosaurus à venir des mighty Move. Pure merveille ! La B-side du single s’appelle «Do You Remember», claustrophobique en diable. On trouve aussi sur ce disk de bonus l’une des ultimes démos du duo : «Once Upon The Seas Of Abyssinia». Mais attention, ce n’est pas fini. Il reste à écouter l’excellent «Ill Starred Man» qui sonne littéralement comme du Ray Davies. Stupéfiant ! Marc se rapproche de la raie de Ray et préfigure Bowie. Il est le maillon manquant du décadentisme dont on se fera les gorges chaudes un peu plus tard. Le dernier cut de la B s’appelle «Blossom Wild Apple Girl», une fois encore absolument brillant et sevré de décadence. La voix de Marc se pose comme une plume dans une lumière de printemps imaginée par Edward Burne-Jones. Ce hit solide, précieux et anglais jusqu’au bout des ongles corrobore les corridors.

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    En réalité, Took ne s’appelait pas Took. Il tirait son nom du Lord Of The Rings de Tolkien. Peregrin Took était un hobbit et un compagnon loyal de Frodo Baggins. Took et Marc ne s’entendaient plus. À l’époque de Unicorn, Took se situait à l’opposé du hippie spectrum - where hard drugs where preferable to softback editions of fantasy fiction and where hardwearing biker leathers and dirty denims were favoured over kafkans and girlish shoes (oui, Took était d’un monde qui préférait les drogues dures aux petits romans de science fiction, un monde qui préférait les blousons de cuir et les jeans sales aux kafkans et aux godasses de gonzesses) - Il est bon de rappeler que Marc ne prenait pas encore de dope et qu’il buvait du thé au jasmin. David Platz rappelle que Took était un mec qui «floated more than walked». Tout est dit, dans cette formule miraculeusement drôle. Et Took voulait enregistrer ses chansons, ce dont Marc ne voulait pas entendre parler. Tyrannosaurus Rex était son concept et Took devait rester à son service. Une amie de Took et de Marc citée par Mark Paytress rappelle que la relation entre les deux amis s’est envenimée à cause des drogues - Basically, Took took too many, though he fonctionned better on acid than most people did. Because he took too much of it, he became slightly immune to its effects (Took prenait trop d’acides, mais il fonctionnait mieux sous acide. Comme il en prenait beaucoup trop, les acides finirent par ne plus avoir d’effet sur lui) - L’anecdote présente quand même un petit côté hilarant. Il faut se souvenir que Syd Barrett faisait lui aussi une sur-consommation d’acides et de mandies, au grand dam de ses collègues du Floyd qui souhaitaient faire carrière. Took devint donc un cosmic punk qui ruina les derniers concerts de Tyrannosaurus Rex aux États-Unis, en se foutant tout simplement à poil sur scène et en performant des bloody-minded acts of musical sabotage. Viré. Marc souhait lui aussi faire carrière.

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    Took échoua donc broke à Ladbroke Grove pour cuver son brouet de mandies et d’héro, en compagnie de ses amis du Pink Fairies Motorcycle Gang & Drinking Club. Il joua sur l’album Think Pink, qu’Haines qualifie de psych masterpiece, et sur un autre album solo, celui de Mick Farren, le fameux Mona - The Carnivorous Circus. Rebaptisé Shagrat The Vagrant, Took y raconte son séjour au ballon en mode spoken-word. On y trouve aussi une version de «Sumertimes Blues» beaucoup moins convaincante que celle de Blue Cheer. Même si on vénère Mick Farren, écouter Mona relève d’une certaine forme de masochisme. C’est l’une de ces aberrations mythiques dont est si friand l’underground britannique, un disque complètement merdique et mal chanté, comme le confirmera plus tard Larry Wallis, lorsqu’il réussira l’exploit de transformer Mick en vrai chanteur.

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    Par contre l’album solo de Twink vaut le détour, mais pour seulement deux raisons. Un, les amateurs de psychout se régaleront d’un «The Thousand Words In A Cardbox» joué au gras double d’anglicité gargouillante et commotionnée. Victor Unitt, qu’on retrouvera dans les Pretty Things, y envoie de belles giclées de glou-glou démentoïde. Deux, «The Sparrow Is A Sign», le cut de fin de B qui sonne comme un stormer psyché relativement digne des Fairies. Le reste de l’album inspire une sorte de vague ennui psychédélique. Avec «Tiptoe On The Highest Hill», Twink paye un lourd tribut au far-outage de psychout. En effet, il stand tiptoe sur the highest hill, il voit le day giver the way to the night. Franchement, on se demande comment font les gens pour trouver ce disque intéressant. Bon, c’est vrai qu’on entend Victor Unitt s’énerver, mais pas assez. Il faut dire que Twink a un don pour le beat, ça on le savait depuis «Baron Saturday». Dans «Mexican Grass War» qui ouvre le bal de la B, il crée les conditions du triple beat on the brat, mais pas avec the baseball bat. Et comme Took rôde dans les parages, ça finit par tourner en eau de boudin avec une chanson à boire, «Three Little Piggies». Ils ne peuvent pas s’empêcher de déconner. Dans les années soixante-dix, pour savoir ce qu’un disque avait dans le ventre, il fallait l’acheter. On ne disposait que de très peu d’infos. Si un journaliste anglais vantait les mérites de Think Pink, on profitait d’un séjour à Londres pour se mettre en chasse. Mais on ne prenait pas un grand risque, car Rock On vendait tous les albums de l’underground (Fairies, Stackwaddy, Broughton, Leigh Stephens, Third World War and co) pour une bouchée de pain. Songez qu’un album aussi affreusement médiocre que Think Pink vaut aujourd’hui 400 euros en ligne !

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    Ces participations aux projets de Twink et de Mick Farren laissaient augurer d’une belle carrière solo qui malheureusement ne vit jamais le jour. Comme il était beaucoup trop untogether, Took ne fut pas invité à rejoindre les Pink Fairies. C’est aussi drôle que l’histoire de Lemmy viré d’Hawkwind pour usage de drogues, s’esclaffe Luke Haines. En conséquence, Took décida de monter Shagrat avec Larry ‘Lazza’ Wallis. Drôle de nom pour un groupe, non ? Took tirait une fois de plus ce nom du Lord Of The Rings, mais cette fois, Shagrat n’est pas le nom d’un gentil Hobbit, mais celui d’un odieux captain Orc. Shagrat ! - Shagrat were phenomenal, the ultimate freakbeat band - Début 70, ils avaient composé ces trois stormers ultraïques que sont «Boo! I Said Freeze», «Steel Abortion» et «Peppermint Flickstick» - Dark druggy Stooges freakouts all - Et Mark Paytress en rajoute une louche, en parlant de Peppermint - Nearly six minutes of stoned agression fuelled by dread wah-wah driven chords that teetered on the edge of feedback and rammed home with a malovelent Took vocal that wavered in and out of key (six minutes d’agression stoned chargée d’accords grouillants de wah-wah qui titubent au bord d’un gouffre de feedback, et Took envenime tout ce bordel en chantant faux) - Et Paytress conclut en affirmant que Shagrat représentait the darker underbelly of Ladbroke Grove alternative culture. On serait tente d’ajouter : au même titre que les Pink Fairies.

    Shagrat monta sur scène pour quelques concerts, mais Took étant Took, il le fit in perfect Took style, c’est-à-dire untogether - Sessions would abort in a chaos of pills or vodka - Alors Larry Wallis mit les voiles pour aller jouer dans UFO. Eh oui ! Même des gens du niveau de Larry Wallis peuvent se vautrer.

    Vous trouverez les cuts mythiques de Shagrat sur Lone Star, paru en 2001. Si vous ouvrez le petit feuillet/pochette du CD, vous y trouverez un fantastique hommage de Larry à son pote Took : «Steve a eu et a toujours une prodigieuse influence sur ma vie, depuis ma consommation massive de LSD jusqu’à la façon dont je compose. Une influence magique. Dave Bidwell qu’on appelait Biddy, était aussi un original. Lui et Steve étaient semblables, et même beaucoup trop semblables. Ces deux-là aimaient bien pousser à l’extrême leurs expériences avec les drogues, ce qui, comme chacun le sait, finit en général assez mal. Si je parle des drogues, c’est parce qu’à l’époque on ne vivait que pour explorer des planètes inconnues, et les vaisseaux spatiaux qui permettaient d’y accéder, c’était justement les drogues. Took était le capitaine de notre vaisseau. Dans les années précédentes, Took avait été salement désavoué. Il avait pourtant joué un rôle aussi important que celui de Bolan dans Tyrannosaurus Rex, un groupe qui sortait de nulle part, et il semble que ce soit Mickey Finn qui en ait tiré les marrons du feu. J’imagine qu’il n’est pas responsable de cette erreur d’appréciation. Alors, il ne vous reste plus qu’à savourer les virées cosmiques de Took, comme il les appelait. J’ajoute que ces chansons dissipent un malentendu voulant apparenter Took et Bolan au monde des lutins de la forêt. C’est entièrement faux. Tout ce qui intéressait Steve était ce qu’il appelait lui-même le kerflicker-kerflash, une sorte de rock’n’roll super-trippant et cosmique, du neon sex fun.» Comme dans le cas d’Hendrix, on se demande ce que Took aurait pondu s’il avait vécu. Aurait-il réussi à perdre le contrôle de son sex fun ? Oui, c’est bien du pur jus de cosmic neon sex fun qu’on entend dans «Boo! I Said Freeze», véritable carnage de druggy dub de freeze joué à l’énergie ralentie, d’autant que Larry balaye tout à la guitare, redevenant du coup l’un des trublions les plus virulents d’Angleterre. Oh, il faut l’entendre déployer sa furia del sol dans les méandres du sex fun de la titube ! On se serait damné à l’époque pour un tel ramdam. On trouve encore de la pure mad psychedelia dans un «Steel Abortion» joué au stone-deaf Wallis of sound, cousu comme le furet, déployé comme une ampleur galvanique, explosé du subitex, situé loin, mais vraiment loin au-delà de toute raison. Larry fait le show, et en bon Wallis qui se respecte, il va là où bon lui semble. Sur cet album aussi miraculeux que miraculé, on retrouve le troisième stormer ultraïque, «Peppermint Flickstick», un cut digne de Syd Barrett, complètement barré, drugtion at the junction, nous voilà projetés au cœur de la pire mad psychedelia qui soit ici bas et Larry se barre en sucette de solo gras. Ah quelles effluves de molles dérives dignes des montres molles du grand Dali délire ! Les Américains férus de psychédélisme feraient bien d’en profiter pour prendre des notes.

    En guise de conclusion brokienne, Luke Haines insinue que Lone Star ne fut jamais mastérisé à la bonne vitesse. Perfect Took style.

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    Est paru en 2003 un autre album de Shagrat, Pink Jackets Required, avec les noms de Twink et Paul Rudolph sur la pochette. Ce disque est une horrible arnaque : Twink aurait overdubbé des percus sur les démos de Took. Sur le Took website, on pouvait lire ceci : «Rest assured, the actual lineup on these tracks was Steve Took, Larry Wallis and Dave Bidwell.» Mais Mick Farren se mit quand même en pétard. Révolté par cette arnaque, il déclara : «What kind of scum robs from the dead, let alone a dead friend ?» (C’est quoi cette bande d’enculés qui pillent un cadavre, qui est en plus le cadavre d’un ami ?). On retrouve d’ailleurs sur Pink Jackets Required trois des cuts de Think Pink («The Sparrow Is A Sign», «The Coming Of The Other One» et «Three Little Piggies»). C’est vraiment du grand n’importe quoi. Twink perdit alors toute crédibilité. D’ailleurs, dans Growing Old Disgracefully, les Pretty Things expliquent qu’ils avaient à une époque dû prendre leurs distances avec ce misérable magouilleur.

    En 1972, Marc Bolan déclarait que Took se trouvait «in the gutter somewhere». La presse ne démentait pas, affirmant que Took n’était plus qu’un day-dreamer in leather, shades and stubble with an appetite for Mandrax (une sorte de clochard céleste en cuir, lunettes noires et barbe, affamé de Mandrax). Ce qui ne l’empêcha pas de s’acoquiner avec Tony Secunda, l’ancien manager des Move et de T. Rex, qu’il surnommait Tony Suck Under. Cette relation ne fit pas que du bien au pauvre Took - Too much cocaine went up to his nose - Secunda installa Took dans un flat transformé en home studio, juste derrière ses bureaux à Mayfair, et lui proposa d’enregistrer quelques demos pour un album solo, mais Took étant Took, il le fit in perfect Took style : nothing ever got finished. Rendu parano par l’abus de coke, Took vivait en reclus dans le flat.

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    Ces sessions finiront heureusement par paraître, mais beaucoup plus tard, en 1995, sous le titre The Missing Link To Tyrannosaurus Rex. Si on rapatrie cet album, ce sera pour deux raisons principales : «Give» et «Syd’s Wine». On voit que ça wha-whate sec chez Secunda. Ah les vaches, ils y vont de bon cœur. Et pouf, ça disparaît, va-t-en savoir pourquoi. Mais ça revient et l’ensemble se veut assez dément, embarqué au big drive. Took est capable de miracles, il ne faut jamais l’oublier. Il prend «Syd’s Wine» en laid-back. Pure druggy song of it all, magnifique, il chante à la titube de bulbe et là, tout Took reprend son sens. On trouve d’autres merveilles sur cet album sauvé des eaux, comme par exemple «Molecular Lucky Charm», trop abîmé pour être pris au sérieux, on n’entend même plus la voix, ça gratte à l’acou devant et ça vire au vieux vaseux. Fantastique «Scorpius» d’entrée de jeu, monté sur un puissant drive de basse : on a Larry Wallis, Twink et Mick Wayne à la basse. La fine équipe habituelle. «Lucky Charm» dégage aussi un charme irrésistible. Took nasille dans le néant de Secunda. Lui et ses amis cherchent des noises à la noise, et le résultat dépasse toutes les attentes. Syd Barrett fait son cirque sur «Flophouse Blues» et «Seventh Sign» vire à l’apocalypse. Le diable cuisine Took, ça se sent. Il sort là un cut de big atmospherix fascinant, un véritable chef-d’œuvre de druggy groove. Il fait son Instant Karma sur «Days». On reste dans le druggy groove d’exception, perdition absolue, une vraie dérive absolutiste, l’équivalent sonique de La Connaissance Par Les Gouffres. Took entre plus dans le vif du sujet avec «I Caution You», une vraie atteinte aux mœurs de la mormoille. Voilà le pur acid rock de Ladbroke Grove, absolument superbe, plein d’allant et brumeux en même temps. Took parvient toujours à ses fins, sachez-le. L’album se termine sur un musculeux «Flophouse Blues (Reprise)», joué dans l’esprit de conquête, au mieux des possibilité du junk punk du Grove. Énorme !

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    En 1974, Took entreprit de composer une cricket song avec Robert Calvert, «Cricket Lovely Cricket», mais le single bien sûr ne vit pas le jour. Quatre ans plus tard, il fit irruption dans la new wave avec Steve Took’s Horns, a tough pub rock bovver boy group, qui enregistra des cuts qui, vous l’avez deviné, ne parurent pas à l’époque. Ils ne firent surface qu’en 2004, chez Cherry Red sous le titre Blow It !!! The All New Adventures Of. Alors oui, il faut absolument écouter cet album, car c’est un chef-d’œuvre de heavy rock underground et ça démarre avec un «It’s Over» dévastateur, extraordinaire de vitalité anglaise, une pure dégringolade d’exaction parabolique. Ah cette façon qu’a Took de balancer l’it’s ohhh/ ver. Quelle classe ! Tout ce qui suit est au même niveau. «Average Man» sonne comme de la Stonesy de flibuste, c’est une régalade de première nécessité. Took défonce la rondelle des annales de la Stonesy. Seuls les Anglais peuvent se permettre de sonner ainsi. S’ensuit «Woman I Need», un balladif complètement décadent, joué à la déconfiture d’accords. Une basse fuzz hante «Ooh My Heart», toute l’énergie des bas-fonds londoniens rejaillit ici, c’est bardé de glissés de basse déments - First she’ll make up her eyes/ Then she’ll make up your mind - Pure démence. Et ce n’est pas fini car voilà «Too Bad», joué au heavy glam de Londres, that’s right, quelle fantastique entrée en matière - Too bad/ Too bad yeah/ Too bad don’t come my way - Monstrueux ! Et il se met à scander Highway Highway driving me - Voilà le heavy glam de rêve, the real Deviant sound, la putréfaction de la stupéfaction, le glam des catacombes. Effarant ! Un peu plus loin, on tombe sur un autre coup de Jarnac intitulé «Wall Of Sound». C’est antédiluvien et plombé aux cuivres. Il s’y passe quelque chose de stoogy, une implosion de brain blast, une pure élévation dévastatrice, complètement inespérée. Voilà le genre de disque qui peut restaurer votre confiance en l’humanité.

    Took et ses Steve Took’s Horns ne montèrent qu’une seule fois sur scène, en 1978 à la Roundhouse, dans le cadre du Bohemian Love-In organisé par un Nik Turner fraîchement viré d’Hawkwind et qui tentait de redémarrer avec un nouveau gang et un album intitulé Sphynx. Ce festival fut le dernier grand événement de l’English hippy underground. Nik surnommait Took ‘a tragic genius’. Steve Took too much.

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    Luke Haines termine son hommage avec une très belle anecdote. En 1980, alors que ses copains d’école écoutaient les Jam, Lucky Luke alla chez WH Smith s’offrir les deux albums de Tyrannosaurus Rex, Unicorn et A Beard Of Stars couplés dans une édition cheap pour seulement £3,99 - I bought it and changed my life for ever - Et c’est en décembre de la même année que Took cassa sa pipe, perfect Took style : il s’étrangla avec un mélange de cocktail cherry, de morphine et de magic mushrooms, des drogues financées par le chèque de royalties qu’il venait de toucher pour Unicorn. Et Luke Haines conclut ainsi : cette fin me fait parfois rêver.

    Signé : Cazengler, tombouctook

    Tyrannosaurus Rex. My People Were Fair And Had Sky In Their Hair... But Now They’re Content To Wear Stars On Their Brows. Regal Zonophone 1968

    Tyrannosaurus Rex. Prophets, Seers & Sages: The Angels Of The Ages. Regal Zonophone 1968

    Tyrannosaurus Rex. Unicorn. Regal Zonophone 1969

    Mick Farren. Mona. The Carnivorous Circus. Transatlantic 1970

    Twink. Think Pink. Polydor 1970

    Shagrat. Lone Star. Captain Trip Records 2001

    Steve Peregrin Took. The Missing Link To Tyrannosaurus Rex. Cleopatra 1995

    Steve Took’ Horns. Blow It !!! The All New Adventures Of. Cherry Red 2004

    Luke Haines : Steve Peregrin Took, the Heavies’ Heavy Head. Record Collector #464 - March 2017.

     

    CHANSONS BIZARRES POUR GENS ETRANGES

    + EP's + inedits

    CHRIS

     

    AUTO-EXTERMINATION / LE PETIT SOLDAT DE PLOMB / HACHISH/ LE REBELLE / ELLE M'APPARTIENT / LA BALLADE DU FILS INDIGNE / LE CHAT REVIENT / NEVRALGIE PARTICULIERE / PREMIERE INTERVIEW / TU NE SERAS PAS MON AMI / BALLADE A MICHELLE / PLAN DE FUGUE / LA PETITE FILLE DE L'HIVER / L'ORPHELIN ET LE TAMBOURIN / ELLE T'ATTEND / A LA COUR DU ROI JOHNNY / LES MURSBLANCS / PARIS SE SABORDE / PRIERE POUR HELLODARKNESS / LA VOIX DU POETE / JE RENTRE.

     

    Rock Paradise Records RPRCD 39 / 2016

     

    Certes Long Chris n'était pas un inconnu pour les rockers lorsqu'il m'est apparu sur l'écran de la télévision familiale. Faisait déjà partie en 1966 de la saga du Golf-Drouot, son amitié avec Johnny Hallyday était légendaire, je possède encore le 45 tours Ma Verte Prairie sur lequel il s'essayait avec les Daltons à un country encore tout engoudronné des cowboys solitaires des derniers westerns. Mais là, l'était métamorphosé, cheveux longs qui lui donnaient une scandaleuse allure de beatnick, répondait aux questions en proie à un tract fou qui le faisait trembler comme une feuille morte, puis s'était lancé dans l'interprétation du Chat qui avait séduit l'ensemble de la famille. Dans laquelle j'étais pourtant considéré comme le mouton noir musical. Preuve qu'il avait su percuter son époque.

    Suis passé régulièrement durant deux ans devant son échoppe au Village Suisse – brocante des bourges – mais n'ai jamais osé entrer... C'est vrai que la version de Génération Perdue de Johnny est supérieure à la sienne mais je préfère l'originale fin de Chris : Tu voudras faire briller le nom Que l'on t'a imposé et non Que ton père t'a donné, qui gomme le côté anarchisant du texte. Heureusement que le grand Jojo na pas effacé le Je peux brûler les églises / Je peux éclater de rire dans Je n'ai Besoin de Personne, hymne stirnérien par excellence, qui se trouve sur le fabuleux Rivière... Ouvre Ton Lit dont Chris écrivit la majorité des lyrics et qui reste le flamboyant et somptueux album du rock français.

    Heureuse initiative de Patrick Renassia et de Rock Paradise de rééditer cinquante ans après sa sortie ces Chansons Bizarres pour Gens Etranges. Beaucoup le recherchaient, peu le retrouvaient. Beaucoup plus authentique que ce que proposait le marché national dans la même catégorie, en dehors d'Huges Aufray plus pop et d'Antoine très commercial n'y avait pas res comme l'on dit en occitan. Me reprends, ne faudrait pas oublier Ferre Grignard, dont plus personne ne parle, mais l'était belge et chantait en anglais.

     

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    Auto-extermination : nudité de la voix et de la guitare. Dylan n'est pas loin, organe moins enroué que le Zimmerman mais texte d'une clarté acide, le premier hymne écologique, paroles peu doucereuses, traits d'harmonica pour souligner l'ampleur du désastre et le message prophétique de la catastrophe annoncée. Le petit soldat de plomb : contraste, de l'apocalypse imminente l'on passe au conte merveilleux d'Andersen, rajoute les feux de l'amour en solution finale. Rondeurs de guitares et courbes vocales. Hachish : fallait oser en 1966, un texte ambigu, une saleté dont on ne peut plus se passer et qui danse dans le cerveau. Dans sa présentation Jean-William Thoury en accentue les aspects condamnatifs, mais parfois faut prêcher le faux pour faire entendre le vrai. Interprétation très expressive, la guitare de Steve Waring écorche les entournures. Le rebelle : avec orchestre pour ballade entraînante, une revisitation du cowboy solitaire transformé en rebelle pacifiste, figure idéale dont le chanteur n'hésite pas à endosser le rôle à la première personne. Elle m'appartient : folk-rock et chanson d'amour à intonations dylaniennes très marquées, avec cette marque de cynisme d'une invisible transparence qui est le sel astringent des lyrics du Bob. La ballade du fils indigne : chanson cousine de La Génération Perdue, mais ici Chris ne se contente pas d'exprimer le mal-être et le malaise, entre de plein fouet dans le conflit, générationnel et sociétal. Crache tout, sa colère et sa haine, cite les noms, précise ses reproches noir sur blanc, la musique partage sa hargne, très belles guitares électriques. La meilleure de la face A de l'album original. Le chat revient : pas d'affolement, Chris nous délivre une fable ésopienne, le chat triomphe de tout. Survit à tous les dangers, et même à l'espèce humaine. Adoptez son indolence native. Névralgie particulière : plutôt cauchemar surréaliste, tout ce qui se passe dans votre tête et que vous n'avez pas le courage de raconter. Les images de la fausse réalité se craquèlent et tout s'embrouille, tout cela parce que votre copine vous a quitté. Mieux vaut en pleurer qu'en rire. Très belle orchestration qui vous pousse le réel au cul. Première interview : plus traditionnel, critique des médias soumis à la vieille idéologie du formatage individuel par le travail. Pas la ronchonnade marxiste de l'aliénation, mais la revendication d'une impertinence bien enlevée. Tu ne seras pas mon ami : des paroles typiques du rock'n'roll français dont Long Chris reste l'un des paroliers les plus aigus, le thème des amis intéressés remis à leur place, une complainte lancinante blues déclinée à toute vitesse, faut que ça valse. Ballade à Michelle : beaux choeurs féminins doublent la voix de Chris, de quoi adoucir les regrets. Cause perdue. L'est trop tard. N'avait pas qu'à. Même s'il ne l'a pas fait exprès. Plan de fugue : la chienlit et le désordre, les déboires de la vie familiale quand elle n'a pas le charme zonderlinesque, revue de fous à lier, l'orchestration sonne en ses meilleurs moments comme du meilleur Dylan, ironie mordante, harmonica en partance, apothéose finale. Cette face B est à la hauteur du dernier morceau de la face A.

    Un demi-siècle après le disque se révèle être un véritable chef d'oeuvre du patrimoine. Mais à l'époque ça se bousculait grave au portillon, y avait du monde rien qu'entre les Beatles et Hendrix... La carrière de Chris n'en a pas été boostée. Grand dommage. Sept titres prélevés sur les quatre 45 Tours suivants de Chris complètent le CD.

    La petite fille de l'hiver : violons à pleurer, une reprise décalée du conte de La Petite-fille aux Allumettes, dommage que Chris n'ait pas eu l'idée – peut-être un projet inabouti ? -de tout un album consacré à Andersen, beau texte qui raconte avant tout la perte irrémédiables des rêves de l'enfance qui s'efface lorsque nous croyons que nous grandissons alors qu'en fait nous rapetissons. L'orphelin et le tambourin : le texte n'est pas sans évoquer la Nuit de Décembre de Musset, je n'insinue pas que Chris a copié, bien au contraire l'a retrouvé une émotion qui appartient à tous, celle du dédoublement de soi-même. Très puissant. Elle t'attend : aigre-doux, masque mortuaire souriant, banjo enjoué, rythme sautillant, polka des mauvaises nouvelles, rendez-vous d'amour au cimetière. A la cour du roi Johnny : Chris au pays des merveilles, Alice a bien grandi, n'est plus la petite fille innocente, mais le monde court à la déglingue surréaliste, une chronique douce-amère vraisemblablement codée. Les murs blancs : finie la féérie, misère de l'amour et amour de la misère, le passé à l'encan, bohème désenchantée, errance solitaire, orgue sifflant, tout passe, certains s'en tirent moins mieux que d'autres. Les chants désespérés font les lyrics les plus beaux. Paris se saborde : l'après-monde. Le cauchemar grignote le passé. Paysage de science-fiction prophétique. Le monde ne court plus à sa perte. Il a déjà franchi la ligne d'arrivée. Celle de l'abîme. Prière pour hellodarkness : prétérition, chanter l'amour pour mieux souligner la cruauté du monde. Egoïsme du bonheur. Tant pis pour les autres. Il faut savoir se renier pour accéder au septième ciel de l'empyrée divine. Très belle envolée de voix féminine à la fin. La voix du poète : montée du nihilisme. Nécessité du poète en nos temps de détresse s'interrogeait Hölderlin, les temps sont incertains, les chansons d'amour valent-elles les fusils ? L'espoir fait vivre !

    Je rentre : titre inédit, enregistré en octobre 2015. Je rentre pour mieux revenir. Chris revient tout du Long. Recolle les morceaux d'une vie diffractée. Pas mal en soi-même, mais je me répète, l'aurait mieux valu le remplacer par La Génération Perdue.

    Un regret : que Chris n'ait pas continué sa carrière. L'est le lyricoeur qui a tant manqué au rock'n'roll français. Certes l'a écrit quelques uns des textes les plus significatifs d'Hallyday mais il nous a privé d'une œuvre qui aurait été exemplaire. L'était en avance sur son temps. S'engageait dans une sorte de pessimisme féérique des plus originaux.

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    Notons que vient de sortir chez Milano Records : Gens Etranges pour Chansons Bizarres, nous les chroniquerons bientôt.

    Damie Chad.

     

    TRY ROCK & ROLL

     

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    Emission rock cornaquée par Thierry Gazel, quarante-deuxième livraison du 09 octobre 2017 en hommage à Gene Vincent disparu le 12 octobre 1971. A écouter en direct sur radiolezart.fr ( tous les lundis à dix-huit heures trente ) ou en podcast sur le FB de Try Rock & Roll.

    Thierry Gazel pourrait reprendre le slogan du président Rosko : Maximum de musique, Minimum de bla-bla, ainsi ce spécial Gene Vincent offre en une heure dix-huit titres entrecoupés par l'essentiel : date, lieu, nom des musiciens présents à l'enregistrement et l'annonce des concerts de la semaine à venir. Pouvez chipoter que votre morceau favori du Screamin' Kid ne soit pas au programme – perso me manquerait Bird Doggin' - mais comme chez Gene tout enregistrement est une petite merveille de précision, la foire d'empoigne risque de tourner au pugilat. Etudiez plutôt la set-list des émissions antérieures qui débordent de perles précieuses et de titres rares. L'en connaît un rayon de miel Thierry Gazel, véritable amoureux et connaisseur de la musique populaire américaine. Rappelons que Thierry Gazel fut le contrebassiste des Ol' Bry dont vous avez intérêt à vous procurer au plus vite les deux premiers albums. L'émission entame sa deuxième année, et Thierry Gazel est devenu par chez nous un des archivistes sonores et des propagandistes ondins les plus importants de la musique des années cinquante. Activiste rockabilly. Bienfaiteur de l'humanité rock'n'roll. A écouter tous les lundis. Sans faute.

    Damie Chad.

     

    THE TWILIGHTERS

    BAD DAMN CATS / KINGDOM OF DELAY / GO ON GIRL / LOOK INSIDE / NOW YOU'RE PSYCHO / RHYTHMBILLY / ILLUSIONS / TWILIGHTERS / SAD &ANGRY / LAMP POSTS / COMMING LIKE CRAZY / SCREAMING / PSYCHO ILLUSIONS

    CHRIS BIRD : guitar & voca: / SAM CHAMROCK : double bass / Jerry Wild : drums, backing vocal & screams

    Driben Records : enregistré entre Août et Décembre 2015 à Kharkiv Ukraine.

     

    Comme vous l'avez lu dans le numéro 2 ( épuisé et déjà collector ainsi que le 1 ) de Generation Rockabilly, en leur début les WiseGuyz étaient un groupe de psycho, après plusieurs changements sont devenus les tueurs de bop que nous connaissons. Mais les premières amours étant inoubliables, Chris Bird n'en continue pas moins de s'adonner dans les Twiligthers à ses originelles psykozoïdales manières.

     

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    Bad damn cats : mettons les points sur le I grec de psycho. De l'autre côté des Carpates les Ukrainiens doivent avoir une définition de ce genre différente de la nôtre. L'on s'en aperçoit dès les premières notes, sonne résolument plus sixties que psychobilly. Ce qui n'est pas en soi désagréable. Cris de mouettes en introduction, je ne sais si ces maudits cats pourchassent les volatiles sur les rives du Dnierp, en tout cas la guitare de Chris souligne à merveille son vocal enragé. Instrumentation marvinienne. Un petit bijou. Kingdom of delay : instrumental, rythmique jazz par en dessous, rappelle tous nos groupes des années soixante, plein d'effets et de surprises tous les vingt secondes. Comme ce n'est pas un débutant qui tient la guitare l'on n'est pas loin de ce à quoi s'amusait Eddie Cochran en reprenant le thème du Quatrième Homme. Go on girl : l'on sort le grand jeu, les filles arrivent, Chris vous prend le ton du gars désabusé qui mâche du chewing-gum et la musique s'emballe d'une manière des plus viriles, le batteur vous pique un cent mètres chrono à décrocher une médaille d'or. Rien à dire, savent s'y prendre avec les gerces, n'oublient même pas de faire les jolis chœurs qui vous filent un air romantique très prisée par la population femelle. C'est du moins ce que l'on dit. Look inside : contrastes, des hachis de guitare, des langueurs monotones, des voix qui agonisent, des accélérations fulgurantes, un peu générique à la James Bond. Tueurs à l'horizon, filles langoureuses dans votre bras. Cherchez l'erreur. Si vous n'avez pas trouvé, c'est que vous êtes déjà morts. Les lèvres pulpeuses étaient empoisonnées. Now you're psycho : non, ce n'est pas le manifeste psycho que vous attendiez. En fait si, mais ça progresse par étapes. Des relents de cat man de Gene Vincent, mais en moins menaçant. Les gars ont le sourire sardonique des tombeurs de filles. Rhythmbilly : ouf ! On est sorti du saloon et on se paie une cavalcade dans la prairie à la recherche des indiens qui ne se montrent pas. Situation idéale pour jouer les fiers-à-bras. Illusions : voix narquoise, contrebasse plissée, guitare moqueuse qui se joue de vos oreilles et Chris qui persifle et fait la grosse voix qui file la trouille quand vous racontez l'histoire du méchant loup aux enfants. On s'y croirait, on a presque peur. Twilighters : la guitare sautille, la voix récite une comptine, la batterie bat le beurre, la six-cordes tourbillonne, valse frénétique. Et l'on refait un tour juste pour le plaisir. Attention cette fois-ci les robes volent plus haut. Penchez-vous et vous entreverrez ce pour quoi vous êtes venus. Sad and angry : ni vraiment triste, ni vraiment en colère, dans l'entre-deux. Le temps monte un peu, las ! le plaisir du baston nous sera refusé. Mais les jeunes coqs jouent la comédie à ravir. La guitare nous file une avoinée finale rien que pour nous montrer combien cela aurait pu faire mal. Qu'on se le dise ! Lamp posts : accords sonores et traînants. La voix s'attarde pendant que l'orchestre tricote. Echos sur les cordes. Taisez-vous et écoutez. Leçon de virtuosité. N'essayez pas d'imiter vous seriez ridicules. Vous le certifie une deuxième fois. Mais vous n'êtes pas aussi stupide que vous en avez l'air. Vous aviez déjà compris. Comming like crazy : bien parti, ça fuse de partout, s'en donne à cœur joie et pas de l'artichaut, du chaud saignant sous le couteau du boucher. Un festival. Screaming : gardez votre souffle, très flegmatique en ses débuts, ensuite vous êtes debout sur le toit du train et la voûte du tunnel se rapproche dangereusement. Quand votre corps rebondit sur le ballast, le wagon éclate de rire. Un morceau interdit aux loosers. Attention deuxième tunnel, à votre tour ! Psycho illusions : gardent le rythme, ça rebondit de partout et sans cesse cette voix atone qui joue l'étonnée alors que toute votre vie défile sous vos yeux en quelques secondes. N'ayez crainte personne ne vous pleurera.

    Si vous aimez la guitare chromée d'or ne manquez pas les Twilighters c'est un régal, vous proposent un étrange psycho-rétro des mieux venus qui vous replonge dans les années dorées sur tranche de ces formations instrumentales des années soixante qui imposèrent les sonorités rock aux oreilles européennes, avec en plus cette remarquable réussite de ne pas sonner passéo-nostalgique. Le secret est bien simple, les morceaux sont construits sur de bonnes vieilles structures rockabilly qui les empêchent de lorgner vers la pop. Deuxième caractéristique, ce sont des instrumentaux avec voix. Ce qui change tout et qui explique les différentes intonations auxquelles le vocal est soumis, déchargé de cette urgence expressive qui est la marque rockab, car l'organe humain est ici traité comme un instrument complémentaire qui se soumet à la fluidité et à la plasticité de la pâte musicale. Chris Bird use d'un timbre caméléon qui s'adapte à toutes les tessitures de l'orchestration. Jamais devant. Tous ensemble. Le fait que la formation ne soit qu'un trio aide à la cohésion du groupe, jouent très près l'un de l'autre, très serrés, extrêmement réactifs, un peu comme ces centaines oiseaux en plein vol qui tous infléchissent en une même seconde leur vol sans qu'aucune collision interne ne vienne perturber l'inaltérable position de chacun. Malgré leur son sixties les Twilighters seraient à envisager en tant que groupe d'expérimentation qui rechercherait une future évolution du rockab. Sans trop le montrer, ce qui expliquerait ce retour vers cette rythmique de base qui s'essaierait à une nouvelle semence, un mix étrange, un extraordinaire hybride, à la croisée de Charlie Christian et de Hank Marvin. Ayez l'oreille raisonneuse.

    Damie Chad.

     

    BLUES & CO

    AUTREMENT BLUES

     

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    Leur slogan n'est pas une formule publicitaire. Correspond à la réalité. Les ai rencontrés à Blues In Sem ( voir KR'TNT ! 338 du 07 / 09 / 2017 ), des passionnés qui vous refilaient les anciens numéros à 2 Euros l'exemplaire et six pour 10. Sont là pour le blues, pas pour le fric. Ont une formule gagnante. La ferveur et rien d'autre. La revue s'est bâtie autour d'un enthousiasme qui a fini par générer l'organisation du Festival Terri'Thouars Blues. Pour ceux qui auraient envie de s'y rendre c'est entre Saumur et Niort. Un groupe de teigneux qui s'accrochent aussi forts que les morpions qui ne quittent pas vos parties génitales. L'air de rien, des émissions sur la radio locale, puis dès 1997 un fanzine – aujourd'hui revue de quatre-vingt pages – puis une association qui commence par organiser des concerts et qui finit par un festival annuel, le prochain du 20 au 25 mars 2018... quand s'arrêteront-ils ? Jusqu'où iront-ils ? Les laisserons-nous faire ?

    Me voit obligé de répondre : Oui ! Sans tristesse. Ai épluché six de leurs numéros. Des fous de blues mais sans œillères. Aiment aussi le country, le rockabilly et l'électricité. L'on y rencontre des gens que l'on aime bien par chez nous. Interviewent par exemple Swinging Dice et The Subway Cowboys, chroniquent les rééditions de Gene Vincent, braquent les projecteurs sur Nico Duportal, vous font des séries sur le Britih Blues, réhabilitent des groupes comme Ten Years After, Spooky Tooth, chroniquent les concerts des Stones et de Clapton, abordent des thématiques diverses comme la naissance du rock en URSS avec les premières duplications des pionniers du rock dès les années cinquante sur des radiographie médicales, ou les campagnes d'enregistrement Alain Lomax dans le Delta et le grand Sud, explorent le passé, de Billie Holliday à Nina Simone, et surtout ne quittent pas des yeux la scène blues vivante en France, en Europe, en Amérique et partout, jusqu'au pays des kangourous, de Fred Cruveiller à Loretta & The Bad Kings, en passant par Eric Bibb à Backsliders.

    Couverture couleur, intérieur noir et blanc un peu spartiate mais aussi efficace que dix rangs d'hoplites massés en formation de combat. Truffé d'informations, de chroniques de disques, de concerts et d'articles de fond. Une particularité que vous entreverrez peut-être comme un défaut mais en laquelle réside sa force : vous ne trouverez pas la revue en kiosque. Se diffuse par abonnements, ont un contingent de trois centaines d'abonnés qui assure la pérennité de l'entreprise.

    D'ailleurs à tout hasard je vous refile les infos nécessaires à votre délestage financier :

    1 an : 4 numéros : 18 Euros. 2 ans : 8 numéros : 34 Euros. ( N'ont pas prévu pour l'éternité ce qui leur permettrait d'engranger des milliard ).

    Règlement : Blues & Co abonnements 31 rue de la Quintinie / 79 100 THOUARS

    Adresses utiles : www.blues-n-co.org et redac@blues-n-co.org plus le FB : Blues & Co le magazine «  autrement blues ».

    Voilà chers kr'tnteurs je n'en ferai pas plus pour vous. Vous ne le méritez pas. Toutefois ces saines lectures ne pourront que vous améliorer.

    Damie Chad.