KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 344
A ROCKLIT PRODUCTION
19 / 10 / 2017
LORDS OF ALTAMONT / SPUNYBOYS STEVE PEREGRIN TOOK / ( LONG ) CHRIS TRY ROCK'N'ROLL / TWILIGHTERS / BLUES & CO |
Altamont là-dessus et tu verras Montmartre - Part two
Jake Cavaliere semble sortir d’une cour de lycée. En tous les cas, il refuse de devenir adulte. Haut et mince, on ne voit que lui. C’est le but. La rockstar doit se voir comme le nez au milieu de la figure. Et ce plus que dans n’importe quel autre domaine artistique. Quelque chose dans sa physionomie indique clairement une sorte de prédisposition. Dans l’Égypte antique, le paysan qui voyait passer Pharaon sur son char devait se dire la même chose. Ce n’est pas vraiment une affaire de grâce. Parlons plutôt d’une affaire de configuration atypique, d’une stature, d’un certain port de tête, en somme, quelque chose de très concret qui finit par confiner à l’abstraction. Rien à voir avec la beauté. Jake Cavaliere n’est pas beau, loin de là, mais il dégage quelque chose de spécial. Chez lui, la minceur revêt un caractère pathologique puisqu’elle remonte jusqu’au crâne qu’on dirait aplati des deux côtés. Sa coiffure de cheveux plaqués renforce encore cette impression, ses cheveux encadrent son visage comme le ferait un casque de centurion : deux garde-joues de cheveux noirs descendent jusqu’au bas de la mâchoire se fondre dans des rouflaquettes mal fournies. Son visage paraît taillé en sifflet et ses petits yeux renforcent encore l’impression de croiser une fouine humaine. Il n’observe pas la salle du bar, il l’introspecte avidement. Ses cheveux noirs de jais paraissent taillés pour épouser la forme de son crâne étrangement oblong. Jake Cavaliere est ce qu’on appelle chez certains cinéastes une trogne. Quand Federico Fellini et Jean-Pierre Mocky montaient le casting d’un film, ils partaient à la chasse aux trognes. C’est la raison pour laquelle leurs films frappent tellement l’imagination des gens : ça grouille de trognes. Les trognes rendent les situations burlesques. Elles renforcent considérablement le pouvoir d’évocation. Elles donnent du sens à la grandiloquence du trash. Elles rendent certaines scènes inoubliables.
Pour consolider ses effets, Jake Cavaliere soigne bien sûr son accoutrement. Il ne porte que du noir : blouson de biker angelino avec le nom du concessionnaire dans le dos (Johnson Motors. Inc. United States Distributor. 36 W Colorado Street. Pasadena. California), jean taille basse et très gros ceinturon à boucle posé sur le bas des hanches, grosse chaîne de portefeuille à la pendouille et du tatouage en veux-tu en voilà. Les ailes d’un aigle remontent de l’encolure du T-shirt jusque sous la mâchoire et confèrent à sa pomme d’adam un statut impérial. Le mot LOVE est tatoué sur les doigts de la main droite et LOST sur ceux de la main gauche. Et quand il ôte son cuir pour jouer sur scène, il montre la suite de son impressionnante collection : sur ses bras, il ne reste pas un seul centimètre carré de peau qui ne soit pas tatoué. Jake Cavaliere ne fait pas les choses à moitié. C’est la raison pour laquelle on l’aime bien. Le ronchonneurs diront qu’il n’invente pas la poudre. Jake pourrait leur répondre qu’il n’est pas là pour ça. Dans un mauvais western spaghetti, il ajouterait qu’il est surtout là pour la faire parler.
Les Lords Of Altamont figurent aujourd’hui parmi les rois de la scène. Leur rock plonge des racines avides dans la culture du fameux Californian hell (bikes, death, drugs & Lucifer), dans une tradition garage qui remonte aux Standells et aux Seeds, dans la vampirisation de la Stonesy, dans l’énergie du all nite long typique des surdoués de la défonce angelinote (les Calforniens ont toujours mis un point d’honneur à pulvériser tous les records - hédonisme pour David Crosby, trash éthylique pour Charles Bukowski, wild acid overdride pour Dickie Peterson - et ce qu’on en sait montre que ça va si loin qu’on se demande comment ces gens-là s’y prennent pour agir avec autant de panache. Car vous le savez bien, lorsqu’on est vraiment défoncé, ça peut devenir compliqué de briller en société). Cette notion de démesure est capitale, en ce qui concerne Jake Cavaliere. Tout l’édifice des Lords repose sur cette démesure. Ce serait un château de cartes si Jake Cavaliere n’était pas aussi bon. Il n’en finit plus de consolider son impact scénico-icônique. Il semble qu’avec le temps, les Lords s’améliorent encore. Il se pourrait aussi que les bonnes vibes de l’Escale viennent encore renforcer cette nette impression d’amélioration. Ce bar havrais est un lieu taillé sur mesure pour recevoir un groupe comme les Lords. On peut même parler de conditions idéales : salle sans prétention, public sans prétention et groupe sans prétention. L’essence même du rock - the hardest core of rock’n’roll, dirait Mick Farren - et l’impression toujours plus nette que ce bar havrais devient le lieu idéal pour les concerts de rock. L’anti-thèse de la Gaîté Lyrique.
Si tu vas les voir jouer sur scène tu en auras pour tes dix euros. Tu passeras une bonne soirée, ce qui est toujours le but de l’opération. Tu verras opérer la magie d’un groupe américain et tu comprendras que ces gens-là amènent dans le rock une énergie spécifique. Tu comprendras aussi que le garage reste malheureusement l’apanage d’une petite élite. Quand on traîne au Cosmic, on voit trop de groupes misérables se priver d’avenir. Le garage est un genre ô combien difficile. Il ne suffit pas de porter une chemise à pois. Il faut s’appeler Jake Cavaliere, Kid Congo ou Leighton Koizumi pour savoir jouer à ce petit jeu, c’est-à-dire qu’il faut avoir les moyens physiologiques de l’incarner. Comme lorsqu’on parle du punk-rock : il faut s’appeler Steve Jones pour que ça marche, sinon, on voit à travers.
Jake Cavaliere s’est voué à son art, comme on entrait jadis en religion. Son set vaut tout l’or du monde, ses albums tiennent joliment la route. Une heure trente de set et pas un seul déchet. Les Lords stompent et blastent à tours de bras, ils n’en finissent plus de réinventer ce vieux garage complètement éculé. En rappel, ils font même une reprise du «Live With Me» des Stones, histoire de rappeler à un public qui n’achète plus de disques que Lords Take Altamont est le meilleur album de reprises des Stones de tous les temps. Mais ça, on l’a déjà expliqué en long, en large et en travers dans le Part One. Sur scène, Jake sort le grand jeu, il secoue la paillasse de son orgue, lui grimpe dessus, prend des poses historiques, il saute, il se cabre, il n’arrête pas une seule seconde, il redonne du sens à l’esthétique de l’art scénique, ça tombe bien, car on est là pour ça. Ce mec pense à tout, il crée des liens avec le public, le remercie d’être venu et Dino, le guitariste aux cheveux crépus, envoie un double blast de giclée riffique, histoire de ratatiner les dernières poches de résistance.
Les Lords pulsent un garage jouissif qui ne se prend surtout pas au sérieux. Ils sont à la fête et nous aussi. Ils renouent avec la tradition perdue des grandes fêtes païennes, un temps où les âmes communiaient spontanément dans l’animalité, en dehors de toute contrainte morale et esthétique, comme disait le despote Breton. T’as voulu voir Vesoul et t’as vu Altamont, t’as voulu voit Montmartre et t’es monté là-dessus pour voir les Lords. Bim bam, «Like A Bird» sonne comme l’uppercut de Marcel Cerdan, ah les fesses d’Edith en savent quelque chose, et bam bim boum, tiré de Midnight To 666, «Get In The Car» bingotte en plein dans le mille du bigorneau. Le set des Lords tourne comme une grosse cylindrée de ramalama, la métaphore est si parfaite que ça file sous les étoiles, ils ressuscitent «Action» et «$4,95», deux vieux coucous de Lords Have Mercy, et même ce vieux «Live Fast» qui fit tant d’étincelles, ces mecs jouent les infatigables, comme s’ils transpiraient à peine, ça blaste à qui mieux-mieux, on va de garage drive en garage share, de garage down en garage up, ça shebamme, ça powe, ça bloppe et ça wizze comme au temps béni des sixties, mais avec une dimension cavalierique sourde et profonde, quelque chose qui n’appartient qu’à lui. On parle ici de transsubstantiation garagiste.
Le roadie des Lords vendait The Wild Sounds Of The Lords Of Altamont 25 euros. Un peu cher mais qu’est-ce qui n’est pas cher aujourd’hui ? Tiens, tant qu’on est dans les interrogations existentielles : c’est un bon album ?
La réponse est dans la question amigo, tu n’as qu’à mettre la galette sur ton pick-up et tu verras arriver «Like A Bird» comme un énorme slab de hard drive monté au beat rebondi car frappé si sec. Tu noteras l’admirable aisance des Lords à pulser le pulmonaire du garage et Dani Sindaco va même te shooter des petites giclées d’adré à point nommé. Jake t’y raconte l’histoire d’une bird qui se prend pour un bird. Alors il la somme de se décider : Stay or go/ Go go go ! S’ensuit un «Been Broken» beaucoup plus énervé, une sorte de petit prodige d’anti-équilibre. Les Lords vont vite et ne craignent pas de se casser la gueule, emportés par leur élan, ils dévalent une forte pente caillouteuse à toute allure. Autre surprise de taille : Jake Cavaliere sonne parfois comme Iggy. Tu en as la preuve dans «Going Downtown» (il retrouve les accents de l’Iggy d’«I Got A Right») et dans «Can’t Lose» (Jake descend les marches chromatiques comme l’Iggy de Let’s go down to my favourite place). Autre bonne raison d’adorer ce disk : «Take A Walk», joué dans la première partie du set au heavy stomping psychhhh, un stormer d’une redoutable efficacité. Jake y bombarde son beat. Voilà un cut bien binaire et donc idéal pour des brutes comme les Lords. La surprise vient surtout d’une reprise d’«Evil», l’un des classiques que composa Big Dix pour Wolf. Jake y joue la carte du guttural. Il a raison, car il peut aller screamer au fond du bois et tu te régaleras de la belle bassline de Rob Zimmermann. Voilà une cover dynamique en diable, ce qui semble logique, vu le titre. L’autre classique garage se trouve en B : «Death On The Highway». Les Lords ne traînent pas en chemin, ils savent trousser un hit de garage pressé. Par contre, les textes de Jake ne volent pas très haut - Blood on the concret/ Better move along - Leurs cuts n’ont d’autre mérite que leur effarante efficacité. Le «Where Did You Sleep Last Night» n’est pas celui de Wolf, ne rêvons pas. Il s’agit d’un simple cut de rock nappé d’orgue et emmené à marche forcée vers le néant luciférien du fatidique Californian Hell.
Signé : Cazengler, Lord of Altéré
Lords Of Altamont. L’Escale. Le Havre (76). 10 octobre 2017
Lords Of Altamont. The Wild Sounds Of The Lords Of Altamont. Heavy Psych Sounds 2017
12 / 10 / 2017 / LAGNY-SUR-mARNE
LOCAL DES LONERS
SPUNYBOYS
C'est la faute à Totone rencontré par hasard sur le quai de la Gare de l'Est alors que nous étions en train d'attendre un train annulé. Remarquez que si le banlieusard convoi était hors-circuit le billet n'était pas remboursable... Donc Totone qui me remet la pendule mémorielle à l'heure « On se voit vendredi aux Loners avec les Spuny ? ». Ouf merci, j'ai failli manquer le ravage de l'année ! Première fois que je dois remonter deux fois la longue et large rue pour que la teuf-teuf puisse se glisser dans un interstice stationnaire. Un monde fou, à croire que tous les bikers de la terre et tous les amateurs de cet old style qui never dies, se sont donnés rendez-vous. Qui oserait rater le concert de rentrée des Loners ? A l'intérieur c'est la caque de harengs saurs, d'ailleurs c'est quand on sort pour se rafraîchir entre les deux sets qu'un bouchon d'autoroute du 15 août vous oblige à prendre patience. Pour ma part j'y ai renoncé. Tout compte fait les Spuny me suffisent. Qu'avons-nous besoin de fraîcheur nocturne quand le rock'n'roll flamboie !
POUR UNE APPROCHE SCIENTIFIQUE
DU SCHEMA FONCTIONNEL
DES SPUNYBOYS
Pas besoin de grand-chose pour monter un combo à la Spunyboy. Suffit d'un batteur. Précisons, pas n'importe quel batteur, pas un qui bat de l'aile, ni un qui branle bas, par contre obligatoirement un qui bat comme plâtre, un qui cherche la bâton pour vous abattre, un qui bataille victorieuse, qui batte de baise ball and chains , qui baratte à mort, qui balourde à bâbord et qui balance des armures d'amure à tribord, ne cherchez pas sur la mercuriale du marché, il n'y a en qu'un, un certain Guillaume qui, par hasard balthazar, bosse chez les boys spuniaques. Suffit pas de battre le beurre rance, faut encore la frappe idoine. Exacte, au pétale de pivoine près. Faut que ça pète sec et que ça loufe lourd. Pas de résonance, pas de réverbération phonique, le coup et c'est tout. Pas doux, plein atout. Pas besoin de s'attarder, l'on passe au suivant sans attendre. La grosse caisse à bout portant, la charley qui ne chuinte pas, les toms à l'atome et la caisse claire très foncée. Bref le Gui-Gui il vous bâtit le squelette, pas le genre femmelette aux bras d'allumette, non des murs de fémurs, des ténèbres de vertèbres, des cumuls de mandibules, des plate-bandes d'omoplates, un stentor pantocrator, un terminator qui vous alligatorise d'une seule frappe.
Une fois que vous avez déniché le rapace, vous êtes tranquille. Plus besoin de rien. Ou plutôt deux fois rien. Mais pas de ceux qui foutent rien. Sur la gauche, vous posez un bassiste. Rien de plus simple qu'un bassiste. Prenez le premier qui passe – par exemple celui-ci qui s'appelle Rémi et qui officie chez les Spunic Boys - et filez-lui une contrebasse. Ne confondez pas avec une haute-contre. Rien à voir. D'abord pensez à l'esthétique. Qu'il ait une banane hippopotamique, pharaonique, porte-avionique, supersonique, cela vous habille un rocker encore plus qu'un perfecto, mais ce n'est qu'un détail, qui tue. En plus vous voudriez qu'il sache jouer de la contrebasse ? Non c'est inutile. Sont des milliers de contrebassistes à jouer de la contrebasse dans le monde. Aucune imagination. C'est d'un vulgaire inouï. Ne s'agit pas de jouer de, mais de jouer avec. Verbe du premier groupe à polyvalence variable vous enseigneront les narratologues. Faut qu'il soit comme le gosse à qui vous venez d'offrir un train d'électrique qu'il vous le jette en l'air et qu'il vous le piétine de rage en hurlant. Pas question qu'il commence sagement à assembler les rails, exigez le déraillage immédiat, préférez qu'il plante sauvagement les wagons dans le bras de sa petite sœur avec un sourire d'enfant chérubinique de chœur. Ensuite ne pensez plus à rien. Laissez faire la nature. Elle revient au galop. Pas spunique, hunique.
Vous en avez assez avec les deux zigotos précédents ? Je vous conseille tout de même de poster un guitariste sur la droite, ce n'est pas qu'il soit indispensable, mais ça se fait dans le rock. Vous êtes les premiers à rouspéter au resto quand il manque une saucisse de Strasbourg dans votre choucroute. Prenons un exemple au hasard : tiens au pif, Eddie des Spuny. Un prénom rock de chez rock. L'est sur scène, bien sûr qu'il ne sait pas quoi faire, alors pour se donner une contenance, puisqu'il a une guitare entre les mains, faute de mieux, il en joue. Tout pour se faire remarquer. Personne ne lui demande rien. Mais il asperge les arpèges. A tout bout de champ. Dans l'incapacité totale de laisser ses deux camarades philosopher sereinement dans leur coin. Ramène sans arrêt sa fraise. A collerette. Pas le gars charmeur qui laisserait par mégarde s'échapper deux ou trois inoffensives couleuvres à collier, non pas du tout, vous darde d'aspics mortalifères destinés à vous envoyer ad patres au plus vite. Méfiez-vous, souvent dans le rock les guitaristes sont particulièrement venimeux. Celui-ci de la pire espèce. Du genre il n'est jamais crotale pour mal faire.
Bon voilà, j'espère avoir été assez clair, la mécanique est remontée. Action !
THE SPUNYBOYS !
Scène un peu étroite pour les Spuny. Guillaume est aux anges, squatte à lui tout seul les deux-tiers du territoire. Trône au milieu, derrière les pièces de son artillerie. Lance la poinçonneuse sans tarder. L'a tous les plans dans ses poings. L'a raccourci les protocoles. Maximum d'efficacité et de force de frappe. Minimum, il ne connaît pas. N'a pas l'article en son rayon d'action. Et l'active dur. Des tours de passe-passe hallucinants. Prend de travers les chemins de traverse, ça les remet droit. Ligne directe. Héphaïstos dans sa forge forgeant le bouclier d'Achille. Du solide, parce que les deux autres héros ils n'apprécient pas le carton-pâte. Leur faut du solide. Leur sert de la tamponnade brevetée. Il pleut des grêlons de la grosseur d'oeufs d'autruches. Ça claque et ça cloque. N'arrête pas une seconde. L'est le démiurge primordial. La grosse aiguille de l'horloge qui indique l'heure d'envol et certifie celle du retour. Décide de tout, du poing final comme du lever du soleil.
Rémi s'adonne à son sport favori, le lancer de contrebasse. Maîtrise parfaitement. Le plafond bas ne lui permet pas les envolées lyriques, l'est privé de ses apothéoses altitudinales habituelles. Qu'à cela ne tienne il n'est pas à court d'imagination, sautille et gambade à côté d'elle avec la grâce d'une gamine de dix ans qui saute à l'élastique en cour de récréation, ou alors il saute dessus et tend une jambe bien haut en petit rat d'opéra qui toute fière tente d'atteindre la rampe d'exercice avec son chausson, parfois s'assoit dessus tout en haut et fait le pitre, tout en la faisant tourner sur elle-même, puis l'arrête, vous regarde avec des yeux rigolards, prend subitement la pause du Penseur de Rodin, fauche une casquette du premier rang, fait mine de donner quelques coups de pieds furibards à ses collègues, redescend enfin de son perchoir et continue à plaquer ses accords comme si de rien n'était. Doit avoir un léger creux, se couche par terre et essaie de l'avaler par le manche. Mauvais goût ?
L'envoie balader dans le public qui l'emporte on ne sait où, mais la ramène comme le chien fidèle qui rapporte la balle à son maître.
Ne partez pas ce n'est pas fini. L'est comme l'Apache que vous croyez tenir dans la poigne de fer de vos bras puissants. Vous pensez le vaincre. Pauvre de vous, sa main glisse et la voici armée d'un large coutelas qu'il vous plante dans le dos. Ce traître couteau qui vous assassine Rémi le sort de sa gorge. Pousse la goualante tout le long. Du nouveau dans le répertoire. Tous les cinq titres un classique de Little Richard. Ma ! Ma ! Ma ! Aoûûûh our souls ! Sauvez nos âmes, c'est trop beau, trop fort, trop puissant, sur ces morceaux de braise les Spuny sont incandescents, batterie, basse et guitare, se collent à la voix, ne forment plus qu'une rythmique folle, l'essentiel de la sauvagerie rock, ne soulignent plus, accompagnent ! Folie noire ! Les alligators sortent de l'eau et vous rongent les pieds. Ne boudent pas pour autant le rock anglais. Vont même jusqu'à exhumer un morceau de Cliff Richard dans la veine de ceux qu'il a commis de mieux du temps d'Apron Strings, en introduction à l'héritage ted qu'ils atomisent sans pitié. C'est là que l'on voit la classe des SpunyBoys, vous démontent les morceaux, mélangent les pièces détachées et vous les restituent selon une géométrie différente à leur guise, encore plus percutants et surprenants. Du rockartb ! Du nouveau sur les formes anciennes. Chamboulement dans les concepts. Idem pour leurs propres originaux. Ne les ont pas améliorés. Ne se sont pas pris la tête en petit comité, les ont mitraillés sur scène, après mille et un concerts à leurs actifs, en sont métamorphosés. Z'avaient des kalachnikovs, sont devenus des missiles. Les Spuny peuvent tout se permettre. Z'ont leur côté country. Un grand amour pour Johnny Horton par exemple. Mais quand ils le mettent en scène, rien ne manque, ni la petite maison dans la prairie, ni les grandes soirées de biture dans le saloon, juste un petit ennui, les sioux sont passés par là, ne reste plus que des cendres et des corps criblés de flèches. L'herbe bleue du Kentucky flambe et le désastre avance.
Va falloir télégraphier aux parents de Rémi. On a perdu leur grand garçon, l'a sauté dans la foule avec son instrument et le peuple cannibale des rockers s'est refermé sur lui. Moment d'angoisse, quel gaspillage, une contrebasse toute neuve, blanche comme une vierge de Raphaël, avec le logo des Spuny peinturluré en rouge hyménique sur sa peau ivoirine. Mais non, du fin fond perdu de la salle, il se lance dans un pharamineux solo tumultueux, Gui-Gui a capté le signal lointain, entre en communication avec lui, le guide pas à pas, tels les ingénieurs de la Nasa qui reprennent le contrôle d'une capsule égarée et la ramènent sur sa lampe de lancement. Ovation pour saluer son retour. Du coup il pose son engin contrebassiste sur ma tête, je suis ravi, je fais la promesse de ne plus me laver les cheveux jusqu'à ma mort. C'est qu'être au premier rang d'un concert des Spunyboys n'est pas de tout repos.
Un demi-mètre carré pour Eddie, apparemment ça ne lui suffit pas. Ce soir l'a l'âme vagabonde, un nomade insatisfait qui n'arrête pas d'échanger sa place avec Rémi. Le manche de sa guitare est trop long, dépasse de la scène, l'on jugerait qu'il cherche à vous assommer ou à vous éborgner. Prudentes les filles se reculent, reviendront en masse, lorsque Rémi dégoulinant de sueur tombera ses deux chemises successives, glapissent comme des hyènes et ricanent de plaisir en admirant ses pectoraux. Eddie reste insensible à ses frivolités féminines, l'est tout énamouré de sa guitare, ondule de plaisir chaque fois qu'elle miaule sur le toit brûlant de ses persillades riffiques.
Vous hache de ces grésils de notes qui vous entaillent le coeur, vous cisaillent le cerveau, que seraient les Spuny sans ses clous dont il vous transperce, il vous strombolise, il vous krakatoatise, il vous pitonise la fournaise. N'en peut plus, nous tourne le dos. Nous présente ses fesses – le monde s'affaisse - et fornique avec sa guitare. L'on ne voit rien, mais l'on entend sa longue plainte éruptive dont les échardes sonores nous déchirent les tympans et nous inondent d'une jouissance jusqu'à lors inconnue des rockers... Eloge de la folie disait Erasme, Eddie se coiffe d'un casque de moto ou se fond dans l'assistance pour que l'on sache de près à quoi ressemble une solophonie de guitare...
Difficile descente de scène, sont happés par le public émerveillé qui ne les lâche pas. Un concert de rêve. Le cauchemar des absents commence. N'en n'ont pas fini d'écluser leurs regrets éternels. Deux sets d'intensité incandescente.
Damie Chad.
( Photos : FB : Rockin Lolo / Sergio Kazh Rockabilly Generation )
Took it easy
Heureuse coïncidence : dans un numéro de Record Collector daté de mars 2017, Luke Haines rend hommage à Steve Peregrin Took. C’est probablement l’extrême rareté de ce genre d’hommage qui en fait un événement. Lucky Luke rappelle que 1969 ne fut pas une année érotique pour Took, car il la passa au ballon pour possession d’un joint. Il rappelle aussi que Took fit partie de Tyrannosaurus Rex, qu’il joua sur les trois premiers albums du duo, My People Were Fair And Had Sky In Their Hair But Now They’re Content To Wear Stars On Their Brows, Prophets, Seers & Sages The Angels Of The Ages et Unicorn et qu’il fut viré par Bolan à l’issue d’une désastreuse tournée américaine. Alan Vega se souvient très bien d’avoir assisté à cette débâcle lors d’un concert du duo à New York. Si on s’intéresse à ce prince de la désaille que fut Took, il est fortement recommandé d’écouter les trois premiers albums de Tyrannosaurus Rex, car il s’y passe des choses vraiment extraordinaires.
My People Were Fair And Had Sky In Their Hair... But Now They’re Content To Wear Stars On Their Brows parut en 1968. Marc Bolan y ramène «Hot Rod Mama» et «Mustang Ford» qu’il jouait déjà dans John’s Chidren, le Mod-band mythique qui l’avait accueilli en 1967, en remplacement de Geoff McClelland. À la fin du groupe, Marc dut restituer la Gibson SG et l’ampli. Pas grave ! Il ressortit aussi sec sa vieille acou Suzuki, se convertit au hippisme et engagea Took pour jouer des congas. Ils jouaient à deux, assis par terre sur des tapis.
Avec «Hot Rod Mama», Marc invente le rockab hippie et il se met à bêler comme la chèvre de Monsieur Seguin. C’est d’une extraordinaire vitalité hippie. Mais ça marche uniquement parce que Took y croit. Ils se placent tous les deux sous le patronage de William Blake et John Peel les prend vraiment au sérieux. La version de «Mustang Ford» qui ouvre le bal de la B vaut largement le détour. Le parallèle avec le monde magique de Syd Barrett saute aux yeux, gentil monde d’étrangeté et d’innocence. Marc Bolan devient le prince des poètes du paranormal. Dans Bolan - The Rise And Fall Of A 20th Century Superstar, Marc Paytress fait un parallèle avec Donovan - un Donovan que Peely surnomme the prince of loveliness - Et puis avec Piper At The Gates Of Dawn et A Gift From A Flower To A Garden, le premier album de Tyrannosaurus Rex complète la trilogie du summer of love londonien. «Child Star» continuera de fasciner jusqu’à la fin des temps, car Marc chante ça à la savate traînée, avec du child star craché dans l’écume des jours. C’est stupéfiant de présence et complètement licornique. On sent l’ombre de Took planer sur un «Strange Orchestras» gorgé de cette volonté de transe londonienne. On les sent tous les deux déterminés à vaincre. Ils se spécialisent dans les beaux mantras, comme on le constate à l’écoute de «Chateau In Virginia Waters». C’est fou ce qu’à l’époque leur truc pouvait accrocher. Avec Chateau, on comprend les raisons pour lesquelles un bon gars comme Peely a pu craquer. Marc invente le neo-pyschedelic pastoral avec «Dwarfish Trumpet Blues», un fabuleux groove de drone hippie. En B, on tombe sur le fantastique «Knight», une transe épique et translucide. Voilà l’un des sons les plus intéressants du Londres d’alors, gorgé d’une énergie de bongos et de Took attitude. Ils étaient ce qu’on appelait alors des beautiful freaks, des créatures qu’on ne croisait que dans les rues de Londres, certainement pas à Paris. On tombe plus loin sur le joli freakout de «Weilder Of Words» et ils terminent avec un pur mantra, «Frowning Atahualpa», chargé de ces effluves orientales dont Londres raffolait à l’époque. On respirait tout ça chez Biba ou au Kensington market.
Avec Prophets, Seers & Sages: The Angels Of The Ages, Marc et Took s’affirment, Tony Visconti les produit et dès «Stacey Grove», ils sortent un son plus sourd et ineffablement judicieux. On sent nettement que Marc Bolan prend son envol, il chante à la corde sensible et bêle à l’occasion. L’amusant de cette histoire, c’est que ce hippie invétéré va devenir une glam-rock idol et même the godfather of punk. N’oublions pas que Captain Sensible le vénérait et que les Damned partirent en tournée avec T. Rex. On tombe en B sur «Salamanda Palaganda», un parfait délire hippie que Mark Paytress taxe de mesmerizing frenzy. C’est vrai qu’à deux ils parviennent à créer les conditions d’une espèce de transe. Quelque chose d’assez fascinant se dégage en permanence de ce concept sonore imaginé par Marc Bolan. En même temps, on ne sait plus si on écoute ces vieux albums pour Bolan ou pour Took. Encore un coup de Jarnac hypno avec «Juniper Suction». Took y prend le contre-chant. Et c’est avec «Scenesof Dinasty» que se joue véritablement le destin de cet album. Ce long poème fleuve joué aux clap-hands est un authentique coup de génie. Marc le chante si bien qu’on croirait presque entendre Dylan chez les hippies. Pur génie de la diction et du travail de souffle. S’il faut emmener un cut de Bolan sur l’île déserte, c’est forcément «Scenesof Dinasty». C’est là que Marc Bolan entre dans la légende.
Nouveau bond en avant avec Unicorn, paru en 1969. Il faut dire que les pochettes des trois albums sont particulièrement réussies : la première est une illustration féérique, la seconde nous montre Marc et Took photographiés en noir et blanc dans un parc et la troisième nous les montre tous les deux cadrés en gros plan. Ce troisième album du duo est une véritable pépinière de hits, à commencer par l’excellent «Chariots Of Silk», solide, envoûtant, gorgé d’adrénaline hippie et déjà T. Rexy jusqu’à l’os du genou. Ce cut sonne vraiment comme un hit, avec sa descente mélodique et ses tchoo-tchoo-tchoo à la Mary Chain. Marc Bolan se paye une belle tranche de décadence dans «The Threat Of Winter», une pop-song d’une effarante élégance, pleine de légèreté et de mystery bliss. On monte encore d’un cran dans l’extase avec «Cat Black (The Wizard’s Hat)». Marc Paytress rappelle que Marc est une fervent admirateur de Dion’s Runaround Sue sort of songs. Marc emmène sa mélodie au firmament, voilà un hit visité par la grâce préraphaélite et qui éclôt dans l’azur immaculé des sixties. Le génie de Marc Bolan s’y entend à l’infini. Par contre, la B est complètement ratée. On se consolera en rapatriant la réédition de l’album parue sur A&M en 2014. Il s’agit en effet d’un double album proposant sur le deuxième disque des choses qui ne figurent pas sur les albums officiels, comme par exemple le dernier single du duo Bolan/Took. N’ayons pas peur des mots : «King Of The Rumbling Spires» est pour le fan de base du duo un passage obligé : Bolan et Took s’électrifient. C’est du T. Rex avant la lettre, a riffy, mesmerizing gothic folly, avec Took on bass et Marc qui joue de la fuzzed-up reverberated guitar. C’est énorme et à l’époque, ça passa à l’as ! Voilà un hit qui sonne comme ceux des Move. Le Tyrannosaurus fait de l’œil au Brontosaurus à venir des mighty Move. Pure merveille ! La B-side du single s’appelle «Do You Remember», claustrophobique en diable. On trouve aussi sur ce disk de bonus l’une des ultimes démos du duo : «Once Upon The Seas Of Abyssinia». Mais attention, ce n’est pas fini. Il reste à écouter l’excellent «Ill Starred Man» qui sonne littéralement comme du Ray Davies. Stupéfiant ! Marc se rapproche de la raie de Ray et préfigure Bowie. Il est le maillon manquant du décadentisme dont on se fera les gorges chaudes un peu plus tard. Le dernier cut de la B s’appelle «Blossom Wild Apple Girl», une fois encore absolument brillant et sevré de décadence. La voix de Marc se pose comme une plume dans une lumière de printemps imaginée par Edward Burne-Jones. Ce hit solide, précieux et anglais jusqu’au bout des ongles corrobore les corridors.
En réalité, Took ne s’appelait pas Took. Il tirait son nom du Lord Of The Rings de Tolkien. Peregrin Took était un hobbit et un compagnon loyal de Frodo Baggins. Took et Marc ne s’entendaient plus. À l’époque de Unicorn, Took se situait à l’opposé du hippie spectrum - where hard drugs where preferable to softback editions of fantasy fiction and where hardwearing biker leathers and dirty denims were favoured over kafkans and girlish shoes (oui, Took était d’un monde qui préférait les drogues dures aux petits romans de science fiction, un monde qui préférait les blousons de cuir et les jeans sales aux kafkans et aux godasses de gonzesses) - Il est bon de rappeler que Marc ne prenait pas encore de dope et qu’il buvait du thé au jasmin. David Platz rappelle que Took était un mec qui «floated more than walked». Tout est dit, dans cette formule miraculeusement drôle. Et Took voulait enregistrer ses chansons, ce dont Marc ne voulait pas entendre parler. Tyrannosaurus Rex était son concept et Took devait rester à son service. Une amie de Took et de Marc citée par Mark Paytress rappelle que la relation entre les deux amis s’est envenimée à cause des drogues - Basically, Took took too many, though he fonctionned better on acid than most people did. Because he took too much of it, he became slightly immune to its effects (Took prenait trop d’acides, mais il fonctionnait mieux sous acide. Comme il en prenait beaucoup trop, les acides finirent par ne plus avoir d’effet sur lui) - L’anecdote présente quand même un petit côté hilarant. Il faut se souvenir que Syd Barrett faisait lui aussi une sur-consommation d’acides et de mandies, au grand dam de ses collègues du Floyd qui souhaitaient faire carrière. Took devint donc un cosmic punk qui ruina les derniers concerts de Tyrannosaurus Rex aux États-Unis, en se foutant tout simplement à poil sur scène et en performant des bloody-minded acts of musical sabotage. Viré. Marc souhait lui aussi faire carrière.
Took échoua donc broke à Ladbroke Grove pour cuver son brouet de mandies et d’héro, en compagnie de ses amis du Pink Fairies Motorcycle Gang & Drinking Club. Il joua sur l’album Think Pink, qu’Haines qualifie de psych masterpiece, et sur un autre album solo, celui de Mick Farren, le fameux Mona - The Carnivorous Circus. Rebaptisé Shagrat The Vagrant, Took y raconte son séjour au ballon en mode spoken-word. On y trouve aussi une version de «Sumertimes Blues» beaucoup moins convaincante que celle de Blue Cheer. Même si on vénère Mick Farren, écouter Mona relève d’une certaine forme de masochisme. C’est l’une de ces aberrations mythiques dont est si friand l’underground britannique, un disque complètement merdique et mal chanté, comme le confirmera plus tard Larry Wallis, lorsqu’il réussira l’exploit de transformer Mick en vrai chanteur.
Par contre l’album solo de Twink vaut le détour, mais pour seulement deux raisons. Un, les amateurs de psychout se régaleront d’un «The Thousand Words In A Cardbox» joué au gras double d’anglicité gargouillante et commotionnée. Victor Unitt, qu’on retrouvera dans les Pretty Things, y envoie de belles giclées de glou-glou démentoïde. Deux, «The Sparrow Is A Sign», le cut de fin de B qui sonne comme un stormer psyché relativement digne des Fairies. Le reste de l’album inspire une sorte de vague ennui psychédélique. Avec «Tiptoe On The Highest Hill», Twink paye un lourd tribut au far-outage de psychout. En effet, il stand tiptoe sur the highest hill, il voit le day giver the way to the night. Franchement, on se demande comment font les gens pour trouver ce disque intéressant. Bon, c’est vrai qu’on entend Victor Unitt s’énerver, mais pas assez. Il faut dire que Twink a un don pour le beat, ça on le savait depuis «Baron Saturday». Dans «Mexican Grass War» qui ouvre le bal de la B, il crée les conditions du triple beat on the brat, mais pas avec the baseball bat. Et comme Took rôde dans les parages, ça finit par tourner en eau de boudin avec une chanson à boire, «Three Little Piggies». Ils ne peuvent pas s’empêcher de déconner. Dans les années soixante-dix, pour savoir ce qu’un disque avait dans le ventre, il fallait l’acheter. On ne disposait que de très peu d’infos. Si un journaliste anglais vantait les mérites de Think Pink, on profitait d’un séjour à Londres pour se mettre en chasse. Mais on ne prenait pas un grand risque, car Rock On vendait tous les albums de l’underground (Fairies, Stackwaddy, Broughton, Leigh Stephens, Third World War and co) pour une bouchée de pain. Songez qu’un album aussi affreusement médiocre que Think Pink vaut aujourd’hui 400 euros en ligne !
Ces participations aux projets de Twink et de Mick Farren laissaient augurer d’une belle carrière solo qui malheureusement ne vit jamais le jour. Comme il était beaucoup trop untogether, Took ne fut pas invité à rejoindre les Pink Fairies. C’est aussi drôle que l’histoire de Lemmy viré d’Hawkwind pour usage de drogues, s’esclaffe Luke Haines. En conséquence, Took décida de monter Shagrat avec Larry ‘Lazza’ Wallis. Drôle de nom pour un groupe, non ? Took tirait une fois de plus ce nom du Lord Of The Rings, mais cette fois, Shagrat n’est pas le nom d’un gentil Hobbit, mais celui d’un odieux captain Orc. Shagrat ! - Shagrat were phenomenal, the ultimate freakbeat band - Début 70, ils avaient composé ces trois stormers ultraïques que sont «Boo! I Said Freeze», «Steel Abortion» et «Peppermint Flickstick» - Dark druggy Stooges freakouts all - Et Mark Paytress en rajoute une louche, en parlant de Peppermint - Nearly six minutes of stoned agression fuelled by dread wah-wah driven chords that teetered on the edge of feedback and rammed home with a malovelent Took vocal that wavered in and out of key (six minutes d’agression stoned chargée d’accords grouillants de wah-wah qui titubent au bord d’un gouffre de feedback, et Took envenime tout ce bordel en chantant faux) - Et Paytress conclut en affirmant que Shagrat représentait the darker underbelly of Ladbroke Grove alternative culture. On serait tente d’ajouter : au même titre que les Pink Fairies.
Shagrat monta sur scène pour quelques concerts, mais Took étant Took, il le fit in perfect Took style, c’est-à-dire untogether - Sessions would abort in a chaos of pills or vodka - Alors Larry Wallis mit les voiles pour aller jouer dans UFO. Eh oui ! Même des gens du niveau de Larry Wallis peuvent se vautrer.
Vous trouverez les cuts mythiques de Shagrat sur Lone Star, paru en 2001. Si vous ouvrez le petit feuillet/pochette du CD, vous y trouverez un fantastique hommage de Larry à son pote Took : «Steve a eu et a toujours une prodigieuse influence sur ma vie, depuis ma consommation massive de LSD jusqu’à la façon dont je compose. Une influence magique. Dave Bidwell qu’on appelait Biddy, était aussi un original. Lui et Steve étaient semblables, et même beaucoup trop semblables. Ces deux-là aimaient bien pousser à l’extrême leurs expériences avec les drogues, ce qui, comme chacun le sait, finit en général assez mal. Si je parle des drogues, c’est parce qu’à l’époque on ne vivait que pour explorer des planètes inconnues, et les vaisseaux spatiaux qui permettaient d’y accéder, c’était justement les drogues. Took était le capitaine de notre vaisseau. Dans les années précédentes, Took avait été salement désavoué. Il avait pourtant joué un rôle aussi important que celui de Bolan dans Tyrannosaurus Rex, un groupe qui sortait de nulle part, et il semble que ce soit Mickey Finn qui en ait tiré les marrons du feu. J’imagine qu’il n’est pas responsable de cette erreur d’appréciation. Alors, il ne vous reste plus qu’à savourer les virées cosmiques de Took, comme il les appelait. J’ajoute que ces chansons dissipent un malentendu voulant apparenter Took et Bolan au monde des lutins de la forêt. C’est entièrement faux. Tout ce qui intéressait Steve était ce qu’il appelait lui-même le kerflicker-kerflash, une sorte de rock’n’roll super-trippant et cosmique, du neon sex fun.» Comme dans le cas d’Hendrix, on se demande ce que Took aurait pondu s’il avait vécu. Aurait-il réussi à perdre le contrôle de son sex fun ? Oui, c’est bien du pur jus de cosmic neon sex fun qu’on entend dans «Boo! I Said Freeze», véritable carnage de druggy dub de freeze joué à l’énergie ralentie, d’autant que Larry balaye tout à la guitare, redevenant du coup l’un des trublions les plus virulents d’Angleterre. Oh, il faut l’entendre déployer sa furia del sol dans les méandres du sex fun de la titube ! On se serait damné à l’époque pour un tel ramdam. On trouve encore de la pure mad psychedelia dans un «Steel Abortion» joué au stone-deaf Wallis of sound, cousu comme le furet, déployé comme une ampleur galvanique, explosé du subitex, situé loin, mais vraiment loin au-delà de toute raison. Larry fait le show, et en bon Wallis qui se respecte, il va là où bon lui semble. Sur cet album aussi miraculeux que miraculé, on retrouve le troisième stormer ultraïque, «Peppermint Flickstick», un cut digne de Syd Barrett, complètement barré, drugtion at the junction, nous voilà projetés au cœur de la pire mad psychedelia qui soit ici bas et Larry se barre en sucette de solo gras. Ah quelles effluves de molles dérives dignes des montres molles du grand Dali délire ! Les Américains férus de psychédélisme feraient bien d’en profiter pour prendre des notes.
En guise de conclusion brokienne, Luke Haines insinue que Lone Star ne fut jamais mastérisé à la bonne vitesse. Perfect Took style.
Est paru en 2003 un autre album de Shagrat, Pink Jackets Required, avec les noms de Twink et Paul Rudolph sur la pochette. Ce disque est une horrible arnaque : Twink aurait overdubbé des percus sur les démos de Took. Sur le Took website, on pouvait lire ceci : «Rest assured, the actual lineup on these tracks was Steve Took, Larry Wallis and Dave Bidwell.» Mais Mick Farren se mit quand même en pétard. Révolté par cette arnaque, il déclara : «What kind of scum robs from the dead, let alone a dead friend ?» (C’est quoi cette bande d’enculés qui pillent un cadavre, qui est en plus le cadavre d’un ami ?). On retrouve d’ailleurs sur Pink Jackets Required trois des cuts de Think Pink («The Sparrow Is A Sign», «The Coming Of The Other One» et «Three Little Piggies»). C’est vraiment du grand n’importe quoi. Twink perdit alors toute crédibilité. D’ailleurs, dans Growing Old Disgracefully, les Pretty Things expliquent qu’ils avaient à une époque dû prendre leurs distances avec ce misérable magouilleur.
En 1972, Marc Bolan déclarait que Took se trouvait «in the gutter somewhere». La presse ne démentait pas, affirmant que Took n’était plus qu’un day-dreamer in leather, shades and stubble with an appetite for Mandrax (une sorte de clochard céleste en cuir, lunettes noires et barbe, affamé de Mandrax). Ce qui ne l’empêcha pas de s’acoquiner avec Tony Secunda, l’ancien manager des Move et de T. Rex, qu’il surnommait Tony Suck Under. Cette relation ne fit pas que du bien au pauvre Took - Too much cocaine went up to his nose - Secunda installa Took dans un flat transformé en home studio, juste derrière ses bureaux à Mayfair, et lui proposa d’enregistrer quelques demos pour un album solo, mais Took étant Took, il le fit in perfect Took style : nothing ever got finished. Rendu parano par l’abus de coke, Took vivait en reclus dans le flat.
Ces sessions finiront heureusement par paraître, mais beaucoup plus tard, en 1995, sous le titre The Missing Link To Tyrannosaurus Rex. Si on rapatrie cet album, ce sera pour deux raisons principales : «Give» et «Syd’s Wine». On voit que ça wha-whate sec chez Secunda. Ah les vaches, ils y vont de bon cœur. Et pouf, ça disparaît, va-t-en savoir pourquoi. Mais ça revient et l’ensemble se veut assez dément, embarqué au big drive. Took est capable de miracles, il ne faut jamais l’oublier. Il prend «Syd’s Wine» en laid-back. Pure druggy song of it all, magnifique, il chante à la titube de bulbe et là, tout Took reprend son sens. On trouve d’autres merveilles sur cet album sauvé des eaux, comme par exemple «Molecular Lucky Charm», trop abîmé pour être pris au sérieux, on n’entend même plus la voix, ça gratte à l’acou devant et ça vire au vieux vaseux. Fantastique «Scorpius» d’entrée de jeu, monté sur un puissant drive de basse : on a Larry Wallis, Twink et Mick Wayne à la basse. La fine équipe habituelle. «Lucky Charm» dégage aussi un charme irrésistible. Took nasille dans le néant de Secunda. Lui et ses amis cherchent des noises à la noise, et le résultat dépasse toutes les attentes. Syd Barrett fait son cirque sur «Flophouse Blues» et «Seventh Sign» vire à l’apocalypse. Le diable cuisine Took, ça se sent. Il sort là un cut de big atmospherix fascinant, un véritable chef-d’œuvre de druggy groove. Il fait son Instant Karma sur «Days». On reste dans le druggy groove d’exception, perdition absolue, une vraie dérive absolutiste, l’équivalent sonique de La Connaissance Par Les Gouffres. Took entre plus dans le vif du sujet avec «I Caution You», une vraie atteinte aux mœurs de la mormoille. Voilà le pur acid rock de Ladbroke Grove, absolument superbe, plein d’allant et brumeux en même temps. Took parvient toujours à ses fins, sachez-le. L’album se termine sur un musculeux «Flophouse Blues (Reprise)», joué dans l’esprit de conquête, au mieux des possibilité du junk punk du Grove. Énorme !
En 1974, Took entreprit de composer une cricket song avec Robert Calvert, «Cricket Lovely Cricket», mais le single bien sûr ne vit pas le jour. Quatre ans plus tard, il fit irruption dans la new wave avec Steve Took’s Horns, a tough pub rock bovver boy group, qui enregistra des cuts qui, vous l’avez deviné, ne parurent pas à l’époque. Ils ne firent surface qu’en 2004, chez Cherry Red sous le titre Blow It !!! The All New Adventures Of. Alors oui, il faut absolument écouter cet album, car c’est un chef-d’œuvre de heavy rock underground et ça démarre avec un «It’s Over» dévastateur, extraordinaire de vitalité anglaise, une pure dégringolade d’exaction parabolique. Ah cette façon qu’a Took de balancer l’it’s ohhh/ ver. Quelle classe ! Tout ce qui suit est au même niveau. «Average Man» sonne comme de la Stonesy de flibuste, c’est une régalade de première nécessité. Took défonce la rondelle des annales de la Stonesy. Seuls les Anglais peuvent se permettre de sonner ainsi. S’ensuit «Woman I Need», un balladif complètement décadent, joué à la déconfiture d’accords. Une basse fuzz hante «Ooh My Heart», toute l’énergie des bas-fonds londoniens rejaillit ici, c’est bardé de glissés de basse déments - First she’ll make up her eyes/ Then she’ll make up your mind - Pure démence. Et ce n’est pas fini car voilà «Too Bad», joué au heavy glam de Londres, that’s right, quelle fantastique entrée en matière - Too bad/ Too bad yeah/ Too bad don’t come my way - Monstrueux ! Et il se met à scander Highway Highway driving me - Voilà le heavy glam de rêve, the real Deviant sound, la putréfaction de la stupéfaction, le glam des catacombes. Effarant ! Un peu plus loin, on tombe sur un autre coup de Jarnac intitulé «Wall Of Sound». C’est antédiluvien et plombé aux cuivres. Il s’y passe quelque chose de stoogy, une implosion de brain blast, une pure élévation dévastatrice, complètement inespérée. Voilà le genre de disque qui peut restaurer votre confiance en l’humanité.
Took et ses Steve Took’s Horns ne montèrent qu’une seule fois sur scène, en 1978 à la Roundhouse, dans le cadre du Bohemian Love-In organisé par un Nik Turner fraîchement viré d’Hawkwind et qui tentait de redémarrer avec un nouveau gang et un album intitulé Sphynx. Ce festival fut le dernier grand événement de l’English hippy underground. Nik surnommait Took ‘a tragic genius’. Steve Took too much.
Luke Haines termine son hommage avec une très belle anecdote. En 1980, alors que ses copains d’école écoutaient les Jam, Lucky Luke alla chez WH Smith s’offrir les deux albums de Tyrannosaurus Rex, Unicorn et A Beard Of Stars couplés dans une édition cheap pour seulement £3,99 - I bought it and changed my life for ever - Et c’est en décembre de la même année que Took cassa sa pipe, perfect Took style : il s’étrangla avec un mélange de cocktail cherry, de morphine et de magic mushrooms, des drogues financées par le chèque de royalties qu’il venait de toucher pour Unicorn. Et Luke Haines conclut ainsi : cette fin me fait parfois rêver.
Signé : Cazengler, tombouctook
Tyrannosaurus Rex. My People Were Fair And Had Sky In Their Hair... But Now They’re Content To Wear Stars On Their Brows. Regal Zonophone 1968
Tyrannosaurus Rex. Prophets, Seers & Sages: The Angels Of The Ages. Regal Zonophone 1968
Tyrannosaurus Rex. Unicorn. Regal Zonophone 1969
Mick Farren. Mona. The Carnivorous Circus. Transatlantic 1970
Twink. Think Pink. Polydor 1970
Shagrat. Lone Star. Captain Trip Records 2001
Steve Peregrin Took. The Missing Link To Tyrannosaurus Rex. Cleopatra 1995
Steve Took’ Horns. Blow It !!! The All New Adventures Of. Cherry Red 2004
Luke Haines : Steve Peregrin Took, the Heavies’ Heavy Head. Record Collector #464 - March 2017.
CHANSONS BIZARRES POUR GENS ETRANGES
+ EP's + inedits
CHRIS
AUTO-EXTERMINATION / LE PETIT SOLDAT DE PLOMB / HACHISH/ LE REBELLE / ELLE M'APPARTIENT / LA BALLADE DU FILS INDIGNE / LE CHAT REVIENT / NEVRALGIE PARTICULIERE / PREMIERE INTERVIEW / TU NE SERAS PAS MON AMI / BALLADE A MICHELLE / PLAN DE FUGUE / LA PETITE FILLE DE L'HIVER / L'ORPHELIN ET LE TAMBOURIN / ELLE T'ATTEND / A LA COUR DU ROI JOHNNY / LES MURSBLANCS / PARIS SE SABORDE / PRIERE POUR HELLODARKNESS / LA VOIX DU POETE / JE RENTRE.
Rock Paradise Records RPRCD 39 / 2016
Certes Long Chris n'était pas un inconnu pour les rockers lorsqu'il m'est apparu sur l'écran de la télévision familiale. Faisait déjà partie en 1966 de la saga du Golf-Drouot, son amitié avec Johnny Hallyday était légendaire, je possède encore le 45 tours Ma Verte Prairie sur lequel il s'essayait avec les Daltons à un country encore tout engoudronné des cowboys solitaires des derniers westerns. Mais là, l'était métamorphosé, cheveux longs qui lui donnaient une scandaleuse allure de beatnick, répondait aux questions en proie à un tract fou qui le faisait trembler comme une feuille morte, puis s'était lancé dans l'interprétation du Chat qui avait séduit l'ensemble de la famille. Dans laquelle j'étais pourtant considéré comme le mouton noir musical. Preuve qu'il avait su percuter son époque.
Suis passé régulièrement durant deux ans devant son échoppe au Village Suisse – brocante des bourges – mais n'ai jamais osé entrer... C'est vrai que la version de Génération Perdue de Johnny est supérieure à la sienne mais je préfère l'originale fin de Chris : Tu voudras faire briller le nom Que l'on t'a imposé et non Que ton père t'a donné, qui gomme le côté anarchisant du texte. Heureusement que le grand Jojo na pas effacé le Je peux brûler les églises / Je peux éclater de rire dans Je n'ai Besoin de Personne, hymne stirnérien par excellence, qui se trouve sur le fabuleux Rivière... Ouvre Ton Lit dont Chris écrivit la majorité des lyrics et qui reste le flamboyant et somptueux album du rock français.
Heureuse initiative de Patrick Renassia et de Rock Paradise de rééditer cinquante ans après sa sortie ces Chansons Bizarres pour Gens Etranges. Beaucoup le recherchaient, peu le retrouvaient. Beaucoup plus authentique que ce que proposait le marché national dans la même catégorie, en dehors d'Huges Aufray plus pop et d'Antoine très commercial n'y avait pas res comme l'on dit en occitan. Me reprends, ne faudrait pas oublier Ferre Grignard, dont plus personne ne parle, mais l'était belge et chantait en anglais.
Auto-extermination : nudité de la voix et de la guitare. Dylan n'est pas loin, organe moins enroué que le Zimmerman mais texte d'une clarté acide, le premier hymne écologique, paroles peu doucereuses, traits d'harmonica pour souligner l'ampleur du désastre et le message prophétique de la catastrophe annoncée. Le petit soldat de plomb : contraste, de l'apocalypse imminente l'on passe au conte merveilleux d'Andersen, rajoute les feux de l'amour en solution finale. Rondeurs de guitares et courbes vocales. Hachish : fallait oser en 1966, un texte ambigu, une saleté dont on ne peut plus se passer et qui danse dans le cerveau. Dans sa présentation Jean-William Thoury en accentue les aspects condamnatifs, mais parfois faut prêcher le faux pour faire entendre le vrai. Interprétation très expressive, la guitare de Steve Waring écorche les entournures. Le rebelle : avec orchestre pour ballade entraînante, une revisitation du cowboy solitaire transformé en rebelle pacifiste, figure idéale dont le chanteur n'hésite pas à endosser le rôle à la première personne. Elle m'appartient : folk-rock et chanson d'amour à intonations dylaniennes très marquées, avec cette marque de cynisme d'une invisible transparence qui est le sel astringent des lyrics du Bob. La ballade du fils indigne : chanson cousine de La Génération Perdue, mais ici Chris ne se contente pas d'exprimer le mal-être et le malaise, entre de plein fouet dans le conflit, générationnel et sociétal. Crache tout, sa colère et sa haine, cite les noms, précise ses reproches noir sur blanc, la musique partage sa hargne, très belles guitares électriques. La meilleure de la face A de l'album original. Le chat revient : pas d'affolement, Chris nous délivre une fable ésopienne, le chat triomphe de tout. Survit à tous les dangers, et même à l'espèce humaine. Adoptez son indolence native. Névralgie particulière : plutôt cauchemar surréaliste, tout ce qui se passe dans votre tête et que vous n'avez pas le courage de raconter. Les images de la fausse réalité se craquèlent et tout s'embrouille, tout cela parce que votre copine vous a quitté. Mieux vaut en pleurer qu'en rire. Très belle orchestration qui vous pousse le réel au cul. Première interview : plus traditionnel, critique des médias soumis à la vieille idéologie du formatage individuel par le travail. Pas la ronchonnade marxiste de l'aliénation, mais la revendication d'une impertinence bien enlevée. Tu ne seras pas mon ami : des paroles typiques du rock'n'roll français dont Long Chris reste l'un des paroliers les plus aigus, le thème des amis intéressés remis à leur place, une complainte lancinante blues déclinée à toute vitesse, faut que ça valse. Ballade à Michelle : beaux choeurs féminins doublent la voix de Chris, de quoi adoucir les regrets. Cause perdue. L'est trop tard. N'avait pas qu'à. Même s'il ne l'a pas fait exprès. Plan de fugue : la chienlit et le désordre, les déboires de la vie familiale quand elle n'a pas le charme zonderlinesque, revue de fous à lier, l'orchestration sonne en ses meilleurs moments comme du meilleur Dylan, ironie mordante, harmonica en partance, apothéose finale. Cette face B est à la hauteur du dernier morceau de la face A.
Un demi-siècle après le disque se révèle être un véritable chef d'oeuvre du patrimoine. Mais à l'époque ça se bousculait grave au portillon, y avait du monde rien qu'entre les Beatles et Hendrix... La carrière de Chris n'en a pas été boostée. Grand dommage. Sept titres prélevés sur les quatre 45 Tours suivants de Chris complètent le CD.
La petite fille de l'hiver : violons à pleurer, une reprise décalée du conte de La Petite-fille aux Allumettes, dommage que Chris n'ait pas eu l'idée – peut-être un projet inabouti ? -de tout un album consacré à Andersen, beau texte qui raconte avant tout la perte irrémédiables des rêves de l'enfance qui s'efface lorsque nous croyons que nous grandissons alors qu'en fait nous rapetissons. L'orphelin et le tambourin : le texte n'est pas sans évoquer la Nuit de Décembre de Musset, je n'insinue pas que Chris a copié, bien au contraire l'a retrouvé une émotion qui appartient à tous, celle du dédoublement de soi-même. Très puissant. Elle t'attend : aigre-doux, masque mortuaire souriant, banjo enjoué, rythme sautillant, polka des mauvaises nouvelles, rendez-vous d'amour au cimetière. A la cour du roi Johnny : Chris au pays des merveilles, Alice a bien grandi, n'est plus la petite fille innocente, mais le monde court à la déglingue surréaliste, une chronique douce-amère vraisemblablement codée. Les murs blancs : finie la féérie, misère de l'amour et amour de la misère, le passé à l'encan, bohème désenchantée, errance solitaire, orgue sifflant, tout passe, certains s'en tirent moins mieux que d'autres. Les chants désespérés font les lyrics les plus beaux. Paris se saborde : l'après-monde. Le cauchemar grignote le passé. Paysage de science-fiction prophétique. Le monde ne court plus à sa perte. Il a déjà franchi la ligne d'arrivée. Celle de l'abîme. Prière pour hellodarkness : prétérition, chanter l'amour pour mieux souligner la cruauté du monde. Egoïsme du bonheur. Tant pis pour les autres. Il faut savoir se renier pour accéder au septième ciel de l'empyrée divine. Très belle envolée de voix féminine à la fin. La voix du poète : montée du nihilisme. Nécessité du poète en nos temps de détresse s'interrogeait Hölderlin, les temps sont incertains, les chansons d'amour valent-elles les fusils ? L'espoir fait vivre !
Je rentre : titre inédit, enregistré en octobre 2015. Je rentre pour mieux revenir. Chris revient tout du Long. Recolle les morceaux d'une vie diffractée. Pas mal en soi-même, mais je me répète, l'aurait mieux valu le remplacer par La Génération Perdue.
Un regret : que Chris n'ait pas continué sa carrière. L'est le lyricoeur qui a tant manqué au rock'n'roll français. Certes l'a écrit quelques uns des textes les plus significatifs d'Hallyday mais il nous a privé d'une œuvre qui aurait été exemplaire. L'était en avance sur son temps. S'engageait dans une sorte de pessimisme féérique des plus originaux.
Notons que vient de sortir chez Milano Records : Gens Etranges pour Chansons Bizarres, nous les chroniquerons bientôt.
Damie Chad.
TRY ROCK & ROLL
Emission rock cornaquée par Thierry Gazel, quarante-deuxième livraison du 09 octobre 2017 en hommage à Gene Vincent disparu le 12 octobre 1971. A écouter en direct sur radiolezart.fr ( tous les lundis à dix-huit heures trente ) ou en podcast sur le FB de Try Rock & Roll.
Thierry Gazel pourrait reprendre le slogan du président Rosko : Maximum de musique, Minimum de bla-bla, ainsi ce spécial Gene Vincent offre en une heure dix-huit titres entrecoupés par l'essentiel : date, lieu, nom des musiciens présents à l'enregistrement et l'annonce des concerts de la semaine à venir. Pouvez chipoter que votre morceau favori du Screamin' Kid ne soit pas au programme – perso me manquerait Bird Doggin' - mais comme chez Gene tout enregistrement est une petite merveille de précision, la foire d'empoigne risque de tourner au pugilat. Etudiez plutôt la set-list des émissions antérieures qui débordent de perles précieuses et de titres rares. L'en connaît un rayon de miel Thierry Gazel, véritable amoureux et connaisseur de la musique populaire américaine. Rappelons que Thierry Gazel fut le contrebassiste des Ol' Bry dont vous avez intérêt à vous procurer au plus vite les deux premiers albums. L'émission entame sa deuxième année, et Thierry Gazel est devenu par chez nous un des archivistes sonores et des propagandistes ondins les plus importants de la musique des années cinquante. Activiste rockabilly. Bienfaiteur de l'humanité rock'n'roll. A écouter tous les lundis. Sans faute.
Damie Chad.
THE TWILIGHTERS
BAD DAMN CATS / KINGDOM OF DELAY / GO ON GIRL / LOOK INSIDE / NOW YOU'RE PSYCHO / RHYTHMBILLY / ILLUSIONS / TWILIGHTERS / SAD &ANGRY / LAMP POSTS / COMMING LIKE CRAZY / SCREAMING / PSYCHO ILLUSIONS
CHRIS BIRD : guitar & voca: / SAM CHAMROCK : double bass / Jerry Wild : drums, backing vocal & screams
Driben Records : enregistré entre Août et Décembre 2015 à Kharkiv Ukraine.
Comme vous l'avez lu dans le numéro 2 ( épuisé et déjà collector ainsi que le 1 ) de Generation Rockabilly, en leur début les WiseGuyz étaient un groupe de psycho, après plusieurs changements sont devenus les tueurs de bop que nous connaissons. Mais les premières amours étant inoubliables, Chris Bird n'en continue pas moins de s'adonner dans les Twiligthers à ses originelles psykozoïdales manières.
Bad damn cats : mettons les points sur le I grec de psycho. De l'autre côté des Carpates les Ukrainiens doivent avoir une définition de ce genre différente de la nôtre. L'on s'en aperçoit dès les premières notes, sonne résolument plus sixties que psychobilly. Ce qui n'est pas en soi désagréable. Cris de mouettes en introduction, je ne sais si ces maudits cats pourchassent les volatiles sur les rives du Dnierp, en tout cas la guitare de Chris souligne à merveille son vocal enragé. Instrumentation marvinienne. Un petit bijou. Kingdom of delay : instrumental, rythmique jazz par en dessous, rappelle tous nos groupes des années soixante, plein d'effets et de surprises tous les vingt secondes. Comme ce n'est pas un débutant qui tient la guitare l'on n'est pas loin de ce à quoi s'amusait Eddie Cochran en reprenant le thème du Quatrième Homme. Go on girl : l'on sort le grand jeu, les filles arrivent, Chris vous prend le ton du gars désabusé qui mâche du chewing-gum et la musique s'emballe d'une manière des plus viriles, le batteur vous pique un cent mètres chrono à décrocher une médaille d'or. Rien à dire, savent s'y prendre avec les gerces, n'oublient même pas de faire les jolis chœurs qui vous filent un air romantique très prisée par la population femelle. C'est du moins ce que l'on dit. Look inside : contrastes, des hachis de guitare, des langueurs monotones, des voix qui agonisent, des accélérations fulgurantes, un peu générique à la James Bond. Tueurs à l'horizon, filles langoureuses dans votre bras. Cherchez l'erreur. Si vous n'avez pas trouvé, c'est que vous êtes déjà morts. Les lèvres pulpeuses étaient empoisonnées. Now you're psycho : non, ce n'est pas le manifeste psycho que vous attendiez. En fait si, mais ça progresse par étapes. Des relents de cat man de Gene Vincent, mais en moins menaçant. Les gars ont le sourire sardonique des tombeurs de filles. Rhythmbilly : ouf ! On est sorti du saloon et on se paie une cavalcade dans la prairie à la recherche des indiens qui ne se montrent pas. Situation idéale pour jouer les fiers-à-bras. Illusions : voix narquoise, contrebasse plissée, guitare moqueuse qui se joue de vos oreilles et Chris qui persifle et fait la grosse voix qui file la trouille quand vous racontez l'histoire du méchant loup aux enfants. On s'y croirait, on a presque peur. Twilighters : la guitare sautille, la voix récite une comptine, la batterie bat le beurre, la six-cordes tourbillonne, valse frénétique. Et l'on refait un tour juste pour le plaisir. Attention cette fois-ci les robes volent plus haut. Penchez-vous et vous entreverrez ce pour quoi vous êtes venus. Sad and angry : ni vraiment triste, ni vraiment en colère, dans l'entre-deux. Le temps monte un peu, las ! le plaisir du baston nous sera refusé. Mais les jeunes coqs jouent la comédie à ravir. La guitare nous file une avoinée finale rien que pour nous montrer combien cela aurait pu faire mal. Qu'on se le dise ! Lamp posts : accords sonores et traînants. La voix s'attarde pendant que l'orchestre tricote. Echos sur les cordes. Taisez-vous et écoutez. Leçon de virtuosité. N'essayez pas d'imiter vous seriez ridicules. Vous le certifie une deuxième fois. Mais vous n'êtes pas aussi stupide que vous en avez l'air. Vous aviez déjà compris. Comming like crazy : bien parti, ça fuse de partout, s'en donne à cœur joie et pas de l'artichaut, du chaud saignant sous le couteau du boucher. Un festival. Screaming : gardez votre souffle, très flegmatique en ses débuts, ensuite vous êtes debout sur le toit du train et la voûte du tunnel se rapproche dangereusement. Quand votre corps rebondit sur le ballast, le wagon éclate de rire. Un morceau interdit aux loosers. Attention deuxième tunnel, à votre tour ! Psycho illusions : gardent le rythme, ça rebondit de partout et sans cesse cette voix atone qui joue l'étonnée alors que toute votre vie défile sous vos yeux en quelques secondes. N'ayez crainte personne ne vous pleurera.
Si vous aimez la guitare chromée d'or ne manquez pas les Twilighters c'est un régal, vous proposent un étrange psycho-rétro des mieux venus qui vous replonge dans les années dorées sur tranche de ces formations instrumentales des années soixante qui imposèrent les sonorités rock aux oreilles européennes, avec en plus cette remarquable réussite de ne pas sonner passéo-nostalgique. Le secret est bien simple, les morceaux sont construits sur de bonnes vieilles structures rockabilly qui les empêchent de lorgner vers la pop. Deuxième caractéristique, ce sont des instrumentaux avec voix. Ce qui change tout et qui explique les différentes intonations auxquelles le vocal est soumis, déchargé de cette urgence expressive qui est la marque rockab, car l'organe humain est ici traité comme un instrument complémentaire qui se soumet à la fluidité et à la plasticité de la pâte musicale. Chris Bird use d'un timbre caméléon qui s'adapte à toutes les tessitures de l'orchestration. Jamais devant. Tous ensemble. Le fait que la formation ne soit qu'un trio aide à la cohésion du groupe, jouent très près l'un de l'autre, très serrés, extrêmement réactifs, un peu comme ces centaines oiseaux en plein vol qui tous infléchissent en une même seconde leur vol sans qu'aucune collision interne ne vienne perturber l'inaltérable position de chacun. Malgré leur son sixties les Twilighters seraient à envisager en tant que groupe d'expérimentation qui rechercherait une future évolution du rockab. Sans trop le montrer, ce qui expliquerait ce retour vers cette rythmique de base qui s'essaierait à une nouvelle semence, un mix étrange, un extraordinaire hybride, à la croisée de Charlie Christian et de Hank Marvin. Ayez l'oreille raisonneuse.
Damie Chad.
BLUES & CO
AUTREMENT BLUES
Leur slogan n'est pas une formule publicitaire. Correspond à la réalité. Les ai rencontrés à Blues In Sem ( voir KR'TNT ! 338 du 07 / 09 / 2017 ), des passionnés qui vous refilaient les anciens numéros à 2 Euros l'exemplaire et six pour 10. Sont là pour le blues, pas pour le fric. Ont une formule gagnante. La ferveur et rien d'autre. La revue s'est bâtie autour d'un enthousiasme qui a fini par générer l'organisation du Festival Terri'Thouars Blues. Pour ceux qui auraient envie de s'y rendre c'est entre Saumur et Niort. Un groupe de teigneux qui s'accrochent aussi forts que les morpions qui ne quittent pas vos parties génitales. L'air de rien, des émissions sur la radio locale, puis dès 1997 un fanzine – aujourd'hui revue de quatre-vingt pages – puis une association qui commence par organiser des concerts et qui finit par un festival annuel, le prochain du 20 au 25 mars 2018... quand s'arrêteront-ils ? Jusqu'où iront-ils ? Les laisserons-nous faire ?
Me voit obligé de répondre : Oui ! Sans tristesse. Ai épluché six de leurs numéros. Des fous de blues mais sans œillères. Aiment aussi le country, le rockabilly et l'électricité. L'on y rencontre des gens que l'on aime bien par chez nous. Interviewent par exemple Swinging Dice et The Subway Cowboys, chroniquent les rééditions de Gene Vincent, braquent les projecteurs sur Nico Duportal, vous font des séries sur le Britih Blues, réhabilitent des groupes comme Ten Years After, Spooky Tooth, chroniquent les concerts des Stones et de Clapton, abordent des thématiques diverses comme la naissance du rock en URSS avec les premières duplications des pionniers du rock dès les années cinquante sur des radiographie médicales, ou les campagnes d'enregistrement Alain Lomax dans le Delta et le grand Sud, explorent le passé, de Billie Holliday à Nina Simone, et surtout ne quittent pas des yeux la scène blues vivante en France, en Europe, en Amérique et partout, jusqu'au pays des kangourous, de Fred Cruveiller à Loretta & The Bad Kings, en passant par Eric Bibb à Backsliders.
Couverture couleur, intérieur noir et blanc un peu spartiate mais aussi efficace que dix rangs d'hoplites massés en formation de combat. Truffé d'informations, de chroniques de disques, de concerts et d'articles de fond. Une particularité que vous entreverrez peut-être comme un défaut mais en laquelle réside sa force : vous ne trouverez pas la revue en kiosque. Se diffuse par abonnements, ont un contingent de trois centaines d'abonnés qui assure la pérennité de l'entreprise.
D'ailleurs à tout hasard je vous refile les infos nécessaires à votre délestage financier :
1 an : 4 numéros : 18 Euros. 2 ans : 8 numéros : 34 Euros. ( N'ont pas prévu pour l'éternité ce qui leur permettrait d'engranger des milliard ).
Règlement : Blues & Co abonnements 31 rue de la Quintinie / 79 100 THOUARS
Adresses utiles : www.blues-n-co.org et redac@blues-n-co.org plus le FB : Blues & Co le magazine « autrement blues ».
Voilà chers kr'tnteurs je n'en ferai pas plus pour vous. Vous ne le méritez pas. Toutefois ces saines lectures ne pourront que vous améliorer.
Damie Chad.