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kidz get down

  • CHRONIQUES DE POURPRE 226 : KR'TNT 345 : CYRIL JORDAN / KIDZ GET DOWN / MERCENARIES / THE BLUES AGAINST YOUTH / NUCLEAR DEVICE / PUNK & ANARCHIE

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 345

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    26 / 10 / 2017

    CYRIL JORDAN

    KIDZ GET DOWN / THE MERCENARIES /

    THE BLUES AGAINST YOUTH / NUCLEAR DEVICE /

    PUNK & ANARCHIE

    Monsieur Jordan - Part Two

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    La bonne nouvelle, c’est le dernier album des Groovies, Fantastic Plastic. On les croyait rincés, on les disait dépassés, on les taxait de has-been, on les plaignait d’être si vieux, on les prenait à la légère, on les enterrait vivants, on s’en lavait les mains. Quelle erreur d’appréciation ! Un mec aussi féru de rock que Cyril Jordan ne peut pas décevoir. Comme Lux Interior, Jeffrey Lee Pierce, Peter Perrett et d’autres, il ne vit que pour ça, le rock, et son dernier album n’en finit plus de nous le rappeler. Cyril Jordan fait partie des gens qu’il faut continuer de suivre à la trace, ces rockers de quarante ans d’âge qui sèment derrière eux la poussière d’étoiles dont on se nourrit depuis l’adolescence. Comme tous les gens de sa génération, il est entré dans la phase critique de la soixantaine, mais sur scène, il fait encore illusion. C’est tout ce qui compte. Qu’attend-on de plus d’un groupe de rock ? Un bon concert et accessoirement un bon album ? Dans le cas des Groovies, on est gâtés. C’est même inespéré. Leur set tient sacrément bien la route, Cyril semble ravi de pouvoir encore monter sur scène avec une section rythmique et un chanteur, c’est ce qu’il a voulu faire toute sa vie, et ça continue. Tant mieux pour lui. Pour cette tournée européenne, il a combiné un drôle de petit set, un panaché de cuts du nouvel album et quelques reprises triées sur le volet. Oh pour ça, on peut lui faire confiance, il a toujours eu le bec fin. Les connaisseurs ont pu apprécier son clin d’œil aux Raiders, avec un «Hungry» bien enlevée et poppy à souhait. Cyril a toujours adoré les Raiders, souvenez-vous de sa fantastique reprise d’«Him Or Me». On connaît mal les Raiders en Europe. Ce groupe était une véritable usine à tubes, aussi prolifique que les Monkees, tant dans la qualité que dans la quantité. Leurs albums sont aussi indispensables que ceux des Standells ou des Beach Boys. Cyril tapait aussi dans NRBQ avec «I Want You Bad», une reprise qu’on retrouve d’ailleurs sur Fantastic Plastic. Comme les Raiders, NRBQ est une véritable institution aux États-Unis. Souvenez-vous que les Stones envisageaient d’embaucher Joey Spampinato pour remplacer Bill Wyman.

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    Sur scène, notre pépère Cyril retrousse ses manches, il met du cœur à l’ouvrage, il se campe sur ses jambes écartées pour mieux riffer, il affiche une mine décidée, il s’immerge dans le son, il noyaute bien sa légende. Il tient toujours à ce que les Groovies se distinguent de la masse. Il y a chez lui quelque chose d’élitiste, au sens culturel, l’homme est fin, il cultive une vision, on le sait car il la développe à longueur de pages dans Ugly Things, sa posture relève à la fois de l’érudition et de l’innocence, au sens de l’ado féru, celui qui creuse pour apprendre les choses qui l’intéressent, comme par exemple les accords de guitare, les marques de certains vêtements, les endroits où sont enregistrés certains albums, les noms des gens qui composent les groupes chouchoutés, cette multitude de petits détails qui font la richesse d’un monde magique. Quand on voit Cyril Jordan sur scène, il ne faut jamais oublier qu’il sort d’une caverne d’Ali-Baba, celle qu’il a patiemment fabriquée de ses propres mains pendant toute sa vie. Dans ce cas précis, tout relève à la fois du sacré et de l’illusion. Idéal quand on sait que le monde réel ne vaut pas tripette, n’est-ce pas ?

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    Et comme le public se compose essentiellement de fans, Cyril les soigne en saupoudrant son set de vieux classiques imparables : «Teenage Head» (systématiquement massacré au chant depuis que Roy Loney n’est plus là), «Shake Some Action» (complètement dévitalisé par l’absence de George Alexander - sa bassline faisait partie des modèles qu’on travaillait dans les années soixante-dix quand on voulait apprendre à jouer de la basse), «Slow Death» (même problème que Shake, la bassline de George Alexander amenait tellement de punch - et Danny Mihm amenait tellement de swing - aujourd’hui on a autre chose, une rythmique de dominantes, il faut faire avec) et «Jumping In The Night», histoire de boucler le panorama.

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    Sur scène, «What The Hell’s Goin’ On» fait dresser l’oreille. Avec ce cut tiré du nouvel album, Cyril opère un spectaculaire retour vers la Stonesy. Comme s’il revenait au bercail. L’épisode beatlemaniaque de l’album Shake Some Action sonnait un peu faux. À part le morceau titre, le reste de l’album pouvait laisser sur sa faim, surtout après une triplette aussi parfaite que Supersnazz/Teenage Head/ Flamingo. Avec la Stonesy, Cyril se sent comme un poisson dans l’eau. Il joue son What The Hell à la petite dépouille de son clair et tape dans la collection de riffs du vieux Keef. C’est précisément là que les Groovies reprennent tout leur sens.

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    D’ailleurs, What The Hell ouvre le bal de cet album grouillant de bonnes surprises. Ça gigote autant que dans une rivière à saumons. Un seul déchet à signaler : «I’d Rather Spend My Time With You». Cet instro qui se niche en B n’a ni queue ni tête. Aussitôt après la petite giclée de Stonesy, le spectre des Byrds vient hanter «End Of The World». On croirait entendre «So YouWanna Be A Rock’n’Roll Star», c’est exactement la même tension psychédélique, il se produit là un extraordinaire phénomène d’osmose avec le cosmos des Byrds. Oui, Cyril détient ce pouvoir surnaturel, il recrée cette vieille magie qui semblait figée dans le passé (un passé que Johnny Rogan tente lui aussi de réanimer à coups de bibles). Lors de son dernier passage à Paris, Cyril attaquait son set en chantant «I Feel A Whole Lot Better», mais cette fois, il va beaucoup plus loin, l’esprit des Byrds bouillonne en lui, son coulé de son renoue avec l’alchimie de l’ancien super-groupe californien. Le spectre des Byrds hante aussi «She Loves Me». Attaqué au fondu d’harmonies vocales, ce cut mélodiquement parfait embrase l’imagination. Le clair de lune à Maubeuge se transforme en coucher de soleil sur Malibu. Ce bec fin de Cyril tape aussi dans l’autre mamelle de la légende californienne, les Beau Brummels, avec «Don’t Talk To Strangers», fantastique foudu enchaîné de folk-rock et d’harmonies vocales. Cyril nous gave de cette pop californienne inimitable. Trop de son, trop de perfection. Un peu comme ces vacances au bord de la mer, jadis, quand il y avait trop de soleil, trop de baignades, trop de bien-être. Ça finissait par devenir louche. Suite du festin de son avec l’«I Want You Bad» entendu à la Maroquinerie, un son noyé d’arpèges magiques, solidement soutenu à la mélodie chant et éclaté à coups de poussées de fièvre harmoniques et de gammes poppy. Et quand on passe en B, on croit rêver car «Crazy Macy» semble sortir tout droit de Sneakers. Les Groovies renouent enfin avec leurs racines. Voilà un hit à l’ancienne, admirablement profilé sous le vent et caramélisé dans l’azur psychédélique, un cut irréel, avenant et mystérieux, fin et délicieux, et groové au mieux des possibilités. S’ensuit un autre sortilège pop intitulé «Lonely Hearts», une pure merveille d’androgynité raphaélite. Voilà encore un hit digne des Beau Brummels.

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    Puisqu’on parlait de phénomènes de mimétisme avec les Byrds, en voilà un autre, cette fois avec Canned Heat : «Just Like A Hurricane» sonne exactement comme «Let’s Work Together», avec peut-être un brin de gras double en plus, mais pas tant que ça. Le pompage est probablement inconscient. Il faut savoir qu’une cervelle de guitariste s’encombre facilement de riffs et de gimmicks entendus à droite et à gauche, et comme la nourriture qu’on avale, ça finit par ressortir d’une façon ou d’une autre. Dans le cas d’Hurricane, ça paraît flagrant. La structure boogie du cut ne trompe pas et Cyril joue ça au pur jus de gras à la Vestine. Il s’agit peut-être d’un hommage inconscient, allez savoir. Il n’empêche que cet album continue de sonner comme un festin de roi car voilà «Fallen Star». Cette pop psyché à fort parfum byrdsien tient tous les sens en éveil.

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    Une fois de plus, Cyril tape en plein dans le mille. On croyait les Groovies largués, mais non, au contraire, ils sont en pleine renaissance, avec un album qui sonne déjà comme un classique du genre. Ils bouclent avec un «Cryin’ Shame» qui monte directement au zénith power-poppy. Les Groovies n’en finissent plus d’écumer le vieux triangle des Bermudes californiennes, tel que défini par les Byrds, les Beau Brummels et les Beach Boys.

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    Signé : Cazengler, Flamine de rien

    Flamin’ Groovies. La Maroquinerie. Paris XXe. 14 septembre 2017

    Flamin’ Groovies. Fantastic Plastic. Sonic Kicks Records 2017

     

    MONTREUIL / 21 – 10 – 2017

    LA COMEDIA

    KIDZ GET DOWN / THE MERCENARIES

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    Direction Montreuil, quittons les délices du rockab pour le purgatoire du punk, direction La Comedia, l'antre-soi undergound des groupes les plus improbables. Découvertes en tous genres garanties. Laboratoire expérimental, fusion et recherche. Brocante du (dé)passé, boutures du futur. Entrée libre mais respectueuse. Public fidèle et varié. Tout âge. Tout sexe. Tout ce que voulez. Et ne voudriez pas. Car comme disait Empédocle attirance et répulsion se partagent le cœur de l'homme. Ambiance fervente et sympathique. Mettez un repère sur ce repaire rock.

     

    KIDZ GET DOWN

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    Plus grands que des kids. Surtout Tommy Tall qui gigote et pogote sur place – scène pas exigüe mais un peu juste pour quatre zigues. Donc Long Tall Tommy qui assure aussi la rythmique mène le bal, pile énergétique gonflée à bloc, j'avais adoré ses vocalises durant la balance – rien à voir avec un soprano mozartien, genre picture horror show, mais là l'a domestiqué son organe, un peu moins de turgescence, parfois plus creux, comme la suaverésonance d'un poumon de grabataire tuberculaire. C'est que si l'affiche proclame punk rock, Kids Get Down ne sont pas tout à fait du genre je-joue-à-fond-qu'importe-si-je-me-brûle-la-cervelle. Mêlent du ska ( suffit ! ) et des relents de reggae dans leurs refrains. Ce qui freine. Je ne suis pas un adepte convaincu de ce punk à la Clash qui ne fonce pas jusqu'au bout du crash. Mais je dois reconnaître qu'ils déménagent bien. Neveu Pierre à la batterie amasse la mousse. N'en rase pas pour autant les murs. Aligne les galets comme la mer les roule à Etretat. Pas de fadaises sur les falaises : marée haute d'équinoxe déferlante, infatigable, increvable, inlassable, de la galopade drumique comme on l'aime, le gonze fonce, défonce, enfonce le rythme en zone rouge. Bassiste à l'honneur, centerfield entre les deux guitaristes, Tanguy tangue, houle de mer qui épouse la coque qui se profile, tantôt de force quatre je me gondole à la Marley I Know a Place, tantôt bateau de plaisance je plaisante force 6 à la Special coup de vent It doesn't Make It Alright, enfin avis de tempête étrave de pirate Monsanto World. Le public donne l'impression de préférer les deux premières options. Manu DK n'use pas d'une lead décaféinée, l'enchaîne les morceaux à fond de tombereau, préfère le hachis saignant à la meringue de mérengué, à croire qu'il n'aime pas trop çà, un adepte du passage du riff en force, tout droit et sans s'attarder sur le troisième temps. Refuse de mettre le pied dans la chaloupe du calypso. Kidz Get Down – émane de cette appellation un parfum de rythme sautillant post-Beatles – heureusement qu'il y a kidz pour nous mettre all right – n'ont pas les deux pieds dans le punk destroy, des morceaux comme Nightmare ou Sweat Earn Buy & Dye – titre de leur dernier album dont la soirée est la release party – emportent toutefois notre adhésion.

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    THE MERCENARIES

     

    S'installent sur scène. Aux premières notes de la balance, j'échange un regard navré avec Patrick, rencontré dans l'inter-set à qui vous devez les illustrations de cette chronique prélevées sur Lived-pat sa chaîne You Tube. Du pur reggae ! Je me demande même si je ne vais pas me perdre ailleurs dans la nuit montreuilloise. Mais ce qui suit aussitôt me séduit. Casquette plate sur la tête – l'est vrai qu'il est difficile de la placer ailleurs – Loki se lance dans un rap. Normalement je devrais déraper, mais c'est très beau avec pour seul accompagnement la basse de Franky qui lui tricote une pulsation de velours. Décide de rester. J'eusse commis une belle erreur de m'échapper.

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    Cinq sur scène. Z'ont collé Jo Robine et son clavier sur l'extrême gauche, contre le mur. Dès qu'il ouvre le robinet de son orgue, c'est le jardin des délices de Jérôme Bosch dans les oreilles. Je ne sais comment il a trafiqué son engin, un simple Roland qui au vu de son armature a beaucoup vécu – c'est célestial, l'aigu et la couleur qui ne se discutent pas, une foudre de miel dans vos tympans, en plus souvent il se permet de jouer d'une seule main, laissant son bras gauche levé vers le plafond en signe de profonde jouissance.

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    Z'ont relégué Mad Phil contre l'autre mur de l'angle droit qui abrite la scène, racisme ordinaire dont les batteurs sont les victimes habituelles, cet ostracisme n'a pas l'air de gêner ce grand fou de Phil. L'est à son affaire. Pour lui le monde se limite à ses peaux. Ne lui en faut pas plus. Petit espace et grand parcours. La mise en équation de ce dilemme se résout par la constance V. Comme Vitesse. Joue à toute bourre. Ne cherche pas midi à quatorze heures ni les éléphants au pôle Sud, vous remplit l'espace phonique d'un roulement incessant. Vulcain est à la forge. Frappe tarentelle qui tourne en rond comme l'araignée de l'imagination dans votre cerveau. Le reggae à cette vitesse, ça me convient parfaitement.

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    Surtout que devant ils ont mis en exposition les bibelots les plus précieux. Les bijoux de famille. Trois chanteurs. Pas un de plus, pas un de moins. Franky bien sûr toujours avec sa basse nerveuse et sa voix voilée qui déjante joliment. Loki lui, luit à la lead. Un rocker, un vrai, un pur et dur. Ne peut pas riffer sans donner l'impression qu'il se prépare à bombarder Hiroshima, et quand il donne de la voix, l'est teigneux mes beaux messieurs comme un bas-rouge qui s'est accroché à vos parties et qui n'en démord pas. Chaque fois qu'il ouvre la bouche ou qu'il touche une corde de sa guitare, vous avez l'impression que vous êtes arrivés au plus profond de l'enfer.

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    Ben non, vous êtes au Paradis. Car il y a une Eve au milieu de la scène. Somptueuse, blonde et charnelle. Une géante. Bad Ness. L'ange luciférien. L'a dû avaler le démonique serpent enroulé autour l'arbre. Elle a la voix qui djente et feule à mort. Pas du genre à trainasser sur les syllabes, n'étire pas les mots sur un kilomètre, vous les crache à la gueule, à la punk attitude. Z'ont un morceau qui s'appelle Héroïne, n'en ont pas un qui s'intitule haschisch. Quand ils accentuent le contre-temps vous avez l'impression d'un drakkar Viking qui débarque dans un village normand. Un coup de bélier qui vous pulvérise le pont-levis d'un château-fort en moins de temps qu'il ne m'en faut pour l'écrire, ensuite ce sont les scènes d'égorgement habituelles à l'intérieur des murailles. Je ne sais si c'est parce que tout le monde déteste la police ou parce que le monde entier préfère les voleurs mais quand ils attaquent Police and Thieves – de ces damnés Clash – c'est la folie dans la foule, ça bouge sévère dans tous les azimuts. N'oubliez pas que par-dessus le marché dans ce capharnaüm bordélique Jo Robine vous claironne de ces nappées baptismales d'orgue pour messe noire en rut majeur.

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    Patrick – comme moi un adepte du rockabilly, me regarde et hoche la tête. Ce n'était pas si mal. C'était même très bien ! Alfred de Musset avait raison : Il ne faut jurer de rien. Même pas de la haine imprescriptible que tout rocker se doit de porter au reggae. L'est vrai que l'on a une excuse, celui des Mercenaries est particulièrement enragé.

    Damie Chad.

     

    Retour vers la teuf-teuf qui m'attend au paddock. Je marche dans la nuit noire. Je ne raconte pas d'histoire, mais voici que des bribes d'un chant solitaire de cowboy retentissent au loin. Je ne suis pas fou, l'herbe de la prairie ne croît pas sous mes pieds, je foule un vulgaire et urbain bitume. Et pourtant sur cette vaste asphalte ce n'est pas une hallucination auditive, et voici que des ombres menaçantes se profilent à l'horizon. Seraient-ce des tueurs de la Western Union Bank qui m'attendent pour me faire la peau, moi l'ami des Indiens qui soutient et pétitionne pour la libération de Léonard Peltier arbitrairement en prison depuis quarante et un an ? Je n'écoute que mon courage, et m'avance sans trembler. C'est un beau jour pour mourir. Pas de panique, j'arrive devant L'Armony, ce sont des fumeurs qui tirent sur une clope et pas sur moi, et par la porte entrouverte c'est bien de la chouette musique américaine qui s'échappe. Un aigle s'éveille dans mon coeur.

     

    MONTREUIL / 21 – 10 – 2017

    L'ARMONY

    THE BLUES AGAINST YOUTH

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    Je fends la foule. Et me faufile devant. Toujours pensé que dans les concerts, c'est comme dans la phalange macédonienne où il fallait être en première ligne pour profiter du spectacle. Il est tout seul, plus tard j'apprendrai qu'il se nomme Gianni Tbay et qu'il arbore The Blues Against Youth comme nom de scène.

    Solitaire mais fort occupé. Chante, joue de la guitare, est assis devant un kit de batterie qu'il manipule de ses pieds délatéralisés, souffle dans un kazoo, et comme je n'assisterai qu'aux trois derniers morceaux me dis qu'il j'ai aussi dû rater quelques épisodes instrumentaux. En tout cas j'ai saisi la beauté du chant et compris d'emblée la portée de son entreprise. Retour aux roots. La voix rurale ce qui n'exclut pas la sophistication, et l'instrumentalisation rudimentaire. A part qu'il a un son de guitare fabuleux. Pas étonnant qu'il propose sur la table de son merchandising un T-shirt comminatoire qui porte le portrait de Robert Johnson. Les coupeurs de cheveux en quatre ne manqueront pas de remarquer avec ironie que les trois morceaux entendus sont davantage d'obédience country que blues. Exactly my lords, et je préciserai même qu'ils louchent fort du côté du folk. Sans oublier que Blues et country sont des rivières parallèles qui comme Rhône et Rhin coulent selon les déclivités opposées d'un partage des eaux, mais qui proviennent d'un réservoir commun.

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    Reste à expliciter cette nomination incompréhensible pour les esprits artificiels. Une pure provoc adressée à l'immense majorité de la jeunesse qui écoute de la musique aseptisée et robotisée, et qui dans son ignorance manifeste vis-à-vis du vieil idiome du blues une arrogance méprisante. Dans certains milieux américains ce reproche se larve d'insultes : blues musique d'esclaves, early-country musique de pauvres. L'on n'a que ce que l'on mérite. Si vous n'êtes ni libres, ni riches, ne vous en prenez qu'à vous. Morale classiste libertarienne, dernier avatar du puritanisme biblique.

     

    APPRENTICE

    THE BLUES AGAINST YOUTH

     

    Enregistré à Rome entre février 2014 et février 2015.

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    Keep it goin' : petite intro, music only, juste pour vous montrer comment une guitare sonne, et pleure, si vous ne comprenez pas qu'elle imite le mocassin qui rampe vers vous, vous avez tout faux. Medium size star bound : la même chose mais sur un tempo rapide, les cordes se tassent quand la voix s'élance, et explosent en mille éclats de verres qui se plantent dans vos yeux quand elle se tait, facile, Tbay en siffle de contentement, manière de se moquer de vous, mais ensuite, bon prince éblouissant il vous offre un festival de sons slide serpentifiques. Barbed times : l'on tient le rythme en plus appuyé, l'harmonica imite le train ( sans se traîner ), la guitare prend la relève et une voix de femme vient soutenir l'aède, la grande tradition country, relevée d'un zeste de Dylan. Instead of nothing : plus près de Zeppelin que de Robert Johnson pour l'éparpillement cordique alors que la voix n'hésite pas à yodeler comme un cow-boy dans un film de Roy Rogers ou sur un disque de Jimmie Rodgers. Somebody settles down : plus lourd, plus grave, plus moderne, malgré les cavalcades de la guitare et les lampées de l'harmonica, rudesse du sud. Lonesome whistle blow : la guitare gémit comme le vent dans les roseaux des poèmes de Yeats, erreur s'agit de la reprise du standard d'Hank Williams, ne prend même pas la peine de forcer l'accent du Sud, c'est la guitare qui se charge du l'épineuse plainte. Prend son temps et nous notre plaisir. Call it quits : changement de vitesse, la voix glapit, pulse et marque l'urgence. La guitare tintamarre et les accords s'éparpillent comme fleur de cactus contenue durant un siècle qui explose enfin. Confusion énergétique comme il en règne dans les meilleures réalisations stoniennes. Boundless : l'a encore de l'énergie, le morceau est confit de voix comme le foie gras d'un canard nourri au grain, d'ailleurs la six-cordes picore comme une poule pressée de pondre. Wish pile blues : après deux ébouriffements de guitares, retour au old style, la voix sous le projecteur comme celle d'un vieux film, guitare en sautoir, narquois sifflotements, l'on a dû beaucoup s'amuser à enregistrer cette pseudo ballade pour générique d'ouverture. Got blood in my rythm : démonstration de ce que l'on doit savoir faire si l'on espère jouer dans la cour des grands. Une architecture galopante qui n'est pas sans rappeler la diabolique aisance de Johnny Cash. The lake : tout doux comme une eau dormante. Mais profonde, froide et glacée. Attirante et langoureuse comme une ondine. Mortelle beauté. Sans voix. Basse funèbre. Apprentice : orgue en sus, n'empêche que la guitare scintille, qu'un cliquetis de tambourin s'entête et que la voix coyotise, moane, et beugle pour marquer sa présence. Très fort. Laissez dérouler. Une petite surprise à la fin.

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    A écouter sans fin. L'oreille aux aguets. Y a toujours un truc que vous n'aviez pas remarqué. Le détail que vous n'aviez pas perçu et qui change tout. De ces disques trop riches que l'on est loin d'épuiser en dix fois. Un siècle d'histoire de la guitare blues et de son bâtard nommé rock'n'roll subsumée en douze plages. De toutes les manières, c'est déjà inscrit sur la pochette, iguane et ne perd pas.

    Damie Chad.

     

    45 REVOLUTIONS PAR MINUTE

    NUCLEAR DEVICE / 1982 – 1989

    HISTOIRE D'UN GROUPE

    ROCK ALTERNATIF

    Daniel '' Chéri Bibi '' Paris-Clavel

    Patrick ''Kiox'' Carde & Nuclear Device

    ( Editions Libertalia / Association La boîte à outils )

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    Nuclear Device. Inconnu au bataillon. En plus moi et le rock alternatif français ce n'est pas l'amour fou, ça me hérisse le hérisson auditif... mais c'était le seul livre résolument rock que les courageuses et dissidentes Editions Libertalia avaient en exposition... alors je l'ai pris. Faute de tigre on adopte un chat. Bel ouvrage, couverture cartonnée, bien mis en page, illustrations couleur, question artefact musical n'en suis pas ressorti convaincu mais si tous les groupes qui ont existé pouvaient se targuer d'avoir une rétrospective bouquinière aussi intelligemment agencée ce serait parfait.

    L'est bâti sur un principe simple : l'aventure est racontée par dix-neuf de ses protagonistes. Dans l'ordre chronologique. Je supposons quelques réunions, quelques interviews solitaires et Chéri-Bibi – le numéro 20 - a dû se coltiner le mix. Au final récit vivant et coloré, les anecdotes ne se contredisent point mais les différents point de vue entrecroisés sur un même processus s'allument de reflets réciproques. Très agréable à lire, l'on a sans cesse envie de savoir comment les évènements relatés de page en page vont finir par se goupiller.

    L'histoire est toute simple. Naissance d'un groupe, son itinéraire, sa dissolution. Circulez, il y a encore à voir : ce que sont devenus nos jeunes héros dans les vingt-cinq années qui suivirent. Tous autant qu'ils sont, font preuve d'honnêteté intellectuelle et d'esprit critique. Aucune acrimonie, aucun nauséabond relent de nostalgie mortifère.

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    Quinze ans au moment du punk. Pourraient focaliser sur les Sex Pistols, remonter le courant New York Dolls, Stooges, MC 5, mais non ils prennent le mauvais embranchement, se renquillent sur The Clash, et sur ses aspects les moins mythiques, les plus miteux, les grosses valises de ska et de reggae que les faussaires transportent en douce... A leur décharge, faut préciser qu'ils sortent de nulle part, de la seule ville de France qui ne vit que vingt-quatre heures par an. Du Mans. Je mens en plus : d'Allonnes. Alone dans la cambrousse. Deux frères. Pascal ( chanteur ) et Patrick ( guitariste ). Même pas capables d'être maltraités par leurs parents. Sont aimants, leur filent dans la tête plein d'idées belles et généreuses. Mouvance PCF. Arrive Chris ( batteur ), à eux trois ils formeront le noyau initial. S'adjoindront Charlu ( bassiste ) – un mec bien qui écoutait de Gene Vincent au collège – Loïc ( ami de la première heure ) et plus tard Jean-Marc ( saxophoniste ) qui relèvera le niveau musical de l'orphéon. La galère normale : l'on se rencontre au collège et dans les environs, on forme un groupe, on trouve enfin un local de répétition, les premiers concerts, on est loin d'être des cadors – l'on ne s'inscrit pas pour rien dans la queue de comète du punk – mais ce n'est pas le plus important, Nuclear Device est avant tout une école de vie. L'auberge espagnole de l'éducation populaire, chacun partage ses connaissances, et ce sentiment de rébellion instinctive qui agit comme un ciment englobeur. Une belle aventure, l'ouverture au monde, l'arrachement à la force de la gravité sociétale. Normalement, tout devrait s'arrêter là, ne devraient rester que les beaux souvenirs de l'entrée dans la jeunesse, quand on arrive à vingt ans, que l'on est devenu la petite gloire locale du coin, il est urgent de se dire que ce n'est qu'un rêve, que les copains et les filles qui vous suivent et entretiennent cette douce illusion de fête perpétuelle, tout cela ne durera pas, qu'il faut être réaliste, que ce semblant de mai 68 culturel et intérieur que l'on a suscité n'est qu'une ridelette dans le verre d'eau de vos cerveaux qui se craquèlent comme le poussin qui brise la coque protectrice de son œuf, faudra bien en faire tôt ou tard son deuil, que la société honnie veille sur votre avenir, qu'elle vous chaponnera un de ces jours et que vous passerez bientôt à la casserole des illusions perdues.

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    Nuclear Device possède leur arme secrète. Leur énergie. Sont les premiers à ne pas en mesurer l'importance. Certes ils ne sont pas aussi seuls qu'ils le croient. Sont représentatifs de tout un courant de la jeunesse française encore souterrain et invisible, les choses bougent sans qu'ils s'en aperçoivent depuis leur lointaine province. A Paris l'on s'agite beaucoup plus, une mouvance alternative est en train de se donner les moyens d'apparaître au grand jour. Des groupes similaires voient le jour comme Corazon Rebelde, les Brigades, OTH, Parabellum... N'ont même pas la prime d'être arrivés avant tous les autres... Ne sont pas les meilleurs du monde, mais sur scène, ils arrachent tout. A la suite d'un concert, Rock Radical Records leur propose d'enregistrer un disque. Le genre d'opportunité qui ne se refuse pas. Z'ont le bras dans l'engrenage. Changent de braquet. Enregistrent un maxi 45 Tours, pas un chef d'oeuvre impérissable mais une belle carte de visite qui leur ouvre les portes de la Capitale. Radikal Records se transforme en Bondage. Sera avec Boucherie Productions la principale maison de disques du mouvement Alternatif qui décolle. Les deux auberges illustrent bien les deux branches constitutives du rock alternatif français, Bondage est plus idéologique, politique, critique... Boucherie insiste sur le côté festif, une résurgence du vieux fonds gaulois, la déconnade érigée en principe de révolte... Les Béruriers Noirs seront le groupe phare de l'époque.

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    C'est le grand saut pour Nuclear Device. Leur quotidien change d'échelle. Abasourdis par le public parisien, des punks comme s'il en pleuvait, n'avaient jamais imaginé une telle concentration au mètre carré. Punks très vite doublés sur leur droite par les Skinheads. Nuclear Device n'aime pas les fachos, les éjecte de leurs concerts, font appel au service d'ordre et de protection de Bondage pour écarter les nazillons et interdire la présence des croix gammées sur les blousons. Nuclear a ses convictions et ne cache pas son foulard rouge dans sa poche sous une pile de mouchoirs sales. S'amusent beaucoup. Tournées homériques et aristophanesques. L'on n'est pas sérieux quand on a vingt-cinq ans. Les groupes se bombardent amicalement de farine et d'œufs pourris. L'on brûle les meubles et l'on défèque dans les chambres des hôtels sordides qui vous reçoivent mal...

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    Ne faut jamais oublier que pendant que vous rigolez le monde n'arrête pas de tourner. Ils enregistreront d'autres 45 tours et deux albums dont le dernier dans un vrai studio qu'ils jugent raté. Ne maîtrisent pas la technique et emportés par le tourbillon ils n'ont pas le recul nécessaire, leur faudrait un œil extérieur qui soit capable d'indiquer une direction... La réalité les attend au tournant. Deux défections dans le groupe qui n'avance pas, qui tourne en rond, qui recule. Changement de nom : ND remplace Nuclear Device, rien ne sert de repeindre la façade si la boutique d'en face propose mieux. Les Bérus se sont séparés, la Mano Negra les remplace  allègrement dans le cœur du public. Savent jouer ces satanés travailleurs au noir, sont plus doués, dépassent tous les autres groupes qui visaient la première place. Sont meilleurs en point c'est tout. N'y a pas photo. Les carottes sont cuites. Pour les ND c'est d'autant plus râlant que les cinq doigts négroïdes reprennent une de leurs caractéristiques, mêlent de l'espagnol à leurs fromages sonores... Pire encore  la Mano Negra franchit le Rubicon. Est le premier groupe du mouvement alternatif underground adepte de ce que l'on n'appelait pas encore le Dye ( Do It Yourself ) à intégrer une major. Perdent leur virginité, signent chez Virgin. L'ère d'innocence est terminée, la prostitution marchande exploite le filon, et fait du blé avec le bébé...

    ND splitte d'un commun accord... le dernier chapitre du livre raconte leur retour à la vie réelle, ne se débrouillent pas si mal, musique, imprimerie, graphisme les occupent. Certains montent même des entreprises. Ont préservé l'essentiel, le groupe n'existe plus mais la tribu est toujours là, les ponts ne sont pas coupés, dispersés mais prêts à s'entraider. Ne font pas de beaux mariages mais vivent intensément...

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    Le livre raconte tout cela, donne la parole aux filles qui ne foncent pas tête baissée dans les récriminations féministes habituelles, et à des figures essentielles du mouvement alternatif comme Marsu et Dom. Se dégagent de tous ces interviewes une grande maturité. N'ont peut-être pas concrétisé tous leurs rêves mais ont au moins essayé. Ce qui est déjà beaucoup. Et relativement rare quand on regarde autour de soi. Figures sympathiques qui témoignent avec simplicité et lucidité de leur expérience humaine. Rock'n'roll et amitiés. Que voulez-vous de plus ?

     

    Le livre est accompagné d'un CD.

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    Arriba Espana Abajo la dictatura : un véritable programme politique, Nuclear Device ne vous cache pas ses préférences, une belle intro guitare et batterie, hélas tout cela périclite en un reggae qui avance à la vitesse d'un gastéropode en retraite, les vieux anarchistes n'ont plus la frite de leur jeunesse. A moins que ce soit le contraire. Dans tous les cas c'est dommage. Hariba Grimzi : c'est vrai que ça ressemble à Indochine, les Nuclear s'en préoccupent à plusieurs fois dans le bouquin, ne pas y voir une copie admirative refoulée mais une rencontre hasardeuse due au manque de dextérité instrumentale. Se différencient par une influence ska sous-jaccente. Servitude nationale : apport du saxophone qui repeint les volets. Du coup c'est le vocal qui manque de punch. C'est sûr qu'il ne faut pas donner l'impression de péter une forme olympique quand on milite pour l'abolition du service militaire. Je reconnais qu'il faut être cabourd pour aller se faire tuer pour les bénéfices des marchands de canon. Desperados : refrain espagnol, un peu de désordre musical, une véritable armée mexicaine en déroute, z'auraient pu s'inspirer de La Horde Sauvage de Peckinpah ou de la musique tex-mex plus appropriée que cet ersatz de dub. Lettres de fusillés : rythme sautillant pour accompagner des extraits de lettres de fusillés de la Résistance. Difficile d'en saisir la signification, joie du héros sûr de sa cause ? Rupture ou contradiction avec les paroles de Servitude Nationale? Ambiguïté ou maladresse dialectique ? Pretoria Basement Dub : anti-apartheid en Afrique du Sud, encore des intonations vocaliques indochinoises, se réfugient dans de longs passages instrumentaux. N° 34 48 : dub à train d'enfants surexités, l'énergie des Nuclear Vice s'apparente à de l'enthousiasme festif. Des tics musicaux que l'on retrouve sur les disques de Bernard Lavilliers. Coscorron Steady Beat : instrumental ennuyant. L'aurait fallu doubler le sax par une véritable section de cuivres. Rock steady du pauvre. Mal produit ajouterons-nous parce que nous sommes méchants. Deprisa Vivre vite : ont imaginé leur propre musique d'ambiance pour Deprisa le film italien. Ce n'était peut-être pas la peine vu le pays d'origine de mettre des éclats de flamenco, des orchestrations à la Bella Ciao auraient été mieux indiquées, mais considéré en soi-même le morceau est bien ficelé avec son riff de guitare sixty. C'est encore du côté du vocal que ça pêche le plus. Aïe, Aïe, Aïe ! Ouvea : contre la police – déjà à l'époque tout le monde la détestait – et son intervention dans la grotte d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie qui se termina par neuf morts pour ne pas dire neuf assassinats. Utilisent le même schéma dichotomique : guillerette music pour grave sujet. Quartier noir : moins réussi que les deux précédents malgré de beaux aboiement du sax, mais le vocal trop grossier écorche mes pauvres oreilles. Je suis un évadé : traitement des cuivres à la Muscle Shoals, de tout coeur avec cet évadé que l'on aimerait aider et cacher. Il chante mal, mais l'on fera un effort, notre bon cœur nous perdra. Street Urchin: rythme serré, un effort sur le vocal, l'ont mixé avec le reste, se sont gardés de le mettre en avant. Le morceau y gagne en cohérence et en densité. Des progrès peut-être pas remarquables mais remarqués. Ruski Hata: contre la répression de la révolution hongroise, à écouter en se souvenant de la triste évolution des pays de l'Est libérés de la main de fer soviétique, mais à l'époque ne pouvaient pas savoir, sont contre les ventes d'armes qui servent à écraser le soulèvement des peuples. Sur les murs : appel à la révolte, un beau magma sonore, graphitis phoniques. Desperados : enregistrement public '' in vivo '' en leur fragnol militant, version qui n'apporte rien de décisif, trop de mollesse de décrochage entre parties vocales et musicales. Ont essayé d'équaliser sans y parvenir. Ont confondu avec égaliser. Deprisa : même commentaire que sur le précédent. Partisans : le chant des partisans, débité à toute vitesse. Intentions louables. Résultat hideux. La modernisation est souvent l'autre nom de la régression. Ici esthétique. Frontières : tristement d'actualité. Un des très rares morceaux du cd bien en place. S'écoute avec plaisir. Guantanamera : Joe Dassin l'avait déjà commis, l'ont perpétré une deuxième fois. Mode d'emploi habituel, l'on accélère le tempo même pas pour finir plus vite, car quand ils tiennent un rythme ils ne le laissent pas de sitôt, y mélangent quelques citations de la Bamba.

     

    Si vous aimez la Mano Negra, Zebda et Sergent Garcia, vous allez adorer. J'ai aimé le récit, mais le disque me tombe des mains. Ce qui est effrayant, c'est de penser que presque trente ans après les Chaussettes Noires, ils ne font pas mieux. Je parle des enregistrements, pas des lyrics. Ce qui était pardonnable en 1960 est une faute en 1990. Ne sont pas les seuls responsables. Se sont débrouillés tout seul, ont fait ce qu'ils ont pu. Je ne vois qu'une explication à ces maladresses. Font partie de ces générations qui ont perdu un contact étroit et direct avec la musique populaire américaine. Ont cru qu'ils pouvaient faire aussi bien en écoutant et en mélangeant le tout venant auditif dispensé sur les radios et les catalogues des nouveautés des maisons de disques de l'époque. Ont cru s'ouvrir au monde. Se sont dispersés aux quatre vents des modes. Vous n'êtes pas obligés de me croire, j'ai toujours été épidermiquement, instinctivement, intuitivement rétif au rock alternatif français.

     

    PUNK ET ANARCHIE

     

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    La maison d'éditions Libertalia fêtait ce samedi 14 octobre ses trente ans d'existence. Exposition, vente de livres et diverses présentations d'ouvrages à paraître. Le cinéaste Tancrède Ramonet montrait en avant-première quelques séquences – non définitives - du troisième volet de Ni Dieu Ni Maître. Rappelons que les deux premières parties de ce documentaire consacré à l'histoire de l'anarchie diffusé sur Arte a quelque peu percuté la conscience du grand public à qui pour la première fois était longuement révélé tout un pan de l'histoire du mouvement ouvrier largement méconnu. Genre de babioles que l'on n'enseigne guère dans les lycées, victimes d'une longue conjuration du silence, autant celle de la bourgeoisie aujourd'hui triomphante que des partis communistes de nos jours en perte de vitesse.

    Les deux premiers épisodes relataient l'histoire des luttes et des révoltes depuis la cristallisation de la pensée théorique du mouvement au dix-neuvième siècle jusqu'au désastre de la guerre d'Espagne. Le troisième et dernier épisode en préparation couvre les années années 1945 à 2001. Est intitulé Les Réseaux de la Colère.

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    Le mouvement anarchiste ne s'est pas encore relevé de sa défaite espagnole. Ce ne sont pourtant pas les raisons de se révolter contre les injustices et les inégalités qui manquent... d'ailleurs la nouvelle façade libérale du vieux monde craque de partout. Mais durant la seconde moitié du siècle précédent le mouvement anarchiste ultra-minoritaire n'est pas au rendez-vous. Selon Tancrède Ramonet, ce sont pourtant les ferments des pratiques anarchistes qui sont à l'origine des nombreuses luttes qui n'arrêtèrent pas d'essaimer durant ces cinquante années. Rappelons-nous de la joyeuse année 1968, et surtout surtout ces phénomènes de remise en question qui ont bousculé les jeunes générations. L'en cite plusieurs comme les revendications féministes, la prise de conscience écologiste et l'émergence du phénomène rock, notamment le tsunami punk.

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    Nous sommes gâtés, le projet de séquence rock nous est dévoilé. Rappelons le principe de la série : des interviews de militants oculaires, et une voix off qui fait le lien entre diverses archives cinématographiques. Ces dernières ne sont pas données, exemple concret : une minute de concert de Sex Pistols coûtent cinq mille euros...

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    Donc quelques minutes consacrées au rock pour résumer un mouvement qui court sur cinq dizaines d'années, je conçois que l'on simplifie quelque peu l'argumentation. Un point sur le rêve de fraternité hippie, San Francisco, l'été de l'amour, l'échec du mouvement qui butte sur cette notion de non-violence que la police ne respecte pas, l'apparition des Diggers qui instituent les distributions gratuites de repas, les magasins à prix libre... les rockstars comme David Bowie et Eric Clapton enivrés de leur pouvoir médiatique qui tiennent des propos douteux pour ne pas dire fascisants... la réaction punk expression d'une saine rébellion contre le rock des cadors qui se pompiérise et devient ennuyant, l'on s'attend à quelques images de Yes ou de Genesis, ben non, ce sera Elvis Presley à Las Vegas. Pauvre Elvis, y avait longtemps à l'époque que le public rock s'était détourné de lui, n'intéressait que les nostalgiques, des mères de famille au bord de la ménopause, des ménagères qui se donnaient l'impression de revivre leur jeunesse en s'offrant pour l'anniversaire de leur mariage le spectacle du King... On ne le haïssait pas, on ne s'en gaussait point. L'était considéré comme un destin pathétique mais pas comme un bouffon. Il serait bon que ces images employées à contre-emploi soient écartées. Tancrède Ramonet devrait réfléchir à la différence godardienne entre juste une image et une image juste.

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    Petite mise au point nécessaire, mais ce n'est pas là où je voulais en venir. Un tel docu, nous l'avons vu, demande des moyens financiers importants. Les deux premiers épisodes ont été en partie aidés par Arte, mais étrangement pour celui-ci toutes les chaînes de Télé et autres institutions culturelles sollicitées se détournent... L'on comprend facilement pourquoi, les évènements relatés dans les deux premières parties se déroulent en un passé relativement lointain. Par contre celle-ci est en prise directe avec notre actualité, la naissance des mouvements qu'elle conte sont à l'origine de ces tumultueuses contestations radicales de plus en plus partagées et de plus en plus vindicatives qui bouillonnent de nos jours.

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    Ce n'est pas cette explication que l'on avance à Tancrède Ramonet. Les médiatiques responsables de notre société se targuent de démocratie. Ils détestent toute forme de censure. Surtout politique ! Ce sont des esprits ouverts. Alors ils ont trouvé le reproche adéquat. La séquence punk ! Qui serait trop ceci, trop cela...

    Un prétexte bien sûr ! Une excuse grossière ! Une ruse cousue du fil blanc de la réaction ! Mais le simple fait que certains puissent encore en 2017 se prévaloir de l'épouvantail du rock'n'roll, démontre à l'envie que notre musique n'est pas tout à fait morte !

    Damie Chad.