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gene vincent + slim jim phamton

  • CHRONIQUES DE POURPRE 704 : KR'TNT ! 704 :LAISSEZ FAIRS / BOBBY LEE TRAMMEL/ SWALLOW THE RAT / HAROLD BRONSON / OUTSIDERS / ASHEN / AC SAPPHIRE / KRATON / ELVIS PRESLEY / GENE VINCENT+ SLIM JIM PHANTOM

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 704

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    02 / 10 / 2025

     

      

    LAISSEZ FAIRS / BOBBY LEE

    SWALLOW THE RAT / HAROLD BRONSON

    OUTSIDERS / ASHEN 

    AC SAPPHIRE  / KRATON / ELVIS PRESLEY  

        GENE VINCENT +  SLIM JIM PHANTOM

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 704

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    L’avenir du rock

     - Il faut toujours Laissez Fairs

     (Part Three)

             Comme tout le monde, l’avenir du rock se fait régulièrement piéger dans des conversations. Boule et Bill prennent un malin plaisir à causer de tout ce qui n’a aucun intérêt : la fucking politique, le fucking football et pire encore, les fucking bagnoles.

             Boule est le plus irascible :

             — T’as vu, les Zémirats, y vont encore augmenter l’prix du diesel à la pomp’ !

             Bill en bave de rage :

             — Sont bons qu’à enculer leurs chameaux ! T’en penses quoi de tout c’merdier, avenir du stock ?

             — Faut toujours Laissez Fairs.

             Après une longue minute de silence, Boule relance la machine :

             — T’as vu, les Zémirats y zont tous des Essuvés et des smartfonnes dernier cri, c’est-y-pas une honte ! Ça a pas l’air de t’choquer, avenir du trock !

             — Faut toujours Laissez Fairs.

             Bill s’en étrangle :

             — Tu trouves ça normal que les Zémirats y roulent dans des gros Essuvés alors que toi t’as qu’un vieux diesel tout pourri ?

             — Faut toujours Laissez Fairs.

             Boule et Bill examinent attentivement la bobine de l’avenir du rock. Ils le considéraient jusqu’alors comme un mec équilibré. Un mec comme eux, un Français de souche, avec des valeurs morales. Cette fois, ils ne cherchent plus à dissimuler leur déception. Boule reprend d’un ton menaçant :

             — Alors t’es d’leur côté ?

             — Vous ne comprenez rien. Faut toujours Laissez Fairs.

     

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             Avant de rentrer dans le vif du sujet, un petit correctif de rubricage s’impose : ce Part Three fait suite aux Parts One & Two qui s’intitulaient ‘Le loup des Steppes’, en mémoire des Steppes, le premier groupe de John Fallon. Mais depuis, la Seine a coulé sous le Pont Mirabeau, les Steppes appartiennent au passé (1984-1997), alors qu’avec les Laissez Fairs, John Fallon montre la direction de l’avenir. Le rock c’est par où ? C’est par là !

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             Cryptic Numbers sera donc le septième album des Laissez Fairs. Les six premiers albums sont épluchés dans les Part One & Two du Loup des Steppes. Si tu demandes à John Fallon ce qu’il écoute, il te répondrait certainement ce qu’a répondu un jour Allan Crockford à la même question : «Syd Barrett and the ‘Hooo.» T’as au moins deux Whoish cuts sur Cryptic, «Steal The Whole World» et «(Live In A) Garbage Can». T’y retrouves l’énergie des Who. Même power explosif. C’est dynamité dans la couenne du lard. Cut vainqueur et glorieux. Tellement anglais ! Même chose avec ce «(Live In A) Garbage Can» qui prend feu. L’incendie des Fairs ! British glorious blow up ! Pire que les Who ! Fallon explose le freakbeat ! Quel démon ! T’as aussi deux cuts directement inspirés de Syd Barrett : «Jennifer Down» et «Living In The Summer». Le Jennifer sonne comme une belle descente aux enfers à la Syd. C’est terriblement barré. Fallon tape au cœur du Syd System, avec un petit Wall of Sound. On retrouve bien sûr l’enfer du paradis dans «Living In The Summer». c’est exactement l’esprit du Piper, avec le wild embrasement et l’éclat de la modernité. Pas de meilleur hommage au génie visionnaire de Syd Barrett. Et puis t’as la Mad Psychedelia du «Chapter Three» d’ouverture de bal. Ça sonne même comme une Mad Psyché à l’agonie, t’as là un son unique au monde, qui va bien au-delà de tes expectitudes. Fallon monte à l’assaut de la surenchère. Il rejette aussi sec tout son dévolu dans la balance pour «Cryptic Friend». Il balaye tout sur son passage, il hisse son Fallon Sound au sommet du rock anglais. Il rivalise de power carnassier avec les Prisoners. On le voit plus loin bourrer le mou de «That Final Road» avec un killer solo de gras double mal embouché. Il lance ensuite une grosse attaque frontale digne de The Attack avec «Idiot Proof». Même sens du punch vinaigré. Et dans les bonus, tu tombes sur un «Primrose Hill» stupéfiant, un shoot d’heavy psychhhh de Fallonmania claironné aux arpèges marmoréens. Les Fairs s’hissent au sommet du genre.

    Signé : Cazengler, John Falot

    The Laissez Fairs. Cryptic Numbers. RUM BAR Records 2025

     

     

    Rockabilly boogie

    - Trammell trame quelque chose

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             Sacré Bobby Lee Trammell  ! Il a 14 ans quand Carl Perkins le fait monter sur scène au Netleton High School Auditorium, Arkansas, pour chanter un cut. Ça se passe bien «and Carl told me I should go and see Sam.» Sam le reçoit, mais il est trop busy. Il lui dit de répéter et de revenir dans deux ou trois semaines. No way ! Bobby Lee est trop impatient. Il décide de partir en Californie tenter sa chance - I didn’t have time to wait for Sun which was very stupid of me - C’est the Country legend Lefty Frizzel qui lui donne sa chance : une residency au Jubilee Ballroom de Baldwin Park, California. Un Country promoter nommé Fabor Robinson lui propose un million de $, et Bobby Lee lui rétorque fièrement que ça ne l’intéresse pas. Il fait 225 $ à l’usine Ford de 75 $ au Ballroom, et ajoute encore plus fièrement qu’il n’aurait jamais gagné tout ce blé en Arkansas ! Ça fait bien marrer Fabor Robinson qui lui file sa carte et qui lui dit qu’il pourra venir le trouver une fois qu’il aura réfléchi. Alors Bobby Lee se renseigne sur Fabor et le lendemain, il va chez lui à Malibu pour auditionner. Un mois plus tard, son premier single sort, «Shirley Lee», enregistré chez Fabor Robinson, avec James Burton et James Kirkland du Bob Luman Band.

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             On peut l’entendre sur une belle compile Bear, You Mostest Girl. «Shirley Lee» ! Wild energy. At the utmost ! Bobby Lee va chercher la pointe du Raz du wild rockab. Il est indomptatable ! Aw shirley Lee you’re the girl for me ! - Dans la foulée, t’as «I Sure Do Love You Baby», gratté au heavy drive de James Burton. Et puis bien sûr, Burton passe un solo acide !

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             Et crack, Bobby Lee part en tournée à travers tout le pays. Il joue au Louisiana Hayride - This was when I really started to tear up on all the shows - Il dit aussi qu’il était «much wilder than Jerry Lee or Little Richard.» Tout le monde veut voir Bobby Lee. Son single s’arrache. Il se retrouve sur ABC. Ricky Nelson adore «Shirley Lee» et en fait une cover. Bobby Lee est invité à chanter au Ricky’s TV show, mais Ozzy, le père de Ricky, le trouve trop rock’n’roll et lui demande de calmer le jeu. Même histoire que celle des Burnette Brothers. Bobby Lee envoie Ozzy sur les roses et commet une grosse erreur. Eh oui, un peu plus tard, il est avec Dorsey Burnette le jour où Dorsey récupère son royalty cheque et c’est le choc : 10 000 $. Bobby Lee comprend qu’il a encore perdu une occasion de fermer sa gueule. À cette époque, 10 000 $, c’est une véritable fortune.  Il comprend qu’il aurait dû composer des cuts pour Ricky Nelson, comme l’ont fait Dorsey et Johnny Burnette.

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             Il enregistre son deuxième single au Western Recorders d’Hollywood, «You Mostest Girl», mais on lui colle un big band et une chorale, et ça ne lui plaît pas, mais alors pas du tout ! - All I did was cut a, $5,000 flop - Alors Fabor Robinson retente le coup dans son home studio et cette fois ça marche. Mais bizarrement, le single ne décolle pas. Alors que c’est une bombe ! Un fabuleux drive d’heavy rockab. L’hit de Bobby Lee. Pur genius ! Aussi génial que Gene Vincent à Nashville ! Bobby Lee y reviendra plus tard pour une deuxième mouture, et cette fois, il va sonner comme Elvis. En B-side de Mostest Girl, on trouve «Uh Oh» un fabuleux rockab insidieux. Quelle merveille sexuelle !

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             Il repart en tournée et choque les gens à travers le pays. On le trouve «downright vulgar, ten times worse than Elvis Presley.» Interdiction de rejouer au Louisiana Hayride. Pas de Grand Ole Opry non plus. Fini la rigolade. Mac Curtis qui s’y connaît en cats de haut rang le qualifie de «real fire and brimstone cat», ce qui vaut pour le plus brillant des compliments. Quand il part en tournée avec Jerry Lee, Bobby Lee entre en concurrence avec le plus sauvage d’entre tous.

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             Et puis pendant les sixties, il devient «the first American Beatle». Ses fans l’accusent de trahison, mais il s’en fout : il survit - I kept working and these Beatles helped me 100% - Il loue des salles pour jouer, car personne ne veut le programmer. Il enregistre «New Dance In France» avec Travis Wammack on lead guitar et Roland Janes à la prod. En 1977, il se retrouve sur Sun, mais pas celui de Sam, celui de Shelby Singleton à Nashville.

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             Ça vaut vraiment la peine de continuer à écouter cette belle compile Bear, You Mostest Girl. Il faut le voir sauter sur Susie Jane dans «My Susie J My Susie Jane», bien relayé au déboulé, mais moins rockab. Puis on le voit glisser petit à petit dans la country et même le convivial atrocement con («Love Don’t Let Me Down»). Il suit son petit bonhomme de chemin, et nous on suit les yeux fermés son petit bonhomme de chemin. Retour à l’excellence avec «Twenty Four Hours» et «Am I Satysfying You», c’mon honey ! Bobby Lee reste le best wild cat de choc in town. Retour fracassant au rockab avec «Come On And Love Me». Il claque son baby comme un punk. Laisse tomber Sid Vicious, écoute plutôt Bobby Lee. 

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             On s’amuse bien avec l’Arkansas Twist de Bobby Lee. L’album est enregistré chez Chips Moman. Les cuts du balda sont assez classiques, mais intentionnels - Carolyn you’re all mine - C’est très cousu de fil blanc. Bobby Lee fait du rock’nroll, pas du rockab. La viande se planque en B. «It’s All Yout Fault» te réveille en fanfare : bel heavy groove d’attaque magique, pur Memphis Beat ! On découvre un grand chanteur avec «Uh Oh» et un jeu  de caisse claire superbe. La B ne sonne pas du tout comme l’A. Plus loin, un orgue à la Augie Meyers challenge «New Dance In France». Extraordinaire ramalama ! Encore de l’heavy groove d’orgue derrière Bobby Lee dans «You Make Me Feel So Fine». Quelle viande extravagante ! Bobby est un prince du Memphis Beat. Il a le meilleur son du monde. Il tape pour finir une cover de «Whole Lotta Shakin’». Bien sûr, il n’a pas la voix de Jerry Lee, mais il a du son et une stand-up énorme. Tu assistes ici à une fabuleuse montée en neige du Memphis Beat, un truc que reprendra à son compte Jim Dickinson. Mais là,  c’est  Chips  qui drive la bête et il transforme Bobby Lee en superstar !

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             Sur Toolie Frollie, Bobby Lee Trammell tape une belle cover de «Chantilly Lace». Grosse pulsion rockab et superbe presta du big Bobby Lee ! Il attaque son morceau titre d’ouverture de balda au pah pah ouh mah mah. Il a un petit côté Hasil Adkins. Bobby Lee reste un rocker assez puissant comme le montre «Betty Jean», tapé au pilon des forges. Il flirte avec le stomp. Son «Skimmy Lou» est plus rock’n’roll, mais avec une belle vitalité. Il ne mégote pas sur l’énergie. Avec «You Make Me Feel So Fine», on retrouve le rumble d’orgue d’Arkansas Twist. Il tape à la suite un fantastique boogie avec «Come On And Love Me». Il chante ça d’une voix de voyou qui guette le pékin moyen au coin de la rue. En B, il tape à l’efflanquée un slow rockab de classe supérieure, «Twenty Four Hours». On retrouve aussi le «Whole Lotta Shakin’ Goin’ On» de Jerry Lee et sa fantastique pulsion.   

    Signé : Cazengler, Trammell toi de tes oignons

    Bobby Lee Trammell. Arkansas Twist. Atlanta Records 1963

    Bobby Lee Trammell. Toolie Frollie. Dee Jay Jamboree 1984

    Bobby Lee Trammell. You Mostest Girl. Bear Family Records 1995

     

     

    L’avenir du rock

      Rat crawl

             Comme chaque année à la fin de l’été, l’avenir du rock convie ses amis à venir faire bombance sous son toit. Les voici attablés, prêts à festoyer. L’avenir du rock se lève et, s’aidant d’un petit clic-clic-clic de plat de couteau sur le cristal du verre, demande un moment de calme pour prononcer l’allocution de bienvenue :

             — Mes chers potes... Merci d’avoir ramené vos tronches de cakes.

             Les convives sourient mais n’en pensent pas moins. D’ordinaire, le langage de l’avenir du rock est un peu moins vernaculaire. Ceux qui le connaissent bien savent qu’il prépare un coup. Il poursuit, avec un bel accent des faubourgs : 

             — C’est un honneur que d’partager une gamelle avec des lascars d’vot’ acabit !

             Harold Ding ajuste son monocle et lance :

             — Tout l’honneur est pour nous, vieille branche !

             — Trêve de balivernes, les mecs ! Il est grand temps d’annoncer l’thème de la gamelle... Cette année, c’est le rat !

             Les convives s’attendent au pire. L’avenir du rock est tellement friand de trash qu’il est capable de lâcher des rats dans la pièce. Pour briser le silence qui suit l’annonce, Jean-Jean Valjean lance d’une voix de dindon inverti :

             — Dead cats dead rats ! Break on Trou to the river side !

             Jason Zon reprend la balle au bond :

             — Et si tu nous versais un coup de Rat Scabibine ?

             Émerveillé par la rock-inventivité de ses amis, l’avenir du rock éclate de rire. Sans transition, il annonce le plat de résistance, servi par deux putes : elles déposent devant chaque convive une assiette contenant un gros rat bouilli, complet, avec la queue.

             — Fini de rigoler, les gars, Swallow The Rat !   

     

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             Au temps d’avant, Third World War chantait «Doin’ the rat crawl». Le rat est toujours là, mais sous une autre forme : Swallow The Rat, un trio basé en Nouvelle-Zélande. Si tu creuses un peu, tu découvres que le guitariste est un expat texan. Et quand tu le vois jouer, tu sens nettement poindre en lui le vétéran de toutes les

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    guerres. Il s’appelle Brian Purington et il a joué dans des tas de groupes d’Austin, on ne va pas aller se fourvoyer là-dedans, car on y passerait la journée, et c’est un underground beaucoup trop ténébreux qui, comme beaucoup de choses, dépasse nos capacités limitées d’appréhension.

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             Swallow The Rat est un trio dont la loco s’appelle Hayden Fritchley, grand maître de l’hypno beat après Jaki Liebezeit. Fritchley est en plus l’une de ces perles rares qu’on appelle les batteurs chanteurs. Il tient bien la boutique du Rat. Et pour compléter le casting, t’as de l’autre côté de la scène un bassmatiqueur affûté qui fourbit un son rond et parfaitement appareillé au rat crawl. Tu rentres assez rapidement dans leur univers, car ils cultivent l’un des plus beaux Big Atmosphérix qu’on ait vus depuis le temps des Bury, et même le temps des Pixies. Dès qu’il écrase

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    sa grosse pédale Fuzz War, Purington déclenche l’apocalypse. Ce sont des apocalypses dont on raffole, car elles te jettent dans des tourbillons, elles te mettent la compréhension sens dessus sens dessous, elles t’évacuent en vrac dans l’havoc avide, elles te vident de ton vain, elles t’évident les ovaires, elles t’avalent les ovules, elles te volent ton havre, tu subis rubis sur l’ongle et tu dis amen quand ça s’amène,

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    t’es là pour ça, pour te faire éviscérer la cervelle, pour subir la tempête au Cap Horn, pour recevoir des gros paquets de mer en pleine gueule, et le Purington n’y va pas de main morte, il gratte des accords inconnus et se penche sur son manche pour faire jaillir des jus aigres et du poison sonique. S’il avait vécu au Moyen-Age, l’Inquisition l’aurait envoyé au bûcher. Les Swallowers ont le power, ils bâtissent de grandes zones hypno pour mieux sauter dans l’abîme. Sous sa casquette, Purington ourdit de sacrés complots contre l’équilibre sociétal. Il génère à la fois de la beauté et du chaos, c’est un sorcier des temps modernes.

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             Tu ramasses leur dernier album, South Locust, même si tu sais que tu ne vas pas retrouver l’intensité atomique du set. Mais au moins t’auras les carcasses. Et quelles carcasses ! Tu y découvres un truc qui t’a échappé pendant le concert : la

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    proximité avec l’early Sonic Youth. C’est flagrant dans deux cas : «Gravois Park» et surtout le «Cave» qu’ils ont joué dans la cave. C’est noyé d’excelsior, complètement soniqué du bilboquet. T’as du solide vrac d’havoc, ils font le lit du bedlam, ils traînent vraiment sous les jupes de Sonic Youth, mais en beaucoup plus pernicieux. L’autre smash joué dans la cave s’appelle «ZZK», un cut monté sur un mötorik à la Can, mais féroce, avec un bassmatic d’attaque frontale sur lequel Purington verse du vinaigre. Tu raffoles de cette morphologie. Tu retrouves aussi l’agressif «Idea Of South», ils écrasent tout sur leur passage, c’est noyé de big sound, ils te font le coup du flush suprême. Tu les prenais déjà au sérieux, et là c’est encore pire. On sent bien le wild as fuck dès le «Terra Nullius» d’ouverture de bal. Ils sont gavés de son comme des oies, Purington bâtit un gigantesque Wall of Sound. Tu retrouves ce bâtisseur dans «Chain Mail», ça dégouline d’heavyness maléfique, il te barde tout ça d’outrance, t’as l’impression que ça te colle à la peau. «Mind» est encore plus dangereux pour ta santé mentale, car c’est bien heavy, bien sans peur et sans reproche, solidement implanté dans la paume du beat. Fabuleuse essence d’excelsior parégorique ! Les cuts sont parfois très insidieux, comme ce «Small Plates», mais tellement volontaires, tellement rentre-dedans. Le déluge de feu est leur raison d’être.

    Signé : Cazengler, rat d’égout

    Swallow The Rat. Le Trois Pièces. Rouen (76). 15 septembre 2025

    Swallow The Rat. South Locust. Shifting Sounds 2023       

    Concert Braincrushing

     

    Wizards & True Stars

     - Harold on, I’m coming

     (Part Three)

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             Tiens revoilà le p’tit Harold Bronson, légendaire co-fondateur de Rhino. Rhino ? Mais  oui, bien sûr ! Rhino est à l’Amérique ce qu’Ace est à l’Angleterre, un gage de qualité. Aussi s’empresse-t-on de lire tout ce que gribouille le p’tit Harold. On l’aime bien, par ici. 

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             My British Invasion est son troisième book, et comme les deux précédents, c’est un book de fan extrêmement bien documenté. Bon d’accord, le p’tit Harold, c’est pas un styliste de la trempe de Stendhal ou de Louis Aragon, mais on ne lui en demande pas tant. Aussi longtemps qu’il nous racontera des histoires intéressantes, on lui ouvrira les bras.

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             Il procède par chapitres thématiques (Troggs, Spencer Davis Group, Manfred Mann, etc.). Il aborde aussi des thèmes que peu de gens songent à aborder : Emperor Rosko, les radios pirates, Granny Takes A Trip, Mike Chapman de Chinnichap, et quand il débarque à Londres, c’est pour interviewer Mickie Most. Notons aussi que ses chapitres sur le Spencer Davis Group et les Troggs sont pointus. 

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             Dans sa préface, il se plait à rappeler que l’Apple Records des Beatles servit de modèle au concept de Rhino Records - Conçu en août 1968 with high ideals, Apple incarnait la qualité que les fans pouvaient attendre des Beatles - Il cite d’ailleurs l’ouvrage de Richard DiLellos, The Longest Coacktail Party, qui narre le détail du «large number of naïve, absurd, hubristic and delusional projects.» Le p’tit Harold s’empresse d’ajouter que son collègue Foos et lui «did a lot of crazy things, but we always tried to keep our heads on straight.» En plus des disks, Rhino a aussi sorti des films et des books, ce qui n’est pas courant chez les record companies. Et comme Ace, Rhino s’est spécialisé dans les reds - Our goal was to provide an excellent package - des liners bien écrits et des photos rares - and a superior-sounding album.

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             Comme on le sait depuis Time Has Come Today - Rock And Roll Diaries 1967-2007, le p’tit Harold tenait un journal, et pour son panorama de la Brisish Invasion, il démarre en 1971, quelques années après la bataille. Il voit Sabbath sur scène (qui sont d’actualité, puisque l’Ozz vient de casser sa pipe en bois). Il les voit en septembre 1971 au Long Beach Arena. La foule est jeune dit-il et il se sent vieux, alors qu’il n’a que 21 ans - Black Sabbath’s music was simple but solid - Voilà tout est dit. Il est enchanté par le «good-natured demeanor» de l’Ozz, en contraste avec le sérieux des trois autres cavemen. Il aura l’occasion d’interviewer l’Ozz un an plus tard et le trouvera charmant - a willing and engaging conversationnist - qui avoue humblement que les Beatles sont ses chouchous. L’Ozz rêvait même de voir sa sœur épouser Paul McCartney. Puis c’est avec l’«heavy guitar sound» de «Really Got Me» que l’Ozz dit avoir découvert sa vocation.

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    Le p’tit Harold rencontre aussi Emitt Rhodes qui, comme McCartney, vient d’enregistrer un album solo sans titre tout seul. Il avoue ensuite sa déception à l’écoute d’Exile On Main Street - Few tracks were of a high standard - Les «songs» comme il dit sonnent comme des «uninspired jams and the sound was muddy.» Il trouve aussi que Keef chante mal son «Happy». Il voit aussi Ramatam sur scène au Whisky. Il trouve Mitch Mitchell pas très bon, April Lawton charmante, mais ça ne suffit pas à cacher la misère des «mediocre songs and arrangements». Et puis t’as Mike Pinera, l’ex-Iron Butterfly. Toute une époque ! Il règle aussi son compte au School’s Out d’Alice Cooper et ses «many negligible tunes». Mine de rien, on est d’accord avec le p’tit Harold sur pas mal de choses.

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             Après un vaste chapitre consacré aux Herman’s Hermits, il passe enfin aux choses sérieuses avec Manfred Mann. Il commence par demander à son lecteur : quel est le the most proficient British Band ?, c’est-à-dire compétent - Les Beatles ? Les Rolling Stones ? Les Yardbirds ? Les Who ? My answer; Manfred Mann - Il commence par les décrire, Manfred Mann et son collier de barbe, et les autres qui semblent se réveiller d’une nuit passée à dormir sur le plancher, mais, ajoute-il, «comme ils ne sont ni des bad boys comme les Stones, ni aussi charismatiques que les Beatles, ni des flashy showmen comme les Who, alors ils ne retiennent pas l’attention.» Le p’tit Harold rappelle que les deux Jones s’entendaient bien, à l’origine des temps, le Paul et le Brian. Ils enregistrent une cassette pour Alexis Korner, espérant décrocher un job au Ealing Jazz Club. Mais ça ne marche pas. Alors Brian demande à Paul s’il veut bien monter un groupe avec lui et Keef. Paul décline l’offre, car il vient de s’engager avec Manfred Mann. Il va vite devenir une «consumate pop idol». Manfred Mann vient du jazz et il comprend que s’il veut survivre, il doit enregistrer des commercial singles - It was jazz men trying to make a living - Puis Paul Jones quitte Manfred Mann. It was devastating. Il sera remplacé par Mike d’Abo.

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             Le p’tit Harold passe tout naturellement aux Yardbirds - I rank the Yardbirds third to The Beatles and The Rolling Stones on artistic innovation - Quand Clapton quitte le groupe, tout le monde est soulagé. Jeff Beck qui le remplace ne supporte pas de voir l’asthmatique Keith Relf sortir son atomiseur sur scène. «I’m joining an asthmatic blues band», s’exclame-t-il. Beck a tout de même des bons souvenirs des Yardbirds, surtout du soir où Giorgio Gomelsky l’a emmené voir jouer Howlin’ Wolf dans un club : «There were Negroes standing and sitting everywhere eating chicken and rice. And up the stage was Howlin’ Wolf dressed in a black dinner jacket and sitting on a stool playing some battered old guitar.» Les Yardbirds considèrent Giorgio comme le 6e membre du groupe. Ils le surnomment Fidel Castro. Mais il y a un problème de blé. Ils ne pensent pas que Giorgio les arnaque, mais c’est un mauvais gérant - He was bad with finances - Alors ils le virent, et bien sûr, ça lui brise le cœur. Simon Napier-Bell devient alors le manager des Yardbirds en avril 1966. Il les trouve charmants, «gentle souls with good manners». Mais ce n’est pas la même ambiance qu’avec Giorgio, le contact ne se fait pas. C’est là que les Yardbirds enregistrent Roger The Engineer. Puis ils sortent «Over Under Sideways Down» : Jeff Beck sort le riff sur sa fuzz-tone guitar. Pour le p’tit Harold, «Jeff is brillant. In my opinion, the best playing of his carrer was with the Yardbirds.» Et quand Samwell-Smith quitte les Yardbirds, «they lost the creative heart of the band.» C’est là qu’arrive Jimmy Page. Jim McCarthy raconte : «On jouait en Écosse, Beck et Page portaient des vestes militaires avec des German Iron Crosses et on leur a craché dessus. Jimmy seemed interested in instruments of perversion. Every now and then he’d talk about the Marquis de Sade.» Les Yardbirds passent à la vitesse supérieure. Mais Jeff Beck décroche, rate des concerts, et quand il joue, il commence à démolir son ampli. Il ne supporte plus d’entendre l’atomiseur de Keith Relf pendant qu’il passe un solo. À force d’absences et de sulking (c’est-à-dire qu’il boude) Jeff Beck est viré - He was more from a car mechanic background - et Chris Dreja d’ajouter : «He’s a slightly out of control egomaniac.» Les Yardbirds ne sont plus que quatre. Jim McCarthy : «The four of us was the best combination we’d had.» Simon Napier-Bell finit par se laver les mains du groupe, les qualifiant de «miserable bloody lot» et trouve que Paul Samwell-Smith et Jimmy Page sont les plus «troublesome». Il les refourgue à Mickie Most. C’est là que Peter Grant devient leur manager. On connaît la suite de l’histoire.  

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    Rosko sur RTL

             Parmi les objets de curiosité, le p’tit Harold épingle Larry Page qui fut manager des Kinks avant de se faire virer, puis manager des Troggs. Le p’tit Harold le rencontre, le trouve ni flamboyant ni excentrique, but he was a character. Dans le chapitre qu’il consacra à Rosko, il nous apprend que Rosko est américain, qu’il a grandi à Beverly Hills et qu’il fit embaucher Sly Stone dans une radio de San Francisco. Comme il avait appris le français au collège, Rosko s’installa à Paris et fit le DJ pour Eddie Barclay. Il étendit son règne impérial sur Radio Caroline et Rhino rêvait de consacrer un docu aux Radios Pirates. Le p’tit Harold évoque bien sûr Ronan O’Rahilly qui transforma un ferry néerlandais en Radio Pirate qu’il baptisa Caroline, en l’honneur de la fille de JFK récemment dégommé. Il avait paraît-il un buste de JFK dans son burlingue et lorsqu’il voyageait, il le faisait incognito, signant les registres du nom de Bobby Kennedy.

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             Le p’tit Harold rencontre aussi Andrew Lauder à Londres, qui vient tout juste de lancer un «local power trio», the Groundhogs. Il rencontre aussi Roy Wood qui n’est pas un «great concersationalist». Ses réponses sont courtes et conventionnelles. Roy Wood cite John Barry parmi ses références. Il dit aussi admirer Led Zep et les Carpenters. Le p’tit Harold rencontre aussi Hawkwind et trouve Lemmy «amiable despite  his intimidating 1950’ rocker look». Le p’tit Harold trouve le son d’Hawkwind «similar to Black Sabbath’s, mostly based around riffs», avec des hippie folk roots. Il ajoute qu’on qualifie leur son de space rock. Au moment où le p’tit Harold les voit, Robert Calvert vient de les quitter. Bien sûr, Lauder refile au p’tit Harold l’album que vient d’enregistrer Calvert, Captain Lookheed & The Starfighters - I preferred it to Hawkwind which I felt had been diminished by Calvert’s departure.

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              Le p’tit Harold rencontre Spencer Davis en 1971, longtemps après la bataille. Premier rappel : le Spencer Davis Group vient de Birmingham, deuxième ville d’Angleterre après Londres, d’où viennent aussi les Moody Blues, les Move, la moitié de Led Zep et bien sûr Sabbath. Quand il monte le Spencer Davis Group, Spencer Davis est déjà un vieux de la vieille : en 1962, il se produisait dans les coffeehouses berlinoises : il chantait Woody Guthrie, Joan Baez et Ramblin’ Jack Elliott. Puis à Birmingham, il voit le Muff Woody Jazz Band et note que le très jeune Stevie Winwood «played piano like Oscar Peterson, and he was incredible. He played the melodica in addition to singing». Il n’avait pas encore 15 ans et sonnait comme Ray Charles, «and it just knocked me sideways.» C’est là que Spencer Davis lui propose de monter un groupe. Stevie accepte à condition que son frère Muff soit de la partie. Ils récupèrent Peter York qui est un jazz drummer, et le Spencer Davis Group démarre en avril 1963. Tout le monde se met d’accord sur le nom de Spencer Davis Group. C’est toujours mieux que The Rhythm And Blues Quartet. Ils commencent à écumer la scène locale, et dans le public se trouvent des gens comme Robert Plant et Noddy Holder. Chris Blackwell leur décroche un contrat chez Fontana en août 1964. Ça ne traîne pas. Ils commencent par des covers : «Dimples» (John Lee Hooker), «Every Little Bit Hurts» (Brenda Holloway). Mais leurs premiers singles floppent, Puis ils tapent dans le «Keep On Running» du Jamaïcain Jackie Edwards, ils virent le côté ska pour le remplacer par un riff de fuzz inspiré de celui de Keef dans «Satisfaction». Gros succès. Puis attiré par l’hippie folky folkah, Stevie Windwood annonce son départ. Sa décision fait des ravages dans le groupe, alors que leur single «I’m A Man» est encore dans les charts. Et bien sûr, lors de son interview avec le p’tit Harold, Spencer Davis indique qu’il n’a jamais été payé au temps du Spencer Davis Group - On paper I had a lot of money, in the bank I had nothing. Where was it after all those smashes? - Dans la poche de Blackwell, de toute évidence. Classique.

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             On passe aussitôt aux Kinks et à «Really Gor Me», loud and raw comme chacun sait. Le p’tit Harold précise que Ray Davies avait son propre style, comme Dylan avait le sien. Par contre, Nicky Hopkins n’a pas une très haute opinion des Kinks : «Après le Village Green LP, j’ai arrêté de bosser avec eux. Ils ne m’ont pas payé pour les sessions, et j’ai fait aussi pas mal de télés avec eux. Je suis vraiment dégoûté. Sur l’album, Ray est crédité pour le chant, la guitare et le piano. Jeez ! I did seventy-five percent of the keyboard work and I didn’t get the proper credit. Je ne travaillerai plus jamais pour lui. They’re greedy bastards. Ray Davies is so tight his arse speaks when he walks.» Et crack !    

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             Au début de l’histoire des Troggs, on retrouve Larry Page. Après avoir été viré et poursuivi en justice par les Kinks, Larry Page ne rêvait plus que de vengeance. Pour ça, il devait trouver un autre groupe et en faire des hitmakers. On lui recommande les Troglodytes. On lui dit que leur cover de «Really Got Me» est meilleure que la version des Kinks. Page tient sa vengeance. Il signe le groupe et les rebaptise Troggs, comme il avait rebaptisé les Ravens en Kinks. Puis il rebaptise Reginald Maurice en Reg Presley et Ronnie Mullis en Ronnie Bond. Il demande ensuite à la boutique Take 6 de leur tailler des costards. Ce sont les fameux costards rayés qu’on voit sur la pochette du premier album des Troggs. D’une certaine façon, Larry Page a dû reformater ces quatre lascars originaires d’Andover, un bled paumé de l’Hampshire dont on qualifie les habitants de «country bumpkins» ou encore d’«hicks from the sticks». Larry Page leur fait enregistrer leur premier single sur du rab de temps de studio et Reg raconte qu’ils ont dû installer leur matos en un quart d’heure pour enregistrer ensuite «Wild Thing» et «With A Girl Like You» en vingt minutes. Reg dit aussi qu’il fait un solo d’ocarina, parque qu’il y en avait un sur la démo que Page leur a refilé. Les 45 minutes de leftover studio time ont été assez rentables puisque «Wild Thing» et «With A Girl Like You» ont été deux number ones, l’un en Angleterre et l’autre aux États-Unis. Ils enregistrent ensuite leur premier album en trois heures. Les cuts ne sont même pas terminés quand ils entrent en studio. Ronnie Bond raconte que Reg écrivait les paroles pendant que les trois autres enregistraient les backings. Le p’tit Harold indique que, comme les Beatles, les Troggs chantent des chansons d’amour, mais il ne s’agit pas du même amour : les Troggs privilégient un «lust-driven, sexually insatisfied caveman intent on ripping off the dress of the nearest appetizing girl and having a go at it.» Si les Troggs plaisent tellement à une certaine catégorie de la population, c’est sans doute à cause ou grâce à leur «we’re-tough-we-don’t-care punk attitude». On qualifie leur son de «simple» et le p’tit Harold les compare volontiers à Sabbath et aux Ramones. Quand on propose au gros billet aux Toggs pour une tournée américaine et un passage à l’Ed Sullivan Show, Larry Page refuse, car, radin comme il est, il craint de perdre de l’argent sur la tournée. Quand le Troggs apprennent la triste nouvelle, ils sont écœurés car bien sûr la décision a été prise sans eux, alors qu’ils rêvaient d’aller jouer aux États-Unis. Résultat : Page est viré. Ça fait tout de même la deuxième fois qu’il est viré par un groupe qu’il a lancé. Ce qui ne l’empêchera pas de sortir Trogglodynamite sans le consentement du groupe. Le p’tit Harold trouve que cet album est nettement inférieur au premier, ce qui est parfaitement juste. Mais après avoir viré Larry Page, les Troggs n’auront plus jamais un autre hit. Et bien sûr, l’Ozz adorait les Troggs et leur «very sexual» aspect.

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             Le p’tit Harold consacre l’un de ses plus gros chapitres au Dave Clark Five et plus précisément à Dave Clark qui débuta en achetant un drum set pour deux livres à l’Armée du Salut et qui apprit les rudiments. Un Dave qui avait quitté l’école à 15 ans, mais qui avait un sens aigu des affaires. Très tôt, il monte une publishing company pour le Dave Clark Five - Dave was a controlling person - C’est un mec spécialisé dans les arts martiaux, dont le karaté. Dave est aussi le producteur du Dave Clark Five, ce qui est nouveau à l’époque. Il trouve une combine pour avoir de l’écho sur «Glad All Over», son premier big hit. Dave est aussi le manager du groupe. D’instinct, il sait prendre les bonnes décisions et sait choisir ses collègues. Mike Smith est le musical genius du groupe, pianiste formé au conservatoire et co-auteur d’hits avec Dave. En 1964, Dave fait signer un contrat de 5 ans aux membres du groupe. Il les salarie : 50 £ par semaine, quatre semaines de congés payés et pas de royalties sur les ventes de disks. Ils devaient en outre rester disponibles 24 h/24, ils devaient prendre soin de leurs instruments, et suivre les consignes de Dave en matière de look : fringues et coupes de cheveux. Le line-up n’a pas bougé pendant les 9 ans qu’a duré le groupe. Petite cerise sur le gâtö : Dave, que le p’tit Harold surnomme Handsome Dave, est l’épitome du charme, quand il s’adresse à une gonzesse, il lui dit «luv» et se plaint qu’il est impossible de trouver une bonne tasse de thé aux États-Unis. Le Dave Clark Five plait tellement à Ed Sullivan qu’ils seront invités 12 fois dans son show, «more than any other rock band». Pour les tournées américaines, les DC5 rachètent un jet privé aux Rockefeller. Ils font peindre DC5 en grosses lettres sur le côté. Ils font 6 tournées américaines et du coup, le DC5 a plus d’hits aux États-Unis qu’en Angleterre. On qualifie leur son de «Tottenham Sound», ce qui les distingue du Mersey de Liverpool et de Londres. En 1965, ils sont plus populaires que les Herman’s Hermits et les Stones. Dave arrête le groupe en 1967. Bien sûr, Rhino veut leur rendre hommage avec une box, vu que les albums n’ont jamais été réédités. Dave qui avait récupéré les masters refusait de les céder. Il pensait qu’en bloquant les rééditions, la cote du DC5 allait monter. Et Comme il avait investi dans l’immobilier, Handsome Dave n’avait pas besoin de blé. Mais la cote du DC5 n’a jamais monté. Loin des yeux loin du cœur, comme on dit. Le p’tit Harold a beaucoup insisté pour convaincre Handsome Dave de faire une box en hommage au DC5, mais Handsome Dave a toujours dit non. 

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             On retrouve aussi l’interview de Mickie Most publiée dans Time Has Come Today - Rock And Roll Diaries 1967-2007, où Mickie explique qu’il n’a pas voulu produire les Stones car il les trouvait trop indisciplinés, arrivant en studio à minuit, alors qu’il voulait être rentré chez lui de bonne heure pour dîner en famille. L’interview de Mike Chapman est intéressante. Chinninchap ont d’une certaine façon inventé en glam. Mais le hits glam anglais (Mud, Showaddywaddy, Cockney Rebel, Slade et Wizzard) ne sont pas des hits aux États-Unis. Chapman bosse comme barman dans un club qui appartient au père de Nicky Chinn, et c’est là qu’ils se rencontrent. Ils  décident d’écrire des chansons ensemble et en 1971, ils démarrent avec «Funny Funny» pour les Sweet. Mickie Most prend Chinninchap sous son aile et leur demande de pondre des hits pour les glamsters qu’il enregistre sur son label RAK. Alors ils pondent. Cot cot ! Suzi Quatro, Mud, et puis Sweet. Quand ils se mettent au boulot, ils commencent par le titre, puis ils travaillent la mélodie et finissent avec les paroles. Ils composent «Little Wally» pour Sweet - Little Willie Willy won’t go home - Le côté comique de l’histoire, c’est que Willie est le slang de pénis. Chapman pense qu’il faut aller bosser aux États-Unis et il produit des albums pour Rick Derringer, Smokie, Suzi Quatro et Blondie.

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             On garde le meilleur pour la fin : Marc Bolan, John Lydon et les Zombies. C’est là où le p’tit Harold casse bien la baraque. Il est assez fasciné par Marc Bolan, il qualifie son style vocal de «subtle, sensual, direct and snarlingly animalistic.» Il le trouve très anglais, assez proche de Ray Davies, «and a dedicated follower of the fashion, modeling a magnetic gold-threated coat, black satin pants and girls orange Mary Jane shoes.» Quand le p’tit Harold lui demande pourquoi il ne joue pas de solos, Marc lui répond sèchement : «I do. On stage.» Il rappelle que «Get It On» sur scène dure 20 mn - I blow my head off and I play to the audience - Il s’enflamme et lance : «Look out, man, I’m really Marc Hendrix!» Il se calme un peu et rappelle qu’il n’a jamais été un «folkie» - I started with an electric rock band which was called John’s Children. I started with a 1962 Les Paul and a 400-watt stack.» Marc remet les pendules à l’heure : «There were three records: ‘My White Bicyle’ by Tomorrow, ‘Granny Takes A Trip’ by the Purple Gang and ‘Desdemona’ by John’s Chidren. Dynamite records. Dynamite! Those records are what you would call turntable hits. They got mass airplay - mass - but they didn’t sell a fucking record because they were three years too soon. Each one would be a number one, no doubt about it.» Il ajoute que l’underground a mis du temps à s’établir en Angleterre. Marc rappelle qu’il est monté sur scène en première partie de Van Morrison à l’âge de 17 ans. Le p’tit Harold lui demande pourquoi il a quitté les John’s Children et Marc dit qu’ils voulaient faire de lui un Monkee - When I left John’s Children, they took my guitar away. They took my Les Paul and sold it. They took my stack and sold it - Puis Marc va commencer à démystifier le star system - Don’t believe there’s security in being a star - Il indique au passage qu’il n’y a de sécurité nulle part, puisqu’on va tous mourir. Il espère pouvoir conduire le Royal Philharmonic Orchestra «because that’s what I hear in my head. If not, I’ll retreat into my country Welsh island and disappear. I’ll send bootlegs out.»

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             Le p’tit Harold est fan du Lydon’s book, No Irish No Blacks No Dogs. Il rêve de tourner un film adapté du book. Il rencontre Lydon à Santa Monica. Lydon a grossi. Le p’tit Harold le qualifie de «good conversationalist». Il faut trouver un scénariste pour adapter le book. C’est Jeremy Drysdale. Il passe 8 heures avec John Lydon et ils descendent 36  bières. Mais le projet va se casser la gueule. John Lydon demande si son personnage peut être joué par une femme, ou un gosse black, ou un vioque. Sur le moment c’est perçu comme une mauvaise idée, sauf que Todd Hayes va l’utiliser dans son portrait de Dylan, I’m Not There - I guess John was ahead of his time.

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              Autre groupe fétiche : les Zombies - Low budget horror movies were the rage with teens in the early sixties, so it was no surprise that original bassist Paul Arnold sugested ‘The Zombies’ - En 1964, ils ont déjà un problème de look - They looked like erudite schoolboys. Two even wore glasses - Le p’tit Harold se marre bien quand il ajoute que s’ils avaient été managés par Larry Page, celui-si les aurait déguisés en chimistes avec des blouses de laboratoire et des éprouvettes fumantes.   Comme «She’s Not There» se retrouve dans le Top Five américain, les Zombies sont expédiés vite fait au Murray the K’s Christmas Show at the Brooklyn Fox Theater. Ils se retrouvent à la même affiche que «Chuck Jackson, Ben E. King & The Drifters, The Shirelles, Dick & Dee Dee, The Shangri-Las, Patti LaBelle & The Bluebells, The Vibrations, Dionne Warwick, The Nashville Teens and The Hullabaloos.» Difficile à croire nous dit le p’tit Harold, mais les Zombies ont une grosse influence sur des gens comme les Byrds, Vanilla Fudge et Left Banke qui jouent des Zombies covers sur scène. Peu de temps après, nos cinq Zombies sont de retour aux États-Unis pour participer au Dick Clark Caravan of Stars, en compagnie de «Del Shannon, Tommy Roe, The Shangri-Las et dix autres artistes.» Ils arrivent aux Philippines pour jouer devant 10 000 personnes à l’Arenata Coliseum et on leur donne 300 $ à se partager en cinq. Ils sentent qu’il y a une petite arnaque. Puis on leur confisque leurs passeports et on leur donne des gardes du corps, pour soit-disant assurer leur sécurité. Les Zombies craignent pour leur vie. Rentrés au bercail sains et saufs, ils enregistrent Odessey & Oracle pour 4 000 $ (alors que les Beatles en avaient claqué 75 000 sur Sgt Pepper) et le p’tit Harold trouve que les chansons des Zombies sont bien meilleures que celles de Sgt Pepper. C’est le graphiste Terry Quirk qui s’est vautré en dessinant le titre : Odessey plutôt qu’Odyssey, mais personne ne l’a vu. Comme Rod Argent et Chris White empochent des royalties de compositeurs, les autres sont jaloux. Ils se plaignent de devoir prendre le métro alors et Rod et Chris roulent en bagnoles de sport. Et c’est là que le groupe splitte. Les trois autres sont obligés de prendre des jobs pour manger et payer leur loyer, car le groupe en tant que tel ne rapporte pas assez. Colin Blunstone bosse comme agent d’assurance, Hugh Grandy vend des bagnoles, et Paul Atkinson bosse dans une banque. Deux ans plus tard, ils sont tous de retour dans le music biz, Colin avec sa carrière solo, Hugh chez CBS, et Paul comme A&R chez CBS. L’un des premiers groupes que signe Paul n’est autre qu’Abba. De passage à Londres, Al Kooper achète quelques albums d’occasion sur King’s Road et flashe sur Odessey & Miracle qui «stuck like a rose in a garden of weeds». Comme il est A&R chez CBS, il parvient à convaincre son boss Clive Davis de rééditer l’album. Mais Odessey & Oracle ne se vend pas aux États-Unis. Tout le monde trouve l’album génial, mais il n’est pas assez commercial. Le groupe va se reformer en 2001 et en 2015, ils ont joué Odessey sur scène. Et voilà, c’est tout ce que le p’tit Harold peut en dire à l’époque. C’est déjà pas si mal.

    Signé : Cazengler, Bronson of a bitch

    Harold Bronson. My British Invasion. Vireo Book 2017

     

     

    Inside the goldmine

     - L’outsiding des Outsiders

             Tox portait bien son nom. Rien à voir avec les drogues. Ce qui était toxique en lui, c’était tout simplement sa connerie. Le pauvre ! Toutes les formules de Jacques Audiard le concernaient directement, à commencer par la plus célèbre, «Les cons, ça ose tout ! C’est même à ça qu’on les reconnaît.» Ou encore celle-ci, «Quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner.» Dommage qu’Audiard n’ait pas connu Tox, car il se serait régalé. Il aurait pu dire de Tox un truc du genre : «Dommage qu’on ne taxe pas la connerie. Tox rapporterait une fortune à l’État.» Ou encore celle-ci : «Si la vie était bien faite, Tox serait élu roi des cons.» C’est vrai qu’on reconnaît Tox à sa connerie, car il osait tout. C’est vrai qu’il semblait tourner en orbite. C’est vrai qu’à chaque rencontre, il réveillait l’Audiard qui sommeille en nous. Ça devenait presque automatique. «Si les cons n’existaient pas, alors il faudrait inventer Tox.» Tox n’en finissait plus d’inspirer ton imaginaire. Au point où on en était, on finissait même par parodier Audiard : «Après la mort, l’esprit quitte le corps, sauf chez Tox.» Ou encore : «Si Tox pouvait se mesurer, il servirait de mètre-étalon.» Ou encore : «Quand on est con comme Tox, on porte un écriteau, on prévient.» Le pauvre Tox, il ne semblait se douter de rien. Il rentrait dans les conversations en prenant la posture d’un mec intelligent et tatoué, il gueulait un peu pour imposer un point de vue, sa petite voix criarde sonnait tellement creux qu’il nous faisait de la peine. Pire que ça : il nous faisait pitié. Mais bizarrement, quand les gens commencent à nous inspirer de la pitié, on les voit autrement. L’angle change. Le doute s’installe. On se sent devenir con. Le con n’est pas toujours celui qu’on croit. Et comme le disait si justement Audiard, «Un intellectuel assis va moins loin qu’un con qui marche.» C’est tellement vrai. Il faut parfois toute une vie pour le comprendre.

     

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             Pendant que Tox défraie la chronique, Tax règne sur l’underground néerlandais des mid-sixties. Tox et Tax sont tous les deux victimes de quiproquos, alors après avoir élucidé le mystère de Tox, penchons-nous sur celui de Tax.

             On  a longtemps considéré Wally Tax, le chanteur des Outsiders, comme l’équivalent de Phil May. Alors on a traqué les albums. Ça n’a pas toujours été très facile.

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             On avait à l’époque ramené de Londres une belle compile des Outsiders, Touch. Un Touch qui démarrait avec l’excellent «Story 16» et sa belle tension protozoaire. Cut aussi très Seeds, par son côté insistant. Plus loin, «Lying All The time» sonnait comme un cut des Byrds et il fallait attendre «That’s Your Problem» pour renouer avec les Pretties et les fameuses virées de wild bassmatic signée John Stax. En B, le morceau titre renouait avec la belle tension sixties agrémentée de coups d’harp et tout allait finir un mode dylanesque avec «Ballad Of John B» et «Thinking About Today». Du coup, on éprouvait une légère déception.

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             Puis t’as Pseudonym qui s’est mis à rééditer tout l’Outsidering, à commencer par C.Q. devenu C.Q. Mythology, un fat double album. Très bel emballage mais rien dans la culotte. Tu croises les cuts en version chantée et en version instro, mais tu ressors bredouille des quatre faces. Même déception qu’avec les reds Pseudonym de Q65.

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             Chaque fois que tu croises un bel Outsiders dans le bac de Born Bad, tu le sors et c’est un Pseudonym. Tu te fais encore avoir avec Afraid Of The Dark, un live enregistré en 1967 qui démarre sur «Bird In A Cage» et les coups d’harp de Wally Tax. Ils ont un son assez confus, animé par le bassmatic dynamique d’Appie Rammers. La viande est en B, avec «Story 16». Les coups d’harp de Wally Tax valent bien ceux d’Arthur Lee. Wally fait les Pretties et reprend toute la transe de Van the Man dans le pont de «Gloria» - So tight/ Awite - Il te chauffe ça au c’mon, c’est puissant et c’est même un fleuron du protozozo, ça monte bien en température. Dommage que tout ne soit pas de ce niveau chez les Outsiders. Ils se tirent une balle dans le pied avec la poppy popette d’«I Wish I Could». Ils sauvent les meubles en bout de la B avec un «Won’t You Listen» ramoné à la fuzz, c’est un gros ventre à terre, ils ne rigolent plus, Wally fait ton protozozo, et derrière, Appie Rammers fait de la haute voltige.

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             C’est avec Monkey On Your Back: Their 45s qu’ils s’en sortent le mieux. Ce fat double album rassemble tout le protozozo des Outsiders, à commencer par l’imparable «You Mistreat Me», même harsh, même désaille de la voyoucratie vocale que celle des Pretties. Pretties encore avec «Felt Like I Wanted To Cry» et «That’s Your Problem» : ils sont en plein dans les dynamiques des early Pretties. Pretties encore en D avec «Touch». On re-croise aussi le «Lying All The Time» qui sonne comme un hit des Byrds, et le «Ballad Of John B» plus dylanesque. Et puis en D, t’as ce «Talk To Me» qu’on dirait sorti d’un EP des Them : on y retrouve la tension de «Gloria» et de «Story 16». Le reste n’est pas bon.

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             Alors t’as aussi le photo sound book d’Hans Van Vuuren, The Outsiders - Beat Legends, paru en 2010. D’ailleurs, c’était le seul book au merch du Beatwave à Hastings. À l’époque de sa parution, Crypt le proposait dans son catalogue, alors on l’a rapatrié, car on s’attendait à monts et merveilles. Ni grand format, ni petit format, il se situe entre les deux. Autre avantage : c’est un photo book, c’est écrit dessus, comme le Port-Salut. T’as tout juste une introduction de deux pages en néerlandais et en anglais, donc t’as pas grand chose à te mettre sous la dent. Tu ne perds donc pas ton temps à lire les louanges d’un groupe que tu sais limité à une poignée de singles,  «That’s Your Problem», «Story 16» et «You Mistreat Me».

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    (1965)

             Quand il débute en 1961, le groupe s’appelle Jimmy Ravon & The Outsiders. Wally Tax y gratte ses poux. C’est en 1964 qu’ils deviennent les Outsiders avec Wally au chant et aux poux.  Le batteur Leendert Buzz Busch porte un collier de barbe et des lunettes à grosses montures noires, comme Manfred Mann. Ah l’esthétique des early sixties ! Tout un poème ! Par contre, Wally a déjà une bonne coupe de douilles, comme on disait alors. Et en 1965, il a les cheveux sur les épaules, comme son idole Phil May. Les Outsiders n’ont tenu que grâce au look et au timbre de Wally Tax. Alors évidemment, on tourne les pages et ça grouille de photos. Ils passaient leur temps à se faire photographier. Wally était un petit mec extrêmement photogénique. Il y a notamment un photo session dans un parc à Amsterdam. Ils commencent à enregistrer en 1965. On suit tout le déroulement de carrière page à page, en se demandant quel intérêt peut avoir ce genre de photo book. Sortie de leur premier single, «You Mistret Me» sur Op Art. Au catalogue d’Op Art, on voit aussi les Bintangs, et Peter  & the Blizzards. Tiens et les Zipps ! On les avait oubliés, ceux-là !

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             En 1966, les Outsiders ont le look parfait. On n’a d’yeux que pour le wild Wally, qui n’en finit plus d’afficher sa mélancolie néerlandaise. En 1966 sort «Lying All The Time». Ça a l’air de bien marcher pour eux, on les retrouve même en première partie d’un concert des Rolling Stones au Brabanthallen, Den Bosch. En 1966, ils viennent jouer à la Locomotive. En 1966, sort un autre single protozozo, «That’s Your Problem».

             De l’image, toujours de l’image, encore de l’image.

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             En 1966, ils jouent en première partie de Little Richard à l’Olympia. En 1967, les cheveux continuent de pousser. Ils apparaissent dans pas mal de petits canards pop anglais. On les voit aussi dans la caisse suspendue en l’air, dans le Port d’Amsterdam, où ya des marins qui dansent en se frottant la panse sur la panse des femmes, ils tournent, ils dansent comme des soleils crachés dans le son déchiré d’un accordéon rance.

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             Et soudain, on ne voit plus que Wally Tax, le voilà tout seul en couverture de Kink, avec un bouzouki. Et tout rentre dans l’ordre, les Outsiders reviennent au grand complet. Oh pas longtemps. Wally est trop photogénique. T’as des doubles entières consacrées au trop beau Wally, et crack, il enregistre On My Own en 1967.

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             Comme tous les autres à l’époque, les Outsiders se mettent à porter des grands chapeaux et deviennent des hippies. Fini les Pretties, ils sortent les flûtes et «Bird In A Cage». C’est foutu. Ils se déguisent avec des cols pelle à tarte comme les Young Rascals. Chute de l’empire Taxien. Pour chanter son single «Come Closer» à la télé, Wally se fait couper les cheveux. Enfin un petit peu. Il a l’air de porter une perruque.

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    1968 Amsterdam

             Sur les photos de 1968, ils ont encore de faux airs de Pretties. On voit même une photo de promo où ils ont l’air méchants. Sauf que Wally tient une flûte. Puis tout va s’écrouler avec le LP CQ. Et les barbes d’Appie et de Leendert se mettent à pousser. Pas si grave au fond, c’est même arrivé aux Kinks et aux Who.        

    Signé : Cazengler, taxé

    Outsiders. Touch. Emidisc 1976

    Outsiders. Afraid Of The Dark. Pseudonym 2010

    Outsiders. C.Q. Mythology. Pseudonym 2011

    Outsiders. Monkey On Your Back: Their 45s. Pseudonym 2012

    Hans Van Vuuren. The Outsiders - Beat Legends. Centertainnment 2010

     

    *

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            Nous le souhaitions depuis longtemps. Le premier album d’Ashen est arrivé. Nous suivons Ashen depuis plusieurs années, depuis leur début et même avant. Voici donc la chimère tant attendue.

    CHIMERA

    ASHEN

    (Out Of Line Music / 12 – 09 – 2025)

    Les chimères ne sont plus ce qu’elles étaient, elles ont bien changé.  Heureusement qu’il existe des artistes comme Mathieu Boudot, trafiquant d’images 3 D, pour nous donner accès à l’imaginaire de notre modernité. Ni pire, ni meilleure que les époques qui nous ont précédés ou de celles qui viendront après nous. C’est que les chimères ne procèdent pas de nous, elles sortent de notre cervelle dans laquelle elles nidifiaient, venues d’on ne sait où, comme l’indomptable Athéna surgit casquée, bottée, étincelante du chef fendu de Zeus. Mathieu Boudot sait les saisir en plein vol afin de les recouvrir d’une armure protectrice.

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    La couve de Chimera ressemble à ces groupes de statues qui parfois hantent les monuments aux morts de nos cités. Ce n’est sûrement pas la Victoire ailée qui marche en avant conduisant des essaims de soldats vers une mort inscrite sur les monumentales pierres granitiques des cimetières. Pourtant dans la gangue de son scaphandre intersidéral elle est si loin de ses petits hommes pétris d’argile rouge qui s’agrippent à sa haute stature dans le vain espoir qu’elle les emporte avec elle. L’Humanité s’accroche à son rêve comme l’âne à sa carotte… Au loin tout au bout d’une route s’ouvre une porte étroite… Il n’est pas interdit de rêver, c’est le rêve qui est interdit.

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    Clem Richard : vocal / Antoine Zimer : guitares / Niels Tozer : guitares / Tristan Broggia : batterie / 

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    You were always here : elle était là depuis toujours, des pas de palombes qui s’approchent, des coques d’œufs qui se brisent de l’intérieur, des notes qui tombent comme des gouttes d’eau dans la vasque qui les accueille, un souffle instrumental de gravité, comme un rideau inquiétant à la fenêtre qui s’agite en signe d’on ne sait quoi… Meet again : deux jours avant la sortie du disque est apparue une vidéo, intitulée Meet Again qui débute par la courte introduction précédente. Ashen nous a habitués à  de somptueuses vidéos inséparables de la sortie, étalée sur plus d’une année, de cinq titres en annonce de l’album sur lequel ils figurent. Le court film de Bastien Sablé proposé est moins esthétisant que les précédents et d’une  compréhension  davantage évidente. L’on y aperçoit le groupe en train de jouer mais l’on suit avant tout la marche d’un chevalier, d’ailleurs est-il deux ou sont-ils un, l’accoutrement est juste symbolique, une longue épée et une armure de pacotille, qui cherche-t-il, vers quel ennemi marche-t-il, pourquoi dégaine-t-il son arme trop grande pour lui, pourquoi tant de moulinets désordonnés contre l’invisiblee, quelle est cette épée plantée en terre, serait-ce une résurgence arthurienne d’Excalibur, ou  appartenait-elle à un ami dont elle désignerait la tombe. Peut-être même la tombe de notre chevalier… Nous n’en saurons pas davantage. La musique déboule, une espèce de flot symphonicco-post-metallicore, travaillé au corps par les assomptions batteriales, elle n’est qu’un faux-semblant absolument nécessaire et fondationnel, le déroulement éclosif de la tragédie, ramassée, exprimée, mimée par le chant de Clem Richard, elle est l’écrin chatoyant et hérissé, il est l‘écran noir et translucide de l’ubiquité de la parole qui révèle et recèle sans discontinuer.  Piétinement incessant d’une solitude romantisée qui se bat contre les fantômes du réel et du rêve. Cette brisure segaléenne entre le tigre du réel et le dragon de l’imaginaire, cet espace entre les deux mufles collés l’un à l’autre, cette lutte sans merci de l’autre contre l’un porte un nom, certains l’appellent porte de la folie, d’autres la nomment chimère. Chimera : déchirement, concassage sonore, vocal râpé,

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    crise de folie subite, l’instrumentation comme un feu qui monte et retombe  braise calcinante pour des retours de flammes d’une hauteur spectaculaire, le morceau sonne comme un appel au secours, à soi, à l’autre et au monde, la chimère est au-dedans, la pieuvre se bat contre elle-même et contre le roi absolu de moi-même que je suis et que je ne suis pas, empereur fou de soi-même qui rêve de meurtre et de sang, de crimes et de règlements de comptes, je suis le bourreau de moi-même et  l’Imperator de tous ceux qui ne sont pas moi, qui sont contre moi, si contre qu’ils sont en moi-même, qu’ils sont moi-même, que je suis eux, leur époux ou leur épouse, ils veulent me clouer de leurs glaives au dossier de mon trône sur la plus haute montagne de l’univers, je ne suis plus qui je suis, j’ignore mon nom, car je ne sais plus si je suis le monstre chimérique de moi-même, ou bien le sujet de mes sujets assujettis à leur haine de moi. Je suis l’œuvre au rouge de mes angoisses, j’ignore si elles viennent de moi ou si elles viennent de tout ce qui ne serait pas moi.  Crystal

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    tears : comme le précédent ce morceau a fait l’objet d’une vidéo. La précédente se déroulait au sommet d’une montagne, levez-vous orages désirés aurait pu être son titre, elle est l’appel à l’incandescence, elle défie la foudre et les Dieux, elle est la manifestation destructrice de la fureur mégalomaniaque humaine, elle en appelle à la destruction du monde et à l’auto-destruction de soi-même. Crystal Tears est tout le contraire. La scène se passe dans les antres terrestres, c’est la vidéo des profondeurs infernales, là où l’on expie  ses propres crimes en tâtonnant sans fin dans le labyrinthe de ses terreurs intimes. Moins d’exaltation, davantage de violence, musique compactée en bloc ténébreux d’anthracite, un vocal qui laboure ses propres entrailles, fracas intérieurs, sirènes d’alarmes, une boule de regrets qui dévale la pente de la folie sans frein, jusqu’à l’illumination intérieure, régression vers l’œuvre au blanc, le signe que quelque chose est en train de se révéler, une espèce de clarté étincelante qui pourrait vous servir de miroir si sa lumière n’était pas si aveuglante qu’elle vous empêche d’y voir, de reconnaître ce que vous savez déjà, une larme de cristal solidifié que l’on ne peut fendre ou fondre, qui ne coule pas qui restera toujours inaltérable figée en elle-même, fichée en vous comme une dent cariée. Une douleur inaltérable qui n’est pas sans rappeler la porte ouverte de la couve de l’opus. OblivionCe qu’il y a de terrible avec l’oubli c’est que l’on n’est jamais aussi près de ce que dont on voudrait se rappeler, une musique beaucoup moins torturée que les deux morceaux précédents, un chant ample signe d’espoir, l’on n’a jamais été aussi proche de l’extérieur de soi, des innombrables merveilles que nous offre la nature, un paradis certes encore à notre image, peuplé d’oiseaux de proie qui attendent que nous soyons dehors pour se précipiter sur nous et se disputer les morceaux pantelants de notre chair et de nos pensées, mais toutefois la promesse de nous extraire de notre bourbier, un magnifique et long solo de guitare nous berce dans cette illusion qui dure assez pour espérer que le plus dur soit derrière nous, mais la voix reprend, plus ample, insistante, ce n’est pas encore le retour de l’angoisse mais l’appel au secours à la Mère engendreuse et primordiale, pour qu’elle nous révèle les deux moitiés de l’œuf cosmique dont nous sommes issus, et nous persuade que les anges dinosauriens ne sont pas tous morts, que l’oubli n’est qu’un suaire que nous pourrions facilement déchirer. Chimera’s theme : instrumental, si l’on n’était pas qu’à la moitié du film, l’on pourrait aux premières secondes qui courent  croire à une happy end, que le prisonnier Zéro qui était si près de la porte de sortie s’évaderait si facilement de ses ennuis que ce n’est même pas la peine de nous le dire, mais quelques tapotements insistants nous alertent, la musique s’enraye avec ce bruit caractéristique d’une bande magnétique qui se bloque. Nous ne sommes pas naïfs, Wagner nous a appris que tout intermède lyrique n’est propice qu’à de proximales menaces.  Cover me red : Retour à la case départ. Encore plus violent. Encore plus déchiré. Davantage

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    une inclusion qu’une couche de peinture. Non plus le rouge alchimique mais le rouge du sang des blessures intimes et de l’hémoglobine suscitée par les agressions externes, selon cette musique qui s’entrechoque sur elle-même qui s’entasse, qui se recouvre, qui n’est plus qu’un hachis d’auto-grondements, qu’un grouillement de froissements comme si l’on appelait toutes les vipères du monde à venir nous recouvrir.  Altering : serait-ce le plus beau titre de l’opus, une intro style chevauchée des Walkyries, double partition, celle musicale et celle schizophrénique exposée par le vocal, suspendu sur l’abîme qui sépare ce que l’on est de ce que l’on pourrait être, deux rivages si éloignés que l’on ne sait plus sur lequel des deux bords de la faille l’on se tient, suspension de quelques notes, fragilité d’être dans l’entre-deux de soi-même, la voix s’élève pour plonger au fond de la chair qui l’émet, au sein du sang qui l’irrigue, symbiose instable en état de modification permanente, l’alternative insidieuse a pris les commandes, les deux mâchoires se refermeront sur moi et me dévoreront. Du sang sur les mains du meurtrier en puissance, la musique spongieuse glougloute comme un torrent qui se presse. Desire : à l’origine une vidéo de Bastien

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     Sablé, celle du désir rampant en soi, hors de soi, dans l’impossibilité de la solitude, à moins que ce ne soit le désir de l’autre, chimère extérieure de chair et de consomption, serpent musical furtif qui se lève brutalement pour mordre ou se fondre en moi, tous deux partagé par le même gouffre, vocal supplication, rejoins-moi, entre dans mon monde ou moi dans le tien, ce que je ne suis pas capable de faire, mais peut-être es-tu partagé par la même incapacité à t’exhaler de toi-même, rejoignons-nous, n’habitons plus qu’un même éspace-temps, mais n’es-tu pas qu’un phantasme solipsiste issu de mon esprit démembré, intensité musique et voix ne sont plus qu’un cri de haine ou de désir, es-tu ma chimère, es-tu inscrite dans le réel, es-tu mon désir, mais mon désir le plus vif n’est-il ma propre chimère, ne me désiré-je pas moi-même. Ne suis-je pas l’abysse dans lequel je plonge. Sacrifice (with Ten56) : être seul et si dépendant de sa souffrance, suite logique, après l’échec de l’autre, ne reste plus que la tentation du suicide, totalement cacophonique, grognements, grondements, mais peut-être sont-ce mes tourments qui désirent faire de moi une victime expiatoire de moi-même, même lorsque je suis enfermé dans le vase clos de moi-même je subis encore le déchirement métaphysique de ne pas être tout à fait moi-même et tout à fait autre. Habité par mes propres démons chimériques, expulsé de moi-même par ces mêmes démons. Clone of a clone : l’acceptation de soi et la non-acceptation de ne pas être soi, la première postulation comme un chant sous la voûte étoilée, sonorités éthérées alternent avec la pulsation râpée de se battre contre soi-même dans le seul but d’être le soi que l’on n’est pas. La situation est exposée, chacune des deux entités la répète à tour de rôle, à plusieurs reprises, pas de discussions, pas de tentatives de rapprochement. Chacun n’est que le clone de l’autre, ils s’auto-engendrent l’un et l’autre, si l’un des deux prenait le dessus, le vainqueur ne survivrait pas puisqu’il n’est que par cette béance qui les lie et les délie sans fin. Living in reverse : this is the end, cette fois c’est bien le générique de fin, non le héros ne meurt pas, c’est le metalcore qui cède le pas à l’ampleur lyrique, chaque instrument nous fait son petit numéro pour nous dire aurevoir, quant au chanteur il chante de toute son âme, il sait qu’il n’a rien réussi, il nous promet de s’améliorer, le pathos habituel de l’ivrogne qui jure qu’il arrêtera l’alcool, mais il n’y croit pas lui-même, lorsque la cassette s’arrête, un déclic et hop elle recommence, comme avant, comme après. Le héros retourne à sa solitude, ô combien peuplée de lui-même, il ne lui reste que son chien qui mourra avant lui, mais avec ou sans le canidé, tout recommencera, le serpent ne se mord pas la queue mais lorsqu’il est parvenu au bout de sa queue il remonte vers sa tête. Sempiternel aller-retour. L’on ne va jamais plus loin que soi-même. Plus loin que sa propre brisure.

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             Chimera est un chef-d’œuvre. Existe-t-il à l’heure actuelle un groupe français qui soit capable d’atteindre à une telle excellence. L’opus se tient en lui-même. Il ne court pas après de chimériques propensions à ne pas être soi. La voix, les paroles, l’instrumentation, collent parfaitement au concept qui les ont guidées et gardées de toute embardée. L’œuvre est une, enserrée dans la tour d’ivoire de sa beauté. Ashen peut être fier, quoi qu’ils fassent par la suite, musicalement parlant ou dans leur vie privée, ils ont déjà accompli quelque chose, ils ont créé une citadelle, un point de ralliement, d’orientation, que personne ne pourra jamais leur enlever.

    Damie Chad.

     

     

    *

            Toujours de petites perles sur Western AF, ce coup-ci deux d’un coup. L’une après l’autre, très différentes, je vous réserve la première pour la semaine prochaine. En priorité nous écoutons la deuxième Une véritable pierre précieuse, un saphir, aux yeux azuréens, des lèvres coquelicots, une peau de  lait, qui pourrait résister à une telle merveille. Pas moi.

    WEED MONEY

    AC SAPPHIRE

    (Bandcamp / 2024)

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             Elle ne chante pas encore. Elle n’est même pas sur la vidéo. A la place un van stationné au bord d’une route. Quand elle arrive elle explique qu’elle a pris soin de s’habiller en essayant de se mettre en accord avec le motif peint sur  la carrosserie  de son van préféré. Il appartient à une personnalité connue de Laramie (Wyoming) Shawn Hess, est-ce lui qui   l’accompagne à la guitare électrique soulignant de notes nostalgiques le chant de Sapphire. Quand elle ferme les yeux elle ressemble à une gamine, mais non elle est née en 1985, sa voix nous l’indique elle est marquée de toute la sage désillusion qu’apporte l’existence. Non pas que la vie soit particulièrement dure car tout dépend de soi, de ce que l’on a voulu traverser. Aucune plainte, un simple constat, sans haine ni ressentiment, juste le sentiment d’être ailleurs, de refuser d’être dupe de l’autre et de soi-même. Un vocal aérien, mais ce bluegrass est teinté de la tristesse indéfectible de ce qui pourrait se nommer le blues le plus gras. Son accoutrement prêterait à rire, un peu hippie, un peu pantalon rayé de clown, ses grosses bretelles, ses tatouages un peu trop kitch, presque un rythme envolé de valse, un tournoiement d’hirondelles dans le ciel qui parle de lui, qui parle d’elle, pas spécialement de lui et d’elle, il n’est plus là, elle est déjà partie, ce n’était qu’une escale, pas pire qu’une autre peut-être même mieux, mais les chemins qui se croisent sont destinés à se séparer. Pas un drame, pas une tragédie, tout dépend de la nature, pas les arbres ou les plantes qui nous entourent, la nôtre, celle qui fait que l’on est ainsi que l’on est, seul parmi les autres, seul parmi soi-même ? Deux mots qui qualifient la sienne, le miel des jouissances terrestres, la lune des songes et des rêves. Entre eux, entre tous, le lien ombilical de l’argent, une fumée d’herbe qui ne monte ni vers le ciel ni ne descend vers l’enfer. Juste une vie qui se consomme qui se consume doucement. Un bon moment qui passe et s’évanouit. Une voix qui berce et qui réveille. Qui vous tient éveillé pour mieux vous faire rêver. Et continuer à vivre.

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             Il existe aussi une Official Video du même morceau. Un peu décevante. Un peu trop réaliste. Un peu ménagère, un peu bobonne. Du moins à ses débuts, car si l’on reste dans le même décor, sweet home familial, tout se dérègle, plus rien ne coïncide, l’on se retrouve entre soi et soi, entre Sapphire et elle-même, entre la fumée du rêve et des œufs au plat que l’on qualifiera de brouillés. Il est indéniable que la magie opère, que le monde semble se décentrer de lui-même, sur lui-même.

             L’on reviendra plusieurs fois explorer le monde un peu labyrinthique d’AC Sapphire qui s’avère plein de surprises

    Damie Chad.

     

    *

    Vu le nom j’ai cru que c’étaient des grecs, vous connaissez  ma prédilection pour la péninsule hellénique, en plus des grecs qui font l’effort de s’exprimer en français, ben non, viennent du Luxembourg et comme tant d’autres ils parlent en anglais. J’ai hésité, mais ça avait tout de même l’air assez sombre, j’aime les trucs tordus, et puis dans les nouveautés il n’y avait rien de bien nouveau. Alors fonçons sur le Kraton. Grattons un peu.

    SPIRITUALITE SOMBRE

    KRATON

    (Bandcamp / Septembre 2025)

             Kraton vient du grec – en français l’on écrit ‘’craton’’, une phonétique un peu fragile pour ce mot qui chez le peuple d’Aristote signifie ‘’force’’. Les gratons définissent les aires géologiques continentales constituées des pierres les plus dures, il fut un temps on les désignait sous l’appellation (impropre) de boucliers hercyniens, les premiers gratons sont apparus voici deux milliard et demi d’années. Certes nous sommes encore loin de l’originelle formation de notre planète, mais demandez-vous pourquoi un groupe a pu choisir un tel nom. L’on imagine facilement une dimension primordiale, quelque chose de noir, de solide, de dangereux… Le titre de ce single n’incitant pas à l’optimisme l’on se dit que l’humanité, du moins ses êtres les plus sensibles, les plus éveillés, doivent être capables de ressentir les sombres émanations de cette puissance élémentale. Serait-ce un privilège ? Serait une malédiction intérieure ?

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             La couve tend à nous incliner vers la deuxième interrogation. L’Homme n’apparaît pas royalement installé à sa place, la centrale que souvent habituellement il s’adjuge, l’est mis à l’écart, sur l’espace libre rien de bien enthousiasmant, un fond grisâtre gercé de taches noires, pas davantage de couleur pour ce représentant de notre espèce qui est censée demeurer tout en haut de la pyramide animale. L’est sûr qu’il n’est pas heureux, l’est refermé sur lui-même, en proie à de sombres pensées qui l’obsèdent, dont son intelligence ne peut se rendre maître.

             Patrick Kettenmeyer : bass / Jacques Zahlen :  guitar / Mike Bertemes : vocals, / Ken Poiré : guitar / Véronique Conrardy : drums.

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             La photo du groupe est à l’unisson de la pochette. Donne envie de citer le titre Sombre comme la tombe où repose mon ami de Malcolm Lowry, ne sont peut-être pas nos amis mais sont sombres comme des cadavres, enfin des morts-vivants, leur esprit ne repose pas non plus, sont comme habités d’une idée monstrueuse, peut-être métaphysique, peut-être ultra-métaphysique. 

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    Spiritualité sombre : peut-être vaut-il mieux se passer de la vidéo sur YT, ce n’est pas qu’elle soit mauvaise ou trop minimaliste. Elle possède une force inhérente à sa mise en place. Les quatre boys formant un carré parfait, the girl sur sa batterie au fond, parfois l’angle de vue du montage change et s’attarde sur elle, surtout dans l’intro dans laquelle elle frappe incessamment les trois coups théâtraux du destin, pas du tôt beathoveniens, plutôt l’annonce d’une catastrophe qui a déjà eu lieu, entrée majestueuse mais une espèce de mélodie souterraine coulant lentement comme l’un des fleuves des enfers vient se greffer sur ces coups de semonce comme le serpent noir du désespoir qui ne vous quitte jamais, même si une mini-seconde il se pare de couleurs luminescentes,  Mike a crié le silence de sa solitude, il exècre cette impossibilité - est-elle native - à ne pas savoir voir la lumière, et tout se tait, un interlude de quelques notes lentes, des secondes qui se suivent et se ressemblent même si elles se teintaient d’une inexorabilité mélodique qui finit par s’effriter sous les pas lourds du vocal qui maintenant explose comme un rejet volcanique qui dégringole la pente fatidique de l’anéantissement du désir et de l’incompréhension humaine.  Si vous éteignez les images, le noir de l’ampleur sonore envahit votre pièce mentale, la vue relève de l’anecdotique, elle ne révèle rien de votre propre sort. La musique n’arrive pas qu’aux autres.

             En 2011, le groupe a sorti un mini-album Ker dont nous reparlerons.

    Damie Chad.

     

     

     *

             Dans la vie il faut choisir, par exemple entre Elvis : 350 photos inédites ou Unseen Elvis, candids of the King. Trois cent cinquante - l’on veut vraiment nous convaincre que l’on va nous en mettre plein la vue, quel déplorable esprit comptable et bourgeois qui sous-entend que l’on en aura pour notre argent. En plus des photos inédites, rien de mieux appâter le client ! Le titre original est beaucoup plus fort : Unseen Elvis, une promesse de mystère, presque un fantôme que personne n’a jamais vu, certes une approche d’Elvis, autant dire que l’on ne l’atteindra jamais, que nous ne serrerons jamais dans nos bras l’idole royale…

    Quant à traduire ‘’candids’’  par ‘’photos inédites’’ c’est ne pas jouer avec les fausses similitudes germinatives de l’anglais et du français, ce terme ne contient-il pas l’aveu d’une naïve fragilité destinée à finir brisée… Arrêtons de rêver à une langue des oiseaux poétique, contentons-nous de :

    ELVIS

    350 PHOTOS INEDITES

    JIM CURTIN

    (France Loisirs / 1992)

             Jim Curtin se présente comme un fan d’Elvis. Depuis toujours, depuis ses sept ans, depuis le jour où son père lui a offert son premier 45 tours d’Elvis : Return to Sender. Par la suite il a systématiquement acheté tous les disques, 45 et 33 Tours qui sortaient… L’a grandi, l’a fait une découverte : les pressages étrangers n’offraient pas les mêmes couves, ni même les mêmes titres, bref il s’est retrouvé avec cinq mille albums du King, vous y ajoutez tout le marketing imaginativement délirant: stylos, mugs, agendas, et les photos. Celles qu’il achetait, celles des magazines, celles qu’il s’est procurées auprès des fans… S’est débrouillé pour voir Elvis, sur scène bien sûr, mais aussi en privé, lui a offert une guitare acoustique modèle unique, puis une superbe ceinture… Oui il avoue que cette passion dévorante lui a coûté cher… Rien n’indique que c’est après avoir entendu Eddy Mitchell dans L’Epopée du Rock proclamer : ‘’ Le rock est notre vice / C’est la faute à Elvis’’ qu’il n’a pas hésité à monter sur scène pour interpréter les morceaux d’Elvis, avec les costumes adéquats…

    Traitez-le de collectionneur, de clone, ou de fou, de maniaque, pour ma part j’ai connu un clone de Claude François qui était bien plus heureux dans son rêve que bien de ses contemporains… D’ailleurs le fait de rédiger chaque semaine depuis des années des chroniques rock ne serait-il pas le signe d’un excessif dérangement obsessif…

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    Jim Curtin ne s’est pas arrêté à ce premier bouquin, l’a successivement, à ma connaissance, donné : Elvis And The Stars (1993), Elvis : Unknown Story Behind The Legend (1998), Elvis, The Early Years (1999), Christmas With Elvis (1999)… un passionné.

    Les photos occupent la majeure partie du livre, z ‘auraient pu inscrire la légende juste sous les clichés, nous ne les regarderons qu’en fin de chronique. La vie d’Elvis est découpée en cinq grandes périodes : Les années cinquante / L’Armée / Hollywood / Las Vegas, le retour, / La descente aux enfers. Chacune d’elles est précédée de quelques pages évoquant cette partie du parcours de l’idole. Je m’attendais à une hagiographie de fan transi. Il n’en est rien. Jim Curtin n’est pas dupe de son idole. Passion froide. Il ne tarit pas d’éloges sur les débuts d’Elvis, ce garçon a été un révélateur, de quelque chose de plus grand que lui : de la mutation de la société américaine, il est une espèce de marqueur social, toutes les contradictions historiales de l’après-guerre ont été relevées par l’apparition de ce garçon tranquille qui n’en demandait pas tant, il s’est retrouvé dans un tourbillon qui l’a emporté et dépossédé de lui-même. C’est grâce aux tempêtes de l’Atlantique que l’ancienne Rome a rencontré les premiers américains. Qu’ils ont pris pour des indiens, provenant de l’Inde… Z’en ont simplement conclu que la terre était ronde, ce qu’ils savaient déjà puisque la mythologie leur enseignait que l’Okeanos entourait la terre…  Remarquons qu’Elvis n’a pas empêché la terre de tourner, mais qu’un grand charivari s’est installé dans sa tête.

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    Le départ à l’Armée a été la première cassure dans la vie d’Elvis, approfondie par la mort de sa mère. Avant l’Allemagne tout était merveilleux pour Elvis, il volait de succès en succès, il n’avait même pas le temps de se demander quand cet ouragan triomphal s’arrêterait. On y a pensé pour lui. Le Colonel Parker et l’Establishment, les forces réactionnaires voyaient d’un mauvais œil ce garçon sans cause qui incarnait le désir de rébellion de toute une génération. Elvis a joué le rôle de l’idiot utile, le bon boy manipulé prêt à mourir pour sa patrie… C’est outre-Rhin qu’Elvis connaît les affres de la solitude, la mort de sa mère et  la peur de sa carrière arrêtée net par ce passage sous les drapeaux… En apparence tout se passe bien, beaucoup de bidasses aimeraient avoir fait le service militaire qu’a effectué Elvis, certes les manœuvres, les entraînements d’un côté, mas de l’autre sa maison personnelle, les amis et les filles autour de lui… Cadeau inespéré, Pricilla, le substitut de la maman morte, la pure et chaste jeune fille aimante à qui il peut se confier. Curtin nous présente une Pricilla beaucoup moins nunuche et beaucoup plus pragmatique que bien des biographes… L’Allemagne c’est aussi le moment durant lequel s’installe une espèce de faille tridimensionnelle dans l’esprit d’Elvis, l’amour romantique avec Priscilla, le besoin de continuer sa vie de garçons auquel les filles ne sauraient résister, jusque-là tout est normal pourrait-on dire, mais circonstance aggravante Elvis s’aperçoit de son incapacité à joindre  les deux bouts du sexe et de l’amour. Il aurait pu faire comme tout le monde naviguer au coup par coup entre la chair et le sentiment, mais l’inquiétude le ronge, le fait de ne pas pouvoir concilier ces deux postulations érotiques le plongent dans un sentiment d’angoisse, comment pourra-t-il  retrouver sa place de chanteur numéro 1 s’il n’est pas capable de surmonter cette contradiction intime, il n’est pas comme les autres, il se sent différent, un sentiment d’immense solitude l’accable... Pour mieux comprendre le désarroi d’Elvis il suffit de se rappeler qu’avant d’être l’inventeur du rock il ambitionnait de devenir chanteur de gospel. Nous voici face à un prétendant à l’amour du seigneur qui a opté pour la musique du diable. Toutefois nostalgique de sa native innocence.

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    Elvis s’effrayait du pire. Le pire fut qu’il obtint le meilleur. Les fans ne l’ont pas oublié, ses nouveaux morceaux se classent en tête du hit-parade, il vend des millions de disques, il engrange des millions de dollars. Le cinéma dont il a tant rêvé lui ouvre ses portes, Priscilla à ses côtés joue le rôle de la chaste fiancée, ou de la sainte vierge, substitut symbolique de la mère, bonjour doctor Freud, à Hollywood il enchaîne, actrices, starlettes, et amourettes de passage. Pour Curtin le responsable de la désagrégation de Presley porte un nom : Parker. Elvis engrange tant de succès qu’il vit sur une illusion. A tel point qu’il se pense assez fort pour consommer le mariage avec Priscilla, coup double puisque neuf mois plus tard, jour pour jour après la consommation, la sainte vierge enceinte se métamorphose en mère d’un ravissant bébé…  Il déteste les navets qu’il tourne, alors il compense par des achats compulsifs : voitures, chevaux, camions, ranchs… Le roi du rock a déserté son royaume, l’est devenu le paladin pâli d’une daube nauséeuse. Il n’est plus numéro 1, son compte en banque s’épuise…

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    Elvis se réveille, nouveaux enregistrements de qualité, le sursaut du retour sur scène éblouissant… Le King est de nouveau le King. Hélas renaissance inespérée, la machine à cash tourne à plein régime, la vache sera traite jusqu’à la dernière goutte de lait… Elvis ne vit plus sur un nuage doré, son ciel est orageux, Priscilla s’en va avec son amant, il dort mal, il grossit, il se bourre de cachets pour ne plus ressentir son insatisfaction chronique, sa solitude est immense, son découragement aussi, il prend conscience que sa vie lui a échappé, la mort prend sa place.

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    Reste les photos, la couleur ne devient prépondérante qu’à partir de la moitié des années soixante, je n’en retiens qu’une en blanc et noir, la pleine page 52, c’est fou comme il ressemble à Eddie Cochran !  Il y en a de très belles, de magnifiques portraits d’une beauté sauvage, mais ce ne sont pas les plus nombreuses.  Ni les plus parlantes.  Celles pléthoriques qui retiennent l’attention sont des photographies d’amateurs, des clichés parfois un peu flous, souvent maladroits, Elvis entouré de ses fans. De grandes quantités de filles, à plusieurs autour de lui, l’englobant de près, des enfants, des grandinettes prépubères, des jeunes filles, des femmes dont certaines qui ne sont pas là par hasard, le flot ininterrompu semble n’avoir jamais baissé. Preuve évidente de la proximité d’Elvis avec ses fans. Un fait étonnant : les grands absents sont les amateurs de rock’n’roll. Un signe révélateur. Je vous laisse l’interpréter.

    Damie Chad

                           

    *

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             Il est inutile de présenter Slim Jim Phamtom batteur des Strat Cats, le groupe au début des années quatre-vingt a ravivé les brandons du rockabilly qui couvaient sous la cendre. Un bel incendie qui quarante ans après refuse encore de s’éteindre… Slim Jim n’a jamais rencontré Gene Vincent mais son témoignage est important, tout comme Brian Setzer et Lee Rocker, ils en sont les héritiers. Le portrait qu’il en trace est des plus émouvants, des plus intuitifs et des plus respectueux.

    The Gene Vincent Files #9 : Slim Jim Phantom

    on the impact Gene & the Blue Caps had on the Stray Cats

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    Salut, Slim Jim Phantom des Stary Cats et dis-moi tout ce que tu veux savoir sur Gene Vincent (petit rire malicieux dans la série Return To Sender). Il y avait un jukebox au Max’s Kansas City, un  fameux club de rock’n’roll de New York, je suppose depuis les années cinquante là, Dylan y a débuté, tout un tas de gens ont joué durant la période Andy Warhol, c’était encore une grande sçène pour le punk rock durant les seventies, en 79, il y avait un jukebox et Be Bop A Lula et nous étions-là, nous faisions partie de la scène de New York, et nous avons entendu le titre, et je pense qu’il y avait aussi That’All Rifght Mama, Blue Moon of the Kentucky, Be Bop A Lula couplés à tout un tas de hits ultra-célèbres, que pour ma part je n’avais jamais entendus, c’était tout pareil pour Brian, et nous ne connaissions pas du tout cette musique, c’était époustouflant, qui étaient-ils et ce Gene Vincent, je ne connaissais pas réellement qui il était, en Amérique tout ce truc n’était pas aussi bien connu alors que plus tard nous avons découvert que c’était bien connu en Europe. Alors tu te précipites chez les boutiques de disques, Gene Vincent ils ne le possédaient pas dans leur assortiment, alors tu te rends dans un petit magasin de musique populaire qu’une ancienne greaser tenait chez elle... Gene Vincent c’était si essentiel si séminal,  que nous étions balayés comme par une tornade, je n’avais jamais entendu quelque chose comme cela, ce fut une énorme influence pour Brian,

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     je pense que Cliff Gallup était probablement le plus grand guitariste de tous les temps, et il eut une influence tellement énorme, vraiment énorme, qu’immédiatement du jour au lendemain, vous avons voulu ressembler à ça, nous avons voulu sonner pareillement, nous avons voulu tout connaître sur ce sujet. Ce fut de même pour Eddie Cochran, Elvis, Buddy Holly, Chuck Berry, Carl Perkins, et tous les autres. Mais Gene Vincent spécialement eut une énorme, énorme influence, immédiatement nous l’avons accaparé, c’était très rock et c’était très sauvage, et surtout il était un si grand chanteur, c’est comme cette veste ( Slim agrippe le col de sa veste), c’est pour cela que je la porte aujourd’hui, comme la veste de cowboy sur la couverture de son premier album, une boutique au centre-ville  en possédait une,  nous n’avions pas les moyens de l’acheter, la veste de Gene Vincent, nous avons fini par en avoir une, et nous la portions à tour de rôle, c’était  qui a porterait la veste de Gene Vincent, certains jours vous aviez les cheveux lissés, rabattus en arrière, et la touffe toute graisseuse sur le front  ‘’ Oh aujourd’hui tu te prends pour Gene Vincent, c’est super !’’   désormais il faisait partie de notre langage, une partie de toutes les choses que nous faisions étaient très, très influencées par Gene Vincent.

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    J’avais étudié et je savais jouer, mais nous étions à fond dans le jazz, nous étions de ces gamins studieux, on essayait d’apprendre la bon chemin et nous étions aussi autant à fond dans le punk rock que dans le blues, quant à moi en tant que drummer, le style de Dickie Harrel a tout englobé, il était encore swing tout en appuyant fortement sur les contretemps, techniquement il savait comment jouer, mais ça coulait de source et en même temps c’était très rudimentaire, c’était bon, je ne savais pas vraiment que ce style existait, soit tu tapais jazz, soit tu tapais rock, ça m’a totalement façonné cette manière de jouer sur les deux premiers disques, cette façon a résonné en moi  , c’était ce que je voulais faire dans telle partie du morceau, ça faisait sens pour moi, et vous savez les hurlements sur les breaks de guitare, nous étions-là-dedans, nous aimions cela si fort que nous le faisions sur tous les morceaux quand nous passions dans les bars de New York… quand nous sommes entrés en rockabilly, nous avons repris toutes ses chansons, toutes celles de ses deux premiers et géniaux albums, et toutes les Sun Sessions que nous connaissions, et tout ce que nous connaissions de cette music, et nous hurlions chaque fois que c’était possible et nous adorions cela. Nous avons rencontré les Blue Caps plus tard lorsque nous sommes revenus d’Europe, ce devait être en 82 ou 83 peut-être, et tout un tas de ces guys originaux, quelle chance ce fut, ce fut un frisson et un grand honneur, ils sont en quelque sorte heureux de nous de nous rencontrer, et nous avons joué, c’était probablement à Norfolk ou dans les environs, ce devait être à Norfolk en Virginie, Portsmouth , quelque endroit par-là, tous ces gars sont venus, Tommy Facenda, Bubba Facenda, Bebop Harrell, je pense à Johnny Meeks était-il là aussi, une fois ou l’autre j’ai rencontré la plupart des gars, mais je me souviens de la première fois qu’ils sont venus voir le show, ils étaient émus et ils nous remercièrent de garder cette musique vivante, parce que nous avions repris plusieurs morceaux de Gene sur le premier disque des Stray Cats et cela leur avait boosté leur carrière, ils avaient reçu de nombreux coups de téléphone ce qui leur avait permis de travailler davantage car il y avait un nouvel intérêt pour toute cette scène, que j’y sois parvenu ou non, en tant que musicien je voudrais continuer à jouer et aimer cette musique si j’avais pu obtenir un job régulier, je voudrais encore faire ça, si j’arbore encore cette veste c’est que j’aimerais encore avoir cette coiffure, quoi qu’il arrive ces gars étaient la meilleure preuve de cela, d’être ainsi capable de les aider de n’importe quelle manière c’était fantastique, et c’étaient vraiment de bons et fidèles cats, ils étaient encore branchés et volontaires, c’étaient des soldats du feu volontaires, tous les soldats du feu  volontaires de la caserne des pompiers se sont jetés sur le gâteau, c’est grandiose, moi aussi je suis un combattant du feu, ainsi je suis en quelque sorte

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    5Stray Cats sur scène interprétant Gene and Eddie

    relié à cela…  La chanson Gene and d’Eddie est trop belle, nous ne voulions pas reprendre une fois de plus leurs chansons, ces chansons dont nous manquions, nous jouions chaque Gene Vincent, chaque Eddie Cochran, mais nous avions envie de composer notre propre morceau et rendre en même temps hommage à ces deux gars. Gene and Eddie vous le savez sont ces deux gars, je me souviens c’était sur la route quelque part, Brian et moi étions en train de gratter notre  guitare lorsque nous avons eu l’idée que ce que nous faisions c’était comme jeter des citations issues de toutes les grandes chansons de Gene and Eddie, nous les découpions et nous les couchions sur le plancher de l’hôtel et essayons de voir lesquelles marchaient avec lesquelles, et ensuite nous est venue l’extraordinaire idée d’apposer la signature du riff de la guitare à chaque parole, c’était un procédé vraiment marrant, car c’était notre propre chanson que nous écrivions mais en même temps nous rendons notre hommage à ces gars, puis nous avons fait une vidéo et nous avons pu consulter l’ensemble des archives, ce fut un moyen de de visionner tous les vieux clips vidéos, je me souviens combien Dick Clark a été utile il nous a envoyé tout un lot de bandes d’American Bandstand, tout le monde aimait cette musique et  pour ainsi dire a fait ses débuts grâce à cela… comme tout un tas de rockers, je pense spécialement à ce second album, c’est probablement le plus grand album de rock’n’roll jamais enregistré, certainement tout en haut, certainement un de ceux que j’emporterais sur une île déserte je suppose avec le Sun Session… le second album de Gene Vincent

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    c’est quelque chose, Be Bop A Lula est indubitablement le titre le plus célèbre, le plus connu, mais n’importe quoi du second album, du premier aussi, mais comme il y a ce truc comme Race with The Devil, c’est tellement, tellement, tellement dur, si raide, si glissant, c’est, c’est, ça n’a jamais été dépassé, non ça ne l’a jamais été… je sais qu’en Europe, au Japon, en Australie, dans le monde entier,  Gene est le type est considéré comme le plus pur de l’americana, le produit américain par excellence, il est une sorte de légende, ayant une grande influence, et encore grandement aimé, beaucoup moins en Amérique, je ne sais pas pourquoi, nous ne l’avons jamais statufié… il existe une certaine scène ici maintenant, je pense que c’est l’effet des Stray Cats,  il existe davantage de sortes de rockabilly que quand nous avons été les premiers à commencer, disons les choses de cette manière, tout un tas de ces rock’n’rollers  des premiers temps ont été redécouverts, Gene naturellement puisqu’il était un des principaux, mais je ne sais pourquoi je vois ces kids japonais

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    avec des tatouages de Gene Vincent, et j’ignore pourquoi pas les kids américains, je ne sais pas vraiment pourquoi, ayant dit cela, il existe une scène ici, les choses ont changé davantage qu’avant, mais ce n’est pas la même chose qu’en Europe où il est une figure légendaire révérée, il a dû travailler dur, vraiment dur, Gene est actuellement plus chanceux que tout un tas de ces gars parce que Gene était toujours capable de jouer en France, en Allemagne, en Angleterre, il était une légende il avait la possibilité de s’y rendre et de jouer, tout un tas de ces chanteurs de rockabilly avaient cessé de jouer, je pense que d’une certaine manière Gene était favorisé, mais c’était parce qu’il avait exercé un tel impact, il était un symbole pour ces rockers, ces français, ces Teddy Boys, il était un symbole, je n’ignore rien de la méchanceté,  il a toujours bien chanté, même s’il n’a jamais forcé sa voix, je sais qu’il était accompagné par différents orchestres, et qu’il se démenait pour payer son loyer, comme tout un chacun,, mais il n’a jamais perdu sa voix, il chantait toujours bien mais l’industrie avait changé et des gars comme lui étaient laissés à l’arrière, il lui est arrivé ce qui arrive à pratiquement tous, à très peu d’exceptions près, chacun a ses hauts et ses bas dans le business de la musique, mais il a réussi à bosser malgré tout, je pense qu’il a connu une vie rude, je pense qu’il a beaucoup souffert avec sa jambe et je pense qu’il a vu des tas de gens qu’il avait influencés peut-être lui passer devant, mais il a toujours eu des contrats d’enregistrement, il a toujours joué et il a eu une certaine quantité de gens qui croyaient en lui, si je ne l’ai pas connu je ne suis pas sûr

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    qu’il était  le plus facile des cats à vivre, je ne sais pas, j’ai seulement entendu des rumeurs selon lesquelles il était difficile à vivre, d’après ce que j’ai lu que et que je n’ai pas aimé, je dis que je ne l’ai jamais rencontré, mais j’ai entendu qu’il vivait durement, qu’il était plein de tristesse, j’ai l’impression que sa vie ne s’est pas déroulée comme il aurait voulu, je pense que ce genre de problème vous sape le moral et vous gâte tout ce que vous faites, je pense qu’il ressentait une forme de tristesse, qui vous tombe dessus quand vous passez votre temps à accumuler des gigs pour parvenir à payer vos factures, et croyez-moi aussi bon que vous soyez, et quel que soit l’impact que vous ayez sur les gens, ou sur les musiciens qui vous ont quittés pour occuper une meilleure place sous les spotlights sous lesquels vous pensez que vous auriez dû être, je pense qu’il a eu ce qui peut facilement vous tomber dessus dans ce business, si tu deviens amer, il est difficile de remonter la pente, je pense au sommet qu’il avait atteint, vraisemblablement sans prendre soin de lui-même, je ne suis pas surpris, cela revêt l’espèce de mythe qu’il était devenu d’une teinte tragique, ainsi que tout le déroulement de sa vie. J’en prends acte, je le comprends, car je n’ai pas encore rencontré un seul rock’n’roller, un seul véritable gars, des  Beatles aux Rolling Stones, jusqu’aux Kinks, jusqu’aux Clash, jusqu’aux Sex Pistols, jusqu’à Lemmy, pas un seul de ces grands et authentiques rock’n’rollers parmi tous ceux que j’ai rencontrés dans ma vie, qui n’ait pas mentionné Gene Vincent comme l’une de leurs deux plus fortes influences.

    Transcription Damie Chad.

    Notes :

    Max’s Kansas City : restaurant, night-club qui de sa création en 1965 à sa fermeture  en 1981 fut fréquenté par toute la faune culturelle et underground de New York (et d’ailleurs). Les amateurs de rock possèdent souvent dans leur discothèque le disque du Velvet Underground :

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    Gene and Eddie : le morceau sur trouve sur l’album Blast Off sorti en 1989. Sur la photo ci-dessous les Stray Cats interprétant sur scène le morceau hommagial à Gene et Eddie : 

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    Cette vidéo, ainsi que beaucoup d’autres, est en accès libre sur la chaîne YT de VanShots – Rocknroll Videos