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  • CHRONIQUES DE POURPRE N°1

    CHRONIQUES

    DE

    POUPRE

    UNE VISION IMPERIEUSE DES HOMMES & DES OEUVRES

    Revue Polycontemporaine / Interventions Litteraires

    / N° 001 / Novembre 2016

    CONSTELLATION STEPHANE MALLARME

     

    MUSEE STEPHANE MALLARME

    UN AVENIR INCERTAIN

     

    *

    ( ci-joint, un texte étrangement prophétique )

     

    DU CÔTE DE CHEZ MALLARME

    GENEVIEVE MALLARME BONIOT

    MARIE-THERESE STANISLAS

     

    Décidément nous aurons du mal à quitter Valvins. Lors de l'après-midi Slam nous discutâmes avec une lointaine connaissance rencontrée en d'autres lieux bien loin des auspices mallarméennes. Nous apprîmes ainsi que notre collègue n'était pas venue-là par hasard, ayant passé toute son enfance, à venir courir et s'amuser, en jeune voisine dans la maison de la dernière héritière du legs mallarméen, Madame Paysant.

    Le dimanche suivant, ce fut Gérard Macé qui débuta sa conférence en racontant comment il avait, aux alentours d'une trentaine d'années précédentes, frappé à la porte de Valvins et avait été reçu par la même Madame Paysant, et son mari, commissaire de police qui l'emmena sur la tombe du poëte à Samoreau, en récitant des vers de Mallarmé...

    Et cette troisième semaine, pour ne pas quitter précipitamment la maison de Valvins, nous tombons en une librairie sur ce livre paru en 2007, chez Nizet, préfacé par Michel Gauthier, consacré à la fille de Mallarmé.

    Geneviève ! tous les fidèles mallarmistes n'ignorent rien des jours que la fille du poëte passa auprès de son père jusqu'à la mort de celui-ci. L'on sait les prétendants et les refus de Mallarmé, et cette étrange acceptation de Francis Poictevin réalisée dans le dos de la première concernée... Mais la trace se perd après 1898. Selon quelques lignes hâtives de Paul Valéry l'on pouvait en conclure à une union matrimoniale arrangée avec le Docteur Bonniot, bourgeoise manière, propre à l'époque, d'assurer la survie de deux femmes – la mère et la fille – démunies de toute fortune...

    Le livre de Marie-Thérèse Stanislas, réalisée à partir de traditions familiales et de correspondances inédites pieusement conservées apporte de multiples précisions. Si l'union de Geneviève et du Docteur Bonniot a pu longtemps paraître comme une sage décision, Marie-Thérèse Stanislas évoque les deux jeunes gens se découvrant et tombant peu à peu amoureux l'un de l'autre alors qu'ils s'occupaient à classer le monceau de notes semi-séculaires du poëte. Avouons qu'un peu d'idylle romantique ne messied pas à l'épilogue mortuaire.

    Bonniot et sa femme feront tout pour préserver l'héritage de Mallarmé. Vers de Circonstances, Poésies, Igitur, Le Coup de Dès, seront sauvés du naufrage et de l'oubli grâce à l'obstination du couple qui prépara les premières éditions et se battit pour qu'elles vissent le jour. Pour notre part nous eussions aimé que l'auteur s'attardât davantage sur l'intelligente préface du docteur à La folie d'Elbehnon. C'est vraisemblablement la meilleure ordonnance qui ait été rédigée sur le sujet, et pourtant j'en ai avalé toute une flopée dans mon existence ! D'autant plus méritoire que Bonniot n'a peut-être pas toujours pris les bonnes décisions envers les brouillons de Mallarmé.

    Le couple Bonniot parviendra en octobre 1902 à réaliser un vieux rêve : acquérir Valvins, afin que la maison ne tombe pas aux mains de vils béotiens ! Hélas, la vie emmène ses catastrophes. Peut-être ces chapitres sont-ils les plus éloignés de notre sujet, mais ils n'en comportent pas moins un indiscutable intérêt historique et humain. Nous pénétrons au coeur d'une famille française en ce mois d'août 1914... Radiologue, Bonniot sera affecté à l'arrière et passera trois années à Nantes, où Geneviève le rejoint, à soigner les blessés... Après la guerre, le bonheur restera précaire, Geneviève disparaîtra en 1919 des suites d'un cancer...

    Bonniot se remariera, sur les conseils de Geneviève agonisante, en 1920 avec Louise, une petite nièce Ponsot, famille amie des Mallarmé... Fidèle à sa mission Bonniot continue à faire paraître des inédits de Mallarmé mais en 1928, Bonniot miné par la maladie et Louise quittent leur domicile parisien pour s'installer définitivement à Valvins. C'est en cette occasion que l'ensemble de l'ancien mobilier de la rue de Rome est rapatrié à Valvins. Bonniot a accompli sa tâche de préservation. Il succombera en 1930. Louise lui survivra quarante ans dans la maisonnette... Ses petites nièces Marie-Thérèse Stanislas et Jacqueline Paysant en héritèrent. La boucle est bouclée. En 1985, après de longues insistances, l'état Français - par l'entremise du Ministère de la Culture, la région Ile-de-France et le département de Seine-et-Marne qui en est l'actuel propriétaire - consentit enfin et de guerre lasse ( telle est la sinistre et honteuse réalité ) à se porter acquéreur de la maison. Dans le but de la transformer en musée.

    Tout est bien qui finit bien, serait-on tenté de dire. Oui, mais que cela ne nous empêche pas de monter autour de cet édifice sacré une garde vigilante, et nos articles participent de celle-ci, préventifs. Les temps actuels sont au désengagement financier des institutions étatiques, régionales et départementales ; même si à notre connaissance il n'y a aucun danger qui se préciserait à l'horizon, restons en alerte. Bien des universités américaines, bien des fondations japonaises, par exemple, seraient prêtes à débourser de grosses sommes pour rentrer en possession du mobilier et des collections de Valvins. Méfions-nous des convoitises et des logiques culturelles de merchandisation libérales, qui lorgnent sans vergogne sur les richesses de nos musées. Peu connu du grand public, donc peu attractif selon la bovine logique des cervelles technocratiques qui nous gouvernent, d'un contenu très pointu, Valvins arbore toutes les qualités paramétriques d'une cible potentielle idéale.

    André Murcie. ( 2008 )

    FRAGMENCES D'EMPIRE

     

    HISTOIRE ANTIQUE & MEDIEVALE

    N° 76. Novembre – Décembre 2014

    JULIEN L'APOSTAT

    ( 331 – 363 ) un empereur romain au singulier destin

     

    Dossier sur Julien composé de trois articles, plutôt bien faits, d'Alain Alexandra, qui exposent le destin de l'empereur de sa naissance à sa mort durant la campagne de Perse. Mais nous nous intéresserons avant tout à la quatrième contribution, celle de Cédric Chadbrun intitulé L'Empereur Julien et les Cultes Païens.

    L'est communément admis que l'historien se doit de rester près des faits, de surcroît dans une revue grand public qui est supposée gagner la confiance de ses lecteurs par une démarche empreinte de probité intellectuelle. Le problème est plus complexe qu'il n'y paraît. Les traces archéologiques du règne de Julien sont plutôt minces d'où la nécessité de s'en référer aux propres oeuvres de l'Empereur, à celles des historiens qui furent ses contemporains que l'on classerait aujourd'hui parmi ses sympathisants, et aux diatribes de l'Eglise qui n'a jamais porté Julien dans son cœur. Bref question objectivité l'on est servi ! Certes nous ne partageons pas la croyance en la sainte objectivité que nous aurions tendance à dénoncer comme un cache-sexe de l'idéologie libérale dont il est facile de caricaturer les mots d'ordre. Ne nous fâchons avec personne, mais manœuvrons assez finement pour que nos parti-pris apparaissent comme fondés sur une vision raisonnable du monde en général, et des évènements dont nous parlons en particulier.

    Ce faisant, Cédric Chadbrun aborde en premier lieu la question des sacrifices sanglants en l'honneur des dieux païens remis au goût du jour par Julien. Cite longuement Julien et en contre-partie donne la parole à Jean Chrysotome qui revendique la supériorité de la célébration de la messe entrevue comme la répétition infinie du seul sacrifice sanglant qui ait compté : la mise en croix du doux Jésus. Quant à Julien, le sacrifice serait comme une alliance passée entre les Dieux et les Hommes. L'allusion au sacrifice d'Abraham nous paraît transparente. Nous ne manquerons pas d'y voir l'influence des discussions de Julien avec les théologiens juifs qu'il fréquentait. Les ennemis de mes ennemis ne seraient-ils pas des amis ?

    Il existe selon nous une autre explication de l'attachement de Julien à ses anciens rites. Beaucoup de païens eux-mêmes ne croyaient plus en l'efficacité de ses coutumes ancestrales. Cédric Chadburn cite Lucien de Samosate qui réprouve cette boucherie dont les Dieux seraient les premiers à se moquer. S'ils existaient. Mais le paganisme de Julien ne procède pas des mêmes racines que le rire de Lucien. Julien arrive trop tard. Le paganisme est mort. Pour lui, il relève d'une connaissance livresque. Rien de plus beau qu'un taureau blanc couronné de fleurs que l'on mène en chantant vers l'autel de l'immolation. Une scène rêvée pour un cinéaste à visées homériennes. Dans la réalité, un peu plus gore. Mais le paganisme que veut ranimer le neveu de Constance est un codex imagé. Un phantasme d'intellectuel. Perdu en des rêves d'idéale pureté.

    Julien s'est élevé contre l'Eglise mais son esprit était irrémédiablement entaché par le christianisme. Julien le moine païen n'a rien d'un libertin. L'a dû durant des années vivre dans le faux-semblant. Terrible solitude que celui qui se cache de tous pour survivre. Méfiance absolue. Julien s'est enfermé dans la seule forteresse absolue qui ne le trahirait jamais. Lui-même. Dans sa tête. Dans sa pensée. Tout ce qui s'approche de son corps est un danger. Mais il est des armes plus subtiles que le poignard. L'on ne se méfie jamais assez d'une amante ou d'un amant. Julien ne sera jamais un hédoniste. Joie de l'esprit, oui. Plaisir de la chair, non. Par des voies détournées imposées par sa situation de neveu présomptif, Julien parvient aux mêmes conclusions que cette réprobation de la tentation charnelle que l'on retrouve dans la Bible, de la Genèse aux Evangiles.

    Dans la deuxième partie de son article Cédric Chadburn relate cette Eglise païenne que Julien essaie de mettre sur pied pour concurrencer l'Eglise chrétienne. Il ajoute que si l'Empereur ne réussit point son retournement c'est à cause du dogme unique que les chrétiens présentent à la foule alors que la pluralité des cultes païens est un obstacle à l'unité désirée par le César.

    Sans doute est-ce juste. Mais c'est aussi oublier l'aspect le plus important des réformes préconisées par Julien qui ne se place jamais en cette affaire selon l'aspect religieux du problème à résoudre. Julien ne cherche pas à construire une organisation ecclésiale païenne. Celle-ci n'est que la conséquence d'un plan mûrement réfléchi et beaucoup plus ambitieux. Il lance un plan de redressement moral qui ne pouvait qu'irriter païens et chrétiens. Ces derniers parce rien n'est plus embêtant que s'en vienne chasser sur vos terres celui que vous désignez comme le grand Satan ! Et les premiers ont l'impression que l'Empereur, qui est en quelque sorte leur chef idéologique, et les chrétiens marchent main dans la main, sur les sentiers de la moraline, telle que plus tard la définira Nietzsche.

    Cette manière d'agir est une erreur stratégique très grave. Le meneur politique se cantonne à son rôle honorifique de pontife. Il se pense en tant que réformateur religieux et en oublie qu'il n'a avant tout qu'une fonction politique. Il y a du Luther chez Julien. Il suppute qu'il lui faut d'abord s'occuper du bonheur des âmes avant de pourvoir à la sécurité des corps. Luther délégua cette dernière tâche à la noblesse. Qui comprit son intérêt économique et financier. Mais les élites païennes refusèrent de faire bloc autour de leur empereur. Elles considéraient le paganisme comme une culture, un art de vivre, un accroissement de leur liberté quand ils entrevoyaient l'étroitesse des moeurs préconisés par l'Eglise. Aussi quand Julien entreprit-il sa grande campagne de modération des mœurs, ils ne purent s'empêcher de regarder avec horreur cet empereur qui se mêlait de leur vie privée, cette res privata au fondement de la romanité – ils crurent avoir affaire à un dictateur qui ne manquerait pas de rogner leur liberté personnelle. L'Eglise ne se priva pas de gloser sur les perfides dérives de ce nouvel empereur qui en deux ans révolutionnait la termitière à grands coups de talons rageurs. Discours profondément démagogique qui fut entendu. L'on ne peut parler de rébellion anti-julienne, mais une posture d'attentisme prudent qui précipita sa chute et surtout le triomphe absolu du christianisme et la défaite programmée du paganisme. Julien avait raison. Si maladroitement qu'il s'y prît, il fut pour des siècles d'obscurantisme à venir, la dernière chance des Dieux rieurs de l'Antique Hellade. Son échec est à méditer. En notre époque du retour du religieux monothéique – qu'il soit chrétien, juif, musulman - il est temps de s'apercevoir que débarrassée des scories emmenées par son inscription personnelle dans la trame historiale des jours, l'action du dernier Imperator doit être considérée au pire comme un exemple. Aux mieux comme un impératif.

    André Murcie. ( 24 / 11 / 14 )

     

     

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