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CHRONIQUES DE POURPRE 663 : KR'TNT ! 663 : PHILIPPE GARNIER / SLIM CESSNA'S AUTO CLUB / THE MUDD CLUB / MAGNETIC FIELDS / J.R. BAILEY / PLANET OF ZEUS / SUN OF MAN /THE COALMINER'S GRANDSON

KR’TNT ! 

KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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LIVRAISON 663

A ROCKLIT PRODUCTION

FB : KR’TNT KR’TNT

31 / 10 / 2024

 

   PHILIPPE GARNIER / SLIM CESSNA’S AUTO CLUB

THE MUDD CLUB / MAGNETIC FIELDS

 J.R. BAILEY / PLANET OF ZEUS /

SUN OF MAN / THE COALMINER’S GRANDSON

  

 

Sur ce site : livraisons 318 – 663

Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

http ://krtnt.hautetfort.com/

 

 

 

Wizards & True Stars

 - L’opéra Garnier

 (Part One)

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         Pour les gens d’un certain âge, Philippe Garnier est avec Yves Adrien le dernier survivant de l’âge d’or de la culture rock française. Mais autant Eve Sweet Punk Adrien nous fascinait, autant Garnier qui était installé à Los Angeles nous énervait en nous vantant les mérites de films noirs en noir et blanc qu’on ne pouvait pas voir quand on vivait dans une ville de province. Les ciné-clubs étaient à Paris. Tintin pour le gros culte ! La passion de Garnier pour les films noirs le rendait dramatiquement hermétique. Pire encore, sa passion pour les auteurs de polars le rendait insupportable aux ceusses qui butinaient alors les ouvrages ensorcelés de Barbey d’Aurevilly. Les mecs comme Dashiell Hammett ou Raymond Chandler faisaient pâle figure face à l’Abbé de la Croix-Jugan, à Des Esseintes ou au Baron Charlus. Et quand dans des conversations à vocation ‘intellectuelle’, arrivait la phrase : «Ah tu devrais lire la correspondance de Chandler», ça nous faisait hennir de rire.

         Il n’empêche qu’à sa parution en 2001, on a fait main basse sur Les Coins Coupés. Il faut dire que le book s’est surtout vendu parce qu’on croyait tous qu’il s’agissait d’un Cramps book. Si t’as Bryan Gregory en couve, c’est forcément un Cramps book. Ce qui n’était évidemment pas le cas.

         On a aussi adoré le témoignage de Philippe Garnier dans un numéro anniversaire de Rock&Folk où il expliquait qu’à la différence des collègues rock critics qui vivaient le rock par procuration, lui a préféré aller le vivre sur place, sur la West Coast, et bien sûr, ça fait TOUTE la différence. Tu dis bravo. Et de là tu tires tout l’écheveau : Philippe Garnier amenait dans Rock&Folk une sacrée actualité : il avait rencontré les Cramps, il était devenu leur ami et c’est grâce à lui que Marc Z est allé séjourner chez Lux & Ivy à Glendale. Et comme par hasard, tu retrouves Lux & Ivy à la fin du dernier book de Garnier, Neuf Mois.

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         Merci Jacques de m’avoir signalé la parution de Neuf Mois. L’ai aussitôt commandé et l’ai lu d’un trait dans un train qui m’emmenait vers la Bretagne, où nous devions en petit comité disperser les cendres de l’ami l’enfance auquel sont dédiés les Cent Contes Rock. Soudaine (et ultra-violente) accumulation de pathos. La lecture de ce book pendant le trajet m’avait ratatiné et la dispersion des cendres le lendemain avait achevé d’aplatir les ruines.

         La cérémonie se déroulait sur une petite plage. Pour surmonter l’insurmontable chagrin, le seul moyen fut de penser à Philippe Garnier, non pas pour ce qu’il avait enduré, mais pour la façon dont il avait restitué cette épreuve épouvantable. C’est la question qui se pose aux ceusses qui doivent survivre à une disparition : possible ? Pas possible ? Comment ? Pourquoi ? Dans l’Amour d’Haneke, Jean-Louis Trintignant trouve sa solution. On ne la voit pas, mais on l’imagine. Trintignant, encore, qui, détruit par la mort de sa fille, trouve sa solution en déclamant d’une voix sourde Les Lettres à Lou, assis derrière une minuscule table en bois, dans un petit théâtre de la Madeleine. Philippe Garnier a lui aussi trouvé sa solution : écrire un petit book, 120 pages, format humble, très blanc. Mais quel souffle. Remarquable écrivain. Pas d’effet, une façon de coller à la réalité, comme lorsqu’on marche sur un sentier de montagne qui surplombe le vide, le front glacé, en s’appuyant contre la paroi.

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         Philippe Garnier raconte les neuf derniers mois de la vie de sa femme Liz, atteinte d’un cancer. Elle refuse d’entrer dans le biz des toubibs et préfère gérer son départ elle-même. On leur prête une baraque dans le Nord de la Californie. Fin d’une très belle histoire d’amour. Il fait le portrait d’une femme un peu extraordinaire. Un pur esprit libre. Elle meurt dit-il le 7 décembre 2006, «dans le comté de Sonoma en Californie du Nord.» Il donne tous les détails de leur vie quotidienne pendant ces neuf mois - Nous jouions aux cartes. Au jeu le plus con possible, une sorte de rami appelé gin-rummy - Et malgré le côté tragique de la situation, une sorte d’humour extrêmement fin sous-tend les situations. Plus loin, il te sort ce truc-là : «Elle pouvait vous dire calmement des choses comme ‘je n’ai jamais été si malheureuse que depuis que je t’aime’. Et elle vivait avec quelqu’un capable de lui en sortir de bien pires.» Et l’animal enfonce son clou dans la paume du style en ajoutant à la suite : «Les dernières années, je l’appelais ma douce catastrophiste, mais cela sonnait mieux en anglais, ‘my sweet catastrophist’.» Ils ont ce type de relation qui flirte parfois avec le dadaïsme conjugal, enfin, s’il n’existe pas, ils l’ont inventé tous les deux. La preuve ? - Contrairement à moi, elle aimait lire en public, signer ses livres, rencontrer les lecteurs. Contrairement à moi, elle aimait écrire et le faisait en transe ou dans un état second, comme Simonon, son unique héros littéraire. Ce qui me rendait fou quand j’y prêtais attention.

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         Il évoque aussi leur manque d’ambition à tous les deux - elle comprenait que vivre de peu était le prix à payer pour la liberté au bout du compte, même si nous ne pensions pas en ces termes évidemment - C’est vraiment très bien dit. On a constamment l’impression qu’il ne choisit pas ses mots, qu’ils lui viennent naturellement. Pour détendre un peu l’atmosphère, il raconte ses souvenirs d’ivrogne new-yorkais «qui réussit à épargner la banquette arrière du Yellow Cab», mais pas ses chaussures, ce qui nous conduit droit à Bukowski, qu’ils rencontrent tous les deux et que Liz recadre vite fait lorsqu’il commence à faire le con - Don’t be an asshole - Mais il raconte surtout la passion de Liz pour les rades mal famés, que Garnier qualifie d’«infréquentables» - Les toilettes sans portes, l’unique table de billard en pente, la bière pas terrible - et boum, on revient au rock car il évoque le juke-box du rade : «Je n’ai jamais retrouvé de morceau de Pere Ubu dans un juke («Twenty Seconds Over Tokyo») ni cette chanson de Jimmy Durante que je passais invariablement pour Elizabeth (E7) «I’m A Vulture For Horticulture». J’ai fini par offrir à ma femme le disque qui lui convenait si bien et que Captain Beefheart m’avait fait découvrir en me le jouant sur un parking de restaurant.» Philippe Garnier y va par petite touches, et soudain, il plaque un gros pâté de Beefheart au détour d’une page, comme s’il adressait un pied-de-nez à la mort. Son génie littéraire sent bon le rock.

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         Et puis, pour faire la transition avec Les Coins Coupés, voici venu le moment de la fête : Liz lui demande d’éviter les cérémonies et les discours, après sa disparition. Elle veut qu’il organise une fête et que les gens dansent. Il parvient à l’organiser un an plus tard. Ses invités viennent du monde entier, des gens de cinéma et aussi des musiciens, et parmi eux «Lux et Ivy des Cramps que je n’avais pas revus depuis dix ans.» Il décrit Ivy, et puis Lux : «Lux, dans une étrange tunique noire et une chemise mauve, faisait plus Bela Lugosi que jamais, malgré ses mèches blondes peroxydées, et deux nouvelles dents en or sur le devant (trop de micros avalés sur scène ?). Lux qui devait mourir un an plus tard, jour pour jour.»

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         Nous n’irons pas par quatre chemins : Les Coins Coupés est l’un des ouvrages fondamentaux de la rock culture. Pour mille et une raisons, Garnier fait la différence avec tous les autres pseudo-écrivains rock de langue française. Il faut en garder deux, lui et Yves Adrien, et ranger leurs books dans l’étagère à côté de ceux de Nick Kent, de Luke la main froide, d’Andrew Loog Oldham, de Robert Gordon et de Peter Guralnick. Tous ces gens ont si bien compris le rock qu’ils en ont fait de la littérature. Pourquoi Garnier ? Parce que ses Coins Coupés regorgent de gens extraordinaires, Wolfman Jack, Eve Babitz, Robert Palmer, des gens qui étaient parfaitement inconnus en France et auxquels il s’est intéressé de près, comme Mamie Van Doren ou encore Davie Allen & The Arrows, o-o-oh mah SOUL !, s’exclame-t-il, au détour d’une page. Et puis surtout Terry Melcher qu’il appelle Terry Belcher. On croit qu’il s’agit d’une faute de frappe, mais non, il insiste. Belcher. Il le connaît personnellement, il le fréquente. Pendant que Garnier fréquentait l’un des personnages clés de la scène californienne, nous fréquentions, nous autres lycéens provinciaux, des disquaires véreux qui bien sûr ne connaissaient pas Terry Melcher. La force de Garnier fut de s’intéresser à des personnages intéressants. Il aurait pu approcher les grosses tartes à la crème du genre Eagles ou James Taylor, eh bien non, il préférait interviewer Captain Beefheart ou rendre hommage à Terry Ork - Terry était le genre de type auquel Stretch s’intéressait toujours : les précurseurs qui restaient dans l’ombre et l’arrière-salle - Un Ork qui sort «Little Johnny Jewel» sur Ork et qui laisse tomber Television pour s’intéresser à Richard Hell, et crack, Garnier rend hommage aux Feelies et à leurs trois albums. Il préfère encore citer les projets foirés de Nicholas Ray, notamment City Blues, «avec musique de Richard Hell», «on ne pouvait pas faire mieux comme programme condamné d’avance.» Il préfère aussi consacrer deux pages à Bobby Charles. Il préfère ensuite évoquer le souvenir d’une excursion/interview avec Roky Erickson sur le Mont Tamalpais, évoquer la cape et les amis aliens, et ces photos extraordinaires de «l’ami photographe» dont l’une d’elles va orner la pochette de l’EP Sponge paru en 1977, et qu’on a tous ramassé, parce qu’on savait que Sponge était le label de Garnier. Le voilà d’ailleurs qui pérore : «Les concerts d’Erickson et ses Aliens étaient d’ailleurs ce que Stretch avait vu de mieux durant ces deux ans sur la Baie, à part Toots & The Maytals et Bobby Blue Bland au Fillmore.» Il parle bien sûr de cette abondance qui n’existe qu’en Angleterre et aux États-Unis, alors qu’en France, il a toujours fallu se contenter des miettes. Et des disquaires véreux. 

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         Garnier préfère encore évoquer Pere Ubu à Cleveland, où il se rend avec le compère El qui n’est autre que Lionel, le boss de Mélodies. Est-ce grâce à Garnier ou à Bomp! qu’on a commandé en 1976 le single «Final Solution» à Cleveland ? En tous les cas, Garnier a eu raison de flasher sur Pere Ubu - L’autre pan de la nouvelle musique, des gens qui mettaient sur le même plan et dans un joyeux foutoir sonique et rythmique les Beach Boys, Sun Ra, Roy Orbison, la pataphysique et la sciure de tripot ramenée sous les semelles poétiques de Peter Lautner - Il esquinte encore une fois l’orthographe du nom de Peter Laughner. Volontairement ? Maybe baby. Dommage qu’il n’aille pas plus loin sur Peter Laughner, car personne n’est plus légendaire à Cleveland que lui, ni Myriam Linna, ni Crocus Behemot. Garnier sait que Laughner a quitté Peter Ubu et qu’il «allait mourir de trop d’enthousiasme à vivre». Le fait qu’il le cite dans ses Coins Coupés est en soi un exploit. Qui à part lui a cité Peter Laughner ? Personne.

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         Un Garnier qui retrouve Greg Shaw à Londres. Un Greg Shaw qui lui présente Chrissie - Meet Chrissie. A sweet girl - et bam, l’hommage suprême de Garnier aux Pretenders : «Elle ferait deux ou trois albums que Stretch aimait toujours pour leur précision ravageuse. La fille savait écrire des chansons. La fille savait écrire tout court.» Et ça, qui vaut tout l’Or du Rhin : «Elle avait donné à son groupe le nom que Stretch aurait sûrement donné au sien s’il en avait monté un : The Pretenders.»

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         Et puis t’as une page terrifiante sur le déclin des Who. Garnier ne supporte pas de voir ce que les Who, qui «avaient fabriqué les disques de rock les plus violents et les plus purs», étaient devenus avec The Who By Numbers. Pour lui, c’est une catastrophe. Alors il se remonte le moral avec 20 pages sur Wolfman Jack, un chapitre entier, des pages palpitantes d’admiration. Bizarrement, il oublie de citer l’hommage que rend Todd Rundgren à Wolfman Jack sur Something Anything. Garnier rencontre aussi Marty Thau pour l’interviewer et parler des Dolls, avec lesquels, dit-il, «il a perdu beaucoup d’argent, mais n’a pas perdu son temps.» Garnier se souvient aussi d’avoir vu Dylan à l’Olympia, il évoque «le fameux costume brun-vert ‘dents de chien’» coupé à Toronto qu’il portait sur scène, «toutes ces photos gravées à jamais dans son cortex». Détail dit-il à propos de ce costume, mais c’est aussi ce qui l’intéresse dans le rock. Il avoue avoir rêvé de ce costume et des cheveux bouclés de Bob Dylan, comme on l’a tous fait à l’époque. Dylan et Brian Jones. Il rend aussi un hommage foutraque au Monoman des Lyres - Monoman tout régal, vraiment bien en bouffi alcoolique - Passion qu’il partage avec Gildas. (Hello Gildas !). Oh et puis les disques !

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         Pour lui, le pionnier, c’est Greg Shaw. Les fameuses auction lists de Who Put The Bomp!. Relayées par «quelques disquaires spécialisés et par certains perroquets futés de la presse spécialisée». Et pouf, il cite «le disquaire de la rue des Lombards», où les gens parlent de ce qui se passe au Golden Gate Park alors qu’ils sont à Pigalle. Garnier se moque. Puis il embraye sur les fameux «safaris» avec le compère El. Les entrepôts, et là ça devient palpitant, car Stretch et El «couverts de sueur et de poussière» déterrent tous les trésors du rock qui vaut cher, «des choses mirifiques qu’ils n’avaient jamais vues de leur vie, pas seulement les Syndicate Of Sound, Thirteen Floor Elevators, Savage Resurection, Nazz, Giant Crab sur UNI, Outsiders sur Capitol, Joey Byrd and the Field Hippies, ou les faramineux Kaleidoscopes (Beacon From Mars), ni le tout-venant comme les Remains ou le Sky Saxon Blues Band, mais des choses impensables comme ce disque des Moving Sidewalks, premier groupe juvénile des futurs barbus de ZiZi Top, objet absolument mythique, même au Texas.» Ce genre de paragraphe a dû en faire baver plus d’un. Garnier tape en plein cœur d’une drôle de pathologie des temps modernes : la collectionnite. On amasse tous des milliers de disques et puis, il arrive un moment de panique dans la vie où on se dit : que va-t-on faire de tout ça ? L’image même de l’absurdité.

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         Et Garnier repart de plus belle en citant l’un de ses «albums favoris de tous les temps» : Living For You d’Al Green, et il rend hommage au Hi Sound de Willie Mitchell, et va même jusqu’à citer Howard Grimes et les frères Hodges. Il est sans doute le seul auteur de langue française à l’avoir fait. Il cite dans la foulée l’«I’m Gonna Tear Your Playhouse Down» d’Ann Pebbles, accompagnée elle aussi par l’Hi Rhythm Section, «Peut-être dans l’absolu sa chanson favorite.» Il parle bien sûr de Stretch, son alter ego. Il dessine au fil des pages une fabuleuse géographie : Dylan, Bobby Blue Bland, Al Green, Ann Pebbles. Ailleurs, il cite aussi Eddie Holman, Robert Knight, Denise LaSalle, et «Mister Big Stuff» (Jean Knight), «le génie sans fond» de James Brown, Arthur Alexander et James Carr. Il cite aussi The Last Of Big Maybelle, le From A Whisper To A Scream d’Esther Phillips, l’I Wanna Get Funky d’Albert King et ses deux Percy Mayfield, Blues And The Some et Percy Mayfield Sings Percy Mayfield. Par contre, il n’aime pas l’Oar de Skip Spence, qu’il juge «rigoureusement inécoutable». Son énumération donne le vertige. «Il essayait de faire danser tout ça dans sa chronique. Une rubrique éducative, pour lui tout au moins.» Et c’est pas fini ! Il évoque aussi le Safe As Milk d’origine, sur Buddah, et dit sa haine des magasins de memorabilia qui «puaient la mort». Il cite aussi en référence les trois premiers albums Atlantic d’Aretha - Les seuls qu’il pouvait toujours écouter en toute occasion - Garnier raconte aussi qu’il vendait ses trouvailles à des marchands, et un jour il a vu son Carl Mann au mur d’un marchand affiché à 200 $ - Et c’est bien ça le problème avec le rock : si ça cessait d’être amusant, ça cessait d’être intéressant.

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         Et puis, il y a ces réflexions personnelles sur la Californie, et Los Angeles en particulier - En 1976, pour lui Los Angeles était toujours le Mal - Et bien sûr Terry ‘Belcher’, qui ne jure que par le 45 tours, et pour qui l’album «n’avait apporté que prétention et perversion». Alors que Stretch «avait eu besoin de la caution artistique apportée par l’album : le concept, la séquence, la couverture, les textes de pochette. La sauce autour.» Garnier raconte sa première rencontre avec Belcher qui lui demande : «Je suppose que vous savez qui est ma mère», et Stretch qui lui répond : «Une étrange question, venant d’un homme comme vous.» Un Belcher qui avait tout de même produit Jan & Dean, et qui avait monté un duo avec Bruce Johnston (Bruce & Terry, terrific), un Bruce Johnston légendaire qui irait ensuite rejoindre les Beach Boys, et puis l’épisode Rip Chords, en studio avec Jack Nitzsche, Hal Blaine, Glen Campbell, et un hit, «Hey Little Cobra». Et de là, on passe directement au Wrecking Crew. Alors bien sûr, Stretch aborde l’épisode épineux de la Manson Family que fréquente Belcher, et que Dennis Wilson prend en charge financièrement. Garnier donne tous les détails. Par contre, rien sur le boulot de Belcher avec les Byrds. Et cet incroyable chapitre se termine avec la disparition de Terry Belcher. 

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         Au commencement des Coins Coupés, Garnier évoque le Gold Star et «plusieurs nuits passées affalé dans la cabine de son avec Marc Z et les Groovies». Et puis bien sûr les Cramps, dans un texte daté de 1979, avec un Lux «toujours aussi dépravé sur scène». Sacré hommage. En tout et pour tout, quatre pages sur les Cramps, occasion rêvée pour Garnier de rappeler qu’ils se voyaient beaucoup à cette époque. Et puis voilà son délire sur «le plus grand groupe du monde» : «Le plus grand groupe du monde était X au moment de la sortie de Los Angeles, ou Beefheart et son Magic Band sur la scène d’un cinéma de Wilkes-Barre, en Pennsylvanie. Le plus grand groupe du monde était toujours celui que vous écoutiez, là, à la minute, celui qui vous faisait sauter sur vos pieds.» Quand il sort d’un concert des Cramps, il écrit : «Vous venez de voir le STYLE à l’ouvrage.» Il est à la fois attaché et détaché, il sait admirer sans devenir lourdingue. Il a compris qu’il fallait admirer dans l’instant. «D’où son horreur des listes, des panthéons, et des classements.» Il précise en se disant «férocement attaché à cette notion solipsiste et rase-bitume du rock.» Sa réalité. D’où sa singularité. D’où l’intérêt de le lire. Un intérêt qui ne date pas d’hier.

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         Et puis son hommage à Eve Babitz qui lui apprend «ses premiers mots angelinos». Il rappelle par exemple que petite fille, Stravinsky avait fait sauter Eve sur ses genoux, et qu’elle possédait des photos inédites de Gram Parsons. Il va découvrir plus tard qu’Eve Babitz avait joué en 1964 entièrement nue aux échecs avec Marcel Duchamp. Une Eve Babitz dont on essaya à une époque de lire l’un de ses books, LA Woman, supposément centré sur Jimbo et qui ne l’est pas vraiment.

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         1983/84 marque une rupture : profond dégoût des listes et des disques, «à s’en rendre physiquement malade.» On a tous connu ça. Tout à coup, cette passion pour le rock et les disques de rock devient grotesque. Il associe la rupture avec l’arrivée des Smiths et cette voix «qu’il ne pouvait encaisser». Stretch s’en explique fort bien : «Pas de décréter la mort du rock’n’roll, ni ce genre de niaiseries, juste la fin de son intérêt.» Il ne supportait plus de voir ces labels de rééditions - Quand on y réfléchissait bien, qui voulait vraiment posséder trois albums des Sonics ou des Remains ? Qui pouvait bien désirer toutes les plages jamais gravées par Gino Washington ? - C’est pourtant là qu’il rend hommage à Norton et leurs «rééditions d’enfer», comme il dit. Il égrène aussi ses souvenirs de Londres en 1964, quand il va voir jouer Alexis Korner au Railway Hotel, mais il avoue avoir raté les Who au Marquee ou les Animals au futur 100 Club d’Oxford Street, «à cause de la limite d’âge ou du prix à la porte.» Souvenirs de Liverpool en 1969 dans les «gymnases d’universités sinistres» où il se passionne pour Broughton et les Pink Fairies, comme on l’a tous fait à l’époque, pas vrai ? Puis il accélère brutalement en passant à Ornette Coleman dans un «bouge d’Alphabet City», il ajoute loin qu’il a vu Sun Ra «dans un hall de foire»  à San Francisco en 1971. Il flashe encore sur Brotherhood Of Breath. Avant de reflasher de plus belle sur The Insect Trust, dont Robert Gordon fait si grand cas dans It Came From Memphis. Garnier commence par s’attarder sur la rareté des albums, puis, comme Robert Gordon, il entre dans le vif du sujet, Robert Palmer, «pas le playboy chantant, l’autre», précise-t-il goguenard, sacré cadeau qu’il fait à ses lecteurs. Garnier se rend à Memphis pour enquêter sur Palmer et découvre qu’il jouait aussi «de divers saxophones» derrière Furry Lewis ou Bukkah White. Garnier dit encore l’avoir rencontré, «sans faire le rapprochement», alors qu’il était «critique de rock au New York Time, puis comme gourou du blues chez Fat Possum (faisant enregistrer Junior Kimbrough, R.L. Burnside et les Jelly Roll Kings)». Garnier connaît bien sûr Deep Blues. Et ça, qui te cloue vite fait à la porte de l’église en bois : «Ce touche-à-tout jouait même de la clarinette sur «Midnight Sunrise» dans Dancing In Your Head, le disque qu’Ornette Coleman avait fait avec les Flutes de Jajouka (que Palmer avait fait découvrir à Brian Jones et à William Burroughs lors d’un voyage au Maroc).» Ce portrait de Robert Palmer sonne comme une apothéose de la rock-culture. Et il repart de plus belle pour expliquer que Robert Palmer et son collègue guitariste Bill Barth «avaient eu tôt fait de jeter leurs douze mesures aux orties.» Et les voilà partis à New York pour aller jammer avec Alan Wilson, «la voix de fausset de Canned Heat.» Puis les Insect trust se retrouvent à l’affiche de l’Electric Circus en première partie de Sly & The Family Stone. Garnier ajoute que Palmer a aussi joué dans un «groupe bruitiste» avec Lenny Kaye, avant l’épisode Patti Smith. Et ce démon de conclure : «C’était le genre de cycles qui enchantaient Stretch et qui satisfaisaient son goût pour les correspondances. C’était peut-être ce que le rock avait toujours  été, et resterait pour lui : des correspondances.»

         Il termine en beauté, avec «le futur du putain de rock’n’roll», Ryan Adams. Il tape même sa phrase en CAP. Gros pied de nez ?

Signé : Cazengler, garniais

Philippe Garnier. Les Coins Coupés. Grasset 2001

Philippe Garnier. Neuf Mois. Éditions de l’Olivier 2024

 

 

Cessna n’a de cesse

         En gros, il existe deux genres de concerts : d’abord ceux qu’on peut qualifier de «tout cuits», tu sais pourquoi tu y vas, tiens on va prendre un petit exemple pour illustrer le tout cuit : les Cramps à l’Élysée Montmartre en 2003, ou encore Martha Reeves au New Morning en 2014. Tu entres dans la salle, tu prends ta grosse claque dans le beignet et tu rentres chez toi coucher au panier. L’autre catégorie est celle des «pas cuits du tout». Tu as déjà mangé une patate pas cuite ? C’est pas terrible. Mais quand t’as que ça, tu ne fais pas ta mijaurée. Tu la bouffes quand même. Les concerts «pas cuits du tout», c’est exactement la même chose. Tu observes un groupe sur scène pendant une heure trente, à peu près, comme si tu observais des animaux au zoo, attention, j’ai pas dit des singes. Pourquoi tu observes, au lieu de te barrer ? Bonne question. Pour essayer de comprendre. Et c’est l’observation qui renverse la situation et qui rend le spectacle intéressant. La musique ne te parle pas, mais les musiciens te parlent. Tu les vois passer à l’action. Les gestes, les mimiques, ne parlons pas des accords sur les manches, les pas de danse, les postures, les gouttes de sueur, les dents dans les bouches ouvertes, les veines dans les cous, les boots, les chapeaux, les ceinturons, les plis sur les pantalons, les interactions, finalement te voilà débordé de travail, tu n’as même plus le temps de t’ennuyer. Si la musique ne te parle pas, tu as tout le reste. C’est déjà pas mal.

         Slim Cessna’s Auto Club est un groupe - allez, on va dire pour faire vite - d’Americana, basé à Denver, Colorado, donc des voisins de Jeremiah Johnson. Ils doivent d’ailleurs très bien le connaître. Ils n’ont pas de flèches Crow fichées dans leurs chapeaux, mais c’est tout comme. Avant de passer à la suite, il est essentiel de s’arrêter un moment sur la notion d’Americana, un mot utilisé à tort et à travers. Si tu veux parler d’Americana, commence par écouter les cracks du genre, c’est-à-dire John Fahey, Fred Neil, Bobby Charles, Karen Dalton et surtout le Dylan de John Wesley Harding. Rien qu’avec eux, la messe est dite. Tu peux ajouter une pincée de Tom Rush, de Dillards, de Sadies, de Guilbeau & Parsons, de Gosdin Brothers, de David Eugene Edwards, de Gene Clark et de Mike Nesmith, et même remonter jusqu’au Rose City Band, à Daniel Romano et au Reverend Peyton’s Big Damn Band. Avec tous ces gens-là, tu as la pure Americana. La pas coupée.

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         Et puisqu’on ne va pas pouvoir délirer sur les chansons de l’Auto Club, on va essayer de délirer sur les bons zhommes, car là il y a du grain à moudre. Au fond, t’as un mec qui bat le beurre sous sa casquette, et à côté de lui, t’as le fils de Slim Cessna qui bassmatique à tire-larigogo, ça veut dire qu’il ne fait pas semblant. Devant, t’as la petite gonzesse la plus timide d’Amérique, Rebecca Vera. Comme t’es à ses pieds, tu l’encourages. Et plus tu l’encourages, plus elle se réfugie dans sa coquille. Elle joue de la pedal steel et de l’orgue, elle abat un boulot incroyable, comme on dit chez les bûcherons. Elle est complètement marginalisée sur scène, et s’il n’y avait pas un gros con bourré pour l’ovationner toutes les cinq minutes, personne ne la verrait. En gros, c’est à peu près ça.

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De l’autre côté, t’as un tout petit barbu déplumé nommé Lord Dwight Pentacost qui gratte les poux du diable sur une double manche qui a pour belle particularité d’être ornée d’une madone. Oui, il est important de rappeler que l’Auto Club est très féru de religion, ou, pour atténuer le propos, très féru d’allusions à la religion. Les Jesus and Lawd sont légion dans leurs chansons. Bon, enfin bref, le mec joue un peu comme un dieu et il croise en permanence le fer avec la fille la plus timide d’Amérique, qui, petite précision, a joué sur quelques albums de Sixteen Horsepower. Rien de surprenant à cela, puisqu’on se trouve ici quasiment dans le même environnement.

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         Il en reste deux. Slim Cessna est aussi un barbu, mais un grand barbu fin et élancé. Il ne s’agit pas vraiment d’élégance, car l’Amérique n’a quasiment aucun historique en la matière. À part Francis Scott Fitzgerald et Christopher Walken, on ne trouve aucune trace d’élégance en Amérique, au sens où on l’entend par ici. Le dandysme est anglais. L’Amérique, c’est autre chose.

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On pourrait simplement dire que Slim Cessna a beaucoup de classe, tout de noir sapé, avec une chaîne qui pendouille sur le côté, comme chez les rockab, et puis il porte fièrement ce beau Stetson blanc, disons qu’il est stylish, mais en aucun cas élégant. Le cow-boy est l’absolu contraire de l’élégance, d’un côté t’as Clint Eastwood et de l’autre Oscar Wilde. D’un côté t’as John Wayne et de l’autre Brian Jones. L’un des rares élus qui échappe à la caricature, c’est bien sûr Marlon Brando. Tout ça pour dire que les Américains ont su créer une esthétique du cow-boy qui ne tient pas la route. Elvis et les rockabs en ont inventé une autre. Dylan a su inventer la sienne. Et pour dire les choses franchement, des blackos comme Chucky Chuckah, Sam Cooke, Muddy et Slim Harpo sont les vrais représentants d’une forme d’aristocratie américaine. Certainement pas les blancs.

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         Et puis au milieu de tout ça, t’as Jay Munly, le deuxième chanteur et accessoirement gratteur émérite de banjo. Munly, c’est Dracula au Far-West. À la fois incongru et fascinant. Maigre. Les formes du crâne saillent sous une peau jaune, notamment autour des yeux. Dommage qu’il n’ait pas les bonnes chansons. Il n’y a pas vraiment de bonnes chansons dans l’Auto Club, juste une solide ‘Americana’ de saloon, bien réservée aux Américains, très énergique, et vu que les trois quarts des gens qui sont là dans la salle ne comprennent pas l’anglais, alors on imagine le désastre.

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Car bien sûr, tout repose sur les textes, comme chez Cash, comme chez David Eugene Edwards, comme chez tous ces mecs-là. Ils racontent des histoires. Dans le genre raconteurs d’histoires, les meilleurs sont sans conteste les Drive-By Truckers. Southern Rock Opera est l’un des plus beaux albums de raconteurs d’histoires. C’est du niveau de Dickinson. Et du Dylan de 1966. On venait voir l’Auto Club dans l’espoir de retrouver la veine des Truckers, mais le compte n’y est pas. Bizarrement. Alors qu’il y a tout : les banjos, les chapeaux, la pedal steel et Dracula au Far-West. Le groupe dont l’Auto Club se rapproche le plus serait peut-être les Legendary Shack Shakers, mais sans l’explosivité scénique du fantastique J.D. Wilkes. Quand tu passes une heure trente à attendre LA chanson, c’est long. Et pourtant, le groupe t’intrigue. Alors après tu te renseignes. On te dit que les albums, c’est pas terrible, et que c’est mieux sur scène. Donc tu vas pas au merch. Grosse connerie. Il faut écouter quand même, car le groupe t’intrigue, surtout Dracula au Far-West. Les textes des chansons t’intriguent encore plus. Le gospel blanc, mais aussi la booze. Tu entends parler de cowpunk dans les conversations d’after-set et d’American Gothic, et comme tu gardes un très mauvais souvenir du cowpunk et de l’American Gothic, tu te félicites d’avoir fait des économies en passant devant le merch sans t’arrêter. Et puis, tu sais bien - deep inside your heart - que tu vas y revenir. T’as pas eu les Truckers, t’as pas eu le Southern Gothic, et encore moins Corman McCarthy, tant pis, t’auras autre chose.

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         Et tu finis par tomber sur le pot-aux-roses  : l’Auto Club est bien meilleur sur les albums que sur cette petite scène havraise. Tiens, jette un œil sur cette compile : SCSC 102: An Introduction For Young And Old Europe. C’est tout simplement explosif de bout en bout. Avec «This Is How We Do Things In The Country», ils naviguent au même niveau que les Legendary Shack Shakers. C’est de la country sauvage ardemment sautillée. Tu te lèves et tu danses la gigue. Puissant et mélodique, «Mark Of Vaccination» sonne comme un hit. Ta mâchoire se décroche et pend sur ta poitrine comme une lanterne. Leur «Jesus Christ» est bardé de son et de Jesus died for me ! Fantastique énergie. Tout est plein comme un œuf. «Pine Box» t’explose littéralement sous le nez, boom ! T’as là le trash boom de Denver. T’en veux encore ? Alors voilà «That Fierce Cow is Common Sense In A Country Dress» - It’s not like that/ No it’s not like that - t’as tout le brouet là-dedans : le beurre rockab, l’énergie primitive et la chaleur country. Tout est très large d’esprit, attaqué au banjo, ils se donnent les coudées franches. Tu sais que tu vas ensuite écouter tous leurs albums. Ça vire de plus en plus wild avec «Cranston». Ils avalent les distances, ça chante à deux voix, ça prend des virages à la corde au fast power country punk. Ces mecs sont des démons. «A Smashing Indictment Of Character» sonne comme un hit. «Jesus Is In My Body - My Body Has Let Me Down» sonne assez tibétain, ça chante à l’ohmm, puis à l’éplorée systémique, avec derrière une gratte fantôme. Bienvenue à l’Auto Club !

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         Même topo avec Unentitled. Boom dès «The Unballed Ballad Of The New Folksinger». Ça tourne au get around et à l’énergie brute. Ils passent au Dylanex avec «No Doubt About It». Bel entrain. Big album. Tout ici sent bon la wild inspiration. Coup de génie avec «Do You Know Thee Enemy». C’est fabuleusement drivé au fast excelsior. Ça roule à l’énergie blanche du Colorado. On retrouve le «Smahing Indictment Of Charater» de la compile saluée plus haut. White trash spound de Jeremiah Johnson ! Les cuts tournent tous sur le même principe : storytelling sur fond de badaboom du Colorado. «Hallelujah Anyway» ? Dense. Gorgé. Bardé. Chanté à deux voix avec un Munly assez décadent. Puis ils prient dans «United Brethen» : «Jesus have mercy on our congregation.»

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         The Bloudy Tenent Truth Peace pourrait porter comme sous-titre : The Dynamite Album. On y retrouve l’explosif «This is How We Do Things In The Country», un wild-as-fuck pulsé à la stand-up de Denver et aux banjos du Kentucky, alors ça monte et ça explose en mille morceaux. Les textes sont superbes, Slim te trousse tout ça à la hussarde. Encore une apocalypse avec «32 Mouths Gone Dry»  - And now we ought to rise up - Ils n’en finissent plus de rise up, «Cranston» démarre au quart de tout - Cranston/ City/ Say/ Goodnite - Encore un hit faramineux, «Mark Of Vaccination», qui est aussi sur la compile For Young & Old Europe - Goddam I know/ Lord made me slow/ Goddam I know/ Lord made me slow - véritable apothéose du Colorado. Cessna raconte comment une vaccination se passe mal. Et puis voilà «Jackson’s Hole», Cessna clame «My friend Jackson’s dead !», et s’en explique : «Oh Jackson this time you’ve gone too far/ I shot him in the head.» Ils chantent à deux voix l’excellent «Sour Patch Kids» et «Port Authority Band», et tapent une Beautiful Song avec «Providence New Jerusalem». Et cet album qu’il faut bien qualifier de faramineux s’achève avec un «He Roger Williams» battu à la cavalcade effrénée. Le mec au beurre amène une énergie considérable et forcément le cut explose en plein vol. C’est leur spécialité.

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         Cipher ? Quel album ! T’es vite re-frappé par la fantastique énergie de l’Auto Club. S’il fallait résumer l’Auto Club en deux mots, c’est ça : fantastique énergie. Tout est plein à ras bord, puissant et quand ils chantent à deux voix, ça devient le real deal du Colorado. Stupéfiant : «Children Of The Lord», attaqué au chant tranchant, et ça explose littéralement. On n’avait encore jamais vu ça. Un tel entrain explosif ! Véritable boisseau de chants mêlés et de beat Cessnic. C’est un ramdam à se damner pour l’éternité. Ils font du wild cow-punk avec «Ladies In The Know», ça explose à la moindre étincelle, et ils sont pires que Killing Joke dans «Jesus Is In My Boby My Body Has Let Me Down», qu’on a déjà croisé sur la compile du diable. C’est l’un des cuts mystiques les plus explosifs de tous les temps. Pur genius. Avec «Everyone Is Guilty» # 2», ils tapent le gospel moderne de l’Auto Club. Ils savent monter un gospel en neige avec les clameurs idoines. Ils se dirigent vers la sortie avec une autre vieille connaissance, l’impétueux «That Fierce Cow Is Common Sense In A Cowboy Dress», un fast country punk qui te scie les pattes - That’s a fierce cow/ Oh my God ! - Et ça finit en roue libre de la dementia d’Auto Club - Get a little higher/ Oh my God !     

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         Leur premier album sans titre date de 1995. Slim Cessna est déjà énorme, avant même d’être devenu énorme. Il est déjà intense avant même d’être devenu intensément énorme. Pas un hasard si cet album sort sur le label de Jello Biafra. On y trouve pas mal de gros tatapoum et de belles complaintes éplorées que Cessna allume au yodell - My goodness gracious me - La principale qualité du Cessna est de savoir passer en force. On se régale de «Dear Amella», un balloche du Colorado avec tout le yodell du monde. Il ramène le fast country bound d’all the time dans «That’s Why I’m Unhappy» et dans «What’ll I Do», il a perdu son job, alors il se demande ce qu’il va faire do dee bah dee bah.

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         Tu faisais le gros malin, l’autre soir au Havre, en passant devant le merch sans t’arrêter. Du coup te voilà confronté à la réalité : si tu veux écouter Kinnery Of Lupercalia Buell Legion, tu vas devoir le rapatrier. Tu votes le rapatriement en comité restreint. Et tu renoues ainsi avec le fast power de l’Auto Club. Une fois de plus, tu constates que ces Coloradiens ont une certaine facilité à cavaler. Back to the big Cessna Sound avec «Cesare». Somptueux ! Colorado power ! Vraie démesure. Franchement, tu n’en reviens pas d’écouter des mecs aussi bons. Ils n’en finissent plus de recharger la barcasse. C’est convulsif. Indomptable. L’autre gros cut de l’album s’appelle «Harris». C’est d’un niveau qui te dépasse. Ils roulent à l’énergie rockab. Hallucinant. Le reste de l’album est un conglomérat de fast Americana, ils te soûlent et c’est bon, ça grouille de chœurs d’écho et d’épouvantable tatapoum. Slim Cessna fait son gai luron sur «Ichnabod» et ça explose au napalm du Colorado. Tout explose à la moindre étincelle, avec des notes de banjo dans la fumée. They blow the roof, comme on dit outre-Manche, quand on ne sait plus quoi dire. 

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         Always Say Please And Thank You entre en lice pour le titre de meilleur album de l’Auto Club. Eh oui, celui-là grouille tellement de puces ! Le premier coup de génie s’appelle «Cheyenne» - I’m driving North to Cheyenne - Pas d’Indiens. Il conduit. Slim est un chanteur fantastique - Seek me out/ Seek me out ! - On entend un peu d’incantation indienne et du banjo. Et puis t’as cette fantastique clameur country dans «Viceroy Filter King», tapé à la steel. «Jesus Christ» est une splendeur - That cold black street/ Did Jesus died for me? - Il finit ce gospel blanc de cold black street en yodell du diable. C’est puissant de piété. Slim est un fou, il faut le voir avaler «Goddamn Blue Yodell #7». Youh-ouh ! Il fonce à 100 à l’heure dans l’Americana profonde. C’est plein de jus, complètement explosif. Un son qui te dépasse. Cet album est épouvantablement bon. Slim rebondit bien sur les cold cold eyes de «Cold Cold Eyes». Et puis t’as la fast Americana diabolique de «Last Song About Satan» tapée au banjo. «Pine Box» sonne comme du rockab : même power. Ça se termine avec un «Hold My Head» admirablement bien monté en neige. L’Auto Club bat absolument tous les records d’apothéose.

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         Et puis t’as cet album austère, The Commandments According to Slim Cessna’s Auto Club. Comme tous ses prédécesseurs, The Commandments échappe à toutes les règles, car c’est de la wild Americana. C’est-à-dire qu’ils attaquent des trains et des banques quand ça leur chante. Chaque album de l’Auto Club, c’est un peu la Piste Aux Étoiles, car chaque fois, ils allument tout. Dans le Commandment 2, Slim s’adresse aux kids : «Little kid/ Big kid/ Listen to your father.» L’album est relativement étrange, certains Commandments sont comme suspendus dans les champs. Ils écrivent leur Bible rock. C’est plus dense en lyrics qu’en son. Dans le Commandment 6, Slim brode sur le thème du cheval : pourquoi un cheval ne pourrait pas monter un homme ? Il s’en sort au be my weight. Et soudain, voilà le coup de génie clubbique, le Commandment 7 - There’s a hole in my ceiling, et Jay Munly réplique there’s a hole in my floor - il double au chant, ça devient vite puissant car pulsé au stand-up - I fill the hole in my heart/ With the whole of the truth - Effarant de dynamiques du diable. Ils utilisent leurs voix comme des torpedos qui se chevauchent et qui se propulsent.   

Signé : Cazengler, Slim Cessné de la dernière pluie

Slim Cessna’s Auto Club. CEM. Le Havre (76). 19 juin 2024

Slim Cessna’s Auto Club. Slim Cessna’s Auto Club. Alternative Tentacles 1995   

Slim Cessna’s Auto Club. Always Say Please And Thank You. Alternative Tentacles 2000 

Slim Cessna’s Auto Club. The Bloudy Tenent Truth Peace. Alternative Tentacles 2004

Slim Cessna’s Auto Club. Cipher. Alternative Tentacles 2008 

Slim Cessna’s Auto Club. Unentitled. Alternative Tentacles 2011

Slim Cessna’s Auto Club. SCSC 102: An Introduction For Young And Old Europe. Glitterhouse Records 2012   

Slim Cessna’s Auto Club. The Commandments According to Slim Cessna’s Auto Club. Glitterhouse 2016

Slim Cessna’s Auto Club. Kinnery Of Lupercalia Buell Legion. SCAC Unincorporated 2024 

 

 

L’avenir du rock

- The Muddcap laughs

 

         Il arrive parfois à l’avenir du rock de se retrouver coincé au bar avec l’apologue de la Madness, Mad Jack.

         — Pas la peine de rouler des yeux comme ça, Mad Jack, on sait tous que t’es pas mad.

         — Chuis mad de chez mad !

         — T’écoute quoi comme mad ?

         — Mad Dogs & Englishmènes !

         — C’est pas très mad, man ! T’as pas plus mad ?

         — Mad Tsin !

         — C’est déjà mieux. C’est tout ?

         — The Madcap Loffe !

         — Ah tu remontes un peu dans mon estime, Mad Max. J’espère que tu ne vas pas me sortir Mad River ou Madonna...

         — Tu m’prends pour une madeleine ou quoi ?

         Pour bien marquer le coup, Mad Jack dégage deux jets de vapeur par les oreilles, comme le ferait un cargo entrant au port.

         — Pis t’a aussi «Mad Daddy» des Crrrremps !

         — My Gawd, tu commences vraiment à avoir du goût, Jack Pot !

         Le compliment fait chavirer la cervelle de Mad Jack : ses yeux roulent, gling gling gling et deux dollars s’affichent à la place des rétines. Alors il se croit tout permis et balance le Mad Shadows de Mott et les Mad Mike Monsters sortis chez Norton. La peau de son visage fait des bulles et passe par différentes teintes, depuis le vert jusqu’au violet, en passant par l’orangé. Fatigué de ses simagrées, l’avenir du rock l’interrompt sèchement :

         — T’as pas que le Mad dans la vie. T’as aussi le Mudd.

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         Le Mudd Club ? Oh pas grand-chose, tout juste un petit buzz dans Shinding!. Comme tout le monde, Mad Jack va devoir attraper sa pelle et creuser.

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         Leur premier album, Bottle Blonde, est plus accessible. D’abord paru sur Raving Pop Blast Records, un petit label atrocement mal distribué, il a été réédité par Trash Wax en 2023. Et quand tu écoutes le morceau titre de Bottle Blonde, tu sais que tu peux y aller les yeux fermés. Il se dégage de leur punk-rock de forts accents d’Heartbreakers, avec un fantastique jeté de dévolu. Elle chante à l’inadvertance déjetée. Elle s’appelle Sadie Morningstar. Et le Mudd Club est un fringuant power trio. Elle récidive avec «Killin’ Me» et un air de ne pas y toucher. Elle chante d’une petite voix mal assurée mais avec du punch. Nouveau coup de Trafalgar avec «She Creature». Voilà encore un cut gorgé de son, de grosses guitares, monté sur un beat turgescent. Elle est bonne, la Sadie. En B, on s’arrête sur le «Wombat Twist» tapé au tatapoum d’hypno à Nœud-Nœud et plus loin, elle te claque un «TV Girl» à la claquemure d’Angleterre, avec un solo qui passe entre les mailles.

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         Leur nouvel album s’appelle Give Me A Thrill. Ils tapent en B une fantastique cover du «Wild About You» des Missing Links déjà repris par les Saints. Sadie Morningstar lui rentre bien dans le chou, pas avec la niaque de Chris Bailey, c’est autre chose, elle ramène son caramel délinquant, elle se jette toute entière dans la balance. Quelle bravado ! Attention au «Friday Night On A Monday Morning» : fast Mod rock de scoot crash ! Wild as fucking fuck ! Fin & délié & tatapoum ! T’en vois pas tous les jours des comme ça. Elle fait ensuite sa délinquante sixties avec  le morceau titre. Elle est en plein dans le vrai. L’album est d’une rare intensité incendiaire. Elle fout le feu avec sa riffalama. Et le beurre ! T’en as pour tes sous ! On entend des vieux relents d’Heartbreakers dans «Rock’n’Roll Boy» et en B, elle ramène son sucre avarié dans «New Tattoo», un groove franchement digne de Johnny Kidd. Tout a de l’allure sur cet album, tu n’en reviens pas ! Une triplette de doom-doom-doom embarque «Brand New Shoes» pour Cythère. C’est à la fois puissant et élégant. Quel brillant power trio !

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         Profitons de l’occasion pour aller creuser du côté du label Raving Pop Blast Records. On y trouve de belles pépites, comme par exemple The Beat From 20 000 Garages - The Best Of Rebels Volume 3. Tu peux y aller les yeux fermés. Tout y est : le chant cracra, la fuzz et l’écho du temps d’avant. Premier gros coup de cœur avec The Emergency Stairs et «Just Let Me Be» (heavy gaga rudimentaire, bien popotin et admirable. Ouh !). Les caves s’en mêlent, c’est-à-dire The Basements, avec «Out Of My Mind», c’est plein de fuzz et tellement bienvenu. La compile a tout bon, comme le montre encore Lord Diabolik avec «Ne Juge Pas», Hey Bo Diddley vire protozozo - Ne fais pas ça ! - On saluera aussi les Lancashire Bombers pour leur belle intro de basse dans «I Left Her Crying». Ça joue dans l’urgence, c’est catapulté par le bassmatic du diable ! Fantastique allure encore avec le Groovy Uncle d’Alan Crockford et «Start All Over Again». Cette grande pop visitée par la grâce est digne de celle de Geno. Les Kiss Boombah prennent bien le relais avec «Out Of Our Tree» et Teenage Cavegirl tape dans le mille avec «Get Off The Road» : fuzz et chant juvénile. On se dirige vers la sortie avec The Naives et «No One But You», gratté sur les accords de Gonna Miss Me, avec derrière des chœurs délirants et un chant insistant de petite gouape d’I need no one. Très 13th Floor ! 

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         Your Face Is A Mess - The Best Of Rebels Volume 4 est une compile un peu moins dense que la précédente. On la sauve pour trois raisons : «Snatch It Back» des Leathers (quasi-Gories, désossé, bien sec), «Treat Me Like You Just Don’t Care» des Lonely Hearts (power pop de génie, on se demande même ce que ça fout là !) et (The) Nervous Rex avec «Right Outta My Head», bien wild et insidieux, monté sur les accords de «Kick Out The Jams». Pour le reste, ça navigue entre le gaga classique («Gobbledygook» de The Mounrning After), le surf punk («The Sinister IV» des Charles Napiers), le rockab («Life Is A Gamble» des Earls Of Satan) et le beat sautillant des Beatpack avec «In A Hunbdred Years».

Signé : Cazengler, Mudd Cloche

The Mudd Club. Bottle Blonde. Trash Wax 2023

The Mudd Club. Give Me A Thrill. Not On Label 2022

The Beat From 20 000 Garages - The Best Of Rebels Volume 3. Raving Pop Blast Records 2021

Your Face Is A Mess - The Beat Of Rebels Volume 4. Raving Pop Blast Records 2021

 

 

Magnetic strawberry Fields

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         «Putain, il est gros !» s’exclama-t-il, cet imbécile, en voyant arriver Stephin Merritt sur scène. Merritt crée en effet la surprise, car il arrive sur scène court sur pattes, plus large que haut, coiffé d’une casquette de Dubliner et serré dans un pull jacquard sans manches qui n’arrange rien.

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Il se perche sur un tabouret et gratte paisiblement une sorte de dobro rafistolé. Il parle d’une voix très profonde et lâche des petits commentaires laconiques entre chaque chanson. De fil en aiguille, il finit par captiver son public, enfilant comme des perles des chansons tour à tour mélancoliques et entraînantes, et généralement d’une profonde beauté. On croit que les Fields sont irlandais, mais non, ce sont des gens de Boston. Merritt a le mérite d’être extrêmement bien accompagné.

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Le cador du quintet s’appelle Sam Davol, il joue sur un mini-violoncelle avec une technique effarante de précision. On voit qu’il n’est pas très à l’aise, car le voilà installé au centre et au-devant de la scène. Comme il n’ose pas regarder les gens, il se concentre sur son jeu.

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Derrière lui, un vieux pépère claviote sous une casquette en cuir noir, et de l’autre côté, un mec aux cheveux longs contribue grassement à la richesse du son en grattant ses coups d’acou. Il porte un T-shirt Ian Hunter. Et puis à gauche de la scène, Shirley Simms gratte un ukulele amélioré, puisqu’il comporte neuf cordes. Au début du set, on craint un peu de s’ennuyer. Toujours la même chose : dès qu’on ne voit plus les amplis et la batterie, on redoute le pire. Et là, ils sont assis tous les cinq.

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Mais les Champs Magnétiques vont nous conquérir, cut après cut. Merritt tire pas mal de cuts de l’album qui l’a révélé, le fameux 69 Love Songs, un triple album qui propose comme son nom l’indique 69 chansons d’amour. Il en tire «Come Back From San Francisco», «Papa Was A Rodeo», et «A Chicken With His Head Cut Off» qu’il annonce comme «Dead... Chicken». Il dit tirer son inspiration de la lecture d’articles dans les magazines. Il fait aussi une chanson sur Alice Cooper, «Death Pact (Let’s Make A)», et tire des cuts d’autres albums, comme «Andrew In Drag» de Love At The Bottom Of The Sea. Ian Hunter se tape «The Luckiest Guy On The Lower East Side» a capella et force l’admiration. Merritt chante d’une voix très profonde de stentor d’opéra, donnant à ses chansons ce caractère solennel qui renvoie aux sea shanties, les très anciennes chansons qu’entonnaient les vieux loups de mer au fond des tavernes de la nouvelle Angleterre.

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         Le problème, c’est que Merritt produit énormément. On ne peut pas suivre. En plus du 69 Love Songs, tu as le 50 Song Memoir et un Quickies de 30 cuts.

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         On ne retient rien du Quickies, Merritt et Shirley Simms chantent en alternance, on tombe très vite sur le «The Day The Politicians Died», et Merritt gratte son banjo sur «Castle Down A Dirt Road». Ils s’amusent bien avec «My Stupid Boyfriend». On croit entendre du Jad Fair en plus formel, ils duettent avec allégresse. Ils font leur truc, quoi qu’il advienne. Le «Favorite Bar» sonne très irlandais. Toutes les chansons sonnent comme des petits exercices de style. C’est elle qui a rendez-vous dans «I’ve Got A Date With Jesus», une fantastique rengaine d’arrière-garde et elle shake à la suite un «Come Life Shaker Life» assez pluriel. Pas de hit, bien sûr, juste de l’inspiration. Elle est marrante la Shirley dans «Rock’n’Roll Guy», elle y va au I need a real rock’n’roll man ! Tous ces cuts ne laisseront aucun souvenir. Ils se vivent dans l’instant et laissent globalement une bonne impression. Merritt termine en faisant la prostitute dans «I Wish I Was A Prostitute Again». Il est très pince-sans-rire.

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         Love At The Bottom Of The Sea est un album un peu plus solide. On y retrouve très vite la petite pop d’«Andrew In Drag». Merritt fait des chansons comme on fait des saucisses. Mais il fait parfois des saucisses miraculeuses, comme «Born For Love». Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, Shirley nous chante à la suite «I’d Go Anywhere With Hugh». Fantastique allure ! Dommage qu’il y ait des machines. Ils tapent «The Only Boy In Town» aux cloches de la rédemption. Shirley vole le show. Elle chante d’une façon très particulière, à la langue pincée. Elle est toujours de bonne humeur et vaillante à la tâche. Elle finit par monopoliser les Champs Magnétiques. Par sa voix, elle est reconnaissable entre mille. La pop des Champs passe comme une lettre à la poste. C’est le gros qui boucle avec «All She Cares About Is Mariachi», un très beau shoot d’exotica qui fait autorité.

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         69 Love Songs devrait trôner sur toute étagère digne de ce nom. L’amateur de Dada y retrouve ses petits avec deux œuvres magistrales : «I Think I Need A New Heart» et «Fido Your Leash Is Too Long». Avec son New Heart, Merritt tape un fantastique houla-hop de java de Boston. Le son et  le propos sont du pur Dada. Les Fields sont avec Pere Ubu le grand Dada band des temps modernes. Il faut aussi voir Merritt s’adresser à son chien Fido. La merveille du disk 1 est la fameux «Come Back To San Francisco» que chante Shirley au sucre pincé. Dudley tape à la suite l’extraordinaire «Luckiest Guy On The Lower East Side», ah il faut voir ce mec claquer le chant, les dynamiques sont imparables, il monte tant qu’il peut. Vers la fin du disk 1 se trouve une autre Beautiful Song, «Sweet Lovin’ Man», violonnée à outrance, que chante Shirley, pop d’éclat pur, stupéfiante de qualité orchestrale. Pop-song parfaite. On comprend que 69 Love Songs soit devenu culte. Merritt prend la plupart de ses cuts d’une voix solennelle, «I Don’t Believe In The Sun» est gorgé de beauté intrinsèque, très envoûtant, il fait une fast country de baryton avec «A Chicken With His Head Cut Off» et épate encore la galerie des glaces avec «I Don’t Want To Get Over You». Il est sur chaque cut avec l’aura de Marc-Aurèle, ses cuts sonnent comme des intrications incontestables. Il va même sonner comme Brian Wilson avec «Let’s Pretend We’re Bunny Rabbits». C’est tout de même assez stupéfiant ! Comme le montre «The Book Of Love», il sait aussi tomber dans le gravitas de Leonard Cohen. Il fait du Dada punk avec «Punk Love» et donne à l’ensemble un petit côté Jad Fair.

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         Le disk 2 est un tout petit peu moins dense, mais on se goinfre de «When My Boy Walks Down The Street». Pur genius de Boston rock. Merritt hante tous ses cuts au gras de baryton. À la lumière de tout ce fourbi, on comprend mieux la chance qu’on a de les voir sur scène. Dudley chante «Very Funny,» il monte chercher la note juste. Ce mec chante comme un dieu, avec une énergie particulière. Merritt fait encore le guignol avec «Grand Canyon» - If I was the Grand Canyon/ I’d echo everything you say/ But I’m just me - Shirley ramène son sucre pincé pour «No One Will Ever Love You». On s’attache à elle, car elle tient bien la pression. Fabuleux balancement de la pop ! C’est cet équilibre qui rend les Fields indispensables. Avec «World Love», ils tapent une belle samba de love, music, wine & revolution. On retrouve aussi l’excellent «Papa Was A Rodeo» claqué sur scène, fantastique rengaine aigre-douce et pince sans rire de ‘cause Papa was a rodeo/ mama was a rock’n’roll band. Ils bouclent ce brillant disk 2 avec «I Shatter» qui est du pur Velvet. On croit entendre le violon de John Cale dans «The Black Angel’s Death Song».

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         La fête se poursuit le sur disk 3 avec «Underwear» - Of pretty girl/ In her underwear/ La mort c’est la mort/ Mais l’amour c’est l’amour - Pur Dada ! Shirley tape «I’m Sorry I Love You» en mode Diddley Beat. Quelle ampleur ! Bo Diddley dans un pub irlandais : il fallait y penser ! Les Fields sont capables de prodiges, comme le montre encore l’heavy pop de «The Death Of Ferdinand De Saussure». Excellent d’his last word/ We don’t know anything. Ils restent dans la heavy pop avec «Bitter Tears». Quand c’est heavy aux Champs, c’est heavy. Fantastique allure ! Claudia et Merritt duettent dans l’énormité de «Yeah Oh Yeah». C’est bardé de son, ils bourrent bien la dinde. Merritt crée encore la sensation avec «Meanningless», qu’il charge de yes yes yes. Ce triple album est une ahurissante collection d’exercices de style. On sent qu’ils s’amusent bien avec «Queen Of The Savages» - My girl is the queen of the savages - et ils font même n’importe quoi avec «Two Kinds Of People». Au bout de 50 love songs, on finit par zapper. Le gros reprend de l’élan avec «Born To Say Goodbye» et il s’envole, emporté par cette pop alerte et puissante. Vers la fin, ça dégénère, «The Night You Can’t Remember» sonne comme une folk-song du XVIIIe siècle et on entend du clavecin dans «For We Are The Kind Of The Boudoir». On note toutefois que sur ce disk 3, la qualité baisse dramatiquement. Ainsi va la vie.

Signé : Cazengler, Magnetoc Field

Magnetic Fields. Le 106. Rouen (76). 10 novembre 2023

Magnetic Fields. 69 Love Songs. Domino 1999

Magnetic Fields. Love At The Bottom Of The Sea. Merge Records 2012 

Magnetic Fields. Quickies. Nonesuch 2020

 

 

Inside the goldmine

- Coup de Bailey

         Chaque fois que tu croisais Balai dans un concert ou dans une convention, tu te retrouvais confronté au même problème : tu éprouvais pour lui une réelle sympathie et en même temps tu trouvais le premier prétexte pour écourter la conversation et fuir à l’autre bout de la salle. Car tu savais que Balai allait te tenir la jambe pendant des heures, d’une manière horriblement psychotique. Il pouvait te parler de tout et de rien, de ses petits boulots, de ses disques, de ses comic books, il entrait en surchauffe et sortait son smartphone pour te montrer les pages des comic books qu’il avait photographiées, il en avait des centaines, ça n’en finissait pas, tu n’osais pas lui dire que ça ne t’intéressait pas, de toute façon, il ne t’aurait jamais laissé prononcer une seule parole, son débit oral emportait tout, il te montrait ensuite la liste de ses disques, c’était n’importe quoi, il achetait tout ce que les escrocs locaux lui proposaient, ça te faisait de la peine de voir ça, et le discours fleuve t’emmenait toujours plus loin, jusqu’au bar et là commençait la noria des pintes, il n’attendait pas que la tienne soit finie pour en commander une autre, et blih blih et blah blah, il te soûlait plus que ne le faisaient les pintes, il repartait sur ses petits boulots, émaillant son discours de détails misérables, il plongeait son regard dans le tien pour être sûr que tu suivais bien, et lorsque le mec du bar annonçait qu’il allait fermer, Balai proposait immédiatement d’aller au Bateau, «Ça ferme à quatre heures, viens, on prend ma bagnole», et ça repartait de plus belle dans la bagnole, il conduisait en cherchant des trucs sur son smartphone pour les commenter, avec les pintes qu’il s’était mis dans le cornet, il devenait complètement hystérique, il roulait vite et grillait les feux, «Ah merde, j’le retrouve pas», il fouillait dans une véritable pagaille d’applications, «Ah il faut que j’te montre ça, tu connais ? Oui, tu connais, chuis sûr, ah merde où c’est passé, faut vraiment qu’tu voies ça, c’est...» Bhaaam ! Il vit arriver l’autre bagnole trop tard. Il la percuta de plein fouet alors qu’elle passait au vert. Balai rendit l’âme, son smartphone encastré dans sa bouche sanguinolente.

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         Balai est à l’exact opposé de Bailey. C’est pour ça qu’on a choisi de raconter son histoire. Autant Balai est volubile, autant Bailey ne l’est pas. Choisir un contraire exact permet parfois de mieux définir l’objet de son attention.

         C’est dans les compiles Deep Soul Treasures de David Godin qu’on croise J.R. Bailey, un blackos originaire du Maryland. Il est plus connu pour ses backing vocals derrière Aretha Franklin, Roberta Flack, Donny Hathaway et Jimmy Castor que pour sa maigre carrière solo. Dommage, car ses deux albums valent le rapatriement.

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         J.R. Bailey n’a pas l’air très engageant sur la pochette de Just Me ‘N You. Et pourtant il est doux comme un agneau, puisqu’il chante exactement comme Marvin. Si on ferme les yeux, on se croit sur What’s Goin’ On. C’est exactement la même chose. Il enchaîne «After Hours» et Heaven On Earth» comme Marvin, avec le même groove violoné. Il essaye même de rajouter du suave dans le doux du chant, un petit peu moins gras que celui de Marvin, mais subtil. Encore un straight groove marvinien avec «She Called Me». Il développe une fabuleuse osmose de la comatose d’anthropomorphose. Sacré J.R. ! Il continue de camper dans son suave en B. Il n’en démordra pas. Les gros cuts s’entassent au bout de la B : «Not Too Long Ago» ne redescendra jamais sur terre. Le truc de J.R., c’est l’élévation. Il ne vit que pour l’aérien. Il termine avec l’excellent «Everything I Want I See In You», chanté à plusieurs voix, mais à l’unisson du saucisson. C’est beau, très sculptural, monté en neige d’Ararat.

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         Il est beaucoup plus à son avantage sur la pochette de Love & Conversation. Regard humide et beau, chemise ouverte sur des chaînes en or, et aux mains autant de bijoux que Little Milton et Johnnie Taylor réunis. Globalement, J.R. est un immense artiste, il vise l’apothéose du climax à travers ses frotis. Il flirte un peu avec l’Aquarius dans «A Taste Of Honey», mais son groove reste léger et subtil. Il est à cheval sur plusieurs genres, Hair et la dance, c’est à la fois très curieux et très intéressant. On ne perd jamais son temps avec les artistes noirs. Son slow groove de Coconut Beach («Stella My Starlight») est un enchantement, et il monte au sommet d’un genre très prisé, the Good Time Music, avec «That’s Love». Bravo J.R. ! Quel papillon !

Signé : Cazengler, J.R. Balai.

J.R. Bailey. Just Me ‘N You. MAM 1974 

J.R. Bailey. Love & Conversation. United Artists Records 1977

 

*

         Au premier coup d’œil, typiquement grec, à premièrement écoute irrémédiablement rock. Rejoignons sans tarder la planète du Kronide. Le soleil de Grèce ne saurait décevoir.

AFTERLIFE

PLANET OF ZEUS

(CD / BC / Octobre 2024)

         C’est quoi ce cirque. Autant désigner tout de suite le coupable. Se nomme Morgan Sorensen. Le nom de son instagram dévoile tout en ne montrant rien. See_machine, Voir la machine. L’on s’attend à des mécaniques propédeutiques, de l’ultra-futurisme et plouf l’on retombe sur des illustrations qui semblent des décalcomanies des antiques vases grecs ! Pas du tout des reproductions. Une inspiration. Une relecture. Une recréation. L’art antique retrempé dans la présence du monde. Une véritable machination. Faire du présent avec l’ancien. Redonner voix à l’antique. Faire parler l’art céramical hellène en notre propre langue, à la manière de ces translateurs modernes qui nous traduisent en quelques secondes des centaines de textes anciens, nous inscrire dans une filiation directe, avec cette différence essentielle que les mots sont remplacés par des traits et des formes, les mêmes lignes, les mêmes figures, dont se servaient les artistes grecs originels, un peu comme si depuis la sombre caverne illusoire de notre modernité nous apercevions, les ombres représentativement culturelles et civilisationnelles qui imprégnaient les yeux des contemporains de Platon. Morgan Sorensen s’adresse à notre intelligence aristotélicienne lui fournissant les formes idéelles et les schèmes mentaux nécessaires à la compréhension de notre description du monde.

         Chez Morgan Sorensen, le noir est la transparence de l’assise de nos instincts de mort, le rouge vif coule en  sangsation de cruauté, l’ocre est la terre dans laquelle tous les drames se résolvent.

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          La couverture d’Afterlife est à lire comme la prémonition de ce que nous savons depuis le premier jour de notre ensemencement, que la vie est une série d’exercice physiques à qui l’existence prémonitoire de la mort fournit les résonnances métaphysiques nécessaire à notre survie.

         Planet of Zeus sont athéniens, la moindre des polis-tesses.  Le groupe s’est formé en l’an 2000. L’a déjà antérieurement réalisé six albums. Tous sont à écouter. Belis Papanikolaou : vocals, guitar / Stelios Provis : guitar, vocals / Giannis Vrazos : bass / Serapheim Glannakopoulos : drums.

Preview of non-existence : un bourdonnement indistinct, seraient les abeilles de l’Hymette, plutôt celles mécaniques porteuses de mort  dans Héliopolis le roman d’Ersnt Jünger. Peut-être à mon imitation vous amuserez-vous   à interpréter dans le magma spongieux de cette introduction  comme quelques notes d’un pipeau agreste, celui d’un Dieu, ou de Marsyas. Mis à mort par Apollon. Baptized in his death : goguenard, le mot s’impose, une batterie délurée, des guitares chantantes, un vocal de merle moqueur, de maître chanteur, un rythme de danse de fous, pourquoi le héros regarde-t-il du côté des Dieux, qu’il tourne son regard vers ses semblables, ceux qui se reconnaîtront dans le miroir de sa mort, ce mortel est la caution de notre folie, rien n’est facile, ni de mourir, ni de vivre, le problème c’est que l’on ne peut pas mourir sans avoir vécu. Mais ces deux postulations sont-elles pas toutes les deux, mêmes délires, mêmes souffrances, à moins que ce soit la mort qui soit avant la vie. Pépiements d’oiseaux. Steps on, skin : ultra rock, au lieu d’en profiter pour balancer votre corps, pensez au Break On through des Doors, la même thématique, mais depuis le début, car pour passer de l’autre côté il faut d’abord montrer patte blanche, dire d’où l’on vient, de la rencontre de deux sangs entremêlés dans une même blessure, et te voilà au monde, quel destin as-tu emprunté, que veux-tu au juste de la vie, l’est sûr que le rythme te donne envie de t’éclater, quitte ta peau pour être plus près du monde et passer de l’autre côté. Sont deux au vocal pour insuffler à tout instant l’énergie qui te permet de passer outre. Superbe. No ordinary life : moins de franchise dans ses guitares qui déboulent sans préavis et cette batterie qui cogne tout azimut, pas de panique nous sommes dans un superbe rock presque joué à l’ancienne, le tout est de savoir à qui il s’adresse, si c’est à quelqu’un de particulier, à sa petite amie ou à lui-même, ce n’est pas grave cela ne nous concerne pas, mais la descente vertigineuse du vocal soulève un doute, si sous prétexte d’apostropher  le monde entier il  causait directement à notre petite personne, nous sommes prêts à nous conduire en héros, à trucider deux ou trois monstres de bon matin avant le petit déjeuner, mais le défi est ailleurs, faut être différent sans être exceptionnel. En plus, difficulté sur la chantilly du gâteau, l’on n’a pas le droit de se tromper. Un seul tir pour celle balle extra. Certes ce n’est pas extra, mais on sen moque, on nage en plein bonheur. La preuve on écoute un superbe morceau de rock. Si vous connaissez mieux passez un coup de fil. Notre numéro se trouve sur la liste des abonnés absents.The song you don’t understand : de toutes les manières on n’aurait jamais décroché, cette chanson c’est aussi puissant que le Bleach de Nirvana. Pour les lyrics, du petit lait, un super concentré de menaces, de haine de soi et de haine de l’autre, Ne pas faire comme Jean Cocteau, ne pas s’insinuer dans le miroir, le casser, le briser, l’éparpiller pour avoir le champ libre de se confronter au reflet de l’autre que nous désirons tuer puisqu’il nous ressemble tant. C’est que le rock, c’est par excellence la musique de l’intranquillité souveraine. La seule confrontation possible avec soi-même. Un vecteur d’autodestruction sans lequel nous ne saurions vivre.

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Let’s call it even : quand on est seul on se sent mal, mais quand on est deux c’est encore pire. C’est peut-être pour cela qu’un solo de guitare occupe le tiers de la piste. Intro glissante, sans retenue, des sons pointus qui percent les oreilles, un vocal colérique, une basse atomique, chacun y met du sien dans ce fatras éclaté, surtout ne pas jeter les pièces erronées du puzzle, on va recommencer, l’on n’y arrivera pas, mais l’on aime cela, il faut bien que l’un soit la victime de l’autre sinon l’on s’ennuierait, une séance d’auto-masochisme pour sauver le mythe de l’amour éternel auquel personne ne croit plus. Depuis longtemps. Depuis toujours. Bad milk : le branle de la batterie annonce la méchante limonade, un blues cahotant martelé par un clown menteur, un medecine show moderne, avec des amplis en pleine forme et des vocaux qui sonnent en chœur d’artichauts aussi fêlés que les trompettes du jugement dernier qui se fait attendre.  A force d’être maso, l’on se fait mal. Rien de pire que la dépendance à l’autre car c’est exactement la même que la dépendance à soi-même. Il n’est de pire pétrin que votre propre existence qui s’amuse à vous malaxer. Responsabilité onaniste. Rythme sur une seule jambe. Letter to a new-born : retour au rock’n’roll, le mec s’est awoké this morning loin du bleu sombre, il vous repeint l’existence en rouge vif, à tout berzingue, des bobards comme s’il en pleuvait, le gars se prend pour Zarathoustra , il crie comme un goret que l’on égorge, le Christ qui se décloue de sa croix et qui vous emmène dans une sarabande effrénée, champagne pour tout le monde caviar pour lui seul, pas besoin de le croire pour le suivre, d’abord il n’y croit pas lui-même, ensuite il court comme un dératé, peut-être même comme un raté, ne soyons pas méchant, ne rajoutons même pas un semblant d’ombre au tableau. Le morceau est vraiment trop bon. The vixen : si je m’écoutais j’aurais fait l’impasse sur le morceau précédent pour vous plonger dans les turpitudes de celui-ci. Pour ceux qui comme moi ignoreraient le sens du mot vixsen, pensez à Hendrix, c’est une foxy Lady particulièrement portée sur le sexe, une goulue insatiable, musicalement c’est aussi baveux qu’un cunnilingus effectué par un robot qui refuserait de s’arrêter. Je résume : très physique, très peu métaphysique. Le gars ne se pose plus de problème sartrien, se focalise, sur les fruits du plaisir. Jouissance frénétique à tous les niveaux du gratte-ciel. Sur la fin goûtez dans le lointain au vocal zéplinien III. Echange de sang. A l’amour, à la mort. State of non-exsitence : une guitare qui résonne funèbrement. Une voix de papa qui rassure son bébé, il promet d’être toujours à ses côtés. Lui a décrit les embûches de la vie, ses exaltations aussi, ne t’inquiète pas petit, toi itou tu connaîtras tout cela. Lui fait la promesse (elle n’engage que celui qui y croira) d’être-là, to the other side, lorsqu’ il franchira à son tour la barrière terminale. Du coup la guitare pleure des tourbillons de chaudes larmes, c’est beau mais franchement on n’est pas pressés, on préfère la frénésie des morceaux précédents. Les albums se doivent d’avoir une fin. C’est dommage spécialement pour celui-ci il aurait pu durer indéfiniment. Et même davantage. Imposons-nous une limite : jusqu’à après la vie.

         Afterlife ravira tous les fans de rock. Pas une goutte de doom dans cet animal sauvage.

Damie Chad.

 

*

Un peu estomaqué par ce cheval qui apparaît sur l’écran. Un souvenir d’enfance, deux chevaux colorés de verre achetés par mes parents dans l’atelier d’un souffleur de verre je ne sais plus où. J’ai beau cherché dans mes souvenirs, je ne trouve que des lambeaux d’images d’un spagyriste en train de souffler, par contre les deux chevaux multicolores sont restés durant des années sur le buffet de la salle à manger, je ne sais en quelle occasion l’un fut cassé, l’est resté des années couché auprès de son frère, je ne sais ce qu’ils sont devenus lorsque la maison fut vendue, la plupart des meubles, objets et bibelots, emportés par les brocanteurs…  Ils galopent toujours dans ma tête.

SUN OF MAN

         Qui sont-ce ? Serait-ce un songe ! Rien, aucun renseignement, aucune photo. Juste une page bandcamp.  La moisson est maigre : origine : Australie. En exergue toutefois cette phrase :   “Reclaim the divide, scaffolds of useless gesture“.  Comment la traduire, comment la comprendre ? Voici mon interprétation : Combler la brisure, vanité du geste inutile.  Cela voudrait-il signifier qu’aucune action humaine ne saurait être efficiente ? Qu’il ne sert de rien de trop s’avancer sur la scène du monde. D’où cette énigmatique discrétion de n’en trop point dire… Pas de mots, ce sont des traîtres en puissance. Instrumental donc. 

         Toutefois il existe des indices. Voyants. Le titre de leurs albums : I, II, III, IV, même s’i existe entre le III et le IV un mystérieux WYHH, nous serons à même de vous dévoiler le sens de cet énigmatique tétragramme d’ici quelques paragraphes.

La datation au carbone 14 établie par nos soins s’établit ainsi :

Le I est paru le 11 septembre 2013   

Le II est paru le 11 septembre 2014

Le III est paru le 11 septembre 2017

Le WYHH est paru le 11 septembre 2019

Le IV est paru le 11 septembre 2020

Pourquoi cette date précise ; je n’en ai aucune idée. Twin towers et ground zero ?

Il est indéniable que l’ensemble des couves de ces albums numériques bénéficient d’une charte graphique intangible : pas de photographies du groupe, des éléments avant tout symboliques. Mais le mIeux est de passer à chacune d’entre elles.

I

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         Vous ne voyez peut-être pas le soleil mais l’Homme est symbolisé par sa tête, pensante, l’a l’œil limpide de Schopenhauer, l’est initié aux mystères du monde. Il connaît les symboles secrets. Est-t-il vraiment corrélé à l’espèce  de S, Supérieur  puisque dans la pointe du triangle pyramidal, est-ce pour cela qu’en moi-même je la nomme la coupe est pleine, est-ce celle de la Suffisance du Savoir. L’œil d’Horus lui permet-il de détenir la clef du savoir c’est ainsi que je surnomme le signe sur notre gauche, celui de droite je l’appellerai le signe du têtard, celui de l’intelligence en gestation. Ce qui est encore inaccompli. L’Acompli est en haut au-dessus de notre batracien, l’Ouroboros, le cercle qui se suffit à lui-même, puisque dans ses facettes torsadées il contient le passé, le présent et le futur. Au centre, c’est la même chose, le labyrinthe intérieur, normalement il est dans la tête mais là il a été grossi pour que vous n’oubliez pas qu’il faut longtemps tourner en soi, avant de s’apercevoir que l’on est juste un serpenteau en réduction. Conceptuellement c’est juste une métaphore.

Trois titre, d’exploration géographique, pour connaître l’intérieur il est primordial d’avoir exploré l’extérieur.

Mountain : une présence souveraine, elle ne viendra pas à toi, ce sera à toi de l’arpenter, mais pour le moment elle t’offre sa présence, son allure, elle s’impose dans le lointain, des notes tremblées perdues dans la brume sommitale, un mystère à approcher, te voici accroché à cette pente raide, tu ahanes, ton pas est lourd, une confusion de cymbales recule à chacune de tes avancées, tu es un héros tu trottes, des pics de guitares te bottent le cul, respire, reprends ton souffle, la route s’allonge au fur et à mesure que tu avances, c’est elle qui avance, c’est toi qui recules, la basse se fait douce, comme un chat qui s’en vient se trémousser entre tes jambes, après la dureté du rock, voici l’intermède spongieux et jazzy, le gars à la guitare sait tricoter, il te tient par la barbichette mais tu n’arrives pas à attraper la sienne, tu ne ris pas, tant pis t’auras ta tapette, une chiquenaude au moral qui n’aime pas que l’on se moque de lui, qu’on le remette à sa place, qu’on lui fasse comprendre que jamais tu ne sauras jouer comme lui, le mec il bondit comme un chamois sur les parois verglacées, ça y est tu ne  le vois plus, tant pis pour toi, tu reprends ta cadence d’escargot, tu n’as plus la cote, tu es resté à mi-côte. Space : ils sont sympas, ils te décrivent l’espace qui se serait dévoilé si tu étais arrivé aux neiges éternelles, oui c’est glissant mais tu prends ton vol et tu te perds dans l’éther glacé, le silence de quelques notes, l’aigle étend ses ailes, d’un battement lent et régulier il se hausse sans cesse plus haut, il prend son temps, dans l’illimité le timing ne compte plus, tous les rythmes s’équivalent, n’oublie pas que la lenteur est la vitesse des Dieux, tu traverses des sensations dont tu ne pourras plus jamais te repaître, tu connais la métamorphose de la grandeur, tu prends ton essor dans la démesure, calme-toi, ils te font le coup de l’esclave qui sur le char de l’Imperator luis murmure à l’oreille de ne pas oublier qu’il est un homme, un animalcule sans intérêt, il est inutile de se gonfler d’orgueil comme cette guitare qui maintenant tutoie les constellations lointaines, tu ne peux même pas imaginer la musique des sphères, elle rayonne, elle n’est pas pour toi, un dernier coup d’aile, le combo éclatant pénètre sous  le porche des Olympiens. Ne regrette rien, c’est interdit aux humains. Desert :  normal que tu te retrouves là, d’abord ils sont catalogués comme un groupe  psychedelic, un peu difficile à piger pour ton cerveau sans apport, et de  stoner band, donc le rock du désert ils connaissent, sont là-dedans comme chez eux. La basse ronronne comme un fennec en chasse de serpent, d’ailleurs on les entend siffler avec insistance au loin, prennent leur temps, c’est comme au bord de l’autoroute lorsque tu regardes passer les caravanes, elles viennent de loin, elles grossissent, elles prennent toute la place, elles s’éloignent, elles se prennent pour les éléphants de Leconte de Lisle qui traversent le poème sans même agiter leur trompe pour vous faire signe, attention une cavalcade, ça va chauffer, une razzia de touaregs qui se hâtent vers une oasis, la basse vous accable, la batterie vous fracasse le crâne, la guitare pousse des cris perçants, la joie de tuer, le plaisir de vaincre, la batterie se meut en tambour des sables, malheur si vous l’entendez, c’est fou tout ce monde qui se hâte dans ce coin désertique, si vous cherchiez la paix et la tranquillité, c’est foutu, cette fois c’est au moins Lawrence d’Arabie et ses méharis qui foncent vers Akaba, un véritable plateau de cinéma.

II

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        Je retrouve mon cheval, une boussole pour ne pas me perdre, surmonté des trois signes cabalistiques, on se croirait chez Led Zeppelin IV, F, S, M, initiales des musiciens ? Serait-ce Pégase la monture de Bellérophon avec ses ailes en forme de tronc d’arbre que dans Chansons des Rues et des Bois  Victor Hugo aurait mené non pas au vert mais au bleu…

Out through the In Door : quel titre, dès que l’on cite  Led Zeppe , le Dirigeable montre le bout de son nez ! J’avoue que lorsque j’ai capturé le canasson sur mon écran j’ai cliqué pour écouter, je me suis dit, c’est fou, la liaison parfaite entre les groupes instrumentaux du début des sixties et le son de maintenant. Un clin d’œil que tout le monde ne peut pas se permettre. Z’y vont tout doux, style Il naissait un poulain sous les feuilles de bronze dans l’Anabase de Saint John Perse, n’y a plus qu’à monter en selle et suivre l’aventure, contentez-vous de vous faire tout petit et de siffler un sifflement plus pur. D’admiration. Il est des morceaux qui ne s’écoutent pas. Ils se rêvent. Whispering Jackoff : encore une tambourinade, un peu (beaucoup) la suite, qui est ce Jackoff, il vaudrait mieux pour lui qu’il soit un cheval, ce serait un être supérieur. En attendant de statuer sur son sort, galopons en sa compagnie, les guitares le font pour nous, elles se repassent sans arrêt le poulain qui gambade à qui mieux-mieux, l’insouciance de la jeunesse, la joie d’être soi et de jouer, attention tire-bouchonnage et reprise au grand galop comme la charge de la brigade légère, l’on se régale mais peut-être manque-t-il un peu d’imagination. Dancing with my eyes : s’en sont peut-être aperçus car ils nous offrent des tapis soyeux de cachemire pour nous satisfaire, il danse avec ses yeux mais l’on flotte en apesanteur dans l’espace, tapis volant et échos de sonorités, de sororités orientales, rajoutent des loukoums car ils savent varier les plaisirs, on les déguste un par un avant que ne s’entrechoque la cliquètement cymbalique de la danse des sabres, nous sommes reçus comme des rois, la guitare charme le serpent, un cobra aussi vif qu’une gazelle, le danger croît, tournoiements magiques, la tête vous tourne, la fumée dans les yeux un éléphant vous regarde, jumbo jet affrété rien que pour vous.  Womack ! : encore un cheval, cela a-t-il son importance, que l’on soit ceci ou cela ce qui compte ce sont les sensations, avec cette guit qui trifouille dans votre intestin grêle vous êtes servi, l’est temps de passer au kaos du questionnement philosophique, vous naviguez au plus près des rochers de l’étrave de Sinbab le marin, vous envoyez mille et une couleurs dans vos rétines, ça glisse et ca gaze comme de la gaze, êtes- vous expériencé, en tout cas secoué comme dans un panier à salade, vous devez être en train de franchir une frontière psychoïde. Il est temps de ramener votre cheval, dans son asile.  

III

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Un seul morceau. Si vous lisez le titre après avoir vu la couve, vous avez l’impression qu’il est mal écrit, ils se sont trompés, qu’à l’origine il était en français mais qu’en le transcrivant avec leur prononciation anglaise, au lieu de Ô mes soucis ils ont calligraphié :

Oh  My Sushi ! : une entrée un peu trop empreinte de gravité pour un malheureux sushi, prennent leur temps, le morceau dure douze minutes, une batterie un peu monotone, heureusement que les guitares s’affairent de leurs côtés à de subtiles broderies, doivent enlever les épines du poisson avec une pince à épiler,  certes l’on sent de l’animation autour de la table, l’on espère qu’un samouraï irrité surgisse dans ce maigre festin et fasse voltiger de son sabre acéré quelques têtes, l’on a envie de crier yes ! mais non c’est la lenteur cérémoniale  du théâtre no, ouf l’ambiance se réchauffe, toutefois ce n’est pas encore l’assaut meurtrier, enfin, le batteur tranche une tête, sa baguette n’est pas assez aiguisé car il s’y reprend au moins à quarante fois, et tous les autres viennent l’aider, malheureuse victime, l’est rouée de coups, attention les grands moyens un solo de guitare le découpe en tranches saignante, du sang gicle de tous les côtés, un régal de vampire, arrêt buffet, la caméra s’arrête sur le cadavre, un saxophone sanglote, fin du film, sur le générique l’on entend des bruits minuscules, y a en un qui profite pour grignoter le sushi.

         Vous comprenez maintenant pourquoi sur la couve le gars a l’air tellement contrarié.

WYHH

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         Pour la couve, je vous la mets par acquis de conscience, ils ne se sont pas fatigués. Je ne chronique pas l’unique morceau de cet opus pour la simple et bonne raison que nous le retrouverons sur le IV. Pour ceux qui essaient de percer la signification de ce mystérieux tétragramme qui rappelle un peu trop, friserait-on le blasphème, le nom du Dieu biblique qu’il est interdit de prononcer, sachez qu’il est formé des initiales des quatre mots du titre : Wish You Have Hair. Un léger parfum surréaliste…

IV

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Une couve sans surprise : puisque l’on a déjà deux têtes sans corps et un cheval à deux pattes pourquoi n’aurait-on pas droit à un bonhomme sans tête à trois bras et à trois jambes. Si cela vous paraît étrange, tirez le fil, c’est sûrement celui de l’énigme, à moins qu’il ne lui serve de longe pour sa monture. L’est percé par un éclair. Celui de la pochette précédente. La manifestation de la colère de Dieu !

Sur le bandcamp vous avez un renvoi sur YT, l’on n’y va pas on est assez grand pour y aller tout seul. Erreur ! Prenez le lien, vous tombez sur l’incroyable, une vidéo in extenso de la jam qui a fourni la bande-son du IV !

Attention nous ne sommes pas  au fond d’un garage pourri mais dans une véritable salle de spectacle, au Mo’ Desert Club House de la ville de Gold Coast, située dans la région australienne du Queensland  sur la côte Pacifique de cette île continent, un public nombreux et des projections sur  écran. Vous comprenez maintenant sur Bandcamp l’inscription Sombiv audio visual experience. Sur un fond rouge s’inscrivent les trois signes cabalistiques, que l’on retrouve projeté sur l’écran derrière eux, deux guitare, une basse en front men, un clavier sur le côté le batteur tout au fond.

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Heavy burn : c’est un tout, images sur les murs, arbres, formes géométriques, maisons, rais de projecteurs et le son bien sûr, ce premier morceau, non pas une blessure suintante, plutôt une montée éthérée vers le soleil, une tiédeur vivifiante qui vous ressource, le genre de caresse chaleureuse qu’a dû ressentir sur sa peau  Icare au début de son ascension… sur la batterie l’on retrouve d’ailleurs le signe de l’astre solaire. Attention les images défilent vite, il faut regarder à plusieurs reprises pour qu’elles s’impriment sur votre rétine rétive. Toodindakarman : changement de climax, déferlances de roulements, ici l’on est plutôt dans les entrailles du labyrinthe, votre karma rock ne s’appelle-t-il pas vacarme, ça tourne de partout et ça résonne de tous les côtés, c’est bien filmé, l’on voit les doigts s’agiter  sur les instrus et les pieds sur les pédales, gardez toutefois en mémoire que le minotaure du son n’a jamais tort, traits de feu rouges sur les murs, une cloche obsédante qui ulule sous les voûtes, compressions angoissantes, vous approchez du but, peut-être êtes-vous seulement la cible, assauts successifs du monstre sonore, mes chiens quittent le bureau, ils calment le jeu, gouttelletes de rosée musicale dans le public les filles sourient. Nous aussi. Mais elles ne nous voient pas. Ils Sharklooth : embrayent doucement sur le requin roll, nous voici en eaux profonde, le requin n’est pas drôle, il rôde, il est invisible, des ondes dangereuses nous assaillent, il tourne autour de nous, il décrit des cercles, il ne nous frôle même pas, juste le silence d’une note cristalline, il attaque en meute, ses dents nous happent, il nous emmène tout au fond sur des bancs de sable sanglant,  et d’algues cannibales, plus d’air dans nos poumons, répit, nous avons échappé, il joue au chat patelin, nous sommes la souris pantelante, des vagues nous bercent, sommes-nous en train de sombrer dans la mer intérieure de nos représentations, silence, non nous ne sommes pas  morts, nous n’avons pas franchi la barrière salvatrice des récifs de la Camarde, nous revoici face au monstre, le combo ouvre une gueule géante menaçante, il ne la referme pas, il fait durer le plaisir, charivari émotionnel dans nos synapses, notes funèbres, est-ce la morsure ou la mort sûre, le clavier nous laisse le temps de réfléchir, le ressac des guitares hurle dans nos oreilles, nous recevons des messages d’un autre monde, moteur, sirènes, peut-être harpies.

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Wish You Have Hair : la batterie remet la sauce, elle pompe comme un shadok, le temps de reprendre nos esprits, de folâtrer dans les vertes prairies de l’insouciance, c’est doux, les chiens se réapproprient leurs paniers, c’est le moment des variations, l’on prend un thème, on fait monter la mayonnaise, l’on essaie de hisser le blanc de l’œuf sur les neiges du Kilimandjaro, et ils réussissent plutôt mieux, sont des prestidigitateurs, ramènent le tout au point mort, la montagne s’affaisse sur elle-même, le sommet ne culmine plus il s’encalmine dans les sargasses des sonorités, juste la basse qui résonne comme le matou qui fait le gros dos, c’est reparti pour l’angoisse, la panthère noire, fouille la savane, les yeux aigus comme des flèches, elle ondule, elle se faufile, elle jaillit comme une flèche, dans le rond de la cible que vous êtes redevenu, touché, coulé, mortibus, rasibus, ils vous ont eu. Trois cuivres sont venus pour souligner de leur fanfare tonitruante votre défaite.

         Ils ne donnent pas leurs noms, ils se contentent de dire : Sun Of Man Is A Band. On le savait déjà. On n’est pas prêts à  l’oublier.

Damie Chad.

 

*

         Je suis un menteur. Je ne tiens pas mes promesses. En fin d’une chro souvent je termine en disant : nous y reviendrons bientôt. Mais je laisse filer le temps, longtemps, longtemps, longtemps… il se perd dans un passé préhistorique… je ne reviens jamais. Incroyable mais vrai, cette fois-ci je vais me mentir à moi-même. La semaine dernière, livraison 662, j’ai écrit à la fin de la chro sur The Coalminer’s Grandson que j’en reparlerai un de ces jours. Eh bien dès cette livraison 663, je m’exécute !

         J’étais Chro-Magno, me voici Chro-Mignon.

THE COALMINER’S GRANDSON

SHAMING SHAME

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Nous commençons par les deux morceaux qui ont suivi de quelques jours les trois que nous avions chroniqués la semaine précédente. Le cowboy seul contre tous. Sur l’image vous concevez assez vite qu’il se mesure à des paltoquets. Des ‘’garçons coiffeurs’’ disaient Jean Giono dans Les Grands Chemins. Un livre qui a exercé une influence certaines sur les routards des early french seventies. Le ton d’Akis Kosmidis vous rassure. Même pas en colère. Règle ses comptes, ses balles traçantes sont mortelles, ce sont celles de la moquerie, de l’humour et de l’ironie. L’est droit dans ses bottes. L’a toute sa vie derrière lui pour témoigner de son chemin. Face à lui, il n’y a qu’un troupeau tremblant et honteux, qui se conduit lui-même aux abattoirs du reniement. Un violon qui rigole, un vocal qui sourit, ils ne méritent pas mieux. Même pas pire. L’on dit que les cowboys d’aujourd’hui mâchent du chewing gum. Lui il ne mâche pas ses mots.

ARE YOU DUMB ?

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         Tiens une vidéo dans la lignée de la précédente. D’ailleurs les deux couves se ressemblent, le cowboy solitaire, seul contre les autres, certes ils arborent un look davantage  contemporain, mais l’idée reste la même. Vous avez totalement raison mais surtout tort sur toute la ligne. D’abord il y a une trompette, pas celle du Septième de cavalerie qui survient à la dernière minute pour vous tirer d’affaires. Non une trompette mexicaine, celle que vous entendez par exemple dans La Horde Sauvage, donc vous intuitez : la mort est proche. Elle est partout. Dans le monde entier. Près de vous. Ensuite la voix : lourde, menaçante, elle frappe, elle uppercute, elle cogne, elle martèle elle accuse. Ne se contente pas de généralités qui confinent à la banalité. Elle énonce, elle semonce, elle s’en prend à chacun, évoque des situations types, vous croyez bien faire, vous pensez détenir une certaine vérité, même si ce n’est qu’une parcelle, vous vous sentez du côté du Bien et du Droit, vous avez construit autour de votre existence une zone de survie protectrice, vous vivez de faux-semblants, son personnage à lui n’est peut-être pas mieux que les autres, vous vous sentez supérieur, votre âme d’artiste, votre richesse, votre prudence, rien ne vous sauvera. Un réquisitoire, fort, violent, subtil, de toute beauté. Ce n’est plus une chanson, c’est un baston. Que vous irez chercher pour vous faire battre.

         Soyons juste : c’est bien de critiquer, mais que propose-t-il à la place : donne la réponse en deux lignes : non il ne cite pas la démocratie, il nomme la solidarité. Nous préférons, c’est déjà plus proche de la notion d’entraide de Bakounine, le camarade vitamine.

HAZELNUT

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         Les lecteurs distraits ne s’en seront pas aperçus mais notre petit-fils de mineur de charbon n’éprouve pas la foi du charbonnier pour l’espèce humaine. Pour ne pas vous miner l’esprit avec de sombres ruminations je vous laisse en compagnie d’une autre espèce. Elle n’est pas végétale même si Hazelnut signifie Noisette. Un petit chien blanc. Un morceau du même type que le Whisperwind de la semaine dernière. Un simple animal. Si le cheval nous a été décrit comme un éducateur en liberté, Hazelnut est un compagnon, un lointain cousin d’Old Shep le premier morceau qu’Elvis Presley chanta en public à dix ans. Rassurez-vous, Hazelnut n’est pas abattu par celui qui ne revendique pas le titre de propriétaire à la fin de la chanson. Il sautille follement aux côtés de son maître du soir ou matin, dans les bons moments comme dans les plus durs. Un bel hommage à la manière d’entrevoir la vie qui anime les bêtes. Pas de mignardise, des mots justes.

Damie Chad.

 

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