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  • CHRONIQUES DE POURPRE 684 : KR'TNT ! 684 : UNDERTONES / LAMBRINI GIRLS / TEX PERKINS / LOVELY EGGS / JOHNNY SAYLES / ORGO / CHAT PILE / MARLEY HALE / SECRET AGENT

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 684

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    03 / 04 / 2025

     

     

    UNDERTONES / LAMBRINI GIRLS

    TEX PERKINS / LOVLY EGGS

    JOHNNY SAYLES / ORGO / CHAT PILE

    MARLEY HALE / SECRET AGENT

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 684

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    Wizards & True Stars

    - Les Undertones en font des tonnes

    (Part Three)

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             Pour ceux qui écoutaient le John Peel Show en 1978 sur les ondes moyennes, le nom des Undertones reste la référence absolue. T’avais cette voix de délinquant sexuel qui attaquait à coup d’Are teenage dreams so hard/ To beat, et c’était dans la poche : «Teenage Kicks» allait rester l’un de tes singles favoris. Avec Laurent (hello Laurent), on est allés voir les Undertones kicker la Maro en 2013, et ce soir-là, ils claquèrent deux fois leur «Teenage Kick», comme le fit historiquement Peely en 1978, alors qu’il venait de recevoir le single. On était tous deux sortis sonnés de la Maro, on titubait dans la rue Boyer. C’est à peine exagéré.

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             Les Undertones occupent une place à part dans la petite mythologie du British punk : ils ne sont ni les Damned, ni Stiff Little Fingers, ni les Buzzcocks, ni les Pistols. Les autres, on n’en parle même pas. Les Undertones sont restés les kids qu’on voit sur les premières photos de presse, des kids incroyablement talentueux et modestes, avec des sourires dents de lapins, des fossettes, et des doc Martens. Tu les observes sur la photo du rang d’oignon, Michael Bradley n’a pas changé, même s’il a pris un petit coup de vieux. Derrière, Billy Doherty rigole lui aussi de bon cœur. Bon, Feargal est parti, mais c’est pas grave. Ensuite tu vois Damian O’Neill, avec son incroyable sourire de kid rock. Et derrière lui, au fond, son grand frère John O’Neill se marre un peu, mais pas trop. Aujourd’hui, il gratte sa gratte au fond de la scène. Même s’il est tout déplumé, il reste le génie des Undertones. C’est lui qui a pondu tous les hits. Cot cot ! John O’Neill ! Et tous les punks anglais ont rêvé de composer des cuts aussi balèzes que ceux de John O’Neill, mais à part Brian James, Jake Burns, Pete Shelley et John Lydon, aucun d’eux n’est jamais arrivé à la cheville de John O’Neill. Les Undertones proposaient un détonnant mélange de fraîcheur et de power, mélange qu’on retrouve d’ailleurs dans «New Rose» et dans Spiral Scratch. Avec la goutte de sexe d’I wanna hold her wanna hold her tight, ce mélange constitue l’essence même du rock.

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             En plus de leur désarmante facilité à pondre des hits, ils n’offraient aucune prise à la frime. Ils sont les rois du Zéro frime. Tu ne les aurais jamais vu frimer à la une du NME en costards à la mode et cols relevés, comme le firent les Clash. Quelle horreur quand on y repense ! Les Undertones sont restés d’éternels Irish ados et c’est exactement ça que tu vois sur scène 47 ans plus tard. Ils sont certainement les seuls à pouvoir réussir un tel exploit. Et proposer un set de 90 minutes complètement explosif. C’est le seul mot qui te vient à l’esprit pendant le set : explosif ! Pas un seul déchet, à peine un morceau lent, et tout le reste déboule à vive allure, la moyenne d’un cut restant en dessous des 3 minutes. Wham bam !  

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             Coup de pot : ils jouent deux fois dans les parages. Le premier soir au Trabendo et le lendemain au Havre. Alors tu fais en sorte que. Pas question de rater un tel festin. Quand t’arrives un peu à l’avance pour ce genre de concert, tu tombes fatalement sur les vrais fans, ceux qui viennent de loin et tu ne vois plus le temps passer, car tu parles la même langue. Et ça devient magique quand arrivent les Undertones qui viennent de terminer leur soundcheck et qui sortent faire un tour dans le quartier. Papotages. Et photos. Pas de problème.

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             Si par chance, tu t’installes aux pieds de Damian O’Neill, tu verras jouer l’un des meilleurs guitar slingers de notre époque. Il gratte une Gibson les Paul Standard Double Cutaway, pas la plus courante, et n’a que deux petites pédales d’effets au pied, autant dire rien, mais il gratte les poux du diable. Oh bien sûr, ça ne veut rien dire, les poux du diable, disons qu’il claque des gimmicks d’une simplicité enfantine et repasse d’un tour de main en power chords, tu n’y vois que du feu, et franchement, l’efficacité de son jeu te bluffe. C’est un style extrêmement dépouillé qui te renvoie à la fameuse technique de dessin de Cocteau qui préconisait d’en enlever plutôt que d’en rajouter. Damian O’Neill en enlève et claque du killer flash en permanence. D’où l’insolence de ce power. D’où le son des Undertones. Et jamais de grimaces de frimeur. Il n’a l’air de produire aucun effort. On appelle ça la classe naturelle. Son seul défaut serait peut-être de voler le show. Eh oui, tu n’as d’yeux que pour lui. Il incarne le punk-rock anglais comme l’a incarné Brian James.

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    Derrière lui, Billy Doherty bat le beurre en mâchouillant son chewing-gum, et de l’autre côté, Michael Bradley gratte sa Ricken bien pépère, pas de problème, et là-bas au fond, ce vieux génie déplumé de John O’Neill continue de riffer sa Gibson SG comme s’il avait douze ans. Et au milieu de tout ça, t’as Paul McLoone qui chausse les godasses de Feargal Sharkey. Pas évident. Il s’en sort plutôt bien, il multiplie les postures circonstancielles, il aime bien faire le David Jo, par exemple, et l’un dans l’autre, il remplit bien sa mission qui est de donner vie au vieux ramdam juvénile des Undertones. Pas toujours facile de trouver un chanteur qui fasse le poids.

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             Ils démarrent en trombe avec «Jimmy Jimmy», te voilà tanqué, ils te calent «Teenage Kicks» au beau milieu du set, tout le monde chante en chœur, et pour regagner la sortie, ils vont enchaîner l’impeccable «Hypnotized», «I Know A Girl», «Listening In» et soudain, Damian O’Neill déclare : «This one is for David Johansen !», il siffle, gueule «c’mon boys !». Et tu prends «Get Over You» en pleine poire, eh oui, c’est monté sur les accords des Dolls. Damian O’Neill joue exactement comme Johnny Thunders ! Ils ont une trentaine de cuts en tout, et reviennent pour un rappel apocalyptique, «Here Comes The Summer», «Jump Boys», alors tout le monde Jump, surtout au Trabendo, puis c’est «Really Really» et pour finir le so perfect «Perfect Cousin», I’ve got a cousin called Kevin !

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             Les deux concerts sont très différents. Au Trabendo, ça valsait de partout, alors qu’au Havre, c’est resté un peu pépère. Les Undertones semblaient se nourrir de l’énergie du public parisien. Tu sentais les vibes dans l’air. Tout sonnait incroyablement juste. Perfect Concert.

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             This one is for Thierry & Anne.

     

    Signé : Cazengler, Undertorve

    Undertones. Trabendo. Paris XIXe. 14 mars 2025

    Undertones. Le Tetris. Le Havre (76). 15 mars 2025

     

     

    L’avenir du rock

     - Les Lambrini ne lambinent pas

     

             — Dis donc, avenir du rock, paraît qu’t’es allé voir l’concert des Lambrini ?

             — Ah bah ouais !

             — T’as pas l’air très lambruni...

             — Ah bah si !

             — T’as bien lambretté alors...

             — À fond !

             — C’est drôle, j’te voyais pas comme ça...

             — Comme quoi ?

             — Ben, lambritable...

             — Ben si, comme tout l’monde. Et toi, t’es pas lambritable ?

             — Ça dépend avec qui. Et pis ça dépend aussi d’l’angle eschatologique, ça dépend d’comment tu mates le mur d’l’éternité...

             — Tu m’fais marrer, tu noies la poissecaille dans l’eau. La lambritabilité, c’est un automatisme pschychique de la pensée, tu piges ? C’est pas toi qui décides, c’est la lambritabilité qui décide pour ta pomme.

             — Ton baratin veut rien dire, avenir du toc ! T’es vraiment qu’un escroc !

             — Vazy répète...

             — T’es qu’un putain d’escroc !

             — Vas te faire lambritter chez les Grecs !

             — T’es complètement lambruti, avenir d’mes deux !

             — Et fier de l’être. Tiens, j’lève mon verre à la santé des lambris !

     

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             Encore l’autre jour dans la queue pour un concert à la Maro, t’entendais des mecs dire du mal des Lambrini Girls, mais vraiment du mal, des choses du genre «elles savent pas jouer», «elles passent leur temps à jacter», «leur dernier album c’est de la...», «jamais vu des connasses pareilles», tout ça mélangé avec «Les Russes seront bientôt Porte de la Chapelle», et toutes les autres conneries que les gens qui se prennent pour des experts amplifient en les colportant, alors ça devient assourdissant, tu te retrouves au beau milieu d’une caisse de résonance et tu ne sais plus s’il faut désespérer ou éprouver du chagrin pour ces pauvres gens qui ne se rendent plus compte de rien. Les cervelles seraient-elles donc à ce point inféodées ?

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             Et bien sûr, les Lambrini Girls n’ont rien à voir avec ce que les cons racontent. Il faudrait même remercier les Girls d’exister. Elles te consolent. Elles te remontent en même temps les bretelles et le moral. Elles te ramènent à la maison. Elles te sauvent la muse. Elles t’arsouillent et te dédouanent. Elles t’intéressent et elles t’avertissent, du coup t’en vaux deux et t’es bien content, elles t’excitent et te réveillent, elles t’affranchissent et te remettent tout à plat, elles t’épatent à la sauce tomate, elles t’embarquent pour Cythère, elles te redressent la barre, elles t’éclatent au Sénégal, elles t’intronisent et t’atomisent, elles t’oblitèrent à terre et t’accaparent de marché, elles t’inspirent le pire et t’aspires le meilleur, elles t’importent dans leur monde et t’exportent aussi sec, elles t’éduquent aux grands ducs et t’impliquent à pic, il faudrait même inventer des mots pour les situer, tellement elles échappent à tous nos pauvres petits clichés à la mormoille. Lambrini Girls ? C’est du trash-out so far out, du wash out, du smash out, du girl-punk in the face, elles réveilleraient les morts de la tranchée - Debout les morts ! - elles tapent dans l’essence même du rock, le viscéral exacerbé, le vital extraverti, le vivace excédentaire, la virulence excuriatrice, elles font jaillir la vie à jets continus, comme peu de groupes savent le faire, elles font du rock en rut, c’est un trio du printemps, un groupe de sève qui monte et qui monte, en orgasme continu, t’en reviens pas de les voir gicler.

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             La petite blonde qui gratte ses poux et qui harangue les foules s’appelle Phoebe Lunny. Elle sort tout droit d’un roman de Dickens, avec sa petite bouille d’arsouille et son énergie de délinquante juvénile, elle passe son temps à ruer et à brailler ses rafales de textes, elle court pour occuper le grand espace de la scène. C’est Kurt Cobain au féminin. 

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    Elle fait comme Moïse avec la Mer Rouge, elle demande à la foule de s’ouvrir, alors elle saute de la scène, blomp, enfourche la barrière et s’en va traverser la salle pour créer de l’événement. Et elle en crée fabuleusement. Quand elle remonte sur scène, poussée au cul par les mecs de la sécurité, un roadie lui repasse la bandoulière et elle repart de plus belle au wash out de big time. Sa copine Lilly gratte une basse fuzz, et derrière t’as un batteur fou déguisé en fille, Jack Looker. Encore un lien avec Nirvana. Kurt adorait s’habiller en femme. Jack porte du rouge à lèvres et des collants troués. Trash out, baby ! La powerhouse des Lambrini, c’est Jack the lad ! Fantastique batteur anglais, de type Paul Cook ou mieux encore : l’Eddie des Vibrators.

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             Elles démarrent leur set avec l’explosif «Big Dick Energy» que tu retrouves sur leur premier album, Who Let The Dogs Out. Pur trash punk de Stay the fuck away from me ! Looker push the push, elles montent leur trash en neige, c’est un sommet du genre. Phoebe Artful Dodger se marre avec cette histoire de grosse bite, elle ricane à coups de Cos it’s not that big ! T’as l’impression que la messe et dite, mais ça va continuer de débouler avec un autre temps fort de l’album, «Bad Apple», une espèce de summum de l’harangue, elle cultive l’art antique de la dégelée verbale, il pleut du rut comme vache qui pisse, elles font encore plus de ramdam qu’un groupe américain à deux guitares, elles concentrent tellement de power que t’en oublies la faiblesse des compos, tout tient par l’énergie viscérale, et ça vire au prodige.

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    Tu les vois claquer des rafales dans «No Homo» et la basse fuzz repend le dessus dans «Filthy Rich Nepo Baby», alors ça buzze dans le bush. Phoebe Artful Dodger applique toujours la même recette : elle appelle à l’émeute sur le couplet et le monde s’écroule à la suite. Elle n’a même plus besoin de gratter ses poux, la dynamique lui échappe et c’est la salle qui fait le reste. Elles bouclent leur set avec une espèce de rap-punk, «Cuntology 101» dont il n’y a rien à dire, hormis le fait qu’elle fait l’apologie du cunt.

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             L’énergie est intacte sur Who Let The Dogs Out. Tu retrouves toute cette arrogance géniale, tout le festival de Jack the lad, la belle basse fuzz de Nepo Baby, l’explosif wash-out de «Big Dick Energy», tu retrouves aussi les rafales de «No Homo» et quelques cuts qu’elles ne tapent pas sur scène, par exemple le terrific «Nothing Tastes As Good As It Feels», grosse énergie punkoïde, elles restent dans la ligne du party, c’est même wild as super-fuck ! Et t’as ce «You’re Not From Round Here» emmené ventre à terre. Viva the Lambrini  Girls  !

    Signé : Cazengler, Labruti Girl

    Lambrini Girls. Le 106. Rouen (76). 21 mars 2025

    Lambrini Girls. Who Let The Dogs Out. City Slang 2025

     

     

    Wizards & True Stars

     - Explication de Tex

    (Part One)

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             Certains rock books sont des classiques. Comme on les cite à chaque fois, on ne va pas recommencer. Et puis t’en as d’autres qui sont des bêtes, comme Tex by Tex Perkins. A Beast of a book, un vrai book de Gévaudan ! T’as pas le temps de t’enfuir, il est déjà sur toi.

             Il y a deux préalables à cette lecture : un, avoir écouté les Beasts of Bourbon, et deux, les apprécier pour ce qu’ils sont, l’un des groupes les plus génialement bestiaux de l’histoire du rock.

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             Tex Perkins écrit comme il chante, avec la rage de l’emporte-pièce. Il écrit le rock comme il le chante, avec un dévolu magistral. Comme les Saints, il est originaire de Brisbane, mais curieusement, il ne parle pas d’eux.

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             Si tu veux tout savoir sur les Beasts, c’est là. Kim Salmon avait lui aussi creusé la question dans son autobio, mais Tex va beaucoup plus loin. On entendrait presque le son de sa voix, le son de sa rage, le son de son rock. Tex est l’une des plus brillantes incarnations du rock. Et ce n’est pas un hasard si les Beasts furent au temps de leur gloire «a lazy, insolent, cocksure, sneering, lascivious, threatening bunch of men» (dixit Rowland S. Howard). Pour bien situer les choses, Tex parle des Beasts comme d’un «ugly rock’n’roll band» face à «an angry mob». D’où la pochette de Low Life : Tex est au sol, sanguinolent. Il s’est fait canarder sur scène par l’angry mob.

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             Il a des roots impeccables : son grand frère Brisbanais écoute les Modern Lovers, Iggy, le Velvet, les Sex Pistols, «all that difficult stuff, but also loved Jerry Lee Lewis, Gene Vincent, and a very little known rockabilly cat called Ronnie Self.» Bonne école, Tex ! En 1980, il découvre les Ramones sur scène. Puis il flashe sur The Idiot d’Iggy - I didn’t own this copy of The Idiot. The Idiot owned ME - Comme Chris Bailey, il rappelle que Brisbane battait tous les records de répression et que les skins locaux lui couraient après dans la rue pour lui casser la gueule.    

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             Puis il découvre les Scientists - It was a bit like the first time I heard The Cramps. It was OF COURSE - Il met des cap - THAT’S HOW IT’S DONE - Et il fulmine : «They looked like the perfect rock band. Wild hairdos, weird clothes and a gang mentality.» On ne peut plus l’arrêter, le Tex - The Scientists had The Stooges’ heavy riffing, the swamp sound of The Cramps and Creedence Clearwater Revival - Puis il va faire la connaissance d’un Kim qui s’intéresse aux autres et qui est curieux. Tex passe les autres en revue : «Boris Sudjovic était le mec affable du groupe. Brett Rixon se planquait derrière une frange de cheveux et ne parlait que lorsque c’était absolument nécessaire. Tony Thewlis avait une fuzz box et la coupe de cheveux de Johnny Thunders, donc il n’avait rien de plus à ajouter. J’ai appris à connaître et à aimer Boris. He was a big guy with big hair and he wore shirts louder than the bands he was in.» Tex pèse ses mots. Pour lui, les Scientists étaient the best band in the country.

             Les Scientists sont allés à Londres et sont revenus au bercail, après leur désintégration. Tex devait lui aussi s’installer à Londres pour chanter avec Kid Congo, mais il a été renvoyé au bercail par les douaniers anglais.

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             Tex monte les Beasts avec Boris et Spencer P. Jones, l’ex-Johnnys dont il faut célébrer l’album Highlights Of A Dangerous Life - They played New York Dolls-style rock’n’roll that had cowboys song titles - Car oui, car wow, quel album ! Highlights Of A Dangerous Life démarre en mode Dolls avec une cover de «(There’s Gonna Be A) Showdown» et Spencer P. Jones claque le Dollsy beat. Il sait aussi claquer le Crampsy beat, comme le montrent «Move It» (tu crois entendre Nick Knox), «Deadmen From Boot Hill» (fabuleuse ferveur, limite rockab) et «Slip Slap Fishing», merveilleux clin d’œil aux Cramps. «Injue Joe» se veut savant et entraînant, et le country rock de «Green Back Dollar» en B est comme visité par la grâce. Spencer est un crack. Sur «Way Of The West», le batteur Billy Pommer Jr vole le show. Et le crampsy drive de «Montain Man» ramène les Johnnys à bon port.

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             Tex repère un article sur le Gun Club dans un magazine - La photo qui illustrait l’article nous les montrait partageant une bouteille de whisky and the headline was ‘Beasts Of Bourbon’. I looked at it and said ‘there’s a band name’ - Tex ajoute que des gens ont cru qu’il s’agissait d’un détournement du «Beast Of Burden» des Stones - That’s bullshit. At that stage I hadn’t even heard the song - Ils montent un répertoire vite fait bien fait avec des covers des Cramps, du Gun Club, des Stones, des Stooges, de Creedence et des Dolls. Comme ça au moins, les choses sont claires. Le premier batteur des Beasts n’est autre que James Baker, un big brother qui a 11 ans de plus que Tex. Et puis il y a Kim Salmon.

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             Le premier Beasts date de 1984 et porte le joli nom de The Axeman’s Jazz. Tex indique que le titre de l’album sort d’un book, The Myths And Legends Of New Orleans. The Axeman’s Jazz est l’histoire d’un serial killer qui opérait à coups de hache pendant la Première Guerre Mondiale et qui en dehors des coups de hache vouait une passion pour le jazz. The Axeman écrivit paraît-il une lettre au journal local pour indiquer qu’il n’entrerait jamais chez des gens qui écoutent du jazz. Musicalement, les Beasts ne cachent pas leurs influences : Cramps avec «Lonesome Bones» et «Love & Death», Creedence avec «Grave Yard Train» et puis bien sûr la Stonesy d’«Evil Ruby». On se croirait sur Exile, le Tex se prend pour le Jag, avec du gut en plus. Mais à l’époque on ne voyait pas bien l’intérêt de la Stonesy australienne. Avec «Lonesome Bones», ils ne se cassent pas la nénette, ils reproduisent exactement le son des Cramps. «Grave Yard Train» est une cover, ils tirent le cut de Bayou Country, sans doute le meilleur album de Fog. Swamp pur, amour de jeunesse de Kim. Et «Drop Out» sonne comme un coup de génie, arrosé d’un joli bouquet de killer kill kill bien aussie. Le «Save Me A Place» qui ouvre le bal de la B est du pur Scientists Sound. Encore une histoire de cimetière. Tex rapporte qu’en studio, Spencer P. Jones était tellement défoncé qu’il joua «Lonesome Bones» couché au sol, sur le dos et qu’il tomba dans les pommes à la fin du cut - I didn’t know it then but it would never be this simple and pure again - Pour lui, The Axeman’s Jazz est the purest of the Beasts’ albums. C’est son préféré - It’s also for me a document of one of the best days of my life. Il y a une petite photo des Beasts à la fin du chapitre Axeman : c’est dingue ce que Tex ressemble à Lux !

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             C’est avec Sour Mash que Tex s’impose en tant qu’énorme chanteur. Il attaque avec cette reprise de Captain Beefheart, «Hard Work Drivin’ Man», il tape ça à l’heavy guttural de cromagnon. Il reste dans cromagnon pour «Hard For You», il ramène toute l’humanité primitive de la caverne humide. Le reste de la viande est en B, avec «Pig», Tex y devient le roi des cromagnons fondamentaux. Il est à ranger sur l’étagère du haut avec Wolf et Captain Beefheart. Pire encore : «Driver Man», monté sur l’heavy drive de basse de Boris le Scientific. Cut énorme, gluant, préhistorique ! Le Tex refait encore du cromagnon avec «This Ol’ Shit». Ah comme il est raw, l’animal !

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             Leur meilleur album pourrait bien être Black Milk. Parce que «Bad Revisited» (le Tex évoque une place called bad, t’a les couinements du Kim, croahhh croahhh, pur Scientific thème). Parce que «You Let Me Down» (oh les chœurs de lads, le bassmatic fantôme, la dérive congénitale et le Tex !). Parce que le morceau titre, qui sonne exactement comme le «Walking On Guilded Splinters» de Dr. John. Parce qu’«I’m So Happy I Could Cry» qui sonne comme «Pale Blue Eyes» avec en guise de cerise sur le gâtö une envolée belle apocalyptique du killer kill kill Kim. Parce que «Let’s Get Funky», fantastique coup de chapeau à Hound Dog Taylor ! Parce que «Blanc Garçon», coup de Cajun d’I am bonnet blanc garçon/ With nothing to do. Et parce qu’«Execution Day» qui sonne comme un classique d’on my execution day, avec sa bassline alerte et fantasque. Pour toutes ces raisons, Black Milk est un album culte.

             En juin 1991, les Beasts tournent aux États-Unis. Tex : «We were horrible. That was our stock and trade. We dealt in horrible.» C’est la formation avec Tony Pola et Brian Hopper qui ont remplacé James Baker et Boris. Tous les Beasts sauf Kim sont incontrôlables - Tony was outrageous - L’hero est entrée dans la danse - He would do anything to score - Pire encore, Brian Hooper - Brian was wiry and good looking and dressed like Ray Liotta in Goodfellas. Brian était l’un de ces mecs  qui ne se contentent pas d’un peu, he couldn’t be just a little stoned. Like Tony, Brian would think it a good idea to get hammered on smack JUST BEFORE WE WENT ON STAGE. Tony pouvait jouer, mais Ol’ Brian on the other hand would be close to passing out on stage and playing like shit - Kim parle très bien de tout ça dans Kim Salmon & The Formula For Grunge. S’il quitte les Beasts, c’est à cause des excès. 

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             Très beau spécimen d’album que The Low Road. Ce sont les Beasts avec Tony Pola et Brian Hopper, c’est-à-dire les Surrealists. Dès «Chase The Dragon», on voit qu’ils ont un sens aigu du son. Ils lâchent une fantastique dégelée de riffs gras et le Tex fait bien son cromagnon. Les grattes de Kim et de Spencer P. Jones se chevauchent comme des dragons en rut. Sur «Just Right», Kim sonne comme Jimi Hendrix. Wow le Kim power is all over ! Ça sert de base au groove du Tex. Et Kim n’en finit plus de titiller l’Hendrixité des choses. Nouveau coup de génie avec «Straight Hard And Long», le Tex y claque ses onomatopées et ça bascule dans la Stoogerie. Les plongées sont spectaculaires, t’as le Kim dans toute sa splendeur. Et ça culmine avec «Something To Learn To». Leur profondeur de champ est invraisemblable, leur son est d’une ardeur épouvantable, ils sont certainement les seuls au monde à proposer un tel melting-pot, c’est épais, fouillé par Kim et arraché au gut par le Tex à coup de you’re my love and you’re my dealer. Tu sors de là ahuri.

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             From The Belly To The Beasts porte bien son nom : ce double album est un monstre. Le Blue Disc est du live ‘91 & ‘92. Ils tapent «Love & Death» à l’heavy blues de bulldozer, avec la Méricourt du Kim au fond du son. Puis ils tapent une cover du «LSD» des Pertties pour en faire un «ESP», suivi du «Dead Flowers» des Stones, et le Tex enfonce le Jag au well I’m sitting here. Il bouffe le Jag tout cru. Puis il bouffe Lemmy et Johnny Burnette tout crus avec sa cover de «Train Kept A Rollin’». Le Tex fonce dans le tas du train. C’est la plus raw de toutes les covers du Train. Il fait passer les Yardbirds et Johnny Burnette pour des enfants de chœur ! Encore pire : cover incendiaire du «So Agitated» des Electric Eels, avec un solo liquide du Kim. Et tout explose avec «Dirty Water» et son attaque mortelle de la mortadelle. Le Tex enfonce Dick Dodd et t’assistes à un fantastique développement de love that dirty water ! Et ça continue sur le Red Disc avec l’heavy trash de «Chase The Dragon». Ils s’enfoncent dans la désaille monumentale avec «Driver Man» et la basse s’en va jazzer dans le chaos. Et t’as le Kim qui plonge encore dans les enfers avec «Save Me A Place», puis les Beasts battent tous les records d’heavyness avec «Black Milk». Et c’est pas fini ! Le Kim fout encore le feu à la plaine dans «Drop Out», il abat un boulot extraordinaire, on n’entendrait plus que lui si on n’y prenait garde. On reste dans le meilleur sonic trash de tous les temps avec «Straight Hard & Long». Il n’existe rien de plus extrémiste que cette purée australienne. Gros clin d’œil à Hound Dog Taylor avec un cover extravagante de «Let’s Get Funky». C’est du Hound Dog extrémiste, dans une version longue et complètement hypno, ponctuée d’ah ah du diable, c’est-à-dire le Tex. «Execution Day» sonne comme un hit intercontinental, magnifié par le guitarring du Kim qui part en vrille excédentaire. Fin de la fête avec l’ahurissant bulldozer de «Good Times». Good times ha ha ha ! Tu sors de là encore plus ahuri qu’avant.

             Tex : «From about 1984 to 1999 every band I was in had junkies in it.» Et il ajoute : «Dans le groupe, au début des années 90, juste après que Charlie Owen ait remplacé Kim Salmon, there was heroin everywhere.» Tex évoque aussi les annulations de tournées à cause des overdoses - The junkie line-up of the Beasts came later. That’s when it became a truly scary, dark and ugly rock’n’roll band. And despite everything, for the most part, we were playing good.

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             Encore un album qu’il faut bien qualifier de monster : Gone. Pas de Kim là-dedans. Spencer P. Jones et Charlie Owen se débrouillent très bien tout seuls. Dès «Saturated», Tex te sature. Il chante à la glotte saturated. Il est le grand screamer de l’impossible. Les Beasts sont sans le moindre doute le groupe le plus extrême de l’histoire du rock. Ils attaquent «Fake» au pilon des forges. Ahurissant ! Personne ne peut résister à ça ! - Don’t know myself/ I’m a fake ! - Puis ils plongent dans la Stoogerie avec «Makem Cry». Ce sont les accords des Stooges et du MC5. Peu de groupes peuvent atteindre ce sommet du trash. Ils sont sous la fournaise exactement. Plus loin tu croises une autre fournaise : «I S’pose», Ils sont bien meilleurs sans Kim. Ils lâchent des vents uniques de sonic trash. C’est ultra-electric ! Ça joue à la cisaille divine. Encore plus cisaillé des tibias, voilà «What A Way To Live», back to the Beefheart groove, le plus dangereux de tous. Tex a ce pouvoir. Il est en plein dedans. Les Beasts re-déboulent avec «Is That Love». C’est du gros panache barbare. Quelle violence ! C’est l’équivalent sonique d’une attaque de barbares au Moyen-Âge, avec les cris de Tex qui couvrent ceux des brebis qu’on anéantit. Tu ne te lasses plus des Beasts et de leur paquet d’inventivité de sonic trash. Ils sont épouvantables de grandeur tutélaire, avec des guitares qui taillent dans le vif, wow le solo d’«Is That Love», t’as rien au-dessus en termes de brutalité, et c’est qui fait leur génie. Et ce beat énorme de pilon renvoie à celui de Pussy Galore, mais Tex est mille et mille fois plus puissant que Jon Spencer. Pas de commune mesure. Il a le pouvoir des dieux de l’Antiquité.     

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             Low Life est un Live qui te permet de réviser tes leçons. On y retrouve des cuts de Gone, comme «Saturated» ou «Make ‘Em Cry», tapé à l’ancienne mode du high energy, avec un killer solo d’incendie urbain. Tout ici est monté dans l’absolue démesure de la pyromanie. On retrouve aussi «Fake» - I’m a fake ! - Il n’en démord pas. Le son et la voix : c’est ça, les Beasts, le power immédiat et le Tex qui défonce tout de suite la rondelle des annales. Et voilà l’imparable «Chase The Dragon» drivé au riff de non-retour. C’est chanté à outrance, c’mon ! Get on the foam/ Chase the dragon ! Ils font quasiment du Nathaniel Mayer avec «Just Right», te voilà encore un pleine Stoogerie. S’ensuit l’un des hits de l’Internationale Beasterie, «Straight Hard & Long». Over and over again/ I start to explode, et ça bascule dans un blast débilité qui déboîte aussi sec dans le virage, et t’as le Tex qui écrase son chant extrémiste. Ah il faut avoir écouté ça au moins une fois dans sa vie. Et ça repart de plus belle avec «Ride On». Tex est le pire de tous, il faut le voir allumer, et Spencer P Jones se convulse avec du killer digne de Kim. Il fout le feu au bush avec son killah kill kill, il joue au plus près de l’enfer sur la terre, il est même encore plus incisif que Wayne Kramer, et pour finir t’as le Tex qui remercie le publie en gueulant : «Hey thank you ! Thank you !». Avec «Drop Out», les Beasts ont plus de son que n’en ont jamais eu les Stones. Tex bouffe le monde tout cru. C’est le pire des carnivores, il ne te laisse aucune chance. Ils terminent ce Live effarant avec leur cover de «Let’s Get Funky» - I feel like/ I feel like/ Gettin’ funky - C’est l’apocalypse. Awite ! Tex est un démon, en voilà la preuve, ha-ha-ha-ha, ça bat sec et ça brûle partout.

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             Little Animals est encore une bête des Beasts. Pour trois raisons : «Don’t Care About Nothing Anymore», «I’m Gone» et «Too Much Too Late». C’est du sans Kim, mais Pola, Hopper et Spencer P. Jones rockent encore le boat derrière le Tex. «Don’t Care About Nothing Anymore» est bien drivé sous le boisseau australien avec un solo caverneux. Dans «I’m Gone», le Tex fout bien le feu au bush. C’est même fabuleux de véracité crématoire. Ils t’amènent un son que les autres groupes n’ont pas, avec des solos en forme de serpents. Chaque solo est tordu, au sens psychiatrique du terme. Encore du gros biz des Beasts dans «Too Much Too Late». Ils ont le génie du son destroy oh boy, là t’as un vrai son de guitare, le mec qui gratte derrière le Tex est un real killer killah, il dérape bien dans les virages et claque un vrai solo de fin du monde. Là t’es obligé de prendre les Beasts au sérieux. Ils semblent même encore meilleurs depuis le départ de Kim. Jamais t’auras autant de son que sur cet album. Les poux sont fabuleux d’incartade et de too muchy much. Ils repartent à la bonne bourre avec «The Beast I Came To Be». Ils ont le beat de la main lourde. Ils sont à maturité. Leur crédo c’est d’activer des bombes l’une après l’autre. Voilà encore un cut explosé de clameurs. Ils tapent leur «Sleepwalker» à l’heavy blues primitif. Il n’existe rien de plus funambulique que ça. Le Tex referme la marche avec «Tanks», thanks for the water, thanks for the wine, il va chercher son meilleur baryton, thanks for the heroin and the cocaine too. Il remercie aussi pour l’acid et l’ecstasy. Thanks !

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             En 2019, Kim Salmon remonte les Beasts (sans les Bourbon) pour attaquer le XXIe siècle. Il récupère Boris Sujdovic et Tony Pola pour remplacer les morts, c’est-à-dire Spencer P. Jones et Brian Hooper. Par miracle, Tex vit encore. L’album démarre en puissance avec «On My Back». Ils récupèrent tout le souffle des vieux Beasts. Kim les met en coupe réglée, come inside, il screame comme un démon de l’antiquité. Malheureusement, tout l’album n’est pas du niveau de ce brillant starter. Tex reprend le lead sur «Pearls Before Swine». Les Bêtes traitent ensuite «My Shift’s Fucked Up» à l’heavily heavy pachydermique et bien vulgaire. Quand ça va mal, ça va mal. L’album se réveille en B avec «Drunk On A Train» heavily sonné des cloches, avec tous les oooh-oooh de Stonesy qu’on peut bien imaginer. On retrouve un peu plus loin un shoot de Stonesy dans un «What The Hell Was I Thinking» monté sur les accords de «Dead Roses» - You used to be a prostitute/ You can send me dead flowers for my wedding - Et pour le reste, on repassera.

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             Dans Tex, Tex évoque aussi son retour à Londres pour rejoindre Kid Congo et Patricia Morrison. Il n’est pas tendre avec ce projet foireux : «It was terrible.» Il enfonce son clou : «I thought, Wow this is... kinda boring.» Il s’explique : «Les groupes comme The Birthday Party étaient réellement excitants en 1981 et 1982, mais en 1985, that whole Nick Cave thing was really stale and pompous to a lot of us. And that whole goth thing with lots of makeup? Sisters Of Mercy and those bands? It was just horrible.» Et il embraye sur le Kid : «The band Kid and Patricia were putting together was heading towards being a bit London and a bit goth and a bit shit. I didn’t dig it at all so I stuck it out for a few months and then skulked back to Australia.» Bien évidemment, si le Kid flashe sur Tex, c’est à cause de sa ressemblance avec Lux. Une petite image en apporte la preuve formelle.

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             Tex évoque d’autres personnages légendaires : The Legendary Stardust Cowboy, qu’il accompagne en tournée australienne, et P.J. Proby, un Proby qui monte sur scène complètement défoncé - to a level of drunkenness that was a kind of madness.

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             Puis il entre dans une zone de calme, entre 1991 et 1995, avec The Cruel Sea. Il parle de magie. Il se plaint de la qualité des reviews dans la presse : elles étaient tellement élogieuses, «it got ridiculous. It got to the point I didn’t believe them.» Il rappelle un point essentiel : «Having all come from the underground we were suspicious of success.» Il n’a qu’une seule explication pour ce succès : «We were the right band at the right time. We arrived in the post-Nirvana shake-up, smack in the middle of a whole bunch of changes in music, and we worked because we were playing good, true, honest music that people reacted to on a grassroots level.» C’est Tony Cohen qui les produit - He would mix louder and louder and with more and more reverb - everything was at full volume - The Honeymoon Is Over album is tweaked and fiddled to within an inch of its life and probably worth every twist of the knob. On y revient dans un Part Two. The Cruel Sea tourne en première partie des Stones en 1995 - It was the Voodoo Lounge tour of Australia - Pour Tex, les Stones «are THE greatest band of all time and have given me more joy, more pleasure, more inspiration than anyone else - mais en 1995, comme d’ailleurs beaucoup de fans des Stones, il en avait marre : «A was a bit blasé about the whole thing.»

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             Tex consacre un petit chapitre à Iggy, histoire de dire tout le bien qu’il pense de lui. Tex adore les trois albums des Stooges, «all three are absolutely vital.» Et il ajoute ça qui en dit long sur les mensurations de son fandom : «The Stones have more great songs but Iggy is where I live. Deep down, everything I do has a little Iggy in it.» C’est fabuleusement bien dit. Tex rappelle aussi qu’à la grande époque, Iggy faisait la moitié du show avec le pantalon en bas des jambes, et ça limitait ses mouvements, «when he wanted to move, big dick and saggy arse swinging.»

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             Tex évoque un autre projet qu’il aime bien, Tex Don & Charlie. Charlie jouait dans les New Christs et Tex l’admirait - I watched this guy play incredibly soulful rock’n’roll guitar - Et hop, ça se termine en studio avec Tony Cohen, Shane Walsh on stand-up et Jim White des Dirty Three au beurre. Il indique en outre que Sad But True est l’un de ses albums favoris. Il leur faudra 12 ans pour en refaire un autre.

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             Il fait aussi allusion à You I Am, et il s’acoquine avec Tim Rogers dans T’N’T (Tim & Tex) pour enregistrer My Better Half. Tex n’en finit plus d’accumuler les projets. La fin du book pullule de projets. Tu te demandes si tu vas réellement écouter tout ça. Il monte encore The Ape avec des petits jeunes. Il a des cuts en réserve - Je ne pouvais pas les proposer aux Beasts Of Bourbon, it wasn’t dark enough for the Beasts but it was too heavy for The Cruel Sea - Allez hop ! The Ape ! - In some ways, The Ape record is the most ‘me’ album that I’ve ever made - Il en profite pour rappeler que «the Beasts’ music is dark and ugly», mais que «The Ape’s music is heavy but it has a grin rather than a scrowl.» Il ne peut pas être plus précis : «It’s got the sense of fun that can be found in the Cruel Sea and then there’s bits of Beasts heaviness about it but it’s not as nihilistic.»  Et plus loin, il enfonce son clou : «A 10-song rock’n’roll album with a grin.» Sacré Tex, il nous en aura fait voir de toutes les couleurs.       

    Signé : Cazengler, Tex toy

    The Johnny. Highlights Of A Dangerous Life. Mushroom 1986

    Beasts Of Bourbon. The Axeman’s Jazz. Big Time 1984

    Beasts Of Bourbon. Sour Mash. Red Eye Records 1988

    Beasts Of Bourbon. Black Milk. Red Eye Records 1990

    Beasts Of Bourbon. The Low Road. Red Eye Records 1991

    Beasts Of Bourbon. From The Belly To The Beasts. Red Eye Records 1993

    Beasts Of Bourbon. Gone. Red Eye Records 1996          

    Beasts Of Bourbon. Low Life. Red Eye Records 2005         

    Beasts Of Bourbon. Little Animals. Albert Productions 2007 

    Beasts  Still Here. Bang! Records 2019

    Tex Perkins. Tex. Pan Macmillian 2017

     

     

    L’avenir du rock

    - Egg toi et le ciel t’aidera

    (Part Two)

     

             L’avenir du rock savait qu’il faisait une grosse connerie en acceptant l’invitation de Jeremiah Johnson.

             — Viens prendre l’apéro, avenir du rock, je te présenterai des copains Crows.

             — Je croyais que les Crows voulaient te faire la peau...

             — C’est la trêve des confiseurs.

             Il neigeait abondamment sur les montagnes du Colorado. Jeremiah Johnson avait installé son bivouac sous un grand sapin, à l’orée d’un petit bois. Il jeta quelques bûches dans le feu et sortit une bouteille de Ricard de la sacoche de son cheval pour la faire dégeler au-dessus du feu.

             — Y vont pas tarder, les oiseaux se sont tus... Tiens, en voilà un là-bas.

             En signe d’amitié, le Crow décocha une flèche qui alla se ficher dans l’épaule de Jeremiah Johnson. Ploc ! L’avenir du rock allait se lever pour se barrer, mais Jeremiah le rassura :

             — T’inquiète pas, avenir du rock, j’ai l’habitude, avec ces mecs-là.

             Il arracha la flèche de son épaule, plic !, et la brisa sur son genou, en signe de paix. Le Crow approcha, fit «Ugh» en levant la main et prit place autour du feu. Jeremiah lui servit un double Ricard sec.

             — Attention, Jeremiah, il y a un message attaché à la flèche

             — Oui je sais. Il s’appelle Fesse Bouc. Il vient d’ouvrir une messagerie pour les visages pâles.

             — Quoi ?

             — Il envoie des messages en tirant des flèches. Cherche pas à comprendre. C’est les Crows.

             Un autre Crow tira une flèche, ploc !, dans la cuisse de Jeremiah qui l’arracha, plic ! Le Crow prit place autour du feu. Jeremiah le présenta :

             — Çui-là, y s’appelle Egg Poché.

             — Pffffff. C’est la misère, ton apéro, Jeremiah Johnson. Je préfère Lovely Eggs. 

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             Franchement, t’en reviens pas de voir non seulement la qualité des albums des Lovely Eggs, mais aussi la qualité du silence qui les entoure. T’as rien sur les Lovely Eggs, même dans les canards anglais. Que dalle ! heureusement que KRTNT est là pour réparer cette injustice. Et pourtant, Holly Ross est une véritable superstar.

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    Le nouvel album des Lovely Eggs s’appelle Eggsistentialism. Rien à voir avec Sartre. T’entends l’Holly ruer dans les brancards dès «Nothing/Everything». Ils font tous les deux des Raveonettes à la puissance 1000, c’est pulsé au riff d’orgue séculaire et t’as l’everything qui s’étale dans l’étoile d’une mer étale, juste au-dessus de la surface du paradis, c’est une authentique bénédiction, l’aboutissement intellectuel de la pop. L’Holly est fantastiquement pure et magique. Elle chante au sucre sacré d’I still go around. Elle te fait l’everything du firmament. Elle est complètement folle, cette gonzesse, elle te tombe dessus dès «Death Grip Kids», une vraie furie, c’est pas la reine du rodéo mais plutôt la reine de la dégelée royale. Avec «My Mood Wave», elle te fait du Jackie DeShannon à la puissance 1000, elle vibre de toutes parts - I don’t know where I should begin - Nous non plus, on ne sait pas. Elle joue avec le trash-punk dans «I Don’t Fucking Know». Même en mode trash-punk elle pousse à la roue mélodique. Elle reste fabuleusement pop sur «Echo You», même avec des machines. Son sucre candy force l’admiration. Son power perce les blindages. Elle nage comme seuls les dauphins savent nager. She’s a hero/ Just for one day. Elle boucle avec «I Am Gaïa» et fait sa Nico. Cut dense, profond et gothique, joli brouet d’I won’t cry for more. T’attends la suite et tu ne caches pas ton impatience.  

    Signé : Cazengler, bec d’egg

    Lovely Eggs. Eggsistentialism. Egg 2024

     

     

    Inside the goldmine

     - Sayles et poivre

             Chaque fois qu’un mec commençait à le charrier sur son nom, Jacky Sel se mettait en pétard.

             — Oh Jacky, quand est-ce que tu remontes en scel...  

             Paf !

             Il n’a pas eu pas le temps de finir. Il a reçu le poing de Jacky Sel en pleine gueule.

             — C’est la dernière fois que j’te l’dis, mon con joli, me charrie pas sur mon blaze ! La prochaine fois, j’te défigure, t’as pigé ? Ta mère enne’te r’connaîtra pas !

             Mec ou gonzesse, même tarif. Cette petite conne est arrivée au bar et s’est crue autorisée à charrier Jacky Sel.

             — Oh Jacky, t’es le sel de ma vi....

             Paf !

             Elle s’est retrouvée le cul par terre.

             — C’est la dernière fois que j’te l’dis, connasse, me charrie pas sur mon blaze. La prochaine fois t’auras les deux yeux au beurre noir.

             Et puis un jour, un gros malabar s’est pointé au bar. Il faisait deux mètres de haut et pesait dans les 200 kg. Pour aggraver les choses, il portait des bracelets de force aux poignets et des tatouages russes sur les mains et dans le cou. De toute évidence, il venait se payer Jacky Sel. Il déclara d’une voix forte, pour que toute la salle entende bien :

             — J’vas béqueter un œuf dur... Passe-moi l’sel !

             Il y eut un murmure dans la salle. Le malabar se tourna vers les gens un affichant un grand sourire édenté. Jacky Sel ne disait toujours rien. Le malabar en rajouta une petite couche :

             — Ça t’va bien les ch’veux poivre et sel...

             Nouveau murmure. Alors le malabar décida de brûler les étapes :

             — T’es un vrai demi-sel, Jacky Sel.

             Jacky voulut frapper, mais le malabar lui saisit le poignet, attrapa l’autre bras de Jacky, leva le pauvre Jacky au-dessus de sa tête et le jeta au sol de toutes ses forces. Crack ! Dos brisé. Jacky se retrouva dans un fauteuil roulant. Dans la rue, les gens se vengeaient de lui en ironisant à voix haute, pour qu’il entende : «Oh Jacky est dans un sel état.»

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             Johnny Sayles n’a pas eu à subir les mêmes tourments que Jacky Sel. Des farceurs lui ont peut-être demandé s’il était on Sayles, c’est-à-dire en vente, mais il ne risquait pas de se faire traiter de demi-Sayles.

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             C’est dans la compile Move With the Groove qu’on peut découvrir l’effarant Johnny Sayles. Si tu veux t’effarer, alors écoute cet album effarant paru sur Dakar en 1972, Man On The Inside. Rien qu’à voir la classe du Johnny sur la pochette, tu claques déjà des doigts. La classe du black ! Et la classe des cuts ! Boom dès «Snake In The Grass» - They call me/ Snake in the grass - et il rigole de bon cœur. C’est Johnny, les gars, ha ha ha, il est fabuleux. Si t’en pinces pour le groove, c’est là. Il enchaîne avec deux autres coups de génie, «Good Golly» et «Troubles A Comin’». Il fait de l’heavy Soul avec le power des Four Tops sur «Good Golly». Il a des chevaux vapeur dans le tiroir, et avec son Troubles, il passe au heavy somebody, c’est orchestré à outrance. Willie Henderson produit cette merveille. Johnny attaque sa B avec une autre triplette de Belleville : «Voice From The Inside», «Ooh Baby» et «I Understand. Ce magnifique Soul Brother claque son Voice au deep Soul funk. Puis il fait du Tempts avec «Ooh Baby», il a toute la résonance, tout l’expéditif, tout le considérable des Tempts. Et tout explose avec «I Understand», un solide r’n’b fabuleusement repris par les chœurs, mécanique intense avec la voix du dandy Johnny qui brille au firmament.

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             On reste dans The Chicago hard Soul style avec The Johnny Sayles Story, magnifique compile sortie de nulle part. Il amène très vite un gros shoot de Black Power avec «You Did Me Wrong», heavy blues de va-pas-bien - I can’t blame you baby - Il est bon, le petit Johnny sorti de nulle part - Want somebody ! - Avec «Tell Me Where I Stand», il passe au harsh r’n’b, il y va au I need you baby et on découvre le pure genius of Johnny Sayles avec «The Girl I Love». Les filles qui sont les Duetts font hey hey hey et ça devient énorme, fabuleux brouet d’heavy Soul, le black dude Johnny est un héros de la Soul. Encore un fabuleux r’n’b de good time Johnny avec «I’m Satisfied», on fond comme beurre en broche. Il explose l’heavy blues avec «Nothing But Hard Rocks», il est intense d’eveytime I look around. Il revient à son cher r’n’b de destruction massive avec «The Concentration» - Move it mama - et l’encore plus wild «Anything For You». Avec «Deep Down In My Heart», il passe à l’heavy gloom défenestré, il se cale sur des chœurs de folie pure, toujours les Duetts. Johnny sait rebondir sur le deep. Comme il a fait partie des Five Du-Tones, il a gardé un penchant pour l’hard Soul. Son «Little Mae» est aussi incendiaire qu’un hit des Tempts.

    Signé : Cazengler, demi-sel

    Johnny Sayles. Man On The Inside. Dakar Records 1972

    Johnny Sayles. The Johnny Sayles Story. Official

     

    *

             Peut-être ne vous êtes-vous jamais demandé ce qu’il y avait – j’aurais pu dire la suite - après la fin, les derniers lyrics de The End. Des Doors. Laissez tomber l’aspect musique envoûtante. Pensez plutôt à la poésie de Jim Morrison. J’ai longtemps rêvé sur un passage très précis du poème : ‘’The killer awoke before dawn  / He put his boots on / He took a face from the ancient gallery / And he walked on down the hall / He went into the room where his sister lived,’’.

             J’ai toujours pensé que le début de ce couplet était le nœud démiurgique du poème, beaucoup plus que le meurtre du père et le viol de la mère qui le suit. D’abord une remarque d’ensemble, nous sommes davantage dans une demeure seigneuriale, voire princière, que dans un intérieur familial américain, même de l’upper-classe. Plus près de la maison d’Usher d’Edgar Poe que des réceptions huppées de Fitzgerald. Beaucoup plus précisément, trois questions : pourquoi avant l’aube ? Est-ce une scène de nuit ou d’avant la naissance du jour. Symboliquement cela affecte la portée du texte. Est-elle de mort ou de naissance ? Est-ce la fin, ou le début ? Quel visage, quel masque le tueur décroche-t-il ? Celui du sacrificateur, celui de l’enfant ? Enfin troisième interrogation qui déplace jusqu’au sens du poème. Pourquoi entre-t-il dans la chambre de sa sœur ? Tout de suite après il rend visite à son frère. Assistons-nous à une cérémonie d’adieu, ou cette dernière visite fraternelle et point sororale est-elle évoquée pour ne pas s’attarder sur la précédente… pour que toute votre attention vous conduise, soit focalisée, au plus vite sur les deux forfaitures suivantes…

             Je me suis couché hier soir en souhaitant écrire ce matin une kronic sur un groupe français, c’est mon côté nationaliste, pléthore de nouveautés chez Mister Doom 666, de toutes les nationalités, jusqu’à un groupe indonésien, je sursaute, coup sur coup, assailli par deux expressions en langue rimbaldienne. La première cache un groupe américain, mais la seconde m’esbaudit, au titre si particulier j’intuite que non seulement ils sont français mais qu’ils chantent aussi en français ! Tout compte fait je m’aperçois qu’ils de nationalité suisse.

             Je suis heureux. Je ne savais pas encore où je mettais les pieds.

    s’allier à l’errance

    ORGO

    (Bandcamp / Mars 2025)

    Magh : vocal, bass / Wolfli : drums, backing vocals / Julien : guitars / Bertruand : guitars.        

    Orgo regroupe des habitués de la scène des musiques extrêmes suisse, ils proviennent de différents groupes : Calcined, Sixokondo, Churchill, Challenger. Le groupe s’est formé en 2021. S’allier à l’errance est leur premier EP.

    Eux-mêmes se définissent en quelques mots que certains trouveront aussi sibyllins que l’essence de la poésie : ‘’Le soulagement arrive, mais le vide aussi. Hallucinations fébriles entre résilience et effondrement. Sans fin. Inévitable. Orgo déterre une geôle sonore. Blafarde et dissonante. Un espace sombre où la raison se promet à la potence.’’ 

    Dans son Discours de la Méthode, Descartes a écrit ‘’ je pense donc je suis’’ mais dans Les Méditations Métaphysiques il rédige autrement sa  formule : ‘’Ego sum, ego existo’’ (je suis, j’existe ou alors moi je suis, moi j’existe). Dans Les Principes Philosophiques   en jeune coq de la philosophie moderne il tient à  marquer la renaissance de la gaya scienza grâce à la griffure de son ergot ‘’Ego cogito, ergo sum’’ (Je pense donc je suis). Ce n’est pas le mot raison sis à la fin du précédent paragraphe qui fonde cette allusion à Descartes, mais le nom du groupe ORGO qui en latin signifie en toute simplicité : ‘’avec orgueil’’. Selon le nom groupe l’on peut ainsi dire que le fait de penser fonde l’orgueil de l’avènement de l’Être. Je vous laisse méditer quant aux conséquences, par exemple heideggériennes, de cette interprétation.

    Il est une notion que nous ne prenons pas en compte celle d’’ego’’, nous nous contenterons de signaler, presque hors-propos, toutefois il existe une chaîne d’or qui relie certains évènements, certains concepts, et surtout certains évènements conceptuels, même si les esprits distraits auront du mal à remonter la logosité concaténationnelle qui les rassemble, ainsi par exemple l’inscription Et ego in arcadia, pour laquelle nous renverrons dans ce blogue-ci au travail atlantidéen et platonicien effectué par le groupe de metal : Thumos. Incidemment cette idée d’enchaînement logique renvoie par-delà Descartes à  la chaîne des notions  causales des conséquences d’Aristote.

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    Ne dites pas que la pochette est un gribouillage infâme et informe, que votre petit neveu de dix-huit mois fait aussi bien. Alors que vous pensez aussi mal. Essayez de vous en tenir à de sommaires constations. Il y a noir et du blanc. Il y a un dessus, peut-être un ciel nuageux, peut-être une terre marécageuse. Il y a un dessous. Peut-être de l’eau, peut-être l’ouverture d’un soubassement souterrain. Vous avez l’essentiel. Quelque chose vous manque-t-il, c’est que vous n’avez pas comme Gérard de Nerval, traversé deux fois vainqueur l’Achéron.

    Je vous engage à lire les lyrics, depuis près de quinze ans que je kronique des disques, je ne me suis jamais trouvé face à un texte d’une telle densité poétique.

    Catenae Fortunae : ne pas confondre cette chaîne fortunée ave la chaîne d’or, au sens  du mot latin la fortune s’avère bonne ou mauvaise, tout dépend de votre sort, ou il est bon, donc vous êtes en vie, ou il est mauvais : donc  vous êtes mort.  Il n’y a pas à tergiverser. Gardez cette dichotomie en tête pour écouter ce morceau. Z’ont mis trois tags pour vous prévenir de vous engager sur ce sentier (ultra)sonore et ombreux : doom, sludge, noise. Bruyant, un peu cacophonique, monumental, expérimental, pyramidal, terrible, effrayant, magnifique. Non le mixage n’est pas mal fait, si le vocal semble lointain  ils n’ont pas oublié de tourner à fond le bouton, Magh hurle de toutes ses forces, mais il est loin très loin, alors autant écouter et en prendre de la graine de grenade comme s’amusait à le proclamer Perséphone. Le désir de la mort n’est pas la mort du désir. Avez-vous essayé de séquestrer un cadavre. N’est-ce pas un mot qui ne veut rien dire, un être mort n’est-il pas aussi vivant qu’un être vivant, à moins que ce ne soit le contraire, il y a lui , il y a elle, nous fûmes deux, ô sœur, je le maintiens dixit Mallarmé,  le gardien de la porte qui s’ouvre et se ferme dans les deux sens, dans les caves du manoir les arbres poussent leurs racines au plus profond des caveaux, leur manière à eux d’indiquer le chemin , une boîte oblongue et odorante, une très petite sœur était morte,  j’avais eu qui sent bon son cercueil dixit Saint-John Perse, puis-je retenir encore à moi l’âme sœur que les ombres me réclament, ce n’est pas qu’elle est presque morte, c’est qu’elle est presque vivante, déjà sur l’autre rive, Eurydice perdue à jamais.

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    Le signe du fugitif : si le premier morceau est éprouvant, le second, ce mot signifie qu’il n’y en aura pas de troisième, parce que contrairement à The End il n’y a pas d’interstice, pas de porte de sortie, pour reprendre une expression qui colle aux Doors, l’ultime donc, est strictement infernale. Un tintamarre pandémonial, les ombres sont là autour de vous, un flot ininterrompu de présences ombreuses vous assaille, nulle part ailleurs vous ne trouverez davantage de clameurs bruiteuses, impossible de sortir, le cortège vous poursuit, une seule solution, s’enfuir. Toutes les issues sont bouchées ne reste que la fuite en vous-même, ce qui n’empêche pas un capharnaüm de hurlements de retentir en vous, osmose, l’extérieur de vous pénètre en vous, vous êtes entre les deux rives, peut-être  dans le rêve impossible d’une double présence éternelle, celle d’une jonction nuptiale et hiérogamique du frère avec sa sœur, vous avez passé, de la vie à la mort, vous êtes cadavres, peut-être à deux  ne possédez-vous qu’un corps unique, mais la mort vous pèse, le cercueil vous plombe, elle veut sortir de cette étreinte, de votre embrassement, peut-être est-ce la Mort que vous avez enchaînée en vos bras, la Mort n’est-elle pas votre sœur d’âme, on n’enferme pas la Mort, elle s’échappe de vous, peut-être a-t-elle été l’intercesseuse de votre union à votre rêve, à votre désir solitaire, mais le rêve de votre sœur est-il en elle, ou en vous, peut-être même n’êtes-vous que le rêve de votre sœur, de cette sœur rêvée, ce qui vous appartient n’est-il pas à elle, n’est-il pas elle, d’ailleurs son rêve, votre rêve n’est-il pas au-dehors de vous et de tous les autres, n’est-il pas déjà de par sa nature en fuite, vogue-t-il immarcessible au-dessus de la ville, au-dessus de la poussière des morts, ces ombres dont vous vous êtes enfui, l’une dans l’autre et vice inversé, pour devenir cette poussière irradiante dont votre forme n’est qu’une constellation luminescente que vous seuls pouvez voir car en elle seule réside votre  double royaume. Kaos. Kaos. Kaos.

             Après une telle écoute, il ne vous reste plus qu’une chose à faire, relire Annabel Lee d’Edgar Allan Poe.

             Ou mourir.

             C’est ainsi que vous vous allierez à l’errance.

    Damie Chad.

     

    *

    Certains titres d’album vous attirent plus que d’autres. Naïvement j’aurais pu croire qu’il parlait de Moi et de mon pays. Hélas mon esprit un peu retors a subodoré un soupçon d’ironie politique dans l’intitulé. Je suis allé voir, pourtant la pochette n’est guère engageante, oui mais au premier coup d’œil j’ai deviné que c’était un paysage américain. Qui refuserait un voyage dans la grande Amérique, le pays du rock’n’roll !

    GOD’S COUNTRY

    CHAT PILE

    (Flenser Records  / 2022)

             J’ai dû déchanter, j’avais cru moi qui adore les félins que j’étais tombé pile sur un chat, mais non, Chat Pile  désigne les tas de déchets toxiques rejetés et entassés par l’industrie… Deuxième déconvenue en cherchant à savoir qui ils étaient je me suis aperçu que je j’avais déjà effectué voici deux ans cette démarche, dois-je me lamenter sur ma mémoire défaillante ou y voir la preuve de la non-existence du hasard dans mes recherches sonores…  Une bonne nouvelle : New Noise qui continue de paraître en  kiosque - et qui en est au numéro 74, après un brutal et inexplicable chute des ventes voici deux ans, nous en avions parlé - les suit pratiquement depuis leur début. Ils seront en concert au Trabendo le 28 avril de cette année 2025.

             Viennent d’Oklahoma City in Oklahoma. Etat situé entre le Texas et le Kansas, pétrole et gaz de schiste n’aident pas à le classer parmi les régions les plus écologiques du monde… Consolation de taille qui vous réconciliera avec la région : les parents d’Eddie Cochran étaient originaires de l’Oklahoma.

             Passons donc sur la couve attention, ce paysage industriel déprimant  colle parfaitement au sujet de l’opus. God’s Country est leur premier album, leurs précédents splits et EP’s avaient attiré l’attention sur eux, mais ce full lenght leur permit d’atteindre une notoriété nationale et internationale, ils ont depuis acquis un statut professionnel. 

    Raygun Busch :  chant / Luther Manhole : guitare / Stin : basse / Cap'n Ron : batterie.

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    Slaughterhouse : ça se passe en Oklahoma, aussi ailleurs, pour la visite touristique vous n’êtes pas sur la bonne file, par contre la musique d’ambiance colle au plus près du sujet. Si vous ne savez pas ce que signifie slaugther je vous donne l équivalent en français, L 214, oui l’association Loi 1901 qui filme en catimini dans les abattoirs, qui dévoile le sort réservé aux animaux, des images qui choquent, je vous rassure Chat Pile ne vous filent que le son, l’on peut dire que la batterie de Cap’n Ron abat le boulot de toutes ses forces, en poésie ça s’appelle de l’harmonie imitative, le bruit de la masse qui s’écrase sur la tête d’une vache, ou qui démantibule le crâne d’un cheval, vous ne voyez pas mais vous entendez, quant à  Raygun Busch  il ne chante pas, il clame, il déclame, il proclame, il dit le meurtre, il décrit les yeux des animaux, il vous asperge d’un peu de sang, il constate que Dieu qui voit tout n’intervient pas, n’accusez pas les manouvriers, bien sûr ils frappent, mais les coups s’insinuent dans leurs têtes, le pire c’est qu’ils y résonnent indéfiniment, qu’ils refusent d’en sortir, idem pour les cris qui débordent des oreilles, les hommes et les animaux aimeraient être ailleurs, mais ils sont là. Condition ouvrière, condition animale. Bourreaux et criminels. Mort et remords. Un peu gore pour une intro. Musique industrielle, carnage vocalique. Bienvenue dans les hécatombes de notre modernité civilisationnelle. Why : ils vous le précisent en fin de morceau, l’histoire se passe en Amérique. Remarquez, s’ils étaient en  France ils diraient qu’elle se passe en France. Un beau bruit charivarique, sur le plan vocal il commence en parlant doucement, comme personne ne lui répond il s’énerve un peu. Beaucoup. A la folie.  Il est vrai qu’il pose une question insupportable, à devenir fou, pourquoi y a-t-il des gens qui vivent dehors dans le froid. Alors qu’ils habitent un pays riche. Entre nous ils connaissent la réponse, vous aussi, mais la posez-vous à voix assez haute pour être entendu… Ce qui suit, ils ne disent pas mais j’ai toujours trouvé bizarre que les gens autour de moi s’émeuvent davantage du sort des animaux que celui des hommes. Pamela : vous respirez, enfin une histoire d’amour ! Tout de suite c’est moins bruyant, basse et guitare émettent une espèce de mélopée mélancolique, le Raygun Bush n’a plus de timbre, devrait prendre de la vitamine C, l’histoire est triste, lui il est mort, il s’est noyé dans un lac, elle le pleure, ah ! c’est sa maman, ah ! il s’est suicidé, mais pourquoi ce bruit de ferblanterie et pourquoi cet arrêt si brusque, devraient être davantage compatissant et laisser pleurer cette pauvre femme, qui n’a qu’une envie, de mourir à son tour… hien, quoi, que dit-elle, que sous-entend-elle, qu’elle va se venger, que ça va saigner. Ils ont raison de couper le son. La police n’a pas besoin d’être prévenue. Je compte sur vous pour vous taire. Soyez complices. Soyez solidaires.

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     Wicked Puppet Dance : une special music video, n’appelez pas pour autant vos enfant, oui c’est du guignol, avec une marionnette, elle se permet de peindre le nom de Karl Marx sur un mur, ce genre de gribouillage pourrait   inciter les moutards à lire et leur donner des idées, et puis pourquoi la commande de la marionnette épouse-t-elle la forme d’une croix, cela signifierait-il que le marionnettiste est Dieu, et que l’Homme serait envoyé se faire crucifier par son Dieu tout puissant, et pourquoi la pauvre marionnette pisse tellement de sang que l’urinoir déborde et que l’hémoglobine inonde la terre. Vous conviendrez que cette vidéo est quelque peu séditieuse. Contentons-nous d’écouter sans voir. Ça grince, ça tangue, ça frappe, pourquoi ce ton excédé, pourquoi cette rage d’expression, il n’en peut plus, il pète un câble, Dieu le regarde, Raygun Bush préfère se taire. L’a raison. L’on n’est jamais trop prudent. Le gars a craqué. A envoyé une bastos de la mort dans la tête de celui qui l’emmerdait. Son propriétaire, son patron, son député, ce n’est pas précisé. Peut-être même a-t-il tiré sur Dieu. La vengeance du prolétariat, ça fait toujours plaisir. Oui j’avais averti que c’était politique, alors ne venez pas vous plaindre si cela ne vous convient pas. L’y a laissé peut-être la vie aussi. Oui mais quelle jouissance de s’être vengé d’une existence qui ne vous appartient plus, des sons de trompette, la batterie a attrapé le rythme par la queue et ne le lâche pas. Cahotique et mélodramatique dans la deuxième partie. C’est un morceau de rattrapage pour ceux qui n’ont rien compris aux deux précédents, alors ils vous versent toute la gomme sur la gueule, tout se passe dans la tête d’un seul personnage, quand vous avez un pistolet dans la main, c’est pour s’en servir, contre les autres, contre soi-même, tel est pris qui croyait prendre, les limites de l’action individuelle, si la destruction est aussi une création, il ne faut pas confondre destruction et auto-destruction. Marx versus Bakounine. Tropical Beaches, Inc : laminoir automatique, attention ne pas passer sous les rouleaux compresseurs qui vous attendent, il hurle, il ne veut pas, les autres appuient de toutes leurs forces pour hâter l’inéluctable, l’employé dont l’entreprise n’a plus besoin, ne comprend rien rend à cette logique économico-libérale qui ne vous rend pas plus libre, qui vous éjecte des rouages qui n’ont plus besoin de vous. S’égosille de peur et de haine. En vain. Trois légers sifflements terminus comme quelqu’un qui a coupé la communication et qui vous laisse dans votre solitude. The

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    Mask : attention ça barde, pas de pitié, pas de prisonnier, furax et féroce, le gars utilise les grands moyens, la force, l’est prêt à tuer, alors il tue, haine et jouissance, de face ou dans le dos, oui c’est violent, le morceau est court, faut savoir être expéditif. Ou c’est moi qui meurs, ou c’est vous.  Banque-route de cadavres. Hold on and hold-up. Comme les animaux à l’abattoir. I Don’t Care If I Burn : peu de bruit pour une fois, juste des pas, il ne hurle pas, presque une berceuse, il chantonne un peu, de la jubilation, il est près de son but, il est derrière lui, il ne vit que pour le tuer, il en crierait de joie, et il arrive, juste le tuer pour être en paix, enfin, avec soi-même. Grimace-Smoking-Weed : tout compte fait, il ne s’en tire pas mal, il abat sans faille ceux qui se mettent devant lui, peut-être pas dans la réalité, peut-être dans ses rêves, dans ses pensées, dans ses ruminations, musique implacable pratiquement la même qu’au tout début, n’est qu’un vaincu, l’a trop fumé, prend trop de produit, se débat contre ses hallucinations, l’homme purple qui ne le quitte pas, qui lui colle à la peau, alors il s’adresse à ce fantôme encombrant de la réalité, il le chasse, il lui claque la porte sur le nez, attention c’est la grande scène finale de l’opéra, fout tout le poids de sa voix persuasive dans la balance, l’a quelque chose de très important à faire. Se jeter par la fenêtre. Rassurez-vous, elle n’est pas très haute. L’on n’échappe pas à son destin social.

             Pessimiste. Violent. Radical.

    Damie Chad.

    *

             Les filles ne sont plus ce qu’elles étaient, je ne parle pas des françaises parfaites et sans défaut, mais des américaines, surtout les chanteuses et spécialement celles qui gravitent dans les roots zones de la country music. Soyons justes, elles chantent comme des tourterelles mais qu’est-ce qu’elles trimballent comme mal-être. Les deux chroniques précédentes ne sont pas joyeuses, je me suis dit que chez Western AF, je trouverais luxe, calme et volupté. Un paradis baudelairien. J’avais oublié que chez Baudelaire l’Enfer et le Paradis ne sont qu’une même contrée.

    DRUNK ON YOU

    MARLEY HALE

    (YT / Western AF / Février 2025)

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             Y a ceux qui font la fermeture des bars et ceux qui font l’ouverture. Les couche-tard ne sont pas nécessairement des ivrognes, mais les lève-tôt ne sont pas obligatoirement d’honnêtes travailleurs. Bref une belle intro, l’ouverture du bar Jones, une chaise, une table on ne la voit pas, mais elle commence à parler, elle explique comment et pourquoi elle a écrit the song, je résume en deux mots : alcool et peine de cœur. Guitare, veste en jeans, cheveux ondulé, visage de jeune fille un peu naïve mais petits sourires désabusés. Une belle voix, plutôt classique, idéale pour les histoires à l’eau de rose, oui mais les mots bleutés qu’elle prononce tout doux sont chargés de toutes les brisures du blues.

             J’ai voulu en savoir plus, née à Austin, élevée en Californie du Nord, son père qui écoute du Led Zeppelin lui donne ses premières leçons de guitare à dix ans, aujourd’hui elle est basée à Brooklyn autrement dit à  New York où voici plus d’un demi-siècle un certain Dylan fit son trou. L’on trouve quelques traces d’elles sous le nom de Marley Collins. Elle aime aussi Karen Dalton. Ecoutons son premier EP.

             Le titre sonne fièrement. Une belle proclamation de foi féministe. La couve instille le doute : cette fille qui tangue et se laisse aller dans les bras de son cavalier ne donne pas l’impression d’une prédatrice sûre de sa capture. Semble en attente.

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    BY MY OWN WAY

    MARLEY HALE

    (  / Juillet 2024)

    Aidan Cafferty : bass on all songs except "Good Man" / Kai Barshack : drums / Antonio Romero : fiddle, Piano /  Sam Talmadge : electric, acoustic, and baritone guitar / Jack McLoughlin : pedal steel / Dylan McKinstry : bass on "Good Man" / Marley Hale :  vocals

    To those at my window : vous avez lu la liste des accompagnateurs, c’est une erreur, de véritables acteurs, ils créent le décor, l’ambiance et le commentaire, du coup Marley ne chante pas, elle interprète les rôles, elle et lui, rien à voir avec la nudité de chez Jones, c’est pourtant la même histoire, mais transformée en comédie humaine balzacienne, en trois minutes vous n’avez que l’analyse d’un seul personnage, le regard qu’elle porte sur les hommes, des cinq morceaux de cet Ep il est l’unique dans lequel c’est elle qui mène le jeu, même si elle comprend et souffre de savoir qu’elle ne correspond pas à ses rêves à lui, et qu’il pourrait s’accrocher à ses rêves à elle, ce qu’elle ne veut pas, car la quille des bateaux du songe ne doit pas trop s’approcher des rochers de la vie réelle… Le violon vertigineux vous emporte sur les rives du naufrage.  Drunk on you : cette version bien plus belle que celle de western AF, la même lenteur, le même rythme certes mais la discrète orchestration change tout, sa voix n’a plus besoin de pleurer puisque la la steel le fait pour elle, alors elle peut se poser comme une mouette goudronnée dégoulinante de désespoir s’abat sur le rivage pour survivre dans la propre mort de sa vie impossible. Valse lente, car dans ces moments-là l’homme de chair impossible à qui je pense est plus beau que moi. Chanson à boire sans soif. Avec ou sans alcool. Dear girl : vous avez une Official

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    Video, même sans le savoir, dès les premières notes vous sursautez : vous êtes dans un western, non pas une pellicule avec John Wayne ou avec une flèche brisée dans le dos, un film, de la génération d’après, un spaghetti bolognaise rouge d’hémoglobine, pelloche déchirée de chez les ritals exacerbés, les musicos vous la font à la Ennio Morricone plus un soupçon funèbre de mariachi, pour les images aucune fusillade, une fille qui erre dans la nuit, qui s’y frotte mais qui ne s’y pique pas, le combat est à l’intérieur, elle déambule dans la noirceur lunaire, elle se bat contre un terrible ennemi : la solitude. On your knees : la ballade country rock par excellence, pour une fois c’est sa voix qui mène le bal, les autres tiennent la chandelle derrière elle-même si le vent du violent la fait vaciller très fort, la bougie du désespoir, le cierge de l’attente vaine que l’on laisse brûler près du cercueil de l’existence, quelle force dans ses lyrics, au détour d’un vers il y a toujours une balle qui vous atteint en plein cœur.

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    Good Man : l’Official Music Video n’est pas jojo, un couple qui danse, pas du rock acrobatique, une espèce de lindy hop mou, sur la bande-son les musicos essaient d’installer une ambiance country sans western, en l’écoutant l’on se dit que si le rythme de la valse se retrouve dans le blues, elle est aussi l’épine dorsale de la country, je parle et vous aimeriez savoir ce qu’elle chante (divinement) une histoire toute simple, la grande leçon de la tristesse de la vie acceptable, faute de grive l’on se contente de merle. C’est pareil pour les hommes. Nous ne dirons pas que c’est identique pour les filles, car nous ne voudrions pas être mufle. Because we are a good man.      

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             L’existe une version live de To Those at my window, et de On your kees, la voix et le violoniste, c’est d’ailleurs ce dernier qui joue le cavalier du couple sur la vidéo de Good Man.

    Cet EP est magnifique.

    Damie Chad.

     

    *

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    (SERVICES SECRETS DU ROCK’N’ROLL)

    LA CONNEXION MEXICANO-AMERICAINE

             A peine ai-je entrebâillé la porte que Molossa et Molossito se sont précipités sur leur canapé préféré :

             _ Enfin de retour Agent Chad, je vois que l’équipe est au complet, êtes-vous parvenu à vous procurer les documents que je vous ai envoyé chercher, vous avez mis un temps fou !

             _ Chef, les mexicains ne sont guère loquaces, caramba ! tout juste si au bout de soixantième mojito ils entrouvrent la bouche… Ensuite ils y tiennent comme si c’était des photographies de la Madre de Dios en monokini, mon rafalos a dû en éliminer une soixantaine avant que je puisse m’en emparer, les voici.

             Le Chef s’apprête à allumer un Coronado, il le soupèse, le palpe, hume la robe, le repose, en choisit un autre dans le tiroir de son bureau, le caresse, craque une allumette, exhale enfin avec volupté un nuage de fumée aveuglant :

    _ Agent Chad, ne perdez pas de temps, l’affaire est importante, j’attends votre rapport, montrez-moi la première photo !

    _ La voici Chef !

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    _ Quoi un disque des Ramones si j’en juge par le dessin !

    _ Pas tout à fait, ils ont utilisé les pistes drummiques de l’album Rocket To Russia des Ramones, puis ils ont rajouté leur sauce, j’ai dû faire un détour jusqu’en Turquie pour m’en procurer un exemplaire !

    _ Nous serions donc face à un gang aux ramifications internationales !

    _ Oui Chef, regardez le deuxième document, ces gars-là ne se cachent pas, ils  jouent à visage découvert !

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    _ Pedro Pistola ! Vous avez leur véritable identité ?

    _ Bien sûr : Rick Jeschke Deli : guitar / Rack Guerrero Aguirre : bass / Alis Emerson : drums

    _ Beau travail Agent Chad, qu’avez-vous d’autre ?

    _ Tenez ce document n’est-il pas étonnant !

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    _ Diable, quelque chose me trouble, j’y vois comme un rapport avec l’album Agent of Fortune des Blue Oyster Cult, par contre la connexion n’est pas évidente, Ramones ça sent le chicano, mais le Culte de l’Huitre bleue…

    _ Regardez celui-ci, cela vous aidera !

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    _ Moros en la Costa, ne se mouchent pas avec la manche, ces palmiers sortent tout droit de Miami, s’attaquent aux USA !

    _  Ont déjà traversé, entre 2017 et 2022, le pays jusqu’aux grands lacs, ils ont une base à Chicago.

    _Pas étonnant, tous les chats sont noirs en Illinoirs, nous sommes face à une maffia tentaculaire, des gars dangereux !

    _  Plus que vous ne le croyez chef, ils font régner la terreur, la loi du silence, si tu parles t’es mort, en voici la preuve !

    _  Des gars sans pitié, j’aimerais bien savoir la came qu’ils refourguent chez les amerlocs !

    _ J’ai récupéré un spécimen !

    _ Laissez-moi allumer un Coronado et examinons la bestiole :

    LOOSE LIPS, SINK SHIPS

    SECRET AGENT

    (Triple Agent Records / Juin 2023)

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    Ferme ta gueule, tout ira bien. Excusez-moi pour la grossièreté de ma traduction. Mot à mot : Lèvres ouvertes, bateaux coulés. Formule anglaise. Durant l’Occupation nous en avions une  similaire : Les murs ont des oreilles. En ces temps-là le gouvernement britannique avertissait sa population : tout renseignement glané par l’ennemi peut entraîner la perte d’un navire, or l’Angleterre étant une île…

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    I'm Not A Spy (I'm Your Guy) : carrément une vidéo où on les voit en pleine action, félicitations Agent Chad, ne lésinent pas sur les moyens, c’est rempli de jolies femmes, les pékins doivent tomber dans le panneau comme des mouches, z’ont un commando spécial Chef, El Vez and his Elvettes, je vois c’est entre Elvis et les Claudettes de Claude François, El vez Chef, c’est celui qui chante avec son bouc, l’a une voix de crooner insidieusement molle, vous endormirait presque, si j’en crois mes yeux la tête pensante de Secret Agent, c’est ce mec qui caresse mollement sa guitare, et la fille à la basse et une autre à la batterie, cela aide à comprendre certaines des photos  que vous avez apportées, les paroles sont codées, calquée sur un film idiot qui n’a jamais remporté de succès, hum, hum, j’ai une intuition Agent Chad, l’on ne voit pas la marchandise qu’ils font circuler, vraisemblablement de faux Coronados, des succédanés sans nicotine, à bas prix, de fades cigarillos sans âme, ni sortilège. Passons à la suite. Love In A Post War : ah, attention apparemment ils ont aussi des produits davantage roboratifs, savent noyer le poisson, le poison aussi, toujours le gandin devant qui fredonne, la batteuse bétonne mou, mais le mec à la guitare il sait se servir de ses doigts, nous avons affaire à un chimiste de laboratoire assez doué, doit être capable de vous concocter un Coronado à goût de poireau. Pouah, vous empaquettent le tout avec une chansonnette, une canzionata de amor Jeffe ! World To Burn : holà, Agent Chad,  misent sur toutes les gammes, même le pantouflard du blues vous prend une voix à faire frémir une classe de maternelle, ils en ont pour tous les goût, après l’amour mou, vous menacent de faire sauter la planète, et le guitariste est vraiment un gars dangereux, manie sa guitare comme un Parabellum, à six coups, ce guy est une véritable vipère vicieuse, en plus l’a pris un synthé à ses côtes pour les effets spéciaux.  Disguise : voyez-vous Agent Chad, se vantent de porter des masques, ils se moquent du monde, vous avertissent carrément qu’ils vous vendent de la merde, écoutez-moi ce vocal langoureux del cantaor, et derrière le guitar héros qui vous pond des picotis-picotas comme s’il vous offrait des biscuits d’apéritifs au vitriol, vous vous attendrissez, l’imbécile se dit, je suis sûr que c’est du caca boudin qu’il me tend, mais je le prends car il me fend le cœur, pour un peu je pleurerais, par amour ou par pitié, je ne sais pas, mais je vais lui prendre trente doses, pour le mois qui vient.

             _ Agent Chad, j’espère que vous avez annihilé ce nid de crotales, ne me dites pas que vous les avez laissé vivre !

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             _ Chef j’ai pensé que les tuer serait une punition trop douce, je me suis mis en cheville avec la CIA, sont en prison pour le reste de la vie, regardez voici un cliché de leur internement. Remarquez la CIA n’est plus ce qu’elle était, dans leur cellule ils leur ont donné le droit de monter un groupe, z’ont quand même supprimé le chanteur d’occasion, vous pouvez entendre la guitare, un drôle de mélange, une espèce de psyché surf, sans tsunami ni requins, même pas une scie-sauteuse pour démantibuler la planche, enfin, ça a le mérite d’exister, je vous laisse la bande, je m’en vais, j’ai promis à Molossito et Molossa un resto steak frites, z’en ont assez d’avoir eu à ingurgiter durant huit jours des taccos au piment !

    Rapport 292 – Archives Secrètes du SSR / Agent Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 518 : KR'TNT ! 518 : LOVELY EGGS / ANITA PALLENBERG / EDDIE PILLER / DHOLE / CRASHBIRDS / FUNERAL

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 518

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    08 / 07 / 2021

     

    LOVELY EGGS / ANITA PALLENBERG

    EDDIE PILLER / DHOLE

    CRASHBIRDS / FUNERAL

     

    AVIS A LA POPULATION

    ENCORE UNE FOIS COMME TOUS LES ETES

    NOS INFATIGABLES REDACTEURS SE LAISSENT ALLER

    A LEURS PENCHANTS SADIQUES ET CRUELS,

    ILS VOUS PRIVENT DE VOTRE UNIQUE RAISON HEBDOMADAIRE

    DE SURVIVRE DANS CE MONDE INSIPIDE.

    LA LIVRAISON 519 ARRIVERA FIN AOÛT

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME !

     

    L’avenir du rock :

    Egg toi et le ciel t’aidera

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    Comme tout le monde, l’avenir du rock a besoin de vacances. Le voici à Macao, installé de bon matin sur la terrasse du casino. Si vous n’êtes jamais allé là-bas, sachez que cette immense terrasse en pierres de taille surplombe une mer d’huile. L’avenir du rock prend son breakfast en compagnie de God Hillard, The World’s Greatest Sinner. Ces deux éminentes personnalités échangent quelques mondanités :

    — Êtes-vous marié, avenir du rock ?

    — Croyez-vous que ce soit l’heure de me cuisiner ?

    — Simple curiosité. Votre profil n’est pas si banal...

    — Je vous ferai la réponse que vous méritez : oui, mais je me remarie en permanence, chaque fois que j’éprouve un coup de foudre. Je cède à toutes les tentations, ainsi que le prescrivait Oscar Wilde.

    — Un vrai cœur d’artichaut, en somme !

    — Oui, je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant. Et puisque nous pataugeons dans les moiteurs de mon front blême, je vous ferai un dernier aveu : je porte au pinacle, vous entendez bien, au pinacle, la notion de couple...

    Ça fait vingt ans que des couples gaga-rock s’illustrent, avec plus ou moins de réussite. On pourrait citer les White Stripes et des Kills - pour les moins intéressants - et Jucifer, les Raveonettes, Taurus Trakker, les Magnetix, les Table Scraps et les Ghost Wolves d’Austin, Texas - pour les plus intéressants - Ajoutons à cette liste les Lovely Eggs, un couple qui nous vient du Nord de l’Angleterre, de Lancaster, très précisément. David Blackwell bat le beurre et Holly Ross, fervente adepte de la Big Muff, gratte ses poux. Ils écument les meilleures scènes du monde depuis dix ans et il serait grand temps qu’on leur déroule le tapis rouge.

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    Leur premier album mystérieusement titré If You Were Fruit date de 2009. On y trouve pas mal d’archétypes de ce qui fait le charme de la veine Nous Deux, notamment «I Like Birds But I Like Other Animals Too», très Nirvana dans l’esprit, avec ses belles rasades d’accords à la Kurt et son beau sucre candy plein le chant. On sent une réelle présence de crush et de sucre. Elle chante au candy pur et sait crusher son crotch. Il faut la voir plonger son «Sexual Cowboy» dans le lullaby d’Alice. D’ailleurs, le Sexual Cowboy ne serait-il pas David Blackwell qu’on voit au dos du boîtier en patins à roulettes ? L’album connaît un violent passage à vide et reprend vie avec «O Death». Holly Ross est parfaitement capable de foutre le feu au camping, elle passe sans crier gare du scream de Sainte-Anne au lagon paradisiaque. Nouvel exercice de style dans la veine Nous Deux avec «Have You Ever Heard A Digital Accordion». Elle fait son petit biz avec son homme et ça part en trombe d’excellence plantagenesque. Ils sont parfaits dans ce rôle, c’est quasi-velvetien dans le dénudé du traitement, ils sont pleins d’espoir. Et puis voilà le hit de l’album : «Big Red Car». Elle est chaude, la petite Ross, elle vise de groove de mauvaise compagnie et le tient à bouts de bras, elle fait du pur Velvet et gueulant dans la purée du son. Ce «Big Red Car» est digne des early Modern Lovers. Mythe pur. Ils terminent avec un autre hommage indirect au Velvet, «America». Ils n’ont plus rien à perdre, ils tapent ça à deux voix, ils font du pur Nous Deux inspiré de Lancaster, monté sur un drive de guitare infernal et ça devient un vrai hit indie.

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    Pour la pochette de Cob Dominos paru en 2011, David Blackwell et Holly Ross sont allés se rouler dans la vase. À les voir décorés de peintures de guerre, on comprend qu’ils aiment beaucoup s’amuser. C’est aussi ce qu’indique le «Minibus» d’ouverture de bal, ce somptueux mélange de lullaby et de Big Muff. Mine de rien, Holly Ross invente un genre nouveau : le dirty trash pré-pubère. L’ambiance globale de l’album rappelle celle des albums du circuit indie américain des années 90, notamment Babes In Toyland. Donc, ils s’amusent. Avec «Don’t Look At Me (I Don’t Like It)» elle s’adonne aux joies du trash-punk. Tout ce qu’elle fait est bien. Elle injecte encore du lullaby dans le fuck-off de «Fuck It» et elle s’amuse encore plus avec «Alphabet Ting» : Fuck you ! Alors attention à la fin de l’album, car elle passe aux choses sérieuses avec «Watermelons». Elle est tout simplement capable de la meilleure power-pop d’Angleterre, elle bat largement les Teenage Fanclub à la course. Puis ils chantent «Pets» à deux et nous font rêver. La surprise arrive ensuite avec «Real Good Man» qu’elle prend en mode Ross - I know he’s a real good man - et qu’elle finit en mode Pixies, mais si, elle a ce power ! Cet album est réellement impressionnant.

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    Le Wildlife paru en 2012 va plus sur la power pop. «Allergies» donne le la et Holly est tout de suite dans l’effarence du big sound, elle claque bien le beignet du son et son mec gère ça au big drumbeat de relance, alors ça prend des allures de remugle ramonesque. On dira en gros la même chose de «Food», qui sonne aussi comme un classique de power pop. Ils sont en plein prodige, Holly Ross traverse toutes les contrées du rock. Ils font pas mal de petits exercices de style comme «The Undertone», mais elle pique aussi des belles crises de nerfs («Please Let Me Come Mooch Round Your House»). Avec «Green Beans», elle rétablit l’équilibre de l’Angleterre avec ses racines lullaby et c’est avec «I Am» qu’elle ramène tout le big power. Il faut la voir allumer son «I Am», c’est un modèle du genre, une merveille de positionnement. Ils se tapent une belle crise de heavy groove avec «Lee Mellon’s Teeth». Holly fournit le fourniment de Big Muff et avec «Just Won’t Do It», elle s’amuse à balancer entre le lullaby et le heavy trash. Elle se livre vraiment à tous les excès.

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    Magnifique pochette que celle de This Is Our Nowhere paru en 2015 : cette photo de scène dit tout ce qu’il faut savoir des Lovely Eggs. Côté son, ils sont tout de suite parfaits. Ils ont le boom + the voice dès «Ordinary People Unite». Holly Ross est magique, elle a le power absolu. Zéro info dans le booklet, donc tu te débrouilles tout seul avec le ciel étoilé et le son. David Blackwell vole le show dans «The Investment». Il joue à la vie à la mort et Holly Ross parvient à garder le contrôle de justesse. Ils créent à deux des climats extraordinaires. Même chose avec «Magic Onion» : elle prend ses distances - He’s a magic onion - C’est lui qui drumbeate mais elle rentre dans le son comme une vieille pro. C’est tellement bardé de son qu’on ne sait plus où se mettre. Leur principale qualité est l’attaque. Ils combinent à merveille l’énervement et l’excellence. Ils combinent aussi l’énergie à l’envolée, il pleut des retombées de cendres et ça repart au blasting blow. Ils ont certainement le plus bel allant d’Angleterre, c’est en tous les cas ce que tendrait à prouver «Do It To Me». Elle reste excellente sur «Music». Ils ont de la chance d’avoir ce son. Tout est plein d’esprit. Avec «Slinking Of The Strange», elle va chercher le strange dans le lullaby. Cette Ross est incroyable, elle nous méduse impitoyablement. On la voit accompagner «Forest Of Memories» vers l’échafaud, sur fond de roulements de batterie, elle est forte, elle sait qu’elle se bat pour la révolution et que le peuple vaincra.

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    Allez tiens, on va dire que This Is England est leur meilleur album, comme ça au moins, les choses sont dites. Le pire c’est que c’est vrai, l’album grouille de son et de blasts, et ce dès le «Hello I Am Your Sun» d’ouverture de bal. Elle a du son, la vache et l’autre derrière, il bat son beurre comme plâtre, ils sont tous les deux des heavy Visiteurs du Soir, des heavy Enfants du Paradis, ils bardent tout du pire barda de l’univers, ils bourrent le mou du Sun avec des spoutnicks, c’est une véritable abomination pré-nuptiale d’emberlificotage définitif. Elle n’en finit plus d’enfiler ses eggy perles, elle ramène toute sa niaque pour «Wiggy Giggy» et ça marche tout de suite, c’est même magique, bien sonné des cloches, elle a tout, la prestance, le power, la Big Muff, elle chante au sucre candy sur le beat des forges. Aujourd’hui, c’est inespéré d’entendre des gens aussi doués. Et ça continue dans l’eggy de borderline avec «Dickhead», ils foncent dans le trash comme des taureaux devenus fous et elle renvoie son dickhead rouler dans le son. On reste dans l’extrême power eggy avec «I Shouldn’t Have Said That». Elle ramène du riff à la pelle sur le beat de David Blackwell. C’est du génie pur. Il faut voir avec quel aplomb elle allume ses cuts, elle les prend un par un et à chaque fois, boom ! «Return Of Witchcraft», «I’m With You», tout est bien destroy oh boy ! Ils ramènent du pouvoir US dans le son de Lancaster. On se croirait à Detroit. On entend des machines dans «Witchcraft», elle est parfaite en sorcière moderne, elle vole sur une guitare en forme de balai, ça monte soudain et ça explose dans l’espace. Puis elle explose «By Sea», elle cisaille le son avec ses power chords, elle ramène de la pop de rêve et tout le power des Sex Pistols dans la mouvance de sa pertinence - Why don’t you show here - Elle est complètement dingue, elle devient sans même s’en rendre compte la sixième merveille du monde, mais en attendant, elle se contente de la couronne de reine de Lancaster, c’est déjà pas mal. Elle allume sa power pop avec une distance effarante et cette classe qui n’appartient qu’aux blondes d’Angleterre. So weird ! Elle passe au psyché avec «Let Me Observe», mais c’est vite ravagé par des lèpres de son et plongé dans des bains d’huile bouillante, ça se relève avec la gueule gonflée, let me observe. Ses plongées sont d’une brutalité sans commune mesure. Et quand tu arrives à «Would You Fuck», tu es content d’avoir écouté cet album, il est à la fois monstrueux et bien intentionné. Holly Ross est la reine indiscutable de l’extrême, l’une des artistes les plus brillantes d’Angleterre. Elle est entrée dans la légende.

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    On savait qu’elle était une grande chanteuse, mais sur le dernier album paru des Lovely Eggs, l’excellent I Am Moron, elle devient tout simplement une énorme chanteuse. Elle plonge «You Can Go Now» dans une saumure de Big Muff et du coup elle étend son empire sur l’Angleterre. Elle est la nouvelle égérie du Big Muff Sound. Puis elle s’explose les ovaires avec «This Decision», elle hurle en plein air, elle devient spectaculaire, elle grimpe au sommet du lard fumé et devient complètement folle. Et le diable sait si on adore les folles. Elle ramène encore une énergie dementoïde dans «The Digital Hair». Elle est aux commande du big blast d’Egg. L’album propose d’autres cuts relativement intéressants comme ce «Long Stem Carnations» d’ouverture de bal. Elle est invincible, elle base tout sur de fières dynamiques alors forcément, on la prend très au sérieux. Il n’est pas impossible qu’elle devienne un jour une superstar de l’underground britannique. Elle sait cuisiner la flambée de son («Bear Pit») et le wah up («I Wanna»). Elle excelle dans l’exercice du relentless. Elle est même capable de taper dans le heavy trash punk («Insect Repellent»). Fabuleuse Holly Ross ! The trash queen of Lancaster.

    Signé : Cazengler, œuf à la coke

    Lovely Eggs. If You Were Fruit. Cherryade 2009

    Lovely Eggs. Cob Dominos. Egg 2011

    Lovely Eggs. Wildlife. Egg 2012

    Lovely Eggs. This Is Our Nowhere. Egg 2015

    Lovely Eggs. This Is England. Egg 2018

    Lovely Eggs. I Am Moron. Egg 2020

    Anita Banana

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    Pas facile d’exister en tant qu’icône des sixties quand on est à la fois la poule de Brian Jones ET de Keith Richards. Autant l’avouer franchement, si on lit la bio d’Anita que vient de faire paraître Simon Wells, c’est surtout pour y retrouver Brian Jones. Simon Wells se bat héroïquement pour brosser d’Anita le portait d’une femme de caractère et d’une égérie, mais c’est Brian Jones qui sort grandi de ce book : il n’a jamais été aussi dramatiquement magnifique.

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    She’s a Rainbow: The Extraordinary Life of Anita Pallenberg est un vibrant hommage à Brian Jones et à ses drogues, à Brian Jones et à ses fringues, à Brian Jones et à sa classe, avec comme point d’orgue les trips en Bentley jusqu’au Maroc, à l’époque où les Stones fuient l’acharnement de l’establishment britannique.

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    La relation qu’entretiennent Brian Jones et Anita ne dure que deux ans (1965-1967) mais elle occupe la moitié du book. Wells dit qu’ils forment le couple parfait du Swingin’ London. Brian Jones qui est le membre le plus énigmatique des Stones se retrouve dans une Anita toute aussi mystérieuse - The pair would become Swinging London first alpha couple. Alors que Brian Jones se pavanait comme un paon, the neo-European androginity d’Anita captait l’attention - Oui car Anita vient d’une famille allemande un peu aristo et à l’époque où elle met le grappin sur Brian Jones, elle a déjà fricoté avec Fellini en 1959, et avec Andy Warhol en 1963, comme d’ailleurs Nico avec laquelle elle ne s’entend pas très bien. Trop de poins communs ? Of course.

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    Oui, en 1963, Anita et son boyfriend Mario Schifano ont rencontré la crème de la crème du gratin dauphinois new-yorkais : Gregory Corso, Ferlinghetti, Terry Southern, William Burroughs, ils ont vu jouer Charlie Mingus et Monk. Et puis Warhol qui a 35 ans, et le Living Theater, une rencontre qui va la diriger sur Artaud. Un Artaud qui reste central, quelque soit le milieu ou l’époque. À Paris, Anita fréquente Donald Cammell et sa poule Deborah Dixon. C’est la découverte du libertinage - dodgy situations, especially on the sex side - Anita rend hommage à Cammell, lui accordant des trésors de fantaisie et d’imagination. Donald a un frère, David, qu’on va retrouver plus tard, au moment de Performance. L’un des amis d’Anita à Paris n’est autre que Stash de Rola, le fils de Balthus. Elle le voit pour le première fois en 1964, dans l’appartement du philosophe Alain Jouffroy. Stash : «Vince Taylor et moi étions au lit avec ce très beau modèle américain, Johanna Lawrenson, qui était une amie d’Anita. C’était le matin et en se réveillant on a vu cette fille, Anita, qui nous regardait, debout dans un rayon de soleil, en souriant, with this amazing, irresistible barracuda smile.»

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    ( Stash... )

    L’un des poins forts du Wells book, c’est le récit détaillé qu’il fait des virées nocturnes de Brian Jones. Pâques 1965, les Stones jouent à l’Olympia. Après le concert, les Stones se dispersent, mais Brian Jones recherche ce que Wells appelle a more exclusive company. Un petit groupe se forme avec Françoise Hardy et Jean-Marie Périer, Stash de Rola qui est le fils de Balthus, Anita et Zouzou qui, comme Anita, est modèle à Paris chez Catherine Harley, la fameuse agence du Passage Choiseul, dont font aussi partie Anna Karina, Amanda Lear, Nico et Marianne Faithfull. Et donc, ce soir de Pâques 1965, Wells nous fait monter dans la bagnole avec Brian Jones - Courtesy of his aspirant middle-class background, Brian enjoyed a more elevated company - both intellectual and aristocratic. The elegant troupe that left l’Olympia that April night was evidently his sort of people - Ils vont d’abord chez Castel, puis vont finir la nuit dans un nuage de marijuana chez Donald Cammel et Deborah Dixon. À l’aube, la petite troupe raccompagne Brian Jones jusqu’à son hôtel et Zouzou reste avec lui. Anita devra attendre son tour.

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    Elle parvient à s’infiltrer dans le backstage des Stones quelques mois plus tard et voit Brian Jones étalé sur un sofa. Il porte un col roulé et un jean blancs : «Même sans ses chaussettes, Jones was easily the most stylish member of the band.» Anita flashe sur lui - Brian was very well spoken, soft-spoken, il parlait bien l’Allemand, ses manières me captivaient, il voulait capter l’attention des gens en parlant. C’était quelqu’un de sensible, de très évolué, totally ahead of his time, but also part of another time. The dandy with his clothes and all of that - Elle a bien raison de flasher, la petite Anita, car elle a sous les yeux la rock star par excellence. Elle ajoute que Brian était very unusual, il sortait de l’ordinaire, il était très attirant, il ressemblait d’une certaine façon à une fille. Alors que les autres Stones semblaient avoir peur, Brian était prêt à aller dans des endroits bizarres - Except for Brian, all the Stones at that time were suburban squares - Ils vont former un couple mythique, Anita devenant en quelque sorte le reflet de Brian Jones. Pendant la première nuit qu’ils passent ensemble, Brian sanglote. Il est déjà sous pression. Il se plaint de Mick and Keef qui font bande à part - they had teamed up on him - Anita comprend confusément que Brian Jones ne fait plus le poids dans les Stones, même s’il en est le membre fondateur, et elle doit l’aider à mettre en avant les autres aspects de sa personnalité. Marianne Faithfull indique qu’Anita joue un rôle considérable dans les Stones à cette époque, les faisant évoluer du statut de bad boys vers un statut plus enviable de renaissance men. Selon Marianne, les Stones sont devenus les Stones grâce à Anita. Elle serait à l’origine de la révolution culturelle qui a lieu à Londres et qui rapproche les Stones de la jeunesse dorée.

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    Brian Jones a partagé quelques temps une maison de Belgravia avec des membres des Pretty Things, puis en mars 1965, il s’est installé à Chelsea au 7 Elm Park Lane. Il y reçoit les mères de ses enfants (Pat Andrews et son fils Mark, Linda Lawrence et son fils Julian), puis Zouzou et surtout Nico qui l’initie aux mystères de sexe. Puis Anita s’installe à Elm Park Lane et découvre Brian au quotidien, nasty and sexy - Il lisait des livres du vieil Anglais qui disait être le diable (Aleister Crowley). J’ai dit à Brian que j’avais connu le diable et qu’il était allemand - Comme Nico, Anita est née en Allemagne pendant la Seconde Guerre Mondiale.

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    Ils forment un couple fascinant, Brian porte les fringues d’Anita et Anita celles de Brian. Ils paradent dans Londres, affichant un look d’aristrocrats from another age. Brian vient de racheter la Rolls Siver Cloud de George Harrison. Anita lui choisit des fringues : «Costume noir à rayures rouges et blanches, chemise rose, pochette et cravate écarlates. Le tout acheté à New York. Chaussures deux tons achetés sur Carnaby Street.» Puis ils commencent à se chamailler. Ils se chamaillent à propos de tout : les voitures, les prix, les menus. Alors que Brian commettait l’erreur de vouloir avoir le dernier mot, c’est Anita nous disent les témoins qui l’avait systématiquement. Christopher Gibbs dit même qu’elle était un peu une sorcière, car elle savait très bien ce qu’elle faisait. Ils en viennent aux mains et on tombe sur le fameux épisode du poignet cassé, lors du premier trip marocain, en 1966 : en voulant foutre une trempe à Anita, il la rate et frappe le châssis alu de la fenêtre. Il passe une semaine dans une clinique de Tanger. Anita lui pardonne, elle sait qu’il est fragile : «Chaque fois qu’il essaye de me faire du mal, c’est lui qui se fait du mal.»

    C’est Bryon Gysin qui initie Brian aux flûtes de Joujouka. Bryon les fait jouer dans son restaurant, the 1001 Nights et Brian’s eyes are flashing like airplane lights.

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    Fin 1966, le couple s’installe au 1 Courtfield Road, cet endroit mythique du Swinging London dont parle longuement Marianne Faithfull dans son autobio. Robert Fraser : «Courtfield Road was the first incredible place in that London scene.» Ils carburent tous au LSD. Les philosophies occultes et les rites magiques deviennent la nouvelle tendance dans les cercles branchés. On va acheter des livres chez Indica au 6 Masons Yard, une librairie montée par Barry Miles, John Dunbar qui est le premier mari de Marianne Faithfull et Peter Asher. Brian et Anita collectionnent les classiques de l’occultisme, The Golden Dawn, The Golden Bough, les œuvres complètes de Madame Blavatsky et bien d’autres curiosités. L’autre grande présence à Courtfield Road est le LSD. Brian et Anita entretiennent une relation suivie avec le LSD. Keef se joint à eux - Richards was strongly in tune with acid’s vibrations and an aloof triumvirate was created - Keef va même s’installer à Courtfield Road. Ils forment aussi un triumvirat avec Tara Brown. Dans le chapitre des équipées sauvages dans la haute société, Wells cite aussi l’après-concert de Bob Dylan au Royal Albert Hall en 1966 : Dana Gillespie invite Brian et Anita chez elle. Comme Marianne Faithfull et Anita, Dana vient d’un similarly aristocratic pan-European background.

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    Anita a cessé de faire le mannequin pour Catherine Harlé, mais elle entame une carrière d’actrice. Quand elle va tourner en Allemagne Vivre À Tout Prix pour Volker Schlöndorff, Brian Jones la rejoint en Rolls. Le chauffeur s’appelle Tom Keylock. C’est là que Brian fait scandale car pour les besoins d’une séance photo avec Anita, il porte un uniforme d’officier SS. La presse s’énerve et souligne le mauvais goût de cette excentricité. Alors Brian déclare qu’Anita et lui étaient sous LSD. Anita dira plus tard que l’idée était d’elle : «C’était une idée douteuse, but what the hell... He looked good in an SS uniform.»

    L’un des proches des Stones s’appelle Tara Browne, riche héritier des brasseries Guinness. Il se tue en décembre 1966 au volant de sa Lotus Elan à Londres. Son amie Suki Potier sort indemne de l’accident. Alors pour surmonter leur chagrin, Anita, Brian, Keef et sa poule d’alors, Linda Keith, se retirent à l’Hôtel George V, à Paris, et font une consommation massive d’amphétamines et de cocaïne, seulement interrompus par les dindes farcies du room service.

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    Début 1967, les stups persécutent les Stones. C’est le fameux Redland drug bust, chez Keef. Les Stones ne sont même pas incarcérés. Keef : «The best idea was to get the fuck out of England.» Donc, sauve qui peut les rats, il décident de repartir au Maroc. Le voyage s’impose d’autant plus que Brian se met en danger avec une consommation massive de drogues. À cette époque, le Maroc a la réputation d’une terre d’asile pour tous les gens bizarres et les réprouvés - the weird, the perverse and the hunted - Des écrivains célèbres se sont installés à Tanger : William Buroughs, Jack Kerouac, Truman Capote, et Joe Orton. Il faut ajouter à cette liste le compositeur Paul Bowles. Certains membres du cercle des Stones partent en avion, et d’autres en voiture, pour ne pas attirer l’attention des flics. Tom Keylock, Brian, Anita et Keef descendent en bagnole, à bord de Blue Lena, la dark-blue Bentley de Keef - a limited edition S3 Continental Flying Spur, l’un des 68 modèles montés pour la conduite à droite - L’arrière de la Bentley est aménagé comme un salon berbère. Brian et Anita tapent dans les réserves d’herbe, de poudre et de pills dont est chargée la Bentley. Keylock conduit et Keef est assis devant, à côté de lui. Sur la route, Brian crache du sang et ils le déposent dans un hôpital à Toulouse. Et c’est là que les ennuis commencent, car Brian a vu qu’il se passait un truc entre Keef et Anita. Il a raison de s’inquiéter, car Anita ne cache plus son attirance pour Keef. Pendant que Brian se fait soigner à Toulouse, Keylock reprend le volant, direction l’Espagne. Cette fois Keef est à l’arrière avec Anita qui ne peut vraiment pas s’empêcher de lui tailler une petite pipe. C’est plus fort qu’elle. Keylock écrit dans son journal : «It’s all getting very friendly in the back seat.» Chargé de surveiller Anita, Keylock cafte tout quand Brian les rejoint à Gibraltar. Il est mis au courant des moindres détails. Les choses ne vont pas s’arranger. Les vacances au Maroc se présentent très mal. Dans la Bentley, ça pue l’embrouille. Mais Anita est encore officiellement la fiancée de Brian Jones. C’est d’autant plus compliqué qu’elle et Keef ont eu ce qu’on appelle communément un coup de foudre.

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    Pour tous ces Américains qui voient les Stones débarquer à Tanger, c’est un régal. Bryon Gysin flashe sur «Brian’s broad talents and revolving moods». Il décrit leur arrivée chez lui, dans la maison qui surplombe la baie de Tanger : «Il y avait Mick et un Keith saturnien qui louchait sur la minijupe d’Anita Pallenberg, et Brian Jones avec une frange de cheveux roses couvrant les petits yeux rouges de lapin.» Cecil Beaton les décrit aussi autour de la piscine : «Les trois Stones, Brian Jones et sa girlfriend Anita Pallenberg - visage blanc et sale, yeux sales au beurre noir, coiffure jaune canari sale non peignée, bijoux barbares, Keith Richards en costume du XVIIIe siècle, long manteau en velours noir et pantalon moulant, et bien sûr Mick Jagger.» Keef continue d’avoir Brian à l’œil, car il voit bien qu’il commence à dérailler - He was becoming increasingly vicious - Un soir Brian propose à Anita une partie carrée avec deux prostituées berbères couvertes de tatouages et de piercings primitifs. Elle est choquée. Et quand Keef voit un soir Anita arriver avec les yeux au beurre noir, il lui propose de la ramener à Londres.

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    Keef s’en sort comme il peut avec cet épisode pas terrible : «C’était pour la sauver, pas pour la piquer à Brian. Ce qu’il lui faisait subir me dégoûtait. Je savais qu’il n’existait plus aucun lien d’amitié entre nous trois, Brian, Mick et moi. Anita en avait marre de lui. Et en plus, Anita et moi étions really into each other.» Keef ajoute que pendant cette dernière shoote entre Brian et Anita, Anita n’a pas été la seule à recevoir des coups : «Anita lui a rendu coup pour coup, elle lui a pété deux côtes et un doigt.» Et hop, ils repartent en Bentley, abandonnant Brian tout seul à Marrakech. Alors pour l’aider à surmonter l’insurmontable, Bryon emmène Brian au marché Jemaa el-Fnae, espérant que les flûtes de Joujouka vont le distraire de l’enfer dans lequel il a commencé de rôtir. Mais à l’hôtel, il s’effondre. On le transporte dans l’une des chambres libérées par les Stones. La rupture avec Anita diront certains va endommager Brian sérieusement, et même peut-être de façon irréversible. Anita était en fait la seule femme qu’il ait aimé, dit le père de Brian. Après la rupture, il a changé du tout au tout. «Ce jeune homme enthousiaste est devenu un être morose et nous fumes choqués de son apparence physique en le revoyant. Il n’est jamais redevenu le même.» Paul Trynka qui signe une bio de Brian Jones ajoute que la manière dont ils se sont débarrassés de Brian au Maroc «était exceptionnellement brutale et inhumaine, but they were just young.»

    L’infamie ne s’arrête pas là : quand Anita revient à Courtfield Road récupérer ses affaires, elle en profite pour emplâtrer la moitié du stock de hasch de Brian. Quant à Keef, il se sert et embarque une bonne partie des albums de Brian - A good proportion of Jones’ cherished library of albums - Là on touche au fond. Brian ne leur pardonnera jamais cette trahison : il dit à qui veut l’entendre : «First they took my music. Then they took my band and now they’ve taken my love.» Une citation que reprendra Anton Newcombe pour rendre hommage à Brian Jones dans l’un des albums du Brian Jonestown Massacre. C’est une véritable tragédie shakespearienne. On a raconté ici et là que Brian Jones avait été victime de son auto-destruction. Comment peut-on dire une telle connerie ? De son vivant, la plus brillante incarnation du Swinging London rôtissait en enfer. Ses petits copains Mick and Keith ne lui ont épargné aucune humiliation. Beaucoup plus que Keith Richards, Brian Jones pouvait se réclamer du fameux When I die I’ll go to heaven cause I spent all my life in hell.

    Puis Anita s’installe avec son deuxième Rolling Stone. Wells marche sur des œufs pour aborder ce chapitre. Magnanime, il attribue à Keef a modest libido, estimant qu’il préfère une relation suivie avec une seule femme plutôt que l’anarchique profusion de pots de miel générée par la célébrité. Une fois qu’il a rompu avec Linda Keith, Keef se rend disponible pour une nouvelle aventure, et comme il vit un temps à Courtfield Road avec Brian et Anita, la nouvelle aventure ne va pas se faire désirer trop longtemps. Pourtant au début il dit faire gaffe. Il se dit attiré par Anita, mais il veut absolument préserver sa relation avec Brian. Vas-y mon gars, préserve. Mais bon une bite reste une bite, et quand tu as une poule comme Anita dans les parages, ta bite te monte vite au cerveau. Keef rappelle incidemment qu’à l’époque tous les mecs louchaient sur Anita. C’est vrai : quand on la voit à poil dans Perfomance, on se lèche les babines : super cul et super seins, une vraie bombe sexuelle ! Mais attention, Deborah Dixon indique qu’Anita était beaucoup plus sophistiquée que Brian qui lui était beaucoup plus sophistiqué que Keef. Donc c’est pas gagné.

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    Et voilà que Keef se met à porter des bracelets, des écharpes, des bagues, des colliers et même du khôl autour des yeux. Wells insinue qu’Anita le re-définit. Elle poursuit aussi sa carrière d’actrice et voilà que Donald Cammell lui propose l’un des rôles principaux dans Performance. Keef n’aime pas Cammell, il sent que c’est un manipulateur - sa seule passion was fucking other people up - he was the most destructive little turd I’ve ever met - Keef le hait et il propose du blé à Anita pour qu’elle ne fasse pas le film. Mais Anita veut poursuivre sa carrière. Ce sera au tour de Keef de rôtir en enfer, car il sait que dans certaines scènes, Anita doit aller au pieu avec Jag et la petite Michèle Breton, tout le monde à poil et la consigne de Cammell est de ne pas faire semblant. Il tourne en caméra vérité. Keef dit que certains soirs, il fait amener la Blue Lena devant la maison où est tourné le film, mais il n’ose pas entrer de peur de voir ce qu’il ne veut pas voir, Anita au pieu avec son collègue Jag - Tony Sanchez : «His world would crumble as surely as Brian’s had» - Keef ne veut pas se faire baiser comme Brian. Il préfère faire l’autruche. Il pense bien sûr à l’autre, là le Jag qui comme tout le monde ne rêve que d’une chose : baiser Anita Pallenberg, ce qu’il va bien sûr pouvoir faire, puisque Cammell l’envoie séjourner à poil au pieu avec elle. Comment peut-on résister à ça ? Perfide, Anita se dit fidèle à son homme et nie toute baisouillerie, mais des chutes de montage attestent du contraire.

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    Bon alors Performance, parlons-en. On se demande bien pourquoi ce film est devenu culte. Donald Cammell n’est ni Scorsese ni Polanski et encore moins Abel Ferrara. La réputation de violence du film est un peu surfaite. Abel Ferrara en aurait fait quelque chose de plus consistant. James Fox fait partie d’un gang de racketteurs londoniens. Ces gangsters londoniens que filment Cammell et Nicholas Raeg n’ont aucune crédibilité. Quand des mecs passent James Fox à tabac et le violent, la scène est d’une pénibilité sans nom. James Fox trouve refuge dans l’entresol de la maison où vit Turner/Jagger avec deux femmes, Anita et Michèle Breton. Elles sont pour la plupart du temps à poil et le parfum de décadence voulu par Cammell brille par son absence. C’est un film d’une grande indigence, aussi bien au niveau de l’image, du rythme que de l’écriture. Fox déclare dans la presse que sur le tournage, Jag et Anita démarraient une relation. Jag aurait demandé à Anita de virer Keef et elle aurait refusé. Cammell avait en outre demandé à Jag d’incarner deux personnages : Brian, androgynous, druggie, freaked-out, et Keith, hors-la-loi, auto-destructif, tough. Et du coup, Jag va si bien jouer le jeu qu’Anita va tomber sous son double charme. Le film a une réputation si détestable qu’il va rester coincé pendant des années. Lors d’une projection privée, l’épousé d’un producteur exécutif vomit de dégoût sur les pompes de son mari. Un autre spectateur remarque que dans le film tout est dégueulasse, y compris l’eau du bain où s’ébattent Jag, Anita et Michèle Breton. C’est en effet ce qu’on voit. Quand il sort en salle, le film est descendu par la critique. Keef parvient à choper la fameuse K7 des chutes de montage et comme le dit si bien Wells, he was incandescent at what he saw. Mais ça ne l’empêchera pas de faire des gosses à cette roulure. Il l’a dans la peau.

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    De Performance à l’hero, il n’y a qu’un pas que Keef et Anita franchissent allègrement. Ils commencent par des speeballs, une pratique que Wells rattache à l’arrivée de Dylan à Londres en 1966. Quand Keef commence à se shooter, il ne fait pas d’intraveineuses, il se pique dans les muscles du dos. C’est sa technique. Puis ils prennent le rythme et Anita monte jusqu’au tiers de gramme par jour. C’est dans cette période que Kenneth Anger fait irruption à Londres et s’infiltre dans le cercle des Stones. Il se rapproche aussi de Donald Cammell dont le père Charles fut ami et biographe d’Aleister Crowley. Mais Wells ne s’étend pas trop sur le chapitre de l’occulte, du moins pas autant que Mick Wall le fait dans sa bio de Led Zep, puisque Jimmy Page est lui aussi un fervent admirateur d’Aleister Crowley. Un autre Américain arrive à Londres : Marshall Chess que les Stones nomment à la tête de leur label. Chess va vivre un an chez Keef et Anita à Cheyne Walk, Chelsea. Keith et Anita ont déjà Marlon. Puis en 1976, Anita met au monde son deuxième fils, Tara Jo Jo Gunne Richards qui va mourir pendant son sommeil. Elle mettra ensuite au monde Dandelion Angela pour laquelle Keef va composer Angie.

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    Et puis voilà l’autre grand épisode de la saga Keef/Anita : Nellcôte. Menacés de faillite par les impôts britanniques, les Stones doivent une fois de plus fuir leur pays. C’est le Prince Rupert Loewenstein qui s’occupe de leurs finances et il leur recommande d’aller s’installer en France : à partir du moment où on paye ce qu’on doit, les flics ne sont pas très regardants. Tout le monde décampe, direction la côte d’azur, the French Riviera - A sunny place for the shady people (Sommerset Maugham) - Et là, Wells nous fait le stupéfiant portrait d’Anita en femme d’intérieur, ou plus exactement en house guest. C’est elle qui doit gérer Nellcôte, embaucher le personnel, choisir la bouffe pour tout le monde tous les jours, il y a des tas d’invités de passage et pas de passage, c’est table ouverte, vingt à trente personnes. Un peu euphorique, Wells se marre avec des petites formules du style La Belle Epoque meets Grand Guignol. La villa se trouve à Villefranche-sur-Mer, tout près de Nice. Wells rappelle que la villa Nellcôte fut pendant la guerre une officine de la Gestapo, donc on trouve des trucs à la cave. Un jeune photographe nommé Dominique Tarlé vient faire un jour faire quelques photos, il accepte de rester le soir et finira par séjourner six mois à Nellcôte. En plus de la bouffe et de l’entretien, Anita doit s’occuper des enfants. Elle fait restaurer la cuisine et embauche un chef. Comme elle parle plusieurs langues, elle gère tout, y compris les fournisseurs. On ne sert qu’un seul repas par jour, vers 18 h, a big meal, tout le monde fume des joints à table et la nuit, on enregistre. Le séjour dure neuf mois et la liste des gens de passage est impressionnante, ça va d’Alain Delon et Catherine Deneuve à John Lennon et Yoko Ono, Terry Southern et Williams Burroughs. Puis les choses se dégradent quand des petits dealers locaux s’installent dans un pavillon au fond du jardin. Encore une mauvaise idée d’Anita. Là ça devient ingérable, les mecs entrent dans la villa et chourent tout ce qu’ils peuvent, des guitares, des bijoux, du cash, c’est un paradis pour les voleurs. Keef le vit mal car une douzaine de ses guitares disparaissent, dont sa Telecaster préférée. Puis des rumeurs de trafic de drogue commencent à circuler et les poulets s’en mêlent. Les Stones vont devoir une nouvelle fois filer à la cloche de bois, en laissant tout sur place.

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    Et puis la relation entre Keef et Anita se détériore. Ils font de la détox tous les deux et comme chacun sait, la détox réactive la libido. Keef recommence à avoir les mains baladeuses, mais pas avec Anita qui a pris du poids et qui n’est plus trop baisable. Keef préfère les formes rebondies d’un mannequin nommé Ushi Obermaier, encore une Allemande, décidément. Anita s’installe à New York et doit se contenter de demi-portions comme Richard Llyod, ce qui quand même laisse songeur, quand on sait qu’elle s’est tapée Brian Jones ET Keith Richards. Mais officiellement, Keith et Anita sont toujours ensemble. Ils ont une maison de famille à South Salem, jusqu’au moment où un jeune mec nommé Cantrell qui est amoureux d’Anita se tire une balle dans la tête avec l’un des calibres de Keef. C’est la fin de la relation entre Keef et Anita. Keef vend la baraque. Chacun pour soi et Dieu pour tous. De toute façon, les enfants sont grands. Donc bye bye Anita. Il y a eu assez de catastrophes comme ça. Brian Jones, Tara, Cantrell, ça suffit.

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    Anita et Keef ont maintenant des petits enfants. Ils se revoient de temps à autre dans des réunions de famille. Keef avoue qu’il reste quelque chose du sentiment qui les unissait avant. Il dit qu’il aime Anita mais qu’il ne peut pas vivre avec elle - And we’re proud grandparents, which we never thought we’d ever see - Eh oui, quand Anita et Keef ont eu Tara et Angela, ils étaient junkies et personne n’aurait misé un seul kopeck sur leur avenir, vu la gueule de morts vivants qu’ils tiraient. Keef va même réussir à survivre à Anita. Elle casse sa pipe en 2017. C’est à Keef que revient l’honneur du dernier mot, chance que n’eût pas le pauvre Brian : «Long may she not rest in peace, because she hates peace !»

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    Signé : Cazengler, Pellenberk

    Simon Wells. She’s a Rainbow: The Extraordinary Life of Anita Pallenberg. Omnibus Press 2020

     

    In Mod we trust - Part One -

    Piller (re)tombe pile

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    Eddie Piller tombe toujours pile. Pas de filler chez Piller. Eddie Piller est certainement le plus habilité de tous à inaugurer cette exploration intensive du Mod World que va proposer dans les prochains mois l’In Mod we trust. Par l’arrogance de sa suffisance, cette chronique des temps MODernes ne manquera pas de trahir une coupable mais massive consommation de paires d’uppers, absolument nécessaires pour d’une part écouter les Jam sans s’endormir et d’autre part doter la plume d’un tonus capable de l’envoyer valdinguer comme un vulgaire scooter dans le premier virage. Tous ceux qui sont montés là-dessus savent que le scoot est l’un des meilleurs moyens de se casser la gueule.

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    Annoncé dans la presse anglaise à grands renforts de tambours et de trompettes, Eddie Piller Presents The Mod Revival est une box indispensable à toute cervelle encore un peu rose. Pour plusieurs raisons. Un, Piller tombe toujours pile. Deux il écrit lui-même son texte de présentation, et ce qu’il écrit tombe toujours pile. Trois, il nous propose avec les cent titres répartis sur quatre CDs une sélection qui est la sienne et qui ne fait pas trop double emploi avec l’autre Mod Box déterminante, Millions Like Us, qu’un Part Two va se charger d’éplucher.

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    Eddie Piller fait remonter le Mod Revival aux early mid-seventies et cite trois groupes en référence : Dr. Feelgood, The Hammersmith Gorillas et Eddie & The Hot Rods. Et pouf, il présente le teenage Mod Jesse Hector qui dans cette période avait transformé his sixties obsession into a hard and angry mod-influenced rock band. Il cite aussi The Radio Stars fronted by the John’s Children mod face Andy Ellison. Puis bien sûr, il embraye sur les Jam qui fut le premier Mod revival band à émerger en 1977, suivi de près par les Écossais de The Jolt. Puis il évoque la formation en 1978 de The New Hearts avec Dave Cairns et Ian Page, qu’Eddie connaît bien puisqu’il grandit dans le même coin qu’eux, à Woodford. Des New Hearts qui par la suite allaient devenir Secret Affair. Il situe une autre source à l’origine du Mod revival dans le booklet de Quadrophenia, paru en 1973 - while completely no-mod in its creative musical style - Selon Eddie Piller, le booklet donna à des milliers de kids their first glimpse of the exotic and forgotten world of the mod. Scooter, target T shirts, feathercut hairstyles and the ubiquitus US Army parka - Le booklet allait aussi donner aux kids américains their first taste of this very British phenomemnon. Puis c’est l’apparition en 1978 des Mekons et de Gang Of Four, et à quelques rares exceptions près (Gary Bushell dans Sounds et Adrian Thrills dans le NME), les journalistes ignorent complètement la naissance du Mod revival. C’est en février 1979 que le mod revival devient le Mod Revival, quand les Jam viennent jouer à Paris, suivis par 50 ou 60 early London mods. Puis ça explose en Angleterre - Suddenly mod was everywhere - Chords, Secret Affair, les Jam, Long Tall Shorty, tout ça au Marquee, in the wake of the maximum r’n’b. En 1979 paraît le fameux Mods Mayday, avec 6 groupes, dont les Merton Parkas et les Chords, enregistrés live. Côté labels, c’est la curée. Tout le monde veut rééditer l’exploit de Stiff avec «New Rose». Jimmy Pursey tombe amoureux du Mod Revival, qu’il voit plus working class que le punk. Il signe sur son label les Chords, les Low Numbers et Long Tall Shorty. Mais comme le dit Eddie, les choses ne sont jamais simples avec Jimmy Pursey qui va voir son business s’écrouler. Secret Affair a plus de chance, puisque leur manager s’appelle Bryan Morrison, un vétéran du Swinging London que Piller qualifie de powerful. C’est aussi en 1979 qu’apparaît la fameuse ska-scene. Tout va bien jusqu’en 1982 : Paul Weller arrête les Jam alors qu’ils sont at their peak. Terminus, tout le monde descend - Mod just went back underground - Et c’est là qu’Eddie situe la deuxième vague du Mod Revival avec Makin’ Time, The Prisoners, The Times, Small World, Fast Eddie et The Moment. Une deuxième vague qui dure six ans, until the 1988 acid house explosion that destroyed British youth culture as we knew it. Deux ans plus tard, Mod was still there but it had changed. Les Prisoners étaient devenus deux groupes : le James Taylor Quartet et les Prime Movers, et Makin’ Time avait engendré les Charlatans - Bizarre qu’Eddie Piller oublie de citer Fay Hallam - Puis c’est la Britpop, plus rien à voir. Eddie Piller termine sur une grosse bouffée de nostalgie : «And the broad church of Mod, in its many forms is still with us today - but nothing, and I mean nothing could replace the sheer excitement of that first summer of 1979. The twisted wheel keeps on turning.» Magnifico.

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    Maintenant la box. Le disk 1 démarre avec The Jam et «I Got By In Time». Désolé Eddie, mais ce n’est pas révolutionnaire. C’est trop énervé et chanté comme ça peut. Pas bien stable dans les virages. Par contre, The Jolt passe comme une lettre à la poste. «I Can’t Wait» est plus décidé à vaincre, bon d’accord, le gratté d’accords ne vaut pas celui des Who, mais ils développent une belle énergie, hey hey hey ! Le relentless de leur Mod rock sent bon le reviens-y. Cette box est passionnante car Piller offre un panorama assez complet en allant piocher à droite et à gauche, comme par exemple chez les Inmates, simplement parce qu’il aime bien leur son, notamment cette reprise de «Dirty Water». En fait, ce qui frappe le plus sur cette box, c’est que non seulement elle grouille de pépites, mais elle regorge aussi d’énergie, elle tient bien la distance des 100 cuts, on ne s’ennuie pas un seul instant et petite cerise sur le gâteau, on fait de sacrées découvertes. Car Eddie Piller nous fait écouter sa collection de singles, et c’est une véritable caverne d’Ali-Baba. Si tu en pinces pour le son, pour l’énergie, pour la découverte, cette box te tend les bras. La bombe du disk 1, c’est «Your Side Of Heaven» par Back To Zero : bien riffé dans la gueule du rock, down in London town, ce hit s’élève dans le fog comme un totem Mod. On retrouve bien sûr les Purple Hearts avec «Frustration», on sent battre le heartbeat Mod, c’est bien amené, just perfect. Belle surprise avec l’«Only A Fool» des New Hearts qui sonnent comme des Américains de London town, et ils ramènent un son incroyable, c’est puissant et chanté à outrance, on comprend qu’Eddie Piller puisse adorer ça. Pur Mod Sound avec l’«Opening Up» de The Circles, ils font du hymnique pur bien orienté vers l’avenir. Il existe forcément un groupe qui s’appelle The Mods. Les voilà avec «One Of The Boys», alors bienvenue au paradis des Mods, ils vont vite en besogne. Eddie Piller choisit bien ses groupes. Tout est basé sur le niveau d’énervement, c’est tapé dans la cuisine, ces mecs sont les rois du raw. Encore une révélation avec Tony Tonik et «Just A Little Mod», il chante d’une voix de Master & Commander, un vrai Moddish king of the saturday nite, Eddie Piller a raison de le ramener dans l’arène, Tony Tonik tient bien le choc. Bizarrement, les Chords ne marchent pas dans cet environnement, ils sonnent comme des libellules, alors qu’ils sont très puissants. Chris Pope visait la perfe avec «The British Way Of Life», cut balèze mais trop délicat dans le contexte de cette pétaudière. Pareil, les Teenbeats ne marchent pas non plus : trop énervés pour monter sur des scooters, trop punk, mais il s’agit d’un punk à l’anglaise, assez working class, no way out, oui, mais avec un certain esprit gluant. Les punksters anglais ont un éclat que n’auront jamais les punksters américains. Speedball est là aussi avec «No Survivors», ils foncent dans le tas, on y reviendra. Tiens voilà The Cigarettes avec «They’re Back Again Here They Come». Le mec chante à la Rotten, il fait un punk Mod de cockney downhome. On retrouve aussi les excellents Long Tall Shorty, assez cultes en Angleterre. Ils jouent leur «Falling For You» au rock’n’roll high energy. Quant au «Don’t Throw Your Life Away» de Beggar, c’est assez bordélique. Ah les jeunes ! Il faut bien qu’ils s’expriment, mais c’est un son de MJC avec du solo crade. Encore du son dans le «No Way Out» des Fixations. Eddie Piller a raison de ramener ces groupes dans sa box, tout est bien ici, Eddie Piller est comme Gandhi, il est le bienfaiteur de l’humanité Mod. Avec «Paint A Day», The Leepers vont plus sur la pop, mais ils ont la bénédiction d’Eddie Pïller, alors laissons-les tenter de sauver le monde. Plus loin, les Two Tone Pinks s’exacerbent avec «Look But Don’t Touch», c’est très anglais, très skabeat, mais c’est mal chanté et on retourne à la MJC avec les Elite (sic) et «Get A Job». Eddie leur donne une chance d’exister, c’est du sans espoir qui a le mérite d’exister.

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    Eddie Piller lance son disk 2 avec Secret Affair et «Let Your Heart Dance». Boom ! Ces démons de Secret Affair ont tout compris, ils ramènent des cuivres, et là tu danses, avec tes petits bras et tes petites jambes. C’est tellement parfait que ça frise le génie. Toute l’Angleterre danse et voilà qu’arrive un solo de sax ! Ils montent des gammes dans le feu de l’action. L’autre énormité cabalistique du disk 2 est «Fuck Art Let’s Dance» par The Name. C’est de l’in the face d’Ace the face drivé au big power. Ces mecs savent de quoi ils parlent. Tout est dans le drive. On retrouve bien sûr les Lambrettas et les Mertons Parkas, les premiers avec «Go Steady», bardé d’énergie juvénile et de scoot italien, fabuleux beat élastique, et les Parkas avec «Flat 19», encore plus Moddish, bien tendu, bravo Merton, Mod all over the place, chanté à l’énergie pure. «Flat 19» est l’un des grands classiques MODernes. On retrouve des cuivres dans l’excellent «Let Him Have It» de The Bureau, c’est un son tellement anglais ! Le «Does Stephanie Knows» de Squire est assez déterminé à plaire. Ce psyché Mod basé sur le Stephanie de Love est visité par les esprits et bien jointé au chant. Une autre petite merveille : «Life On An L.I?» de The Sets, battu sec et allumé au riffing perpétuel, avec un clone de Daltrey au chant et un guitariste qui se faufile entre les jambes, comme un petit serpent proto-Mod. C’est d’une qualité qui subjugue, leur tension est assez rare, alors on y revient. Big sound encore avec le «What I Want» des Donkeys. Quelle envolée ! C’est gorgé de riffing, tout ici est joué à l’énergie maximaliste, sommet du Mod blast. Superbe. Oh il ne faudrait pas oublier de saluer les Crooks avec «Modern Boys», pur jus de Whoish, les chœurs sont un hommage aux Who. Ils font une descente dans la mythologie. Même les claqués d’accords sont whoish. Eddie Piller sait pourquoi il sélectionne des trucs comme «Let Me Be The One» par The Steps : pour le shuffle de cuivres. C’est du haut niveau. Même chose pour Small Hours avec «Can’t Do Without You», c’est cuivré de frais, mais la voix est un peu forcée, dommage. Il n’empêche qu’Eddie Piller les induit dans son Hall of Fame, alors ça passe. Ça finit même par devenir assez beau. Curieux, non ? Il ramène aussi les Dexy’s Midnight Runners et «Dance Stance». On s’en serait douté. Les Dexys sont trop puissants pour ce genre de box, mais il semble logique qu’Eddie Piller puisse les admirer. Il enchaîne à la suite Nine Below Zero et Madness, qui arrivent comme des évidences. Il passe ensuite par une petite zone ska avec The Akrylyx et The Media, puis avec The Little Roosters, on échappe au Mod Sound. Les Roosters doivent être les premiers surpris de se retrouver sur la compile d’Eddie Piller. En fait, il accueille tous les chiens écrasés de la scène anglaise, et c’est bien. Les Hidden Charms sont un peu plus putassiers et plus loin, The Reaction nous envoie avec «I Can’t Resist» une belle giclée de Mod spirit dans l’œil. Ils chantent à la pointe de l’exaction, c’est excellent. Tous ces singles sont excellents. Quelle profusion ! Et ça continue avec The Killometers («Why Should It Happen To Me») et le ska des Colours («The Dance»).

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    Des quatre disks de la box, le 3 est sans doute le plus énervé. Il suffit d’aller écouter le «101 Dam-Nations» de Scarlet Party : ces mecs s’explosent la rate dans la nuit Mod, ils jouent au power d’outer space, ça sonne comme l’injonction du génie mélodique. Avec Eddie Piller, tu n’es pas au bout de tes surprises. L’autre bombe du disk 3 est le «Train To London Town» de Solid State. Ils allument bien la gueule du mythe. Merci Eddie Piller de nous ramener tous ces singles extraordinaires. L’énergie Moddish nous fend le cœur. On l’a dit, ce disk 3 grouille d’énormités, comme Mood Six avec un «Hanging Around» fabuleusement agressif, plein de son et plein d’allant. On croise rarement des groupes aussi brillants. The Onlookers amènent «You And I» au son des London Mods, avec un sens de l’ouverture extraordinaire, voilà le génie des Mods, un subtil mélange de punk et de cockney, une excellence explosive et une basse qui pouette dans le son, all along the way. Vas-y Onlooker ! T’auras jamais mieux. Avec «The More That I Teach You», Les Prisoners sonnent comme une évidence. Graham Day ne rigole pas avec le Teach You, il va même bien au-delà de Piller et de sa box, il pulse son Mod Sound à coups de nappes d’orgue et bien sûr, c’est une énormité. Encore une belle agressivité avec The Scene et «Something That You Said». Ces mecs mélangent le mad psyché au pah pah pah et ça donne une émulsion explosive. Encore du Moddish as hell avec le «Go» des Heartbeats. Ils nous font le coup du get go du coin de la rue, c’est encore une fois brillant et plein d’énergie. Eddie Piller nous déterre encore une merveille : The Risk avec «Good Together», ces arbitres des élégances font une Soul de rêve, une Soul inespérée de grandeur tutélaire, puis les Little Murders chantent un ton en dessous avec «She Lets Me Know», presque pop, mais quelle belle teneur de la ferveur, ils sautent sur le râble de leur cut. Encore du pur jus de Mod Sound avec The Kick et «Stuck On The Edge Of A Blade», c’est taillé dans la masse du beat, allumé dans la gueule, chanté à la cavalcade, infernal, trop d’énergie, tu n’entendras ça qu’une seule fois dans ta vie, alors profites-en. T’es pas prêt de revoir des groupes de ce calibre. Petits calibres et gros calibres, tout ici est invincible. Même le heavy boogie des Long Ryders qui ouvrent le bal du disk 3 avec «Looking For Lewis And Clark». Eddie Piller aime le boogie, donc ça s’explique. S’il sélectionne les Long Ryders, c’est pour leur power, rien que leur power. Avec «I Helped Patrick McGoohan Escape», les Times d’Ed Ball font du Spencer Davis group. C’est leur façon de saluer les ancêtres. On croise plus loin des VIPs qui n’ont rien à voir avec le gang de Mike Harrison. Nouvelle flambée de Mod craze avec Sema 4 et «Up Down And Around», ils nous font le coup de l’équation magique : accords + frénésie + bass drive = wild Mod sound. Les Variations d’Eddie Piller ne sont pas les Français et le «Can You See Me» de 007 déploie une belle énergie de scoot. Ces mecs ont du gusto à revendre, ils pulsent bien leur background social, avec des oh oho oh et une basse voyageuse. Avec «The Faker», The Gents impressionnent aussi, ils font leur truc, une petite Mod pop sans espoir de débouché, mais quelle fraîcheur ! Le «Can We Go Dancing» des Amber Squad sent bon le working class, avec son chant âpre et sa guitare ferrailleuse. Encore une fois, tout est bien ici, le «No Vacancies» de The Clues est assez glorieux, ces mecs chantent vraiment au coin de la rue, ils sont dans leur Mod culture avec tous les défauts et les qualités du genre, la voix est trop mâle, mais diable comme le guitariste est bon !

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    Et forcément le disk 4 grouille encore de merveilles comme «The Other Me» de Studio 68, stupéfiante dégelée envoyée par des surdoués du Mod Sound, ils mettent les bouchées doubles, Piller et sa box explosent avec Studio 68, c’est noyé d’orgue et d’élégance, on se demande vraiment d’où sortent de telles merveilles. Avec «Nor The Engine Driver», les Daggermen n’ont rien à envier aux Who, ils allument leur cut aux chœurs, c’est turgescent, you again, ces mecs jouent dans l’urgence du Whoish System, un vrai crève-cœur. Parmi les groupes les plus connus, on retrouve The Inspiral Carpets avec «Saturn 5», powerfull mélange de claviers, de basse et de fuzz, ça déborde vite, avec ce monstrueux loop de claviers. Makin’ Time est là aussi avec «Here Is My Number», et la bass attack de «Lust For Life» mais ils amènent leur truc assez vite, on comprend qu’ils soient entrés dans la légende. On se demande ce que Five Thrity fait ici et pourtant leur «Abstain» a du potentiel. Eddie Piller a de l’oreille, il a repéré Tara Milton et son dégouliné d’accords jetés dans le brasier. Sa Mod pop anglaise est un modèle. Autre groupe connu comme le loup blanc : Ocean Colour Scene avec «The Day We Caught The Train», ils naviguent dans une autre veine, plus pub rock mais bon, Eddie Piller les aime bien. Pareil pour le James Taylor Quartet, présent avec «One Way Street», big energy, ils sont bien plus puissants en instro qu’avec du chant. Et puis il y a le bataillon des moins connus, comme The Truth qui ouvre le bal du disk 4 avec «Confusion (Hits Us Every Time)», ces mecs sont bons, ils bouffent la bande passante, tout est balèze, les chœurs, les envois de renforts et les retours sur investissements, chœurs de Who et revival craze, c’est l’un des mad Mod blasts les plus réussis, maturité du chant et big sound, the Truth forever ! Eddie Piller adore les cuivres, alors voilà The Blades avec «Revelations Of Heartbreak». On le sait, les Corduroy sont les rois de l’instro avec le James Taylor Quartet et «E Type» ne fait pas exception à la règle. Ça rampe sous la carpette des Mods, ces mecs jouent la carte du heavy groove à la roulette russe, Eddie Piller a 100 fois raison de ramener ces mecs dans la box, ils sont féroces, ils jouent le shuffle à la vie à la mort. Aw my Gawd, quelle énergie ! C’est la basse qui drive ce jazz beat. Puis Mother Earth embarque «Stoned Woman» au shuffle d’orgue, ils jouent la même carte d’instro demented et la voix apparaît sur la tard. Tous les groupes de la box ont du son, et The Strangeways crèvent le plafond avec «All The Sounds Of Fear». Le Mod craze n’est pas une vue de l’esprit, c’est une culture, une esthétique, un fabuleux pactole de vie. Stupidity casse encore la baraque avec «Bend Don’t Break», une vraie petite merveille coulissante, avec des coups de trompette et des cuivres fabuleux. D’intérêt encore supérieur, voici les E-Types avec «She Changes» et les Elements finissent par échapper aux Mods avec «Caught In A Storm». Merci Eddie Piller pour cette belle box et ce «Caught In The Storm» qui finit en beauté. Tous les groupes présents sur cette box doivent être fiers.

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    Dans un Shindig! de l’an passé, Eddie Piller présente une douzaine de ses disques favoris, et chacun de ses commentaires tombe pile. Il démarre avec les Saints et «Know Your Product», nous racontant que le copain de sa mère travaille en 1978 chez EMI. Comme Eddie est malade avec la variole, il ne va pas à l’école et il écoute les 45 tours que lui ramène le dit copain. Pouf, il tombe sur «I’m Stranded» - This record changed my life - Mais il trouve «Perfect Day» encore mieux - J’aimais tellement le groupe que j’ai économisé two grand pour les suivre sur une tournée australienne quand j’avais 17 ans - Et il termine avec ça : «One of the most underrated bands of all time.» L’autre surprise, c’est Todd Rundgren avec «I Saw The Light». Il découvre ce hit quand il bosse pour la filiale anglaise de Bearsville, le label de Rundgren, qui prépare une compile. Eddie Piller se dit convaincu du génie de Rundgren. Il connaît aussi «Open My Eyes» des Nazz - He was one of the few American mods who really got the concept - Et il conclut avec l’une de ses chutes prophétiques : «One of life’s good guys.» Attention, ça monte encore d’un cran avec le «Tin Soldier» des Small Faces - Quite simply the best rock record ever recorded - Eddie nous rappelle que sa mère s’occupait du early fan club des Small Faces avant d’être virée par Don Arden - Le groupe était incroyable et si Marriott hadn’t fucked it up and opened the door to Rod, ils auraient été le biggest British band of the ‘60s (apart from the Beatles ans Stones of course) - Bon, ça chauffe encore avec The Action et «Wasn’t It You» - Reg King formed the best Brisitish mod band of all time - Il se reprend : «No, fuck that, they were the best British band of all time.» Eddie Piller est le fan number one en Angleterre, il ne mégote pas sur l’enthousiasme et c’est pour ça qu’on le vénère et qu’on l’écoute attentivement. Il rappelle en outre que George Martin pensait le plus grand bien de The Action. Eddie surenchérit : «The Action are the most criminally underrated band of all time.» Voici «Orgasm Addict» des Buzzcocks, the first band I ever saw - The post-Howard Devoto line-up was, for me at least, the perfect mod band - Angular guitars with guenine modernist sleeves. Steve Diggle is still one of my heroes - Grâce à ce single, Eddie fut renvoyé de l’école. Bon, il ramène aussi les Jam avec «I Got By In Time» - Weller and his three piece introduced me to the main motivating factor of my life, Mod - Puis il suit le groupe religieusement. Il indique au passage que Weller a toujours voulu nier le Mod Revival - He thought he was alone on his mod crusade - Il n’était pas seul, s’exclame Eddie, we were with him and there were millions like us. Il cite à la suite le «Walk On By» des Stranglers, le single qui l’a initié à l’Hammond organ. Il flashe aussi sur «Ventura Highway» d’America (Sonic genius) et sur «Lady Day And John Coltrane» de Gil Scott-Heron (This record is just one of the best dance records of all time). Il revient sur The Style Council («Shout To The Pop») qu’il qualifie de perfect pop band - Suburban jazz-funk with a super cool aesthetic and razor-sharp political lyrics - Il qualifie «Expansions» de Lonnie Liston Smith de perfection et termine avec l’«Ordinary Joe» de Terry Callier. Eddie Piller rappelle qu’il a passé six semaines en 1989 à rechercher Terry Callier, car il avait arrêté la musique pour travailler dans le bâtiment. Eddie n’avait qu’une obsession : faire redémarrer sa carrière. Il a finalement réussi à l’avoir au téléphone mais Terry ne voulait rien entendre. Mais Eddie est tenace et il a fini par le convaincre de venir jouer à Londres - The nicest man in music bar none.

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    Dans un numéro Special Mods de Vive Le Rock paru aussi l’an dernier, Paula Frost invite Eddie Piller à présenter sa box. L’occasion est trop belle de revenir sur l’historique évoqué plus haut, qu’il complète avec des petites infos pilleriques. Il indique par exemple qu’il aimait bien la scène punk, «but I became a Mod after a Stiff Little Fingers gig.» En rentrant chez lui en train de banlieue après le concert des Stiff, Eddie voit un mec bomber le mot ‘Mods’ sur un mur. Comme il ne savait pas ce que ‘Mods’ voulait dire, il va trouver le bombeur et lui pose la question. En guise de réponse, le bombeur l’invite à venir voir The Chords le lendemain soir à Deptford. Le lendemain, quand il voit les kids en parkas, Eddie se dit : «This is the life for me». En 1979, il devient un Mod obsessed et co-fonde le fanzine Extraordinary Sensastions. Et pouf, The Chords, Secret Affair et les Jam. En 1979, le Mod Revival était encore un mouvement underground à Londres. Eddie indique qu’il n’y avait alors que 200 Mods, puis le mouvement à gagné le Nord de l’Angleterre - that ran up north into northern soul and scooter clubs - Mais dans la presse, personne ne prend le Mod Revival au sérieux. Les journalistes les rattachent au pub-rock ou les dénigrent - It’s a joke - mais bon, le mouvement tient bon car les groupes sont bons, ils sont même nettement plus intéressants que la deuxième vague punk et l’ennuyeuse new wave. Les groupes nous dit Eddie sont différents - We were basically punks with parkas on - Il ajoute que les Purple Hearts et les Chords étaient assez proches des Undertones, et c’est Quadrophenia qui déclenche tout.

    Signé : Cazengler, tripe à la mod de Caen

    Eddie Piller Presents The Mod Revival. Box Demon Records 2020

    Ace Face. Shindig! # 107 - September 2020

    Time For Action. Vive Le Rock # 75 - 2020

    ANIMAL MAN

    DHOLE

    ( Mai 2021 )

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    Faut avoir vu la pochette de leur premier album ( paru en 2015 ) avant de regarder celle de leur deuxième. Cette précaution élémentaire empêchera certains ( et certaines ) de déclencher la farandole des colères inutiles. L'opus n° 1 sobrement porte sobrement l'unique mention Dhole. Pour les bouffons incapables de réciter par cœur L'histoire naturelle de Buffon nous rappelons que le dhole est un canidé d'une belle couleur rousse originaire d'Asie qui par son apparence physique et son mode de vie s'apparente au loup, vit en meutes qui n'hésitent pas à s'attaquer à des animaux dangereux telles les panthères. Il est donc tout à fait logique que cette pochette du premier enregistrement de Dhole, Wild Society, nous offre la photo d'un gros plan d'une carnassière gueule de dhole prête à mordre. Excellent symbole pour un groupe de punks rebelles qui n'a pas envie de se laisser marcher sur les pattes, et prêt à s'attaquer à tout ce qui ne lui revient pas.

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    Pour la petite histoire du rock'n'roll, le kr'tntreader ne manquera pas de faire le rapprochement avec les pochettes du Live de Steppenwolf et de Tears, Toil, Sweat & Blood de Walter's Carabine, enregistré au Swampland Studio ( se reporter à l'article du Cat Zengler de la précédente livraison 517 ) groupe dans lequel officient Joe Ilharreguy et Marius Duflot que l'on retrouve comme par hasard dans Dhole.

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    Enfin nous arrivons au deuxième album de Dhole Animal Man, aucun cousin du lycaon sur la couve, aucun autre animal non plus, enfin si, celui que l'on n'attend pas, un homme, il est vrai que si les naturalistes inscrivent sans problème et sans remords notre espèce dans le règne animal, la plupart de nos congénères se considèrent d'un cran plus élevé que nos amis les bêtes, nous répugnons à confondre les torchons avec les serviettes, nous restons persuadés que nous sommes d'une essence supérieure. Dhole le groupe se refuse donc à ce subtil distinguo, nous ne valons pas plus que les autres bestioles, l'homme est juste un animal, pas plus ni moins et pour prouver leur assertion z'ont déniché la photo d'un très beau spécimen, un mâle blanc hyper-machiste s'insurgeront les guildes féministes, le cigare conquérant tendu comme un sexe en érection, un sceptre royal, un prédateur, les yeux froncés, fixés sur l'horizon, sans doute pour ne pas laisser échapper une proie, à le regarder l'on se dit que l'homme est un dhole pour l'homme ( et la femme ). L'homme est aussi un carnassier, ne mange pas sa victime consentante mais la croque volontiers.

    Marius Duflot : guitar, vox, synthé / Baptiste Dosdat : basse / Joce Ilharreguy : drums, percus.

    Evil girlfriend : bruizarre, bruizarre, j'ai bien dit bruizarre, serait-ce l'imitation approximative du bruit qu'émet le guttural gosier du dhole en période de reproduction, l'on s'attendait à une avalanche de gros son, une agression punk dument sur-calibrée et nous avons affaire à un phénomène qui échappe à tout ce à quoi une oreille puisse s'attendre, la suite est encore plus aventureuse, cette guitare et cette basse incapables de produire une franche sonorité, une batterie qui joue à la fragmentation éparpillative de la frappe, et cette voix qui semble n'avoir pour but que de ne pas être entendue tout en voulant qu'on la remarque. Cette fille est vraiment diabolique elle déstabilise le cortex de l'auditeur moyen. She's mine : double surprise cette fois-ci, serait-on parti pour une croisière au bon son, bon ce n'est pas Le beau Danube bleu non plus, mais enfin cela s'écouterait sans trop de problème s'il n'y avait pas ce vocal d'asthmatique répétitif, c'est fou comme la parole humaine peut provoquer des catastrophes auditives, aucun kr'tntreader ne me croira après ce que j'ai dit sur le morceau précédent, ce truc ressemble à une chute studio pas très longue des Beatles ( deuxième période expérimentale ), une espèce de déconstruction derridienne de la chanson rock. S'ils continuent comme cela, vont nous rendre chèvres. Celle de Monsieur Seguin attaquée au petit matin par un grand méchant dhole. Sticky eyes : sûr que l'on ne se méfie pas, pas question de les suivre les yeux fermés, mais les trompes d'Eustache en alerte maximum, c'est un peu la suite du précédent, même style, en plus rapide, agrémentée d'une urgence ambulatoire, tentent de pousser l'expérience au bout de ses limites, c'est du haché maison tout cru mais robotisé, une dégringolade d'escalier avec au bout la trappe du palier qui s'entrouvre et vous happe sans ménagement. Descendez au sous-sol, il n'y a plus rien à entendre. Le temps de reprendre vos esprits vous vous apercevez qu'il y a eu dans le monde deux grands évènements : le massacre des bébés phoques dans les sixties et celui opéré plus tard par des groupes de rock inconscients qui ont décidé de massacrer les sixties elles-mêmes, fils de mauvaises familles qui dilapident l'héritage consciencieusement amassés par les générations précédentes dans l'envie rimbaldienne de trouver du nouveau. Wrong : vous comprenez que cela ne peut pas durer, vont tous se retrouver à l'asile, ces fils dévoyés faut bien qu'ils servent à quelque chose, qu'ils accèdent au moins au statut d'objets vivants d'étude, cela permettra d'économiser le prix des souris de laboratoire, le résultat est atterrant, l'ensemble ressemble à des coupes de cerveaux longitudinalement étirés, rien à en tirer, c'est mou comme du chewing gum, ça colle aux gencives, mais reconnaissons-le le goût n'est pas mauvais, nous en reprendrions bien une deuxième dose. Stay at home ( when you want to go out ) : le morceau précédent n'avait qu'un seul défaut sa lenteur escargotique alors sur celui-ci ils rattrapent temps perdu, à toute vitesse, se sont entassés dans une 2Chevaux cahotique après avoir saboté les freins, font les essais sur une pente savonneuse, un peu foutraque, mais ils s'amusent bien, nous aussi. En plus à la fin c'est eux qui crashent, pour nous que du plaisir. Bully : apparemment s'en sont sortis vivants car ils envoient la daube à grosses louches, faut tout de même qu'ils gâchent tout, jouent aux élastiques vocaux et bientôt c'est du n'importe quoi contrôlé, z'ont de la suite dans les idées, ils sont le cheval fou et l'auditeur se doit à un moment ou à un autre être désarçonné. C'est leur manière à eux d'emballer.  Primitive ( cover ) : on ne peut rien vous cacher depuis quelques temps l'on sentait quelques crampes nous monter le long de l'œsophage et des rotules, là ils allument la luxmière à tous les étages, sont trop près du modèle sur la première moitié du morceau, il ne faut jamais hésiter à tuer le maître dès la première seconde, se lâchent un peu par la suite, se permettent quelques fantaisies, mais pas assez iconoclastes à notre goût. Z'auraient peut-être dû reprendre une tranche de Captain Beefheart. Water will dry : se rattrapent sur le dernier morceau avec ce bruit de lessiveuse caverneuse et cette voix qui nous annonce une apocalypse somme toute joyeuse si l'on en juge aux intonations simili-africaines du vocal qui prédit l'estocade finale, des buveurs, l'on sent que la race dholienne ne connaîtra pas l'extinction des dinosaures, sont trop malins et trop doués pour se faire rattraper par le cataclysme sonoriquement avarié qu'ils ont suscité.

    Un opus majeur. A écouter. Musicalement aventureux. Un must zical.

    Damie Chad.

    *

    EUROPEAN SLAVES

    CRASHBIRDS

    ( YT / Juin 2021 )

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    Depuis ce doux pays pluvieux de Bretagne où le beurre est aussi salé que les larmes, les Cui-Cui nous adressent leur nouvelle vidéo. Une mauvaise habitude que le confinement a renforcée. L'avant-dernière Silence ( assez bruiteuse tout de même ), la précédente You can't always get what you want, reprise des Stones, ( qui nous en a donné pour notre plaisir ) et la toute dernière, cet European Slaves. Mettons les choses un peu au point, pour ceux qui risqueraient être choqués par la voix cinglante de Delphine, qui claquera en leur esprit comme le fouet sur le dos de l'esclave, et qui se trouveraient vexés d'être ainsi injustement rabaissés...

    RAPPEL GEOGRAPHICO-HISTORIAL

    Depuis la fin des cueilleurs-chasseurs, l'Humanité a connu trois époques : celle de l'esclavage, celle du servage, celle du salariat. Par chance, s'écrient les âmes primesautières, nous vivons en le troisième tronçon de l'amélioration sociétale. Nous ne sommes plus des esclaves accablés sans aucune contre-partie jusqu'à notre mort de travaux pénibles, de même nous ne sommes plus des serfs attachés à la terre que nous labourons gratuitement pour nos maîtres, nous vivons en une époque magnifique, nous sommes libres de vendre notre force de travail à qui veut l'acheter. Et nous dépensons notre paye comme nous le voulons. Certes souvent notre rétribution est un peu maigre voire insuffisante, mais tant que nous avons un travail plus ou moins bien payé, tout ne va pas si mal que cela. Il y a eu pire même si ce n'est pas encore le top supérieur. Optimisme ravageur. Qui oublie que les trois étapes susnommées ne représentent que des variantes adaptalisées selon les nécessités productales des besoins plus ou moins différents d'une même exploitation...

    Ces idées générales pour traiter du mot ''slaves'' qui constitue la deuxième partie du titre. Le premier mot ''European'' est davantage inquiétant. Comme nous sommes européens puisque nous vivons en Europe, nous nous sentons géographiquement concernés par ce premier vocable. N' y a pas que la Géographie qui soit européenne, l'Histoire l'est aussi. Et puisqu'il faut aborder les sujets qui fâchent, ces dernières décennies l'Histoire Européenne nous laisse pour le moins dubitatifs...

    DE BRIC ET DE BROC

    Le sujet est complexe. Mais les Crashbirds n'ont peur de rien. L'on pourrait accroire qu'ils se sont retirés en Bretagne pour durant une bonne quinzaine d'années rédiger une thèse de plusieurs milliers de pages ( que personne n'aura le courage de lire ) afin de nous exposer leurs idées sur la question. Ben non, se contentés de prendre leurs guitares, de se munir de bouts de cartons, d'une pochette de feutres, d'une poignée de rivets, et d'une paire de ciseaux pour découper les dépliants publicitaires de leur boîte à lettres, z'étaient si sûrs de leur coup qu'ils n'ont même pas eu besoin de demander à leur chat de participer à leur projet. Que voulez-vous, les situations critiques relèvent de la plus grande urgence.

    LE CONSTAT DE DEPART

    Sont partis d'un constat simple : comment se fait-il que leur album European Slaves hormis l'accueil chaleureux du public et de la presse rock n'ait pas suscité un tumulte effroyable parmi les larges masses amorphes de la population. Nous sommes au siècle de l'image, malgré la superbe pochette de l'album dessinée par Pierre Lehoulier, il a manqué ils ne savaient pas quoi au juste pour que le pays prenne feu. Ils avaient le son et l'image, que rajouter encore pour produire le cataclysme social espéré. La réponse aristotélicienne s'imposait d'elle-même : le mouvement. Se sont immédiatement mis à l'œuvre. Le résultat ne s'est pas fait attendre.

    RESULTAT

    Sur la vidéo Pierre Lehoulier et Delphine Viane interprètent, guitare à la main, la chanson phare de l'album : European Slaves. J'entends déjà les ronchons maugréer, super original, une vidéo sur laquelle les artistes chantent leur chanson ! Je désespèrerais toujours de l'engeance humaine. On lui désigne la charge du troupeau de rhinocéros qui foncent sur elle et les malheureux ne voient que les rhinocéros, n'ont pas la présence d'esprit d'entrevoir la lourdeur de la charge qui est déjà en train de les piétiner. Les zoziaux ont inversé les rôles, normalement dans un film le décor est au service des acteurs, là c'est le contraire nos sinistres corbacs – ne nous ont jamais habitués à une telle modestie - servent de faire valoir au décor.

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    Evidemment au tout début on ne voit qu'eux déguisés en simili-militaire qui se détachent sur un fond de carton uni. Deuxième révolution filmique : z'ont décidé que les images subliminales des propagandes idéologiques invisibles à l'œil humain seraient visibles par tout le monde. Pas question qu'ils vous refilent leurs idées en douce, Pierre n'a pas oublié qu'il était aussi dessinateur de BD, l'a mis des dessins partout, se bousculent tout le long du morceau, et attention des dessins qui bougent. Des engrenages complexes qui tournent. Hélas pas tout seul. Faut des humains pour faire turbiner les machines, faut des conducteurs dans les bagnoles pour aller au boulot, faut des ménagères pour pousser les caddies, des ouvriers pour les marteaux piqueurs, des employés pour taper sur les ordinateurs, et j'en passe, etc... etc... tiens des docteurs pour vacciner les gens à la chaîne...

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    Peut-être est-ce le moment pour s'interroger bêtement : mais pourquoi tous ces gens se ruent-ils à toute vitesse sur le boulot, c'est vrai que s'il y a un bobo, les pompiers et le Samu se hâtent pour vous soulager au plus vite, mais pourquoi acceptent-ils avec tant d'empressement leur aliénation, pourquoi se comportent-ils comme des esclaves ( européens ) ?

    Les Crashbirds nous glissent en douce une petite explication, parce qu'ils vont pouvoir consommer à outrance, vous font défiler des bandeaux de pub à toute vitesse, ne gagnent pas beaucoup mais quel hasard extraordinaire, vous avez des promotions ou des rabais gigantesques sur toutes sortes de produits, surtout sur ceux dont vous n'avez nul besoin, mais un si grand désir suscité se doit d'être comblé au plus vite...

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    Sont pris dans la machine et les machines n'ont qu'une fonction les transformer en engrenages de la machine, le kr'tntreader pensera au film si prophétique de Chaplin sur Les temps modernes... Les petits dessins de Pierre ont la même force persuasive et démonstratrice. Certes le morceau est à écouter, ces guitares implacables et cette voix lumineusement laminante de Delphine, mais pour une fois, nous avons affaire à un clip qui parle à notre intelligence et non plus seulement au déclenchement pavlovien de déhanchements rythmiques qui vous apaisent plus qu'ils ne vous poussent à la révolte. L'est parfois nécessaire que l'on vous mette le nez dans le caca de votre vie d'autruche pour que vous vous rendiez compte que vous filez un mauvais coton comme l'on disait dans les plantations du grand sud... ce pays où est né le blues...

    Un cartoon qui cartonne !

    Damie Chad.

    *

    La semaine dernière l'on a commencé la tournée des cimetières, pas de raison pour que l'on ne continue pas, juste avant les vacances un petit rappel du Memento Mori, que prononçait l'esclave qui tenait la couronne au-dessus de la tête du général qui fêtait son triomphe dans l'antique Rome, ne saurait faire de mal, en plus les Kr'tntreaders qui viennent d'apprendre qu'ils seront privés jusqu'à la fin août de leur cazenglérienne ration hebdomadaire de rock 'n' roll tirent déjà une gueule d'enterrement. Donc nous nous mettons au diapason de leur état d'esprit, nous savons bien que cette interruption beaucoup d'entre eux la vivent comme la pire des :

    TRAGEDIES

    FUNERAL

    ( Artic Serenade / 1995 )

    Premier album du groupe précédé de deux démos, la première nommée Tristesse ( bonjour ) et la deuxième Beyond All sunsets, l'on ne peut pas reprocher à ses trois membres originaux de ne pas avoir de la suite dans les idées. Viennent de Norvège. L'on dit que la proximité du cercle polaire et les longues nuits des hivers nordiques n'incitent pas à la joies et inclineraient au suicide. Einar Andre Fredriksen bassiste du groupe mettra fin à ses jours en 2003. Il est l'auteur des lyrics des troisième et quatrième morceau de l'opus. C'est lui aussi qui assure les parties djentées du disque. Christian Loos, guitare, décèdera en 2006, il travaillait à un hommage à son ami Einar... Thomas Angel malgré son nom séraphinesque survivra mais finira par quitter le groupe dans lequel il officiait à la guitare, Anders Eek, batteur et membre fondateur restera toujours présent jusqu'à aujourd'hui malgré de nombreux changements. Toril Snyen arrive pour l'enregistrement de la deuxième démo, excellente pioche, elle sortira de scène après Tragedies , je ne sais ce qu'elle a fait par la suite. Ce premier album est considéré comme décisif pour la création de ce courant que l'on désigne sous l'appellation funeral doom.

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    Taarene : chanterelle de guitares tire vers le médiéval en introduction, n 'hésitez pas à lui trouver une allure guillerette, car vingt secondes plus tard lorsque surgit le bourdon, pardon le burdoom funèbre du groupe, surgissement de basses funèbres, vous comprenez que le soleil de la joie s'est noyé, englouti au fond de la la mer, au fin-fond de l'amertume, mais ce n'est rien, la voix froide de Toril s'élève et vous envoûte sous les voûtes sombres du désespoir, une voix pure comme la mort qu'elle chante, elle est-là toute seule au bord de la tombe de son bien-aimé, dans un premier temps elle se parle à elle-même, mais c'est la voix enrouée de gravier qui lui répond de dessous les profondeurs éternelles, musique froide à la ressemblance de ces scolopendres géants qui hantent les cercueils délabrés, sur les linceuls funèbres des rideaux mortuaires étincelle un gémissement de guitare recouvert de la chape baveuse des pleurs asséchés, elle chante maintenant dans le silence des notes dispersées d'un luth, elle promet l'éternité de son amour pour parvenir à l'amour de l'éternité, musique processionnaire, roulements lents de batterie, la musique et le chant vous mènent pas à pas, vous ne savez pas où mais peut-être dans une immobilité éternelle. L'orchestration s'appesantit et recouvre de terre le devenir de l'oubli qui se fige en lui-même. Under ebony shades : consolation du pauvre, ils ont abandonné le norvégien pour l'anglais, mais ce n'est pas plus gai. Un chantonnement plus aérien, lorsque le désespoir n'est plus qu'une consolation, que l'on a tout brûlé au fond de soi, la pureté atteinte est pour ainsi dire désincarnée, la bouche d'ombre éructe depuis le lointain dessous, si proche mais si inatteignable, l'âme esseulée ne croit plus en rien, ses anciennes croyances se sont évanouies, pour son âme et pour le monde Dieu est mort. Ils, elle et lui, chantent tous les deux en même temps celui qui mange la terre par les racines et celle qui refuse le ciel, musique plus lourde, poussée en avant par la batterie d'Eek qui roule à la manière d'un fourgon mortuaire traînée par deux chevaux de traits, double soulignage noir tiré sur les appétences de l'existence, l'on aimerait que cela ne finisse jamais mais il y a déjà longtemps que tout s'est arrêté, et la voix glaciale continue à tomber tels de rares flocons de neige qui ne se rejoignent jamais dans leur étrange ballet funéraire. Et la litanie s'égrène encore plus esseulée, juste quelques cordes de guitares psalmodiées en acoustique, grognements souterrains, reprises incandescentes de flammes qui ne brûlent pas mais pétrifient, et l'une d'entre elles, électrique qui monte encore plus haut, élastique en vain, la prière au néant de dieu reprend de plus belle. Que reste-t-il de l'esprit sous la glaise inféconde, le mort ne peut survivre que dans ses propres souvenirs qui tournent en rond dans le vide de sa cervelle. Accompagnement ad libitum. L'on prend son temps chacun des deux premiers morceaux dépasse les douze minutes. Demise : ne pensez pas qu'ils n'ont pas d'imagination si encore une fois le morceau débute par quelques notes de guitares si dénudées que l'on a envie de dire qu'elles sont jouées a capella, la voix semble apaisée, dans le calme du cimetière, tout intérêt s'amenuise, le chagrin n'est-il qu'une illusion, qu'une courte-vue, les fleurs poussent entre les tombes ne sont-elles pas le signe de la résurrection, du retour, de l'éternel retour de ce qui ne veut pas mourir, dialogue empli d'espoir, mais il est une autre manière d'entrevoir la plénitude du verre de la mort rempli à moitié, l'homme renaît de sa propre poussière oh oui, mais n'est-ce pas pour retourner au creux du verre de la mort à moitié vide, poussière tu es, poussière tu retourneras, le timbre de Snyen parcouru d'élans et de brisures, la musique en points de suspension qui dispersent leurs atomes, plus pure la proclamation de la vanité finale de la survie cyclique, la voix triomphe pour mieux mourir. Basse implacable. When nightfall clasps : au plus mauvais moment de la nuit lorsque l'encre tombe, que le noir du désespoir s'épaissit et s'alourdit tel un moteur d'avion qui ne veut pas disparaître et qui vous obsède de sa puissance, la voix prend la relève de la guitare, elle comble les vides, et la bouche d'ombre se confine en ses propres dires, elle vous demande de vous taire et de ne faire confiance qu'en vos actes passés, il existerait donc une possibilité sinon de réveil, au moins de récompense, a-t-on tué Dieu trop vite, nous appellera-t-il à lui, illumination d'espoir ou de folie, vers où se dirige-t-on dans cette immobilité d'éternité, le vocal comme une prière et l'orchestration qui s'allonge telles les ombres devant nous sur le chemin quand le soleil décline, elle atteint à une grandiloquence instrumentale que l'on ne lui connaissait pas, est-ce que que ce que les mots bégayants ne peuvent pas prononcer, la musique est-elle là pour l'exprimer, le borborygme s'enlace au chant de la colombe, le vieil espoir séculaire ne veut pas mourir, la voix de Toril sonne comme des cloches d'angélus, une prière s'exhale des lèvres des agonisants. Le silence nous laisse dans l'expectative. Moment in black : ce coup-ci ce sont de franches sons de cloches qui résonnent, l'on va connaître le dénouement, n'y a-t-il rien, ou y a-t-il autre chose ? Marche funèbre ces roulements de tambours, ou le ciel qui s'entrouvre, la voix plane comme un ange, elle prend son envol vers l'empyrée, dans les films lorsque le dénouement approche l'on monte la musique et l'on fait durer le silence, ne se privent pas de cet artifice, l'on y arrive, mais doucement sans se presser, le bourdon butine encore de plus en plus fort, les tambours roulent pour l'ouverture des portes, la guitare devient tendresse, elle tourne au violon, c'est le grand moment, derrière les huis jusqu'à lors fermés, s'ouvre l'éternité, la mort n'est qu'un pénible et court instant à traverser.

    Pas de quoi en faire un fromage dirait d'un rire sardonique le renard de la fable qui malgré ses paroles n'oublie pas de ramener le calendos dans son terrier, l'on pensait que Funeral nous conterait les affres du nihilisme, non, l'on retombe dans les tiroirs usés de la christologie la plus coutumière. Tant de fascination pour la mort pour rentrer sagement au paradis, Funeral nous déçoit un peu. Pourquoi cet attrait pour le tombeau pour s'en échapper à la fin, finitude qui se révèle être une naissance définitive... C'est sûr que c'est magnifique. Superbe. Une messe chantée. Pratiquement en apesanteur. S'inscrit davantage dans une tradition christianolâtre que dans le rock satanique. Peut-être est-ce pour cela que le disque a eu tant de succès. Il ne vous referme pas la porte sur le nez au dernier instant. Vous laisse l'espoir. Il ne faut pas décourager l'auditeur qui n'est qu'une partie du bon peuple qui a porté au pouvoir ceux qui le dirigent. Il est juste qu'il reçoive un lot de consolation. Ça ne peut pas faire de mal et ce n'est surtout pas trop cher. Manquerait plus que cela ! Par contre j'hésite au niveau idéologique, si l'orchestration me fait pencher pour le catholicisme, les paroles m'incitent à désigner une influence rigoriste toute protestante. Ce qui expliquerait l'économie de moyens, peu d'instruments, une voix toute classique, une retenue récitative. L'on hésite sans arrêt entre symphonie ou psaume chanté.

    Petite note personnelle : en rédigeant cette chronique, me suis aperçu – c'est mon ordi qui m'a montré les traces de mon passage – que j'avais déjà pensé au mois de septembre 2020 à chroniquer cette bête. Je n'en n'avais aucune souvenance, l'on échappe difficilement à ses propres errances, sans doute avais-je déjà été attiré par la pochette ultra romantique, cette automnale feuille d'un orange incendiaire et cette implorante figure féminine éplorée, les yeux levés vers le ciel...

    TRISTESSE

    FUNERAL

    ( NOL / 1993 )

    Funeral s'est formé en 92, Tragedies n'est pas né ex nihilo, le disque est trop parfait pour ne pas avoir été longuement mûri. Tristesse est la première démo sortie en cassette six titres. Une grosse ruse de sioux pas très finauds, la côté A présentait trois morceaux et le côté B exactement les trois mêmes morceaux. Parfait pour jouer à pile ou face. Vous étiez sûr de tomber sur vos trois titres préférés. Le format du carton de la K7 ne se prête pas au sujet évoqué, ce cadavre roide comme une planche à repasser dont l'âme est censée monter au ciel attendue par des anges – l'un pourrait voir Dieu en personne - armés de glaives vindicatifs se révèle peu explicite.

    Anders Eek : drums et clear vocal ( clair ) / Einar Andre Fredriksen : guitars, dark vocals / Thomas Angel : guitars / Pat Kjennerud : basse. + Steffen Lundemo : guitare classique.

    lovely eggs,anita pallenberg,eddie piller,dhole,crashbirds,funeral

    Thoughts of tranquility : intro à l'acoustique merci Mister Lundemo, lorsque la guitare se tait la tranquillité prend un sacré coup dans l'aile, le mourant a encore de l'énergie, râle très fort parfois il semble vomir, faut dire que derrière l'orchestre ne lui laisse pas de répit, joue un peu le rôle de ces prêtres qui se mettent en colère et tempêtent lorsque l'agonisant refusent l'absolution, sont dans la grandiloquence lente, de fait dans ce titre Funeral a condensé tout ce qui sera développé dans l'ensemble de Tragedies, tout est là, certes le mort est encore là, pas pour très longtemps l'est en train de passer de l'autre côté, n'y a que ces arrêts subits, ces pauses de silence qu'ils abandonneront, le gars y va vitesse grand V, clamse en dix minutes et hop grande joie, passe du désespoir le plus profond à la plénitude la plus accomplie, Dieu est là, tout gentil, le moribondé peut même l'embrasser, il se sent revivre, il sent le parfum des fleurs, à croire que les étagères du paradis sont remplies de pot de chrysanthèmes. A poem for the Dead : petit intermède classique comme tous les débuts mais le groupe pousse ses guitares comme l'on jette le taureau dans l'arène, un morceau pratiquement deux fois plus long que le précédent, c'est un peu normal, c'est le mauvais côté de la chose. La chose c'est la mort. Et le mauvais côté c'est la vie. Pour sûr le mort est heureux de respirer les senteurs des coquelicots dans les champs du Seigneur, mais pour ceux qui restent du mauvais côté c'est plus dur, l'amour est parti et une vie de tristesse et de désolation attend celle qui l'aimait. Le bonheur est une pomme qui se mange à deux mais il semble qu'une des deux parts est plus amère que l'autre, musique tragique, la batterie marque le pas, à chaque coup elle décapite une colonne de la solitude humaine, les survivants arpentent des champs de ruines, une cymbale sonne le glas des illusions déçues et des séparations fatales, la batterie dissèque les heures fatidiques, celles qui vous écartèlent, le chant n'est plus qu'une énorme profération qui essaie de joindre les deux bouts des tendresses humaines, elle s'exalte en un hosanna de pleurs, point de gémissements, des grognements de bêtes prises aux pièges du bonheur et du malheur et... retour de l'intermède classique, le morceau coupé en deux, un cœur qu'un glaive cruel a partagé, irréductiblement. Rien ne recoudra cette plaie ouverte dans l'âme humaine. Si le morceau est si long c'est qu'il n'y a pas de réparation possible. Cul-de-sac à deux voies. Yearning for heaven : sombres éclats de basse, sans doute faut-il regarder des deux côtés à la fois, et trouver ce point d'équilibre où toutes les contradictions s'équalisent, s'amenuisent, disparaissent... à moins qu'elles ne s'exaspèrent, celui qui reste, celui qui part, celui qui tutoie les anges et celui qui tutoie le cadavre et le cadavre qui se tue soi-même, l'âme est peut-être là-haut mais il vaut mieux n'y pas penser, ci-bas sous terre c'est la vie vécue que l'on revit, et si on veut la revivre encore il vaut mieux oublier son âme qui batifole dans le jardin des délices. Musique solennelle et dramatique, vomitoire de vocal, qui grince et rappelle que la faille est partout, mortelle dans la vie, existentielle dans la mort. Imaginons une limace géante et saliveuse, toute glaireuse qui s'avance lentement et tourne en rond indéfiniment sans pouvoir rompre le cercle enchanté et maléfique du destin humain. Intermède classique pour faire passer la pilule...

    De même intensité musicale que Tragedies cette première démo vaut le déplacement. Tristesse est beaucoup plus sombre que Tragedies. Une catharsis ne survient pas fort à propos pour nous fournir une fin heureuse. Tristesse erre sans fin dans son propre labyrinthe. Giratoire sans issue.

    BEYOND ALL SUNSETS

    FUNERAL

    ( NOL / 1994 )

    Einar Andre Fredriksen : guitars, dark vocals / Anders Eek : drums / Thomas Angel : guitars / Christian Loos : guitars / Toril Snyen : vocals

    Encore une cassette les deux faces présentant des titres différents et une image beaucoup plus soignée que le blanc et noir de la précédente. Le même visage féminin que l'on retrouvera sur Tragedies, mais ici présenté comme une photographie posée sur un mur craquelé de formes difficilement identifiables, motif géométriques, floraux, mystérieux comme des signes en voie d'effacement...

    lovely eggs,anita pallenberg,eddie piller,dhole,crashbirds,funeral

    Heartache : toujours ces cordelettes de guitare classique en intro, cela correspond sans aucun doute à la formule rituelle des contes pour les enfants, il était une fois, mais la musique est trop angoissante pour s'attendre à une merveilleuse histoire, la voix de Toril, douce comme une plainte, enchanteresse comme une mystérieuse litanie, et la réponse engorgée arrive, un duo s'établit, l'esseulée et l'homme au cœur brisé, tous deux sont seuls, l'une bougie qui s'éteint, et l'autre de l'autre côté, dans la mort, encore faut-il s'en rendre compte, en prendre conscience, une différence subtile quand on y songe, quelque degrés d'insimilitude, un froid un tantinet plus glacial, une guitare qui glisse un solo de glace dure et coupante, tout vocal est souffrance qu'il soit de clarté funèbre ou d'incompréhension encore entachée d'existence, le morceau se déploie telle la prise de conscience de son inconscience. Tout s'apaise, peut-être vaut-il mieux ne pas savoir. Fêlure insondable. Moment in black : ce morceau concluait Tragedies, ici il perd sa force conclusive, Funeral a compris que les concepts ou les images ne sont pas fixes, sont comme des pièces de mécano qui peuvent être agencées de façons fort différentes, ce ne sont pas les fragments en eux-mêmes qui déterminent le sens d'un raisonnement mais la place où ils se situent. Beyond all the sunsets ne se terminera pas comme Tragedies, les données sont ici traitées beaucoup plus généralement ce qui explique pourquoi dans ce morceau le mort est remplacée par une morte... When nightfall clasps : ce morceau est à l'origine l'avant-dernier de Tragedies, mis à cet endroit, nous sommes au plus noir du désespoir. Forlon : une introduction encore plus lourde, sans harmonique, dénudée, plus loin que le désespoir ne reste que la révolte, le rejet des dieux. Funeral semble suivre la postulation baudelairienne du reniement, les deux voix, celle de l'homme et celle de la femme, sont enlacées, psalmodient de concert, elles n'y croient plus, colère d'autant plus décidée qu'elle n'explose pas, qu'elle reste rentrée, comme figée, glacée comme un cadavre, mortuaire, ou la vie éternelle, ou le refus de dieu, sont déterminés à vouloir tout. Ou rien. La basse comme une mouche qui bourdonne au carreau mais qui ne traverse pas la vitre. Amplitude du désespoir. Long tunnel instrumental. Tout semble bouché. Dying ( Together as One ) : dix-huit minutes, le morceau de la résolution finale, l'on peut dire que Funeral est une musique wagnérienne, une espèce d'oratorio dans lequel les voix remplacent les cuivres, avec en prime cette étonnante particularité qu'il ne présente qu'un seul et unique leitmotive, décliné sempiternellement mais tellement beau et prenant que jamais l'on ne s'ennuie, une musique qui ressemble à une sculpture mobile de Calder, elle bouge pour vous tout en restant dans l'immobilité de sa propre représentation, n'y a qu'à se laisser porter, c'est vous qui êtes dans le cercueil et c'est vous que l'on porte en terre, jamais on a eu autant d'égard envers votre personne du temps où vous étiez vivant, ce qui n'empêche pas de se demander comment nos héros – mal en point - vont s'en sortir... ils ont une solution, si les Dieux ne donnent pas l'immortalité, ne reste qu'à mourir ensemble, se suivre dans la mort, s'accompagner dans la mort, de Baudelaire l'on passe à Villiers de l'Isle Adam, Axël et sa fiancée Sara qui boivent à la coupe sciemment, non pas comme Roméo et Juliette ces amoureux victimes des circonstances, mais ici en un acte délibéré décidé dans la splendeur de la vie. Mais Funeral n'imagine pas que la mort soit un soleil, elle est juste la manière de surseoir à la laideur des existences agoniques. La vie est une défaite et la mort un coucher de soleil définitif. Avec rien au-delà. Prélude et mort d'Iseult et de Tristan. Pas pour rien qu'ils aient été traités après cette deuxième démo de groupe le plus dépressif du monde. Z'ont un peu corrigé le tir avec Tragedies. Mais le mal était fait. Quelques années plus tard ils ont adopté le style gothic. L'est sûr que comparé au funeral doom, le carton-pâte du gothic c'est de la grosse rigolade. Du moins de la comédie romantique...

    Très puissant, âmes fragiles et dépressives s'abstenir...

    Damie Chad.