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crashbirds - Page 5

  • CHRONIQUES DE POURPRE : KR'TNT ! 415 : PAUL WHALEY ( + BLUE CHEER ) / HAL BLAINE ( + WRECKING CREW ) / CRASHBIRDS / HITCH & GO / CHUMP / WISEGUYZ

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 415

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    18 / 04 / 2019

     

    PAUL WHALEY ( + BLUE CHEER )

    HAL BLAINE ( + WRECKING CREW )

    CRASHBIRDS / HITCH & GO / CHUMP

    WISE GUIZ

     

    Whaley s’en est allé

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    Bon, on savait que Blue Cheer était off depuis la disparition de Dickie Peterson en 2009, mais la disparition récente de Paul Whaley semble enfoncer encore un clou dans le cercueil de Blue Cheer. Comme tant d’autres groupes décimés par les rigueurs de la fatalité, Blue Cheer appartient désormais à l’histoire. Pourtant, leurs albums restent terriblement vivants. Rappelons que Blue Cheer est à l’origine de ce qu’il est convenu d’appeler le heavy rock. Avec Motörhead et les Who, ils furent the loudest band on earth. Derrière Dickie Peterson et Leigh Stephens, Paul Whaley martelait le beat comme une machine à vapeur. Dickie Peterson ne voulait pas d’autre batteur derrière lui.

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    Paru en 1968, Vincebus Eruptum reste pour beaucoup d’oreilles l’épitome de chèvre du heavy sound. «Summertime Blues» donne bien le ton, joué à la saturatus maximalus. Paul Whaley est complètement noyé dans le mix que dévore l’ancien roi du feedback, Leigh Stephens. Ils enchaînent avec une version encore plus heavy de «Rock Me Babe». La voix de Dickie Peterson est encore un peu verte et ce diable de Leigh Stephens joue comme une brute. Il devint à l’époque une sorte de héros et cet album reste le modèle absolu du trash-boom. «Doctor Please» sonne comme une longue tartine de heavy rock exacerbé, avec un Leigh Stephens qui tente l’échappée belle, mais il tourne en rond dans ses gammes. Ils étaient alors très courageux de tenter le diable à trois. Paul Whaley tape tout seul dans son coin et martyrise ses cymbales. Ils sont marrants, car ils essaient de faire un cut avec rien. C’est l’apanage des big jammers californiens. Sur cet album infernal, tout est dédié aux dieux de la saturation. Ils repartent de plus belle en B avec le bien nommé «Out Of Focus». Leigh Stephens ne joue qu’en ultra-saturation et loin là-bas, au fond, Paul Whaley bat lourd. Et même très lourd. Ils font une version déchirante de «Parchman Farm», mais à leurs conditions, en roue libre saturnale et au doom de heavy beat. Voilà le vrai hit de l’album : «Second Time Around», véritable coup de génie riffique. La plongée dans le couplet est un modèle du genre, c’est riffé à la vie à la mort, listen here babe ! Ils redémarrent leur bash-boom par trois fois avec une violence égale. C’est là que se niche de génie sonique de Blue Cheer. Mais cet abruti de Paul Whaley vient ruiner le cut avec un solo de batterie.

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    Sur leur deuxième album Outsideinside paru la même année se nichent deux nouvelles énormités : «Gypsy Ball» et «Babylon». Ils appliquent leur empreinte sur le museau du rock. On voit Leigh Stephens prendre son élan dans le gras double. Ils jouent leur Babylon au pire doom du heavy blues. Ils tapent aussi un instro épouvantablement sauvage, «Magnolia Caboose Babyfinger», qui pourrait rappeler le son de Bloomy dans le Paul Butterfield Blues Band. C’est la même niaque de swing. Ils jouent leur «Sun Cycle» avec des semelles de plomb et reviennent au beat dévastateur avec «Just A Little Beat». Paul Whaley s’y démultiplie à l’infini. C’est là que Blue Cheer crée sa légende. Avec «Come And Get It», on les voit bourrer leur dinde de son et c’est la raison pour laquelle on les admire. C’est bourré à craquer de son, ils réinventent Gargantua avec du sonic blast. Cheer-moi ça, baby ! Alors évidemment, un cut comme «The Hunter» leur va comme un gant. D’autant que Paul Whaley le sur-joue - Ain’t no use to hide.

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    Et puis les choses vont commencer à se détériorer avec New Improved Blue Cheer paru l’année suivante. Leigh Stephens quitte le groupe et Dickie Perterson engage des remplaçants, notamment Bruce Stephens qui joue un peu de guitare jazzy dans l’esprit de Love. On l’entend faire des siennes dans «When It All Gets Old», mais il faut imaginer la gueule des fans de Blue Cheer à l’époque. Arrrgh ! Quelle horrible déception ! L’A est un conglomérat de petits cuts allègres et adroitement bricolés et ça se termine par un heavy clin d’œil à Dylan avec «It Takes A Lot To Laugh» : du grand Dickie Peterson. C’est le seul lien avec le Blue Cheer d’avant. L’album est même coupé en deux, car Blue Cheer redevient un trio avec Randy Holden qui joue sur la B, mais il a du mal à décoller : trop d’arpèges. Si la face Randy Holden était bonne, ça se saurait. Il tente de sauver l’album avec «Fruit & Iceburgs» en passant un gros solo âpre et dentu. Il joue des descentes de gammes avantageuses et bénéficie du beau beat de Paul Whaley. Mais bon, quelle blague.

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    Blue Cheer va encore enregistrer trois albums sur Philips, mais sans Paul Whaley. Dickie Peterson tente de sauver la légende, mais c’est très difficile, car les albums ne sont pas renversants. Ils font partie de ceux dont on se séparait dans les années soixante-dix, et qu’on rachetait vingt ans plus tard sur la seule foi du nom, en se disant ‘peut-être les avait-on mal écoutés à l’époque’, alors on les réécoute en espérant y trouver du Blue Cheer, mais non, c’est autre chose. L’album Blue Cheer paru en 1970 est un album de rock américain assez banal, comme si Blue Cheer était devenu un groupe gentil et bien élevé. On y retrouve Bruce Stephens au chant. Les grooves sont extrêmement bien sonorisés. On pourrait même parler d’un album classique mais dense. «Ain’t That The Way» sort du lot par sa puissance. On a là le son des seventies qui fait tellement baver les gens aujourd’hui. On sent que cette nouvelle mouture de Blue Cheer ne veut pas se risquer à réinventer le fil à couper le beurre. Quand ils poppisent à l’anglaise avec «Lovin’ You’s Easy», ils savent rester élégants. Ils terminent cet album mi-figue mi-raisin avec un vieux coup de Stonesy intitulé «The Same Old Story». Ils sont dessus, avec tout le swagger de rigueur.

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    La même année paraît The Original Human Being. Paul Whaley ne joue pas non plus sur celui-ci, et il a raison, car ce n’est pas fameux. Ça démarre avec un «Good Times Are So Hard To Find» monté sur le riff d’I’m A Man, avec le petit shuffle d’orgue par derrière. Le pauvre Dickie se retrouve tout seul avec Ralph Kellog et Norman Mayell, rescapés de l’album précédent, plus Gary Yoder. On sent nettement au fil de cuts une grande faiblesse compositale. Ils n’ont plus de Blue Cheer que le nom. Plus aucune trace de la rémona. Ils font même du folk radio-friendly de coin du feu avec «Tears In My Bed». On les voit tenter de remonter la pente avec «Man On The Run», mais ça peine dans la côte, mâchin, comme dirait un Suisse. Ils moulent le grain avec une grande pénibilité. On sent qu’ils dilapident leur identité et qu’ils ne savent plus à quel saint se vouer. Ils jouent le rock par hasard et sans conviction. C’est presque un album grec tellement il est tragique.

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    Dernier épisode Philips avec Oh Pleasant Hope en 1971. On retrouve la même équipe et un beau cut de bassmatic, «Money Troubles». Ils jouent ça en mode groovy softy élastique assez inspiré. On est ici dans le haut de gamme d’un son de studio avec un bassmatic de rêve. L’album se veut résolument pop-rock. On sent que Dickie Peterson subit des pressions pour devenir plus commercial. «Believer» se veut assez ambitieux. Ils sonnent comme tous les grands groupes américains des early seventies, avec ce côté Spirit dans le son. Avec le morceau titre qui ouvre le bal funeste de la B, ils sonnent carrément comme les Eagles, c’est dire le côté dramatique de cette aventure. Ils jouent «I’m the Light» le cul entre deux chaises, entre Spirit et un son plus anglais. Dickie chante comme Jay Ferguson et le cut sonne comme de l’élégiaque britannique. Mais ils sont tellement déterminés à vaincre qu’ils forcent l’admiration. Avec «Ecological Blues», ils repompent le «Going Up To The Country» de Canned Heat. La pop-rock bien fouettée et admirablement bien enlevée de «Lester The Molester» passe comme une lettre à la poste. C’est gorgé de musicalité et le beau bassmatic vole par dessus les toits. Ils terminent avec un «Heart Full Of Soul» plus musclé, et monté sur un bassmatic plus r’n’b. Dickie Peterson semble vouloir enfin se fâcher. Bon ce n’est pas le Heart Full Of Soul des Yardbirds, on a là une compo de Dickie et sans doute le cut le plus rocky de cet album relativement sympathique.

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    Après quinze ans de silence, Blue Cheer refait surface avec The Beast Is Back. Dickie Peterson et Paul Whaley s’acoquinent avec Tony Rainier, le mec qu’on retrouve aussi dans l’album 7, c’est-à-dire le septième album prévu sur Philips mais qui n’est pas sorti à l’époque, pour cause de fin de contrat. Avec The Beast Is Back, Blue Cheer remet enfin les pendules à l’heure. Ça commence d’ailleurs par la pochette, bien rouge, avec la main du diable qui caresse les fesses d’une belle gonzesse. Et au dos, le groupe remercie tous ceux qui ont gardé les roots alive, à commencer par Led Zep et Sabbath. Pour bien enfoncer le clou du retour, ils tapent bien sûr dans les vieux coucous comme «Summertime Blues». Le vieux Dickie n’en démord pas. Tony Rainier a un son un plus hard que celui de Leigh Stephens et ça gêne un peu. En B, ils vont aussi retaper dans «Babylon» et dans «Parchman Farm», mais leur version n’est pas aussi explosive que celle de Cactus. Elle est plus grasse, avec du mal à se déplacer. Ils jouent bien la carte de la désespérance, car c’est le thème du cut. Ils en font une version à rallonges, mais bon, ça passe, parce qu’on est tous contents de les revoir. Ils tapent aussi dans le vieux «Out Of Focus». Ils excellent dans la heavyness et c’est là qu’on les attend. Régal assuré, car ce diable de Tony Rainier joue son blasting à la mélasse suprême. Joli slab de heavyness aussi que ce «Ride With Me» que Paul Whaley bat comme plâtre. Et sur «Girl Next Door» qui sonne comme Parchman Farm, Tony Rainier joue sa cocotte perfide à l’excellence. Ils embarquent «Heart Of The City» au walking riff. Dickie Peterson n’en finit plus de rameuter ses vieux pouvoirs des ténèbres, il chante au guttural enflammé et derrière, ça power-triorise comme pas deux. Le heavy sound reste bel et bien l’apanage de ce cher Blue Cheer. Red hot !

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    Cinq ans plus tard, Dickie et Paul Whaley engagent le guitariste Andrew Duck MacDonald pour enregistrer Highlights And Lowlives. Mais Duck sort un son trop hardos, comme on dit dans les salons. Avec «Hunter Of Love», ils virent carrément arena rock. Ils s’enfoncent dans du heavy sound à la Endino et ça ne marche pas. Il faut entendre Dickie chanter «Big Trouble In Paradise» à la grande gueule en B. Il veut en découdre, mais c’est sans espoir. Il faut attendre «Hoochie Coochie Man» pour retrouver un peu de Cheery blast. Ça part bien heavy avec un Dickie qui lance un Oh yeah d’approbation sur les premières mesures. Cette version sauve l’album. Duck MacDonald sonne comme Jimmy Page dans son solo.

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    Oh il existe un autre album de Blue Cheer avec Duck MacDonald, mais sans Paul Whaley : Blitzkrieg Over Nuremberg. C’est un live bien dense, avec un nommé Dave Salce qui remplace Paul Whaley. On retrouve l’excellent «Ride With Me» - This is a song about motorcycles - Dickie va chercher la même fournaise que celle de Lemmy. Blue Cheer et Motörhead, même combat, même sens de l’inflammatoire, même science du power trio. Duck MacDonald joue bien son solo à l’horizontale traversière, c’est excellent et ça se situe dans l’esprit de destruction massive de Fast Eddie. Ils tapent aussi une version explosive de «Summertime Blues». Ils jouent à l’extrême cavalcade incendiée à tous les coins de rue. Ils outrepassent Leigh Stephens et Paul Whaley, ils jouent au pouvoir supérieur. On peut aussi se prosterner devant «Just A Little Bit». Dickie Peterson semble détenir tous les pouvoirs. Blue Cheer redevient l’exacte incarnation du power suprême. Ils démarrent l’A avec un medley «Babylon/Girl Next Door». Dickie peut beugler ses babeh ! Ils replongent dans le rock en fusion et leur Girl Next Door sent bon la patate chaude de Parchman Farm - I’m here for the rest of my life - La B est complètement apocalyptique. Ils plongent «Out Of Focus» dans les abîmes, Dickie rallume tous les brasiers séculaires et ce démon de Duck MacDonald s’en donne à cœur joie. Ils replongent de plus belle dans l’apanage du heavy blues avec «Doctor Please» - Another drug song - MacDonald passe par des phases classiques grandioses, il sonne comme le Bela Bartok du heavy blues, il joue des ponts prodigieux et rétablit la grandeur du genre, il étend l’empire de Blue Cheer jusqu’aux confins du monde libre. Avec «The Hunter», Blue Cheer fait un retour spectaculaire aux apanages fondamentaux du rock moderne. C’est le heavy tempo du Hunter, tel que défini en son temps par Big Albert, puis par Paul Kossof dans Free et ce diable de MacDonald n’en finit plus d’élever considérablement le niveau du débat. Cet album inespéré s’achève avec une version un peu molle de «Red House». Dommage. Ils perdent la dynamique de la version originale. Ça reste du big heavy blues ultra-joué, bien sûr et sur le final, le vieux Dickie s’explose bien le gosier. Ah l’animal !

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    Changement de guitariste pour Dining With The Sharks. Il s’appelle Dieter Saller et sonne un brin heavy. On sent qu’on atteint les limites du genre avec «Big Noise». Derrière on entend le pilon de Paul Whaley. Il ne mégote pas sur le heavy pounding. On les sent tous les trois dans la fleur de l’âge. Avec «Outrider», Dieter Saller amène un son très anglais et Blue Cheer perd de son ostracisme heavily californien. Dickie chante son ass off, il hurle comme un désespéré, il hurle d’autant plus que Paul Whaley se met à frapper comme Mikkey Dee, le dernier batteur de Motörhead. On voit Dickie revenir au stuff coercitif avec «Sweet Child Of The Reeperbahn». Il chante à la glotte vive et montre bien qu’il adore le heavy groove. Et quand on entend «Audio Whore» en B, on comprend bien que ces trois mecs ne s’embarrassent pas de petits détails. On les sent encore plus déterminés à vaincre avec «Cut The Costs». Le son est âpre, très type hard-rock anglais des années 80, le fameux NWOBHM machin, une calamité. Et comme on le voit avec «Sex Soldier», Blue Cheer est un groupe qui meurt mais ne se rend pas. On a là du beau Blue Cheer vaillant sur la brèche, avec un Saller bavard comme une pie. Ils bouclent avec «Pull The Trigger» et réveillent du même coup les démons de Summertime Blues. La grosse attaque est calquées sur le riff d’Eddie, avec derrière le pilon de Paul Whaley. Ah on peut dire qu’il en aura pilonné des albums dans sa vie, le vieux Paul. Saller fait une belle descente aux enfers sur son manche. Dommage qu’il ait ces réflexes de hardos anglais. Berk.

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    Paru sur un label japonais en 1999, Hello Tokyo Bye Bye Osaka annonce la résurrection de la Bête. Si on ne sait pas ce que heavy signifie, alors il faut écouter le «Babylon» qui ouvre le bal. Sur cet album singulièrement ravageur, on a des morceaux de quatre minutes qui prennent leur envol comme des prédateurs d’acier noir dans un ciel embrasé. Blue Cheer inspire une sorte de terreur sacrée. Ce n’est pas un groupe qu’on admire, oh que non ! C’est un groupe devant lequel on s’agenouille et qu’on vénère en tremblant. Hormis Monster Magnet, aujourd’hui aucun groupe ne sonne comme Blue Cheer. Sur «The Hunter», la guitare d’Andrew Duck MacDonald et la basse de Dickie Peterson sont en saturation maximale, bien au-delà des normes autorisées. Dickie Peterson mitraille à coups de basse comme s’il était un fantassin de la Wermarcht acculé aux murailles de Stalingrad par une division de mongols cannibales. Ça devient hallucinant de violence carnassière. On pourrait même pousser des aaahhhh ! et des uuuhhhh ! face à une telle démesure frénétique. Il faut avoir entendu un morceau comme «Girl Next Door» une fois dans sa vie pour comprendre ce que peut vouloir dire Richard Burton quand il évoque le musc nacré de l’Islam. C’est vrai que Peterson chante souvent en hurlant, comme si ses nerfs lâchaient, mais comment peut-il faire autrement ? Franchement, c’est impossible. S’il hurle, c’est qu’il en a besoin. Blue Cheer déverse ses tonnes de décibels sur la gueule des Japonais. C’en est presque comique ! Le solo de MacDonald se répand comme de l’or liquide dans un vacarme assourdissant. Blue Cheer se situe au-dessus des lois. La guitare traîne en larsen sur les tap-tap de Paul Whaley et le gros riff de «Summertime Blues» vient tout écrabouiller. Aucun groupe n’a un son aussi atomique, au sens du bombing. C’est tellement ravageur que ça en devient ubuesque. «Ankya very much !» Bon prince noir des galaxies acides, Dickie Peterson salue une audience japonaise complètement tétanisée. «Out Of Focus» ! C’est encore plus épais, plus pesant que tout ce qu’on pourra imaginer. Plus sauvagement sombre, plus dramatiquement abyssal, plus génialement plombé que toutes les énormités du Vanilla Fudge.

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    Paru en 2007, What Doesn’t Kill You est un double album live sur lequel joue encore Andrew Duck MacDonald. Les power dudes sont alive and well, même si on les voit sous forme de squelettes sur la pochette. Dans «Piece O’ The Pie», Duck MacDonald sonne quasi-hendrixien, au sens de «Cry Of Love». Ce joli son de Strato perce l’air liquide. Ils enchaînent avec une version torride de «Born Under A Bad Sign». Bel hommage à Big Albert. C’est un rêve de son come true. Ah comme on se régale de leur conjonction. Duck reste très Cry Of Love, il fait son beautiful freak, très lyrique et ramène du charme dans ce monde de brutes qu’est Blue Cheer. On retrouve cette belle hendrixité en B sur «I Don’t Know About You». Magnifique élongation du domaine de la lutte Cheery. Mais c’est avec «I’m Gonna Get To You» qu’ils font le mieux leur boulot. On les sent résolus. Duck MacDonald voyage en vol plané, il semble même parfois se forer un tunnel sous le Mont Blanc, mais il le fait avec tout le velouté hendrixien. Son de rêve. En C, ils retapissent un «Just A Little Bit» hendrixifié dans l’essence de la pertinence. Dickie chante avec une fermeté qui pourrait passer pour de la mauvaiseté intentionnelle. Ses waouhh valent le détour. Ils terminent avec un «No Relief» qui honore la tradition du heavy blues de type call me a doctor. Et pour la D, on devra se sucer l’os du genou, car elle n’existe pas.

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    Et puis voilà que le fameux Blue Cheer 7 refait surface en 2012. Pour le choper, pas d’autre solution que de le commander chez Bomp, comme au bon vieux temps. C’est un petit label texan nommé ShroomAngel qui s’est chargé de la réédition, et les liner notes sont signées Eric Albronda, premier batteur du groupe devenu par la suite leur producteur. En 1978, Blue Cheer n’existait plus. Après six albums, Mercury-Philips avait lâché le groupe. Mais rien ne pouvait arrêter Dickie. Il voulait redémarrer Blue Cheer coûte que coûte. Il le fit avec le guitariste Tony Rainier et un batteur nommé Michael Fleck. Dickie décida de repartir sur la voie du premier album et de revenir aux sources : le heavy blues. Ils ouvrent le bal des vampires avec une nouvelle version ultra-dynamique de «Summertime Blues». C’est même une version admirable d’exaltation jouissive, une réactualisation du Blue blast. On entend ensuite de diable de Tony Rainier sur-jouer «Route 66». S’ensuit un joli shoot de heavy blues avec «Take Me Away» : cuissot de heavy bien gras, comme on les aime. Dans «I Want You Once Again», Tony Rainier coule de source sur sa guitare. Les gammes élancées ruissellent et Dickie joue comme Noel Redding. Il n’a pas le choix. C’est tout de même incroyable que cet album ne soit pas sorti à l’époque. Il saluait le grand retour de Blue Cheer. La B réserve son lot de belles surprises. Après une version outrancièrement psychédélique de «Out Of Focus», on tombe sur «Starlight», une petite pop-song montée sur un gros drive de basse. Joli coup. Fantastique énergie. Tony Rainier fait du Leigh Stephens en plus acerbe. Une autre surprise arrive à la suite avec «Child Of Darkness», une superbe pièce de pop psyché jouée en cocotte et agrémentée de ponts superbes, comme le jardin de Claude Monet à Giverny. La surprise est de taille car on ne s’attend pas du tout à trouver des morceaux de cette qualité sur un album de Blue Cheer. Non pas qu’il faille les considérer comme des bas du front, mais leur fonds de commerce, ce serait plutôt l’assommoir. Qu’on se rassure : ils ramènent la grosse Bertha pour «Blues Cadillac». Tout le son est là. Dickie n’en démordra jamais, même enterré six pieds sous terre.

    Signé : Cazengler, Blue Chiure

    Paul Whaley. Disparu le 28 janvier 2019

    Blue Cheer. Vincebus Eruptum. Philips 1968

    Blue Cheer. Outsideinside. Philips 1968

    Blue Cheer. New Improved Blue Cheer. Philips 1969

    Blue Cheer. Blue Cheer. Philips 1970

    Blue Cheer. The Original Human Being. Philips 1970

    Blue Cheer. Oh Pleasant Hope. Philips 1971

    Blue Cheer. The Beast Is Back. Megaforce Records 1985

    Blue Cheer. Blitzkrieg Over Nuremberg. Thunderbolt 1989

    Blue Cheer. Highlights And Lowlives. Thunderbolt 1990

    Blue Cheer. Dining With The Sharks. Nimbelung Records 1991

    Blue Cheer. Hello Tokyo Bye Bye Osaka. Captain Trip Records 1999

    Blue Cheer. What Doesn’t Kill You. Rainman 2007

    Blue Cheer. 7. ShroomAngle Records 2012

     

    Waterloo ! Morne Blaine

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    Hal Blaine devait bien se douter que ça finirait mal. On ne peut pas rester indéfiniment vivant et couvert de gloire, ovationné par tous les batteurs de la terre. Comme Napoléon avant lui, Hal Blaine vient de voir son empire s’écrouler. Hop, à dégager, avec la pipe en bois et les baguettes fétiches. Mais bon, il aura bien vécu. C’est même assez miraculeux, vu le contexte de ses origines.

     

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    Il en parle très bien sans son autobio, Hal Blaine & The Wrecking Crew. The Story Of The World’s Most Recorded Musicians. Ses parents juifs polonais avaient en effet échappé de peu aux sabres des Cosaques. Ça date du temps des pogroms. Le jeu favori des Russes consistait alors à entrer dans les villages juifs pour y détruire la population. Ça ne suffisait pas d’échapper à la mort, il fallut aussi échapper à la misère. Les juifs rescapés qui débarquaient en Amérique n’étaient pas tous des banquiers, loin de là. Les immigrants s’appuyaient sur des réseaux qui leur trouvaient du travail, mais c’était donnant donnant : «Je t’aide en te trouvant un taudis pour y caser ta famille, mais tu travailles pour moi.» Ça commence généralement par un stage interminable dans l’une des cités ouvrières du Nord des États-Unis, où les conditions de vie sont aussi terribles qu’en Europe, froid, gla-gla, caca dans la cour, pas d’argent, une patate au repas et à huit dans une pièce unique. Mais sans les Cosaques. Les misérables parents d’Hal finiront par venir s’installer en Californie, et c’est là qu’ils commenceront à profiter un tout petit peu de la vie. Comme disait le grand Charles, la misère est moins pénible sous le soleil exactement.

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    ( Earl Palmer )

    Pour situer les choses, Hal Blaine commence à écumer la scène californienne dans les années cinquante. La première grande rencontre qu’il évoque est celle d’Earl Palmer. Après avoir battu le beurre pour Fatsy à la Nouvelle Orleans, l’Earl vient s’installer en Californie. Il est alors le batteur le plus demandé et Hal apprend énormément de lui - Earl was the King of the Mountain - Puis Hal se retrouve embringué dans le fameux Wrecking Crew et entame son chapitre Phil Spector. On est aux premières loges. Hal explique que Phil adore le chaos - Phil’s sessions maintained a state of barely controlled chaos - Hal compare même Phil à Leonard Bernstein dirigeant le New York Philharmonic. C’est là qu’Hal invente les quarter-note triplets played against the band, c’est-à-dire les triolets de quart de note. Pour fabriquer son légendaire Wall of Sound, Spector rassemblait une grosse équipe : Carol Kaye et Ray Pohlman aux Fender basses, Jimmy Bond et Lyle Ritz aux stand-up, cinq guitaristes (Tommy Tedesco, Barney Kessel, Howard Roberts, Glen Campbell et Bill Pittman), cinq pianistes (Don Randi, Leon Russell, Larry Knechtel, Michael Molvoin et Al Delory), des percussionnistes et de cuivres. Jack Nitzsche écrivait les arrangements et Hal battait le beurre sur tous les hits de Phil, sauf «You’ve Lost That Loving Feeling», que bat Earl Palmer.

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    Et si cet orchestre hétéroclite s’appelle the Wrecking Crew c’est parce qu’à la différence des autres musiciens de studio costumés et cravaté, ceux qui travaillent pour Phil portent des T-shirts et des Levis. D’où le côté zone - Informal and spontaneous - Hal fait un bel éloge de Glen Campbell, un hillbilly originaire de l’Arkansas who took Hollywood by storm. Selon Hal, Campbell shootait du country-style electric guitar in the rock music. Bel hommage aussi à Leon Russell, another hillbilly-type from Tulsa, Oklahoma. Au début, Tonton Leon était tout maigre, avec des cheveux courts. Mais quand il s’asseyait au piano, he turned the record business upside down. Tous les producteurs le réclamaient. Pour Hal, ce sont des mecs comme Glen Campbell et Tonton Leon qui amenaient un key element to our hit record formula.

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    ( Session Good Vibrations )

    Avec le chapitre suivant, Hal évoque les Sinatra, le père et la fille pour lesquels il bat aussi le beurre. Puis ce sont les Beach Boys, et là, c’est plus délicat, car il doit battre à la place de Dennis Wilson qui ne lui en veut même pas. C’est Hal qu’on entend sur «Good Vibrations» - Which took many, many sessions with many segments recorded and rerecorded - Hal traite Brian de perfectionniste : il voulait à la fois la spontanéité et la perfection. Difficile ! Pour Hal, c’est un rude apprentissage. Mais en entendant le résultat à la radio, il comprend que la combinaison du génie visionnaire de Brian et des interminables sessions d’enregistrement - the painstaking work on the songs - hisse le rock à un autre niveau. Heureusement, Hal et Dennis Wilson sont très potes. Dennis préfère aller faire le con sur la plage avec les filles plutôt que de rester enfermé en studio. Il s’en fout, du moment que l’argent coule à flots et qu’il peut s’acheter des bagnoles, des bateaux et des motos. Mais avec le temps, Dennis va s’investir beaucoup plus dans le son des Beach Boys, notamment à l’époque du Brother Studio. Il demandera même à Hal de venir battre le beurre sur son fameux album solo, le mirifique Pacific Ocean Blue. Hal ajoute que Dennis était encore meilleur au piano qu’à la batterie. Ça on le savait. Il suffisait d’écouter l’album.

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    Ce veinard d’Hal bosse aussi avec Jan &Dean, le duo tragique de l’El Dorado californien. À l’époque, Jan Berry étudie encore la médecine et Dean Torrence l’architecture. Pour Hal, ces deux-là incarnaient the California Dream : sports cars, blond hair, tall and muscular builds, the epitome of the young surfer image. Les deux caractères sont très différents, voire opposés : Jan Berry est une cale carne et Dean Torrence un mec gentil. Hal voit même un halo flotter au dessus de la tête de Dean. Hal parle de Jan en termes de devilish manner. Pour la première fois, Hal accepte de partir en tournée pour les accompagner. C’est l’âge d’or de Jan & Dean. Aux États-Unis, ce sont des mégastars. Quand ils doivent aller en studio pour enregistrer un nouvel album, c’est Jan qui passe un coup de fil à Hal pour lui demander de rassembler le Wrecking Crew. Et c’est là pour la première fois qu’Hal joue en double avec Earl Palmer. The double drums est une idée de Jan. Et puis patatrac, c’est l’épisode fatidique du Dead Man Curve : à la suite d’un accident de voiture, Jan survit miraculeusement. Il est allé s’encastrer sous un camion, au volant de sa Corvette Stingray. Même genre d’accident que celui de Duane Allman à Macon, qui alla lui aussi s’encastrer avec sa Harley sous un camion. Jan a le crâne ouvert et la cervelle qui coule quand les flics le trouvent. Ils le considèrent comme mort. Jan doit subir une opération au cerveau. Il va mettre deux ans à se rétablir et reviendra en studio en 1968 finir d’enregistrer le mythique Carnival Of Sounds - But the days of superstardom were gone - L’album ne paraîtra qu’en 2010. Avec celle de Badfinger, c’est l’une des histoires les plus tragiques du rock’n’roll circus.

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    Et pouf, Hal passe directement aux Monkees, qu’il qualifie de typical products of the times : young, vibrant, long-haired, cute and funny as hell. Évidemment, c’est le Wreking Crew qui joue sur les deux premiers albums et sur tous les hits des Monkees, mais ça on le savait depuis la conférence de presse qu’organisa Michael Nesmith pour dénoncer cette arnaque. Hal monte encore d’un cran dans le super-system hollywoodien avec Jimmy Webb. Ça va loin car Hal compare Jimmy Webb à Cole Porter et aux Gershwins, alors qu’il n’a encore que 17 ans. Mais il devient vite la poule aux œufs d’or d’Hollywood. Jimmy Webb gagne tellement de blé qu’il s’offre l’ancienne résidence du consul des Philippines, sur les hauteurs d’Hollywood, pas très loin de chez Hal, qui n’en revient pas de voir un morpion aussi jeune réussir. Chez Jimmy Webb, le téléphone sonne sans arrêt : ils veulent tous leur œuf en or, Frank Sinatra, Barbra Streisand, tous. Jimmy Webb envoie Hal à Londres pour travailler avec Richard Harris, mais ils ne foutent rien. Ils font la fête pendant dix jours. Ils reviennent enregistrer «MacArthur Park» à Hollywood, au Sound Recorders. On confie à Hal le soin de diriger les violons pendant les sessions d’overdubs - One of the most exciting times in my career - Ben voyons. Mine de rien, Hal Blaine n’a fait que bosser avec tous les géants de la terre. Et ce n’est pas fini car voilà the Mamas & The Papas, encore un gros épisode bourré de gens ultra-doués. Quand il les voit débarquer pour la première fois en studio, Hal les prend pour des clochards. Ils viennent en effet de passer un long moment en Jamaïque, en vivant aux frais de la princesse. Mais quand ils se mettent à chanter, attention, ça ne rigole plus. Lou Adler qui les prend en charge demande à Hal, Joe Osborn et Larry Knechtel de les accompagner. Hal se dit très impressionné par Mama Cass - I’ve never met a sharper lady, with the possible exception of Barbra Streisand - Il la trouve très intelligente et dotée d’un goût marrant pour les fringues. Mais le crack, c’est bien sûr John Phillips. Hal boucle sa plantureuse autobio avec des chapitres consacrés aux Carpenters et à John Denver.

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    C’est le fils de Tommy Tedesco qui tourne le docu consacré au Wrecking Crew, dans lequel jouait son père Tommy. L’occasion est si belle de revoir tous ces dieux du stade qu’on ne peut pas la rater. C’est Jimmy Webb qui clame que les session-men du Wrecking Crew sont les meilleurs musiciens du monde - They were stone cold rock’n’roll professionals - On les voit tous, Hal Blaine, la bassiste Carol Kaye, l’incroyable virtuose Tommy Tedesco, Glen Campbell, Joe Osborn (l’autre bassman), Tonton Léon et Earl Palmer, plus d’autres moins connus comme Al Casey. Ils ont pris un sacré coup de vieux, mais Teddy Tedesco a réussi à les filmer avant qu’ils ne cassent leur pipe en bois. Hal Blaine le redit : «Quand on est arrivés avec nos clopes, nos T-shirts et nos jeans, les vieux musiciens de studio qui étaient en costards bleus disaient ‘They’re gonna wreck the business’», d’où the Wrecking Crew.

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    Et puis on voit Carol Kaye nous jouer la bassline de «The Beat Goes On». Wow ! Ça vaut tout l’or du monde. Tous les bassistes devraient voir jouer Carol Kaye. On tombe ensuite nez à nez avec Brian Wilson qui voulait absolument le Wrecking Crew sur les albums des Beach Boys. Jimmy Webb : «Pet Sounds ? Okay ! Top this !» Carol Kaye joue sur «Good Vibrations» et «California Girls». Brian va loin car il dit d’elle qu’elle est the best bass player in the world. Et c’est Hal Blaine qui fait le chef d’orchestre pendant les sessions historiques de Pet Sounds. Soudain, le docu bascule dans Phil Spector, c’est-à-dire l’une des époques les plus géniales de l’histoire du rock. On est au Gold Star, avec six guitaristes, quatre pianistes, une vingtaine de percus, deux basses, l’upright et l’électrique et un batteur, Hal Blaine.

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    On ne parle ni des cordes ni des cuivres. Beaucoup de monde dans un petit studio et une grosse chambre d’écho. The wall of sound, baby, «You’ve Lost That Loving Feelin», «Be My Baby» et «River Deep Mountain High».

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    Spector fait travailler ses musiciens pendant des heures avant de commencer à enregistrer. Oui, des heures. Et ils jouent. Carol Kaye raconte qu’elle a commencé sa carrière de session-woman en 1957 en accompagnant Sam Cooke. À l’origine, c’est HB Barnum qui la recrute en même temps qu’Hal Blaine et Glen Campbell pour jouer sur des démos. Ils deviendront ensuite très riches, tant que va durer l’âge des sessions. Roger McGuinn radine sa fraise pour expliquer qu’il fut le seul Byrd autorisé à jouer sur «Mr Tambourine Man». One take. Par contre, il en a fallu 77 pour mettre «Turn Turn Turn» en boîte. Pourquoi ? Parce que ce sont les vrais Byrds qui jouent dessus et non le Wrecking Crew. On en arrive fatalement aux Monkees. Peter Tork surgit pour dire sa colère : il voulait jouer sur le premier album, «mais ils l’ont enregistré sans moi - I was upset !» Micky Dolenz qui s’est pas mal empâté prend la chose avec plus de philosophie. Il trouve ça plutôt bien d’être accompagné par le Wrecking Crew. Le docu nous rappelle qu’Hal Blaine et Joe Osborn accompagnaient The Mamas & The Papas à leurs débuts et tout cet âge d’or s’achève avec l’arrivée des groupes qui savent jouer. Depuis le scandale des Monkees et la conférence de presse de Michael Nesmith, le public voulait des vrais musiciens, et surtout des jeunes vibrants et souriants. On n’avait donc plus besoin des vieux. Hal Blaine raconte qu’il a perdu son yatch, sa Rolls et sa belle demeure hollywoodienne. Pas facile la vie, surtout quand on est matérialiste.

    Signé : Cazengler, Blaine ô ragie

    Hal Blaine. Disparu le 11 mars 2019

    Hal Blaine & The Wrecking Crew. The Story Of The World’s Most Recorded Musicians. Rebeats 2010

    Denny Tedesco. The Wrecking Crew. DVD 2014

     

    LIVE IN MONTREUIL

    20 / 04 / 2018

    CRASHBIRDS

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    Delphine Viane : vocals , rhythm guitar / Pierre Lehoulier : lead guitar and Crashbox.

    Vous les retrouvez tous les deux, sur les belles photos de Raphael Rinaldi. En des endroits douteux. Par exemple, photo de couve, Pierre s'est niché sur un entassement de fûts de bière, derrière ses lunettes noires l'a l'air d'un agent du FBI qui veille sur la réserve d'or de Fort Knox, mais méfiez-vous avec son profil longiligne d'oiseau de proie Delphine paraît encore plus dangereuse. Ne lui marchez pas sur les escarpins, c'est une tueuse.

    Une célèbre photo blanc et noir à l'intérieur, les cui-cui en amoureux. Style Bonnie and Clyde. Pierre vous regarde winchester en main, votre mort inscrite dans ses yeux, et Delphine s'accroche à lui telle la louve sauvage et protectrice dans Les Destinées d'Alfred de Vigny. Ny touchez pas, ceci est à moi, contentez-vous du reste du monde, j'ai pris ce qu'il y avait de meilleur.

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    Doctor no : la crashbox de Pierre Lehoulier vous corrompt le cerveau à la manière d'une colonie de termites métaphysiques qui durant votre sommeil imprudent ronge à pleines dents les poutres de votre toiture mentale. C'est avant tout cela les Crashbirds cette menace sourde, implacable, vous en avez l'équivalent dans Le Terrier le dernier texte, inachevé, de Kafka, un malheur n'arrivant jamais seul, l'est même précédée de deux froissements électriques de guitare carbonisée qui commence son impérieuse combustion en ouverture, et là-dessus la voix de Delphine Viane surgit telle une flamme ravageuse qui a décidé de s'en prendre à l'univers entier. Quand elle se tait Lehoulier en profite pour vous larder le dos de mille coups de couteaux pointus comme la mort. Voters strike : vous avaient pourtant avertis, et vous avez continué l'écoute, tant pis pour vous, le bureau des dernières extrémités ne prend plus les réclamations, z'ont mis le bulldozer en marche et plus rien ne les arrêtera, la guitare ravageuse de Lehoulier se lance dans une espèce de solo épileptique, vous plie les peupliers et boulotte les bouleaux, un truc à vous rendre fou, d'ailleurs Delphine ne se retient plus, elle a voix qui flambe à la manière d'un feu de forêt, se repassent l'anaconda géant à tour de rôle, il vient vous arracher les parties génitales sans préavis. Boogie night : Le mec qui tient la Fender est décidément un malfaiteur de l'Humanité, soit il vous écrabouille la tête d'un pied rageur soit il vous bombarde de plomb fondu, quant à la fille, au coin du bois tombez en arrêt devant un chat haret, et tentez de le caresser, elle a la voix qui griffe méchant, vous verrez ce que vous en dira le chirurgien à qui vous montrerez votre moignon, ensuite Pierre vous donne un aperçu sonore de ce qui à dû se passer lorsque le Seigneur a déclenché son nuage de soufre sur Sodome et Gomorrhe. Someone to hate : y a des gens qui sont comme cela, prennent du plaisir à faire du mal, vous pressent l'orange mécanique jusqu'au citron. Pierre à fond et la voix de Delphine à feu et à sang. En plus la Delphinette n'arrête pas une seconde de tout le set de claquer sa rythmique, et pendant qu'elle construit des murs de parpaings explosifs Pierre vous passe les riffs comme le fil à couper le beurre autour de votre cou et Delphine l'excite à mort, une furie, une Erynnie sortie tout droit d'un drame antique, qui éclatait de rire lorsque les achéens éclataient la tête des bébés troyens sur les murs du palais de Priam. Nowhere else : méfiez-vous des intros de guitare de Pierre Lehoulier souvent elles débutent selon les règles de l'art, mais l'arrive toujours un moment où elles partent en vrille, alors il ne se retient plus martèle sa crashbox en forcené, et la Fender klaxonne sans arrêt à la manière de ses alarmes de voiture qui se déclenchent toutes seules juste pour vous empêcher de dormir. Quand il est dans ces moments de crise même Delphine n'ose l'arrêter, oui mais de temps en temps elle ne peut pas s'en empêcher, alors elle vous jette quelques bidons d'essence de sa voix incendiaire, vestale dévastée qui veille à ce que le feu sacré ne s'éteigne jamais. Stupidity : l'a on n'entend plus qu'elle, le Pierre a beau vous faire un vacarme de tous les diables, la Delphine peu calme clame ses désirs de folie stupide au monde entier, femelle furax et mâle bruyant, le couple de l'année se fait encore une fois de plus remarquer, z'ont cassé le hublot de l'avion sous prétexte qu'il y avait trop de sel dans leur plateau repas, et maintenant vous vivez le crash en direct. Essayez de survivre. Je sais, ce ne sera pas facile. Weekend lobotomy : un couple se déchire dans un deux-pièces-cuisine, abattez-les tous les deux, le Diable reconnaît toujours les siens, vous n'avez pas suivi nos judicieux conseils, le Pierre vous passe les riffs dans le grille-pain et Delphine ouvre les fenêtres pour que l'on entende ses hurlements jusque sur Mars, la situation a dégénéré, le gouvernement a dû s'emparer de l'affaire, l'Onu n'a pu empêcher le déclenchement d'une guerre nucléaire internationale. Tant mieux pour nous, cette guitare qui détruit le monde est trop belle, et ce chant de guerre entonnée sauvagement par Delphine sonne à nos oreilles comme un shoot d'endomorphine délicieux. Que voulez-vous le malheur des uns fait le bonheur des autres.

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    The lions : on l'avait oublié mais ce sont des amateurs de blues, Pierre vous pousse l'anatole jusqu'à ce qu'elle tombe dans le rock'n'roll et Delphine vocalise telle une diva qui passe le contre-ut en rut. Pierre se sert de sa guitare comme d'une torche et Delphine de sa voix comme les soldats d'Alexandre piquaient de leurs lances le sexe des éléphants afin qu'ils se retournent contre leur propre camp. Total ravage. Sinistre absolu. Non remboursable par la sécurité sociale. No mercy : Pierre tricote, à la manière des faiseuses d'ange, l'a le pied qui batifole sur la crashbox, jusque-là tout va à peu près bien, ce n'est pas l'avis de Delphine, elle intervient à la hussarde, lance la charge du cobra sur sa proie, vous pousse une clameur à vous vider de votre sang et c'est parti pour trois minutes de frénésie animale, elle en miaule de plaisir, elle en glapit de jouissance, Pierre tabasse sa guitare qui ne lui a rien fait, et je préfère ne pas vous raconter la fin, sinon le blogue va écoper d'un sticker parental advisory. Money : la crotte de dieu disent les hindous, les cui-cui vous la servent brûlante et fumante, vous en barbouillent l'âme et le corps rien que pour voir l'effet que ça vous fait. Ce coup-ci, s'y mettent tous les deux ensemble, superposent leurs efforts, Pierre tronçonne les solives du riff et Delphine l'excite des rauques aigus de sa voix ricaneuse de hyène maraudeuse. Maintenant Pierre amasse la mousse des riffs et Calamity Viane se sert de son larynx comme d'une winchester. Hard job : dur je ne sais pas, mais vite, oui. Delphine secoue la cloche de vache à la fadurle, Pierre vous brode des entretigres à la dynamite, Delphine pousse au rythme comme d'autres au crime, z'ont dû oublier d'éteindre l'incendie ( just for fun ) chez le voisin, sont méchamment pressés, roulent en contresens sur l'autoroute et Delphine vitupère contre les imbéciles qui ne leur laissent pas la place. Boring to death : l'heure de gloire de Pierre, vous fait sonner sa guitare comme le cor de chasse au fond des bois, un truc qui a l'air d'énerver Delphine, l'enchaîne sec, exige le tumulte, entre en trombe souveraine, pas du genre à laisser pousser les coquelicots dans les champs de blé, l'est pour les déforestations sauvages, elle a la voix qui glyphosate, là où elle passe rien ne repousse, Pierre n'est pas le gars à qui il faut en promettre, vous la suit comme un seul homme, la Fender arase le monde. Fin brutale, il n'y a plus rien à détruire. The midnight prowler : aux sources mississippiennes du blues, oui mais les cui-cui ce qu'ils préfèrent c'est quand l'électricité brise les barrages, Delphine vaticine, le blues est cette ombre bleue qui se faufile dans les nuits de désespoir, alors autant que la catastrophe arrive au plus vite, le rythme se précipite, la mort vaut mieux que la promesse de la mort. Danse finale sur les décombres. La guitare de Pierre compte les abattis. Silence : titre oxymorique, pas une once de silence dans cette cavalcade endiablée, rivalisent, la guitare bourdonne rageusement et Delphine hurle ses ordres à la cantonade, pour finir elle égorge le coq sur un rond de sorcière. Rollin' to the south : retour aux origines, terminent en beauté, festival de guitare et sarabande vocale. L'on remet le disque au début. L'on porte plainte car il faudrait un deuxième CD.

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    Quinze morceaux, quinze fournaises. Dans la série les cui-cui tapent toujours plus fort et volent toujours plus haut, les Crashbirds nous offrent le live de l'année. Quinze bluezy rootsies électriques, un trip qui vous étripe, un verre de moonshine qui vous éviscère, une guitare fulminante, une voix tumultueuse, une rythmique obsédante, un vrai disque de rock. Diamant noir.

     

    Recorded Live à L'Armony de Farid par Roland Piqueras / Mixé par Eric Cervera / Masterisé ( surtout pas pasteurisé ) par Sébastien Lorho.

    Damie Chad.

    11 / 04 / 2019MONTREUIL

    LA COMEDIA

    CHUMP / HITCH & GO

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    Profitons de la balance établie en un tour de main par Monsieur Personne in person pendant que son chien Whisky indifférent au tumulte humain dort profondément et néanmoins philosophiquement sous une table, pour visionner le logo de Chump reporté en grand et en couleur sur une bâche noire en fond de scène, indéfinissable, une tête pour trois interprétations, lion, fillette, grand-mère, une seule chose de sûre, cet énergumène à crinières à bandeaux se trouve en équilibre instable sur une planche de skate, un cri que l'on n'entend pas sort de sa bouche grand-ouverte. Resterons-nous sourd à un tel appel !

    CHUMP

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    Chump, un synonyme de punk, mais nous lui préfèrerons une autre étymologie que les philologues professionnels n'accepteront jamais. Au vu de leur prestation, nous paraît davantage significative l'image de la mousse d'un champagne ou de Mort Subite qui fusent de leurs bouteilles et se répand partout sur vos effets personnels les plus précieux, convocations au commissariat, relances d'impôts et lettres d'huissier comminatoires. Mais attention une mort subite joyeuse. Généreuse et pleine d'entrain. De quoi transformer vos ennuis en papillotes. Z'ont mis le plus grand derrière, une espèce de colosse, à eux trois devant on ne voit que lui, et surtout l'on n'entend que lui. Non, ils n'ont pas de batteur. Ils ont un cogneur. Une espèce de Sugar Ray Robinson du boxing drumin. OK pour le KO à chaque coup. Si vous vos voisins vous obligent à ériger une solide clôture pour empêcher votre féroce rhinocéros en rut de se ruer dans leur villa, passez-lui un coup de fil, vous enfoncera des pilonnes de béton armé à deux mètres de profondeur dans le soubassement rocheux de votre jardin, en trois coups de cuillère à pot de yaourt périmé. Gilles à la baguette brontosaure. En plus il en a deux. Des galopantes qui se jettent sur les toms – imaginez le tomtamarre - tels des piranhas affamés sur une vache imprudente. Voilà, j'espère avoir suscité en l'esprit estomaqué du kr'tntreader de base une vague idée de ce bruit de fond qui pour une fois n'est pas coutume s'impose au premier plan.

    Avec un tel stradivarius derrière moi, je vous l'avoue sans chichi, si j'étais Bruno ou Kiki aux guitares et Romz à la basse je ferais semblant de jouer, du pur playback de télévision française, je ne me fatiguerais pas, laisserais le copain se charger du boulot. Ben, non, nous n'avons pas affaire à une bande de fainéants. Eux, ça les excite. Sont comme les mecs qui trouvent bath de skier sur l'avalanche ou de surfer sur le tsunami. Commencent par se mettre en forme en sautillant sur place à la manière des petits pois conservés dans une boîte métallique obnubilés par l'idée de sortir pour apporter leur modeste contribution au vaste monde. En plus ce sont des futés, le Gilles l'a beau tordre le tonnerre de Thor au-dessus de leurs têtes, ils se faufilent dans ce maelström sonore comme la souris dans la trompe de l'éléphant, non pas pour lui ronger le cerveau mais pour lui apporter quelques substances psychédéliques, afin de transformer sa charge pachydermique en entrechats de danseuse étoile du Bolchoï de Moscou.

    J'ai le regret de vous informer, question grâce de ballerine en tutu rose, c'est un peu raté, par contre efficacité manœuvrière de Légion Romaine à l'assaut de désordres barbares, nous frisons la perfection. Le rouleau compresseur qui fonce sur vous n'est pas un problème, la solution toute simple est de s'installer dans la cabine de pilotage et de profiter de la force de l'engin pour exercer votre puissance. Et nos trois surfers d'argent réussissent ce miracle de communier avec la brute torrentueuse, z'en font ce qu'ils en veulent, et lui vraisemblablement par un mystérieux courant d'effluves sympathiques peut-être chamaniques, se mêle au jeu de ces bambins turbulents qui ont décidé de ne pas jouer les inutilités et qui vous le cinglent de leurs fouets cordiques. Un menuet cataclysmique, une horloge punk ( rock around the punk ou punk around the clock ) d'une précision infernale, vous dévient le bloc de dix mille tonnes qui fonce sur vous, vous le métamorphosent de leurs bouts de cordes ( de pendus vraisemblablement ) en papillon apprivoisé – attention ne butine que les fleurs empoisonnées ou carnivores – aux ailes de fer. La preuve, ils nous dédieront un morceau hyper-speed-loud de metal, qui ne dépare en rien leur punk-chump énergétique et dévastateur.

    Quittent la scène sans tralala apparemment heureux de leurs méfaits. Tellement obnubilé par le déluge sonore que je n'ai point évoqué les vocaux, qui se fondent à l'ensemble comme le tungstène à l'acier pour lui apporter plus de résistance. Viennent de Belgique. S'ils étaient un recueil de poèmes ce serait Les Ailes Rouges de la Guerre de Verhaeren. Une tuerie. Les rescapés ont adoré.

    HITCH & GO

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    Je déteste être floué. Surtout dans un concert de rock. J'aurais dû prévoir. Avec un tel nom, attelle et file, j'aurais dû m'en douter. Si je devais me fier à mon ressenti, ma chronique serait terminée. Ces mecs sont des sorciers. Montent sur scène et en descendent. Entre temps vous n'avez pas vu le temps filer. Certes aux premières notes vous vous dites, du punk pur et dur, puis dix secondes plus tard vous rectifiez, incluent des éléments mélodiques dans leurs compos, Du punk au parfum pop. Et puis plus rien, c'est la fin. L'on va donc reprendre au début, les scientifiques agissent ainsi pour les apparitions des extraterrestres, analysent la séquence de bout en bout.

    Viennent du Canada. Sont en tournée européenne. La veille z'étaient à Limoges. Sont affublés de casquettes. N'ai jamais trouvé cet ustensile très attrayant, mais cette affirmation n'engage que moi-même et je la partage pleinement. Quatre sur scène, avec JP Lessard, pas de lézard l'est au micro et au chant, Will Dural en apparence le plus jeune, une sacrée dégaine, belle allure de rocker et une voix aux intonations intéressantes, jappe trop rarement mais toujours pour signaler un fait hors du commun, Max Brocher est le second préposé au maltraitage de guitare. Dave Hamel, plus difficile à cerner. Cache bien son jeu. Une frappe rapide, qui ne s'attarde guère, mais il a son secret que je vais vous révéler, qui explique pourquoi le set semble s'être déroulé si vite, j'ai mis un peu de temps pour comprendre, au début je n'y ai pas cru, car je n'y aurais jamais pensé. C'est lors des passages mélodiques, ils surviennent sans crier gare, bien intégrés dans la structure rythmique, devant les guitares font les belles, elles roucoulent et vos oreilles n'ouïssent plus que les voix harmonieuses de ces sirènes, c'est alors que Dave nous fait son coup de Trafalgar, alors que tout baigne dans l'huile, que souffle une brise printanière, clac, clac, clac, sans prévenir, il appuie à fond sur l'accélérateur, à coups redoublés, comme quand vous réduisez en bouillie à coups de sandale rageuse l'araignée velue qui s'était aventurée sur votre mur, agit un peu à l'icognito, juste ce qu'il faut pour que les trois complices devant entendent le signal, aussitôt ils accélèrent eux-aussi et en parfaits escrocs s'amusent à vous tricoter illico de superbes motifs à l'architecture complexe. Vous avez commis la gaffe de ne pas y faire gaffe, et ils ont démarré si prestement que la roue de la charrette vous a roulé sur le pied sans que vous l'ayez ressenti. D'autant moins, que comme par hasard ils donnent maintenant dans une fricassée sonore plus punk que moi tu meurs et je t'enterre, pour trente secondes plus tard vous enfoncer dans une chatoyance poppy des plus rapides.

    S'amusent à ce jeu tout le long du set. Se livrent à une espèce de manipulation sonologique, sont les adeptes de l'emploi des âmes furtives, vous emmènent avec eux, alors que vous croyez rester à la même place, se livrent à la télé-déportation musicale. Le combo ronronne comme un chat sur un coussin, pendant que vous vous confondez de plaisir à suivre les rayures de sa robe bigarrée, vous êtes emporté à une vitesse extraordinaire sur un tapis volant d'un nouveau genre. Hitch & Go, use d'un punk non conventionnel, vous tendent une image qui voyage plus vite que la lumière qui agite les neurones de votre cerveau. Tour de passe-passe. Sidérant.

    Damie Chad.

    P. S. : Merci à Lalla Lenda, délicieusement savante, à qui j'ai volé l'idée des flux sympathiques.

    ( Photo : FB des artistes )

    12 / 04 / 2019TROYES

    3 B

    WISEGUYZ

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    La teuf-teuf frétille. Je repense au dernier retour de Troyes, nous a ramenés fièrement à la maison après le concert. C'est le lendemain matin qu'elle a agonisé, l'était comme une bête pantelante, agitée des derniers soubresauts nerveux de la vie. N'était qu'à un pas du trépas, l'ai remmené dare-dare à petite vitesse au garage. Se sont penchés dessus avec sollicitude, ça m'a coûté un bras et demi, mais ce soir elle galope du feu strombolique des Dieux vers un nouveau concert, c'est sa drogue à elle. La mienne aussi.

    Soirée ukrainienne ce soir, non je ne voudrais pas vous décevoir, ce n'est pas un groupe folklorique de balalaïkas, mais un des meilleurs combos de rockabilly européen, encore que je m'attende à recevoir un tombereau de lettres d'insultes parce que beaucoup de connaisseurs le placent tout en haut du podium. Mais qui se peut vanter de les avoir tous écoutés. Et tous vus en live.

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    Le 3B n'a jamais paru aussi exigu, une tire-lire, vous y glissez un centime de plus et elle explose, inutile de tenter de louvoyer entre les corps pour aborder le bar, faut forcer le passage, marcher sur les pieds, couper sa respiration, rentrer dans cette matière vivante coagulée, la situation s'avèrera encore pire dans les inter-sets, les WiseGuyz n'ont pas attiré du monde mais le monde entier semble s'être donné rendez-vous dans ce point névralgique de la planète qu'est le 3B pour les écouter.

    WiseGuyz

    Sont-là, tranquilles, tous les quatre, en toute simplicité, jetant sans inquiétude un dernier coup d'œil à leurs instruments, c'est à se demander comment de ces quatre guys si débonnaires va jaillir dans quelques secondes ce flux inextinguible de haute musique so hot. One, two, one, two, three, four, c'est parti, le temps n'est plus aux questions métaphysiques. La réponse est apportée aussitôt sur un plateau. Un seul mot : la pulsation, la palpitation primaire.

     

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    L'a une allure de marlou, pas pour rien qu'il se surnomme Rebel, le gars qui cherche l'entourloupe avec le système et qui jamais ne la loupe, avec sa grande silhouette dégingandée, sa salopette de travail en jeans et sa chemise dont les carreaux traversés d'une lumière bleue, l'a l'allure flegmatique d'une blue panther de dessin animé, l'est accoudé sur sa doublebass, mal nommée car dès que l'heure du boulot sonne l'abat du taf à lui tout seul pour huit personnes. Donc une octuple-bass, vous la soigne aux petits oignons, mais quand il lui presse le tubercule cordique c'est pour en extraire l'huile essentielle du trognon, s'applique à une rythmique élastique, l'a les doigts qui courent devant ses mains, un j'étire latéral la corde au max, deux elle renâcle quand je la relâche, et tout de suite je slappe comme un damné poursuivi par la fourche de Satan en personne.

    On the other side, the man behind the lead-guitar, l'a mis des grosses lunettes pour qu'on le voie mieux, ce n'était pas la peine, on l'entend. Normalement la rhythm guitar a le mauvais rôle, le mec qui se dévoue, vous réanime le macchabée après trois heures de bouche-à-bouche, l'a tout donné et quand il a réussi, tous les regards se portent sur le rescapé, on entoure le héros revenu de l'outre-monde, on l'embrasse, on le félicite, plus personne ne pense au gars qui s'est tapé le turbin, on l'évacue de sa mémoire, on le raye de la liste des vivants, on l'oublie, on fait l'impasse totale sur son existence. Oui mais avec Alex l'expression de cette ingratitude humaine n'a pas lieu d'être, s'il était dans un philharmonique tiendrait le rôle du premier violon, l'agite son crin-crin magique et la musique prend sens. L'a la même houle faussement de guingois sur sa rythmique que Buddy Holly sur sa strato. L'a le balancement stratosphérique, vous fout le vent dans les voiles du combo, on les sent prêts à traverser les océans sublunaires. Je n'aime pas me vanter, mais là je suis si proche de lui que j'ai double ration, la part commune dispensée par la sono, mais si je penche la tête de quinze degrés sur la droite c'est le son direct, pré-micro, le grémissement infernal des cordes méchamment cinglées, un régal, divin.

    paul whaley ( + blue cheer ),hal blaine ( + wrecking crew ),crashbirds,hitch & go,chump,wiseguiz

    Avec ces deux cadors à ses côtés Chris Bird joue gagnant à tous les coups. Deux trompe-la-mort prêts à le suivre dans les situations les plus difficiles. Heureusement car le Bird, les trucs faciles il les ignore, il les méprise, ne s'en préoccupe pas, peut-être même ignore-t-il que ces misérabilités puissent exister. L'a les doigts sur les cordes qui doivent se prendre pour des gymnastes olympiques sur les barres asymétriques. Jamais assez, un kamasutra positionnel inimaginable. Le grand écart à chaque instant, d'une précision absolue. Mais nous y reviendrons tout à l'heure.

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    Car il manque quelqu'un à l'appel. Ce n'est pas de sa faute, malgré sa stature imposante, l'est relégué tout au fond caché par le rideau de ses trois camarades devant lui. Trop de monde pour qu'il puisse bénéficier d'une profondeur de champ. En plus on ne l'entend pas. Enfin manière de parler. L'a la frappe ventouse, se colle sur le boulot des copains de si près qu'on ne le sait pas. Vous n'y prêtez aucune attention. Un peu comme ces reptiles qui imitent si parfaitement une branche morte que quand vous la ramassez pour la lancer à votre chien, vous êtes déjà mort. Faut que les trois autres fassent trois secondes de silence, pour que vous réalisiez sa présence, car c'est quand vous récupérez la mue du serpent que vous comprenez la complexité du dessin de sa peau. Ozzy, l'air de ne pas y toucher, les rares fois où je l'ai entrevu, l'a l'air de s'ennuyer, tiens je vais poser la baguette au pif ici, sont tellement bêtes qu'ils n'y verront que du feu. L'oublie que la feu ça brûle et quand il fait feu, vous réalisez que c'est un tireur d'élite, une frappe subtile, une toile d'araignée qui suit le mouvement du vent, les plus doux zéphyrs et les plus plus fortes tempêtes, le secret de la palpitation, de la pulsation, elle est là, elle pousse et elle impulse, avec Ozzy qui vous colle aux fesses vous intuitez rapide que reculer serait une erreur, vous arrêter une catastrophe.

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    Vous les avez eus un par un, sans doute aimeriez-vous savoir quel genre d'histoire ils vous racontent tous ensemble. Pas n'importe laquelle, elle porte un titre, the rise of the rockabilly. Une légende mythique, tronçonnée en plus de trente morceaux, ne vous les content pas dans l'ordre chronologique, mais je vous remets le canevas dans l'ordre. C'est un peu l'histoire de Prométhée qui s'en va voler une flammèche du feu divin et qui la refile aux hommes pour qu'ils puissent se chauffer et être heureux. Un remake made in the USA, parce là-bas tout est plus beau et plus grand, des petits salopiauds de blanc-becs qui fauchent sans vergogne une étincelle de l'étincelle initiale apportée d'Afrique par des esclaves noirs. La gardaient pour eux, et l'avaient enfermée jalousement dans la pulsation jazz, mais nos gredins s'en sont saisis et l'utilisent d'une autre façon, ils la boppent, à mort, marquent le rythme sur une caisse claire et la guitare suit le mouvement, l'électricité permet à cette mandoline de malheur de s'émanciper, devient la reine, la rythmique pique un sprint infini, la basse s'essouffle mais son cœur ardent bat la chamade et ne s'effondre pas, le rockab naît de ces disharmonies rythmiques, quatre rythmes différents qui finissent par s'entendre un peu à la manière des meutes de chiens de chasse – redoutables hound dogs - qui jappent à l'infini, mais il y en a toujours une, par on ne sait quel miracle, dans ce torrent impétueux d'aboiements, une voix se détache et domine, pas très longtemps, trois secondes mais a peine s'est-elle fondue dans le brouhaha absolu, qu'une autre s'élève, avec une vigueur et une clarté indiscutables, et les appels solitaires ne cessent d'émerger tour à tour jusqu'au grand hallali final.

    Le quatuor diabolique ne se contente pas de ces quatre partenaires, dans la série plus on est de fous plus on rit, ils en invitent un cinquième, la voix humaine, car l'homme est tout de même, si on y réfléchit un peu, le summum de la bestialité animale, Chris Bird en sus de la lead se charge de cette cinquième colonne du temple rockab. Gretsch and voice. A l'impulsion de la musique correspond l'inflexion vocale, le grand secret est là, combien maladroit serait le flamant rose qui s'emmêlerait les deux pattes dans ce torrent qui coule par intermittence en deux lits parallèles qui s'entrecroisent sans cesse. Chris Bird excelle en cet art difficile. La voix joue à saute-moutons avec le flux et l'influx musical, l'en rajoute même, esquisse quelques pas de danse, trépigne sur place, et les trois autres instrumentistes le suivent comme s'il était l'homme qui non content d'avoir perdu son ombre en aurait trois derrière lui. Des fidèles qui l'imitent à la perfection lorsqu'il descend les escaliers infernaux et remontent derrière lui des enfers comme s'ils se livraient à la plus enivrante croisière d'après-minuit.

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    Nous feront trois sets, d'une beauté intense, imaginez-vous un voyage au plus près des racines, celles du début des rockab, les tout premiers titres de Bill, d'Elvis, de Gene, de Buddy, d'Eddie, ce moment pharamineux où les pionniers inventent la recette du rockabilly, un bouquet swing-bop-rock éblouissant, la fougue juvénile marquée du sceau d'une créativité indépassée, et puis pour remercier le public qui ne décolle pas et Béatrice la patronne qui les accueille pour la quatrième fois, un quatrième set, trois morceaux, pas les plus tape-à-l'œil-je te-rentre-dans-le-lard, non des subtilités, des permutations inextricables, des folies inoubliables.

    Duduche résumera la soirée, avec les WiseGuyz ça gaze !

    Damie Chad.

    ( Phtos : FB : Béatrice Berlot )

    KILLER COUPLE

    WIZEGUYZ

    ( Toro Records / 2018 )

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    Les morceaux sont sur leur premier CD, promis, je vous le chronique la semaine prochaine. Je n'ai pas pu résister. La pochette est trop belle. Artwork : d'Henrique San. Le genre de disques que vous écoutez au grand maximum une fois dans votre vie, mais pour laquelle vous abattez sans vergogne au fusil à pompe tout individu qui semblerait donner l'illusion de désirer inconsciemment s'en approcher à moins de quinze mètres. Avant de vous livrer à de telles extrémités, batifolez un peu sur le site d'Henrique San, artiste portugais à l'esthétique 50'. Tenez je vous refile une de ses œuvres, preuve que tous les alligators finiront au paradis.

    En plus c'est le premier single que je possède qui respecte la loi de la mixité absolue. Possède une face She et une autre He. Désolé pour les trans-genres et les hermaphrodites, peut-être qu'un jour aura-ton inventé le microsillon multifaces.

     

    Rude bad boy : jivin'boy. Entrée surprise, vous vous attendiez bien à ce que le morceau commence mais il file à la vitesse d'un hot-rod, boosté à l'éther, d'un seul jet, pas de repos, pas de reprise, tout est dans la fulgurance, un exercice de style accompli. Le genre de brimborion qui a l'air tout simple mais qui exige un maximum de maîtrise. Une facilité déconcertante.Hi-class mama : strollin mama. Merveilleusement mis en place. Un petit bijou de précision. Une grosse guitare devant, la basse et tout le reste à la suite qui s'intéressent aux ciselures, la voix vous réunit le tout avec cette indolence de matou qui s'étire après trois longues heures de sieste. La chasse féline à la souris câline peut commencer. Déconcertant de facilité et d'aisance.

     

    Connaissent tous les codes. Sonnent davantage sixties que fifties par cet arrière-fond d'insouciance qui baigne l'atmosphère de l'enregistrement.

    Damie Chad.

     

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 378 :KR'TNT ! 398 : HOT SLAP / ALLY & THE GATORS / JIMMY WEBB / CRASHBIRDS / TONY MARLOW / ALICIA FIORUCCI / HOWLIN' JAWS / HI-TOMS / AMY WINEHOUSE ROCKAMBOLESQUES (12 )

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

    LIVRAISON 398

    A ROCKLIT PRODUCTIOn

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    20 / 12 / 2018

     

    ALLY & THE GATORS / HOT SLAP / JIMMY WEBB

    CRASHBIRDS / TONY MARLOW/ ALICIA FIORUCCI

    AMY WINEHOUSE / HOWLIN' JAWS / HI-TOMBS

    ROCKAMBOLESQUES ( 12 )

     

    DEAR KR'TNTREADERS !

    UNE SEMAINE FASTE SE PROFILE A L'HORIZON DES PROCHAINES SATURNALES : NON SEULEMENT CETTE LIVRAISON 398 VOUS EST SERVIE AVEC UN JOUR D'AVANCE, MAIS LA 399 SERA DEPOSEE SOUS LE SAPIN DE NOËL DèS LE SAMEDI 22 DECEMBRE ! POUR LA LIVRAISON 400 NOUS VOUS DONNONS RENDEZ-VOUS DANS LES PREMIERS JOURS DU MILLESIME 2019 !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME !

     

    Rumble in Rouen - Part Two

    amy winhouse,howlin' jaws,hi-tombs,molossa ( 12 ),crashbirds,tony marlow

    Back to the basics avec une soirée rockab à la cave. Hot Slap en première partie et Ally & The Gators à la suite. Soirée hot as hell dans la bonded cave, du monde en veux-tu en voilà et du big bad beat avec the fast rising Hot Slap. Un Hot Slap taillé pour la route avec sous le capot un démonic Dédé stranded on the stand-up. Il est vite torse nu, cool as fuck, il court il court le furet, avec un rockabilly tatoué en arc de cercle sur toute la largeur du dos. S’il est un mec qui incarne le pur esprit rockab en Normandie, c’est bien lui.

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    Il faut le voir faire corps avec sa stand-up, il la travaille au manche avec une ferveur qui vaut bien celle du mineur d’antan, la gueule noire qui creusait jadis sa veine à la pioche et qu’on payait une misère au wagonnet, il démolit ses drive avec tout le shake, tout le rattle et tout le roll du monde, il fond James Kirkland et Lee Rocker dans le même moule à la crème de la crème, il cavalcade ses drives comme un dératé, il dépote ses mesures à la démesure, il palpite le beat et l’envoie roulé boulé down the alley, il a tout pigé, il sait forcer le destin du beat comme un forçat, il cadence ses gammes comme un rameur, vogue la prodigieuse galère, ça culbute sous le cache, ça carbure dans les durites, ça crache à la gueule du carter, le voilà penché sur l’avenir du rockab qui n’a jamais été en d’aussi bonnes mains. Le Long Blond Hair de Johnny Powers n’a qu’à bien se tenir. La cave est à l’image de la forge, car penché sur l’enclume de sa stand-up, Dédé bat son fer comme Vulcain, au fond des enfers. À l’organique du diable. Au Mystery Train fumant des origines du rock. Il astique son slap à l’huile de coude, il est du genre à cracher dans ses mains avant d’empoigner le manche de pioche, il jette tout en vrac dans la balance et ça rock hard, Gone Gone Gone with the cat clothes on. En le voyant créer de l’étuve au cœur de l’étuve, on repensait au slappeur des Mad Sin, ce fabuleux gamin qui jouait sur une stand-up décorée de lampions et à l’époque, on comprenait en le voyant jouer que toute sa vie se résumait au groupe. On ressent la même chose en voyant jouer Dédé : il ne vit que pour ça, l’énergie primitive du rockab, dans ce qu’elle peut avoir de plus rawdical.

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    Si on rate les Hot Slap sur scène, il existe un moyen de se rattraper pour savourer leur excellent ramdam. Il s’agit bien sûr de leur deuxième album, Lookin’ For The Good Thing. Dès «Sometimes», c’est dans la poche. Le chanteur s’appelle Martin. Il déploie à l’infini, sans jamais forcer sa voix, mais les choses prennent une tournure extravagante lors du départ en solo, véritable killer attack que vient télescoper de plein fouet Dédé avec un fulgurant tacatac de stand-up psychotique. Ils explosent tous les deux le cut en free-wheeling et redonnent au rockab son vieux parfum de sauvagerie. Ils rééditent cet exploit avec «Down The Road», compo bien ficelée, on ne se méfie pas, et soudain Dédé s’en vient croiser le solo avec l’ardeur d’un damné. Ils jouent tous les deux à l’extrême puissance du rockabilly beat et génèrent de la folie douce. Ils proposent un bon choix de reprises, à commencer par le «Mojo Boogie» de JB Lenoir embarqué au pur jus de rumble. Ça ne traîne pas. Dédé le sabre au pire slap de l’univers. C’est lui qui mène la danse dans ce bal du beat. Ils tentent aussi de taper dans Elvis avec «Mystery Train». Taper dans l’intapable ne réussit pas à tout le monde. C’est le solo qui sauve la mise du cut, ce mec joue des rivières de perles sur sa guitare. On voit aussi Dédé bombarder la paillasse du vieux «Long Blond Hair» de Johnny Powers. Il est le gardien du temple, le hot slappeur par excellence. Bel hommage à Carl Perkins avec «Gone Gone Gone». On voit une fois de plus le guitariste partir en solo flash et croiser la mitraille du hot Dédé on the slump. C’est très spectaculaire, le slap fait le show, comme au temps de James Kirkland. D’autres cuts comme «It’s All Over For Me» et «I Was Your Man» sont aussi slappés à la vie à la mort. Sans cette énergie du slap, ce genre de cut ne marcherait pas. Rien à faire.

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    Avec Ally & the Gators, on a autre chose, disons quelque chose de plus féminin, de moins damné de la terre. Elle tape dans un registre plus ouvert, mais elle dégage elle aussi quelque chose de très puissant, dans sa façon de taper ses cuts au guttural en secouant des maracas. Elle frémit, elle tressaute et shake son shook au big bad feeling pur. Elle passe en puissance, là où Gizzelle ne passait pas, sur la grande scène du Beetoon Rétro, oui, Ally passe comme une lettre à la poste, avec un set plus concentré, une énergie mieux canalisée et une envie d’en découdre qui laisse un brin coi.

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    Elle fujiyamate la mama d’All Of Me et pulse une version confondante du western de Reno, tu sais quand Johnny Cash jouait avec le feu de Folsom. Version déliée et inspirée par les trous de nez. Elle baby please don’t gotte à la revoyure et propose à Dédé de monter à bord du Train Kept a Rolling pour une partie de ride effrénée.

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    Alors c’est la foire à la stand-up, ils doublent tous les instruments et choo-choo, c’est parti pour un hommage à l’un des plus grands d’entre tous, Johnny Burnette. Pas de meilleur saint pour une foire aux auspices, pas de meilleur pain quotidien, pas de meilleur hommage à la Bête Humaine des deux Jean, le Renoir comme le Gabin, et cette machine qui fonce à travers les tunnels en sifflant mille fois sur la ligne du Havre - I hear the train a comin’/ It’s rolling round the bend - L’énergie du rockab reste aussi précieuse que l’air qu’on respire ou que le verre de rhum qu’on lève chaque jour en hommage à la mémoire du Capitaine Flint.

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    Signé : Cazengler, pas Gator mais Gâteux

    Hot Slap. Ally & The Gators. Le Trois Pièces. Rouen (76). 8 Décembre 2018

    Hot Slap. Lookin’ For The Good Thing. Rock Paradise Records 2018

     

    Webb master - Part One

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    Jimmy Webb fait partie des auteurs-compositeurs les plus célèbres de l’histoire du rock. Son hit le plus connu, «MacArthur Park», fut repris plus de 80 fois, c’est en tous les cas ce que nous raconte Bill Kopp dans Record Collector.

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    Mais avant d’être l’auteur à succès que l’on sait, Jimmy Webb fit partie de cette ‘out-of-control coterie’ de musiciens qui terrorisèrent la scène musicale de Los Angeles dans les années soixante-dix. Cette sulfureuse coterie rassemblait John Lennon, Harry Nilsson, Keith Moon et Alice Cooper. Jimmy Webb rappelle qu’ils prenaient à l’époque énormément de drogues. Un jour, Harry Nilsson versa le contenu d’une petite fiole de poudre sur le dos de sa main - it’s a new product ! - il sniffa tout ce qu’il put et fit sniffer le reste à Jimmy. Ils tombèrent tous les deux dans un coma qui dura 24 heures. Ils venaient de sniffer du PCP et ne le savaient pas - It really almost killed us both - Et il ajoute plus loin : it was that bad.

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    Jimmy Webb adore raconter des petites histoires drôles. Quand il composa «By The Time I Get To Phoenix» pour Glen Campbell, celui-ci dit à Jimmy qu’il avait besoin d’un follow-up and can you make it geographical ? Jimmy acquiesça et pondit «Wichita Lineman» qui est aussi un hit géographique. C’est d’ailleurs Glen Campbell qui fut sa première idole. Jimmy conduisait un tracteur en Oklahoma quand il entendit «Turn Around Look At Me» sur l’autoradio et il emprunta des sous à son père pour aller acheter le disque de Glen Campbell à Beaver. Chaque nuit, il se mettait à genoux pour prier Dieu : «Please Lord let me write a song for Glen Campbell !»

    Sa prière fut exaucée quatre ans plus tard, quand en roulant dans Hollywood, il entendit Campbell chanter Phoenix sur son autoradio.

    À ses débuts, il savait qu’il travaillait comme Burt, se limitant à composer. Il ne cherchait pas à interpréter. Puis, sous l’impulsion de David Geffen, il se mit à enregistrer ses propres chansons et à sortir des albums.

    En 1967, the Fifth Dimension enregistra 16 compos de Jimmy Webb réparties sur deux albums. Richard Harris enregistra lui aussi deux albums bourrés à craquer de compos de Jimmy Webb. Même chose pour Thelma Houston, avec Sunshower. Puis les Supremes, Glen Campbell, Art Garfunkel, Cass Elliot, Scott Walker et des tas d’autres gens se mirent à taper dans le répertoire du jeune prodige Jimmy Webb.

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    Dave Dimartino y va lui aussi de sa petite interview dans Mojo. Jimmy Webb rappelle qu’il vénérait les gens du Brill et qu’il eut du mal à prendre les Beatles au sérieux, jusqu’à ce que sortent deux bombes intitulées Revolver et Rubber Soul. Il reconnaît aussi devoir énormément à Motown et à Johnny Rivers qui fut son mentor. Lui et Johnny Rivers jouèrent à Monterey avec le Wrecking Crew, mais on ne les voit pas dans le film. Jimmy rappelle aussi que très peu de gens savaient jouer dans les sixties. Quand il parle de gens qui savaient jouer, il cite les noms de Glen Campbell, de Jim Messina et de David Crosby.

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    Son premier album s’appelle Jim Webb Sings Jim Webb et paraît en 1968 sous une pochette illustrée. En fait c’est un album illégitime. Comme Jimmy commençait à avoir du succès, le propriétaire du studio dans lequel il avait travaillé fit paraître un album de Jimmy Webb sans lui demander son autorisation. Un mec crayonna le portrait de Jimmy rebaptisé Jim, ce qui est insultant. Dans ses mémoires, Jimmy se dit furieux : «Mixed with the Rolling Stones soundalike knockoff tracks and my out-of-tune vocal song demos from 1965 and engineered by one of the B-string talents of the technical world, the results sounded like a collision between Royal Albert Hall and a tour bus full of Dreadheads.» (cet ensemble de pseudo-cuts à la Rolling Stones sur lesquels je chante faux et qui est enregistré par un bricoleur du dimanche sonne comme la collision du Royal Albert Hall et d’un bus plein de rastas) - I called Bob and told him it was in no way acceptable - Jimmy lui proposa d’enregistrer un album entier et de payer pour l’enregistrement s’il acceptait de retirer cet album qui risquait de lui ruiner sa carrière - He was immovable - Rien à faire. Ce Bob était convaincu que l’album was a work of genius. Difficile à avaler. L’album peine en effet à convaincre. Trop pop, sauf peut-être «I Keep It Hid», qui ouvre le bal. Jimmy y joue les grands vizirs de la vision - Baby what you’ve been doing - Ça préfigure tout le grand webbisme à venir. Il s’y trouve un phrasé qu’on retrouvera plus tard sans «MacArthur Park». Et de jolis coups de trompettes. On sent même un léger côté Burt. Avec «Life Is Hard», il propose une sorte de jazz ethnique de petit chapeau sicilien, assez proche du Georgie Fame Sound. Même chose pour «I Need You», joué au petit shuffle d’orgue. En B, Jimmy patauge dans la pop d’époque, ultra-commerciale, très américaine, à la fois soft et frénétique, et forcément ça se noie dans la masse des Grapefuit et autres Brummells du Midwest. Jimmy est bien meilleur dans le mélopif, comme on le constate à l’écoute de «Then». C’est son pré carré. Il y va franco de port, sans crainte ni remords, libre de ses mouvements. Il termine cet album désarmant avec une sorte de mambo intitulé «Run Run Run», qui sonne encore une fois comme du Georgie Fame. Encore un cut dont on ne gardera aucun souvenir. Jimmy clôt l’épisode en indiquant que cet album fut envoyé dans toutes les stations de radio américaines et qu’il fut mal reçu partout. Jamais aucun cut de ce disque n’est passé à la radio. Dans son cercle rapproché, il était interdit d’en parler. Jimmy avait honte. Il avait l’impression d’être un sixteen-year-old kid screaming and carrying on in a cheap imitation of Mick.

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    L’éclairage qu’apporte The Cake And The Run est déterminant. Ce recueil de mémoires couvre la première partie de sa vie jusqu’en 1973. Il entretient avec un père pasteur une relation très spéciale. Cet homme qui s’est battu trois ans dans le Pacifique contre les Japonais fait régner l’ordre dans la maisonnée. Quand il dérouille sa marmaille à coups de ceinture, Jimmy se met à le craindre et à le haïr, mais il ne sait pas s’il le hait plus qu’il ne le craint. Le père ne supporte pas de voir Jimmy composer des chansons. Il fait des efforts surhumains pour garder la tête froide quand il entend Jimmy «composer». Autre élément fondamental : tous les deux ans, le père change de paroisse. Les gosses perdent chaque fois leurs repères et surtout leurs copains. La famille part s’installer en Californie quand Jimmy est ado. Nouvel environnement et nouvelles opportunités. Jimmy s’est inscrit dans une fac de San Bernardino. Quand un beau jour le père décide de renter à la maison, c’est-à-dire en Oklahoma, Jimmy refuse de quitter la Californie. Cette page est sans doute la plus belle du livre. Son père lui donne rendez-vous devant le Sunset Palms Motel. Jimmy voit arriver le camion qui contient tout ce que possède la famille, le piano de sa mère, les fringues, ses frères et ses sœurs. Son père descend du camion :

    — Où sont tes affaires ? Je t’ai laissé de la place là-haut.

    Jimmy ne répondit pas tout de suite. Il regardait son père.

    — Dad, je ne pars pas avec vous.

    — Ne dis pas de conneries, fils. Bien sûr que tu viens avec moi.

    — Dad, je suis installé pour de vrai. Je veux écrire des chansons. C’est ici, en Californie, que les gens écrivent des chansons.

    — Cette histoire de chansons va te broyer le cœur, fils.

    Ils restèrent là un moment à se regarder, sans bouger.

    — Jimmy, ce que tu me demandes là, c’est la chose la plus dure de toute ma vie.

    Il fouilla dans sa poche et en sortit un vieux portefeuille usé. Il tendit à Jimmy deux billets de vingt.

    — C’est tout ce que j’ai, fils. J’aurais bien voulu faire mieux.

    Il tourna les talons et se dirigea vers le camion. Jimmy avait gagné. Son père le regarda encore une fois et mit le moteur en route.

    Ne vous inquiétez pas, Jimmy va revoir son père et même l’aider et lui faire découvrir la vraie vie lorsqu’il deviendra riche grâce à ses chansons. Cette scène de séparation est une authentique merveille littéraire. Eh oui, monsieur Webb est aussi un écrivain. Ce livre pullule de formules incroyablement poétiques. Il rencontre par exemple une Anglaise nommée Evie, mais elle n’est pas libre. Jimmy la veut. Don’t be silly lui répond-elle. Il insiste. Alors elle lui dit d’appeler le lendemain, Richard has my number. «La Mercedes fila dans un grand whooshing. Il ne restait d’elle que son parfum français dans l’air. Il n’y avait rien d’aussi délicieux sur cette terre que le son de sa voix. C’était comme le vent sur l’eau - It was like wind on the water.»

    Comme chez tous les mémorialistes dignes de ce nom, on trouve aussi une éblouissante galerie de portraits, à commencer par celui de David Geffen : «Il m’accueillit sur le perron. Il était assez maigre, avec des cheveux noirs bouclés. Son sourire hollywoodien était intentionné, et ce n’est pas lui manquer de respect que de dire ça. Il semblait parfaitement en adéquation avec son environnement. Il vous fixait d’un œil brillant, comme s’il savait exactement ce que vous alliez dire et qu’il mesurait votre intelligence. Comme il s’occupait des carrières de Joni Mitchell et de Laura Nyro, j’étais conquis d’avance.» Oui, il faut savoir que Laura Nyro fut huée à Monterey. On vit même voler des boîtes de bière, ce que ne montre pas le film. Il ne montre pas non plus Laura qui sort de scène en pleurs et David Geffen qui la prend dans ses bras : «Elle passa devant moi en pleurant, alors que j’étais dans les coulisses et se jeta dans les bras d’un homme. On m’indiqua qu’il s’agissait de David Geffen. Il allait ensuite l’aider à se reconstruire.»

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    Jimmy rencontre Lou Adler au moment où s’organise Monterey Pop : «Lou Adler se grattait la barbe pensivement. Sa technique méticuleuse d’overdubs d’harmonies vocales à quatre voix était le secret de sa réussite. Il avait passé tellement de temps à scruter des vu-mètres dans des studios qu’il affichait en permanence une mine chagrinée.» Jimmy rappelle que Johnny Rivers, le Wrecking Crew et lui sont allés jouer à Monterey Pop et que leur séquence a disparu au moment où Lou Adler et John Phillips ont fait le montage final : «S’il s’agissait de peace and love, alors on s’est bien fourré le doigt dans l’œil. On n’aurait jamais voulu fricoter avec des gens aussi intolérants.»

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    Jimmy revient longuement sur l’épisode Monterey Pop pour saluer Otis, the most nuclear-powered forty-five minutes in the history of rock’n’roll - «Le plus drôle, c’est qu’après tous les costumes, après que les Who aient fait sauter la scène, après que Janis se soit déchiré la voix, après Springfield, Canned Heat, Quicksilver et Steve Miller, celui dont tout le monde parlait n’était autre qu’un modeste chanteur originaire de Dawson en Georgie. Toute la foule dansait et battait des mains pendant le set d’Otis. Mais la fin du festival était réservée aux Mamas and the Papas. Juste avant leur triomphe annoncé, un guitariste relativement peu connu était programmé, avec son «Experience». Jimi incarnait soit le pire cauchemar, soit le plus beau rêve de la ménagère, ainsi couvert de plumes, de bracelets, de couleurs, de colliers, il se dressait seul comme un guerrier poétique devant une montagne de Mashalls et il joua comme un démon. Comment une seule personne pouvait générer un tel son ? J’en restai coi.»

    Par contre, Jimmy ne supporte pas le cra-cra du Fillmore West - This was a darker vibe - Et il ajoute - You could smell the sweat of addiction - Jimmy et Johnny Rivers se frayent un chemin dans la foule, poussant ici et là des gens qui ont perdu la tête - Occasionnaly pushing off somebody who was temporarily missing from their body - Il va voir chanter Janis et Big Brother - Sa voix était comme une lame de rasoir qui tranchait la fumée et l’ennui. The band was sloppier than hell and I don’t mean their state of dress.

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    Et puis bien sûr, les drogues. C’est Larry Coryell qui lui fait découvrir la coke : «Ça va changer ta vie !» Il ne croyait pas si bien dire. Johnny Rivers et Jimmy découvrent ensuite Sgt Peppers sous acide. Jimmy parle d’un album héroïque. Il partage sa passion des drogues avec Harry Nilsson qui devient son ami. Quand Harry sniffe, c’est des deux narines à la fois et il en fout partout, sur sa barbe, sur sa chemise. Il est comme disent les Anglais, larger than life. Il sniffe toujours sur le dos de sa main. Jimmy et lui passent leur temps à sniffer, à siffler du brandy et à fumer du hash. Puis ils entrent au studio où on les attend. Après un concert de Jimmy à Londres, Harry cherche un dealer pour organiser la party d’after-concert. Il veut some decent coke caus’ George is coming. Il parle bien sûr de George Harrison. Plus tard, à Hollywood, Harry lui amène John Lennon. Lennon a frappé une photographe et Harry demande à Jimmy de faire un faux témoignage pour tirer Lennon de cette sale affaire. Jimmy reverra Lennon à l’occasion d’un fabuleux épisode de débauche qui se déroule dans un appartement d’Hollywood : une Japonaise à poil est assise sur le bord d’une table, les jambes écartées et Lennon lui fait glisser un billet roulé dans la moule. Jimmy ajoute qu’elle adore ça. Cet épisode de la vie de Lennon s’appelle the Lost Weekend. Il venait de se séparer de Yoko Ono. Aussi entendait-il se schtroumpher à outrance. On n’a qu’une vie.

    Jimmy revient brièvement sur le projet Lennon/Nilsson/Spector pour dire qu’une nuit, Harry arriva chez lui mal en point et alla cracher du sang dans l’évier de sa cuisine - I was shocked - Il rappelle aussi que Phil Spector avait saisi David Geffen à la gorge et l’avait collé au mur avec un flingue chargé sur le front. Geffen avait commis l’erreur de vouloir empêcher Spector de superviser une session d’enregistrement de Joni Mitchell. Ce sont des choses qui ne se font pas.

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    Words And Music est un album difficile. On est tout de suite agacé par la petite pop étriquée de «Sleeping In The Daytime». On sent un manque de moyens. Jimmy chante comme un con. Il cherche des moyens de s’échapper. On le sent dévoré par l’ambition. Puis il rend hommage à son vieux pote PF Sloan avec «PF Sloan». C’est poppy et intronisé, étonnant et tellement présent - No no no don’t sing that song/ It belongs to PF Sloan - On trouve plus loin un joli «Careless Weed» amené à la chopinade. Jimmy force un peu sa voix. Dommage. C’est trop ambitieux. Il faut du contexte pour que ça prenne du sens. Et les choses vont se dégrader en B, avec «Songseller». Jimmy a du mal à se stabiliser, il fait tout et n’importe quoi. On entend les accords des Who. Et ça repart en shuffle avec «Dorothy Chandler Blues», on ne sait pas pourquoi. Son «Jerusalem» est insupportable d’inutilité. Il trafique aussi Gilbert Bécaud dans «Let It Be Me». On ressort de cet album épouvanté. On ne se souviendra que de «PF Sloan».

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    And So On sort un an plus tard, en 1971. Jimmy rappelle dans son livre que cet album fut couronné album of the year dans Stereo Review magazine. Sur les albums des grands compositeurs, le premier cut est souvent déterminant. «Met Her On A Plane» sonne comme une belle pop aérienne et là, okay, on entre dans le vrai monde de Jimmy Webb, la magie pop compositale. Ce sacré Jimmy plante son décors. C’est orchestré à outrance. Chez lui, rien n’est gratuit. Mais avec «All Night Show» et «All My Love’s Daughter», ça bascule dans la putasserie et le mal chanté. Et ça continue de se dégrader avec «Highpockets», cut prétentieux et tellement maladroit. C’est avec un certain désespoir qu’on se jette sur la B. Arrggh ! «Laspitch» se révèle inintéressant au possible. Voilà ce qu’il faut bien appeler de l’atroce pop d’inutilité publique. On tombe enfin sur «One Lady», un cut mélodique joué au riff pianistique, mal chanté mais honorable. C’est la force de Jimmy Webb : ramener sa fraise avec des mélodies imparables. Il semble que Larry Corryell joue sur ce cut. Encore une compo ambitieuse avec «See You Then». Il faut lui laisser une chance.

    De temps à autre, Jimmy Webb cite ses goûts, ce qui permet de mieux le situer. Il évoque par exemple les blancs qui peuvent chanter «soulfully» : the Righteous Brothers, les Walker Brothers, Joe Cocker, Tom Jones, Felix Caveliere et Janis Joplin. Jolie brochette. Autre hommage de poids : «Au début de l’année (1969) parut l’un des disques les plus importants de l’époque. Simon & Garfunkel venaient d’enregistrer ‘The Boxer’. Cette chanson allait beaucoup plus loin que le Spector Wall of Sound. C’était aussi puissant mais plus clair. Les paroles étaient plus allusives qu’explicites. Écouter cette chanson, c’était comme d’entrer dans un film et s’asseoir quelque part au milieu. Je veux faire des disques comme celui-là.»

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    On trouve l’un de ses grands hits sur Letters : «Galveston» - When I clean my gun/ I dream of Galveston - Jolie rime. Quand on écoute «Campo De Encino», on sent le pianiste chevronné. Jimmy nous tape là une belle pièce d’exotica, pas loin du tex-mex. En fait c’est un hommage à Harry Nilsson. Mais on passe à travers tout le reste de l’album. Avec «Smile» qu’il écrit à propos de Joni Mitchell, il s’enfonce dans un système à la James Taylor et on bâille tellement qu’on s’en décroche la mâchoire. Il se passerait presque quelque chose dans «Hurt Me Well» : le fleuve symphonique charrie des instants de grâce et d’élévation subordonnée. D’exquises vermicelles de violoncelles s’effilochent dans l’azur immaculé. En B, le seul truc écoutable est un balladif violonné à l’infini, «When Can Brown Begin». C’est vrai que l’orchestration reste le grand dada de Webb.

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    The Naked Ape paru en 1973 est la BO d’un film. Jimmy signe tout et ne chante que deux cuts : «Saturday Suit» et «Fingerpainting». Qu’en dire ? On reste dans l’excellence pop-arty longitudinale. Mélodiquement parlant, c’est en place et même plus qu’en place. Mais on s’ennuie comme un rat mort avec le reste de l’album.

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    Sur la pochette de Land’s End, Jimmy plane au dessus des montagnes neigeuses. Henry Diltz signe la photo - He was the master of the big picture, that perfect shot that captures the essence of the music inside the cover - Dans l’un des derniers paragraphes de The Cake And The Rain, Jimmy raconte que lors de cette session photo, il perdit le contrôle de l’avion. C’est un miracle que Diltz et lui ne soient pas morts après que l’avion ait percuté un sapin. Sur cette pochette fatidique, Jimmy porte une horrible casquette bouffante bleue et des lunettes. Mais on n’est pas là pour ça. Si on sort ce disque de l’étagère, c’est pour s’envoyer un petit shoot de Beautiful Songs, et on en trouve deux et pas des moindres sur cet album aérien, à commencer par «Just This One Time», une pure envolée, un chef-d’œuvre superbement atmosphérique. Jimmy sait créer les conditions de l’envol. C’est d’une puissance qui ravira les amateurs de chevaux fiscaux. L’autre perle impérative s’appelle «Land’s End/Asleep On The World». Voilà ce qu’il faut bien appeler un tour de force symphonique. En guise d’intro, Jimmy se pose sur le vent pour aller planer, il croise des contre-vents dignes de MacArthur Park. C’est tout simplement vertigineux de beauté. À l’instar de Burt, Jimmy pourrait bien être l’un des rois du Beautiful Song System. Ce cut est franchement exceptionnel de grandeur épique. Il faut aussi écouter «Lady Fits Her Blue Jeans», un cut si sensible qu’il paraît anglais. Jimmy adore faire trembler sa petite glotte. Sacré Jimmy ! On attend qu’il revienne faire un saut à MacArthur Park. C’est là qu’on l’aime. On the way to Phoenix aussi. «Crying In My Sleep» vaut pour une belle pop attachante, teintée de vieux relents de «Mandoline Wind». Qui y a pensé le premier ? Jimmy ou Rod The Mod ? Il semblerait que ce soit Rod. Encore de la petite pop exemplaire avec «It’s A Sin». On y note la présence d’une réelle puissance, le pathos y pèse une tonne. Jimmy ne lâche rien, surtout pas la rampe. Et quand on écoute «Alyce Blue Gown», on réalise que cette pop reste vivante de bout en bout, aussi animée, joyeuse et fourmillante qu’une rue commerçante un jour de printemps. Jimmy travaille sa viande avec la pugnacité d’un artiste classique de la Renaissance.

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    On retrouve le fantastique «PF Sloan» sur El Mirage paru en 1977 - I’ve been seeking PF Sloan/ But no one knows where he has gone - C’est très inspiré, en tous les cas, l’hommage palpite de magie pure - The last time I saw PF Sloan/ He was summer burned and winter blow/ He turned the corner all alone/ But he continued singing - L’autre gros cut de l’album s’appelle «The Highwayman». Jimmy raconte l’histoire d’un mec qui travaillait sur un barrage du Colorado, mais il a glissé dans le béton qui l’a englouti, mais il est still around - But I will remain/ And I’ll be back again - Jimmy retrouve la trace du highwayman dans le couplet suivant : il a été pendu en 25 - But I’m still alive - Oui, c’est l’histoire d’un esprit survivant. Fantastique ! Son «Mixed-up Guy» se veut poppy mais aussi très entraînant. C’est un brin diskö, mais à la Webb, limite good time music. On pourrait même parler de musique des jours heureux, hélas révolus. On a aussi un cut qui monte comme la marée de la Rance : «Moment In A Shadow» - I lived and died agian/ Then I saw you - Sacré pâté de pathos ! En B, Jimmy nous projette dans son errance platonique avec «When The Universes Are». Il va de bar en bar, to the next whisky bar. Et on retrouve un brin de puissance orchestrale dans «The Moon Is A Harsh Mistress».

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    Paru en 1982, Angel Heart se situe à un très haut niveau composital. Le hit de l’album s’appelle «In Cars». Il flotte dans l’air chaud de Californie - Restaurant mobile/ Two behind the wheel - C’est un hymne à l’automobile digne de ceux imaginés par Chuck Berry - Everything was warm/ What a perfect form/ Underneath the stars - Magie pure. Le morceau qui ouvre le bal de l’A sonne comme un hit pop parfait. S’ensuit un «God’s Gift» de dimension océanique, très pianoté et chanté au soupir angélique. Si Jimmy n’avait pas la tête d’un ange, on le soupçonnerait d’être un démon. Dans «One Of The Few», il rend un superbe hommage à une femme, honest, courageous and true - Et il en profite pour dire tout le mal qu’il pense des hommes - You know about man/ His own jailor/ Selfish and so unkind/ Trapped in his frightened mind/ Blind he heads the blind (tu connais les hommes, qui s’enferment dans leurs propres prisons, qui ne pensent qu’à leur gueule, qui sont des aveugles parmi les aveugles) - Dans «Work For A Dollar», il se souvient de ce que lui disait sa mère - You gotta work for a dollar/ To earn a dime, Jimmy - C’est sombre et basé sur l’expérience de la vie. Et donc captivant. L’«His World» qui ouvre le bal de la B rend hommage à un rocker, qui, on ne sait pas, c’est assez rock FM, mais on sent la patte de Jimmy Webb. Il faut aussi écouter le «Old Wing Mouth» de fin de B car Jimmy y balance des choses intéressantes, du style The devil will be leased upon the earth again/ Material possessions are the road to hell - Il y dénonce tout simplement le fléau des temps modernes, le matérialisme.

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    C’est Linda Ronstadt qui produit Suspending Disbelief. Jimmy considère cet album comme l’un de ses meilleurs. C’est là qu’on trouve l’excellent «Elvis And Me». Il y raconte sa rencontre avec Elvis dans un hôtel de Vegas. Elvis l’appelle par son nom, alors Jimmy Webb se sent devenu important. Lors du show, Elvis lui glisse un mot : «Come backstage». Quelle épopée ! Jimmy Webb en fait un chef-d’œuvre - Me & El/ It was just like this - L’autre hit du disk s’appelle «I Will Arise», un essai de gospel batch qu’il transforme en batch explosif. On l’entend jouer du piano dans la ferveur. Lui seul est capable de lever un tel levain. Quel envol ! On l’entend chanter «I Don’t Know How To Love You Anymore» au profond du menton comme Richard Harris, mais il ne dispose pas de la même ampleur. Mais on note que l’indéniable emprise de Jimmy Webb tiendra jusqu’à la fin des temps. Sur pas mal de cuts, on bâille aux corneilles et «Friends To Burn» nous fait douter de son intégrité. Mais comme il est okie, il ne renonce jamais. Il pianote sa voie à travers la pop. Regain d’espoir avec «Postcard From Paris», joliment articulé par des chœurs féminins. Il voit les amoureux marcher sur les Champs Elysées et il pense à sa poule qui n’est pas venue. Jimmy Webb est un incurable romantique. Ce cut est tellement gorgé de romantisme qu’il en deviendrait presque beau. Au fond lui, Jimmy Webb ne se console pas de l’absence de cette pute.

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    Sur Ten Easy Pieces paru en 1996, il pianote tous ses grands hits, à commencer par «Galveston». Il s’adore le nombril et il a raison. Il pianote aussi «Highway Man» à outrance. Il ne chante que par décret. Il se fend d’une belle intro pour «Wichita Lineman» - I am a lineman for the country - Il chante à l’octave de son Americana, alors c’est fatalement bon. Une guitare nylon le challenge et on bascule très vite dans la beauté pure. Sa version de Phoenix ne vaut pas celle d’Isaac, bien sûr, il opte pour l’attaque mélodique exceptionnelle de caus’ I left that girl too many times before. Quelle belle évanescence ! Il crie son truc et revient miraculeusement à la raison. Il amène «Didn’t We» aux notes de piano superbes et passe au rêve chaviré. Il semble se prélasser dans sa légende, il parvient parfois à chanter avec autant de gusto que Richard Harris. Ce cut est d’une indéniable perfection. Et il va bien sûr finir avec «MacArthur Park». Dès qu’il pianote l’intro, on sait qu’on y est. C’est l’une des aventures symphoniques les plus importantes du siècle passé. Jimmy Webb chante au mou du genou et monte son again oh no comme il peut. Il joue la carte de la sobriété. Il grimpe tout à la seule force du piano, il faut voir le travail. Ça melte in the dark et il s’en va exploser son again oh no. Même s’il réussit à en faire une stupéfiante interprétation, celle de Richard Harris reste nettement supérieure.

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    Paru en 2005, Twilight Of The Renegades est la Bande Originale d’un film. On y trouve un fantastique hommage à Paul Gauguin, «Paul Gauguin In The South Seas» - So he took the train down to Marseilles/ And went searching for PARADISE - Et comme chacun le sait, ça se termine aux desolate Marquisas. Ce bel hommage devient mythique, comme par défaut. Son «Class Clown» sonne comme du Randy Newman, avec d’infinis développements. Il raconte l’histoire extraordinairement vivace d’un homme qui finit homeless, forcément. S’ensuit un «Spanish Radio» pianoté et chanté sur place, extrêmement orchestré et chargé de pointes de vitesse inespérées. Jimmy Webb sait créer l’événement. Il sait déclencher les foudres de barbarie. Mais sur d’autres cuts, on s’emmerde comme un rat mort, comme le disait si joliment le Professeur Choron. Il finit avec un «Driftwood» puissant, poussé par des vagues orchestrales surchargées qui finissent par convaincre le con vaincu.

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    Jimmy Webb rameute les Webb Brothers pour enregistrer Cottonwood Farm en 2009. Il se niche sur ce brillant album un chef-d’œuvre imprescriptible intitulé «Mercury’s In Retrograde». Jimmy Webb ramène la pop à la dimension du spectacle. Il a compris l’importance primordiale de l’ampleur. Alors chez lui, ça explose au coin du bois - Went drinking on a sunday/ Get out of bed on wednesaday - Quel shoot de pop grandiose ! Une fois encore, il parvient à se hisser au dessus de tout. Il tape aussi dans son vieux «Highwayman», belle pop d’Americana, cette histoire de barrage de Boulder, Colorado, but I’m still around - On note l’excellence de la grande ampleur atmosphérique. D’autant plus adaptée qu’il s’agit d’une histoire de fantôme. Le morceau titre sonne comme un balladif à la dérive insidieuse qui semble s’étendre à l’infini. Douze minutes, c’est le temps qu’il faut à Jimmy Webb pour s’étendre à l’infini. Il passe à la pop de ricochet avec «Bad Things Happen To Good People». Ce gros brouet de banjos et de cuivres est d’une vivacité hors normes. Si vous cherchez la grande pop, elle est là. Jimmy Webb a pompé les trompettes chez les Beatles. C’est de la pop de cinémascope. Spectaculaire, voilà bien le mot. Il revient au vieux «If These Walls Could Speak», hit intimiste et imprenable, joué sur place, à coups de petites volutes enveloppantes. Jimmy Webb se vautre dans le confort familial. C’est atroce et grandiose à la fois.

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    Nouvel exercice de style avec Just Across The River paru en 2010 : c’est l’album des duos. Il reprend tous ses hits en duo avec des personnalités. Le plus spectaculaire est la version de «Galveston» avec Lucinda Williams. Pur jus d’Americana, elle ramène là-dedans toute sa féminité magique. C’est Billy Joel qui se tape «Wichita Lineman» d’une belle voix sensitive et Jackson Browne se tape «PF Sloan». Évidemment, Glen Campbell ramène sa fraise pour Phoenix et en comparaison d’Isaac, il fait un peu petite bite. Le hit du disk se trouve vers la fin : «Do What You Gotta Do». C’est un enchantement. Il fait ses relances à coups de You just do what you gotta do et il termine sur un acte de générosité : See me when you can.

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    On retrouve des duos sur Still Within The Sound Of My Voice paru en 2013, à commencer par le morceau titre qu’il chante avec Rumer. Assez paradisiaque car porté par un souffle orchestral. Ce duo sensible semble s’étendre à l’infini d’un éternel symphonique. Rumer chante merveilleusement bien. Quand on entre dans l’univers de Jimmy Webb, il faut s’armer d’adjectifs. Rumer se veut sourde et profonde. On entend David Crosby et Graham Nash dans «If These Walls Could Speak» et Joe Cocker dans «The Moon’s Harsh Mistress». Difficile de rivaliser avec le géant de Sheffield. Quel shooter ! Jimmy Webb tape «Elvis & Me» avec les Jordanaires, évidemment. Ils nous smoothent bien l’affaire. Ils font les vents d’Ouest derrière le petit Jimmy. Et soudain, ils lâchent des clameurs dignes des Beach Boys. On note d’étranges participations comme celles de Carly Simon, d’America et de Kris Kristofferson (sur «Honey Come Back», ce vieux Kris qui a survécu dans Gates Of Heaven, aw Lord, ces rats d’éleveurs n’ont pas réussi à avoir sa peau). Par contre, le soufflé de «MacArthur Park» retombe un peu, car l’invité de marque Brian Wilson n’y fait que des chœurs trop discrets. L’again oh no ne monte pas. Il ne veut pas monter. Rien à faire. Brian Wilson se contente de faire des petits oooh-oooh. Le pont orchestral de la version originale est joué à coups d’acou. Dommage que le pauvre Jimmy Webb ne puisse pas monter son again oh no là-haut sur la montagne.

    Signé : Cazengler, Jimmy wesch

    Jimmy Webb. Jim Webb Sings Jim Web. Epic 1968

    Jimmy Webb. Words And Music. Reprise Records 1970

    Jimmy Webb. And So On. Reprise Records 1971

    Jimmy Webb. Letters. Reprise Records 1972

    Jimmy Webb. The Naked Ape. Playboy Records 1973

    Jimmy Webb. Land’s End. Asylum Records 1974

    Jimmy Webb. El Mirage. Atlantic 1977

    Jimmy Webb. Angel Heart. Columbia 1982

    Jimmy Webb. Suspending Disbelief. Elektra 1993

    Jimmy Webb. Ten Easy Pieces. EMI 1996

    Jimmy Webb. Twilight Of The Renegades. Sanctuary Records 2005

    Jimmy Webb & the Webb Brothers. Cottonwood Farm. Proper Records 2009

    Jimmy Webb. Just Across The River. Victor 2010

    Jimmy Webb. Still Within The Sound Of My Voice. eOne 2013

    Bill Kopp. Do What You Gotta Do. Record Collector #468 - July 2017

    Dave Dimartino. The Mojo Interview. Mojo #287 - October 2017

    Jimmy Webb. The Cake And The Rain. St Martin Press 2017

     

    14 / 12 / 2018MONTREUIL

    LA COMEDIA

    CRASHBIRDS / TONY MARLOW

    ALICIA FIORUCCI

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    La Comedia renaît de ses cendres peu à peu, les premiers travaux ont commencé, l'insonorisation des sas se précise, et les concerts redémarrent, doucement mais sûrement, déjà deux gigues festives ( vendredi et samedi ) pour terminer cette semaine, ce soir du beau monde les cui-cui qui ont déserté leur nid pour nous donner aubade et Tony le matou marlou à la guitare qui miaule, une affiche de rêve. Que voudriez-vous de plus ? Arsenic dans le champagne, Alicia la panthère revenue exprès pour nous du pays des merveilles et des démons.

    CRASHBIRDS

    Ah ! Cette cloche de vache qui tape sans fin afin de rappeler au troupeau qu'il est temps de quitter les paisibles pâturages pour les abattoirs sanglants, c'est tout les Crashbirds !

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    Ce qu'il y a de terrible avec les Crashbirds c'est que vous ne pouvez pas vous en déprendre, vous emportent avec eux dès la première note, vous ne vous méfiez pas, ne sont que deux, semblent tout doux, tout tranquillous, occupés de leurs guitares, Pierre Lehoulier qui martèle consciencieusement le rythme du pied droit sur ses crashboxes artisanales, Delphine toute belle dans la pluie rousse de sa chevelure au micro. Vous leur donneriez le petit Jésus en personne, d'ailleurs ils commencent avec My Personnal Jesus, semblent vous donner raison, mais à la troisième mesure vous vous apercevez que ça ne sonne pas très catholique, vous vous êtes faits avoir, vous voici dans le deep south, à manipuler les crotales et à réciter les patenôtres de l'évangile du serpent. Ici l'on ne communie pas avec le sang vivifiant du christ mais avec le venin des reptiles. Se hâtent de vous confirmer cette impression cauchemardesque avec Rollin' To The South, trop tard, le vieux blues and roll cradingue vous emprisonne dans les mailles de son filet mortel.

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    L'on n'écoute pas les Crashbirds, on les suit, subjugués. Pierre est à l'entrée du labyrinthe infernal. L'est assis sur son tabouret comme la pythie de Delphes sur son trépied, les émanations délétères émanent de sa guitare, rien de plus simple que le couloir du blues, file tout droit dans des méandres marécageux peuplés d'alligators affamés, au bout de trois circonvolutions reptiliennes, vous ne savez plus où vous êtes, mais la rythmique cadencée des crashboxes vous pousse en avant. C'est sur ce balancement infini que se greffe la trame hypnotique de la guitare, Lehoulier ne sacrifie jamais le coq voodooïque d'un seul coup tranchant de coutelas, préfère lui arracher, un par un des lambeaux de carne, car tant qu'il y a de la vie, palpite encore et encore la communion de la souffrance, la mort n'est qu'un repos immérité. Les Crashbirds sont des vautours qui se nourrissent du cadavre des vivants zombiiques que nous sommes. Faut voir ces remontées de manche de Pierre, le pousse en avant, comme s'il voulait s'en défaire, l'arracher de sa chair, et la note finale se prolonge telle la hampe vibrante de la flèche plantée en cœur de cible. Et le public atteint en son être crie, trépide et trépigne de joie sous ce coup de poinçon infernal.

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    Mais ce n'est pas tout. C'est comme le poème de Parménide, les Crashbirds offrent deux chemins, l'un qui grimpe vers l'extase et l'autre qui descend dans le royaume des ombres. Delphine Viane, souriante et sereine, mais sa voix scalpe et tranche la lumière. Toute droite, vestale sacrée qui entretient les cendres des autels du blues. Un timbre implacable, d'une clarté absolue, qui s'abat en lame de guillotine sur vos dernières illusions. Enonciation des prophéties du désastre assuré. Aucune pitié, aucune rémission, aucune consolation. Crudité et nudité des sentences. Stupidity and Week End Lobotomy au programme. Sa guitare ajoute des éclairs d'airains incisifs et des éclats de bronze primitifs aux litanies tumultueuses du blues.

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    Vous reprendrez bien un peu de sucre du désespoir dans votre rage, insinue-t-elle par son seul sourire. Et les Crashbirds vous emmènent en procession dans un monde ou le bleu d'outremort se confond avec le noir serpentaire originel. La musique des Crashbirds sonne comme une liturgie païenne désespérée dans les culs-de-sacs de notre modernité. Un set de toute beauté, qui vous prend à la gorge, nœud d'angoisse et catharsis souveraine. Un groupe essentiel. Qui a tout compris. Diamant noir. Diamant blues. Ode sonique et péan funèbre aux Europeans Slaves. La lave ravageuse de l'énergie qui bouillonne sous la croûte noircie des illusions perdues. L'incandescence écarlate de la révolte en gestation. Applaudissements nourris d'un public conquis...

    ( Photo 1 : FB : Pierre Saint-Sauveur )

    TONY MARLOW

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    Avez-vous déjà entendu la plainte en contre-rut des matous énamourés en pleine nuit sous la pâleur insidieuse de la lune ? Cela vous remplit l'espace nocturne à des kilomètres à la ronde. Stridences faméliques et rugissements somptuaires se succèdent. Une symphonie catacombique qui agit comme un détergent sur votre âme. Ne sont que trois, mais ils vous alignent toutes les cartes biseautées du rock'n'roll en moins de deux. Tout de suite, Tony vous boulonne le guidon au plus haut, chopper à la runnin'death, et c'est parti pour un Rendez-vous d' amour et de haine à l'Ace Cafe. Un instrumental, rien de pire pour vous faire vrombir une guitare. D'autant plus que Fred et Amine n'ont aucune envie de voyager sur la selle arrière. Fred vous file trois coups de semonce à vous brûler les sangs. Z'avez l'impression qu'il cogne sur votre peau, vous ne vous y attendiez pas, trompe bien son monde avec ses yeux clairs et son auréole de cheveux blancs, l'allure d'un sage, une frappe de voyou, qui court au baston, une bate de base-ball dans chaque main. J'ai le regret de vous l'annoncer Amine ne vaut guère mieux, un enragé, l'a dû se tromper de soir, l'a cru que c'était son jour d'entraînement de boxe, je vous raconte pas ce qu'elle a pris la big mama, elle a tonné toute la soirée, en plus parfois il s'énervait grave, vous aviez presque envie de la lui retirer des mains, elle a barri comme un troupeau d'éléphants de mer. Vous dîtes que le Marlow, un demi-siècle à bastonner sur toutes les scènes d'Europe, il leur a conseillé d'y aller tout doux, mollo sur le chamarlow qu'il leur a crié, point du tout, un incendiaire, un jusqu'auboutiste, un sicaire du rock'n'roll, sa guitare a carillonné à toute blinde sans repos. Un son monstrueux, genre symphonie fantastique ou concerto tonitruant à elle toute seule. Une épaisseur sonique confondante, avec les deux autres mousquetaires qui vous filaient des coups de bélier à effondrer les murs les plus épais des citadelles les plus inaccessibles, je vous parle pas du ramdam et la folie collective qui s'est emparée de la foule.

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    En plus Tony, il a l'aisance et l'innocence diabolique du chat qui vient d'avaler tout cru le canari, les plumes dépassent encore de sa bouche, il s'en vient ronronner sur vos genoux. L'est tout juste sorti d'un riff monstrueux, qu'il se tourne vers vous et que d'un doigts fragile comme un pétale de coquelicot il vous isole une toute petite note toute mignonnette et gentillette, alors qu'il est en train de préparer une explosion nucléaire de son autre main, et les deux acolytes qui s'étaient arrêtés afin que vous puissiez vous extasier sur la corolle tremblotante de la première perce-neige du printemps vous font illico déferler une tempête d'équinoxe dans les oreilles.

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    Le grand jeu. Tony revisite son répertoire. Nous emmène bricoler dans le garage de la voisine, mais quoi qu'il en dise, l'est beaucoup plus vicieusement rock'n'roll que sainte n'y touche troubadour. Chante en français, velours du timbre et griffe acérée du cachet faisant foi de veau sanguinolent. Qui a dit que le rock'n'roll français se chantait en français ? Tony, nous en administre la preuve avec, in his original language, Jumpin' Jack Flash. Une version démente à la démonte-pneu, et l'Amine qui mine de rien vous fait oublier qu'il joue sur une contrebasse, vous imaginez la parade, s'est branché dans sa tête sur le balancement de guingois et primal de Charlie Watts, et tangue la galère, Fred qui cloque et disloque les œufs à la coque, ça cogne à bâbord. Mais le trio infernal nous ménagera en cours du set encore quelques surprises. Un Born to be Wild, empli de hargne et de fureur, et la big mama qui se met au heavy metal comme si elle avait été fabriquée spécialement pour ce genre de music. Le coup de grâce viendra de l'injun fender, le Purple Haze d'Hendrix, la guitare claire de Tony se gorge de sang noir et sauvage. Et à certaines découpes du morceau, z'avez l'impression d'entendre Cream jouer. Tout ça, avec un trio de base rockabilly, Tony et ses sbires nous esbrouffent.

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    ( Photo : FB : Hélène Desaegler )

    Mais cela ce n'est rien. Tony est en grande forme, il a la guitare qui flambe, nous strombolise d'une manière des plus éruptives un Stumble démoniaque et nous restituera sur le final, The Missing Link que les savants du monde entier recherchent au travers de toute la planète alors qu'il se trouve dans la guitare de Tony Marlow. La salle est en ébullition, mais Tony ouvre la cage aux fauves...

    ALICIA FIORUCCI

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    T-shirt noir, pantalon léopard, cheveux bruns mi-longs, corps gracile de gamine perverse, Alicia Fiorucci, est sur scène, telle le désir qui court en votre sang et mène le monde en sa perdition, même pas le temps, souffle coupé d'une telle présence, d'appréhender sa silhouette en votre regard qu'elle entonne Breathless. A la crazy jerry louve affamée, une version ardente et enfiévrée, mines obliques et poses osées, la flamboyance rock'n'roll dans toute sa splendeur, cette manière de s'arrêter deux doigts d'innocence de pétroleuse au bas du pubis, qui font signe, délicieusement fille, offrande et refus, les guys derrière qui brûlent la rythmique et la guitare de Tony qui ponctue le chaos. Pas de temps à perdre, Alicia vous envoie les uppercuts de Johnny Got a Boom-Boom, à fond la caisse pour Fred, au fond de la mine d'or des dérapages incontrôlées pour Amine, la guitare de Tony en apnée sauvage. Termine sur I Fought the Law repris en chœur par l'assistance en délire, le micro obséquieux s'égare dans l'entrecuisse et tous les rêves du rock'n'roll s'envolent comme nuées d'oiseaux prédateurs des cerveaux en ébullition des gals and boys sous pression qui tanguent vertigineusement. Trois versions à l'arrache-sexe, que du bonheur !

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    Elle reviendra pour le rappel, la diablesse en personne d'abord, une mignardise vicieuse comme vous n'en avez jamais imaginé, avec les trémolos de guitare de Tony qui s'enfoncent comme les épingles dans les seins de la servante aux premières lignes de l'Aphrodite de Pierre Louÿs, et puis sur I Need A Man, un fanatique enthousiasmé n'hésitera pas à se prosterner pour que la lanière de la ceinture de Maîtresse Alicia ne fouette pas l'air en vain et trouve consentement fulgurant. Alicia la délicieuse, Alicia la délictueuse, descend de scène en toute simplicité, heureux ceux qui ont aperçu l'éclair de satisfaction illuminer fugitivement ses yeux verts de panthère.Rock'n'roll Princess for ever !

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    DERNIERS K.O.

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    Mais ce n'est qu'un début, continuons le combat. Tony nous profile deux morceaux des Stray Cats, en ombre chinoise, sur les pentes glissantes des toits enneigés, puis en hommage à Johnny Thunders, l'inimitable, You Can't Put Your Arms Around A Memory, parce que les rockers n'oublient jamais, et l'on plonge tout droit dans une transe collective, Tony couché par terre, avec rappels en rallonge, deux Creedence, Delphine Viane menant la charge royale sur Proud Mary, une dernière attaque du train de Johnny Burnette, l'on pense qu'il n'y aura pas de survivant, mais Tony nous offre un premier cadeau de Noël, rien de moins que Le Cuir et le Baston, toute une partie de la jeunesse éternelle du rock'n'roll.

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    Pleuvent les mercis et les embrassades. Tony Marlow félicité et courtisé comme la Duchesse de Guermantes dans la Recherche du Rock'n'roll perdu, enfin retrouvé.

    Une soirée de rêve. Viva La Comedia !

    Salut spécial à Mimile Rock et David Costa.

    Damie Chad.

    ( Toutes les autres photos sauf indication contraire : FB  : David Costa )

    BLACK

    BUSTY

    ( Naïve / 2012 )

     

    J'aime Busty. Evidemment c'est un fantôme. Dans la vie courante, pas du tout intéressante, elle se nomme Laure Catherine, elle est romancière. Mais Busty c'est une autre dimension. Elles est journaliste à Rock & Folk, l'a beaucoup écrit sur Peter Doherty, personnage un peu trop pathétique à mon goût, et surtout Groupies paru chez Scali en 2007, du coup je la considère en notre pays comme la Simone Beauvoir du rock. A cette nuance près, qu'elle écrit mieux et qu'elle raconte des profils de femme moins nœud-nœud que la Simone Bavoir comme l'appelait Céline.

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    Belle couverture – concept graphique de Marianne Ratier - mais qui trahit quelque peu l'obscure noirceur du titre. Je ne vous apprendrai donc rien en vous disant que l'héroïne du bouquin s'appelle Amy Winehouse. Pas une biographie. Plutôt une intro-spectographie. Busty a sorti le grand jeu. S'est immiscée à l'intérieur du sujet. Le rock et le vaudou ont toujours fait bon ménage. Dans quelques temps, la science-no-fiction nous aura concocté un mini-appareil que l'on transportera au fond de notre poche et qui nous permettra de saisir les pensées des individus qui passeront dans notre champ de vision. Bonsoir l'intimité ! Busty a donc décidé de remplacer cette future invention, de se glisser dans la peau ( ici très tatouée ) d'Amy, de s'installer dans la chambre forte de son cerveau – un véritable cerviol – et d'en prendre les commandes. Est-ce Amy qui cauchemarde devant nous, ou Busty qui rêve qu'elle est Amy. Quoi qu'il en soit dans la série faisons Amy-Amy, vous ne trouverez pas mieux.

    Une sacrée gageure d'écrivain. Quatre cents pages, et vous ne vous ennuyez pas une seconde. Perso, je répugne à me pencher sur moi-même. Au début l'on se prend pour Victor Hugo à l'écoute de la bouche d'ombre. L'on est sûr que le gouffre est peuplé de monstres effroyables. La psychanalyse vous promet des monts et merveilles. Les gogos y laissent au minimum une centaine d'euros par semaines. Payent pour scruter au fond d'eux-mêmes la fripouille métaphysique qu'ils espèrent être. Vous désirez voir le léviathan et vous n'apercevez que trois ou quatre têtards qui barbotent dans un marigot en voie avancée d'assèchement. Vous voudriez être sûrs qu'au fond de vous-mêmes vous avez l'étoffe d'un serial-killer alors que vous n'avez même pas réussi à tuer votre père ni même à violer votre mère. Vous espériez du grandiose, une super production, du Lawrence d'Arabie à la puissance 1000, et vous n'avez droit qu'à un scénario insipide d'un couple qui se déchire dans un deux-pièces-cuisine.

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    Quand on est déçu par soi-même, l'on cherche à se remonter le moral, certains – par exemple Amy Winehouse – sortent du lot, elle chante à merveille, elle exprime trop bien et trop justement notre insatisfaction, pour ne pas posséder une sensibilité extraordinaire et une personnalité hors du commun. Busty dégonfle la mandragore. Un gros problème, l'Amy, un truc qu'elle ne parviendra pas à surmonter. Très simple, très commun. Ordinaire. Pas de quoi en faire une montagne. Alors elle en creuse un grand trou pour s'y enterrer tout au fond. Le divorce de ses parents. A peine une craquelure, une fissure. Un effondrement pour Amy. L'enfant ne l'admettra jamais. Marquée au fer rouge. Ferait mieux de remballer au fond de sa poche et le mouchoir par-dessus. Bien enfoncé. Mais non la brisure est là, se transformera en faille. Et il faut vivre faille que faille !

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    ( Amy + Peter Doherty )

    Le psy de service vous parlera de souffrance, de douleur. Vous conseillera de faire votre deuil. Le leurre du deuil, il est de Bonnefoy, ne l'écoutez pas, il n'est pas poëte. Mais non, le pire pour Amy c'est que ça ne fait pas mal, pas tant que cela, qu'elle a survécu, ce n'est pas allo-maman-bobo mais hello-papa-je-m'emmerde. La vie a perdu son relief. Waterloo morne plaine. Morne peine. Heureusement qu'il y a des dérivatifs, l'adolescence, l'alcool, le sexe, la musique. Le plus excitant des ces quatre chevaliers de l'apocalypse c'est le premier. L'ado en a plein le dos, mais au moins, on découvre, on essaie, on teste, on tente. Les résultats ne sont pas souvent au-rendez-vous mais tant qu'il y a de l'espoir il y a de la vie. Le plus terrible c'est que ça passe. En règle générale on rentre dans la grisaille de la vie.

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    Gros problème pour Amy. C'est la vie en rose qui s'offre à elle. Elle enregistre un disque, l'est parvenue à faire ce qui lui plaît, ce pour quoi elle se sentait la mieux douée, l'en est toute fière, mais le banco sera la deuxième galette. Un raz-d-marée. Qui ravit tout le monde. Le populo et le peuple du rock. Peut enfin vivre comme elle l'aime, des chignons plus haut que la tour Eiffel, des tatouages plus voyants qu'une exposition de Picasso. Un véritable conte de fées. Et en plus, l'incroyable arrive. Le prince charmant en personne. Au moyen-âge on l'aurait identifié tout de suite comme le félon, le prince noir, facile son nom est un véritable panneau publicitaire : Blake.

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    Blake, le grand amour, celui qui lui fait le mieux l'amour. Avec lui, Amy se sent bien. L'ennui s'est enfui et avec lui ce qui succède à l'ennui : l'angoisse. Pas tout à fait. Mais pour le moment Amy n'y fait pas gaffe. L'est tout beau, le tout nouveau. L'aime rire, s'amuser et les excitants. Un merveilleux programme. Un menu uniquement composé de desserts. Et de désert, parce que c'est comme dans la chanson de Téléphone, il s'en va avec la belle au bois dormant. Une blondinette toute mignonnette. L'Amy l'est une brunette un peu maigriotte et les goûts et les couleurs ne se discutent pas.

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    L'as de cœur s'est fait la belle et Amy réagit mal. L'est devenue addict : alcool, crack, héro... de la camelote. Ce n'est pas le plus grave. Amy est avant tout addict de Blake. L'a dans la peau, ne peut pas se le sortir de la tête. Est incapable d'extirper la bête. Un alien au sourire enjôleur. N'est pas naïve non plus. Connaît tous ses défauts. L'est un menteur, ne suit que ses envies. Quand il ira en prison, elle jouera le rôle de veuve éplorée, quand ils se marieront elle saura que l'embellie sera passagère, quand il reviendra elle ne sera pas dupe de son prochain départ, il la trompe, pour lui la vie est ainsi, il l'aime bien mais point trop n'en faut. S'expulsera tout seul de sa vie mais jamais de ses pensées. A part que l'on vit ce que l'on pense...

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    S'il n'y avait que Blake ! Les autres pullulent, sa maison de disque qui couve sa poulette aux œufs d'or qui manifeste une sacrée tendance à refuser le poulailler, son père qui la surveille de près, qui s'inquiète de son état dépressif et addictif qui va croissant, les fans et les inconnus qui lui demandent des autographes dès qu'elle a le nez dehors, les paparazzis qui montent la garde devant sa porte... La gloire et l'argent apportent aussi quelques désagréments, le sentiment de perdre sa liberté, d'être prise dans un faisceau d'obligations de plus en plus contraignantes, et contradictoirement la facilité de faire ce que l'on veut, de se procurer sans danger tout produit illicite, et surtout de semer le scandale à chaque apparition publique, on lui pardonne tout parce qu'elle est Amy, on lui reproche tout parce qu'elle est Amy, allez vous dépatouiller avec ces nœuds coulants.

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    Le coup de grâce viendra de Blake, fera un enfant avec une autre. Elle qui avait tant rêvé de la petite maison, du petit mari et de l'élevage de gamins, une midinette au fond du cœur, pour un peu on pleurerait, mais non, c'est cette vie de cloportes qu'elle a fuie, pas assez excitante. Ennuyeuse, angoissante. Et le cycle de l'impossibilité tourne en boucles. Et vous suivez Busty comme le chien court après son os. En plus vous connaissez la fin, tant pis vous irez jusqu'au bout de l'enfer. A part que les fournaises du diable ne vous réchauffent guère, Amy tourne en rond, et Busty vous mène rondement l'affaire. Les vingt-sept années de déréliction d'Amy sont beaucoup plus jouissives que les vingt-quatre heures de l'Ulysse de Joyce – le projet d'écriture en est très voisin – l'autoroute se termine en cul-de-sac, le voyage au bout de la nuit finit en rase campagne dans le grand nulle part. Même pas mal. La petite fille s'endort au fond de son lit. Au fond d'elle-même. C'est toujours là qu'on est le mieux.

    Damie Chad.

     

    BURNING HOUSE : HOWLIN' JAWS

    CLIP / LEO SCHREPEL

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    Encore une fois l'on mord à l'hameçon des Howlin Jaws. Viennent de sortir un nouveau clip sur le deuxième morceau de leur Ep : Burning House. Ne faites pas les blasés, un clip de plus ou de moins dans la flopée myriadique qui sort chaque jour, pas de quoi révolutionner le monde. Sûr, mais les Howlin' ils les peaufinent leurs clips, nous en avons déjà kroniqués quelques uns, mais là ils ont passé la main à Leo Schreppel. Un pro. C'est simple : z'ont tapé dans l'esthétique. Le truc où vous n'avez droit qu'à la réussite. Toutefois rappelons avant que vous ne vous précipitiez dessus que Burning House malgré son titre qui vous promet la maison dévorée de flammes aussi hautes que la tour Eiffel, c'est plutôt le feu qui couve sous la braise, le snake sans fin qui rampe en prenant son temps.

    Voilà j'ai tout dit. A vous de voir. En fait il n'y a rien à voir. Schrepel ne se vous tombe dessus comme un schrapnel, vous vous attendez à un clip-catastrophe, style NYC in flames, et à part une cigarette allumée, pas de quoi déranger les pompiers. Ne joue pas au pyromane le Schrepel, n'utilise pas les grands moyens. Même les Howlin adorés, c'est à peine si leurs fantômes d'images vous sautent aux yeux, à peine entrevus, hop ils sont déjà partis. Manipulations d'icônes ou engrammes spermicieux, je vous laisse choisir. J'ai oublié de préciser, l'a blacklisté la couleur notre réalisateur. Oui c'est du noir et blanc. Peu porteur, peu commercial, pour les paillettes vous repasserez. Oui, mais c'est beau et mystérieux comme du F. J. Ossang. L'on fait confiance aux regardeurs pour comprendre le scénario. Essayez d'être attentifs aux signes. A vous de construire l'histoire. Pour qu'elle ne soit pas trop moche, évitez qu'elle ne vous ressemble. Ça c'était pour le noir. Pour le blanc. Suivez la femme-fantôme, en l'occurrence Marie Colomb, avec elle vous découvrez l'Amérique, toute blanche, toute blonde, mystérieuse et pulpeuse comme une fille-phantasme, peut-être vous accordera-t-elle un sourire dans la dentelle du lit qui s'abolit dans le poème de Mallarmé. De toutes les manières vous avez mieux à faire qu'à vous livrer à vos turpitudes masturbatoires. Regarder le clip une nouvelle fois par exemple. Faites gaffe le rock'n'roll rampe sur le plancher. Le serpent jawique du rock peut encore tuer. Morsure mortelle.

    Damie Chad.

     

    TREAT ME RIGHT / HI-TOMBS

    ( Hi-Tombs2014 )

    Junior Marvel : lead vocal + rhythm guitar / Mike v Lierop : lead vocal + double bass / Fredo Minic : lead vocal + backing vocal / Henk v Lieshout : drums + backing vocal

    Pochette minimaliste. Noir et blanc. Quatre hommes. Quatre musiciens, dans une pièce, devant le van pourrave, quatre silhouettes qui se profilent dans le haut d'un escalier. Sans concession, le rock dans sa force brute.

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    Lovin' man : Une voix rêche et un batterie qui bat le rappel, un solo de guitare qui éparpille les jonquilles, Marvin qui vous sourit du gosier, la guitare qui remet cela et la voix de Marvin qui cligne de l'oeil. Attention demoiselle. Pesée et emballée. Cela suffit. Rock rock : il y avait un soupçon d'ironique tendresse dans le titre précédent, mais maintenant c'est beaucoup plus méchant. Date on the corner : ce petit parfum de country, le gars s'approche de la fille, descend tout droit de la campagne, il sent un peu la vache, mais aussi beaucoup le sauvage. L'affaire est conclue en moins de trois minutes. Blue fire : les feux les plus dévastateurs sont souvent les plus sympathiques quand ils commencent, de jolies petites flammes bleues toutes tendres comme l'amour, nos rockers font les cacous, ne cédez pas à leur indolence, ils sont irrémédiablement des charmeurs dangereux. Gonna love you : une poussée de fièvre est signe de bonne santé. Vous troussent le jupon joliment, vous avez de ces émissions spermatiques de guitares des mieux envoyées, et derrière la basse bat la mesure comme la queue du chat qui s'apprête à bondir sur la souris. Prend son temps. C'est encore meilleur. Treat me right : un petit classique, c'est comme une fournée de jack derrière la glotte pour nettoyer les amygdales, les Hi-Tombs vous le font en compressé, ne vous laissent pas respirer une seconde. Vous barrent le chemin et vous forcent à les suivre. Fin brutale. Rock with me baby : un vieux bop des familles qui vous ramone la cheminée à la manière d'un hérisson géant. Beau travail syncopique de caisse claire et saupoudrage mortel de dégelées de guitare. Shake it up and move : un peu plus d'électricité n'a jamais tué personne, l'on resserre les écrous et la visseuse vous solidifie les os du crâne, y a quand même ce tambour qui tape sur votre tête et la voix qui vous démantibule les mandibules à vouloir l'imiter. Rock pretty mama : toujours aussi vite, mais encore plus dur, la pretty mama est maneuvrée à la barre à mine, ne s'en plaint pas si l'on en croit l'emballement jouissif des guys. Love crazy baby : rien à dire, l'amour les rend madurle, ils en rajoutent, un balancement des mieux venus, grande houle et force 10. As my heart is to you : petit tapotement joyeux au début mais la voix en urgence absolue comme si elle voulait bouffer le micro et la guitare qui vous hache le parmentier ne vous laisse jamais de doute. Du Buddy Holly survitaminé. You don't love me : mauvaise nouvelle, pas grave un des meilleurs morceaux du scud, pas de quoi se jeter par la fenêtre ou alors pour le plaisir de faire des loopings et aller se poser sur le toit du monde, manière de titiller l'ironie des situations les mieux venues. Green back dollar : qui résisterait à cette belle couleur verte. Derrière ils font des choeurs comme dans les années soixante mais bientôt vous avez l'impression que la guitare est en train de commettre un hod-up dans la banque d'à-côté. Ça a l'air de les émoustiller. Une véritable appropriation collective. Flat black cadillac : maintenant qu'ils se sont procurés le fric, ils ont la cadillac. Z'auraient pu tout de même apprendre à conduire, car ils roulent sur tout ce qui passe à leur portée. Un cruisin' dévastateur. Le summum du disque. Les oeufs cassés de l'omelette atomique. Crazy baby : suffit d'une fille pour mettre le feu aux poudres. Plus elles allument, plus le bâton de dynamite entre en turgescence. Une véritable profession de foi. Comme vous aimez vous le faire confirmer, vous remettez le disque au début.

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    Un rock sec et dur sans concession. Esprits mièvres s'abstenir. Une merveille. Supplément d'âme en fin de parcours, ils vous remettent un petit Treat Me Right, le même, mais en plus sauvage.

    Damie Chad.

    ROCKAMBOLESQUES

    FEUILLETON HEBDOMADAIRE

    ( … le lecteur y découvrira les héros des précédentes Chroniques Vulveuses

    prêts à tout afin d'assurer la survie du rock'n'roll

    en butte à de sombres menaces... )

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    EPISODE 12 : THE END

    ( finalo majestuoso )

     

    Le président sortit une feuille de papier de sa poche et s'éclaircit la voix :

      • Hum, hum, voici la lettre que les parents des deux petites filles retenues en otage par les terrockristes nous demandent de lire : '' Aujourd'hui la France vit des heures terribles. Un groupe de terrockristes qui refusent de se rendre nous obligent à faire don à notre pays de nos deux petites filles, c'est l'âme déchirée que nous demandons à notre cher Président bien-aimé de faire feu sur ce nid de frelons et de félons. Nos deux petites filles sont perdues, leurs bourreaux les font boire et fumer, d'ici quelques heures nous n'osons pas penser à quoi ces brigands voudront les initier, nous les préférons mortes que vives et impures. Nous sommes sûrs que Dieu exige de nous cet ultime sacrifice. Lorsque celui-ci sera consumé, nous saurons que nos enfants chéris auront rejoint leur grande sœur, elle aussi assassinée en d'atroces circonstances, auprès de la Sainte Vierge. Pour nous, nous faisons vœu de nous retirer jusqu'au jour où notre bienfaiteur nous aura définitivement tous réunis, tout là-haut en la Sainte Demeure du Paradis, dans un monastère et de finir notre vie dans la prière et le silence. Au revoir et à bientôt mes chéries.''

    A peine eut-il fini la lecture que la mine grave du Président s'éclaira d'un sourire jovial.

      • Voilà, c'est fini, encore quelques secondes et toute l'affaire sera terminée. Je compte jusqu'à trois et feu à volonté. Un... Deux... Deux et demi... Deux trois-quarts... tant pis pour eux, c'est bien fait pour vous... trois !

    Rien, pas seul militaire ne pressa sur une quelconque gâchette. Manifestement la troupe refusait d'occire les têtes blondes. Le Président piqua une grosse colère. Une vraie, une ire de névropathe.

      • C'est bon puisque vous ne voulez pas, j'y vais tout seul.

    Une demi-douzaine de gendarmes lui emboîta le pas, fusil-mitrailleur au poing. Mais dès qu'il fut à trois mètres' il se retourna et leur intima l'ordre de l'attendre jusqu'à ce qu'il revienne.

     

    UNE VISITE ABRACADABRANTE

    Nous l'attendions tous sereinement. Tout au fond dans l'arrière-cuisine les quatre Eric entreprenaient la confection de pizzas sous les avis rébarbatifs de Cruchette qui entendaient que les hommes mettent désormais la main à la pâte. Marie-Ange et Marie-Sophie assises à une table dessinaient avec application Molossa qui faisait la belle enchantée de leur servir de modèle. Alfred dictait à sa secrétaire qui le tapait frénétiquement sur son portable le contenu de son prochain article. Pour ma part je continuais la rédaction de mes Mémoires pendant que par-dessus mon épaule Claudine vérifiait mes fautes d'orthographe. Darky s'était paisiblement allongée sur le comptoir derrière lequel Popol, les deux mains sur les hanches, le sourire carnassier du petit commerçant sur les lèvres semblait attendre le client. Le Chef tirait sur son Coronado...

      • Agent Chad, ouvrez la porte s'il vous plaît, un visiteur de marque nous arrive !

      • Ah ! Ah ! Je vois que l'on commence à me marquer du respect l'on m'ouvre le portillon lorsque je veux rentrer ! Trop tard, vous allez tous mourir. Ma garde personnelle de gendarmes m'a promis de m'être fidèles jusqu'à la mort même si j'appuyais sur la bombe atomique. Ils n'espèrent que mon ordre pour tirer. Toutefois, avant de leur donner ce plaisir je tiens à boire un verre de ce fameux Moonshine Polonais, dont tous mes collaborateurs me vantent le mérite. En tant que président je ne pouvais décemment tremper mes lèvres dans un alcool de contrebande, mais comme personne ne le saura, tavernier, versez-moi un verre de Moonshine et plus vite que cela.

      • Hélas, Monsieur le Président ces bois-sans-soif ont tout éclusé. Toutefois en cherchant bien, il me semble qu'il devrait en rester une bouteille dans la cave. La trappe sur votre gauche, Monsieur le Président ! Je vais vous la chercher !

      • Mais non, mais non, un peu d'exercice ne me fera pas de mal, j'y vais... Je suis sûr que vous tentez de m'embobiner, vous allez revenir avec du pipi de chat, je m'en charge !

    Le Président releva la trappe, appuya sur le commutateur et entreprit de descendre les escaliers... l'on entendit ses pas décroître, une espèce de frôlement et puis plus rien... Le Président avait-il succombé à la tentation, ou dévoré par une soif ardente têtait-il goulument au goulot son litre de Moonshine... Sans doute avait-il un peu exagéré et avait-il l'alcool triste car des pleurs se firent entendre...

      • Beuh ! Beuh ! Beuh !

      • Quelle femmelette ! grogna Cruchette

      • Mais non c'est Nestor, Cruchette passe-moi le Nabuchonodosor, dans le placard de droite.

    Nous étions tellement tenaillés par la curiosité que Cruchette en oublia de lui faire remarquer que si la femme est l'avenir de l'homme elle n'en est pas pour autant l'esclave. Popol nous conseilla de ne pas descendre avec lui, il s'assit tout en bas sur la deuxième marche et tout doucement comme l'on parle à un bébé de huit mois :

      • Totor, mon petit Totor, viens ici, je sais que tu as soif... une monstrueuse gueule noirâtre se posa sur les genoux de Popol, oh ! Le gros vilain, il a soif, il lui faut son biberon de Moonshine après son repas... durant cinq minutes l'on entendit le glouglou du nabuchonodosor qui se vidait... c'est Totor, l'alligator du cirque ZAVATIPAS, me l'ont refilé tout petit, d'abord je l'ai mis dans ma baignoire, puis à la cave c'est qu'il mesure sept mètres de long maintenant, il m'adore, et l'endroit lui plaît, ça y est c'est fini, laissons-le tranquille, il a sommeil.

    Au bout de deux heures un gendarme vint frapper à la porte.

      • On ne voudrait pas déranger Monsieur le Président, mais ça fait cent quarante-sept minutes qu'il est avec vous ! Monsieur le Président ?

      • Vous savez dit Popol, il est sorti par derrière. Il y a une porte secrète qui donne dans une rue parallèle. Mais je vous en prie visitez la maison, regardez partout, n'oubliez pas la cave, je vous éclaire...

    Les six pandores fouillèrent partout. Ils ne trouvèrent rien. Devant le café l'on commençait à trouver le temps long. Bientôt un escadron de gendarmerie inspecta la maison centimètre par centimètre. Ils allèrent jusqu'à retourner les pizzas... En vain. Les conseillers du Président couraient partout, dans le tumulte le Chef savourait un sourire énigmatique et ses Coronados... Sa sphinxitude finit par agacer les conseillers. Mais le Chef ne voulut révéler qu'aux caméras du Journal Télévisé ce qu'il savait :

    - Notre Président bien-aimé est bien rentré chez Popol. Nous avons longuement discuté avec lui. Nous lui avons démontré que ses Services Secrets suivaient une fausse piste. Nos arguments furent si probatifs qu'il en conçut un grand dépit. Il a compris notre innocence, mais malade de honte de s'être laissé berner par des conseillers incapables, il nous a déclaré qu'il ne se sentait plus digne de gouverner notre pays. Pensez qu'il a été jusqu'à tuer une jeune artiste de grand talent pour récupérer une K7 qu'il avait prévu de faire écouter au grand public au JT afin que le pays se rende compte de l'inanité décadente des paroles. Il a reconnu que son geste était odieux. Que d'autres plus capables que moi prennent la relève, ce fut son dernier message, il m'a serré la main une dernière fois, s'est excusé de tous les divers déboires dont le Service Secret du Rock'n'roll avait eu par sa faute à pâtir et est sorti par la porte secrète de la rue de derrière, celle si bien camouflée en mur de ciment dont aucun voisin ne s'est jamais rendu compte de l'existence. Voilà, nous sommes face à une crise institutionnelle d'un genre nouveau qui mérite calme et méditation. Mes chers concitoyens prenez soin de vous, évitez le cancer, fumez des Coronados.

     

    DERNIERES NOUVELLES

    Les Swarts sont repartis, ils ont emmené Cruchette avec eux. Aux dernières nouvelles après avoir tenté de percer dans le punk hardcore, elle s'est reconvertie dans la restauration. Elle tient la plus grande pizzeria d'Oslo, une nouvelle formule, des pizzas de deux mètres de diamètres sont servies sur de grandes tables autour desquelles la clientèle s'assoit et papote gaiement. Le plus grand site de rencontres norvégien. Une unique boisson : le Moonshine Polonais, livrée directement par la Sarl ( Société à Responsabilité - très - Limitée ) Popol and Cie, qui exporte du Moonshine dans le monde entier et qui vient de rentrer au CAC 40. Les parents de Maie-Ange et de Marie-Sophie ont récupéré leurs filles à la condition expresse que Molossa soit invitée tous les dimanches. Faut reconnaître qu'ils ont fait des efforts, se sont mis à la page, le père fume des Coronados et la mère a remplacé les calmants par le Moonshine depuis elle voit la vie en rose bonbon et pourrit les gamines qui n'ont jamais été aussi heureuses. Claudine est retournée à ses études de médecine, elle ne veut plus de moi, elle dit que le soir je passe davantage de temps à rédiger mes Mémoires qu'à m'occuper d'elle. Bon prince, avant de la laisser tomber je lui ai expliqué pourquoi la douane et la gendarmerie n'avaient jamais attrapé Nestor.

      • Très simple, ma Claudinette, sous l'escalier tu trouveras un trou étroit qui n'a l'air de rien. C'est le passage de Nestor, s'y sent bien, il chasse les rats, tu sais sous la bonne ville de Provins, il existe des centaines de caves qui communiquent entre elles, de temps en temps par des soupiraux tu peux avoir accès à la Voulzie qui traverse la ville, plus des nappes phréatiques souterraines, la ville est bâtie sur des piliers de bois enfoncé dans un marécage. Un paradis pour un alligator, à côté les bayous de la Nouvelle Orleans c'est de la gnognote, un réseau inextricable de galeries, pour la petite histoire, la dernière trace du trésor des Templiers a été localisée sur Provins, depuis mystère, si tu veux chercher, l'on a recensé des ouvertures de certains boyaux plus ou moins effondrés à quarante kilomètres de la Cité....

    Alfred est devenu rédacteur en chef. Le plus marrant c'est l'article qu'il avait rédigé lors de la mystérieuse disparition du Président. Sur les ronds-points et dans les grandes villes des millions de manifestants ont défilé en scandant : Lechef président ! Lechef président !

    Quand je pense que j'ai failli devenir premier ministre et Molossa présidente de la SPA, mais le Chef est un sage, il a refusé quand il a appris que l'on ne pouvait pas fumer à l'Elysée. L'a toutefois été obligé de donner une nouvelle allocution officielle, dont je vous retranscris le début :

    Chers Coronadoriens, Chères Coronadoriennes,

    Je n'ignore pas que de partout des voix s'élèvent et m'engagent à prendre les rênes du pays. Je vous remercie, mais je ne suis qu'un soldat du Rock'n'roll. Tout ce que je peux vous promettre, c'est que vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, car à la tête du Service Secret du rock'n'roll, je veille. Tant que je serai vivant...

     

    La déception populaire fut immense, il y eut des suicides collectifs, mais Le Chef tint bon, et bientôt tout se calma. Tiens je m'aperçois que pour une fois je ne parle pas de moi. Que suis-je devenu ? Je suis toujours l'agent Chad irremplaçable. Car si le Chef pense, moi j'agis telle la foudre. Il est vrai qu'après tout ces temps troublés la situation est devenue léthargique. Molossa dort sur mes pieds, je profite de ce calme – qui précède la tempête – pour recopier le premier chapitre de mes Mémoires. Je ne peux résister à vous en dévoiler la première page :

    PREAMBULE O

    ( Scherzo Moderato )

    CHEZ POPOL

    Six heures du matin. Molossa trottine à mes côtés. Lecteurs ne soyez pas étonnés de cette heure matinale, les rockers ne dorment jamais. Je me dirige vers chez Popol, le seul café digne de ce nom sur Provins. Pensez que le verre de Jack est à deux euros et que Popol ne mégote pas sur la quantité, vous en verse des godets de 33 cl sans ciller. Vous connaissez mon désintéressement légendaire, je ne saurais m'attarder à de matérielles considérations si bassement économiques. D'ailleurs chez Popol, pour moi, tout est gratuit, ce serait insulter Popol que j'osasse lui tendre un centime.

    ( … )

    Damie Chad.

  • CHRONIQUE DE POURPRE 373 : KR'TNT ! 393 : JIM YOUNGER'S SPIRIT / DREAM SYNDICATE / JUNIOR MARVEL & THE HI-TOMBS / NUT JUMPERS / CRASHBIRDS / / ROCKAMBOLESQUES (7 )

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 393

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    15 / 11 / 2018

    JIM YOUNGER'S SPIRIT / DREAM SYNDICATE

    JUNIOR MARVEL & THE HI-TOMBS /

    THE NUT JUMPERS / CRASHBIRDS

    ROCKAMBOLESQUES ( 7 )

    Younger Than Yesterday

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    Eh oui, les Aixois de Jim Younger’s Spirit et les Byrds ont un sacré point commun : Jesse James. Ce pilleur de banques et de trains fut le héros du Byrd de Sweetheart Rodeo, Gram Parsons. Et qui chevauchait dans le gang de Jesse James ? Vous l’aurez deviné : Jim Younger. Et c’est là qu’entre en scène Polar Younger. Historienne fascinée par la Guerre de Sécession, comme Tardi le fut par la Première Guerre Mondiale, elle décida voici quelques années de bâtir un univers de cosmic Americana autour de l’esprit de Jim Younger, l’un des trois frères Younger capturés après un casse foireux du gang James-Younger dans le Minnesota, en 1876. Pour mener son projet à bien, Polar fit sur place un authentique travail d’investigation, fouillant bibliothèques et archives pénitentiaires.

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    Le grand banditisme est l’une des séquelles des guerres civiles. Transplantés dans une autre époque, les frères James et Younger auraient de toute évidence pillé des banques françaises après la Guerre d’Algérie. Ils sont le fruit du chaos, et retourner à une vie normale n’est tout simplement pas possible. Un guerrier ne plante pas des choux. Jim Dickinson décrit très bien cet état d’esprit dans « Wildwood Boys » : « On n’était rien que des jeunes types sortis des bois/ Aussi neufs que la nation/ Le genre de jeunes que l’armée recrute/ On est devenus les Rebs du Missouri/ On a combattu pour les gris/ On s’est retrouvés dans le bruit et la fureur/ Et la vie est devenue un enfer/ Après la bataille et la victoire de l’Union/ On a dû partir et on a tout perdu/ Alors on a fait ce qu’on avait appris à faire/ Chevaucher ensemble/ On pillait les trains et les banques/ On récupérait l’argent volé par les Carpetbaggers/ Et on foutait la râclée aux yanks ! » Ce couplet illustre à la perfection le destin des deux fratries, Jesse et Frank James d’une part, Cole, John, Jim et Robert Younger d’autre part. Ils ne connaissaient qu’un seul métier, se battre, et son corollaire, la liberté, au sens anarchique du terme, cette liberté à tout crin qui fut un siècle avant eux l’essence même de la flibuste. Parti-pris d’autant plus viscéral qu’ils vouent une haine incurable aux vainqueurs, autre séquelle mécanique des guerres civiles. Capturés après l’échec du casse de 1876, les trois frères Younger sont condamnés à la prison à vie. (Il n’en reste plus que trois sur quatre, car John Younger est déjà mort, abattu par un détective de l’agence Pinkerton). Le plus jeune des trois prisonniers, Robert, va mourir de tuberculose dans sa cellule. Cole et Jim retrouveront leur liberté vingt ans plus tard, mais Jim va se suicider, peu de temps après, laissant une lettre qui va fasciner Polar. Elle repart de cette fin tragique pour invoquer l’esprit de Jim Younger. Le travail de remise en perspective du destin de ce desperado est tout simplement exceptionnel, d’autant plus exceptionnel que sur scène, Polar et ses amis déploient les ailes d’une authentique Cosmic Americana, celle dont rêvait justement Gram Parsons. Pas la moindre trace de prétention, chez eux, ils jouent la carte de l’invocation avec une réelle abnégation, celle qui découle naturellement du privilège d’avoir des chansons parfaites. Tout dans le Jim Younger’s Spirit est ultra-écrit, ultra-joué, ultra-chanté et ultra-inspiré. Et quand on a dit ça, on n’a rien dit ! Ils n’ont pas besoin d’en rajouter, on a même l’impression qu’ils s’effacent devant la manifestation du phénomène. Ils se font les simples vecteurs d’une légende qui revient vers nous à travers le temps, et ça devient extrêmement cocasse : se retrouver dans une cave rouennaise, si loin de ces réalités et entendre Polar nous raconter la mort la Robert Younger - There was a man called Robert Younger/ The young Robert was now slowly dying - Dans notre époque en mal de mythes, ça fait mouche.

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    C’est aussi bon et aussi bien senti qu’un épisode de Blueberry, mais il faut imaginer quelque chose de beaucoup plus poétique et de terriblement émouvant - Where’s the good boy gone ? - À la tombe. Vous retrouverez cette ode à la mort lente en ouverture du troisième album du groupe qui s’appelle No Human Tongue Can Tell, mais si vous en avez l’occasion, voyez-les sur scène, car ils s’y montrent beaucoup plus présents que sur l’album.

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    Notamment avec un cut nommé «Theirs Be The Guilt», où l’on entend la basse de Kino Frontera voyager dans le néant, avec une grâce irréelle, comme si elle se profilait à l’horizon, avant de descendre gronder dans les infra et de remonter vers la lumière en de prodigieuses émanations voilées. Le texte de Guilt est d’une rare noirceur, on se croirait sous le gibet de Montfaucon en compagnie de François Villon - Wild wide open eyes/ Dead wide open eyes - Polar y décrit l’errance d’un homme sur un champ de bataille couvert de charognes, il ne sait pas qui a gagné. On retrouve ce cut qu’il faut bien qualifier de hit sur la B de No Human Tongue Can Tell. Wow ! La basse le hante jusqu’à la dernière goutte de son. Polar et ses amis frappent d’autant plus les imaginaires qu’ils jouent sur scène avec une réelle intensité, et ce dès «Galveston», tiré du deuxième album (Wantonwan River) et hanté par les phrasés infectueux de Vincent Maurin.

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    L’effet est immédiat. Polar donne vie à sa vision d’une voix qu’on cherche à comparer, mais non, c’est sa voix, rien à voir avec l’Airplane, son style n’appartient qu’à elle, c’est du pur Polar, comme l’est le style de Paula dans J.C. Satan. Polar parvient à swinguer la lancinance, elle dose sa gravité à merveille et revient percher sa voix sur les grooves panoramiques que construisent lentement ses amis. Le groupe semble taillé sur mesure pour elle et l’esprit de Jim Younger. Elle évoque aussi sa passion pour l’histoire des Indiens d’Amérique dans cette pure merveille mélodique qu’est «(She’s) The Trickster». Polar nous explique que the trickster est une sorte de femme-esprit qui joue avec des notions de bien et de mal qui ne correspondant pas aux nôtres. Comme d’ailleurs toute la structure de la mentalité indienne, qui parce qu’elle ne correspondait pas à la mentalité des pionniers, leur a valu d’être tout simplement éradiqués. Mais il vrai que l’incompréhension a bon dos. Les Indiens, comme tous les autres peuples visités puis colonisés et asservis par les Occidentaux au cours des trois derniers siècles ont d’abord été victimes de cette barbarie qui connut son apogée dans l’Allemagne nazie, un sulfureux mélange de cupidité, de brutalité et d’ignorance crasse, car il faut bien dire que tous ces peuples, et les Indiens en premier lieu, avaient de la civilisation une notion un peu plus évoluée que celle véhiculée par ces Tuniques Bleues dont parle encore aujourd’hui Buffy Sainte-Marie dans ses chansons. Écoutez son dernier album, elle fait encore battre les tambours, sa colère reste intacte.

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    À défaut de tambours, Polar embouche parfois un saxophone pour en mêler le son aux échappées sidérales des deux guitares. C’est du meilleur effet, en tous les cas, ça sonne juste, incroyablement juste. On disait même après le show que ces moments de fusion valaient bien ceux d’Hawkwind, du temps de Nik Turner. Dans «The Drowned Boy», Chris Parre joue la carte du tribal indien et très vite les deux guitaristes, Diégo Lopez et Vincent Maurin s’en viennent hanter un panoramique patiemment élaboré. On croit voir le son courir sur l’horizon, effet garanti. Tiens, encore un voyage sidéral avec «The Robber Barons», la bassline hante la Mesa du Cheval Mort. Ils jouent à l’éperdue arizonienne et ça entrera directement dans votre imaginaire. Un vrai boulevard. D’autant que Polar joue avec l’image des dollars en argent qu’on mettait sur les yeux du mort et elle rappelle qu’au temps de la construction de cheval de fer - comme disait Charlier - les riches devenaient plus riches et l’honnêteté était... passée de mode - Cause back then the rich got richer/ And honesty was.../ Out of fashion - Fantastique déclic, comme le bruit d’une gâchette, et soudain les sons s’entrecroisent dans un beau fracas d’Americana aixoise, mais tellement inspirée, jouée dans les règles de l’art et alors que voit-on ? Les solos se croiser et s’entortiller comme les serpents des légendes indiennes.

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    Ils terminèrent brillamment leur set avec deux cuts tirés de leur premier album, Missouri Woods : «Cosmic» où Jim Younger se souvient de la blissfull California, et «Here I Go» où il raconte que les Jayhawkers ont tué son père, qui était favorable à l’Union. Et pourtant, nous dit Polar, Jim aimait la campagne de son enfance, les fermes, les champs, les chevaux et l’odeur de l’herbe fraîchement coupée - Then the Jayhawkers/ They killed my father/ My sisters were jailed/ And my brother chased - Voilà comment Polar nous ressuscite cet homme.

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    C’est grâce à l’interview de Bertrand Lamargelle dans Dig It ! qu’est venue l’envie de voir jouer ce groupe. Il est lui aussi tombé sous le charme de Jim Younger dans un petit bar de Toulouse qui s’appelle le Ravelin et qui est certainement l’un des endroits les plus rock’n’roll en France. La photo du groupe pourrait laisser de marbre, mais encore une fois, il ne faut jamais se fier aux apparences. Bertrand Lamargelle mène son interview avec une passion évidente, et ce qu’on soupçonne n’être qu’une envie dévorante de la partager avec tout le monde. Il tape en plein dans le mille.

    Signé : Cazengler, Jim Older

    Jim Younger’s Spirit. Le Trois Pièces. Rouen (76). 25 octobre 2018

    Jim Younger’s Spirit. Missouri Woods. Not On Label 2014

    Jim Younger’s Spirit. Watonwan River. Pop Sisters Records 2016

    Jim Younger’s Spirit. No Human Tongue Can Tell. Closer 2018

    Dig It! # 73. Bertrand Lamargelle : Dans les Mesas Fantômes avec Jim Younger’s Spirit. Août 2018

     

    Syndicate d’initiatives -
Part Two

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    Dans Uncut, Stephen Deusner revient longuement sur l’histoire de Dream Syndicate, histoire qu’il titre joliment, d’ailleurs : Requiem for the dream. Eh oui, il ne s’agit pas de n’importe quel syndicat. Entrer dans leur univers sonore, c’est un peu entreprendre un voyage psychédélique. Mais Deusner nous prend un peu pour des cons en voulant nous faire croire que le Syndicate se réveille avec un nouvel album après trente ans de silence, ce qui est faux puisque Steve Wynn, l’âme du Syndicate et Syndicaliste dans l’âme, n’a jamais cessé d’enregistrer. Ce nouvel album sonne comme ceux du Dream Syndicate, bien sûr, mais aussi comme ceux des Miracle 3. D’ailleurs le lien entre les deux groupes s’appelle Jason le démon, ce petit mec qu’on a vu jouer au FGO Barbara en octobre dernier. Si Deusner avait bien fait son boulot, il aurait fait mettre la photo de Jason le démon en couverture du magazine.

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    Quand on écoute How Did I Find Myself Here, le nouvel album du Syndicate, on n’entend que lui. Jason le démon vole le show. On retrouve dès «Filter Me Through You» cette belle ambiance de low-down psychedelia qui caractérisait si bien le groupe à ses débuts. S’il fallait qualifier leur son, on pourrait parler de psyché infectueux, l’antithèse du psyché infructueux qu’on voit prospérer aujourd’hui. S’ensuit un «Glide» bardé de son dès l’intro, c’est même visité par le vieux sonic boom - I don’t have to come down/ I just glide - Et tout se gorge de son à l’extrême, ce démon de Jason trame sans trêve et bourre d’ouate sonique toutes les couches intermédiaires - Just to get out of my head - c’est fin et délicat, ouvragé à gogo. On se régalera aussi du «80 West», Steve Wynn raconte qu’il conduit et sur l’auto-radio, there’s some talk-show zombie boring me to death. C’est tout même fantastique de puissance vocale. Notre brillant Wynner a su créer son monde. En B, il chante «The Circle» à la poigne - I found a way to slow it down - et ce démon de Jason arrose tout ça de vitriol. Pshhhhh ! Ils amènent ensuite le morceau titre au vieux groove cousu de fil blanc comme neige. Ils ne se cassent pas trop la tête, ils ont bien raison.

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    Mais heureusement, Jason le démon en profite pour envenimer les choses ad nauseam. Il crée des climats indigènes et envoie planer de longs filaments soniques au dessus des ruines de nos vieilles civilisations.

    La grande force de Steve Wynn est d’avoir su s’entourer de guitaristes exceptionnels. Aujourd’hui, Jason le démon, hier, Karl Precoda. Avec son allure de corbeau dégingandé et ses faux airs de Keith Richards, Precoda captait bien l’attention. Steve Wynn et Kendra Smith le recrutèrent au début des années quatre-vingt pour jammer sur «Susie Q» et éventuellement monter le Dream Syndicate. Ils tiraient le nom du groupe d’un collectif expérimental des sixties, le Theatre Of Eternal Mucic de LaMonte Young, et devinrent bientôt les Velvet de Los Angeles. Kendra Smith passait pour la Nico de service et Steve Wynn ramenait en dote toutes ses Big Star obsessions. Dennis Duck qui bat toujours le beurre aujourd’hui était fan de punk et de Can. Il se régalait de voir le groupe touiller toutes les influences dans la mighty psychedelia. Ils se taillèrent vite une solide réputation à base de wild live shows et de cuts à rallonges. Steve Wynn déclarait alors : «You’re going to hate us or you’re going to love us», c’est à prendre ou à laisser - It made sure we stayed on a cult level for a long time - En fait, le Syndicate était très différent des groupes du fameux Paisley Underground californien avec lequel on tentait de les amalgamer dans la presse. Rien à voir ! Wynn et Precoda ne juraient par le mayhem et le chemistry - That kind of mayhem made their shows magical.

    Dans son fantastique ouvrage consacré à Alex Chilton (A Man Called Destruction), Holly George-Warren revient sur the Big Star obsession de Steve Wynn qui en 1981 fait le trajet Los Angeles à Memphis en bus pour rencontrer son idole Alex. Et c’est en rentrant de ce voyage qu’il démarre Dream Syndicate. Leurs chemins se recroiseront à plusieurs reprises, notamment à la Nouvelle Orleans. Steve Wynn arrive avec son groupe dans un club où il doit jouer et qui voit-il balayer la salle ? Alex ! Remember me ? Pour la petite histoire, écœuré par les pratiques du show-business, Alex Chilton s’était retiré. Il travaillait comme plongeur dans des restaurants de la Nouvelle Orleans et s’accommodait fort bien de sa pauvreté. Il ne souhaitait qu’une seule chose : qu’on lui foute la paix.

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    Leur premier album fit du Syndicate the hottest band in LA. Chef-d’œuvre de psyché infectueux, «Tell Me When It’s Over» ouvre le bal de leur premier album, the mighty The Days Of Wine And Roses paru en 1982. Le son est là et comme on va pouvoir le constater au fil de ce panorama syndical, il sera toujours là. Steve Wynn chante déjà bien dans la douleur du style. Il soigne sa traînarderie. On assiste à des descentes terribles, tell me, et ce corbac de Karl gratte des arpèges dramatiquement pervertis. Plus loin, ils sabrent «That’s What You Always Say» au heavy slab et passent carrément à la stoogerie avec «Then She Remembers». C’est d’une rare violence. Steve Wynn se positionne déjà dans la vérité du son, celle qui nous intéresse. Il plante sa croix en terre indienne d’Amazonie. Il est dans la dynamique des Stooges. Il a tout bon. Quand arrive «Halloween», on s’effare encore plus. Steve Wynn est un pur rock’n’roll animal. C’est ultra-joué aux guitares et ce démon de Precoda perce un trou pour y shooter ses violentes montées en température. On reste dans l’heavy as hell en B avec «When You Smile». Voilà un nouveau brouet d’explosivité guitaristique. Encore plus diabolique : «Until Lately» - It just goes how wrong it can be - C’est joué au back-up de slide. Tout cela est passionnant et très moderne pour l’époque. Ils traquent leur cut à coups d’harmo. C’est noyé de son et d’espoir, can you believe it, yeah ! Ils terminent cet album faramineux avec le morceau titre qui les fit alors entrer dans la légende. C’est tout simplement du dylanex explosif. Wynn wins ! Il chante véritablement comme Dylan. On a là un fabuleux assemblage d’idées préraphaélites, de Dylan et de wine & roses. C’est battu à la vie à la mort. Ils élèvent l’autel du mythe sous nos yeux globuleux. Ces gens-là avaient déjà tout compris. Ils virent même carrément hypno. Steve Wynn fonctionne exactement comme le Lou Reed du Velvet, il mène son cut droit dans l’enfer du White Light/White Heat. Mais l’impact de cet album fut overshadowed par ceux de REM, Husker Dü et Dinosaur Jr. Kendra Smith quitta le groupe pour aller chercher fortune ailleurs. Il paraît aujourd’hui évident que le Dream Syndicate avait alors autant d’allure et d’ampleur que le Velvet.

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    Mark Walton remplaça Kendra Smith pour l’enregistrement de Medecine Show, sorti deux ans plus tard. Cet album souffre d’un mal bien connu : une mauvaise production. Visiblement, Sandy Pearlman ne sait pas ce qu’est un Syndicat. Il a sans doute voulu formater le son du groupe sur la grosse powerhouse américaine, c’est une grave erreur, car le Syndicat est un groupe essentiellement psychédélique, doué d’un sens aigu du mad-psyché. Le son de l’album manque totalement de caractère et ce volontarisme qui sortait si bien The Days Of Wine And Roses de l’ordinaire brille par son absence. Dommage, car certains cuts comme «Armed With An Empty Gun» et «Bullet With My Name On It» auraient pu exploser. Mais le son est désespérément sec. Un légionnaire dirait du son qu’il n’a rien dans la culotte. Quand on compare avec le son des Screaming Trees, c’est criant de sécheresse. Pearlman a limé les dents de Precoda et Steve Wynn sonne comme un miauleur d’indie pop. Pearlman n’a RIEN compris au Syndicat. Absence totale de culture politique. Le morceau titre qui ouvre le bal des maudits de la B retombe aussi comme une bite molle. C’est monté sur un riff de basse tellement enregistré que ça en devient grotesque. Alors que ça ne demande qu’à exploser. On pourrait citer comme exemple le «Death Party» du Gun Club monté lui aussi sur un riff de basse et qui explose. On ne parle même pas de «John Coltrane Stereo Blues» qui est une insulte à la mémoire de Coltrane, et ce n’est pas de la faute de Steve Wynn. On est loin du compte et même loin de tout. Le pauvre Precoda essaye de percer des murailles mais dans cette absence de démesure, ça ne sert à rien. En plus c’est monté sur le plus plan-plan des plans de basse. Quelle catastrophe productiviste ! Il y a sur cet album au moins quatre titres qui auraient dû éclater au grand jour. Mais le plus grave dans cette histoire est que le groupe explose à cause de cet album. Steve Wynn : «It was a real ugly time. Karl and I fought a lot. Eventually we weren’t talking. The band broke up making that record.»

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    Avec Out Of The Grey, on note un nouveau changement de personnel. Paul B. Cutler remplace Karl Precoda. Steve Wynn conserve son statut de popster enchanteur. La petite pop du morceau titre qui ouvre le bal de l’A trottine gaiement à travers le temps d’avant. Mais ça se gâte avec «Forest For The Trees». On a trop entendu cette pop éperdue montée sur un beat sec et sans âme. On croyait alors entendre les Dire Straits. Mais c’est encore une fois le soliste qui fait le show, comme on le constate à l’écoute de «50 In A 25 Zone». Paul B. Cutler joue un killer solo flash qui transperce le cœur du cut. Ils terminent la B avec le brillant «Boston» pris au chant tordu. Steve Wynn sait imposer un chant généreux de gorge pleine. L’animal sait finir un cut en beauté. Et ça repart de plus belle en B avec «Slide Away». Ce diable de Wynner sait rester très bon esprit, il chante toujours à l’accent tranchant et sait imposer un style. Il revient au heavy smokin’ beast avec «Now I Ride Alone», véritable coup de Jarnac stoner, bien lesté de son. L’aimable Wynner sait doser ses puissants effets et proposer de véritables débinades de power surge. On reste dans le so solid stuff avec «Dancing Blind», encore une merveille du winning Wynner, bien montée, et même montée comme un âne, développée jusqu’à l’admirabilité des choses, quasi-diskoïdale, tellement le beat se veut mécanique.

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    On retrouve un joli clin d’œil à Dylan sur Ghost Stories paru en 1989 : «See That My Grave Is Kept Clean». C’est une reprise d’un vieux coucou poilu. Steve Wynn en fait du Dylanex bardé de son. On sent chez lui l’artisan préoccupé de bien fondre son minerai. Quel fantastique shouter ! L’autre hit du disk s’appelle «Weathered And Torn». Il y va de bon cœur avec ce boogie de wynny wynny wynny pussycat. Voilà encore un fabuleux bouquet garni de son explosif - Hey sugar/ I’m on the floor - Ce mec a le génie du son. Ce que corrobore «The Side I’ll Never Show» d’ouverture de bal, joli cut de pop-rock élégante et tellement électrique. Avec «Loving The Sinner Hating The Sin», Steve Wynn revient à l’écrasante supériorité du son à guitares. Il sait pimenter la pop. Il poppise un brin, mais il ne s’éloigne jamais de son fonds de commerce qui est le beau fouillis sonique écarlate. C’est ramoné de frais et tapé au pur et dur. Ah il faut aussi écouter «Black», ce mid-tempo d’énervement sous-jacent. Chez Wynn, tout est à la fois extrapolé et extraverti. Ça joue aux power-chords chromatiques. Tout est slammé aux arpèges lumineux. Steve Wynn s’éclaire de l’intérieur. Il dispose de cette profondeur de champ extraordinaire qui permet de rendre les cuts uniques. Ce mec est un artiste présent, une force de la nature, un vrai sorcier du son. Comme tous les géants du rock, il crée son monde, un monde dans lequel on se sent merveilleusement bien.

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    À cette époque sort Weathered And Torn, un docu de Jonathan Baskin sur Dream Syndicate. On suit la fine équipe Wynn/Cutler/Walton/Duck en tournée aux États-Unis. Chaque fois qu’on les voit sur scène, ça reste très intense, surtout quand ils tapent des cuts comme «Weatered And Torn» ou «Boston» tiré d’Out Of The Grey - I don’t want to be here anymore - avec ses faux accents d’«All Along The Watchtower». Avec «Medecine Show», ils jouent la montre molle d’Avida Dollar. Paul B. Cutller porte une casquette CCCP et joue au golf. Sur scène, il joue comme un guitar God. On comprend que Steve Wynn l’ait enrôlé. Ils atteignent l’heure de gloire du docu avec une version demented de «John Coltrane Stereo Blues» montée sur un drive de r’n’b imparable et Cutler joue comme une vraie bête de Gévaudan. C’est bien meilleur que la version studio massacrée par Sandy Pearlman sur l’album Medecine Show. Le docu se termine avec une version acou de «Weathered And Torn». Steve Wynn s’arroge la part du lion. C’est de bonne guerre.

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    Quand on aime, on ne compte pas. Alors on écoute aussi The Lost Tapes. On y trouve une belle pièce de Stonesy intitulée «Killing Time». Il s’y niche de faux accents de «Dead Flowers» et ces relents de virtuosité guitaristique prévalente. Quel fourbi ! Joli cut aussi que cet «I Ain’t Living Long Like This» claqué au riff vainqueur, celui qui emporte tous les suffrages, qui ronfle comme un moteur débridé, mais globalement, ça reste assez conventionnel. On retrouve aussi le «Weathered And Torn» de Ghost Stories et à la suite, voilà le wild ride de «The Best Year Of My Life». Steve Wynn y part en quête de fame. C’est la loi du rock. Sans fame, pas de foin. Alors l’âne Wynn quête le Graal du son. Il va là où bon lui semble. On retrouve aussi l’élégant «When You Smile», amené en douceur et en profondeur, sanctifié au heavy drone des guitares aventureuses du Dream come true.

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    Avant de refermer le volet Dream des années quatre-vingt, on peut aussi jeter un coup d’œil sur ce très beau live, The Day Before Wine And Roses, qui comme son nom l’indique fut enregistré juste avant la parution du premier album. Steve Wynn en parle dans l’infernal Babylon’s Burning - From Punk to Grunge de Clinton Heylin - There was a radio show that we did a month before recording The Days Of Wine And Roses that best illustrates what we were doing. Very extreme noise, cacophony to a beautiful ballad, back and forth - C’est exactement ça. Ils tapent une belle reprise du Buffalo Springfield avec «Mr Soul». Puis Steve Wynn se prend pour Lou Reed dans «Sure Things». C’est chauffé à blanc dans l’esprit white heat et ce sont les accords de «Waiting For The Man». Ils tapent plus loin une reprise de l’«Outlaw Blues» de Bob Dylan, et Karl Precoda fait le show. Il déraille dans sa choucroute. Steve Wynn sonne comme une sorte d’Hugues Auffray sous speed. Precoda cloue son son sur la porte de l’église, c’est assez ultime et d’une rare sauvagerie. Il revient swinguer la java des atomes sauvages dans «Open Hour» et il fait gicler sa lave dans un «When You Smile» amené à l’orage sous-jacent. Ils sont extrêmement psychédéliques, au sens de l’Airplane. Precoda entre dans le lard du riff en tonitruant. Quel hit dément ! C’est plombé du parterre ! S’ensuit une grosse version de «Season Of The Witch». Fabuleux choix. Ils jouent ça très Velvet, aux accords de l’underground new-yorkais. Ça barre en couille grâce à Karl. Il reste dans son délire interventionniste et outrancier. Il presse bien sa poire. Et pouf, ils terminent avec le morceau titre de leur premier album. Precoda sature ça d’unisson du saucisson. Quel admirable blast de blurring buzz ! Les descentes aux enfers valent bien les pires cauchemars littéraires. Precoda balaie la littérature du rock à coups d’ouragans. Nous voilà projetés dans un monde parallèle d’excellence oscillante et d’éclats écarlates de lattes azurées dans le flash du continental freight et ce dingue de Precoda transperce les mailles de la cotte, il joue tout à la débinade occidentale, il rue dans les brancards de ses cordes graves et sature tout à la folie exacerbatoire. La pire qui soit ! Tout est joué en mode supersonique.

    Quand Stephen Deusner demande : quelles sont les raisons de la reformation du Dream Syndicate, Steve Wynn explique qu’on l’a contacté en 2012 pour jouer dans un festival à Bilbao. L’organisateur lui demandait de venir avec un groupe. Quel groupe ? Les Miracle 3 n’étaient pas disponibles, le Baseball Project non plus. Alors, il ne restait plus qu’une solution : remonter le Syndicate. Et comme Kendra Smith et Karl Precoda opposèrent un refus catégorique, alors Steve sollicita Jason le démon. Quant à Duck, il accepta immédiatement.

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    Mais d’où sort ce démon ? Pas d’un bréviaire, hélas, ce serait trop beau. Steve Wynn l’a rencontré dans les années quatre-vingt dix. Jason bossait dans un magasin de disques à St Mark’s Place, Manhattan - I used to stop here and this kid said he liked my music - En plus, Jason lui faisait de bonnes remises. Ils sont allés jammer ensemble et sont devenus inséparables - It turned out he’s amazing - Eh oui, on s’en est aperçu ! En plus il connaissait toutes les chansons du Syndicate, ce qui n’a pas manqué de bluffer notre Wynner.

     

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    Pour Steve Wynn, l’idée de reformation est capitale, surtout, ajout-t-il, quand on dispose d’un passé prestigieux. Il cite les exemples de Redd Kross et des Mary Chain qui ont accepté de jouer le jeu de la reformation - If you don’t have connections to who you were, though, it’s pointless - Steve Wynn ne compte pas lâcher la rampe. Il vit toujours l’esprit gorgé de distorse, de Velvet, de Velvet, et Nuggets et de Can. C’est un fan de rock qui joue pour des fans de rock. Tout bêtement.

    Signé : Cazengler, Steve wine (en cubi)

    Dream Syndicate. The Days Of Wine And Roses. Ruby Records 1982

    Dream Syndicate. Medecine Show. A&M Records 1984

    Dream Syndicate. Out Of The Grey. Big Time 1986

    Dream Syndicate. Ghost Stories. Enigma Records 1989

    Dream Syndicate. 3 1/2 (The Lost Tapes 1985-1988). Normal 1993

    Dream Syndicate. The Day Before Wine And Roses. Atavistic 1994

    Dream Syndicate. How Did I Find Myself Here. Anti- 2017

    Dream Syndicate. Weathered And Torn. Atavistic DVD 1992

    Stephen Deusner. Requiem for the dream. Uncut #245 - October 2017

     

    TROYES – 08 / 11 / 2018

    LE 3 B

    JUNIOR MARVEL & THE HI-TOMBS

     

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    L'avant-dernier concert de l'année au 3 B, pas question de le rater, la teuf-teuf filoche comme si elle avait la pétoche. En plus des Hollandais, une denrée rare dans la région. Malgré les trottoirs en grand désarroi – mais l'été venu nous aurons une terrasse assez grande pour recevoir un hélicoptère – le monde se presse vers le 3 B, commence à être un endroit couru...Un, deux, Troyes, c'est parti !

    JUNIOR MARVEL & THE HI-TOMBS

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    Yves Vaillant a calé sa haute stature pratiquement dans l'embrasure de la porte de la cuisine, domine sa batterie, Gretsch argentée, de toute sa masse, les trois autres de front, sur la même ligne, ne parviennent pas effacer sa présence physique, Mike von Lierop s'inscrit pourtant dans le genre montagne colossale, l'est sûr qu'entre ses mains chamarrées de tatouages sa big mama a intérêt à turbiner sans rouspétance. A l'autre bout de la file, Fredo Minic arbore guitare Gretsch, anneau de pirate à l'oreille et sourire sardonique, au centre, Junior Marvin deux têtes de moins que ses acolytes caresse sa rythmique engoncée dans une housse de cuir, imitation ébénisterie country au bois de rose.

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    C'est parti, sans préavis ni acte notarié. Ça vous déboule dessus sans que vous ayez vu venir. Par contre, vous entendez méchant. Va vous falloir six morceaux pour comprendre comment la machine fonctionne. Z'avez l'impression d'une muraille de forteresse imprenable, avec derrière un arc-boutant qui lui confère une force indestructible. Le malheur c'est que cette monumentalité pierreuse ne reste pas immobile, galope comme un troupeau de bisons, pas pour un sou bisounours, qui ont décidé de vous piétiner allègrement, pas de panique, allongez-vous et laissez passer les bulldozers sans bouger, tout compte fait l'effet bœuf sauvage est des plus agréables.

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    Facile de déterminer leur technique d'ébranlement, Fredo effleure une corde de sa guitare, tout doux, tout gentillou, le froissement d'une aile de papillon dans un rai de soleil printanier, Yves ne doit pas aimer ces dentelles volantes, préfère les éléphants, de colère vous en assène un, d'un seul coup de baguette sur le premier tom qui passe à sa portée, et les deux autres prennent feu, Mike vous avoine de trois tapes sa contrebasse blanche, l'est si convaincant qu'elle se transforme illico en torchère meurtrière, et là-dessus Junoir se précipite sur le micro, l'a déjà la rythmique qui batifole comme une folle, mais ça ne lui suffit pas, ce mec-là chaque fois qu'il ouvre la bouche c'est pour vous prouver qu'il va vous engloutir le monde en moins de deux.

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    Ne peut pas entonner un lyric sans entrer en guerre avec l'humanité entière. Et quand il a achevé son morceau, qu'il a fait table rase du passé, du présent et du futur, il refile le bébé à Mike. Du même acabit. Ne chante pas des berceuses pour endormir les petites filles, se colle les lèvres au cromi et vous aboie dessus si férocement que votre cœur est aux abois. Z'avez intérêt à courir vite avant qu'ils ne vous rattrapent. Les quatre cavaliers de l'apocalypse ont décidé d'avoir votre peau et vous mènent une chasse tambour battant. D'ailleurs question tambour le Yves il n'en démord pas. Quand il frappe c'est d'une brutalité efficiente. L'a jamais entendu parler de résonance, c'est sec et franc, un coup et il vous fracasse un arbre qui tombe sur vous sans préavis, ces chênes qu'on abat pour le bûcher d'Hercule, disait Victor Hugo, il vous les dépiaute sans se presser, vous les pousse de l'épaule, craquent tout du long et déjà il est en route pour le suivant.

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    Pour ceux qui n'ont rien compris au film et qui se demandent quel genre de musique peuvent jouer ces hollandais détonants, et qui désireraient deux mots d'explication, je me contenterais de deux chiffres : 54 – 56. Mais je m'aperçois qu'il y a des nuls en math qui ont besoin de soutien scolaire prolongé. Du pur rockab. De celui d'avant l'électrification à outrance. Certes l'on avait déjà électrifié les campagnes, mais les gars étaient encore des rustauds, fallait qu'à tous moments ils montrent leur force, alors dès qu'ils saisissaient leurs instruments, ça s'entendait. Z'avaient de l'énergie à revendre, le vieil honky tonk des familles ils vous l'irriguaient d'un sang farouche et radieux. Les Hi-Tombs puisent dans ces anciennes mines, quand vous les entendez, vous avez l'impression qu'ils creusent votre tombe et c'est normal parce qu'ils en font des tombereaux. Puisent dans ce filon d'or pur, et vous le transmuent en gerbes d'étoiles filantes.

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    Le premier set, on ne l'a pas vu passer. Z'ont sorti une douzaine de leurs rockets de leurs pockets et nous ont aspergé du sel le plus astringent. Une bourrasque, quand elle est partie, vous ne pouvez même plus compter vos abattis. Emportés, ils ont tout pris avec eux. Pour le deuxième set, ont utilisé la technique du match de boxe, un round destructeur, puis une séquence respiratoire pour coup d'éponge sur les blessures, juste pour vous mettre à vif les ecchymoses, et aussitôt après une nouvelle dégelée d'uppercuts sur le museau, façon de vous refaire le portrait à la Picasso. Ont décidé de vous forcer à réviser la notion d'alternance. Un brûlot à la Johnny Burnette pour vous arracher les burnes et une consolation à la Carl Perkins pour vous refiler le parkinson.

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    A ce jeu-là le Junior Marvel est mauvais comme la gale. Et les autres le soutiennent dans ces intentions martyrisantes. L'a de ces manières de presser les burettes à la Burnette, d'en extraire la substantifique moelle à vous déchirer l'épinière, wilder vous ne trouverez pas sur le marché. Son côté Perkins il vous l'offre en supplice de Tantale, de temps en temps au milieu de l'orage qui sort de son œsophage, vous remerciez alors le diable d'une éclaircie, d'immenses prairies dont les herbes ondoient sous le vent, d'un coucher de soleil sur le granite rose de la montagne rocheuse, mais cela disparaît aussi vite qu'apparu, Marvel vous fait le coup du havre de paix dans la tempête, l'allonge les syllabes comme les jambes devant la cheminée et l'on est déjà reparti au grand galop sur le dos de chevaux indociles. Vingt secondes plus tard une nouvelle vision édénique chromo-country vous saute aux yeux, tous les quatre vous prennent un de ces airs d'innocence, tapotent leurs instruments comme les mères affectueuses cajolent leur marmot à la sortie de la maternelle, crac vous déchirent la lithographie paradisiaque et ça pétarade une nouvelle fois dans tous les azimuts. Yves en profite pour vous égrener quelques rotondités jazzesques à vous rappeler la noirceur de votre âme, puis il détale comme si de rien n'était et vous étale un slap de crotale des plus orthodoxes.

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    L'existe une poésie du rockab – le rock qui cabre – n'y a qu'à égrener quelques titres du répertoire pour en être convaincu, Treat Me Right, Rock Pretty Mama, Love Crazy Baby, Flat Black Cadillac, en trois mots tout est dit, nous touchons-là à la tria nomina romaine, suffisait de compter jusqu'à trois ( surtout à Troyes ) pour comprendre que vous aviez en face de vous la majesté purpurale d'un sénateur de l'assemblée qui dominait le monde, idem pour le rockab, dites All By Myself et tout de suite vous êtes en présence d'une gigantesque trombe dantesque qui va vous nettoyer les synapses pour huit jours.

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    Ce précédent paragraphe pour vous ménager. Pour vous permettre de respirer et de prendre des forces avant le troisième set. L'assistance est comblée. Le quarteron des vieux rockers ronronne comme un gros matou au septième ciel des souris grasses. Les Hi-Tombs nous ont caressé dans le sens du poil. Rien que du premier choix. Et maintenant le surchoix, le fin du fin. Après les tempêtes, la commotion cérébrale. Plus fort, plus vite, plus violent, plus rapide, avec en prime cette impeccabilité de précision sans laquelle le rockab n'est plus qu'une serpillère inutile agitée par un vent désordonné. Round-up est-il écrit au bas de la robe de mariée de sa big mama, alors Mike commence par répandre le glyphosate, il l'éclate à grands coups de savate sur les quatre misérables cordes, elles plient mais ne rompent pas. Parallèlement Yves édifie des architectures sonores à vous couper le souffle, vous renverse d'une chiquenaude le château de cartes qu'il vient d'équilibrer et vous en rebâtit un autre épais comme des donjons sonores.

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    Le plus surprenant reste Fredo, jusqu'à lors, il n'a pas joué franc jeu, le top du départ, et puis s'est mêlé dans l'orgie sans se faire spécialement remarquer. Suivait le mouvement, en douce, sans se faire voir. On se doutait qu'il n'était pas pour rien dans la symphonie, mais là il s'est décidé à nous apprendre comment l'on se sert d'une Grestch, vous pointe des ses solos à vous étriper la concurrence, pas besoin de s'étendre vingt minutes, une vingtaine de notes lancées au couteau, aucune en dehors de votre cœur et il reprend le leader ship une demi-minute après pour ceux qui atteints d'Alzheimer auraient oublié qu'il vient de leur révéler l'incisive beauté du monde.

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    Sont déchaînés, Marvel se roule par terre, suffoque dans le micro, tout petit le chien enragé du rockabilly a dû lui infliger une terrible morsure, l'est comme Attila, plus rien ne repousse là où sa voix passe. Yves survolté cogne à grands coups de gourdin sur sa batterie, sa baguette s'est métamorphosée en manche de pioche et il entreprend de desceller les dalles de ciment de votre raison qui s'effrite et se lézarde sans rémission. Mike se moque de sa grand-mère, l'on devine qu'il vous l'enterrerait vivante rien que pour le plaisir d'imiter ses imprécations au micro. Duduche n'y tient plus vient bopper aux côtés de Junior le Marveilleux en compagnie de Fredo qui n'en lacère pas moins sa guitare. Il se fait tard, Béatrice la patronne demande un ultime morceau. L'on frôle le suicide collectif, les Hi-Tombs prêts à se faire harakiri sur scène et le public à arrêter de respirer. L'on aura droit à un supplément de cinq ou six brochettes, mais ils auraient bien voulu continuer encore deux heures, nous aussi... Il est une heure du matin à l'o-clock du rock'n'roll qui rounde toujours trop vite, et Fab qui nous a offert un son de velours reprend son rôle de disc-jockey... Duduche tire conclusion de la soirée : ''En Hollande, si le pays est plat, le rock est hot.'' Qui oserait lui donner tort ?

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    Damie Chad.

    ( Photographies : Duduche )

     

    BOOGIE IN THE SHACK

    THE NUT JUMPERS

    Rhythm Bomb Records : RBR5879 / 2018

    Helen Shadow : guitar, vox / Ricky Lee Brown : drums / Jake Calypso : bass, vox, harmonica.

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    Quelle pochette ! Et encore je n'ai à ma disposition que le CD, celle du vinyle est nettement plus belle. Les grands écrans flasshy sont toujours supérieurs à un timbre-poste en taille douce. A la limite vous pouvez vous contenter de l'image. Un film à elle seule. Une unique scène, même si les personnages ne parlent pas. A vous d'imaginer le scénario. Trois malfrats, lunettes noires et une femme entre les deux mecs, la touche féminine est encore plus glaçante, transportent d'inquiétantes mallettes, genre docteur de la mort amère qui viennent chez vous pour vous faire une piqûre. Ne regardez pas avant de vous endormir, les cauchemars fondront sur vous comme les mouches sur une charogne. Au mieux un des romans les plus sombres de Giono, style Un Roi sans Divertissement, ou Deux Cavaliers de l'Orage, au pire un commando en mission très spéciale.

    C'est quoi des nut jumpers, des pois sauteurs, des casseurs de noisettes, perso je traduirai par des tourneurs d'écrou. De ceux qui servent à faire dérailler les trains ou de ceux qui font coulisser le garrot létal sur votre cou. En tout cas sont formés de trois individus peu recommandables. Des vétérans revenus vivants de tous les sales coups, honneur à la dame, Helen Shadow, vous retrouvez son ombre maléfique dans pas moins d'une demi-douzaine de gangs recherchés par les amateurs de hot rock du genre The Johnson Family ou The Shooting Stars, en queue de peloton Ricky Lee Brown, une silhouette malfaisante qui sévit en sous-main dans d'interlopes cellules criminelles surnommées The Big Six ou Johnny Back & The Moonshine Boosers, et devant, en costume cravate c'est Jake Calypso qui vous fixe d'un air mauvais... Z'ont mis treize titres, parce que ça porte malheur.

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    Woah Oh Ho : cela va vous paraître idiot mais je n'ai jamais entendu un titre commencer si abruptement, à la première seconde vous êtes en plein rock'n'roll, il semble que vous les prenez en marche qu'ils sont déjà en train de jouer depuis deux heures, qu'ils ne vous ont pas attendu. Question son, ce n'est pas du garage mais de la grange bouseuse spécial crétinoïdes, le Ricky démantibule un vieux chaudron et Hélène a décidé de mener la guerre aux riffs de guitare de Buddy Holly. Vous les combat férocement. Là-dessus vous avez le Loison qui chante la danse du scalp. Z'avez pas intérêt à être chauve il vous arrachera la calotte crânienne. Set Me Free : z'ont dû traverser le temps et l'Atlantique à la nage, bye-bye les bleds perdus des Appalaches, nous voici chez la bonne mamy old-england, à l'époque où ses petites-filles se promenaient en mini-jupes, du coup ils sonnent comme les Kings mais du temps où ils répétaient dans des caves, ça résonne lugubrement, le Loison vous sert deux traits d'harmonica british-boom artificiellement non maîtrisé et après vous avez droit à un hachis parmentier de guitares servi par la belle Hélène que vous avez intérêt à ne pas prendre pour une poire parce que le Ricky Lee, il tape sur tout ce qu'il n'aime pas, et il est manifeste qu'ils vous ont dans le collimateur. Si vous en sortez vivant, soyez heureux. Love Truck : au début ça ronronne comme un bon vieux rock certifié années cinquante, mais le vocal vous arrache les tripes et c'est parti pour une farandole dans laquelle personne ne maîtrise plus rien, au milieu vous servez de punching-ball, et vous devez être méchamment maso, parce que vous repassez le morceau dix-sept fois d'affilée. My Pearly Doll : l'avenir s'éclaire le son des années heureuses, ça sautille comme un sixty-hit, la batterie qui caracole, la voix qui flatte la croupe des dames et la guitare vibro-masseur qui allume les lampions de la fête. Vous avez treize ans et des poussées acnéiques ne vous empêchent pas d'embrasser votre cavalière sur la bouche. Pourvu qu'elle se soit lavé les dents. Parce que les Nut Jumpers ils ont oublié. Boogie In The Shack : C'était trop beau, l'on file sous Memphis, Loison vous harmonicanise comme un nègre issu de la pire plantation, et c'est parti pour un boogie pénitentiaire, manière de vous apprendre que la vie c'est au bout des poings que ça se gagne, et les Nut Jumpers vous foutent KO en moins de deux. Sortez de votre cabane ! On n'attrape pas les alligators avec du vinaigre sur la queue. Pandit : un petit instrumental, un peu Shadows et un peu Link Wray en sous-main dans les coins et au milieu, le Ricky rétame toujours son chaudron et ce coup-ci il fait jeu égal avec la guitare. Bonne idée pour un instrumental. C'mon, C'mon : un peu la même chose que le précédent mais l'on pose le vocal dessus comme le garum sur les frites, mélangé avec la pourriture des patates c'est perfect, du coup les instruments vous piquent une crise de jalousie. Et vous n'avez rien mangé de meilleur depuis l'année dernière. Blow Your Top : hurlements. Et c'est parti, guitare et batterie s'en donnent à cul-joie, dans ce charivari on ne peut que pousser des cris comme quand le train vous roule sur le pied. El cantaor s'égosille, le taureau a dû l'encorner. L' homme n'est qu'un animal déguisé. Catholic Boy : la petite Helen vous psalmodie un truc qui ne semble pas si catholique que ça, les deux gars ne la ramènent pas trop, bossent sans lever la tête, veulent pas se faire remarquer, la demoiselle possède un esprit frondeur. Ouf, c'est fini ! On peut respirer ! Gonna Stand My Ground : du coup, on pose les instruments, l'on tape entre les mains et l'on gospellise à qui mieux-mieux. Pas très longtemps, les diététiciens conseillent de quitter la table avant d'être rassasié. No Good, No Good : le rock'n'roll revient à fond, tous ensemble, la voix qui ne loupe pas ses loops, et les instruments qui laissent passer le copain, après vous, je n'en ferais rien, je vous en prie, juste pour me faire plaisir, OK mais n'oubliez pas de prendre le relais. Une merveilleuse mécanique de précision. Keep A Little Place : deux cases en arrière, une rengaine honky tonk comme l'on n'en fait plus depuis un demi-siècle. Ne faut pas exagérer, je ne suis pas sûr qu'ils auraient été acceptés au Grand Ole Opry. Au Louisiana Hayride certainement. Nut Jump : comment dire ce ravage en peu de lettres, un peu moins rockabilly, un peu plus rawckabilly, ça glousse dans le poulailler de Charlie Feathers, même qu'à la fin le grand coq qui passait les poulettes à la casseroles – ah, ces piaillements de plaisir ! - se fait couper le cou en deux coups sec. Il n'est pas vain le coq au vin ! Sacrée ratatouille.

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    Les amateurs de rock sauvage et déjanté adoreront. Z'ont réussi à faire du psychobilly avec le son de 1954. Fort très fort. J'ai passé toute la journée à le repasser !

    Damie Chad.

    WEEKEND LOBOTOMY / CRASHBIRDS

    PIERRE LEHOULIER

    ( Clip / FB )

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    C'est terrible, il y a des gens habités par le génie de la perversion. Des oiseaux de mauvais augure. Certains sont plus malfaisants que d'autres. Dans Kr'tnt ! nous en avons repéré deux depuis quelques temps. Comme nous tenons à faire œuvre de morale et de salubrité publique nous avons pris l'habitude d'alerter nos lecteurs chaque fois que les méchants cui-cuis s'adonnent à leur étrange, incompréhensible et détestable manie. Voici quinze jours s'en sont pris à la moitié de la population terrestre, celle qui réside dans l'occidentale partie du globe. Qui ne leur avait rien fait. La plupart de ces peuples ignorent jusqu'à leur existence. Cela ne les a pas empêché de les insulter. Tarif de groupe, les ont traités d'esclaves, les ont agonis d'injures durant presque une heure. Pour que personne ne l'ignore, ils ont enregistré leur vindicte crachatière sur un CD et ont averti la planète entière par internet de l'existence de cette mauvaise action.

    Manifestement cela ne leur a pas suffi. Z'ont joint l'image à la musique. Soyons juste, sur les deux cui-cui, manifestement un cui est plus teigneux que l'autre. Pour une fois ce n'est pas la femelle – comme chez les êtres humains et les araignées - mais le mâle, Lehoulier n'en rate pas une pour jeter sa Pierre à tous les malheureux. Ne se contente pas de faire du bruit avec sa compagne, se plaît aussi à griffonner des insanités. En rajoute, pourrait se contenter d'images immobiles, mais non dans la série si tu vois un misérable fais-lui un beau dessin, lui il crée une animation pour le rendre encore plus honteux de son sort.

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    Donc un clip. Si vous vous obstinez à le regarder, n'allez pas plus loin que les vingt-cinq premières secondes. Déprimantes au possible. Une palissade démantibulée et la façade d'une maison triste comme un jour sans pain, mais nous sommes dans le domaine de l'acceptable. Même dans la Bible, Dieu n'a pas osé dire qu'il avait créé l'Homme à l'image d'un placard de cuisine. Et si ce n'était que ça ! Notre dessinateur ne lui a même pas fourgué une copinote pour qu'il puisse lui visiter son four à micro-ondes hyper sensible. L'est tout seul. Un beau robot sans pied-bot – livré en kit chez Ikea. Possède un lit, une cuisine et un écran. Lehoulier n'est pas cruel, il lui permet de sortir. Au boulot. Devant un autre écran. Pas folichon, mais Lehoulier vous veut du mal. Pourrait l'emmener dans les bois cueillir les jonquilles et courir les filles, ben non, le renvoie au chagrin, sempiternellement tous les jours.

    J'en vois qui lèvent la main pour protester. Oui je sais, vous vivez la même vie que lui, et vous ne vous en plaignez pas, au moins vous êtes occupés, même que si l'on vous écoutait l'on supprimerait les dimanches, les jours fériés et les 35 heures. Lehoulier est d'accord avec vous. Les weekends sont de véritables supplices. A part vider une procession de bouteilles alcoolisées d'ultra moderne solitude, comme disait l'autre, et se préparer un rail de coke... Vous vous en doutez, pas de véritable fin, no happy end, rue sans issue, no man's land. Je traduis pour ceux qui ne connaissent pas l'anglais : terre sans l'Homme. Ce doit être juste après l'époque que Nietzsche prophétisait peuplée par le dernier homme...

    Ben, c'est ce portrait peu flatteur de notre présent que Monsieur Lehoulier met en libre circulation sur internet, livre un dessin animé mais déshumanisé, qui pourrait atterrir sous les yeux bleus de nos charmantes têtes blondes. Ne sommes-nous pas face à un crime contre l'Humanité, lorsque l'on lobotomise l'espoir ! Le rock'n'roll serait-il un accélérateur de notre déchéance civilisatrice ? Faudra-il un jour l'interdire quod corumpet juventus !

    Damie Chad.

    N.B. : dernier mot, pas nécessairement une équipe de foot-ball.

    ROCKAMBOLESQUES

    FEUILLETON HEBDOMADAIRE

    ( … le lecteur y découvrira les héros des précédentes Chroniques Vulveuses

    prêts à tout afin d'assurer la survie du rock'n'roll

    en butte à de sombres menaces... )

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    EPISODE 7 : HASARD OBJECTIF

    ( Splendido amoroso )

    Je m'étais glissé sous l'amas de couverture que le Chef avait emmené pour se protéger du froid. Il se passait quelque chose dans l'hôtel borgne, des lumières s'allumaient un peu partout dans les trois étages, des cris et des bruits sourds nous parvenaient. Brusquement nous vîmes au troisième étage une fenêtre s'ouvrir et un lit bascula dans le vide. L'était plein, le gars qui pionçait dedans essaya de se raccrocher au drap, mais il fut le premier à rejoindre le sol, et le sommier en lourde ferraille qui le suivait de près, lui tomba dessus et lui brisa les reins. Ces gens-là avaient des façons particulièrement violentes de faire le ménage. Des coups de feu résonnèrent lugubrement. Puis ce fut le silence. Un homme sortit et le temps d'une seconde un éclair de lumière fusa vers le ciel. Un signal ! Déjà deux limousines noires enfilaient la rue, elles passèrent devant nous et s'arrêtèrent devant l'hôtel, il y eut une ruée, les portières claquaient, mais l'une d'entre elles se rouvrit, un gars surgit, tira une arme de sa poche et négligemment tira deux balles sur le Chef qui s'écroula. Les deux voitures démarrèrent sur les chapeaux de roue. Je me précipitais sur le Chef :

      • Chef ! Chef !

      • Agent Chad, arrêtez ce sentimentalisme idiot, vous pensez bien que je ne suis pas venu en maillot de bain, je ne suis pas né de la dernière pluie ! J'ai simplement endossé un gilet pare-balles.

    La visite de l'immeuble ne fut pas ragoûtante. Des morts et des mortes plus ou moins dénudés, la plupart sur le retour d'âge – hôtel de passe des plus sordides – un peu partout, certains surpris dans leur sommeil, d'autres qui avaient tenté de fuir abattus sans pitié dans les couloirs et les escaliers.

      • C'est un scandale, affirma le Chef, avez-vous pensé que j'ai dû attendre planqué deux heures sous des couvertures puantes sans pouvoir fumer un Coronado. Je vous le dis, agent Chad, ces tueurs sont sans pitié.

      • Mais Chef comment saviez-vous qu'ils allaient venir ici ?

      • Agent Chad, un peu de jugeote, vérifiez sur internet, sur tout le territoire national, il n'y a qu'un établissement hôtelier qui se pare du nom printanier d'Hôtel du Papillon !

      • Chef, vous aussi vous en avez déduit que...

      • Facile, agent Chad, suffisait juste de fumer un Coronado.

    BRAIN TRUST

    Nous avions rejoint le QG. Cruchette était aux anges. Le Chef l'avait laissée dans un restaurant. S'était offerte une orgie de frites. L'en était au dessert quand nous sommes passés la reprendre. La curiosité féminine avait puni Claudine, l'avait voulu à tout pris visiter l'hôtel avant de partir. Cela l'avait refroidi. Je la réchauffai de mes bras puissants;

      • Ce n'est rien, Claudinette, à peine une vingtaine de macchabées, une paille, vous en verrez d'autres. Par contre Chef, je me demande bien quelle relation nous devons établir entre ces dignes dames occupées à besogner leur clients et la troisième cassette des Désaxées !

      • Enfantin, agent Chad, l'on s'énerve en face, ne font plus dans la dentelle, en sont au stade de l'élimination générale. La véritable question est la suivante – n'oubliez pas qu'Heidegger a rédigé plus de cents volumes pour nous apprendre que la question est beaucoup plus importante que la réponse – qu'allait donc faire la personne porteuse de la troisième cassette dans un bordel, excusez-moi Cruchette d'employer ce terme si trivial, mais le philosophe se doit de regarder la vérité en face, de vingt-cinquième zone ?

    Claudine, Cruchette et moi-même passâmes la soirée à tenter de trouver la solution. En vain, le Chef ferma les yeux et se contenta de fumer quelques Coronados. Nous élaborâmes une foultitudes d'hypothèses. La plus convaincante resta une des propositions de Cruchette, vu l'état de saleté la maison, sans doute était-elle venue postuler pour une place de ménagère. Au bout de trois heures de tâtonnements intellectuels infructueux, un peu agacé par l'air absent et rêveur du Chef, je l'interpellais vivement :

      • Enfin Chef, vous avez bien une idée derrière la tête !

      • Pas du tout, ni derrière, ni devant, ni dedans. Toutefois, agent Chad, l'expérience m'a appris que quand l'on cherche, l'objet inconnu n'est jamais loin. André Breton théorisait cela sous le concept de hasard objectif. Le sage Lao-Tseu beaucoup plus poétiquement s'en tenait à l'image de la montagne qui vient à vous, si vous n'avez pas été assez malin pour aller à elle. Bref si j'étais vous, en attendant la fulguration illuminative, j'inviterais plutôt cette charmante Claudine dans ma chambre afin de lui proposer une séance relaxante de yoga tantrique. C'est fou comme vous semblez ignorer que nos jeunes filles modernes apprécient ce genre de massage pénétrant.

      • Chef, vous êtes encore plus sage à vous tout seul que tous les vieux chinois de l'Empire du Milieu. Je crois que Claudine et moi allons mettre en pratique vos recommandations paternelles. Je vous remercie de m'indiquer si précisément la voie du tao la plus directe, la moins tortueuse.

    Déjà nous nous dirigions vers ma chambre lorsque mon portable sonna.

    COUP DE TELEPHONE

      • Alors Damie, on ne te voit plus !

      • Quel bon vent t'emmène Popol !

      • Pas très bon, tempête force 12 ! J'ai besoin de toi expressément Damie.

      • Pas de chance, je suis sur Paris !

      • Tant mieux. Parfait. Je viens de fermer le café, tout le monde est parti, tous bourrés comme des coings, et ma voiture à peine allumée, l'idée lui prend de péter son joint de culasse, tu vois la situation !

      • Ouais, mais moi et la mécanique, tu sais !

      • Crétin de Damie, tu es la dernière personne à qui je demanderais de se pencher sur le moteur de ma voiture. Non, tu vois j'ai un service à te demander, enfin deux pour être plus précis.

      • Déballe ta came, Popol, fissa, ce soir je travaille !

      • Ce sera bien la première fois de ta vie ! J'expose : je voulais t'inviter demain soir au café, pour que les soirées soient un peu plus folichonnes j'ai décidé d'embaucher un groupe de rock, une fois par semaine, comme ça tu auras une kronic toute trouvée pour Kr'tnt ! Je parie que tu ne connais pas mes premiers invités, leurs fans les surnomment affectueusement The Svarts.

      • En effet inconnus au bataillon, Popol ! D'où tu les sors ?

      • De Norvège !

      • Là tu m'en bouches un coin !

      • Et toi tu vas m'en déboucher un autre, ils arrivent au bout de la nuit à Roissy. Tu vas les chercher et tu les ramènes, c'est tout simple pour toi, il me semble que tu es un spécialiste du rock'n'roll.

      • Oui, mais...

      • Je suis sûr que tu vas aimer. Je parle pas des musicos, mais de la chanteuse, c'est une amie, une beauté, et pas farouche, je peux te l'assurer, tu lui dis que tu viens de ma part et c'est dans la poche, si tu vois ce que je veux dire !

      • Oui, mais...

      • Ah, j'oubliai le principal, tu te mets devant le terminal 4, avec une grosse pancarte, écrit en gros dessus le nom du groupe : The Svart Butterflies, c'est du Norvégien, je te traduis parce que tu es nul en langue : ça veut dire Les Papillons Noirs, dernier renseignement, elle s'appelle Darky. Je t'attends, je viens de recevoir quelques bouteilles de moonshine polonais, tu m'en diras des nouvelles, Tchao, à tout à l'heure.

      • OK, my boy, à toute allure !

    BRANLE-BAS LE COMBAT

    Tout le monde avait entendu. J'avais laissé le micro ouvert. Nous étions abasourdis, mais le Chef avait déjà un plan. Il alluma un Coronado.

      • Cruchette, tout de suite vous confectionnez la pancarte. Agent Chad, vous descendez dans la rue et vous violez Claudine. Cruchette et moi nous vous rejoignons au plus vite. Je m'occupe du plus important. J'engouffre quelques Coronados dans mes poches.

    VIREE NOCTURNE

    J'avais choisi l'emplacement, et l'intant T. Sous un lampadaire. Brutalement, bestialement je me jetais sur Claudine, lui arrachai sa culotte – facile vu la brièveté de sa mini-jupe – tout de suite elle poussa des cris perçants et s'égosilla '' Au secours ! Au secours ''. Le chauffeur du fourgon de police pila à notre hauteur, son acolyte descendit pour m'arrêter, mais je me démenais, le chauffeur dut descendre pour l'aider à m'entraîner à l'arrière du fourgon, Cruchette surgit opinément s'accrocha à mon blouson en hurlant '' C'est lui le violeur des cimetières'', à peine les deux pandores eurent-ils ouvert les portes que je m'y précipitai traînant les deux filles avec moi. Déjà le Chef mettait les gaz ! Les deux flics nous regardèrent partir médusés.

    ROISSY

    J'avais rejoint le Chef sur le siège avant. Jusqu'à Roissy tout se passa sans incident.

      • Chef , ralentissez, le Terminal 4, est sur notre droite

    Mais au lieu de m'écouter le Chef accéléra et mit en branle gyrophares et sirène. Les barrières d'accès aux pistes s'ouvrirent par miracle au dernier instant. L'on coupait au plus court. Nous passâmes sous le nez d'un gros Tupoleff, je crois qu'il ne nous a même pas vus. Par contre l'Airbus a tenté de dévier sa trajectoire pour nous éviter. S'en est allé cogner de l'aile droite sur la gauche d'un Boeing qui passait par là! C'est le cas de le dire ça à produit un gros booeing !!! S'est stupidement encastré dans la tour de contrôle qui n'a rien trouvé de mieux à faire que de prendre feu.

      • Parfait, a déclaré le Chef, le Oslo Line vient de s'immobiliser au bout de la piste, attention, agent Chad, zieutez-moi ces deux limousines noires qui attendent sur la gauche. Dans ma poche droite prenez deux Coronados, le premier est pour moi, le deuxième pour vous, nous allons passer entre les deux voitures, agent Chad, soyez fair-play, offrez-en un à ces messieurs.

    Les gars ne s'inquiétaient pas. Nous laissèrent approcher sans bouger. Le Chef ralentit et vint se garer entre les deux. Juste le temps de baisser les vitres et de leur bazarder les Coronados – un pour chacun, pas de jaloux - sur le toit. Nous nous éloignâmes en trombe. Derrière nous deux gerbes de feu s'élevèrent et les voitures explosèrent.

      • Que voulez-vous, agent Chad, le goût du Coronado, la couleur du Coronado, l' odeur du Coronado, mais ce sont des grenades commandos de ma fabrication personnelle, c'est mon côté artiste, je tiens à fignoler les détails de chaque intervention, c'est mon péché mignon !

    ( A suivre. )