Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • CHRONIQUES DE POURPRE 683 : KR'TNT ! 683 : DON NIX / MAIDA VALE / LARRY WALLIS / LINDA JONES / FONTAINES DC / THE COOPERS / ASHEN / NIGHTSTALKER

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

    A20000LETTRINE.gif

    LIVRAISON 683

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    27 / 03 / 2025

     

    DON NIX / MAIDA VALE

      LARRY WALLIS / LINDA JONES  

    FONTAINES DC /THE COOPERS

     ASHEN / NIGHTSTALKER

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 683

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://kr’tnt.hautetfort.com/

     

    Wizards & True Stars

     - Superso-Nix

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Par miracle, le fameux Road Stories And Recipes de Don Nix reparaît sous le titre Living High Laying Low. Non seulement il permet de se replonger dans les souvenirs passionnants de l’un des pères fondateurs du Memphis Sound, mais il permet aussi d’admirer l’une des plus belles photos de signature de contrat qu’on ait pu voir ici-bas : Don change la roue arrière d’une Cadillac tout en signant son contrat posé à terre. Assis par terre devant lui et adossé contre la bagnole, Denny Cordell, boss de Shelter Records, lit un journal et pointe un flingue sur Don. Et debout derrière Don se tient l’un de plus fabuleux dandys de la scène américaine, mister Tonton Leon en personne, en lunettes noires, cigare au bec et vêtu d’un costard croisé à rayures. Wow ! Voilà ce qu’on appelle une image ! Et elle donne bien le ton du livre.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Don Nix vient de casser la pipe en bois, aussi recueillons-nous au bord du trou pour un ultime hommage.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Comme Robert Gordon et Jim Dickinson, Don Nix fut un touche-à-tout de la scène de Memphis : il a démarré dans les Mar-Keys avec Packy Axton, Steve Cropper et Dickinson, puis il est devenu pote avec John Fry d’Ardent, Jim Stewart de Stax, Furry Lewis du blues et Leon Russell du Wrecking Crew - John Fry was the grandfather of Memphis music. Il y a trois personnages importants dans ma vie, en matière de music business : Leon Russell, John Fry et Jim Stewart. Leon m’a appris à produire, John Fry m’a donné la clé de son studio, de sorte que je pouvais aller y travailler quand je voulais. Jim Stewart m’a engagé comme producteur et compositeur et a fait paraître quatre des albums que j’ai produits - C’est sans doute Jerry Wexler qui donne la meilleure définition du Nix : «A pioneer mover-and-shaker (and one of the finest of the breed) [Nix] came out of the Memphis/Muscle Shoals matrix along with compeers like Steve Cropper, Packy Axton and Jimmy Johnson - These country-friend originals who took the left turn to the blues. And who left their incredible mark on American root music.» Voilà ce qui s’appelle un hommage. Don Nix peut être fier de ce coup de chapeau. Il évoque d’ailleurs le Memphis Sound à sa manière : «C’est un son qu’on ne pouvait pas mettre en boîte pour l’emmener à L.A. ou New York. Ce n’était pas seulement un son. C’était surtout des gens - les écrivains et les musiciens de Memphis - qui l’incarnaient.» Il cite alors les noms de Sam Phillips, Dewey Phillips, Jim Stewart, Estelle Axton et Willie Mitchell - C’est un son qui a explosé à la face du monde, mais dans les années soixante-dix, il était en train de mourir. Si vous me posez la question, je vous répondrai qu’il fut mortellement blessé le jour où Martin Luther King se fit descendre et depuis, le Memphis Sound n’en finit plus d’agoniser - Don raconte qu’après l’attentat qui coûta la vie au Dr King, les rapports de voisinage avec la population noire devinrent compliqués.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Il avait aussi d’autres amis, et d’ailleurs, c’est là-dessus qu’il termine son livre : «Mes meilleurs amis sont tous morts - George Harrison, Joe Cocker, Duck Dunn. Et la liste s’allonge. La musique a été toute ma vie. C’est que j’ai le plus aimé. J’ai eu le privilège de jouer avec le Stax band, le Wrecking Crew, avec mes amis à Muscle Shoals et tous les mecs d’Apple. Personne n’a eu une vie meilleure que la mienne. J’aurais pu mourir voici quinze ans, content d’avoir vécu tout cela.» Mais Don vit encore et on trouve son portait dans l’excellent Memphis Soul de Thom Gilbert. Il est même plutôt bien conservé.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             À la différence de Jim Dickinson, Don Nix n’est pas un écrivain. Mais il fait des photos. Il dispose en outre d’une bonne mémoire et d’un caractère bien trempé : il décide en effet très tôt qu’il fera ce qu’il veut de sa vie et qu’il ne recevra d’ordres de personne. Il traîne avec Packy, Duck Dunn et Steve Cropper et monte sur scène pour la première fois en 1958. Il précise aussi que sa mère avait du sang indien dans les veines et son arrière-grand-père était un métis Cherokee qui servit dans le 5e de Cavalerie de Caroline du Sud pendant la Guerre de Sécession.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Il consacre des pages émouvantes aux derniers jours de Dewey Phillips, à Furry Lewis dont il fut particulièrement proche, à Joe Cocker qu’il côtoya pendant des mois, à John Mayall dont il fait un portrait sidérant, celui d’un homme de la Renaissance qui construisit sa maison de Laurel Canyon de ses propres mains. Mayall n’est pas seulement musicien : il est aussi tailleur de pierre, charpentier, il coud lui-même ses vêtements et adolescent, il vécut dans une maison en bois qu’il avait aussi construite de ses propres mains. Dans sa maison de Laurel Canyon se baladaient des filles nues. Comme Tonton Leon et David Crosby, Mayall pratiquait l’hédonisme, un mode de vie dont raffolait aussi Don. Un autre portrait sidérant, celui de Jeff Beck dont il fait la connaissance à l’époque de Beck Bogert Appice. Il ne supporte pas les deux Yankeees et il demande à Jeff comment il fait pour les supporter. Jeff lui répond que c’est une décision de son management, et même s’il n’est pas très content de se projet, il se dit décidé à jouer le jeu. Mais Don remarque que Jeff est un homme infiniment triste. Il paraît déprimé la plupart du temps, sauf quand il joue.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Comme Don a commencé par écumer les États-Unis d’Amérique avec les Mar-Keys, il regorge d’anecdotes et de road stories, comme par exemple ce souvenir de Lee Dorsey sur scène qui était tellement bourré qu’il fallait le faire asseoir pour qu’il chante quatre ou cinq chansons. Mais même soûl comme un Polonais, Lee chantait encore mieux que les autres. Les Mar-Keys ont aussi la chance d’accompagner Chuck Berry qui les prend à la bonne, sans jamais leur adresser la moindre parole. Don voit donc la naissance de Stax à Memphis, avec des nouvelles têtes qui traînent dans les parages, un jeune étudiant nommé Booker T. Jones, et un certain Isaac Hayes qui travaille à l’usine d’emballage de viande. C’est aussi l’époque ou Furry Lewis est balayeur municipal. Son parcours va de South Main à Beale Street, il pousse sa poubelle à roulettes et trimbale une guitare. À l’époque où Don réussit à le convaincre de venir enregistrer en Californie, Furry a 73 ans, une patte en moins, il fume à la chaîne et boit comme un trou.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Don fait aussi un bout de chemin avec Dale Hawkins qui ne dort jamais et qui ne peut pas rester en place plus de deux minutes. Trop d’amphètes - Il avait une Cadillac Coupe deVille et conduisait comme un dingue. Je n’avais jamais rien vu de tel. Il racontait des histoires et agitait les bras comme un pasteur - Pages fantastiques aussi consacrées à ce vieux Tonton Leon, l’un des producteurs les plus courus d’Hollywood, qui travailla avec Frank Sinatra et les Beach Boys. Don voit germer l’idée de Mad Dogs & Englishmen. Il voit même Tonton Leon voler le show à Joe Cocker qui au départ devait tourner avec le Grease Band, ceux qu’on voit dans Woodstock, mais comme Henry McCulloch et les deux autres n’ont pas pu obtenir leurs visas, Denny Cordell qui manageait Joe demanda à Tonton Leon de monter vite fait un groupe pour la tournée prévue. Pour Don, the Shelter People fut l’un des meilleurs groupes d’Amérique - It was without a doubt the best band west of the Mississippi.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Don eut aussi l’immense privilège de produire Albert King. Il ne fallait pas importuner Big Albert, car il écartait le revers de son veston pour montrer qu’il portait un calibre 45. C’était sa façon de dire que la discussion s’arrêtait là. Big Albert ne savait ni lire ni écrire, mais Don réussit à le mettre à l’aise avec ça, d’autant que Big Albert ne voulait pas que ça se sache. Quand Isaac Hayes lui colla les paroles d’une chanson qu’il venait d’écrire sous le nez, Big Albert quitta le studio. Il fallait donc ruser pour travailler avec lui. Un soir, Don lui dit : «Albert, je sais que tu ne sais ni lire ni écrire, mais si je savais jouer de la guitare comme toi, je m’en foutrais de ne pas savoir lire ou écrire.» Big Albert l’observa un moment et Don pensait qu’il allait sortir son flingue pour le descendre. Mais un grand sourire éclaira son visage : «I like you, Don. You all right.» Et Don ajoute : «Je n’oublierai jamais cet instant.» Eh oui, il venait de gagner la confiance de Big Albert, et pour le mettre à l’aise en studio, il se cachait derrière une banquette pour lui souffler les paroles des chansons. Quand Jim Stewart vit ça, il lança : «On aura tout vu !» (Now I’ve seen everything). Big Albert raffolait tellement du stratagème qu’il demanda à Don de mettre les paroles des chansons bien évidence dans la cabine de chant, de sorte que tout le monde pût croire qu’il savait lire, et Don bien sûr continuait de lui souffler les paroles en cachette. L’album de Big Albert que produisit Don Nix et pour lequel il écrivit huit chansons est le fameux Lovejoy. Il existe un autre album de Big Albert enregistré à Muscle Shoals et produit par Don qui n’est jamais sorti. Comme d’ailleurs un album des Swampers aussi produit par Don, et dont il avait l’air d’être fier.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Don rappelle qu’il adorait Muscle Shoals, qui se trouvait à trois heures de route de Memphis. Il a aussi la chance de travailler avec l’un de ses héros, Freddie King, a big man with a smile to match that immediately put us at ease.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Puis il monte les Alabama State Troupers avec Tarp Tarrant, le batteur qui a joué 13 ans pour Jerry Lee, Clayton Ivey aux keyboards, Wayne Perkins et Tippy Armstrong aux guitares. Il ajoute un deuxième batteur, Fred Prouty, qui jouait chez Rick Hall, et Brenda Patterson aux backing vocals - It was a hell of a band - Pour la photo, ils posent tous devant une église baptiste. Comme l’écriteau indiquait «The Mount Zion Middle Baptist Church», il baptisa son groupe the Alabama State Troupers with the Mount Zion Band And Choir. Le double album The Alabama State Troupers paraît sur Elektra en 1972. Attention, ce n’est pas un album facile. Don Nix propose en effet un capiteux mélange de country blues et de gospel, qui sont pour lui les racines du Memphis Sound. On entend donc Furry Lewis sur une face entière. Ce vétéran du Beale Street Sound joue fin et claque des petits coups de bottleneck. On l’ovationne. L’homme est d’une extraordinaire gentillesse - Hank you - Il chante le blues traditionnel des années vingt - And I went to the gypsy/ To get my hambone done - et il se moque gentiment des racistes dans «I’m Black» - Some people don’t like that colour/ But I sure like mine - On se régale de cette leçon de country-blues et de cette diction à l’ancienne. En D, on tombe sur une série de boogies ‘sudistes’. On y entend ce démon de Tarp battre le beurre et Brenda Patterson chante dans les chœurs de Zion. C’est du gros boogie rock seventies surchargé de chœurs de Zion. On se croirait chez Tonton Leon. Par contre, Don Nix commet une erreur : il met en avant Jeanie Greene pour chanter le gospel rock de «My Father’s House» et ça ne marche pas du tout, mais alors pas du tout. On sent les limites de la voix blanche. Jeanie n’a pas l’allant d’une Mavis. On trouve encore du gospel en B, notamment ce vieux classique repris par les Staples, «Will The Circle Be Unbroken». Don Nix respecte bien les fondamentaux du Memphis Sound System, malheureusement, c’est lui qui chante et pour chanter le gospel batch, il vaut mieux disposer d’une vraie voix et avoir la peau noire. Et quand Jeanie Greene reprend le lead dans «Mighty Time», même chose, elle se vautre. Il lui manque deux choses essentielles : le groove et la Soul. Brenda est un peu plus wild, comme on le constate à l’écoute de «Jesus On The Main Line». Elle s’énerve toute seule et cherche à incendier la plaine, mais tout le monde n’est pas Bonnie Bramlett. Voilà enfin un hit en B : «Yes I Do Understand», un gospel batch poppy joliment amené par la joyeuse assemblée. Excellent ! Et puis en C, Don Nix s’en va chevaucher dans la Sierra. S’ensuit un peu plus loin «Heavy Makes You Happy», un boogie-rock encore une fois digne de Tonton Leon. Ça sent bon la grosse équipe, le surnombre et les vétérans de toutes les guerres. Don Nix termine avec «Iuka», un gros boogie blues dans l’esprit de ce que faisait Johnny Winter. Il y va au guttural. On se croirait presque sur Johnny Winter And Live.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Il existe un autre album de Don Nix sur Elektra : l’extraordinaire Living By The Days paru en 1971. Tout est bien, là-dessus, ce qui semble logique étant donné que les Swampers accompagnent le vieux Don qui d’ailleurs dit d’eux : «The best backing-band at the point, maybe the best ever.» Par contre, on se demande pourquoi il porte un uniforme yankee sur la pochette. C’est une véritable insulte aux Rebs. Pur chef-d’œuvre que cet «Olena» qui sonne comme un vieux rock’n’roll, mais Claudia Linnear (sic) et Kathi McDonald font des chœurs de folles. Comme dans Mad Dogs & Englishmen, elles amènent une énergie hors normes. Il faut bien reconnaître que les Alabama State Troupers sont formatés sur Mad Dogs & Englishmen. On assiste à l’envol des guitares de Wayne Perkins et Jimmy Johnson. Un vrai festival ! Et ça continue avec l’«I Saw The Light» de Furry Lewis, fantastique partie de gospel batch avec les Mount Zion Singers derrière. Pure énormité que cette sinner prayer d’Hank Williams. S’ensuit un balladif de rêve intitulé «She Don’t Want A Lover», so solid stuff à l’Américaine, ultra-joué et harcelé par une guitare en embuscade. Quelle ampleur ! Cet album semble relever de l’indéniabilité des choses. Nix ressort le «Going Back To Iuka» qu’il avait composé pour Albert King, c’est joué au wild beat de Muscle Shoals. Ces mecs sonnent comme des punks et David Hood va même jusqu’à doubler dans les virages. Ils partent carrément en mode Stax de killer Stax - I’m going back to Iuka/ Back to where I belong - Ils repassent en mode gospel pour «Three Angels», encore une pure énormité. Les Mount Zion Singers, c’est quand même autre chose que le gospel choir des Stones dans «You Can’t Always Get What You Want» ! Mais ce sont les Stones qui ont décroché la timbale. On tombe ensuite sur un rock de mountain man des Appalaches, «Mary Louise», suis-moi, pilgrim, je vais te montrer le grizzly, pur jus d’Americana à la Nix. On retrouve les filles dans «My Train’s Done Come And Gone». Claudia et Kathi ! C’est du heavy balladif de Lord knows I’ve been gone way too long when I was weak/ She helped to make me strong, avec du solo de slide américain, Nix nique tout et derrière les filles t’explosent la rondelle des annales.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Paraît aussi en 1971 sur Shelter Records - le label de Denny Cordell et Tonton Leon - le premier album de Don Nix, In God We Trust. Il pose déguisé en cowboy sur une pochette traitée dans le design du billet vert. Au moins, on sait qu’on est en Amérique. Ce disque très orienté gospel ne pouvait que dérouter les amateurs de rock. Mais il vaut le détour, car Don Nix y réussit un sacré tour de passe-passe, avec le morceau titre qui fait l’ouverture du balda. On a là un vieux coup de country rock joué au violon de saloon. Attention, Don Nix joue avec les mecs de Muscle Shoals : Barry Beckett, Eddie Hinton, David Hood, ils sont tous là. Don Nix sait entretenir la flamme d’un cut, pas de problème. Il dispose de cette puissance intrinsèque. On entend bien David Hood bassliner sur «Golden Mansions» et derrière, les filles de Mount Zion sont superbes. Grâce à ces musiciens exceptionnels, Don Nix trouve l’élan du gospel. «I’ll Fly Away» est sans doute l’hit de l’album. «He Never Lived A Day Without Jesus» sonnerait presque comme du Neil Young, mais en moins pleurnichard. C’est une fois de plus un parti-pris de gospel church chic. On retrouve «Iuka» sur cet album. David Hood y enroule bien sa gamme.     

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

                         Paru sur le sous-label de Stax Enterprise, Hobos Heroes And Street Corner Clowns date de 1973. À cette époque, Don Nix voyage à travers le monde et il enregistre un peu partout, à Londres, à Memphis et à Muscle Shoals. Avec cet album, il va plus sur le balladif. Mais il n’hésite pas à taper dans l’heavy blues avec «Black Cat Moan». Sur ce genre de chose, il est extrêmement crédible. Il chante avec un joli sens du raunch. Le coup de génie de l’’album est une version de «When I Lay My Burden Down» qu’il dédie à Fred McDowell. Il propose tout simplement un raccourci du Memphis Sound et même de l’Americana du Deep South. Il démarre en blues de cabane branlante et finit en gospel batch, et comme Claudia Lennear traîne dans les parages, eh bien ça explose. Fantastique exercice de style ! Il faut aussi écouter «Look What The Years Have Done», un balladif très impressionnant. Cet homme sait écrire des chansons, c’est indéniable. Voilà un balladif parfait au plan mélodique et bien saxé sur le pourtour.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             En 1976, Gone Too Long paraît sur Cream Records, le label d’Al Bennet qui a racheté Hi Records. Attention, c’est un très bel album. Il s’y niche ce qu’on appelle des Beautiful Songs, à commencer par «Goin’ Thru Another Chance» qu’il chante d’une voix de vétéran du Memphis Sound. Il s’arroge toutes les prérogatives. Sa pop ne peut que plaire. Don Nix semble cultiver un goût pour l’envol. Il sait donner de la voile. Il fait partie des grands prêtres de l’Americana, dans ce qu’elle présente de plus rootsy. George Harrison traîne dans les parages et ça s’entend. Autre merveille : «Forgotten Town», un balladif visité par la grâce. Il chante avec brio. La basse enrichit considérablement le backing, avec une excellente enfilade thématique. Le mec joue en continu, avec un sens aigu de l’a-priori. Et puis, Don Nix finit l’album avec l’excellent «A Demain». Il duette avec une Française. Nix explore l’empire du slowah et la fille n’en finit plus d’allumer la romantica - Et puis un beau matin/ Tu recevras ces mots/ Je t’aime, je t’attends, viens - C’est à la fois infernal et somptueux, et elle ajoute - Nous oublierons alors que le temps a passé. Par contre, il se vautre avec une reprise trop empesée du «Feel A Whole Lot Better» des Byrds. Il en fait une sorte de gospel pop avec des chœurs vengeurs. Curieux parti-pris. Il tape aussi dans le «Backstreet Girl» des Stones. Il en fait du gospel avec une basse bien montée dans le mix. Sacré Don, il ne rate pas une seule occasion de se faire remarquer.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Skyrider parut en 1979 sur Cream, le label d’Al Bennett. On y retrouve bien sûr l’habituel mélange des genres nixien. Le morceau titre sonne comme un gros boogie-rock richement drapé d’orchestrations et des chœurs southerny. Don chante toujours avec un bel aplomb. On le voit ensuite taper dans la grande prétention poppy avec «Nobody Else». On voit aussi l’idéaliste poindre sous le cuir du desperado buriné par les années de vie sauvage sur la frontière. Et bien sûr, il règne ici un léger parfum de gospel batch. Dans «Maverick Woman Blues», Don évoque la Nouvelle Orleans. Il y rocke son shake et lâche du bon set me free. Disons que ça reste bon esprit, même s’il pompe le riff de «Get Ready». Même chose avec «Do It Again» : le riff est connu comme le loup blanc des steppes, mais on ne s’étonne plus de rien. Don propose ce qu’il a de meilleur en magasin, un funk rock sudiste un peu hybride et intéressant. On y retrouve d’ailleurs les Memphis Horns et tout le tralala. Don joue un petit coup de sax, histoire de nixer le mix. En B, il revient avec «I’ll Be In Your Dreams» à son vieux dada : le slowah de printemps, bien aéré et judicieusement orchestré. Il monte «All For The Love Of A Woman» sur le modèle de «Let’s Work Together», mais il y met une telle énergie qu’on lui donne l’absolution. Don Nix te nique ça bien, c’est un vieux routier, il avait déjà écumé toute l’Amérique au temps des Mar-Kays. Le guitariste est un bon, il s’appelle Rob Kendrick. Guitariste idéal pour un gaillard comme Don qui n’est pas né de la dernière pluie.       

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Voilà trois bonnes raisons de rapatrier Back To The Well paru en 1993 : la première s’appelle «Out On The Road Again», un vieux boogie blues qui part sur un fantastique dady’s gone fishing. Don is back on the chain gang, il claque le beignet de la caillasse du meilleur son, comme il l’a toujours fait. Ce démon sait déverser un jus de boogie et l’autre démon qui gratte ses poux s’appelle Billy Crain. On a là l’un des meilleurs sons du Deep South. La deuxième raison s’appelle «Waiting For The Help». Don revient à son cher gospel batch, c’est un enragé, un mordu de la racine. Plus elle est sèche et ardue, plus il exulte. C’est ultra-joué. Derrière, les filles gueulent sweet Jesus et ça riffe au cul de slide. La troisième raison s’appelle «Fool’s Paradise», un extraordinaire slowah océanique. Don est à ses heures perdues un charpentier du songwriting, il connaît l’art des mortaises et il sait poser des toits de chœurs, et là, dans ce cas particulier, quel toit ! Encore du son dans «Dance Chaney Dance». Nix nique tout à dix kilomètres à la ronde. Il embarque son monde dans le tout venant, ce qui le rend héroïque et donc sacré. Avec «Plastic Flowers», il avertit : Don’t put plastic flowers on my grave ! Il se met en colère. Il sait aussi taper le vieux coup d’r’n’b, comme le montre «Cruise Control» - You better slow down - Et il termine avec l’excellent «Addicted To You». Il tape ça au vieux jus de nixitude - I don’t drink/ I don’t smoke - mais il a un problème avec le groove de cette fille, surtout son sweet love. Don Nix ne prend pas les choses à la légère, il joue ça au funk de groove de blues.   

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Paru en 2002, Going Down. Songs of Don Nix est un classique indispensable. Pourquoi ? parce qu’il s’y niche des duos exceptionnels, notamment avec Bonnie Bramlett. Elle commence par venir exploser «Right Where You Want Me». Elle ramène toute son énergie criante de vie. Elle part à l’assaut du groove d’une voix pincée de reine du rodéo. C’est monté sur des accords de Stonesy. Quel fantastique exercice de style ! Elle revient groover le blues de «Same Old Blues». Steve Cropper sort sa plus belle Tele et Dan Penn radine sa fraise. Quel festin de rois ! Tout est allumé de l’intérieur. Steve Cropper joue au clair de lune pendant que Bonnie mouille sa syllabe et l’écrase dans le gras du menton. Elle s’arrache les ovaires et sonne comme une mama black, yeah, elle racle tout dans la salive, elle est bien la pire de toutes, la plus grande chanteuse blanche du monde. Elle revient illuminer «Like A Road Ready Home». Il faut voir comme elle shake son shook. Elle chante ça au meilleur chaud du South, elle chante pour de vrai et Steve Cropper joue comme un dieu grec. Autre duo des enfers avec Dan Penn dans «Palace Of The King». Un black nommé Audley Freed joue lead, il joue à l’exacerbette de la belette. Dan rocke son going down to Dallas. Il sait le faire, mais à la mode black, de l’intérieur du menton, il fait de l’hot de hutte - Going back to Dallas/ Living In The Palace of the King - Leslie West vient jouer le fameux «Going Down» avec Brian May. En fait, ils sont quatre leads sur cette reprise éculée. Bonnie est au fourneau et Max Middleton au piano. Ça tourne au vertige guitaristique, les leads coulent ensemble comme des vieux claquos oubliés. Dommage que Don n’ait pas la voix. Les leads vont se repaître de la charogne de Going Down pendant six minutes. Tous les solos sont gorgés de sève. Sur «Going Back To Iuka», Tony Joe White joue lead et Mayall claque des coups d’harp. Le pompon, c’est Billy Lee Riley. Don a de sacrés potes ! - You know the train that I ride/ I ride it all nite long - Fantastique Billy ! Il amène une autre profondeur. On retrouve Leslie West dans «Lying On The Highway» (il n’a rien perdu de sa grosse niaque), et Billy le héros dans «Everybody Wants To Go To Heaven».  

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Sur la pochette d’I Don’t Want No Trouble paru en 2006, Don Nix est assis en salopette dans son jardin avec son dalmatien. Il semble posséder une belle petite maison à deux étages équipée du porch traditionnel, cette fameuse avancée qu’on retrouve à tous les coins de rue dans les chansons du Deep South. C’est là que se grattent les jolies mélodies au clair de la lune. Don nous refait le coup de l’heavy blues gospellisé avec «Hurt Somebody». Il ne risque pas de se faire une entorse à la cervelle. Nix n’est pas homme à forcer le destin. Il ramène tout le gospel batch qu’il peut dans son heavy blues et franchement, c’est très bien vu. Il fallait y penser. Il reste encore plus traditionnel dans les autres cuts, comme par exemple «Memphis Man» qu’il tape au vieux boogie de r’n’b rock’n’roll. Il ne risque pas l’embolie. Mais c’est bardé de son. L’animal s’y connaît, en la matière. Boogie rock toujours avec un «Snack Dab» bardé de chœurs de filles. Il est vrai qu’à son âge, Don ne va pas s’amuser à réinventer la poudre et encore moins le fil à couper le beurre. Il faut le voir tartiner son «Hole In The Sky». Ça sonne comme n’importe quel rock de vieux renard sur le retour. C’est même sur-produit. Nix y gueule comme un veau qu’on amène chez le boucher. En écoutant «One Step Ahead», on voit bien qu’il connaît toutes les ficelles du son. Le cut dégouline de son moderne, mais certainement pas de modernité. C’est ultra-joué au bottleneck d’heavy dude. Don y va de bon cœur. C’est ce qui fait sa force. On pourrait même ajouter que ça nous dépasse. Ils se prend aussi parfois pour un pionnier («Just About Had It»), et là ça devient compliqué. Il s’amuse aussi à jouer des boogies qui ne servent strictement à rien («Subject To Change»). On le voit même faire son vieux renard de charme («Crazy From The Heart»). Une fille chante ça avec lui, mais elle se révèle bien meilleure que lui. Il est encore capable de taper du très gros son, comme on le constate à l’écoute d’«Addicted To You» qu’il prend en mode gospel batch. C’est sa came.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             On trouve aussi dans le commerce un album intitulé Passing Through. Don qui ne se refuse rien l’a enregistré chez Malaco. Il adore butiner toutes les mythologies régionales. Il démarre l’album avec un solide balladif, «Sit Down On Your love». Don a toujours de l’avenant. Il n’a aucun problème ni avec les impôts, ni avec la santé et ni avec Dieu. Il y va du tac au tac. Don est un amateur de big sound et d’horizons. Il adore aller loin vers l’Ouest, là où les montagnes lèchent le cul du ciel. Comme l’hydravion d’Howard Hugues, le cut met du temps à décoller, mais il finit vraiment par s’arracher de la surface du lac. Don tape dans le devenir de l’Americana. Il ne vit que pour l’ampleur, personne ne pourra jamais lui enlever ça. Ses cuts fondent bien en bouche. Comme la plupart de ses chansons, «She’s My Rock» sonne bien, même terriblement bien. Chaque fois, Don frise le Nix universaliste. Sa pop convainc. Et puis voilà «Roads». Il faut comprendre qu’avec Don Nix, on est dans le très gros truc. Une sorte de perfection. Son balladif prend la gorge et on tousse d’aise. C’est une sorte de délire technologique du groove sentimental. Fuck, comme ce mec est bon, même son solo de flûte passe comme une lettre à la poste. On ne peut pas dégommer Don Nix. L’homme est puissamment bon. Il amène le morceau titre au gospel batch. On y sent le poids d’un pathos énorme. Il tape un instro superbe avec l’«I Don’t Know Why I Care About You» joué au Grand Jeu de Malaco. Puis il renoue avec l’art de la grosse compo en s’interrogeant : «Where’s The Problem». Don a un don, indéniablement. Donc, ça semble logique qu’il s’appelle Don. Il boucle avec «I Belong To My Songs». Il y explique qu’il appartient à ses chansons et s’éclipse dans les fumerolles d’un balladif édifiant.

    Signé : Cazengler, Nix ta mère

    Don Nix. Disparu le 31 décembre 2024

    Don Nix. In God We Trust. Shelter Records 1971  

    Don Nix. Living By The Days. Elektra 1971                      

    Don Nix. The Alabama State Troupers. Elektra 1972

    Don Nix. Hobos Heroes And Street Corner Clowns. Enterprise 1973

    Don Nix. Gone Too Long. Cream records 1976

    Don Nix. Skyrider. Cream Records 1979        

    Don Nix. Back To The Well. Appaloosa 1993    

    Don Nix. Going Down. Songs of Don Nix. Evidence 2002   

    Don Nix. I Don’t Want No Trouble. Section Eight Productions 2006

    Don Nix. Passing Trough. Section Eight Productions 2008

    Don Nix. Memphis Man. Living High Laying Low. Mojo Triangle Books 2015

     

     

    L’avenir du rock

     - MaidaVale live in style in Maida Vale

     (Part Two)

             Lorsqu’ils voient arriver l’avenir du rock, les habitués du bar interrompent leur conversation. La ramasse de ce vieux schnock leur fait presque pitié. L’avenir du rock commande son double jaune sans glaçons, le siffle cul sec et en commande un deuxième aussi sec. Il adore faire jaser les cons. Et ça marche à tous les coups. En voici qui s’approche :

             — Dis donc, avenir du rock, dans ton état de décrépitude avancée, tu crois vraiment qu’c’est raisonnable de siffler des jaunes comme ça ?

             L’avenir du rock rote, et en commande un troisième.

             — C’est pas passe que t’es l’avenir du rock qu’y faut mépriser l’peuple !

             L’avenir du rock fait signe au patron :

             — Hep ! Patron ! Chuis à marée basse !

             Un autre habitué vole au secours du premier :

             — Pourquoi qu’tu causes encore à c’te vieux pédé ? Tu vois donc pas qu’il est bon pour la déchetterie ?

             — Non mais r’garde-moi comment qu’il est attifé avec ses godillots et son pal’tot ! C’est-y pas une honte de voir des vieux chtars pareils !

             — Y paraît qu’y va encore aux putes !

             — Arrhhhhh ! Sont pas dégoûtées les putes !

             — Y paraît même qu’y va encore voir des concerts de rock !

             Et là, l’avenir du rock se tourne vers les deux cons et leur balance, histoire de leur clouer le bec :

             — Vale que Vale !

     

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Lorsqu’il se trouve coincé dans un plan délicat, l’avenir du rock parvient toujours à tirer son épingle du jeu. Et plus c’est délicat, meilleur c’est. MaidaVale, c’est exactement ça : le Vale que Vale du rock. 

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             C’est quand même pas mal de revoir les quatre petites Stockholm girls de MaidaVale dans un endroit plus ramassé, au fond d’une cave. Ça leur donne encore plus de power. Au Club, c’était bien, mais dans la cave, c’est mille fois mieux. Tu retrouves cette section rythmique infernale, directement inspirée de celle de Can, même dynamiques, même goût pour l’hypno explosif, la grande brune sur la Ricken s’appelle Linn, et la fille spirituelle de Jaki Liebezeit au beurre s’appelle Johanna. Rien qu’avec ça, t’as de quoi t’occuper. Johanna bat un beurre à la fois fin et puissant, elle fait parfois des petites grimaces animales, des rictus carnassiers, comme si elle laissait monter en elle un torrent d’adrénaline. T’en finis plus de la voir battre le beurre du diable. Et là-bas au fond, Linn mouline un bassmatic de rêve en secouant quasiment tout le temps les cheveux. Et là, tu sais que t’assistes à un vrai concert de rock. Ça joue ! Pour leurs deux copines, c’est du gâtö, la petite Sofia gratte des poux bien psyché sur sa Strato immaculée, elle tourne comme un manège, tricote des gammes gorgées d’écho et revient sur des power chords de la pire espèce, comme si elle enfonçait son clou dans la paume du beat. Dans le feu de l’action, elle reste incroyablement présente, car c’est bien d’un feu de l’action dont il s’agit avec MaidaVale, elles savent kicker les jams. Le son ricoche bien sous la voûte en briques

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    de la vieille cave. Et puis t’as Matilda au chant, elle montre un goût particulier pour les crises de Méricourt et les coups de tambourin. Tu lui donnerais le bon dieu sans confession, tellement elle est dans le coup, tellement elle rocke le boat, tellement elle shake le souk de la médina, c’est une rockeuse hors normes, elle chante de tout son corps, et là mon gars, ça rocke, t’es plus en face d’un groupe de branleurs à la mode. MaidaVale c’est le real deal, mais pour le savoir, il faut les voir sur scène.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Elles tapent bien sûr dans leur dernier album, l’excellent Sun Dog et attaquent avec «Give Me Your Attention» qui n’est peut-être pas le meilleur choix. Sur scène, ça ne marche pas, mais sur l’album, tu les vois foncer en rase-motte. Elles aménagent de grands ponts hantés par la space guitar. Tu n’en finis plus d’admirer la section rythmique. Elles enchaînent sur scène avec un «Control» plus Kraut, et même assez caverneux, Kraut de nez et d’esprit, avec une couche de keyboard par dessus. On sent poindre l’ambition. C’est avec «Wide Smile All Is Fine» que Linn commence à voler le show avec un beau thème de basse. T’as du mal à frémir avec «Daybreak». Elles cherchent la lumière avec «Pretty Places». Elles développent toujours une certaine richesse instrumentale, une réelle prégnance de la pertinence qu’on peut aussi qualifier de latence de l’essence. Voilà pourquoi il faut les prendre très au sérieux. Matilda chante «Faces (Where is Life)» d’une petite voix pointue et enchaîne comme sur l’album avec «Fools», beaucoup trop proggy. Elles visent le Big Atmospherix, mais on préfère quand ça prend feu. Elles finissent leur set avec des cuts de Madness Is Too Pure, «Transe» et «Gold Mind» et un «Perplexity» qui n’est pas sur le CD, uniquement sur l’LP. Bizarrement, elles ne jouent pas «Vultures», le dernier cut de l’album. Dommage, car la ligne de basse est un régal. Linn est la star du groupe, elle nourrit le son sur sa Ricken, elle laboure le Kraut en profondeur. Elle est la Millet du Kraut.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Signé : Cazengler, Maida Vain

    MaidaVale. Le Trois Pièces. Rouen (76). 4 mars 2025

    Concert Braincrushing

    MaidaVale. Sun Dog. Silver Dagger 2024

     

     

    Wizards & True Stars

    - Wallis the question ?

     (Part Two)

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Quand en décembre 2019 Larry Wallis a cassé sa pipe en bois, nous lui avons rendu ici même un hommage en forme de tournée des grands ducs : Pink Fairies, Motörhead, Mick Farren, Deviants, Shagrat et solo. C’était bien le moins qu’on pût faire.

             Étant donné que vient de paraître une compile Cleopatra aussi gorgée de richesses qu’un galion espagnol en mer des Caraïbes au XVIIIe siècle, nous allons récidiver, car écouter la bombe qu’est Police Car/ The Anthology, ça équivaut à écouter Larry Wallis pour la première fois. Et pour rester dans la facilité des métaphores : attachons nos ceintures.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Tiens on va commencer par pondre un nouvel adage : Larry, ça tombe sous le sens. T’as le son d’entrée de jeu, avec le morceau titre et Larry qui feule dans le sonic storm «I’m a police car». Diable, comme on avait adoré le single Stiff à l’époque. D’ailleurs, Cleopatra a repris quasiment le même visuel pour sa pochette, la strato en moins. Dans ses liners, Roger Morton qualifie Lazza de true gentleman - He was one of the last true gentlemen in rock’n’roll - Morton s’échauffe lorsqu’il évoque l’arrivée de Lazza dans les Pink Fairies - Playing one of the most electrifying rock’n’roll guitar of the era, fast, loud and filthy as fuck - Rien de plus vrai. Cette compile ne te laissera pas respirer, car voilà qu’arrive «Leather Forever» qui sonne comme l’hymne du rock anglais, monté sur un glorieux bassmatic. Ça stompe dans toutes les backs alleys de London town. Non seulement Lazza est un crack du boom-hue, mais il compose des hits à la queue-leu-leu. Son «Meatman» en est l’un des exemples les plus frappants, il cisaille son heavy boogaloo à la base, il le fait danser au sommet d’un balancement d’heavy dude. Quel exploit ! Et ça dégénère, ça vire cro-magnon et ça s’envenime salement. Il pose sa wah comme une cerise sur le gâtö. Tout ce qu’il touche, il le transforme en or du rock : il fait d’«Old Enuff To Know Better» un fantastique shoot d’old enuff. C’est vraiment l’Enuff qu’on a envie d’écouter. Il gratte son «Crying All Night» à l’oss de l’ass de Ladbroke Grove. Quelle fantastique démesure underground ! Il s’emballe avec «I Think It’s Coming Back Again» et bat Motörhead à la course avec «Story Of My Life». Il y déboule avec une ferveur spectaculaire ! Ça dépote en permanence, chez Lazza, il sait aussi faire du Saints, mais sans la voix de Chris Bailey («I Can’t See What It’s Got To Do With Me»). Il refait son Pink Fairy dévastateur avec «Don’t Fuck With Dimitri» et fout le feu à la ville avec «Mrs Hippy Burning». Tout prend feu, avec lui. Feu encore avec «When The Freaks Hang Out». Il taillade son «I Love You So You’re Mine» à la scie sauteuse. Wild Lazza joue à la vie à la mort, et cette façon qu’il a de se rattraper au vol ! Son truc, c’est vraiment se cisailler à la base. Il pond une petite stoogerie ici et là («Downtown Jury») et rend un bel hommage aux Stones avec un cover de «Street Fighting Man». La compile s’achève avec un cut de Shagrat (pas le meilleur Shagrat) et un UFO, dont on se serait bien passé. Morton annonce d’autres volumes à paraître. Wait and see.  

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Dans l’actu, tu retrouves aussi une belle compile Cleopatra de Motörhead, Lemmy & Larry Wallis : The Boys Of Ladbroke Grove. Tu peux te jeter dessus sans problème, car elle grouille de puces. Et des grosses ! T’en vois pas d’aussi grosses tous les jours. À commencer par cette version live at the Roundhouse d’«On Parole», c’est Motörhead à son sommet, avec Phast Eddie et Philthy Animal, c’est l’un des blasts les plus géniaux de l’ère fumante du blasting, et Philthy te bat ça si sec, franchement t’en reviens pas de cet over-power, tu comprends mieux pourquoi Motörhead fait partie des cracks du boom-hue. C’est bien sûr Lemmy qui se tape la part du lion dans cette compile explosive. Il fait une version de «Twist & Shout» qui bat toutes les autres à la course, accompagné cette fois par Scott Ian et Gregg Bissonette. Sans doute a-t-on là l’une des plus grosses covers du siècle passé, et t’as en plus des chœurs de candy avarié ! Stupéfiant ! Avec Mick Green et les Upsetters, Lemmy tape ensuite dans «Blue Suede Shoes», et oh boy, ça joue à la pure Méricourt, Lem is on fire ! Sans doute la plus belle cover de «Blue Suede Shoes», infernale, bien rentre-dedans. Lem fout encore le souk dans la médina avec «Paradise». Mick Green monte au braquo du Paradise. S’ensuit un «Keep Us On The Road», c’est le Motörhead de l’âge d’or, avec Fast Eddie et Philthy, Lem fout le feu au souk de la médina. Live 78, t’as pas idée ! Lem tient la dragée haute au blast. T’as bien sûr ta dose de proto-London punk avec le «Lone Wolf» des Pink Fairies, ce ne sont pas ceux de Lazza, mais ceux de Paul Rudolph, avec Alan Davey et Lucas Fox. Et Lazza dans tout ça ?, demande Jacques Chancel. Lazza arrive avec son «Police Car». Classique intemporel, mais face à Lem, il fait un peu pâle figure. On le retrouve plus loin avec George Butler et Andy Colquhoun pour «Crying All Night», et c’est bien bardé de barda. Bon, t’as deux versions de «Leather Forever», avec la grande clameur invulnérable. Lazza a encore du son à gogo, mais vraiment à gogo, sur «I Think It’s Coming» et plus loin «Seeing Double». Il n’en finit plus de foncer dans le tas. Il brûle de tous ses feux, et cut après cut, il entre dans la légende. Viva Lazza ! 

    Signé : Cazengler, Larry WC

    Larry Wallis. Police Car/ The Anthology. Cleopatra 2024

    Motörhead Lemmy Larry Wallis. The Boys Of Ladbroke Grove. Cleopatra 2023

     

     

    Inside the goldmine

    - Lindanaïde

             Comment s’appelait-elle, déjà ? Ah oui, Baby Jam. On la surnommait la reine de la nuit. Pas très grande, très brune, elle parlait d’une voix un peu rauque et les connaisseurs la qualifiaient de brune sensuelle. Elle était pourtant casée et mère de famille, mais elle aimait trop la vie pour rester tranquille à la maison et regarder des conneries à la télé. Baby Jam couchait les gosses, puis elle annonçait à son mec qu’elle sortait faire un tour avec une copine. Pas de problème. Il était du genre conciliant. Il l’aimait assez pour comprendre qu’elle avait besoin de vivre selon ses besoins. C’était pour lui le seul moyen de ne pas la perdre. Elle prenait l’ascenseur et retrouvait sa copine au pied de l’immeuble. Puis elles partaient toutes les deux en vadrouille. Elles adoraient ça, l’aventure, le hasard des rencontres, la fréquentation des oiseaux de nuit. Personne n’a jamais vu Baby Jam dans les bras d’un autre mec. Les rumeurs allaient bon train, les gens racontaient qu’elle baisait avec n’importe qui, mais il n’existait absolument aucune preuve. Sa copine et elle faisaient une sorte de tournée des grands ducs, retrouvant dans les bars de nuit des copains et des copines, et tout ce petit monde finissait au Gibier de Potence, une sorte de cabaret perché sur la colline qui dominait la ville. Le Gibier fermait à quatre heures du matin et on y buvait du rhum arrangé à volonté. Chacun s’arrangeait avec la vie et profitait de la nuit. Baby Jam trônait au bar et se faisait payer des verres. On l’entendait rire, elle parlait de tout et de rien. Parfois un mec la draguait, ça l’amusait beaucoup, elle laissait faire jusqu’à un certain point, puis pour le calmer, elle lui expliquait gentiment que sa gueule ne lui plaisait pas, alors tout rentrait dans l’ordre. Tout ce cirque a duré quarante ou cinquante ans. Aujourd’hui, Baby Jam a pris un sacré coup de vieux, elle porte des lunettes à monture écaille et du rouge à lèvres. Elle tire ses cheveux bruns vers l’arrière pour se donner un petit air d’assistante de direction, mais sa gouaille est intacte. Tu la trouveras au bar du Gibier en train de siffler des verres de rhum tiède jusqu’à la fermeture. Elle attendra, comme elle l’a fait toute sa vie, qu’une bonne âme veuille bien la prendre en charge pour la déposer chez elle.

     

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Pendant que Baby Jam savourait sa liberté, Linda Jones tentait de faire carrière. L’accomplissement d’un côté, l’abrègement de l’autre. Destin enviable d’un côté, destin tragique de l’autre.

             Contrairement aux Danaïdes, Linda Jones ne fut pas condamnée à remplir un tonneau percé. Elle fut condamnée à autre chose : l’obscurité. Lorsqu’elle cassa sa pipe en bois en 1972, elle n’avait que 28 balais. Elle était quasiment inconnue aux États-Unis. Seuls les Anglais la vénéraient. C’est la raison pour laquelle on la retrouve sur l’une des meilleures compiles de Northern Soul, celle de Rhino. David Godin parle d’une «enigmatic quality».

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Son premier album s’appelle Hypnotized, un fat Loma de 1967. Tu donnerais ton père et ta mère en échange de «You Can’t Take It», un heavy r’n’b qu’elle fait décoller à coups d’you can’t take, elle te chante ça à l’efflanquée miraculeuse. Elle est encore très raw sur «I Can’t Stop Loving My Baby», elle est aussi directive que l’Aretha de l’âge d’or. Et en B, tu tombes sur une autre perle noire en forme de Beautiful Song, «If Only (We Had Met Sooner)», une Soul soûlante qui te donne le tournis.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Elle sort deux albums en 1972 :  Your Precious Love et Let It Be Me. Le premier est de toute évidence son meilleur album. Il grouille de puces. Elle attaque son morceau titre en ouverture de balda avec une stupéfiante énergie. Linda est la reine de la hurlette de Hurlevent. Elle chante encore «Don’t Go (I Can’t Bear To Be Alone)» au sommet de la Soul, avec une indicible audace. Elle brûle d’authenticité. Elle brasille de Soul, son «Stay With Me Forever» est extravagant d’intensité. Elle brasille à sa façon, ni comme Aretha, ni comme Brenda, c’est encore autre chose. Alors attention, car tout explose en B : si tu veux écouter l’un des plus beaux albums de Soul, c’est là, dès «Not On The Outside». Elle se veut océanique, avec des flux et des nappes d’orchestration, alors elle le devient. Elle tape un beau «Dancing In The Street» et boom, elle te roule le «Let It Be Me» de Gilbert Bécaud dans sa farine. Elle le travaille au corps de manière spectaculaire. Elle te transforme encore la Soul avec «I Can’t Make It Alone», elle en fait un tir de barrage, elle te la plombe en or, elle te la pétrit à Petra, elle te l’élève dans la hiérarchie, bref, elle sait tout faire. Elle se dirige vers la sortie en faisant son Aretha dans «Doggin’ Me Around», mais pas avec le même fruité de glotte, Linda est plus sèche, plus âpre, et plus violente dans sa hurlette. Elle ne laisse aucune chance au hasard, elle pousse à la roue, elle défonce la rondelle des annales, elle a du cran. Logique car c’est une crack. 

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Et donc sur Let It Be Me, on retrouve fatalement le «Let It Be Me» de l’album précédent. Elle est sans doute la seule à savoir monter au ciel from scratch, c’est-à-dire sans élan. On ne reconnaît pas l’hit de Bécaud. Elle en fait de la Soul. Fantastique présence encore avec «Fugitive From Love». Such impact dit Diamond Jim Sears au dos de la pochette. Eh oui, que peut-on dire de plus ?  Le coup de génie de l’album se planque en B : «I’m So Glad I Found You», un fantastique shoot de Soul des jours heureux, elle rivalise de good timing avec Brenda Holloway, elle ajoute sa tripe au walking beat. Encore jamais vu un truc pareil. Linda forever !

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Malgré les liners de David Godin et de Tony Rounce, Never Mind The Quality… Feel The Soul n’est pas un très bon album. C’est enregistré dans l’Ohio en 1970. Elle tape un vieux coup d’«If I Had A Hammer» qu’elle attribue à Sam Cooke, alors que c’est signé Pete Seeger. Elle aime bien son Hammer, on sent la vieille Soul Sister pleine de réflexes et pleine de jus. Puis elle fait son éplorée avec «That’s When I’ll Stop Loving You» - my latest recording - Elle gueule dans son micro, c’est la règle du jeu, mais ça devient pénible. Elle reste en mode heavy froti avec «For Your Precious Love». Elle s’y connaît en bosses dans les pantalons serrés, comme Carla quand elle chantait avec un Otis en rut dans la chaleur de Memphis. Elle rappe un peu et déroule son écheveau de lemme tell something I can’t say. Puis elle rend hommage aux Falcons avec une cover d’«You’re So Fine», mais elle est essoufflée. Sa cover ne vaut pas tripette, comparée à celle d’Ike & Tina. Elle finit avec un gros clin d’œil à Wicked Pickett et «I Found A Love».

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             La compile que concocte Kent avec Precious - The Anthology 1963-72 ressemble à un passage obligé. Tony Rounce te sert Linda sur un plateau d’argent - Black American music has never had a singer with the extraordinary vocal power of Linda Jones - Te voilà prévenu. Rounce parle même de full-on fire. Il dit aussi que certains voient Linda comme, «simply, the greatest female soul singer of all time.» Il ajoute qu’on peut la mettre au même niveau qu’Aretha, Gladys Knight, Irma Thomas and others of similar calibre. Parcours classique, gospel dans les églises, puis petits boulots ineptes dans des usines avant de rencontrer George Kerr, un doo-woper new-yorkais qui fit partie des Serenaders. Kerr l’entend chanter et comprend aussitôt qu’elle a du talent. Il rassemble la crème de la crème new-yorkaise pour accompagner Linda en studio, notamment Cornell Dupree au bassmatic et Bernard Pretty Purdie au beurre. En 2014, Rounce demande à Purdie s’il se souvient de Linda - Yeah, Linda Jones. Big gal. Very good. Very loud - Après un premier single sur Atlantic, Linda se retrouve sur Red Bird, en bonne compagnie, puisqu’il s’agit de Leiber & Stoller. Kerr sort l’effarant «You Hit Me Like TNT» sur Red Bird, mais Leiber & Stoller déclarent forfait, à cause des embrouilles de leur associé George Goldner qui joue aux courses et qui doit beaucoup trop d’argent à la mafia. Kerr fait alors la tournée des labels new-yorkais. Il va taper à la porte de Brunswick, mais on lui dit qu’ils sont délocalisés à Chicago et trop occupés à lancer Barbara Acklin. Le mec de Brunswick est gentil, il donne à Kerr l’adresse de Ron Mosseley chez Warner Bros. Kerr fait écouter «Hypnitozed» à Mosseley, et Jerry Ragovoy qui passait dans le couloir entend ça et dit : «That’s a hit!». «Hypnotized» sort sur Loma, un R&B subsidiary de Warner Bros.   

             Dès l’«Hypnotized» d’ouverture de bal, cette coquine de Linda fait vibrer sa glotte effrontément. On trouve hélas à la suite quelques singles de peu d’intérêt, Linda propose une espèce de Soul de MJC mal foutue, elle braille dans son micro. Elle y va de bon cœur. On ne peut pas lui enlever ça. Elle se bat pied à pied avec une Soul de débutante et boom, ça explose enfin avec le fameux «You Hit Me Like TNT» sorti sur Red Bird, un stupéfiant hit de juke, et là on dresse l’oreille. Il faut la voir ponctuer son texte sur le beat. Et voilà que s’ouvre un formidable festin de Soul, avec à la suite du TNT l’effarant «Give My Love A Try». C’est le début de la période Loma qui dure deux ans. Avec «Give My Love A Try», Linda explose autant que Lorraine Ellison ! Elle déborde encore de répondant et de super jus avec «A Last Minute Miracle», un fast r’n’b porté par des chœurs puissants. Elle le porte à la force de la glotte. Elle replonge ensuite dans l’heavy Soul de circonstance avec «What’ve I Done (To Make You Mad)». Elle se bat avec une énergie extraordinaire. Elle chauffe encore son «My Heart Needs A Break» avec un aplomb extraordinaire. Cut après cut, elle se révèle imbattable. C’est avec ce hit que prend fin la période Loma. En 1968, Warners vend plus d’albums que de singles et décide de fermer Loma. Linda est virée avec tous les autres. Kerr reprend son bâton de pèlerin. Il enregistre Linda et vend les cuts à des petits labels. La voilà encore par-delà la Soul avec «I’ll Be Sweeter Tomorrow», sorti sur Neptune, un label monté par Chess avec Gamble & Huff. Elle incarne tout le ruckus du Soul System, elle est dévorante, complètement all over. Elle monte encore à l’apogée de sa clameur avec «That’s When I’ll Stop Loving You», qui est en B-side du single Neptune, elle le porte à l’extrême pointe de la Soul. Elle semble dominer le monde. Pas de chance, Gamble & Huff ferment Neptune pour lancer leur prestigieux Philadelphia International.

             Elle finit par enregistrer sur Turbo, un petit label du New Jersey. On arrive dans le terrain miné des coups de génie avec «Can You Blame Me?», wild Linda y va au yeah yeah, elle ne lâche rien, elle n’en finit plus de remonter le courant, et elle te retombe dessus à bras raccourcis avec «I Do», elle hurle ça dans la plaine, Soul Sister pure et dure, ah il faut l’entendre hurler à la lune. Encore un cut gorgé de son avec «I Can’t Make It Alone» signé Goffin & King, et ça monte encore d’un sacré cran avec «Not On The Outside», elle a cette faculté de s’élever à la force de la glotte, elle se pâme dans un excelsior inexorable, Linda Jones est une géante. Et puis t’as encore cet «I’m So Glad I Found You» extraordinairement groovy, elle y va la cocotte, elle défonce les portes d’airain du palais de la Soul, elle fait la fête à elle toute seule et chante à la folie. Encore une compile dont tu sors rincé. Vraiment rincé.

    Signé : Cazengler, Lindabîmé

    Linda Jones. Hypnotized. Loma 1967

    Linda Jones. Your Precious Love. Turbo Records 1972

    Linda Jones. Let It Be Me. Turbo Records 1972  

    Linda Jones. Never Mind The Quality… Feel The Soul. Sequel Records 1997

    Linda Jones. Precious. The Anthology 1963-72. Kent 2016

     

    L’avenir du rock

     - Fontaines de jouvence

     (Part Two)

             Tous les témoignages concordent. Tous, sans exception. Lawrence d’Arabie, Stanley et Livingstone, Sylvain Tintin, Richard Francis Burton ont tous croisé l’avenir du rock dans le désert et sont catégoriques : il est complètement givré. Irrécupérable. À force de marcher pendant des mois et des années sous un soleil de plomb, il a fini par perdre la boule, ce qui paraît logique.  Tous ont essayé de converser avec lui, de lui redonner le goût des échanges courtois, le goût des petits commérages, tous ont essayé de lui apporter un peu de réconfort moral, de lui redonner foi en lui, foi en l’avenir, foi en Dieu, foi en l’être humain, foi en la gauche républicaine, foi en la science, et quand il répondait qu’il préférait le pâté de foi, nul ne s’en offusquait, car, par 60 degrés à l’ombre, une boutade se dessèche et meurt aussitôt. Tous sont unanimes pour dire qu’il vaut mieux le laisser errer dans son coin, tous affirment que de vouloir lui porter secours ne servirait plus à rien. Les témoins vont même plus loin, affirmant que ça lui rend service de le laisser errer dans le désert, que ça lui donne un certain cachet, car sa peau se parchemine. Son visage est tellement hâlé, disent certain, que ses yeux de fouine paraissent délavés, comme s’ils étaient clairs, ce qui n’est évidemment pas le cas. Cette errance lui permet en outre de conserver sa ligne, au moins il ne risque pas de ventripoter comme la plupart des mâles de son âge, tous ces lascars qui se plaignent de grossir alors qu’ils bouffent comme des vaches, de toute façon, ce n’est pas l’avenir du rock qui ira critiquer les gros lards, car il rate jamais une occasion, même dans le désert, de rappeler que les gros sont les meilleurs, notamment le gros Black et Leslie West. Le pire, c’est qu’il ne parle plus que de Fontaines, dans une région où elles n’existent pas. Bref, tout le monde le croit foutu. Si l’avenir du rock entendait tous ces cons, il serait mort de rire.

     

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Les Fontaines dont il parle sont bien sûr les Irlandais de Fontaines D.C. Il n’est pas le seul à prêcher dans le désert : Stephen Troussé en tartine six pages dans Uncut. C’est pas rien. Il commence par qualifier leur quatrième album Romance d’astoshing, et parle même  d’«apocalyptic sci-fi stadium rock». Ah ces journalistes ! Ce qui rend les Fontaines éminemment sympathiques, c’est leur trouille de la gloire. Le chanteur Grian Chatten prévient tout de suite : «I’m not mad keen to get that big.» Et il ajoute, haletant : «I really, really don’t want us to turn into dickheads.» On ne sait pas qui il vise à travers ça, mais il vise, c’est sûr. Chacun mettra les noms qu’il voudra. Mais il sait que la gloire arrive. Pourquoi ? «Because we’re really good.» Troussé parle d’un «winning charm and modesty», même s’il frôle l’absurdité.  

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Quatre albums en cinq ans, ça va vite. Troussé parle d’une «volicity that puts their peers to shame» et de «quantum leap». Il a du vocabulaire, l’ami Troussé, puisqu’il qualifie Dogrel d’«astonoshing rush-and-push debut», A Hero’s Death d’«assured consolidation», puis Skinty de «staggering, surreal letter of love and poison». Mais Troussé se surpasse en qualifiant «Starburster» d’«huge rambling panic attack that sounded like Korn covering Happy Mondays’ ‘Wrote For Luck’». Il qualifie aussi Carlos O’Cornell de «flame-haired guitarist and conceptualist» des Fontaines. Dans son élan, Troussé se met à sortir les comparaisons oiseuses : il compare Romance à l’Ocean Rain des Bunnymen, au Disintegration des Cure, à l’OK Computer de Radiohead, et d’autres qu’on ne va pas citer pour éviter de gaspiller de la place. Il se dit encore frappé par le «Technicolor» des cuts de Romance. Il parle enfin d’un album cinematic.  

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Il a raison, Romance est vite bardé ! Les DC sont les rois du barda. Comme ils visent la démesure, les Fontaines s’en donnent les moyens. Mais les premiers cuts manquent de magie. Ils labourent la bouillasse d’une pop épaisse. Et puis tout à coup, ça swingue dans les voiles : le mec chante son «Here’s The Thing» au doux tordu et ça percute. Voilà l’Irish power, Grian Chatten chante à la déconnade et ça explose de grandeur. Oh yeah, il chante à l’évaporée dévastatrice et mine de rien, il rentre dans le chou d’un lard très fumant, ça groove dans l’épidermic, ça rocke le booty, aw quel fantastique racket d’Irish finish ! S’ensuit une belle montée en neige nommée «Desire». Ça redevient sérieux, tu commences à te prosterner. T’as pourtant déjà entendu cette surenchère de la démesure chez Adorable, mais les Fontaines plongent très loin au fond du Desire, ils battent tous les records du Grand Bleu. T’es estomaqué. On les voit encore chercher leur voie avec «Big». Grian Chatten appuie bien son chant, il a le bon timbre, pas de problème, un timbre pas trop oblitéré. Il ne manque aucune dent au timbre. Irish power pop ! Ils font les Pixies avec «Death Kink» et tout re-bascule dans l’excès qualitatif avec «Favourite» qui sonne comme un vieux hit insistant. Ah comme Grian Chatten chante bien ! Cette pop ne pardonne pas. Il chante à l’accent tranchant. Pur genius !

             C’est vrai que l’album sonne comme une grande aventure. Conor Curley raconte plus loin dans Uncut qu’il tire son énergie du cinéma, un art qu’il juge plus puissant que le rock et la littérature. Chatten dit aussi qu’il est «bored of talking about music, bored of talking about books.» Il dit chercher une nouvelle voie et se dit obsédé par Mickey Rourke dans Rumble Fish.

             Les Fontaines sont aussi partis en tournée américaine avec Artic Monkeys. C’est drôle comme leurs références ne sont pas bonnes. Chatten dit avoir flashé sur Blur à Wembley. Au moins avec Dean Wareham, on parle des vrais trucs, c’est-à-dire Lou Reed et le Velvet. Là on est dans autre chose. Il s’agit sans doute d’un problème générationnel.

             C’est O’Connell qui sauve les meubles en avouant qu’il a produit le nouvel album de Peter Perrett, The Cleansing. Et Perrett se dit fasciné par la voix de Grian Chatten - They’re lucky to have a singer with such an iconic voice. A Voice is everything - Peter Pan sait de quoi il parle. O’Connell devient rudement intéressant lorsqu’il aborde la question de la culture irlandaise : «Il y a beaucoup plus dans notre histoire que les prêtres et les curés. The weirdness of pagan Ireland.» Puis il fait l’éloge des groupes de sa génération, «us, Gilla Band, Lankrum», et de «something very irish about dissonance as a concept.» Et bien évidemment, l’article finit par se casser la gueule avec l’irruption des Spice Girls et de U2. C’est là que Chatten sort son fameux prêche contre les dickheads. Il se sent devenir narcissique, talking about myself, et bien sûr il sent que c’est le problème.  

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Avant de conclure, il est bon de rappeler que Skinty Fia est un album raté. Ils font illusion le temps d’un «Big Shot» très Radiohead, mais les compos ne sont pas au rendez-vous. Il ne reste que la voix de Grian Chatten, cette voix intéressante au timbre profond, avec de jolis effets de baryton sur le so cold d’«How Cold Love Is». Mais globalement, rien n’accroche. Ils sont dans le manque à gagner, dans le laissé pour compte, dans le solde de tout compte, ils tentent encore de viser l’horizon avec «Roman Holiday», mais l’album devient un radeau de la Méduse. C’est la damnation du cerf, ils n’ont absolument aucune compo. Rien. Que dalle. C’est le l’arty-gros foutage de gueule et ça ne reprend vie à la fin qu’avec «Nabokov» qui est bien écrasé de son. Quelle tragédie. Cet album a dû traumatiser leur destin. 

    Signé : Cazengler, Fonteigne d’ici

    Fontaines D.C. Skinty Fia. Partisan Records 2021

    Fontaines D.C. Romance. Xl Recordings 2024

    Stephen Troussé : Last of the new romantics. Uncut # 330 - October 2024

     

    *

             La teuf-teuf fonce à donf. Pourquoi donc ? Parce qu’elle emprunte la 619 qui vous emmène à Troyes. Dont on peut dire qu’en France elle est l’équivalente rock de la mythique road 66. Un don des Dieux ! Moins longue que Le Don Paisible de Mikhaïl Cholokov mais au bout de la route, comme à la bataille navale, la case Trois B s’avère gagnante à tous les coups. Comment cela se fait-il, je n’en sais rien, faudrait demander à Béatrice la patronne par quel stratagème elle se débrouille pour ramener systématiquement  de bons groupes. Peut-être a-t-elle la main verte, mais sûrement the main feeling rockabilly.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Remarquez ce coup-ci elle avait deux bonnes cartes dans son jeu. Luky Will est déjà venu 3 B...   Le deuxième as depique elle ne le tenait pas dans sa menotte toute mignonnette, elle nichait dans la poigne la plus féroce du rocker le plus intrépide, vous avez reconnu Jerry Lou, le pianiste fou, une photographie sur laquelle l’indomptable Jerry Lee Lewis arborait fièrement le premier CD de Luky Will.

             Autant dire que je ne m’attendais pas une douce veillée de colonie de vacances, mes prédictions ont été comblées au-delà de toute espérance. L’est vrai que 3 B recevait la visite  d’un sacré groupe de coupeurs de têtes.

    THE COOPERS

    3B

    (Troyes / 21 – 03 – 2025)

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

                Suis surpris dès mon entrée au 3 B. Peu de monde. La moitié des tables désertes. Une demi-heure plus tard je suis effaré. D’où sort cette foule ! Jamais vu autant, une marée humaine, tellement de presse que l’accès au bar sera interdit pendant tout le concert à ceux qui squattent les places près des musiciens, debout, chaises, et même assis par terre ! Ce n’est tout de même pas une soirée folk qui est prévue.

             Z’arrivent sourire aux lèvres, s’installent sans se presser, la pression monte, profitons du premier instrumental, un Chicago Blues mid tempo, un tantinet funky, ce n’est pas la tornade que l’on attend, mais non de Zeus, pas besoin de sortir de Polytechnique pour se rendre compte que l’on est devant de sacrés musiciens. Tout au fond Kevin, à l’affût derrière ses fûts, frappe mollement, mais quelle étrange décontraction, l’est toujours prompt à ouvrir ou clôturer n’importe quelle séquence, à sa droite c’est plus grave, je ne parle pas du bassiste, l’a une moustache terriblement sympathique, mais chaque fois qu’un de ses doigts touche une corde de sa basse, non, ce n’est pas une upright, plutôt une upsound, vous avez un son profond et moelleux, du chocolat fondu, est-ce pour cela qu’il est surnommé Pepito, juste devant lui, sous son chapeau, Lucky et sa Gretsch rouge-sang, tout ce que l’on peut dire c’est qu’il maîtrise salement sa bécane sanglante. Enfin à droite, Bruno aligné contre le mur, enfoncé dans le recoin vous pouvez ne pas le voir, mais pour l’entendre pas de problème, paisiblement assis sous sa casquette, ses doigts n’arrêtent pas de ricaner, chaque fois qu’il les pose sur son clavier, c’est comme s’il instillait un brin de folie foutraque dans l’ambiance qui ne parle pas à tourner à l’orage dès le deuxième morceau.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

             Faut comprendre, l’amateur très moyen de rockabilly connaît la plupart des morceaux, mais ils ont une manière très spécifique de les interpréter. Ne vous filent pas les titres à tire-larigot à la queue-leu-leu, bonjour-bonsoir voilà le boulot, non ils ne récitent pas leur leçon, ils interviennent à chaque instant, vous les reconstruisent, vous les dégobillent sans retard, mais vous les ressortent totalement métamorphosés. C’est qu’ils possèdent une arme invincible mais souterraine, ils swinguent comme aucun autre groupe de rockabilly, z’ont la pulsation primitive, mais ils ne le montrent pas, partent du principe que chaque morceau doit être mené comme un round de boxe, mais avec quatre boxeurs qui chacun à leur tour sort son uppercut dévastateur.         

     Lucky, il joue la surprise attendue, suspend son jeu, tourne la tête à droite eut à gauche comme s’il ne se rappelait plus de ce qu’il lui faut faire, mais quand il envoie le riff vous supputez dans votre pauvre cervelle la seconde exacte où il va le relâcher, pas maintenant, ni après, ni avant, à l’instant précis où il veut ( ne s’appelle pas Will pour rien), sur son Folsom Prison Blues vous donne une sacrée leçon sur la notion de la liberté de l’artiste, quand il veut, où il veut, il vous pose le bibelot à l’endroit exact où vous n’aurez jamais escompté qu’il soit là. Avec lui chaque écoute d’un seul morceau devient une aventure sonique.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Autre tactique. Celle de Kevin. Il tapote dans son coin. Vous pensez qu’il joue à la belote avec un comparse imaginaire. Le gars loin de tout, retranché dans son quant à soi. Ses camarades se retournent vers lui. Qu’est-ce que tu fous Kevin, on ne voudrait pas te déranger mais si tu faisais un petit truc ça nous aiderait bien, alors il leur adresse un petit sourire, le même que Napoléon avait jeté à Murat pour lui signifier qu’il pouvait mener la charge de ses douze mille cavaliers contre l’infanterie russe à Eylau, mais Kevin c’est la décharge, la canonnade en quinze secondes il vous jette le morceau par terre, l’emporte tout sur son élan,  rasé rasibus, et hop il vous refigure le building qui sort de terre transfiguré de pied en cap, vous impose sa vision du monde, et vous convenez qu’elle est beaucoup plus efficace que la vôtre. Ensuite mine de rien, il joue l’élève innocent qui n’a rien fait, ni vu, ni pris, l’œil aux aguets, prêt à repartir en guerre dès que nécessaire.

    Bruno, sur son piano Yamaha, l’est comme vous qui de temps en temps parsemez du parmesan sur votre plat de pâtes, distribue quelques notes pour accompagner, c’est sans préavis qu’il lance la galopade effrénée sur son clavier, ce qui ne l’empêche pas parfois, un doigt à demi replié de s’obstiner sans trêve sur une note qu’il doit avoir envie de détruire l’on ne sait pas trop pourquoi, c’est un peu comme l’étincelle, chère au président Mao Tsé Toung, qui était censée mettre le feu à toute la plaine, en tout cas avec lui, ça marche à tous les coups, le morceau accélère comme une fusée interplanétaire, z’avez l’impression qu’il penche d’un côté et que dans la seconde qui suit tout va s’effondrer happé par cette maudite descente vertigineuse, d’autant plus que l’air de rien Kevin tout en continuant à battre son beurre, attrape le clavier d’une main et le soulève pour accentuer la pente fatale, genre de facétie qui n’empêche pas Bruno de  continuer sa dégringolade de notes infinies.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Pépito met le paquet, à sa façon. N’attaque jamais de face. L’est comme ces motards qui se positionnent au cul de votre voiture et vous poussent à accélérer sans fin. Choisit un de ses camarades, et hop il se colle à lui, en toute innocence, un véritable boutefeu, vous avez l’impression qu’il suit la cadence, il l’englobe d’une sonorité voluptueuse, il suscite le désir d’une course éperdue et c’est parti jusqu’au bout de l’avenue, quand l’autre s’arrête il stoppe aussi sec pour mieux rappuyer sur l’accélérateur, l’a une préférence pour les Gretsch de Lucky, il passe à l’orange et la rouge ne l’arrête pas. 

    Le cercle se referme. Will ne se contente pas de sa guitare. Il mène le jeu. Au vocal, faut l’entendre débouler Good Golly Miss Molly, l’a le gosier de fer et de foudre, parfait pour  arracher les dégringolades sublimes, descendre les torrents foudroyants de Blue Suede Shoes et éparpiller  les éclats de grenade de Great Balls of Fire aux quatre coins du monde. En plus un véritable entertainer, en trois réparties il dope la salle qui n’en finit plus de hurler. D’un geste souverain il arrête la furie générale pour la catapulter un quart de seconde plus tard dans un grandiose tumulte.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Trois sets de feu. Etourdissants. Effervescents. Excaliburants. L’ordonne à tous de se lever et de danser. Et tout le monde obéit Dinguerie absolue le You Never Can tell de Chuck Berry avec Bruno et son piano bordel-line…. Béatrice la Patronne indique que l’heure… il est temps d’arrêter l’émeute. Les instruments sont posés à terre. Lucky s’empare du micro court se réfugier dans la densité du public, s’empare du micro et pratiquement a cappella il entonne I Saw The Light le gospel sacrilège d’Hank Williams que nous reprenons tous en chœur… c’est reparti pour trois classiques, l’on termine comme dans les années 70 avec un petit Johnny B. (very) Goode

    C’était la fin. Pas du tout, maintenant l’on passe aux riffs les plus célèbres, genre l’on fait feu de tout bois de Téléphone à Smoke on the Water

    Je m’arrête ici, pour que vous ne soyez pas jaloux. Merci à Béatrice et  aux Coopers. Ce n’était pas une soirée inoubliable mais un rock-choc immémorial.

    Damie Chad.

     

    *

    Ashen continue sa route. Profitent du printemps pour déposer un œuf dinosaurien dans nos pupilles, une nouvelle vidéo explosive. On ne les compte plus, sans compter Smell like Teen Spirit, ce fut Sapiens, Hidden, Outler, Nowhere, Angel, Chimera, Desire, toujours pas d’album, mais une stratégie qui porte ses fruits, Outler, commis par un groupe français, vient d’être crédité d’un million de vues sur Spotify. Voici donc le dernier opus, le dernier obus :

    CRYSTAL TEARS

    ASHEN

    (Official Music Video / Mars 2025)

    OUT OF LINE MUSIC

    Bastien Sablé a dirigé la vidéo qu’il a scénarisée en compagnie d’Ashen. Le site de Bastien Sablé est à visiter. Il a réalisé de multiples clips pour de nombreux (et nombreuses) artistes de la nouvelle variété française. De mirifiques décors, des mises en scène inspirées, dommage, selon mes goûts de rocker endurci, que les musiques ne soient pas souvent à la hauteur images qui les accompagnent.

    Mais pour celle-ci, la transcription mouvante de la  beauté formelle des hallucinations cryptiques échevelées est si parfaitement adaptée à l’univers spirituel darkside et à la violence fragmentale de la musique du groupe, que l’ensemble symbiotique s’inscrit sur les murs charbonneux de  notre nuit mentale en traits de feu sanglants significativement aussi éphémères qu’éternels…

    Où sommes-nous ? Dans une des sombres galeries des Indes Noires de Jules Verne, ou en un endroit encore plus dangereux, à ras-de-terre et de cendres des Champs Phlégréens, juste à la l’orée du porche de la caverne qui selon les Anciens conduisaient aux Enfers, au Royaume de la Mort, à moins que cette ombre noire qui chemine précautionneusement, son bras levé supportant un flambeau de lumière indistincte, ne soit un être humain vivant déjà mort. Cette ombre animale que l’on entraperçoit une demi-seconde ne serait-elle pas celle de Cerbère, le chien obturateur rendant impossible toute remontée.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Devant une muraille de schiste noir, le groupe joue, se démène, se trémousse assène la musique sous forme de lingots de plomb noircis, il crie, il hurle, il clame, il geint, il gesticule, il joue… son rôle de chambre noire de Chenonceau, Clem, l’Orphée mythique, n’est déjà plus qu’une âme, les vestiges remuants de ce qui a eu lieu, le vertige rampant de ce qui n’est plus, la dague est plantée dans le sol, en éclat de quartz, un éclair blanc de robe de reine morte, l’épée où se jeter et se percer le cœur, le groupe en transe paroxystique, et Clem qui s’approche précautionneusement, de la fleur de lys, de l’incisive géante d’un monstre antédiluvien, la forme blanche de la lance du Graal, folie noire, fantôme de pierre, albâtre qui grandit démesurément, le toucher, la toucher, est-ce lui, est-ce elle, cette Excalibur proéminente dont la lame froide arde et illumine, mais avant se reposer, se concentrer en soi, se poser les bonnes questions, faut-il s’adresser à lui, à elle, à soi-même, à cette énigme translucide, alors que l’on dit que la Mort est blanche, et ce menhir illuminatif, qui est-il ? Pourquoi ne serait-il pas moi. Serait-il l’autre. De l’autre côté du miroir. N’aurait-il pas la forme d’un cœur. Immortel puisqu’il ne bat plus. Confrontation avec l’autre de soi-même. Gerçure et brûlure à la jointure. L’orchestre exorcise sa fureur. Bersek de lui-même. Hurlement. Qui meurt là, qui tombe et s’affale sur la pierre druidique, qui titube et s’appuie sur le pilier christique. Communion. Extrême-onction sacrificielle. Le groupe massacre-t-il de désespoir sa musique noisique. Plus personne. Ne reste plus, sublime, immarcessible, que l’épée blanche qui semble s’élever vers le ciel. Serait-elle la représentation de l’aile d’un ange rilkéen. Celui élémental qui descend.

    Damie Chad.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Nota-Bene : L’œuvre au noir, la forme blanche n’évoque-telle pas la forme oblongue d’un cercueil, peut-elle être éblouissance. En quoi le tout se résorbe-t-il ! La forme blanche est-elle l’épée de la séparation ? De cet autre côté de nous-même que nous sommes et ne sommes point. Notre somme additionnelle n’est-elle égale qu’à la silhouette du 1 maladroitement tracée, cette frontière qui ne délimite qu’un même et unique royaume. Toute la douleur existentielle de cette dichotomie de nous-même qu’aucun scalpel de pierre ne parviendra jamais à séparer de nous-même car notre vie s’apparente si bien à notre mort que nous sommes tout aussi bien que nous ne sommes pas, ce tout que l’on voudrait ne pas être ou ce rien que l’on voudrait être.

    Une lecture plus simple, l’adieu à l’androgynie que l’on a été, que l’on a cru être et que l’on n’est plus. Cette coupure de l’autre qui n’est que la coupure de soi-même d’avec l’autre. Vouloir être dans une unique solitude et n’être plus que la solitude de soi-même. Un moins Un égale toujours Un. L’illusion posthume du 2. Le Un est toujours seul, séparé de sa propre multiplicité.

    Pour aider à réparer la fracture, Platon disait que l’on ne pouvait passer du Un au Deux, sans quoi le Un reste seul. L’a préconisé le principe de la dyade qui n’est autre que la reconnaissance du Deux, non pas en son unité, mais en sa dépendance à l’autre qui reste l’Un, ce qui de fait de la dyade le principe de la reconnaissance de la multiplicité infinie, qui n’est autre que le ravalement du Un, non pas en sa Unicité, mais en simple fraction élémentale de la répétition du Même.

    Le Même n’étant que la négation de l’unicité du Un. Or un Un qui n’est pas unique nous oblige à vivre  l’équivoque relationnel avec tout autre. A nous atomiser avec le n’importe quoi. Une espèce de suicide collectif métaphysique en quelque sorte. Commis par un seul.

    Damie Chad.

     

    *

    Vous avez des mots et des titres qui vous attirent plus que d’autres. J’avoue avoir pas mal barjoté sur le Midnight Rambler des Stones mais là je suis servi : un groupe qui se nomme Nightstalker, mais qui très vite aggrave son cas, ils sont grecs, d’Athènes, sont cités dans la mouvance de Rotting Christ, quant au titre de l’album jugez-en par vous-même,

    RETURN FROM THE POINT OF NO RETURN

    NIGHTSTALKER

    (Heavy Psych Sounds Sounds Records / Mars 2025)

             En langue anglaise ‘’starlker’’ désigne un rôdeur dont il vaut mieux se méfier, l’on ne sait ce qu’il manigance mais vous êtes sûr qu’il ne travaille pas au bonheur de l’humanité, il désigne aussi un chasseur lancé sur une piste qui n’appartient qu’à lui. Stalker c’est aussi le film du réalisateur soviétique – il eut quelques ennuis avec le régime – Andréi Tarkowski. Une étrange histoire d’un stalker mystérieux qui guide au travers d’une zone désolée et interdite deux voyageurs, un écrivain et un professeur, vers une mystérieuse cellule où vous atteindriez l’horizon zénithal de  l’absolu de vos désirs profonds… Le film est sorti en 1979, il a trouvé une étrange résonnance dans la zone interdite située autour de la centrale nucléaire de Tchernobyl explosée en 1986 dans laquelle certaines espèces animales semblent avoir développé une espèce d’armure biologique contre les radiations atomiques… Si vous partez du principe que l’Homme n’est qu’une espèce animale parmi tant d’autres, toutes les cogitations vous sont permises… Stalker est aussi le nom du blogue littéraire de Juan Asensio adonné à la dissection du cadavre de la littérature…  

             Le retour au point de non-retour doit-il être considéré comme une régression ou une avancée. Une deuxième chance ou la peur de s’enfoncer dans la logique d’un cheminement. De toutes les manières l’idée du retour n’implique pas-t-elle la notion de l’origine quel que soit le sens de votre marche qui, même si vous revenez sur vos pas, en reposant systématiquement chacun de vos pas dans vos propres empreintes vous oblige à dessiner l’idéelle figure d’un cercle nietzschéen…

             La pochette vaut le détour. Cette espèce de ville endômée, endoomée par une calotte humaine protectrice et emblématique – appréciez au-dessous l’espèce de péristyle morcelé, ces colonnes qui furent la fierté des cités grecques antiques et par-dessus le capillaire village rural  exhaussé sur les déclivités crâniennes du crâne, poussé tel un rêve, qui ne veut pas mourir et s’accroche désespérément aux superstructures de cet exo- squelette tombal et génital.   

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Cette couve est d’Alexander Von Wieding, un illustrateur qui a beaucoup travaillé en  packaging et notices diverses en relation avec la production industrielle, amateur de blues depuis 2006 il s’est spécialisé pour la production de pochettes d’albums. Son Instagram regorge de photos de couves pour des groupes et des chanteurs dont j’ignorais l’existence. Idéal pour mesurer le gouffre de votre ignorance, car l’intérêt pour les images vous empêche de vous attrister sur vos manques de connaissances.

    Nightwalker fut fondé en 1989. Ce disque est leur septième album, ( + deux lives et quelques simples),

    Andreas Lagios : bass / Dinos Roulos : drums, percussions / Tolis Motsios : guitares / Argy : vocal, lyrycs, percussions.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Dust : si vous vous  attendez à une sereine méditation sur la poussière que vous êtes et sur la poussière que vous deviendrez, c’est râpé, la batterie bouscule vos synapses, des tourbillons sonores précipitent vos circuits cérébraux en une espèce de surdopéisation de vos neurones préférés.  Plus de chair  vous êtes comme sur la couve réduit à l’os de vos prétentions, comme quoi tout se passe dans votre tête, au-dehors tout se rétrécit, Argy vous prévient, tout a une fin, même ces jours que vous avez longtemps crus heureux. En quatre courtes strophes il vous indique le début de la catastrophe. Une seule consolation la guitare de Tolis, toujours ça de pris sur l’ennemi. Heavy Trippin’ : dur, dur docteur Arthur, un peu de méditation, la basse de d’Andreas vous y invite, mais les camarades haussent le niveau sonore, l’introspection silencieuse c’est terminé, pratiquement une confession publique obligatoire, modulée d’un vieux fond bluesy salement malmené, c’est beau comme du Verlaine mais ça remue comme Le Bateau Ivre de Rimbaud, vous avez vécu dans un rêve, du toc de chez toc-toc qui refuse la réalité, qui oublie le malheur de ses congénères, qui ne pense qu’à sa petite quiétude personnelle, c’est fou comme le temps s’allonge indéfiniment lorsque l’on tourne et retourne en soi-même, alors qu’autour de vous tout se désagrège à une vitesse supersonique. Il est temps de prendre les décisions qui s’imposent. Pour vous consoler les quinze dernières secondes du morceau sont superbes. Jamais entendu une semblable coda à décoder.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Uncut : je vous rassure, ils ne sont pas tombés dans un trip à l’acoustique, l’électricité ronronne à fond, à gros flocons, si vous ne me croyez pas vous avez une vidéo, en studio et sur scène, de vrais rockers ils jouent au billard à trois boules, pas à l’amerlok, toute la différence entre un traité d’Aristote et un roman naturaliste, ce dernier est bien plus simple mais nécessite moins d’aptitude intellectuelle, s’amusent aussi au flipper et z’ont des groupies à foison. Ce qui est un peu à contre-courant du scénario aujourd’hui fortement  conseillé parce qu’après qu’Andras nous a appris ce que l’on peut faire avec une basse, l’Argy, ce n’est pas de l’argile, l’est dur comme du granit, vous congédie sa copine sans fioriture, le temps des simagrées et des faux-semblants c’est terminé, pour les féministes concentrez-vous sur la machine de guerre de ce groupe, ils n’ont peut-être pas inventé le lait en poudre, mais c’est si puissant et si beau que dans vos cerveaux ils font pousser l’herbe qui nourrit les vaches.  Return from the Point of No Return : encore une vidéo, vous voyez l’Argy se livrer à ses petites activités matinales un peu de sport, un peu de bourbon, finit par se rouler un joint aussi gros qu’un bâton de maréchal, vous voyez le groupe jouer et

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    surtout vous entendez la mayonnaise, elle vous emporte sur le haut sommet de l’Empyrée, le Dinos, l’a la frappe dinosaurienne, vous berce dans les roulements incessants de ses toms, ne cédez pas à l’hypnose musicale, Argy est en train de mettre de l’ordre dans son existence, confond un peu son balai avec un char d’assaut, mais faut ce qu’il faut, ou vous êtes capable de retourner au point de non-retour ou vous ne l’êtes pas. Sachez repérer les cris en sourdine. L’art du hurlement souterrain n’est pas donné à tout le monde. Un morceau qui fait place nette. Shipwecked Powder Monkey : attention de l’eau dans les écoutilles, sont comme fatigués d’écoper, se reprennent vite, z’ont intérêt maintenant à se magner car ça entre par gros paquets, voici les temps de l’incertitude le moment où l’on s’aperçoit de l’équivalence de nos actes, que l’on fasse ceci ou cela, le résultat est identique, maintenant le groupe fonce en piqué et en escadrille, les choses t’échappent, vous filent les derniers enseignements, tu n’y peux rien, l’existe un point où l’avant devient l’après, à moins que ça ne soit juste le contraire, tu te dois avancer, mais c’est le temps qui te rattrape et te dépasse.  Guitare en chappe de plomb te percent les oreilles, te bercent dans ton incomplétude, dans ton impuissance programmée. Shallow Grave : cette basse trop grave, plus basse que la terre que tu as creusée pour enfouir tes rêves et ta volition,  voici donc le slow des grandes glaciations, la musique dodeline, au bout de la mort une renaissance, un rite de passage, les tisons de la guitare te réchauffent la musiquen se redressent tel un serpent prêt à se battre, fais le tour de tes anneaux mémoriels, ne te laisse pas enfermer dans le cercle vicieux de tes habitudes. Reviens à toi. Extrais-toi de ta propre tombe. Falling Inside : le retour en soi, une pierre qui dévale la colline, qui tombe, qui n’en finit pas de tomber, de plus en plus vite, le rythme s’accélère, il est trop impétueux pour que tu aies le temps d’avoir peur, le groupe explose littéralement, un élan dévastateur, créateur, tout au fond tu trouves ce que tu cherchais en vain depuis longtemps. En toi-même. Te voici redevenu toi-même. Tout voyage est intérieur. Tu es le retour et tu es en même temps le non-retour pour ne pas stagner. Flying Mode : le son est lourd, il ne trébuche pas, il s’amplifie, le tout est de ne pas s’appesantir en soi, de ne pas se confiner en une morale étriquée du bien et du mal, la zique prend son envol, faut savoir s’envoler, le chant devient encombré de parcelles de gai savoir, vivre ses rêves c’est déjà vivre, le cheval fou de la batterie trottine allègrement, bientôt il galope ardemment, rejoint par le reste de la horde, crinières pâmoisantes de guitares, toujours de l’avant, cris de joie, de victoire et de triomphe. Si vous restez à les écouter vous ne les rattraperez jamais.

             Enthousiasmant. A écouter attentivement, peuplé d’idées musicales inédites. Un groupe au sommet de son art. Testamentaire en le sens où les héritiers viendront boire. Source vive.

             Tellement bon que j’ai voulu en écouter davantage, j’ai choisi un titre choc :

    DEAD ROCK COMMANDOS

    (Small Stone Records / 2012)

    Pas tout à fait au hasard, d’abord une pochette d’Alexander Von Wieding qui n’est pas sans préfigurer un demi-quart de siècle à l’avance celle de Return from the point of no return, un peu moins réussie toutefois, quel sens donner à ce trognon de pomme déposé entre les mâchoires de cet animal monstrueux aux dents hyper développées de tyrannosaure, si ce n’est celle d’une éthique rock qui consiste à croquer la vie à pleines incisives mais en privilégiant uniquement les  meilleurs morceaux. N’est-ce pas normal que Kr(tnt ! qui vous propose chaque semaine les aventures de l’Avenir du Rock dans le désert d’Egypte se penchât aussi sur ces commandos du rock décédé, un titre d’autant plus énigmatique que si l’on en croit nos oreilles le cadavre en pleine forme s’agite beaucoup pour un moribond. 

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Go get some : choc de zinc dézinguant, z’en remettent une couche et c’est parti pour le rock’n’roll, le vocal qui klaxonne comme une trompe pour vous avertir que l’avalanche déboule sur vous, trop tard vous êtes déjà enseveli dans les neiges éternelles, une guitare non décarbonée signale l’endroit de votre passage, de l’autre côté de la montagne noire. N’ayez crainte seulement une métaphore afin de vous inculquer la rudesse de l’art tonitruant de vivre rock’n’roll. Pas difficile vous cherchez à crever la gueule ouverte mais vous recracher les pépins de la mort pour ceux qui les ramasseront et s’en nourriront. Codicille de dernière importance : ou le rock ou le néant. La vie appartient aux excités. Soma : nouvelle somation. Vous la lancent à la balle dum-dum.  Très agréable, musicalement parlant si vous aimez le rentre-dedans, délectable aussi si vous suivez les conseils, pardon les ordres. Un combat au corps à corps, jouissance sexuelle tous azimuts, une guitare qui hennit de plaisir et le reste e la bande qui enfonce le clou dans les cercueils de chair. Dead Rock

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Commandos : vous avez une vidéo pour vous aider à comprendre, le printemps qui s’éveille, la nature presque frémissante, déboulent en courant, tous habillés de noir, un moment pour comprendre qu’ils sont poursuivis, qu’ils sont vont être rattrapés, on se saisit d’eux, on leur recouvre la tête d’un voile blanc, sont emmenés sur les lieux de leur exécution, brutalement on les libère et on les place derrière leurs instruments, morale de l’Histoire, il y a commandos et commandos, les uns détruisent la planète et lobotomisent les populations et les autres se servent de leur musique pour se défendre et survivre. Riffs noirs et sombres à grandes enjambées vous assomment, eux aussi sont des commandos, les commandos du rock. Ceux qui cherchent à tuer le rock, ceux qui se battent pour qu’il survive. Le texte est beaucoup plus politique qu’il n’y paraît. One million broken promises : pompent plus vite et plus énergiquement que les shadocks, normal ce sont des shadrock, n’en profitent pas pour rejeter la faute exclusive sur le reste du monde, reconnaissent leurs torts, ils boivent, ils se droguent, reconnaissent qu’ils ont peur, qu’ils se dépatouillent mal, parce l’ombre de la mort les terrorise et que l’on meurt toujours seul. Rarement entendu une si grande probité intellectuelle chez les groupes heavy et metalleux. En plus ils vous l’assènent sans ambages et surtout sans repentir ni fausse honte.

    don nix,maidavale,larry wallis,linda jones,fontaines dc,the coopers,ashen,nightstalker

    Children of the sun : la vidéo vous évitera de croire qu’après une crise mystique subite le groupe se soit converti à l’idéologie hippie. Musique franche et directe assénée à pleines bouches, à pleins instruments, vidéo superbement mise en scène, toute simple mais pétillante d’intelligence, rock bien sûr mais avant tout une superbe pantomime des relations humaines, une traduction de cette complicité entre les individus qui les relie tels qu’ils sont avec toutes leurs différences. Les petites ironies de la vie, pour reprendre un titre de Thomas Hardy. Suffit de ne pas croire en la petite fleur bleue. Back to dirt : face B. Une lettre de bienvenue à un nouveau-né, elle n’est pas rédigée par Madame de Sévigné, la batterie vous met les points sur les i, la basse froisse le papier, le vocal bien fort pour que l’on n’ait pas besoin de le lui répéter quand il aura grandi, la guitare lui scie les planches pour son futur concert, on ne lui cache rien au petitou, il sort du trou de sa mère, il finira dans un trou de la terre, pour le reste débrouille-toi comme tu veux, un conseil fais-toi tout petit, et essaie de vivre jusqu’au jour de ta mort. Tu y passeras comme nous tous. Une tendresse en fer forgé. Keystone : une seule clef de voûte pour tenir une vie à peu près droite : le rock’n’roll. Qui balance pas mal avec des appuyés au forceps. Parce que t’es rock, t’en prends plein la gueule, tu t’en fous tu as toujours un temps d’avance sur les autres, mais surtout sur toi-même. C’est ainsi que je ne suis plus moi-même puisque je suis devenu moi-même. Me reste encore à apprendre à aimer. Rockaine : une guitare torturée, elle a dû écouter Jimi Hendrix, quel kaos dans sa tête, le moment du doute, tu t’es sorti de l’enfer pour entrer dans un autre, la batterie joue à l’éléphant dans le magasin de porcelaine, la basse repeint les murs en noir, obstination d’un pachyderme dans la toundra glacée qui essaie de trouver en lui-même un pâturage d’herbe fraîche, l’est pas près de brouter tout à son aise. The boogie man plan : mauvais plan. Encore plus violent que le précédent. Fait le point, l’a peur de tout, du quotidien et de l’exceptionnel. Un coup de projecteur sur Dead Rock Commando, encore une fois le groupe se démarque des autres, certes les instrus vous baladent dans un hachis parmentier saignant, vous aurez du mal à reconnaître vos oreilles embringuées dans ce vortex, mais au contraire de tous les groupes, il ne se cache pas derrière les mots, l’a la trouille de lui-même et encore plus des talibans. Talibang, le mot résonne, un défi civilisationnel, la déjante du rock’n’roll  face à la laideur du monothéisme sociétal. The underdog : entrée en fanfare, accueillez le héros, l’outsider que plus personne n’attendait plus, le voici, le voilà, il revient du vingt-quatrième dessous, faut entendre comme la batterie tape des mains, la guitare exulte, la basse monte haut, attention, les acclamations se voilent, l’outsider vous donne sa propre leçon de survie, vivez cachés, faites-vous oublier, rentrer dans un trou de souris, de toutes les manières pour les jeunes générations c’est trop tard. Affirmatif . Cinq sur cinq. Elles ne survivront pas.

             Musicalement, très brut de décoffrage. Du solide. Du résistant. Du béton armé. Peu d’imagination, mais c’est avec des pierres unidimensionnelles que l’on a bâti les pyramides. Question moral, il va descendre plus bas que les talons de vos santiags. Noir de chez noir. Ne vous reste plus rien à vous mettre sous la dent. Ah ! si un vieux trognon de pomme fossilisé. N’espérez rien. Claque rock. C’est que l’on appelle l’énergie du rock’n’roll ! A vous injecter en intraveineuse chaque soir, même dose au petit matin. Vous aurez de quoi opposer au cauchemar qui se profile à l’horizon. Médicamentation rock’n’roll du bon docteur :

    Damie Chad.