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CHRONIQUE DE POURPRE 456 : KR'TNT ! 456 : MYSTERY LIGHTS / RON ASHETON / AMHELL & HER BACKDOOR MEN / ROBERT JOHNSON + GREGOIRE HERVIER / VINCE TAYLOR + OLIVIER LORQUIN / TONY MARLOW / JUKEBOX + HALLYDAY

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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LIVRAISON 456

A ROCKLIT PRODUCTION

FB : KR'TNT KR'TNT

19 / 03 / 2020

 

MYSTERY LIGHTS / RON ASHETON

AMHELL & HER BACKDOOR MEN

ROBERT JOHNSON + GREGOIRE HERVIEUX

VINCE TAYLOR + OLIVIER LORQUIN

TONY MARLOW / JUKEBOX + HALLYDAY

 

Magical Mystery Lights tour

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The Mystery Lights ? Attention à Too Much Tension, cet album paru sur un sous-label de Daptone en 2019. C’est mastérisé par Gabe Roth, mais Roth qui est un orfèvre en matière de Soul n’y connaît rien en matière de garage. Pour aggraver encore les choses, Mike Brandon chante bizarrement. Il dispose d’une espèce de voix juvénile à la mormoille, mais elle ne fait pas bon ménage avec cette volonté de garage sixties clairement affichée. De toute évidence, ils cherchent un style. On se demande ce que ça peut valoir sur scène.

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Les cuts paraissent si faibles. Ils multiplient les essais de petite pop inerte. Avec «Wish That She’d Come Back», ils s’enlisent dans une sorte de médiocrité latente. Ils vont même tenter le coup du post-punk avec «Thick Skin». C’est affreusement pauvre. Ils bardent leur morceau titre de spoutnicks en forme de cache-misère. Cet album fait mal au cœur. Ils n’ont rien dans le ventre, rien dans les mains, rien dans la culasse. Quand on arrive au cut numéro 11, on se tire une balle dans la tête.

Pour les voir sur scène, c’est encore plus compliqué : il faut attendre que les usines arrêtent d’exploser. Ils étaient programmé une première fois au moment où l’usine du coin a explosé, alors tout a été annulé. Les voilà re-programmés dans les Nuits de l’Alligator, alors c’est l’occasion de se faire une idée précise sur la valeur de ce groupe dont la presse anglo-saxonne dit si grand bien. Mais l’écoute préalable de leur dernier album, Too Much Tension, fait entrevoir la possibilité d’un concert pénible. Dommage que l’album soit raté. Rien de pire que d’aller voir un concert avec un mauvais a-priori. C’est comme une punition. Mais aller voir un groupe au pif sans rien connaître, c’est encore pire. Il est mille fois préférable d’entrer dans l’univers d’un groupe inconnu avant de le voir jouer, car ça aiguise les sens. Et ça donne quelques repères.

Bon alors ?

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Eh bien, sur scène, ces New-yorkais d’adoption s’en sortent avec les honneurs. Ils sont mille fois et même dix mille fois meilleurs sur scène qu’en studio. Rien à voir. C’est le jour et la nuit. Inespéré ! De les voir sauver la soirée, ça remonte le moral. Ah comme ces mecs sont bons sur scène, surtout le chanteur guitariste, Mike Brandon, un petit mec exubérant qui saute partout et qui semble même se retrouver en compétition avec Pat Beers des Schizophonics. Ah pour sauter, il saute, il bondit et il rebondit, il shebamme, il powe, il bloppe et il wizze dans tous les coins de la scène, prenant à peine le temps de revenir au micro pour chanter un couplet.

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À sa façon, il donne une leçon de tenue de scène, il montre qu’on peut arpenter des dizaines de kilomètres sur scène en une heure de concert, il va et il vient entre tes reins, il file au vent mauvais du garage d’automne et danse la javanaise des démons, c’est un fantastique embraseur d’imaginations, il fait son business en rigolant, pas les doigts dans le nez parce qu’il gratte sa gratte, mais s’il le pouvait, il le ferait, car pour lui, c’est enfantin d’exploser la scène d’une salle rouennaise, pour le plus grand bonheur des amateurs d’Alligators. Quand on voit jouer un mec comme Mike Brandon, il faut bien en profiter et ne pas en perdre une miette, car ce genre d’asticot bondissant ne court pas les rues. Réussir un tel tour requiert plusieurs critères : un corps léger, des baskets au pieds (ça permet de rebondir plus facilement), une technique de guitare bien au point (essaye de sauter en l’air en grattant des accords, tu vas voir si c’est facile !), une bonne chevelure (car l’esthétique est reine en ce domaine), une foi dans le garage forcément inébranlable et, petite cerise sur le gâteau, un brin de charisme, car c’est lui, le charisme, qui permet de faire passer tout l’ensemble plus facilement. C’est comme un suppositoire : ça agit immédiatement. Ce mec dispose de tout l’arsenal de la jeune rock star, il est extrêmement présent et immensément sympathique, on le sent ravi d’être sur scène, il sourit en permanence et semble se préoccuper du bien-être de son public, ce qui ne court pas non plus les rues. On a vu trop de groupes qui s’en battaient l’œil assez ostensiblement.

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Mike Brandon est l’âme la plus charitable du garage américain contemporain, enfin quand on dit garage, ce n’est pas tout à fait exact. Ils sont dans un son sixties et privilégient les accents psyché, notamment dans les solos et les ambiances. Mike Brandon joue avec sa guitare sanglée haut sur la poitrine et par moment, on jurerait voir Jorma Kaukonen. Il en a le look et la posture. Peut-être pas la technique, il ne faut pas exagérer, quoique par moments Brandon claque des choses assez fines sur sa demi-caisse sanglée bien haut.

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Pas facile de sortir un cut du lot. Les Mystery Lights n’ont pas à proprement parler de chansons, ils ont de quoi tenir une bonne heure sur scène, mais ils n’ont pas encore de hits comme pourraient en avoir des groupes comme les Schizo ou les Cynics. La force du set repose uniquement sur le charisme de Mike Brandon. Il porte ce groupe à bouts de bras et fait le show.

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Bon batteur, oui, une fille aux claviers qui fait un peu pot de fleurs, un mec bien tatoué à la basse et un petit bras-droit sur une Vox Teardrop qui bricole des ambiances bien pysché à coups de réverb, mais rien de très différent de tout ce qu’on a déjà vu mille et mille fois. Un groupe garage ressemblera toujours désespérément à un autre groupe garage. Le seul truc qui fera la différence, c’est un mec comme Mike Brandon. On pourra dire exactement la même chose de Pat Beers pour les Schizo ou de Michael Kastelic pour les Cynics. C’est le charisme qui décide de tout et principalement du destin d’un groupe. Mike Brandon est d’autant plus balèze à ce petit jeu qu’il doit faire oublier les souvenirs de ses deux albums ratés. Alors bravo !

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L’auto-titré Mystery Lights date déjà de 2016. On sent très vite chez eux un goût prononcé pour la bonne bourre. «Follow Me Home» coupe assez bien la chique, avec sa mise en place et ses éléments déterminants. Il suffit d’un waouuh placé au bon endroit pour emporter la partie. Ils tapent dans le mille avec leur «I saw you walking/ Walking down the street». Avec leur petit garage, on sent qu’ils cherchent à s’introduire dans le monde des géants de la terre. Mais ce n’est pas facile. «Too Many Girls» accroche bien, car chanté à la glotte désespérée.

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Ces New-yorkais finissent par créer leur petite sensation. Ils tapent «Candle Light» au heavy groove gorgé de réverb et d’orgue. D’un point de vue caractériel, c’est une approche très sixties. Ça flatte les bas instincts. Mais en même temps, ils ne prétendent pas réinventer le fil à couper le beurre. Ils s’affirment un peu plus avec «Before My Own», un cut plus heavy teinté de fines herbes et de psychedelia. Ils terminent cet album laborieux avec «What Happens When You Turn The Devil Down». C’est trop sixties, trop ancré dans un temps révolu. Les groupes de garage commettent souvent cette erreur. Ils ne cherchent pas à moderniser leur son. Même avec la meilleure volonté du monde, ils ne parviennent pas à déclencher l’enfer sur la terre. Les bonnes intentions ne suffisent pas. C’est plein de son et d’effets à l’ancienne, mais l’extension du domaine de la turlutte, ça se mérite.

Signé : Cazengler, mystery larve

Mystery Lights. Les Nuits de l’Alligator. Le 106. Rouen (76). 15 février 2020

Mystery Lights. Mystery Lights. Wick Records 2016

Mystery Lights. Too Much Tension. Wick Records 2019

 

Voir Ron et mourir

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John Wombat mérite largement le qualificatif de bec fin. Après s’être entiché de Bryan Gregory au point de lui consacrer un livruscule, voilà qu’il récidive avec Ron Asheton. Bon, c’est vrai, on vénère tellement Ron Asheton qu’on accueillerait n’importe quelle publication le concernant à bras ouverts, mais The Stooges, Destroy All Monsters & Beyond n’est pas n’importe quelle publication. C’est même le contraire du pensum officiel. John Wombat a réussi l’exploit de publier un book qui, vu d’avion, offre la consistance d’un book de référence, mais qui est en réalité bricolé avec les moyens du bord. Wombat a ramassé toutes sortes de clopinettes, du bric et du broc, des bouts d’interviews, des coupures de presse et des photos tirées de la collection personnelle de Niagara et du Colonel Galaxy. Cette étrange démarche flirte dangereusement avec l’amateurisme, et c’est probablement cette absence de ton qui sonne juste, si l’on part du principe que Ron Asheton sut rester toute sa vie un mec singulièrement ordinaire. C’est en tous les cas le message que veut faire passer Wombat dans sa conclusion : «Warm, caring and generous nature», c’est-à-dire un homme de nature chaleureuse, attentionnée et généreuse, qui proposait une musique «unorthodox, creative and down to earth», ce qui veut dire ce que ça veut dire. Rien n’est plus down to earth que le son des Stooges. Comme si la source de cet immense fleuve qu’est la culture rock remontait à Ron Asheton et Muddy Waters. Ou à Scotty Moore et Chuck Berry, c’est comme vous préférez.

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La pertinence de cet ‘ouvrage’ tient dans le fourmillement de petites informations, de celles dont on se nourrit dans les cas d’adorations compulsives. Wombat profite d’un raid éclair dans les années d’enfance du guitariste des Stooges pour faire la lumière sur une espèce de gros malentendu : Ron a huit ans quand il regarde à la télé avec son père des séries documentaires consacrées à la Deuxième Guerre Mondiale. Le côté complètement barré des discours d’Hitler capte aussitôt son imagination. Crazy motherfucker ! Ce n’est pas tout : le kid Ron est frappé par l’élégance des uniformes allemands, exactement de la même façon que le fut le kid Lemmy en Angleterre. Flash esthétique. D’où le gros malentendu : Lemmy et Ron seront ensuite obligés d’expliquer aux journalistes qui ne comprennent rien que l’idéologie ne les intéressent pas. Ron s’en branle. Sa came, c’est l’esthétique et les crazy motherfuckers. Peut-on imaginer un Ron Asheton sans croix de fer ? Non.

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Deuxième point fondamental de la genèse ashetonienne : Ron a dix ans quand son père lui offre une guitare. Pas n’importe quelle guitare, une Martin. Il alterne les leçons d’accordéon et de guitare. Son chemin semble tout tracé. Troisième point fondamental de la genèse ashetonienne : il tombe en pâmoison devant un feuilleton comique télévisé qui s’appelle The Three Stooges. Les conneries des Trois Stooges exacerbent chez lui un sens de l’humour déjà très développé. Il les vénère au point de devenir président de leur fan club. Il raffole de leur madcap antics et connaît toutes leurs répliques par cœur. Un peu comme nous autres Français avec Coluche. Donc voilà la triple racine de la mandragore mythique : uniforms, guitar & comedy act. Magnifique et tellement américain ! Et tout ceci se déroule à Ann Arbor, un patelin situé à 90 km à l’Ouest de Detroit, en plein cœur du Middle West. Une sorte de trou du cul du monde.

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Le premier copain d’enfance de Ron s’appelle Scott Morgan. À l’école, Scott voit des gamins écraser un œuf sur la tête de Ron, alors il vole à son secours et leur fout une raclée. Puis il emmène Ron au lavabo pour le nettoyer. Bien des années passent. L’ado Ron et son poto Dave Alexander décident d’aller passer quatre semaines en Angleterre. C’est le premier grand épisode de la légende ashetonienne. Ron se coiffe alors comme Brian Jones, porte un levis et des mocassins blancs, oui, comme ceux qu’on peut voir à l’intérieur de la pochette de Fun House. À Londres, Dave et Ron ont de la veine : ils voient jouer les Yardbirds et les Who. C’est le Colonel Galaxy qui raconte cette histoire, telle que la lui a racontée Ron. Après le concert des Who, tout le monde se retrouve dans un pub. Ron et Dave aperçoivent les Stones dans un coin. Dave demande s’ils peuvent s’asseoir près d’eux et Keef répond : «Sure, where are you guys from ?» Vous venez d’où les mecs ? Ils répondent qu’ils viennent des States. Quand Pete Townshend demande ce que les friends from the States veulent boire, Ron et Dave répondent en chœur : «Ice cold Red Stripe !» Ce qui fait éclater de rire toute l’assemblée. Dans le pub, on ne sert que de la Guinness tiède. Pour les Anglais, la Red Stripe c’est du piss water. Jagger s’assoit à côté de Ron et met le pied de sa chaise sur celui de Ron. Ron s’écarte. Ça recommence une deuxième fois. Au bout de trois fois, Ron comprend que ce n’est pas accidentel. Il se dit : «Waow, c’est dingue, il y a ici le même genre d’enculés que chez nous !» Pendant ce temps, Dave discute le bout de gras avec Bill Wyman et charmé par Bill, il prend la décision d’arrêter la guitare pour passer à la basse. Playing bass could be cool ! En rentrant chez eux, Ron et Dave prennent une autre décision : ils vont se consacrer au rock. C’est définitif ! No turning back. On monte un groupe ! Bye bye normal world. Ils montent les Dirty Shames, avec Scott (le petit frère de Ron), et un mec nommé Bill Chetham. Ils tapent dans les Byrds («The Bells Of Rhymney») et le Sir Douglas Quintet («She’s About A Mover»).

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Et là on entre dans un nouveau chapitre de la genèse des Stooges : les visions. Celles d’Iggy et bien sûr celles de Ron. Comme chacun sait, Iggy commence par battre le beurre dans un collège band dont il parle très bien dans Total Chaos : The Iguanas. Iggy comprend très vite que d’autres gens battront toujours mieux que lui. Il part à Chicago jouer dans des groupes de blues et un jour il s’assoit au bord du fleuve avec un joint pour réfléchir - I had a brainstorm - «Et j’ai pensé que je pourrais prendre les mêmes thèmes, les mêmes attitudes, le même sens de l’espace pour en faire une musique urbaine blanche et délinquante.» Ce type de brainstorm en solitaire porte un nom : on appelle ça une vision. Il continue son brainstorm et se pose la question : «Avec qui pourrais-je bien partager cette vision ?» Il pense immédiatement aux frères Asheton qu’il connaît - Je voulais monter mon truc, et les deux seules personnes qui pouvaient me suivre étaient ces délicieux délinquants. Des school dropouts. Ils ont perdu leur père. Aucune discipline. Mais ils adorent la musique et ont du charisme - L’histoire a prouvé qu’Iggy voyait juste. Plus tard, au moment de Fun House, il aura une autre vision, telle que la rapporte Don Galucci : «C’est un album enregistré avec une approche qui n’était pas du tout conventionnelle à cette époque. Ils ne recherchaient pas le son produit, mais la restitution du son qu’ils avaient sur scène. Ils dégagèrent tout ce qui était lié aux techniques d’enregistrement, les panneaux d’isolation et tout ça, pour ramener leurs amplis face à face. Iggy ne voulait pas du son de studio qu’il avait sur le premier album. Pour éviter tout problème, il utilisa sa propre sono chant. Il eut aussi l’idée de ramener Steve MacKay pour donner encore plus de volume au son. Iggy prenait à l’époque du LSD quotidiennement et se montrait incroyablement créatif.»

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L’anecdote la plus marrante à propos de Fun House est sans doute celle des Doors, qui au même moment enregistraient Soft Parade, leur quatrième album, au même endroit. Jim Morrison épiait Ron qui traversait la rue pour aller acheter une bouteille de bourbon dans l’épicerie d’en face. Ron l’apprit lorsque l’épicier lui raconta le jour suivant que Jim Morrison était venu lui demander quelle marque de bourbon il avait achetée. C’est le genre de détail qui fait marrer Ron Asheton. Il apprit aussi que le miroir du studio était une glace sans tain et que Jim Morrison s’en servait pour épier les Stooges. «Alors que je perçais mes boutons, le roi Lézard me voyait, de l’autre côté du miroir ! God knows what he thought !»

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Ron cultivait lui aussi des vues intéressantes. The Psychedelic Stooges, c’est lui. Il demande l’autorisation à Moe Howard des Three Stooges d’utiliser le nom. No problemo - Yeah ! Use the name as long as you don’t have a comedy group or something - Ron allait aussi rendre visite à Larry Fine, un autre Stooge. Il lui amenait des cigares et du whisky. Raw Power ? Ron ne s’étend pas trop sur ce chapitre un peu trop compliqué. Pour lui, c’est le premier album solo d’Iggy. On n’est plus dans les Stooges - I didn’t play guitar. It belongs to James and Iggy - Quand après la fin des Stooges, Ron songeait à revenir dans le circuit, il joua un moment avec l’idée de monter un Stooges/MC5 hybrid avec Wayne Kramer, mais son plan échoua car en 1975, Brother Wayne se fit coffrer pour trafic de dope.

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En 1977, Ron occupait un appart à Los Angeles. Pas un rond. Pas de groupe. Il cherchait désespérément à redémarrer. Comme Iggy roulait sur trois pattes, on ne pouvait plus compter sur lui. Alors Ron mena l’enquête pour retrouver la trace de Jimmy Recca qui avait été le dernier bassiste des Stooges et il fit venir à Los Angeles l’ex-batteur du MC5 Dennis Thompson qui se rongeait le cul à la vinaigrette dans le Michigan. Ron exultait, il disposait d’une section rythmique explosive - A dynamite rhythm section ! - Ils se mirent à répéter, répéter, répéter. Bon les gars il faut trouver un nom. Pouf ! The New Order ! Bon, les gars, il faut trouver un chanteur. Pouf, des annonces ! Un petit mec se présenta, un certain Jeff Spry. Bonne voix. Ron jubilait. Good guy ! C’est lui qu’on entend sur l’A de The New Order paru en 1977 sur un label français. «Declaration Of War» et «Hollywood Holiday» sonnent bien le tocsin, mais c’est Jimmy Recca qui vole le show. Il faut l’entendre voyager dans le son. Wow, un vrai gamme-boy ! Mais Ron n’allait pas jubiler longtemps : Jeff se fit poirer au volant avec un gros nez rouge et des drogues dans le sang. Direction le ballon. Ron dut tout reprendre à zéro avec un autre chanteur, Dave Gilbert. C’est lui qu’on entend sur la B de The New Order. Pas du tout la même voix. «Rock’n’Roll Soldiers» est typique de ce rock des seventies mal chanté qu’on entendait sur des tas de disques de prog anglais, même si Ron veille à la densité du son. «Of Another World» flirte un moment avec le prog et soudain, ça décolle : voilà typiquement le genre de cut dont on ne se méfie pas et qui vient percuter l’occiput de l’undergut. Ron Asheton redevient le maître d’œuvre que l’on sait, il développe de beaux accents harmoniques chargés de captivants regains dramatiques. Eh oui, ce diable de Ron profite de cette occase en or pour jouer la carte de la mélasse.

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Bon les gars, faut qu’on se bouge le cul ! Pouf, la tournée ! Ron misait sur les références Stooges et MC5 pour attirer du monde, mais ça ne lui suffisait pas. Il voulait en plus du trash et il eut l’idée de monter un plan killer : il engagea un faux tueur qui après une altercation allait abattre le groupe sur scène. Calibre chargé à blanc et poches de sang. Pour faire bonne mesure, Ron rajouta un fausse cervelle, histoire d’horrifier les gonzesses du premier rang. Après l’échange d’insultes prévu - Motherfuckers ! - le killer fit feu, pif paf, Ron et les autres s’écoulèrent avec de la cervelle partout, panique générale dans le club et descente de flics. Ron se pâmait de rire, mais pas les flics. La réputation du groupe commença à enfler sérieusement et Kim Fowley vint proposer le jackpot à Ron en faisant venir lors d’un prochain concert son contact chez Mercury et un gros tourneur américain. Le concert eut lieu au Starwood, à Los Angeles, en présence du showbiz. Sold out ! Dave Gilbert arriva sur scène, bwwaarg, bwwaarg, incapable de se souvenir des paroles. What the hell ! Can’t sing ! Viré ! Fin du jackpot. End of the New Order. Ron rentra à Detroit la queue entre les jambes. Comme il avait emprunté du blé à un usurier, il avait tout perdu : ses disques, ses fringues, ses guitares et des objets nazis. À poil. Mais comme il le dit si bien, from bad comes good : cette sublime déconfiture allait lui permettre de rencontrer Niagara.

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Il existe un album de démos de New Order qui s’intitule Victim Of Circumstances. On entend Dave Gilbert ruiner le morceau titre avec son chat perché. Mais dans «Sex Drive», Ron s’amuse comme un fou. Il semble même s’accommoder de l’horrible chat perché du pauvre Gilbert. Pendant qu’on va pisser un coup, Ron passe une petite vrille en loucedé. C’est encore Jimmy Recca qui fait le show sur «1975 No Taboos». Dommage que Gilbert chante si mal. Ron améliore l’ordinaire comme il peut. Il faut le voir noyer «Sidewinder» dans les clameurs et partir en maraude. C’est un guitariste extraordinairement inventif et mobile, il déboîte toujours sans prévenir.

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Au début des années quatre-vingt, Ron part jouer an Australie avec Dennis Thompson et les mecs de Radio Birdman. Ils baptisent leur conglomérat New Race et un album live paraît en 1982 : The First And The Last. Tous les stoogés du ciboulot se sont jetés dessus, bien sûr. Mais ils se sont très vite aperçus que les compos de Tek ne fonctionnaient pas. Trop prétentieuses, tout le contraire de Ron. Forcément ça coince. «Gotta Keep Movin’» sonne très MC5, mais il faut se farcir des cuts comme «Breaks My Heart» ou pire encore «Sad TV», ce mauvais rock qui a coulé tant d’albums dans les années quatre-vingt. Et puis soudain, la vie reprend tout son sens avec «Loose». Ron sonne le glas et fait la différence, lookout ! Le pauvre Rob Younger doit faire son Iggy, mais il lui manque l’essentiel : la voix. On est down under, poor Rob tente le tout pour le tout, et derrière, Ron se marre, le deep inside n’est pas bon, alors que fait Ron ? Il part en vrille miséricordieuse pour cacher la misère et Dieu nous est témoin que ça gicle dans tous les coins. Ron enchaîne avec «November 22 1963», un cut composé en souvenir du killing de Kennedy et qu’on retrouvera dans Destroy All Monsters. Assis à l’arrière de la décapotable, Kennedy prend une balle en pleine tête, avec une Jackie all over his brains. Très ashetonien comme formulation et en prime, ça swingue. Comme Ron a de la suite dans les idées, il revient à l’un de ses vieux fantasmes : combiner les Stooges avec le MC5, alors wham bam ! Voilà «Looking At You». Pour rendre hommage à Brother Wayne, Ron nous plonge dans la friteuse du MC5. L’album se termine avec «Columbia». On y voit Ron monter un mur du son à mains nues. «Columbia», «Loose» et «Looking At You» sont les trois raisons d’écouter cet album. Tek qui est alors dans l’armée offre à Ron les fameuses tenues de camouflage qu’il continuera à porter jusqu’à la fin, à la ville comme à la scène.

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Autre petite parenthèse : en 1992, Ron revient jouer à Los Angeles avec The Empty Set. Aux yeux de Len Fagan, Ron réanime tout simplement le spirit des Stooges, quinze ans après la fin du groupe. L’album Tim Slim & None/Flunkie en témoigne. Fagan se demande même ce que serait devenu le monde si Ron avait pu donner une suite aux deux premiers albums des Stooges. Michael Davis fait partie de l’aventure et dès «Roman Holiday», Ron voyage dans le son, il balaye tous les doutes. On le voit sauver les meubles de «Same Boat» à coups de démesure. Il passe par derrière les cuts et leur rectifie le portrait, un par un. Dommage que Ron Devore chante si mal. Ron doit jouer en suspension pour contrebalancer l’absence d’iguane. Il plane comme un vautour sur le medley «Don’t Know/1969», il redevient le son du son, c’est-à-dire le fils du dieu Son, il file dans l’au-delà de la disto, il liquéfie l’oh mind ouh ouh et envoie tout balader dans le cosmos. Sur la partie live de l’album (Flunkie), Ron attaque son vieux «TV Eye» avec une violence terrible. C’est ce qu’on appelle dans les bas fonds une version au vitriol, l’une des versions définitives.

Ron passe les années quatre-vingt dix dans deux groupes, Dark Carnival et Destroy All Monsters. L’ex-bassman du MC5 Michael Davis fera encore partie de l’aventure. Profitons de cet épisode pour tracer un parallèle entre John Lennon et Ron : Lennon se maque avec Yoko Ono et Ron avec Niagara. Ce qui nous donne deux couples éminemment destructo-créatifs.

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En imposant la présence de Yoko Ono dans le cercle magique des Beatles, John Lennon provoqua une belle catastrophe. Il suffit de voir Yoko chanter dans le Rock’n’Roll Circus des Stones, tourné en 1968 et commercialisé trente ans plus tard. Les Stones avaient invité la crème de la crème du gratin dauphinois, Lennon, Clapton, Taj Mahal, les Who, l’early Jethro Tull. Tout allait bien jusqu’au moment où Yoko Ono apparut, accompagnée de Lennon, de Clapton et du violoniste Ivry Gitlis, pour, comment dire, pas chanter, mais crier un truc débile qui s’appelle «Whole Lotta Yoko». «Ferme ta gueule !», criaient les gens devant leur télé, mais elle n’entendait pas. Son cri est tellement strident qu’il fait mal aux oreilles. C’est une simple provocation. Cette séquence permet d’imaginer ce qu’ont pu endurer les trois autres Beatles. Yoko traînait en permanence dans le studio. Ils ne pouvaient plus la schmoquer. Lennon voulait sans doute trancher avec l’aspect commercial de la beatlemania. Il s’intéressait de près au trash arty, celui de l’art moderne et des happenings dont Yoko Ono s’était fait une spécialité dans les galeries d’art londoniennes.

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Et c’est là où le parallèle avec Ron Asheton saute aux yeux. Comme Yoko, Niagara vient du monde de l’art moderne. Elle s’est taillée une réputation d’artiste scénique dans le milieu universitaire de Detroit, elle fait des performances, elle peint et publie des choses très graphiques. Le portrait de Ron en couverture du livre de Wombat, c’est elle. Elle œuvre au sein d’un collectif. Elle monte sur scène avec des musiciens. Évidemment, elle chante comme une casserole. Mais c’est pas grave. Ron Asheton débarque un jour dans le collectif. La démarche arty du collectif l’intéresse. Il aura éventuellement une liaison avec Niagara qui est plutôt sexy. Elle n’hésite pas à se produire sur scène dans des tenues suggestives : lingerie noire, bas résilles et cuissardes. Le book de Wombat regorge d’images de Niagara en petite tenue. Qu’elle chante comme une casserole, ça ne gêne pas Ron. Au contraire, ça semble même l’amuser. D’autant plus qu’il vient de se séparer du meilleur chanteur de rock de l’époque, Iggy Pop. Comme Ron a toujours eu un faible pour le trash et les crazy motherfuckers, accompagner Niagara sur scène lui convient parfaitement. Le contraste est terrible. Les fans des Stooges qui le suivaient à la trace ne comprenaient plus rien. C’était le monde à l’envers.

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Leur groupe s’appelle Dark Carnival. Ils commencent par sortir un album live qui en a tétanisé plus d’un à l’époque, parce qu’il propose deux reprises des Stooges complètement massacrées et deux reprises des Dead Boys chantées par Cheetah Chrome d’une voix de soudard ébranlé de la cervelle, cette voix blanche qui fait rire dans les films comiques, et qui fout les jetons dans les bars mal fréquentés. Franchement, ce live n’est pas celui qu’on emporte sur l’île déserte. Pourtant, le premier morceau est intéressant. «Here It Comes» sonne comme une stoogerie d’ambiance funeste. Puis Ron envoie gicler ses rivières de notes dans «Price Of Admission». Le morceau accroche bien. Pourquoi ? Parce que Niagara ne chante pas. C’est aussi bête que ça. Mais les choses se corsent avec une petite série de compos Niagara/Asheton : elle arrive en gueulant. Si on aime le trash, ça va. Si on ne supporte pas d’entendre une gonzesse chanter faux, alors ça devient horriblement compliqué. Niagara fait sa lionne de train fantôme. Elle chante avec des éclats rouges. La reprise de «Wanna Be Your Dog» dépasse l’entendement et bat tous les records de trash, y compris ceux de John Waters. Ron tente alors de calmer le jeu en attaquant délicatement «TV Eye». Derrière lui, ça joue. Niagara entre là-dedans comme dans du beurre et ça devient atrocement déviant. Elle chante tellement faux ! Ron se venge. Il met le turbo. Il n’a jamais aussi bien joué. Tous les fans de Ron Asheton doivent écouter cette version de «TV Eye». Derrière lui roule un bassman énorme nommé Joe Hayden. Toujours ce gros son sur «My Best Friend». Niagara arrive là-dedans comme Babar dans un jeu de quilles. S’ensuivent les reprises des Dead Boys. Niagara se jette dans «Ain’t Nothing To Do». Ça donne un trash qui dépasse les bornes du trash, atroce et juteux, à l’image du jus qui coule du fruit trop mûr qu’on écrase dans sa main. Ron remet le turbo. Il se marre. La pire chanteuse après le meilleur chanteur du monde, il fallait oser ! Ron envoie deux fois plus de purée qu’à l’ordinaire et les choses prennent une tournure monstrueuse. Autre reprise diabolique : «I’m Loose». Niagara plonge dans le fleuve de lave que vomit la guitare de Ron. Elle hurle tout ce qu’elle peut. C’est tellement atroce qu’on en pleure. Et Cheetah Chrome vient achever ce Welcome To Show Business Live comme on achève un fusillé, d’une double balle dans la nuque : deux reprises des Dead Boys dont on peut largement se passer.

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Ron ne se dégonfle pas. Il continue son Dark Carnival. Tous les fans le suivent comme des petits chiens, Ron va par là, alors on va par là. Ouaf Ouaf ! Oh, il va aussi par là ? Alors on y va aussi. Ouaf Ouaf ! Le deuxième album de Dark Carnival s’appelle The Greatest Show In Detroit. Il remonte bien le moral des petits chiens. Album superbe. On s’est hélas habitué à la présence de Niagara et Ron semble en pleine forme. D’ailleurs ça démarre avec une fantastique reprise du hit de Robert Calvert, «The Right Stuff», mais sans Niagara. La voici de retour avec un «Anyone Can Fuck Her» qu’elle prend au chat perché. C’est son truc. Comme elle va chercher ses accents très haut, Ron vole à son secours. Preux chevalier. Globalement, leur fourbi tient bien la route. Niagara crée une ambiance de voûte céleste trash. Elle revient à la charge avec un «Party Girl» bordé par Ron et par la basse funk de Joe Hayden. Scott Rock Action bat le beurre. Drôle de mix : du Ron, du funk et de la folle. Bien vu. Art Lyzack chante deux de ses cuts, «Streets Of No Return» et «Just Another Mystery». Il s’en sort avec les honneurs, car c’est du rock de Detroit solide comme une emboutisseuse de General Motors. S’ensuit une version du «No Right» des Stooges qui entre directement dans la postérité, grâce au bronze que coule Ron. Les grosses pièces se trouvent en B. D’abord un «Wanna Be Your Dog» que Niagara prend à l’exacerbée. Elle vise la grandeur tutélaire. Puis on tombe sur un «These Boots Are Made For Walking» en forme de coup de Trafalgar. Ron nous stooge ça jusqu’à l’os du crotch, il sort le Grand Jeu, il repeint la mine du roi Salomon, il tire à boulets rouges et démâte tous les vaisseaux de l’amirauté, il dévaste tout, absolument tout. Si on n’a pas encore compris qu’il était le plus grand guitariste d’Amérique, c’est qu’on a rien compris du tout. Avec le fatal «TV Eye» qui suit, on assiste à un phénomène extraordinaire : l’envol des Stooges sans Iggy. Scott bat comme un dieu viking. Apparemment, c’est Art Lyzak qui chante. Encore une bombe avec «Bomb For Whitey». Section rythmique de rêve. Les trois mamelles du Carnival : le beat de Scott Asheton, la basse de Joe Hayden et la rythmique de Ron. Ô puissances des ténèbres ! Ron boucle son bouclard avec un extravagant solo amazonien.

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The Last Great Ride n’a plus grand chose à voir avec les Stooges, hormis deux titres qui nous réconcilient avec la vie puisque Ron les riffe : d’abord «Cop’s Eyes», pur stomp stoogien de la première heure, groove unique au monde, digne du down in the street et du real cool time, binaire à souhait, dumbé jusqu’à l’os et wahté à la perfection, dans l’esprit du maybe call mom on the telephone. Puis «Bang», stompé sans pitié, tapé au beat mortel de la mortadelle, celui qui fit la grandeur des Stooges. Cette pièce s’ajoute au crédit du débit. Ron nous ramène au cra-cra de garage. LJ Steele bat comme un beau diable, d’une frappe bien lourde. On admire le big bassmatic de Peter Bankert. Pour Ron, c’est du gâteau. Rien ne vaut une bonne section rythmique. Niagara prend ses accents canaille, et pour une fois, on se régale. Quant au reste de l’album, c’est un peu lugubre. Niagara essaie pourtant de lui donner un certain élan. L’album est dédié à la mémoire de Lester Bangs. Long Gone John veille au grain, car The Last Great Ride sort sur Sympathy For The Record Industry, gage de qualité. Ron wahte «I Died 1000 Times» comme un fou. Il explore des contrées lointaines. Il se prend pour Marco Polo. Voyageur intrépide, il ne craint ni la mort ni le diable. Il relève les défis. Dommage que Niagara ait une voix si ingrate.

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Ron et Niag ont un autre groupe qui s’appelle Destroy All Monsters. Ils s’entourent d’autres musiciens et se consacrent à une musique plus expérimentale. Ron fait venir Michael Davis qui est au chômage technique. L’album Bored propose quelques cuts entreprenants. Hélas, la voix de Niagara ne s’arrange pas. On peut même dire que ça dégénère. Mais elle se bat. Elle sait que tous les fans des Stooges l’écoutent, alors elle se surpasse. On aurait aimé savoir comment l’aider à l’époque. Et puis soudain, un cut sauve l’album : «Meet The Creeper», monté sur un tempo stoogien. Ron scande «Meet the creeper», ça prend la tournure d’un hit planétaire, mais quand Niagara ramène sa fraise, tout s’écroule. Alors Ron reprend : «Meet the creeper ! Meet the creeper !» Il veut sauver son Creeper. En vain. Niagara n’en finit plus de ruiner ses efforts. Ça devient un jeu - Do me a favor.

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Pas la peine de suivre Destroy All Monster à la trace. Leur parti-pris est celui d’un projet expérimental. Ils font de l’anti-rock, un mélange d’arts graphiques, de vidéos et de bruitisme. Dans ces cas-là, il vaut mieux aller faire un tour ailleurs. C’est un peu comme si on visionnait un film expérimental sans les images. Il faut se débrouiller avec une espèce de bande-son, comme c’est le cas avec Silver Wedding Anniversary, le live du Reunion Tour de 1995, mais sans Ron Asheton. Niagara se retrouve entourée de trois mecs (Mike Kelley, Cary Laren et Jim Shaw). Pour paraphraser le Professeur Choron, on s’y fait chier comme un rat mort. Niagara harangue le public, elle fait sa folle primitive, mais ça ne marche plus. Le seul morceau écoutable de ce disque pourtant sorti sur Sympathy est «That’s My Ideal», chanté trash par l’un des mecs du groupe et on se fout de savoir qui c’est. Abandonnons Niagara à son destin et félicitons-la d’avoir partagé l’intimité de Ron Asheton. Comme Yoko Ono, elle a réussi à se faire un nom dans l’histoire du rock, peut-être pas de la façon la plus orthodoxe qui soit, mais en ayant partagé la vie d’un géant, elle mérite sa part de légende.

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Rebondissement spectaculaire : Munster sort en 2015 un fantastique coffret blanc intitulé Destroy All Monsters. Une vraie bombe ! On y retrouve les deux époques du groupe, avant et pendant Ron Asheton. L’avant Ron est un peu difficile, comme le montrent «I Want To Live» ou «Magic Bag», shoots de garage en forme de visites de mondes perdus, que la pauvre Niagara chante atrocement mal. «The Queen» est même monté sur les accords de «Gloria». Mais à partir du moment où Ron arrive, ça devient fascinant. Il joue «You’re Gonna Die» à la note tirée et revient sur le killing de Kennedy avec «November 22, 1963». On retrouve aussi l’excellent «Meet The Creeper». Le creeper, c’est Ron - Creeper/ Meet the creeper - Et il le solote all nite long. Avec «What Do I Get», tout s’électrise. Michael Davis pousse à la basse. Ils repartent du bon pied avec «Nobody Knows». Niagara chante comme une casserole, mais Ron joue killer comme au temps des Stooges. Il n’a rien perdu de sa stupéfiante hardiesse. Avec «These Boots Are Made For Walking», Ron augmente la mise. Il tape dans l’extatique. La pauvre Niagara chante si mal qu’elle ne se rend plus compte de rien. Ron explose tout au riffage et il part en vrille comme ce Stuka que vient d’abattre la DCA anglaise. Zwwwwwwwawkkk ! Une stoogerie de plus. Tiens, encore une : «Anyone Can Fuck Her». Pour une fois, Niagara ne chante pas trop faux. Ron fait les chœurs. Riffs d’Ann Arbor. Il est LE son. Puis il embarque «Enough Is Enough» pour Cythère en solotant comme un crazy motherfucker. Pur Detroit Sound ! Dommage que Niagara ne soit pas aussi douée qu’Iggy. Mais ça fait partie du jeu. Ron se marre. Nouveau festival avec «I Just Wanna Be Sleepy» ! Ron casse la baraque dès l’intro. Il crée les conditions de l’exaction. Dans les tranchées, Ron ne fait pas de prisonniers. Il les grille tous comme des saucisses. On entend même Ron et Michael Davis se battre à coups de basse et power-chords. Avec «Bored», ils nous offrent l’une des intros du siècle. Ils vont au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. C’est bom-bar-dé de son. Le MC5 rivalise de sauvagerie avec le Stooge. Ron repart en vrille, c’est plus fort que lui. Il est certainement le plus beau killer de l’histoire du rock, et ça, on le savait dès le premier album des Stooges. L’énorme «Party Girl» qu’on entend là est enregistré live à San Diego. Michael Davis joue en solo, et derrière, Ron lâche sa purée, tout ça sur fond de chœurs malades. Ces gens-là brûlent tout sur leur passage. Ron part en solo sur un tapis de rave de basse. Le son ! Good Lord, le son ! Ron repart à l’aventure, il ne vit que pour ça. Beautiful beast ! Un riff définitif emporte «Little Boyfriend». Ça monte vite, très vite en température. L’über-Ron y veille. Il claque tout à l’accord lance-flamme. Retour au legendary stuff avec «The Right Stuff». Ron défonce la rondelle de cette énormité à coup de solo pulvérisateur. Lui et Michael Davis drivent ça aux pulsions fondamentales. Ils ne génèrent que de la fournaise. Ron joue ce cut à la dementia carabinatus. Pendant qu’il part dans son délire de vrille, le pouls du cut continue de battre comme si de rien n’était. Alors Ron monte au chant avec Niagara et les voilà en transe ! Ce «Right Stuff» est avec celle de Monster Magnet la version définitive.

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Ron et Niagara vont vivre ensemble un certain temps, puis elle finira par se marier avec le Colonel Galaxy, l’ex-pilote automobile qui manage le groupe. Comme il a encore des connexions dans le monde automobile, il branche Ron sur un boulot bien payé : livrer des Porsches et d’autres bagnoles de sport à travers les États-Unis pour le compte d’une boîte. C’est payé 125 $ par jour et tous les frais sont pris en charge. Tous les frais ? T’es sûr ? Oui, trois repas par jour, dans les restos de ton choix. Ce sont les restos qui intéressent Ron. Alors le Colonel et Ron deviennent the Gallopping Gourmets, une sorte de gang trash. Ron aime la bonne gamelle et s’en met plein la panse. Il s’arrête dans les meilleurs gastos d’Amérique. En partant de Detroit, il faut compter quarante heures de route pour atteindre Los Angeles. Quinze heures pour atteindre New York. Il fait ça pendant deux ans, de 1987 à 1989.

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Ron fait aussi du cinéma. Et là ça devient assez drôle car il peut renouer avec ses racines, the crazy motherfucker & The Three Stooges. Il commence par jouer dans Frostbiter - Wrath Of The Wendigo, un film d’horreur underground. L’action se déroule dans les bois du Michigan où rôde justement Wendigo, l’esprit des bois. Ron et les autres personnages vivent dans une caravane. Ce sont des vacanciers. Une nuit, Ron aperçoit Wendigo rôder dans les bois. Il revient à la caravane et déclare : «It’s big, man, real big !» Ce qui plaît infiniment au réalisateur Tom Chaney, sensible au génie trash de Ron. Dans Hellmaster de Douglas Shulze, Ron joue le rôle d’une nonne diabolique baptisée Mama Jones. Schulze pense que cet insane role ne peut convenir qu’à une insane rock’n’roll guitar legend, et il ne se trompe pas. Ron a du charisme. En plus, il ne la ramène pas. Il sait rester low key. Ça plaît beaucoup aux gens du cinéma. Tom Chaney refait appel à lui pour Mosquito. Ron y joue le rôle du Park Ranger Hendricks. Des moustiques ont sucé le sang d’un extra-terrestre mort et s’en vont semer la terreur, ce que les Anglais appellent un gory rampage. Ron joue ensuite dans Legion Of The Night de Matt Jaissle. Un certain Professor Bloom travaille sur la régénération des tissus des morts et bien sûr, il crée des super Zombie Killers. Dans ce film, Ron joue le rôle de Russell, l’assistant du Professor Bloom, cousin éloigné du Professor Von Bee.

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Côté musique, c’est le calme plat. Appelons ça le calme avant la tempête. En 2001, J. Mascis monte the Stooges Project avec Mike Watt et les frères Asheton. Ils tournent pas mal aux États-Unis et embauchent chaque soir un nouveau chanteur. Quand Iggy entend parler de ce Stooges Project, il reprend contact avec Ron. Il l’appelle pour lui demander si ça l’intéresse de venir jouer sur son album Skull Ring. Pas si simple. Ron n’a pas vu Iggy depuis 25 ans. Mais bon, Ron n’est pas rancunier, c’est même un gentil mec et il descend voir Iggy chez lui en Floride - I was a little nervous - Ron est un peu nerveux, Iggy le sent et le met tout de suite à l’aise. En quelques minutes, tout rentre dans l’ordre. Le cauchemar de Raw Power est oublié. Skull Ring fait le carton que l’on sait. Paru en 2003, Skull Ring pourrait bien être l’un des meilleurs albums d’Iggy, car c’est une sorte de retour aux sources, c’est-à-dire aux Stooges. Le festival commence avec «Little Electric Chair». Iggy y pousse des cris de jouissance. Ron et Scott l’accompagnent et ça claque des mains comme au bon vieux temps de «No Fun». Iggy renoue avec ses yeahhhh d’antho à Toto. Ron semble jouer son va-tout. Il dote aussi le morceau titre d’un solo magistral. On se croirait dans un film de Tarantino. C’est un cut frénétique, monté sur le riff ultime. On retrouve les Stooges dans «Loser». Iggy dit qu’il ne peut plus continuer à vivre. Ron joue comme un démon, en suspension. Il prend un solo oblique qui entre dans le cut comme dans du beurre. Par contre ce sont les Trolls qui accompagnent Iggy sur «Perverts In The Sun», une belle pièce de dementia à la Raw Power, puis sur «Whatever», une espèce de grosse pop épaisse chargée de bonnes doses de destruction massive. Iggy l’éclate aux cris d’orfraie. Il renoue avec le magistère définitif. Ce sont aussi les Trolls qui accompagnent Iggy sur «Blood On Your Cool», mais ils foirent tous les ponts.

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Tiens, puisqu’on est dans les retrouvailles, Scott Morgan invite Ron à venir jouer dans Powertrane et un superbe Ann Arbor Revival Meeting paru en 2002 (et tout juste réédité) témoigne de ces retrouvailles bénies de dieux. Ron Asheton glisse 5 jetons dans la fente : «1969», «Wanna Be Your Dog», «Down In The Street», «No Fun» et «TV Eye». Ron match. Boom ! Scott fait son Iggy et il le fait bien. Ron joue sa meilleure carte, celle du génie imputrescible. This is the Ron stuff. Le cocktail Ron/Powertrane est aussi explosif que celui du Sonic’s Rendezvous. Mais on peut aussi écouter les autres cuts : Scott tape un «Ready To Ball» écrasant de supériorité. On admire l’extraordinaire architecture du smashing dévastatoire, c’est riffé à la féroce et gueulé par dessus les toits. Un guitariste nommé Robert Gillespie incendie la ville d’un coup de killer solo flash. Lost in Ann Arbor with the Detroit Blues again. «Blood From A Stone» démet quelques vertèbres. Ces mecs jouent à outrance. S’ensuit un «Taboo» qu’on va retrouver sur l’autre album de Powertrane, un blast de white hot Soul. Ils tapent aussi dans le répertoire du Sonic’s Rendezvous avec «Earthy», un cut qui ravale la façade du rock, qui la nettoie au chalumeau. Tout est très dynamique sur cet album. Scott repart toujours fièrement au combat et il semble que sur scène, le son soit encore plus explosif qu’en studio. Il tape aussi une magistrale version de «Love & Learn» et donne l’extrême onction à «What Gives». Ils jouent ça à la nowhere man de no limit. Scott s’en revient hanter les remparts de «Dangerous», tel un héros du moyen-âge risquant sa vie à chaque seconde. Mais dans l’underground, la vie d’un héros ne compte que pour du beurre.

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Comme un parfum de reformation des Stooges flotte dans l’air, les renards du désert quittent leurs terriers pour partir en chasse. Les organisateurs du festival de Coachella contactent le bureau d’Iggy et proposent une grosse valise de billets pour UN concert de reformation des Stooges. Okay. Pose la valise ici. Iggy fait confiance, il ouvre jette un coup d’œil sur les billets. The deal is done. Mais le soir du concert, Ron a l’impression de monter à la potence. C’est risqué. Les Stooges n’ont plus vingt ans - It was either going to glory or hell - Quitte ou double ! Mais comme ils jouent tous leurs classiques, c’est-à-dire les deux premiers albums, ils passent comme des lettres à la poste. Iggy réalise que le groupe n’a jamais été aussi bon et dans la foulée de Coachella, il propose à Ron et Scott de reformer les Stooges pour de bon. Mais attention, Ron veut que ça soit à parts égales. Il ne veut pas revivre le cauchemar de Raw Power, lorsque les frères Asheton étaient payés pour accompagner Iggy. Pour Ron, il s’agit des Stooges et non d’Iggy & the Stooges. C’est bien clair ?

L’incroyable de toute cette histoire, c’est que Ron et Scott ont vécu quasiment toute leur vie dans une forme de précarité. Ron n’est pas dépensier, donc il a su maintenir un train de vie minimaliste qui lui a permis d’éviter de se lever le matin pour aller bosser. Par contre, Scott a une famille à nourrir, donc il doit aller au chagrin, le plus souvent comme chauffeur de taxi. Alors bien sûr, quand le blé de la reformation des Stooges arrive, c’est l’Amérique ! Ils n’ont jamais palpé autant d’oseille ! Pour la première fois de sa vie, Ron peut s’acheter une bagnole. Le Colonel Galaxy raconte qu’il passe des week-ends au bord du lac avec Ron. Ils pique-niquent en se payant du pain et des fromages qui coûtent la peau des fesses, il s’offrent les meilleures bouteilles de vodka et de whisky. Avec la reformation des Stooges, Ron empoche 100 000 $ par concert. Avant ça, il se faisait péniblement 10 000 $ dans l’année. De la même façon que Lemmy, Ron commence à se payer de vrais objets nazis de collection. Il vit encore là où il a toujours vécu, sur High Lake Avenue, mais il achète à sa poule Dara une maison dans le voisinage. Il s’achète aussi une cabane de plage à Lake Huron, où il peut se planquer pour guetter Wendigo.

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C’est l’époque des shows du grand retour dans le monde entier, avec en France un Bol d’Or et surtout un Zénith qui va rester aux yeux des fans l’équivalent de ce que fut la découverte du Graal pour les chevaliers de la Table Ronde. Petite cerise sur le gâteau, Skydog sort Telluric Chaos, en écho au Metallic KO d’antan. C’est enregistré au Japon et ça part sur les coups de cymbales de Scott. Aw look out ! Baaam, «Loose» ! Ron entre dans la danse. C’est resté intact. Ron part en maraude de wah. Il redevient le pape des kids et joue avec d’antiques férocités. Ces démons enchaînent avec «Down In The Street» - No wall ! No wall ! - Ça n’a pas pris une seule ride. Ron is on the run. Il attaque «1969» à la wah - Awite ! - Iggy salue les kids de 1969 all over the USA, bien épaulé par le bassmatic de Watt. Wow ! Ron krakatoate dans un ciel rouge de wah. Iggy annonce alors a fucking animal song : «Wanna Be Your Dog». Idéal pour faire chanter quelques dizaines de milliers de Japonais. Ce double album fonctionne comme un roman d’aventures. À peine est-on sorti du tome 1 qu’on se jette sur le tome 2 pour savourer la fantastique riffalama de «TV Eyes». Tout repose sur le Ron way qui est une authentique diabolisation des choses et sur l’attitude fabuleusement punkoïde d’Iggy. Il se fond merveilleusement bien dans cette mélasse mirifique. Power & style, comme dans le cas des Heartbreakers, avec le poids des antécédents en prime. Pour déconner avec les métaphores, les Stooges pourraient incarner une machine de guerre du moyen-âge, haute et lourde, en bois clouté, qui avance en couinant (la wah) au rythme des tambours de guerre (Scott), that’s right, «Real Cool Time», la légendaire B-side de «1969», come over tonite ! S’ensuit le hit parfait, encore plus parfait que les précédents, «No Fun», taillé pour traverser les siècles. Quand on sera tous enterrés, des kids danseront encore sur «No Fun», with nobody else. Les Stooges sautent d’un an dans leur calendrier pour «1970». Ron ouvre les digues. Pure folie. Il libère cette stoogerie qui déferle sur le Japon et Iggy qui ne craint pas la mort se jette dedans. Il est avec Jerry Lee et Lux Interior le plus beau specimen de hellraiser américain. Steve MacKay porte la stoogerie à ébullition. C’est du feel alrite de fin du monde. Le tome 3 s’ouvre sur «Fun House» - Ouh ! Watt : Ouh ! MacKay : Ouh ! Iggy tente d’ériger «Skull Ring» au rang de classique imputrescible à coups de Skull ring/ Fast cars/ Hot chicks/ Money et tout se casse la gueule avec «Rock Star». Ron ne peut pas passer sa vie à faire des miracles. Il essaye aussi de sauver «Electric Chair» en grattant des atonalités métaboliques. Mais ça ne décolle pas. Trop lourd. Ils explosent le dernier tome avec le heavy groove de «Little Doll», l’un des grooves les plus heavy de l’histoire des heavy grooves. Ils retapent dans «Wanna Be Your Dog» pour récupérer la clameur de la ville et finissent avec «Not Right». Il faut tendre l’oreille car c’est le dernier grand solo d’un géant des temps modernes. Ron wahte pour l’éternité.

Comme le fait de son côté Marc Zermati, Ron rappelle qu’Iggy doit absolument tout au public européen - Europe has always been Iggy’s bread and butter - «Oh boy, les Européens, spécialement les Français, sure love the Stooges.» Et il ajoute avec cette candeur extraordinaire qui le caractérise : «C’est génial de jouer pour des gens qui connaissent les paroles des chansons. Quand Iggy chante ‘Now I wanna’, il tend le micro au public qui répond ‘Be your dog’. Très poilant !»

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Dernier chapitre de la genèse des Stooges : il enregistrent en 2007 The Weirdness. Ce nouvel album ne plait pas aux fans. Le Colonel indique que les cuts sont ceux que Niagara ne voulait pas enregistrer avec Dark Carnival. Selon lui, il s’agit des épluchures de patates. C’est vrai que dans l’ensemble, The Weirdness sonne comme un album solo d’Iggy Pop raté. Les frères Asheton ont beau batailler sur «Trollin’», le cut ne passe pas. C’est même très mauvais. Même chose avec «You Can’t Have Friends». Rien à voir avec les Stooges. C’est même assez catastrophique. Bad Pop stuff. Il faut attendre «My Idea Of Fun» pour retrouver un peu de ce son qui fit la grandeur des Stooges. C’est tiré par les cheveux, mais la grandeur revient. Ron recrée enfin les conditions de la stoogerie. Le grand shaman du sonic trash est enfin de retour. Il part même en vrille. L’autre miracle s’appelle «Greedy Awful People», claqué au clap-handy shot. Pur jus de stoogerie abdominale, Iggy s’enveloppe dans la cape de Saint-Martin et Ron balance l’un de ses meilleurs coups de wah. On voit Iggy tenter de recréer l’ambiance d’American Caesar avec «The End Of Christianity», mais ça foire complètement. On note aussi l’intervention de Steve MacKay dans «Passing Cloud», comme s’il volait au secours des Stooges en désarroi. Mais ni Ron ni Steve MacKay ne peuvent sauver un cut aussi foireux. Bye bye myth.

Ron n’en revient pas de voir les gens bouder The Weirdness. Ça lui coupe la chique. Il demande au Colonel :

— Mais que veulent les gens ? Ils veulent Fun House ?

— Ben oui !

Il n’aura pas le temps de refaire Fun House. Son cœur s’arrête de battre en 2009.

Signé : Rond Micheton

John Wombat. Ron Asheton. The Stooges, Destroy All Monsters & Beyond. 2019

Iggy Pop. Skull Ring. Virgin 2003

Stooges. Telluric Chaos. Skydog 2005

Stooges. The Weirdness. Virgin 2007

New Order. The New Order. Fun Records 1977

Ron Asheton’s New Order. Victim Of Circumstances. Revenge Records 1989

New Race. The First And The Last. WEA 1982

Dark Carnival. Welcome To Show Business Live. Revenge Records 1990

Dark Carnival. Greatest Show In Detroit. Revenge Records 1991

Empty Set. Tim Slim & None/Flunkie. Flipout Gramophone Foundation 1996

Destroy All Monsters. Silver Wedding Anniversary. Sympathy For The Record Industry 1996

Dark Carnival. The Last Great Ride. Sympathy For The Record Industry 1997

Destroy All Monsters. Bored. Cherry Red Records 1999

Destroy All Monsters. Destroy All Monsters. Munster 2015

Scott Morgan’s Powertrane. Ann Arbor Revival Meeting. Real O Mind Records 2002

ET POUR QUELQUES STOOGERIES DE PLUS !

DU MÊME AUTEUR :

Voir Ron Asheton et mourir : livraison 160 : 23 – 10 - 2017 ( sur krtnt.hautetfort.com )

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TROYES / 14 – 03 – 2020

3 B

AMHELL & HER BACKDOOR MEN

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La journée avait terriblement mal commencé. Une ignominie. Trois filles qui me posent un lapin. A 11 heures du matin, c'était OK ! '' Oui Damie, on tient nos promesses, on t'avait promis de venir exprès pour toi en Seine & Marne. Ce n'est pas un vilain corona virus qui nous empêchera de te voir'', mais deux heures plus tard, je pleurais à chaudes larmes ( de crocodile ), ''nous sommes désolées mais le concert est annulé !'' Maudit conard virus ! Combien de jours me faudra-t-il encore attendre pour entendre The Jinets, groupe fastueux qui regroupe les trois plus jolies filles du 77. En l'occurrence, Ady, Emilie et Vaness, que les lecteurs de Kr'tnt ! connaissent bien ! En plus elles n'étaient pas seules, elles emmenaient dans leurs bagages tout un lot de big boys, The Swinging Dices et le One Dollar Quartet.

Soyons un peu stratège me dis-je, si la route de l'ouest est bouchée, prenons celle de l'est. Bref le soir j'arrivais tout pimpant au 3 B, dans tous les cas il faut faire confiance à Béatrice la patronne, elle se débrouille toujours pour vous proposer des combos de qualité. Je ne croyais pas si bien dire.

AMHELL & HER BACKDOOR MEN

Une fille et quatre mecs. Je vous parlerais d'abord des four boys. Pour la simple raison que le set débute par un instrumental et que Amheel se tient sagement sur le côté. Et là franchement, c'est l'horreur horrible. Ce n'est pas du rockabilly ! Au mieux c'est du swing. Au pire c'est du jazz. Et vous savez dans ce bas-monde le pire est toujours certain.

Soyons juste, ne nous laissons pas emporter par la déception et le ressentiment. Ils ont un sax. Et un saxophone dans un orchestre c'est comme une lumière dans la nuit, une île salvatrice pour le radeau du naufragé... C'est rassurant. Ça vous met du baume sur le cœur déçu des rockers. Souffle un peu doux, Arnaud, non ce n'est pas l'aboiement rauque du rock'n'roll, mais cela s'écoute bien, à tel point que l'on oublie ses trois congénères...

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Et puis tout change. En fait tout continue comme avant. A la différence près que Amhell toute pétulante se plante devant le micro. L'évidence vous saute aux yeux. L'est comme chez elle. Aussi à l'aise dans cet univers impitoyable de rockers que dans son jardin mollement étendue sur une chaise longue à l'ombre d'un cerisier japonais en fleurs. Se moque un peu de vous, pour le début une chanson un peu jazz parce que nous on fait un peu de tout, du swing, du blues, du rhythm'n'bues mais pas vraiment de rock'n'roll - avec ce sourire qui signifie bande de macaques mal dégrossis – mais elle est déjà à moitié pardonnée.

Elle le sera tout à fait lorsqu'elle aura fini ses deux premiers morceaux, Till the well runs dry et Such a cutie. Apparemment deux chansonnettes aussi inoubliables que vos premières savonettes. En fait deux petites merveilles de Vynona Carr et de Big Maybelle - elle enregistra Whole shakin' on avant Jerry Lou – mais elle nous en offre des versions bien trop alanguies, exprès j'en suis sûr, vous connaissez ces espèces de blanchitudes déplorables de l'american entertainment, z'oui mais avec ce timbre de petite fille capricieuse, craquante, irrésistible, qui n'en fait qu'à sa tête, qui se joue de tout, de vous, de ses boys et d'elle-même. Et puis ce jeu, de poser sa voix où elle veut, un peu n'importe où, en équilibre, sur une terminaison instrumentale, et ce sourire espiègle, coucou je vous ai eu, tant pis pour vous, il faut suivre.

Alors comme vous êtes un peu récalcitrant à ce jazz de supermarché et que vous êtes tout de même séduit, même si vous ne voulez pas tout à fait vous l'avouer, vous la regardez. Robe noire, talons noirs, cheveux noirs, tout est noir chez elle, sauf cette blanche protubérance charnelle des seins engoncés dans leur corsage surmontée de la neige de ses épaules d'autant plus nues que pimentées de tatous colorés, vive, joyeuse, amitieuse, complice, pétillante, comédienne naturelle.

Les deux titres suivants allument le feu, She 'll be gone de Betty O'Brien, parce que les filles aiment leur liberté et King Size Papa de Julia Lee parce que les filles aiment les beaux mecs ( comme ceux qui essaient de me ressemler ). C'est-là qu'on s'aperçoit qu'elle a de sacrées pointures derrière elle. Je ne sais pas d'où elle sort ces musicos, mais ce n'était certainement pas des articles avariés en solde, alors Amhell la mutine badine, avec sa voix sucrée de profitérole elle en profite, elle jongle avec les lyrics, vous donne l'impression de les jeter au hasard, de s'en débarrasser au plus vite, s'amuse comme une petite folle, et plof pile-poil au bon moment, l'armoire à pharmacie est impeccablement rangée quand elle termine, alors elle éclate de rire, une cascade de notes aussi délicieuses que son ramage de merle moqueur.

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L'enchaîne sur un standard de Georgia Gibbs Silent Lips, et l'on se dit que l'on a de la chance, que ces lèvres ne vont pas rester silencieuses durant un bon bout de temps, eh bien non, elle nous sourit et nous annonce que l'on va avoir droit à un instrumental. Sont beaux ses accompagnateurs, avec leurs fringues impeccables, leurs cheveux bien peignés et parfois même une cravate, mais enfin... bon, on les écoute, juste pour lui faire plaisir.

Pour le nôtre aussi. Diable de guys, prenez par exemple Pascal avec sa grosse guitare, imprévisible le gars, pour le spectateur car lui il sait très bien ce qu'il fait, brutalement il vous balance une trille de notes, une poignée de louis d'or qui giclent de sa main de prince fastueux sur la table de la misérable auberge qui ne lui a offert qu'un vieux quignon de pain moisi, vous aimeriez qu'il répète ce geste de grand seigneur à l'infini, mais non subitement il se fait tout petit et rentre dans le background communautaire de l'orchestre, ces insupportables passages à vide du jazz où l'on pédale dans la choucroute... C'est alors qu'il faut prêter l'oreille à la contrebasse de Xavier. Non il ne slappe pas comme un sauvage des Appalaches, chaque fois qu'il tire sur une corde c'est comme s'il déchirait les pointillés qui séparent les timbres dans leur carnet, minutieux et rapide, une dent à chaque fois, mais avec une dextérité et une célérité étonnante. C'est lui qui impulse la sourdine diabolique, l'homme de l'ombre qui manipule l'élastique du swing sans remords.

Dans toute société vous avez toujours des saboteurs. Ici il s'appelle David. Son rôle n'est certainement pas d'entretenir la béchamel. Au début, vous n'y faites pas gaffe. Un fieffé filou. Ne sort jamais la grosse batterie – son set est d'ailleurs chichement fourni – des effets spéciaux, style largage abominable de bombes atomiques, pour lui c'est effets spécieux, minimum de moyens, maximum de rendements. Joue le rôle du petit caillou qui dévie l'avalanche, un coup sur le rebord de la caisse claire et un tintement de cymbale sont amplement suffisants pour casser le rythme. Pas besoin de faire sauter le barrage, une légère charge de plastic sur le bon pylône et la ville est privée d'électricité. Un virtuose du billard rythmique à douze bandes. Vous avez beau tirer la chevillette des hypothèses vous n'arrivez pas à prévoir le moment fatidique où la cassure cherra. Ce qu'il y a de fabuleux, c'est qu'avec sa frappe économique il parvient à faire du bruit. Pas du vacarme, non mais chaque coup porté retentit admirablement, l'a compris que si vous voulez vous faire entendre faut d'abord vous taire, que le moindre tapotement ou coup sourd de grosse caisse prend ainsi une ampleur titanesque. La collision inopinée de voiture qui bascule dans le ravin et bouscule votre week end.

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La diva revient. Amhell expédie Jeopardy et Scorched, d'une telle manière bondissante que vous avez envie d'aller sur le champ faire tinter les cloches de Notre-Dame, hélas c'est impossible d'y mettre le feu, c'est déjà fait, alors on suit Amhell les yeux fermés (ce dernier adjectif est un véritable mensonge, vous n'êtes pas obligés de croire tout ce que je dis ) elle nous emmène là où l'on ne pose jamais nos santiags, exemple à Stompin' at the Savoy, avec sa voix brut de pomme et de pétillance de champagne, son minois mignon d'enfant gâté qui vous tient par la barbichette et vous file une tapette mentale d'une petite phrase goguenarde. Les Backdoor Men – little girls understand - prennent la clef des champs et la poudre d'escampette interprétative, à chacun son petit solo, se repassent le bébé stylé dans la plus pure tradition jazzistique, je montre ce que je sais faire et laisse pressentir que j'ai encore des réserves. Si vous êtes sages, vous aurez une nouvelle distribution, mais ça se mérite. Le pire c'est que toute l'assistance commence à prendre goût à celle huile de foie de morue, et en redemande. En plus entre chaque titre ils entretiennent une étrange parlotte entre sketch désopilant et conciliabule de conspirateur pour savoir s'ils vont le jouer en fa ou en la.

Trois sets, la dose coutumière du 3 B. Mais ce sont des tricheurs, vous servent de ces tord-boyaux du temps de la prohibition, vous avez le cerveau qui cuit dans son jus à vous inscrire dans un cours de jiu-jitsu, beaucoup esquissent des pas de l'ours plus ou moins balourds, voire des lindy hop frénétiques. Y a des filles comme cela, elles vous tiennent dans les doigts de leur menotte, mais Amhell elle a une poigne de fer, vous domestiquerait un doberman enragé rien qu'en entrouvrant l'exquise framboise de ses lèvres. Les gars se rapprochent d'elle lui susurrent des choses dans la rose de ses oreilles, et alors même qu'elle est en train de chanter, elle sourit gentiment et les éloigne sans problème d'un geste de la main à peine esquissé, fiers comme Artaban, subjugués de n'avoir pas été renvoyés comme des chiens battus alors qu'ils n'ont rien obtenu. Elle va même réussir le miracle auquel aucun groupe – plus d'une centaine à ce jour – n'est parvenu, détacher les gars qui tiennent le bar – c'est alors que l'on s'aperçoit que par miracle il tient tout seul – pour les emmener devant l'orchestre. Amhell est un crockronar virus, une tarentule méphitophélesque, elle prend votre âme et pour la retrouver vous êtes contraints de la suivre.

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Ambiance survoltée. Le saxophone d'Arnaud n'est pas aphone, il flamboie sur tous les morceaux comme le pelage des biches qui se tiennent à l'orée des forêts pour absorber la dorure bienfaisante des soleils matinaux. Sait trompéter pour sonner la cavalcade du swing, mais ce qu'il préfère ce sont les interventions obliques, ces stratégies oblongues qui vous détournent le courant principal d'un fleuve tranquille pour le jeter dans des déclinaisons torrentueuses. Possède cette douceur traître qui vous entraîne sur les mauvaises pentes. Au bas desquelles se rejoignent étrangement les marlous du jazz et les matous du rock.

La fin du troisième set approche. Amhell qui nous a incité toute la soirée à combattre le mal viral et coronaire par des lampées de franches boissons alcoolisées nous prévient : attention David va surgir de derrière le rideau noir. Non ce n'est pas David le batteur, mais David le régisseur, qui jaillit en tenant avec une agilité diabolique un plateau et de l'autre une bouteille au contenu safrané, passe et offre – les volontaires n'ont qu'à tendre la main - un verre à goutte débordant d'une boisson magique. Du rhum ! Avec un goût prononcé de revenez-y, délectable, un moonshine strasbourgeois qui vous fait immédiatement aimer l'Alsace. L'on finit tous en chœur en chantant à l'unisson Ding Dong Daddy qui remonte à la nuit des temps. L'on s'en moque, ce soir we saw the light, elle s'appelle Amhell.

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Sûr on a un peu honte parce qu'elle durant trois heures nous avons oublié jusqu'à l'existence du rockabilly. Mais l'on s'en fout. Tous touchés par la grâce.

LOST PARADISE

Ne rêvons plus. Retournons à la dure réalité. N'oubliez pas de réviser votre leçon d'anglais : je rappelle : I am hell, you 're hell, She 's hell. Inutile d'aller plus loin. Maintenant qu'elle est partie, c'est ainsi qu'est devenue votre vie !

Damie Chad.

( Photos : FB : Béatrice Berlot )

 

DARK WAS THE NIGHT

GREGOIRE HERVIER

( Au Diable Vauvert / Février 2020 )

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Au Diable Vauvert est une des maisons d'éditions les plus innovantes de l'hexagone, son catalogue vaut le détour. Nous avions chroniqué dans notre livraison 336 du 06 / 07 / 2017 un des romans de Grégoire Hervier, Vintage. La figure mythique de Robert Johnson apparaissait déjà dans ce livre, au titre un peu racoleur mais à l'intrigue mouvementée. Dark was the night repose un peu sur le même schéma. Celui de la recherche de l'arche perdue du rock'n'roll, dans Vintage c'était La Moderne, la guitare de Gibson mise au point en 1957 qui ne fut jamais commercialisée. C'est un peu comme le mystère du Graal de Montségur, vous connaissez l'emplacement, vous n'avez qu'à creuser la montagne pour le retrouver... Cette fois-ci ce n'est pas un instrument que l'on recherche, mais un enregistrement, pas du premier venu, de Robert Johnson, n'insistez pas, vous possédez le coffret intégral, mais il s'agit du trentième morceau, que vous n'avez pas... Moi je sais où il se trouve. C'est explicitement expliqué à la fin de la nouvelle. C'est bête mais à cause du confinement actuel dû au virus mortel je ne peux aller le récupérer. Si vous voulez savoir et tenter votre chance vous n'avez qu'à vous procurer le bouquin. Entre nous soit dit sans vouloir me moquer de vous, à vue d'œil, je ne vous crois pas assez débrouillards pour cette tâche. N'y a que les terrestres extra comme moi qui réussiront. Ce n'est pas de ma faute si vous n'êtes pas naturellement doués.

Un lot de consolation vous est offert, Grégoire Hervier nous présente douze morceaux de blues selon lui indispensables. Le premier est : Dark was the night, Cold was the ground de Blind Willie Johson, le douzième : Dark is the night de Ry Cooder. Serait-ce une piste, le titre de ce bouquin n'est-il pas Dark was the night, vous brûlez, vous avez raison, vous avez trouvé ! De toutes les manières on ne prête qu'aux riches... Proverbe malheureux, ni Robert Johnson, ni Blind Willie Johnson, ni Robert Lockwood n'étaient fortunés...

Par contre Robert Johnson a bien composé Mr Down Child. Qu'il n'a pas enregistré. Ce qu'il y a de bien avec le blues c'est que dès que vous soulevez un lièvre vous trouvez un éléphant, et c'est aussi énormément touffu que le principe d'indétermination d'Heisenberg.

En tout cas ce mini-bouquin est une très belle introduction au blues. C'est le principal.

Damie Chad.

ABRACADABRA ROCK'N'ROLL

VINCE TAYLOR

OLIVIER LORQUIN

( Visible sur You Tube )

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Un court-métrage de moins de quinze minutes réalisé en 1976 par Olivier Lorquin. Vince dix ans après la dégringolade, serait-on tenté de sous-titrer. L'occasion bien sûr de voir quelques d'images d'archives – les fameux fauteuils renversés du Palais des Sports – et d'entendre Eddie Barclay donner sa propre version, un artiste incomparable, mais un garçon peu sérieux, qui s'y croyait, rien à voir avec ce bosseur de Johnny Hallyday... Le patron n'a surtout pas envie de se remettre en cause, l'est sûr que l'on ne gère pas Vince Taylor comme les petits français issus de Belleville. Il prononce pourtant la phrase la plus significative du film '' Ce qui est intéressant c'était la façon dont on a fait la promotion de Vince, auprès des gens de la haute société. '' l'on aimerait savoir comment, mais cela a sauté au montage, et quelques secondes après lorsque l'on revient à la suite de l'interview, il est en train de parler des concerts de rock qui parfois dégénéraient en émeute... L'idée ne lui vient pas de se demander s'il n'y a pas eu maldonne dès le début dans la gestion de la carrière de Vince Taylor, si l''on n'a pas laissé à Vince le temps de se tailler un public rock à sa mesure au lieu de l'enfermer dans une cage dorée. Vince a été lancé comme un produit, un coup publicitaire qui a mal tourné. L'on a offert à l'intelligentsia artistique un phénomène de foire, venez voir le grand méchant loup du rock'n'roll, approchez, approchez, n'hésitez pas à le caresser, il n'est pas méchant, mais il peut mordre, frissonnez et rassurez-vous, nous le tenons fortement par sa chaîne. Manque de chance l'adoption de Vince par les blousons noirs a brouillé le calcul promotionnel...

Les plus beaux moments du film sont ceux où Lorquin et Marc Zermati donnent la parole à Vince, certes Vince est un peu perdu en lui-même, enfermé dans la tour d'ivoire d'une mythologie rock, mais ses propos si l'on y prête attention sont emplis d'une cohérence logique à toute épreuve. Que l'on rapprochera des textes superficiellement les plus énigmatiques d'Alfred Jarry. Et puis quand il chante, c'est monstrueux, tout est là, sans effort, une espèce de désinvolture sérieuse, Vince donne l'impression qu'il se cite lui-même, je l'ai fait, je peux le refaire, et je le referai, n'importe où, n'importe quand, n'importe comment... En prime, une très belle prestation de Moustique.

OLIVIER LORQUIN ET LA CONNEXION MARSEILLAISE

Olivier Lorquin né en 1949 n'est autre que le fils de Dina Vierny qui fut la dernière modèle du sculpteur Maillol. Très logiquement il s'occupe du Musée Maillol. Mais ce n'est pas cet aspect de sa personnalité que nous tenons à couvrir. Entre 1980 et 1982 Olivier Lorquin a enregistré quatre quarante-cinq tours avec La Connexion Marseillaise. Ils valent le détour. Les collectionneurs de belles pochettes se jetteront dessus, elles sont dessinées, recto et verso par Franck Margerin. L'écoute est loin d'en être désagréable. Je ne sais pas pourquoi mais musicalement cela m'a rappelé au niveau de l'impact Larry Martin Factory – peut-être par association d'idées parce que Larry a travaillé pour Vince Taylor – mais avec un petit côté nettement plus typiquement frenchy vraisemblablement dû aux paroles qui nous plongent dans cet univers rock très symptomatique de l'imagerie nationale – filles, motos, dèche, fric et flambe - telle qu'elle fut constituée de break et de brock dans les années soixante et qui perdure encore dans l'inconscient collectif. Lorquin est au chant et se débrouille bien, réussit ce miracle de balancer sans bouffer les mots, un peu à la Lucky Blondo, mais nettement plus vigoureux et énergique.

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Discographie : Olivier Martin et La Connexion Marseillaise : 1980 : Le rock dans l'sang / J'ai un coup de cafard. 1981 : Martine tu déconnes / Coquine. 1981 : J'aime ma grenouille / Je suis un flambeur. 1982 : Le joker / Carnet de chèques.

Damie Chad.

 

INTERVIEW TONY MARLOW

sur RADIO INTEMPORELLE

14 / 06 / 2019

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Première fois que j'écoute Radio Intemporelle, disponible sur le net et qui revendique 300 000 auditeurs. Puisque Tony Marlow était dans nos livraisons 454 et 455, aucune raison ne s'oppose à ce qu'il soit présent dans la 456. Cette fois il n'est pas à la guitare aux côtés d'Alicia Fiorucci mais au téléphone pour une interview menée par Patrick Leveille, de près d'une heure, entrecoupée de quelques uns de ses morceaux, que ce soit avec les Rockin'Rebels ou plus tard dans sa carrière.

Patrick Leveille se révèle vite être un nostalgique des années 80, sans doute cette dilection entraîne-telle le déséquilibre de l'émission dont la moitié est consacrée aux Rockin'Rebels. Certes ce groupe formé par Tony Marlow a beaucoup compté pour sa carrière, notamment grâce à Branche Le Poste titre qui lui a assuré l'accès aux grands médias de masse. Ce qui lui a permis de réunir un carnet d'adresses qui a facilité la suite de la carrière lorsque la formation s'est séparée. L'on aurait aimé quelques détails de plus sur ses premiers groupes au lycée, et qu'il puisse s'étendre s'étendre davantage sur ses toutes premières influences, Johnny Hallyday, Eddy Mitchell – c'est Aldo Martinez l'ancien bassiste des Chaussettes Noires qui supervisera l'enregistrement de Branche le poste – Dick Rivers, et le coup de semonce du Come Back d'Elvis en 1969.

Nous connaissons Tony le guitariste, mais Tony aime à rappeler qu'il fut d'abord batteur et que ce fut la défection du chanteur Rémi Rice des Rockin'Rebels qui finit par le porter derrière le micro. Conséquence de la conséquence : le besoin d'un instrument pour ancrer davantage le chant dans les notes. Il se met donc à la guitare. N'emploie pas par hasard le mot travail, quand on l'entend jouer. Le Marlow il ne gratouille pas à la petite semaine, l'a bossé et étudié, il suffit de lire le Numéro Spécial de JukeBox Magazine consacré à l'analyse des grands guitaristes de la génération des pionniers ( + Brian Setzer, les Rockin' ouvrirent pour la tournée française des Stray Cats ) pour comprendre qu'il sait de quoi il parle et joue. Patrick Leveille nous fait entendre Get Crazy enregistré au Kaiser Studio avec Lucas Trouble à la console, faut écouter les deux fausses fins de ce morceau, le serpent sur lequel vous avez marché et qui vous a déjà piqué, qui se retourne encore deux fois, rien que pour vous faire comprendre qu'il n'est pas content. Un peu plus tard ce sera Hot Rod Special, Tony adore imiter les pétarades des engins à moteurs destinés aux propulsions rapides, je ne sais comment il se débrouille mais il ne se départit nullement d'un fondu mélodique qui ne fait qu'accentuer la tonytruance de sa guitare. C'est un peu pareil dans Week end in Memphis, mais là c'est la voix comme voilée d'ombre qui mélodise le rythme rock'n'roll du morceau. Faudra un jour se pencher sur la façon dont Tony construit ses titres. Vous filent entre les deux oreilles vitesse grand V, et vous adorez, mais c'est comme ces monuments qui s'imposent par leur beauté évidente. Si vous avez un architecte à côté de mieux, vous comprenez davantage 

la démarche créatrice des concepteurs. Nous sommes en 2019 et il annonce son projet blues-rock pour 2020.

Tony fait un rapide bilan de son existence, n'est pas mécontent de lui, il a vécu de sa passion, un privilège incomparable. Certes il regrette que les médias ne s'intéressent guère aux artistes qui émargent dans des courants qui ne sont pas mainstream. Il s'inquiète pour ces tas de musiciens ou de chanteurs doués – quel que soit leur style – qui sont dédaignés par les maisons de disques. La situation qui n'était pas non plus florissante dans les années soixante-dix et quatre-vingt s'est encore dégradée. Il a eu la chance de pouvoir enregistrer son premier quarante-cinq tours chez Skydog, le label de Marc Zermati. Comme par hasard nous épinglons le nom de Marc Zermati dans la chronique précédente Et comme le hasard fait bien les choses, Tony a aussi joué avec Vince Taylor. A croire qu'il n'y a pas de hasard dans le monde du rock'n'roll !

L'émission se termine trop vite avec cette impression d'avoir tout juste entrouvert le coffre au trésor pour le refermer séance tenante.

Précisions intéressante : les disques de Tony Marlow sont chez Rock Paradise de Patrick Renassia , 42 rue Duraton, 75 015, voir le FB et site de la boutique.

Damie Chad.

 

JUKEBOX MAGAZINE

( Avril 2020 / N° 400 )

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J'ai triché. J'ai commencé par la fin. Par la faute d'une fille. Evidemment. Pas n'importe laquelle. Alicia Fiorucci pour la nommer. Je regarde toujours ces chroniques sur les bouquins. Commente la bio de Brigitte Fontaine, de Benoit Mouchart parue au Castor Astral. L'on voit bien ce qui peut attirer Alicia Fiorucci chez Brigitte Fontaine, toutes deux aiment n'en faire qu'à leur tête. Je bois rarement de l'eau à cette Fontaine, mais son dernier titre dédié à notre président est des plus jouissifs.

J'avais acheté le journal pour la couve, la collection des douze albums de Johnny Hallyday, les plus terribles, d'après la votation de l'équipe du journal. Suis un peu déçu par le traitement de l'article. Je m'attendais à un minimum de deux pages sur chaque album, avec cette précision maladive de maniaque en laquelle consiste l'irrésistible attrait du magazine. 33 ou 25 centimètre n'ont droit qu'à une colonne d'un tiers de page !

Sont douze, chacun a choisi dans les cinquante albums enregistrés par Johnny. Grand triomphateur avec plus de trente points d'avance sur le suivant : Les Rocks les plus terribles. Et comme par hasard ( voir la chronique précédente ) l'on retrouve Tony Marlow, qui présente la merveille. Profitons bien de cette chronique marlowienne, c'est en effet pratiquement la seule qui se livre à une véritable analyse musicale de son opus maximus preferitus. Perso j'aurais mis en première position le numéro 2, présenté par Jean-Yves Billet, je vous en fiche mon billet - expression favorite de Long John Silvet l'inquiétant pirate de L'île au trésor -  Rivière... ouvre ton lit me semble la pierre angulaire hallydéenne.

Ce genre de classement est encore plus nocif que l'introduction du Corona Virus, il risque de semer le trouble et la désolation dans les familles françaises. Disputes, amitiés brisées, divorces, meurtres et assassinats menacent de conduire le pays à la guerre civile. A lire les douze contributions, l'on se dit qu'à part Tony Marlow et Jean-William Thoury qui explicitent leurs choix selon un argumentaire musical, tous les autres se laissent entraîner par une passion dévorante. Un peu pour Johnny certes, mais surtout pour eux-mêmes. Ce n'est pas qu'ils sont de purs égotistes qui n'auraient d'yeux que tournés uniquement vers leurs petites personnes, c'est que le disque de Johnny qu'ils ont choisi les ramène aux temps souverains et glorieux de leurs jeunesse, ces jours d'intransigeance passionnée que vous ne sauriez oublier sans vous renier... Johnny est parti en 2017, les douze disques commentés ont été enregistrés entre 1961 et 1975, huit sur douze dans les années soixante. Les statisticiens nomment cela des indices générationnels.

Bien sûr, il y a un curieux Judas parmi ces douze apôtres : François Jouffa. Les rockers se souviennent avec émotion de L'âge d'or du rock'n'roll qui au tout début de la calamiteuse décennie quatre-vingt indiquait le chemin à suivre. Il passe la première moitié de sa contribution à s'horripiler de l'horribilité de la pochette de Flagrant Délit. A l'en croire, la plupart des fans esthétiquement ébranlés par la laideur de cette horreur ne parviennent pas à écouter le disque en son entier, en style hugolien, la pochette était dans la tombe et les regardait, dans le troisième quart il reconnaît que Oh ! Ma jolie Sarah est un joyau mais il glisse très vite sur un sujet adjacent : les prochains disques de Johnny pris en charge par un unique compositeur.

L'on regrettera toutefois que Christizan Eudeline ait coupé court à son commentaire de la photo de Insolitudes, une préfiguration de la couve de So Alone de Johnny Thunders parue cinq ans après en 1978, l'était bien parti pour une méditation philosophique.

Il reste encore beaucoup à lire. Toutefois évitez les pages cinq et six. On se croirait au Père Lachaise, un véritable cimetière, Graeme Allwright, Ralph Danns, guitariste des Gladiators, Hector qui ne réussit jamais à être le Screamin' Jay Hawkins français, et Joey Greco, le flamboyant soliste des Rocks les plus terribles de Johnny, nous ont quittés... Comme dit mon ami Vince Rogers, c'est une génération qui disparaît... et à la page 7 rebelote sur la pelote mortuaire : Crazy Cavan et Kenny Linch... Sale temps pour les rockers !

Damie Chad.

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