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  • CHRONIQUES DE POURPRE 453 : KR'TNT ! 453: SCREAMIN' MONKEYS / ANDY LEWIS / THE TWANGY & TOM TRIO / WHO / TENDRESSE DECHIRANTE / CODICILLE

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 453

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR'TNT KR'TNT

    27 / 02 / 2020

     

    SCREAMIN' MONKEYS / ANDY LEWIS

    THE TWANGY & TOM TRIO / WHO

    TENDRESSE DECHIRANTE / CODICILLE

     

    Too much Monkeys business

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    Seulement deux 45 tours ! Les Screamin’ Monkeys préfèrent la raréfaction à la prolifération. Pas de danger qu’on les accuse de Ty-Segaller.

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    Leur premier 45 tours date de 2016 et vaut qu’on y fourre son nez car un hit s’y niche : «Cosmic Farmer». Ils amènent ça au heavy groove envenimé et après un superbe solo à la déglinguette bourguignonne, on les voit s’enflammer, c’est fuzzé dans l’âme à coups d’awite awite. Avec «Walk Alone», ils se prennent pour des Américains et ça leur va bien, ils ont de la rémona à revendre, hey hey ! Ils savent ouhater leur pré carré et cultiver une certaine forme de démesure. Ils passent au vieux shoot de garage fever avec «Makes Me Fever». C’est là où les singes sautent sur les archéologues pour leur dévorer les yeux. Quelle boucherie ! Leur fever sent bon la fièvre aphteuse, ils savent articuler leur shit, c’est admirable et intéressant à la fois, une belle énergie sous-tend l’ensemble, d’autant que le mec est bon au chant, comme le montre «Ginger Twister», il traîne ça jusqu’au sommet à coups de what’s the matter, c’est du sérieux, ils groovent un sacré big bag of sound.

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    L’autre single refuse de décliner son identité. Les flics insistent. No title ! Bim bam ! «Band Of Freaks» ! Les coups commencent à pleuvoir. Garage d’orgue embarqué pour Cythère. Dynamique ventrue et chargée de fagots. Les Monkeys écument la contrée comme les colonnes infernales de Turreau, ils dévastent les Vendées du garage. «Poison Vivi» refuse aussi d’obtempérer. Rien à faire, même si c’est chanté au gras. Bim bam ! Alors il ne leur reste plus qu’une seule chose à faire : une B-side. Ça tombe bien, car voici leur hommage à Jack Scott avec «I Love You Until The Song Is Over», c’est du Way I Walk de bonne guerre et les Monkeys sont malins car ils savent générer des petites débinades psychotropiques. Le chanteur fait une parfaite impersonation de wild rockab, il frise le Robert Gordon, ce qui vaut pour un compliment. Beau final en mode hypno, rehaussé de roucoulades somptueuses.

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    Vous l’avez bien compris, c’est sur scène qu’ils donnent leur pleine mesure. Attention, les Chalonais sont six sur scène et ils réussissent l’exploit de s’encastrer tous les six dans un minuscule recoin avec une batterie, un orgue et trois amplis. Il faut savoir le faire. Ils semblent réactiver une vieille manière de jouer le rock, pas loin de l’anglaise, celle qui reposait sur une science aiguë du jumping beat et des maracas. Et lorsque l’harmo pointe le museau, il charrie des petits échos de pub-rock à l’anglaise. Oui, un son déjà entendu des milliards de fois mais quand c’est amené avec autant d’allant, ça cloue vite le bec aux commentaires. Ils mettent leur petite industrie en route et s’y tiennent avec une suite dans les idées qui les honore. On ne sait pas qui est Belinda, mais elle a un joli cul. Il faut voir comment les Monkeys lui shakent le booty. Fantastique présence ! C’est la dynamique des deux chanteurs qui donne aux Monkeys ce côté explosif. Franck et Fouine se partagent les cuts et chantent à deux sur d’autres, alors ça précipite le dégorgement des engorgements, ça émoustille les wild émanations, ça bisque les basques du best blast around, ça rue dans les brancards et ça maracasse la carcasse de la rascasse. Et quand on a dit ça, on n’a rien dit.

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    On les voit vite partir en mode Fuzztones avec une voodooterie nommée «Voodoo Doll» avant de sombrer dans les affres d’un «Primitive» joué au trombone à coulisse, ce qui est un pari osé, mais qui ne tente rien n’a rien, n’est-il pas vrai ? Leur dominante reste bien le garage d’orgue à la Fuzztones, il adorent se couler dans ce type de mood, c’est leur manière de prêter allégeance au rude Rudi qui du haut de ses deux mètres domine encore l’immense cimetière où dorment en paix relative les milliers de tenants et d’aboutissants du garage moderne. Les Monkeys redonnent vie à leur vieux «Cosmic Farmer» chargé de relents beefheartiens, mais privé du scream final qui impressionnait tant dans la version enregistrée. Quand ils piquent une crise avec «Paranoia», ils filent ventre à terre, histoire de rendre hommage au speed-garage héroïque des New Bomb Turks et autres calaminés des années de braise, et ils reviennent au jumpy jumpah de bonne famille avec «Walk Alone». Comme tous les grands amateurs d’apocalypse, ils aménagent des petites zones de calme pour mieux rebondir au moment de l’assaut final. Si on aime le garage bien foutu et bien senti, c’est le groupe qu’il faut voir. Ils dégagent une sorte d’excédent budgétaire, ce qui mérite d’être noté. Ils dépotent une vingtaine de morceaux avec un enthousiasme qui ne pâlit pas un seul instant et une énergie qui est celle des opiniâtres invétérés.

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    Leur «Monkey Twist» est une petite merveille d’insistance cavalante, Ces mecs ne lâchent jamais la rampe. Ils redonnent vie à toute cette culture Back From The Grave/Pebbles qui fit les beaux jours des oreilles d’antan. Le garage quand il est bien joué reste l’un des styles de rock les plus vivants, les plus frétillants et certainement le moins corrompu de tous les genres puisque condamné à l’underground. Mais encore une fois, l’underground est un havre de paix, si on voit ce qui se passe aujourd’hui dans les grandes salles de concert. Voir Franck et Fouine chanter à deux «Le Stonien» console du spectacle de toutes ces horreurs. Ils mettent tellement de jus dans ce cut qu’il sonnerait presque comme un hit, d’autant que c’est gorgé d’accents de Stonesy et explosé aux yeah d’unisson du saucisson. Joli coup de chapeau aux Stones qui, faut-il le rappeler, sont à l’origine de tout, enfin de ce qui nous concerne ici.

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    Les Monkeys enchaînent avec un autre clin d’œil, cette fois à Screamin’ Lord Sutch, avec «Jack The Ripper», l’occasion de ressortir le trombone à coulisse pour cuivrer de frais cette vieille scie sautillante qui ne prend toujours pas de rides. C’est chanté au meilleur guttural local, avec du scream à la clé et un sens aigu du boogaloo qui non seulement nous enchante, mais qui en plus croule sous le poids de sa crédibilité.

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    S’ensuit l’excellent «I Love You Until The Song Is Over» qui se trouve sur leur deuxième 45 tours. Ils en font une version longue, un peu hypno et l’arrêtent brutalement. Dommage. Ils pourraient tirer la sauce et faire sauter la sainte-barbe. Ils vont faire un rappel bien sonné des cloches avec un «Diddley Train» tatapoumé dans les règles de l’art et chanté aux renvois de chœurs. Hey Bo Diddley ! Rien de plus légendaire. C’est là où la dynamique des deux chanteurs reprend du poil de la bête. C’est le vrai Diddley beat, avec ses crises de scream et toute sa spectaculaire modernité. Ils finissent à l’emporte-pièce avec un clin d’œil fatal aux Dictators. Ils déterrent «California Sun» de ce premier album des Dictators qui frappa tant les imaginations à sa sortie en 1975. N’oublions pas que Lindsay Hutton tirait le titre de son fanzine The Next Big Thing de cet album fantastique. Les Monkeys amènent le riff de «California Sun» aux deux guitares alternées. C’est en place, bien posé sur le California beat et vite explosé au coin du bois. Ils restituent avec brio la magie de ce cut de cinquante ans d’âge qui repose sur l’alternance de passages clairs et de bouquets d’harmonies vocales noyées de son. Vertiges de l’atour.

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    Signé : Cazengler, Screamin’ moquette

    Screamin’ Monkeys. Chez Kriss. Évreux (27). 31 janvier 2020

    Screamin’ Monkeys. ST. Pop The Balloon 2016

    Screamin’ Monkeys. No Title. Pop The Balloon 2018

     

    Handy Andy

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    Pour bien situer Andy Lewis, il faut commencer par écouter un album paru sur Acid Jazz et annoté par Eddie Piller, qui s’appelle Billion Pound Project. Comme on dit dans les milieux autorisés, c’est un chef d’œuvre. Andy Lewis y invite tous les gens qu’il admire. Piller dit d’Andy qu’il porte son cœur sur les lèvres - this creator and composer wears its heart on its sleeve - Pour Piller, Andy est le gentleman quintessentiel - the quintessential English gentleman - Quand on entend le groove magique de «100 Oxford Street», c’est un peu comme si on se retrouvait à l’angle de Wardour Street at midnight. La température monte violemment avec «(Love is) Alive In My Heart», car Andy fait chanter Keni Burke - a Curtis Mayfield prodigy - Il plane sur le cut un parfum de strong groovy magic. Mais ce qui suit est bien pire : Andy confie «Laughter Ever After» à Bettye LaVette et tout bascule dans la monstruosité, d’autant que Bettye attaque ça à la manière d’Esther Phillips, en chuintant légèrement. Le cut tourne à la dinguerie et ça groove tellement dans l’os de l’art qu’on se retrouve au sommet du genre. Stupéfiant ! En réalité, c’est Bettye qui rend hommage au quintessential gentleman et non l’inverse.

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    La fête se poursuit avec une autre idole d’Andy, Reg King, qui comme chacun sait fut le chanteur de The Action. Le cut s’appelle «Since I Lost My Baby», une fière reprise de Smokey. On a là un fantastique condensé de rock Action définitif. Nous voilà une fois de plus au cœur du mood de myth Mod, dans une sorte de perfection absolue, à l’équilibre parfait entre la classe Soul et l’élégance pop britannique. Encore un coup d’éclat avec «See You There» chanté par l’extraordinaire Lynda Laurence. Elle gueule comme Aretha et vrille son me-eeeeh. Encore une révélation un peu plus loin avec «Devastated», un cut de funk allumé au white heat et que chante Loleatta Holloway. C’est tout simplement le white funk de Sloane Square par un soir glacé et foggy, violonné et saxé, effarant de modernisme déterminé. Andy tend le micro à un autre héros, Andy Ellison, qui ramène sa morgue pour chanter «Heather Lane». C’est toujours un plaisir que d’entendre chanter ce fabuleux glamster métastaseur. Il reste encore une merveille au bout de cette B fatidique : «One By One» que chante Fonchi, une autre reine de la nuit londonienne. Andy lui fournit des chœurs de rêve, c’est-à-dire des chœurs Tamla. Et là, on re-décolle, une fois encore. Impossible de rester assis quand on écoute ce disque.

    Au final, cet album donne l’équation magique de la scène Mods anglaise contemporaine, qui propose un mélange unique au monde de Soul et de Mod-rock. Tout ça sur Acid jazz.

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    Album bien intentionné et même lumineux que ce You Should Be Hearing Something Now paru aussi sur Acid Jazz en 2007. Ce qui frappe le plus, chez Andy Lewis, c’est la clarté du propos. Ce mec joue dans les règles de l’art et s’entoure d’invités de choix. Tiens par exemple Corrina Greyson pour «Window Shopping». C’est une vieille descente au dance-floor, Corrina sait de quoi elle parle, bienvenue au paradis de l’English diskö. Quelle violente énergie, ça transfigure la diskö, kökö, tu n’as même pas idée, voilà le monster küt par excellence ! L’énergie dévore l’oreille. Andy duette ensuite avec Paul Weller qui chante son ass off sur «Are You Trying To Be Something». Ils embarquent ça au meilleur beat qui se puisse concevoir, mais ça va encore se corser avec «Don’t You Know Why You Do it». Claire Nicolson chante ça sucré et propose une fantastique lampée de pop anglaise, avec une perfection qui renvoie bien sûr au cœur de ce vieux mythe qu’on appelait autrefois le Swinging London. Ils sont en plein dedans. On assiste là à un phénomène d’insistance lumineuse assez rare. Sur cet album, tout semble couler de source. Andy Lewis embarque «Phantom Street» au glouglou famélique, il joue son bassmatic avec la grâce d’un saumon d’Écosse argenté et vivace, lancé à l’assaut du torrent. Il duette ensuite avec un certain Johnny Cooke sur «Come Along With Me». C’est un fantastique shuffle d’anticipation, avec une trompette en or qui se glisse dans la ferveur du groove, et Johnny Cooke chante dans la chaleur de la nuit londonienne, c’est somptueux, ultra-orchestré, hissé au sommet de tous les apanages, surtout celui du Mod Jazz. Retour de Claire Nicolson pour ce coup de génie intitulé «In The Land Of You And Me». Elle y va direct. Ah comme c’est puissant ! Elle revient au sucré du jerk, au pur London shake. Ils sont dans l’excellence de la pertinence, dans le tronc du culte, comme dirait Mocky. Andy Lewis sonne comme les Beatles sur «Tell Me Once Again You Love Me» et duette avec David Jay sur «The Love Of My Life», assez black dans l’esprit. Pur son d’exception, une fois encore, David Jay tire la bobinette et ça devient vite énorme. Existe-t-il quelque chose d’aussi parfait ? Dieu seul le sait. Claire Nicolson est au rendez-vous de «Beyond The Fields». Elle chante d’une voix de rêve. Andy Lewis ne pouvait pas espérer mieux. Derrière, ils sont au carré. Et puis voilà le grand retour d’Andy Ellison avec «Top Of The Tower». Il est en place et what a voice ! Il brandit le big étendard du glam anglais. Andy et Andy font bien la paire. C’est convaincu d’avance, le bassmatic dévore le cut tout cru. Croutch croutch.

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    Le mini-album 41 est paru sur Acid Jazz en 2011 sous la forme d’un double EP. «Complexity» et «Sky Bar» sonnent comme des solides Mod rocks, bien dans l’esprit de la London Mod scene, pas loin de Jam. Par contre, «Centre Of Attention» sonne plus psychédélique, même s’il est monté sur un tempo diskoïdal digne des diskö-floors britanniques.

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    Avec le Billion Pound Project, l’album qu’Andy Lewis a enregistré avec Judy Dyble est le plus réussi. Il s’appelle Summer Dancing et date de 2017. Il faut se souvenir que Judy Dyble fut la chanteuse & founder-member de Fairport Convention, qu’elle quitta pour aller monter Trader Horne avec Jackie McAuley. Elle a ce qu’on appelle un pedigree. Le morceau titre de l’album sonnerait presque comme in hit psych des sixties. La voix est toujours là. Cette fois, Andy Lewis ne vise pas le Mod rock mais l’esthétique Fairport. Premier point fort de l’album : «A Message». C’est en enchantement. Andy Lewis accompagne Judy Dyble à la stand-up. On sent l’inspiration, elle est palpable. Ça devient infernal avec «Night Of A Thousand Hours», un groove de jazz pianoté dans le flesh du groove. En B, Judy Dyble passe au jerk avec «My Electric Chauffeur». Eh oui, c’est aussi simple que ça. Andy Lewis réussit l’exploit de la ramener sur la piste de danse. On note l’extrême pureté de sa voix dans «Treasure». C’est un filet lumineux, incroyablement juste. L’enchantement se poursuit avec «The Day They Took The Music Away», extraordinaire coup de transe. On entend tout simplement des héros de l’underground britannique. Judy Dyble revient avec «Summer Of Love» à son cher chant chaleureux de l’archiduchesse, alors sont-elles sèches, archi-sèches ? Elle règne sur la tradition d’un chant très anchien. Elle chante aussi «Tired Bones» à la clameur d’antan, la bonne vieille clameur d’excellence privative. C’est paisible et si profondément beau.

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    On trouve aussi sur Acid Jazz l’album des Red Inspectors, Are We The Red Inspectors? Are We? Andy et ses amis y proposent des instros de clubbing londonien à la James Taylor Quartet. Ils affectionnent particulièrement le groove charmant. On entend Pete Twyman chanter «He’s A Menace» et c’est excellent. On le retrouve au chant sur «The Apology Squad», petite pop montée sur une bassline de rêve, comme suspendue dans le son.

    Donc pas grand chose pour un personnage aussi légendaire, mais ses trois albums figurent parmi les grands classiques du rock anglais.

    Signé : Cazengler, Andy Le vice

    Andy Lewis. Billion Pound Project. Acid Jazz Records 2005

    Andy Lewis. You Should be Hearing Something Now. Acid Jazz 2007

    Andy Lewis. 41. Acid Jazz 2011

    Judy Dyble/Andy Lewis. Summer Dancing. Acid Jazz 2017

    Red Inspectors. Are We The Red Inspectors? Are We? Acid Jazz 2011

     

     

     

    TROYES / 22 – 01 – 2020

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    THE TWANGY & TOM TRIO

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    Huit cents kilomètres de la veille dans les pneus et la Teuf-teuf file sur la route de Troyes comme une jeune fille à son premier rendez-vous d'amour. Pour moi ce n'est pas pareil, une question métaphysique m'obsède depuis que j'ai repéré l'affiche sur le FB de Béatrice Berlot, comment trois peut-il être égal à deux ? N'ai jamais été fortiche en mathématique, mais tout de même ! Un truc encore plus difficile que le mystère de la sainte trinité qui nous dit que trois égale un. Maintenant que j'écris cet incipit j'ai la solution, celle du trio pas de la trinité, vous la refilerai tout à l'heure. Le temps de vous faire saliver. Une petite discussion avec Béatrice, toute fière des cent-dix groupes de rockab qui ont défilé dans le 3 B en six ans, mais cela c'est le passé, le futur c'est la programmation qui vient, avec une grosse surprise à venir. Non je ne vous donnerai aucun indice, ni un, ni deux, ni trois, d'autant plus que le Twangy & Tom Trio entre en scène.

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    THE TWANGY & TOM TRIO

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    Je vous rassure tout de suite. Le trio est bien constitué de trois éléments. Ce qui est terrible, car il faut l'avouer vous pourriez en supprimer deux au hasard, que celui qui resterait tout seul vous l'écouteriez avec autant de plaisir. A notre droite Gégene ( du Loiret n'oubliez pas la formation est basée à Orléans ). Contrebasse vert turquoise. Avec un auto-collant de pin-up collé dessus. Ce qui pose problème. Pas la pin-up. La colle. Elle tient, un véritable miracle. L'image ne s'est pas décollée de tout le set. C'est que Gégene quand il cogne, vous l'entendez. Ce doit être son karma. Dans une autre vie il a dû mener la charge des éléphants de Porus contre les fantassins d'Alexandre le Grand. Chaque fois que sa menotte s'en vient se catapulter sur les cordes, c'est votre cerveau dans votre boite crânienne qui fait un tour sur lui-même. En plus il exagère, il écrase tout sur son passage, vous pensez que l'histoire du monde vient de se terminer, mais non, si c'était un musicien classique faudrait lui écrire Molto Allegro sur la partoche, car il swingue et caracole comme un jeune poulain qui s'élance au grand trot vers les infinis de l'herbe bleue du Kentucky.

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    A notre gauche Phil Twangy, à la Gretsch cochranique. Et granitique. Ne vous fiez pas à son air sympathique. Un étrangleur. La main tout en haut du manche. Vous le tient ferme. L'on dirait qu'il a attrapé un cobra par le collet et qu'il lui serre le cou à mort. La poigne reste immobile. N'y a que ses gros doigts qui bougent, comme s'il cherchait à lui éclater quelques ganglions vitaux à l'intérieur. De l'autre main, ce n'est guère mieux. Disons-le franchement, c'est pire. N'est pas du genre à gentiment gratouiller les cordes comme s'il caressait un chat. L'est du style à percer sans pitié le ventre du greffier de multiples coups de poignards. Et vos oreilles le remarquent, il vous les cingle comme s'il vous ramonait l'œsophage avec un fil de fer barbelé. C'est violent, c'est brutal, et vous vous rendez-compte que vous avez en vous une dimension masochiste que vous ignorez.

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    Oui Phil et Gégene ont le rockabilly sauvage. A tel point que vous dites que ces deux malfrats vous suffisent. Qu'il n'y a aucune nécessité d'ajouter un troisième larron à ce duo. Et pourtant, il y a bien un troisième individu entre ces deux rocs, un gars longiligne, sous une grosse casquette bouffante. Au début vous pensez qu'il est là pour rien. Le gus inutile par excellence. D'ailleurs il n'a même pas un instrument. Enfin si, un minuscule, qu'il cache dans sa main. Un harmonica. Vous le plaignez, mais à part fredonner Oh ! Susanna en sourdine entre deux morceaux, vous vous demandez ce qu'il peut bien pouvoir faire entre ces deux monstruosités rockabyliennes. S'appelle Long Tom, et ce mec il exagère. Nous sommes en plein rockabilly, et au lieu de dire pouce, je passe mon tour, le guy se met à jouer... du blues. Mais du blues plus bleu que bleu. Au début vous pensez qu'il s'est trompé de casting, peut-être même de café, qu'il doit y avoir un concert de blues organisé à l'autre bout de la ville, et puis au bout de deux minutes, vous êtes obligés de reconnaître qu'entre la sauvagerie du rockabilly et la trouble lancinance du blues s'installe une étrange alliance. Ce ne sont pas des contraires qui se repoussent mais des pertinences qui déteignent l'une sur l'autre.

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    C'est qu'entre le blues et le rockabilly, vous avez quelques relations incestueuses. A l'inter set, Long Tom résumera ces accointances très simplement : vous accélérez un blues vous avez un rockab, vous ralentissez un rockab vous obtenez un blues. Certains croient avoir trouvé la solution en créant le concept de rocking blues. Qui ne me satisfait pas. C'est un truc qui n'a jamais existé, d'un côté vous avez le blues et de l'autre le rockabilly et à eux deux c'est exactement la même chose. La musique du diable pour résoudre le mystère de la sainte trinité ! Si vous en avez deux, vous en avez trois !

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    La théorie c'est bien. La pratique c'est mieux. Le Twangy & Tom Trio vont aligner trois sets. Nous avouent qu'ils n'ont que trois compos à eux, mais quand l'on compte les compos personnelles d'un Gene Vincent, l'on est surpris. La reprise n'est pas un problème, la solution c'est l'appropriation, vous pouvez faire mieux peut-être, mais l'important c'est de faire autrement. Je prends un exemple : These boots are made for walking, avec eux ça ne marche pas, ça galope, un déchaînement, en l'écoutant je me dis que c'est comme cela que Lee Hazlewood avait dû le rêver avant de la refiler à la petite Nancy. Mais revenons au rockabilly et au blues. Vous ne trouverez pas plus noir que Bo Diddley. Entre nous soit dit avec Gégene, le beau Bo a bobo avec ses congas, peut aller se rhabiller, la contrebasse vous aligne le jungle beat avec une férocité inégalable, Phil à la guitare se charge du rebond, vous tranche les lianes de la forêt vierge à coups de machette, vous débite les pythons en tranches sans état d'âme. Le jeu est si serré que Long Tom n'y glissera pas une fumée d'harmonica, juste quelques bouffées rapides, ne prendra ses aises que lorsque le morceau s'accélèrera, s'échevèlera sur lui-même, alors là vous aurez droit à un incendie australien. On ne peut pas dire que Phil y cassera une corde, c'est si violent que l'on dirait qu'il l'a arrachée.

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    Mais non, ne sont pas spécialisés dans les instrumentaux, un rockab sans vocal c'est comme film de science-fiction sans extraterrestre. Phil chante comme il joue de la guitare. Fort et incisif. Pousse les lyrics comme des lames de rapière dans le corps d'un ennemi. Particulièrement bon sur les morceaux de Cochran, un Skinny Jim raboté à l'entaille, un Summertime Blues à vous cogner ( merci Gégene ! ) la tête sur le plancher, et un Twenty Fligth Rock monstrueux. De la belle ouvrage. Le troisième set sera démoniaque. Un Mystery Train fabuleux, si vous aviez été là vous comprendriez la trisomie du rockabilly et du blues, Long Tom nous ramène dans le delta alors que dans le même temps Phil nous en éloigne pendant que Gégene nous martèle un boogie-shuffle à vous briser les os. L'on croyait avoir atteint la cime du concert, mais non comparé au Mojo Working qui suit l'on n'était que sur des plateaux de moyenne altitude. Vont nous le faire défiler longtemps, mais en accéléré, sans halte, pire qu'à Chicago à la grande époque de la Chess électrique. Long Tom comme chez lui, et les deux autres qui ne lui cèdent en rien. Jamais l'eau dans laquelle vous avez lavé votre âme n'aura été aussi boueuse. Mais le trio est survolté, vous avez eu du black handsome man, eh bien vous aurez des petits blancs et ils nous fourguent un Rock This Town à faire sauter les centrales atomiques.

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    Z'ont trop bien fait leur boulot. Doivent payer l'addition. Sont les premiers à s'apercevoir que le Thirty Days de Chuck Berry même rallongé au bouillon-cube explosif ce ne sera pas suffisant. Un rappel avec le monde entier qui danse devant eux, quelle soirée ! J'ai oublié pour débuter le deuxième set les deux morceaux en l'honneur de Crazy Cavan qui s'en est allé rejoindre les anges noirs de l'enfer du rock 'n' roll sans préavis.

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    Ma promesse : au début c'était Twangy & Tom Duo parce qu'ils étaient deux. Gégene est venu et le duo s'est mué en trio. Mais ce n'est pas fini, Phil me dit qu'ils pensent rajouter un batteur. A croire que ce coup-ci ils veulent ratiboiser l'univers. Surtout laissez-les faire. Après la grande claque, ce sera la grosse beigne. Monstrueux !

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    Damie Chad.

    ( Photos : FB : CHRISTOPHE BANJAC )

    THE WHO

    ( Collection ROCK&FOLK # 13 / 06 – 02 – 2020 )

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    Pour ne pas vous mélanger les pédales ne confondez pas Rock & Folk Hors - Série, le dernier, le Numéro 38, 22 V'la les filles ! est sorti en novembre 2019, avec Collection Rock & Folk dont le Numéro 13 consacré aux WHO vient de paraître cette première semaine de février 2020. Si les Hors-Séries proviennent tout droit de la plume des journalistes du plus vieux mensuel rock national et international, la Collection est réalisée en collaboration avec Uncut. Une revue rock anglaise à laquelle notre Cat Zengler fait régulièrement allusion dans ses chroniques car les anglais sont plutôt pointus question rock.

    L'expression '' biographie non autorisée '' permet de mieux comprendre la raison du titre du magazine britannique. Non coupé, car Uncut n'a pas l'habitude de ne pas poser les questions embarrassantes et de passer sous silence les épisodes plus ou moins controversés de la vie de nos idoles. Toutefois avec un zèbre à la Pete Townshend, c'est comme les tubes de dentifrice, à peine avez-vous dévissé le bouchon que le contenu se hâte de se déverser dans la bonde du lavabo. Ce mec est un bonheur pour les journalistes, vous ouvrez le micro et il prend la parole pour des heures et des heures. Les 120 pages du numéro sont remplies d'interviews données au fil des années à différentes revues, notamment le Melody Maker et Uncut...

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    Certes les Who étaient quatre mais Keith Moon et John Entwistle ont quitté notre planète voici longtemps, Roger Daltrey n'a jamais été un grand hâbleur – ce qui ne l'a pas empêché d'avoir ses petites idées personnelles sur la carrière du groupe – et c'est Pete Tonwshend qui est apparu dès le début comme le leader incontestable du bataillon de cette mauvaise troupe. L'est sûr que quand l'on compare Keith à Pete, il n'y a pas photo, entre le gamin qui se complaît à empiler conneries sur conneries et Pete l'intellectuel toujours prêt à expliquer longuement le pourquoi et le comment de tous les actes du band... D'un côté la folie, de l'autre la réflexion. Quant à John et Roger ils suivaient sans trop la ramener, même sans être convaincus, parce que pour prouver à Pete qu'il avait tort, ce n'était pas évident. D'autant plus que les évènements lui donnaient raison. L'était un peu comme ces joueurs d'échecs qui ont un tour d'avance, ou ces turfistes dont la dernière martingale se révèle la plus efficace. Du moins au début. C'est après que les choses se sont gâtées. Mais l'arbre n'est pas tombé du côté par où il penchait.

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    Donc quatre gamins qui arrivent un peu après la bataille. Beatles, Rolling Stones, Kinks, Animals squattent les premières places depuis deux ans lorsque nos quatre malotrus se jettent dans la mêlée. Ne sont peut-être pas plus plus doués que les autres mais ils possèdent le cinquième élément : l'énergie. N'y a qu'à les voir pour en être convaincu. D'abord vous avez Moon qui vous montre les deux faces de la lune en même temps, il ne joue pas de la batterie, il la détruit. Ensuite vous avez Daltrey qui s'égosille comme un cochon que l'on saigne, Tonwshend qui ne sait pas vraiment jouer de la guitare, alors il lui mouline et lui assène de ces tornioles à lui faire rendre l'âme, et Entwistle qui dans son coin vous surfile toute cette cacophonie au gros fil de basse aussi épais qu'un démarrage de quadrimoteur. Sur disque, ils font ce qu'ils peuvent, de l'improbable au chef d'œuvre. Du rhythm 'n' blues de deuxième zone, des harmonies vocales d'oiseau de volière, et des tranches de grabuge éhontées.

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    Et là-dessus se pointe le plus gros malheur que la terre ait porté depuis la création des chevaliers de l'Apocalypse. Ne venez pas tenter une piètre divergence avec le dérèglement climatique. Un truc ovnique venu d'ailleurs qui vous pulvérise toute la concurrence. Un morceau, comme on n'en fait plus. Comme ils n'en feront jamais plus. La preuve c'est qu'ils en aligneront des meilleurs. My Generation ! My Malediction ! conviendrait mieux. Surtout pour Pete. '' People try to put usd-down talking 'bout my generation '', entre nous soit dit ça sonne moins bien qu'un vers de Shelley, mais ça pète dur dans les consciences de tous les adolescents du monde. Un beau remue-ménage sonique et un superbe remue-méninge consciencial. Première fois qu'un groupe de rock'n'roll voit plus loin que sa bite, ce n'est pas encore le Tractatus Logicus de Wittgenstein, mais ça s'en rapproche. D'assez loin, pour être franc, disons qu'un professeur ferait suivre de la mention «  En progrès ! » Nous sommes en 1965 et Pete Townshend ( et ses acolytes ) viennent d'inventer le rock'n'roll intellectuel.

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    Le pauvre Pete n'en croit pas ses yeux. L'est comme l'autruche qui découvre qu'elle vient de pondre un œuf dur. En or. L'avenir est tout tracé. Suffit de suivre la ligne droite du succès. La pente fatale de la victoire. Des trucs aussi chiadés que My Generation, il va vous en écrire toute une série. Saison 1000 en perspective. Un avenir radieux s'annonce. Mais le soleil refusera au dernier moment de se lever. Les singles suivants comblent les fans et les amateurs. La pente sisyphique est toutefois ascendante. I can see for miles le single sur lequel Townshend misait beaucoup pour un numéro 1 n'est pas au rendez-vous. Succès d'estime en quelque sorte, mais pas de quoi remplir la tirelire de l'auto-satisfaction. Townshend est touché dans son orgueil. Mais pas coulé. Réunit son équipage de forbans et leur propose l'inouï. Sont bien obligés d'accepter car ils n'ont aucun autre produit de substitution à offrir.

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    Ce sera Tommy. Le premier opéra-rock. Ce n'est pas vrai, Townshend le répète à longueur de colonnes, l'a fauché l'idée au Kinks. Certes elle le tenaillait depuis longtemps, l'envie de produire un trente-trois tours qui ait une unité qui racontât une histoire. Un truc qui se tient, avec un début, un milieu et une fin. Il ne va pas y arriver. Va tout juste parvenir à produire un gruyère. En gros la story d'un gamin, une espèce d'autiste, un asperger du flipper, Pete lui-même le reconnaît, pour un auditeur pourvu d'une intelligence supérieure il est difficile de comprendre la logique interne du scénario. L'est rempli de trous. Ce n'est pas très grave, l'humanité est constituée en sa majeure partie d'un ramassis d'esprits moyens. Chacun remplira les vides à sa manière. C'est qu'en y réfléchissant un peu, la véritable nature de Tommy ce n'est pas un opéra. C'est un concept. Mais de quoi ? De Tommy évidemment. Il n'est guère de serpent plus long que celui qui se mord la queue.

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    Par contre question musique Tommy est une réussite. C'est un opéra – répétons-le – mais nos quatre lascars ne convoquent pas le London Symphonic Orchestra, se chargent du boulot de A à Z. Un orchestre de rock. Un point c'est tout. Avec l'ajout de quelques curiosités pour faire gloser le bas-peuple des journalistes, comme Daltrey qui souffle dans un cor... Mais dans la vie, il ne s'agit pas de faire. Faut aussi refaire. Et les Who vont vous exécuter leur œuvre en public, tout seuls comme des grands, du début à la fin. Succès phénoménal. Townshend n'a pas les chevilles qui enflent. Mais la tête qui explose. Comprend que le problème n'est pas de remporter une victoire si éclatante soit-elle, mais d'en aligner d'autres à la suite.

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    Dans son cerveau surchauffé Tonwshend se lance dans l'écriture d'un nouvel opéra. Un projet mirifique. Tommy n'est qu'un individu, Lifehouse sera plus ambitieux, une espèce de métaphore musicale de la vie humaine qui embrasse aussi bien le passé que l'avenir. Projet ambitieux qui n'aboutira pas. Echec cuisant mais qui ne se verra pas. Avec les débris de Lifehouse, les Who bâtiront Who's Next ? Une splendeur, bourrée de rock et d'électronique. Ce n'est plus un succès, c'est un virus meurtrier. Les Who ne sont peut-être pas le plus grand groupe de rock du monde, mais certainement le plus novateur. Une promesse d'avenir. Ce fabuleux quatuor détient le futur du rock.

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    Tiens si on parlait rock. Le rock à prétention intellectuelle c'est bien, mais c'est fatigant. Avec Live At Leeds, les Who démontrent qu'ils n'ont rien perdu de leur fougue et de leur virulence. Un disque à ranger sur l'étagère du haut à côté de Jerry Lou au Star-Club de Hambourg. Townshend se défend à moult reprises d'avoir inventé le hard-rock avec this record. Laisse la couronne à Deep Purple et à plein d'autres. Ce n'est pas que le hard soit trop simpliste, c'est que reconnaître cette paternité c'est perdre l'aspect novateur des Who, n'être plus qu'une étiquette qui sert à désigner une tendance, dont l'évolution lui échappera un jour. Le problème c'est l'échec de Lifehouse. Dans sa tête. Comment le surmonter ? Comment aller de l'avant ?

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    Townshend tombe dans le piège qu'il a creusé de ses propres mains. Quand on ne peut pas avancer. Ne reste qu'une solution, le retour en arrière. Ce sera Quadrophenia. What is it ? Un nouvel ( un autre ) opéra rock. Bien plus puissant que Tommy. Mais qu'on le veuille ou non, pas autre chose que le concept d'opéra-rock ! Mais ce n'est pas le plus grave. La prescience du danger est d'autant plus dangereuse que souvent elle est inconsciente. Quadrophenia conte la vie de Jimmy, un jeune Mod, autant dire que c'est du passé, nous sommes en 1973 et les Mods c'est de la préhistoire, une période qui connaîtra son acmé entre – soyons généreux – 1964 et 1966. Avec Quadrophenia les Who sont en train de scier les six planches nécessaires à la confection de leur cercueil.

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    Les disques qui suivront seront un cran au-dessous. Je me souviens d'une longue discussion à la cafetaria de la fac sur le Who by numbers, les malgré-tout et les déçus, mais dans les deux cas la sensation de participer à un combat d'arrière-garde. Les Who se cherchent et ne se trouvent pas. Aux temps d'Elvis, l'on disait qu'une carrière ne durait pas plus de deux ans, ensuite c'était les oubliettes et pour les plus doués la capitalisation rentière assurée par la fidélité des fans des années fastes. Les Who sont dans le peloton de tête depuis plus de dix ans. Le problème c'est qu'il leur reste encore un demi-siècle à vivre. Les choses ont commencé à mal tourner en 1975, les deux années suivantes porteront un coup terrible au rock dit classic. La génération punk ne respecte rien. Rien à foutre des glorieux ancêtres. L'avenir appartient aux jeunes. Les Who s'en vont visiter ses mauvaises troupes dissidentes, sont reçus avec un respect empreint de forte goguenardise. Les grand-pères que l'on aime bien mais totalement dépassés. T'es plus dans le coup papy ! C'est Moon venu en Rolls-Royce qui s'en tirera le mieux. Sur ce, Moon tire sa révérence. L'histoire des Who ne s'achève pas en cette funeste année 1978, mais elle est symboliquement terminée. Par contre c'est celle de Pete Townshend qui commence. Ce numéro spécial Who devient un super spécial Townshend.

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    Tonwshend est une tête d'œuf cassé. Une espèce de neurasthénique jamais content de lui. Toutefois un déprimé qui se soigne. Un artiste du recollage des morceaux. Un expert de l'art de recycler les restes. Dès 1979 sort The Kids are Allright, un film qui retrace les folles années du groupe à partir de documents d'époque. Même pas six mois plus tard sur les écrans le film Quadrophenia. Puis la bande-originale du film, puis une comédie musicale... Suivront quelques albums des Who, un retour sur scène avec tournée mondiale pour le cinquantenaire, des éditions d'inédits à n'en plus finir, tout cela n'empêche pas Nicolas que la Commune n'est pas morte, non ce n'est pas cela, tout ces efforts, plutôt mieux que mal aboutis, font que Townshend se retrouve renvoyé à lui-même, non pas à son œuvre, l'en est même s'il dit le contraire, assez sereinement satisfait, mais à son corps qui se dégrade, aux années qui s'accumulent, au vieillissement pour employer le mot qui fâche. Ce n'est plus le cinquième élément de l'immortalité éthéréenne des Dieux mais le quatrième âge et son déambulateur qui se profile.

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    Comme pour tout le monde. Z'oui mais lorsque l'on est un artiste de rock'n'roll c'est plus difficile. Vivre vite et faire un beau cadavre. James Dean avait ainsi défini l'art de vivre very rock'n'roll. Pour la première partie de l'adage chacun se débrouille au mieux, pour la deuxième moins de monde se presse au portillon. Est-ce bien raisonnable, n'est-ce pas une imposture lorsque l'on s'appelle Pete Townshend. Le temps est le lézard dans l'horloge et la lézarde fissure la psyché Townshendienne. L'était un jeune homme en colère contre les adultes de ses jeunes années, mais maintenant le seul coupable qui ne lui a pas permis de s'adjuger ce qu'il désirait – mais quoi au juste ? - c'est lui-même. D'où la nécessité de revenir ronger les vieux os de sa jeunesse. De repartir en tournée. D'enregistrer un nouveau disque des Who en 2019. De publier un roman en 2020, et surtout de s'interroger sans fin sur le sens de cette odyssée du rock'n'roll, de s'obstiner à trouver à cette cochonnerie une tête, une queue et un sens qui lui apportent sinon satisfaction – les Stones s'en chargent – du moins plénitude.

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    A première vue, l'on peut s'en moquer. Les affres et les douleurs de Townshend lui appartiennent et personne n'a envie de s'en charger. Surtout pas vous. Moi encore moins. Devrait se souvenir de l'hémistiche fatal des Destinées d'Alfred de Vigny : '' Seul le silence est grand ''. Le genre de rétention orale à laquelle Pete Townshend ne peut se résoudre. Pour nous agacer. Pour notre plus grand plaisir aussi. Le rock est un miroir et nous ne ferons pas comme Tommy l'erreur de le briser. Ce serait se retrouver face à soi-même. L'est plus plaisant de voir Townshend se débattre à notre place. Le spectacle en vaut la peine. Ce pourrait être nous. Mais c'est lui. Tant pis pour lui. Quelle jouissance de le zieuter s'emmêler sans fin les pinceaux de ses contradictions. Voyeurisme et cynisme sont les deux mamelles du rock'n'roll. Et ce treizième – chiffre tarotique maudit – opuscule de la Collection Rock & Folk nous offre cent quarante agoniques pages de délectation assurée. This is not yet the end, beautifull friend !

    Damie Chad.

    PLANE / TENDRESSE DECHIRANTE

    ( Clip / 6 – 02 – 2020 )

    Troisième clip de Tendresse Déchirante. Nous avions chroniqué le premier Romance Américaine dans notre livraison 412 du 28 / 03 / 2019 et le deuxième Acte II dans la livraison 420 du 23 / 05 / 19.

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    Un projet d'une simplicité extrême. Du fait maison. Du cousu main. Sont trois, Diane Aberdam et Emilien Prost. Plus une idée. Une ambiance. Une solitude, celle qui régit les êtres entre eux. Une infranchissable pourriture dirait Joë Bousquet, qui sépare et unit tous ceux qui se mettent en marche l'un vers l'autre. Des chansons d'amertume douce, des frisottis d'écume sonore, la plaie et le sel. Celui de la vie qui fuit. Et celui de la mort qui ne vient pas. Un entre-deux. Entre regret et désespoir. Entre présence et absence. Entre fille et garçon. Si loin de l'androgyne initial. Si ce n'est par l'affleurance de la cassure initiale, seule faille qui permette de remonter vers l'origine. Sinon il ne vous reste plus qu'à explorer les conduites induites.

    Un clip qui se lit. Une véritable bande-dessinée. Qui bouge. Une application qui métamorphose les images en dessin. Noir et blanc absolument tranchés. Esthétique froide. Expressionniste. Un véritable roman policier. La victime est devant vous. Vivante. Elle dort. Elle se réveille comme tout un chacun puisque le portable sonne. Heureusement qu'il y a ce téléphone qui fait son office de réveille-matin. Il vous rappelle que vous êtes dans un clip musical. Et la musique arrive doucement, des gouttelettes de pluie qui s'éparpillent sur le cristal des songes. Elle est là. L'absente du Dormeur. Poupée fantôme qui danse dans les coins et empoisonne la mémoire de l'Eveillé. Elle joue de la guitare et vous entendez ce froufrou de soie infinie qui bourdonne comme une mouche tsé-tsé qui vous réveille et ne vous laisse que votre rêve à vivre.

    Et Lui se plante devant vous. Elle derrière, qui s'agite comme en contre-chant. Car Lui il ne chante pas. Il exhale une longue plainte. Il étire les syllabes, il révèle un secret que tout le monde connaît. Muezzin muré en lui-même qui se mire en son minaret, enfermé dans la tour d'ivoire de sa folie, il évoque l'idole enfuie. Une histoire terriblement quotidienne. Le ballet de la vie heureuse terrassé par les coups de balai du grand nettoyage. Celui des rapports humains, du partage des tâches ménagères, toute cette non-vie qui corrode les âmes bien mieux que le désir.

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    C'est alors que commence l'histoire. Je ne vous rassure pas, elle n'a pas de fin. Même lorsque le clip s'arrête. Ce n'est pas que nos deux artistes créateurs-réalisateurs n'auraient pas eu le temps de l'achever. Tout au contraire c'est qu'ils ont compris que le temps est discontinu. Qu'il n'est pas une matière homogène. Qu'il est constitué de bulles. Que lorsque vous êtes coincé à l'intérieur de l'une d'entre elles, soit vous êtes assez fort pour la crever et partir vous enfermer dans une autre. Soit vous êtes incapable de casser la coquille protectrice de l'œuf temporel où vous étiez si bien et vous vous recroquevillez entre ses parois ovoïdes car vous êtes persuadé que vous n'en trouveriez pas de meilleur ailleurs.

    Ce qui a existé existe pour toujours. Le mieux est de ne pas s'en éloigner. D'y rester à jamais. Cela tourne dans votre tête, cela les autres l'appelle délire. Plane conte cet enfermement en soi-même. Peut-être que ça plane pour lui, mais c'est sûrement plane after crash. Pour que vous compreniez mieux, les paroles ( en anglais ) défilent au bas de l'écran. Elles sont en jaune. La seule couleur du clip, avec le mauve pâle, couleur du sang séché, du chemisier de l'Enfuie.

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    L'Eveillé est en lui-même. Il est conscient qu'il marche sur l'abîme. Mais il sait que les autres ont tort. Qu'ils sont rétifs  à une réalité plus subtile du monde. Il n'a même plus besoin d'aller vers eux, vers ces semblables si dissemblables, n'envoient-ils pas une messagère, chargée de le ramener à la vie courante. Mais c'est la même qui revient toujours. Car c'est elle que son absence obsédante appelle. L'histoire se répètera mille fois, c'est la seule qu'il veut lire et revivre. Pour des myriades d'éternité. Le schème de la folie n'est que la répétition du même schéma désiré. Cette tendresse déchirée et déchirante se reconstitue sans cesse elle-même.

    Très beau clip – une réussite parfaite tant dans la mise en scène de l'adéquation du son et de l'image que dans sa portée métaphysique - avec ce chant de cygne lancinant qui agonise sans fin. Une goutte de poison finement élaborée. Ne l'écoutez pas, ne le regardez pas, vous en deviendriez prisonnier, vous ne pourriez plus vous en détacher. Il est des séparations impossibles.

    Damie Chad.

     

    CODICILLE A LA CHRONIQUE

    ( IN LIVRAISON 452 )

    HAPPY LEGS YEAR 2020

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    Une précision d'importance apportée par Jean-Michel Esperet quant à ma chronique de la semaine précédente sur le calendrier Happy Legs Year 2020. Non ZioLele n'est pas un être du sexe féminin comme je l'avais induit du court liminaire qui en langue anglaise le définissait en tant que feminist photographer. C'est un homme. Cette qualité n'enlève rien à la beauté de ses photographies mais peut en oblitérer quelque peu la réception. Les esprits pondérés feront remarquer que des jambes féminines photographiées par un homme ou par une femme restent toujours des jambes de femmes. Ce qui est absolument vrai, et totalement faux. Dans une photographie ce n'est pas tant l'objet ou le sujet photographié qui compte mais la vision de l'artiste et aussi son intention.

    Les courts dialogues de Jean-Michel Esperet qualifié de mysogynist writer qui mettent en scène la confrontation d'Elle et Lui, m'ont poussé à l'erreur funeste de croire que cette guerre des sexes se perpétuait aussi dans le choix des artistes, un homme écrivain et une femme photographe. Peut-être mérité-je le qualificatif de misogyne au moins autant que Jean-Michel Esperet puisque instinctivement et inconsciemment en ai-je déduit qu'un homme ne pouvait pas être féministe. Par nature. Et par culture. Pour ne pas entrer en d'oiseuses digressions philosophiques, disons par stratégie politique. Qu'un homme puisse se dire féministe me semble relever de ce que Marx appelait, sur un tout autre plan, trahison de classe. Ce qui n'empêche en rien qu'un bourgeois puisse se rallier au prolétariat et en sens inverse un prolétaire à la bourgeoisie. L'intérêt de l'individu s'opposant à celui de sa propre classe.

    Je ne pense pas que trahison de sexe soit une heureuse expression. Elle est porteuse d'une certaine connotation moralisante que je réprouve. De même chez Marx cette notion de trahison contient aussi cette dose de moralité qui paraît dire qu'entre les factions qui s'opposent l'une émarge du côté du mal et l'autre du bien. La notion d'intérêt s'y oppose pourtant formellement. En tant que stirnérien – et au-delà de toute vision transgenre - je ne saurais être féministe non pas parce que je suis un homme mais parce que je ne suis que Moi.

    Reste maintenant à dégager l'intention du regard de l'homme qui a pris les photos de ces jambes féminines et que je crus femme. Oultre le fait que tous deux soient des êtres humains, celui-ci se décline en tant qu'autre et celle-là en tant que même. Nous entrons-là dans les combinaisons hegelienne de la positivité et de la négativité. Le tout obvié par ma propre subjectivité. Selon que ZioLele soit homme ou femme, la visée de la tentation pourrait être modalisée sous forme active ou passive. Avec aussi cette possibilité que son intention puisse être entrevue sous la forme contraire.

    Mais peut-être vaudrait-il mieux se complaire dans la contemplation esthétique de ces photographies que de se perdre dans des ratiocinations indues. Qui n'apportent rien à leur beauté intrinsèque.

    Damie Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 452 : KR'TNT ! 452: HILLBILLY MOON EXPLOSION / TIMMY'S ORGANISM / NICK TOSHES / JEAN-MICHEL ESPERET / BLOOD AXIS

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 452

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR'TNT KR'TNT

    20 / 02 / 2020

     

    HILLBILLY MOON EXPLOSION / TIMMY'S ORGANISM

    NICK TOSHES / JEAN-MICHEL ESPERET

    BLOOD AXIS

     

    Rock on the Moon Explosion

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    Les Hillbilly Moon Explosion ne facilitent pas les choses. Ils restent assis le cul entre cinq chaises : rockabilly, pop, fado, blue beat et western spaghetti à la sauce tomate. Ça tombe bien, vu qu’ils se réclament du melting pot. Ils passent d’un genre à l’autre sans coup férir et ne s’en sortent que parce qu’ils tiennent la dragée haute à la versatilité des choses.

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    Le fan de rockab se régale sur deux ou trois prestigieuses flambées, et même les deux big boogie blasts qu’Oliver Baroni prend au chant, mais ce même fan fait la grimace quand Emanuela attaque la cover d’un hit pop à la mormoille, du style «Call Me» de Blondie. Elle use et abuse du petit sucré de sa voix et frôle la catastrophe quand elle va chercher le chat perché de l’archiduchesse archi-chèche.

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    Par contre, elle met l’assemblée à genoux avec une brillante reprise du «Baby I Love You» des Ronettes. Elle s’y révèle spectaculairement juste. Elle tape en plein dans le mille et recrée la magie de ce vieux hit jadis imaginé par Phil Spector. Elle y passe en plus un mini-solo de scuzz fuzz sur sa mini-guitare customisée à paillettes. C’est sa façon d’en boucher un coin à tous les mauvais coucheurs.

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    Dommage que l’Anglais Duncan James ne chante pas plus souvent. On le voit faire son cirque au fond de la scène, avec ses faux airs de Christopher Lee. De la même façon que les Cramps se voulaient a eight-legged bopping machine et les Wildhearts a seven-legged rocking beast, les Moon Explosion se veulent the eight-legged melting pot aux roses. Les poins forts du set sont l’excellent «Live The Life» monté sur le riff de «Please Don’t Touch», chargé de rockab comme une mule, et «The Long Way Down», capiteux mélange de fado et de beat rockab. Ils tapent dans le garage avec «Down On Your Knees» et le heavy rumble de rockab avec «You Miss Something You Never Had». Et puis bien sûr les hot shouts d’Hooky Lee Baroni, «Heartbreak Boogie» et «Love You Better».

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    C’est avec leur rappel qu’ils finissent d’enfoncer le clou de leur melting pot et qu’ils emportent la partie haut la main. Et même très haut la main. Après «Baby I Love You», ils nous emmènent à la fête foraine pour un petit tour d’«Enola Gay» et Emanuela conclut avec une rengaine portugaise d’une infinie mélancolie. Alors on dit : «Chapeau !». Force est de s’incliner jusqu’à terre devant la manifestation d’un tel panache. C’est un peu comme s’ils effaçaient le souvenir des toutes ces premières parties qui nous parurent jadis si peu convaincantes.

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    Alors du coup, on ressort les albums de l’étagère, histoire de bien remettre les pendules à l’heure. Le tout est de savoir si on commence par les pires ou par les meilleurs.Tiens, les pires. On en dénombre deux : Damn Right Honey et French Kiss. Des deux, le moins pire est sans doute le premier.

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    Leur version de «Perfidia» sauve les meubles. C’est le hit d’exotica le plus exotique de l’histoire de l’exotica. Par contre, les photos du livret ruinent tout. Ils se prennent tous les trois pour des rock stars hollywoodiennes et le côté dérisoire de la démarche passe complètement à la trappe. Dommage, car ils attaquaient avec «Drive This Truck No More», big cocktail de heavy beat rockab et de voix sucrée. C’est un cocktail qui présente l’immense avantage d’être unique au monde. Alors ils en profitent. Ils adorent leur formule. Ils la peaufinent. Ils lui donnent les atours d’une princesse et font même entrer des cuivres sur le tard. Avec «Cool String Breeze», ils partent en mode cajun. Ils bouffent à tous les râteliers et pensent même à ramener des violons. Il n’y a pas de train dans leur «Westbound Train». C’est un pétard mouillé, une fausse alerte, avec cette voix qui refroidit au lieu de réchauffer. C’est leur problème numéro un. Elle peut glacer les sangs. On ne devrait pas dire ça, mais c’est une réalité. On claque des dents dès qu’elle arrive. C’est Oliver Baroni qui réchauffe l’album avec ses petits exercices de style en mode rockab. Puis on les voit se vautrer avec une reprise d’«I Hear You Knocking». Ils auraient mieux fait d’éviter de toucher à ce truc là. Il appartient à Dave Edmunds. Ils le massacrent, ils jouent la carte d’un mauvais son alors que Dave Edmunds y faisait au contraire des miracles. On atteint le comble le l’horreur avec «Motorhead Girl». C’est grotesque. Elle n’a aucune crédibilité. Ils sont à dix mille années lumières de Motörhead, même si sur scène elle porte un T-shirt Motörhead. Leur pop fait insulte à la mémoire de Lemmy. Heureusement, Sparky de Demented Are Go vole à leur secours avec «Northern Crown». Il les sauve du naufrage à coups de yeah yeah. Il surgit hors de la nuit pour zébrer d’un Z qui veut dire Zorro un album affreusement putassier. Sparky chante son gut out, c’est lui qui redore le blason de la Suisse, du chocolat blanc et des horloges en bois. Fabuleux Sparky ! Vas-y mon gars !

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    Et tout s’écroule avec French Kiss, qu’ils ont enregistré en collaboration avec Arielle Dombasle. Ça commence assez mal, avec un «Walk Italian» chanté à deux voix sur un beat rockab arrosé de trompettes blue beat. Certain disent : «Quel drôle de mélange !», et d’autres : «N’importe quoi !». Puis ça se gâte atrocement avec «My Love For Evermore». Les Hillbilly y coulent une réputation durement acquise. Les amateurs de rockab ne leur pardonneront jamais cette tarte à la crème. On descend encore dans l’horreur avec «Johnny Are You Gay». Rien qu’avec le titre, on frise l’indisposition. Ils ne se rendent plus compte de rien. L’appât du gain ? Allez savoir. Il faut surmonter une sorte de nausée pour continuer à écouter ce truc là. Jamais Jake Calypso ne se serait prêté à une telle mascarade. Au passage, ils réussissent même à massacrer le «Chick Habit» de Gainsbarre et se vautrent dans la médiocrité avec «Westbound Train». Tout sens artistique semble avoir disparu. Ils font même de la diskö avec «I’m Gonna Dry My Eye». Mettez-vous à la place des fans de rockab qui écoutent ça. Il y a de quoi sortir le fusil de chasse pour tirer dans le disk à bout portant. Baroni essaye de sauver l’album avec «Maniac Lover», et c’est tout à son honneur.

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    Après le musée des horreurs, voici venu le temps des splendeurs, avec notamment l’effarant Sparky Sessions paru l’an passé. Oui, Zorro Sparky déjà venu à leur secours au temps des calamités et qui avec cet album redore le blason du rockab contemporain. L’album est une bombe. Il faut aller directement sur «Stumble Through The Darkness», monté sur un riff de hard boogie et ce démon de Sparky rôde à la surface en poussant des yeah yeah yeah. On assiste à une fabuleuse descente de slap dans le boogie. Pure genius ! Ils font du deep throat slappé dans l’âme. L’autre coup de génie s’appelle «Can’t Take My Eyes Off You». C’est un vieux hit rococo de l’âge d’or - You’re just too good to be true - Ils rendent un bel hommage à cette merveille - I love you baby - C’est demented are go à gogo ! Ils remontent aux sources des Four Seasons et des Supremes, et ce démon de Sparky explose les sources. Ils terminent cette stupéfiante cover en mode apocalyptique. Autre reprise de taille : le «Baby I Love You» qu’Emanuela chantait en rappel, sur scène. C’est là où les Athéniens ooh-oohtèrent, elle rentre dedans comme dans du beurre et Sparky fait l’ogre au coin du bois. Ah comme c’est powerful ! Elle fait Baby I love you et Sparky fait c’mon baby. Il rentre dans le lard du couplet 2 avec une grosse voix d’Hulk atroce, mais quelle grandeur ! Tiens, encore une reprise spectaculaire : «Jackson». Pas un hasard, Balthazar, si Mr. G l’a programmé dans son mighty Dig It radio show. C’est une cover de premier choix, l’une de celles qu’on oublie pas. Belle version un peu blue beat, avec un Sparky éclaté au chant derrière Emanuela, le tout servi sur une solide pulsion rockab. À noter aussi un excellent «Broken Love» d’ouverture de bal et un beau hit rockab, «Teddy Boy Flick Knife Rock ‘N’ Roll». Sparky donne la réplique à Oliver Baroni, aw c’mon et Duncan James circoncit bien son solo jazz.

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    Très bel album que ce Buy Beg Or Steal paru en 2011, ne serait-ce que pour «She Kicked Me To The Curb», gorgé de tout le power rockab. C’est le boogie d’Oliver Baroni. Ce mec est excellent, il slappe son boogie jusqu’à l’os de l’ass et il manie bien les ding-a-ding-a-ding-a-ding de relance rockab. Autre énormité : «Goin’ To Milano». Ce slappeur né qu’est Baroni veille au bon grain de l’ivresse. C’est chanté à l’arrache, celle qui décolle le cut du sol. Magnifique élan digne de Tav Falco. Même genre de kitsch, avec ce mélange sucré salé qui fait la spécificité des Moon Explosion. Duncan James passe même un solo gras, histoire de. Emanuela finit par devenir érotique. Avec «Natascia», elle nous replonge dans un kitsch de tango à la Tav Falco et Duncan James illumine le tout d’un solo jazz. L’autre coup de bluff de l’album, c’est le fameux «Enola Gay» d’Orchestral Manœuvres In The Dark joué aussi en rappel sur scène. Ils nous emmènent à la fête foraine. C’est jumpé dans l’ass de la radio et ça dégage autant qu’un hit des Ventures, bien claqué par Christopher Lee. Oh on trouve d’autres bons cuts sur cet album, tiens par exemple le morceau titre d’ouverture de bal, monté sur une impeccable rythmique rockab. On peut dire la même chose de «Trouble & Strife». Ils sont toujours dessus et elle est toujours devant. Sparky vient faire le con dans «My Love For Evermore» et Emanuela finit par emporter la partie avec ses élans nubiles dans «Imagine A World». C’est terrifiant de présence humide. Elle drive aussi avec tact «Touch Me» et porte le kitsch nubile au délire, bien aidée par la coulée jazz de Duncan James. Il fait aussi un carton avec «Chalk Farm Breakdown», monté sur une sorte de big Memphis beat, avec un slap qui prédomine effrontément.

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    Autre album de poids : With Monsters & Gods, paru en 2016. On y dénombre pas moins de cinq pures merveilles, à commencer par «Depression», bien slappé derrière les oreilles. Ils virent ensuite garage avec «Down On Your Knees». Ils savent allumer la gueule d’un cut, même à la voix sucrée. Pas de problème. Ils nous sortent ici un vrai hit de juke. Retour au big rockab avec «Desperation». Baroni nous claque ça sec et net et sans bavure. Ils restent dans l’énergie du son pour «Love You Better». Baroni adore rocker le boogie dans l’os. Bel hommage à Hooky, the king of it all. Retour au big romp de rockab avec «You Miss Something You Never Had», une sorte de clin d’œil à Eddie Cochran monté sur un heavy drive rockab. On trouve aussi sur cet album la reprise de «Jackson» chantée en duo avec Sparky. «In Space» fait aussi dresser l’oreille car l’ambiance rappelle un peu celle du beat monster de Carter USM. Il faut cependant faire gaffe à ne pas trop glorifier Emanuela sur ce coup-là, car ça ne lui rendrait pas service. D’ailleurs, elle exaspère un peu sur «Temptation». Elle sucre un peu trop les fraises du Hillbilly. C’est à la fois ravissant et insupportable. Plutôt que de choisir Emanuela, les Moon Explosion auraient dû choisir Dusty Springfield ou Cilla Black. Le problème d’Emanuela, c’est qu’elle a parfois tendance à se prendre pour une femme fatale, une sorte de Diana Ross, mais si nos souvenirs sont exacts, ce n’est pas Diana Ross qui fit la grandeur des Supremes, mais Florence Ballard. Avec «Midnight Blues», ils jouent la carte Moon Martin, et le morceau titre nous renvoie aux délices du thé dansant. Retour fracassant au boogie avec «Heartbreak Boogie» et c’est hélas sur cet album qu’on croise la reprise de «Call Me» qui nous fit horreur lors du concert. Mais l’un dans l’autre, c’est un excellent album.

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    Tout aussi excellent, voici All Grown Up qui date de 2007. On peut y aller les yeux fermés. Dès «Need You To Stay», on sent l’omniprésence du blue beat, cette espèce de beat précipité qui finit par devenir captivant. On retrouve aussi le «Live The Life» qu’ils jouent sur scène, monté sur le riff de «Please Don’t Touch» et embarqué à la belle ferveur rockab avec des cuivres à gogo. Ils restent aux frontières du blue beat. Autre cut interprété sur scène : «The Long Way Down», un mélange de fado et de beat rockab. Elle chante ça à la langueur monotone et c’est excellent. Ils doivent être les seuls à savoir servir un tel cocktail. Il faut dire que d’album en album, Emanuela grandit et finit par impressionner. Ils jouaient aussi «Brow-Eyed Boy» sur scène. Elle drive cette merveilleuse petite pop à la plaintive convaincue. En réalité, les Moon Explosion sont un groupe très ambitieux et ils savent se donner les moyens de leurs ambitions. Après Eddie Cochran et Johnny Kidd, ils rendent aussi un superbe hommage à Buddy Holly avec «Tornado». En B, elle se couronne impératrice de l’exotica avec «Bamboo». Elle sait tirer ses s de fins de syllabes et chalouper des hanches sur un air de cha cha cha. Encore une belle aventure de beat rockab avec le morceau titre de l’album. Voilà leur formule gagnante : heavy beat rockab zurichois nappé du sucre d’Emanuela.

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    La pochette de leur premier album, Introducing The Hillbilly Moon Explosion, est assez bizarre : le logo est monté derrière le cul d’Emanuela. On dirait qu’elle est en train de péter. Mais elle reprend vite le contrôle de la situation avec le «Chick Habit» de Gainsbarre, jadis repris par April March et encore avant sanctifié par France Gall. Il s’agit bien sûr du hit yéyé «Laisse Tomber Les Filles». Alors Emanuela nappe de sucre le heavy beat rockab d’Oliver Baroni. Pur jus de petite greluche sucrée, c’est en plein dans l’esprit bien frais des bonbons à l’anis, et même assez pointu dans le suggestif. Et puis Oliver Baroni revient tout démolir avec ce qu’il faut bien appeler un hit rockab : l’implacable «Maniac Lover». Ce mec est assez authentique, il sait driver son truc. On peut même le taxer de slappeur fou, ça ne lui fera pas ombrage. Il sait amener son Lover. Admirable bravado. Côté reprises, on a une autre bonne surprise : le «Remember (Walking In The Sand)» des Shangri-Las. On entend même les mouettes. Les Moon Explosion soignent bien les détails. Ils savent charger la mule du pathos. Emanuela fait sa Mary Weiss et bizarrement elle bouffe le cut tout cru. Ils montrent qu’il savent faire du swing avec un «Raw Deal» bien paradoxé dans l’os du crotch. Oliver Baroni dispose de réserves naturelles aussi importantes que celles de Brian Setzer. Rien n’est plus difficile à réussir que les coups de swing. Ils repartent en mode Emanuela avec «I’m Gonna Dry My Eyes». Elle gère ça au petit sucré des fraises de sa jeunesse. Elle peut vite devenir pop, au sens de l’égérie. Puis ils nous resservent l’horrible «Johnny Are You Gay» qui sonne comme une vieille freluquette de Richard Anthony, une espèce de vieux twist bizarre monté sur le beat de Moon habituel. On se croirait dans une surboom des early sixties. Ils savent aussi manier le groove, comme le montre «All She Wants». C’est même une merveille de slop de slap. Back to the big ferveur avec «All I Can Do Is Cry» : mélange habituel de beat explosif et de sucre. Comme si Emanuela montait un taureau pour essayer de le dompter. Ah elle est bonne à ce petit jeu là. On garde le meilleur pour la fin : «Clarksdale Boogie». Oliver Baroni nous fait du Hooky pur et dur. Il a compris que le rockab et le boogie puisaient dans la même énergie, mais le boogie peut être encore plus hot, all nite long ! Voilà le pur jus de Baroni. Comme Jake Calypso, il connaît tous les secrets de la Mirandole. Il amène ça doucement à l’autel. Tu veux communier ? C’est là - Everybody boogie all nite long - Bien vu, Lord Baroni !

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    Encore un big album avec Bourgeois Baby qui date de 15 ans déjà, puisque paru en 2004. C’est même un album qui déborde d’énormités, à commencer par l’infernal «XKE», avec une Emanuela à dada sur le heavy beat rockab habituel. Elle finit par t’enlasser la cervelle. Le sucre se marie bien au beat et c’est même assez demented, comme dirait Sparky. Elle finit en vocalises de foolish girl. Le mélange du sucre et du bop fonctionne ici à merveille. On voit aussi qu’avec le morceau titre, Oliver Baroni sait pulser son train-train. Il passe ensuite au boogie à la Hooky avec «Dead Cat Boogie». Emanuela a raison de chanter qu’elle est une real kool kitty dans «Real Kool Kitty», car c’est vrai, et puis on prend en pleine gueule une grosse giclée de rockab avec «Get High Get Low». Hard beat on the run, comme dirait McCartney. C’est le Baroni de l’An Mil qui bat le beat pur et dur. Il est dans l’énergie du bop de base, il sait ravaler une façade, aw baby let’s get high. Excellent, pulsé au meilleur beat de rockab moderne. Puis ils passent au groove de round midnite avec «How Can You». Ces gens-là savent tout faire. Elle sait entrer dans le chant avec le meilleur tranchant possible. On la voit plus loin driver le mambo italiano de «Mambo Italiano». Elle y shoote toute sa gouaille de demented craze. Encore un fabuleux shoot de boogie rockab avec «Holy Coochie Coo». Il y mettent tout leur gut d’undergut et c’est peut-être là qu’ils se distinguent le plus, sur le boogie rockab qu’Oliver Baroni joue à l’exacerbée. Ils n’ont aucun problème. Ils sont très forts, il faudrait les féliciter. One two three four ! Et voilà «Boy In Blue», une virée à perdre haleine, nouveau shoot de rockab craze avec une Emanuela qui entre au ralenti dans le bop du moon. C’est très réussi. Et ça finit comme ça doit finir, avec un «Many Years Ago» en forme de groove de jazz de round midnite. Elle est juste, incroyablement juste.

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    L’air de rien, By Popular Demand figure parmi les bons artefacts de l’Explosion, rien que par la présence de ce «Spiderman» monté sur un vrai beat roackab et joué à la tension maximaliste - Look out/ Here comes Spiderman ! - Emanula fait son retour aux affaires dans «Nobody’s Babies», une samba rockab qui s’étend jusqu’à l’horizon. On comprend que le suave aigu de sa voix puisse ne pas laisser indifférent : soit on adore, soit on déteste. Ils retapent dans Gainsbarre avec «Pouppée (sic) De Cire Pouppée (sic) De Son». Ils savent parfaitement shaker les genres dans leur shaker d’argent : beat + rose bonbon, sucre + organdi. Elle fait bien sa France Gall. Ils claquent un «Won’t Somebody Love Me» au banjo punk et drivent «Bad Motorcycle» au bah-bah-bah ventre à terre. C’est très spectaculaire. Ils rendent aussi hommage à George Harrison avec un «Holy Hoochie Coo» qu’ils sous-titrent «1961 George Version». Si ces Moon Explosion n’existaient pas, il faudrait les inventer.

    Signé : Cazengler, Morve explosion

    Hillbilly Moon Explosion. Le 106. Rouen (76). 17 janvier 2020

    Hillbilly Moon Explosion. Introducing The Hillbilly Moon Explosion. Crazy Love Records 2002

    Hillbilly Moon Explosion. Bourgeois Baby. Crazy Love Records 2004

    Hillbilly Moon Explosion. By Popular Demand. Crazy Love Records 2005

    Hillbilly Moon Explosion. All Grown Up. Not On label 2007

    Hillbilly Moon Explosion. Buy Beg Or Steal. Jungle Records 2011

    Hillbilly Moon Explosion. Damn Right Honey. Goldtop Recordings 2013

    Hillbilly Moon Explosion. French Kiss. Mercury 2015

    Hillbilly Moon Explosion. With Monsters & Gods. Jungle Records 2016

    Hillbilly Moon Explosion. The Sparky Sessions. Jungle Records 2019

    Lampinen ne lampine pas

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    Timmy Lampinen ne traîne pas en chemin. On le sait depuis le temps des mighty Clone Defects, dont les deux albums ont sonné quelques cloches à la volée. Le bordel a commencé avec Shapes Of Venus, paru sur In The Red Recordings. Il fut un temps où on ramassait systématiquement tout ce qui sortait sur In The Red. On faisait aveuglément confiance à Larry Hardy, mais en 2002, il rompit le contrat de confiance en sortant l’album pourri des Piranahs, Electric Grit Movies. Après il fallut trier. Shapes Of Venus sortit vainqueur du tri.

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    Avant même d’avoir commencer à jouer, Tim Lampinen a tout bon : il vit à Detroit. Et pour entériner l’affaire, Shapes Of Venus sent bon la stoogerie. Les Clone enchaînent trois cuts qui pourraient sortir de Raw Power : «Stray Boy», «Still Poor» et «Fill My Fridge» - I’m a stray boy looking for you - On croit entendre le fameux walking cheetah with a heart full of napalm de «Search And Destroy». Tim martèle bien sa stoogerie. Et ça continue avec «Ain’t No New Buzz», un cut qu’Iggy aurait pu enregistrer à l’âge d’or. Avec «Rabid Animal Detector», l’indicible Tim passe au heavy blues de blues rock psyché-psycho, celui du Michigan, le plus chargé du monde. En B, les Clones vont plus sur la pop. Ils semblent s’intéresser à un pan considérable de la pop culture. Avec «Calm You Down», ils sonnent comme les Heartbreakers : même énergie, même sens du low-down. S’ensuit un «I Rock I Ran» battu comme plâtre, gorgé d’énergie, énorme shout de blasting brew. Quel album !

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    Ce n’est qu’un peu plus tard qu’on a découvert l’existence d’un autre album des Clone Defects, Blood On Jupiter, qui est antérieur à Venus. Et là, attention ! C’est du Detroit Sound gicleur ! On voit dès le morceau titre qui ouvre les hostilités que c’est battu à la sévère. Timmy et ses sbires sont des brutes ignobles. Ils attaquent à la manière du MC5, mais avec encore plus de sauvagerie. Ce Lampinen est un fou dangereux. Il faudrait que quelqu’un téléphone là-bas à Detroit pour demander à le faire enfermer. Il fabrique une sorte de frichti de garage épouvantable. Aucun barrage ne peut endiguer sa purée, même pas celui de Marguerite Duras. Il sort une purée à la fois fluctuante et complètement défenestrée. Il prend plus loin «Don’t Care If You Come» au pire boogie blast de Detroit. Il ne recule devant aucune crise d’épilepsie. Cet enfoiré joue aussi du piano dégénéré, comme on le constate à l’écoute d’«Eyeballs Poppin’». Il va trop loin dans la surenchère. Oh il tâte aussi du glam, comme on le voit avec «Little Ms Lori» et «Deep End». On croirait entendre des glamsters britanniques. On s’extasie de l’incroyable insistance du riff et du clap-handing. Toute l’artillerie du glam se pointe au rendez-vous - I need your love/ I want your love - C’mon ! Ce mec peut se comporter comme un démon, c’est en tous les cas ce que prouve «Tropically Hot». Il nous fait ici le coup du garage de Detroit, avec les clameurs stoogiennes. On est convaincu d’avance. Il trébuche même sur des pieds d’alexandrins. Cet ignoble Timmy est un sacré scavenger des bas-fonds de Detroit. Il existe un dicton populaire dans le Michigan qui dit : «Rien n’est pire ni plus atroce qu’un Lampinen». Alors faites gaffe...

    Il se fait aussi appeler Timmy Vulgar. Ça veut bien dire ce que ça veut dire.

    Après l’expérience Clone Defects, ce monstre monte un power trio avec Blake Hill et Jeff Fournier et se lance dans une nouvelle aventure baptisée Timmy’s Organism. On entend le gargouillement d’organes avant même d’avoir commencé à écouter les albums. Et comme ce monstre se veut multi-cartes et qu’il peint, il barbouille ses pochettes d’albums d’art trash, certainement le trash le plus dégueulasse qu’on ait vu depuis les horreurs peintes par David Lynch ou les monstrueuses exactions scatologiques de Paul McCarthy.

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    La pochette d’Heartless Heathen paru en 2015 choque par son chaos de bleu et d’organes charcutées à vif, sans anesthésie. Quant à la musique, berk, c’est encore pire. «Get Up Get Out» sonne comme un vieux coup de mayo de mayem. Ça flirte avec l’incongru. Le batteur qui joue là-dedans est un vrai dingue. Jamais un mec n’a frappé ses fûts avec une telle violence. Ils jouent le morceau titre au gras du bulbe, ils visent l’extrême du garage qui tâche et ça cisaille à tout va. Cette immonde crapule de Lampinen achève son cut à coups de solo trash. Ah la vache ! Ils noient ce heavy blues de blues-rock qu’est «Mental Boy» dans du gras de distorse infecte et le wahtent jusqu’à l’os de l’ass. Tout est complètement saturé de son, ici. Ils attaquent «Wicked Man» à la frenzy d’accords des seventies, c’est encore une fois noyé de gras et joué au solo suspensif de génie pur. Ils n’en finissent plus de revenir au gut du bœuf. Ils tapent leur «Back To The Dungeon» à la sale distorse de petit délinquant qui pue le tabac et le sperme - Mixing up the potion/ Way down in the dungeon - Ils disposent des atouts majeurs : le son, la crasse, le gras, la braguette ouverte et les mauvaises intentions. L’atroce Lampinen profite de notre crédulité pour repasser un solo de gras double. Il travaille ses riffs au corps. Ce glam-stomp qu’est «Weather Woman» ne respecte rien ni personne et se situe au-delà de toutes les normes - Oh weather woman/ The sun is out - Ils jouent le garage de Detroit dans toute sa splendeur caviardée - Caught a cold/ Got da flu/ Pneumonia/ I’m sick and blue - Non seulement c’est claqué du beignet de crevette, mais c’est aussi suivi au filet de bave et ça donne une sorte de merveille apoplectique. Le solo sonne encore une fois comme une stoogerie définitive, un truc à se damner pour l’éternité. Lorsqu’ils attaquent «Hey Eddie», ils sont à bout d’énergie, mais ils se lancent tout de même dans une cavalcade insensée. Tim salue Eddie qui a choisi de quitter cette vie comme the antumn leaves that fall. Il redore le blason du Detroit Sound et se paye le luxe d’un shuffle sur le tard. Voilà encore un cut dynamité. Ça se termine avec «Wanted White Dove», amené au heavy groove, en mode gras double. On sent chez eux une prédilection pour la providence déliquescente. Tim Lampinen a le génie du gras, celui qui fait du bien par où ça passe. Il raconte dans la chanson qu’il soigne une mouette blessée et il la soigne si bien qu’elle lui sourit, et un jour elle devient son amante - Heal those ugly blues/ Hold your head up/ Save your love and truth - Il est extrêmement rare de voir autant de frénésie exacerbée sur un seul disque. Si vous n’y croyez pas, allez jeter un œil.

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    Paru en 2010, le premier album de Timmy’s Organism s’appelle Rise Of The Green Gorilla. La pochette est heureusement un peu moins agressive. L’atroce Lampinen parvient une fois de plus à proposer un album fascinant, ne serait-ce que par l’impact d’un cut comme «Gorilla Golden Pt 1», cut d’attaque frontale joué au son de destruction massive et saturé de menace sonique. Il fait même entrer les congas de Congo Square dans la danse. Avec «Ugly Dream», il pousse tout dans les orties. Lampinen ne fait pas dans la dentelle de Calais, il faut le savoir. C’est un Detroiter extrémiste, un vénérable pousseur de bouchon, une sale graine de violence, il adore faire craquer son jack et rire comme le diable, ha ha ha sweet dreams ! Avec «Pretty Stare», il se veut plus pop, mais solidement charpenté. Lampinen sait ramener de la viande dans sa caverne, même si sa viande n’est pas toujours très fraîche. On le voit descendre dans son gosier pour produire quelques effets déflagratoires. Retour de la grande violence percussive dans «Oafeus Clods». Oui, on croit entendre les tambours du Bronx. Il sait générer des éruptions soniques dignes du Krakatoa. On l’entend aussi répandre des couches de son infectueux dans «Building The Friend Ship». Comme d’autres aventuriers, il crée son monde. Parti de rien, comme Alexandre le Grand, il bâtit un empire à travers tout le Moyen Orient. Il tâte un peu d’electro dans «Give It To Me Babe», il sature tellement sa soupe qu’elle manque d’air, du coup. Méfions-nous de Lampinen. Même quand il fait joujou avec les instrus et les spoutnicks, il sature l’air. Il sature tout, même son empire. Il boucle cet album pugnace avec «The Traveler». Pour bien brouiller les pistes, il va chercher la beauté mélodique. Il ne veut pas qu’on le prenne pour un débile stoogien. Sa quête du hit vaut bien celle du Graal.

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    Quelques bonnes surprises guettent l’imprudent voyageur sur Raw Sewage Roq, le deuxième album de Timmy’s Organism. À commencer par «Cats On The Moon». De l’idée, que de l’idée ! Voilà un superbe panache de détritus de boogie-rock de bons potes. Ça bombe du torse, ça nivelle par le bas et ça chante au fond du studio. Quel impact ! Le coup de génie se niche en B : «Low Cut Surgery», encore un heavy romp de Roq saturé de guitare. Tim rebondit sur le beat bondissant. Extraordinaire approche ! Il adore partir en solo vers le néant et mine de rien, il sort la meilleure distorse du Michigan. Il faut aussi écouter l’excellent «Mind Over Matter» lancé aux clameurs d’Elseneur. On croirait entendre des Dolls du Michigan - My car radio baby/ It speaks to me - C’est un hit. L’idée est là. Avec «Bouncing Boobies», Tim fait l’apologie des seins - I took her to the movies/ Nipples like rugbys - Bien sûr, il chante ça à l’insidieuse, sur un beat impérieux comme une bite au printemps. Dans «Monster Walk», il balance un killer solo flash yeah yeah. Tim ne mégote pas avec le flesh du flash - Give the monster/ Somethint to eat - Et il revient à son cher heavy blues avec «Drunken Man». Il en profite pour couler un bronze de son atrocement beau et fumant, toujours dans la démesure du Michigan. Avec «Take The Castle», il semble faire un clin d’œil à Bevis Frond, car il s’embarque dans une histoire épique d’assaut.

    Et comme si tout cela ne suffisait pas, il monte une nouvelle équipe de space-punk avec Brad Hales, Colin Simon et Johnny LZR qu’il baptise Human Eye. Quatre albums au compteur, avec des pochettes de graphiste fou. Tim sévit sur tous les fronts : son, image.

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    Leur premier tir sobrement intitulé Human Eye est complètement foiré. C’est pourtant sorti sur In The Red. Comme dirait l’autre, l’habit ne fait pas le moine. Si on voulait se montrer charitable, on pourrait parler d’album Dada, à cause d’une fâcheuse tendance à l’expérimentation. Tim cultive ses choux et ne cherche pas à plaire aux ménagères. Mais il se montre beaucoup trop aventureux. C’est un vrai bordel. On va fouiner en B mais quand on écoute «Sly Glass Foam», on baisse les bras. C’est sans espoir. Pas de son, pas de rien. On croit parfois entendre du mauvais Devo. «Chew Raw Meat» est à peu près le seul cut décent de l’album. S’ensuit un «Kill Pop Culture» bien subversif et bardé de clameurs d’accords de braseros.

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    Fragments Of The Universe Nurse vaut le rapatriement pour au moins une raison : «Gorilla Garden». Voilà du grand Lampinen gorgé de son et de wah, battu à la sauvage et joué au meilleur déboîtage de méthodologie. Une fois encore, il enfreint les règles et se donne libre cours. Il part en solo de gras double sous le boisseau. Il ne vit que dans l’excès, il n’en finit plus de créer son sale petit monde, il laborantine le tintouin, il organism son labour of love. Il nous sert une autre rasade d’énormité sonique avec «Rare Little Creature». Ce mec va là où bon lui chante. Oh et puis ce «Slot Culture» d’ouverture du bal d’A. Tim joue tout à l’idée conquérante. Il multiplie les effets de style et fourre le croupion de sa dinde de tortillette psychédélique. Il tape «Two Headed Woman» à la vieille mélasse. Ils sont quatre à touiller cette soupe du diable. Ils nous hantent, avec ce son épicé, pointu, bordélique, un peu rouillé et si spécial. Tim adore le psyché organique, comme on le constate à l’écoute de «Lightning In Her Eyes». Grâce à son imaginaire tentaculaire, il crée des mondes à chaque coin de rue, il invente même ce psychout liquide qui coule sur les doigts. Il faut entendre les phrasés de fournaise d’orgue dans «Dinosaur Bones». Infernal ! Pur jus de Detroit Sound.

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    Un drôle de vagin psychédélique orne la pochette de They Came From The Sky. Attention, cet album pue l’urgence sonique. Ça démarre avec «Alien Creeps», un heavy psych complètement irresponsable et visité par l’âme du diable, c’est-à-dire la guitare électrique de Timmy. Non seulement c’est balayé par de forts vents d’Oust, mais les rafales atteignent des proportions anormales. Et ça continue avec «Brain Zip», lancé au popotin lampinien. Le drummer bat le train et la machine fonce dans la nuit industrielle avec un panache clochardisé extrêmement séduisant. Tim joue son va-tout glou-glou habituel - Won’t you heal my pain/ Shine your light - Puis il revient à son cher génie avec «Impregnate The Martian Queen», pur stomp cocasse et industriel. Welcome in Vulgarland, le meilleur parc d’attraction des temps modernes. Le cut avance à marche forcée, stomping all over the world. Tim raconte qu’on lui a pris son sperme pour engrosser la reine et quand il revient sur terre, ses copains ne le croient pas - The Marian Queen/ She has a kid - Tim n’en finit plus de créer son sale petit monde avec du son, du texte, des idées et de la cocasserie juvénile. «Junkyard Heart» se montre digne de l’early Hawkwind, c’est en effet un spectaculaire brasero de tourmente sonique. Tim règne sans partage sur son empire de création purulente. Il s’élève jusqu’au ciel, dressé sur un piton noir. C’est joué à l’atmo foutraque d’une Arletty des bas-fonds d’Amérique. Terrific ! C’est littéralement bombardé de son. En B, on tombe sur «The Movie Was Real», un vrai chef-d’œuvre de boisseau ondoyé, une menace intrinsèque, un mauvais plan latent, une senteur mortifère. Tim sait ménager la chèvre de son chou. Il revient au heavy blues de blues-rock avec «Serpent Shadow». Il pèse de tout son poids dans la balance, il ne déçoit pas, il incarne le sonic trash du Miche, il annonce que Dieu descendra combattre the beast - Cast this creature in the lake of fire/ That he breathes - Solo d’étranglement pulsatif à la clé de sol par là-dessus. Avec un titre comme «They Came From The Sky», le cut est forcément épique et il passe un solo de trash pur en guise de cerise sur le gâteau.

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    Le dernier album en date de Human Eye est sorti sur Goner. Il s’appelle 4: Into Unknown. On a du son immédiatement, dès «Gettin’ Man». C’est la grande différence avec les disques prétendument garage qu’on croise ici et là dans les bacs. Tim Lampinen va chercher le meilleur gras double de l’univers connu - The worls is bad/ And it only gets worse - Il va droit au but, c’est inspiré et terriblement rockalama fa fa fa. Rien qu’avec cet amuse-gueule, l’album s’annonce comme un festin de roi. Voilà un «Immortal Soldier» surchargé de son, et du meilleur - I see in the sky/ See all the suns that have died - Et selon Tim, les anges ne restent pas longtemps sur terre. C’est encore une chanson d’adieu, à la mémoire d’un certain Tim Van Esley. «Buzzin’ Flies» goutte de jus - All these flies/ All these flies - Quelle horreur de trash punk ! Tim saccage tout. Trois belles pièces lampiniennes se planquent en B, à commencer par «Juicy Jaw», envoyé au punch de cave - You make stick out - complètement dévasté de la ciboulette avec un solo de congestion abdominale, évidemment. Back to the true heavyness avec «Faces In The Shadows», admirable heavy-blues préhistorique de faces in the dark. C’est l’archétype du genre, joué au meilleur gras-double de charcutier d’Auvergne. Dans «Outlaw Lone Wolf», Tim raconte l’histoire d’une vengeance. Après le massacre des habitants de son village, Lone Wolf part à la recherche du Blacksmith - Hell bent killing every man - Solo de jachère dégueulasse et Wolf coince le Blacksmith qui essaye de se faire passer pour son père. Mais Wolf l’abat comme un chien. Les histoires sont chaque fois fantastiques !

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    Back to Timmy’s Organism avec Eating Colors. Trois violentes sirènes guettent Ulysse. Alors attache-toi au mât, mon gars ! Un, «Lick Up Your Town». Detroit Sound de base et de rigueur, morve de guitare verte et beat serré. Ça bat sec et dru et Timmy chante à la petite stoogerie. Il enroule ses boucles. Il a de la suite dans les idées et pelote le cul rebondi de la bonne franquette. Deux, «Crawling Through The Future» : on croirait entendre Blue Cheer. Timmy connaît toutes les ficelles de la sainte trinité du gras double. La troisième bombe se trouve en B : «Revolution Eyes» - I see revolution/ In your diamond eyes - Lyrics de rêve, comme au temps des Stooges, fantastique attaque de ramalama comme au temps du MC5 - Get down on my knees yeah - Quel coup de bravado ! S’ensuit un «Wolfman Running» embarqué aux power chords de Detroiter - Skin/ Start/ To rip - Timmy crée bien son monde, comme d’autres avant lui. Ses départs en solo sont des petites merveilles d’anticipation malovélante. Il se montre bon même avec de la pop, comme on le constate à l’écoute de «Four Leaf Clover» : voilà un cut gratté à coups d’acou, joyeux et enlevé. Il boucle ce bel album jaune avec «Chemical Make Up», une sorte de long cut médicalement assisté. Timmy joue de beaux solos de congestion orbitale, il ne cherche pas à défrayer la chronique, elle se défraie toute seule, il agrège les gréements et appareille les continents, et il repart en solo alors que tout le monde a quitté la salle, et c’est là qu’il va jouer son meilleur solo de trash guitahhh. C’est tout Tim.

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    Ah tiens, en voilà encore un ! Il s’appelle Survival Of The Fiendish. Tout est là dès «Guzzle Gazoline» : la bécane, la brutalité du Detroit blitz et la guitare saturée à l’extrême. Ce démon de Tim Vulgar laboure ses champs comme mille charrues en folie. Il ressort ses vieilles recettes de fudge, ça coule de partout comme s’il branlait son rock. Avec ce genre de dingoïde patenté, on est obligé de métaphorer plus que de coutume, il faut incendier les mots au phosphore, car c’est exactement ce qu’il induit dans le conduit. Ses alright sont d’une véracité troublante, il ne rigole pas avec l’authenticité. Cet homme ne vit que pour la purée, c’est évident. Avec «Green Grass», il nous plonge dans sa vision des seventies, avec un son aussi ambitieux que peut l’être un clerc de notaire provincial. Il délire bien - Now I can live in peace/ Filled my turtle belly with a feast - Il attaque violemment sa B avec «Selfish Little Queen» - You’re a catastrophe of greed/ I ain’t blind to see/ Ya see ? - S’il monte un psychodrame, c’est uniquement pour l’exploser par la panse - I ain’t your king ! - C’est du Shakespeare de Detroit. Fantastique ! Il passe à la heavy melancholia de bitter pill don’t cha kill avec «Bitter Pill». Il se demande pourquoi la pill ne kill pas et il part la gueule au vent comme s’il chevauchait en tête de brigade sous le feu des artilleurs russes. Quelle bravado ! - Now I’m a zombie standing in line at the pharmacy - Solo surperbe - Lobotomize the poor/ Keep em down forever more - Sa guitare sature tellement qu’elle s’étrangle dans les poussées de fièvre. Il crée une confusion extrême avec «The God Of Comedy» et au beau milieu de cette confusion, il part en solo de wah-wah et explose le cortex du contexte. Il surjoue sa purée et déblatère à terre, les quatre fers en l’air. C’est très spectaculaire, il développe la même énergie que Pat Schizo. Les Timmys jouent tous les trois chacun dans leur coin comme Cream, et comme s’ils avaient chacun dix bras comme Khali. Les voix et les fumées évoquent le premier album de Black Sabbath. Tim Vulgar termine avec «Missunderstood». Il se plaint qu’elle le considère mal - In your eyes I’ve never done good - Et pour cause, Tim est un outcast - I will never change/ This is how I will stay/ I’m an outcast - Et c’est tant mieux.

    Signé : Cazengler, Clown défèque

    Clone Defects. Blood On Jupiter. Superior Sounds 2001

    Clone Defects. Shapes Of Venus. In The Red Recordings 2003

    Timmy’s Organism. Rise Of The Green Gorilla. Sacred Bones Records 2010

    Timmy’s Organism. Raw Sewage Roq. In The Red Recordings 2012

    Timmy’s Organism. Heartless Heathen. Third Man Records 2015

    Human Eye. Human Eye. In The Red Recordings 2005

    Human Eye. Fragments Of The Universe Nurse. Hook Or Crook Records 2008

    Human Eye. They Came From The Sky. Sacred Bones Records 2011

    Human Eye. 4: Into Unknown. Goner Records 2011

    Timmy’s Organism. Eating Colors. Detroit Magnetic Tape Co 2017

    Timmy’s Organism. Survival Of The Fiendish. Burger Records 2018

    RESERVE TA DERNIERE DANSE

    POUR SATAN

    NICK TOSHES

    ( Allia / 2012 )

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    PART ONEGENERALITES

     

    Le bon vieux temps du rock ‘n’ roll ! C’était quand au juste ? Les débuts d’Elvis en 1954 ? Vous ne connaissez donc pas l’histoire des quatre-vingt-dix pour cent de l’iceberg ? Pas de chance pour vous, 1954 c’est juste le début de la fin. Sans vouloir remonter aux calendes grecques, officiellement cela vient au monde en 1945, oui l’on pourrait descendre jusqu’aux belles années du Delta, mais soyons sérieux, 1945 est une belle date, historique et musicale. Inutile de vous faire un cours d’histoire par contre aux lendemains de la guerre le jazz se trouve à la croisée du chemin. Vous avez ceux qui vont le dynamiter de l’intérieur et ce sera l’éclosion avec Charlie Parker et la génération Be Bop. Et puis les autres. Les hauts sommets c’est comme la peinture à l’huile c’est bien plus difficile. La peinture à l’eau c’est nettement moins beau mais c’est plus démocratique. Entendons-nous sur ce gros mot adoré des politiciens, essayons de le traduire en termes plus simples : n’importe quel bon à rien est capable de vous torcher une chansonnette sur un bout de trottoir ou de comptoir. C’est que l’on appelle du brut de brut. Faut obligatoirement passer par les industries de transformation pour la suite.

    Si vous pensez vous retrouver en studio avec ingénieurs du son inventifs et musiciens de génie, vous faites fausse route, c’est un problème quasi-secondaire, tout le monde est capable de brailler dans un micro et les musiciens prêt à vous torcher un simili-arrangement entre deux sandwichs ce n’est pas ce qui manque.

    Pensez aux choses sérieuses, une chanson n’existe que parce qu’elle passe à la radio. Vous avez donc vos entrées chez les disc-jockeys. Certes c’est eux qui drivent, mais vous leur fournissez le canasson. Qui lui vous appartient. L’est enregistré sous votre nom. Pas de méprise, aucune allusion au gars qui aurait composé le morceau. Vous avez sauté un étage. Celui des éditeurs, ceux qui détiennent les droits. Ceux qui empocheront le pactole.

    Etrange comme au bout de la chaîne vous trouvez le fric ! Le pire c’est que généralement à l’autre bout de la chaîne se tient - ne soyez pas idéaliste, ne proposez pas l’Artiste - le fisc. Un monstre qui a encore les dents plus longues que vous. Bonheur inouï, pendant longtemps les agents patentés de l’Administration ne se sont guère préoccupés des chansonnettes. Personne ne venait fourrer son nez dans le marigot. Les crocodiles se débrouillaient très bien entre eux. Ce n’était pas non plus l’amour fou entre nos amphibiens, y avait de terribles bagarres et de sacrés coups bas pour les terrains de chasse, on lavait son linge sale - voire carrément crasseux - en famille… Hélas, sur notre terre le bonheur ne dure jamais longtemps. La réussite attise les jalousies. Au début des années soixante éclate le scandale de la payola, une méchante paella.

    Mais reprenons au début. Le Be Bop d’un côté et le Rock ‘n’ Roll de l’autre. Du Rhythm ’n’ Blues si vous préférez. Les rescapés de l’aventure auprès de qui Nick Toshes mène l’enquête ne sont guère tatillons sur l’emploi des termes, vous pensez peut-être pureté R ‘n’ R ou authenticité R ‘n’ B, mais eux derrière ces deux appellations incontrôlées ils ne voient que l’argent qu’elles génèrent. Dès la fin du dix-neuvième siècle les affairistes blancs traditionnels ont manqué sinon de flair du moins de prospective. Ont laissé aux juifs et aux noirs le bizness de la chansonnette. Les juifs avaient le fric et les noirs une créativité stylistique différentes des patterns issus musicaux issus de la vieille Europe. Avec le Brill les juifs ont jeté les bases du modèle économique. Détenaient l’édition des morceaux et alimentaient les grosses majors de disques telle RCA Victor et Columbia qui proposaient au grand public de la musique sentimentale… Comme l’on ne gagne jamais assez une partie du catalogue était aussi dévolue à la musique des noirs. Pas bêtes pour trois sous, les noirs ont compris la combine. Se sont mis à créer leurs labels et surtout leurs maisons d’éditions.

    Ensuite ça été la chasse aux titres et enfin aux disc-jokeys. Imaginez un aquarium remplis de requins. Tous les coups sont permis. Menaces, chantages, passages à tabacs, combines de haut vol… Pour ceux qui ont besoin d’appui financiers ou de porte-flingues opératifs, en dernier recours vous avez la mafia. Entre gens de bons sentiments l’on arrive toujours à trouver un arrangement. C’est-ce que Nick Toshes appelle les temps d’innocence du rock ’n’ roll. Tout le monde y trouve son compte, le gamin qui enregistre son disque, le D. J. qui le programme dans son émission moyennant une petite ( tout est relatif ) commission. Les patrons récoltent les droits. Tout baigne dans l’huile. Tout le monde a des goûts simples : de l’alcool, du tabac et des putes. Que voulez-vous de plus. Aujourd’hui vous collectionnez les labels mythiques qui se sont montés à l’époque : King, Vee-jay ( qui se sont adjugés les Beatles pour leurs premiers pas en Amérique ) ,Aladin, Sparks…

    La jalousie est la rançon su succès. Des petits blancs aux idées larges se posent les bonnes questions : pourquoi est-ce que les blancs ne pourraient pas chanter eux aussi du rock ‘n’ roll ? Un gars futé, un certain Sam Phillips décroche le jackpot avec Elvis. Sur ce les gros cachalots radinent leurs fraises et RCA lance une OPA fracassante sur Presley. Le King ne tarde pas à engranger son premier million de dollars. Beaucoup de maille pour des chansonnettes. Le FBI, la politique et les impôts s’en mêlent… Le rock ‘n’ roll a perdu son innocence.

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    L’on soulève le lièvre. Pas besoin de le chercher bien loin. Tout le monde est au courant de la combine, sous la pression des commissions d’enquête les D. J. tombent dans le piège, ils reconnaissent, en toute bonne foi pour les plus naïfs, recevoir de la money pour passer les records… Alan Freed sera la victime expiatoire. Tout le monde se détourne du mouton noir. Crèvera tout seul chez lui en attendant son procès. Pas dans un deux-pièces-cuisine, non dans son ranch de… 700 hectares. Ce qui change un peu les perspectives. Pourquoi lui ? Parce que avec ses shows qui mélangeaient artistes noirs et blancs il dérangeait un peu, parce qu’il était un peu trop sûr de lui, un peu trop provocant, ne savait pas tout à fait la fermer quand il vaut mieux ne pas l‘ouvrir, l’a un petit peu cherché… Les perdants n’attirent pas la pitié.

    Certains moralistes prétendront que l’expression innocence du rock ‘n’roll, s’avère toutefois un tantinet exagérée. Certes nos héros de l’ombre dont l’histoire a oublié les noms - Nick Toshes leur donne la parole - n’étaient pas des anges, parfois ce ne sont pas les bons musiciens qui sont crédités sur les pochettes, idem pour les chanteuses, et la photo ne correspond pas. Bien entendu personne - ceux qui étaient présents comme ceux qui n’y étaient pas - n’a touché le moindre dollar pour le titre qui s’est vendu à des centaines de milliers d’exemplaires. C’est la vie.

    Si vous croyez que les profiteurs se sont arrêtés de travailler au milieu des années soixante, l’on peut citer les noms d’un tel qui s’est occupé de Madona, et d’un autre de Prince… Mieux vaut arrêter la liste. Et la payola continue sous d’autres formes… Tel groupe possède tel label, telle radio, telle TV… L’échelle a changé. Les principes restent les mêmes, les pratiques se sont en quelque sorte affinées et standardisées, l’on ne parle plus de dessous de table mais de promotion, de publicité, de contrats, d’accords mis au point par des bataillons d’avocats.

    Question d’innocence, vaudrait mieux fermer les yeux. Dans les années cinquante, les petits labels ne quittaient pas le quartier qui les avait vu naître. Tout le monde se connaissait et se tenait à la culotte de l’autre. Vous pouviez faire un coup foireux, mais le boomerang vous revenait en pleine gueule, tôt ou tard. Cela permettait à chacun de s’y retrouver à condition d’y mettre un peu du sien. Il n’est pas de meilleure pédagogie que l’expérience. Les petits gars et les petites garces qui entraient dans la marmite étaient surveillés par les vieux brigands. L’on faisait attention à ce qu’ils ne se brûlent pas du premier coup les ailes. L’école de la vie, mais avec de bons maîtres soucieux de votre survie… Aujourd’hui c’est David contre Goliath revêtu d’une armure anti-fronde.

    C’est du moins ainsi que Nick Toshes le raconte. Répète avec une certaine complaisance les propos des principaux activistes de l’époque. Ça sonne vrai de vrai. Vous avez envie d’y croire. Mais la croyance n’a rien à voir avec la pensée, assuraient les philosophes grecs. Ce qui est sûr c’est que ça se lit comme un roman. Avec victimes innocentes et malandrins au grand cœur. Pour tout dire il y a même un D. J. honnête.

    Damie Chad.

     

    *

    Un rocker n’a jamais peur. Mais là, j’avoue avoir fait un pas arrière. Vous ne devinerez jamais ce qu’il y avait dans ma boîte à lettres : une enveloppe ! Ne vous gaussez point, pas une misérable pelure de moins que rien, non un véritable monstre, hors-norme. Le facteur avait dû se donner du mal, l’avait lovée amoureusement, à la manière d’un boa constrictor imperator, il en avait capitonné tout le pourtour intérieur de mon coffre à messages, en prenant bien soin de ne pas en fragmenter le contenu. En plus, ça pesait un max. Un bon kilogramme. Rien à voir avec les minimales vingt grammes réglementaires. En montant l’escalier je supputais le pire, une lettre d’insultes et de menaces envoyée par un ennemi enragé, je subodorais néanmoins le meilleur, une missive d’amour postée par une admiratrice inconnue qui me déclarait sa flamme et son impatience passionnée. M’a fallu débarrasser le bureau pour pouvoir la poser. J’ai jeté un regard suspicieux sur les timbres, cela venait de Suisse, sans doute un banquier qui me faisait don d’un fond de lourde valise de billets de cinq cents dollars - au poids, plus d’un million - mais mes hypothèses se sont effondrées lorsque au dos de l’envoi j’ai lu le nom de l’expéditeur.

    Pas n’importe qui. Jean-Michel Esperet. Un bienfaiteur de l’humanité-rock qui nous a légué une superbe biographie de Vince Taylor. Jean-Michel Esperet est un esprit curieux, n’a-t-il pas organisé dans un autre de ses livres une rencontre improbable entre Vince Taylor et Jean-Paul Sartre, ne nous a-t-il pas aussi fait part en deux de ses ouvrages de ses idées critiques un tantinet diaboliques sur notre monde et sa modernité. Tout cela, nous l’avons soigneusement répertorié dans nos chroniques. Jusque-là Jean-Michel Esperet était resté dans ce qu’il faudrait se résoudre à appeler le littérairement correct. Mais là, manifestement, rien qu’aux sidérantes dimensions de l’enveloppe je compris qu’il avait entrepris de dépasser les bornes de la démesure humaine. J’ai donc extrait de sa gangue enveloppeuse l’objet de ma curiosité, long comme trois cent soixante-six jours sans pain. Ceci n’est pas une comparaison, jugez-en par vous-mêmes, c’était un… calendrier.

    HAPPY LEGS YEARS 2020

    ¨Literary ¨ Edition

    ZIOLELE FEAT JAMIE

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    Les esprits primesautiers hausseront les épaules, un calendrier au moins c’est vite vu, vite lu. Certes ils n’ont pas tort, mais il y a calendrier et calendrier. Celui-ci s’apparenterait plutôt au Double assassinat de la rue Morgue d’Edgar Poe, entre la mort et l'amour la distance à enjamber n'est jamais grande, mais ici il s’agit non d'un double mais de douze assassinats. Considérés comme un des beaux-arts ajouterait Thomas de Quincey.

    Chacun se distrait comme il peut. Nous avons tous nos marottes innocentes. Le passe-temps de Jean-Michel Esperet ici reconnaissable sous le pseudonyme de Jamie consiste à doctement deviser sur des morceaux de femmes. Sereinement découpées en deux parties que je m’abstiendrai de qualifier, n’étant pas mathématicien, d’égales. En tout cas ne nous est présenté ici que l` inférieure. Cet adjectif avant tout géographique se doit d’être dépouillé de toute nuance péjorative. Cette activité ludique n’est pas sans rappeler ces numéros de cirque durant lesquels une femme ( de préférence jeune et jolie ) allongée dans une caisse de bois se voit proprement sciée en deux par un magicien généralement secondé par son aide non moins jolie et charmante que la sanglante victime. En homme galant Jamie a préféré laisser à sa demoiselle d’apparat la noble tâche d’accomplir l’irrémissible et toutefois jouissif forfait de la double séparation, c’est donc elle qui s’est chargée du soin de manier la scie séparative, en l’occurrence ici un appareil photographique. Cette artiste de la découpe dénommée ZioLele est qualifiée dans une courte présentation d’Anne-Emmmanuelle de Bonaval de ¨ feminist photographer ¨.

    Sans doute est-il temps de se pencher sur les legs-d’œuvres de l’artiste. Bottines, escarpins, talons aiguilles, bas résilles. J’oubliais les jambes. Fines. Elégantes. Souvent cachées ou recouvertes. Seul le mois de juillet vous offrira en coin de photo un prélassement de jambes dénudées échappées d’un fessier même pas nu. Beaucoup de jambes conquérantes qui s’éloignent, paires de ciseaux qui s’amusent à couper le désir qu’elles suscitent. Celle d’avril est pointue comme une tête d’aspic menaçante et celle pommelée de décembre évoque les dessins d’une mue de boa qui s’écarte de sa victime, l’on n'aperçoit qu’une main d’amant mortuaire qui gît dans les draps blancs d’un lit désormais inutile.

    Point d’affriolance ou de frivolité dans les photos de ZioLele. Pas des vues saisies au viol hasardeux de la beauté. Des mises en scène froides dénudées de tout sentimentalisme. Chez ZioLele la femme ne cherche pas à vous taper pas dans l’œil, si elle pouvait vous le crever d’un coup de talon elle ne s’en priverait pas. Au mois de mai, le large coutelas irradiant de lumière qu’elle tient d’une main ferme vous incite à ne pas lui laisser faire ce qui lui plaît. Sans doute aimeriez-vous remonter vers la source chaude du sexe, mais par ses prises de vues ZioLele vous incite à baisser les yeux, votre désir s’incline vers le sol, l’amazone est impitoyable, elle dévoile davantage d’asphalte, de goudron, de carrelage que de chair. Peut-être parce que la rareté multiplie la demande et crée la cherté de l’absence. Le fruit fuit. Ou alors il parlemente mais donne l'impression qu'il ment beaucoup plus qu'il ne parle. Aucun pied invisible ne régule l'offre et la demande.

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    Nous sommes loin de ces calendriers que les sympathiques routiers étalent dans la cabine de leur camion. Les amateurs de pom-pom girls risquent d’être déçus. Il y a une explication à tant de froideur, à tant de refus. Anne-Emmanuelle de Bonaval nous la fournit en sa courte présentation. Si la photographer is feminist c’est parce que le writer qui légendifie les photos est misogynist. Artistes antagonistes. Attention l’on sent qu’ils se sont amusés, qu’ils se sont affrontés, un peu comme quand on est enfant on joue à bataille fermée, chacun pose sa carte en espérant qu’elle sera la plus forte. Ni le chat, ni la souris ne veulent perdre la face. L’enjeu est clair : pas de chatte mais le sourire. Il semblerait que Jamie-Esperet parte perdant. Il n’a que quelques mots à opposer aux grands espaces occupées par les photos. Mais ZioLele n’a pas abusé de l’exubérant chromatisme des teintures. Etrangement chez elle la couleur tend vers le blanc comme si elle voulait que se détache avant tout le compas des jambes dressées comme les mystérieux jambages de quelques lettres isolées victorieusement calligraphiées.

    Les trois Horace furent opposés aux trois Curiace. Le combat était à armes égales, mais à ces aigres-douces paires de gambettes agitées comme des sabres d’abordage Jamie-Esperet n’a que la dague pointue de sa langue à opposer. A l’amour qui se refuse il oppose l’humour qui fuse. Je vous laisse découvrir ces petits dialogues, encore plus courts que celui des Mimes des Courtisanes de Lucien. Rédigés en anglais, l’idiome de la perfide Albion qui frise le non-sense et la cruauté sadique. Car le sexe est cru et cruel. L’amante et l’amant, auprès du lit - avant, pendant, après - il n’y a pas d’heure pour ne pas taire les vacheries. Bien sûr c’est Elle qui attaque, et Lui qui répond. Mais ce n’est pas un long duel. Il sait que c’est à la première répartie que l’on cloue le bec de la lutteuse, au premier coup que l’on embroche - symboliquement - l’ennemie. Joue fair-play, il reconnaît ses défaites, même les plus piteuses. Mais il a l’art de les présenter de telle manière qu’Elle en soit en partie responsable. N’est-ce pas Aristote qui a dit que toute chose possède une cause.

    Le problème empédocléen c’est que au-delà de toutes les différences les sexes s’attirent autant qu’ils se repoussent. Et ici, tous deux sont décidés de rester sur leur quant à soi. Mais ces ¨ je te hais, moi non plus ¨ font partie d’une parade dans lequel les deux protagonistes cherchent à garder le premier rôle. Ces réparties de jambes-en-l’air orales auxquelles nous invite Jamie-Esperet nous aident à croire qu’elles nous éloignent de notre part animale, qu’elles nous rendent davantage humains en nous permettant de goûter le sel de notre intelligence, puisque nous sommes capables de rire de nous-mêmes.

    Damie Chad.

     

    BLOOD AXIS

    DAY OF BLOOD

    MAX RIBARIC

    ( Camion Noir / Septembre 2012 )

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    Non il ne s’agit pas d’une erreur adjectivale. Noir c’est noir comme l’affirmait Johnny Hallyday, ce camion n’est pas blanc même si nous avons à plusieurs reprises chroniqué en notre blogue plusieurs livres de la Collection Camion Blanc, même que notre Cazengler à nous s’est chargé de la traduction de plusieurs ouvrages, notamment le There’s one in every town de Mike Farren consacré à Gene Vincent, et dirigé avec maestria Le Petit Abécédaire de la Crampologie, tout ce que vous n’auriez jamais aimé savoir sur les Cramps, toutes ces choses vénéneuses que vous ne pouvez vous empêcher de feuilleter chaque soir avant de vous coucher afin de cauchemarder toute la nuit. Peut-être avez-vous éprouvez le même étonnement que mon immodeste personne le jour où un exemplaire de la collection Camion Blanc, vous est passé pour la première fois entre les mains, mais pourquoi cette couleur blanche bien trop innocente pour qualifier les turpitudes du rock ‘n’ roll. Le noir ne serait-il pas mieux approprié !

    Simplement parce qu’il existe une collection parallèle qui porte ce titre. Camion Noir parce que certainement certaines propensions humaines ne méritent aucune lumière. Chez Camion Noir vous trouvez par exemples maints volumes sur les serial killers, des documents, des lettres, des récits qui pourraient déclencher chez vous de fautifs désirs. L’on a aussi pensé aux rares parmi vous qui auraient des prétentions intellectuelles, des reproductions de vieux grimoires alchimistes des siècles passés qui vous demanderont des années d’étude juste pour comprendre la signification du titre. Autre sujet d’expériences diverses, la magie. Surtout la noire. Moins la blanche. La rouge uniquement si elle a la couleur du sang. Camion Noir s’intéresse aussi aux mouvements ésotériques, par exemple aux sociétés secrètes qui ont proliféré durant la période nazie. Thèmes marécageux par excellence. Les livres de Camion Noir sont réservés aux esprits avertis. Sont à manipuler avec précaution.

    Camion Noir propose aussi quelques titres dévolus à des groupes de rock extrême. Musicalement et politiquement. Pour le premier adverbe pas de problème, pour le second c’est là où le bât blesse, comme disent les ânes. Que le rock soit fun ou hard ne choque que les oreilles fragiles. Mais que le rock s’aventure en politique, beaucoup préfèrent faire semblant de ne pas voir. Il est des itinéraires qui empruntent des chemins d’une orthodoxie radicale que la majorité réprouve.

    Michael Jenkins Moynihan est né en 1969 à Boston. L’est un des enfants aimés de cette middle class américaine sans histoire. Un avenir anonyme tracé d’avance s’offre à lui. Mais il est des individus qui ne sont pas comme les autres. L’on ne sait pour quelles raisons. Le monde dans lequel il vit, lui semble fade et mensonger. Gamin, deux films impressionnent fortement son imagination, Orange Mécanique et Rosemary’s baby… enfin des personnages qui haïssent le monde embourgeoisé dans lequel ils vivent et qui professent des idées en accord avec leurs actes. A douze ans il devient fan de punk et de hardcore, mais l’anarchisme de ces groupes lui apparaît très vite comme une façade, une pause, qui n’est pas vraiment vécue de l’intérieur et qui ne débouche sur aucun acte de révolte significative. L’adolescent sèche les cours, s’enferme chez lui, lit beaucoup, est fasciné par tout texte qui aborde des thématiques violentes notamment le personnage de Charles Manson, le satanisme, et l’histoire des fascismes européens…

    COUP DE GRÂCE

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    Ce sera le nom de son premier projet. Pour le nommer il ouvrira un dictionnaire au hasard, cette manière de faire est étrangement similaire à celle qui prévalut pour le baptême de Dada. Avec Coup de Grâce Mickael Moynihan met au point et adopte sa méthode ( comprendre ce vocable en le sens où Paul Valéry l’emploie pour signifier le génie de Léonard de Vinci ) dont il ne se départira jamais. Il n’a que quatorze ans mais il détient les clés de la conquête ( propagande ) et le Graal ( expérimentation ). Dans son garage, il produit du son, il bidouille, il traficote, à partir de ces vrombissements glougloutiques que l’on entendait en faisant défiler le curseur d’un poste de radio sur les ondes courtes, et qu’il passe sur de vieux magnétos sur-enregistrés en décalé, auxquels il ajoute des notes de guitare acoustique et de ces synthétiseurs pour gamin que tout le monde possédait. Ces premières créations seront diffusées sous cassettes. Mais la musique ne suffit pas. Il faut travailler l’esthétique de la pochette. Et bientôt s’impose la nécessité d’un livret. Son but n’est pas de donner des explications mais d’accrocher d’hypothétiques auditeurs, de leur donner l’envie d’entrer en contact avec lui. Le texte est une chose, mais la façon dont il est présenté est peut-être encore plus importante, plus décisive. Les couleurs rouge, noire et blanches seront privilégiées, ce sont celles de l’alchimie et aussi de l’iconographie nazie. Recherches graphiques expressionnistes, utilisation de symboles archétypaux empruntés aux propagandes fascistes et aux vieux engrammes païens.

    Coup de grâce se terminera en 1989. Moynihan entre dans sa vingtième année. Ce qui pourrait apparaître comme un jeu d’adolescent attardé, une espèce de fourre-tout idéologique de bas étage et une création artistique de bric et de broc lui a permis d’atteindre ses objectifs. Il n’est plus isolé. Il a reçu du courrier, il a rencontré des frères d’armes, il possède une certaine expérience musicale non négligeable, il a donné quelques concerts, il a voyagé, il a tissé un réseau commercial de vente par correspondance qui lui a appris la corrélation qui existe entre la force de persuasion d’un objet ( phonique ou imprimé ) et sa charge esthétique. En plus de tout cela, il n’a cessé de lire ( philosophie, religions, poésie, histoire ), de découvrir, de compiler des documents, de traduire, de se questionner, d’apporter des réponses…

    BLOOD AXIS ( I )

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    Dès 1990, le nouveau projet nommé Blood Axix est sur les rails. Ce sera celui de la maturité. Coup de Grâce trahissait en son titre le nihilisme et l’arrogance de l’adolescence. Il s’agissait d’en finir définitivement avec le vieux monde. Ou tu changes, ou je te tue. Rien n’a changé et la société est encore vivante. Michael Moynihan a compris que le refus solitaire de l’individu ne suffit pas. Que l’on n’en viendra à bout qu’en proposant un véritable projet. Pas un nouveau contrat social mais une philosophie qui permette de se tenir debout. De ne plus subir. Chacun se doit de devenir un axe de sang, l’axe vital par excellence, que c’est seulement ainsi que l’on réunira une élite chargée de l’œuvre sacrée de destruction. L’on est en plein romantisme fasciste. Les photos de Moynihan ne sont pas sans évoquer l’outrecuidance martiale des jeunesses mussoliniennes et nazies. Ce sont des soldats. Prêts à se battre. A mourir, mais surtout à vaincre. Blood Axis possède son emblème, la croix potencée des croisés à mi-chemin imaginal et symbolique entre l’emblème nazi, la croix de Malte et le logo du groupe Occident. La Kruckenkreuz.

    A proprement parler Blood Axis ne produira qu’un seul véritable album The Gospel of Inhumanity ( 1996 ) mais qui reste un des piliers fondamentaux de la musique industrielle. Un disque se rage et de destruction. Qui marquera les esprits. Peut-être parce que dans le kaos sonore délivré se décèle un chemin vers un autre pays, un pays qui a toujours existé, qui n’est plus, mais dont on a la prescience de son existence.

    Le groupe participera aussi à plusieurs anthologies composées de formations de mêmes types, rares sont celles capables de rivaliser avec lui… Ces disques ( CD, DVD, CD-Rom, vinyles ) très souvent édités par Blood Axix sont agrémentés de luxueux fascicules et tirés à petit nombre d’exemplaires… De même seront offerts des Lives enregistrés lors de tournées européennes et américaines. Parfois les concerts sont annulés ou précédés de manifestations organisées par des groupes antifas.

    BLOOD AXIX ( II )

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    Le groupe évolue. Des musiciens vont et viennent. Mais la musique change. La réflexion de Michael Moynihan s’est approfondie. Son aspect physique n’est plus le même. Certes il a pris de l’âge. On sent un apaisement. Il n’est plus le va-t-en guerre du début, le soldat intraitable s‘est métamorphosé, le militant idéologique a mûri. Il n’a rien renié mais la nostalgie des groupes fascistes de l’entre-deux guerres, n’est plus de mise. La donne n’est plus la même. L’Allemagne et l’Italie des années 20, ne sont plus des exemples, l’Europe a été la première victime des deux guerres mondiales, une véritable guerre civile dans laquelle elle s’est coupée de ses racines les plus profondes. Le pays, le grand pays, reste celui des anciens Dieux, nordiques, grecs, et même peut-être certains aspects de la spiritualité chrétienne… Mickael Moynihan tient des discours de philosophe. Des propos empreints d‘une sagesse éruptive… Peut-être la venue d’Annabel Lee y est-elle pour quelque chose. Elle lui donnera un fils, et apportera au groupe une véritable connaissance de la musique classique. Elle joue du violon, et de l’accordéon. Il ne faut pas parler d’influence mais de conjonction. Le bruitisme culturo-phonique de la musique industrielle cède le pas à un néo-folk industriel qui aux avalanches sonores préfère désormais des morceaux plus traditionnels. L’on ne mixe plus des discours idéologiques, l’on exalte de préférence des poèmes… Une musique qui se donne pour mission de rétablir une ouverture avec le vieux fond du paganisme européen originel.

    Le livre s’achève en 2007. Son auteur italien Max Ribaric a pu puiser directement aux archives accumulées par Mickael Moynihan. Une véritable somme iconographique et textuelle. Par contre les lyrics du groupe qu’ils soient en anglais ou en allemand ne sont pas traduits. Certains lecteurs penseront qu’il s’agit d’un ouvrage de propagande ( pré-pro-post-) fasciste... Sa lecture s’en révèlerait alors d’autant plus nécessaire.

    Damie Chad.

  • CHRONIQUES DE POURPRE 451 : KR'TNT ! 451: ALLY & THE GATORS / JAY VONS / BLOUE / JOSE MARTINEZ

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 451

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR'TNT KR'TNT

    13 / 02 / 2020

     

    ALLY &THE GATORS / JAY VONS

    BLOUE / JOSE MARTINEZ

    AVIS A LA POPULATION

    CETTE LIVRAISON 451 ARRIVE EN AVANCE

    LA 452 AURA DEUX JOURS DE RETARD

    KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME !

     

     

    Ally Baba

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    C’est pas des conneries, Ally vous laissera baba. Chaque fois qu’elle grimpe sur scène, elle semble gagner en whole lotta shaking, avec cette façon de danser sur place tout en menant la charge au chant. Ally a le feu sacré, ça ne fait aucun doute et les Gators qui l’accompagnent le savent. Alors comme on dit chez les usuriers, c’est tout bénef que de l’accompagner. Ally dispose de ce petit quelque chose qui fait la différence, un mélange de présence, de tatouages, de plaisir à chanter, d’assurance, de féminité, de petite gouaille. On pourrait même parler de féminité victorieuse et de gouaille havraise oui, car Ally vient du Havre. Elle met toute la conviction du monde dans son tour de chant et taille admirablement la route d’un set très court mais sans le moindre déchet. Les Gators ont affiné leur presta et trouvé leur vitesse de croisière. Ils se montrent redoutables et même aussi carnassiers que tous ces vieux crocos qu’on voit parader sur scène du marigot de Béthune. Quelle belle triplette de Belleville que ces Gators qui exubèrent dans les règles de l’art ! La section rythmique est un modèle du genre, avec les interactions stand-up/drumbeat dignes de la meilleure tradition et un Telecaster-man qui pique des petites crises de killer flashy flasho ici et là. Ils gonflent les voiles d’un rockab bien fuselé qui file sous le vent, facile à manœuvrer et capable de filer trente nœuds à la moindre alerte. Bon, d’accord, les Gators n’inventent pas la poudre, mais ce n’est pas non plus ce qu’on leur demande. Ils aiment assez la tradition pour avoir appris à la respecter et par conséquent, l’amateur y trouve lar-ge-ment son compte.

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    D’ailleurs, pour bien remettre les pendules à l’heure, ils démarrent sur un joli clin d’œil à Charlie Feathers et un «Bottle To The Baby» qui vaut bien celui que nous servit royalement Don Cavalli l’été dernier à Béthune. Les Gators le shakent dans la couenne du shook, ils le swinguent au mieux de la swingabilité des choses, c’est takaté dans l’âme et Ally le ba-ba-ba-ba-baby-tiddy-whop-ba-boppe avec une faaaaantastique ferveur. Comme si elle ne savait faire que ça dans la vie. Elle entre dans Charlie Feathers comme on entre en ville conquise, et il paraît évident qu’un Charlie encore de ce monde serait ravi de voir Ally roucouler son vieux coulou-coucou.

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    Il se pourrait très bien que le «Too Much Lovin’» qui suit soit celui des 5 Royales, un antique classique de swing tombé dans l’oubli et ressuscité pour les besoins de la cause. Bon d’accord, ça sent l’érudition à la petite semaine, car ce type de swing date du début des années cinquante, mais le résultat vaut le détour. Ally sait le driver aussi bien qu’un classique de Charlie Feathers. On reste dans les parages de Mathusalem avec le «Voodoo Voodoo» de LaVern Baker. Elle et les 5 Royales font partie des ancêtres du rhythm & blues. Ça date d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, Montmartre en ce temps-là accrochait ses lilas jusque sous nos fenêtres. Aux yeux de Jerry Wexler, qui transforme the race music en rhythm and blues, LaVern Baker était avec Ray Charles et Clyde McPhatter l’une des plus grandes stars d’Amérique. Rien n’est plus difficile aujourd’hui que d’entrer dans cette période musicale, sans doute à cause de son côté kitsch et bon enfant, alors jouer ce type de cut sur scène doit être particulièrement périlleux. Car tout repose sur la qualité du swing. Les Wise Guyz l’ont. Brian Stetzer aussi, avec son Orchestra. Les Gators font leur truc et ça passe comme une lettre à la poste. Sur ce genre de cut à risque, Ally met le paquet et passe en force. Elle s’installe dans l’ère sacrée du jump avec «Eeny Meeny Meny Mo» qu’à chanté Billie Holliday en son temps. Ça reste du beau jump slappé derrière les oreilles. Les Gators plongent leurs crocs dans la couenne du lard et ça bouge bien dans le bayou. Sacrés Gators, si vous leur tendez la main, ils vous mangeront le bras. Faites gaffe ! S’ensuit un bel hommage au vieux Joe Clay, avec l’excellent «Sixteen Chicks». Pas de meilleur rockab swagger que celui du vieux Clay, celui du mystère, c’est cogné sec et Ally chickane ses seize Chicks avec une hargne qui en dit long sur l’indomptabilité de son tempérament. Avec «Number Nine Train», on plonge encore un peu plus dans l’inconnu. Tarheel Slim est un rockab black new-yorkais pas très connu et c’est dommage, car en plus de son fantastique «Number Nine Train», on lui doit aussi l’imparable «Wildcat Tamer» rendu célèbre par Dale Hawkins.

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    Et tout le monde reconnaît «Bertha Lou», un vieux classique signé Johnny Burnette et popularisé plus tard par Tav Falco. Ally l’ulule et le glousse, elle le chabadate et le roule dans sa farine, c’est un régal pour tous les amateurs de rockab que de voir cette gonzesse faire sa Bertha Lou avec autant d’astuce. Si vous voulez entendre la belle version de Clint Miller, elle se trouve sur le volume 13 de la série That’ll Flat Git It, le volume que Bear consacre à ABC Records. Reconnaissable entre mille, «Bertha Lou» fait partie des increvables du rockab. Comme Ally et ses Gators sont limités dans le temps, ils doivent conclure et vont le faire à la havraise, avec une honnête reprise de «Long Tall Sally» puis une compo à eux qu’Ally prend le temps de présenter, «Rockin’ With My Gators», un joli développé de rockab qui tinte bien aux oreilles. Comme on dit lorsqu’on est à table et qu’on se régale : «Miam miam, ça fait du bien par où ça passe». Oui, car voilà encore un shoot de rockab qui file droit, qui ne prétend pas rivaliser avec Johnny Powers et qui sent bon le havrisme tel qu’on l’a connu, celui du temps où chacun considérait le Havre comme la première ville rock de France. Ally & ses Gators finissent en beauté, sans se rouler par terre, simplement en dépotant une composition originale qui devrait faire la joie de tous les jeunes de 7 à 77 ans.

    Signé : Cazengler, Alli Allo Allah

    Ally & The Gators. Le 106. Rouen (76). 17 janvier 2020

     

    Jay Vons bien ensemble

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    En feuilletant Shindig, l’autre jour, on est tombé sur un chapô intéressant : «Paul Osborne s’intéresse de près aux Jay Vons, un quartet new-yorkais qui réactualise sur son premier album le blue-eyed sound des Young Rascals et des Zombies.» Tiens, tiens, pour une fois, on échappe aux griffes de Moloch le Psyché.

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    Alors effectivement, quand on examine la photo des Jay Vons, on reconnaît la terrine de l’organiste de Reigning Sound, Dave Amels, qui n’est plus tout jeune, et celle de Benny Trokan qu’on avait déjà vu sur scène voici quelques années dans le backing band de Lee Fields. Un mec qu’on repère facilement, car c’est l’héritier direct de James Jamerson. Peu de gens savent aussi bien jouer de la basse. Osborne confirme, ces gens tournent depuis des années avec Charles Bradley, Lee Fields et Sharon Jones, c’est-à-dire l’écurie Daptone. Une bonne écurie, soit dit en passant, même si aujourd’hui elle semble réduite à portion congrue puisque décimée par des cancers. Mais le lien des Jay Vons avec ce label reste très fort puisqu’ils ont enregistré leur premier album The Word au studio Daptone.

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    Le chanteur du groupe s’appelle Michael Catanese, lui aussi ex-Reigning Sound. Il joue avec les autres sur l’album Shattered, qui date de 2014. Avec Catanese, on a l’anti-rock star par excellence, brun, petit, un peu rond, moustachu mais passionné de Soul. Et de Young Rascals qui, faut-il le rappeler, fut l’un des très grands groupes américains de blue-eyed pop, un groupe emmené par Felix Caveliere, vétéran de toutes les guerres et toujours en activité. Le batteur des Jay Vons s’appelle Mickey Post. Il rappelle qu’il travaille pour Daptone depuis onze ans et qu’il a commencé à enregistrer des bricoles durant les heures creuses. Il profite de son passage dans Shindig pour saluer les producteurs maison Wayne Gordon et Thomas Brenneck. Bien sûr, Osborne conclut en recommandant chaudement à ses lecteurs d’aller voir les Jay Vons sur scène.

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    Oh ça tombe bien, ils passent justement en première partie de Lee Fields sur la grande scène. Le fait qu’ils jouaient dans Reigning Sound leur confère une petite aura légendaire. C’est pour ça qu’on les prend au sérieux dès le coup d’envoi. Michael Catanese attache sa demi-caisse assez haut sur la poitrine et se jette tout entier dans la bataille pour attaquer un set de Soul blanche à la fois plaisant et ardent. Mais ce n’est pas lui qui va rendre le set des Jay Vons mémorable. Ni le petit brun qui remplace Dave Amels aux claviers. Et encore moins Mickey Post derrière sa batterie riquiqui. Celui qui va vraiment tirer son épingle du jeu, c’est Benny Trokan, avec son air de ne pas y toucher, cette espèce de désinvolture d’adolescent attardé, un singulier mélange de classe, de distanciation et d’anti-frime. Ce mec joue comme un dieu et il ne la ramène pas. Comme un dieu, oui, c’est-à-dire James Jamerson, le bassdriver qui a dynamité tous les grands hits des Four Tops, des Supremes et des Temptations. Jamerson, le bassman le plus respecté d’Amérique et le diable sait si les bons bassistes pullulaient à l’époque dans cette région du monde. Une fois encore, on se retrouve dans un spectacle un peu spécial, puisque l’un des musiciens focalise toute l’attention. On ne peut pas quitter les mains de Benny Trokan des yeux, de la même façon qu’on ne pouvait pas décrocher son regard du cirque de Clem Burke l’autre soir dans les Split Squad. Ces mecs sont de véritables vampires, ils choperaient tout, jusqu’à leur reflet. Benny Trokan n’hérite pas seulement d’une technique de jeu, il hérite d’un son et d’une attitude. Il groove en permanence et joue rarement au médiator. Il descend littéralement ses lignes de basse et n’en rajoute pas, il reste sur des schémas simples et profondément jamersoniens, avec juste ce qu’il faut de rebondissement pour donner vie à ses relances. Il réactualise toute cette dynamique du son, celle qui fit la grandeur de Tamla, jusqu’en 1972. Dans ses mémoires, Dennis Coffey fait un éloge fantastique de Jamerson : «Il joue de la basse comme un dieu. Lui et le batteur Benny Benjamin sont le cœur battant du Motown Sound. Jamerson joue ses grosses lignes de basse et Benny amène le groove et le shuffle de caisse claire et de cymbales. Jamerson porte généralement un béret noir, un T-shirt noir, un Levis et un ceinturon de cuir avec une boucle western.» Benny Trokan semble réincarner cette magie désormais enfouie dans le passé. Seuls les amateurs de Soul savent qui est James Jamerson. À tel point qu’on finit par écouter les grands albums de Motown rien que pour lui, comme on réécoute les albums des Stones rien que pour entendre ce que fait Charlie Watts. Le plus terrible dans cette histoire, c’est que ni Jamerson ni les autres Funk Brothers n’étaient crédités sur les pochettes Motown. On devine la présence de Jamerson. Berry Gordy craignait qu’on ne lui pique ses musiciens, alors personne ne devait savoir qui accompagnait les Four Tops, les Tempts ou les Supremes.

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    Et puis dans la salle, il y a aussi des bassistes. Eux se régalent encore plus de ce spectacle. On voit rarement un bassman aussi élégant, groovant le beat avec une telle aisance. La plupart des gens qui ont appris à jouer de la basse dans les années soixante avaient le choix entre trois modèles : Jamerson, si on vénérait la Soul, ou alors Jack Casady et John Entwistle si on préférait le rock. Des trois, Jamerson était le plus difficile d’accès, car extrêmement inventif, mais en voyant Benny Trokan, on tombe des nues, car toutes ces lignes de basse semblent d’une simplicité enfantine. Il ne va jamais chercher midi à quatorze heures. Le secret repose en fait sur une seule chose : la façon de jouer. L’anticipation.

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    Bon, nous n’irons pas par quatre chemins : l’album des Jay Vons est excellent. Il devrait intéresser tout fan de Soul blanche, c’est-à-dire Reigning Sound/Rascals/Dan Penn. Le coup de génie de l’album s’appelle «Want You Tomorrow». On se croirait chez Tamla, ils descendent à coups d’ah ah ah dans l’incroyable déversoir de heavy Soul new-yorkaise. Ces petits mecs se situent au confluent des genres. Le drive de basse qui emmène cette merveille fait rêver. «Changing Seasons» sonne comme un hit des Rascals, le cut devient vite passionnant, digne des grandes heures de Felix Caveliere, avec un Benny Trokan qui bourre le mou du groove. C’est une merveille, ils semblent s’élever au rang de stars car leur cut s’en va exploser au firmament. Voilà ce que les afficionados appellent une grosse compo. C’est explosif de beauté marmoréenne, porté par un drive de basse exubérant, orchestré au-delà de tout ce qu’on peut raisonnablement imaginer et cuivré de frais. Ils ont tout, même le génie du son. Michael Catanese en rajoute avec ses Seasons et il s’écroule enfin sur ses lauriers. Avec «Keep On Moving», ils proposent un fantastique shoot de Soul new-yorkaise. Ces mecs ont un allant considérable. Ils se re-positionnent en plein âge d’or des Young Rascals - Ah ah ah/ Keep on moving - et ils semblent encore cavaler dans les hit parades avec «My Mama (She Was Right)», c’est excellent, bien-au delà des espérances du Cap de Bonne Aventure, bien bassdrivé par Benny The Trokan. Encore un solide hit de Soul pop a mettre dans ton Juke, Jack. Ce mec fait encore de sacrés ravages dans «Take It This Far», mais c’est Dave Amels qui se tape la part du lion dans «Days Undone», il joue de l’orgue à l’éperdue. Michael Catanese est un peu trop blanc pour la Soul du morceau titre qui ouvre le bal de l’album, il gueule et croit bien faire, mais il devrait écouter Al Green. Heureusement, Benny The Trokan arrondit bien les angles derrière. Il fait une partie de bassmatic assez demented are gogo. Curieux mélange : devant, tu en as un qui gueule comme un veau et derrière ça groovve au meilleur smooth de smash. Avec «Night», ils passent au garage Soul un peu énervé, et même exacerbé. C’est peut-être ce côté énervé qui les sauvera de l’anémie. Leur énergie peut les porter au pouvoir. On entend bien la pulsation du bassmatic derrière. Tout leur charme repose là-dessus. Ils finissent cet album passionnant avec «Did You See Her», un groove digne de Rascals. Retour chez Felix. Ils tapent dans l’excellence de ce son si injustement oublié et tellement vertueux. On note chez eux une fabuleuse aisance. L’If you see her perfore l’ombilic des limbes, c’est excellent, relentlessed au gimmick de Wurlitzer eraser, ah quelle belle dose d’extasy new-yorkaise, tu vois fondre les glaçons aux douze coups de minuit.

    Signé : Cazengler, Jay Vomi

    Jay Vons. Le 106. Rouen (76). 21 janvier 2020

    Jay Vons. The Word. La Castanya 2019

    Paul Osborne : Spread the word. Shindig # 98 - December 2019

     

    BLOUE

    J'étais un peu dans le noir, celui de mon café, mais assez éveillé pour comprendre qu'il y avait un truc qui n'allait pas. Ce n'était pas moi, ni le café, mais la radio. Comment dire, la programmation n'était pas à la hauteur du cahier de charge supposé. Certes, c'était de bon matin, et la radio était en grève – ce qui n'est guère grave, à mon humble avis, elle devrait l'être un peu plus souvent, systématiquement aux heures informatives. Cela nous empêcherait d'entendre les billevesées ordurières de notre gouvernement, il vaut mieux une mauvaise chanson qu'un mensonge d'état, en plus parfois ils passent de la bonne zique – pas toujours, je ne sais pas qui choisit, mais certains devraient s'abstenir, ce n'était pas le cas, c'était plutôt bien foutu, mais j'ai enfin réalisé ce qui ne cadrait pas, c'étaient les paroles. Méchamment méchantes et en plus intelligentes. Double dangerosité. Séro-négativité purulente. Evidemment pas de nom d'artiste à la fin du morceau. J'en avais fait mon deuil, lorsque huit jours plus tard ma fille m'envoie deux vidéos disponibles sur You Tube.

    LA PETITE HISTOIRE / BLOUE

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    Tout doux. La musique, ces cordes qui grincent, cette batterie qui s'asthmatise, et cette voix faussement geignarde qui attise les braises de la colère, des lyrics qui se tiennent sur le fil du rasoir et dans la ligne de mire du fusil-mitrailleur et qui chantent aussi bien les rêves détruits que la nécessité de la lutte. La petite histoire touche à la grande. Du blues comme l'on n'en fait plus par chez nous. Comme peut-être l'on n'en a jamais fait. Du blues politique. Parce que la réalité n'est pas souvent rose. Trop bluezy, trop flou, trop bloue. Des lyrics qui touchent un peu à la poésie. L'on allume aussi le feu avec l'eau des fleuves qui coulent.

    ( Armand : voix / Nico : banjo, harmonica / Lolo : tambour / Antoine : basse. )

    ALORS TU REVIENS / BLOUE

    ( Clip / Réalisation : La Lézarde )

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    Blues-rap. Pas râpeux ni sirupeux. L'histoire d'un mauvais choix. Celui de ces fils du prolétariat qui s'engagent du mauvais côté et qui ont du mal à s'y retrouver lorsque eux aussi deviennent la proie des balles. L'on n'est pas toujours du côté des plus forts et l'on ne décide pas toujours des règles du jeu. Le banjo grince comme un grain de sable dans les rouages africains. Groupes en pleine action, images en blanc et noir, avec un subtil travail sur les contrastes noir, des noirceurs chatoyantes qui prennent subitement corps sur des ombres et puis disparaissent, et des blancs trop lactescents pour ne pas cacher de profonds poisons, le tout entrecoupé de vision bleues subloueminales qui défilent à toute vitesse.

    Bloue vient de naître fin 2019. Ses quatre lascars se réclament encore de Wu Tang Clan de Marc Ribot et de Tom Waits. Leur premier EP intitulé Man ( une bande de moins de d'une minute est visible sur You tube ) sortira le 25 février jour de Mardi-Gras précisent-ils sans doute pour insinuer que le blues-rap de Bloue ne déteste pas la terre des alligators. D'ailleurs Armand et Nico n'appartiennent-ils pas à la compagnie théâtrale Bloue Bayou. Quatre musiciens qui ne s'inscrivent pas dans une seule tradition mais dans plusieurs expériences, pour mieux inventer une nouvelle mixture qui leur ira comme un gant puisque adéquate à leurs propres personnalités. Ce qui n'exclut, ni partage, ni fureurs.

    Bloue n'est pas sans accointances avec l'ancienne formatio folk : Bloue Krasse.

    Damie Chad.

     

    *

    Avertissement aux Kr'tnt readers : en ce monde il n'existe que trois choses :

    ce qui n'est pas du rock'n'roll dont il convient de ne pas parler

    le rock'n'roll

    et celles qui ne sont pas rock

    mais qui possèdent un indéniable esprit rock'n'roll

    comme ces :

     

    FRESQUES & MARTINEZQUES

    24 FRAGMENTS MYTHOLOGIQUES

    DE JOSE MARTINEZ

     

    Les anciens aimaient à penser que les rêves et les dieux se déplaçaient sous forme de filaments tentaculaires d'immortalité dans toutes sortes d'espaces. Ils les considéraient comme des espèces d'ADN athanatiques élémentales qui flottaient ainsi dans les airs les plus subtils. Parfois, vous aviez de la chance, ils entraient en vous par les pores ouvertes de votre sensibilité astrale. La plupart du temps ils prenaient bien garde de ne pas s'engluer dans le piège mortel de vos carcasses humaines promises à la destruction. Rainer Maria Rilke nous parle dans les Elégies de Duino de cette phénoménisation singulière du monde, Qui, si je criais, m'entendrait donc parmi les ordres des anges ? demande-t-il.

    Toutefois il reste des traces de leur passage. Dans nos têtes et nos actes. Pour qui sait les lire, dans les agglutinations des mots. Pour qui sait les entendre, dans la musique. Pour qui sait les voir, dans les dessins. En voici un témoignage. Celui de José Martinez qui vit en Ariège, vous en retrouverez d'autres sous des formes différentes – peintures, encres, sculptures - dans la rubrique Photos de son F.B. José Martinez Pamiers.

    Nous présentons ici dans leur ordre d'apparition chronologique les vingt-quatre premiers jalons d'un chemin qui peut-être s'arrêtera-là, ou qui continuera. De toutes les manières les pistes ombreuses surgissent d'on ne sait où pour se terminer en des lieux dont on a bien du mal à décrypter le mystère de leur implantation. Peut-être sont-elles à désigner comme les ombres fugaces et fossilisées d'ouraniques linéaments par nature inaccessibles. Il suffit de se perdre dans les réseaux mouvants des capillarités du monde et des scissiparités de l'imaginaire pour suivre une longue route qui ne va jamais plus loin que nous-mêmes.

    Ces Fresques et Martinesques – ainsi nous plaisons-nous à les surnommer, José Martinez ne réside-t-il pas en la ville de Pamiers dans laquelle naquit Gabriel Fauré qui composa Masques et Bergamasques – nous sont offerts sous le titre générique de Dessins blanc et noir. Nous avons pris la liberté de les numéroter et de leur octroyer la date de leur mise à disposition d'un public d'amis et de proches.

    1 - 10 / 11 / 2016

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    Cheval dans la nuit du dessin. Paisible dans le pré des étoiles noires. Il est le maître et le destin. Cheval de guerre et de foudre. Au-repos. Tout est dans la puissance. La violence rassemblée dans sa musculature. Etalon d'Epinal sage comme une image, refermé sur sa chair de songes clos qui dorment. Il n'est qu'une fleur de prairie dont le soleil n'a pas encore épanoui la corolle. Tout est calme car rien n'est encore advenu. Il n'est-là que pour donner davantage de profondeur et de mystère au noir qui l'entoure. Et peut-être même qui l'assaille. Par en-dessous et de tous les côtés. Nous sommes en moment d'attente. Toutes les forces sont annihilées. Rien ne se résorbe que l'impavide présence de ce qui est. Peut-être est-il simplement une représentation du silence. Une statique vision de l'absence de l'espace. Une goutte de sperme létal. Ossifiée, congelée. Tombée d'une autre planète. Sur un territoire inconnu. Gestation éhontée des possibles.

    2 - 26 / 11 / 16

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    Noir et blanc plus que jamais. Tout s'éclaire. Nous avions le cheval. Voici l'indien . Est-ce un déplacement de sens ou d'image. Sommes-nous au centre d'un triptyque ou ailleurs. Que vaut-il mieux avoir. Qui vaut-il mieux être. Un cheval sans indien ? Ou un indien sans cheval ? Lequel des deux est-il le songe de l'autre. L'ouragan de l'un ? C'était un cheval de nuit et voici un indien de jour. Pourquoi le blanc paraît-il n'être que la lumière du vide. Seuls des signes énigmatiques pourraient nous renseigner. Des boutons dans l’œillère  du mystère. L'impavidité du guerrier. Nulle arme sinon une plume. La force est dans le corps. Elle ne s'aventure pas dans le monde. Tout au plus affleure-t-elle la fermeté du visage. Et pourtant il est des scolopendres décoratifs qui nous inquiètent. Des fariboles de dentelles qui s'exhaussent du noir des formes, l'on pense à des maniérismes de peintres baroques qui se perdent dans les flatuosités de leurs arabesques, mais ne serait-ce pas plutôt le signe avant-coureur des amibes du néant désagrégationiste, et pire encore, le grouillement proximal des scorpions de la réalité.

    3 - 02 / 12 / 2016 

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    Profusion, la grenade du monde s'est entrouverte. Tout de suite c'est le capharnaüm. Une chatte n'y reconnaîtrait pas ses petits. Comme nous sommes des hommes nous sommes moralement obligés de faire semblant de nous intéresser d'abord à nos semblables. Pas de chance, nous n'apercevons qu'un de nos dissemblables. L'idiot qui se prenait pour Dieu et il n'est même pas capable de s'accrocher correctement à sa croix. Une crucifixion ratée. Par un peintre espagnol en plus ! C'est la première chose qu'il note sur son FB : provient de Venta Quemada. Une véritable cruci-fiction plutôt. L'a voulu se la jouer tradition et pas de chance chez cet andalou ce sont les ascendances indiennes imaginales qui bouillonnent dans son sang. Son tableau est une tranche de pastèque truffé de motifs aztèques. C'est le chef indien du deuxième arcane de ce jeu de tarot kahotique qui a gagné la guerre. Le petit Jésus a beau tenté de se raccrocher à sa croix, c'est fini pour lui. La termitière du monde lui a déjà bouffé un bras.

    4 - 09 / 12 / 2016

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    L'apparence de la sagesse. Le chamane par excellence. Vous n'aurez pas assez de votre vie pour étudier les motifs dessinés sur l'amulette de son oreille gauche. L'est au centre, le Le king Yin du blanc à sa gauche, le khan Yang du noir à sa droite. L'est l'épée de justice sur le juste milieu de la balance. Les yeux fixés sur la ligne de la première montagne qui passe à l'horizon, son chapeau au pourtour de faux triskels  lui octroie une impression de puissance inaliénable. Vous avez son nom dans un coin, pour lui écrire ou vous inscrire dans le prochain stage de médiation active auquel vous participerez pour vos vacances d'été. Ne soyez pas bête, cherchez plutôt les petites bébêtes qui grouillent sur les bords. Sont-ce des insectes inoffensifs ou des représentations de forces nuisibles qui attendent que vous entriez en méditation pour pénétrer en effraction dans vos pensées et les submerger.

    5 - 15 / 12 / 2016

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    Que croyiez-vous donc trouver ? Que ce soit dans la tête des plus sages ou à l'extérieur de leur orbe méditatif, c'est la même Idole qui règne. Depuis longtemps. Depuis toujours. C'est pour cela que la montre épouse les courbes du temps. Sur cette image c'est maintenant. Avez-vous remarqué qu'elle est vautrée sur la même chaise de bureau que votre secrétaire, et que c'est avec des talons de la dernière mode qu'elle écrase les horreurs de toutes les églises. Des hommes carbonisés d'envie dansent autour d'elle. Sans espoir. Elle n'est pas pour eux. Ni pour vous. Avez-vous lu le carton qu'elle tient, comme ces réservations de table dans les restaurants. C'est José Martinez l'invité du soir. Qui mangera l'autre ? Avant de vous perdre en vaines supputations regardez l'endroit précis où se croisent les deux diagonales du tableau. Même pas la peine que je vous fasse un dessin pour désigner le lieu de tous les dangers !

    6 - 23 / 12 / 2016

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    Nous y sommes. Ne faites pas semblant d'être surpris. Le vous l'ai répété à multiples reprises. C'est partout pareil. Le microcosme et le macrocosme. Que vous soyez dans la tête du sage ou dans la sexe de la femme, c'est le spectacle du monde qui s'agite devant vos yeux. Tout est là, le stupre, la violence et la mort. Tout est donné en même temps. Il est inutile de vous enfuir de la réalité sur votre bicyclette car votre vélo n'est qu'un fragment de cette même réalité. Je vous concède que le monde est plein comme un œuf. Un maelström. Un tohu-bohu inimaginable. Tellement insupportable que les humains ne savent pas quoi faire pour le détruire. Les bombes n'y peuvent rien. C'est une plante qui repousse à la vitesse du chiendent. Que l'épée de Damoclès se tienne immobile au-dessus de vous, ou qu'elle vous transperce comme un papillon, si vous agitez vos bras en un   soubresaut convulsif, que vous soyez à moitié mort ou encore vif, vous n'en déclencherez pas moins une catastrophe à l'autre bout du monde. Manque de chance c'est exactement là où vous agonisez.

    7 - 31 / 12 / 2016

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    L'on est vite déçu. Puisque il n'y avait apparemment pas de place pour vous dans ce bas-monde, vous avez essayé d'aller voir ailleurs si l'herbe était plus verte. Votre cheval avait eu la même idée, vous le retrouvez avec plaisir quoiqu'il soit un peu efflanqué et si vous êtes le cavalier ossuaire à ses côtés - à moins que ce ne soit que votre allégorie - vous n'avez pas l'air en meilleure forme. Le plus surprenant c'est que vous avez fait ce long voyage pour rien. Il y a autant de monde que de l'autre côté du miroir. A croire que l'enfer et le paradis ne sont que les deux étages de la même maison, celle de la réalité. Pas la peine de tirer la tronche dans le coin droit de l'estampe, les filles sont aussi belles ici que là-bas. Le même amoncellement d'objets indéfinissables vous cerne. Jusqu' à une voiture dont vous n'avez que faire car vous avez un cheval. Le seul truc en plus, c'est la mort. Un presque rien, totalement inutile pour vivre.

    8 - 11 / 01 / 2017

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     Coucou vous revoilou. Comme vous avez changé. Une véritable métamorphose. Vous êtes revenu. Vous avez décidé que la mort n'est pas pour vous, la vie non plus. Désormais vous marchez sur la voie du guerrier. Plus rien ne vous fait peur. Vous êtes fort et puissant. Vous êtes invincible. Vous vous êtes emparé du serpent de l'immortalité. Pas bien difficile. Vous l'aviez entraperçu dans l'entassement hétéroclite des objets du monde. Un anneau par-ci, une anse multicolore par-là, encore fallait-il savoir. José Martinez a compris le grand secret de l'univers : il suffit de vouloir pour être. Et l'autre, le deuxième, que le monde est une cire sur laquelle les doigts de votre pensée modèlent la forme que vous désirez engendrer. Regardez, il n'utilise que le blanc et le noir mais il vous oblige à ressentir la chatoyance colorée du monde par la seule force de son dessin.

    09 - 25 / 01 /2017

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    Plus que la mort. Plus que la vie. Ils sont tous là. Dans l'empyrée. Tous les Dieux sans exception. De l'ancienne Hellade. Jusqu'à l'espion Sebek le Dieu crocodile cher à Philippe Pissier. Vous les reconnaissez tous. Il y a même celui qui n'a même pas réussi à mourir sur sa croix. Il va mieux. Il a retrouvé son bras. Il fume même la pipe ce qui lui donne un petit air à la Conan Doyle qui ne lui va pas si mal que cela. Bien sûr, celui qui grignote ce BarbaPapa sorti tout droit des imaginations enfantines, c'est la Mort vivante et immortelle, puisque l'on ne peut plus mourir une fois que l'on est mort. Maintenant, il reste une ombre au tableau. C'est étrange l'on se disait que les dieux seraient à l'aise chez eux, mais non règne ici la même promiscuité que sur la terre. Et puis surtout pas un seul espace vide. Foisonnement infini  d'objets jetés un peu partout. Des bacs à solde chez les grands magasins de notre modernité.

    10 - 20 / 02 / 2017

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    Le voici. Enfin seul. Seul au monde. C'est du moins l'apparence qu'il donne. Il ne s'est pas dissous dans le néant. Mais il le cantonne à s'étaler là où porte son regard. Loin. Très loin. Si loin qu'on ne le voit pas. Au-dessus de lui il a affiché ses animaux totem. La baleine et l'oiseau. De feu. Ils sont là en tant que présences tutélaires. Des pensées issues de son cerveau et en quelque sorte matérialisées. Aucune détresse. Mais des tresses. A moins que ce ne soient les circonvolutions du serpent soumis au plus près de son maître. Sera-t-il tour à tour selon les nécessités du moment  la flèche qui tue ou le bâton de commandement ? Tourne-t-il autour de la tête du guerrier comme s'il tenait le monde entre ses anneaux ? Et que sont ces entrelacements de courbes tantôt blanches, tantôt noires à l'image de la dernière nuit de Gérard de Nerval. Peut-être des décorations pour pallier le vide du monde.

    11 - 11 / 03 / 2017

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    La force ne sert à rien si elle n'est pas employée. Retour dans le monde. En bas à droite le lion qui ornait la porte de Babylone. Moins royal, davantage carnassier. Mais les temps ont changé. A ces escarpements sans fin qui montent vers le ciel telle une tour d'ordure, nous situons la scène à New York. L'Empire a envoyé ses meilleurs agents. Ils ne portent pas d'armes. Elles sont nues. Et ont revêtu la couronne d'épines de la liberté. Elles rejouent la scène immémoriale de la tentation charnelle, celle qui s'offre pour mieux vous acheter au prix de l'or des filles du Rhin. Elles ne sont que l'autre visage de la camarde, au bec de charognard. Mais au plus haut, le gouffre noir et sans fond d'un ciel lointain. Un appel infini à se surpasser ou à se perdre. Juste un rempart de chair qu'un vieux chef indien n'a pas su surmonter.

    12 - 10 / 07 / 2017

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    Rentrer par la grande porte. Certains hommes ont des sourires qui ressemblent à des crachats et d'autres ne se tiennent plus de joie. Dans les quartiers les plus glauques de la Grande Prostituée rien ne saurait s'opposer à son emprise. Elle tient les hommes sur sa poitrine. A la manière des insignes du pouvoir des pharaons. Ou alors comme s'ils étaient de vulgaires godemichets. Certains jettent des regards d'envie sur les auréoles de ses seins à croire qu'ils les confondent avec les étoiles de la nuit. José Martinez a laissé son graphe à hauteur de ses cuisses. Est-ce une inscription magique pour l'ouverture des piliers charnels. Son cerveau a-t-il vu ce que son œil ne devait pas voir. A-t-il craqué l'allumette du désir ou psalmodié l'amulette du renoncement. Des signes partout. Qui se contredisent. Mais le sourire de l'idole.

    13 - 14 / 09 / 2017

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    La sortie n'est plus très loin. Mais il reste-là assis. A savourer sa victoire peut-être. Il a changé d'allure. Il n'est plus le guerrier indien. Il arbore le look moderne un tant soit peu avachi de la jeunesse actuelle. Mais le reptile royal s'affiche sur son blouson. Peut-être n'est-il qu'un charmeur de serpents qui joue et raconte du pipeau. Il porte des lunettes noires, peut-être ne veut-il pas voir les ombres noires qui rôdent autour de lui. Dans les vingt-deux arcanes du tarot, il serait le bateleur. Un beau parleur qui ici ne parle pas. Il se tait pour mieux pour vous embobiner. Refermé sur lui-même mais les jambes entrouvertes. Promesse ou délassement. Appel ou fatigue. Des flèches convergent vers une de ses représentations. Tout est déchiffrable et rien ne se devine. L'image est un fleuve dessiné dont aucun détail n'indique de quel côté il coule.

    14 - 7 / 12 / 2017

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    Elle attend. Elle se sait de force égale. Elle a confiance en l'impact de ses seins. Son pagne s'effiloche. Elle est l'idole reine au plus haut de la tour. Plus bas, sur les remparts, les sentinelles immobiles dans leurs niches de pierre veillent. Il n'est pas là. Elle est prête pour le combat mental. Il a matérialisé ses totems intérieurs et protecteurs. Dans un large cartouche, d'abord le serpent victorieux et invincible. Plus bas une tarasque océane et quelques animaux naïfs pour donner le change. Sur le pourtour de la porte il a cloué les têtes coupées de ses ennemis, c'est ainsi et seulement de cette manière que l'on s'attire le respect aussi incapacitant que la foudre qui brûle et aveugle. Elle, elle n'a projeté à hauteur de ses pieds qu'une représentations d'elle-même qui danse et s'amuse avec l'insouciance d'une enfant.

    15 - 17 / 01 / 2018

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    Ça ne marche pas à tous les coups, parfois les dieux sont mortels. Il a enfin au moins réussi sa crucifixion. Les mauvaises langues diront que ce n'était pas trop tôt. Les bras tendus entre les deux piliers de la porte. Très haute. Son corps est tout blanc. Et blancs aussi les soubassements de pierre sculptée qui représentent divers animaux. Nous ne les nommerons pas. Cela n'a pas d'importance. L'ensemble est monumental. L'entablement des colonnes monte jusqu'au ciel. Les dieux sont-ils plus grands morts que vivants. Il repose sur un néant noir. Le voici crucifié sur du vide. Comme sur une fissure. Peut-être vit-il encore. Mais cela n'a pas d'importance. Ses yeux se perdent sur le cadavre de son serpent. Protecteur et invincible. L'idole a le sens de l'humour. Elle l'a entortillé comme un linge, un lange pour cacher et souligner l'absente royauté  du sexe.

    16 - 22 / 01 / 2018

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    Quand il n'y en a plus, il y en a encore. On prend les mêmes et l'on recommence. Le grand quetzalcoalt, le serpent à plumes domine la scène. Ses rémiges il les a perdues lors de ses précédentes et improbables aventures. Le monde peut continuer à tourner comme avant. Une espèce d'ange armé vole au-dessous des planètes. A moins qu'il ne soit déjà en train de tomber tout grillé dans les flammes de l'enfer. Peu de monde se soucie de son sort. Un spectacle beaucoup plus jouissif accapare les regards. Plus on descend, plus on se rapproche des églises et de la Bible. Sur le piédestal à antiphonaires géants point de livre saint. Mais un couple malsain qui s'ébat fort gaillardement. Tout autour de ces deux qui forniquent sans remord ça fourmille de partout, de ces milliards de détails insignifiants qui n'intéressent personne tant que vous n'y êtes en rien personnellement associé.

    17 - 30 / 07 / 2018

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    Au plus près de l'action. Tout vous  est dévoilé. Au cœur de la matrice originelle. Ce grand quetzalcoalt ce grand serpent censé régenter l'univers n'était donc qu'un maigrelet spermatozoïde qui s'est lové bien au chaud dans un ovule reproducteur. Il épouse un peu la forme du point G. Le fœtus fétide est encore en gestation. Ressemble étonnamment à un cosmonaute dans sa capsule Apollo. Doit se croire tombé des étoiles. Le liquide amniotique dans lequel il baigne et navigue possède toutes les qualités d'un véritable bouillon de culture. Vibrionne de partout. A l'image de notre monde. Certains voudront y voir l'inscription symbolique du karma de l'individu unique en gestation dans la goutte mirifique qui l'enveloppe et le protège. D'autres affirmeront qu'il possède la même teneur que tout autre élément du monde.

    18 - 04 / 08 / 2018

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    L'enfant royal est né. Au mois d'août. Sous le signe du lion. Réjouissez-vous.  Il est destiné à gouverner le monde. C'est une fille. Une guerrière. Déjà toute petite elle ne s'amusait qu'avec des armes. Vous l'examinez ici en son adolescence post-pubère. Elle est belle comme la représentation de la Reine de Cœur dans un jeu de cartes. Mais évitez ses yeux en amande. Elle détient le sceptre du monde. Une épée d'amazone aux bords dentelés genre de joujou qui plongé dans le ventre de la victime en arrache les boyaux lorsqu'elle le retire. Sur ses genoux elle tient la tête du Baptiste qu'elle vient de faire décapiter. Elle est la Reine des Dieux du Nord qui arpentent les mers sur leurs drakkars sanglants et les Dieux du Sud lui ont offert la couronne de pierre des cités fabuleusement riches, cet Eldorado mythique que les hommes ont vainement recherché durant des siècles.

    19 - 04 - 2019

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    Un jour elle a quitté les robes de l'enfance, de l'adolescence, et de la prime jeunesse. Elle a revêtu les habits sacrés de la puissance : sa nudité. La seule capable de lui offrir la transparence impérieuse de ses actes. Le peintre officiel de l'Empire, le grand José Martinez, l'a représenté en cette scène de couronnement : elle s'est accroupie, et des doigts de sa sénestre elle a pris possession de la terre et du monde. Une ombre noire barre le diaphragme de son sexe, elle ne cache rien, une simple parallèle pour faire ressortir le tatouage inscrit sur la peau de son avant-bras. Les esprits avertis y reconnaissent stylisée la marque du grand serpent, sa tête pointue et son corps d'oiseau. Plus haut un étrange calligramme, personne ne sait prononcer l'entrelacs des runes sécrètes qui le composent, des savants prétendent qu'il est l'aleph d'or qui numérise l'ensemble des animaux, des hommes et des symboles agissants qui régissent le monde.

    20 - 22 / 08 / 2019

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    Une des images les plus mélancoliques de cette suite. Certains exégètes se sont complus à insister sur l'aspect androgynique de la représentation précédente. Si ce n'était les deux coupelles des seins fortement marquées cette image ne serait-elle pas l'expression d'une grâce éphébique... Cet arcane dissipe l'équivoque. Tout en créant d'autres. Ce sont bien deux corps de femmes qui se font face. Mais vieillies et aux chairs par trop flasques.  Signifie-t-il que la Reine n'élira jamais d'âme sieur, qu'elle ne trouvera de gémellité plus parfaite que sa propre idée d'elle-même. Oui, sans doute. Mais aussi cette réalité plus profonde. Que le monde court à sa destruction. Que si la corne d'abondance de la vie est si profuse, c'est qu'elle est incessamment obligée de remplacer ce qui a disparu, et que si l'arrière-fond des amas monstrueux des dessins de José Martinez sont si fréquents c'est que l'artiste se livre à une lutte incessante contre l'effacement du monde.

    21 - 14 / 11 / 2019

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    Que ne disions-nous ! Cette image est à considérer comme le décor absent de la précédente. Le grouillement du monde et des Dieux dans toute sa splendeur. S'en détache  le grand serpent. Il a changé d'avatar. Il a perdu toute ses plumes. Et même ses écailles. Une forme au trait filiforme. Pour mieux souligner son unicité. Représenté ici en tant que cobra royal. Dressé sur lui-même. Prêt à tuer. Fascinant. Il domine tous les autres. Encadrés en des cloisonnements comme les caissons de la chapelle Sixtine, comme si ces Fresques et Martinesques se donnaient à lire telle une œuvre majeure  ou comme ces boîtes de Vache Qui Rit qui représente une vache qui rit avec des pendants d'oreilles qui ne sont que des boîtes de Vache Qui Rit qui représentent... Une représentation de l'Infini représenté à l'infini... chaque lame de ce tarot mythologique contenant toutes les autres.

    22 - 07 / 01 / 2020

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    Ici le dessin vous arrache la vue. Vous auriez mieux fait de vous attarder sur le précédent afin d'y décerner la silhouette pratiquement rendue invisible par cette myriade de petites formes vermicelliques qui la composent. Celle d'un chef indien dans la position même du fœtus initial. Pas de doute les formes féminines s'imposent ici dans la grouillance du monde. N'y voyez que la prégnance de cette Reine dont nous avons assisté à la gestation et qui est partout dans le monde. Une domination constitutionnelle aberrante. Grattez l'ordure de la réalité, sous l'écorce de cette cosse d'orange grumeleuse c'est la peau de sa chair pulpeuse qui s'offre à vous en un gigantesque lupanar. Tout à portée de la main. Ces fruits goûteux sont en libre accès sur cet étalage géant. Est-ce parce que la montre du temps est toute molle que vous accédez à l'éternité ?

    23 - 19 / 01 / 2020

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    Que croyez-vous que le monde était ouvert à tous. Que chacun y puisait à convenance, à concupiscence. Qu'il était une espèce de vente-flash gratuite et éternelle dont vous profiteriez toujours. La Souveraine s'est dressée - comme le cobra royal - elle n'est plus une fleur que l'on cueille à satiété, elle a apposé sur son sexe la jarretelle de la cruauté, elle a posé un masque sur son visage, celui du vieux Chef indien qui avait transformé son ovule initial en tipi afin de déclarer la guerre,  qui entonne le chant de la danse du scalp autour du poteau de torture, et qui brandit le tomahawk de la destruction universelle. Elle lâche les fauves de sa vengeance, elle ouvre les corolles des aconits carnivores, elle décroche les étoiles zodiacales de la voûte du ciel, elle se fait précéder des écussons héraldiques de sa puissance. Le magma du monde se resserre sur lui-même traversé par des frissons de l'horrible peur qui vient. 

    24 - 27 / 01 / 2020

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    Victoire la SouveReine danse sur les décombres amoncelés du monde. C'est le grand compressage. L'entassement irrémédiable. La mort se pourlèche les babines. Le temps zigzague sur lui-même Et l'Innommable est arrivé. Dans ces dessins noir et blanc voici que la couleur apparaît. Depuis le temps que les prébendes de l'arc-en-ciel miroitaient dans les encres de José Martinez !  Nous les suggérait par leur seule absence et la floraison exponentielle de ses graphes glyphiques.  La Reine se moque de nous. Elle a choisi le jaune comme le maillot du tour de France. Elle s'est affublée d'un de ses caleçons ridicules dont les garçons sur les plages enveloppent la protubérance dérisoire de leur virilité. En tout cas sous cette pelure jaunâtre, c'est elle qui a la banane. La Reine nous ressemble. Sur sa tête transparaît son rêve intérieur de grand sachem, mais dessous, le corps qui s'agite reste celui d'une gamine solitaire engoncée dans une rave-party. Est-ce que ces estampes de José Martinez seraient à décrypter comme des cartes postales nostalgiques de nos rêves éteints. Les Dieux ne seraient-ils plus ce qu'ils étaient !

    Damie Chad.