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andy lewis

  • CHRONIQUES DE POURPRE 453 : KR'TNT ! 453: SCREAMIN' MONKEYS / ANDY LEWIS / THE TWANGY & TOM TRIO / WHO / TENDRESSE DECHIRANTE / CODICILLE

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 453

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR'TNT KR'TNT

    27 / 02 / 2020

     

    SCREAMIN' MONKEYS / ANDY LEWIS

    THE TWANGY & TOM TRIO / WHO

    TENDRESSE DECHIRANTE / CODICILLE

     

    Too much Monkeys business

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    Seulement deux 45 tours ! Les Screamin’ Monkeys préfèrent la raréfaction à la prolifération. Pas de danger qu’on les accuse de Ty-Segaller.

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    Leur premier 45 tours date de 2016 et vaut qu’on y fourre son nez car un hit s’y niche : «Cosmic Farmer». Ils amènent ça au heavy groove envenimé et après un superbe solo à la déglinguette bourguignonne, on les voit s’enflammer, c’est fuzzé dans l’âme à coups d’awite awite. Avec «Walk Alone», ils se prennent pour des Américains et ça leur va bien, ils ont de la rémona à revendre, hey hey ! Ils savent ouhater leur pré carré et cultiver une certaine forme de démesure. Ils passent au vieux shoot de garage fever avec «Makes Me Fever». C’est là où les singes sautent sur les archéologues pour leur dévorer les yeux. Quelle boucherie ! Leur fever sent bon la fièvre aphteuse, ils savent articuler leur shit, c’est admirable et intéressant à la fois, une belle énergie sous-tend l’ensemble, d’autant que le mec est bon au chant, comme le montre «Ginger Twister», il traîne ça jusqu’au sommet à coups de what’s the matter, c’est du sérieux, ils groovent un sacré big bag of sound.

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    L’autre single refuse de décliner son identité. Les flics insistent. No title ! Bim bam ! «Band Of Freaks» ! Les coups commencent à pleuvoir. Garage d’orgue embarqué pour Cythère. Dynamique ventrue et chargée de fagots. Les Monkeys écument la contrée comme les colonnes infernales de Turreau, ils dévastent les Vendées du garage. «Poison Vivi» refuse aussi d’obtempérer. Rien à faire, même si c’est chanté au gras. Bim bam ! Alors il ne leur reste plus qu’une seule chose à faire : une B-side. Ça tombe bien, car voici leur hommage à Jack Scott avec «I Love You Until The Song Is Over», c’est du Way I Walk de bonne guerre et les Monkeys sont malins car ils savent générer des petites débinades psychotropiques. Le chanteur fait une parfaite impersonation de wild rockab, il frise le Robert Gordon, ce qui vaut pour un compliment. Beau final en mode hypno, rehaussé de roucoulades somptueuses.

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    Vous l’avez bien compris, c’est sur scène qu’ils donnent leur pleine mesure. Attention, les Chalonais sont six sur scène et ils réussissent l’exploit de s’encastrer tous les six dans un minuscule recoin avec une batterie, un orgue et trois amplis. Il faut savoir le faire. Ils semblent réactiver une vieille manière de jouer le rock, pas loin de l’anglaise, celle qui reposait sur une science aiguë du jumping beat et des maracas. Et lorsque l’harmo pointe le museau, il charrie des petits échos de pub-rock à l’anglaise. Oui, un son déjà entendu des milliards de fois mais quand c’est amené avec autant d’allant, ça cloue vite le bec aux commentaires. Ils mettent leur petite industrie en route et s’y tiennent avec une suite dans les idées qui les honore. On ne sait pas qui est Belinda, mais elle a un joli cul. Il faut voir comment les Monkeys lui shakent le booty. Fantastique présence ! C’est la dynamique des deux chanteurs qui donne aux Monkeys ce côté explosif. Franck et Fouine se partagent les cuts et chantent à deux sur d’autres, alors ça précipite le dégorgement des engorgements, ça émoustille les wild émanations, ça bisque les basques du best blast around, ça rue dans les brancards et ça maracasse la carcasse de la rascasse. Et quand on a dit ça, on n’a rien dit.

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    On les voit vite partir en mode Fuzztones avec une voodooterie nommée «Voodoo Doll» avant de sombrer dans les affres d’un «Primitive» joué au trombone à coulisse, ce qui est un pari osé, mais qui ne tente rien n’a rien, n’est-il pas vrai ? Leur dominante reste bien le garage d’orgue à la Fuzztones, il adorent se couler dans ce type de mood, c’est leur manière de prêter allégeance au rude Rudi qui du haut de ses deux mètres domine encore l’immense cimetière où dorment en paix relative les milliers de tenants et d’aboutissants du garage moderne. Les Monkeys redonnent vie à leur vieux «Cosmic Farmer» chargé de relents beefheartiens, mais privé du scream final qui impressionnait tant dans la version enregistrée. Quand ils piquent une crise avec «Paranoia», ils filent ventre à terre, histoire de rendre hommage au speed-garage héroïque des New Bomb Turks et autres calaminés des années de braise, et ils reviennent au jumpy jumpah de bonne famille avec «Walk Alone». Comme tous les grands amateurs d’apocalypse, ils aménagent des petites zones de calme pour mieux rebondir au moment de l’assaut final. Si on aime le garage bien foutu et bien senti, c’est le groupe qu’il faut voir. Ils dégagent une sorte d’excédent budgétaire, ce qui mérite d’être noté. Ils dépotent une vingtaine de morceaux avec un enthousiasme qui ne pâlit pas un seul instant et une énergie qui est celle des opiniâtres invétérés.

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    Leur «Monkey Twist» est une petite merveille d’insistance cavalante, Ces mecs ne lâchent jamais la rampe. Ils redonnent vie à toute cette culture Back From The Grave/Pebbles qui fit les beaux jours des oreilles d’antan. Le garage quand il est bien joué reste l’un des styles de rock les plus vivants, les plus frétillants et certainement le moins corrompu de tous les genres puisque condamné à l’underground. Mais encore une fois, l’underground est un havre de paix, si on voit ce qui se passe aujourd’hui dans les grandes salles de concert. Voir Franck et Fouine chanter à deux «Le Stonien» console du spectacle de toutes ces horreurs. Ils mettent tellement de jus dans ce cut qu’il sonnerait presque comme un hit, d’autant que c’est gorgé d’accents de Stonesy et explosé aux yeah d’unisson du saucisson. Joli coup de chapeau aux Stones qui, faut-il le rappeler, sont à l’origine de tout, enfin de ce qui nous concerne ici.

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    Les Monkeys enchaînent avec un autre clin d’œil, cette fois à Screamin’ Lord Sutch, avec «Jack The Ripper», l’occasion de ressortir le trombone à coulisse pour cuivrer de frais cette vieille scie sautillante qui ne prend toujours pas de rides. C’est chanté au meilleur guttural local, avec du scream à la clé et un sens aigu du boogaloo qui non seulement nous enchante, mais qui en plus croule sous le poids de sa crédibilité.

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    S’ensuit l’excellent «I Love You Until The Song Is Over» qui se trouve sur leur deuxième 45 tours. Ils en font une version longue, un peu hypno et l’arrêtent brutalement. Dommage. Ils pourraient tirer la sauce et faire sauter la sainte-barbe. Ils vont faire un rappel bien sonné des cloches avec un «Diddley Train» tatapoumé dans les règles de l’art et chanté aux renvois de chœurs. Hey Bo Diddley ! Rien de plus légendaire. C’est là où la dynamique des deux chanteurs reprend du poil de la bête. C’est le vrai Diddley beat, avec ses crises de scream et toute sa spectaculaire modernité. Ils finissent à l’emporte-pièce avec un clin d’œil fatal aux Dictators. Ils déterrent «California Sun» de ce premier album des Dictators qui frappa tant les imaginations à sa sortie en 1975. N’oublions pas que Lindsay Hutton tirait le titre de son fanzine The Next Big Thing de cet album fantastique. Les Monkeys amènent le riff de «California Sun» aux deux guitares alternées. C’est en place, bien posé sur le California beat et vite explosé au coin du bois. Ils restituent avec brio la magie de ce cut de cinquante ans d’âge qui repose sur l’alternance de passages clairs et de bouquets d’harmonies vocales noyées de son. Vertiges de l’atour.

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    Signé : Cazengler, Screamin’ moquette

    Screamin’ Monkeys. Chez Kriss. Évreux (27). 31 janvier 2020

    Screamin’ Monkeys. ST. Pop The Balloon 2016

    Screamin’ Monkeys. No Title. Pop The Balloon 2018

     

    Handy Andy

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    Pour bien situer Andy Lewis, il faut commencer par écouter un album paru sur Acid Jazz et annoté par Eddie Piller, qui s’appelle Billion Pound Project. Comme on dit dans les milieux autorisés, c’est un chef d’œuvre. Andy Lewis y invite tous les gens qu’il admire. Piller dit d’Andy qu’il porte son cœur sur les lèvres - this creator and composer wears its heart on its sleeve - Pour Piller, Andy est le gentleman quintessentiel - the quintessential English gentleman - Quand on entend le groove magique de «100 Oxford Street», c’est un peu comme si on se retrouvait à l’angle de Wardour Street at midnight. La température monte violemment avec «(Love is) Alive In My Heart», car Andy fait chanter Keni Burke - a Curtis Mayfield prodigy - Il plane sur le cut un parfum de strong groovy magic. Mais ce qui suit est bien pire : Andy confie «Laughter Ever After» à Bettye LaVette et tout bascule dans la monstruosité, d’autant que Bettye attaque ça à la manière d’Esther Phillips, en chuintant légèrement. Le cut tourne à la dinguerie et ça groove tellement dans l’os de l’art qu’on se retrouve au sommet du genre. Stupéfiant ! En réalité, c’est Bettye qui rend hommage au quintessential gentleman et non l’inverse.

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    La fête se poursuit avec une autre idole d’Andy, Reg King, qui comme chacun sait fut le chanteur de The Action. Le cut s’appelle «Since I Lost My Baby», une fière reprise de Smokey. On a là un fantastique condensé de rock Action définitif. Nous voilà une fois de plus au cœur du mood de myth Mod, dans une sorte de perfection absolue, à l’équilibre parfait entre la classe Soul et l’élégance pop britannique. Encore un coup d’éclat avec «See You There» chanté par l’extraordinaire Lynda Laurence. Elle gueule comme Aretha et vrille son me-eeeeh. Encore une révélation un peu plus loin avec «Devastated», un cut de funk allumé au white heat et que chante Loleatta Holloway. C’est tout simplement le white funk de Sloane Square par un soir glacé et foggy, violonné et saxé, effarant de modernisme déterminé. Andy tend le micro à un autre héros, Andy Ellison, qui ramène sa morgue pour chanter «Heather Lane». C’est toujours un plaisir que d’entendre chanter ce fabuleux glamster métastaseur. Il reste encore une merveille au bout de cette B fatidique : «One By One» que chante Fonchi, une autre reine de la nuit londonienne. Andy lui fournit des chœurs de rêve, c’est-à-dire des chœurs Tamla. Et là, on re-décolle, une fois encore. Impossible de rester assis quand on écoute ce disque.

    Au final, cet album donne l’équation magique de la scène Mods anglaise contemporaine, qui propose un mélange unique au monde de Soul et de Mod-rock. Tout ça sur Acid jazz.

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    Album bien intentionné et même lumineux que ce You Should Be Hearing Something Now paru aussi sur Acid Jazz en 2007. Ce qui frappe le plus, chez Andy Lewis, c’est la clarté du propos. Ce mec joue dans les règles de l’art et s’entoure d’invités de choix. Tiens par exemple Corrina Greyson pour «Window Shopping». C’est une vieille descente au dance-floor, Corrina sait de quoi elle parle, bienvenue au paradis de l’English diskö. Quelle violente énergie, ça transfigure la diskö, kökö, tu n’as même pas idée, voilà le monster küt par excellence ! L’énergie dévore l’oreille. Andy duette ensuite avec Paul Weller qui chante son ass off sur «Are You Trying To Be Something». Ils embarquent ça au meilleur beat qui se puisse concevoir, mais ça va encore se corser avec «Don’t You Know Why You Do it». Claire Nicolson chante ça sucré et propose une fantastique lampée de pop anglaise, avec une perfection qui renvoie bien sûr au cœur de ce vieux mythe qu’on appelait autrefois le Swinging London. Ils sont en plein dedans. On assiste là à un phénomène d’insistance lumineuse assez rare. Sur cet album, tout semble couler de source. Andy Lewis embarque «Phantom Street» au glouglou famélique, il joue son bassmatic avec la grâce d’un saumon d’Écosse argenté et vivace, lancé à l’assaut du torrent. Il duette ensuite avec un certain Johnny Cooke sur «Come Along With Me». C’est un fantastique shuffle d’anticipation, avec une trompette en or qui se glisse dans la ferveur du groove, et Johnny Cooke chante dans la chaleur de la nuit londonienne, c’est somptueux, ultra-orchestré, hissé au sommet de tous les apanages, surtout celui du Mod Jazz. Retour de Claire Nicolson pour ce coup de génie intitulé «In The Land Of You And Me». Elle y va direct. Ah comme c’est puissant ! Elle revient au sucré du jerk, au pur London shake. Ils sont dans l’excellence de la pertinence, dans le tronc du culte, comme dirait Mocky. Andy Lewis sonne comme les Beatles sur «Tell Me Once Again You Love Me» et duette avec David Jay sur «The Love Of My Life», assez black dans l’esprit. Pur son d’exception, une fois encore, David Jay tire la bobinette et ça devient vite énorme. Existe-t-il quelque chose d’aussi parfait ? Dieu seul le sait. Claire Nicolson est au rendez-vous de «Beyond The Fields». Elle chante d’une voix de rêve. Andy Lewis ne pouvait pas espérer mieux. Derrière, ils sont au carré. Et puis voilà le grand retour d’Andy Ellison avec «Top Of The Tower». Il est en place et what a voice ! Il brandit le big étendard du glam anglais. Andy et Andy font bien la paire. C’est convaincu d’avance, le bassmatic dévore le cut tout cru. Croutch croutch.

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    Le mini-album 41 est paru sur Acid Jazz en 2011 sous la forme d’un double EP. «Complexity» et «Sky Bar» sonnent comme des solides Mod rocks, bien dans l’esprit de la London Mod scene, pas loin de Jam. Par contre, «Centre Of Attention» sonne plus psychédélique, même s’il est monté sur un tempo diskoïdal digne des diskö-floors britanniques.

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    Avec le Billion Pound Project, l’album qu’Andy Lewis a enregistré avec Judy Dyble est le plus réussi. Il s’appelle Summer Dancing et date de 2017. Il faut se souvenir que Judy Dyble fut la chanteuse & founder-member de Fairport Convention, qu’elle quitta pour aller monter Trader Horne avec Jackie McAuley. Elle a ce qu’on appelle un pedigree. Le morceau titre de l’album sonnerait presque comme in hit psych des sixties. La voix est toujours là. Cette fois, Andy Lewis ne vise pas le Mod rock mais l’esthétique Fairport. Premier point fort de l’album : «A Message». C’est en enchantement. Andy Lewis accompagne Judy Dyble à la stand-up. On sent l’inspiration, elle est palpable. Ça devient infernal avec «Night Of A Thousand Hours», un groove de jazz pianoté dans le flesh du groove. En B, Judy Dyble passe au jerk avec «My Electric Chauffeur». Eh oui, c’est aussi simple que ça. Andy Lewis réussit l’exploit de la ramener sur la piste de danse. On note l’extrême pureté de sa voix dans «Treasure». C’est un filet lumineux, incroyablement juste. L’enchantement se poursuit avec «The Day They Took The Music Away», extraordinaire coup de transe. On entend tout simplement des héros de l’underground britannique. Judy Dyble revient avec «Summer Of Love» à son cher chant chaleureux de l’archiduchesse, alors sont-elles sèches, archi-sèches ? Elle règne sur la tradition d’un chant très anchien. Elle chante aussi «Tired Bones» à la clameur d’antan, la bonne vieille clameur d’excellence privative. C’est paisible et si profondément beau.

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    On trouve aussi sur Acid Jazz l’album des Red Inspectors, Are We The Red Inspectors? Are We? Andy et ses amis y proposent des instros de clubbing londonien à la James Taylor Quartet. Ils affectionnent particulièrement le groove charmant. On entend Pete Twyman chanter «He’s A Menace» et c’est excellent. On le retrouve au chant sur «The Apology Squad», petite pop montée sur une bassline de rêve, comme suspendue dans le son.

    Donc pas grand chose pour un personnage aussi légendaire, mais ses trois albums figurent parmi les grands classiques du rock anglais.

    Signé : Cazengler, Andy Le vice

    Andy Lewis. Billion Pound Project. Acid Jazz Records 2005

    Andy Lewis. You Should be Hearing Something Now. Acid Jazz 2007

    Andy Lewis. 41. Acid Jazz 2011

    Judy Dyble/Andy Lewis. Summer Dancing. Acid Jazz 2017

    Red Inspectors. Are We The Red Inspectors? Are We? Acid Jazz 2011

     

     

     

    TROYES / 22 – 01 – 2020

    3B

    THE TWANGY & TOM TRIO

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    Huit cents kilomètres de la veille dans les pneus et la Teuf-teuf file sur la route de Troyes comme une jeune fille à son premier rendez-vous d'amour. Pour moi ce n'est pas pareil, une question métaphysique m'obsède depuis que j'ai repéré l'affiche sur le FB de Béatrice Berlot, comment trois peut-il être égal à deux ? N'ai jamais été fortiche en mathématique, mais tout de même ! Un truc encore plus difficile que le mystère de la sainte trinité qui nous dit que trois égale un. Maintenant que j'écris cet incipit j'ai la solution, celle du trio pas de la trinité, vous la refilerai tout à l'heure. Le temps de vous faire saliver. Une petite discussion avec Béatrice, toute fière des cent-dix groupes de rockab qui ont défilé dans le 3 B en six ans, mais cela c'est le passé, le futur c'est la programmation qui vient, avec une grosse surprise à venir. Non je ne vous donnerai aucun indice, ni un, ni deux, ni trois, d'autant plus que le Twangy & Tom Trio entre en scène.

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    THE TWANGY & TOM TRIO

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    Je vous rassure tout de suite. Le trio est bien constitué de trois éléments. Ce qui est terrible, car il faut l'avouer vous pourriez en supprimer deux au hasard, que celui qui resterait tout seul vous l'écouteriez avec autant de plaisir. A notre droite Gégene ( du Loiret n'oubliez pas la formation est basée à Orléans ). Contrebasse vert turquoise. Avec un auto-collant de pin-up collé dessus. Ce qui pose problème. Pas la pin-up. La colle. Elle tient, un véritable miracle. L'image ne s'est pas décollée de tout le set. C'est que Gégene quand il cogne, vous l'entendez. Ce doit être son karma. Dans une autre vie il a dû mener la charge des éléphants de Porus contre les fantassins d'Alexandre le Grand. Chaque fois que sa menotte s'en vient se catapulter sur les cordes, c'est votre cerveau dans votre boite crânienne qui fait un tour sur lui-même. En plus il exagère, il écrase tout sur son passage, vous pensez que l'histoire du monde vient de se terminer, mais non, si c'était un musicien classique faudrait lui écrire Molto Allegro sur la partoche, car il swingue et caracole comme un jeune poulain qui s'élance au grand trot vers les infinis de l'herbe bleue du Kentucky.

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    A notre gauche Phil Twangy, à la Gretsch cochranique. Et granitique. Ne vous fiez pas à son air sympathique. Un étrangleur. La main tout en haut du manche. Vous le tient ferme. L'on dirait qu'il a attrapé un cobra par le collet et qu'il lui serre le cou à mort. La poigne reste immobile. N'y a que ses gros doigts qui bougent, comme s'il cherchait à lui éclater quelques ganglions vitaux à l'intérieur. De l'autre main, ce n'est guère mieux. Disons-le franchement, c'est pire. N'est pas du genre à gentiment gratouiller les cordes comme s'il caressait un chat. L'est du style à percer sans pitié le ventre du greffier de multiples coups de poignards. Et vos oreilles le remarquent, il vous les cingle comme s'il vous ramonait l'œsophage avec un fil de fer barbelé. C'est violent, c'est brutal, et vous vous rendez-compte que vous avez en vous une dimension masochiste que vous ignorez.

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    Oui Phil et Gégene ont le rockabilly sauvage. A tel point que vous dites que ces deux malfrats vous suffisent. Qu'il n'y a aucune nécessité d'ajouter un troisième larron à ce duo. Et pourtant, il y a bien un troisième individu entre ces deux rocs, un gars longiligne, sous une grosse casquette bouffante. Au début vous pensez qu'il est là pour rien. Le gus inutile par excellence. D'ailleurs il n'a même pas un instrument. Enfin si, un minuscule, qu'il cache dans sa main. Un harmonica. Vous le plaignez, mais à part fredonner Oh ! Susanna en sourdine entre deux morceaux, vous vous demandez ce qu'il peut bien pouvoir faire entre ces deux monstruosités rockabyliennes. S'appelle Long Tom, et ce mec il exagère. Nous sommes en plein rockabilly, et au lieu de dire pouce, je passe mon tour, le guy se met à jouer... du blues. Mais du blues plus bleu que bleu. Au début vous pensez qu'il s'est trompé de casting, peut-être même de café, qu'il doit y avoir un concert de blues organisé à l'autre bout de la ville, et puis au bout de deux minutes, vous êtes obligés de reconnaître qu'entre la sauvagerie du rockabilly et la trouble lancinance du blues s'installe une étrange alliance. Ce ne sont pas des contraires qui se repoussent mais des pertinences qui déteignent l'une sur l'autre.

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    C'est qu'entre le blues et le rockabilly, vous avez quelques relations incestueuses. A l'inter set, Long Tom résumera ces accointances très simplement : vous accélérez un blues vous avez un rockab, vous ralentissez un rockab vous obtenez un blues. Certains croient avoir trouvé la solution en créant le concept de rocking blues. Qui ne me satisfait pas. C'est un truc qui n'a jamais existé, d'un côté vous avez le blues et de l'autre le rockabilly et à eux deux c'est exactement la même chose. La musique du diable pour résoudre le mystère de la sainte trinité ! Si vous en avez deux, vous en avez trois !

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    La théorie c'est bien. La pratique c'est mieux. Le Twangy & Tom Trio vont aligner trois sets. Nous avouent qu'ils n'ont que trois compos à eux, mais quand l'on compte les compos personnelles d'un Gene Vincent, l'on est surpris. La reprise n'est pas un problème, la solution c'est l'appropriation, vous pouvez faire mieux peut-être, mais l'important c'est de faire autrement. Je prends un exemple : These boots are made for walking, avec eux ça ne marche pas, ça galope, un déchaînement, en l'écoutant je me dis que c'est comme cela que Lee Hazlewood avait dû le rêver avant de la refiler à la petite Nancy. Mais revenons au rockabilly et au blues. Vous ne trouverez pas plus noir que Bo Diddley. Entre nous soit dit avec Gégene, le beau Bo a bobo avec ses congas, peut aller se rhabiller, la contrebasse vous aligne le jungle beat avec une férocité inégalable, Phil à la guitare se charge du rebond, vous tranche les lianes de la forêt vierge à coups de machette, vous débite les pythons en tranches sans état d'âme. Le jeu est si serré que Long Tom n'y glissera pas une fumée d'harmonica, juste quelques bouffées rapides, ne prendra ses aises que lorsque le morceau s'accélèrera, s'échevèlera sur lui-même, alors là vous aurez droit à un incendie australien. On ne peut pas dire que Phil y cassera une corde, c'est si violent que l'on dirait qu'il l'a arrachée.

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    Mais non, ne sont pas spécialisés dans les instrumentaux, un rockab sans vocal c'est comme film de science-fiction sans extraterrestre. Phil chante comme il joue de la guitare. Fort et incisif. Pousse les lyrics comme des lames de rapière dans le corps d'un ennemi. Particulièrement bon sur les morceaux de Cochran, un Skinny Jim raboté à l'entaille, un Summertime Blues à vous cogner ( merci Gégene ! ) la tête sur le plancher, et un Twenty Fligth Rock monstrueux. De la belle ouvrage. Le troisième set sera démoniaque. Un Mystery Train fabuleux, si vous aviez été là vous comprendriez la trisomie du rockabilly et du blues, Long Tom nous ramène dans le delta alors que dans le même temps Phil nous en éloigne pendant que Gégene nous martèle un boogie-shuffle à vous briser les os. L'on croyait avoir atteint la cime du concert, mais non comparé au Mojo Working qui suit l'on n'était que sur des plateaux de moyenne altitude. Vont nous le faire défiler longtemps, mais en accéléré, sans halte, pire qu'à Chicago à la grande époque de la Chess électrique. Long Tom comme chez lui, et les deux autres qui ne lui cèdent en rien. Jamais l'eau dans laquelle vous avez lavé votre âme n'aura été aussi boueuse. Mais le trio est survolté, vous avez eu du black handsome man, eh bien vous aurez des petits blancs et ils nous fourguent un Rock This Town à faire sauter les centrales atomiques.

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    Z'ont trop bien fait leur boulot. Doivent payer l'addition. Sont les premiers à s'apercevoir que le Thirty Days de Chuck Berry même rallongé au bouillon-cube explosif ce ne sera pas suffisant. Un rappel avec le monde entier qui danse devant eux, quelle soirée ! J'ai oublié pour débuter le deuxième set les deux morceaux en l'honneur de Crazy Cavan qui s'en est allé rejoindre les anges noirs de l'enfer du rock 'n' roll sans préavis.

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    Ma promesse : au début c'était Twangy & Tom Duo parce qu'ils étaient deux. Gégene est venu et le duo s'est mué en trio. Mais ce n'est pas fini, Phil me dit qu'ils pensent rajouter un batteur. A croire que ce coup-ci ils veulent ratiboiser l'univers. Surtout laissez-les faire. Après la grande claque, ce sera la grosse beigne. Monstrueux !

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    Damie Chad.

    ( Photos : FB : CHRISTOPHE BANJAC )

    THE WHO

    ( Collection ROCK&FOLK # 13 / 06 – 02 – 2020 )

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    Pour ne pas vous mélanger les pédales ne confondez pas Rock & Folk Hors - Série, le dernier, le Numéro 38, 22 V'la les filles ! est sorti en novembre 2019, avec Collection Rock & Folk dont le Numéro 13 consacré aux WHO vient de paraître cette première semaine de février 2020. Si les Hors-Séries proviennent tout droit de la plume des journalistes du plus vieux mensuel rock national et international, la Collection est réalisée en collaboration avec Uncut. Une revue rock anglaise à laquelle notre Cat Zengler fait régulièrement allusion dans ses chroniques car les anglais sont plutôt pointus question rock.

    L'expression '' biographie non autorisée '' permet de mieux comprendre la raison du titre du magazine britannique. Non coupé, car Uncut n'a pas l'habitude de ne pas poser les questions embarrassantes et de passer sous silence les épisodes plus ou moins controversés de la vie de nos idoles. Toutefois avec un zèbre à la Pete Townshend, c'est comme les tubes de dentifrice, à peine avez-vous dévissé le bouchon que le contenu se hâte de se déverser dans la bonde du lavabo. Ce mec est un bonheur pour les journalistes, vous ouvrez le micro et il prend la parole pour des heures et des heures. Les 120 pages du numéro sont remplies d'interviews données au fil des années à différentes revues, notamment le Melody Maker et Uncut...

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    Certes les Who étaient quatre mais Keith Moon et John Entwistle ont quitté notre planète voici longtemps, Roger Daltrey n'a jamais été un grand hâbleur – ce qui ne l'a pas empêché d'avoir ses petites idées personnelles sur la carrière du groupe – et c'est Pete Tonwshend qui est apparu dès le début comme le leader incontestable du bataillon de cette mauvaise troupe. L'est sûr que quand l'on compare Keith à Pete, il n'y a pas photo, entre le gamin qui se complaît à empiler conneries sur conneries et Pete l'intellectuel toujours prêt à expliquer longuement le pourquoi et le comment de tous les actes du band... D'un côté la folie, de l'autre la réflexion. Quant à John et Roger ils suivaient sans trop la ramener, même sans être convaincus, parce que pour prouver à Pete qu'il avait tort, ce n'était pas évident. D'autant plus que les évènements lui donnaient raison. L'était un peu comme ces joueurs d'échecs qui ont un tour d'avance, ou ces turfistes dont la dernière martingale se révèle la plus efficace. Du moins au début. C'est après que les choses se sont gâtées. Mais l'arbre n'est pas tombé du côté par où il penchait.

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    Donc quatre gamins qui arrivent un peu après la bataille. Beatles, Rolling Stones, Kinks, Animals squattent les premières places depuis deux ans lorsque nos quatre malotrus se jettent dans la mêlée. Ne sont peut-être pas plus plus doués que les autres mais ils possèdent le cinquième élément : l'énergie. N'y a qu'à les voir pour en être convaincu. D'abord vous avez Moon qui vous montre les deux faces de la lune en même temps, il ne joue pas de la batterie, il la détruit. Ensuite vous avez Daltrey qui s'égosille comme un cochon que l'on saigne, Tonwshend qui ne sait pas vraiment jouer de la guitare, alors il lui mouline et lui assène de ces tornioles à lui faire rendre l'âme, et Entwistle qui dans son coin vous surfile toute cette cacophonie au gros fil de basse aussi épais qu'un démarrage de quadrimoteur. Sur disque, ils font ce qu'ils peuvent, de l'improbable au chef d'œuvre. Du rhythm 'n' blues de deuxième zone, des harmonies vocales d'oiseau de volière, et des tranches de grabuge éhontées.

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    Et là-dessus se pointe le plus gros malheur que la terre ait porté depuis la création des chevaliers de l'Apocalypse. Ne venez pas tenter une piètre divergence avec le dérèglement climatique. Un truc ovnique venu d'ailleurs qui vous pulvérise toute la concurrence. Un morceau, comme on n'en fait plus. Comme ils n'en feront jamais plus. La preuve c'est qu'ils en aligneront des meilleurs. My Generation ! My Malediction ! conviendrait mieux. Surtout pour Pete. '' People try to put usd-down talking 'bout my generation '', entre nous soit dit ça sonne moins bien qu'un vers de Shelley, mais ça pète dur dans les consciences de tous les adolescents du monde. Un beau remue-ménage sonique et un superbe remue-méninge consciencial. Première fois qu'un groupe de rock'n'roll voit plus loin que sa bite, ce n'est pas encore le Tractatus Logicus de Wittgenstein, mais ça s'en rapproche. D'assez loin, pour être franc, disons qu'un professeur ferait suivre de la mention «  En progrès ! » Nous sommes en 1965 et Pete Townshend ( et ses acolytes ) viennent d'inventer le rock'n'roll intellectuel.

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    Le pauvre Pete n'en croit pas ses yeux. L'est comme l'autruche qui découvre qu'elle vient de pondre un œuf dur. En or. L'avenir est tout tracé. Suffit de suivre la ligne droite du succès. La pente fatale de la victoire. Des trucs aussi chiadés que My Generation, il va vous en écrire toute une série. Saison 1000 en perspective. Un avenir radieux s'annonce. Mais le soleil refusera au dernier moment de se lever. Les singles suivants comblent les fans et les amateurs. La pente sisyphique est toutefois ascendante. I can see for miles le single sur lequel Townshend misait beaucoup pour un numéro 1 n'est pas au rendez-vous. Succès d'estime en quelque sorte, mais pas de quoi remplir la tirelire de l'auto-satisfaction. Townshend est touché dans son orgueil. Mais pas coulé. Réunit son équipage de forbans et leur propose l'inouï. Sont bien obligés d'accepter car ils n'ont aucun autre produit de substitution à offrir.

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    Ce sera Tommy. Le premier opéra-rock. Ce n'est pas vrai, Townshend le répète à longueur de colonnes, l'a fauché l'idée au Kinks. Certes elle le tenaillait depuis longtemps, l'envie de produire un trente-trois tours qui ait une unité qui racontât une histoire. Un truc qui se tient, avec un début, un milieu et une fin. Il ne va pas y arriver. Va tout juste parvenir à produire un gruyère. En gros la story d'un gamin, une espèce d'autiste, un asperger du flipper, Pete lui-même le reconnaît, pour un auditeur pourvu d'une intelligence supérieure il est difficile de comprendre la logique interne du scénario. L'est rempli de trous. Ce n'est pas très grave, l'humanité est constituée en sa majeure partie d'un ramassis d'esprits moyens. Chacun remplira les vides à sa manière. C'est qu'en y réfléchissant un peu, la véritable nature de Tommy ce n'est pas un opéra. C'est un concept. Mais de quoi ? De Tommy évidemment. Il n'est guère de serpent plus long que celui qui se mord la queue.

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    Par contre question musique Tommy est une réussite. C'est un opéra – répétons-le – mais nos quatre lascars ne convoquent pas le London Symphonic Orchestra, se chargent du boulot de A à Z. Un orchestre de rock. Un point c'est tout. Avec l'ajout de quelques curiosités pour faire gloser le bas-peuple des journalistes, comme Daltrey qui souffle dans un cor... Mais dans la vie, il ne s'agit pas de faire. Faut aussi refaire. Et les Who vont vous exécuter leur œuvre en public, tout seuls comme des grands, du début à la fin. Succès phénoménal. Townshend n'a pas les chevilles qui enflent. Mais la tête qui explose. Comprend que le problème n'est pas de remporter une victoire si éclatante soit-elle, mais d'en aligner d'autres à la suite.

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    Dans son cerveau surchauffé Tonwshend se lance dans l'écriture d'un nouvel opéra. Un projet mirifique. Tommy n'est qu'un individu, Lifehouse sera plus ambitieux, une espèce de métaphore musicale de la vie humaine qui embrasse aussi bien le passé que l'avenir. Projet ambitieux qui n'aboutira pas. Echec cuisant mais qui ne se verra pas. Avec les débris de Lifehouse, les Who bâtiront Who's Next ? Une splendeur, bourrée de rock et d'électronique. Ce n'est plus un succès, c'est un virus meurtrier. Les Who ne sont peut-être pas le plus grand groupe de rock du monde, mais certainement le plus novateur. Une promesse d'avenir. Ce fabuleux quatuor détient le futur du rock.

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    Tiens si on parlait rock. Le rock à prétention intellectuelle c'est bien, mais c'est fatigant. Avec Live At Leeds, les Who démontrent qu'ils n'ont rien perdu de leur fougue et de leur virulence. Un disque à ranger sur l'étagère du haut à côté de Jerry Lou au Star-Club de Hambourg. Townshend se défend à moult reprises d'avoir inventé le hard-rock avec this record. Laisse la couronne à Deep Purple et à plein d'autres. Ce n'est pas que le hard soit trop simpliste, c'est que reconnaître cette paternité c'est perdre l'aspect novateur des Who, n'être plus qu'une étiquette qui sert à désigner une tendance, dont l'évolution lui échappera un jour. Le problème c'est l'échec de Lifehouse. Dans sa tête. Comment le surmonter ? Comment aller de l'avant ?

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    Townshend tombe dans le piège qu'il a creusé de ses propres mains. Quand on ne peut pas avancer. Ne reste qu'une solution, le retour en arrière. Ce sera Quadrophenia. What is it ? Un nouvel ( un autre ) opéra rock. Bien plus puissant que Tommy. Mais qu'on le veuille ou non, pas autre chose que le concept d'opéra-rock ! Mais ce n'est pas le plus grave. La prescience du danger est d'autant plus dangereuse que souvent elle est inconsciente. Quadrophenia conte la vie de Jimmy, un jeune Mod, autant dire que c'est du passé, nous sommes en 1973 et les Mods c'est de la préhistoire, une période qui connaîtra son acmé entre – soyons généreux – 1964 et 1966. Avec Quadrophenia les Who sont en train de scier les six planches nécessaires à la confection de leur cercueil.

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    Les disques qui suivront seront un cran au-dessous. Je me souviens d'une longue discussion à la cafetaria de la fac sur le Who by numbers, les malgré-tout et les déçus, mais dans les deux cas la sensation de participer à un combat d'arrière-garde. Les Who se cherchent et ne se trouvent pas. Aux temps d'Elvis, l'on disait qu'une carrière ne durait pas plus de deux ans, ensuite c'était les oubliettes et pour les plus doués la capitalisation rentière assurée par la fidélité des fans des années fastes. Les Who sont dans le peloton de tête depuis plus de dix ans. Le problème c'est qu'il leur reste encore un demi-siècle à vivre. Les choses ont commencé à mal tourner en 1975, les deux années suivantes porteront un coup terrible au rock dit classic. La génération punk ne respecte rien. Rien à foutre des glorieux ancêtres. L'avenir appartient aux jeunes. Les Who s'en vont visiter ses mauvaises troupes dissidentes, sont reçus avec un respect empreint de forte goguenardise. Les grand-pères que l'on aime bien mais totalement dépassés. T'es plus dans le coup papy ! C'est Moon venu en Rolls-Royce qui s'en tirera le mieux. Sur ce, Moon tire sa révérence. L'histoire des Who ne s'achève pas en cette funeste année 1978, mais elle est symboliquement terminée. Par contre c'est celle de Pete Townshend qui commence. Ce numéro spécial Who devient un super spécial Townshend.

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    Tonwshend est une tête d'œuf cassé. Une espèce de neurasthénique jamais content de lui. Toutefois un déprimé qui se soigne. Un artiste du recollage des morceaux. Un expert de l'art de recycler les restes. Dès 1979 sort The Kids are Allright, un film qui retrace les folles années du groupe à partir de documents d'époque. Même pas six mois plus tard sur les écrans le film Quadrophenia. Puis la bande-originale du film, puis une comédie musicale... Suivront quelques albums des Who, un retour sur scène avec tournée mondiale pour le cinquantenaire, des éditions d'inédits à n'en plus finir, tout cela n'empêche pas Nicolas que la Commune n'est pas morte, non ce n'est pas cela, tout ces efforts, plutôt mieux que mal aboutis, font que Townshend se retrouve renvoyé à lui-même, non pas à son œuvre, l'en est même s'il dit le contraire, assez sereinement satisfait, mais à son corps qui se dégrade, aux années qui s'accumulent, au vieillissement pour employer le mot qui fâche. Ce n'est plus le cinquième élément de l'immortalité éthéréenne des Dieux mais le quatrième âge et son déambulateur qui se profile.

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    Comme pour tout le monde. Z'oui mais lorsque l'on est un artiste de rock'n'roll c'est plus difficile. Vivre vite et faire un beau cadavre. James Dean avait ainsi défini l'art de vivre very rock'n'roll. Pour la première partie de l'adage chacun se débrouille au mieux, pour la deuxième moins de monde se presse au portillon. Est-ce bien raisonnable, n'est-ce pas une imposture lorsque l'on s'appelle Pete Townshend. Le temps est le lézard dans l'horloge et la lézarde fissure la psyché Townshendienne. L'était un jeune homme en colère contre les adultes de ses jeunes années, mais maintenant le seul coupable qui ne lui a pas permis de s'adjuger ce qu'il désirait – mais quoi au juste ? - c'est lui-même. D'où la nécessité de revenir ronger les vieux os de sa jeunesse. De repartir en tournée. D'enregistrer un nouveau disque des Who en 2019. De publier un roman en 2020, et surtout de s'interroger sans fin sur le sens de cette odyssée du rock'n'roll, de s'obstiner à trouver à cette cochonnerie une tête, une queue et un sens qui lui apportent sinon satisfaction – les Stones s'en chargent – du moins plénitude.

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    A première vue, l'on peut s'en moquer. Les affres et les douleurs de Townshend lui appartiennent et personne n'a envie de s'en charger. Surtout pas vous. Moi encore moins. Devrait se souvenir de l'hémistiche fatal des Destinées d'Alfred de Vigny : '' Seul le silence est grand ''. Le genre de rétention orale à laquelle Pete Townshend ne peut se résoudre. Pour nous agacer. Pour notre plus grand plaisir aussi. Le rock est un miroir et nous ne ferons pas comme Tommy l'erreur de le briser. Ce serait se retrouver face à soi-même. L'est plus plaisant de voir Townshend se débattre à notre place. Le spectacle en vaut la peine. Ce pourrait être nous. Mais c'est lui. Tant pis pour lui. Quelle jouissance de le zieuter s'emmêler sans fin les pinceaux de ses contradictions. Voyeurisme et cynisme sont les deux mamelles du rock'n'roll. Et ce treizième – chiffre tarotique maudit – opuscule de la Collection Rock & Folk nous offre cent quarante agoniques pages de délectation assurée. This is not yet the end, beautifull friend !

    Damie Chad.

    PLANE / TENDRESSE DECHIRANTE

    ( Clip / 6 – 02 – 2020 )

    Troisième clip de Tendresse Déchirante. Nous avions chroniqué le premier Romance Américaine dans notre livraison 412 du 28 / 03 / 2019 et le deuxième Acte II dans la livraison 420 du 23 / 05 / 19.

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    Un projet d'une simplicité extrême. Du fait maison. Du cousu main. Sont trois, Diane Aberdam et Emilien Prost. Plus une idée. Une ambiance. Une solitude, celle qui régit les êtres entre eux. Une infranchissable pourriture dirait Joë Bousquet, qui sépare et unit tous ceux qui se mettent en marche l'un vers l'autre. Des chansons d'amertume douce, des frisottis d'écume sonore, la plaie et le sel. Celui de la vie qui fuit. Et celui de la mort qui ne vient pas. Un entre-deux. Entre regret et désespoir. Entre présence et absence. Entre fille et garçon. Si loin de l'androgyne initial. Si ce n'est par l'affleurance de la cassure initiale, seule faille qui permette de remonter vers l'origine. Sinon il ne vous reste plus qu'à explorer les conduites induites.

    Un clip qui se lit. Une véritable bande-dessinée. Qui bouge. Une application qui métamorphose les images en dessin. Noir et blanc absolument tranchés. Esthétique froide. Expressionniste. Un véritable roman policier. La victime est devant vous. Vivante. Elle dort. Elle se réveille comme tout un chacun puisque le portable sonne. Heureusement qu'il y a ce téléphone qui fait son office de réveille-matin. Il vous rappelle que vous êtes dans un clip musical. Et la musique arrive doucement, des gouttelettes de pluie qui s'éparpillent sur le cristal des songes. Elle est là. L'absente du Dormeur. Poupée fantôme qui danse dans les coins et empoisonne la mémoire de l'Eveillé. Elle joue de la guitare et vous entendez ce froufrou de soie infinie qui bourdonne comme une mouche tsé-tsé qui vous réveille et ne vous laisse que votre rêve à vivre.

    Et Lui se plante devant vous. Elle derrière, qui s'agite comme en contre-chant. Car Lui il ne chante pas. Il exhale une longue plainte. Il étire les syllabes, il révèle un secret que tout le monde connaît. Muezzin muré en lui-même qui se mire en son minaret, enfermé dans la tour d'ivoire de sa folie, il évoque l'idole enfuie. Une histoire terriblement quotidienne. Le ballet de la vie heureuse terrassé par les coups de balai du grand nettoyage. Celui des rapports humains, du partage des tâches ménagères, toute cette non-vie qui corrode les âmes bien mieux que le désir.

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    C'est alors que commence l'histoire. Je ne vous rassure pas, elle n'a pas de fin. Même lorsque le clip s'arrête. Ce n'est pas que nos deux artistes créateurs-réalisateurs n'auraient pas eu le temps de l'achever. Tout au contraire c'est qu'ils ont compris que le temps est discontinu. Qu'il n'est pas une matière homogène. Qu'il est constitué de bulles. Que lorsque vous êtes coincé à l'intérieur de l'une d'entre elles, soit vous êtes assez fort pour la crever et partir vous enfermer dans une autre. Soit vous êtes incapable de casser la coquille protectrice de l'œuf temporel où vous étiez si bien et vous vous recroquevillez entre ses parois ovoïdes car vous êtes persuadé que vous n'en trouveriez pas de meilleur ailleurs.

    Ce qui a existé existe pour toujours. Le mieux est de ne pas s'en éloigner. D'y rester à jamais. Cela tourne dans votre tête, cela les autres l'appelle délire. Plane conte cet enfermement en soi-même. Peut-être que ça plane pour lui, mais c'est sûrement plane after crash. Pour que vous compreniez mieux, les paroles ( en anglais ) défilent au bas de l'écran. Elles sont en jaune. La seule couleur du clip, avec le mauve pâle, couleur du sang séché, du chemisier de l'Enfuie.

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    L'Eveillé est en lui-même. Il est conscient qu'il marche sur l'abîme. Mais il sait que les autres ont tort. Qu'ils sont rétifs  à une réalité plus subtile du monde. Il n'a même plus besoin d'aller vers eux, vers ces semblables si dissemblables, n'envoient-ils pas une messagère, chargée de le ramener à la vie courante. Mais c'est la même qui revient toujours. Car c'est elle que son absence obsédante appelle. L'histoire se répètera mille fois, c'est la seule qu'il veut lire et revivre. Pour des myriades d'éternité. Le schème de la folie n'est que la répétition du même schéma désiré. Cette tendresse déchirée et déchirante se reconstitue sans cesse elle-même.

    Très beau clip – une réussite parfaite tant dans la mise en scène de l'adéquation du son et de l'image que dans sa portée métaphysique - avec ce chant de cygne lancinant qui agonise sans fin. Une goutte de poison finement élaborée. Ne l'écoutez pas, ne le regardez pas, vous en deviendriez prisonnier, vous ne pourriez plus vous en détacher. Il est des séparations impossibles.

    Damie Chad.

     

    CODICILLE A LA CHRONIQUE

    ( IN LIVRAISON 452 )

    HAPPY LEGS YEAR 2020

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    Une précision d'importance apportée par Jean-Michel Esperet quant à ma chronique de la semaine précédente sur le calendrier Happy Legs Year 2020. Non ZioLele n'est pas un être du sexe féminin comme je l'avais induit du court liminaire qui en langue anglaise le définissait en tant que feminist photographer. C'est un homme. Cette qualité n'enlève rien à la beauté de ses photographies mais peut en oblitérer quelque peu la réception. Les esprits pondérés feront remarquer que des jambes féminines photographiées par un homme ou par une femme restent toujours des jambes de femmes. Ce qui est absolument vrai, et totalement faux. Dans une photographie ce n'est pas tant l'objet ou le sujet photographié qui compte mais la vision de l'artiste et aussi son intention.

    Les courts dialogues de Jean-Michel Esperet qualifié de mysogynist writer qui mettent en scène la confrontation d'Elle et Lui, m'ont poussé à l'erreur funeste de croire que cette guerre des sexes se perpétuait aussi dans le choix des artistes, un homme écrivain et une femme photographe. Peut-être mérité-je le qualificatif de misogyne au moins autant que Jean-Michel Esperet puisque instinctivement et inconsciemment en ai-je déduit qu'un homme ne pouvait pas être féministe. Par nature. Et par culture. Pour ne pas entrer en d'oiseuses digressions philosophiques, disons par stratégie politique. Qu'un homme puisse se dire féministe me semble relever de ce que Marx appelait, sur un tout autre plan, trahison de classe. Ce qui n'empêche en rien qu'un bourgeois puisse se rallier au prolétariat et en sens inverse un prolétaire à la bourgeoisie. L'intérêt de l'individu s'opposant à celui de sa propre classe.

    Je ne pense pas que trahison de sexe soit une heureuse expression. Elle est porteuse d'une certaine connotation moralisante que je réprouve. De même chez Marx cette notion de trahison contient aussi cette dose de moralité qui paraît dire qu'entre les factions qui s'opposent l'une émarge du côté du mal et l'autre du bien. La notion d'intérêt s'y oppose pourtant formellement. En tant que stirnérien – et au-delà de toute vision transgenre - je ne saurais être féministe non pas parce que je suis un homme mais parce que je ne suis que Moi.

    Reste maintenant à dégager l'intention du regard de l'homme qui a pris les photos de ces jambes féminines et que je crus femme. Oultre le fait que tous deux soient des êtres humains, celui-ci se décline en tant qu'autre et celle-là en tant que même. Nous entrons-là dans les combinaisons hegelienne de la positivité et de la négativité. Le tout obvié par ma propre subjectivité. Selon que ZioLele soit homme ou femme, la visée de la tentation pourrait être modalisée sous forme active ou passive. Avec aussi cette possibilité que son intention puisse être entrevue sous la forme contraire.

    Mais peut-être vaudrait-il mieux se complaire dans la contemplation esthétique de ces photographies que de se perdre dans des ratiocinations indues. Qui n'apportent rien à leur beauté intrinsèque.

    Damie Chad.