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  • CHRONIQUES DE POURPRE 702 : KR'TNT ! 702 : FIN DEL MUNDO / BEATLES / SHARP PINS / WILD BILLY CHILDISH / FEELIES / THRAEDS / DRONTE / BRONZE AGE VISIONS / GENE VINCENT+ JACK NEAL

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 702

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    18 / 09 / 2025

     

     

    FIN DEL MUNDO /  BEATLES

    SHARP PINS / WILD BILLY CHILDISH

    FEELIES  / THRAEDS

       DRONTE / BRONZE AGE VISIONS

        GENE VINCENT + JACK NEAL

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 702

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://kr’tnt.hautetfort.com/

     

     

    L’avenir du rock

     - Fin Del Mundo n’est pas la fin du monde

             À force d’errer dans le désert, l’avenir du rock a parfois l’impression d’être arrivé au bout du chemin. Et chaque fois que cette idée effleure sa pensée, il constate que le chemin continue. Soit il s’en agace, soit il s’en désole, ça dépend des jours. Alors il reprend son petit bonhomme de chemin, convaincu qu’un beau jour, il arrivera au bout du chemin. Car enfin, tout chemin a sa fin, se dit-il. Comme le jour ou comme la vie ! Il développe l’idée dans sa tête surchauffée et aboutit au concept de fin en soi. Ah ça lui plaît ! Ça le rassure. Ça lui met du baume au cœur. S’il ne trouve pas le bout du chemin, au moins il a ce beau concept en compensation : la fin en soi. Ça pourrait presque calmer sa soif d’aboutissement. Et donc, chaque fois qu’il croise un erreur, il se vante de chercher une fin en soi. Les autres erreurs ne comprennent pas forcément, mais sous ces latitudes, les finesses dialectiques perdent facilement leur importance. Les déserts ne sont pas des salons où l’on glose. On se contente généralement du strict minimum. Intrigué par cette idée de fin en soi, l’avenir du rock continue de réfléchir. Ça tombe bien, à part marcher, il n’a que ça à faire : réfléchir. Au moins, il ne perd pas son temps. Il se concentre sur les fins. Il décide de les collectionner. Chaque fois qu’il croise un erreur, il lui demande quelle est sa fin et lui propose de l’échanger contre l’une des siennes. Alors pour en avoir en double, il se met à fabriquer des tas de fins. Un jour, au pied d’une dune, il tombe sur un mourant et lui propose une fin qu’il a en double : «La fin justifie les moyens». Alors, dans un dernier râle, le mourant lui cède la sienne : «La fin des haricots». L’avenir du rock repart tout guilleret. Deux jours plus tard, il croise Lawrence d’Arabie. L’avenir du rock essaye de lui refourguer l’une de ses fins en soi, et du haut de son chameau, Lawrence éclate d’un gigantesque rire cristallin : «Le suicide n’est pas une fin en soi. C’est la fin de soi !» Vexé, l’avenir du rock rétorque d’un air mauvais : «Ah ! La fin Del Mundo n’est pas encore pour demain !» 

      

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             L’avenir du rock parle bien sûr de Fin Del Mundo. Elles arrivent d’Argentine. Elles sont quatre. Pas de mec sur scène, donc c’est le groupe parfait. Elles sont très jeunes. Sur les 4, 3 sont tatouées. Elles sortent à peine du collège. Vu les tatouages et des Doc Martens, tu t’attends à du punk latino. Le punk des labyrinthes de Jorge Luis Borges. Tu fantasmes un peu, c’est normal, on ne voit jamais d’Argentines

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    tatouées dans le coin. Formation classique : deux grattes, basse et beurre. Ça commence mal, la petite chanteuse n’a vraiment pas de voix et son cut sonne gnan-gnan. On se croirait à la MJC de Buenos Aires. En plus, elles n’ont pas de son. La petite chanteuse s’appelle Lucia. T’avales ta déconvenue et, philosophiquement, tu te dis que ça va forcément s’arranger. Dans ces cas-là, il faut toujours trouver un moyen de se remonter le moral, car avec l’âge, on s’aperçoit que le moral prend la vilaine habitude de descendre vite fait dans les godasses. Comme tu ne connais pas les cuts, tu fais confiance à tes oreilles. Et voilà que cut après cut, elles font honneur à

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    ta confiance, car elles se mettent à chauffer la cave qui est déjà surchauffée, et ça devient vite extraordinaire, d’autant que la petite vingtaine d’happy few exulte, et l’ambiance devient géniale, alors les Argentines montent d’un cran et on assiste à un phénomène assez rare qui est celui de l’élévation d’un groupe inconnu. Elles s’élèvent toutes les quatre du sol et claquent une pop excitante, révélatoire, même pas exotique, une pop fine et racée, bourrée d’énergie, éclatée par de trop rares harmonies vocales, celles qu’on entend dans Le Temps Des Gitans, les poux prennent du volume, t’en reviens pas de les voir régner sans partage sur cette cave qui en a déjà vu des vertes et des pas mures. La petite guitariste qui est devant toi s’appelle

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     Julieta. Elle porte des lunettes et mine de rien, elle ramène énormément de son. La bassiste Yanina est la plus tatouée des quatre. Et derrière ses fûts t’as une autre Julieta qui lance tous les cuts au tac tac tac. Elles sont tout simplement sidérantes de fraîcheur saumonique, t’as l’impression que cette pop s’adresse directement à toi, cette pop fait de toi le bec fin de service, t’en goûtes chaque seconde avec une délectation dégoulinante de sueur, et si le dieu de l’underground existait, t’irais lui serrer la pince pour le remercier d’avoir mis ensemble dans la cave ces deux groupes géniaux que sont Zement et Fin Del Mundo.   

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             Comme elles n’ont pas de merch, tu réunis le soir même un conseil restreint pour voter les crédits de rapatriement superfétatoire, car cette pop t’intrigue et quand une pop t’intrigue, il faut la tirer au clair. Elles ont deux albums à leur petit

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    palmarès argentin, Hicimos Crecer Un Bosque (qui veut dire en français ‘Nous Avons Fait Pousser Une Forêt’) et une compile, Todo Va Hacia El Mar (qui veut dire ‘Tout Va À La Mer’). Et au vu de la setlist, on constate que ces petites coquines jouent sur scène un mix des deux albums. Le conseil restreint chougne un peu mais finit par voter le budget. 

             Alors attention : avec Hicimos Crecer Un Bosque, t’as un pot-aux-roses. Ces petites coquines d’Argentine ont du son, rien à voir avec celui de la cave. Sur l’album, elles sonnent comme les Pixies, aussitôt «Una Temporada En El Invierno». C’est plein d’élan et plein de vie. Te voilà transfixé. S’ensuit une autre fontaine de jouvence, «Vivimos Lejos». Non seulement les poux sont précis mais voilà qu’elles font les chœurs magiques du Temps Des Gitans, ceux qu’on entend dans la scène des funérailles sur le fleuve. Et ça plonge dans l’inferno du vivid, c’est hot as elles, la plongée est en fait une montée au firmament, elles cultivent leurs harmonies vocales juvéniles et c’est une aubaine pour tes vieilles oreilles, une aubaine fouettée par des vents de poux, t’en reviens pas de tant de maîtrise. Elles grattent des petits poux lumineux, chaque cut est exaltant. T’as un joli Wall of Sound dans ce «Refugio» puissant et comme illuminé de l’intérieur. Elles créent bien leur monde et savent mettre le paquet quand il faut. T’es frappé par la grosse attaque de «Devenir Paisaje». Elles développent des chevaux vapeur, elles déroulent du continuum, elles sabrent les goulots de leurs cuts avec des accords inconnus, elles fourbissent des résonances mystérieuses, tu crois entendre un instro, mais elles arrivent au chant quand tu ne t’y attends plus et ça devient génial. Cut après cut, t’as l’impression de monter dans les échelons, elles se fondent dans «El Dia De Las Flores», elles sonnent quasiment comme les Breeders, tant de power t’éberlue, elles se montrent vertigineuses d’ambition sonique, leurs abysses ressemblent à s’y méprendre à celles des Pixies. Elles regagnent la sortie avec «Vendra La Calma» et se barrent en mode heavy pop. Elles te drivent ça sec, avec des coups d’acou, c’est puissant, et même sur-puissant, saturé de power féminin et de clameurs argentines. Tu les adores.

             Une seule déconvenue : le Todo Va Hacia El Mar commandé en Espagne n’est jamais arrivé. Ainsi va la vie.

    Signé : Cazengler, fan del Mundo

    Fin Del Mundo. Le Trois Pièces. Rouen (76). 5 août 2025

    Fin Del Mundo. Hicimos Crecer Un Bosque. Spinda Records 2024

    Concert Braincrushing

     

     

    Wizards & True Stars

     - Sale petite Beatlemanie (Part One)

     

             — Tu traînes cette sale petite Beatlemanie depuis combien de temps ?

             — Soixante ans...

             — Pourquoi ne tu vas-tu pas te faire soigner ?

             — Certainement pas.

             Les Beatles, c’est comme Elvis : ils sont le tenant de l’aboutissant. Ce sont eux qui ont inventé les hits, qui ont enchanté les radios et par conséquent nos vies de jeunes coqs. On a tous aimé à la folie Lady Madonna et pris la main que John nous tendait pour aller faire un tour dans Strawberry Fields, c’est lui qui t’a expliqué que rien n’était réel - nothing’s real - et que la vie est easy quand tu fermes les yeux. On a vérifié : c’est vrai.

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             Les Beatles ? Zéro défaut et toutes les qualités. Lorsque tu entends des gens cracher sur les Beatles, tu les plains secrètement, non pas pour leur manque de curiosité, mais pour ce sectarisme qui est hélas l’une des formes «culturelles» de l’extrême vulgarité. Et souvent, les qualificatifs sont à l’avenant. Un jour, dans la voiture, alors qu’on roulait avec Janvuc vers un patelin normand, nous échangions nos points de vue sur nos vieux coups de foudre. Après les Zombies, les Small Faces et Syd Barrett, vint le tour des Beatles :

             — Que penses-tu de l’Album Blanc ?

             Avant de répondre, Janvuc prit une profonde inspiration, puis il lâcha avec tout le dégoût dont il était capable :

             — C’est de la merde !

             Au moins les choses étaient claires. Et ce fut la fin de nos échanges «culturels». Nous parlâmes ensuite de la pluie et du beau temps. Puis, tout naturellement, nous nous perdîmes de vue.

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             Ce que cet abruti de Janvuc n’avait pas compris, c’est que le White Album est l’un des albums parfaits de l’histoire du rock. C’est en tous les cas ce que nous ré-explique Opher Goodwin dans son minuscule mini-book : Rock Classics: The Beatles White Album. Il plafonne à 80 pages dans le format qui rentre dans toutes les poches, et t’es bien content de lire sa prose, car il te redit tout ce que tu sais déjà, mais avec la passion dévorante d’un fan resté en phase.

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             L’idéal est de coupler cette lecture avec l’écoute de la box White Album - 50th Anniversary, qui propose les fameuses ‘Esher Demos’. T’es pas surpris de constater que le White Album n’a pas pris une seule ride, que toute sa diversité a gardé sa fraîcheur et que John, aussi bien que Paul, restent des interprètes exceptionnels. La Beatlemanie n’a jamais été une vue de l’esprit.

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             Goodwin commence bien sûr par rappeler le contexte révolutionnaire de 1967 : l’émergence de la psychedelia (The Piper At The Gates of Town, Are You Experienced, Mr. Fantasy et Disraeli Gears), puis l’arrivée de l’acid rock de la West Coast («the strange days of the Doors, Captain Beefheart dropping pout, Frank Zappa freaking out, The Byrds being notorious, Love forever changing, Country Joe & The Fish applying electric music for the mind, and Jefferson Airplane taking off.»). Il rappelle aussi l’évolution spectaculaire des Beatles, à partir de «the folkie essence of Beatles For Sale», suivi du harder pop-rock de la B.O. d’Help, puis Rubber Soul «qui vit the beginning of a new type of songwriting ultimately exploding into full ferocity on Revolver.» Et comme Syd Barrett, Jimi Hendrix et le West Coast acid rock avaient ouvert les portes en grand, la counterculure «was in full swing» et quelques-uns des «vieux groupes», nous dit Goodwin, s’étaient eux aussi engouffrés dans ce full swing : les Rolling Stones, les Who, les Yardbirds et les Pretties. Et bien sûr, les Beatles naviguaient au sommet du full swing avec Sgt. Pepper - They never disappointed lyrically, poetically, thematically, and musically. The Beatles remained right at the forefront of wathever was happening - Sgt Pepper étant alors considéré comme le sommet de 1967, le problème des Beatles était alors d’enregistrer le sommet suivant, celui de 1968. Entre les deux sommets, et contraints par leur contrat, ils allaient enregistrer cinq singles qu’il faut bien qualifier de magiques : «Strawberry Fields Forever»/«Penny Lane», «All You Need Is Love»/«Baby You’re A Rich Man», «Hello Goodbye»/«I’m The Walrus», «Lady Madonna»/«The Inner Light», «Hey Jude»/«Revolution». Pardonnez du peu. 

             C’est aussi à ce moment qu’ils montent Apple Records et qu’ils signent une palanquée de cracks, James Taylor, Jackie Lomax, Mary Hopkins, Doris Troy, Badfinger et Billy Preston. C’est leur vision de full swing. Le full swing bat son plein.

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             Si on a eu la chance de vivre le full swing des sixties en direct, on a le souvenir d’un vertige. La radio déversait son lot quotidien d’hits tous plus magiques les uns que les autres. Et par la force des choses, tu devenais une sorte de pirate en herbe, puisque tu jetais ton grappin sur tous les bateaux, tous les oiseaux, tous les singles, tous les EPs et tous les LPs qui traînaient dans les parages.

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             Pendant ce temps, les Beatles étaient aux Indes, chez le Maharishi. Ils ont profité de ce séjour pour composer une quarantaine de chansons, dont le fameux «Sexie Sadie» qui concerne la libido galopante du Maharishi. Ils bidouillaient des chansons avec leurs copains Donovan et Mike Love qui étaient aussi du voyage. Rentrés en Angleterre, ils sont allés chez le roi George enregistrer 28 demos. Ce sont les fameuses Esher Demos.

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             C’est le CD3 de la box. Et l’un des plus beaux jours de ta vie, quand tu l’écoutes. Ça démarre sur une version grattée à coups d’acou de «Back In The USSR». T’entends un truc unique au monde. Ils formatent ton esprit, ils chantent cette merveille à deux voix et font les cons à la fin. Ils vont pondre leurs démos une à une, comme des œufs d’or. Cot cot ! Les Beatles, amigo. T’as la version démo de «While My Guitar Gently Weeps», sans Clapton (le ton c’est bon). Tout repose sur la qualité des harmonies vocales. Heavy druggy John tape l’«Happiness Is A Warm Gun» au Mother Superior/ Jump the gun et il part en délire de Yoko Ono/ Yoko Oh yes. C’est un peu comme les démos du Parachute des Pretties : tout est déjà là. Encore une belle démo de wanna die avec «Yer Blues» - If I’m dead already/ Girl you know the reason why - Et tu retrouves l’early frénésie d’«Everybody’s Got Something To Hide Except Me And My Monkey», c’mon c’mon such a joy ! T’as aussi le «Revolution» gratté à coups d’acou. Très haut niveau, ils font les chœurs d’you know it’s gonna be, et Lennon ajoute «alrite !». Puis on attaque les inédits avec le «Sour Milk Sea» du roi George, qu’a enregistré par la suite Jackie Lomax. Pure magie vocale, c’est chanté à la petite arrache congénitale, le roi George fait sortir sa voix du virage. Encore une fantastique dérive Beatlemaniaque avec «Child Of Nature». Retour en force du roi George avec «Not Guilty». Ces finesses mélodiques et harmoniques n’existent pas ailleurs. Ils te swinguent ça à coups d’acou et au chant. La cerise sur le gâtö Esher s’appelle «What’s The New Mary Jane». Toute la magie des Beatles tombe du ciel. T’as le fondu des voix d’espolette, une qualité d’osmose de big time de what a shame ! C’est chanté dans l’or de l’âge d’or, dans l’immense torpeur du génie Beatlemaniaque - What a shame Mary Jane/ Had a pain at the party.

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             Nouveau rebondissement dans la vie des Beatles : leur père adoptif Brian Epstein casse sa pipe en bois en août 1967. À partir de là, les Beatles vont dysfonctionner et le White Album  sera l’une des conséquences de ce dysfonctionnement. Le groupe se casse littéralement en deux : d’un côté John et George, de l’autre Paul et Ringo. Et puis t’as Yoko qui entre dans la danse. Impossible pour John et Yoko de rester séparés plus d’une minute. La voilà donc dans les pattes  du White Album. Comme le dit si diplomatiquement Goodwin, Yoko allait amener une nouvelle dynamique et abîmer les relations qui n’étaient pas en très bon état. 

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             Fin mai 1968, ils attaquent l’enregistrement du White Album. Il devait s’appeler A Doll’s House mais le titre fut abandonné car Family venait de sortir Music In A Doll’s House. Pour les Beatles, Richard Hamilton pond le concept d’anti-pochette. Il ne voulait rien sur la pochette, histoire de créer un contraste avec celle de Sgt. Pepper. 

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    au centre : George Emerick

             Pendant les sessions, la tension est palpable. Il y a des engueulades et des portes claquées. L’atmosphère est tellement lourde que George Martin part en vacances et confie les Beatles aux bons soins de l’ingé-son Geoff Emerick. Une chanson du roi George disparaît du track-listing : «Not Guilty». Cut compliqué. 101 takes, nous dit ce brave Goodwin. Les Beatles décident de virer «Not Guilty» du track-listing pendant que le roi George est à New York. Lennon dit aussi que les sessions furent bizarres : «It’s like me and a backing group and Paul and a backing group. I enjoyed it, but we broke up there.» Quand on écoutait le White Album à l’époque on avait le sentiment d’un accomplissement, alors qu’en fait l’album scellait le destin du groupe. Qui l’eût cru ?

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             Puis Goodwin va décortiquer les cuts un par un et nous apprendre une foule de petits détails intéressants. L’influence de Mike Love sur «Back In The USSR» est flagrante. On y retrouve en effet des échos de «California Girls». C’est le cut d’ouverture de balda. T’as là toute la magie plastique des Beatles. Tout swingue, même l’honey disconnect the phone ! C’est l’hymne intemporel que tu vas chanter toute ta vie, You don’t kow how lucky you are boy ! S’ensuit «Dear Prudence» : John Lennon at his melodic best. La Prudence en question est Prudence Farrow, la sœur de Mia - The sun is up/ The sky is blue - Cette magie est effarante de clarté. Tu te re-repais de «Glass Onion», tout y passe : la fabuleuse attaque, le big beat, Strawberry Fields et The Walrus. «Wild Honey Pie» est un cut solo de Paul. Il joue tous les instruments. C’est ce qui se passait lorsqu’on laissait Paul tout seul une heure ou deux dans un studio : il bricolait un hit. Dans «While My Guitar Gently Weeps», la voix du roi George est saturée de chagrin. Il fait pleurer l’I look at you all/ See the love that’s sleepy et l’I don’t know why nobody told you.  

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             «Happiness Is A Warm Gun» est une chanson sexuelle - My finger on your trigger - John surnomme Yoko ‘Mother Superior’. Il rappelle qu’au début, leur relation était extrêmement sexuelle - When we weren’t in the studio, we were in bed - La fuzz qu’on entend est celle du roi George sur sa Bartell fretless. John répète qu’il need a fix because I’m going down, singing in a mournful, desperate voice spanning two octaves. «Piggies» s’inspire de l’Animal Farm de George Orwell. Le roi George ne cachait pas son dégoût de la cupidité des décideurs et du business side du showbiz : il les voit comme «des greedy pigs dressed in their immaculate white shirts», se roulant dans la boue «while stabbing each other in the back.» Paul et Ringo enregistrent «Why Don’t We Do It In The Road». John aurait bien aimé participer à ce festin. Paul voyait que John et George étaient occupés dans leur coin, alors il dit à Ringo «Let’s go and do this». Même chose avec «Revolution 9».

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    Chris Thomas

             C’est «Birthday» qui ouvre la bal de la C. Chris Thomas produit en l’absence de George Martin. Le groupe déboule un soir après avoir vu Little Richard dans The Girl Can’t Help It - Paul was the first in and began thumping out a riff. He was joined by the rest and they improvised the song, delivering it as a wild rocker in the Little Richard style. T’entend bien l’heavy bassmatic de Paul. Il n’existe rien de plus rock‘n’roll que les Beatles dans «Birthday». S’ensuit «Yer Blues». John aimait tellement son «Yer Blues» qu’il a choisi de le jouer dans le Rolling Stones Rock And Roll Circus, accompagné par le Dirty Mac Band (Mitch Mitchell, Keith Richards et Clapton - le ton c’est bon). Nouveau shoot de big rock out avec «Everybody’s Got Something To Hide Except Me And My Monkey» : référence évidente à l’hero, dont John décrochera, comme il en témoigne dans «Cold Turkey». Les Beatles rockent le boat comme nul autre groupe. Tu tombes ensuite sur l’inégalable beauté purpurine de «Sexy Sadie». Ton sens de la beauté vient peut-être de là, ou alors d’un poème d’Apollinaire, tu ne sais plus. En tous les cas, ces vers te hantent encore - Sexy Sadie, you broke the rules/ You laid it down for all to see - Et aussitôt après, t’as le plus gros smash de l’histoire du rock (avec «Sister Ray») : «Helter Skelter». Quand Paul voit que Pete Townshend se vante d’avoir écrit «the raunchiest, loudest, most ridiculous rock’n’roll record you’ve ever heard», il dit aux autres Beatles : «We should do a song like that, something really wild. And I wrote ‘Helter Skelter’.» Goodwin ajoute que de soir-là les Beatles étaient out of their minds. Goodwin dit encore que Paul sonne comme un Little Richard on amphetamines - It’s relentless, crazy, fast and dangerous. Saturé de violence définitive. Macca y va au yeah yeah yeah. Helter Skelter résonne encore dans tes os.

             Puisqu’on est en pleine crise, continuons.

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             Qu’est-ce qu’une compile idéale ? C’est une compile qui propose des chansons parfaites.  Et juste au-dessus, t’as la compile supra-idéale : celle qui propose des chansons parfaites interprétées par des artistes bénis des dieux. Ace en propose trois : Come Together - Black America Sings Lennon & McCartney, Let It Be - Black America Sings Lennon McCartney & Harrison et Here And There And Everywhere - Black America Sings Lennon McCartney & Harrison.

             Des chansons parfaites, ça veut dire quoi ? Les Beatles, bien sûr. Les interprètes bénis des dieux, ça veut dire quoi ? Les blackos, évidemment. Ace ne s’est donc pas trop cassé la nénette. Te voilà avec trois CDs magiques dans les pattes. Ma-gi-ques ! Non seulement tu voyages dans le temps, c’est-à-dire que tu remontes aux sources, mais en plus t’entends tous ces Soul Brothers et toutes ces Soul Sisters sublimer la magie des Beatles. T’es bien obligé de parler de magie. Tu ne peux pas faire autrement.

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             Quand en 2011 est paru Come Together - Black America Sings Lennon & McCartney, on criait déjà au loup. Eh oui, comment peux-tu résister à la cover que fait le grand Chubby Checker  de «Back In The USSR» ? Toute la niaque des Kremlin girls est là, ça te replonge aussi sec dans la grandeur fiévreuse du White Album, t’en revenais déjà pas à l’époque de toute cette classe Beatlemaniaque, mais là c’est encore pire. Plus loin, t’as Fatsy qui tape l’excellent «Everybody’s Got Something To Hide Except Me & My Monkey» et il te rocke bien le boat du Monkey, comme le fait aussi Jim Jones sur scène - Your outside is in & your inside is out/ Make it easy ! - T’es effaré par la classe invraisemblable du cut, mais tu l’es encore plus par ce qu’en fait ce démon de Fatsy. Et puis voilà Wee Willie Walker avec une version à la dynamite de «Ticket To Ride». Il t’explose ça vite fait et te laisse comme deux ronds de flan. Roy Redmond tape une version heavy de «Good Day Sunshine» et tiens-toi bien, le bassmatic vibre entre tes reins. Plus loin, les anges du paradis arrivent avec «And I Love Her» : ce sont les Vibrations, bien sûr, ils hissent la Beatlemania au sommet de la grâce et ça chante à la glotte de lumière. T’es au sommet d’un art qui s’appelle le rock, amigo. Ace t’emmène ensuite à Chicago retrouver les mighty Chairmen Of The Board et leur cover de «Come Together» qu’ils bouffent toute crue. General Johnson et ses Chairmen tapent ça au chant d’esclaves africains, ils groovent dans le dur de la condition. Avec «Drive My Car», les Black Heat ramènent tout le swagger black, il faut les voir groover leur c’mon baby you can drive my car. t’as le groove des black dudes et des chœurs de blackettes. Tu ne peux décemment pas espérer mieux. Dans la foulée arrive un autre magicien, Junior Parker avec «Lady Madonna» et Linda Jones tartine «Yesterday», elle s’en va groover ça là-haut sur la montagne. Il n’existe rien de plus raw qu’Otis et sa cover de «Day Tripper». Il sonne comme un coup fatal d’I found out, personne n’enfonce un clou dans la paume du beat comme Otis. Et lui, là, le Lowell Fulsom, il amène sa cover de «Why Don’t We Do It In The Road» au proto-black de do it in the road. Tu retrouves l’extraordinaire poids de la Soul dans la cover de «The Long & Winding Road» des New Birth. Le blackos chante à la voix extrêmement fêlée. Et ça se termine en apothéose avec Al Green («I Want To Hold Your Hand», il sonne comme le génie suprême, il fait danser les Beatles sur ses genoux) et pour finir Aretha («Let It Be»). T’as plus rien au-dessus d’elle. C’est l’universalisme des Beatles magnifié par la plus grande chanteuse de tous les temps.   

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             Une fois que t’as retrouvé ton souffle, tu peux attaquer Let It Be - Black America Sings Lennon McCartney & Harrison. Cette fois, Aretha ouvre le bal avec «Eleanor Rigby». Elle tape ça à l’attaque directe de where do you come from, elle a des petits chœurs de Soul Sisters et ça swingue. Elle reste the Queen of Soul. Tu restes au sommet du genre avec Earth Wind & Fire et leur cover de «Got To Get You Into My Life». C’est imbattable. Mary Wells est incroyablement sensuelle avec «Do You Want To Know A Secret». Elle se frotte contre la braguette de John Lennon. Fatsy cloue les Beatles à la porte de l’église avec «Lovely Rita» et Nina Simone bascule dans le surnaturel avec «Here Comes The Sun», elle t’emmène au little darling. Retour de cet effarant groover qu’est Junior Parker avec un «Tomorrow Never Knows» qui préfigure le Prophète Isaac. Il plombe le beat. Pur genius. La fascinante Randy Crawford tape «Don’t Let Me Down» au beat élastique primitif, et The Undisputed Truth rivalisent de grandeur marmoréenne avec Joe Cocker sur «With A Little Help From My friends». Le mec fait de son mieux pour le scream. Gary Us Bonds explose «It’s Only Love», il va le chercher à la force du poignet. Et puis t’as bien d’autres choses : Dionne la lionne, Screamin’ Jay Hawkins, Ella Fitzgerald, et pour finir l’excellent Bill Withers avec un «Let It Be» groové à l’orgue. 

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             La troisième compile Ace vient de sortir : Here And There And Everywhere - Black America Sings Lennon McCartney & Harrison. Fais gaffe à l’overdose. Natalie Cole tape un fantastique «Lucy In The Sky With Diamonds» et le prend très perché. Tu retrouves bien sûr ce démon de Junior Parker avec «Taxman». Il te groove ça dans la couenne du lard et fait de la Soul psychédélique. On passe au petit sucre de Motown avec les Supremes et «You Can’t Do That». Quel punch ! Ça joue derrière la Ross. Le bassmatic du paradis ! T’as tout le son du monde. Carmen McRae te jazze la Beatlemania («Here & There & Everywhere») et Randy Crawford donne une chance au «Give Peace A Chance». Nouveau coup de Jarnac sensuel avec Mary Wells et «He Loves You», elle te feule ça vite fait et te jazze le beat. Les Drifters chantent «Everynight» à la pointe du génie et Margie Joseph nous fait son tour de magie avec «My Love». Elle te le tortille et tu fonds dans sa main. On remonte plus loin au sommet avec les Chiffons et «My Sweet Lord», elles te plongent en plein rêve. Hallelujah ! Elles t’explosent tout au really want to see you Lawd. Pur black power ! Marvin Gaye monte là-haut sur la montagne pour rajouter du doux au doux de «Yesterday». Et cette compile invraisemblable de qualité se termine avec sans doute l’une des covers les plus mytiques de l’histoire du rock, pesons bien les mots : Esther Phillips et «And I Love Her». Elle te fend le cœur à coups d’I gave him/ All my love, fabuleuse Esther Phillips, elle presse le jus des syllabes et elle t’abreuve de magie.  

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             Tant qu’on y est, on peut aussi sauter sur une belle petite box qui date de 2020 :  Looking Through A Glass Onion - The Beatles Psychedelic Songbook 1966-1972. Pareil : trois CDs bourrés de chansons parfaites, mais cette fois, les interprètes sont des petits culs blancs. On n’est pas tout à fait au même niveau. Il n’empêche que ça se laisse écouter. Et qu’on se régale car les chansons sont là. T’as des groupes qui font leur petite sauce (Deep Purple avec «Help» et Yes avec «Every Little Thing»). Bon t’as la chanson et ce que les gens en font. Ils font comme ils peuvent, won’t you pleeeease. Souvent, il vaut mieux écouter les Beatles. On le sait, les Hollies sont presque plus balèzes que les Beatles, et la compile commence à prendre de la hauteur avec The Mirage et un joli «Tomorrow Never Knows». Ça se confirme à la hausse avec Kippington Lodge et «In My Life», c’est à la fois overdosé et intéressant, avec une prod tenace, c’est poignant et bardé de barda à outrance. Nouvelle révélation avec Episode Six et «Here & There & Everywhere». C’est la cover d’une Beautiful Song de rêve. Il n’existe rien de plus parfait sur cette terre. Et ça continue d’atteindre des sommets avec Cliff Bennett & The Rebel Rousers et «Got To Get You Into My Life». En plein dans l’œil du cyclope, wild as Cliff ! Le «Fixing A Hole» de Duffy Power ne passe pas, car trop écorché vif, mais par contre, les Tremoloes passent comme une lettre à la poste avec «Good Day Sunshine», les Trem savent mettre le paquet. C’est la plus belle cover du disk 1. Puis t’as Infinity qui tape un «Taxman» de rêve. Ils taillent un beau costard au Taxman !

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             Le disk 2 est nettement plus dense. Spooky Tooth donne le La avec «I’m The Walrus». Version d’apothéose comme on sait avec un Luther qui vrille sa chique et un Mike de choc au mic. Énorme cover d’«Hey Bulldog» des Gods, le groupe pré-Uriah Heep de l’excellent Ken Hensley. Don Fardon fait son white nigger sur «Day Tripper» et Andy Ellison tape «You Can’t Do That» à l’insidieuse cacochyme. Il dispose des gros moyens du cabaret. On retrouve bien sûr l’excellent Cliff Bennett avec un smash, «Back In The USSR», il a tout le power des réacteurs. Franchement, là t’as tout : le raw, le killer solo et le souffle de l’aéroport. Encore un flash avec The Majority et «Hard Day’s Night», car ils te tapent ça aux harmonies vocales. Magique, car chanté à la traînasse de la rascasse. Retour en fanfare du wild as fuck avec Bo-Street Runners et «Drive My Car», and baby I love you/ Beep Beep/ Aw Beep Beep yeah ! Maggie Bell (et Stone The Crows) fait de la charpie avec «The Fool On The Hill». Elle chante ça à la glotte ensanglantée. En fait, Maggie Bell chante exactement comme Rod The Mod. Et cette belle aventure se termine avec Lol Coxhill et sa version Dada d’«I’m The Walrus». Lol fait chanter des gosses et essaye de détruire le groove en pianotant à l’envers et en pétant.

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             Le disk 3 est nettement moins dense. On ne sauve que trois covers : le «Strawberry Fields Forever» de Tomorrow, le «Taxman» de Loose Ends et l’«I Will» de Real McCoy. La cover de Tomorrow est forcément psyché, Steve Howe y fait des miracles. Loose Ends tape son Taxman en mode fat r’n’b, avec des percus. Et Real McCoy restitue bien la magie des Beatles. Bon t’as d’autres choses, comme par exemple le «Good Day Sunshine» des Eyes et l’«Ob-la-di Ob-la-da» de The Spectrum. Même ça c’est beau. C’est Vera Lynn qui referme la marche avec le «Good Night» qui refermait jadis la marche du White Album.  

    Signé : Cazengler, Beatlemaniaque

    Beatles. White Album. 50th Anniversary. Apple Corps 2018

    Opher Goodwin. Rock Classics: The Beatles White Album. Sonicbond Publishing 2024

    Come Together. Black America Sings Lennon & McCartney. Ace Records 2011

    Let It Be. Black America Sings Lennon McCartney & Harrison. Ace Records 2016

    Here And There And Everywhere. Black America Sings Lennon McCartney & Harrison. Ace Records 2024

    Looking Through A Glass Onion. The Beatles Psychedelic Songbook 1966-1972. Grapefruit Records 2020

     

     

    L’avenir du rock

     - (Sharp) Pins up

             — Bon les gars, je vais vous parler de Sharp Pins !

             Boule et Bill s’interloquent. Leurs quatre sourcils s’arquent de concert.

             — De charp qui ?

             — Sharp Pins !

             Boule et Bill éclatent de rire. Bon, ce n’est pas un rire très fin, c’est le rire gras des rades de banlieue.

             — Wouaf wouaf wouaf !

             — Pourquoi vous rigolez comme des bossus ?

             — Wouaf wouaf wouaf !

             Ils sont pris d’un fou rire. À travers leurs larmes, ils aperçoivent l’air ahuri de l’avenir du rock. Alors ça repart de plus belle !

             — Wouaf wouaf wouaf ! Wouaf wouaf wouaf !

             Boule lance d’une voix hystérique :

             — Arrêtez vos conneriiiiies, les gars, j’vais piiiisser dans mon froc ! Wouaf wouaf wouaf !

             Ils en hurlent de rire. Et plus ils hurlent de rire, plus l’avenir du rock s’ahurit, et plus la crise de fou rire s’aggrave. C’est automatique. Rien de tel qu’une tête de merlan frit pour aggraver les choses. Boule réussit à reprendre le contrôle de ses zygomatiques :

             — Comment qu’y s’appelle déjà ton groupe ?

             Avant que l’avenir du rock n’ait eu le temps de répondre, Bill lance d’une voix stridente :

             — Sharp Piiiiiiiiiiiiiiiiiiine d’alouette ! Wouaf wouaf wouaf !

             — Sharp Piiiiiiiiiiiiiiiiiiine de s’rein ! Wouaf wouaf wouaf !

     

             Chaque fois que la situation dégénère, l’avenir du rock préfère se barrer. De toute façon, il n’y a rien a faire, avec des cons pareils.

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             Sharp Pins, c’est pas de la tarte. L’avenir du rock en sait quelque chose. Eh oui, rien de plus vitalement futuristic que Sharp Pins, c’est-à-dire Kai Slater, un petit mec de Chicago qui reprend tout à zéro, fermement ancré dans un passé trié sur le volet. Dans Shindig!, Tess Carge le coince pour lui faire avouer des noms. Alors il

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    parle : «I tried to do The Ronettes drum sound on it («You Don’t Live Here Anymore»), so I flipped the snare drum upside down and hit it like that.» Oui car c’est lui qui joue tous les instrus sur son Radio DDR qui vient de paraître. Voilà donc le nouveau Todd Rundgren.

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             Côté références, Carge cite aussi Guided By Voices, le Paisley Underground, les Soft Boys et les Mods. Mais ça va beaucoup plus loin. «You Don’t Live Here Anymore» sonne comme du Lennon intimiste. Sur Radio DDR, le Kai fait de la big British pop. Il se lance sur les traces de Syd Barrett avec «Lorelei». T’as tout l’éclat du Swinging London et le jingle jangle des Byrds. «If I Was Ever Lonely» sent bon la Ricken. D’ailleurs, t’en vois une au dos de la pochette. Quel brillant coco ! Il n’en finit plus de prendre de la hauteur avec «Circle All The Dots», il fait une early pop anglaise avec un jingle jangle à la Television Personalities. Nouvel élan pop avec «You Have A way», surgi de nulle part et soudain énorme. Ça sonne comme un hit, pas la peine de tourner autour du pot. En B, impérieux comme pas deux, «Is It Better» est tendu à se rompre, et c’est bardé de tortillettes vénéneuses. Puis ça atteint encore des sommets avec ce «Race For The Audience» allumé par un fantastique battage d’accords et des harmonies vocales qui feraient pâlir les Who d’envie. «I Can’t Stop» sonne comme une pop incroyablement carrée et inspirée. La pop du Kai a le même éclat que celle de Big Star, une pop stupéfiante de clarté harmonique et allumée par des guitares scintillantes.

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             Dans un autre numéro de Shindig!, Jon Mojo Mills a la chance de le voir sur scène à Londres. Le Kai est accompagné par Joe Bass (bass) et Peter Cimbalo (beurre). Mills est flabbergasted - And bam, they’re straight into the buzzsaw pop - Il les décrit sur scène avec leurs pantalons à rayures et leurs casquettes de marins grecs, et il redit sa fascination, lui qui a pourtant du métier, pour ces newcomers : «The audience is transfixed. He (Kai) processes the kind of rock’n’roll frontman star quality that you rarely witness outside of a Lemon Twigs or Daniel Romano gig.» Voilà donc les vraies références. Mills affirme au passage que Radio DDR est un brillant album. Il compare encore Peter Cimbalo à Jody Stephens et à Keith Moon, c’est dire s’il en bave d’admiration - These kids have it - Il dit encore que les harmonies vocales à trois voix captent «an early Beatles-meet-Rubinoos sensibility». Il les a dans le baba. Il parle de «collision of early Fabs, The Who and Television personalities». C’est une évidence qui crève les yeux.

    Signé : Cazengler, Sharp pain rassis

    Sharp Pins. Radio DDR. Perennial 2025

    John Mojo Mills : Live. Shindig! # 165 - July 2025

    Tess Carge : Circle all the dots. Shindig! # 164 - June 2025

     

     

    Wizards & True Stars

     - Le rock à Billy

     (Part Eight)

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             Toujours avide de nouvelles aventures, notre héros Wild Billy Childish monte en 1998 Billy Childish & The Blackhands et pond Play Capt’n Calypso’s Hoodoo Party. Comme il a un trompettiste et un mec à l’accordéon, Billyl opte pour l’exotica

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    de New Orleans («Rum’n Coca Cola»), l’exotica de Ludella («Underneath The Mango Tree» et «Three Blind Mice»), l’exotica de Screamin’ Jay («I Love Paris»), et l’exotica du zydéco (punk-zydéco avec «Long Tall Shorty», banjo, trompette et hard beat, seul Billy peut sortir un tel son). Puis il tape dans l’Americana avec «Sen’ Me To The ‘Lectric Chair», judge ! My judge ! Et puis en B, il transforme l’«Anarchy In The UK» des Pistols en exotica de banjo, d’accordéon et de beat foutraque. Les Blackhands ont encore la main lourde sur le beat foutraque de «Yella Skinned baby» et Billy t’explose le vieux «Tequila» des Champs, oun, dès, très, quatro, booom !     

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             Les Blackhands re-sévissent en 1992 avec The Original Chatham Jack et sa pochette néo-moderniste signée Billy. Ils restent dans l’exotica de fake Americana, c’est-à-dire un mélange de jazz New Orleans, de zydéco, on entend bien l’accordéon dans «Chatham Jack», et avec «Millionaire, ils font même le chain gang, et là c’est pas terrible, car on ne joue pas avec ça. En B, Billy gratte «Crying Blud» au banjo et chante à la bonne arrache de don’t let me be misunderstood. On entend le slap du tea-chest bass dans «Broken Stone» et il nous surprend encore une fois encore avec cette resucée de «Louis Louie» qui s’appelle «Louis Riel», mais qu’il tape en mode Augie Meyers avec de l’accordéon. En bout de B, il rend hommage à Linky Link avec un petit coup de «Rumble».

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             On retrouve Bruce Brand dans les Blackhands pour une tournée hollandaise et donc le Live In The Netherlands. Un joli bois gravé de Billy orne la pochette. Sur ce live, on croise fatalement les cuts des deux albums précédents, le «Chatham Jack» tapé en mode zydéco, le «Yellow Skinned Baby» tapé en mode fast boogie de ventre à terre, avec un incroyable débraillé énergétique. Belle cover du «Black Girl» de Lead Belly et fantastique apologie du débraillé avec «She’s Fine She’s Mine». En B, t’as le grand retour de «Louis Riel», puis «Lambreth Walk» bascule dans le bal du 14 juillet, c’est absurde et joyeux à la fois, et on en arrive à la viande avec l’«Alabama Song» de Kurt Weil. Billy en fait une version plus joyeuse que celle de Jimbo, il crée les conditions du Bal des Naze et tout cela se termine en apothéose avec l’«Anarchy» des Pistols tapé en mode heavy barroom bash, c’est une version demented, tu crois entendre Augie Meyers & The Sex Pistols, avec un pont à la trompette New Orleans et le beat de la frontière, du côté d’El Paso.

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             En 1993, Wild Billy Cildish monte un nouveau projet de dark gothic country avec Arf Allen et Bob Shepherd, Billy Childish & The Singing Loins. La pochette d’At The Bridge s’orne d’un beau painting post-moderniste de Billy, coiffé de son canotier, comme sur la pochette de The Original Chatham Jack. Bon, c’est pas l’album du siècle. Au dos tu peux lire : «Folk variations and new songs.» Billy explore le folk anglais et on s’ennuie comme un rat mort. On croise Pocahontas dans «Pocahontas Was Her Name.» On la connaît bien, elle, on l’a vue dans Le Nouveau Monde de Terrence Malik. Avec «I Don’t Like The Man I Am», Billy va plus sur le Dylanex. On retrouvera d’ailleurs ce cut dans l’un des albums de The William Loveday Intention - I don’t like you/ Cause I don’t like the man/ I am

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             Le deuxième album de Billy Childish & The Singing Loins paraît dix ans plus tard et s’appelle The Fighting Temeraire, le Temeraire étant un vaisseau. C’est pourquoi les trois Loins portent des chapeaux de marine marqués «Téméraire» et fument des pipes de marin en os de baleine. Sur la pochette, ils sont vieux et ils sont armés, avec l’air de vouloir dire : «On est pas là pour rigoler.» Il faut continuer de comprendre que l’œuvre de Wild Billy Childish est d’essence littéraire. Afin de ne pas tourner en rond, il monte des projets pour styliser à outrance, il est même devenu au fil du temps un virtuose de l’Exercice de Style, une sorte de Raymond Queneau du rock moderne. Il est même d’ailleurs le seul au monde à réussir un tel exploit. Tu écoutes Wild Billy Childish comme tu lis Queneau, car c’est en écoutant qu’on devient liseron, de la même façon qu’on devient écouton en lisant. Et ce Fighting Temeraire est un prodigieux pastiche de Sea Shanty, il faut le voir, le Billy, chanter «A La Mort Subite» à la traînasse de bave et d’édentée, avec derrière l’harp de John Riley qu’on entend aussi avec The William Loveday Intention. Billy the sailor fait aussi de l’early Dylan avec «I Don’t Like The Man That I Am», suivi par un violon mélancolique. Tu savoures chaque seconde de cet exercice de style, tu goûtes au privilège d’écouter l’un des plus beaux artistes de ton époque. Dans «White Whale Blues», il recycle son vieux «to sing the blues, man, you gotta be true», déjà entendu dans The William Loveday Intention. Il sonne encore comme l’early Dylan avec «The Broken & The Lost Of The Old Long Bar», et te mixe ça avec du Sea Shanty à la chantilly, c’est une âpre chanson de taverne, pas loin des Pogues. En B, il recycle encore un vieux coucou du William Loveday Intention, «A Rusty Stain» - Somewhere in the distance/ I hear her calling my name - et on retombe sur ce final devenu légendaire chez les fans de big Billy, ce kiss this rusty stain fabuleusement dylanesque. Plus loin, il fait son McGowan by the factory wall dans «The Walls Of Red Wing», à coups de by the wall of the gas factory. Et puis tu as cette fantastique chanson de marin, «The Jutland Sea», c’mon you sailors ! Don’t you wanna go ! Chaque fois, big Billy t’envoie au tapis.  

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             Pour l’anecdote : vient de sortir un nouvel album des Singing Loins, Twelve, mais sans Big Billy. Bizarrement, l’album est bien meilleur que ceux auxquels a participé Big Billy. T’as là un bel album de folk-pop, tu te régales du joli, frais et vivant «House In The Woods» et de l’excellent «God Bless The Whores Of Rochester». La seule trace de Big Billy est la cover qu’ils font d’«I Don’t Like The Man» qui est en fait l’«I Don’t Like The Man That I Am». «Where’s My Machine Gun» est plus rocky roady, et ils terminent avec un brillant «Angel Of The Medway».

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             Comme il garde la nostalgie du James Taylor Quartet, Big Billy monte en 2022 The Guy Hamper Trio et invite James Taylor sur All The Poisons In the Mud. Derrière Billy, on retrouve Juju Hamper et Wolf, ses deux bras droits de CTMF. T’adores l’orgue Hammond et le James Taylor Quartet ? Alors tu vas tomber de ta chaise dès «All The Poisons In The Mud» qui ouvre le balda au heavy shuffle d’orgue, ça chauffe comme au temps du Spencer Davis Group. Power maximal ! On reste dans l’heavy gaga d’orgue des Prisoners avec «Come Into My Life», c’est l’instro du pouvoir totalitaire aux semelles de plomb. Deux cuts et te voilà déjà gavé. C’est l’apanage du big Billy. Il te prend pour une oie. Il te cale un shuffle comme s’il t’enfonçait un entonnoir dans la gorge. Et il envoie la purée. Encore du lourd de la main lourde avec «Moon of The Popping Trees». Quel tour de force ! Il ressort ensuite un vieux «Girl From 62» du CTMF et big Billy chante «Full Eclipse Of The Sun», un brûlot sournois que les trois autres swinguent jusqu’à plus soif. Le «Step Out» qu’on trouve en B sonne exactement comme un hit de Booker T. & The MGs. Et le «Polygraph Test» qui suit est encore plus rampant que Booker T. Juju joue devant dans le mix, comme Duck Dunn à Memphis. Chez les Hamper, on respecte l’étiquette. Et comme coup du lapin, voilà une version instro de «Fire», ce démon de Billy tape encore une fois dans l’hendrixité des choses, James Taylor fait le can’t stand by your fire au shuffle, et Wolf bat comme une brute. Quel que soit le genre, chaque album de Wild Billy Childish est passionnant.

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             Retour cette année du Guy Hamper Trio avec Dog Jaw Woman. C’est un album d’instros, dans la tradition de ceux du James Taylor Quartet. James Taylor sort le grand jeu, accompagné par Juju Hamper et Guy Hamper. Big Billy raffole des pseudos. Tout ici est tapé au big instro d’anticipation allègre et vindicative. «Young & Able» est monté sur le riff que joue Brian Jones dans «King Bee». Bien vu, très Swingin’ London.

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             Toujours en trio avec Wolf et Juju, big Billy lance en 2005 un nouveau projet : Wild Billy Childish & The Chatham Singers. Avec sa belle pochette primitive, Heavens Journey signe le grand retour au primitif et à Bo. Absolute beginner to begin with, «The Man With The Gallow Eyes», avec Bludy Jim on harp. Big Billy tape ensuite un duo d’enfer avec Juju sur le morceau titre et on bascule dans l’énormité primitive avec «Gods Rain» et là, oui, tu reprends ta carte au parti. Wolf vole le show dans «Ballad Of A Lost Man». Pur Diddley beat ! En B, Billy lit ses poèmes avec une diction de punk. Textes fantastiques, tu te gorges d’échos, dans «I Am A Angry Man» il claque ça : «angry enough to have twelve bad teeth/ Angry enough to say nothing» et dans «I’m Bathed In Forgiveness», il te claque ça : «Walking from God/ I’m walking to God/ I’m kissing your lips» et plus loin, il clame qu’il hait les galeries d’art et les éditeurs. Wild Billy Childish forever ! 

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             Juju et un crâne ornent la pochette de Juju Claudius, deuxième album des Chatham Singers. Au bout du balda, tu vas tomber sur le plus bel hommage qui soit ici bas à Slim Harpo : «Queen Bee». Quelle violente cover, baby ! Big Billy tape ça dans les meilleures formes du lard, avec le buzz dans le son. Nouveau coup de génie en B avec «Demolition Man» gratté au riff pernicieux, Juju te chante ça à la desperate de la rate et ils terminent avec un gros clin d’œil à Jimmy Reed et «Baby What’s Wrong». Big Billy adore torcher ça au I shaid baby/ What’s wrong with you honey.      

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             Pour leur troisième album, Kings Of The Medway Delta, Wild Billy Childish & The Chatham Singers se payent une pochette fantastique. Tu sais tout de suit à quoi t’en tenir. Ils attaquent avec «The Good Times Are Killing Me», un wild blues qu’ils tapent au raw du wouahhhh ! Cette fois, big Billy opte pour l’early Stonesy, car il tape une prestigieuse cover de «Got Love If You Want It» et retrouve le spirit des early Stones de Brian Jones, il est en plein dedans, avec Jim Riley à l’harp. On retrouve tout le côté mystérieux et sauvage des early Stones. Même chose avec le «Wiley Coyote» d’ouverture de bal de B, un heavy blues de type Queen Bee. On croise plus loin un fantastique boogaloo sentimental, «Why Did I Destroy Our Love», gratté aux poux fantômes.

             Et en 2007, le trio Billy/Wolf/Juju se lance dans une nouvelle aventure : Wild Billy Childish & The Musicians Of The British Empire, et trois albums, Punk Rock At The British Legion Hall, suivi de Christmas 1979 et de Tatcher’s Children.

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             Ils attaquent Punk Rock At The British Legion Hall avec «Joe Strummer’s Grave», du Clash en real deal d’heavy punk, mais avec de accords de proto-punk. Pur sonic hell ! Au-dessus de ce truc-là, t’as rien en Angleterre. Le ton est donné : c’est un album explosif. Big Billy ne tient pas en place, il fonce dans le tas avec «Dandylion Clock» et claque les accords de Dave Davies sur «Date With Doug», pendant que Nurse Juju t’emmène en enfer. Nouveau coup de Jarnac avec «Bugger The Buffs», this is the story of the Buff Medways, amené au heavy blues d’early Stonesy. Ils bouclent leur balda avec le wild gaga craze de «Walking Off The Map». Tout est bardé de power à ras-bord. Ça repart de plus belle en B avec ce vrai chef-d’œuvre s’anticipation qu’est «Snack Crack», emmené ventre à terre sur un thème efflanqué et t’as à la suite ce «Comb Over Mod» amené au dialogue de dingues et au riff à Billy, repris par l’heavy beat de Wolf. Et cette folle aventure se termine avec le morceau titre monté sur le beat de «The Final Solution». Ah comme big Billy a bon goût !

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             Big Billy & The Musicians Of The British Empire savent aussi dézinguer un Christmas Album, comme le montre Christmas 1979. Woah, comme dirait Bo In The Garage ! 11 bombes sur 12 cuts, pas mal non ? Ça t’éclate à la gueule (désolé, il n’y a pas d’autre mot pour ça) dès «Santa Claus», Hello little girl/ What would you like for Christmas ?, fait Big Billy d’une grosse voix délirante de Santa Claus, et Nurse Juju répond d’une voix d’ingénue libertine en rut qu’elle veut les Sonics. Wouaahhhhhh, alors ça duette dans le garage des dingues au killer kill kill et au yeah yeah yeah. Nurse Juju est la pire de toutes ! Ils sont sur «Farmer John». Et ça continue avec «Christmas Lights» et l’attaque mortelle de big Billy, ça punche à outrance. Tu prends tout en pleine gueule. Tu les vois enfiler les bombes comme des perles, «Knick Knack Daddywach (Chuck In The Bin)», ça bascule dans le gaga-protozozo, big Billy rocks out son «Downland Christmas» sur l’air d’Anarchy In The UK. Guitar ! Guitar ! Guitar ! Clin d’œil à Pete Townshend avec «A Quick One (Pete Townshend’s Christmas)», big Billy tape en plein dans la cocarde des Who, il recrée toute l’effervescence, t’en reviens pas de voir tout ce bordel remonter à la surface et Nurse Juju lui fait les chœurs de Shepherd’s Bush. Compréhension totale des Who, et bien sûr, final explosif. Il fait un pastiche des Ramones avec «Mistleto», oh-oh !, il est en plein dedans et Nurse Juju te claque ensuite «Dear Santa Claus» au sucre avarié. Méchant clin d’œil à Linky Link avec «Comanche (Link Wray’s Christmas)» et plus loin, t’as ce «Christmas Bell» drivé à l’harp du diable. Tu vois big Billy entrer là-dedans un lance-flamme. Pour finir, il amène son morceau titre au cockney de Chrrristmas seventy nâïne, il fait son Rotten. On retrouve là toute la tension des Pistols et la cocote fatale, c’est le rythme d’Anarchy - Merry fucking Christmas to you all – Ah ! il adore le merry fucking !

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             Le troisième album de Wild Billy Childish & The Musicians Of The British Empire est un album politique, puisqu’il s’appelle Thatcher’s Children, et ça démarre sur des chapeaux de roues avec le morceau titre, everyone’s a loser !  C’est du protest à la big Billy. Puis ils vont faire de l’heavy pop extrêmement chargée de la barcasse («Little Miss Contrary» et «An Image Of You») et basculer dans les Who avec l’explosif «Rosie Jones». Exactement le même power que celui des early Who ! Juju reprend la main en B avec «Coffee Date», «He’s Making A Tape» et «I’m Depressed». Elle est encore plus wild que les Headcoatees. Elle est effroyablement bonne. Big Billy revient faire corps avec sa matière dans «I Fill All Of Your Dreams», et cette folle virée se termine avec un «Back Amongst The Medway Losers» monté sur le riff de «Summertime Blues». Juju te jacte ça en mode Medway punk, pendant que Big Billy claque son riff et passe vite fait bien fait le plus wild des killer solos flash.

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             Au hasard des autres projets, on croise d’autres albums extrêmement intéressants, comme par exemple le Poets Of England des Vermin Poets, qui sont en fait les Spartan Dreggs dont on va reparler ailleurs. Pochette faramineuse de ce quatuor monté autour de Neil Hereward Palmer, avec Wolf, Big Billy et Nurse Juju. Ils cultivent tous les quatre une esthétique de la bohème anglaise. Wolf et Juju se partagent le beurre et big Billy bassmatique. Neil Hereward Palmer chante et gratte ses poux. C’est d’ailleurs le cut d’ouverture de balda, «Spartan Dregg», qui donne naissance au projet suivant. Autant le dire tout de suite : Poets Of England est un fantastique hommage aux early Who. Ça s’entend dès «He’s Taken His Eye Off The Sparrow». T’as encore quatre hits whoish à la suite, «Like Poets Often Do» (avec un chant à la limite de la rupture), «Baby Booming Bastards» (chargé de cocote lourde comme au temps des Who, et une mélodie chant en surface), «Grandfathering» (power chords à la Townshend et chœurs de folles), et en B, «Vermin Poets» qui rappelle «Can’t Explain». Exactement la même volonté d’en découdre. Whoish pur encore avec «A Cup Of Deadly Cheer». Ça gicle dans tous les coins ! 

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             En 1988, big Billy prend le maquis avec Jack Ketch & The Crowmen et un horrible album punk, Brimfull Of Hate. Au dos, tu vois une illustration gravée de pendaison, avec un bourreau qui tire le pendu par les jambes. L’album sort sur le label de big Billy, Hangman Records. Tu ne perds pas ton temps à l’écouter, car big Billy règle ses comptes avec le punk-rock. Il gratte ses cuts à la cocote sourde et vénéneuse. Il fait du Fall de Medway avec «I’ve Been Wrong», il tape dans le sommet du genre, il se paye ce genre de luxe intérieur. Il gratte la grosse fournaise de «Brimfull Of Hate» à la dure et envoie des coups de wah. Il est enragé, notre Jack Ketch. Encore une fantastique volée de bois vert avec «You Shouldn’t Do That» en B. Punk at its max ! Wild Billy Childish ne peut faire que du wild punk. Mais le pire est à venir et là t’es content d’avoir chopé cet album. Billy Ketch termine avec une cover du «Boredom» des Buzzcocks. Hommage définitif. Mythe pur. Il jette toute sa niaque dans se smash d’early punk et ça t’explose sous le nez, boredom ! Il fait bien le budum budum et le solo sur deux notes, il y jette toute la Méricourt dont il est capable. Wild punk définitif. Budum budum !

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             En 2006, big Billy produit l’album des Buffets. Saucy Jack. Il s’agit d’un trio monté autour de Sister Tiffany Lee Linnes «who flew from Seattle», avec Nurse Juju et Matron Bongo des Headcoatees au beurre. Tiffany Lee Linnes joue dans les Stuck

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    Ups. Elles attaquant avec «Misty Water» qui sonne exactement comme un early cut des Buzzcocks, même si c’est une cover de Ray Davies. Elles tapent ensuite dans le «Troubled Mind» de big Billy et en font une version wild as fucking fuck. Elle est bonne la Tiffany, elle sait claquer des killer solos flash. Matron Bongo vole le show dans «I’m A Lie Detector» et dans «Archive From 1959». On croit vraiment entendre Wolf, mais non, c’est elle. En B, on se régale encore de l’heavy gaga d’«Unable To See The Good». C’est excellent, bien pulsé par le team Juju/Bongo. Grosse tension encore dans «Just 15» et Sister Tiffany Lee Linnes passe un killer solo flash d’étranglement contigu. Elles terminent cet album solide avec une cover de l’«Ivor» de Pete Townshend. C’est donc très Whoish, battu à la diable de Moony par Bongo, et ça devient parfaitement exubérant, avec bien sûr tous les glorieux développements qu’implique ce genre de démarche, t’as même les bouquets de chœurs magiques.    

    Signé : Cazengler, Billy Chaudepisse

    Billy Childish & The Blackhands. Play Capt’n Calypso’s Hoodoo Party. Hangman Records 1988       

    Billy Childish & The Blackhands. The Original Chatham Jack. Sub Pop 1992

    Billy Childish & The Blackhands. Live In The Netherlands. Hangman Records 1993

    Billy Childish & The Singing Loins. At The Bridge. Hangman’s Daughter 1993

    Billy Childish & The Singing Loins. The Fighting Temeraire. Damaged Goods 2022

    The Singing Loins. Twelve. Damaged Goods 2024

    The Guy Hamper Trio. Featuring James Taylor. Hangman Records 2023

    The Guy Hamper Trio. Dog Jaw Woman. Damaged Goods 2024

    The Buffets. Saucy Jack. Damaged Goods 2006 

    Wild Billy Childish & The Chatham Singers. Heavens Journey. Damaged Goods 2005

    Chatham Singers. Juju Claudius. Damaged Goods 2009       

    Wild Billy Childish & The Chatham Singers. Kings Of The Medway Delta. Damaged Goods 2020

    Wild Billy Childish & The Musicians Of The British Empire. Punk Rock At The British Legion Hall. Damaged Goods 2007

    Wild Billy Childish & The Musicians Of The British Empire. Christmas 1979. Damaged Goods 2007

    Wild Billy Childish & The Musicians Of The British Empire. Tatcher’s Children. Damaged Goods 2008

    The Vermin Poets. Poets Of England. Damaged Goods 2010

    Jack Ketch &  The Crowmen. Brimfull Of Hate. Hangman Records 1988

     

     

    Inside the goldmine

     - Feelies all right

             Philip porte des lunettes. Comme autre signe distinctif, il dispose d’une intelligence supérieure. On l’écoute très attentivement lorsqu’il prend la parole. Son discours frise souvent la prophétie. Et quand on bosse dans un domaine aussi sensible que celui de l’e-learning et de ses applications digitales, on tend l’oreille lorsqu’un mec de son acabit énonce un postulat. Il faut toujours essayer de garder une distance avec les gens qu’on admire. Mais ce n’est pas toujours facile, surtout quand on bosse en tandem. Ça crée de relations de proximité extrêmement tendues, au bon sens du terme. Les interactions agissent parfois comme des électrochocs, et ceux qui y sont passés savent de quoi il s’agit. Pour être plus clair, il faut savoir se montrer en permanence à la hauteur, et intellectuellement parlant, c’est aussi épuisant qu’une séance d’électrochocs, surtout quand, dans la conversation, arrive un petit leitmotiv du genre «Tu vois ce que le veux dire ?», ou pire encore, «Tu me suis ?». Philip a pour habitude de jeter les bases d’un dossier par écrit, mais de le retravailler oralement, en direct, afin de tester la faisabilité. Le concept de base est toujours bon - que dis-je, flamboyant ! - mais il doit trouver chaussure à son pied pour devenir un outil pédagogique, et la chaussure se bricole à deux, on la teste, aïe, ça ne marche pas, on la modifie, ou on change de cap, on part dans l’autre sens, plein Sud ? Non, plein Nord ! Petit format ? Non grand format ! Et tout à coup ça devient une nouvelle possibilité excitante, alors on l’explore, et Philip adapte son contenu en conséquence, l’échange monte en température, ça monte ! Ça monte encore ! Il exprime des doutes, «T’es sûr sur ça va marcher ?» et pour garder sa confiance, il faut surtout répondre avec une formule hasardo-mallarméenne à base de coups de dés, ce qui le fait toujours bien rire. Il adore rire ! Soudain le processus créatif nous échappe et devient une sorte de golem destiné à terroriser les réactionnaires pédagogiques, et d’un commun accord, nous décidons de le lâcher dans la nature.

     

             Comme Philip, les Feelies portent des lunettes. Et comme Philip, ils lâchent dans la nature des golems destinés à terroriser les réactionnaires du rock.

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             C’est grâce ou à cause de Garnier qu’on écoute les Feelies. Il en faisait une petite apologie dans Les Coins Coupés. Pourtant, on a longtemps reculé. La pochette de Crazy Rhythms ne faisait pas envie. Les binoclards n’inspiraient pas confiance. C’est une vieille histoire. Il avait tout de même fallu un bon coup de «Reminiscing» et de «Rock A-Bye Rock» pour tomber dans les bras de Buddy Holly. T’avais aussi des binoclards chez les Zombies et Manfred Mann. Pour surmonter les a-priori, tu devais écouter les disks. Puis, de la même façon qu’avec Buddy, tu tombais carrément des nues. Comment de tels binoclards pouvaient-ils être aussi bons ?

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             On la voyait partout cette pochette bleue des binoclards d’Haledon, New Jersey. Ce qui frappe le plus à la première écoute de Crazy Rhythms, c’est l’immédiateté du son. Il apparaît clairement qu’immédiateté et crédibilité non seulement vont de pair, mais sont en plus les deux mamelles des Feelies. T’as de l’énergie dès «The Boy With The Perpetual Nervousness» et «Fa Ce La». Et surtout un beurre de fou. Il s’appelle Anton Fier et vient de Cleveland. Et bien sûr, il a joué avec Electric Eels et Pere Ubu. Anton Fier se trouve à gauche, sur la pochette de Crazy Rhythms. Les principales influences des Feelies sont les Beatles et le Velvet. D’où la cover d’«Everybody’s Got Something To Hide Except Me And My Monkey», qui a forcément tapé dans l’œil de Jim Jones qui la reprend aujourd’hui sur scène. La mouture des Feelies tape en plein dans l’œil du cyclope à coups de take it easy. Fantastique ! Le Velvet apparaît dans «Forces At Work», un cut très axé sur le drone. Le beurre, toujours le beurre ! Très hypno, très bienvenu très clairvoyant. Il faut dire que Glenn Mercer et Bill Million le binoclard grattent des poux de clairette subliminale. On se gave aussi de cet «Original Love» sur-vitaminé et gratté à ce qu’on imagine être deux Teles, et qui ne sont peut-être que des Stratos. On détecte une volonté de clameur dans «Moscow Nights» et un horizon génétiquement complet dans «Raised Eyebrows». Le chant arrive tard et ça monte en petite neige du New Jersey. 

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             Garnier recommandait deux autres albums des Feelies, The Good Earth et Time For A Witness. Alors tu dis «Merci Garnier !». T’es frappé par la présence indéniable d’«On The Roof». Et par le beurre ! Mais ce n’est plus Anton Fier qui est parti rejoindre les Jesus Lizards, mais Stan Demeski. Il te bat ça si sec ! On reste sur une impression très favorable avec «The High Road». Leur fonds de commerce est la tension. Ils ultra-jouent. Ils naviguent très haut avec des grattes Velvet. On les entend dans «Slippin’ (Into Something)». C’est gratté sur les accords de «Gloria», mais ça tourne à la belle virée impérieuse. Ils trafiquent une sorte d’artefact minimaliste sur de beaux accords de clairette. Quel fantastique album ! Idée que vient encore conforter «When Company Comes». Avec «Let’s Go» et sa petite énergie Velvet, ça marche à tous les coups. Le mec Demeski est un cake du beurre. Il te monte «Two Rooms» en neige du New Jersey vite fait. Ils sont aussi denses que Yo La Tengo. Ils adorent monter en neige. «Slow Down» sonne comme du pur Yo La Tengo. On se croirait sur Electropura. Ils ont exactement le même schéma directeur.

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             Time For A Witness est un album encore plus dense. Trois gros points de repère : Dylan, le Velvet et les Stooges ! Stooges avec une cover de «Real Cool Time». Rien de plus véracitaire que cette intro de poux grattés à la sauvage - Can I come over/ Tonite - Belle tentative de stoogerie, même si ça manque cruellement d’Iggy touch. Glenn Mercer fait bien son Ron Asheton, il arrose dans tous les coins et le batteur demented te cloue ça vite fait à la porte de l’église. Velvet avec «Decide», où le filet de Tele croise bien le bassmatic. On trouve aussi du Velvet dans les arpèges lancinants de «Find A Way». Dylan avec le morceau titre, c’est du «Maggie’s Farm» sous amphètes. Pure ecstasy de neige. C’est énorme ! Et les Feelies allument encore avec «Sooner Or Later», puis plus loin avec «Invitation», pulsé à l’outrance de la jouissance. Leur outrecuidance danse entre tes cuisses. Et puis t’as ce «For Now» fin et sournois, bien drivé du bikini.

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             Only Life n’est pas leur meilleur album, loin de là. Ils pompent adroitement le riff d’«Alabama Bound» dans leur morceau titre, mais ils tapent ça avec un léger parfum Velvetien. Puis ils enchaînent une série de cuts à la fois plan-plan, pisse-froid et passe-partout. Tu n’apprendras rien de neuf, inutile d’espérer. Ils peuvent même devenir incroyablement conventionnels. Ils savent très bien tourner en rond. Ça fout un peu la trouille de les voir errer ainsi. Ils se veulent denses, incompressibles, mais ils ne sont pas sexy du tout. Toujours ce beat rapide, un peu âpre, parfois gentillet et sautillé. Leur plan est de faire du post-Velvet. Il faut attendre «Too Far Gone» pour frémir d’une oreille. Belle ferveur des deux grattes, la clairette d’accords d’un côté, et la fuzz tête chercheuse de l’autre. Fast et frais. Tout droit, avec un joli solo introspectif. Ça te rattrape à la course. Ces mecs ont un bon fond, ils s’y entendent, oh-oh yeah ! Ils passent enfin en mode Velvet avec un «Away» bien fouetté au sang, en plein dans l’esprit du drive Velvetien, joué au fouette-cocher de Times Square. Et ils terminent en beauté avec une cover de «What Goes On», amenée au tire-bouchon de disto et reprise au petit chant de what goes on. Ils te grattent ça à la clairette de Die, ils zyvont au zyva, ça file droit sur l’horizon du mythe hypno.

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             Eh oui ! Encore un big album : Here Before. Et même un very big album. On y retrouve le Velvet dans un «On & On» bien enveloppé d’accords ondoyants, c’est une démarche purement velvétienne, ça décolle au nah nah nah et ça vire vite hypno. Le yeah n’a aucun secret pour eux. Coup de génie avec «Change Your Mind», cut joyeux, hit merveilleux, bien en main, Glenn Mercer chante un peu comme Lou Reed, il sait peser de tout son poids. Mais c’est Brenda Sauter qui vole le show avec son bassmatic sur «Nobody Knows», un mid-tempo monté sur un fast drive de clairette. Le bassmatic chatoyant prend vite le dessus. Elle va partout, avec une allégresse qui laisse rêveur. On la retrouve sur «Way Down», un cut encore porté par un bassmatic revigorant et les poux gracieux et bien secs de Glenn Mercer. Mais c’est Brenda Sauter qui vole le show à force de grâce chorégraphique. «Should Be Gone» sonne comme une Beautiful Song. Les Feelies sont un groupe idéal, warm et attentionné. Même chose pour «So Far», avec son thème de guitare qui te fait rêver. Ils troussent encore «When You Know» à la hussarde. Ils ne traînent jamais en chemin. C’est dru et fast, avec un solo liquide en fin de course. Ils savent bien tirer les marrons du feu.

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             Bel album que cet In Between de 2017. Ça sonne Velvet dès le morceau titre d’ouverture de bal. Glenn Mercer et Bill Million sont toujours là, bien rivés dans leur tatapoum à la Moe Tucker. Ils n’ont rien perdu de leur vieux cachet Velvétien. On les retrouve encore plus allumés dans «In Between (Reprise)». Ça repart en mode Sister Ray. En plein dans l’œil de bœuf, avec un départ en bassmatic comme dans le Velvet de Calimero. Ils poussent la mécanique du Velvet encore plus loin avec une vraie architecture de bassmatic. L’In Between s’étend quasiment à l’infini, c’est bardé de départs en vrille et de motifs géométriques de bassmatic vitupérant à la Calimero. On assiste ici à une fantastique réinvention du mythe Velvet. Très beau «Flag Days» aussi, bien amené au hey now/ Hey now, c’est un hit, le claqué est beau comme un cœur et ça monte comme la marée. Avec «Been Replaced», ils revisitent le vieil adage du raw Velvetien. Quelle fantastique assise ! Les grattés de poux restent implicitement délétères. Ils montent leur «Gone Gone Gone» sur un fast beat à la Lou Reed, vite rejoint par une petite fuzz du New Jersey. Et on retrouve avec «Time Will Tell» cette belle ambiance de chant chaud et les poux de clairette. Ils ont l’air contents du résultat. Et voilà une Beautiful Song : «Make It Clean», superbe et lumineuse.

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             Avec Some Kinda Love (Performing The Music Of The Velvet Underground), t’as le meilleur tribute au Velvet. Ça rivalise de power velvetien avec tout ce que font les Subsonics. Ce double album live des Feelies est même un véritable chef-d’œuvre. Ils alignent tous les hits un par un, «Sunday Morning» (en plein dans l’œil du real deal), «Who Loves The Sun» (moins connu, mais vibrant de velvetude, c’est gratté à l’ongle sec, avec une réelle ampleur), et puis ça s’emballe avec «There She Goes Again» (claqué à la clairette flamboyante), «What Goes On», et son évasion fiscale d’accords vers la frontière, «Sweet Jane» (trop classique pour être honnête, mais Glenn Mercer est dessus au chant, un vrai clone), et puis t’as l’«Head Held High» bien dévastateur et attention, tu vas tomber de ta chaise avec «Waiting For The Man» et le bassmatic de Brenda Sauter en roue libre. C’est une cover endiablée. On reste dans l’hot as hell avec les sur-puissantes moutures de «White Light White Heat» et «I Heard Her Call My Name» (les Feelies plongent dans la folie du Velvet. Pur génie interprétatif, c’est saturé de fuzz distoïque, c’est même l’un des sommets du genre), puis ça va se calmer avec «That’s The Story Of My Life» et «All Tomorrow’s Parties» que chante Brenda Sauter, avec en prime un divin bassmatic. Elle part bien en vrille sur la fin de «Rock & Roll» et les Feelies replongent dans la folie avec «We’re Gonna Have A Real Good Time Together», fast one on fire, et Brenda devient folle ! Pur génie sonique ! Tu croises rarement des tribute albums d’un tel niveau). Le «Run Run Run» qui suit est encore plus allumé, avec un solo trash d’extrême onction. Trash définitif ! Ils enfoncent terriblement le clou avec «I Can’t Stand It» et Brenda Sauter chante «After Hours». Magie pure. T’as pas idée. Concert enregistré en 2018, au White Eagle Hall in Jersey City.  Dans les liners, Howard Wuelfing cite Lou Reed qui avait pris les Feelies en première partie d’une tournée : «They remind me of myself, only five times faster.» Wuelfing qualifie aussi le son de Mercer et Million de «suitably scrappy guitar swagger» et salue le «fiercely corrosive lead guitar from Mercer.» Tu sors de cet album complètement ahuri, comme lorsque tu as écouté pour la première fois The Velvet Underground & Nico.

    Signé : Cazengler, Filou

    Feelies. Crazy Rhythms. Stiff America 1980

    Feelies. The Good Earth. Coyote Records 1986

    Feelies. Only Life. A&M Records 1988

    Feelies. Time For A Witness. A&M Records 1991

    Feelies. Here Before. Bar/None Records 2011

    Feelies. In Between. Bar/None Records 2017

    Feelies. Some Kinda Love (Performing The Music Of The Velvet Underground). Bar/None Records 2023

     

    *

             En ce mois d’août, regard sur les nouveautés, pas grand-chose, enfin si, beaucoup de gros riffs sans âme à la chaîne sur thématiques éculées, après maintes recherches mon attention est attirée par un drôle de titre, le genre de mot qui promet le pire comme le meilleur, à première oreille pas de mon goût mais il faut savoir prendre son risque dans ce monde mouvant qui nous entoure…

    IMPERMANENCE

    THRÆDS

    (Bandcamp /Juin 2025)

             Un peu torturé, beaucoup tortueux, normal le projet initial est d’Angelos  Tzamtzis, originaire de Thessalonique, or en règle générale les grecs font preuve d’une intelligence subtile et abstraite qu’ils adaptent à l’esprit de l’époque dans laquelle ils vivent. Tzamtis s’est installé en Allemagne, à Berlin, pour réaliser son projet. Qu’il voulait solo. La chose s’est transformée, Thraeds se présente aujourd’hui comme un groupe à part entière et Impermanence comme leur premier album. Le groupe continuera-t-il sur sa lancée, je ne le certifierai pas car peut-être vous en êtes-vous rendu compte en ce bas monde tout change…

    Thread signifie fil. Ne pas comprendre le fil à couper le beurre qui dénoue en un clin d’œil une situation a priori peu compliquée, avec Threads ce serait plutôt les fils entremêlés de la bobine de la réalité sur lesquels il faut tirer pour tenter, en pure perte, de déceler dans l’inextricable pelote de notre implication personnelle dans le monde ne serait-ce qu’un semblant de signifiance.

             La pochette n’est guère engageante, une silhouette humaine déambulant sans but dans le monde post-industriel de notre modernité aux teintes grises et glauques.

    Celso Borralho : vocals /Angelos Tzamtzis : guitars, synths / Tim Crawford : guitars, backing vocals / Felipe Melo Villarroel : drums / Barnabás Mihály : bass :

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    Timeless : incertitudes sonores, émerge un doux clapotement, la voix ne parle pas, elle chuchote avant de s’allonger comme si elle passait sous un laminoir, elle est comme le titre, elle décrit une temporalité dont on ne sait s’il faut profiter de sa durée illimitée ou  la regretter, car si ce qui a eu lieu n’existe plus, son existence n’est-elle pas encore accessible, directement ne nous pouvons-nous nous y reporter par la force de l’esprit, ne pouvons-nous accéder à ces instants de bonheur suprême où nous avons eu l’impression d’échapper aux serres voraces du temps, est-ce pour cela que la batterie se précipite et que le vocal donne l’impression  d’embrasser le ciel, mais nous voici arpentant sans désir notre société de consommation, prisonniers de notre solitude, hantés par l’immarcessible émerveillement de de notre échec à nous fondre dans le soleil communautaire de l’être. Reflections : musique brillante, ne pensons-plus à la splendeur du soleil mais à des braises rougeoyantes dont nous devinons qu’elles déclinent doucement, scintillements de guitares, vocal éjaculé puis s’étendant en longues ombres, la batterie concasse le gravier de nos rêves, c’est un drame mais d’une telle splendeur qu’il n’est pas encore mort, qu’il se débat, qu’il crie comme une salamandre qui agoniserait dans le feu qui lui fut jadis protecteur, ce n’est pas l’extérieur du monde qui se meurt, mais notre monde intérieur qui s’éteint en beauté  pour disparaître à jamais, nous abandonnant au vide de l’univers.  Nothing Good to Say : pourquoi cette intro si douce alors que nous cheminons dans l’hostilité du monde et de notre vécu, peut-être parce qu’il existe une solution, un autre abandon, la voix gémit et se fait amadouante, il existe un autre monde, une autre réalité, une autre histoire, une autre épopée qui n’est accessible que si on se laisse emporter par le tumulte de l’ultime tentation, quand on n’a plus rien à dire ne reste-il pas autre chose à vivre, un autre appel, colère et angoisse, les vagues de la mer, une nacelle à enjamber pour rejoindre l’autre rive… Clockworks :

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    cliquètements, juste pour se raccrocher aux petites branches qui n’ont pas su nous retenir, les aiguilles de l’horloge avancent doucement nous offrant le cadeau de la beauté des choses, toutes les merveilles que les générations humaines nous ont léguées, ces instants de beauté qui sont comme les supports de notre seule transcendance, et cette leçon des choses de la vie et de la nature, toute cette sagesse d’être au monde dans notre propre émerveillement.  Sole Survivor : petites cascades de notes, se faire à l’idée que l’on est le seul à survivre à son propre anéantissement, hurlements, la mort et la vie ne se ressemblent-elles pas si fort qu’elles soient identiques, une seule et même chose, un espoir et un désespoir absolus, quelques accords de basse jugulent la crise, il suffit d’entrer dans l’acceptance des choses, un jour  ou l’autre la nature   décidera quelle que soit la stase existentielle de notre état de notre égocité. Devolve : background un peu chaotique, à qui déléguer sa propre vie, la proposition mérite qu’on s’y arrête, le vocal scande et puis s’apaise, plus exactement la réflexion mûrit lentement sur sa branche dont est n’est qu’une efflorescence arbitraire, se donner, s’abandonner à la vie ou au contraire s’y soustraire, mettre illico un point final, qui a raison, qui se défend avec davantage d’acharnement, des pensées diffuses s’entrechoquent, il est temps de choisir. Vaut-il mieux être mort ou vivant ?  Einsten Rosen Bridge : vous conviendrez que la question mérite une réponse. A moins que vous ne soyez le chat de Schrödinger. Mais laissons-là ce satané matou. Elaguons, le morceau est très court, très beau, très poétique, très lyrique mais il ne répond qu’imparfaitement à la question : que dans la mort, l’âme se débrouille comme dans la vie ! D’ailleurs Thraeds appelle la cavalerie en renfort, en l’occurrence une curieuse idée : en effet s’il est facile d’imaginer la distance entre un point A et un point B, il existe sûrement ne serait-ce que dans le monde du possible hypothétique un autre chemin plus court, c’est ce raccourci que Albert Einstein et Nathan Rosen  ont baptisé bridge, une espèce de pont qui permet cette liaison rapide. Exemple si le point A et le point B situés sur une pomme sont diamétralement opposés, pour se rendre de A à B il est plus simple de passer par le trou qu’un ver aurait creusé à l’intérieur de la pomme, bien sûr en physique la pomme représente l’univers (n’oubliez point la courbure de l’espace-temps chère à Einstein père de la théorie de la relativité)  et le souterrain créé par le ver d’identifie aux fameux trous noirs dont tout le monde parle sans en avoir jamais vu un… Laissons mathématiciens et physiciens discuter doctement dans leur coin, Thraeds applique cette théorie à leur propre thématique nettement plus métaphysique.  : si le point A représente la vie et le point B la mort, si vous voulez parcourir le chemin qui les sépare plus rapidement achetez-vous un revolver.  Si cette réponse vous apparaît comme trop risquée ou trop radicale voici une autre solution : si vous trouvez un chemin encore plus court, si court que les points A et B se touchent presque, peut-être-mêmes sont-ils si proches  qu’ils sont juste à côté l’un de l’autre et pourquoi n’auraient-ils pas un côté commun, voire aucune séparation qui les différencierait… Et si vous-même cher lecteur étiez déjà en même temps  mort et vivant, voilà de quoi alimenter le fil de la conversation lors de votre prochain

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     petit déjeuner familial… Merci Thraeds ! Story in Reserve : il est une autre façon de lire cet album, non pas le vertige métaphysique d’un individu oscillant entre la vie et la mort, il suffit de comprendre que la mort c’est celle de l’autre, pas de n’importe qui, de l’être aimé. Scénario de secours bien plus romantique ! Mais si l’Un est vivant et l’autre morte, quel étrange paradoxe puisque tous deux sont morts et vivants en mêmes temps, incompréhensible gymnastique positionnelle que d’être séparés dans un même lieu. Et si cette survivance de l’un et cette mort de l’autre n’étaient pas la mort de l’autre mais la mort de l’amour. Comment l’amour peut-il être mort alors qu’il vit encore dans deux êtres séparés qui n’en forment qu’un. Curieux quand on y réfléchit : la physique moderne donnerait-elle raison au mythe de l’Androgyne initial. Etrange embrouille ! Que l’amour meure alors qu’il vit encore ! Le morceau précédent était celui où les contraires s’annulent, un point paradisiaque spirituel ancré dans la science, d’où cette musique rayonnante, mais nous voici revenu dans la vie concrète, dans la chair humaine confrontée à son insuffisance pragmatique, il est une barrière infranchissable entre les choses de l’esprit et l’engoncement strictement existentiel, il suffit de franchir la porte fermée à double-tour dont on possède la clef magique, la musique s’arrête, hésitation ultime, rugissements et apaisements. Définitifs. Dans le Coup de dés de Mallarmé les dés ne sont pas en une suprême hésitation lancés il n’empêche que l’univers salue d’un signe cette possibilité de l’impossible qui n’est que l’autre face de l’impossibilité du possible… ici notre héros refuse de pousser la porte de l’amour, que vous préfériez le Rêve de l’Action à l’Action du Rêve, n’est-ce pas dans les deux cas se confronter à sa propre vie, à sa propre mort… autant dire la mort  de l’Action et la mort du Rêve…

             Attention cet album ne s’écoute pas, il se médite. Vous pensez que vous allez entrer dans un sujet bateau, par exemple l’impermanence de tout ce qui est. Toute chose n’est-elle pas en train de devenir ce qu’elle n’est pas… Encore convient-il de nommer la chose telle qu’elle n’est plus.

             Rock métaphysique. Soyons subtil.

    Damie Chad.

            

     

    *

             Ce n’est pas que je sois particulièrement nationaliste mais ce matin je me suis levé en ayant envie de kroniquer un groupe français. Qui cherche trouve, j’ai découvert la perle rare, un tintouin tordu, un bathyscaphe bizarroïde, un truc qui normalement ne devrait pas exister, ne se présente-t-il pas lui-même comme un groupe de post-metal acoustique. J’avoue que je n’aurais pas dû, mais d’instinct je m’étais entiché d’explorer le catalogue de P.O.G.O Records. Voici quelques mois j’avais jeté mon dévolu sur un objet phoniquement assez redoutable (numéroté : 185) à savoir Ghost : Whale – imaginez le raffut que ferait Moby Dick dans votre bocal à poisson rouge – chez P.O.G.O. vous n’êtes jamais déçu, je n’ai pas eu à farfouiller longtemps, juste la case 184 ! Jugez-en par vous-mêmes !

    LA BÊTE

    DRONTE

    (P.O.G.O. Records  184 / Octobre 2024)

    Z’ont déjà commis deux opus : en premier Quelque part entre la guerre et la lâcheté : magnifique titre, l’on pourrait croire qu’il s’agit d’une description de la situation politique de ces derniers mois mais il est sorti en 2019, suivi en 2023 d’un split avec Thomas Augier intitulé Dés - Astres, titre qui fleure bon Mallarmé.

    Le dronte n’existe pas. Je ne parle pas du groupe mais de ces oiseaux trop gros pour voler, communément appelé dodos sur l’île Maurice qui ont été dévorés par les chiens introduits par le capitalisme colonisateur. Si vous croyez que j’exagère reportez-vous aux titres de l’Ep.

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    Toute une tribu : Benoît Bédrossian : contrebasse / Camille Segouin : vibraphone, percussions / Frédéric Braut : chant, shruti, bâton de pluie / Gregory Tranchant : guitares / Lucas de Geyler : batterie / Nicolas Aubert : guitares. Devaient se sentir seuls puisqu’ils ont demandé la collaboration de Raoul Sinier : clavier. Producteur, musicien, graphiste, écrivain, artiviste, Raoul Sinier mériterait une chronique à lui tout seul.

    Le shruti est un instrument indien bourdonnant, attention certains shrutis se prêtent mieux aux voix féminines et d’autres, carrément masculinistes, aux gosiers virils.

    La couve est de Benoît Bédrossian. Encore un artiviste, dessinateur réalisateur de films et de dessin animés. Nous avons dû rencontrer son nom voici quelques années aux temps heureux de la Comedia à Montreuil puisqu’il a publié dans Kronik, fanzine BD que nous avons kroniké à plusieurs reprises.  Au début l’on n’y voit que du jaune, notez la structure diagonalique de la composition qui répartit  équitablement tout en les séparant la face claire du monde et son  côté obscur. Quant à la bête, être mal dégrossi dont on n’aperçoit que la tête, elle fait sûrement partie de l’espèce la plus dangereuse qui peuple  notre planète. Si vous ne vous êtes pas reconnu c’est que vous êtes un incurable optimiste.

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    Perspective : attention piégeux, un départ coolos et cette voix qui se met à parler, l’on se croirait dans un début de chanson française, et puis c’est insidieux le rythme se met à jazzifier, les voix se croisent, l’on ne comprend pas très bien de quoi ils causent, on se croirait dans un fumoir chez des gens bien, maintenant on lève le pied, le moment où les musicos se la coulent doucereux, z’ouvrent une boîte à sourdine,  du coup tout le monde se tait et l’angoisse fond sur vous, ça djente à mort, font de la parodie metal, c’est au tour de la cavalerie de foncer, galop de générique de film d’aventure, et l’on repart à pas lents et lourds, du coup le mec prend sa voix philosophique de vieux sage, du gars  qui a tout vécu puisqu’il s’est contenté de se complaire en lui-même. N’en déplaise au titre l’on a l’impression que les perspectives sont bouchées, que l’on n’est pas encore sorti de l’auberge. Soyons franc, on se demande si en fait on y est déjà entré. Révolution : ( Feat Raoul Sinier) : quelle est cette note de guitare qui insiste pour se répéter tout en fluctuant sur elle-même, le zigue reprend la parole, quand il se tait l’on peut goûter la beauté de l’accompagnement quand il n’accompagne pas, la plaine est envahie, il vous le répète une vingtaine de fois de plus en plus rapidement, l’on s’attend au pire, c’est le meilleur qui survient, un long passage musical, même sans fermer les yeux vous sentez qu’une engin interplanétaire cherche à se poser sur la terre, évidemment vous pouvez imaginer tout autre scénario, c’est un peu dramatique, et multo intriguant, la musique s’éloigne, le poëte reprend la parole, on l’a échappé belle puisque l’humanité a survécu, auprès de ma blonde qu’il fait bon vivre… Soyons sans crainte : la bête reviendra. Perspective : ne faites pas les malins, vous n’avez rien compris au film, normal c’est juste un disque, alors pour que vous intuitiez mieux, ils vous repassent le premier morceau, à l’identique, enfin presque z’ont coupé la piste du microphone, désormais micraphone, oui c’est juste l’instrumental, ce n’est pas que c’est mieux parce l’on peut apprécier la fluidité de la zique, en fait la musique toute seule nous permet de comprendre que le chanteur, non il ne chantait pas puisqu’il parlait, ne faisait que nous communiquer son angoisse à déblatérer sur son malaise à paraître sur la scène du monde. Révolution : (Feat Raoul Sinier) : donc la reprise instrumentale du deuxième morceau. Bien sûr on déguste la partoche, sans toutes ces bavardages bavassant, mais là n’est pas le problème, vous avez cinq minutes et quelques secondes, pas une de plus, pour résoudre la problématique. Non la perspective ne débouche pas sur la révolution, c’est la révolution qui tourne sur elle-même pour vous renvoyer à votre perspective, vous avez cru accéder au nirvana de l’amour, ben non la bête de l’angoisse est en vous, c’est vous la bête, c’est vous le bête, à peine avez-vous trouvé le bonheur que vous sortez de vous-même afin de mieux vous retrouver en vous-même au cœur de votre angoisse. Terrible incomplétude humaine.

             L’opus est composé de deux miroirs qui se réfléchissent l’un dans l’autre. Bien sûr votre image qui est dans l’un des deux miroirs n’est pas dans l’autre, car cela signifierait que vous auriez atteint à une certaine complétude humaine, mais puisque vous n’y êtes pas c’est que vous n’y êtes pas, vous êtes juste à côté, comme un crottin de cheval sur un chemin vicinal dont la pluie  dissoudra jusqu’au souvenir...

             Cela ressemble à cette littérature fort en vogue dans les années soixante-dix, on n’écrivait pas un livre, on disait que l’on était en train d’écrire un livre. Que le lecteur aurait peut-être le malheur ou le bonheur de tenir un jour entre les mains.

             Curieuse expérience concepto-auditive.

    Damie Chad.

     

    *

             Je reconnais que les deux kronics précédentes peuvent désarçonner la stabilité granitique  des esprits sensés, je m’étais donc juré de présenter un groupe bourré de riffs électriques dévastateurs, j’avais un candidat redoutable sous la main, hélas les Dieux ne l’ont pas voulu. Evidemment je parle des Dieux grecs. Je plaide non coupable car qui pourrait résister à l’appel de Ganymède. Pas moi. Comment vous non ! Quelle folie ! Quelle inconséquence !  C’est votre droit le plus absolu. Par contre je m’interroge sur la nécessité de votre existence sur cette planète.

    Bref encore une embardée musicale hors-norme. Doublement sidérante. Je pensais me trouver face à un groupe grec. Pas du tout. Sont domiciliés à Budapest. Capitale de la Hongrie.

    THE GANYMEDE’S CALLING

    BRONZE AGE VISIONS

    (Bandcamp / 2024)

    Pour les malheureux qui n’auraient pas eu accès à des visions provenant  de l’âge de bronze voici quelques rudiments historiaux. L’âge de Bronze succède à la période néolithique, elle débute au troisième millénaire avant notre ère, se poursuit durant la Proto-histoire et débouche dans l’Histoire. Si le néolithique s’apparente à l’essor de la l’agriculture, si l’Histoire débute par l’invention de l’écriture, l’âge de bronze est celui de l’émergence de la métallurgie, bref une époque tumultueuse et guerrière…

    Ganymède, de sang royal issu de cette lignée qui fondera Troie, fut tout jeune réputé pour sa beauté. Zeus, se métamorphosant en aigle, l’enleva et l’emporta dans les demeures de l’Olympe. Pour remercier son nouvel amant Zeus lui offrit le poste d’échanson des Dieux, chargé de distribuer lors des banquets divins le nectar nécessaire à leur immortalité… Jalouse, Héra somma Zeus de se débarrasser de ce rival insurpassable… Zeus lui conféra l’immortalité en le plaçant dans la voûte céleste. Aujourd’hui il forme la constellation du Verseau. Ce personnage qui partagea le quotidien des Dieux retint l’attention des Grecs, on le retrouve aussi bien chez Homère que chez Platon…

    Kaszas: guitar / A. Marias: bass / B. Bodis : drums / E kaszas-Kosa : vocals.

    La couve représente ce qui doit être un détail d’un tableau de Frans Franken dont le titre serait : La sorcière. Nous sommes loin de Ganymède, mais quand nous ne comprenons pas il faut instinctivement savoir faire confiance et attendre que les visions qui nous semblent floues prennent netteté et consistance.Nous remarquons que l'appel de Ganymède passe par l'intelligence, le livre et le savoir...

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    Come with me : le titre est paru en 2023 sur Bandcamp accompagné d’une couve empruntée à Frans Franken (1581- 1642), le tableau n’est pas représenté en entier, seulement une petite portion sise dans le coin gauche supérieur. Un détail sans importance : un morceau de fenêtre, une applique architecturale, une étagère. Le choix est d’autant plus surprenant que la gravure intitulée La Mort et l’Avare représente notre riche bourgeois endormi et le squelette de la Mort interprétant sur son violon une danse

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    guillerette. Guitare morbide, par bonheur le chant survient, ce n’est pas exactement l’envoûtement de sirènes, mais dans ce bourdonnement riffique nous parlerions plutôt d’un répit salvateur, la voix quoique voilée s’avère douce et mélodique, même lorsqu’elle se change en plainte et que le ronronnement de la guitare reprend sa place, toutefois l’appel indistinct revient pour notre plus grand soulagement, bruit de scie égoïne découpant un cercueil ou un cadavre, l’on ne sait pas mais il faut l’avouer on succombe à la beauté de ce vrombissement d’élytres funéraires. Même si vers la fin on a l’impression de déboucher en un drôle d’endroit. Listen to the Thetis Ocean : beaux accords de guitare, est-ce en l’honneur de Thétys l’ancienne maîtresse des Océans, aussi mère d’Achilles, la batterie exsude le rythme régulier du battement des vagues monotones de la mer, en catimini une guitare aigre rappelle que le sel de la mer est amer, un long solo tortueux étend la monstruosité de ses tentacules de pieuvre, celle que sa propre noirceur efface au regard des hommes, qui n’ont plus droit de cité dans les antres abyssaux qu’éclaire le soleil rayonnant des cymbales. Chalices : une résonnance de conque marine, serait-ce l’adieu définitif des vaisseaux qui ne sont jamais revenus de Troie ou un thrène funéraire en l’honneur d’Achilles mort au combat, ou simplement le regret de ces coupes, de ces calices dans lesquels Ganymède n’a encore versé aucun breuvage revigorant, béance symbolique de l’inhumanité humaine. The Ganymede’s calling : présence du son, le chant mélodieux se glisse sous la guitare tandis que la batterie impavide trace son lourd sillon impavide, ce n’est pas la voix de Ganymède qui appelle mais celle de Io, la douce voix cosmique qui se languit de Zeus, son amant, la guitare se fait lyrique, la voix de Zeus n’apaise-t-elle pas n’importe quelle souffrance, n’importe quel mal, tant pis si la mer se gonfle, le flot impétueux n’emportera-t-il pas sa victime jusqu’en Egypte, terre de rut et d’assomption, l’on entend le mufle de la vache qui mugit de plaisir et se perd en un long râle définitif. Le groupe a joint à ce titre une Official Vidéo dont le déroulement risque de laisser le spectateur dans la plus grande perplexité. Elle semble n’avoir aucun lien avec Ganymède. Les esprits subtils comprendront qu’il s’agit d’une image métaphorique de l’histoire de Zeus bâtie sur le double féminin de notre échanson, Io et Ganymède tous deux amants de Zeus, et si c’étaient eux qui avaient appelé et ravi Zeus par leur seule beauté, la vidéo nous montre deux personnages féminins, affublées du nom de Sorcière, peut-être pour se mettre au diapason des baroques tableaux de Frans Francken, peut-être pour marquer l’évidence d’une relation avec le mouvement féministe actuel qui souvent revendique le pour la femme le titre de sorcière, donc deux femmes l’une en robe indigo et l’autre en robe cramoisi jouée par la même actrice, normal puisque toutes deux incarnent le même personnage, mais chacune des deux à un degré d’initiation désirante différente, l’une plus haut que l’autre, l’indigo qui correspond au noir alchimique et le rouge à la complétude philosophale, je vous laisse non pas regarder mais contempler. Pour ceux qui n’y verraient que du vert naturel, saisissez-vous de la baguette magique des sorcières exhaussé en bâton phallique de grand-papa Freud pour essayer de mettre en place les pièces du puzzle. Other wordly Exhaling : résonnances multiples, les instruments sont fatigués, ils reprennent leur souffle, comme des membres rompus aux plus doux combats qui perdent leur tension et se reposent en leur satisfaction de ce qu’ils viennent de commettre. De connaître aussi. Car il est des actes qui n’ont de sens que s’ils sont pénétrés de leur propre conscience. Repos. Onde berceuse.

             A première vue l’ensemble semble disparate, composé de bric et de broc. Il n’en est rien, il fonctionne par déplacements quasiment poétiques, refusant le verbiage explicite, négligeant les structurations causales.  Des visions de temps anciens et homériques, ayant traversé bien des époques, mais gardant par-delà les représentations culturo-circonstantielles l’actualité primordiale et constitutionelle de notre hominisation.

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              Pour ceux qui veulent en savoir plus Bronze Age Visions a sorti ce 25 août 2025 un EP enregistré en public intitulé … And The Io Too ( Live At Dopamine). A Bucarest.   

    Damie Chad.

     

    *

    Jumpin’ Jack Neal fut le contrebassiste des Blue Caps. Il fit partie des Virginians qui devinrent le groupe de Gene. La carrière américaine de Gene est vite partie à vau l’eau, Capitol ne les a pas pris en main… Peut-être ces amateurs de génie n’étaient-ils guère malléables, en même temps trop jeunes et trop âgés…

             La lecture des propos de Jack Neal n’est guère facile. A l’intérieur d’une même phrase  il change facilement de sujet. Il semble que le montage de la vidéo n’aide pas à s’y retrouver… Quoi qu’il en soit, ce témoignage nous dresse un beau portrait de Gene.

             Il est évident que Jack Neal n’a pas réalisé l’importance de l’aventure qu’il a traversée.

    The Gene Vincent Files #6: Interview with Jack Neal,

    first bass player for Gene and the Blue Caps.

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    Eh bien pour commencer, ils avaient un groupe de studio et ils s’appelaient les Viriginians, et donc nous y sommes allés et tous ceux qui voulaient passer une audition nous les avons accompagnés. Il y avait Dickie, nous : Willie William et Cliff Gallup et moi-même. Je n’ai jamais connu Gene Vincent avant que ce truc maigre n’entre par la porte d’entrée et que je dise que cette maigre brindille devait être Gene Vincent, mais il s’est vite révélé, c’était un bon chanteur, et WCMS l’aimait et c’est comme ça que tout a commencé avec WCMS pour autant que je me souvienne, ils, Gene et le Sheriff Tex Davis, ce dernier  était notre propre manager, ont écrit Be Bop A Lula, donc pour essayer de faire avancer les choses ils ont envoyé la cassette à Capitol Records à Nelson et immédiatement Nelson l’a aimée et donc il a voulu que nous venions l’enregistrer au studio Owen Bradley qui n’existe même plus, et je pense que c’est de là que le bruit a couru que Nelson ne nous voulait pas, ou un truc du même genre, ce n’est pas vrai. Mais pour obtenir ce que Gene voulait faire il nous a mis à part et nous a séparés de Gene, il était comme derrière une porte fermée, mais bien sûr nous pouvions l’entendre, mais c’est comme ça que nous avons enregistré

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    tout ça, c’est-à-dire Race with the Devil, Blue Jean Bop et Up a lazy River. mais avant cela nous avons fait tous nos concerts à Norfolk, nous avons fait le Wilkin Show sur Military Highway, le Old Commodore Theater à Portsmouth, et quel était le nom du Grand dans le Sud, oui le Grand Hotel dans le sud de Norfolk, puis nous sommes allés au  Nags Head Casino. Ensuite nous avons pris la route, nous avons fait le spectacle pour le Perry Como Show. Le groupe était au complet, et quelqu’un vous a-t-il raconté comment cela s’est passé quand nous avons pris la route nous n’étions pas des romanichels.  Nous avions  une Ford, seulement c’était une de ces longues limousines, une sorte de limousine avec un porte-bagages sur le toit, nous avons mis nos affaires sur la galerie, et en avant. Plus tard nous avons changé   le  véhicule contre une Cadillac.  Lorsque nous avons eu  la Cadillac, nous sommes allés de Las Vegas à Nevada.  Je tiens à dire qu’en voiture de chez moi à Las Vegas dans le Nevada c’était alors une véritable aventure mon Dieu ! J’étais vraiment  heureux quand j’en eus terminé avec cette épreuve !  C’est un interminable chemin, nous sommes crevés, l’habitacle sent mauvais, les gars mangent là-dedans et ils font un ramdam du diable, Dickie est devenu fou, Seigneur aie pitié de nous ! il ne voulait même pas s’asseoir sur son siège la plupart du temps, et il est devenu tellement cinglé qu’il a déchiré le fond de son pantalon. Une fois à Los Angeles j’ai cassé le cheviller sur ma basse, ce n’était pas ma basse, elle appartenait à l’endroit où nous jouions et le Sheriff Tex Davis n’aimait pas beaucoup ce genre d’ennui, Gene s’en fichait, eh bien dis-leur

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    comment tu faisais, oh je l’ai juste levée au-dessus de moi et quand je l’ai redescendue et qu’elle a heurté le sol  le cheviller s’est cassé en-dessous, et a brisé l’un des ressorts, les cordes et le chevalet sont tombés en-dessous, et le sheriff Tex Davis n’a pas du tout aimé mais Gene raffolait de cela, il était à fond pour ce genre de truc, mec il devenait totalement dingue chaque fois que nous allions faire un spectacle, il nous disait toujours de ne pas rester immobiles, pour bouger il n’était pas le dernier, il était souvent là, mais la plupart du temps c’était juste parce que l’on aimait la musique. Vous savez il fallait bouger quand on l’aimait. Vous ne pouviez vous empêcher de sauter partout. Gene était quelqu’un de bien, un homme pour qui il était agréable de travailler. Il ne s’est jamais fâché contre l’un de nous. Il était toujours dans le mouve. Il venait toujours nous demander conseil, c’est ainsi que ça se passait. C’était un homme bien. Parfois on pouvait voir qu’il souffrait mais il essayait de ne pas le montrer. Je pense qu’il a assuré. Il m’a toujours bien traité, tout ce genre d’anecdotes que ma femme a racontées, un désastre rapporté dans les livres, j’ai  du mal à croire que c’était ce genre d’homme. Je n'y crois pas, mais c’était un homme bien. N’ai-je pas l’air stupide ! (Jack s’est coiffé d’une casquette bleue) si ça

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    l’est tu peux l’enlever ! Oui, il y avait une raison, ça avait quelque chose avoir avec Eisenhower, ne portait-il pas une caquette bleue ou quelque chose de ce genre. Je ne le crois pas non plus mais ça avait quelque chose à voir avec ce dont tu parles, comme Willie Williams. Eh bien je le pense. Sa femme a été la cause  de son départ. Cliff dès le départ il n’avait pas l’intention de rester. Il était en congé. Eh bien, c’était un guitariste fabuleux. Je peux vous dire que beaucoup de gens ont essayé de l’imiter mais ils n’y sont pas parvenus. Tellement il était bon. Et moi aussi, quand tout, je veux dire quand le fric n’a plus été au rendez-vous je suis parti. Dickie a été le dernier à rester avec lui. Puis il est finalement parti et Gene est parti en Angleterre.

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    J’ai entendu dire qu’il était très populaire là-bas, en fait il était plus populaire là-bas qu’ici.  Pourquoi ? je ne sais pas. Ainsi ils pensent toujours qu’il est Dieu, mais il est devenu célèbre là-bas même une fois mort, il est devenu célèbre depuis le jour de notre départ. Je n’ai jamais eu de ses nouvelles, je ne l’ai jamais contacté. Je pense qu’une fois que tout cela a été fini il est parti en Angleterre, je ne sais pas si Dickie a gardé des contacts avec lui ou non. Je ne pense pas, oui ça m’a surpris qu’après 50 ans des gens comme vous continuent à faire un film sur ce sujet. Après 50 ans, oui ça me surprend, on aurait pu penser que tout cela disparaîtrait au bout de huit ans, mais je ne pense pas que ce sera le cas, peut-être que lorsque j’aurais 90 ans cela continuera encore.

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    Transcription : Damie Chad.

    Notes :

    Jack Neal né en 1930 nous a quittés le 27 septembre 2011.

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    Wilkin Show on Military Highway : peu d’indices sur ce Wilkin Show, par contre voici deux vues de la Military Highway la première de 1954, la seconde prise en 2015 ou 2018.

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    Commodore Theater à Norfolk, ouvert de 1945 à 1975. Aujourd’hui, voir notre photo, transformé en cinéma.

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    The Grand Hotel : sis à Norfolk, plus tard devenu le Continental Hotel. Puis fortement remanié et vendu sous forme d’appartements. La photo a été prise circa 1960.

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    Nags Head Casino, un des haut-lieux de distraction des Outer Banks, situé en Caroline du Nord. La salle de spectacle a reçu dans les années 40 tous les grands noms du jazz. Dans les années cinquante elle s’est ouverte au rock’n’roll, Platters, Fats Domino, Jerry Lee Lewis, Gene Vincent. Dans les années soixante elle s’est ouverte groupes de surf. Le complexe fut détruit en 1970.

    Perry Como Show : Gene participa à cette émission de télévision à New York le 26 juillet 1956.

    A suivre.