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  • CHRONIQUES DE POURPRE 668 : KR'TNT ! 668 : REDD KROSS / ROYAL TRUX / LAST GREAT DREAMERS / ISOLATION / UNDERGROUND YOUTH / TYVEK / BLUES MAGOO / CLAUSTRA / ONCE UPON THE END / GRISI SIKNIS / L'OEUVRE AU NOIR

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 668

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    05 / 12 / 2024 

     

    REDD KROSS / ROYAL TRUX

    LAST GREAT DREAMERS

    ISOLATION / UNDERGROUND YOUTH

    TYVEK / BLUES MAGOO

    CLAUSTRA / ONCE UPON THE END

    GRISI SIKNIS / L’ŒUVRE AU NOIR

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 668

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    A Kross the universe

     - Part Two

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             Une autobio de Redd Kross ? Exactement la même chose qu’avec un set parisien : c’est tout simplement inespéré. Il y en avait quelques exemplaires dédicacés au merch, l’autre soir, au Petit Bain, mais ils se sont envolés aussi sec. On l’a donc rapatrié par les voies habituelles, les fameuses voies impénétrables. Ce brave book s’appelle Now You’re One Of Us - The Incredible Story of Redd Kross. Il se présente sous la forme d’un dialogue croisé entre les deux frères McDonald, dialogue placé sous l’égide d’un certain Dan Epstein. Le book est donc très vivant. Epstein se contente de resituer le contexte au fil de la chronologie et d’apporter des compléments d’information. C’est donc un book extrêmement fluide, très agréable à lire, un peu dans l’esprit Oral History cher à Gildas (hello Gildas) et à Legs McNeil (hello Kill Me). Formule que reprennent d’ailleurs les frères Reid dans Never Understood, une autre fringante autobio qui vient de paraître et dont on va parler d’ici peu. Et même très peu.

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             Rien de tel que l’Oral History pour raconter une vie de rock. Sans doute s’agit-il de la formule la mieux adaptée à ce type de parcours qui n’est jamais de tout repos, et que toutes sortes d’incidents émaillent. Et ce n’est jamais mieux que raconté par les principaux intéressés. L’exemple le plus magistral reste bel et bien celui du Total Chaos d’Iggy Pop.

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             En racontant leur enfance en grande banlieue de Los Angeles, les frères McDo apportent un éclairage considérable sur la spécificité de la scène californienne, une scène qui va jouer un rôle aussi essentiel que celles de Londres, de Memphis, de Detroit, de New York et de la Nouvelle Orleans. Les frères McDo tirent tout leur power de leurs racines, d’autant plus qu’ils grandissent à Hawthorne, où est installée la famille Wilson. Les Beach Boys ? Oui mais il y a aussi les Beatles à la radio. Steven se souvient que leur maison était imprégnée de pop culture - a constant bath of music and pop culture - et le premier disk dont il se souvient est le Sgt Pepper’s qu’Uncle Kevin avait ramené du Japon en 1969. Il n’avait que deux ans, mais il s’en souvient très bien ! Il ajoute que «there was never a time that that record didn’t exist in my life.» Sgt Pepper’s est donc une constante, comme Tintin, chez les gens de 7 à 77 ans. Puis à 3 ans, en 1970, flash sur le White Album. Là, on se dit qu’il exagère un peu, mais bon, les Californiens sont comme ça, ils sont les plus forts du monde. Il a 3 ans et pour lui, le White Album est déjà mythologique. On a un peu du mal à le prendre au sérieux, aussi décide-t-on en comité restreint de faire un effort pour le prendre au sérieux. Mais le pire est à venir, par exemple avec la première guitare.

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             Comme son frère Jeff a quatre ans de plus, on le prend un tout petit peu plus au sérieux. Jeff a 7 ans quand il fait un échange avec sa babysitter : il lui donne deux singles de Creedence contre l’A Go-Go album des Supremes. Steven est encore plus balèze : il descend de sa poussette pour aller chez le disquaire local acheter le Killer d’Alice Cooper et le Get Yer Ya-Ya’s Out des Stones. Dire que les frères McDo sont précoces serait un grave euphémisme. Et dire qu’ils nous prennent un peu pour des billes, ce serait manquer de respect à la psychologie profonde des Californiens. Alors on décide de gober, c’est plus simple. Puis Jeff qui n’a pas encore atteint les 10 ans avoue une obsession pour Elton John, Cat Stevens et David Bowie. En général, à cet âge-là, on nourrit des obsessions pour les Carambars et les Malabars. Les deux frères ne perdent pas de temps et plongent tous les deux dans Lou Reed, Mott et tous ces machins-là. Jeff se souvient d’avoir acheté Hunky Dory à une vendeuse qui ne cachait pas son dégoût pour la pochette. À cet âge-là, nous autres franchouillards jouions encore au train électrique.

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             Si les frères McDo avaient situé tout ça à l’adolescence, on les aurait pris au sérieux. C’est à l’adolescence que se forment les goûts musicaux. Mais on est en Californie, et ces gars-là sont nettement plus intelligents que tous les autres kids du monde. Jeff a dix ans quand les deux frères flashent sur les New York Dolls et Suzi Quatro. Puis ils arrachent à leurs parents l’autorisation d’aller voir des groupes sur scène : allez hop !, Rod Stewart & The Faces, Aerosmith en première partie de ZiZi Top, et flash définitif sur KISS, avec Cheap trick en première partie. Ils se jettent à corps perdu dans KISS, ils font ce que font tous les kids d’alors, ils se maquillent. Puis ils tirent à boulets rouges sur Frampton Comes Alive que tout le monde devait avoir à l’époque - Oh man - fuck this record - Ils retrouvent leurs esprits avec Patti Smith et boom, les Runaways, des locales ! Et des locales qui s’adressent aux kids de 12 ans, et c’est là que Jeff décide de monter un groupe. Ça devient même une urgence.

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             Steven a 10 ans quand ses parents lui payent une Fender Musicmaster et un «little Peavey 115 combo», and that was it.» Jeff récupère une Les Paul copy and a Peavey Backstage 30 amplifier. Et ils se mettent tous les deux à jouer sur les albums des Ramones et des Runaways. Car oui, ils viennent de flasher en plus du reste sur les Ramones - it was just like hearing the Beatles again - Fin 1977, ils sont fiers de posséder les trois albums des Ramones.

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             Ils peaufinent leur éducation en écoutant le radio show de Rodney Bigenheimer - Rodney is one of the most important figures in LA music - Jeff dit que son radio show, c’est l’université du rock - Il m’a appris l’importance de Brian Wilson et la connection entre Phil Spector et le punk rock - Steven ajoute que Rodney a établi la connexion entre les Ronettes, Blondie et Anette Funicello. Il indique d’ailleurs que «The Monkey’s Uncle» d’Anette Funicello (qu’elle chante accompagnée par les Beach Boys qui ont grandi just a mile down the street from us) les reliait plus que tout le reste au son qui les intéressait. Et Jeff ajoute qu’il allait chez Rhino acheter les punk singles que Rodney passait dans son show. D’où l’immense qualité des roots. Rhino, Rodney ! N’oublions pas que Kim Fowley surnommait son ami Rodney Bigenheimer The Mayor of Sunset Strip.

             Et pouf, c’est parti les kikis ! Les frères McDo commencent par enregistrer une cover de l’«Out Of Focus» de Blue Cheer. Rick Rubin l’entend, flashe dessus et pense que c’est un cut à eux. Ils sont tellement saturés de culture rock qu’ils décideront de donner une leçon d’histoire du rock - Yeah, let’s do a Pin Ups! - Ce sera leur Teen Babes In Mosanto, ils ramèneront Bowie et les Stooges que tout le monde a oublié en pleine ère punk à Los Angeles.

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             Ils commencent par s’appeler The Tourists, une référence to the Beach culture. Si t’es pas un surfer, alors t’es un touriste. Steven a 11 ans. Jeff vend ça comme un argument pour recruter. Il fait son Kim Fowley. Ils trouvent un batteur qui a 13 ans. On commence de bonne heure en Californie. Ils apprennent à jouer quelques cuts des Beatles («I Wanna Hold Your Hand» en mode fast punk) et des New York Dolls («Who Are The Mystery Girls?»). Maintenant, faut décrocher des shows. Ils répètent chez les early Black Flag. En 1979, ils se baptisent Red Cross et ça devient vite symbolique en concert, Red Cross and Black Flag ! Ils s’émancipent de Black Flag et se situent plus dans ce que Steven appelle le «Paisley Underground Adjacent». Puis la Croix Rouge va leur demander de changer de nom, alors ce sera Redd Kross.

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             Ils enregistrent au studio Shelter qu’avait construit Leon Russell dans un entrepôt sur Sunset Boulevard. Steven rappelle que Dwight Twilley y avait enregistré quelques années auparavant. À l’époque, ils veulent taper des covers de Mountain et Grand Funk. Ils répètent mais ça ne marche pas. Ils tentent aussi des covers de Todd Rundgren et de Traffic, mais pareil, chou blanc. Alors ils reviennent à leurs première amours, Bowie, Stooges, Stones, Shangri-Las et KISS. On retrouve tout ça sur Teen Babes From Mosanto, paru en 1984. Ils vont continuer d’évoluer au fil des recrutements. Quand Roy McDonald se joint aux frères McDo, il a un pied dans le Magic Bus des Who, alors que les deux frères sont encore un plein dans les Runaways, et Robert Hecker était alors fasciné par George Harrison. Ça reste un beau mélange. Mais ils ont tous un sacré point commun : ils sont tous fans des Beatles - Big Beatles fanatics - Ils trouvent un studio de répète à Berverly Hills, chez Dave Naz, un endroit où répètent aussi les Pandoras et L7. Bienvenue dans la cour des grandes !

             Puis Roy McDonald va quitter le groupe et partir s’installer au Texas. Il réapparaîtra dans les années 90 en battant le beurre pour les Muffs. Quand les frères McDo cherchent un producteur, le nom de Rick Rubin est évoqué, mais apparemment, «Rick Rubin doesn’t dig you guys», alors Steven lâche : «Well, you know, fuck that dude.» Puis le groupe va débarquer pour la première fois en Europe, et jouer en première partie du Teenage Fanclub qui vient de sortir l’explosif Bandwagonesque. Jeff a raison de dire «we were vey like-minded bands». Eh oui, c’est à la fois la même énergie et la même qualité.

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             Les frères McDo tentent désespérément de percer, mais ils ne perceront jamais. Les Fannies sont sur DGC, pas Redd Kross. Les Fannies jouent en première partie de Nirvana. Pas Redd Kross. Urge Overkill atterrit sur la BO de Pulp Fiction. Pas Redd Kross. Ils vont louper toutes les occasions d’échapper aux ténèbres de l’underground. La poisse toujours : Phaseshifter sort deux semaines après In Utero, et donc l’excellent Phaseshifter passe à la trappe, même si Steven pense que son album «was better than theirs». And still do, il le pense encore aujourd’hui. Mais le problème est qu’à cette époque ils ne sont plus considérés comme des «cool kids». Eh oui, ils ont grandi. Steven ajoute que Kurt et lui avaient  le même âge en 1994, simplement Kurt n’avait que 6 ans de métier alors que lui, Steven, en avait 15. Il adore rappeler qu’il a démarré à 11 ans. Et puis Kurt ne veut pas de Redd Kross en tournée parce qu’il pense que Third Eye est un album raté, mais surtout parce que Courtney Love est fâchée après les frères McDo qui, dit-elle, se sont moqués d’elle parce qu’elle était grosse. On sent de l’amertume dans les propos de Steven.

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             En Angleterre, Andrew Lauder s’intéresse à Redd Kross et les signe sur son label This Way Up. C’est d’ailleurs sur This Way Up qu’est sorti le premier album des Tindersticks. Bien sûr, le groupe va rester en berne pendant de longues périodes. Jeff élève sa fille et Steven auditionne pour des groupes comme Weezer et Zwan, le groupe de Billy Corgan. Mais ça ne marche pas. Puis ils apparaissent dans le très beau film consacré à Carole King, Grace Of My Heart. Ils sont les Riptides dans le film. Matt Dillon y joue une sorte de Brian Wilson. Puis ils recrutent Jason Shapiro, le guitariste des LA glam weirdos Celebrity Skin. C’est lui qu’on a vu sur scène au petit Bain - He’s kind of like our Ariel Bender - Toujours l’art des références.

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             Celebrity Skin ? Oui Good Clean Fun traîne quelque part dans l’étagère, un vieux Triple X du siècle dernier. Album très power pop. Mais aussi décadent, grâce à Gary Jacoby, un  batteur devenu chanteur. Allez on va dire trois bons cuts, à commencer par «Helio», riffé avec une belle férocité. C’est du glam de Los Angeles. Glam toujours avec «Poisona» et Jacoby entre dans le clan des grands chanteurs décadents. Big sound encore avec le petit glam punk perverti de «Rat Fink». Mais le reste de l’album n’est pas très bon. Les compos ne sont pas venues au rendez-vous. T’as même des cuts qui flirtent avec MTV. Leur glam californien est trop californien. Pas crédible. Ils se prennent pour les early Sparks des frères Mankey avec «Dog Race», mais ce n’est pas au niveau de «Fletcher Honorama». Ils n’ont pas le compos, ce qui justifie leur présence aux oubliettes.

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             Et puis les frères McDo évoquent bien sûr l’épisode Ze Malibu Kids en 2001, avec Charlotte Caffey, Anna Waronker and young Astrid McDonald. L’album s’appelle Sound It Out. Pour tout fan de Redd Kross, c’est un passage obligé, ne serait-ce que pour ce «Your Bed» claqué au heavy beat rédhibitoire et d’une grande violence poppy. Un peu plus loin éclate «Outer Circle» qu’on peut qualifier de belle dégelée concomitante. Ces deux frangins disposent des meilleures capacités d’envol. Un solo d’une rare profondeur traverse «I Won’t Forget You» et ils font une magistrale reprise du «You’re So Vain» de Carly Simon. Nouveau coup de tonnerre avec «Fiona Apple». Ils ramènent un swagger inespéré et déboulent à perdre haleine. Ils terminent avec un big bit of McDo Sound, «Vacsination» - I’d like to make myself presentable to you - atrocement génial, check it out ! C’est balayé par tous les vents mauvais.

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             Autre projet parallèle : The Steven McDonald Group avec un EP quatre titres intitulé This Is Not A Rebellion This Is A Mass Awakening et paru en 2002. Dès l’«Awake» d’ouverture de bal, on est propulsé pour le pire du meilleur dans une power pop saturée de reverb et explosée aux harmonies vocales de kids surexcités. Franchement digne des Nerves. «Strange Arrangement» vaut tous les hits de power pop. On se croirait chez Mott avec une voix plus seyante. McDo does it right. Ces mecs ont tout ce qu’un groupe peut désirer. Ils font de l’Oasis avant la lettre avec «Something To Love», heavy et noyé de son. Ils font de l’Oasis sans même s’en rendre compte. C’est là sur ce mini-album que se trouve l’une des reprises les plus mythiques qui soit : celle du «Motorboat» de Kim Fowley. McDo Sound ! Ça joue jusqu’à l’oss de l’ass, avec du let’s go à la clé, des filles frelatées derrière et un drive de basse qui ferait bander Kim Fowley.

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             Fantastique album que ce Jeff McDonald solo sorti par Bang au pays basque. On entre dans la gueule de Moloch dès «To You», ce slow burning joué à l’ultra-reverb de non-retour. Puis ça rue dans les brancards avec «Follow The Leader». Jeff joue ça au petit coulé de «So You Wanna Be A Rock’n’Roll Star», dans la veine du groove psyché bien intentionné avec une fantastique ré-interprétation de ce son qui fit jadis la grandeur des Byrds. On voit la ligne de basse courir comme le furet à la fin du cut. Beau spectacle ! Encore du slow burning bardé de son avec «Streets Of Shame», un cut dévoré de l’intérieur par un bassmatic lobotomisé. Avec «Sandstone Engine,» Jeff va plus sur le dylanesque, avec un petit harmo in tow. Il serait bien du genre à bouffer à tous les râteliers. En B, «Getting Back To You» pourrait très bien se trouver sur Revolver. Il boucle sa petite affaire avec «Third World Hustler», un glam de belle allure, en hommage à Marc Bolan.

             Comme chacun sait, Steven va rejoindre les Melvins. Dale Crover et lui jouent dans les deux groupes, Steven joue de la basse pour Buzz et Dale bat le beurre pour Redd Kross.

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             Les frères McDo évoquent d’autres légendes locales, comme les Bags d’Alice Bag et Patricia Morrison, qui ne s’entendent plus très bien. Il faut aussi noter que Rob Ritter et Terry Graham en étaient la section rythmique, avant de devenir celle du Gun Club. Steven dit aussi que The Germs étaient alors son groupe préféré - The most dangerous, the most extreme band on the scene - Ils sont à peine plus vieux qu’eux - To 12-years-old me, Darby Crash was like Keith Richards meets Sid Vicious - Steven se souvient d’avoir joué en première partie des Germs au Hong-Kong Café, bel objet de fierté. Les deux frères sont aussi des gros fans du Beyond The Valley Of The Dolls de Russ Meyer. Such a great rock film. Et puis bien sûr John Waters.

             Jacques Chancel : «Et Kim Fowley dans tout ça ?». Comme Redd Kross joue le «Neon Angels On The Road To Ruin» des Runaways sur scène, Kim passe un coup de fil chez leurs parents. Pour leur dire qu’il a trois autre cuts pour eux, but better - he was so funny, but so crazy - Ils se marrent bien tous les trois. Kim leur propose aussi un rock opéra. Il leur envoie le manuscrit.  Ça s’appelle Roommates. Mais les frères McDo trouvent ça mauvais. Alors ils laissent tomber, et Kim rappelle pour réclamer son manuscrit, mais il est perdu. Jeff a retrouvé l’enveloppe, mais pas le texte. L’épisode est d’une insondable tristesse. Quelle occasion manquée !

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    ( Greg Shaw )

             Petite évocation aussi du fameux garage revival des années 80, avec tous ces groupes californiens, The Unclaimed, Thee Fourgiven, The Pandoras et bien sûr les fameux Tale-Tell Hearts de Mike Stax. L’épicentre de cette scène est le Cavern Club de Greg Shaw. Les Rolling Stones sont les dieux locaux, surtout Brian Jones - But nothing after 1966 - C’est au Cavern Club que s’établit la connexion avec Sky Saxon, l’une de leurs idoles, et qui va déboucher sur l’enregistrement de Sky Saxon Blues Band, «the worst record ever made», dit Dan Epstein. Sky avait vécu des années à Hawaï avec une secte spirituelle, the Source Family, et il avait une centaine de chiens. C’est là qu’il est devenu Sky Sunlight Saxon. Puis il est rentré à Los Angeles - He was just this bizarre, eccentric hippie dude - Les frères McDo se retrouvent sur scène avec lui, en tant que backing-band for the Sky Saxon Purple Electricity live album, que Jeff qualifie de worst album ever made. Les frères McDo commencent par jammer sur le «Dazed And Confused» de Led Zep, puis ils enchaînent avec des vieux hits des Seeds. Sky chante en tournant le dos au public et n’entre pas au bon moment dans les cuts. Après ça, ils n’ont plus de cuts, alors ils attaquent le «Cherry Bomb» des Runaways, et Sky improvise des paroles. Plus tard, Greg Shaw va les remettre ensemble en studio avec Sky, mais les bandes ont disparu. Steven se souvient de Sky qui demande à Jeff de jouer plus comme Robbie Krieger, but that’s not what we were doing.  

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             On retrouve les frères McDo dans Tater Totz, et notamment sur l’album Alien Sleestacks From Brazil (Unfinished Music Vol 3) paru en 1988, un album de «gleefully warped covers». Dan Epstein profite de l’occasion pour annoncer que la collaboration de Redd Kross avec Tater Totz a renforcé leur réputation de «weirdo visionaries.» C’est bien pour ça qu’on l’écoute.

             Alien Sleestacks From Brazil (Unfinished Music Vol 3) est en effet un album de covers complètement azimutées, à commencer par «Give Peace A Chance» et «Tomorrow Never Knows» qui hantent le balda comme deux créatures psychédéliques du meilleur effet. Avec Tomorrow, le clin d’œil aux early Beatles est bien senti et bienvenu. Ils terminent leur balda dans un gros délire bruitiste qui n’est pas sans rappeler le fameux «Revolution # 9», celui qui fit tant jaser jadis, à Clochemerle. Mais attention, le pot aux roses se planque en B : «Don’t Worry Koyko», un seul cut supposément saucissonné en 5 parties, mais tout est enchaîné pour donner seul cut de folie pure à la McDo, avec de violents riffs de slide, et Jeff McDo fait sa Yoko en la singeant, c’est extrêmement wild, complètement underground, strident et moderne à la fois, du pur McDo ! Toute la face est drivée dans la Méricourt d’une simili-Yoko Ono, Steven bat le beurre. Ils ramènent sur le tard les screams de «Cold Turkey» alors ça prend tout son sens. On recommande chaudement l’expérience.

    Signé : Cazengler, Red Krasse

    Jeff & Steven McDonald. Now You’re One Of Us. The Incredible Story of Redd Kross. Omnibus Press 2024

    Tater Totz. Alien Sleestacks From Brazil (Unfinished Music Vol 3). Giant Records 1988 

    Celebrity Skin. Good Clean Fun. Triple X Records 1991

    Ze Malibu Kids. Sound It Out. Houston Party Records 2001

    The Steven McDonald Group. This Is Not A Rebellion. This Is A Mass Awakening. Five Foot Two Records 2002

    Jeff McDonald. Jeff McDonald. Bang Records 2016

     

     

    Wizards & True Stars

     - Mon Trux en plume

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             Avec Blaine Cartwright et Ruyter Suys, Neil Hagerty et Jennifer Herrema font partie des couples les plus trash de la planète rock. Leur trux, assurent-ils, est ce qu’ils appellent le psycho complicated, l’une des séquelles d’un sex drugs and rock’n’roll way of life parfaitement assumé. Andrew Perry leur accorde six pages dans Mojo et c’est bien le moins qu’il puisse faire. Ils viennent de se rabibocher après 18 ans de séparation pour enregistrer un nouvel album. Rabibocher est un bien grand mot. En fait, ils ne peuvent plus se supporter. Le chaos reste leur fonds de commerce. Depuis le début de leur histoire, ils mettent un point d’honneur à s’auto-saboter, c’est-à-dire enregistrer des disques savamment anti-commerciaux - out-there albums in unmarketable sleeves.

             Ils se sont rencontrés ados. Comme ils sortaient tous les deux de milieux alcoolo, ils buvaient comme des trous. À 12 ans, Neil Hagerty teste l’héro. Son père est un militaire basé en Europe et il raconte qu’à Bruxelles, dans un concert, il fumait du hash mélangé à de l’opium, like Black Sabbath used to smoke. Installé ensuite à New York, Neil Hagerty rejoint Pussy Galore. Jon Spencer ne tarit pas d’éloges sur lui : «Neil was very creative, as a guitarist. Wild. Fearless. A real force.» Et puis un jour de 1987, pendant l’enregistrement de Right Now, Neil annonce qu’il ne s’appelle plus Hagerty mais Royal Trux. Il commençait à enregistrer des home recordings avec Jennifer Herrema et petit à petit, Royal Trux morphed into the band.

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             Malgré sa belle pochette art déco hollywoodien, le premier album Royal Trux paru en 1988 laisse quelque peu indifférent. Dès «Bad Blood», ça vire expérimental, dans l’esprit d’une dérive des incontinents. Neil tape dans sa drug-culture et derrière, l’autre folle fait des siennes. Ils se fendent d’un «Hashish» insupportable. L’underground a bon dos. Ça relèverait presque du déconstructivisme de Lodz, ou si vous préférez, d’un Kurt Weil de bas étage. Ils attaquent une B sursitaire avec «Esso Dame», un heavy gloom de mélasse acariâtre, atroce et possédé, une sorte de rock urticant, une saloperie qui démange, c’est tellement trashy que ça frise le Magic Banditisme. Regain d’intérêt avec «Sice I Bones», bien gratté aux accords sales et tambouriné de frais. Quelle soupe ! On peut la qualifier d’étrange. Elle révèle un certain état d’esprit. On pourrait qualifier ça de cacadou de Cabaret Voltaire. S’ensuivent des cuts aux fonctions motrices très altérées et dans «The Set Up», Neil tape l’expé. Alors d’accord. On ressort de ce disque à quatre pattes, mais pour de mauvaises raisons. Neil adore berner Bernard. Et prendre les cats de Caen pour des cons. Il part en expé jusqu’au bout de la nuit avec «Hawk’n Aroud». Personne ne peut aller au bout d’un disk aussi mal embouché. Mais parfois, il faut aussi savoir faire l’effort, pour savoir jusqu’où vont les gens. Plus d’un pauvre kid a acheté ce disk sur la foi de la légende, et pour l’écouter, il n’existe que deux solutions : soit la dope, soit l’alcool. Nombreux sont ceux qui se firent rouler la gueule avec les Mothers, les Godz ou encore les Holy Modal Rounders et qui eurent recours aux expédients. Tous ces groupes «arty» cultivent un mépris définitif du kid de base. Dommage.

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             Twin Infinitives paraît quatre ans plus tard. Neil s’installe dans le trash, et c’est là qu’il nous intéresse. Il joue en effet «Lick My Boots» au clair de caca blues. Il se pourrait fort bien que Neil ait décidé de se foutre de notre gueule, et cette conne de Jennifer chante atrocement faux. S’ensuit un «Glitterbest» explosé de son et chanté à deux voix de gens qui vont mal. C’est chargé de tout le désespoir du monde et franchement digne du Velvet. La fin de cet album mal fagoté continue d’effarer avec «Funky Son» qu’on pourrait qualifier de délire de fracasse, de dérive foncière, d’indescriptible chaos sonique de connaissance par les gouffres, c’est admirable, oui, car ça pianote dans le void, on a là une vision druggy du monde mauve, c’est orchestré à l’excès et fabuleusement démantelé, vraiment digne de Michaux, oh Henri, retiens-moi, je tombe ! On reste dans l’expé avec «Rat Creeps», amené au son d’un monde inversé, Neil l’explore, c’est magnifique, étoilé, spécifique, et il termine cet album mi-figue mi-raisin avec «New York Avenue Bridge», un malheureux cut de boogie joué au piano bastringue de Brooklyn. Neil et l’autre folle s’en prennent directement au monde bien-pensant. Par contre, tout le début de l’album relève du caca sonique. Ils jouent la bande son d’un docu : un white trash rentre chez lui bourré et va chier. On a tout, le bruit et l’odeur. Neil riffe ses limbes dans l’ombilic. Bob Hughes dit que «Twin Infinitives appeared to be a slewed attempt to reconcile VU with Grateful Dead.» Tu parles Charles !  

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             Paru la même année, Untitled s’appelle aussi l’album aux squelettes. Alors là, attention, Neil passe aux choses sérieuses : c’est un album qu’il faut bien qualifier de classique. On savait l’ami Neil féru de trash. On le découvre féru de Stonesy avec «Move». Il sort là un coup de Stonesy new-yorkaise raw to the bone, junkée jusqu’à l’os. Sa Stonesy maladive et tuberculeuse emporte tous les suffrages, ça coule comme du sang neuf dans l’histoire du rock, c’est claqué aux ongles noirs, ça sent la bite pas lavée, les oreilles sales et tout ce qui fait le charme du trash. Et ça continue avec «Hallucination», vraie dégelée de trash-punk new-yorkais atrocement mal chantée par cette casserole de Jennifer, ah c’est un festin de roi, ils craquent des passes infernales, elle chante si faux qu’on en claquerait bien des dents, c’est un spectacle unique au monde, d’une rare insanité. Et ce n’est pas fini, car voilà «Junkie Nurse», balladif gratté à l’acou, mais Neil est un virtuose épouvantable, il faut l’entendre virevolter dans ses trapèzes de notes de tiguili-tiguili, il rivalise avec Davey Graham, il va chercher des foisons surnaturelles. Il fait encore des ravages dans «Sometimes» avec un riffing de belle eau. Il se dégage vraiment du lot des guitaristes de rock. Neil Hagerty est un riff-master. Il revient au balladif entreprenant avec «Lightning Boxer», et envoie des petites giclées de spermatic spatial. Neil est un guitariste libre, la défonce permet ça, demandez à Henri Michaux ce qu’il en pense. Neil se chante dessus, il reprend sa voix, your beautiful skin/ your beautiful spine et en jouant dans le studio, il crée un monde qui lui ressemble. Quel personnage fascinant ! Son art sent bon la défonce. Avec «Blood Flowers», il envoie sa sauce coller au plafond, mais de toute façon, c’est toujours au plafond, avec lui. Il termine cet album somptueux avec «Sun On The Run» - One two, three ! - Ce sacré Neil ne débande pas. Il défonce même la rondelle des annales, il pique une fabuleuse crise de colère psyché, il barde son son et joue jusqu’à l’os à moelle, I’m sun on, il part en mode power et même double power - On top ! On sun ! - Il joue à la décarcasserie explosive et définitive. 

             Les Trux ont un principe : chaque album est basé sur un concept. Par exemple, ils décident d’enregistrer Cats And Dogs «as a band for the first time.»   

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             On voit des missiles sur la pochette de Cats And Dogs. On est ravi de retrouver la casserole dans «The Flag». Elle chante si mal qu’elle parvient à ses fins. Ça marche, alors on se dit qu’il y a un trux. Kurt Cobain a cité «The Flag» as this track of the year in NME. Neil navigue à vue dans «Skywood Greenback Mantra». Il joue ça au bottleneck flageolant, évidemment. Sa came fleure bon la Stonesy, il sait jiver en eaux troubles. Il attaque sa B avec «Up The Sleeve», un heavy mood de murge, l’une de ses spécialités. On pourrait aussi appeler ça la petite purée fumante du diable. Il reste dans le heavy move de mad mud avec «Hot And Cold Skulls». Il va chercher son son dans le mou de veau et achève ça au coup du lapin. Belle leçon de dégelée sonique. «Tight Pants» sent le labo de fortune, mal éclairé et sale. Ces deux-là s’emploient à se perdre et ils y parviennent avec une étonnante facilité. Ils produisent de la drug-music à l’état le plus pur, ce qui finit par impressionner. 

             En tournée, Hagerty écoute Steely Dan et Skip Spence. Les Trux jouent avec Mudhoney et Sonic Youth. C’est la scène indie de l’époque. Quand Virgin leur propose de jouer en showcase à Los Angeles, Hargerty dit okay et arrive avec des gens qui n’ont encore jamais joué ensemble- It was super surreal, just ridiculous - Virgin les voit comme the next Guns N’ Roses. Ça  fait bien marrer les Trux. Peut-être qu’on peut transformer Herrema en Axl Rose ? Ils posent leurs conditions et s’installent à Memphis pour enregistrer Thank You.

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             On considère Thank You comme l’album du break-out. Et pourtant ça commence mal, car la casserole chante si mal dans «A Night To Remember» qu’ils doivent s’y mettre à deux. Ils font ce qu’on pourrait appeler du rentre-dedans de trash system. Neil produit un fabuleux drive de vieille pulsion, puis il passe un solo dément et croise le fer avec l’infernal bassman Dan Brown. Précision capitale : Dan Brown vient du ‘68 Comeback de Monsieur Jeffrey Evans. Le trash alcoolo-druggy refait surface dans «The Sewers Of Mars», mené au drive incertain. Derrière, le beat pulse comme pas deux. Dan Brown chique du shake de choc. Neil adore de format heavy rock pas bien sûr de sa trajectoire. Ça vire heavyness de gras double, dans l’absolue altérité d’un trash liquide de gélatine rampante, chanté bien sûr à la traînarderie comateuse - The Trux dirty DNA and trademark eccentricity - Avec «Map Of The City», ils passent au groove déviant, comme s’ils rajoutaient une corde à leur arc. En fait, Neil est un homme qui pose ses conditions. Il faut dire que la présence d’un monster comme Dan Brown lui facilite les choses. C’est joué au vacillant maximaliste. C’est Dan Brown qui ultra-joue le groove underground de «Granny Grunt». Et en B, la Stonesy revient au grand galop dans «Fear Strikes Out». Voilà le son dont ont rêvé les Stones toute leur vie. Neil et ses amis jouent comme des dignitaires, Dan Brown roule sa basse, c’est plein de vie. S’ensuit un «(Have You Met) Horror James» riffé de frais. Neil double sur la voix de la casserole, c’est à la fois magnifique et inspiré, mélodique en diable. Il faut bien se faire à l’idée que Neil Hagerty figure parmi les surdoués su rock. Avant de tirer sa révérence, il lâche encore un petit coup de groove délinquant avec «You’re Gonna Lose». Et si vous retournez la pochette, vous verrez Neil et la casserole traverser le hall d’un aéroport. Quelle image !

             On demande aux Trux de jouer en première partie des Stones à Paris. Hagerty dit non. Dan Brown : «He gave us this kind of occult supernatural reason.» Un truc du genre : «Any band that opens for the Stones gets annihilated.» Il cite des exemples, Guns N’ Roses, Living Colour. Virgin n’en revenait pas.

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             La pochette de Sweet Sixteen bat absolument tous les records de dégueulasserie. On y voit un chiotte bouché, mais on ne dira pas avec quoi. Allez voir. L’album vaut le détour, ne serait-ce que pour «Roswell Seeds & Stems» : Neil s’y prend pour Mungo Jerry, il sabre ses chorus comme un dieu. Les merveilles pullulent sur cet album, à commencer par «I’m Looking Through You», joué à la mélasse impérieuse. Ça vire heavyness stratosphérique, une embolie digne de Démosthène, tas de purée sans queue ni tête, comme dans La Grande Bouffe, il fait son Céline de petite vertu, il dégobille son fleuve de trash - Groove, brass, proggish detours, Ornette Coleman-inspired harmolodics ans heaps of guitar solos - On retrouve bien sûr l’excellent Dan Brown à la basse et par chance, il est mixé devant. «Don’t Try Too Hard» sonne donc aventureux. Neil wahte son «Morphic President» dans l’écho du temps et passe en mode heavy alors que Dan laboure le chant de Millet. Ils bricolent un lointain technique assez éblouissant. On commence alors à réaliser que Dan Brown prend une importance considérable dans le phénomène Royal Trux. Il mène carrément la bal dans «Cold Joint». Il joue la carte kill kill kill, et comme c’est mixé devant, c’est Browny jusqu’à l’oss. Neil maintient son cap heavy avec «Golden Rules». Il produit une fabuleuse mélasse enjouée dans laquelle vient patauger Dan et les deux dingues croisent le fer, c’est encore pire que les collisions de McCarty et Tim Bogert dans l’early Cactus. Quel numéro de cirque ! Ils tombent dans le De Profundis avec «You’ll Be Staying Room 323», mais un De Profundis travaillé dans l’oignon. Dan ramone la jachère, il file en roue libre, voilà un son capable de timbrer un passeport, enfin, le son fait comme il veut, c’est un grand garçon. Neil amène «Can’t Have It Both Ways» au vieux riff de guitare claire et une fois de plus, ça vire purée indicible. On a là une course poursuite entre un virtuose de la trash-guitar et un bassman dédouané. Cette cavalcade se poursuit dans «10 Days 12 Nights» et «Microwave Mode». Quelle densité dans l’expressivité ! Avec le morceau titre, ils tapent le gros rock de Trux. Neil ne lâche rien, surtout pas la rampe. On a là une nouvelle giclée de purée suprême. Neil sonne comme Gou, le dieu de la guerre et du trash travaillé. Dan Brown : «It’s an almost abusively psychedelic album.»   

             Mais les gens de Virgin sont tellement écœurés par l’album qu’ils filent 300 000 $ aux deux Trux pour qu’ils dégagent - To just go away. Ils rentrent chez eux en Virginie et filent Accelerator à Drag City. 

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             Encore une belle pochette pour Accelerator paru en 1998 : le diable pilote un bolide. Le cut qui croche sur cet album plus mainstream s’appelle «Stevie». Neil clôt l’album avec ce balladif de rêve trashy, bien délayé aux nappes sales. Ce mec est un spécialiste du walk on the wild side, ne l’oublions pas. C’est un parfait gentleman de la désaille, et même un pur génie. Il accompagne son cut vers la sortie avec un jeu de gammes divinatoires. Il utilise une fois encore cette prodigieuse facilité à créer l’événement. Les autres cuts de l’album restent dans le Trux Sound System classique : épais, confus, voix de la casserole dans «Yellow Kid», gratin brûlé de guitares dauphinoises, en un mot comme en cent, un joyeux bordel. «The Banana Question» tarabuste. Ça se finit en noyade d’orgue de jazz dingo, et bien sûr, la casserole vient foutre le souk dans la médina. Ils font une tentative d’OPA sur la rap avec «Juicy Juicy Juce» mais ça vire quincaille noisy à deux balles. Ils réinstallent la B sur orbite avec «Liar» et renouent avec le rampant dans «New Bones», encore un cut heavy et malsain, gorgé de son, tellement pertinent qu’il perce les murailles, comme dirait notre cher Marcel Aymé. La casserole chante si mal qu’elle évoque une sorte de Tom Waits avec de la morve au nez. Retournez la pochette, et vous verrez Neil et la casserole au pieu. Magnifique image !

             Sur scène, ils se comportent comme s’ils étaient en répète. Herrema dit qu’elle ne veut pas chanter ça, alors Hagerty dit OK. Puis il démarre quand même le cut pour l’emmerder - Just crazy bullshit - Alors elle commence à se dire que si elle ne quitte pas le groupe vite fait, elle va finir par lui casser les dents.

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             Pochette en peau de serpent pour Veterans Of Disorder, et au dos, gros plan sur le couple, avec un Neil qui louche et qui porte un pansement sur le pif. Dommage que l’album ne soit pas au niveau de la pochette. «Second Skin» sonne comme l’un de ces rocks racés et nerveux dont ils sont parfois capables. Cette fois, ils jouent à trois avec un batteur. Ce qui explique peut-être la faiblesse du son. On retrouve un vieux relent de Stonesy dans «The Exception» et un grand vent de liberté souffle sur «Lunch Money». Neil fait comme bon lui plait. «I Yo Se» sonne très exotique, c’est même presque joyeux. Ils font n’importe quoi, et pas n’importe quoi en même temps, alors ça devient confusément intéressant. En B, ils nous transportent à Marrakech avec «Coming Out Party», une sorte de vieux groove de Père Fouettard. Ah comme elle chante mal ! Le pire, c’est que ça passe comme une lettre à la poste. Et puis on tombe sur le cut de rêve : «Blue Is The Frequency» : du big Hagerty. Il sort le grand jeu, il ne se gêne pas, la voilà inventif, dévorant, très mur, jazzeux et passionnel. Le cut vire jazz-fusion, mais avec énormément d’allure.

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             Pochette brodée pour Pound For Pound paru en l’an 2000. On y trouve un énorme coup de bassmatic intitulé «Small Thief». Ce dingue de Dan Brown joue derrière Neil et ça tourne au duo de virtuoses sur fond de funk de good time music. On entend rarement quelqu’un bassliner aussi bien dans un lagon. Autre énormité : «Platinum Tips», une fois encore ultra-ramoné par ce démon de Dan Brown, ça bouine dans le ring, quelle maturité de punch ! C’est complètement échappé du bois, Bob ! Dan Brown fait son relentless. «Call Out The Lions» renoue avec l’heavy rock cher à Neil. C’est du cannonball rock très mal intentionné. Fait pas bon traîner dans les parages. Dan Brown fait des ravages. Si on cherche du solide, c’est là et nulle part ailleurs. Dan Brown fait encore plus de ravages dans «Accelerator». Il est l’un des bassliners les plus évangéliques de la chrétienté, il pourrait jouer les yeux crevés, à l’image des moines d’Andrei Roublev, et continuer d’avancer dans la toundra pour porter la bonne parole du Trux. On a aussi un heavy groove malade de sept minutes qui s’appelle «Deep Country Sorcerer». La casserole chante avec Neil. On a là le Surabaya Johnny des temps modernes, mais démoli au subitox. Ces gens-là cultivent l’anti-conformisme comme d’autres les betteraves. Neil Hagerty est un guitariste capable de décrocher la lune. Encore une belle drug-song en B avec «Blind Navigator». Ce pauvre Neil cherche à inventer un genre nouveau : l’heavy blues trash et ça plaît énormément à la casserole. Celui qui trouvera de l’intérêt à ce genre d’expé aura gagné la médaille du mérite. Neil crée des mondes, c’est une évidence.

             En 2000, Royal Trux s’installe dans les bois de Virginie, au pied des Blue Ridge Mountains, loin de tout. Ils travaillent en permanence - like Can, in a state of constant creation - et envoient un album tous les six mois à leur nouveau label. Ils peaufinent leur image d’alt rock wacko recluses par excellence. Mais Jennifer Herrema finit par craquer, elle veut quitter la cabane et elle replonge dans la dope. Comme ils sont mariés, et qu’aux États-Unis un mari a tous les droits, Neil Hagerty la fait interner. Elle lui fout sa main dans la gueule. De toute façon elle savait que ça allait se terminer : «Neil always wanted kids an I always didn’t want kids.»

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             On ne trouvera rien de très copieux sur Hand Of Glory paru deux ans plus tard. Le Trux s’essouffle. Ils démarrent avec une jam informelle de 19 minutes réservée aux aficionados qui ont bon dos. Ils cherchent encore des noises à la noise et Neil nous embarque avec «Electric Boxing Show» dans une sorte de dérive débilitante sans consistance. On trouve plus loin un «Golden Heart» peu déterminé à vaincre. On crève d’ennui. Par dieu, pilgrim, fuis ce disque comme la peste ! Neil se prend pour Ornette Coleman, mais le Coleman de la super-glu, il va chercher de l’osmose dans sa boîte à camembert, et à ce stade, c’est un délit. 

             Ils sont maintenant divorcés. Jennifer Herrema vit en Californie et Neil Hagerty à Denver, Colorado, remarié et père d’une fillette de dix ans. Ils ne se parlent plus ou presque : «He wrote me three e-mail in 12 years to tell me when each of cats had died.» Puis un quatrième mail pour annoncer la reformation du Trux, car on leur fait des propositions.       

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             Nos deux héros avaient donc disparu de la circulation. Neil enregistrait des albums dans son coin et la casserole itou. Puis le Trux s’est reformé en 2017. Un album live témoigne de cet événement. Il s’appelle Platinum Tips + Ice Cream. On y retrouve les vieux coucous du style «Junkie Nurse», gutter-boogie joué à la cloche d’ébène pas par Ben mais par Baines. Neil gronde sur son manche et on note l’infernale profondeur de ton. «Sewers Of Mars» sonne littéralement comme un classique. C’est tout de même assez dingue : tous ces vieux groupes qui ont une histoire reviennent et ça impressionne au plus haut point. On retrouve leur joyeux bordel, ce bourbier ludique, ce trash sucré et goûteux qui fit leur réputation. Ce live dégage une grande impression de solidité. L’heavy blues urbain de «Mercury» semble perdu et pour lui et pour les autres. Et Neil ramène des bouts de thème dans la soupe au chou d’«Esso Dame». Ils attaquent la B avec «Waterpark», pur jus de trash Trux, mal chanté, coulé par Neil, joué dans le contexte inversé de l’anti-commercialité des choses. Quelle admirable perspective ! Ils tapent «Platinum Tips» aux power-chords new-yorkais d’ambition dominicale. On note encore une fois leur admirable sens du rentre-dedans. «The Banana Question» sonne comme de la purée longiligne et on note l’énorme présence de Neil dans le son. 

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             Puis Jennifer Herrema parvient à décrocher un contrat chez Fat Possum. Voilà que paraît White Stuff. Comme le disait le Sergent Hawkins de l’arrivée des renforts du Septième de Cavalerie : «C’est inespéré !» Oui car White Stuff grouille littéralement d’énormités, et pas des petites énormités. Neil Hagerty préfère des grosses énormités bien fat. Tiens ça commence avec un modèle de modernité, le morceau titre bien remonté sur le gutter, ce démon d’Hagerty sait encore activer le turmoil et plonger son monde au cœur du trash - This is the way it’s supposed to be  - Ça s’étrangle de son, ça vire même Stonesy trash, cette Stonesy intoxiquée et cacochyme dont a rêvé Keef toute sa vie. S’ensuit une triplette de Belleville, «Year Of The Dog»/«Purple Audacity #2»/«Suburban Junky Lady». Oh la violence du beat ! Oh les vieilles dynamiques ! Neil Hagerty fait son Trux dans l’année du chien et elle vient rajouter son grain de sel. Ils sont terribles et pleins de cette morgue typique des trashers d’Amérique. Ils sont avec Bob Mould les buried treasures du rock US, ils savent si bien faire dégueuler un son. La cuvette de Sweet Sixteen peut en témoigner. Avec «Purple Audacity #2», ils reviennent à leurs premières amours, avec une Jennifer fatiguée. Quel shoot de trash ! - We are the number ones/ We are the champions - Ils sont écœurants de trash class, du coup elle se met à chanter vraiment bien. Ah tu croyais qu’ils allaient se calmer ? No way ! Ils sonnent comme une révélation. Et ça continue avec ce «Suburban Junky Lady» qu’elle chante dans l’écho du no coming back, c’est du swing de trash-woman, gluant de son, pour ne pas dire un son de rêve. Ils se vautrent dans l’extrême enchantement de la saturation avec des notes proliférantes, tout est là, le son et l’esprit du son. Ils n’ont jamais été aussi bons. Il écrase son champignon et elle reprend bien les mots par la queue. Il gratte des accords de congestion ultraïque. Neil Hagerty cultive un certain génie du son, il fond la mélodie dans la sursaturation, il coule un bronze thématique qui charrie tout ce qu’on adore, et tout particulièrement la démesure du big sound. L’air de rien il frise en permanence le génie rampant des reptiles sacrés du temple de Quetzalcoatl. Encore un slab d’en veux-tu-en-voilà avec «Every Day Swan», un vieux coup de Trux joué à l’abattage avec des cuivres jetés dans la fournaise et du pounding de tous les diables en supplément ! Le son colle au papier. On voit même ce démon d’Hagerty revenir sans prévenir pour bouffer son cut tout cru. Jennifer revient plus loin chanter l’extrêmement heavy «Purple Audacity #1». Hagerty vitriole la matière du son, il élève la dégueulade au rang d’art majeur, you know you feel alright/ You feel good ! Il fait aussi un festival de râpé de parmesan dans «Whopper Dave» et débouche à la violence du riffing un «Shoes And Tags» bouché à l’émeri. Demented ! - Take your shoes ans your tags and leave this town - Hagerty te sature ça de congestion, il semble avancer par convulsions, par paquets de pâté de foi, il injecte tout ce qu’il peut dans sa purée. Il joue à la vie à la mort dans l’éclair d’un traffic jam. Cet album génial se termine avec «Under Ice», du pur jus de Stonesy arrosé de dirty DNA. 

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             Bob Hughes en remet une couche avec six pages dans Uncut. On ne s’en lasse pas. D’autant qu’il titre ‘Veterans of disorder’, comme par hasard. Hagerty et Herrema commencent à désosser le rock en 1987 pour le rebâtir à leur idée - Royal Trux weren’t pretty, but they were invariably brillant - C’est ce que les historiens du rock retiendront du couple. Alexis Taylor parle d’eux comme de «something about to collapse, but also something on the verge of absolute greatness.» On dirait exactement la même chose des Pistols sur scène. Cette mauvaise langue de Bob Hughes insinue que leur heroin addiction captait autant l’attention que leurs albums. Julie Cafritz dit d’Hargerty qu’il était un weird cat «qui s’est pris pendant 6 mois pour Sterling Morrison.» Elle dit aussi qu’il avait «a very fluid access to different parts of his brain.» Herrema ajoute qu’Hagerty était un big fan de William Carlos Williams. La fin de leur histoire n’est pas jojo. Ils ont tous les deux des gros problèmes de santé mentale. Ils sont obligés de suivre des traitements. Hagerty s’est paraît-il battu avec trois flicards de Denver. C’est bien que l’histoire des Trux finisse dans le chaos.

    Signé : Cazengler, Royal Trou (du cul)

    Royal Trux. Royal Trux. Royal Records 1988

    Royal Trux. Twin Infinitives. Drag City 1992  

    Royal Trux. Untitled. Drag City 1992     

    Royal Trux. Cats And Dogs. Drag City 1993

    Royal Trux. Thank You. Virgin 1995

    Royal Trux. Sweet Sixteen. Virgin 1997    

    Royal Trux. Accelerator. Drag City 1998

    Royal Trux. Veterans Of Disorder. Drag City 1999

    Royal Trux. Pound For Pound. Drag City 2000

    Royal Trux. Hand Of Glory. Drag City 2002          

    Royal Trux. Platinum Tips + Ice Cream. Drag City 2017

    Royal Trux. White Stuff. Fat Possum Records 2019

    Andrew Perry : Battle royal. Mojo # 304 - March 2019  

    Bob Hughes : Veterans of disorder. Uncut # 326 - June 2024

     

    L’avenir du rock

     - Saint Valentine

             Tomber amoureux, ça peut arriver à tout le monde, même à l’avenir du rock. Le cœur en fête, voilà qu’il déambule en chantant :

             — Un jour qu’il avait plu/ Tous deux on s’était plu...

             Il marche comme Fred Astaire dans Singing In The Rain.

             — J’lui d’mandais son nom/ Il me dit Valentine...

             Arrivé rue Custine, il croise Boule et Bill. Il lève son chapeau pour les saluer.

             — Te voilà bien gai, avenir du rock. Quelle mouche te pique ?

             Alors, la main sur le cœur, l’avenir du rock lance d’une voix flûtée :

             — Il avait des tout petits petons/ Valentine/ Valentine !

             — Serait-ce te demander un grand service que d’éclairer nos lanternes ?

             L’œil pétillant de luxure, l’avenir du rock reprend, le doigt levé :

             — Il avait des toutes petites chansons/ Que je tâtais à tâtons/ Ton ton tontaine !

             Interdits, Boule et Bill attendent la suite.

             — Outre ses petits petons/ Ses petites chansons/ Son petit menton/ Il était frisé comme un mouton...

             — C’est un trave ?

             L’avenir du rock rigole de bon cœur. Il est des jours où la profonde bêtise des gens peut émerveiller.

             — Mes pauvres amis, qu’attendez-vous pour aller tâter les petits tétons de Marc Valentine ? Comme vous n’êtes pas souvent visités par la grâce, un petit shoot de félicité vous fera le plus grand bien.

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             C’est encore Vive Le Rock qui s’y colle. Marc Valentine ? Si Vive le Rock ne lui consacre pas une page, personne ne le fera. C’est tout de même dingue, cette histoire ! Et encore, une page c’est vite dit : une colonne de texte et une photo recouvre les deux autres colonnes. Ça fait un peu court, surtout quand on connaît la qualité des albums du groupe de Marc Valentine, The Last Great Dreamers.  Il attaque en rappelant qu’il est là depuis 1993. Le groupe s’est arrêté une première fois après le deuxième album, alors il est parti vivre aux États-Unis et en revenant à Londres, il a redémarré les Dreamers. Il a profité du lockdown pour enregistrer un album solo, aidé par Matt Dangerfield, oui, le Matt des Boys. Mais il n’a pas l’air trop confiant en l’avenir.

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             Marc Valentine et ses Last Great Dreamers ne sont pas les derniers rois de Thulé, mais certainement les derniers rois de la power pop anglaise. C’est en tous les cas ce que démontre brillamment ce 13th Floor Renegades paru en 2018.

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    Dès «New Situation», tu adhères au parti. Ils jouent au rentre-dedans, un big power-pop power de London dandies, au fast in the flesh, avec un incroyable swagger de no way out définitif, ils te prennent là où il faut : à la gorge. Immédiat et stunning ! Ils font clairement de la power-pop de power-poppers. Ils jouent encore cartes sur table avec le morceau titre et passent au stomp des Batignolles avec «Speed Of Light». Ils ont récupéré des éléments du stomp de Slade, avec un chant décadent à la Saint Valentine. Ils savent aussi faire le fast Search & Destroy comme le montre habilement «No Sunshine». Ils avalent tout ça vite fait, ils savent très bien battre la campagne, there’s no sunshine in my brain, tous les tricks sont de sortie, y compris le chorus solaire et le bassmatic inverti. Back to the cœur de métier avec «I Think I Like It», heavy power pop de sale cocote teigneuse et dégénérée, ces last dandies on earth illuminent leur monde au here it comes. Ils adorent l’here it comes, comme jadis les Stones au temps de «19th Nervous Breakdown» - Here comes my 19th nervous breakdown - Les Dreamers continuent de creuser leur mine d’or et nous sortent «Primitive Man», wild & fast, infiniment réjouissant, encore une belle démonstration de force, ils y vont au you know who I am/ Just a primitive man ! Ils te demandent de quel bord tu es avec «Whose Side Are You On», bien travaillé dans l’explosif, ce qui est le principe même de la power pop. Il faut que ça blossomme. Si ce n’est pas puissant, emporté et blossommic, ce n’est pas de la power pop. Les Dreamers sont un groupe très abouti, mais à l’abouti de Djibouti. Tu te régales avec cette bande de Princes aux crabes d’or. Un petit shoot de violence pour finir avec «Broken Things». La violence artistique, c’est leur truc. 

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             En 1994, Marc Valentine et ses Last Great Dreamers étaient déjà les derniers rois de la power-pop, c’est en tous les cas ce que révélait Retrosexual. C’est sur cet album que figure leur profession de foi, «Last Great Dreamer» - I’m just the last great dreamer - Pas de meilleure power-pop sous le ciel d’Angleterre. Mais comme chacun sait, la power-pop finit toujours par se mordre la queue. Les Last Great Dreamers n’ont pas froid aux yeux, ils enquillent leurs cuts avec une franche allégresse. Marc Valentine chante «Paper Crown» avec des faux accents d’early Bowie. Quasi glam ! «Far From Home» est bien solide sur ses pattes, Marc Valentine flirte en permanence avec le glam. Le groupe est assez complet, car ils savent sortir les loud guitars, ils savent négocier les virages de don’t need ya, comme le montre «Lady (Don’t Need You)». Ils savent même tartiner un balladif («Kings & Keepsake»). Valentine ne fait pas n’importe quoi, c’est excellent, si présent, si pressurisé, si bon enfant. Ils attaquent «Only Crime» de front, ils ont ce type de brawl dans leur arsenal, ils se montrent de plus en plus crédibles et si fabuleusement inconnus, malgré leur cocky swagger et leur solo en remontrance. Retour au glam et à la cloche de bois avec «Streets Of Gold». Cet artiste complet qu’est Valentine boucle avec un «Lovely» complètement décadent.

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             Crash Landing In Teenage Heaven est encore un album qui oscille entre le glam et la power pop. Glam pur avec le morceau titre qu’on trouve à la fin, Marc Valentine chante comme Peter Perrett, à la Only Ones, mais avec le power de Slade. Autant dire le power maximalis. Les Dreamers dégagent plus de chaleur qu’une centrale nucléaire qui vient d’exploser. Pus jus de glam extrême, krakaoté au ricochet de cute cocote. Marc Valentine sonne même comme l’early Bowie. Stupéfiant ! On trouve aussi sur cet excellent album une Beautiful Song, «Gold Painted Butterfly», pop classique et têtue comme une bourrique - I want you to know/ That I know - C’est assez merveilleux. Pour le reste, retour à la foire à la saucisse de la power-pop. Buffet à volonté. On retrouve d’ailleurs le «Last Great Dreamer» de l’album précédent, tapé à l’heavy cotoclap, avec un chant qui ne mégote pas. Fantastique énergie, élégance à tous les étages en montant chez Marc ! Ce mec te repeint le portrait de la power-pop. On dira en gros la même chose d’«Ashtray Eyes», l’excellence le protège des bactéries. Les solos sont magnifiques d’insolence. Les Dreamers sonnent comme des superstars. Tout est noyé de son, sur cet album, et du meilleur son. On peut s’y référer. Crash Landing In Teenage Heaven est un album dense et haut en couleurs, très sophistiqué. C’est un album de dandies. Avec «Supernature», nos dear dandies renouent avec l’antique power des Nerves et des autres géants de la power pop américaine, comme les Gigolo Aunts. Pas étonnant que ça n’intéresse plus personne. La classe est passée de mode. On se gargarise aujourd’hui de médiocrité. La power-pop est une vieille forme de génie pop. Encore un beau bonbon sucré et un chant de rêve avec «Lunacy Lady», mais bon, l’album va s’enfoncer dans l’oubli, malgré ses qualités.

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             Pas faciles à choper, les Dreamers records, mais avec un peu d’obstination, on finit par y parvenir. Et on est bien récompensé car Transmissions From Oblivion est un big album, un de plus ! Marc Valentine et ses Dreamers naviguent aux confins du glam et de la power pop, comme le montre ce «Dope School» monté sur un beat souverain comme pas deux et très glammy dans l’esprit, car chanté à la Bolan, c’est excellent, gorgé de sentiments. Pur jus de power pop avec «The Way We Collide», sucré de frais et incroyablement loyal à l’esprit pop. C’est quasiment un hit. «You Don’t Work» est un cut de Zeus, dieu de la power pop. Terrific ! Marc Valentine plonge dans une décadence à la Peter Perrett avec «Love To Hate Me». Il trouve un superbe équilibre entre le souffle des power chords et les accents décadents. C’est incendié à gogo et relancé à l’encan. On s’effare aussi de la grosse intro de «White Light (Black Heart)», bien monté en neige sur deux accords. Globalement, l’album reste terriblement power-poppy. Pas d’échappatoire possible. Le son est plein comme un œuf, bourré à craquer d’espoir dans l’avenir. C’est ce qui fait leur force. Ils ne sont pas avares non plus de coups de génie, en voilà au moins un : «Werewolves», tapé au ventre à terre, Marc Valentine y va au running away from my mind, c’est tellement puissant, les Dreamers redonnent des lettres à la noblesse, c’est explosif et beau, relancé à tire-larigot, dans le grondement jovial de la belle power pop britannique.

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             Vient tout juste de paraître le nouvel album solo de Marc Valentine, Basement Sparks. Une vraie consécration ! C’est même l’un des meilleurs albums de power-pop jamais enregistrés. Ça éclate au Sénégal dès «Complicated Sometimes», ça pulse et ça pète en montant chez Kate, ça te transporte de plein fouet, puis avec «Skeleton Key», il bascule dans une frénésie surnaturelle, ses power chords tressautent de joie. Marc Valentine est sans le moindre doute le plus grand power-popper d’Angleterre. Son «Eve Of Distraction» est bourré d’énergie. Basement Sparks est un authentique smash, chaque attaque flirte avec le génie, il négocie chaque cut à la corde. Effarant ! Nouvelle attaque magistrale avec «I Wanna Be Alone». Marc Valentine règne sans partage sur la pop anglaise. Suite du déluge avec «Strange Weather» et «You Are One Of Us Now», il reste au sommet du genre, c’est un Annapurna de big ever. Une véritable marée absolutiste. Raw power de lumière. Valentine a tout bon. Il déclenche ensuite l’enfer du glam sur la terre avec «Opening Chase There». Tu ne verras pas beaucoup d’albums de ce niveau-là cette année. 

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             Un bel article salue d’ailleurs la parution de Basement Sparks. Où ça ? Devine. Oui, Vive Le Rock. Marc Valentine répond aux question de VLR. Il annonce que les Last Great Dreamers sont à l’arrêt - extended hiatus - mais pas de split en vue, ouf. Il évoque aussi son amitié avec Wreckless Eric. Ils sont voisins, on the UK east coast. Ils ont même fait deux cuts ensemble, qu’on trouve sur l’album introuvable, Future Obscure - He’s one of the best British songwriters of his generation - Puis VLR lui demande pourquoi il se retrouve sur le label de Little Steven. Oh, c’est simple : Little Steven passait Future Obscure dans son radio show. Marc Valentine rappelle au passage que Ginger Wildheart est aussi sur Wicked Cool. 

    Signé : Cazengler, last great frimeur

    Last Great Dreamers. Retrosexual. Bleeding Heart Records 1994   

    Last Great Dreamers. Crash Landing In Teenage Heaven. Ray Records 2014

    Last Great Dreamers. Transmissions From Oblivion. Ray Records 2016

    Last Great Dreamers. 13th Floor Renegades. Ray Records 2018      

    Marc Valentine. Basement Sparks. Wicked Cool Records 2024

    Introducing Marc Valentine. Vive Le Rock # 93 - 2022

    Sparks will fly. Vive Le Rock # 111 - 2024

     

     

    Automnales 2024

    (Tyvek, Youth, Isola et les autres)

    - Part One 

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             Il s’appelle Raphaël Balzany. Il a été balzané de son groupe, We Hate You Please Die. Depuis, il navigue en solitaire et monte d’autres projets. Le dernier en date s’appelle Isolation et dès la première seconde sur scène, tu sais que ce petit mec est une superstar. Isolation joue en première partie des Limiñanas, c’est pas rien. Ils doivent chauffer la salle. Pas de problème, ils vont te chauffer ça vite fait, on te l’a dit, en quelques secondes !

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    À lui tout seul. Il a des copains autour, mais c’est lui le focus, c’est lui l’œil du cyplope, c’est lui la bombe atomique. Il a toutes les mamelles du destin : la voix, la transe, le pull jaune et même ce qui ressemble à des compos de shaking-punk, de shaking-ce-que-tu-veux, car c’est inclassable, mais criant de véracité artistique, et il a tellement de niaque qu’il intensifie cette modernité d’être qui bien sûr s’ancre dans un punk-rock ravageur. C’est du pur wild as fuck. Désolé, il n’existe pas de mots français pour qualifier cette rage de vivre. Alors va pour le wild as fuck. Avec le wild t’as tout dit, et avec le fuck, t’as enfoncé ton clou dans la paume de la stance. Il va même jouer le fameux «We Hate You Please Die» qu’il avait composé quand ça n’allait pas bien, et il a tellement mal à chanter ça qu’il sort de scène vite fait, alors son pote guitariste se roule par terre pour donner corps à l’apothéose.

             On brûle d’impatience de revoir Raphaël Balzany et son scorpion. T’as un chanteur en France : c’est lui.

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             Alors tiens, puisqu’on parle de premières parties, en voici une autre : Underground Youth, un groupe de Manchester parti s’installer à Berlin. Craig Dyer est un mec coiffé d’un béret et vêtu de noir qui gratte une authentique Vox Teardrop, alors tu dresses l’oreille dès qu’il attaque son set. Et puis t’as une très belle femme debout au beurre, Olya Dyer : elle se contente d’une caisse claire et d’un tom bass, et elle fait le show. C’est elle qu’on regarde, vu qu’ailleurs il ne se passe pas grand-chose. Elle officie différemment sur chaque cut, elle tire admirablement son épingle du jeu.

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    Underground Youth tape dans une sorte de dark wave un peu mélancolique, qui frise souvent le mou du genou, et par moments, on s’ennuie comme un rat mort. Comme ce sont malgré tout des Anglais, ils savent mettre le turbo pour récupérer la salle au moment opportun et ça peut devenir apocalyptique. Dommage que tout le set ne soit pas apocalyptique. On se serait bien régalé. Mais bizarrement, après l’explosif «Last Exit For Nowhere», ils ont opté pour ce qu’on appelle un set à ventre mou, c’est-à-dire une série de cuts sans le moindre intérêt, tous très lents et qui n’intéressent personne à part eux. Ils terminent avec un «Hope & Pray» tiré de Mademoiselle et chargé d’échos du Velvet. Encore une fois, t’auras fait beaucoup d’efforts pour essayer de trouver ça bien.

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             Comme tu te crois malin, t’en déduis que ce n’est pas sur scène que ça se passe. Et tu décides de vérifier ton hypothèse en écoutant quelques albums, tiens par exemple The Perfect Enemy For God, un Fuzz Club de 2013. Ils y sont très New Order (berk). Pas de personnalité. Dès le premier cut, «Tokyo Blue», tu te demandes ce que tu fous là. Avec «Rodion», le Dyer sonne comme les Cure. Oh so Cure ! C’est assez subtil mais patacam/patacam. Certainement patacam. Jamais de la vie !  Le Dyer tente de s’en sortir avec une pop qui ne sait pas dire son nom. T’as zéro info sur le digi, juste la photo d’un mec qui s’emmerde dans son canapé. Tu vas de cut en cut et franchement, tu ne sais pas ce qu’il faut penser de tout ce bordel. Le Dyer manque de drive. Il se perd dans son Mekong. Zéro dynamique. Juste son nombril. C’est aussi mort que le concert. Avec «In The Dark I See», il se met en rogne, il en a les épaules. Mais il ramène son timbre de Nosferatu, alors c’est mal barré. Trop dark wave, trop zéro inspiration, ce son n’a jamais conduit nulle part. Avec «Itoal», il se prend pour Dylan. Encore un album qui ne vaut pas un clou et qui te laisse amer. Celui-ci est sans doute l’un des pires. Les Anglais ont un joli mot pour ça : boring.

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             Avec Montage Images For Lust And Fear, le Dyer bouffe à tous les râteliers, mais ce sont des bons râteliers. Par exemple le Velvet, avec «Last Exit To Nowhere». Il gratte à l’encan et ça part en trombinette d’hypno du meilleur acabit. C’est quasi-Sister Ray, avec une volonté bien affichée de beurrer la raie de Sister Ray. Très offensif. Le Dyer déclenche une grosse tempête de sable et ça devient très sérieux. Il fait tourner son «Death Of The Author» en bourrique et se montre top complaisant avec «Blind I». Il n’en sort rien de très définitif. Il s’énerve un peu plus avec «Blind II», mais il manque du charisme nécessaire pour passer à l’échelon supérieur. Il bascule dans le gothique avec «I Can’t Resist» et son «Anaesthetised World» se montre digne des jardins suspendus de Babylone. Ça ne bouge pas. Suspendu et inutile.

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             Tu tentes encore le coup avec The Falling. Il fait son Dylanex avec «Vergiss Mich Nitcht» et des coups d’harp. Mais son vieux coup de protest n’a aucun sens, dans ce contexte darko-intello. Ses cuts ne fonctionnent pas. «Egyptian Queen» est trop formel, trop collet monté. Ça pue l’amidon. Puis il se prend pour Leonard Cohen avec «And I». Il en joue, mais Leonard Cohen n’est pas un gadget. Tu décroches aussi sec. Merci Dyer pour tout cet ennui. Il cherche tellement sa voie qu’il finit par se perdre et pourtant, son «For You Are The One» est à peu près le seul cut qui tienne la route, en dépit de cette voix si ingrate, de cet accent si tranchant. Avec The Falling, tu dérives dans un petit océan de cuts inutiles, ça pue le déjà vu à tous les coins de rue. T’en finis plus de maugréer.

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             Leur dernier rejeton s’appelle Nostalgia’S Glass. Tu retrouves le couple Dyer sur la pochette. Et tu découvres à la lumière des notes de pochette que le Dyer fait tout, avec un certain Leonard Kaage qui fait aussi de tout. Dès «Emilie», le Dyer chante au dark cold qui va pas bien. Avec «I Thought I Understood», on se croirait chez les Cure, ce qui n’est pas un compliment. Le Dyer plonge encore dans les ténèbres avec «Finite As It Is». Il a la voix qu’il faut pour ça. T’as l’impression de retourner 40 ans en arrière, dans cette scène des Inrocks ennuyeuse et prétentieuse. l’anti Royal Trux. Et puis voilà qu’avec «Another Country», il part en mode garage surf. Il bouffe à tous les râteliers et cette fois, il chante comme Peter Perrett, ce qui vaut pour un compliment. Mais le reste de l’album (sauf peut-être «Omsk Lullaby», très Bunnymen) c’est patacam/patacam. Très dark et inutile. Sœur Anne, vois-tu venir l’intérêt du haut de ta fenêtre ?

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             Alors Tyvek, c’est une autre histoire. Pur stripped-down post-punk du Michigan. Tu ne peux pas espérer plus stripped-down que Tyvek. Rien à foutre de jouer au fond d’une cave devant dix personnes. Ils jouent. Ils ruent bien dans leurs brancards. Sont quatre, le lead sous une casquette, un grand bassman, un mec superbe au beurre et une petite gonzesse à la rythmique, Les quatre Tyvek n’en ont rien à foutre. Ils te dépotent leur set vite fait. Durée moyenne des cuts : 2 mn. Comme dirait Wayne Kramer : raw and honest. C’est de l’honest stripped-down. Tu retrouves l’esprit des trois albums parus sur In The Red : c’est du brut de décoffrage. Le mec n’a pas de voix, mais il s’y connaît plus que toi en rock’n’roll, il s’appelle Kevin Boyer, il gratte ses poux sur une gratte usée jusqu’à la corde et chante tout ce qu’il a dans le ventre. C’est le lead historique de Tyvek, depuis 20 ans. Ces mecs ne traînent pas en chemin. Ils te polissent un chinois vit fait. Merveilleuse équipe avec ses cuts de bric et de broc, c’est le rock qui te parle, sans chichis, un rock ric et rac criant de vérité, un rock-in-the-face sans peur et sans reproche.

             Il faut aussi savoir que Greg Ahee de Protomartyr a fait des backing vocals pour Tyvek, et Joe Foster (chanteur de Protomartyr) les cite parmi les dix groupes qui ont le plus compté pour lui. Tyvek pas vu Mirza ?

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             Jolie pochette pour le premier album sans titre de Tyvek. Coup de pot, il est au merch, alors tu sautes dessus, rien que pour la pochette et ses petits personnages en pâte en modeler. Tu sauves trois cuts âpres sur Tyvek : «Summer Things» (gros foutoir, oui, mais gros foutoir de Detroit. Pas de voix, mais Detroit), «Stand And Fight» (pas de problème, même si pas de voix), et en B, «Building Burning (Re-ed)» (big fast Detroit punk avec un Kevin qui se jette bien dans la mêlée). Bon tu peux en rajouter un quatrième : «Hey Una», car c’est du fast punk bien franc du collier. Pas d’arnaque. What you see is what you get. Remember le vieux Wysiwyg d’Apple ? 

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             L’album suivant sort sur In The Red. C’est donc une consécration. Larry Hardy ne s’était pas trompé. Nothing Fits vaut en effet le déplacement. Ça blaste aussitôt «4321», c’est même un extra-blast de Punk’s Not Dead, sans doute le pire blast de l’univers connu des hommes, chanté à la belle éplorée, avec des chœurs de lads atroces all over the place. Ils réinventent le punk-rock. Et ça continue avec «Animal». Ce sont des fous. Rien à en tirer à part du blast. Ils mènent tous leurs cuts à l’abattoir. C’est du Detroit punk. Leur état s’aggrave encore avec «Future Junk». Aucun espoir de rédemption. Leur blast finit par confiner au génie avec le morceau titre. Une horreur de no way out, un vrai blast chanté à la vapeur de vape. Detroit is alive & well. «Outer Limits» est d’une rare violence. Bravo les gars ! C’est vraiment très puissant. Ils passent au stomp de pilon des forges avec «Underwater» et là tu y vas. Les Tyvek ont ça dans la peau. Il faut que ça gratte au sang.  

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             Ils sont toujours sur In The Red pour On Triple Beams, un album épouvantable, taillé à la cisaille de hard power du Michigan. C’est même tapé dans le crâne. On retrouve l’excellent Greg Ahee dans les backings. Son noisy et vainqueur. On entendrait presque le Capitaine Fracasse. Ils sont très posty-Post. Ça sent la régurgitation de va-pas-bien. Le gratté de poux est comme coincé dans son coin. Ces mecs ne jouent que des idées. Ils aiment bien le ventre à terre. Ils adorent se jeter dans les murs, ou dans les platanes, ce qui revient au même. Les gros coups de Jarnac se planquent en B, à commencer par «City Of A Dream», le cut ronfle comme un gros motor de Motor City. Et puis attention à «Midwest Basements», c’est bien explosé du coconut de noix de cageot, bien tapé à l’occiput de bar à putes, solo à la Damned, bien cavalé sur l’haricot. Avec «Efficiency», ils passent à l’hypno. Ils arrivent dans les parages de «Sister Ray». Le screamer fou jongle avec les thinking et les drinking, alors qu’une ahurissante bassline traverse le son. Et là tu cries au loup ! Ils terminent cet album partiellement faramineux avec «Returns», une sorte de blast final pour tous les Damned de la terre. 

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             On reste à Detroit et sur In The Red avec Origin Of What. Toujours ce son âpre, sec. Pas d’info. Seulement du son. Débrouille-toi. «Minor Image Of» est gratté aux poux secs. Le morceau titre est assez élégant, contrebalancé au je-m’en-foutisme, chanté par devant et par derrière. Assez moderne, Assez dedicated to you. «Choose Once» sonne comme du punk-rock de Manchester. «Can’t Exist» est une espèce de Detroit punk saturé d’adrénaline. Sinon, le reste de l’album souffre d’un léger manque d’inspiration. Ils trempent un peu trop dans la Post. Rien n’accroche en particulier, tout est compliqué, un peu âpre. L’«Underwater 3» de fin sonne comme du New Order (berk). Ça veut bien dire ce que ça veut dire.

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             Leur dernier album s’appelle Overground. «M-39» te rappelle que t’es à Detroit. Belle rage punk noyée de cymbales, vite fait, bien fait. En B, tu craques aussi pour «Trash & Junk», très X Ray Spec, avec un sax in tow. Excellent. Pour le reste disons qu’il s’agit de Detroit punk harsh sautillant, if you see what I mean. Very raw & very honest, comme dirait encore une fois Wayne Kramer. Ils jouent un punk-rock sans détour, sans peur et sans reproche. Kevin Boyer introduit tous ses cuts au riffing punk. Toujours pas de voix, mais c’est pas grave. On a encore un joli foutoir avec «U-Hauls» et un bassmatic en harmoniques. Ils sont infatigables et même indémodables. Terriblement échevelés. On note la belle dignité du morceau titre, qui referme la marche et t’accompagne vers la sortie.

    Signé : Cazengler, auto-naze 2024

    Isolation. Le 106. Rouen (76). 20 septembre 2024

    Underground Youth. Le 106. Rouen (76). 31 octobre 2024

    Underground Youth. The Perfect Enemy For God. Fuzz Club Records 2013  

    Underground Youth. Montage Images For Lust And Fear. Fuzz Club Records 2019

    Underground Youth. The Falling. Fuzz Club Records 2021

    Underground Youth. Nostalgia’S Glass. Fuzz Club Records 2023 

    Tyvek. Le Trois Pièces. Rouen (76). 5 novembre 2024

    Tyvek. Tyvek. Siltbreeze 2009

    Tyvek. Nothing Fits. In The Red Recordings 2010 

    Tyvek. On Triple Beams. In The Red Recordings 2012 

    Tyvek. Origin Of What. In The Red Recordings 2016

    Tyvek. Overground. Ginkgo Records 2023

     

     

    Inside the goldmine

     - Polis Magoos

             Grâce à Magou, tu te retrouvais dans les pires situations. Ce virtuose de l’embrouille tirait sûrement ses facilités de ses origines kabyles. Si tu montais un coup avec lui, tu pouvais être sûr que ça allait dégénérer. Et ça dégénérait. En arrivant dans un bidonville de Nanterre, ses parents qui sortaient tout juste du bled avaient sans doute flashé sur le mot ‘magouille’ pour choisir de l’appeler Magou. Il était en quelque sorte prédestiné. Magou était bel homme, sans doute la quarantaine, des yeux clairs comme en ont parfois les Kabyles, et un collier de barbe bien dru lui donnaient une allure hédoniste, ce qu’il n’était pas du tout dans la réalité. Comme nous autres, Magou était confronté à une réalité brutale qu’on appelle la pauvreté. Il avait vite compris qu’il ne la vaincrait pas, même en travaillant. Il tenta de jouer le jeu pendant un temps, avec une succession de petits jobs humiliants, puis il décida de prendre ‘le bouc par les cornes’, comme il le disait si bien. Il proposait d’aller l’argent là où il se trouvait.

             — T’es sûr que c’est une bonne idée, Magou ?

             — Ti vas voil. Plou besoin di faile les jobs de melde !

             Il entrait dans la banque et tirait dans le tas. Il sortait avec le sac de sport rempli à ras bord et on filait tous les deux sur la mobylette. Il acheta aussi sec un appart pourri rue Ordener à ses parents pour les sortir du bidonville. Puis il décida de rééditer l’exploit. Même scénario, mais cette fois, la roue arrière de la mobylette creva. Normal, avec le poids de deux bonhommes et le gros sac.

             — Mits-toi là sul le tlottoil, j’y vais lépaler la loue avé la sicotine.

             C’était incroyablement risqué. Il se mit néanmoins à démonter le pneu, il cracha sur la chambre pour bien situer la fuite et colla sa rustine. Au loin on entendait les sirènes. Il souffla sur la rustine pour faire sécher la colle, attendit un moment, et soudain, il vit quelqu’un à la fenêtre su rez-de-chaussée en face. Il sortit sa pétoire.

             — Attends-moi, j’y leviens...

             — Qu’est-ce que tu fous Magou ? T’es malade ou quoi ?

             — Faut pas laisser li témoins. Faut nittoyer li qualtier.

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             Alors on va se demander quel rapport existe entre Magou et les Magoos. Il est pourtant évident. Au même titre que les Blues Magoos, Magou n’avait aucune chance de s’en sortir. T’en as qui s’en sortent bien comme U2 ou les Pink Floyd post-Barrett, et d’autres qui sont condamnés à la poisse, en dépit de brillants efforts. On est là pour saluer les brillants efforts, car c’est tout ce qui compte.

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             Dans Shindig!, Peppy Castro et Ralph Scala se souviennent du bon vieux temps des Blues Magoos. Ah comme on était jeunes en ce temps là ! - People think too much. We were having a ball and living it 24/7 - Peppy Castro va vite devenir le leader des Magoos. Ralph Scala joue de l’orgue et chante sur les gros hits. Mike Esposito est lead guitar, et Geoff Daking bat le beurre. Le bassiste s’appelle Ronnie Gilbert. Ça se passe à Greenwich Village. Ils auditionnent pour Bob Johnston, qui allait produire Highway 61. Puis ils sont pris en main par Longhair Productions et se retrouvent sur Mercury.

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             Le premier album des Blues Magoos est donc un fier Mercury de 1966, Psychedelic Lollipop. On l’a rapatrié aussitôt après avoir découvert leur cover de «Tobacco Road» sur Nuggets, en 1972. Music Action vendait les deux premiers albums des Blues Magoos à des prix qui n’étaient pas raisonnables, mais bon, comme on les voulait, on cassait la tirelire. Psychedelic Lollipop est ce qu’on appelle communément un big album. On y retrouve bien sûr le «Tobacco Road» épinglé plus haut, ils le tapent au beat fast & furious, c’est excellent et en plein dans le mille. Les relances sont des modèles du genre. «(We Aint Got) Nothing Yet» ouvre vaillamment le balda. Scala fait des étincelles au chant. Quand on les voit sur la pochette, on comprend immédiatement que ces 5 New-Yorkais sont fascinés par Brian Jones. Fin de balda avec une autre belle cover, l’«I’ll Go Crazy» de James Brown, attaqué au shuffle d’orgue - Ooooh I love you too much - Cover énorme, profondément véracitaire. En B, ça chauffe de plus belle avec «One By One», belle pop d’allure martiale, on se croirait sur un album de Geno. Pas loin des Byrds, en tous les cas. Ils passent au heavy blues de someday baby avec «Worried Life Blues». Classique mais tapé à l’incestueuse. Et ils bouclent ce brillant bouclard avec «She’s Coming Home», une pépite de wild gaga new-yorkais, un gaga d’orgue bien tempéré, très soupesé, très entier, très enclin à l’enclume, assez précipité dans le mur, mais par petites vagues.

             Psychedelic Lollipop est l’un des albums les plus consistants du genre, nous dit Brian Greene, un Greene ironique qui affirme que les Magoos étaient plus du genre à vous envoyer leur poing dans le nez que de vous tendre un bouquet de fleurs, comme c’était la mode à San Francisco. New York punks.

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             Malgré sa belle pochette, Electric Comic Book est un album complètement raté. Ils proposent une pop psyché très passe-partout. Ils tentent le coup du ventre à terre avec «Life Is Just A Cher O’Bowlies», on sent une grosse ability, une aptitude maximale, puis ils tentent un coup de Jarnac avec une version étendue de «Gloria». La tension est palpable, c’est vrai, c’est joué à l’orgue, mais ce n’est pas assez ramassé et ça se délite au fil de temps. La B est encore plus catastrophique et il faut attendre la belle dégelée de «Rush Hour» pour reprendre espoir. C’est le hit du Comic Book.

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             Mine de rien, Basic Blues Magoos est un très bel album. Ils tapent dans les Move avec une cover d’«I Can Hear The Grass Grow», pas aussi belle que celle de The Fall, mais ils font comme ils peuvent avec leurs petits bras et leurs petites jambes. Le «Wanna Be There» qu’on trouve plus loin et très poppy poppah, ils sonnent vraiment comme des Anglais et dégagent une belle clameur mélodique. En France, on appelle ça un coup de génie. En B, ils retrouvent leur entrain poppy avec «There She Goes», un cut qui sort lui aussi de l’ordinaire. Nous voilà conquis comme la ville de Troie. S’ensuit «You’re Getting Old», un très beau balladif monté sur un beat d’heavy blues, avec un beau son de basse et de belles clameurs de chœurs de lads. C’est excellent, incroyablement tentateur, digne de Brian Wilson. Là, tu t’inclines respectueusement devant les petits Magoos. Ils reviennent au heartbeat anglais avec «Chicken Wire Lady». C’est bien vu, bien balancé des hanches.

             Basic est enregistré dans la baraque du Bronx qu’ils occupent, et qu’occupait avant eux Gram Parsons au temps  de The International Submarine Band. Quand Gram décida de partir à la conquête de l’Ouest, les Magoos se sont installés dans la baraque. Peppy se souvient que Gram lui a fait fumer du pot.

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             C’est uniquement la curiosité et le hasard des bacs qui nous conduisit à l’époque à écouter leur quatrième album, Never Goin’ Back To Georgia. Plus rien à voir avec les albums précédents. Ils attaquent avec une version d’«Heartbreak Hotel», aussi aventureuse que celle de John Cale, jouée au xylo. Leur «Heart Attack» est tellement groovy qu’il pourrait être enregistré à Muscle Shoals. Par contre, leur cover de «The Hunter» ne vaut ni Albert King, ni Free. Ils tentent le coup, mais c’est pas beau. Peppy s’égosille encore en vain avec «I Can Feel It (Feelin’ Time)». C’est du Southern rock de petite vertu. Nouvelle surprise en B avec un morceau titre digne de Santana. Peppy essaye encore de faire son white nigger sur «Brokendown Piece Of Man», mais il n’a pas les épaules pour ça. Il a plus de chance avec ce vieux classique de Soul qu’est «Nobody Knows You We You’re Down & Out». 

    Signé : Cazengler, Magooyeur

    Blues Magoos. Psychedelic Lollipop. Mercury 1966

    Blues Magoos. Electric Comic Book. Mercury 1967

    Blues Magoos. Basic Blues Magoos. Mercury 1968

    Blues Magoos. Never Goin’ Back To Georgia. ABC Records 1969

    Brian Greene : The president’s council on psychedelic fitness. Shindig! # 145 - November 2023

     

    *

             Parfois les choses simples s’avèrent complexes, normalement c’était juste une vidéo à chroniquer, z’oui mais quand c’est noir, c’est noir.

    IDENTITE PERDUE

    CLAUSTRA

    (Les Productions Ecorchées - 23 / 11 / 2024)

             Mon cœur de rocker s’est ému lorsque j’ai entraperçu cette jeune Andromède sans visage dans sa robe de vestale, seule debout sur un rocher émergeant d’une mer écumeuse sous un ciel noir. De ses veines tailladée son sang s’écoule, victime lamentable à son sort offerte. Fallait que je la sauve, toutefois me fallait en savoir davantage sur ce Claustra band sans pitié prêt à immoler une jeune fille innocente à la fureur d’un océan meurtrier.

             Après quelques recherches j’en suis arrivé à la conclusion que ce band apparemment claustrophile n’était pas un groupe mais une personne seule. J’ai eu du mal à poser un nom sur ce prédateur sans pitié, ce loup solitaire, ce sacrificateur commis de lui-même aux basses œuvres de la cruauté humaine. J’ai réussi à l’identifier : Victor Leveneur.

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             Sur les photos l’a l’air tout jeune, toutefois j’ai pu dater son premier forfait en 2016. L’a tout d’un ado adorateur métalophilesque  sur sa chaîne You Tube MeltingGuitar, vous le voyez guitare en main et grognements microphoniques en bouche, reprendre des morceaux de Gorgoroth, de Dissection, de Fraugth… Sur sa page FB l’on comprend qu’il revivifie un vieux projet et que l’année dernière…n’anticipons pas sur le passé, il est temps de se jeter dans l’eau pour sauver cette jeune innocente subissant les insatiables assauts de Poseidon l’ébranleur de la terre et des âmes qui vivent à sa surface…   

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      Doomed : avec un tel titre vous savez au moins où vous mettez les pieds, après les premières giclées de guitares vous êtes cueillis par des ébrouements phoniques de sanglier surpris dans sa bauge, de quoi assurer une retraite stratégique, toutefois si vous restez stoïquement debout vous commencez par saisir comme en sourdine une certaine dimension mélodique en l’avalanche sonique qui fond sur vous, bonne intuition, vous voici en une ballade mélancolique empreinte d’une certaine langueur, évidemment vous vous en doutiez, le monstre se réveille et vous emporte dans une cavalcade infinie, le cercle de fer du destin vous emprisonne, vous vous consolez tout de même car parmi cette fureur vous percevez la beauté d’une soloïté infinie. Identité perdue : triste boucle guitarique, rien de plus tragique que de se perdre soi-même, c’est la folie qui surgit sur vous et vous étreint de son cercle serpentique, vous êtes dans la fosse aux lions et les morsures qui vous atteignent sont d’autant plus cruelles que c’est vous qui vous les infligez, un tourment sans fin et cyclique, dépressif et vous vous rapprochez de la solution finale, oppressif et vous vous débattez contre vous-même, une belle mise en scène orchestrale, une guitare qui se débat toute seule comme un scorpion qui cherche à planter le poignard de son dard dans son dos, sans y parvenir. Abandonnement : pas dépressifs, tâtonnements à l’intérieur de soi-même, comme si l’on allait le cœur brisé porter un bouquet de fleurs fanées sur sa propre tombe, ce qui n’empêche pas le vent de la colère contre soi-même de vous assaillir, car votre instinct de survie se joint à celui de votre mort, vous êtes au bord de l’abîme et vous vous battez contre vous-même pour vous jeter dans le vide, une glissade sans fin que votre esprit se plaît à imaginer, il est vrai que tout se passe dans votre tête, que votre psyché est devenu le théâtre cosmique de la chute du soleil de vivre dans les torpeurs tourbillonnantes de l’océan des turpitudes mortelles, Victor hurle avec la voix de l’ogre qui va dévorer le petit enfant perdu que vous avez toujours été, il tente de vous finir à coups de pelles riffiques, mais sans doute est-ce vous qui vous distillez ce supplice mental, êtes-vous mort, êtes-vous vivant, quelle différence ? Through the woods : rien n’est plus triste que d’errer sans fin dans les bois spectraux d’arbres squelettiques dont les branches acérées vous griffent le visage, criez, hurlez, tant que vous le voulez, n’oubliez pas que vous tournez en rond en vous-même, que rien ne vous sauvera puisque vous êtes perdu dans vos propres et sales pensées, elles forment une barrière poreuse mais infranchissable, vos blessures, intérieures et charnelles purulent, vous vous n’êtes jamais égaré si loin au fond de vous-même. Descente aux enfers : à force de chercher l’on trouve, vous êtes sur le bon chemin, le noir, celui qui descend, celui de la pente infernale, déjà vous entendez le hurlement du chien féroce, et vous descendez les marches en courant, pour un peu vous glisseriez et vous vous fendriez le crâne sur une marche, reprenez-vous, vous n’allez tout de même pas perdre votre vie avant d’avoir atteint le fond du fond, ne serait-ce pas cruel si près de Styx, soufflez, courage et détermination, il est interdit d’abandonner si près du but, le vocal vous raille et vous admoneste, il vous pousse dans le dos vers la destination finale. Sorrow I : vous avez réussi, vous avez franchi la porte fatidique, le problème c’est que de ce côté-ci ce n’est pas très différent de celui que vous venez de quitter. Une douce guitare vient à votre secours, elle vous console, elle vous caresse, tout compte fait vous n’êtes pas si mal que cela dans la prison dans laquelle vous vous êtes enfermé. Bear the pain : tant pis pour toi, le monde n’est pas un lit de roses, supporte les épines que tu sèmes et plantes en toi-même, que peut-on faire pour toi sinon te regarder avec un sourire sardonique et réaffirmer ces quatre vérités que quelque part tu chéris, il faut appuyer là où ça fait mal, soit pour que le chagrin s’immisce jusque dans le calcaire de tes os, ou pour que le mal ressorte comme les bubons suintants d’un lépreux consentant. Une certaine jouissance à te faire du mal, par toi-même et par les autres à se moquer de toi à t’obliger à te mirer dans le miroir de leurs paroles désobligeantes. Le monde est un énorme comprimé de souffrances dans lequel tu mords à pleines dents. Sorrow II : et te voici replongé en toi-même, entre les hauts-murs de ta souffrance, tu erres et tu te frappes la tête contre les briques de ton enceinte fortifiée. Faible espoir : il n’est point de prison dont on ne s’évade pas, tout labyrinthe possède une entrée qui est aussi une sortie, guitare et vocal crient leurs encouragements, à toi de jouer, à toi de remonter la pente, laisse-toi guider par tes pieds si ta tête est encore incapable d’échafauder une quelconque idée d’évasion, l’instinct est plus fort que la pensée, laisse-le faire, suis-le, dernière chance, elle ne reviendra pas, tire-toi de ton bourbier, sors-toi de ton marécage, extirpe-toi de la lagune aride de la mort, bande toute ta volonté pour te désenliser de ton cloaque, l’espoir est faible mais ne pense pas que ta faiblesse soit ton espoir. Dull : tu en es là, un couteau émoussé qui ne peut trancher le cuir épais et coriace de la vie qui te résiste, de laquelle quel tu t’es retranché, à toi de fournir l’effort désiré, à moins que tu ne le désires pas, si tout est en toi, le rien fait aussi partie de toi, sois ou ne sois pas, tu as posé ce revolver sans balle sur ta table de nuit, regarde dans le tiroir il contient un chargeur, à toi de l’armer si tu veux, ou de t’armer contre toi-même, toi seul tu sortiras du piège dans lequel tu t’es laissé tomber et que tu t’étais tendu.

             Nous laissons donc notre égérie symbolique, sur son rocher nous y reviendrons bientôt. Plongeons-nos dans le trouble passé de ce trublion troublant. L’est certain que sa guitare nous a remué, mais continuons notre enquête.

     

             En décembre 2023 le groupe Once Upon the  End dans lequel officiait Victor Claustra a sorti un EP quatre titres, Archives 200, dont un enregistré avec leur ancien membre adepte de la claustrophobie.

             Je ne voudrais pas être méchant mais sur la couve z’ont l’air de pirates particulièrement dangereux. J’adore les pirates, rien qu’à leur look je les ai retenus d’office pour la livraison 669. En attendant penchons-nous sur :

    WE ARE THE DEAD

    ONCE UPON THE END

     (Featuring Claustra)

    Excusez le jeu de mots :  des deadfaitistes, ce n’est pas de leur faute, la situation est grave, je ne vous fais pas un dessin, vous la connaissez autant que moi, que nous soyons en situation pré-ou-post-apocalyptique ça ne change pas grand-chose. Ce petit topo pour vous mettre dans l’ambiance, elle n’est pas morose, elle est mort au rose des jours heureux.

     Ezalyr & B0rn : vocal / Koal : guitare rythmique / Loerk & B0rn : guitare solo / Groly : basse  / Tentrom : batterie.

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             Une guitare aussi morne que la plaine de Waterloo, tout de suite après une explosion brutale mais pas féérique, plutôt feu horrifique et des growlements, des grognements de bête humaine acculée dans le cul de basse-fosse du monde, une rythmique bulldozer qui concasse en graviers sanglants les espoirs que vous n’avez plus, des explosions horrifiques et une guitare nostalgique sur un chant aussi fragile qu’un souvenir estompé  qui revient fou de rage et d’impuissance, l’impression que tout s’écroule, que tout est définitivement achevé, une voix se fraie un chemin parmi les décombres de la moulinette, presse-purée, les consciences sont passées à la moulinette de l’impuissance rien ne sert de crier, il est trop tard, non seulement nos enfants ne nous sauveront pas mais ils nous précipiteront dans la gueule ouverte du Moloch, tous engloutis dans le feu de la destruction pure. Mieux vaut être mort.

     

             Victor Leveneur alias Claustra ne s’arrête pas en si bon chemin, il fait aussi partie d’un autre groupe qu’il qualifie de toujours actif, qui n’a à ce jour sorti qu’un seul EP :

    FIEVRES SEPULCRALES

    GRISI SIKNIS

    (Black Metal Production / Mai 2019)

    Victor Leveneur : guitares, basse, programmation / Ludovic Lafferayrie : vocal.

             Grisi Siknis ou fièvre de la jungle est le nom que le peuple Miskito d’Amérique centrale donne à ces espèces de crises de folie communicatives dont sont victimes les jeunes filles qui pensent être agressées et violées par des esprits diaboliques… Il existe toute une littérature médicale et psychologiques sur ces phénomènes que l’on retrouve sous des formes plus ou moins voisines chez de nombreux peuples. En France au dix-neuvième siècle l’on a souvent parlé de crises d’hystérie, ce terme est aujourd’hui amplement remis en question…

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             Une pochette éloquente. Un oiseau de mort point perché sous un arbre tenait en son bec les germes invisibles de la mort. L’existe une autre image, est-elle censée évoquée les deux membres du duo ou est-elle pour rappeler que deux augures qui prophétisaient la mort ne pouvait se regarder sans rire.  Plus doctement nous  rappellerons  que les masques d’oiseau que portaient les médecins qui tentaient de soigner les malades de la grande peste médiévale étaient emplis d’un mélange thériaquite peu ragoûtant d’herbes médicinales et d’autres substances inquiétantes afin de protéger leurs voies respiratoires des miasmes délétères qui empoisonnaient l’air.  Imaginativement ces becs pointus évoquaient les oiseaux voletant autour des gibets dans l’espoir de gober les yeux des pendus.

    Grisi Siknis : l’on reconnaît la guitare noire de Victor secondée par une boîte à rythme méchamment efficace, bref Victor fournit la toile de fond mais c’est la voix de Lucdovic qui distille le poison à foison, elle vous prend, s’infiltre à vous et ne vous lâche plus, une marque infamante dont vous ne pouvez vous débarrasser, d’ailleurs vous n’en n’avez aucune envie tellement vous êtes plongé dans ce point central non pas celui dans lequel les contraires s’annulent, mais celui où la folie et la mort se rejoignent et s’emboîtent si parfaitement que vous ne savez plus laquelle des deux est le corridor qui donne accès à l’autre. Goûtez le rire des possédés, c’est une denrée ouïstique assez rare qui conjugue orgasme et over game. Necromorphose : l’entrée en matière évoque le clopinement amblique d’un alezan maladif, mais l’orange vire vite au noir, est-ce le destrier noir de la mort qui se dirige vers vous, à moins que ce ne soit la pouliche safranée qui vous atteindra en premier, le terme de nécromorphose porte les germes d’une double avanie, signifie-t-il que vous êtes la proie d’un bacille meurtrier ou victime d’une rupture psychologique. Est-ce la mort qui s’avance sur vous ou votre volonté secrète qui vous pousse vers propre folie. Entre deux maux, choisissez les deux. Ce qui est sûr, c’est que le rythme vous entraîne et vous pousse en avant.  Stigma : horreur absolue, votre âme pleure car sur votre chair fleurit le stigmate infâme qui vous sépare des vivants et vous isole des morts, vous êtes dans l’entre-deux, goûtez la guitare qui met un mollo sur sa hargne et la voix implacable qui tranche net vos illusions, vous êtes au point de séparation, sur le sentier de crête, le moment où l’esprit vacille telle la quille d’un navire qui ne sait de quel côté il va sombrer, l’instant où le corps se tord en un rapport onaniste, en un suprême désir de survivance… Vous êtes marqué au fer rouge de vos incapacités à ne pas savoir ce que vous voulez être. Ou ne pas être. Abysses : averse tsunamique de guitares et hurlements de terreur, tu erres dans les abîmes de la déréliction, au plus profond des gouffres océaniques de la perdition, adoucissement une voix résonne, l’eau de la folie submerge ton cerveau qui flotte tel un iceberg à moitié fondu, pas de pitié, les moines prient pour ta surmort, ici c’est la société qui te condamne, tu te méfies d’elle et tu te fies encore à toi, mais pour combien de temps hallucinatoires, n’est-ce pas le degré absolu de la démence de se prendre pour toi et pour tous ceux que tu n'es pas. Fièvre noire : vous allez haïr Ludovic et son vocal comminatoire, le grand inquisiteur de ta conscience sur le point de se perdre en elle-même, par contre Victor vous séduira, il tisse des festons et tricote des dentelles, c’est beau, c’est doux, c’est lyrique, c’est ensorcelant, Ludovic t’interdit le chemin du retour vers la folie, Victor te pave le chemin de l’enfer de tes meilleures intentions. La fièvre noire terminus.  Black fever for ever.

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             Si vous aimez le black and death metal, vous aimerez Grisi Siknis à mort.

     

             Nous n’en avons pas fini avec la couve d’ Identité perdue de Claustra. Elle est créditée : L’œuvre au noir. La curiosité est un vilain défaut. Je prends mes claques et je clique. Je tombe sur L’œuvre au noir, full lenght album sorti en juin 2024 du groupe français Brüle, je ne suis pas satisfait, clic-clic-clac-clac-cloc-cloc-cluc-cluc- cthulhu… et là je tombe sur le graal.

    LA FIN DE SATAN

    L’ŒUVRE AU NOIR

    ( Bandcamp / Mai 2024)

             Le titre me foudroie. La Fin de Satan, peut-être le recueil de poésie le plus puissant de la grande lyrique française, œuvre inachevée mais totalement accomplie de Victor Hugo. Un de mes textes essentiels, j’y ai déjà fait allusion à maintes reprises dans diverses chroniques sur le black metal ou de noires K7 underground qui ne se revendiquent pas du courant métallique.

             Reste à connaître ce groupe qui ose s’attaquer à cet Himalaya noir. Je pousse un deuxième rugissement de joie. Je connais.

             L’œuvre au noir est un duo composé d’ :  Erszebeth : chant + all Instruments et de G.H.O.S.T : all instrument.

             Nous les connaissons déjà sous l’appellation : Stupor Mentis. Nous avons consacré trois chroniques à leur adaptation du Prometheus Unbound de Percy Bysshe Shelley : voir 478 du 01/ 10 / 2020  -  495 du 28 / 01 / 2021 – 506  du 12 / 10  / 2021. La livraison 480 du 12 / 10 / 2020 est dévolue aux peintures d’Erszebeth, et dernièrement la 645 du 16 / 05 / 2024 a rendu compte de leur version du poème Darkness de Lord Byron.

             Le Diable a horrifié le Moyen-Âge, en 1667 John Milton publie en Angleterre, pays romantique par excellence, Lost Paradise. Etait-ce la volonté de Milton mais sa présentation de Lucifer dresse le portrait d’un personnage fascinant. Pour s’opposer à Dieu un grand courage est nécessaire, le Révolté qui se lance dans une entreprise condamnée d’avance n’est-il pas un héros malheureux envers lequel, malgré sa défaite, ou à cause de celle-ci, lecteur ne peut s’empêcher d’éprouver admiration et sympathie. Le livre sera traduit en 1831 par Chateaubriand. Ce n’était pas la première traduction parue en France, mais jusqu’à la fin du dix-neuvième  siècle ce fut celle qui prévalut. Qui marqua les esprits et induisit les intelligences curieuses à se tourner vers la figure controversée du Diable

             Le romantisme français n’a pas échappé à l’attrait exercé par Lucifer.  L’esprit français est tant soit peu philosophique ou du moins épris d’un certain besoin de clarté et de rationalisation. Pays de Descartes et de Voltaire. Le premier estime que Christianisme et Raison ne se contredisent pas. Entendez les ricanements du second.

             En 1824 Alfred de Vigny met le feu aux poudres en publiant un poème en trois chants, aujourd’hui hélas bien oublié, Eloa, ou La Sœur des Anges. Mystère. C’est en ce dernier mot que réside le poison. Car l’Histoire racontée est des plus compréhensibles : Eloa, toute belle, toute pure, toute innocente tombe amoureuse d’un beau ténébreux qui se révèlera être Lucifer qui l’emportera avec lui en Enfer… Histoire morale, pas de quoi fouetter un chat s’exclameront les esprits contemporains. Oui, mais le problème est ailleurs : pourquoi Dieu permet-il qu’un être innocent soit séduit sans que Lui qui est Amour y mette son véto ? Si Dieu est le bien, pourquoi laisse-t-il  le mal agir en toute liberté ? Pour Vigny Dieu ne propose aucune explication, l’athéisme sera la réponse de Vigny au silence de Dieu… Or si l’on refuse Dieu, c’est enlever au Trône sa légitimité qui repose sur la volonté de Dieu… Tremblement de terre politique…

             Alphonse de Lamartine fut le principal rival de Victor Hugo. Leurs destins offrent quelques similitudes, tous deux sont poëtes, tous deux exercèrent des fonctions politiques historiales qui ne furent pas sans effet sur la France. Lamartine publie en 1838 une vaste épopée La Chute d’un Ange (quel hasard !) qui devait être incluse et suivie d’un immense poème : Les Visions dont il ne reste que quelques fragments. Du christianisme Lamartine ne garde que la figure d’un Dieu bon par nature, mais il refuse le dogme clérical, notamment l’idée de l’Enfer et du Diable…

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             En 1854, Victor Hugo s’attelle à deux vastes poèmes qui doivent couronner La Légende des Siècles, histoire de l’Humanité, La fin de Satan et Dieu (aussi nommé : Solitudines Coeli), le premier est le poème de la chute autrement celui de l’explication de l’existence du Mal, le deuxième celui de la remontée de l’Homme en l’Idée de Dieu. En 1859 et 1860, il reprendra les deux manuscrits, mais il les laissera inachevés… Ils ne seront publiés qu’après sa mort.

             Le lecteur qui veut comprendre le système philosophico-religieux hugolien sans perdre trop de temps se contentera de lire le sonnet Vers Dorés de Gérard de Nerval qui synthétise les milliers de vers d’Hugo en deux quatrains et deux tercets. Nerval, le plus secret de nos romantiques, a aussi exprimé à sa manière le sentiment de la béance d’incomplétude générée par les religions antiques et monothéistes. Que croyez-vous que sont Les Chimères… Mais ceci est déjà une autre histoire.

             Vu de nos jours ces écrits peuvent paraître surannés ou anecdotiques, ils furent en leur époque d’immenses coups de boutoirs, souterrains certes, aux conséquences d’ordre avant tout politique. Il est bon de les relire aujourd’hui, trouble période où le retour du religieux s’insinue d’une manière de moins en moins discrète dans le domaine du politique. Comme, accroché à des serres prédatrices, le serpent venimeux se débat et tente d’étouffer l’aigle qui l’emporte pour l’offrir en pitance à ses oisillons.

             Lucifer, le porteur de lumière, qui s’oppose à la puissance de la totalité totalitaire du Seul Dieu est devenu dans l’imagination populaire le Rebelle par excellence, celui dont on aime à se rallier d’une manière ultra-symbolique dès que l’on entre en conflit avec l’ordre du monde qualifié d’injuste. L’appel à Lucifer reste souvent sans effet, certains esprits afin de lui donner davantage de force, puisque la lumière luciférienne s’avère non opérative, se rabattent alors sur sa puissance satanique et ombreuse… Beaucoup de groupes de metal usent de cette ambivalence luciféro-satanique… A la connaissance lumineuse et exotérique l’on préfère  les couloirs obscurs des savoirs et rituels ésotériques. En exil d’abord à Jersey où il prépare la publication des Contemplations puis réfugié à Guernesey dans sa demeure de Hauteville house battue par les vents et les tempêtes, en même temps qu’il remet en chantier La Chute de Satan, Hugo fait tourner les tables, c’est sa manière à lui de se pencher sur le gouffre insondable et de faire parler ce qu’il appelait la Bouche d’Ombre…

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    Hors de la terre : une chute sans fin, l’on se prend à rêver que cette ouverture qui ne dure guère  plus de quatre-vingts secondes ne s’arrêtât jamais, il nous aurait fallu au moins deux ou trois éternités pour  prendre conscience de la malhonnêteté de la Chose ontologique qui tombe, il est vrai que nous sommes quelque part en l’espace éthérique sur lequel le temps n’a aucune prise, c’est l’Adversaire qui choit au fond du gouffre, pensons que cet abysse sans fin communique avec le puits infini de notre âme… Nous sommes au plus noir de ce que les alchimistes nommaient l’œuvre au noir, avec cette différence essentielle que Satan ne peut pas mourir.   Comment traduire en musique ce qui normalement devrait s’apparenter au silence le plus absolu. Nulle tonitruance ne saurait rendre compte de cette annihilation métaphysique. Ce sera donc un bruit, un sifflement, des échos de présence, des grondements, du vent, des voix et puis plus rien. Une césure. Et nox facta est : le terme précédent pour rappeler que nous entrons dans le royaume de l’alexandrin, dans le texte sacré, enfin plutôt maudit, d’Hugo, mais nous voici en un autre pays, celui du Black Metal qui n’entend faire aucune concession aux pompeuses modulations des récitations ampoulées, déferlance éructative, une rythmique sans pitié, n’empêche que si vous êtes attentif vous entrez dans le texte, certes il n’y a plus la rime mais il y a le crime, et cette voix douce d’Erszebeth tendue comme branche secourable pour arrêter la chute du Titan qui en profite pour ricaner à la face lointaine de Dieu,  la chute recommence, le rythme s’alentit, car lorsque l’on chute dans l’infini que votre chute approfondit, la vitesse n’a plus de sens, vous êtes en même temps en mouvement et comme en suspension… Si vous ne comprenez pas, ce n’est pas de votre faute, c’est que le monde s’est obscurci, par votre propre faute. Le grand banni : turpitude phonique, rien ne sert de crier, Erszebeth chuchote, les vers sortent de sa bouche comme si elle était morte sous une énorme motte de terre dans la tombe, nous sommes au cœur du drame, Satan prend son parti, il a peur mais déjà il délimite son royaume, les sonorités funèbres de violoncelle computérisé entrecroisées dépeignent le noir qui envahit son royaume, vocal âpre comme éjaculé par une gueule de vipère satisfaite de sa cruauté, Erszebeth raconte une terrible histoire, elle insiste, elle parle à Satan comme s’il était un enfant privé de dessert, elle a pris une exécrable voix de sorcière, mais la punition est terrible, lui le porteur de lumière vivra dans un immense cachot aux murs teintés de la plus profonde obscurité. Il ne frappe pas à la porte, n’est-il pas lui-même la porte qu’il a refermée sur lui-même, il court vers l’infime étincelle de lumière, elle est là-haut, à des hauteurs inimaginables, alors lui qui a chuté prend son vol vers cette dernière lueur. L’archange, qui n’est pas un ange, ne chute plus, il monte. La ruée vers la nuit : Erszebeth a gardé son timbre d’ogre qui raconte l’histoire du Petit Poucet a des enfants perdus dans la nuit qu’il a recueillis, accompagnement mélodramatique, un océan de turpitude dont les vagues infinies et perpétuelles se suivent dans une immense horreur, Satan est au plus profond de son trou, il remonte, va-t-il implorer la pitié, non c’est au creux extrême de sa déréliction qu’il monte vers le dernier luminaire de son univers qu’il  accepte son sort, cette lumière espérée il lui souffle dessus comme Cioran essayant dans ses livres d’éteindre l’impitoyable bougie de l’être,  étrangement cette scène fébrile débitée implacablement semble être transcrite en tant qu’une  statufiante photographie vocale afin d’en traduire la perpétuité, pour enfermer Satan dans sa déchéance et le retenir prisonnier dans son infatigable combat contre la lumière de Dieu.  L’âpre abîme : hachis accéléré, c’est le jeu du chat et de la souris, Satan tente de rattraper le soleil qui s’éloigne dès qu’il s’approche de lui, nous sommes au cœur de l’action, des voix psalmodiantes s’élèvent comme le son de l’harmonica dans Il était une fois dans l’Ouest, point de vocal, rien que la noirceur des fleurs d’abîmes que sont le son des violoncelles, gargarismes de gorges en feu, Satan va-t-il arriver à ses fins, il atteint l’astre évanescent, il est au sommet d’une haute montagne, il lui a fallu plus de dix mille ans pour y parvenir et être ainsi à la portée de sa proie… La mort du soleil : la fin de l’histoire sordide, la mort du soleil, presque le Crépuscule des Dieux, pas de chant, des contre-chœurs oui, sépulcraux, procession funeste, le chat n’attrapera pas la souris, le soleil ne veut pas mourir, il se débat, Satan impuissant ne peut qu’assister à sa longue agonie, l’astre se se tord, il n’entend point laisser la place à la nuit, lui aussi n’est-il pas un porteur de lumière, mais lorsqu’il s’éteint ce n’est pas l’obscurité qui l’emporte, mais quelque chose de plus hideux, informe et infini : le néant. Au bord du gouffre où rien ne change : rien ne sert  d’avoir tout perdu, encore faut-il savoir et regretter ce que l’on a perdu. Un trait de lumière tel le testament de l’astre mort, la lumière éblouissante, serait-ce le retour espérée, tout y concourt et le rythme effréné et cette voix accélérée, long passage comme si l’astre en son zénith allait s’arrêter, cri de désespoir la lumière retombe, le royaume de Satan sera celui de l’obscurité, la lumière est l’apanage du ciel de Dieu, le partage est établi, nous sommes au plus profond du noir, au plus profond du désespoir, seule palpite une dernière plume brillante échappée d’une des ailes de l’ange déchu. Promise à l’abîme. Le sage : tempête de violoncelles, nous sommes au cœur du désespoir, le sage ne désigne pas Satan, mais l’Homme, du moins les meilleurs d’entre eux, les sages, qui eux aussi  sont victimes du même désespoir qui étreint l’âme perdue de l’archange déchu. Murmures imprécatifs, accompagnés des trompettes du jugement premier, celui que le Sage porte sur le mystère insondable de l’univers, toutefois il suppute l’existence de quelque chose de terrible, d’un secret, d’une explication qui serait à l’origine de cette nihilisation de tout effort de penser, se pencher sur l’abîme d’inconnaissance absolue n’apporte aucune connaissance. Comme si elle était interdite. Le lépreux : la parole est au lépreux. Il décrit son cas. Lui aussi a une voix de serpent, celui qui  rampe dans sa laideur, qui se trémousse dans la fange, le rythme le hache menu, est-ce de sa faute, mérite-t-il son sort, les hommes le haïssent, Dieu l’a oublié, la beauté de la terre n’est pas pour lui, le morceau se termine sur un grondement sans fin, l’écho d’un train qui s’enfuit dans la nuit… Mais où est Satan. Celui qui s’est opposé  à Dieu et dont le lépreux ne parle point, sait-il seulement qu’il existe, peut-être pense-t-il que son sort à lui de banni sur la terre est plus difficile que celui de l’Adversaire qui est tout de même le maître de l’Enfer. Il est tombé bien bas, mais il a côtoyé Dieu. Il est une légende vivante. Le lépreux enfermé dans sa chair pourrissante a d’autres chats à fouetter. Il rejette la responsabilité de sa déchéance sur Dieu, il n’a pas fait la relation entre la chute de Satan et le Mal qui s’est répandu sur terre. La plume de Satan : ce texte n’est pas le dernier de La Fin de Satan. Il se situe encore dans Hors de la terre. Dans la partie mythologique, si l’on ose employer ce vocable, du recueil. Nous sommes pourtant sur l’arête de sa déclivité. Dans les autres parties nous descendrons du côté des Hommes, Dieu ne sera plus le Dieu mais le Verbe évangélique. Pour le moment l’heure est grave, la plume tombée de l’aile de Satan, palpite et les anges du Paradis descendent la voir et admirer à travers elle la lumière du Porteur de lumière qui était l’égal de Dieu puisqu’il s’était attaqué à Dieu, même si Lucifer s’est transformé en Satan, ce deuxième avatar fascine autant que le premier, peut-être davantage, de la plume naît un ange que la voix de Dieu baptise Liberté. N’est-ce point-là pour Dieu la reconnaissance de tout être à choisir librement ses actes, fût-il de s’opposer à lui. Une espèce d’abdication morale de renoncement à sa toute-puissance. Ce finale est prodigieux. Il allie force tempétueuse et éplorations implorantes. Même vaincu, du fond de son royaume infernal, l’esprit de Rébellion de Satan fait des émules. Dieu a du souci à se faire.

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             La suite au prochain numéro, constituera-t-elle un deuxième album de L’œuvre au Noir. La principale difficulté d’une adaptation d’un tel texte était de s’aventurer dans une émulsion néo-classique, même en restant dans le domaine du rock il était facile de tomber dans le grand style pompier des reconstitutions épiques maladroites. Ils ont préféré, proféré, s’approcher d’une œuvre aussi démesurée, en restant eux-mêmes tout en se mettant à son service. Sans rien renier de leur démarche qui consiste de se mesurer aux falaises rayonnantes de la poésie, entre autres romantique, afin de réaliser l’œuvre au rouge de l’alliance granitique de la culture populaire avec celle dite classique, savante, voire stupidement dénigrée sous la stupide accusation d’élitisme.    

             Même si c’est un premier album, l’on peut décréter qu’Erszebeth et G.H.O.S.T. ont su rester fidèles à l’esprit de Stupor Mentis, créé en 2015, arrêté en 2021. Nous apparaissent comme une figure de proue intensément originale du renouveau du black metal.

    Damie Chad.